Ressources Minières en Afrique

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RESSOURCES

MINIÈRES
EN AFRIQUE
Centre de recherches pour le développement international
BP 8500, Ottawa (Ontario) K1G 3H9, Canada
[email protected] / www.crdi.ca
ISBN 978-1-55250-487-1 (édition électronique)

PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC


Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450
Québec (Québec) G1V 2M2
Téléphone : 418-657-4399 • Télécopieur : 418-657-2096
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FRANCE BELGIQUE AFRIQUE


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RESSOURCES
MINIÈRES
EN AFRIQUE
QUELLE RÉGLEMENTATION
POUR LE DÉVELOPPEMENT ?

Sous la direction de BONNIE CAMPBELL

Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA)


Faculté de science politique et de droit
Université du Québec à Montréal (UQAM)
Bonnie Campbell, Gisèle Belem, Marie Mazalto et Bruno Sarrasin

Avec la collaboration de Thomas Akabzaa


Département de géologie
Université du Ghana, Legon

Presses de l’Université du Québec

Centre de recherches pour le développement international


Ottawa ● Le Caire ● Dakar ● Montevideo ● Nairobi ● New Delhi ● Singapour
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec
et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :


Ressources minières en Afrique : quelle réglementation pour le développement ?
Traduction de : Mining in Africa.
Comprend des réf. bibliogr. et un index.
Publ. en collab. avec : Centre de recherches pour le développement international.
ISBN 978-2-7605-2521-4
1. Mines – Industrie – Afrique. 2. Mines – Droit – Afrique. 3. Mines – Industrie – Aspect
de l’environnement – Afrique. 4. Mines – Politique gouvernementale – Afrique.
5. Ressources minérales – Afrique. I. Campbell, Bonnie K., 1946- . II. Centre de recherches
pour le développement international (Canada).
HD9506.A372M5614 2010 338.2'096 C2010-940899-3

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement


du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada
pour nos activités d’édition.
La publication de cet ouvrage a été rendue possible
grâce à l’aide financière de la Société de développement
des entreprises culturelles (SODEC).

Intérieur
Mise en pages : Interscript

Couverture
Conception : Richard Hodgson

1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2010 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
© 2010 Presses de l’Université du Québec
Édition originale : Mining in Africa : Regulation and Development
© Bonnie Campbell 2009 published by Pluto Press, Londres, <www.plutobooks.com>

Dépôt légal – 3e trimestre 2010


Bibliothèque et Archives nationales du Québec / Bibliothèque et Archives Canada
Imprimé au Canada
REMERCIEMENTS

Cette étude a été réalisée par Bonnie Campbell, Thomas Akabzaa, Gisèle Belem,
Marie Mazalto et Bruno Sarrasin, qui sont membres du Groupe de recherche
sur les activités minières en Afrique (GRAMA), une composante de la Chaire
C.-A. Poissant de recherche sur la gouvernance et l’aide au développement. Le
GRAMA est également rattaché à l’Institut d’études internationales de Montréal
(IEIM) et à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM). Bonnie Campbell est professeure d’économie politique
au Département de science politique de l’UQAM, Bruno Sarrasin est profes-
seur au Département d’études urbaines et touristiques à la même université, et
Thomas Akabzaa est professeur et directeur du Département de géologie à l’Uni-
versité du Ghana, à Legon. Marie Mazalto et Gisèle Belem sont toutes deux
titulaires d’un doctorat de l’UQAM, respectivement en sociologie politique et
en sciences de l’environnement.
Ce livre est le résultat d’un programme de recherche d’une durée de trois
ans (2004-2007) intitulé « Industries extractives et développement durable en
Afrique : évaluation des réformes et recommandations de politiques », rendu
possible grâce à la contribution financière du Centre de recherches pour le déve-
loppement international (CRDI) du Canada. Nous tenons à exprimer notre
sincère gratitude au CRDI.
Nous aimerions également témoigner notre gratitude à Damien Hatcher
ainsi qu’à son équipe, pour leur travail soigné de traduction vers le français.
Nous souhaitons remercier Myriam Laforce pour son travail méticuleux
et son aide inestimable lors de la finalisation de ce manuscrit, ainsi que Sarah
Elola pour sa patiente relecture et mise en forme des épreuves.
Nous aimerions témoigner toute notre reconnaissance à Gisèle Morin-
Labatut du CRDI pour sa confiance et le soutien qu’elle a apporté à notre travail
au cours des années.
Nous souhaitons également remercier le CRDI pour son généreux soutien
en ce qui a trait à la traduction de cet ouvrage.
TABLE DES MATIÈRES

Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii
Acronymes et abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xiii
Liste des cartes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xvii
Liste des figures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix
Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxi

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Bonnie Campbell
1. Les chapitres de ce livre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1. Promouvoir une gouvernance favorable aux pauvres . . . . . . . . . . . . . 11
1.2. Atténuer les impacts sociaux et environnementaux nuisibles . . . . . . 13
1.3. Respecter les droits humains et éviter les violations
dans ce domaine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2. La réponse de la Direction de la Banque mondiale à l’EIR . . . . . . . . . . . . . 16
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Chapitre 1
Exploitation minière au Ghana : répercussions sur le développement
économique et la réduction de la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Thomas Akabzaa
1. Portrait du secteur minier au Ghana. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.1. La richesse minière du Ghana n’est pas remise en cause,
c’est son impact sur l’économie nationale qui l’est. . . . . . . . . . . . . . . 27
1.2. Efforts gouvernementaux pour la promotion du secteur minier. . . . . 31
2. Vue d’ensemble des éléments fiscaux de la législation minière .
du Ghana. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.1. Loi sur les minerais et les mines (PNDCL 153). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2. La naissance du nouveau Code minier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3. La nouvelle Loi sur les mines : la question des processus . . . . . . . . . . 34
2.4. Dispositions fiscales du Code minier 703. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.5. Les répercussions des dispositions du régime financier .
sur le développement national. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.6. Concessions relatives à la fiscalité, impératifs .
de développement national et de réduction de la pauvreté. . . . . . . . 49
X Ressources minières en Afrique

3. Le paradoxe de l’abondance : la pauvreté du Ghana. . . . . . . . . . . . . . . . . . 51


3.1. Développement communautaire et exploitation minière . . . . . . . . . . 54
3.2. Maintien des recettes minières à l’échelle locale. . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4. Pauvreté engendrée par les répercussions environnementales .
de l’exploitation minière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.1. L’exploitation minière artisanale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Chapitre 2
Bauxite, alumine et aluminium : les défis du développement
et de la réduction de la pauvreté en Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Bonnie Campbell
1. Brève perspective historique de l’évolution du secteur minier
en Guinée (1958-1984). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
2. Le secteur minier : négocier sous les contraintes .
de l’ajustement (1984-1995). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3. Les conséquences de l’ancienne législation minière et les perspectives .
de transformation locale (1995-2008). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
3.1. Évaluer la contribution du secteur bauxite-alumine
de la Guinée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
4. Comprendre la contribution du secteur minier guinéen .
à l’économie nationale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.1. La redéfinition du rôle et des fonctions de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.2. La nature des mesures incitatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.3. Le système fiscal guinéen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.4. Les accords miniers individuels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

Chapitre 3
Lutte contre la pauvreté et protection de l’environnement au Mali :
quel bilan faire du renouvellement du rôle du groupe
de la Banque mondiale ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Gisèle Belem
1. Les problématiques associées à l’industrie minière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
2. La Revue des industries extractives : une reconnaissance publique .
du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Table des matières XI

3. L’option minière au Mali : les enjeux de la réduction de la pauvreté


et de la protection de l’environnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
3.1. Les réformes réglementaires et fiscales du secteur minier. . . . . . . . . 122
3.2. Les résultats économiques des politiques adoptées. . . . . . . . . . . . . . . 125
3.3. La prise en charge des dimensions sociale et environnementale. . . . 127
3.4. La gestion environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
3.5. L’incidence des faibles capacités institutionnelles sur le respect .
des cadres réglementaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Conclusion : la lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement
et l’exploitation minière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Chapitre 4
Développement minier et protection de l’environnement à Madagascar. . 143
Bruno Sarrasin
1. Le secteur minier à Madagascar : grandes orientations et rôle
de la Banque mondiale dans la réforme du secteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
2. La genèse du cadre légal du secteur minier actuel et la place .
de la Revue des industries extractives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
3. L’évolution de la législation minière à Madagascar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
3.1. La Loi sur les grands investissements miniers et l’Arrêté .
interministériel sur la réglementation du secteur minier
en matière de protection de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
4. Le projet de développement minier à Tolagnaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
4.1. Le développement minier à Tolagnaro : un projet
mobilisant différents acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
4.2. Une phase inachevée d’intéressement…. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
4.3. La population rurale : un groupe d’acteurs « nécessaire » .
au projet minier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Chapitre 5
Gouvernance, droits humains et secteur minier
en République démocratique du Congo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Marie Mazalto
1. Rôle des IFI et autres bailleurs en RDC : vers une redéfinition
de l’architecture et du rôle de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
2. Relance minière et réduction de la pauvreté : les enjeux complexes
de l’application du cadre légal et de la promotion des droits. . . . . . . . . . . 187
XII Ressources minières en Afrique

2.1. Les premiers pas vers la transparence : un secteur minier


sous haute surveillance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
2.2. Complexité et diversité des réalités régionales . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
3. Le secteur minier et la superposition des systèmes de droits : .
situation des droits humains dans le secteur minier en RDC. . . . . . . . . . . 205
3.1. Les différents systèmes de droits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
3.2. Situation des droits humains dans le secteur minier en RDC. . . . . . . 208
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

Conclusion
Quel modèle de développement ? Quel programme de gouvernance ?. . . . 223
Bonnie Campbell
1. Quel « modèle de développement » ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
2. Quel programme de gouvernance ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
3. La Revue des industries extractives et au-delà . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
3.1. L’exploitation minière et le choix d’un modèle de développement. . . 232
3.2. Donner à l’État un rôle de développement .
dans l’exploitation minière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Notices biographiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241

Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS

ACG Alumina Company of Guinea


ANAPI Agence nationale pour la promotion des investissements (RDC)
APPI Accord de promotion et de protection des investissements
BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le développement
BIT Bureau international du travail
BCMM Bureau du cadastre minier de Madagascar
CAMI Service du cadastre minier (RDC)
CBG Compagnie des Bauxites de Guinée
CDD Centre for Democracy and Development (Ghana)
CEE Communauté économique européenne
CEPS Customs, Excise and Preventive Services (Ghana)
CI Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce en faveur des pays
les moins avancés
CIAT Comité international d’accompagnement de la transition (RDC)
CIRDI Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
CMRN Comité militaire de redressement national (Gouvernement de Guinée)
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
COPIREP Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille de l’État (RDC)
CVRD Companhia Vale do Rio Doce
DCPE Document cadre de politique économique (Madagascar)
DMC Diamond Market Company (Ghana)
DNGM Direction nationale de la géologie et des mines (Mali)
DSCRP Document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (RDC)
DSRP Document de stratégie de réduction de la pauvreté
DTS Droits de tirages spéciaux
EDF Électricité de France
EIR Revue des industries extractives
EIU Economist Intelligence Unit
EPA Environmental Protection Agency (Ghana)
FARDC Forces armées de la République démocratique du Congo
FAS Facilité d’ajustement structurel (Guinée)
FASE Facilité d’ajustement structurel élargie (Guinée)
FMI Fonds monétaire international
FRPC Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (Guinée)
GBM Groupe de la Banque mondiale
GRAMA Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique
IDA Association internationale de développement
IDD Initiative diamant et développement
IDE Investissements directs étrangers
XIV Ressources minières en Afrique

IDH Indicateur du développement humain


IE Industries extractives
IFI Institutions financières internationales
IGM Institut de gemmologie de Madagascar
IRS Internal Revenue Service (Ghana)
ITIE Initiative pour la transparence dans les industries extractives
LGIM Loi sur les grands investissements miniers (Madagascar)
MAEP Mécanisme africain d’évaluation par les pairs
MARG Mission d’aménagement régional de la Guinée
MEM Ministère de l’Énergie et des Mines (Madagascar)
MIBA Société minière de Bakwanga
MIGA Agence multilatérale de garantie des investissements
MONUC Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique
du Congo
NSEIA National Strategic Environmental Impact Assessment (Ghana)
OBK Office des Bauxites de Kindia
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
ODM Objectifs du millénaire
OFAB Office d’aménagement de Boké
OIT Organisation internationale du travail
OMC Organisation mondiale du commerce
OMNIS Office des mines nationales et des industries stratégiques (Madagascar)
OMS Organisation mondiale de la santé
ONE Office national pour l’environnement (Madagascar)
ONG Organisation non gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
ONUDI Organisation des Nations Unies pour le développement industriel
PAS Programme d’ajustement structurel
PEMMA Petites exploitations minières et mines artisanales
PGEP Plan de gestion environnementale d’un projet (Madagascar)
PGRM Projet de gouvernance des ressources minérales (Madagascar)
PIB Produit intérieur brut
PIRN Programme intérimaire de redressement national (Guinée)
PMMC Precious Minerals Marketing Corporation (Ghana)
PNUD Programme des Nations Unies pour le développement
PPTE Pays pauvre très endetté
PRE Programme de relance de l’économie (Ghana)
PREF Programme de réformes économiques et financières (Guinée)
PRSM Projet de réforme du secteur minier (Madagascar)
QMM QIT Madagascar Minerals S.A.
RDC République démocratique du Congo
SAESSCAM Service d’assistance et d’encadrement du Small-Scale Mining
SFI Société financière internationale
SEMOS Société d’exploitation des mines d’or de Sadiola
Acronymes et abréviations XV

SMDD Sommet mondial pour le développement durable


UMHK Union minière du Haut Katanga
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance
UNRISD Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social
USAID Agence américaine pour le développement international
USD dollars américains
WACAM Wassa Association of Communities Affected by Mining (Ghana)
WWF World Wildlife Fund
LISTE DES CARTES

3.1 Situation géographique des principales mines en exploitation du Mali. . . . 125


4.1 Les gisements de minerais du projet Tolagnaro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
5.1 Principaux gisements de minerais dans la RDC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
LISTE DES FIGURES

1.1 Comparaison entre le personnel expatrié et le personnel ghanéen .


dans le secteur minier du Ghana (1994-2006). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
1.2 Évolution de l’emploi dans le secteur minier ghanéen (1994-2006). . . . 51
1.3 Distribution des redevances minières
entre les parties concernées (Ghana). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.1 Production nationale de bauxite en Guinée (1986-2006). . . . . . . . . . . . 71
2.2 Part des recettes du gouvernement guinéen (1996-2008). . . . . . . . . . . . 96
2.3 Exportations guinéennes de produits (1995-2009). . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
2.4 Taxes minières et taxes d’exportation de la Guinée (1996-2004). . . . . . 97
3.1 Production d’or au Mali (1985-2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
3.2 Contribution de l’or et du coton au PIB du Mali (1995-2005). . . . . . . . . 126
3.3 Écart de production par rapport à l’étude de faisabilité .
pour les mines de Sadiola et de Morila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
4.1 Les étapes pour l’obtention d’un permis environnemental. .
Le cas de QMM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
LISTE DES TABLEAUX

1.1 Contribution du secteur minier à la valeur brute des exportations .


(1984-2005) (Ghana). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1.2 Comparaison entre les dispositions fiscales et les clauses connexes .
des lois sur les minerais et les mines de 1986 et de 2006 (Ghana). . . . . 40
1.3 Liste des rentes et des impôts prévus par la Loi 703 (Ghana) . . . . . . . . . 43
1.4 Contribution de l’exploitation minière aux recettes perçues
par l’IRS (Ghana, 1990-2005). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
1.5 Revenus gouvernementaux provenant de dividendes (Ghana). . . . . . . . . 48
1.6 Distribution des recettes en redevances à l’échelle locale (Ghana). . . . . 58
2.1 Revenus du gouvernement guinéen (2000-2007). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2.2 Opérations financières du gouvernement guinéen .
(en milliards de francs guinéens). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.3 Opérations financières du gouvernement guinéen .
(en pourcentage du PIB) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
2.4 Les principales compagnies minières et leur contribution à l’emploi
en Guinée (2001). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
3.1 Régimes fiscaux et douaniers des codes miniers maliens de 1991
et de 1999. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
3.2 Principales mines du Mali. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
3.3 Législation environnementale encadrant les mines de Sadiola .
et de Morila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
3.4 Normes internationales et initiatives volontaires auxquelles adhère .
la société Anglogold Ashanti. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
4.1 Rôle des organismes impliqués dans la gestion environnementale .
du secteur minier à Madagascar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
4.2 Les composantes environnementales du cadre légal minier .
à Madagascar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
4.3 Typologie des acteurs impliqués dans le projet d’investissement
minier à Tolagnaro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
5.1 Indicateurs du développement humain et indicateurs sanitaires .
en RDC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
INTRODUCTION

Bonnie Campbell

Cet ouvrage paraît à un moment que l’on pourrait qualifier de tournant décisif
pour les régimes miniers africains. Au moyen d’une analyse des réformes des
cadres réglementaires introduits par le passé et de l’impact qu’a suscité l’implan-
tation des politiques qui en ont découlé dans le secteur minier en Afrique, les
études de cas contenues dans ce livre visent à éclaircir certaines des questions
fondamentales liées au processus continu de révision des législations minières
du continent.
Depuis le début de la dernière décennie, les cadres réglementaires intro-
duits au cours des années 1980 et 1990 dans les pays d’Afrique riches en res­
sources minières ont été grandement remis en question. Dans un nombre crois-
sant de cas, des demandes ont été formulées pour que les codes miniers soient
revus, pour que les contrats miniers soient renégociés et pour que différentes
mesures correctives soient apportées.
De nombreux facteurs peuvent expliquer ce phénomène, mais deux d’entre
eux apparaissent particulièrement importants. Premièrement, on constate une
prise de conscience accrue que les précédentes réformes des législations minières
et les conditions liées à leur implantation n’ont pas été en mesure de répondre
aux défis de développement auxquels sont confrontés plusieurs pays africains.
Deuxièmement, le fait que la réforme du processus de réglementation soit dictée
par des intérêts extérieurs soulève des questions cruciales de légitimité et
de responsabilité.
Tel que déjà documenté (Campbell, 2004), la réforme des cadres réglemen-
taires et légaux visant à instaurer une meilleure harmonisation et à favoriser une
plus grande stabilité du secteur minier en Afrique a contribué à créer, au cours
des années 1980 et 1990, un climat plus propice à l’entrée d’investissements étran-
gers. Les mesures de réforme mises en œuvre dans le cadre de ce processus ont
impliqué en revanche une redéfinition si radicale du rôle de l’État qu’il existe
peu de précédents historiques à cette situation. En grande partie pour cette
raison, les réformes ont entraîné une réduction des capacités institutionnelles et
l’assouplissement des normes dans des domaines critiques pour le développe-
ment social et économique, et pour la protection de l’environnement, et ce, dans
plusieurs pays d’Afrique où se déploient les activités minières. Et il existe de
fortes indications suggérant que ces tendances continueraient de s’observer dans
un nombre grandissant de situations (Campbell, 2006 ; Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement – CNUCED, 2005).
2 Ressources minières en Afrique

Les tendances actuelles soulèvent par conséquent des questions pres-


santes relatives non seulement aux conditions qui ont mené à la définition des
« objectifs de développement » actuels, mais aussi au rôle et à la responsabilité
des agents et intervenants qui contribuent à fixer ces objectifs. Dans la mesure
où le but poursuivi demeure la réalisation d’un développement économique
et social durable, il importe d’adopter une perspective plus large afin de tenir
compte, d’abord, du rôle que jouent les différents acteurs concernés et, ensuite,
des conditions qui ont permis l’ouverture des pays d’Afrique riches en res-
sources minières aux investissements étrangers. En résumé, il faut prêter une
attention particulière à qui détermine le programme de développement et
au but pour lequel il est formulé. Pour ce faire, il apparaît important de se
pencher non seulement sur le rôle du secteur privé et des entreprises particu-
lières, mais aussi sur celui qu’assument les agences bilatérales, les institutions
financières multilatérales, ainsi que les pays d’origine des compagnies pré­
sentes, dans l’établissement d’un environnement propice à l’investissement et
à l’élaboration des normes qui le régissent. Cela nous mène à un deuxième
sujet de préoccupation.
Bien que la volonté de relever les défis relatifs au développement des
pays riches en ressources minières soit au cœur des discussions sur la régle-
mentation de l’exploitation minière en Afrique, la question de savoir quels
acteurs sont en mesure de réformer les anciennes normes et pratiques et à
quelles fins ils le font ajoute une autre dimension à ces débats. Celle-ci sou-
lève la nécessité pour les entreprises minières de s’assurer d’obtenir la légi-
timité nécessaire pour mener à bien leurs activités et, par conséquent, elle
soulève aussi la question de la responsabilité des acteurs qui contribuent à
conférer une telle légitimité aux investisseurs par l’adoption et l’application
de normes. Cependant, les questions de légitimité ont été complexifiées par
le fait que les activités minières se développent souvent dans des endroits
trop hâtivement qualifiés d’« États fragiles » (Institut Nord-Sud, 2008). Para-
doxalement, de telles situations révèlent un processus d’affaiblissement des
capacités institutionnelles et de la souveraineté étatique, causé entre autres
par de nombreuses années de réformes d’ajustement structurel. Les
­anciennes réformes du secteur minier ont en effet eu tendance à être étroi-
tement liées à des conditions définies par les institutions financières inter-
nationales (IFI) comme nécessaires à l’obtention d’un financement supplé-
mentaire. Ainsi, plutôt que de résoudre la question de la légitimité, le
processus de réforme que l’on peut décrire comme largement dicté par des
acteurs extérieurs pourrait bien avoir contribué, dans les faits, à affaiblir
davantage la légitimité des gouvernements des pays riches en ressources
minières faisant l’objet de réformes.
L’origine extérieure du processus de réforme ayant conduit à l’intro­
duction de nouveaux cadres réglementaires dans les pays d’Afrique au cours
des vingt dernières années a entraîné d’autres répercussions majeures pour la
Introduction 3

gouvernance1. Cette notion de gouvernance, aussi omniprésente que polysé-


mique et ambiguë, sera abordée au sens large comme faisant référence aux
modes de régulation politique et sociale, incluant leurs dimensions politiques.
Celles-ci soulèvent les enjeux de responsabilité et d’imputabilité et leur impact
sur les questions de légitimité de l’État et sur le processus d’élaboration de
politiques dans les pays concernés2.
Devant les retombées décevantes des activités du secteur minier sur les
économies locales de nombreux pays d’Afrique, observées depuis la fin des
années 1980, les IFI ont eu tendance à pointer du doigt des problèmes internes
aux pays tels que la corruption, le manque de transparence et une « gouvernance
faible ». Sans vouloir minimiser l’importance de ces facteurs, il est nécessaire de
considérer d’autres éléments.
D’abord, en insistant de manière unilatérale et prépondérante sur la cor-
ruption au sein des gouvernements, on risque d’occulter le fait que de telles
situations sont souvent facilitées et même perpétuées d’une part par des relations
initiées par de puissants acteurs extérieurs, et caractérisées par un manque de
transparence, et d’autre part par des relations que les entreprises minières éta-
blissent parfois avec certains décideurs et dirigeants politiques locaux. Il semble
en effet exister de très fortes probabilités que des cas de manque de transparence
et d’absence d’imputabilité se rencontrent tout particulièrement dans les pays
qui possèdent une grande richesse en ressources minières tels que la Guinée et
la République démocratique du Congo (RDC).

1. Les ambiguïtés relatives aux multiples conceptualisations de la notion de « gouvernance » ont


été discutées dans de nombreuses études et il serait impossible de les résumer ici. Cependant,
une dimension est particulièrement importante dans le cadre de notre analyse. Elle concerne
la « technicisation » des processus sociaux et politiques qui survient lorsque la notion de « gou-
vernance » est abordée – et c’est souvent le cas – comme supposant en tout premier lieu l’in-
troduction d’un ensemble de mesures administratives et procédurales. Nous observons cette
tendance, à titre d’exemple, dans une importante publication de la Banque mondiale à ce sujet
parue en 1992. Celle-ci prétendait ne pas traiter des dimensions politiques de la « gouvernance »
qu’elle définissait comme « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources
économiques et sociales d’un pays en vue de son développement » (Banque mondiale, 1992, p.
1). Quelques références sont incluses dans la bibliographie, située à la fin de ce chapitre, afin
d’illustrer les nombreux débats propres à cette documentation.
2. Une étude réalisée par l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement
social (UNRISD) signale certains des dangers à cet égard : « La pression de standardiser
les objectifs macroéconomiques encourage les gouvernements à réserver l’élaboration des
politiques à des experts et elle met des institutions économiques importantes à l’abri des
examens démocratiques minutieux » (UNRISD, 2000, p. 1). Les auteurs affirment que :
« [c]ela risque d’affecter la démocratisation de deux manières. Premièrement, la structure d’impu-
tabilité pourrait être déformée si les autorités nationales sont encouragées à être plus attentives
aux besoins des marchés financiers et des institutions multilatérales qu’à ceux des nouveaux
parlements et des citoyens. Deuxièmement, les politiques sociales, qui se sont avérées essentielles
à la consolidation des démocraties de l’Ouest, pourraient être traitées comme des résidus de
politique macroéconomique, et toute démocratisation qui ne se conforme pas à l’orthodoxie
économique pourrait être qualifiée de populiste et ainsi mise de côté » (UNRISD, 2000, p. 2).
4 Ressources minières en Afrique

Le fait de mettre principalement l’accent sur les processus internes caracté-


risés par un manque de transparence, tout en recourant à des approches essentiel-
lement administratives pour définir et appliquer des réformes visant précisément
une plus grande transparence et une meilleure imputabilité, présente le risque
d’en venir à traiter les symptômes de modes particuliers de régulation politique
du secteur minier et non pas les relations d’influence et de pouvoir qui rendent
de tels processus dysfonctionnels possibles.
Les complexités des questions liées à la « gouvernance » qui sont briève-
ment abordées ici, ainsi que les défis à relever pour atteindre les objectifs de
développement, démontrent la nécessité de traiter en profondeur chacun des
pays afin de comprendre les répercussions des réformes passées et pour garantir
que les mesures futures ne prolongeront pas les tendances du passé (Campbell
et GRAMA, 2003).
Par conséquent, souhaitant prendre part à ces discussions en cours, et dans
le contexte d’une révision à grande échelle des régimes miniers antérieurs, nous
entendons par cet ouvrage :
ƒƒ illustrer certaines implications sociales, économiques et environnemen­tales
des pratiques qui se déroulent actuellement dans les activités du secteur
extractif en Afrique ;
ƒƒ mettre l’accent sur le besoin d’introduire des cadres légaux, fiscaux et régle-
mentaires mieux adaptés aux activités minières, et ce dans une optique de
développement ;
ƒƒ souligner l’importance de renforcer les capacités institutionnelles et finan-
cières des pays concernés pour garantir qu’ils soient en mesure de mettre en
œuvre leurs règlementations, d’en assurer le suivi et, au besoin, d’instaurer
des mesures correctives.
Afin d’analyser les tendances actuelles au moyen de critères d’évaluation
pertinents et reconnus, cet ouvrage propose de reprendre les trois principaux
domaines de recommandations de la Revue des industries extractives (EIR)
commandée par le Groupe de la Banque mondiale (GBM) qui ont été rendues
publiques en décembre 2003 (EIR, 2003a ; 2003b). En 2004, la réponse du GBM
aux recommandations de l’EIR s’est avérée être une réplique timide à ce qui
avait été proposé (Banque mondiale, 2004). Toutefois, le but de ce livre n’est pas
de se demander si, dans l’éventualité où elles auraient été acceptées, ces recom-
mandations auraient considérablement affecté les événements ultérieurs. Cet
ouvrage documente plutôt des tendances particulières relatives à l’extraction de
ressources et fournit une analyse actualisée de certaines de leurs conséquences.
Comme nous l’illustrerons, quelques-uns des problèmes qui ont conduit à l’éla-
boration de l’EIR apparaissent toujours très actuels. Les recommandations de
l’EIR fournissent donc un cadre utile et pertinent pour analyser les implications
sociales, économiques et environnementales des opérations en cours en Afrique
dans un des secteurs d’activité abordés par l’EIR, celui des activités relatives à
Introduction 5

l’exploitation minière. La question de savoir s’il pourrait être utile d’aller au-delà
des recommandations de l’EIR dans certains domaines sera abordée brièvement
dans la conclusion.
Pour diverses raisons, et notamment parce qu’elles sont très centralisées
et qu’elles sont en mesure de mobiliser des ressources importantes pour remplir
leur mandat, les IFI ou institutions de Bretton Woods, composées par le Groupe
de la Banque mondiale (GBM) et le Fonds monétaire international (FMI), ont
joué un rôle important en réponse aux défis posés par le développement du
secteur extractif en Afrique. Les interventions de ces institutions ont même eu,
à certains égards, plus d’impact et de succès que les réponses proposées par
l’industrie. Par exemple, David Szablowski a analysé le caractère unique et les
particularités du régime relatif aux politiques de sauvegarde mis en place par le
GBM pour expliquer comment ces institutions financières ont réussi à créer un
régime capable d’atteindre leurs objectifs stratégiques, et à devenir un site d’éla-
boration de normes mondiales (Szablowski, 2007). En raison du rôle de chef de
file adopté par ces mêmes organisations, il y a eu, et il continue régulièrement
d’y avoir, de nouvelles initiatives relatives au secteur minier en provenance de
l’arène multilatérale. Il s’agit là, selon Szablowski, d’un processus continu qui
contribue à l’émergence d’un cadre légal transnational. Toutefois, le régime de
la Banque mondiale :
propose un schéma de droits et d’obligations fondamentaux, ainsi qu’une struc-
ture de gouvernance qui est profondément différente de celle instaurée par la
plupart des États. Contrairement aux initiatives autoréglementées des entre-
prises, le modèle de la Banque mondiale propose de donner une définition
formelle et procédurale au terme « responsabilité sociale », créant ainsi de nou-
velles obligations tout en mettant fin aux revendications futures. Par consé-
quent, ce modèle est une tentative influente de parvenir à un nouveau contrat
social postlibéral en ce qui concerne l’élaboration de grands projets dans les
pays du Sud (Szablowski, 2007, p. 1003).

Alors que Szablowski analyse l’émergence d’un nouveau contrat social du


point de vue de l’évolution des modes de régulation et de légitimité, nous nous
proposons dans ce livre d’aborder ce même processus en utilisant une approche
complémentaire, mais située à un niveau plus global. Adoptant une perspective
d’économie politique, notre point d’ancrage est l’interaction entre modèles
de développement et modes de gouvernance particuliers. À cet égard, en consi-
dérant le rôle central joué par les institutions de Bretton Woods pour stimuler
les investissements dans le secteur extractif de manière générale4, et dans l’éla-
boration des réformes des cadres fiscaux et réglementaires en particulier (com-
prenant notamment de nouvelles normes et une redéfinition des responsabilités

3. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont été traduites.
4. De 1994 à 2002, les investissements du Groupe de la Banque mondiale (la BIRD, l’IDA, la
SFI et la MIGA) dans les industries extractives dépassaient 8,5 milliards USD (EIR, 2003a).
6 Ressources minières en Afrique

du secteur minier en Afrique), il est particulièrement intéressant de voir comment


ces institutions ont répondu aux défis actuels. Lors des assemblées annuelles de
la Banque mondiale en septembre 2000, et à la suite d’une intensification
des critiques à l’égard de son rôle dans le secteur minier, son président James
Wolfensohn s’était engagé à instaurer un processus de revue visant à examiner
les prêts consentis par la Banque aux industries extractives et à déterminer
si ceux-ci sont favorables au développement durable et à la réduction de la
pauvreté. En juin 2001, M. Wolfensohn a confié au docteur Emil Salim, ancien
ministre de l’Environnement indonésien sous Suharto, ancien directeur de la
plus grande compagnie charbonnière d’Indonésie et président du Sommet mon-
dial pour ledéveloppement durable (SMDD), la responsabilité d’entreprendre
un examen indépendant5.
La Société financière internationale (SFI) et le Département pétrole,
gaz, mines et produits chimiques de la Banque mondiale ont ensuite lancé
conjointement l’EIR. Son mandat a été défini ainsi :
1. Mieux recueillir et mieux comprendre les opinions des parties concernées
sur le meilleur rôle futur que le Groupe de la Banque mondiale devrait
assumer dans les industries extractives, afin de promouvoir le dévelop-
pement durable et la réduction de la pauvreté ;
2. Définir les sources possibles de consensus, concernant le rôle du Groupe
de la Banque mondiale, ainsi que les questions pertinentes, et connaître les
principales opinions divergentes ou dissidentes à cet égard ;
3. Formuler des recommandations basées sur cette meilleure compréhension
afin de mettre au point, modifier ou reconsidérer, au besoin, les politiques,
les programmes, les projets et les processus futurs du GBM dans le secteur
extractif (EIR, 2003c, p. 2).
Au cours des deux années suivantes, l’EIR a consulté de nombreuses par-
ties concernées, incluant des représentants de la société civile, des syndicats, de
l’industrie et des gouvernements. Le secrétariat a tenu des consultations régio-
nales en Amérique latine et aux Caraïbes, en Afrique, en Asie-Pacifique, ainsi
qu’en Europe centrale et en Europe de l’Est. L’EIR a également mené des
recherches indépendantes pour analyser les impacts des industries extractives
sur la société et la pauvreté. Il est à noter que, tout au long de ce processus, le
GBM a participé activement à l’EIR.
En décembre 2003, le docteur Salim a présenté le Rapport final de la Revue
des industries extractives – Vers un nouvel équilibre au président Wolfensohn
(EIR, 2003a). L’EIR envisageait un rôle pour le GBM dans les industries extrac-
tives, mais préconisait d’importants changements. Les recommandations de l’EIR

5. Le docteur Salim a reçu l’aide d’une petite équipe dans un secrétariat. Au départ, ce dernier
était situé à Washington, D.C., mais il a été déplacé à Jakarta en février 2002.
Introduction 7

ont été formulées pour expliquer l’échec des investissements dans les industries
extractives en ce qui a trait à l’amélioration des conditions pour les pauvres,
les communautés locales et les populations autochtones, ainsi qu’à la protection
de l’environnement et des droits fondamentaux. Les propositions s’adressaient
au GBM en tant qu’institution dans son ensemble, car chacun de ses organes
– le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investis-
sements (CIRDI), l’Association internationale de développement (IDA), la
Société financière internationale (SFI) et l’Agence multilatérale de garantie
des investissements (MIGA) – appuie les industries extractives par une variété
de mécanismes.
Voici les principales recommandations présentées au GBM :
Gouvernance
ƒƒ Renforcer la gouvernance en tout premier lieu, afin que les pays ­puissent
faire face aux risques que supposent les projets d’extraction majeurs. Éla-
borer, de manière participative, des critères de gouvernance expli­cites
et transparents qui devraient être respectés avant d’investir dans une indus-
trie extractive.
Politiques favorables aux pauvres
ƒƒ Aider les pays clients à évaluer les avantages et les inconvénients des
secteurs pétrolier, gazier et minier par rapport aux autres options de
développement. Entreprendre une évaluation complète des options avant
d’appuyer un projet.
ƒƒ Ne soutenir des projets que lorsque ceux-ci profitent à tous les groupes
locaux concernés, notamment les minorités ethniques vulnérables, les
femmes et les membres les plus pauvres de la communauté.
ƒƒ Allouer une part équitable des revenus aux communautés locales.
ƒƒ Assurer que des plans de réduction de la pauvreté soient en place avant le
commencement d’un projet.
ƒƒ Soutenir les projets dont le déplacement des populations est volontaire.
Les groupes déplacés devraient en « retirer clairement une amélioration »
dans le sens d’un « bénéfice net ».
ƒƒ Assurer que des services de santé publique accompagnent les projets et
soient offerts à tous ceux qui vivent à proximité d’un site.
ƒƒ Exiger une évaluation des répercussions sur la santé lors de la préparation
d’un projet.
Droits humains et populations autochtones
ƒƒ Développer une approche globale de l’élaboration des politiques qui soit
susceptible d’intégrer les droits humains dans les politiques de sauvegarde.
Créer une unité spécialisée sur les droits humains.
8 Ressources minières en Afrique

ƒƒ La SFI et la MIGA devraient évaluer les bilans des entreprises susceptibles


d’être appuyées en matière de droits humains avant de s’impliquer.
ƒƒ Appuyer et respecter les quatre normes de travail fondamentales.
ƒƒ Exiger que les emprunteurs et les clients s’engagent dans des processus
participatifs avec les populations autochtones et les communautés loca-
les directement affectées par les projets pétroliers, gaziers et miniers afin
d’obtenir leur consentement préalable libre et éclairé.
ƒƒ Toutes les ententes avec les populations autochtones et les communautés
affectées devraient être clairement stipulées dans les accords et les contrats
relatifs aux projets.
ƒƒ Veiller à ce que la politique révisée sur les populations autochtones soit
conforme au droit international. Veiller à ce qu’un consensus se dégage
parmi les populations autochtones sur le contenu de la politique.
ƒƒ Prévoir des discussions légales préalablement à l’approbation d’une nou-
velle politique sur les populations autochtones.
ƒƒ En aucun cas les industries extractives ne devraient être soutenues dans les
zones impliquées dans un conflit armé ou dans les zones qui en présentent
un risque élevé.
ƒƒ Veiller à la mise en place d’un mécanisme de grief local lors de tout projet
dans le secteur de l’industrie extractive.
Environnement
ƒƒ Accroître annuellement de 20 % les investissements dans les énergies
renouvelables.
ƒƒ Interdire le rejet des déchets dans les cours d’eau et suspendre tout appui à
des projets utilisant une évacuation sous-marine des résidus dans l’attente
de résultats d’enquêtes indépendantes.
ƒƒ Élaborer des critères concernant les résidus et revoir les ordonnances
sur les effluents de cyanure pour mieux se conformer aux directives de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’Union européenne.
Réduire le soutien apporté aux mines utilisant des matières toxiques, telles
que le cyanure, et faire la promotion de substituts plus sûrs.
ƒƒ Clarifier l’interdiction de financer les projets ou les activités des industries
extractives dans des zones protégées par la Politique de l’habitat naturel
de l’ONU, ou désignées ainsi par les gouvernements nationaux ou locaux.
ƒƒ Utiliser seulement des bateaux sûrs, modernes et bien entretenus pour le
transport du pétrole et de cargaisons dangereuses.
ƒƒ Établir des directives claires concernant la fermeture des mines et exiger,
comme condition de financement, que des fonds suffisants soient alloués à
cet effet. Ces fonds devraient être « gelés », même après le désengagement
du GBM.
ƒƒ Des plans d’intervention d’urgence devraient être mis en place dès le lan-
cement d’un projet et être conformes aux meilleures pratiques.
Introduction 9

Divulgation et transparence
ƒƒ Divulguer les paiements et les revenus au sein des compagnies et des
gouvernements.
ƒƒ Poursuivre avec force un objectif de transparence à l’échelle des pays et
des entreprises.
ƒƒ Divulguer les contrats et les accords liés aux projets, tels que les accords
avec les gouvernements hôtes, les documents relatifs aux contrôles, ainsi
que les évaluations économiques, financières, environnementales et sociales.
ƒƒ Les obligations environnementales et sociales devraient être clairement
stipulées dans les prêts et les accords liés au projet, et ceux-ci devraient
être divulgués.
ƒƒ Les documents devraient être mis à la disposition du public dans les langues
locales, et ce en temps opportun et en prenant en compte les différentes
cultures.
ƒƒ Préparer et publier une analyse des bénéfices nets pour chaque projet.
ƒƒ Établir un poste de médiateur de l’information pour suivre la mise en œuvre
de la politique de divulgation et les décisions relatives à la confidentialité.
Changements institutionnels et procéduraux
ƒƒ Supprimer progressivement les investissements dans la production du
pétrole d’ici à 2008 et instaurer immédiatement un moratoire sur les prêts
octroyés pour les projets d’exploitation du charbon.
ƒƒ Exiger des évaluations approfondies des impacts environnementaux et
sociaux, y compris les impacts sur la santé, dans toutes les politiques de
prêts touchant les secteurs de l’industrie extractive dans les pays ayant
des industries extractives importantes ou une croissance anticipée dans
ces secteurs.
ƒƒ Tous les projets des industries extractives devraient être classés dans la
catégorie A, sauf s’il existe des raisons contraignantes qui obligent à faire
autrement.
ƒƒ Récompenser les collaborateurs qui contribuent à faire respecter les poli­
tiques de sauvegarde et qui s’engagent à participer à la réduction des
impacts de la lutte contre la pauvreté.
ƒƒ Accroître le nombre d’experts sociaux, environnementaux et des droits
humains.
ƒƒ Les experts en matière des dimensions sociales, de pauvreté, de droits
humains et de l’environnement devraient se joindre aux équipes dès le
début d’un projet.

1. LES CHAPITRES DE CE LIVRE


Le choix des chapitres de ce livre et la manière dont les sujets sont traités
dans chacun d’eux reflètent le désir d’explorer, à partir d’études de cas
portant sur différents pays, la nature des problèmes soulevés dans le rapport
10 Ressources minières en Afrique

de l’EIR et abordés dans ses recommandations. Le rapport a été structuré


autour de trois importants domaines de recommandations qui ont été définis
comme les « conditions favorables » (Bruil, 2003) 6 . Selon ce rapport,
l’adoption de ces recommandations permettrait aux industries extractives
de contribuer à la lutte contre la pauvreté par le développement durable
et au GBM de jouer un rôle positif. Les trois principaux domaines de
recommandations sont :
ƒƒ une gouvernance publique et industrielle favorable aux pauvres, avec une
planification et une gestion proactives destinées à optimiser la réduction
de la pauvreté grâce au développement durable ;
ƒƒ de bien meilleures politiques sociales et environnementales ; et
ƒƒ le respect des droits humains (EIR, 2003d, p. 2).
Ces recommandations, qui sont examinées en détail ci-dessous, étaient
adressées au GBM en particulier. Cependant, compte tenu du processus de trans-
nationalisation des normes qui s’est produit sous la direction du GBM au cours
des vingt dernières années, il est utile de voir ces recommandations comme des
points de référence généraux qui vont au-delà des opérations du GBM. Par
conséquent, nous estimons que ces recommandations constituent un cadre utile
pour situer les études de cas contenues dans le présent ouvrage et qui traitent
du secteur minier dans cinq pays d’Afrique.
Avant de résumer brièvement comment chacun des chapitres aborde
un domaine particulier des recommandations de l’EIR, il est important de
dire quelques mots sur le choix des études de cas par pays qui peut paraître,
au premier abord, quelque peu arbitraire. Il faut premièrement préciser que
l’objectif de ce livre n’est aucunement de fournir une vue d’ensemble de
l’exploitation minière en Afrique. Il s’agit plutôt d’illustrer, par des recher-
ches récentes et originales, les répercussions des réformes du secteur minier
introduites par le passé, sur le développement dans les pays sélectionnés, en
utilisant les questions abordées dans l’EIR comme cadre de référence. Ainsi,
l’absence d’études portant sur le secteur minier dans des pays tels que l’Afrique
du Sud, la Zambie ou la Namibie doit être vue selon cet angle, et non pas
comme une simple omission ou encore moins comme un refus de reconnaître
l’importance de l’expérience de ces États. Au contraire, la richesse des études
existantes sur ces cas plus connus souligne leur importance.
Deuxièmement, soulignons que les personnes qui ont contribué à ce
livre sont convaincues non seulement de l’importance centrale des liens entre
les cadres réglementaires, les arrangements institutionnels et les impacts sur

6. La présentation des trois domaines fondamentaux de recommandations se base sur le résumé


de l’EIR, ainsi que sur le résumé se trouvant dans Key Findings and Recommendations of
the World Bank Extractive Industries Review Final Report, compilé par Janneke Bruil pour
Les Amis de la Terre (Bruil, 2003).
Introduction 11

le développement, mais aussi qu’il est possible de tirer d’importantes leçons


des expériences passées dans ce domaine lorsqu’on adopte une perspective
historique et une approche d’économie politique.
Enfin, le choix des chapitres reflète l’émergence d’une nouvelle génération
de chercheurs travaillant aussi bien sur les pays d’Afrique francophones que ceux
anglophones et dont le regroupement dans un ouvrage collectif aide à faire la
lumière sur des tendances globales. Car, contrairement à ce que l’on pourrait croire
a priori en examinant les particularités de chacune des expériences historiques
de développement, il existe de nombreuses raisons de juxtaposer ces expériences
apparemment disparates. Il faut cependant les replacer dans leur contexte et les
voir dans le cadre d’un processus de réforme historique commun et continu. Ces
expériences mettent en valeur et illustrent les traits communs d’un processus de
réforme dont l’importance et les implications pour les pays concernés ont été en
grande partie laissées de côté dans les analyses menées par le passé.

1.1. Promouvoir une gouvernance favorable aux pauvres


Les deux premiers chapitres de cet ouvrage traitent du Ghana et de la Guinée.
Ils examinent dans quelle mesure les activités minières qui ont été déployées et
les revenus découlant de l’exploitation minière ont été canalisés de façon à
contribuer à des objectifs de réduction de la pauvreté et de développement dura-
ble. Comme nous le verrons plus tard, les questions relatives aux tendances
démontrées par la direction particulière des flux de revenus sont étroitement
liées à celles des modes particuliers de « gouvernance » propres au secteur.
Préalablement à l’examen de la question de la gouvernance qui suivra dans
le chapitre sur la Guinée, notons que le rapport de l’EIR mentionne, quant à ce
premier domaine de recommandations, que les tâches plus spécifiques liées à la
question de la gouvernance dans le cas des industries extractives sont de :
ƒƒ promouvoir la transparence des flux de revenus ;
ƒƒ promouvoir la divulgation des documents liés aux projets ;
ƒƒ développer la capacité à gérer la fluctuation des revenus ;
ƒƒ développer la capacité à gérer les revenus de manière responsable ;
ƒƒ aider les gouvernements à élaborer des cadres réglementaires et des poli-
tiques modernes ;
ƒƒ intégrer le public dans les processus décisionnels tant aux niveaux local
que national (EIR, 2003d, p. 2).
Le rapport écrit par ailleurs que :
[…] lorsque la Société financière internationale (SFI) et l’Agence multilatérale
de garantie des investissements (MIGA) envisagent d’investir dans un projet
pétrolier, gazier ou minier, elles doivent évaluer précisément l’adéquation de
la gouvernance du pays ainsi que les impacts prévus du projet et ne soutenir
ce projet que si le gouvernement du pays est préparé et qu’il dispose de la
capacité à faire face aux défis inhérents que cela pose sur les plans sociaux et
environnementaux et sur celui de gouvernance (EIR, 2003d, p. 2-3).
12 Ressources minières en Afrique

Le rapport ajoute également que :


[l]a SFI et la MIGA ne doivent soutenir des projets que lorsque ceux-ci pro­
fitent à tous les groupes locaux affectés, dont les minorités ethniques vulné-
rables, les femmes et les membres les plus pauvres de la communauté. Elles
doivent refuser de financer tout projet ne présentant pas ces conditions ou
reprendre leur conception de manière à garantir que la qualité de vie des
groupes locaux connaîtra une nette amélioration (EIR, 2003d, p. 3).

La recommandation de renforcer la gouvernance avant de promouvoir les


activités de grande envergure, afin que les pays puissent faire face aux risques
que suppose l’élaboration de projets d’extraction majeurs, est particulièrement
pertinente dans les études de cas par pays qui suivront dans ce livre. En ce qui
concerne les recommandations nationales, l’EIR affirme :
[qu’]au vu du potentiel que représentent les exploitations minières petites et
artisanales (PEMMA) à réduire le fardeau de la pauvreté, la BIRD et l’IDA
doivent aider les gouvernements à élaborer des politiques reconnaissant ce
secteur comme à part, et faisant la distinction entre les mineurs basés dans
la communauté et les mineurs itinérants, en donnant une nette priorité aux
communautés pour les droits miniers (EIR, 2003d, p. 3).

Au sujet des questions du flux et de la gestion des revenus (un aspect central
de l’analyse présentée dans les deux premiers chapitres de ce livre), les trois
premiers chapitres du rapport de l’EIR contiennent des recommandations
spécifiques, y compris ces points précis :
ƒƒ Il est communément admis que « [l]es bénéfices et les coûts entraînés par
les industries extractives risquent d’être partagés de manière inégale. Bien
que les communautés locales assument les répercussions sociales et envi-
ronnementales négatives des activités des industries extractives, elles peu-
vent se retrouver écartées d’une grande partie des revenus » (EIR, 2003a,
ch. 1, p. 6). Comme nous le verrons, ce point est soulevé dans chacune des
cinq études de cas.
ƒƒ Toujours à l’échelon national, on dit que « le GBM n’a pas accordé une
attention suffisante à l’aide apportée aux gouvernements dans le déve-
loppement d’une gouvernance publique forte en faveur des [personnes]
démunies, particulièrement dans une gestion des revenus prudente et trans-
parente » (EIR, 2003a, ch. 2, p. 50). Cette remarque s’applique notamment
aux expériences de la Guinée et de la RDC.
ƒƒ « La SFI et la MIGA doivent veiller à la présence d’un processus de plani-
fication ouvert et public afin de répartir les revenus de manière équitable,
déterminer si cela est prévu dans le cadre juridique national, ou mis en place
sur une base spécifique au projet, et faire en sorte que la communauté locale
ait un accès égal aux informations sur le projet pour qu’elle participe utile-
ment aux négociations. De même, les informations concernant les revenus
et les dépenses doivent être rendues publiques pendant la mise en œuvre
Introduction 13

du projet » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 59). Comme l’étude de cas sur la Guinée
l’illustrera, ces questions sont d’une grande pertinence en ce qui concerne
les progrès réalisés dans le secteur minier de ce pays, et ce que la SFI et la
MIGA apportent ou non un soutien direct.
ƒƒ Finalement, et de manière fort pertinente à la fois pour le Ghana et la
Guinée, l’EIR recommande que les revenus soient partagés entre les auto-
rités locales, régionales et nationales : « Les autorités régionales ont des
obligations spécifiques de planification et de traitement de questions telles
que l’immigration et l’optimisation des répercussions sur le développement
par la création d’infrastructures à l’échelle régionale. Une part équitable
des revenus doit être allouée aux communautés locales. Le GBM considère
actuellement les objectifs de réduction de la pauvreté “directe” ou “locale
et régionale” comme obligatoires pour les projets concernant les industries
extractives qu’il finance » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 60).

1.2. Atténuer les impacts sociaux et environnementaux nuisibles


La deuxième condition favorable définie par l’EIR qui permettrait aux industries
du secteur extractif de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce au déve-
loppement durable (question abordée dans les chapitres sur le Mali et Madagas-
car) implique un renforcement des composantes environnementales et sociales
des interventions du GBM dans ce secteur. Le rapport a défini la série de points
clés suivants dans ses recommandations :
ƒƒ Exiger des évaluations intégrées des impacts environnementaux et sociaux.
Le rapport recommande que le GBM utilise « une approche holistique et
multidimensionnelle des évaluations, en identifiant les impacts cumulatifs
des projets et les rapports socioéconomiques avec les problèmes environ-
nementaux. Les impacts sociaux des projets doivent être parfaitement iden-
tifiés, dont ceux sur la santé et sur les groupes vulnérables. Par ailleurs, il
est nécessaire d’élaborer une stratégie pour prévenir, minimaliser et atté-
nuer les impacts ». Il est aussi recommandé que « [l]es projets de l’industrie
extractive [soient] classés dans la catégorie A (susceptibles d’avoir des
impacts négatifs majeurs sur l’environnement) sauf s’il existe des raisons
contraignantes qui obligent à faire autrement » (EIR, 2003d, p. 4)7.
ƒƒ Actualiser et appliquer pleinement la politique sur les habitats naturels.
ƒƒ Actualiser et appliquer pleinement la politique relative au déplacement
des populations.

7. Comme il est mentionné dans le chapitre sur le Mali, avant d’approuver un investissement, les
agences du GBM doivent procéder à une étude des impacts environnementaux pour détermi-
ner si le projet en question requiert d’autres politiques de sauvegarde. Les projets sont classés
dans quatre catégories (A, B, C et F) selon leur type, leur emplacement, leur vulnérabilité et
leur ampleur, ainsi que selon la nature et l’étendue des impacts environnementaux potentiels.
14 Ressources minières en Afrique

ƒƒ Réviser la politique de divulgation.


ƒƒ Élaborer des directives sectorielles spécifiques sur l’élimination des résidus,
la gestion des déchets et l’utilisation de substances toxiques.
ƒƒ Élaborer des directives pour une planification intégrée de la fermeture
des mines.
ƒƒ Élaborer des directives sur la prévention et la réaction en cas de situations
d’urgence.
ƒƒ Traiter l’héritage du passé (EIR, 2003d, p. 4-6).
En ce qui concerne la question extrêmement importante de l’application
des normes (abordée dans les chapitres sur le Mali et Madagascar), les recom-
mandations de l’EIR soulignent que « [l]es politiques de sauvegarde du GBM
en place ne sont pas toujours appuyées par des mécanismes de conformité effi-
caces ». Elles ajoutent également que « le tri des projets est souvent inadéquat et
amène à classer les projets dans une catégorie inférieure. L’efficacité de ces poli-
tiques est encore plus compromise par la qualité médiocre des procédures de
supervision, de suivi et de reporting [sic] » (EIR, 2003a, ch. 2, p. 43-44).

1.3. Respecter les droits humains


et éviter les violations dans ce domaine
Le troisième principal domaine de recommandations de l’EIR en ce qui a trait
à l’implication du GBM dans les industries extractives traite du respect des
droits humains.
L’EIR a recueilli de nombreux témoignages faisant état de la présence de
l’armée et de la police lors d’activités visant à assurer le contrôle exercé par les
sociétés minières, pétrolières et gazières sur le territoire, et à protéger les opéra-
tions de ces dernières. Dans d’autres cas, des sociétés avaient recours à une milice
privée. Lorsque des conflits surviennent entre les intérêts des sociétés et ceux
des communautés locales, on signale souvent des cas d’abus et de violations des
droits humains.
L’EIR a reçu des rapports faisant état d’allégations de violations des droits
humains allant de l’intimidation à l’assassinat, en passant par la torture, l’en-
lèvement, la détention et le viol. Les femmes et les enfants sont souvent les
victimes les plus sévèrement affectées. D’après des informations reçues par l’EIR,
les cas de violations des droits humains ne sont, pour la plupart, reconnus ni par
les gouvernements ni par les tribunaux de nombreux pays en développement. Il
arrive qu’ils le soient, mais de tels cas mènent rarement à une indemnisation, ce
qui a créé un profond ressentiment et une défiance des communautés à l’égard
des sociétés extractives dans leur ensemble. De telles situations ont été vécues
en RDC et sont documentées dans le chapitre 5, qui analyse la question des droits
humains dans les activités minières de ce pays.
Introduction 15

En ce qui concerne les droits humains, l’EIR souligne que « [l]e GBM et
ses clients ont, conformément au droit international, l’obligation de les promou-
voir, de les respecter et de les protéger » (EIR, 2003d, p. 5-6). L’EIR a donc
recommandé que le GBM élabore « une politique large de système qui intègre
et fait circuler comme courant dominant les droits de l’homme dans l’ensemble
des politiques et pratiques du GBM et que les politiques et opérations du GBM
[soient] en conformité, au moins, avec ses obligations, en tant que sujet de la
législation internationale, en relation avec la législation des droits de l’Homme »
(EIR, 2003a, ch. 3, p. 69).
De plus, il a été recommandé que le GBM veille à ne pas faire obstruction
à la capacité de ses pays membres à remplir diligemment leurs obligations inter-
nationales, et ne contribue pas à la violation desdites obligations. Afin d’assurer un
suivi attentif, l’EIR a recommandé au GBM de « faire systématiquement appel à
des tiers expérimentés, indépendants et sûrs pour vérifier la situation des droits
de l’homme dans tous les projets concernés » (EIR, 2003d, p. 6). À cet égard, « [u]
ne unité centrale des droits de l’homme est indispensable, avec des homologues
régionaux, accompagnée d’une politique claire et d’une obligation de suivi, de
vérification et d’audits annuels transparents » (EIR, 2003d, p. 6).
En matière de relations de travail (étant donné que le GBM a adopté les
normes de travail fondamentales de l’Organisation internationale du travail
[OIT], les jugeant conformes à son mandat de lutte contre la pauvreté), la
BIRD et l’IDA devraient, suivant les recommandations de l’EIR, exiger que
les normes fondamentales de l’OIT « figurent dans les contrats de tout finan-
cement de projet en les incluant comme éléments obligatoires des procédures
de passation de marché du GBM ». De plus, la SFI et la MIGA devraient
« adopter les quatre, et non simplement deux, normes de travail fondamentales,
dans leurs politiques de sauvegarde ». Le GBM devrait « collaborer avec les
gouvernements, les syndicats, les groupes industriels et d’autres organisations,
sans oublier l’OIT, pour promouvoir la mise en œuvre et le respect de ces
normes » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 70).
En ce qui concerne les autres questions relatives aux droits, l’EIR a recom-
mandé que la BIRD et l’IDA travaillent également à clarifier et à renforcer, au
besoin, la base juridique du droit aux ressources et aux titres de propriété. Les
populations autochtones et bien d’autres communautés ont ressenti les impacts
négatifs des projets de développement de l’industrie extractive :
Leur déplacement ne doit être autorisé que lorsque, à la suite d’un processus
de consultation, la communauté a donné son consentement préalable libre et
éclairé à une proposition de projet et aux bénéfices qu’elle compte en tirer.
D’ailleurs, le GBM ne doit pas soutenir de projet extractif susceptible d’affecter
les populations autochtones sans qu’aient d’abord été reconnus et garantis de
manière efficace leurs droits à posséder, contrôler et gérer leurs sols, territoires
et ressources (EIR, 2003d, p. 6, nous soulignons).
16 Ressources minières en Afrique

Il a aussi été recommandé que le GBM rende explicite le fondement des


droits humains sur lequel s’appuie chaque politique de sauvegarde. Lorsqu’une
politique sort des cadres du droit international des droits humains, elle devrait
être révisée en fonction des réflexions et des normes actuelles. Les politiques de
sauvegarde devraient devenir un outil explicite garantissant que le GBM respecte
les droits humains. De plus, le personnel impliqué dans les industries extractives
devrait recevoir une formation adéquate afin de pouvoir mettre en place ces
politiques de façon à respecter les normes applicables de droits humains. L’adop-
tion de ces principes et la preuve de leur respect devraient constituer une condi-
tion préalable pour toute société cherchant à obtenir le soutien du GBM dans
le domaine des industries extractives (EIR, 2003a, ch. 3, p. 69-71).
Finalement, l’EIR recommande au GBM d’adopter une approche de déve-
loppement basée sur les droits et de veiller à ce que le soutien qu’il apporte aux
projets soit orienté afin d’assurer le respect des droits humains internationa-
lement garantis. En particulier, le GBM devrait traiter les déséquilibres de pou-
voir qui affectent le plein exercice et la jouissance des droits humains par les
populations les plus vulnérables et les plus démunies (EIR, 2003a, ch. 3).

2. LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DE LA BANQUE MONDIALE À L’EIR


La réponse de la direction du Groupe de la Banque mondiale (GBM) à la Revue
des industries extractives a été rendue publique le 17 septembre 2004.
Le point de départ de ce rapport consiste à réitérer que le « principal rôle
du [G]roupe de la Banque mondiale (GBM) consiste à aider les pays les plus
pauvres à développer leurs capacités, à croître et à réduire leur pauvreté »
(Banque mondiale, 2004, p. 11). Le rapport ajoute que :
[l]’investissement du GBM dans les IE [industries extractives] a été sélectif.
Depuis un certain temps, le GBM encourage le développement de nouvelles
capacités en matière d’IE par des investisseurs privés, dans un cadre de super-
vision et de réglementation appropriée par le gouvernement. […] Le soutien
du GBM au financement de l’investissement privé s’est principalement concen-
tré sur les projets des pays perçus par les investisseurs comme à risque et sur
les cas dans lesquels le GBM a pu apporter une valeur qui n’était pas dispo-
nible sur le marché, par exemple en termes de dispositifs de sauvegarde de
l’environnement et de transparence des revenus (Banque mondiale, 2004, p. 11).

Bien qu’au moment d’écrire ce rapport « [l]es investissements du GBM


dans les IE représentent […] moins de 5 % de ses investissements totaux annuels
et une part encore moins importante des nouveaux investissements mondiaux
dans les IE », l’influence exercée par ces institutions s’étend au-delà des activités
de financement, comme le note la réponse de la direction :
Introduction 17

Outre ses activités de financement, le GBM intervient en aidant les gouver­


nements à créer des cadres appropriés pour le développement réussi de leurs
ressources et le développement des capacités afin de mieux gérer les IE et
les questions connexes. Les politiques de sauvegarde du GBM et ses activités
de partenariat ont eu une influence sur l’orientation des politiques et des
comportements d’autres parties (Banque mondiale, 2004, p. 11).

L’examen de ce qui est présenté comme des « cadres appropriés pour le


développement réussi de leurs ressources » et des modèles de gouvernance qui
ont accompagné les réformes introduites dans ce domaine sont des questions
fondamentales qui seront abordées dans les prochains chapitres.
À la suite de la réponse initiale de la direction du GBM à l’EIR (Banque
mondiale, 2004 ; SFI, 2004a), une série de mises à jour annuelles, intitulées
Implementation of the Management Response to the Extractive Industries
(GBM, 2005 ; Banque mondiale et al., 2006, 2008), ont été publiées. Bien que ces
dernières ne soient pas analysées dans ce livre, plusieurs facteurs expliquent
pourquoi l’attention se tourne plus vers les recommandations initiales de l’EIR
que vers les réponses apportées.
Tout d’abord, il faut souligner que la réponse de la direction du GBM peut
seulement être décrite comme une réplique timide par rapport à ce qui avait été
recommandé par le rapport de l’EIR. À cet égard, des révisions majeures ont été
effectuées, dont l’abandon des recommandations de ne plus promouvoir d’inves-
tissements dans les zones de conflit, ainsi que le remplacement de la notion de
« consentement » préalable libre et éclairé par le concept de « consultation ». De
manière plus générale, il ressort de la réponse de la direction du GBM que ce
dernier accorde la priorité au mandat de la Société financière internationale
(SFI), et à son rôle de promotion de l’investissement dans le secteur extractif
selon une logique à court terme du rendement du capital investi, plutôt qu’aux
questions de développement que le mandat de la Banque mondiale confère à
cette institution.
Pour contribuer à la discussion qui se trouve au cœur de cette étude
collective, il est nécessaire de considérer deux autres éléments cruciaux portant
sur le rôle, d’une importance capitale, que les institutions multilatérales conti-
nuent d’assumer dans la détermination des conditions qui régissent les activités
du secteur extractif, notamment en Afrique. Premièrement, il est à noter qu’à
la lumière de l’augmentation du prix des ressources minières au cours de la
présente décennie, le positionnement et le rôle du GBM revêtent une impor-
tance d’autant plus grande. Dans ce contexte, en 2007, l’Afrique était de loin la
première région en ce qui a trait au financement global du GBM (40 %). Elle
était suivie par l’Asie du Sud (19 %), par l’Europe et l’Asie centrale (17 %),
ainsi que par le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (14 %) (Banque mondiale
et al., 2008).
18 Ressources minières en Afrique

Stimulées par les prix élevés des métaux et du pétrole et par le boom
résultant des activités dans le secteur extractif, les demandes adressées au GBM
pour un financement accru des projets sont demeurées nombreuses. À titre
d’exemple, en 2007, l’investissement du GBM dans le secteur extractif représen-
tait 776,8 millions de dollars américains et la contribution de la SFI constituait
86 % de ce montant (Banque mondiale et al., 2008, p. 7)8.
Deuxièmement, bien que le soutien apporté par le GBM afin d’encourager
l’expansion des activités minières dans les pays riches dans ce domaine prenne
la forme d’investissements financiers, il implique également une assistance tech-
nique et administrative qui a clairement eu un impact sur l’élaboration des
réformes dans les pays bénéficiaires de ce type de soutien. Bien qu’il soit possible
que le resserrement récent du capital d’investissement disponible puisse signifier
une baisse importante du nombre d’activités, dont la durée est difficile à prévoir,
l’impact qualitatif des politiques du GBM dans les pays d’Afrique riches en
ressources minières, mais endettés, doit, dans une certaine mesure, être analysé
de manière distincte des fluctuations des prix des matières premières et des
marchés financiers.
Nous ferons valoir que le rôle que joue le GBM dans la conceptualisation
et l’harmonisation des cadres réglementaires est au moins aussi important que
le soutien financier et technique qu’il accorde à la promotion des investissements
dans le secteur minier. Cet aspect introduit une dimension éminemment politique
dans les initiatives que mettent en œuvre les institutions financières internatio-
nales pour promouvoir les activités du secteur extractif. Pour ne citer qu’un seul
exemple, celui de la SFI et de la manière dont elle décrit son rôle en matière
d’amélioration de l’accès au financement, un rapport récent constate que : « le
crédit-bail est un nouveau service en Afrique, et le but de la SFI est de standar-
diser la législation et la réglementation d’un bout à l’autre du continent pour
favoriser les investissements régionaux et le développement des marchés » (Engel
et al., 2006, p. 17).
Il serait important par conséquent, que l’évaluation du rôle des IFI dans
le processus continu d’élaboration des conditions régissant les industries extrac-
tives ne se limite pas à analyser leurs contributions financières en se centrant

8. En 2007, la SFI a investi 251 millions USD dans l’exploitation minière, ce qui représente
37 % de ses investissements dans le secteur extractif (Banque mondiale et al., 2008, p. 7-8).
Voici une brève comparaison des investissements de la SFI dans le secteur pétrolier, gazier
et minier :
Années/ engagements Millions USD Engagements dans le secteur (%)
2001 309 7,8
2002 117 3,2
2003 1048 60
2004 630 11,2
Sources : SFI (2001, p. 3 ; 2002, p. 5 ; 2003, p. 76 ; 2004b, p. 3).
Introduction 19

principalement sur la question des sommes investies. Cette évaluation doit éga-
lement tenir compte des conditions particulières dans lesquelles les réformes
institutionnelles sont proposées et les projets miniers conçus, mis en œuvre
et surveillés, en tant que produits d’un contexte dont les cadres de réglementation
et les programmes de développement ont été approuvés par ces institutions. Cela
est particulièrement important car, au cours de la dernière décennie, dans
une tentative de contribuer au renouveau des réflexions et des politiques dans
ce domaine, le GBM a modifié la façon dont il présentait ses propositions.
De plus en plus, il a mis l’accent sur la satisfaction d’objectifs d’efficacité et de
normes de rendement. Ceux-ci sont évalués selon des critères techniques et admi-
nistratifs précis qui sont, à leur tour, associés à des réformes institutionnelles
conçues pour être conformes à une définition particulière de la « bonne gouver-
nance ». Il restera ensuite à documenter et à analyser les liens entre, d’une part,
un discours en constante redéfinition portant sur des programmes particuliers
de gouvernance et, d’autre part, un modèle de développement véhiculé par les
réformes recommandées aux pays d’Afrique riches en ressources minières.
À bien des égards, les recommandations de l’EIR sont allées plus loin que
les tentatives précédentes pour clarifier ces liens. En conséquence, sans prétendre
apporter des solutions complètes ou définitives, la série de préoccupations émises
et les recommandations formulées dans l’EIR pour y faire face fournissent un
arrière-plan utile aux analyses contenues dans le présent ouvrage.

CONCLUSION
Le but ultime de l’EIR est :
[d’]amener les considérations sociales et environnementales à un niveau
équilibré avec les considérations économiques dans les actions visant à lutter
contre la pauvreté par le développement durable [et de] se battre pour un
développement basé sur les droits de l’homme (EIR, 2003d, p. 8).

En plus de proposer des solutions spécifiques qui pourraient être appli-


quées concrètement pour résoudre les problèmes qu’elle décrit, la série de recom-
mandations s’avère intéressante si elle est prise dans son ensemble. En effet, elle
fait bien ressortir que limiter les réformes à la simple implantation de meilleures
normes n’est manifestement pas suffisant pour garantir que le secteur extractif
servira de levier au développement social et économique dans les pays du Sud
riches en ressources minières.
L’adoption d’une approche plus globale, pour comprendre l’introduction
de réformes et les conditions entourant leur application en tant que « processus »,
est un point central du rapport. Autrement dit, en adoptant une approche plus
holistique, le rapport reconnaît le besoin de tenir compte non seulement du cadre
de développement, mais aussi du « modèle de développement » dont font partie
20 Ressources minières en Afrique

les réformes et les projets. Il s’agit là d’une condition préalable essentielle pour
veiller à ce que le secteur extractif ait un impact potentiellement positif sur les
économies et les sociétés où se déroulent ses activités.
Les points évoqués précédemment soulèvent plusieurs enjeux qui seront
abordés dans ce livre, notamment ceux relatifs non seulement à l’appropriation
du processus de réforme en soi, mais aussi au rôle que les divers acteurs jouent
dans la réforme des arrangements institutionnels, et enfin à l’espace de décision
qui en résulte pour permettre l’émergence de politiques alternatives.
De plus, comme le GBM l’a lui-même reconnu, une croissance rapide des
activités dans le secteur minier ne permettra pas à elle seule d’encourager un
processus de diversification économique capable de promouvoir un développe-
ment autonome si des politiques publiques favorables ne sont pas mises en place.
Néanmoins, à la suite des réformes institutionnelles introduites à la demande des
IFI, la question de la compatibilité entre cet objectif et le rôle assigné aux États,
notamment les fonctions assumées par les États dans le secteur minier, se pose
toujours. Elle sera abordée dans les prochains chapitres.
Finalement, comme vont l’illustrer les cinq études de cas et la conclusion
de cet ouvrage, la responsabilité sociale et politique actuelle de superviser la
croissance des activités minières soulève des préoccupations, car la distinction
entre les sphères de responsabilité publique et privée semble désormais toujours
plus floue, qu’il s’agisse de l’élaboration de normes, de leur suivi, de l’apport
de mesures correctives ou de l’instauration de services sociaux de base. Ces
préoccupations demeurent encore aujourd’hui d’une grande actualité.

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CHAPITRE 1

Exploitation minière au Ghana


Répercussions sur le développement.
économique et la réduction de la pauvreté
Thomas Akabzaa

De nombreuses personnes ont soutenu que l’industrie minière ghanéenne pré-


sente un fort potentiel en matière de création de revenus d’impôt, ainsi que de
revenus connexes et d’emplois en quantité suffisante pour se traduire en retom-
bées économiques importantes pour le pays d’une part, et en amélioration nette
des conditions de vie de la population d’autre part. Cependant, les allégements
fiscaux démesurés et les mesures incitatives dont jouissent les investisseurs du
secteur minier semblent laisser peu de bénéfices et de ressources disponibles
pour des interventions visibles en matière de développement national. La situa-
tion est aggravée par le recours croissant et exclusif à des technologies d’exploi-
tation à ciel ouvert pour les projets entrés en opération à la suite de l’adoption
des réformes, tendance qui a eu pour effet de limiter les possibilités de création
d’emplois dans le secteur. De fait, la controverse entourant la question du carac-
tère juste et approprié de la taxation gouvernementale des entreprises privées
en général est un enjeu qui refait constamment surface et qui est judicieusement
abordé dans une récente étude parrainée par la Banque mondiale consacrée aux
redevances sur les ressources minières dans l’ensemble de cette industrie :
En matière d’impôt minier, les gouvernements croient rarement que les com-
pagnies paient trop d’impôt ; les compagnies croient rarement qu’elles paient
trop peu d’impôt ; et les citoyens croient rarement qu’ils profitent réellement
des impôts payés1 (Otto et al., 2006, p. xi).

1. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont
été traduites.
26 Ressources minières en Afrique

À la lumière de la première série de recommandations de la Revue des


industries extractives (EIR) voulant qu’une bonne administration de l’activité
minière, incluant une gestion proactive, devrait contribuer à optimiser la réduc-
tion de la pauvreté par le développement durable, ce chapitre souhaite participer
au débat en examinant dans quelle mesure les divers impôts, mesures incitatives
et autres allégements fiscaux prévus par le régime financier de la Loi sur
les minerais et les mines (Minerals and Mining Law) PDNCL 153 de 1986
(Gouvernement du Ghana, 1986), ainsi que ses annexes et amendements qui ont
maintenant été regroupés dans le Code minier (Minerals and Mining Act) révisé
703 de 2006 (Gouvernement du Ghana, 2006), ont eu un impact sur la généra-
tion de revenus gouvernementaux au Ghana. Ainsi, l’analyse ici présentée
explore les répercussions des régimes de taxation, et des régimes incitatifs pour
la retenue de recettes minières, à l’échelle locale et nationale, dans une optique
de développement.
Proposant en tout premier lieu une vue d’ensemble du potentiel du
secteur minier au Ghana et de la dichotomie des perceptions quant à la contri-
bution que ce secteur peut apporter au développement national et à la réduc-
tion de la pauvreté, ce chapitre poursuit avec une présentation des réformes
qui ont été adoptées à ce jour dans le secteur minier ghanéen. Il examine donc
l’étendue des impôts et allégements fiscaux prévus par le régime financier du
Code minier et par d’autres accords d’investissement négociés. En général, les
entreprises minières réussissent à obtenir de ces accords d’investissement
négociés de bien meilleures concessions fiscales et autres que celles prévues
par le Code minier, ainsi que des impôts moins élevés et la possibilité d’opter
pour des paiements d’impôt différés. Le chapitre explore ensuite les consé-
quences de ces concessions sur le développement national, notamment en
matière de réduction de la pauvreté au sein des communautés affectées par
l’exploitation minière.
En conclusion, nous suggérons que la génération de revenus gouverne-
mentaux demeure limitée par de nombreux facteurs tels que les amortissements
fiscaux autorisés, la liste d’équipements et d’articles miniers exemptés de droits
de douane et d’importation, le non-paiement à la fois des impôts sur les gains
en capital, des retenues fiscales sur les dividendes et des impôts sur le revenu,
la quantité considérable de recettes détenues dans des comptes à l’étranger,
de même que le paiement des redevances minières au plus bas taux permis.
Tous ces facteurs tendent à rendre moins perceptible la contribution du sec-
teur au développement économique national. De façon similaire, les capacités
d’emploi limitées qu’offrent les méthodes modernes d’exploitation minière,
l’augmentation des quotas dans l’embauche d’expatriés dans les mines et les
répercussions environnementales et sociales négatives des activités minières
sur les communautés locales ont également limité la contribution de ce secteur
au développement national et à la réduction de la pauvreté au pays.
Exploitation minière au Ghana 27

1. PORTRAIT DU SECTEUR MINIER AU GHANA


1.1. La richesse minière du Ghana n’est pas remise en cause,
c’est son impact sur l’économie nationale qui l’est
Le Ghana possède une richesse minérale considérable. On y exploite des minerais
tels que l’or, le manganèse, le diamant, la bauxite, le calcaire, le sel de silice et le
sel en quantités commerciales, l’or représentant de loin le plus important minerai
exploité. De même, le sous-sol du pays contient des ressources de fer et de divers
autres minerais industriels en quantité significative. L’exploitation gazière et
pétrolière commerciale, soutenue par l’annonce de découvertes importantes en
juin 2007, présente également un potentiel grandissant. Les efforts déployés dans
le but d’exploiter ces ressources à des fins de développement national, au moyen
de la promotion de l’investissement étranger dans le secteur, ont une longue
histoire. Cependant, ceux-ci se sont grandement intensifiés depuis que le Ghana
a signé, en 1983, le Programme d’ajustement structurel (PAS) prescrit par la
Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). La mise en œuvre
de ce programme a nécessité des réformes dans des secteurs clés de l’économie,
y compris le secteur minier.
Les activités minières du Ghana ont connu une forte croissance à la suite des
réformes du secteur appliquées en vertu du PAS. Du début des réformes en 1983
à ce jour, le secteur a connu un boom considérable des investissements, et une
augmentation du nombre de nouvelles mines et de propriétés minières au stade
de l’exploitation ou de l’exploration avancée, en particulier dans le secteur de
l’or. De plus, le secteur a attiré un nombre important d’entreprises de soutien à
l’exploitation minière, notamment dans les domaines de la restauration, du trans-
port et de la sécurité, ainsi que des fabricants d’explosifs et des laboratoires de
titrage de minerais.
La motivation et la ferme volonté de poursuivre ces profondes réformes repo-
sent sur la conviction de l’administration ghanéenne que le secteur minier
dispose d’un fort potentiel de stimulation du développement national et de
réduction de la pauvreté, notamment dans les communautés en périphérie des
projets miniers. Cette conviction est loin d’être spécifique à l’administration
ghanéenne, et elle demeure abondamment partagée à l’échelle mondiale. Selon
le rapport final de l’EIR parrainé par la Banque mondiale, plusieurs seraient
persuadés que les pays riches en ressources naturelles peuvent lutter contre la
pauvreté et maintenir une croissance économique « grâce à une gestion pru-
dente et à l’allocation de revenus » tirés du secteur (EIR, 2003, p. 14). C’est
donc en raison de cette conviction selon laquelle les ressources extractives ont
un rôle à jouer dans la lutte contre la pauvreté que le Groupe de la Banque
mondiale (GBM), dont la principale fonction déclarée est de contribuer à la
réduction de la pauvreté, s’implique et participe explicitement à la promotion
des investissements dans le secteur extractif.
28 Ressources minières en Afrique

Cependant, après 25 années de réformes soutenues dans le secteur minier


au Ghana, la question fondamentale demeure toujours la suivante : l’industrie
minière a-t-elle fait la preuve qu’elle représentait un moyen efficace pour lutter
contre la pauvreté et garantir un développement national durable ? Cette interro-
gation ne devrait pas laisser entendre que l’on pourrait s’attendre à une réponse
unanime. De fait, bien qu’il y ait consensus sur l’étendue du potentiel minier du
pays, il n’est pas surprenant de constater qu’il existe de nombreuses divergences
d’opinion quant à l’importance de la contribution de l’exploitation minière au
développement économique national du Ghana. Et le débat s’intensifie encore
davantage quant à la contribution des activités minières aux efforts de réduction
de la pauvreté, notamment dans les communautés locales directement affectées
par les activités minières et où la pauvreté demeure omniprésente.
Un courant d’idées soutient résolument que l’industrie minière contri-
buerait de manière manifeste au développement national et à la réduction de
la pauvreté au Ghana. Ce point de vue est notamment partagé par les entreprises,
les agences gouvernementales qui prônent l’exploitation minière, les consul-
tants miniers, ainsi que certains universitaires, administrateurs gouvernemen-
taux et chefs traditionnels. Ceux-ci soutiennent généralement que le secteur
minier du pays fait preuve d’une excellente performance et qu’il joue un rôle
de première importance dans l’économie nationale, particulièrement depuis
les réformes des politiques du secteur qui ont eu lieu après 1986. De même, ils
rappellent souvent que la hausse du flux des investissements directs étrangers
(IDE) dans le secteur, l’augmentation de la production annuelle de minerais
et de la valeur des exportations minières, la croissance des activités d’explora-
tion et le fait que le nombre de mines en exploitation ait triplé constituent des
preuves irréfutables de la contribution du secteur à l’économie nationale (Aryee,
2001 ; Banque mondiale, 1999 ; Coakley, 1999 ; Economic Commission for Africa
(ECA), 2002 ; Jonah, 1987).
Les résumés statistiques sur l’industrie fournis par la Commission des res-
sources minières (Minerals Commission), l’agence gouvernementale chargée de
promouvoir les investissements miniers au Ghana, renforcent ce point de vue.
La prospection et les activités minières ont effectivement connu une croissance
significative à la suite des réformes. À la fin de 2005, le secteur avait attiré près
de 6 milliards de dollars américains en IDE, ce qui représente presque 60 % du
flux des entrées d’IDE dans l’économie nationale au cours de cette période. Le
pays peut maintenant se targuer de compter 16 mines en exploitation, 6 projets
au stade du développement et plus de 150 compagnies locales et étrangères
détenant des permis de prospection, principalement dans le domaine de l’or. La
production totale de tous les principaux minerais exploités s’est multipliée. De
1984 à 2005, la production annuelle d’or est passée de 282 299 à 2 143 000 onces,
celle du manganèse de 267 996 à 1 719 589 tonnes, celle de la bauxite de 44 169
à 606 700 tonnes, et celle du diamant de 341 978 à 1 065 923 carats. La valeur de
la production minière annuelle totale est quant à elle passée de 115,3 millions
Exploitation minière au Ghana 29

de dollars américains en 1984 à 995,2 millions de dollars américains en 2005. Le


secteur représente maintenant plus de 30 % des recettes en devises étrangères
brutes du pays (tableau 1.1). Le sous-secteur de l’or demeure à ce titre le plus
important, représentant plus de 90 % de la valeur totale des exportations de
minerais, et ayant même franchi le seuil des 95 % en 1994 et en 1995, en grande
partie grâce à une augmentation du prix de l’or.

Tableau 1.1. CONTRIBUTION DU SECTEUR MINIER À LA VALEUR BRUTE


DES EXPORTATIONS (1984-2005)

Exportations 1984 1990 1995 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Or (USD) 103,3 201,6 647,3 702,0 617,8 689,1 830,1 840,2 945,8
Total des exportations
115,3 242,3 678,9 756,0 691,4 753,9 893,6 880,0 995,2
de minerais (USD)
Total des
567,0 896,7 1 431,2 1 936,3 1 867,1 2 015,2 2 602,6 2 739,2 2 836,2
exportations (USD)
Minerais – % des
20,34 27,02 47,44 39,04 37,03 37,41 34,33 32,1 35,1
exportations
Or – % total des
18,22 22,48 45,23 36,26 33,09 34,19 31,90 30,7 33,3
exportations
Or – % de tous
89,59 83,20 95,35 92,87 89,36 91,40 92,90 95,5 95,0
les minéraux
Source : Minerals Commission (2007).

Toutefois, un nombre grandissant de sceptiques ne voient pas la contribu-


tion de l’industrie du même œil. Ces derniers soutiennent que malgré des résul-
tats louables sur le plan de la transformation de l’industrie minière, le secteur
n’a pas engendré de développement intégré et de bien-être collectif, n’a pas
garanti les moyens de subsistance ni réduit la vulnérabilité des communautés
pauvres (Agbesinyale, 2003 ; Akabzaa et Darimani, 2001 ; Aryeetey, Osei et
Twerefou, 2004). Selon Aryeetey et al. (2004), la performance améliorée du sec-
teur en tant que première destination des IDE et principale source brute de
devises étrangères n’a pas donné lieu à des résultats tangibles en ce qui concerne
la performance de l’économie nationale. Les bénéfices réalisés par l’industrie
auraient été concentrés de manière disproportionnée entre les mains des sociétés
minières et des membres d’une élite locale qui en profitent à titre de consultants
ou de membres de conseils d’administration de compagnies minières, tandis que
certains chefs traditionnels tirent certains bénéfices des transferts de redevances
sur les minerais.
Dans le même ordre d’idées, plusieurs maintiennent que, malgré les statis-
tiques flamboyantes qui ont été présentées, l’état actuel de l’économie ghanéenne
n’amène pas à penser qu’on ait tiré de l’expansion du secteur minier un impact
positif important. Ce type d’argumentaire suggère que ce secteur aurait
30 Ressources minières en Afrique

pu performer beaucoup mieux sur le plan de la contribution aux revenus du


gouvernement, à l’emploi, à l’amélioration des conditions de vie des communau-
tés situées près des projets miniers, ainsi qu’au PIB du pays. Manifestement, de
meilleurs résultats s’imposent sur ces plans si le Ghana souhaite faire des progrès
pour atteindre les Objectifs du millénaire (ODM) qui consistent à réduire la
pauvreté de moitié d’ici 2015. Dans les faits, des preuves concluantes existent
quant au caractère actuellement endémique de l’état de la pauvreté au Ghana.
Le pays est relativement mal coté dans l’Indicateur du développement humain
de l’Organisation des Nations Unies (ONU), occupant en 2006 dans la 131e place
sur 171 pays (PNUD, 2006). Selon le premier rapport du Mécanisme africain
d’évaluation par les pairs (MAEP, 2005) qui fixait son attention sur le Ghana,
pour atteindre les ODM et son objectif de devenir un pays à revenu intermédiaire
d’ici 2015, le Ghana devrait connaître un taux de croissance annuel de 8 à 10 %
(MAEP, 2005, p. 116), ce qui semble peu probable considérant que le taux de
croissance annuel actuel se situe entre 4 et 5 %.
Le Ghana, comme plusieurs autres pays africains riches en minerais,
ne semble pas doté de programmes probants à moyen ou à long terme en ce
qui concerne l’utilisation et le développement intégré de ses ressources minières
(ECA, 2005), bien qu’il s’agisse d’un cadre nécessaire qui devrait définir le rôle
du secteur dans l’ensemble de la trajectoire de développement national. Ce
secteur est toujours régi, en grande partie, par des lois qui demeurent parfois
contradictoires. En conséquence, au-delà de permettre l’atteinte partielle de
l’objectif relatif aux devises, la contribution du secteur minier au développement
économique national demeure incertaine.
Plusieurs efforts ont été consentis par les réformes du secteur minier en
vue de consolider la législation propre à l’industrie minière et de résoudre cer-
taines des contradictions et certains des conflits législatifs existants. La première
loi holistique spécifique au secteur minier, la Loi sur les minerais et les mines
PNDCL 153, a été introduite en 1986 (Gouvernement du Ghana, 1986). Elle a
par la suite été amendée puis remplacée, en 2006, par le Code minier révisé 703
(Gouvernement du Ghana, 1986). Les nouveaux codes miniers ont été acclamés
pour leur nature compétitive sur le plan international quant à leur capacité
d’attirer des investisseurs étrangers.
Il ne fait pas de doute que les dispositions fiscales et les clauses relatives
aux titres miniers incluses dans la législation minière du Ghana ont eu des réper-
cussions importantes. Toutefois, les impacts de ces codes miniers ont souvent été
évalués selon la capacité de ces derniers d’attirer de nouveaux investissements,
la progression de la prospection minière, le nombre de projets miniers entrant
en opération, la contribution du secteur minier aux exportations totales ou à
la valeur brute des exportations, ainsi que les recettes en devises étrangères pro-
venant du secteur (Aryee, 2001 ; Aryee et Aboagye, 1997 ; Banque mondiale, 1999).
Le pourcentage de la valeur des exportations nationales totales apporté par
Exploitation minière au Ghana 31

le secteur minier est habituellement la seule mesure utilisée pour évaluer la


performance du secteur, sous prétexte qu’il n’existe pas suffisamment de données
disponibles concernant les autres aspects d’intérêt (ECA, 2002). Le principal
facteur à la base de la restructuration de l’industrie minière de manière générale
demeure le changement de paradigme en faveur de l’hypothèse selon laquelle
l’État devrait se limiter à la promotion et à la réglementation de l’investissement
privé, sans être directement impliqué dans la gestion de projets miniers. L’idée
selon laquelle l’État ne devrait pas « faire des affaires » a une forte résonnance
chez les groupes qui adhèrent au mode de pensée néolibéral dominant. Ce para-
digme suggère qu’une fois que l’État a créé un environnement susceptible d’attirer
des capitaux privés dans le secteur minier, ses besoins en matière de revenus
nécessaires au développement national peuvent être satisfaits par une imposi-
tion appropriée. Autrement dit, les pays riches en minerais pourraient aug-
menter leurs revenus et bénéfices grâce à l’évolution de politiques fiscales
concurrentielles (Banque mondiale, 1992 ; Walde, 1992).
Il apparaît évident que l’industrie minière peut générer des retombées,
sous la forme de recettes fiscales, pour les pays qui disposent d’abondantes res-
sources. Cependant, l’ampleur de ces retombées dépendra de la part des rentes
reçues par les pays concernés et de la manière dont elles sont gérées (Davis et
Tilton, 2002). La quantité de rentes et de bénéfices connexes qu’une nation
peut tirer de l’expansion de son secteur minier dépend des dispositions prévues
par la législation minière nationale, et en particulier par le régime financier,
ainsi que des accords d’investissement et de stabilité négociés individuellement
avec les compagnies minières. Ces dispositions déterminent les niveaux d’im-
position et l’ensemble des mesures d’encouragement destinées aux investisseurs
dans le secteur.

1.2. Efforts gouvernementaux pour la promotion du secteur minier


En 1983, le gouvernement du Ghana a adhéré à un Programme de relance de
l’économie (PRE) à l’instigation, et avec le soutien, des institutions de Bretton
Woods. Selon le préambule du plan détaillé du PRE (Banque mondiale, 1984),
cet exercice avait pour but de freiner l’effondrement des principaux secteurs
d’exportation de l’économie dû au manque d’investissements observé depuis
des décennies dans ces secteurs. Les industries du cacao, de l’exploitation minière
et du bois d’œuvre, les principaux secteurs d’exportation de l’économie natio-
nale, constituaient les cibles les plus importantes de ces réformes qui visaient
l’augmentation de leur compétitivité et de leur capacité à attirer des IDE.
L’objectif central du programme concernant le secteur minier était de frei-
ner le déclin de sa production et de stabiliser celle-ci par des mesures monétaires,
non monétaires et économiques de court terme. Cela devait se faire par la res-
tauration des mines actuelles avec l’aide financière et technique des institutions
multilatérales, et par le dessaisissement et la libéralisation du secteur dans le but
32 Ressources minières en Afrique

de promouvoir un environnement susceptible d’attirer des investissements privés


(Songsore, 2003). Afin d’atteindre ces objectifs, la Commission des ressources
minières a été créée en 1986, sous la forme d’un centre d’investissement minier.
Par la suite, d’autres institutions du secteur minier ont été renforcées telles que
le Département de géologie et le Département des mines, et la Diamond Market
Company (DMC) est devenue la Precious Minerals Marketing Corporation
(PMMC), avec le mandat de coordonner la commercialisation de tous les
métaux et minéraux précieux provenant des petits exploitants miniers.
Les principales initiatives liées à l’élaboration de politiques dans l’industrie
minière ont inclus la promulgation du premier Code minier détaillé et indépen-
dant du Ghana, à l’intérieur de la Loi sur les minerais et les mines PNDCL 153
de 1986. Le Code a évolué grâce à l’assistance technique de la Banque mondiale,
et le contenu a été défini conformément à la stratégie minière déployée par la
Banque mondiale à l’échelle du continent (Banque mondiale, 1992). Les dispo-
sitions prévues par la Loi incluaient la simplification des procédures relatives à
l’octroi des permis miniers, la création et le renforcement d’institutions d’appui,
et l’établissement d’un régime financier favorable et concurrentiel.
À la suite de ces réformes, le pays a entretenu l’espoir qu’un investissement
suffisant permettrait au secteur minier de devenir le premier secteur en matière
de financement du développement et un pôle de croissance pour l’ensemble du
développement national (Songsore, Yankson et Tsikata, 1994).

2. VUE D’ENSEMBLE DES ÉLÉMENTS FISCAUX


DE LA LÉGISLATION MINIÈRE DU GHANA
2.1. Loi sur les minerais et les mines (PNDCL 153)
Adoptée en 1986, la Loi sur les minerais et les mines PNDCL 153 constitue la
première législation du Ghana à traiter spécifiquement de l’exploitation minière.
Une de ses sections a défini un régime financier pour les compagnies œuvrant
dans le secteur minier, ou cherchant à y œuvrer. Elle prévoyait des incitations
fiscales pour les étrangers désirant investir dans ce secteur :
ƒƒ De généreux amortissements fiscalement autorisés, et abattements pour
l’investissement, qui permettaient de déduire jusqu’à 80 % du total des
investissements au cours de la première année. Le montant restant était
déprécié à 50 % pour les années suivantes.
ƒƒ Un impôt sur le revenu des entreprises minières représentant 45 % des
bénéfices nets, qui a ensuite été réduit à 35 %.
ƒƒ Un taux d’imposition sur les redevances minières basé sur une échelle
allant de 3 à 12 % de la valeur brute de la production minière, selon la
marge d’exploitation de la compagnie.
Exploitation minière au Ghana 33

ƒƒ Des taux d’imposition définis sur les gains en capital et les dividendes,
et l’introduction d’un impôt additionnel sur les profits devant être payé
si une entreprise dépassait un certain taux de rendement au cours d’une
année. Ce type d’impôt est fréquemment appliqué aux secteurs minier et
pétrolier en particulier, et il est conçu pour garantir que le gouvernement
puisse profiter de bénéfices exceptionnels générés par un prix très élevé
des métaux ou du pétrole.
Le régime prévoyait une certaine flexibilité quant à l’échéancier relatif au
paiement des redevances et des impôts des sociétés. En particulier, il habilitait
le ministre chargé de l’exploitation minière à accorder le report du paiement des
redevances si une entreprise en difficulté en faisait la demande. En plus des
éléments fiscaux, la Loi a introduit de nombreuses clauses ayant des implications
sur les revenus gouvernementaux et la disponibilité des devises dans le secteur.
L’État était limité à une participation obligatoire de 10 % dans tous les investis-
sements miniers, avec l’option d’accroître cette participation à 20 %, en obtenant
toutefois ces parts au tarif commercial (Akabzaa et Darimani, 2001). Les com-
pagnies minières pouvaient maintenir une quantité négociée de leurs ventes
brutes de minerais, de 25 à 80 %, dans des comptes à l’étranger. La Loi établissait
aussi des quotas sur l’embauche d’expatriés, ainsi que des restrictions sur les
montants des impôts pouvant être prélevés localement sur leurs revenus. Le
régime déterminait enfin les niveaux relatifs, entre autres, aux frais de timbre, à
la location de surfaces, ainsi qu’aux frais pour les permis et les baux miniers (voir
tableau 1.2).
La loi de 1986 a ainsi constitué la principale législation régissant le secteur
minier au Ghana, avec peu d’amendements et d’addendas, jusqu’à ce qu’elle soit
remplacée en 2006. Plus de dix ans après son adoption, diverses préoccupations
concernant le caractère peu compétitif de la Loi en comparaison avec celles d’autres
pays d’Afrique riches en minerais ont fait surface, particulièrement du côté des socié-
tés minières et des institutions financières internationales, notamment le GBM. La
Banque a alors révisé son plan détaillé, se basant sur les résultats d’une étude globale
sur les réformes du secteur minier (Naito et Remy, 2000). Celle-ci suggérait que pour
réussir à attirer des investissements privés à long terme dans le domaine de l’explo-
ration minière, il fallait non seulement une bonne dotation en ressources naturelles,
mais également une application efficace des politiques. Le but était donc d’adapter
le cadre de mise en valeur du secteur minier d’un pays sur le plan institutionnel, fiscal
et juridique aux défis que présentent les marchés mondiaux concurrentiels. L’étude
a conçu un indice de réforme mesurant le potentiel des pays riches en minerais quant
à leur capacité à attirer des investissements. Selon cet indice et les résultats de cette
nouvelle enquête, la loi de 1986 avait perdu de son éclat, et le Ghana voyait ses
investissements diminuer au profit de pays comme la Tanzanie, la Guinée et le Mali,
dotés de régimes légaux beaucoup plus libéraux.
Le Code minier non compétitif a notamment été critiqué pour le manque
de croissance dans le nombre de permis de prospection délivrés et pour
34 Ressources minières en Afrique

l’investissement stagnant dans le secteur minier de 1998 jusqu’au-delà de 2000.


Toutefois, l’analyse n’a pas tenu compte d’autres facteurs qui auraient pu expli-
quer cette diminution de l’activité minière au Ghana, tels que le manque de
terrains prometteurs et la chute des prix des métaux. En plus de dissuader la
prospection, la baisse des prix a entraîné la fermeture de mines marginales. Entre
1997 et 2000, le prix de l’or a chuté de 400 à 260 dollars américains l’once, ce qui
a eu un certain impact négatif sur l’exploitation de manière générale (Akabzaa,
2004). Cependant, le gouvernement du Ghana a accepté l’argument selon lequel
une révision du Code était nécessaire, et il s’est fixé l’objectif de veiller à ce que
celui-ci demeure concurrentiel.

2.2. La naissance du nouveau Code minier


En 2001, le Ghana a donc été obligé d’entamer un processus de révision de son
Code minier avec l’aide financière et technique de la Banque mondiale. Cette
fois, les consultants impliqués dans la révision avaient à leur disposition, comme
prototypes minimaux acceptables, les codes de la Tanzanie et du Mali, une variété
d’autres codes jugés favorables aux investisseurs dans le monde et, bien sûr, les
recommandations de l’étude de Naito et Remy (2000). Selon la Commission des
ressources minières, la loi révisée qui était proposée refléterait les nouveaux
points de vue et les progrès de l’industrie minière dans son ensemble, et conso-
liderait la législation autant pour l’exploitation minière industrielle d’envergure
mondiale que pour l’exploitation aurifère à petite échelle. Selon le rapport de la
mission de supervision de la Banque mondiale :
l’objectif du projet d’étude est de définir un cadre concurrentiel à l’échelle
mondiale qui assurera une fondation légale solide, ainsi qu’un régime fiscal
stable et équitable doté de règles environnementales justes et claires pour
soutenir la mise en valeur continue de l’exploitation minière ghanéenne au
cours de la prochaine décennie (Minerals Commission, 2001, p. 1).

2.3. La nouvelle Loi sur les mines : la question des processus


Un examen des processus de consultation qui se sont soldés par l’adoption de la
Loi pourrait de prime abord sembler hors propos. Toutefois, il s’agit d’un passage
nécessaire pour être en mesure d’illustrer la nature biaisée et asymétrique des
pouvoirs qui ont influencé le contenu du document final, ainsi que les résultats
qui en ont découlé. Certains ont pu soutenir que les consultations avaient fait la
preuve que des améliorations progressives avaient été apportées en matière de
gouvernance dans le secteur extractif au Ghana, et qu’elles témoignaient de
l’engagement croissant de l’industrie minière, en particulier, en faveur de la partici-
pation du public lors de l’élaboration de politiques. Il a également été suggéré que
les processus de consultation avaient ouvert la voie à toutes les parties concer-
nées pour que celles-ci expriment leurs diverses opinions, et que le document
final était le résultat d’un consensus.
Exploitation minière au Ghana 35

Cependant, d’autres personnes ont estimé que cet exercice semblait plutôt
relever d’une rhétorique de relations publiques. Les consultations n’auraient
pas satisfait les points de référence minimaux en matière de participation du
public, et ce en raison des grandes différences entre le nombre de représentants
de chacun des groupes concernés présents et des capacités respectives de ces
derniers. On a aussi soutenu que les points de vue des compagnies minières
dominaient dans le document final, alors que ceux exprimés par les com-
munautés locales et les représentants de la société civile y étaient rarement
reflétés. Selon ces sceptiques, cet exercice révélait la partialité de la Banque
mondiale, des entreprises minières et du gouvernement quant au concept de la
participation du public à l’élaboration de politiques.
Dans l’ensemble, la nécessité de réviser la législation n’était pas remise en
question ; elle apparaissait même en effet largement nécessaire. Après près de 20 ans
d’application de la Loi sur les minerais et les mines PNDCL 153, plusieurs contra-
dictions et conflits étaient survenus au sein et entre les parties concernées par le
secteur minier au pays. L’insatisfaction du public allait grandissant en raison des
impacts sociaux et environnementaux négatifs dont étaient victimes les commu-
nautés locales situées en périphérie des projets miniers. Les nouvelles entreprises
minières entrant en opération établissaient généralement des mines à ciel ouvert
nécessitant beaucoup plus d’espace que les mines souterraines traditionnelles. Elles
utilisaient la technologie de lixiviation en tas, qui comporte de sérieux risques
d’introduire des produits chimiques toxiques dans l’environnement immédiat et
d’affecter les sources d’eau. Cette technologie nécessitait peu de main-d’œuvre,
et celle-ci devait être qualifiée. Par conséquent, les membres des communautés
locales, qui possèdent trop rarement les com­pétences requises, avaient tendance à
se trouver exclus par ces nouvelles exigences.
Au cours de cette période, les conflits entre entreprises minières et com-
munautés se sont intensifiés en raison des déplacements et des réinstallations de
communautés, ainsi que des différends concernant le paiement d’indemnités en
compensation pour les propriétés réquisitionnées, y compris les terres et les mai-
sons. Les communautés ne voyaient aucun projet social concret résultant de
l’exploitation minière prendre forme dans leur région. La cohésion sociale dimi-
nuait dans les communautés touchées par cette exploitation, et il y régnait le
sentiment que la corruption des autorités locales, alimentée notamment par
les pratiques des sociétés minières, ne cessait de croître. Les chefs tradition-
nels étaient de plus en plus considérés avec méfiance par leurs citoyens qui
estimaient qu’ils collaboraient avec les gouvernements et les entreprises pour
leur refuser les avantages découlant des recettes minières. La réplique de plus
en plus fréquente des communautés est alors apparue comme le principal résultat
de ces évolutions.
Les chefs traditionnels, en particulier ceux qui profitent légalement de la
distribution des redevances minières, ont accusé les entreprises minières et le
gouvernement central de ne pas leur verser une juste part. Selon eux, ils se
36 Ressources minières en Afrique

trouvaient dans l’impossibilité de participer aux projets de développement dans


leurs communautés parce que la part des redevances minières dont ils héritaient
n’était pas suffisante. Ils ont ainsi entrepris des mesures ayant pour but de boni-
fier cette contribution. Leurs demandes ont reçu un solide appui de la Chambre
des mines. Tout en étant accusées d’en faire trop peu pour aider les communautés
locales, les sociétés minières soutenaient qu’elles avaient entièrement respecté
leurs obligations en matière de paiement de redevances et d’impôts. Elles affir-
maient également que le manque de retombées dans les communautés venait
principalement de ce que le gouvernement ne procédait en général qu’à une
répartition minimale des recettes minières à l’échelle locale.
Des confrontations similaires et encore plus intenses ont été observées
entre les entreprises minières et les mineurs artisanaux au sujet de l’accès aux
concessions. Les mineurs des petites exploitations minières et mines artisanales
(PEMMA) étaient mécontents des restrictions statutaires relatives à la quantité
de terres qu’ils pouvaient se voir concéder et à la durée des baux qui y sont
associés qui se limitait à un intervalle de trois à cinq ans. C’est que dans certains
centres miniers tels qu’Adansi Ouest (Obuasi) et Wassa Ouest (Tarkwa), on fait
face à une situation de manque de terres propices à la prospection des exploitants
des PEMMA. En effet, la plupart des terres sont entre les mains des grandes
compagnies minières ou ont été désignées comme réserves forestières. La plupart
des PEMMA n’avaient donc souvent d’autre choix que d’empiéter sur des terres
déjà cédées pour de grands projets miniers ou encore sur des réserves forestières.
Les conflits qui ont suivi ont engendré des coûts substantiels et imprévus pour
les compagnies minières, le gouvernement et les communautés locales. Il est
apparu évident que les dispositions du Code minier n’étaient pas suffisantes
pour résoudre ces conflits.
Ces problèmes émergents ont été en partie associés au processus ayant
conduit à l’adoption du Code minier de 1986. Le processus de réforme a été
centré sur le gouvernement et il a semblé essentiellement tenir compte des
points de vue des entreprises minières et du gouvernement, sans réellement
prendre en considération l’opinion ni les aspirations des communautés locales
et de la société civile. On pourrait à ce titre considérer que ces préoccupations
et aspirations de la population peuvent être incluses dans les perspectives du
gouvernement, mais il s’agit là d’un argument plutôt boiteux. Il apparaît en
effet inopportun de présumer que les intérêts du gouvernement coïncident
nécessairement avec ceux du grand public. Par conséquent, toutes les consul-
tations qui se restreignent au gouvernement et à l’industrie continueront de
produire des résultats insatisfaisants, et ce tant que les communautés locales,
des partenaires essentiels aux projets miniers, n’y participeront pas pleine-
ment. Selon plusieurs, pour régler ces questions, toute tentative de réviser le
Code devrait faire preuve de suffisamment d’ouverture pour tenir compte
des préoccupations des diverses parties concernées, notamment les
Exploitation minière au Ghana 37

communautés locales. Car on peut considérer les communautés affectées ni


plus ni moins comme des investisseurs involontaires, puisque devant l’entrée
en scène d’un projet minier, elles doivent se départir de leur plus important
héritage naturel, la terre.

Une équipe internationale de consultants fournie par la Banque mondiale


ainsi que des experts juridiques et environnementaux locaux ont dressé une liste
de questions à considérer et à soumettre au débat public avant de rédiger le
projet de loi sur les mines. Un certain nombre de parties intéressées ont été solli-
citées pour discuter du projet de loi, notamment les agences gouvernementales
concernées, la Chambre des mines, des chefs traditionnels, des consultants du
secteur minier, un représentant des petits exploitants miniers, le Third World
Network, la Wassa Association of Communities Affected by Mining (WACAM)
et certains représentants d’assemblées de district. Cependant, les principales
parties concernées n’étaient pas représentées de manière égale. Les relations de
pouvoir existantes ont aggravé le problème, le gouvernement et l’industrie
minière (représentés par la Chambre des mines) étant surreprésentés compara-
tivement aux communautés affectées par les activités minières et les groupes de
la société civile.

Le débat était centré sur les points suivants :


ƒƒ les façons dont le projet de loi pourrait garantir que les compagnies
minières internalisent les coûts environnementaux et sociaux de leurs
opérations ;
ƒƒ les mécanismes relatifs au déplacement des communautés locales affectées
par les projets miniers qui garantiraient un régime d’indemnité juste pour
les personnes touchées ;
ƒƒ une définition claire des impôts et des taux d’imposition ;
ƒƒ la détermination des bénéfices et des bénéficiaires ;
ƒƒ la sécurité des titres de propriété pour les détenteurs de droits miniers,
à la fois pour les responsables des grandes compagnies et des PEMMA ;
ƒƒ le transfert facile des droits miniers entre les titulaires de ces droits, avec
un minimum d’intervention de la part du gouvernement ;
ƒƒ le partage équitable des bénéfices entre les principales parties concernées,
y compris les communautés locales ;
ƒƒ la maximisation des retombées locales pour faire la promotion d’un
développement durable ;
ƒƒ le besoin d’accorder plus d’importance aux activités des PEMMA, afin de
maximiser leur contribution au développement national.
Beaucoup de temps a été consacré au besoin d’élaborer des clauses légis-
latives prévoyant la mise en place de mécanismes pour un partage entre les
communautés des portions de l’impôt sur les redevances prélevé centralement.
38 Ressources minières en Afrique

Les représentants de l’industrie ont revendiqué :


ƒƒ une réduction du taux des redevances minières de 1986, afin qu’il passe de
3 à 12 % à une échelle de 1 à 3 % ;
ƒƒ l’élimination de la participation obligatoire de 10 % de l’État, et de son
action préférentielle dans tous les projets miniers ;
ƒƒ l’abolition des restrictions relatives à l’exploitation minière dans les
réserves forestières ;
ƒƒ la limitation de l’imposition des employés expatriés dans le secteur minier ;
ƒƒ des clauses pour obliger le gouvernement à augmenter le taux des rede-
vances versées aux communautés pour qu’il passe de 10 à 30 %.
À la fin de 2002, des groupes d’intérêt sélectionnés ont débattu d’un
projet de loi sur les minerais et les mines. Un projet de loi révisé a finalement
été déposé devant le Parlement en 2004. Plusieurs mémorandums ont été
remis au Parlement, notamment par la Chambre des mines, ainsi que par des
groupes communautaires et de la société civile travaillant dans le secteur
extractif, en vue de s’assurer qu’une fois finalisée, la loi reflèterait leurs points
de vue.
Les groupes communautaires et la société civile, agissant sous la bannière
de la Coalition nationale sur les mines (National Coalition on Mining) du Ghana,
ont soumis une proposition qui rassemblait des recommandations novatrices et
intéressantes. Ils ont ainsi réclamé :
ƒƒ des consultations plus approfondies avec les chefs, les propriétaires de
terrains, les détenteurs de propriétés et de droits miniers, ainsi que les
personnes affectées par les activités minières au moment de l’attribution
des titres de concession et des permis de prospection, de reconnaissance
et d’exploitation minière ;
ƒƒ le maintien d’une participation minimale de 10 % de l’État et de son action
préférentielle dans tous les projets miniers ;
ƒƒ une définition claire du pourcentage minimal de Ghanéens qui doit être
inclus dans les diverses catégories de main-d’œuvre minière, afin d’appli-
quer la clause recommandant une réduction graduelle du nombre d’em-
ployés expatriés ;
ƒƒ la garantie que les entreprises renforcent les capacités des communautés
minières sur toute la durée des opérations minières ;
ƒƒ des mécanismes de partage des richesses minérales clairement définis, en
particulier des redevances qui pourront profiter aux communautés affec-
tées par les activités minières ;
ƒƒ des directives claires concernant l’utilisation des redevances provenant des
activités minières industrielles à grande échelle que reçoivent les assem-
blées de district, afin d’éviter le mauvais emploi des sommes reçues ;
Exploitation minière au Ghana 39

ƒƒ l’élaboration de mécanismes d’indemnisation pour les situations où des


terres sont attribuées pour des activités minières, en tenant compte de la
valeur d’utilisation potentielle des jachères et de la valeur actualisée nette
de l’exploitation agricole, y compris la durée de vie escomptée des cultures ;
ƒƒ l’harmonisation des droits de la Commission des ressources minières avec
ceux de la Environmental Protection Agency (EPA).
La proposition suggérait également que le taux de redevances que les titu-
laires de bail minier paient au gouvernement ne soit pas inférieur à 5 % (alors
que l’industrie demandait qu’il ne soit pas inférieur à 1 %, sans toutefois dépasser
3 %). Elle recommandait vivement que la loi oblige les titulaires de bail minier
à rendre leurs rapports de vérification environnementale accessibles au public.
La Coalition soutenait qu’il s’agissait là de la seule façon sûre de permettre au
public de savoir dans quelle mesure une compagnie était imputable et respon-
sable quant à ses obligations sociales et environnementales. Le Parlement a
manifesté de l’intérêt pour ces recommandations, et il a suggéré que la proposi-
tion soit formulée en langage juridique afin d’être prise en considération. Cette
suggestion a été bien accueillie par la Coalition nationale sur les mines et la
proposition a été soumise dans le format demandé.
Il est intéressant de noter que ces recommandations ont été incluses dans
la première ébauche de la loi du Parlement, qui a été sévèrement critiquée
ensuite par l’industrie et certains acteurs gouvernementaux. Une nouvelle ronde
de consultations a donc eu lieu (mais à huis clos, et seulement avec une partici-
pation limitée des principales parties opposées), coordonnée par le comité res-
treint du Parlement sur les mines (Parliamentary Select Committee of Mines) et
le Bureau du greffier du Parlement (Office of the Clerk of Parliament). Ces
consultations en coulisse ont déterminé le sort des groupes communautaires
concernés et de la société civile. Le document que le Parlement a finalement
transposé en loi, le Code minier 703 de 2006, a été approuvé par le président
de la République du Ghana le 22 mars 2006. Il n’aura incorporé que peu des
demandes formulées par la Coalition nationale sur les mines.

2.4. Dispositions fiscales du Code minier 703


Le régime financier défini par la nouvelle Loi sur les mines a maintenu les dispo-
sitions relatives aux impôts sur les sociétés, aux retenues fiscales sur les dividendes,
aux impôts sur les gains en capital et sur les redevances prévues par l’ancienne
législation, mais il a aboli l’impôt additionnel sur les profits. La Loi a aussi prévu
un plus grand nombre d’articles importés à des fins d’exploitation minière admis-
sibles à une exemption des droits d’importation aux ports d’entrée du pays. De
plus, elle a augmenté les quotas sur l’embauche d’expatriés tout en réduisant les
impôts que ces derniers devaient payer. Le tableau 1.2 présente un résumé des
points saillants des nouvelles dispositions, comparativement à l’ancienne loi.
40 Ressources minières en Afrique

Tableau 1.2. COMPARAISON ENTRE LES DISPOSITIONS FISCALES


ET LES CLAUSES CONNEXES DES LOIS
SUR LES MINERAIS ET LES MINES DE 1986 ET DE 2006
Éléments PNDCL 153, 1986 Amendements à la Loi 703, 2006
Loi 153

Incitations fiscales

Amortissement fiscal initial 75 % 75 %

Amortissement fiscal subséquent 50 % 50 %

Abattement pour investissement 5% 5%

Pertes reportées à des fins d’impôt Jusqu’à 5 ans Jusqu’à 5 ans

Revenus détenus dans des 25 à 80 % 25 à 80 %


comptes à l’étranger

Déduction pour R.et D. Exempté Exempté

Droits sur les ressources minières Exempté Exempté

Droits d’importation Exempté Exempté

Taxe sur les opérations de change Exempté Exempté

Droits pour les licences d’importa­ Exempté Exempté Exempté


tion ou prélèvement à l’importation

Prélèvement pour
Exempté Exempté Exempté
l’exportation d’or

Impôts

Impôt sur le revenu des sociétés 45 % 35 % 25 %

Redevances 3 à 12 % 3 à 6%

Retenues d’impôt à la source 10 % 10 %

Impôt sur les gains en capital 10 % 10 %

Impôt additionnel sur les profits 25 % 0%

Prélèvements pour 2 % des profits


0%
la reconstruction nationale avant impôts (2001)
Autres
Participation du gouvernement Participation de 10 % Participation de 10 %
au bail minier reportée gratuitement reportée gratuitement
avec option d’augmen­ sans option d’achat
tation jusqu’à 30 % à de nouvelles parts
condition que les parts
additionnelles soient
achetées au prix
du marché
Frais Voir le tableau 1.3 pour les détails
Sources : Gouvernement du Ghana (1986 ; 2006) ; IRS (2000).
Exploitation minière au Ghana 41

L’impôt sur les redevances et les frais de location sont définis directement
dans le nouveau Code minier (Gouvernement du Ghana, 2006, p. 12). Cer­
taines incitations fiscales jugées importantes pour l’industrie ont également été
maintenues dans le nouveau code. Elles incluent :
ƒƒ des termes relatifs à la dépréciation des dépenses d’investissement pour la
reconnaissance et la prospection ;
ƒƒ des exemptions sur les droits douaniers d’importation ;
ƒƒ des quotas d’immigration sur le nombre d’employés expatriés à recruter ;
ƒƒ pour les expatriés, la possibilité de rapatriement des fonds personnels
exempts des taxes imposées par toute disposition du pays régissant les
transferts d’argent vers l’extérieur ;
ƒƒ la quantité minimale de revenus bruts en devises provenant de la vente
de ressources minières qu’une compagnie peut détenir dans un compte à
l’étranger ;
ƒƒ la transférabilité gratuite de devises convertibles (Gouvernement du
Ghana, 2006, p. 13-14).

D’autres taxes et mesures incitatives jugées communes à toutes les entre-


prises et industries ont été retirées et regroupées, en 2000, dans la Loi 592 de
l’Internal Revenue Service (IRS).

Les redevances ont été limitées à une fourchette réduite de 3 à 6 %. L’impôt


sur le revenu des sociétés a été réduit à 25 % pour se conformer à ce qui prévaut
dans les régimes des autres industries. Les retenues d’impôt sur les dividendes
versées aux non-résidents et les impôts sur les gains en capital ont été maintenus
à 10 % de la valeur des dividendes ou des gains en capital. Les amortissements
fiscalement autorisés sont demeurés à 80 % pour la première année d’investis-
sement et à 50 % par la suite. Les rentes, les frais et les valeurs monétaires qui
ont été définis figurent dans le tableau 1.3.

La Loi autorise les entreprises à négocier des ententes de stabilité pour


garantir que, sur une période n’excédant pas 15 ans, leurs opérations ne seront
pas affectées défavorablement par de nouvelles législations et de nouveaux
amendements. De plus, les compagnies dont le portefeuille dépasse 500 millions
de dollars américains ont la possibilité de conclure des ententes de développe-
ment avec le gouvernement. Ainsi, elles sont en droit de négocier des taux et des
quotas précis en ce qui concerne les redevances, l’embauche d’expatriés, le calen-
drier de paiement des redevances, et ainsi de suite (Gouvernement du Ghana,
2006, p. 22-23).
De nombreuses entreprises jouissent désormais de tels régimes financiers
et elles ont à ce titre obtenu de bonnes concessions. Par exemple, conformément
à l’accord d’investissement qu’elle a conclu avec le gouvernement, la compagnie
Newmont Ghana Limited doit verser une redevance au taux minimum de 3 %
de la valeur totale de l’or gagné, taux qui augmente à 3,6 % pour les cas
42 Ressources minières en Afrique

d’exploitation minière dans des réserves forestières (Newmont Investment


Agreement, 2005). Newmont bénéficie également d’une exemption de la taxe
sur la valeur ajoutée (TVA) sur tous les produits qu’elle importe, ainsi que sur
tous les services et fournitures qu’elle achète localement ou à l’étranger, en
autant qu’ils soient utilisés pour ses opérations.

2.5. Les répercussions des dispositions du régime financier


sur le développement national
La capacité de l’industrie minière à avoir des effets positifs en matière de contri-
butions visibles au développement économique du Ghana et de lutte contre la
pauvreté dépend de l’importance des revenus qui reviennent aux gouvernements
centraux et locaux, et aux communautés locales affectées par les activités minières.
Elle relève également de la capacité du secteur à créer des emplois, à promouvoir
des effets d’entraînement économique, ainsi que de son niveau d’intégration avec
le reste de l’économie nationale. De plus, il apparaît que les profits nationaux
découlant du secteur pourraient être maximisés si les compagnies pouvaient
internaliser leurs coûts environnementaux et sociaux. À cet effet, les lois sur les
minerais et les mines doivent prévoir des dispositions adéquates permettant de
garantir l’atteinte de ces objectifs.

L’inclusion de clauses adéquates à ces fins dans le Code minier est impor-
tante et nécessaire, mais elle ne garantit pas dans les faits que le secteur minier
contribue au développement économique durable et à la réduction de la pau-
vreté à l’échelle nationale. La capacité qu’ont les institutions chargées de
la réglementation et de l’implantation des politiques de l’État d’atteindre
ces objectifs est aussi importante que le niveau des impôts prévu. Une autre
question importante concerne l’efficacité du versement et de l’utilisation des
paiements. Cette efficacité dépend largement de l’application d’une culture
d’imputabilité et de transparence, notamment parmi les acteurs au sein du
gouvernement, des autorités locales et des entreprises. La création d’un envi-
ronnement favorable à la prise en compte des doléances des communautés se
révèle tout aussi capitale.

D’une manière générale, on pourrait affirmer que le nouveau Code minier


est encore trop jeune pour qu’on en analyse les conséquences et qu’un long
délai est encore nécessaire avant de pouvoir en évaluer les principaux impacts.
Cependant, nous reconnaissons que le nouveau Code a consolidé à plusieurs
égards les dispositions déjà prévues par le Code précédent, et que les mesures
incitatives destinées aux entreprises se sont avérées plus importantes sur plu-
sieurs plans. Dans ces circonstances, une telle évaluation apparaît non seulement
valable du point de vue de la procédure et de la méthodologie, mais légitime sur
le plan éthique.
Exploitation minière au Ghana 43

Tableau 1.3. LISTE DES RENTES ET DES IMPÔTS PRÉVUS


PAR LA LOI 703* (GHANA)

Élément fiscal Description Montant/Quantité

Droits d’exemption Payés à la Commission des


ressources minières pour obtenir
des importations hors taxes
Droits de permis Frais payés pour l’obtention
de droits miniers
1. Permis de reconnaissance Pour les droits de reconnaissance 10 000 USD
2. Permis de prospection Pour les droits de prospection/ 15 000 USD
d’exploration détaillée
3. Bail minier Pour les droits miniers 30 000 USD
Redevances Impôt sur la base de production 3 % de la valeur des minerais
payé au gouvernement par (bien que la loi prévoie une
les titulaires de bail minier via échelle mobile de 3 à 6 %).
l’Internal Revenue Service
Impôt sur le revenu des sociétés Impôt sur les bénéfices nets 25 % des bénéfices nets
d’une compagnie
Retenues d’impôt Impôt sur les dividendes versés 10 % des dividendes
aux actionnaires et sur les frais de et des frais payés
gestion payés aux entrepreneurs
Impôt sur les gains en capital Impôt sur les profits provenant de la 10 % des gains en capital
vente d’actifs miniers ou de mines
Dividendes Part gouvernementale des 10 % des dividendes déclarés
dividendes
Location de terrain Paiements annuels versés par 10 000 cédis/ha pour
les titulaires de droits miniers les détenteurs de permis de
aux propriétaires de terrains ou à prospection et 30 000 cédis
l’administrateur des terres stools, pour les titulaires de bail minier.
dans le cas des terres stools
Impôt foncier Taux prélevés sur les biens Variables. Les taux annuels sont
immeubles des compagnies définis dans des règlements
minières, incluant la machinerie administratifs.
et l’équipement, versés aux
assemblées des districts
concernés par les opérations
Droits de timbre 1. Octroi du permis de prospection 5 000 cédis
2. Octroi du bail minier 50 000 cédis
3. Transfert du permis ou du bail 1 % de la valeur en contrepartie
4. Garantie principale 0,5 % si le montant est garanti
5. Garantie additionnelle 0,25 % du montant garanti
6. Transfert de garantie 0,25 % du montant garanti
* Les droits définis demeurent presque inchangés par rapport à ceux prévus par la loi PNDCL 153, à l’exception des rede­
vances et de l’impôt sur les sociétés.
Sources : Gouvernement du Ghana (1986 ; 2006).
44 Ressources minières en Afrique

Nous avons déjà mentionné, dans notre vue d’ensemble du secteur, que
ces réformes avaient reçu un accueil favorable. Mais dans quelle mesure les
réponses de l’industrie aux changements de politiques – soit l’augmentation
des investissements directs étrangers dans le secteur, la croissance de la pro-
duction minière et de la valeur des exportations minérales brutes – ont-elles
mené au développement national et à une certaine réduction de la pauvreté
au pays ?

2.5.1. Contribution au revenu national


Une des principales raisons avancée pour inciter l’État ghanéen à renoncer à
une participation directe dans les projets miniers est que ses intérêts seraient,
dit-on, mieux servis s’il s’en tenait à la promotion et à la réglementation de
l’industrie, et laissait la voie libre aux investisseurs privés pour qu’ils prennent
en charge l’exploitation minière (Banque mondiale, 1992). On a également sou-
tenu que des politiques fiscales prudentes devraient être suffisantes pour générer
des revenus à des fins de développement national. Cependant, il est aussi admis
de façon plus générale que les gouvernements des pays en développement font
face à des défis majeurs lorsqu’ils essaient de négocier efficacement avec les
compagnies minières étrangères pour obtenir des résultats acceptables sur le
plan politique.
Le cas du Chili semble à cet égard plutôt éloquent. Selon Maxwell (2004),
même si les compagnies minières privées ont produit approximativement les
deux tiers de la production de cuivre, elles n’ont contribué qu’à environ 10 % des
revenus fiscaux générés par le secteur du cuivre au Chili, le reste provenant des
compagnies minières étatiques.

2.5.2. Recettes fiscales


L’analyse de la structure des revenus découlant de l’exploitation minière révèle
que les redevances, l’impôt sur le salaire des employés locaux (système de
retenues à la source ou SRS) et, plus récemment, les prélèvements pour la recons-
truction nationale constituent les principales sources de revenus gouvernemen-
taux issus du secteur. Les contributions apportées par les rentes et les droits
relatifs aux terrains, de même que par les revenus des sociétés et les dividendes
provenant tous deux de la participation gouvernementale, demeurent relative-
ment peu élevées. De plus, bien que les impôts sur les gains en capital et les
dividendes soient obligatoires et prévus par la loi, ils ne sont pas versés par
les entreprises. Tous ces impôts sont légalement perçus par l’Internal Revenue
Service (IRS), excepté ceux sur les dividendes qui sont prélevés par l’unité des
recettes non fiscales du ministère des Finances et de la Planification économique
(Ministry of Finance and Economic Planning). En général, les perceptions de
l’IRS représentent de 25 à 35 % du total des recettes fiscales nationales, incluant
les droits d’importation et d’exportation (desquels les compagnies minières
Exploitation minière au Ghana 45

sont exemptées). Un examen des revenus miniers de 1990 à 2005 montre que les
recettes totales de l’IRS provenant des sociétés minières, sous forme de divi­
dendes, de SRS et d’impôts sur les sociétés, représentaient une moyenne de
12,2 % du total des prélèvements de l’IRS au cours de cette période (tableau
1.4). Les recettes fiscales provenant de l’exploitation minière constituaient au
même moment de 3,1 à 3,8 % du total des recettes fiscales nationales. Dans l’en-
semble, les recettes gouvernementales représentent un peu moins de 6 % de la
valeur totale de la production minière.
Le paiement de redevances a représenté l’une des sources de recettes
gouvernementales les plus fiables au cours des deux dernières décennies. Les
redevances doivent représenter 3 % de la quantité produite ou du chiffre
d’affaires brut, indépendamment de la rentabilité. Par conséquent, elles ont
l’avantage de constituer une source de revenus plus stable pour le gouverne-
ment que les impôts sur les profits, qui peuvent fluctuer grandement ou ne
générer aucun revenu. Toutefois, l’impôt sur les redevances demeure l’un des
impôts les plus controversés. Les entreprises minières jugent en effet géné-
ralement que les redevances sont profondément injustes, car elles ne tiennent
pas compte de la rentabilité et posent l’inconvénient de représenter un coût
de production (Otto et al., 2006). Il n’en demeure pas moins que de nombreux
pays riches en minerais situés en Afrique, en Amérique latine et en Asie, tels
la Zambie, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Chili, le Pérou et l’Indonésie, ont
reconnu l’importance des redevances dans les recettes gouvernementales
provenant du secteur minier, et sont en cours de révision de leurs politiques
fiscales concernant le secteur minier en vue d’y inclure un taux de redevances
plus élevé. Au Ghana, près de 90 % des revenus du gouvernement issus du
secteur minier proviennent dans les faits de redevances (Akabzaa, 2004). Les
recettes annuelles issues des redevances versées par les compagnies minières
sont présentées dans le tableau 1.4.
On a observé que le Ghana ne semblait pas maximiser ses revenus d’impôt
sur les redevances en raison de diverses difficultés de perception. Le calcul des
redevances se base sur un pourcentage de la valeur totale des minerais. Toutefois,
des incohérences dans l’estimation de cette valeur rendent le suivi des revenus
plus difficile. De façon similaire, un manque d’uniformité dans la détermination
du prix de l’or et des autres ressources minérales que produisent les sociétés
minières a engendré des variations dans le calcul des redevances. Dans le paie-
ment des redevances minières, le fait que les compagnies minières utilisent dif-
férents régimes de taux de change a également engendré des distorsions dans
les calculs (Boas and Associates, 2006). Par ailleurs, les accords fiscaux per-
mettent aux entreprises de différer ou de retarder les paiements de redevances
avec la permission du ministre du secteur. Ce type de requête est commun, et
les paiements de redevances différés ou retardés ont souvent affecté le flux des
recettes gouvernementales et, par conséquent, les plans du gouvernement liés
à ces revenus.
46
Ressources minières en Afrique
Tableau 1.4. CONTRIBUTION DE L’EXPLOITATION MINIÈRE AUX RECETTES PERÇUES PAR L’IRS (GHANA, 1990-2005)
(EN MILLIARDS DE CÉDIS)
% issu de
Revenus Impôt Total
ANNÉE Redevances SRS Reconst. Retenues l’exploitation
de sociétés minier total IRS
minière
Prélèvements Impôt
1990 2,83 1,89 4,72 52,82 8,9
1991 0,82 3,02 3,84 61,49 6,3
1992 4,56 4,55 9,10 74,73 12,2
1993 4,39 7,49 2,65 0,02 14,54 113,24 12,8
1994 7,21 12,78 4,81 24,81 166,60 14,9
1995 20,39 20,91 7,95 0,03 49,29 275,51 17,9
1996 9,16 35,49 16,83 1,25 62,74 424,49 14,8
1997 9,87 34,59 25,02 8,37 77,85 605,78 12,9
1998 14,45 49,84 31,02 95,31 785,44 12,1
1999 31,12 48,62 27,84 107,58 901,66 11,9
2000 15,79 118,74 59,24 193,77 1 409,45 13,7
2001 24,81 127,36 76,11 4,25 232,53 1 950,16 11,9
2002 23,50 153,45 101,46 26,47 304,89 2 842,97 10,7
2003 68,14 194,39 141,05 16,79 420,36 3 824,08 11,0
2004 100,33 215,74 134,38 53,19 503,62 5 333,11 9,4
2005 269,89 235,95 154,37 660,21 6 200,57 10,6
Source : Minerals Commission (2002).
Exploitation minière au Ghana 47

Le système de retenues à la source est un autre important moyen qui s’offre


au gouvernement pour générer des recettes fiscales en provenance du secteur
minier. Cependant, le plein impact de cette source de recettes gouvernementales
est limité pour les raisons suivantes. Premièrement, les revenus générés par la
main-d’œuvre locale dans le secteur minier constituent une part relativement
faible de la valeur totale de la production. Cette situation s’explique par le fait
que les mines qui entrent en activité demeurent principalement des exploitations
à ciel ouvert qui recourent à des techniques capitalistiques plutôt que de s’adap-
ter à la dotation en facteurs de l’économie ghanéenne. Deuxièmement, même si
au Ghana la loi relative aux impôts sur le revenu prévoit la taxation de tous les
revenus, qu’ils soient locaux ou expatriés, les investisseurs ont obtenu dans la
pratique des exemptions ou des réductions d’impôt sur le revenu des employés
expatriés grâce aux accords d’investissement qu’ils ont négociés.
Les recettes issues des impôts sur les revenus des sociétés sont relativement
peu élevées. Les mesures incitatives prévues par le régime financier ont grande-
ment diminué les obligations fiscales des sociétés minières. Ainsi, l’impôt sur les
revenus des sociétés représente moins de 4 % des recettes gouvernementales
provenant du secteur minier. L’Initiative pour la transparence dans les industries
extractives (ITIE), à laquelle le Ghana s’est engagé à remettre son premier rap-
port global, a souligné le potentiel limité du secteur minier à contribuer de
manière significative au revenu national. Le rapport a révélé que, pour l’année
fiscale 2004, seulement deux compagnies étaient admissibles au paiement d’impôt
sur les sociétés, et qu’elles avaient effectivement payé. Aucune entreprise minière
n’aurait par ailleurs versé d’impôt sur les gains en capital, bien que presque tous
les projets d’exploitation minière aient changé de propriétaire au cours des
dix dernières années. Dans le même ordre d’idées, aucune compagnie n’avait
payé d’impôt additionnel sur les profits ni de retenues d’impôt à la source (Boas
and Associates, 2007).
Le gouvernement reçoit aussi des dividendes sur les profits réalisés par les
sociétés minières par le truchement de sa participation aux projets miniers. Avant
l’introduction du Code minier de 2006, cette participation variait de 10 à 30 %,
notamment de 1990 à 1996. Ces parts ont été vendues graduellement de 1997
à 2000. Le nouveau Code minier limite la participation du gouver­nement à 10 %,
ce qui diminue grandement la valeur des recettes gouvernementales provenant de
cette source. Le tableau 1.5 montre les dividendes payés au gouvernement
de 1990 à 2005, en millions de dollars américains.

2.5.3. Capacités institutionnelles et recettes générées par le secteur minier


En plus des éléments fiscaux qui entravent la maximisation des revenus gou-
vernementaux issus du secteur minier, les contraintes relatives aux capacités
institutionnelles et un manque apparent de collaboration intersectorielle ont
contribué à amplifier le problème. L’IRS, qui est chargé de percevoir les impôts
48 Ressources minières en Afrique

à l’intérieur du pays, ainsi que le Service des douanes, accises et prévention


(Customs, Excise and Preventive Services ou CEPS), qui a la responsabilité
de prélever les taxes sur les importations et les exportations, ont tous deux
démontré des limites en matière de capacité. Le premier rapport global du
Ghana sur le secteur minier a fait état de préoccupations relatives au manque
de contrats formalisés entre l’IRS et d’autres agences du secteur minier en ce
qui concerne la conciliation du calcul des redevances. L’IRS admet ne pas avoir
de bureau dédié aux questions minières et ne pas utiliser de comptabilité dis-
tincte en matière de recettes, ce qui rend le suivi plutôt difficile. Le CEPS
dispose de représentants au sein des sites miniers pour vérifier la quantité et
la qualité de l’or extrait. Cependant, le pouvoir de ces derniers se limite à
confirmer le poids, et ils ne déterminent en aucun cas le titre ni la teneur des
lingots d’or (Boas and Associates, 2007), car ils n’ont pas la capacité technique
nécessaire pour le faire.

Tableau 1.5. REVENUS GOUVERNEMENTAUX PROVENANT


DE DIVIDENDES (GHANA) (EN MILLIONS D’USD)

Année Millions Année Millions


d’USD d’USD
1990 2,18 1998 2,18
1991 3,82 1999 0,5
1992 2,85 2000 -
1993 8,03 2001 1,0
1994 6,28 2002 1,0
1995 6,4 2003 1,1
1996 7,61 2004 3,5
1997 4,32 2005 1,8

Sources : Minerals Commission (2002) ; Boas and Associates (2006).

2.5.4. La capacité de retenir les devises localement


La Loi sur les minerais et les mines de 1986 ainsi que le nouveau Code minier
de 2006 contiennent des dispositions prévoyant que les entreprises maintiennent
au moins 25 % de leurs revenus bruts en devises dans des comptes à l’étranger.
Ces clauses n’encouragent pas de retenues optimales en matière de rentes pro-
venant du secteur et destinées au développement national et communautaire.
Les compagnies minières conservent divers montants issus de leurs ventes de
minerais dans des comptes à l’étranger. Dans plusieurs cas, la quantité de devises
maintenues à l’extérieur a été définie soit dans le document relatif à la politique
minérale nationale, soit dans des clauses confidentielles d’accords de stabilité
Exploitation minière au Ghana 49

négociés par des promoteurs de projets miniers particuliers. Lorsqu’on tient


compte du fait que les compagnies étrangères contrôlent presque 85 % du secteur
minier ghanéen, la valeur brute des exportations ne représente pas un indicateur
réaliste de la performance relative du secteur ou de ses impacts sur l’économie
nationale. En fait, il s’agit plutôt d’une importante surévaluation de la contri-
bution réelle du secteur, puisque la valeur des exportations diffère des recettes
en devises étrangères, ou des recettes d’exportation nettes, qui reviennent au
pays producteur.
Des documents de la Banque centrale du Ghana suggèrent que les entre-
prises conservent entre 60 et 80 % de leurs revenus d’exportation dans des
comptes à l’étranger, la moyenne se situant à 71,2 %. En termes simples, la
valeur retenue des exportations minières est d’environ 28,5 %. En termes abso-
lus, les exportations d’or totalisaient 702 millions de dollars américains en 2000,
ce qui représente 36,6 % du total des revenus bruts en devises du pays pour
cette année-là. Cependant, 519 millions de dollars américains provenant du
revenu aurifère total de 2000, soit 74 % de la valeur des exportations d’or nettes
de cette année, étaient conservés dans des comptes à l’étranger. Toujours en
2000, seulement 183 millions de dollars américains, représentant 26 % de la
valeur des exportations, ont été maintenus à l’intérieur du pays. En d’autres
termes, bien que le secteur aurifère ait représenté 36,6 % du total des revenus
bruts en devises, presque 27 % étaient conservés dans des comptes à l’étranger
et seulement 9,5 % retenus dans l’économie nationale. Par conséquent, en 2000,
la contribution réelle des devises étrangères était de 9,5 % et non pas de
36,6 %, la valeur brute déclarée.

2.6. Concessions relatives à la fiscalité, impératifs de développement


national et de réduction de la pauvreté
Les impôts peu élevés, les très faibles achats locaux et les revenus de travail
décevants ont apporté, comme résultat global, une contribution aux recettes
gouvernementales qui paraît bien mince en comparaison avec les recettes en
devises étrangères brutes du secteur. En 2001, les recettes fiscales issues de l’ex-
ploitation minière étaient de 31 millions de dollars américains, ce qui constituait
environ 4 % du total des recettes gouvernementales (Banque mondiale, 2003).
Dans l’ensemble, les revenus du gouvernement représentent presque 6 % de la
valeur totale de la production minière. La part de l’impôt sur les sociétés de
l’industrie minière du pays est elle aussi éclipsée par d’autres secteurs. Elle repré-
sente moins de 2 % de l’impôt total sur les sociétés, comparativement à 29 %
pour le secteur financier, à 10 % pour le secteur du commerce et à 29 % pour les
industries manufacturières (Institute of Statistical Social and Economic Research
[ISSER], 2004). Selon la Banque mondiale (2003), les divers abattements d’impôt
font en sorte que les paiements d’impôt sur les sociétés versés par les compa-
gnies minières sont minimes, malgré un chiffre d’affaires combiné qui a dépassé
600 millions de dollars américains en 2002.
50 Ressources minières en Afrique

Les mesures incitatives accordées aux entreprises minières ont grandement


limité la part des recettes du gouvernement issues de l’exploitation minière, en
plus de réduire ses occasions de mobiliser des ressources adéquates pour financer
les programmes sociaux et de développement. Par conséquent, l’exploitation
minière ne semble pas avoir rempli son rôle en matière de réduction de la pau-
vreté, et cet objectif n’a pas pu être formellement intégré dans les politiques
minières nationales. En fait, l’adaptation du nouveau Code minier aux nouvelles
tendances sociales et de développement, favorisant une participation plus large
et plus équitable dans le développement des ressources minérales, répondait aux
attentes de nombreuses personnes au Ghana. Les bénéfices dont profite la société
apparaissent dans les faits plus importants lorsque les projets de l’industrie
extractive contribuent au développement grandement nécessaire d’infrastruc-
tures et appuient les communautés en créant des emplois ou en offrant des soins
de santé et des services d’éducation, tout en protégeant l’environnement. Mal-
heureusement, ces conditions objectives n’ont pas été facilitées par la mise en
œuvre de la législation minière ghanéenne.
Malgré sa grande envergure, le secteur minier du Ghana a démontré une
faible capacité à créer des emplois et il ne représente donc pas, à ce jour, un
employeur significatif au pays. Selon le rapport Ghana Living Standards Survey,
le secteur emploie seulement 0,7 % du total de la population en âge de travailler,
comparativement à 55 % pour le secteur de l’agriculture, à 18 % pour celui du
commerce et à 12 % pour l’industrie manufacturière (Ghana Statistical Service,
2000). Les principales raisons de cette création d’emplois relativement faible sont
entre autres les liens peu étroits entre le secteur minier et le reste de l’économie
nationale, ainsi que la transition d’une exploitation souterraine nécessitant une
grande main-d’œuvre vers une exploitation capitalistique à ciel ouvert.
Les statistiques montrent une corrélation négative entre, d’une part, la
création d’emplois et, d’autre part, la production de minerais, la valeur des expor-
tations et le nombre de mines. De façon intéressante, bien qu’on assiste à une
diminution progressive des niveaux globaux d’emplois dans le secteur, la pro-
portion d’employés expatriés continue de croître, en raison de l’augmentation
des quotas sur l’embauche d’expatriés prévue par le Code minier. La proportion
d’employés expatriés comparativement au personnel ghanéen de direction est
passée de 8,8 à 11 % de 1994 à 2006 (figures 1.1 et 1.2). L’augmentation du
nombre d’expatriés employés dans le secteur minier est devenue une source de
préoccupation pour une partie de la société ghanéenne.
Le député parlementaire d’Obuasi, un important centre minier, a décrit
la pratique de recrutement d’employés expatriés pour remplacer les travailleurs
ghanéens comme une « recolonisation du secteur minier » (Daily Graphic, 2006,
p. 14). Sa déclaration se voulait une réaction à la pratique, de plus en plus
répandue depuis l’acquisition de la société Ashanti Goldfields par la société
AngloGold d’Afrique du Sud, qui consiste à remplacer les employés de direction
ghanéens par des expatriés.
Exploitation minière au Ghana 51

Figure 1.1. COMPARAISON ENTRE LE PERSONNEL EXPATRIÉ


ET LE PERSONNEL GHANÉEN DANS LE SECTEUR MINIER
DU GHANA (1994-2006)

25 000 16
Nombre total d'employés
Proportion d'employés expatriés (en %)
14

12

20 000
10

6
15 000

10 000 0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Figure 1.2. ÉVOLUTION DE L’EMPLOI DANS LE SECTEUR MINIER GHANÉEN


(1994-2006)

25 000

Personnel ghanéen de direction


Personnel ghanéen subalterne

20 000

15 000

10 000

5 000

0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

3. LE PARADOXE DE L’ABONDANCE : LA PAUVRETÉ DU GHANA


Malgré une abondance de ressources minières, le Ghana demeure un pays
pauvre très endetté (PPTE). Cette situation est parfois qualifiée de paradoxe
de l’abondance, de syndrome hollandais ou de malédiction des ressources. Le
52 Ressources minières en Afrique

Ghana représente le deuxième plus important producteur d’or d’Afrique et il


se situe environ au dixième rang à l’échelle mondiale. Cependant, le fait d’être
doté d’une abondance de minerais ne constitue qu’une première étape ; il faut
ensuite pouvoir transformer cette richesse pour atteindre les objectifs fixés de
réduction de la pauvreté et respecter les impératifs généraux de développement
économique national.
Les indicateurs de bien-être tels que l’Indicateur du développement
humain sont fréquemment utilisés pour mesurer les niveaux d’emploi, de
bien-être social, de pauvreté et de développement économique général d’un
pays. Leur utilisation permet de faire la lumière sur le niveau de pauvreté du
Ghana, pays effectivement riche en ressources minières. Ainsi, le Ghana,
comme la grande majorité des États africains fortement dotés en minerais, ne
disposerait pas de programmes convaincants en matière d’utilisation et de
développement intégré de ses ressources minérales (Aryeetey et al., 2004 ;
Power, 2002 ; Songsore, 2003). Le secteur demeurerait une enclave économique
au premier niveau de la chaîne de production, sans liens efficaces avec les autres
secteurs de l’économie.

L’organisation Social Watch a récemment attiré l’attention sur les niveaux


de pauvreté du Ghana (Social Watch, 2000). Dans son rapport du début de la
décennie, elle a en effet déclaré que les conditions économiques constituaient
une des plus grandes menaces à la sécurité humaine au pays. Selon elle, on aurait
assisté, à l’issue des nombreuses années de réformes économiques prônant une
plus grande libéralisation, à une augmentation des niveaux de pauvreté et des
inégalités en matière d’accès aux services sociaux. Et les analyses plus récentes
semblent confirmer le renforcement de cette tendance. Selon une étude réalisée
par le Centre for Democracy and Development du Ghana (CDD-Ghana), les
deux tiers des Ghanéens vivraient dans l’incertitude économique. Cette conclu-
sion contraste fortement avec l’image créée par des années d’éloges officiels
vantant les deux décennies de réformes économiques néolibérales (CDD, 2005).
C’est qu’on observerait officiellement une augmentation grandissante à la fois
du chômage, du sous-emploi et de l’écart entre les riches et les pauvres. Malgré
la série de mesures d’annulation de la dette prises peu après la reconnaissance
par le pays de son statut de PPTE, la dette publique du Ghana s’élève toujours
à plus de 6 milliards de dollars américains.

Après la vente des intérêts miniers détenus par l’État, les programmes
continus visant à réduire la main-d’œuvre excédentaire qu’ont poursuivis les
divers exploitants de mines, notamment au sein des populations rurales et
périurbaines habitant près des mines, ont représenté un des facteurs déterminants
de cette augmentation de la pauvreté au pays (Baah, 2005 ; Songsore et al., 1994).
Ces programmes ont d’une part affecté le segment le plus vulnérable du per-
sonnel minier (les employés subalternes) et d’autre part mené plus de gens au
chômage (figure 1.2). Le secteur minier est à ce titre un des principaux secteurs
Exploitation minière au Ghana 53

où le redéploiement a été le plus intense. De 1983 à 2003, plus de 15 000 employés


de diverses mines ont perdu leur emploi. Ces importantes pertes d’emplois com-
promettent la capacité des employés concernés, ainsi que celle de leurs familles,
à satisfaire leurs besoins fondamentaux aussi bien en matière de nourriture, de
logement et d’accès à l’éducation que de services environnementaux et de santé.
Au-delà des obstacles au développement résultant des capacités limitées
du secteur dans la création de revenus, la génération d’emplois et la capacité de
créer de la valeur ajoutée, il faut reconnaître que tous les avantages visibles pou-
vant être tirés de l’exploitation des ressources minières sont tributaires d’une
gestion prudente de celles-ci et de leurs retombées. Les revenus sont souvent
canalisés dans les comptes du gouvernement central, le fonds consolidé pour les
versements effectués à tous les secteurs de l’économie nationale. Ainsi, le défi
réside de surcroît dans l’utilisation judicieuse des revenus à des fins de réduction
de la pauvreté. Il a été suggéré qu’une gouvernance faible, combinée à un manque
de transparence et d’imputabilité de la part des acteurs gouvernementaux et des
chefs traditionnels, à l’échelle locale et nationale, ont entravé la redistribution
efficace des bénéfices de l’industrie vers la population locale. Ces difficultés
ont aussi été aggravées par le fait que le secteur minier du Ghana est rarement
incorporé dans les cadres de planification du développement du pays.
Les gouvernements ont la responsabilité d’instaurer des régimes financiers
et juridiques qui favorisent l’exploitation responsable des ressources de la nation,
tout en veillant à une juste redistribution des recettes qu’elle génère, entre le
gouvernement et les exploitants privés. Cette exigence apparaît aujourd’hui
d’autant plus importante que la demande en main-d’œuvre de l’industrie minière
moderne diminue, et elle demeure particulièrement critique pour le secteur qui
nous intéresse, considérant que les ressources minérales sont non renouvelables.
Il semble de nos jours peu probable que des membres des communautés locales
concernées par l’activité minière puissent obtenir un emploi direct dans une mine,
et les projets développés dans des zones éloignées des grands centres apportent
peu de retombées indirectes pour les populations dans leur ensemble. Afin de
procurer des avantages à l’échelle du pays, le gouvernement se doit d’instaurer
un régime financier qui permettra de dégager une part suffisante de profits pour
répondre aux aspirations nationales, tout en laissant aux sociétés minières une
part qui leur permettra de justifier leur investissement.
Le cadre législatif de l’industrie minière ghanéenne a été largement rema-
nié pour promouvoir l’industrie au moyen d’incitatifs fiscaux et autres concernant
les titres miniers, mais dans les faits il accorde bien peu d’importance aux mesures
visant à atténuer les impacts environnementaux et sociaux de ces activités. Dans
la réalité, le Code minier ne contient pas de dis­positions spécifiques pour encou-
rager les compagnies minières à générer des effets d’entraînement économique
en amont et en aval entre le secteur minier et les autres secteurs de l’économie
locale, effets qui pourraient soutenir un développement économique national
54 Ressources minières en Afrique

plus large. L’absence de telles dispositions signifie que le Code se garde d’aborder
les questions de durabilité, alors que les ressources minérales exploitées sont
limitées et non-renouvelables. Ainsi, si l’économie nationale ne semble pas pou-
voir être soutenue à long terme par les revenus provenant directement de
l’industrie, elle doit tenir compte du développement d’autres activités indus-
trielles qui auraient le potentiel d’engendrer des effets d’entraînement visibles
et de plus longue durée.

3.1. Développement communautaire et exploitation minière


Les entreprises minières et les agences gouvernementales multiplient
aujourd’hui leurs efforts afin de convaincre les Ghanéens que les compagnies
contribuent de manière significative au développement des communautés
locales dans leurs zones d’activité (Ghana Chamber of Mines, 2005). De l’avis
général des sociétés minières, les projets de développement communautaire
qu’elles réalisent dans les collectivités produiraient des résultats directement
mesurables. Cependant, il faut reconnaître que les preuves du contraire ne
cessent de se multiplier. Les retombées économiques positives des activités
minières sur les communautés affectées restent en effet, dans la plupart des
cas, plutôt intangibles.
Le Code minier reste par ailleurs silencieux quant aux mesures qui
pourraient s’avérer nécessaires pour procurer efficacement des avantages aux
communautés locales directement affectées par l’exploitation minière, ainsi
que pour protéger le milieu physique et, en particulier, les droits des segments
les plus vulnérables de la population. Bien que les gains macroéconomiques
réalisés avec l’ajustement structurel aient été un peu partout reconnus, de
plus en plus d’analyses tendent à démontrer que cette croissance a signifié
dans les faits peu d’avantages pour les groupes de subsistance et que, dans
l’ensemble, les effets négatifs de l’exploitation minière sur l’environnement,
bien que non quantifiés, demeurent énormes. À ce sujet, il existe aujourd’hui
un consensus à l’échelle mondiale selon lequel l’exploitation minière et les
déchets générés par les sites miniers, actifs ou non, découlant de l’enrichis-
sement des minerais, ainsi que leurs impacts sur la santé et l’environnement
représentent un problème sérieux et continu auquel sont confrontés tant
les agences gouvernementales que l’industrie et le grand public (Durkin et
Herrmann, 1994 ; King, 1995).
Des études récentes ont en outre démontré que la pauvreté reste omni-
présente et endémique au sein des collectivités minières (Aryeetey et al., 2004 ;
Botchie et al., 2007 ; NSEIA, 2007). Cette situation s’explique principalement par
le fait que les compagnies minières annexent de vastes terres à leurs zones
d’activité et privent ainsi les communautés de leur principal moyen de subsis-
tance. Les très nombreux déplacements de communautés opérés en raison des
Exploitation minière au Ghana 55

activités minières ont eu tendance à aggraver la pauvreté au sein des communautés


concernées, un état de fait qui résulte notamment des accords d’indemnisation
plutôt pauvres conclus au bénéfice des communautés affectées. Ces dernières ne
profitent que rarement des recettes fiscales générées par les activités minières
sur leur territoire.
Au cours d’une étude récente, Aryeetey et al. (2004) ont déploré le niveau
étonnamment élevé de pauvreté observé dans le district de Wassa Ouest, situé
dans la région occidentale du Ghana, district qui a attiré le plus grand nombre
de compagnies minières et de sociétés de prospection depuis le début du processus
d’adoption des réformes du secteur minier dans les années 1980. Ce district a
d’ailleurs la plus grande concentration de sociétés minières et de sociétés de
prospection en activité en un seul endroit sur le continent africain (Akabzaa
et Darimani, 2001), hébergeant 8 des 16 mines actuellement en opération
au pays.
Bien que les différentes mesures de la pauvreté démontrent que le niveau
de pauvreté est plus élevé à l’échelle nationale que dans la région occiden-
tale, considérant que la majeure partie de l’or exporté par ce pays est pro-
duite dans le district de Wassa Ouest, on pourrait penser que les niveaux de
pauvreté et les écarts de revenus seraient moins élevés que dans les autres
districts de la région. Ce n’est malheureusement pas le cas. Peu importe la
mesure utilisée, le niveau de pauvreté dans le district de Wassa Ouest est
plus élevé que celui de la région occidentale, mais moins élevé que le niveau
national. L’inégalité mesurée par le coefficient de Gini pour le district de
Wassa Ouest est d’environ 0,408. Ce résultat est plus élevé que celui du pays,
qui est de 0,327, mais moins élevé que celui de la région, qui est de 0,412.
Des 11 districts de la région occidentale, celui de Wassa Ouest se situe au
neuvième rang sur une échelle descendante d’inégalité du revenu (Aryeetey
et al., 2004).

Les résultats du rapport préliminaire National Strategic Environmental


Impact Assessment (NSEIA) démontrent au même titre que la pauvreté est
plus endémique dans les communautés directement affectées par les activités
minières. Une analyse spatiale des données du terrain provenant de districts où
se déroulent des activités minières suggère que les communautés situées en péri-
phérie des projets miniers sont généralement plus pauvres que celles situées plus
loin des sites d’exploitation minière. L’analyse montre également une tendance
claire selon laquelle plus une mine est éloignée, moins la pauvreté est élevée
(NSEIA, 2007).
Pour que l’industrie minière soit en mesure de contribuer à réduire la
pauvreté à l’échelle de la communauté, il apparaît essentiel que les collectivités
locales situées dans des zones minières obtiennent une juste part des revenus
miniers et que les retombées locales soient gérées prudemment. Jackson (2005)
met l’accent sur cette condition, précisant que le secteur peut seulement
contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté si la gestion des avantages
56 Ressources minières en Afrique

nationaux issus de l’exploitation minière fait preuve d’innovation en développant


des compétences humaines, notamment à l’échelle locale, et en procédant à
une utilisation durable des avantages financiers ou relatifs à l’infrastructure
que les entreprises minières peuvent apporter dans les communautés d’accueil
(Jackson, 2005).

3.2. Maintien des recettes minières à l’échelle locale


À titre de condition supplémentaire, notons que pour que le secteur minier soit
en mesure de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté au
sein des communautés, une certaine portion des bénéfices provenant de l’exploi-
tation des ressources minérales doit pouvoir demeurer à l’échelon local et y être
gérée et répartie prudemment. L’organisation Save the Children a réalisé une
étude sur la pauvreté dans les communautés minières. Elle a conclu que la seule
façon de s’assurer que les revenus générés par le secteur minier soient utilisés
efficacement dans le but d’entraîner des retombées économiques visibles dans les
communautés directement touchées par l’exploitation minière était de garantir
et de veiller à une imputabilité soutenue grâce à la transparence de l’information
(Save the Children, 2005).
Le niveau de redevances retenues à l’échelle locale est une des questions
litigieuses ayant dominé les débats lors du processus de révision du Code minier
ghanéen. Un projet de loi sur le Fonds de développement des activités minières
(Mineral Development Fund) a été déposé en même temps que le projet de loi
sur les minerais et les mines (le Code minier) de 2006. Ce projet prévoyait qu’un
pourcentage plus élevé des redevances soit versé à l’échelle locale pour ensuite
être réparti entre les parties concernées, et il comportait une proposition relative
à la gestion du Fonds. Cependant, le projet de loi n’a pas été accueilli avec le
même enthousiasme que celui sur les minerais et les mines, et il est demeuré au
stade d’étude, en attente de devenir loi.
Conformément aux ententes actuelles, le gouvernement garde 80 % des
recettes en redevances dans son compte consolidé et verse les 20 % restants dans
le Fonds de développement des activités minières qu’il a créé pour atténuer,
d’une part, les effets de l’exploitation minière sur les communautés affectées et
promouvoir, d’autre part, le développement de l’industrie minière. Une moitié
des sommes investies dans le Fonds (environ 10 % des redevances annuelles
totales) est mise de côté pour appuyer le développement du secteur minier, de
même que les institutions gouvernementales et académiques. L’autre moitié est
répartie entre les autorités de district (30 %), les autorités traditionnelles (10 %)
et les autorités stool (10 %) qui ont juridiction sur l’emplacement du projet
minier (figure 1.3).
Exploitation minière au Ghana 57

Figure 1.3. DISTRIBUTION DES REDEVANCES MINIÈRES


ENTRE LES PARTIES CONCERNÉES

• 3 à 12 % du revenu brut en
SOCIÉTÉS MINIÈRES
redevances (selon la productivité)
• Impôt sur les sociétés de 25 % • Impôts fonciers
sur les biens
immeubles

Gouvernement du
Ghana
(Trough IRS)
REVENU NATIONAL
Assemblées
Fonds consolidé 80% de district
20%

Fonds de mise en valeur des ressources minérales


55%
50% 50%
• réparation des dommages
environnementaux causés par
Soutien aux agences Bureau de l’administrateur les petits exploitants miniers
minières (par ex.: des terres stools • projets de développement dans
Commission des les collectivités minières
ressources minières) Conserve 10%

25% 20%

Stools Autorités traditionnelles

À ce sujet, des questions relatives aux défis que présentent la transparence


et l’imputabilité en matière de versement des redevances aux bénéficiaires à
l’échelle locale ont récemment été soulevées. Selon le premier rapport global sur
le Ghana réalisé par l’Initiative pour la transparence dans les industries extrac-
tives (ITIE) (Boas and Associates, 2007), on ne trouverait que peu de documen-
tation au sujet des paiements que les assemblées de district, les chefs traditionnels
et les stools auraient reçus du Bureau de l’administrateur des terres stools (Office
of the Administrator of Stool Lands). Les redevances versées aux assemblées de
district aboutiraient habituellement dans les revenus généraux, et aucune atten-
tion particulière ne serait accordée au développement des communautés locales.
De 1993 à 2002, les principaux districts miniers du pays auraient ainsi reçu pres-
que 21 milliards de cédis du Fonds de développement des activités minières, et
les diverses autorités traditionnelles et stools des régions où se déroulaient des
activités minières à grande échelle plus de 16 milliards de cédis (tableau 1.6).
58 Ressources minières en Afrique

Il faut reconnaître que ces recettes sont considérables et que, si elles étaient
bien administrées, elles pourraient contribuer fortement au développement éco-
nomique de ces zones. Toutefois, le rapport de l’ITIE a révélé que les assemblées
de district utilisaient souvent ces revenus pour payer des dépenses courantes et les
chefs, pour financer des projets privés, sans aucune considération pour le reste
de la communauté, ce qui alimente le ressentiment des populations locales
(Botchie et al., 2006). On constate également une insatisfaction généralisée chez
les chefs et les dirigeants traditionnels en ce qui concerne le partage des redevances
et des revenus fonciers qui leur sont, en principe, destinés, et beaucoup de mécon-
tentement dans les entreprises minières elles-mêmes quant à la répartition et
à l’utilisation de ces fonds.

Tableau 1.6. DISTRIBUTION DES RECETTES EN REDEVANCES


À L’ÉCHELLE LOCALE (GHANA) (EN MILLIONS DE CÉDIS)

Année Assemblées Conseils Stools


de district traditionnels
1993 437,21 145,65 140,77
1994 748,89 258,67 250,74
1995 1 242,57 407,28 405,27
1996 2 049,16 650,66 648,41
1997 2 071,97 747,35 653,39
1998 2 099,99 778,87 686,28
1999 227,7 82,80 103,28
2000 5 891,41 2 142,33 2 677,91
2001 – – –
2002 6 223,76 2 263,18 2 828,10
2003* 10 691,45 3 887,80 4 859,75
2004* 11 186,57 4 314,80 5 393,35
2005* 12 977,25 4 719,00 5 898,75
Total 55 847,93 20 398,39 24 546,00
* Calculé à l’aide de la formule sur le partage des redevances.
Source : Minerals Commission (2007).

4. PAUVRETÉ ENGENDRÉE PAR LES RÉPERCUSSIONS


ENVIRONNEMENTALES DE L’EXPLOITATION MINIÈRE
Au cours des dernières années, au Ghana, la progression des activités minières
et en particulier de l’exploitation à ciel ouvert a entraîné l’aliénation de grandes
portions de territoires appartenant aux communautés, laquelle a privé dans bien
Exploitation minière au Ghana 59

des cas les collectivités pauvres et marginalisées de leurs droits de surface liés
aux terrains et, par conséquent, de leur principale source de subsistance. Les
appropriations de terres appartenant à des communautés locales à des fins d’ex-
ploitation minière ont souvent été à l’origine de bouleversements sociaux, en
plus d’avoir des impacts négatifs sur les activités de subsistance habituelles de
ces communautés. Ces bouleversements sociaux sont fréquents dans les collec-
tivités affectées par les projets miniers au Ghana. L’augmentation du nombre de
conflits entre les communautés et leurs chefs, d’une part, et entre les communau-
tés et les entreprises minières, d’autre part, fait écho aux préoccupations crois-
santes concernant les impacts, pour la population, du programme d’ajustement
structurel, dont la mise en œuvre reposait sur le secteur minier (Akabzaa, 2000).
Ainsi, de 1990 à 1998, les investissements miniers dans le secteur de l’or
dans le district de Wassa Ouest auraient provoqué le déplacement de 14 com-
munautés, représentant un total de 30 000 personnes. Ces déplacements forcés
ont suscité diverses critiques, principalement en raison des nombreuses lacunes
des programmes de compensation. En plus d’être dirigés maladroitement et assu-
jettis à d’importants délais, les systèmes d’indemnisation instaurés par les com-
pagnies minières au profit des groupes de subsistance du Ghana ne tiennent
généralement pas compte des terres en jachère pour lesquelles aucune compen-
sation n’est prévue. De plus, ils se limitent généralement à un seul paiement pour
les cultures arbustives, sans tenir compte de la période de gestation, et ils n’ac-
cordent aucune compensation aux nombreux chasseurs « sans terre » et produc-
teurs de vin de palme qui se retrouvent privés de leur moyen de subsistance à
cause de l’expansion minière (Andoh, 2002).
Les répercussions négatives des activités minières sur les moyens de sub-
sistance des populations se révèlent par ailleurs particulièrement marquées dans
les segments les plus vulnérables de la société. Les femmes, habituellement
traitées de manière injuste en ce qui a trait aux compensations liées aux
déplacements et aux réinstallations, portent à cet égard, et de façon marquée,
le poids de ces impacts néfastes. Traditionnellement, les chefs de famille demeu-
rent des hommes et la plupart des indemnités relatives à l’exploitation agricole
et aux résidences leur sont donc naturellement versées, ce qui laisse l’usage
de ces fonds à leur entière discrétion. Les femmes, qui dépendent souvent du
petit commerce pour subsister, perdent fréquemment leur gagne-pain
lorsqu’elles sont déplacées et réinstallées dans des habitations situées loin
de leur clientèle, car elles n’arrivent plus à enregistrer assez de ventes pour
subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.
En outre, dans plusieurs cas, les politiques d’indemnisation ne tiennent pas
compte du statut de locataire de plusieurs habitants locaux, et ceux-ci ne sont
pas dédommagés pour la perte de leur gagne-pain. L’exploitation minière arti-
sanale demeure une activité de subsistance importante dans les zones riches en
ressources minérales ; elle emploie une bonne partie de la communauté, en par-
ticulier les jeunes. Cependant, lorsqu’une terre fait l’objet d’un bail minier, les
60 Ressources minières en Afrique

mineurs artisanaux sont expulsés sans être indemnisés pour les pertes de revenus
encourues. L’insécurité et l’insatisfaction qui s’ensuivent dans la communauté
ont fréquemment entraîné la création d’un cycle de violence impliquant l’État
et les sociétés minières d’un côté, et les communautés lésées de l’autre.

4.1. L’exploitation minière artisanale


Il est communément admis que les petites exploitations minières et les mines
artisanales (PEMMA) contribuent à la réduction de la pauvreté, notamment dans
les régions rurales où les possibilités d’emploi sont rares. Elles représentent à n’en
pas douter un sous-secteur dynamique et important de l’industrie minière au
Ghana, enregistrant environ 10 % du total de la production annuelle d’or et plus
de 60 % du total de la production annuelle de diamants. Bien que les données
relatives à l’emploi dans ce sous-secteur soient loin d’être exactes, on estime que
le secteur emploierait entre 100 000 et 200 000 personnes, principalement des
travailleurs ruraux non spécialisés (Akabzaa et Darimani, 2001 ; Hilson, 2002).
Les règlements relatifs à l’exploitation minière à petite échelle (Small-Scale
Mining Regulations), qui ont maintenant été incorporés dans le nouveau Code
minier, imposent des limitations et restreignent les droits de propriété des exploi-
tants de PEMMA, ce qui affecte la sécurité de leurs titres de propriété. Des études
ont révélé que des questions litigieuses concernant les activités des petits exploitants
miniers et les conflits liés à l’utilisation des terres requéraient l’attention urgente
des organismes de réglementation (Akabzaa et Ayamdoo, 2004 ; Agbesinyale, 2003 ;
Hilson, 2002 ; Songsore et al., 1994). Ces questions incluent :
ƒƒ la relation entre les petits exploitants miniers et les sociétés minières
multinationales ;
ƒƒ la rareté des terres dans le secteur ;
ƒƒ le rôle des autorités traditionnelles ;
ƒƒ le manque d’appui institutionnel adéquat ;
ƒƒ les occasions limitées en matière d’accès au capital ;
ƒƒ l’empiètement sur les réserves forestières.
Il ressort d’ailleurs, comme conclusion fondamentale de ces études, que ces
questions constituent le cœur de la situation sociale et économique du secteur
de l’exploitation minière à petite échelle, et ont de sérieuses répercussions sur
les moyens de subsistance des populations qui en dépendent.
La relation entre les petits exploitants miniers et les grandes sociétés
minières est parfois caractérisée par des conflits, ces dernières considérant ni plus
ni moins les premiers comme une menace. Cette situation n’est ni étonnante,
considérant les incompatibilités entre les deux groupes quant aux droits miniers,
ni un phénomène propre au Ghana, les conflits entre grandes sociétés minières
et petits exploitants miniers s’observant un peu partout dans le monde. Ces conflits
concernent principalement la question de l’accès à la terre à des fins d’exploitation
Exploitation minière au Ghana 61

minière. Par exemple, la quasi-totalité des terres dans des régions telles que les
districts d’Adansi et de Wassa Ouest sont ou bien entre les mains de grands exploi-
tants miniers ou bien désignées réserves forestières. Par conséquent, les activités
minières des PEMMA prennent place, dans bien des cas, sur des concessions
déjà attribuées à des sociétés minières ou en terrain protégé, d’où les conflits
d’une envergure importante entre les grands et les petits exploitants miniers,
en particulier ceux qui ne sont pas enregistrés.
La capacité du cadre réglementaire et institutionnel actuel de garantir que
l’exploitation minière artisanale permette une amélioration des niveaux de vie
des groupes concernés apparaît clairement déficiente. Les réglementations ont
toujours un impact déterminant sur les droits de propriété et tendent à pousser
à la hausse les frais d’opération dans le secteur, ce qui décourage les petits exploi-
tants miniers, ou leurs financiers, d’investir les ressources économiques et
techniques nécessaires à long terme. Cela a pour effet d’affecter directement la
création d’emplois et les niveaux de revenus à l’intérieur du secteur, les investis-
seurs étant habituellement soucieux de maximiser le rendement à court terme
de leurs activités (Akabzaa et Ayamdoo, 2004).
La légalisation de l’exploitation minière à petite échelle a été et demeure
un objectif stratégique louable. Cependant, simplement légaliser l’activité sans
tenir adéquatement compte de sa dynamique sociale complexe et en rapide évo-
lution pourrait nuire à l’atteinte d’autres objectifs sociaux, comme améliorer le
potentiel du secteur des PEMMA pour qu’il offre de meilleurs moyens de sub-
sistance à la population et contribue ainsi à la réduction de la pauvreté. La capa-
cité des institutions réglementaires de surveiller efficacement cette activité léga-
lisée et de sévir dans les cas de non-conformité apparaît essentielle, à l’atteinte
non seulement de cet objectif réglementaire explicite, mais aussi d’objectifs
sociaux plus larges comme la génération de richesse, la création d’emplois et
l’augmentation des revenus.

CONCLUSION
L’examen des répercussions du nouveau Code minier sur l’économie du Ghana
ne laisse aucun doute quant aux progrès relatifs à l’augmentation de la pro-
ductivité dans le secteur. Toutefois, l’évaluation de la contribution du secteur
à la création d’emplois, aux recettes gouvernementales et aux devises étran-
gères nettes maintenues dans l’économie nationale, de même que des impacts
sociaux et environnementaux de la croissance des activités minières, révèle un
portrait bien différent. Le cadre de la récente législation minière au Ghana,
dont une des visées centrales était de favoriser l’attraction d’investissements
étrangers, ne semble ainsi pas nécessairement compatible avec l’objectif
de développement social et économique, de réduction de la pauvreté et de
protection de l’environnement au pays.
62 Ressources minières en Afrique

En fait, en considérant la perpétuation des généreux incitatifs fiscaux, les


quotas sur l’embauche d’employés expatriés dans l’exploitation minière, et les
accords de stabilité et de développement négociés par les compagnies minières
qui permettent à ces dernières de maintenir d’importantes proportions de leurs
recettes totales d’exportation dans des comptes à l’étranger (questions essen-
tielles qui devaient toutes être réexaminées lors de la révision de la législation,
mais qui ne l’ont pas été), nous concluons que la situation demeure sur tous les
plans plutôt insatisfaisante. Malgré les préoccupations soulevées au début de
cette décennie quant à la gouvernance du secteur minier en faveur des pauvres,
et malgré l’adoption du nouveau Code minier de 2006, le pays semble demeurer
encore très éloigné de l’objectif fondamental qui était de tirer des avantages
optimaux de l’expansion de son secteur minier.

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CHAPITRE 2

Bauxite, alumine et aluminium


Les défis du développement et.
de la réduction de la pauvreté en Guinée1
Bonnie Campbell

En janvier 2007, le degré de souffrance et d’exaspération atteint par la population


guinéenne a mené à une mobilisation sociale généralisée au pays, dirigée par deux
importantes confédérations, l’Union des travailleurs de Guinée et la Confédération
nationale des travailleurs de Guinée. Confronté à une révolte populaire, le prési-
dent Lansana Conté a répondu par une violente répression exercée par la police
et la garde présidentielle. Pour la première fois dans l’histoire du pays, un soulè-
vement général a menacé le régime et paralysé les opérations de l’État. La confron-
tation s’est soldée par un accord entre les syndicats et le gouvernement, impliquant
la nomination d’un premier ministre, Lansana Kouyaté, favori des syndicats. Ces
événements ont aussi entraîné, en avril 2007, l’annonce que les contrats miniers
signés entre le gouvernement et les entreprises étrangères seraient réexaminés.
La Guinée se démarque tout particulièrement par le caractère unique de sa
richesse et de son potentiel miniers, qui ne sont surpassés que par ceux présentés
par quelques pays, dont la République démocratique du Congo. Elle représente
entre autres la plus importante source de bauxite de haute teneur au monde.
Selon les estimations de septembre 2005 de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC), la Guinée possèderait des réserves de 20 milliards de tonnes
de bauxite, exceptionnelles par leur ampleur et leur qualité. Le pays contribuerait

1. Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance à Myriam Laforce du Groupe de recherche


sur les activités minières en Afrique de l’Université du Québec à Montréal pour son appui
précieux dans la préparation de ce chapitre.
68 Ressources minières en Afrique

d’ailleurs à environ 40 % du commerce international de cette matière première et


comblerait également 40 % de la demande en bauxite des États-Unis2 (OMC,
2005a, p. 66). La production nationale s’est maintenue à approximativement 17 mil-
lions de tonnes pendant près de 10 ans, ayant connu une légère baisse à 16 millions
de tonnes en 2004, puis une hausse jusqu’à environ 19 millions de tonnes en 2005
et en 2006. En 2004, la valeur totale des exportations s’élevait à 743,2 millions de
dollars américains, et la part du secteur minier s’élevait à 666,9 millions de dollars
américains (Fonds monétaire international [FMI], 2006c, p. 64). Des exportations
minières, la bauxite et l’alumine représentaient 455,4 millions de dollars amé­
ricains, ce qui implique que ces minerais constituaient plus de 60 % de la valeur
de l’ensemble des exportations du pays, tous secteurs confondus.
Cependant, bien que ces données témoignent de la richesse potentielle du
pays ainsi que de sa forte intégration aux marchés mondiaux, un regard sur les
retombées du secteur minier sur l’économie de la Guinée semble paradoxalement
dresser un tout autre portait. Nous analyserons ce paradoxe au cours de ce chapitre.
Le modèle d’extraction des ressources qui a émergé après l’indépendance se serait
avéré, en effet, moins avantageux que prévu pour le pays. Dans ce chapitre, nous
cherchons à comprendre les raisons pour lesquelles ces tendances ont été observées
et à voir dans quelle mesure les réformes introduites sous l’impulsion des institu-
tions financières multilatérales ont intégré les préoccupations soulevées dans la
Revue des industries extractives (EIR) parue en 2003, notamment en ce qui a trait
à la promotion d’une gouvernance favorable aux pauvres. À cet égard, les recom-
mandations du rapport portant sur un domaine particulier, celui de la gouvernance,
apparaissent fort pertinentes du point de vue de cette étude. Comme nous l’avons
vu dans l’introduction de cet ouvrage, l’EIR a recommandé au Groupe de la
Banque mondiale (GBM) de :
renforcer la gouvernance en premier lieu afin que les pays puissent faire face
aux risques que suppose l’élaboration de projets d’extraction majeurs. Définir,
de manière participative, des critères de gouvernance explicites et transpa-
rents qui devraient être respectés avant d’investir dans une industrie extractive
(EIR, 2003).

Après une analyse détaillée de l’héritage du secteur minier guinéen, nous


examinerons si les réformes proposées par les institutions financières multilaté-
rales ont abordé les questions soulevées dans ces recommandations, de façon à
permettre au riche secteur minier du pays de contribuer à la réduction de la
pauvreté. D’une manière plus fondamentale, nous verrons dans quelle mesure
la nature des réformes proposées pourra permettre de traiter des tendances
profondément ancrées de distribution asymétrique des revenus tirés du secteur
minier. Cette démarche s’avère utile pour déterminer si, après cinquante ans,
les projets récents qui prévoient intégrer pleinement l’industrie pour qu’elle

2. La contribution de la production de la Guinée aux États-Unis a récemment connu une légère


baisse (US Geological Survey, 2006, p. 32).
Bauxite, alumine et aluminium 69

inclue enfin l’étape de la production de l’aluminium pourraient, dans les condi-


tions actuelles, servir de catalyseur au développement économique et social de
la Guinée.
Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), en 2004, la
contribution du secteur minier aux exportations totales de la Guinée s’élevait à
92,3 % et était répartie ainsi :
ƒƒ bauxite : 40,5 % ;
ƒƒ alumine : 22,6 % ;
ƒƒ diamants : 6,7 % ;
ƒƒ or : 22,6 % (FMI, 2006c, p. 48).
La décroissance des recettes minières du pays, dont les secteurs de la
bauxite et de l’alumine représentent la plus importante part, a été particu­
lièrement prononcée au cours des dernières années. La contribution du secteur
minier aux revenus du gouvernement central est en effet passée de 73,7 % en
19863, à 26 % en 1996 (Cadre intégré pour l’assistance technique liée au com-
merce en faveur des pays les moins avancés [CI], 2003b, p. 3) et à 18,27 % en 2004
(FMI, 2006c, p. 55). Les projections du FMI prévoyaient une autre diminution à
14,8 % pour 2007 (FMI, 2004a, p. 29) (voir tableau 2.1). En 2006, le FMI a révisé
à la hausse les données pour 2005-2008 :
ƒƒ 2005 : 24,3 % ;
ƒƒ 2006 : 27,57 % ;
ƒƒ 2007 : 26,69 % ;
ƒƒ 2008 : 29,48 %.

Tableau 2.1. REVENUS DU GOUVERNEMENT GUINÉEN (2000-2007)


(EN MILLIARDS DE FRANCS GUINÉENS)

2000 2001 2002 2003 2004 2005* 2006* 2007*


Recettes et subventions 719,8 873 876,9 952,7 1027,4 1325,2 1497 1701,4
Recettes 594,5 670,2 763,9 754,1 936 1153,6 1311,3 1509,7
Recettes du secteur minier 146,4 1 66,6 145,4 105,9 171 177 195,4 223,6
Part des revenus miniers dans les
recettes totales du gouvernement 24,63 % 24,86 % 19,03 % 14,04 % 18,27 % 15,34 % 14,90 % 14,81 %
(excluant les subventions)
* Données prévisionnelles
Sources : FMI (2004a, p. 29 ; 2006c, p. 55).

Il est important de noter qu’il s’agissait de données provisoires et que de


telles augmentations dépendent de la capacité du gouvernement à percevoir
les recettes découlant des nouveaux projets miniers, une condition qui demeure
au centre de la discussion abordée ci-dessous (FMI, 2006a, p. 31).

3. Selon les données présentées dans le tableau 2.2.


70 Ressources minières en Afrique

C’est en réponse aux contributions déclinantes des recettes minières obser-


vées au cours des années 1980 et 1990, et en vue de mettre en place un « plan de
sauvetage », que la Guinée a procédé, sous l’égide de la Banque mondiale, à une
révision substantielle de sa législation minière, notamment par l’introduction
d’un nouveau Code minier en juin 1995.

Ces réformes impliquaient des mesures de libéralisation de grande enver-


gure et ont été introduites de façon à instaurer de nouvelles mesures incitatives
permettant d’attirer les investissements étrangers dans le secteur. Elles incluaient
également une réforme des réglementations relatives aux conditions d’emploi
et au rapatriement des bénéfices. Selon leurs initiateurs, ces mesures devaient
permettre une augmentation substantielle de la production de bauxite et d’alu-
mine, ainsi qu’une expansion rapide de l’exploitation de l’or et des diamants
au cours de la décennie qui allait suivre. Comme cela a été suggéré à l’époque,
[l]e secteur minier dans son ensemble sera bientôt scruté au microscope
considérant que la Banque mondiale planifie de financer une révision du
Code minier actuel. Les régimes légaux et financiers qui régissent les com-
pagnies minières seront examinés et harmonisés, et il est prévu qu’une pro-
cédure simplifiée concernant l’acquisition des droits sur les minerais sera
introduite4 (Economist Intelligence Unit – EIU, 1995a, 3e trimestre, p. 14).

Comme nous le verrons, le Code minier de 1995 prévoyait une plus grande
libéralisation des politiques du pays en ce qui a trait aux ressources du premier
secteur économique, le secteur minier5. La nouvelle législation a également conféré
à ce secteur, ainsi qu’aux investisseurs privés qui s’impliquaient de manière crois-
sante dans sa relance, un rôle déterminant dans les stratégies nationales de déve-
loppement. À partir de 2002, l’essor du secteur minier de la Guinée était considéré
comme un élément clé de la réduction de la pauvreté au pays, notamment grâce à
l’impulsion qu’il pouvait offrir dans la poursuite des quatre objectifs suivants :

ƒƒ stimuler la croissance économique de la Guinée, en partie par la réalisation


des mégaprojets prévus ;
ƒƒ accélérer la mise en place des services de base en contribuant aux recettes
du gouvernement central, aux budgets des gouvernements locaux et aux
actions concrètes sur le terrain ;
ƒƒ aider à réduire le chômage, en particulier chez les jeunes diplômés ;
ƒƒ accroître les actifs en devises étrangères de la Guinée (République de
Guinée, 2002, p. 79).

4. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont
été traduites.
5. En plus de ses importantes réserves de bauxite, qui font du pays le premier exportateur
mondial, la Guinée possède d’autres réserves minières qui sont estimées ainsi : 12 milliards
de tonnes de fer, 500 tonnes d’or, 25 millions de carats de diamants, 73 millions de tonnes
de nickel, 40 millions de tonnes de craie et 11 000 tonnes de graphite.
Bauxite, alumine et aluminium 71

Plus de dix ans après l’adoption des réformes visant la libéralisation du secteur
minier, il a été admis que « [t]outes les réformes opérées dans le secteur, malgré leur
pertinence, n’ont pas permis d’obtenir les impacts positifs escomptés sur l’économie
nationale » (OMC, 2005b, p. 9). Le paradoxe du déclin dans la contribution des recettes
fiscales est encore plus frappant quand on voit la stabilité relative des données de
production de bauxite couvrant cette période, illustrée par la figure 2.1.
Ces tendances revêtent une importance particulière, car le pays dépend de
ce secteur de premier plan pour satisfaire les critères de performance des insti-
tutions financières multilatérales et, plus fondamentalement, pour permettre la
restructuration et la diversification de son économie dans l’optique de stimuler
la croissance et de contribuer à la réduction de la pauvreté.
Dans le cas de la Guinée, les nouvelles mesures de libéralisation écono­
mique introduites depuis 1985 ont eu des résultats très mitigés et, par conséquent,
ont été ponctuées de nombreuses interruptions de financement externe pour des
raisons de non-respect des critères de performance proposés par les institutions
financières multilatérales au cours des années 1980 et 1990. Cette situation s’est
d’ailleurs répétée en 2002, quand le FMI a provisoirement interrompu l’appui
de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) de
la Guinée.
Les raisons permettant d’expliquer ces résultats décevants pour la res-
tructuration économique et le développement constituent évidemment un sujet
des plus complexes. Une analyse approfondie de cette question implique la prise
en compte de l’interaction entre plusieurs facteurs historiques, administratifs,
politiques et économiques, qui sont à la fois internes et externes à la Guinée6.

Figure 2.1. PRODUCTION NATIONALE DE BAUXITE EN GUINÉE (1986-2006)

25
Production (en millions de tonnes)

20

15

10

0
1987
1988
1989
1990

1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000

2003
2004
2005
2006
2002
1991

2001
1986

Source : Raw Materials Data, décembre 2007.

6. Pour une analyse intéressante à ce sujet, voir Clapp (1994, p. 307-329).


72 Ressources minières en Afrique

Malgré cette complexité, par le passé comme plus récemment, les institu-
tions financières bilatérales et multilatérales, et notamment la Banque mondiale
à travers ses analyses, ont eu tendance à attribuer la responsabilité des mauvaises
performances des pays d’Afrique subsaharienne (y compris la Guinée) à des
facteurs internes, et notamment aux insuffisances des mesures locales de relance
économique : « Les faits montrent que les choix malheureux qu’elle a faits en
matière de politique ont beaucoup plus nui à la croissance à long terme de l’Afrique
qu’un environnement défavorable » (Banque mondiale, 1994, p. 35). De façon
similaire, « [d]es facteurs exogènes ont aussi contribué au déclin de l’Afrique
dans les années 1970 et 1980, mais on n’en exagère que trop souvent l’importance »
(Banque mondiale, 1994, p. 24).
Ainsi, les réflexions et initiatives proposées semblent continuer de se
concentrer essentiellement sur des facteurs et des blocages internes. À n’en pas
douter, les événements qui sont survenus après l’indépendance de la Guinée ont
été caractérisés par un manque de transparence des processus politiques, au cours
desquels les acteurs politiques responsables des décisions clés concernant les
ressources minières du pays ont souvent agi dans l’absence de normes minimales
d’imputabilité. Toutefois, sans vouloir d’aucune manière minimiser l’importance
de ces facteurs, la perspective ici adoptée se veut plus large. À cette fin, nous
tiendrons compte ici de certains facteurs externes en examinant l’interaction
complexe des stratégies adoptées par les grandes entreprises en Guinée, notam-
ment celles portant sur les négociations de prix de 1985-1987 et de 1991-1992,
ainsi que les politiques recommandées par les institutions financières multi-
latérales et leur impact sur l’élaboration de politiques à l’échelle nationale. Dans
ce contexte, nous examinerons certaines des répercussions de ces interactions
sur la stabilité financière, la croissance et la diversification économiques et,
ultimement, sur le développement social et économique du pays.
Au cours des cinquante dernières années, la capacité de la Guinée à définir
et à mettre en application ses propres stratégies de développement a notamment
été tributaire des modalités selon lesquelles le pays a pu négocier son accès aux
revenus provenant de son riche secteur bauxite-alumine. Ces négociations ont
établi plusieurs paramètres, tels que les termes et les prix relatifs à la vente des
ressources minières du pays sur les marchés mondiaux. Elles ont aussi influencé
la capacité de la Guinée à mettre en place des structures pour la transformation
locale de la bauxite et à assurer des effets d’entraînement sur les autres secteurs
de l’économie nationale, en vue d’atteindre les objectifs énoncés de réduction
de la pauvreté. Dans l’ensemble, les résultats obtenus ont été plus que décevants
sur le plan du bien-être de la population guinéenne.
Dans ce chapitre, nous traiterons de la manière dont le secteur bauxite-
aluminium a été intégré aux marchés internationaux en l’absence de forces
politiques internes en mesure de garantir que la richesse considérable du pays
soit développée au bénéfice de sa population. En fait, au fil des ans, les énormes
Bauxite, alumine et aluminium 73

coûts sociaux et économiques de ce processus ont suscité une demande gran­


dissante de changement, ce qu’a illustré la révolte populaire de 2007 qui a para-
lysé le pays et le gouvernement. Cette insurrection, qui a reçu un appui massif,
souligne de façon éloquente la nature intenable de ces modes d’exploitation
des ressources et des processus politiques intérieurs qui ont présidé à leur mise
en place.
L’analyse de trois différentes périodes historiques (1958-1984 ; 1984-1995 ;
1995-2008) permettra d’illustrer comment l’évolution de l’environnement inter-
national et la manière dont les ressources minières de la Guinée ont été intégrées
aux marchés mondiaux ont pu conditionner l’impact de cet important secteur sur
le reste de l’économie. À cet égard, il est possible de distinguer :
ƒƒ une première période au cours de laquelle l’objectif du gouvernement
était d’assurer une plus grande transformation locale de la bauxite, sa riche
matière première, une visée qui a échappé au pays ;
ƒƒ une deuxième période au cours de laquelle l’objectif a semblé se concentrer
davantage sur le but plus modeste d’assurer des retombées stables sur le
plan des revenus tirés de cet important secteur ; et
ƒƒ une troisième période au cours de laquelle (devant les résultats décevants
observés dans l’atteinte de l’objectif précédent et sous les recommanda-
tions des institutions de Bretton Woods) la tendance a été de procéder à
une plus grande libéralisation du secteur afin de créer un environnement
susceptible d’attirer davantage d’investissements. Cette stratégie reposait
sur l’hypothèse selon laquelle le développement des ressources minières
de la Guinée devait s’appuyer, d’une part, sur l’ouverture du secteur aux
opérateurs privés et aux forces du marché et, d’autre part, sur le retrait des
acteurs publics et des institutions du secteur minier.
Nous explorerons également certaines conséquences de ces tendances sur
les stratégies de développement économique, qui, malgré leur importance, sont
généralement passées sous silence. Parmi ces conséquences, les programmes
d’ajustement structurel et autres mesures de libéralisation ultérieures ont eu
tendance à affaiblir les capacités institutionnelles de l’État guinéen, en plus
d’ignorer expressément le rôle de développement que doivent jouer les politiques
gouvernementales du secteur minier. Les réformes ont soumis l’accès à de nou-
veaux apports de financement au respect de critères de performance, sans tenir
compte des fluctuations des prix ou des termes selon lesquels les contrats miniers
avaient été négociés, et sans que les institutions financières multilatérales soient
tenues responsables des recommandations qu’elles ont encouragé le pays à suivre.
C’est dans ce contexte plus large que nous resituerons la question de la promotion
d’une gouvernance favorable aux pauvres.
L’hypothèse qui sous-tend ce chapitre est qu’au cours des trois périodes
analysées, les importantes retombées économiques du riche secteur minier guinéen
n’ont pas été réparties de manière profitable pour le pays. L’opacité qui a
74 Ressources minières en Afrique

caractérisé la gestion nationale du secteur s’est soldée par une insistance mar-
quée sur le manque de transparence des flux de revenus internes. Cette insis-
tance a eu tendance à masquer une opacité parallèle : celle de la manière dont
les prix des minerais sont négociés et les contrats miniers ont été et continuent
d’être signés. Sans vouloir d’aucune manière minimiser l’importance de la pre-
mière dimension, il est important de souligner que les deux processus sont
inextricablement liés.
Au cours de la première période, l’explication relative à la perpétuation
des relations asymétriques régissant le développement du secteur minier
concerne avant tout la nature des relations et des négociations qui avaient cours
entre le gouvernement guinéen et les grandes multinationales de l’aluminium.
Au cours des deux périodes suivantes, elle renvoie encore à cette dimension, mais
un élément important vient s’ajouter : la perpétuation de modes particuliers
de régulation politique du secteur minier qui s’est poursuivie, voire qui s’est
exacerbée, avec la réduction des capacités institutionnelles et l’introduction de
mesures de libéralisation dans ce pays à partir de 1984.
Ces conditions ont inclus, entre autres, des réformes favorisant le retrait
de l’État, la privatisation, la diminution des taxes et l’introduction de nouveaux
cadres législatifs et fiscaux qui ont accordé aux opérateurs privés du secteur le
rôle de « propriétaire et exploitant » et à l’État celui de « responsable de la régle-
mentation » et, surtout, de « promoteur » (Banque mondiale, 1992, p. 53)7 de l’in-
vestissement étranger. Au cours des années, le contexte politique national dans
lequel ces réformes ont été introduites (caractérisé non seulement par un manque
de transparence administrative, mais aussi par un manque croissant d’imputabi-
lité politique et institutionnelle) a contribué à affaiblir la capacité du gouverne-
ment à négocier de manière à garantir l’atteinte de résultats contraignants dans
l’intérêt du pays et, si nécessaire, à apporter et imposer des mesures correctives
ou à formuler des politiques alternatives. Par conséquent, les demandes de révi-
sion des anciens contrats miniers émanant des syndicats et des organisations de
la société civile en 2007 ont exprimé, de manière extrêmement importante, le
besoin urgent et longuement attendu d’une redéfinition profonde des anciennes
pratiques de répartition des ressources. Cependant, à la suite des changements
survenus après la mort du président Lansana Conté, le 22 décembre 2008, il est
nécessaire d’examiner si les anciennes pratiques seront simplement remaniées
et consolidées ou si elles seront plutôt redéfinies. Car en effet, dans le cas où les
relations asymétriques actuelles ne seraient pas considérablement redressées, où
les processus politiques ne seraient pas renouvelés et où l’on n’assisterait pas à

7. Selon cette étude, le rôle du gouvernement est de créer un environnement propice aux acti-
vités du secteur privé. Pour cela, il faudrait donc formuler « une politique minière clairement
articulée qui souligne le rôle du secteur privé en tant que propriétaire et exploitant, et celui
de l’État en tant que responsable de la réglementation et promoteur de ce secteur » (Banque
mondiale, 1992, p. 53).
Bauxite, alumine et aluminium 75

la mise en œuvre de politiques visant à intégrer le secteur minier pour en faire


un catalyseur de transformation structurelle, les investissements récents et futurs
dans le secteur bauxite-aluminium risquent de ne pas satisfaire les attentes qui
ont été créées. À ce titre, il est essentiel de comprendre les origines et la nature
de l’héritage structurel politique et économique (qui a contribué à prolonger les
relations asymétriques qui caractérisent encore aujourd’hui le secteur), afin d’éva-
luer la capacité des réformes actuelles de la réglementation minière guinéenne
à promouvoir un développement et des formes de gouvernance favorables
aux pauvres.

1. BRÈVE PERSPECTIVE HISTORIQUE DE L’ÉVOLUTION


DU SECTEUR MINIER EN GUINÉE (1958-1984)8
Vers la fin de la Première République de Sékou Touré, le secteur minier repré-
sentait environ 25 % du produit intérieur brut (PIB), 95 % des exportations
et 79 % des recettes fiscales, ce qui illustre bien le rôle primordial alors joué par
ce secteur (Banque mondiale, 1990a, p. 32). Toutefois, au cours de cette période,
le secteur minier formel est demeuré, et c’est toujours le cas aujourd’hui, une
enclave présentant peu de liens directs avec le reste de l’économie, mis à part
l’emploi de main-d’œuvre. À l’intérieur du secteur, un minerai a joué et continue
de jouer un rôle prépondérant : la bauxite.
La Guinée est demeurée engagée dans deux étapes de la chaîne de trans-
formation de la bauxite en aluminium, soit l’exploitation de la bauxite et le
raffinage de l’alumine. Durant les années 1960 et 1970, les politiques minières de
la Guinée (telles que l’introduction d’une taxe spéciale à l’exportation en 1975)
avaient comme objet principal la création de conditions prônant une plus grande
transformation locale de la première ressource du pays, notamment en ce qui
concerne la production de l’aluminium (Campbell, 1991). Cependant, les résultats
des opérations minières se sont avérés, à cet égard, plutôt décevants dans chacun
des trois principaux sites du pays, Fria, Boké et Débélé. Avant d’en expliquer
les raisons, il est nécessaire de présenter une brève perspective historique de
l’évolution du secteur.
Bien que l’existence de dépôts de bauxite en Guinée soit connue depuis le
début du dix-neuvième siècle, cette ressource n’a pas été exploitée de manière
importante avant la réorganisation de l’industrie qui a eu lieu sous la direction
des intérêts nord-américains après la Seconde Guerre mondiale. La production
de guerre a fortement stimulé l’industrie et entraîné une augmentation massive
des capacités de production nord-américaines. En 1948 et 1950, la bauxite

8. Pour une analyse de ce secteur durant la période coloniale, voir Suret-Canale (1970) et
Campbell (1983, p. 65-82).
76 Ressources minières en Afrique

guinéenne provenant des îles de Los (qui comprennent Tassa et Tamara) a com-
mencé à être expédiée, en petites quantités, aux usines d’aluminium de la société
Alcan, situées au Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec. La production s’est pour-
suivie sur l’île de Kassa jusqu’en 1965, et ce même après la nationalisation,
en 1961, des installations par le nouveau gouvernement guinéen ayant pris le
pouvoir en 19589.
Au cours de la période coloniale, un autre important projet a été lancé à Fria
sous la direction de la compagnie française Pechiney Ugine. Après la Seconde
Guerre mondiale, le gouvernement français avait décidé d’explorer de nouvelles
possibilités pour développer son industrie de l’aviation. Avec ses vastes réserves
de bauxite et son potentiel hydroélectrique important, la Guinée représentait un
choix logique. Le projet initial, entrepris avec la collaboration de la compagnie
de services publics Électricité de France (EDF), était d’une ampleur prodigieuse
(400 millions de dollars américains) et prévoyait des installations capables de pro-
duire annuellement 6 millions de tonnes de bauxite, 1,5 million de tonnes d’alumine
et 200 000 tonnes d’aluminium (Soumah, 2007, p. 84). Il comprenait aussi la création
d’un vaste projet hydroélectrique sur la rivière Konkouré capable de générer
700 MW, ainsi que d’une ligne de chemin de fer et d’un port spécialisé. Le gouver-
nement français a directement participé à la planification et au financement du
projet, le développement régional étant supervisé par un organisme public français,
la Mission d’aménagement régional de la Guinée (MARG). Afin d’entreprendre
le projet, une convention à long terme a été signée le 5 février 1958 entre la
Compagnie internationale pour laproduction de l’alumine, dite la Société Fria du
nom du lieu d’exploitation, et l’administration coloniale territoriale de la Guinée
et de l’Afrique occidentale française. L’accord avait une durée de 75 ans et défi-
nissait les termes des diverses conditions et garanties, et ceux du régime financier
propre à ce projet. Fria a été à l’origine d’un vaste consortium international dont
les actions étaient réparties comme suit : Olin Mathieson Chemical Corporation
(États-Unis) – 48,5 %, Pechiney Ugine – 26,5 %, British Aluminium Company –
10 %, Aluminium Industrie AG (Suisse) – 10 %, et Vereinigte Aluminium Werke
AG (Allemagne) – 5 %. La production d’alumine a débuté en 1960, pour atteindre
457 875 tonnes en 1962, soit 58 % de la valeur totale des exportations de la Guinée.
En 1965, la production avait augmenté à 519 895 tonnes (Soumah, 2007, p. 91).
Comme nous l’avons noté précédemment, au cours de la période coloniale,
des études avaient également été entreprises au sujet du projet hydroélectrique
de Konkouré. Le barrage devait être situé à l’est du site de Fria. Cependant,
après que le pays eut refusé la tutelle française et rompu avec la « communauté
française », ce qui a été confirmé par référendum le 28 septembre 1958, la
puissance coloniale a décidé de tenir secrètes les études préliminaires sur le
projet Konkouré.

9. La description qui suit est tirée de Campbell (1991, p. 33-39).


Bauxite, alumine et aluminium 77

En novembre 1961, le gouvernement a pris possession des sites de Kassa


et de Boké, la compagnie privée Les Bauxites du Midi (une filiale appartenant
entièrement à Alcan) n’ayant pas respecté son engagement de transformer
localement la bauxite en alumine d’ici à 1964. Le projet a ensuite été pris en
main par la société américaine de deuxième rang Harvey Aluminum du
Delaware, qui avait été responsable de la production de bauxite sur l’île de
Tamara. Il est important de souligner que la nouvelle négociation concernant
le site de Boké, ayant impliqué le gouvernement guinéen et la société Harvey,
a coïncidé avec le rétablissement de relations plus étroites entre les États-Unis
et la Guinée. En 1962, la Guinée a été admise à la Banque internationale pour
la reconstruction et le développement (BIRD), qui offrit une contribution de
l’ordre de 2 millions de dollars américains aux activités initiales de l’organisme
chargé de fournir l’infrastructure à Boké, soit l’Office d’aménagement de Boké
(OFAB) (Soumah, 2007, p. 113). Puis, en 1964, l’Agence américaine pour le
développement international (USAID) approuva un prêt pour le nouveau
projet de Boké et garantit l’investissement initial de Harvey.
L’accord entre la société Harvey et le gouvernement guinéen, signé en
octobre 1963, allait servir de prototype aux accords concernant d’autres sites.
Une société mixte a été formée, la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG),
à l’intérieur de laquelle 49 % des actions étaient détenues par le gouverne-
ment et 51 % par Halco Mining, un consortium international. La répartition des
actions à l’intérieur de Halco Mining était la suivante : Alcan Aluminium Limitée –
27 %, Aluminium Company of America – 27 %, Harvey Aluminium Inc. – 20 %,
Pechiney Ugine – 10 %, Vereinigte Aluminium Werke AG – 10 % et Montecatini
Edison – 6 %.
À cette époque, certaines clauses concernant la taxation et la transfor-
mation locale étaient vues comme des gains importants pour le gouvernement
guinéen. Cependant, au milieu des années 1970, le président Touré a dénoncé
les sociétés privées pour le non-respect de leur accord, et en particulier
des clauses sur la transformation locale. Avec le temps, la participation de
l’État au projet (considérée comme une garantie de contrôle local lors de la
signature de l’accord) a semblé être plus compatible avec une logique d’ac-
cumulation de l’industrie à l’échelle internationale qu’avec une garantie de
transformation locale.
En février 1973, un accord signé entre le gouvernement guinéen et les
partenaires privés de la compagnie Fria (Frialco) a créé la société mixte Friguia,
à l’intérieur de laquelle le gouvernement détenait 49 % des actions et les trans-
nationales, 51 %. Friguia exploitait la bauxite et la transformait localement en
alumine, qui était ensuite expédiée soit aux pays de la Communauté économique
européenne (CEE), soit aux installations de Pechiney à Edea, au Cameroun,
pour y être transformée en aluminium. Comme dans le cas des exportations de
78 Ressources minières en Afrique

la CBG à Boké, la production de Fria était achetée au prorata des actions des
partenaires privés de Friguia qui, après diverses renégociations, étaient réparties
ainsi : Noranda (Canada) (qui avait acheté Olin Matheson) – 19,6 %, Pechiney
(France) – 18,6 %, British Alcan (Royaume-Uni) – 5,1 %, Alusuisse (Suisse)
– 5,1 %, et WAW (Allemagne) – 2,6 %.
À la fin des années 1970, Friguia exportait plus de 600 000 tonnes d’alumine
par année. C’est dès le début des années 1960 que la transformation locale de la
bauxite en alumine s’est effectuée au site de Fria, ce qui indique que, pour com-
prendre les conditions entourant la transformation ou la non-transformation
locale sur les sites, il faut aller au-delà d’une analyse économique trop étroite,
centrée sur la présence ou l’absence de facteurs de production et dépasser les
interprétations qui reposent essentiellement sur la « situation politique » pendant
la présidence de Sékou Touré.
Pour diverses raisons qui méritent plus d’attention et qui ont trop hâti-
vement été qualifiées de « difficultés techniques », la production de la compa-
gnie a été inégale. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1989, et pour la première fois depuis
1973, que Friguia a enregistré un surplus financier. Par conséquent, ce n’est
qu’à partir de 1989 que le gouvernement a été en mesure de profiter des béné-
fices découlant des activités de la compagnie (Larrue, 1991, p. 48). Comme nous
le verrons, la rentabilité de la compagnie allait être de courte durée.

Le site de Débélé, dans la région de Kindia, était géré conjointement par


l’Union soviétique et le gouvernement guinéen. L’accord signé en novembre
1969 détermina le prix du minerai et stipula les conditions suivantes :

ƒƒ L’Office des Bauxites de Kindia (OBK), l’entreprise résultant de l’accord,


appartenait à 100 % à l’État guinéen.
ƒƒ L’Union soviétique était chargée de la construction de la mine et du chemin
de fer, et serait remboursée en recevant 50 % du minerai produit.
ƒƒ Un autre 40 % du minerai était destiné à l’Union soviétique en conformité
avec les clauses de l’accord commercial, ou de compensation à long terme,
conclu entre les deux pays.
ƒƒ Les 10 % restant pouvaient être exportés par le gouvernement guinéen
sur les marchés de son choix. En fait, en raison de la structure intégrée des
entreprises occidentales, cette partie est presque totalement revenue aux
pays d’Europe de l’Est.

L’OBK était donc la propriété du gouvernement guinéen. L’investisse-


ment initial de 85 millions de roubles russes a été versé par l’Union soviétique
à un taux d’intérêt de 2 %. L’URSS a ensuite dû investir de nouveaux fonds
pour des améliorations à la mine, au chemin de fer et au port. La production a
démarré en 1974, et les exportations ont augmenté jusqu’à entre 2,7 et 3 millions
de tonnes en 1990.
Bauxite, alumine et aluminium 79

Il est difficile de comparer les termes de l’accord de l’OBK avec ceux, très
différents, des autres accords de Friguia et de la CBG. Il est aussi difficile de com-
parer le prix de la bauxite de l’OBK avec celui de Friguia ou de Boké, en raison
de l’important décalage entre les accords conclus avec le gouvernement guinéen,
notamment en ce qui a trait à la propriété et aux différentes qualités du minerai.
Au-delà de ces trois projets, un autre a été proposé en vue d’atteindre les
objectifs miniers de la Guinée visant une transformation locale. Si celui-ci avait
vu le jour à Ayékoyé, dans la région de Boké, il aurait éventuellement comporté
la production non seulement d’alumine, mais aussi d’aluminium, ainsi que le
développement massif de ressources hydroélectriques sur la rivière Konkouré.
Le projet, qui était une priorité du gouvernement de Sékou Touré, aurait permis
l’exploitation annuelle de 9 millions de tonnes de bauxite de très haute teneur.
Bien que les prévisions varient, il est généralement estimé que si le projet s’était
matérialisé, environ 4 millions de tonnes de la production totale auraient été
transformées localement en alumine lors de la première phase, le reste étant
exporté. Durant la seconde phase, dépendamment de la source de renseigne-
ments, le projet aurait permis la production non seulement de 1,2 million de
tonnes d’alumine, mais aussi de 75 000 à 150 000 tonnes d’aluminium. La pro-
position était étroitement liée à la création de nouvelles sources d’énergie
hydroélectrique, qui sont abondantes dans cette région. Malgré l’intérêt sou-
tenu que ce projet a suscité au cours des années 1970 et 1980, notamment
auprès des compagnies européennes (Pechiney et Alusuisse), des difficultés liées
à l’obtention du financement nécessaire ont empêché le démarrage des activi-
tés10. Bien qu’il n’ait jamais vu le jour, le projet de Konkouré illustre le potentiel
du pays et le désir du gouvernement, au cours de la période postindépendance,
d’assurer la transformation locale de ses riches réserves de bauxite.
L’exploitation a débuté à Boké, le site le plus important du pays, en 1973.
L’ensemble de la production a alors été exporté en bauxite brute et acheté au
prorata des actions des partenaires privés. Par conséquent, en 1973, 26 % de la
production de Boké a été expédiée à Port-Alfred, au Québec, pour y être trans-
formée en aluminium à l’usine d’Arvida, appartenant à Alcan. La quantité expor-
tée est passée d’environ 5 millions de tonnes en 1975, à approximativement
9 millions de tonnes en 1984.
En 1974 (la coïncidence du moment mérite d’être soulignée), il a été
annoncé qu’Alcan Aluminium Limitée, un des partenaires importants de la
société de portefeuille de Boké, procéderait à la transformation de la bauxite
du site de Boké, non pas localement comme le prévoyait l’accord signé avec le
gouvernement guinéen, mais en Irlande. Le projet d’Alcan comportait la
construction d’installations à Aughinish, près de l’aéroport de Shannon, qui
permettraient de convertir la bauxite brute importée en alumine. Celle-ci serait

10. Pour plus de détails, voir Campbell (1991, p. 36).


80 Ressources minières en Afrique

ensuite exportée à Lynemouth (au Royaume-Uni) pour être transformée


en aluminium. La capacité annuelle de production à Aughinish avait été fixée
à 800 000 tonnes d’alumine. Les coûts d’usine avaient d’abord été estimés à
500 millions de dollars américains, mais ils ont ensuite doublé. La production
a débuté en 1983.

Il serait impossible d’expliquer la logique du projet Aughinish en se basant


simplement sur la présence et les coûts comparés des facteurs de production, car
la sélection du site irlandais a reposé sur un ensemble de facteurs bien plus vaste.
D’une part, les politiques du gouvernement irlandais offraient des conditions de
production très avantageuses et, d’autre part, les exportations irlandaises per-
mettaient d’accéder aux marchés de la CEE. Cet ensemble d’éléments favorables
a été renforcé par de généreuses subventions au projet provenant d’organismes
financiers étatiques du Canada et du Royaume-Uni11.

En ce qui concerne les conséquences pour la Guinée, il est important


de rappeler que la date d’abandon de l’accord de transformation de la bauxite
au site de Boké correspondait avec la confirmation que le projet Aughinish
irait de l’avant. Les conditions avantageuses des politiques irlandaises quant
à l’investissement étranger, le soutien financier de l’État et enfin une logique
favorable à la régionalisation européenne ont créé des pressions et un
contexte diamétralement opposé à l’atteinte des objectifs prévus par les poli-
tiques minières guinéennes préconisant une transformation locale de la
matière première.

Comme nous le verrons dans le volet sur les négociations du prix de la


bauxite qui ont eu lieu de 1985 à 1987, si au cours des années 1960 et 1970 les
politiques minières guinéennes ont mis l’accent sur une plus grande transforma-
tion locale, de façon à obtenir une plus grande part des bénéfices du secteur
minier, pendant les années 1980 les enjeux ont évolué et favorisé un éloignement
plus grand encore de cet objectif premier. La question centrale est alors devenue
celle des conditions requises pour maintenir un niveau minimum de recettes
au pays, par l’entremise des taxes à l’exportation sur la matière première non
transformée. Encore une fois, les résultats allaient s’avérer décevants.

2. LE SECTEUR MINIER : NÉGOCIER SOUS LES CONTRAINTES


DE L’AJUSTEMENT (1984-1995)
Vers la fin des années 1970, le pays s’approchait d’une grave crise économique.
À cette époque, le président Sékou Touré avait adopté diverses mesures d’ouver-
ture à l’égard de l’Occident, en libéralisant les politiques commerciales et en

11. Les détails de ce projet sont présentés dans Campbell (1983, chap. IV).
Bauxite, alumine et aluminium 81

encourageant l’investissement étranger, tout en persistant dans la promotion


d’expériences agricoles communautaires et mécanisées, et de l’économie pla-
nifiée. Au début des années 1980, la dette extérieure du pays, en croissance
constante, avait atteint un niveau insoutenable. Le FMI et la Banque mondiale
ont alors entrepris plusieurs études détaillées sur l’économie de la Guinée, et
ont eu des entretiens préliminaires avec le gouvernement Touré concernant un
possible prêt à l’ajustement structurel. Cependant, peu de progrès avait été
réalisé lors de la mort de Touré au début de 1984. À ce moment, un coup d’État
militaire sans effusion de sang avait placé le général Lansana Conté au pouvoir.
Ce dernier, pressé d’engager une réforme économique, s’est affairé, seulement
sept jours après avoir pris le pouvoir, à entrer en contact avec le FMI et la
Banque mondiale.
L’introduction du programme d’ajustement en Guinée a coïncidé avec la
tenue de négociations d’une importance cruciale (1985-1987) concernant le
prix de la bauxite12. Dirigées par Halco Mining Inc., le consortium qui s’était
associé avec le gouvernement au sein de la CBG, les discussions avaient pour
objectif de réduire de manière substantielle le prix de la bauxite à l’échelle
internationale, et ont eu d’importantes répercussions sur les autres pays pro-
ducteurs tels que le Brésil, la Jamaïque et le Suriname. Compte tenu de la
fragilité de la situation politique et économique de la Guinée, le fait que les
négociations sur le prix de la bauxite se sont déroulées dans ce pays d’Afrique
de l’Ouest ne relève certainement pas du hasard. En effet, peu de temps aupa-
ravant, le Brésil avait refusé de consentir à la demande d’abaisser le prix de
vente de sa bauxite.
La position de négociation du consortium privé comportait la suppression
de la taxe d’exportation guinéenne sur le minerai bauxitique qui s’élevait à
13 dollars américains par tonne métrique, ce qui aurait représenté une réduction
de 37 % du prix à l’exportation comparativement à 1985 (Freeman, 1986). Au
milieu des années 1970, un nouveau système fiscal relatif à la bauxite brute avait
été introduit en Guinée pour encourager la mise en œuvre des politiques minières
nationales favorables à la transformation locale (la taxe était inversement pro-
portionnelle au degré de transformation locale). À peine une décennie plus tard,
l’objectif visant la transformation locale paraissait pourtant encore plus lointain
que jamais. La question centrale ne semblait plus toucher les conditions qui
permettraient éventuellement une transformation locale, mais plutôt celles qui
permettraient de maintenir un seuil minimal de recettes au moyen des taxes à
l’exportation sur la matière première non transformée, de sorte que l’inves-
tissement public demeure à un niveau acceptable et que, par conséquent, le pro-
cessus de réforme économique puisse aller de l’avant.

12. Pour une analyse détaillée de ces négociations, voir Campbell (1986).
82 Ressources minières en Afrique

Les négociations de prix ont duré presque deux ans13. Elles se sont soldées
par un accord signé avec la CBG, d’une durée de trois ans, qui a pris effet en
janvier 1988. Celui-ci prévoyait que la Guinée abolisse sa taxe de 13 dollars
américains par tonne exportée en faveur d’un taux flottant qui refléterait les
fluctuations du prix de l’aluminium (Bureau of Mines, 1987, p. 2 ; Financial Times,
1985). Une renégociation similaire sur le prix et la taxe à l’exportation de l’alu-
mine produite par Friguia a elle aussi mené à un accord qui est entré en vigueur
en janvier 1988, pour une période de trois ans14.
Comme nous l’avons noté plus haut, les dispositions de l’accord avec la
CBG prévoyaient que le « prix de vente » de la bauxite, duquel sont dérivés les
recettes et par conséquent les revenus imposables de la CBG, devait être calculé
à l’aide d’une formule qui tenait compte des prix internationaux de l’alumine
et de l’aluminium, ainsi que de l’inflation mondiale. Comparativement à l’an-
cienne taxe sur la bauxite de 1975, l’accord de 1988 a notamment eu pour
conséquence de créer un lien plus étroit entre, d’une part, les paiements de
taxes et, d’autre part, la performance économique de la compagnie et les prix
de l’alumine et de l’aluminium sur les marchés mondiaux. En principe, les taxes
gouvernementales devaient augmenter durant les mouvements à la hausse du
marché mondial de l’aluminium et décroître lorsque les prix internationaux de
l’alumine et de l’aluminium déclinaient. Ainsi, l’économie guinéenne s’est trou-
vée plus exposée aux fluctuations du marché international de l’aluminium. Un
rapport de la Banque mondiale souligna, à cette époque, que les nouveaux
accords avec la CBG allaient impliquer une réduction des recettes fiscales à
moyen terme, non seulement en raison des projections quant au prix de l’alu-
minium, que plusieurs études prévoyaient relativement stable, mais aussi à
cause de la formule de calcul en tant que telle :

13. Des sources bien informées suggèrent que la Banque mondiale aurait bel et bien par-
ticipé à ces négociations étant donné les implications majeures que des réductions de
prix si importantes auraient sur les recettes d’exportation. Celles-ci sont indispensables
au processus de réforme auquel participaient activement la Banque mondiale, le FMI
ainsi que d’autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux, et ce sur le plan conceptuel aussi
bien que financier. Toute diminution de prix ou toute baisse de la production, comme
cela s’est produit à la CBG où le tonnage est passé de 11 à 9,6 millions de tonnes par
an, impliquait des manques à gagner devant être compensés par des dons de la com-
munauté internationale ou encore par une réduction équivalente dans le programme
d’investissement du pays.
14. Le contrat signé entre le gouvernement et la CBG et le contrat avec Friguia qui ont pris
effet en 1988 doivent être vus comme un tout incluant une formule pour calculer le prix,
des clauses relatives au tonnage minimum devant être acheté, des ententes fiscales, des
dispositions pour le financement de l’infrastructure, et ainsi de suite. Dans ce chapitre, nous
mettons l’accent sur les éléments les plus importants. Pour une analyse plus complète, voir
Campbell (1996a).
Bauxite, alumine et aluminium 83

Il y a une particularité dans la structure de la formule qui entraîne, au cours des


années, des dégrèvements décroissants pour des coûts croissants. Par conséquent,
les recettes réelles provenant des prélèvements fiscaux diminueront quelles
que soient les hypothèses faites sur les fluctuations des prix de l’aluminium
(Banque mondiale, 1990a, p. 36).

Après ces négociations de prix, la chute des recettes fiscales provenant


de la CBG et la quasi-stabilisation de celles tirées de Friguia, en dépit d’une
augmentation de sa production, allaient inévitablement avoir de sévères réper-
cussions sur les finances publiques de la Guinée et la marge de manœuvre
du gouvernement dans l’exécution de son programme de réformes. Avant
d’exposer les détails de ces tendances, il semble utile de formuler certaines
observations générales.
Malgré divers problèmes liés à la mise en œuvre des réformes d’ajustement
structurel, un mouvement très prononcé vers une économie libéralisée a été mis
en branle à partir du milieu de 1986. En 1988, un deuxième programme d’ajus-
tement structurel (PAS) a été conçu et adopté pour renforcer et consolider les
réformes du premier PAS. La Banque mondiale avait prévu qu’en remédiant aux
« insuffisances des politiques intérieures » du régime précédent, les réformes
d’ajustement structurel amélioreraient grandement la performance économique
du pays. Ces prédictions ne se sont toutefois pas réalisées.
Bien que les raisons des difficultés dans la mise en œuvre des réformes et
l’atteinte des cibles prévues soient nombreuses, et relèvent en partie de facteurs
politiques et administratifs internes, ce sont les recettes provenant du secteur
minier qui ont fourni le cadre et fixé les contraintes du processus de réforme
économique. Comme nous l’avons vu, la Guinée possède une vaste gamme de
ressources minières. Cependant, la base d’exportation du pays est demeurée très
restreinte et, en 1992, 73 % des recettes d’exportation de la Guinée provenaient
toujours de la bauxite et de l’alumine (EIU, 1995b, p. 28). Après avoir présenté
brièvement les changements qui ont eu lieu dans le très important secteur
bauxite-alumine et sa contribution aux recettes du pays à la fin des années 1980,
nous conclurons cette sous-section en situant les contraintes pesant sur
l’économie guinéenne dans le contexte de la restructuration de l’industrie
internationale de l’aluminium.
Jusqu’en 1990, l’industrie minière guinéenne avait toujours été présentée,
et cela sans réserve, comme le secteur le plus dynamique de l’économie, ce qui
était effectivement le cas depuis l’indépendance. Le secteur avait représenté
plus de 20 % du PIB, employé 9000 personnes, fourni plus de 90 % des recettes
d’exportation comptabilisées et environ 62 % des recettes internes de l’État.
Au cours de la période 1987-1990, la croissance réelle moyenne du secteur
minier s’élevait à 5,7 % par année, alors que la croissance réelle du PIB était
de 4,1 % (EIU, 1995b, p. 20).
84 Ressources minières en Afrique

Cependant, depuis 1990, ce portrait est devenu plus complexe et l’impor-


tance du secteur minier a diminué, de manière à la fois relative et absolue, ce
qu’illustre le déclin de la contribution du secteur aux recettes fiscales du gouver-
nement central, qui est passée d’une moyenne de 70 % au cours de la période
1987-1990, à 40 % en 1993 et à 29 % en 1995. Comment peut-on expliquer ces
évolutions ? Certaines interprétations pointent l’agitation ouvrière et la désué-
tude des installations qui ont perturbé les opérations d’exploitation de bauxite
et d’alumine en 1990, mais c’est plus fréquemment la « détérioration des termes
de l’échange » ayant réduit substantiellement la contribution des entreprises
minières aux revenus de l’État qui est mise en cause. Toutefois, comme la discus-
sion sur les négociations de prix de 1985-1987 l’a démontré, le prix de la bauxite
n’est pas seulement le résultat du libre jeu des forces du marché. Au contraire,
dans ce secteur industriel très intégré, les prix sont établis selon des éléments tels
que des formules, qui ont été, dans le cas de la Guinée, le fruit de longues et
difficiles négociations.
De plus, la baisse des prix mondiaux de l’aluminium au cours de cette
période doit être resituée, entre autres, dans le contexte de la restructuration de
l’ensemble de l’industrie durant les années 1980, un processus qui a entraîné
d’importantes surcapacités, notamment en Australie et au Canada, de la part
des grandes compagnies transnationales œuvrant en Guinée. C’est dans ce cadre
plus large que les événements liés à la production et aux recettes de bauxite et
d’alumine en Guinée seront abordés ci-dessous.
Bien que les exportations d’alumine de Friguia aient connu une légère
baisse entre 1992 et 1993, ce facteur ne suffit pas à lui seul pour expliquer la chute
radicale des recettes fiscales du secteur minier. De manière plus importante, la
production nationale de bauxite a augmenté d’une moyenne annuelle d’environ
15 millions de tonnes entre 1985 et 1990, à une moyenne de près de 16,5 millions
de tonnes entre 1990 et 1995. Il est donc plus que nécessaire d’expliquer la forte
chute d’approximativement 50 % des recettes fiscales entre ces deux périodes.
Ainsi, il importe de souligner d’entrée de jeu que la baisse des recettes du
secteur minier n’est pas liée à une diminution de la production. En fait, au début
des années 1990, les exportations du site privatisé SBK (Société des Bauxites de
Kindia, anciennement l’OBK) ont connu une légère croissance. Après plusieurs
années difficiles (notamment en 1994 lorsque ses exportations n’ont atteint que
1,1 million de tonnes), le niveau de production de la SBK a augmenté à 1,7 mil-
lion de tonnes en 1995. L’usine d’alumine de Friguia a réalisé des exportations
de 615 000 tonnes en 1992 et de 611 000 tonnes en 1993, ce qui, comme nous
l’avons vu précédemment, ne représente pas une diminution suffisante pour
expliquer l’ampleur de la chute des recettes provenant de ce secteur (EIU,
1995a, p. 10-11). Au cours de cette période, Friguia a entrepris un programme de
modernisation d’une durée de quatre ans en vue d’accroître sa production, de
Bauxite, alumine et aluminium 85

moderniser les infrastructures ferroviaires et d’améliorer la protection environ-


nementale, question qui faisait alors l’objet de diverses critiques. Sur le plan des
exportations, celles-ci ont connu une hausse comparativement au début de la
décennie, atteignant 639 200 tonnes en 1994 et 623 500 tonnes en 1995 (EIU, 1996,
p. 17). Cependant, l’examen de la formule de calcul du prix de l’alumine révèle
que l’alumine achetée par les partenaires de Frialco avait été vendue à perte
en comparaison avec les coûts en 1993-1995, phénomène aggravé par les frais
exorbitants d’assistance technique exigés par Pechiney Aluminium, soit environ
10 dollars américains par tonne (Soumah, 2007, p. 94). Cette situation est très
certainement liée à la quantité limitée de recettes fiscales que Friguia a versées
au gouvernement guinéen durant ces années.
Des transformations majeures ont également été entreprises à la plus
grande mine de bauxite du pays, celle du site Boké-Sangarédi, dont la production
était de 11,5 millions de tonnes en 1990 et 1991, et dont les réserves étaient esti-
mées à 4 milliards de tonnes. Le projet d’expansion de 170 millions de dollars
américains avait pour but d’augmenter la production à 13 millions de tonnes par
année à partir de 1996, grâce à un accès aux dépôts de Bidi-Koum, situés près
des mines existantes (EIU, 1995a, p. 21). À la lumière des arguments concernant
la moins bonne qualité du minerai qui ont été invoqués durant les négociations
de prix ultérieures, il est utile d’examiner ces expansions plus attentivement.
Soulignons d’abord que le journal du partenaire canadien Alcan Aluminium
Limitée a rapporté, à l’époque, qu’on avait envisagé que la bauxite provenant
des réserves de Bidi-Koum serve, à partir des années 1990, de « solution à long
terme » pour réduire les coûts de la bauxite. Plus précisément, les membres du
comité de la bauxite du partenaire canadien ont suggéré, en 1991, que la bauxite
provenant du nouveau site guinéen pouvait réduire les coûts de production
d’aluminium à l’usine de Vaudreuil, au Québec, d’environ 15 dollars américains
par tonne (Alcan Inc., 1991, p. 7), ce qui a dissipé les doutes que certains ana-
lystes auraient pu avoir quant au risque que la baisse de la qualité des réserves
de bauxite dans cette région de la Guinée ne désavantage les opérations à
l’étranger. Il est important de tenir compte de telles déclarations pour évaluer
la demande, formulée au cours de négociations ultérieures, qu’une amende soit
imposée au gouvernement en raison de la qualité moindre de la bauxite pro-
venant des nouveaux sites, un argument mis de l’avant pour justifier l’utili­sation
d’une formule particulière, laquelle a entraîné une diminution des recettes
fiscales réelles payées au gouvernement au fil du temps et pénalisé sévèrement
le pays.
L’analyse présentée ci-dessus illustre donc la relative stabilité de la pro-
duction de bauxite et d’alumine au début des années 1990, ainsi que le grand
intérêt des entreprises présentes à poursuivre et à élargir leurs activités en
Guinée, illustré par l’augmentation de la production au cours de la seconde
moitié des années 1990 (voir la figure 2.1).
86 Ressources minières en Afrique

Malgré des données de production relativement stables, la contribution de


la bauxite et de l’alumine aux revenus de l’État a chuté sous la barre des 50 %
en 1990, et ce pour la première fois depuis de nombreuses années. Elle a ensuite
diminué davantage, à seulement 26,4 % du budget en 1993, ce qui constitue une
baisse réelle de 40 % en termes monétaires (EIU, 1995b, p. 21). Avant d’évaluer
les implications économiques de ces chiffres, il semble utile d’apporter quelques
précisions supplémentaires sur les raisons du déclin des recettes d’exportation,
notamment celles en provenance de la plus importante source de revenus du
pays, la CBG.
La chute des recettes d’exportation issues de l’exploitation minière, et en
particulier de la bauxite et de l’alumine, qui a été observée à partir de 1990, est
illustrée dans les tableaux 2.2 et 2.3. L’explication de ce déclin mérite d’être
scrutée de près car, comme nous l’avons vu, au-delà de facteurs techniques et
économiques tels que le jeu des forces du marché, le processus de détermination
du prix de la bauxite en Guinée incorpore des éléments qui sont le fruit de dures
négociations entre les acteurs concernés.
En fait, un rapport de la Banque mondiale publié en 1990 a souligné que
la formule de calcul était responsable du déclin des recettes fiscales de la Guinée,
une décroissance qui avait été anticipée et qui s’est bel et bien produite à la suite
des négociations de 1988-1991 entre la CBG et le gouvernement guinéen :
[S]i les accords actuels de fiscalité et d’établissement des prix sont maintenus,
il est prévu que les recettes de l’État provenant des opérations de la CBG
connaîtront un nouveau déclin de 25 à 30 % en termes réels au cours des
années 1990, alors que la production annuelle de la CBG augmentera proba­
blement à 12 millions de tonnes. Le flux de revenus de l’État risque d’être
instable et de diminuer de manière considérable au cours des années 1990
(Banque mondiale, 1990b, p. 15).

Même s’il n’était pas nécessaire de renégocier l’accord de 1988-1991 entre


le gouvernement et la CBG avant 1995, le consortium privé Halco a décidé de
rouvrir les négociations afin de prévenir des modifications qui auraient éventuel-
lement pu être demandées par la Guinée. Les discussions se sont déroulées en 1991
et un accord a été conclu en juillet 1992. Bien que peu d’informations soient
publiquement disponibles sur les mesures précises qui ont alors été acceptées,
les résultats auraient été proches du statu quo, notamment en ce qui concerne la
formule de calcul. Ces négociations allaient servir de précédent aux termes qui ont
résulté des négociations de 1995 entre Friguia et le gouvernement guinéen15.

15. À ce moment, les partenaires de Friguia étaient Pechiney (30 %), Noranda Aluminium (30 %),
Alcan (20 %) et Hydro Aluminium (20 %). Le consortium a réussi à obtenir une série de
concessions fiscales de la part du gouvernement guinéen, incluant l’annulation de la taxe
d’exportation de 12,50 dollars américains par tonne sur l’alumine. Le nouveau régime fiscal a
été mis en place pour une période de quinze ans et il devait être réexaminé tous les cinq ans.
Bauxite, alumine et aluminium 87

Malgré la stabilité relative de la production guinéenne de bauxite et d’alu-


mine jusqu’en 1995, et les augmentations subséquentes, le déclin disproportionné
des recettes fiscales que la CBG a versées à l’État à partir de 1992, par rapport
aux revenus de la compagnie, suggère que la formule de calcul et les règlements
fiscaux négociés avec les grandes compagnies d’aluminium œuvrant en Guinée
n’allaient pas dans le sens de l’objectif du gouvernement d’obtenir des recettes
fiscales stables du secteur minier. Ces résultats, qui sont confirmés par les décla-
rations fiscales guinéennes, soulignent la faiblesse de la position de négociation
et de la capacité des négociateurs guinéens durant cette période cruciale16.

Tableau 2.2. OPÉRATIONS FINANCIÈRES DU GOUVERNEMENT GUINÉEN


(EN MILLIARDS DE FRANCS GUINÉENS)

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1996
prévu révisé
RECETTES TOTALES 101,9 172,7 199,6 274,9 362,1 412,5 478,4 548,0 s.o. 547,8 664,3 660,3

Recettes fiscales 86,3 129,7 148,8 207,9 271,2 310,5 334,9 378,3 s.o. 376,3 476,0 474,0

Secteur minier 75,1 107,3 111,3 150,7 197,6 190,0 162,7 145,4 s.o. 110,7 127,4 127,4

Autres secteurs 11,2 22,4 37,5 57,2 73,6 120,5 172,2 232,9 s.o. 265,6 348,6 346,6

Recettes non fiscales 2,8 8,2 14,0 14,5 22,6 19,5 26,2 22,0 s.o. 25,2 40,1 38,1

Dons 12,8 34,8 36,8 52,5 68,3 82,5 117,3 147,7 s.o. 146,3 148,2 148,2

DÉPENSES TOTALES 139,3 205,6 276,4 347,5 458,4 515,2 597,2 650,3 s.o. 643,5 735,1 749,2

Dépenses courantes 88,2 119,8 152,9 187,7 230,0 280,3 305,7 313,5 s.o. 329,6 355,1 368,2

Investissements 51,1 85,8 123,5 159,8 228,4 234,9 291,5 336,8 s.o. 313,9 380,0 381,0

SOLDE (engagements) –37,4 –32,9 –76,8 –72,6 –96,3 –102,7 –118,8 –102,3 s.o. –95,7 –70,8 –88,9

Variation des arriérés 3,6 –1,2 29,3 –12,9 68,4 57,6 –309,4 –12,6 s.o. –17,2 0,0 –3,1

SOLDE (décaissements) –33,8 –34,1 –47,5 –85,5 –27,9 –45,1 –428,2 –114,9 s.o. –112,9 –70,8 –92,0

Secteur minier/recettes
87,0 82,7 74,8 72,5 72,9 61,2 48,6 38,4 s.o. 29,4 26,8 26,9
fiscales ( %)

Secteur minier/recettes
73,7 62,1 55,8 54,8 54,6 46,1 34,0 26,5 s.o. 20,2 19,2 19,3
totales ( %)

Sources : Economist Intelligence Unit (1993a, p. 24 ; 1995b, p. 12 et p. 26 ; 1996, p. 14).

16. Selon des entrevues réalisées à la Banque mondiale en 1992 au cours desquelles des repré-
sentants ont confirmé qu’ils devaient à l’origine prendre part aux négociations de 1991 à
Conakry, mais n’ont finalement pas pu y assister, car elles avaient été déplacées à la dernière
minute à Pittsburgh, où se trouve le siège social d’Alcoa.
88 Ressources minières en Afrique

Tableau 2.3. OPÉRATIONS FINANCIÈRES DU GOUVERNEMENT GUINÉEN


(EN POURCENTAGE DU PIB)

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

RECETTES TOTALES 15,0 19,0 17,0 16,9 18,3 17,1 16,4 15,9 s.o. 15,0
Recettes fiscales 12,7 14,2 12,7 12,8 13,7 12,9 11,5 11,0 s.o. 10,3
Secteur minier 11,1 11,8 9,5 9,3 10,0 7,9 5,6 4,2 s.o. 3,0
Autres secteurs 1,7 2,5 3,2 3,5 3,7 5,0 5,9 6,8 s.o. 7,3
Recettes non fiscales 0,4 0,9 1,2 0,9 1,1 0,8 0,9 0,6 s.o. 0,7
Dons 1,9 3,8 3,1 3,2 3,5 3,4 4,0 4,3 s.o. 4,0
DÉPENSES TOTALES 20,5 22,6 23,6 21,4 23,2 21,4 20,5 18,9 s.o. 17,7
Dépenses courantes 13,0 13,2 13,0 11,6 11,6 11,6 10,5 9,1 s.o. 9,0
Investissements 7,5 9,4 10,5 9,8 11,5 9,8 10,0 9,8 s.o. 8,6
SOLDE (engagements) –5,5 –3,6 –6,6 –4,5 –4,9 –4,3 –4,1 –3,0 s.o. –2,6
Variation des arriérés 0,5 –0,1 2,5 –0,8 3,5 2,4 –10,6 –0,4 s.o. –0,5
SOLDE (décaissements) –5,0 –3,7 –4,1 –5,3 –1,4 –1,9 –14,7 –3,3 s.o. –3,1
Sources : Economist Intelligence Unit (1993a, p. 24 ; 1995b, p. 12, p. 26 ; 1996, p. 1).

Avant d’examiner brièvement les conséquences de ces contraintes sur l’ex-


périence de réforme économique du pays, il est important de se demander si
d’autres options étaient disponibles à l’époque et auraient pu élargir la marge
de manœuvre du gouvernement. Bien que des politiques alternatives aient en
principe été envisageables, elles sont devenues improbables à partir du début
des années 1980, les institutions financières multilatérales ayant décidé de ne pas
financer de projets prévoyant une transformation locale de la bauxite en Guinée
(Campbell, 1991, p. 46-49)17.
En ce qui concerne la restructuration de l’industrie de l’aluminium à
l’échelle internationale, au cours des années 1980, chacun des partenaires privés
de Boké et de Fria avait trouvé des sources alternatives d’alumine, que ce soit

17. À n’en pas douter, cette décision se base en grande partie sur les prémisses qui sous-tendaient
les études de faisabilité, entreprises par divers consultants internationaux à la demande de
la Banque mondiale, sur le développement futur du potentiel hydroélectrique de la Guinée.
Dans les divers scénarios considérés pour la période 1985-2000, aucune augmentation de la
capacité hydroélectrique n’a été prévue dans les plans nationaux pour répondre aux besoins
qu’impliquerait une augmentation de la transformation locale de la bauxite en Guinée, la
Banque mondiale ayant présumé, comme les experts de l’industrie l’ont déclaré, que de
telles expansions auraient lieu dans des pays tels que l’Australie, le Brésil et le Canada. Du
point de vue d’un pays en développement disposant d’une richesse minière, cette situation
paradoxale indique que les différents objectifs poursuivis par les institutions financières mul-
tilatérales en matière de finance ou de développement peuvent parfois être contradictoires
plutôt que compatibles.
Bauxite, alumine et aluminium 89

en intensifiant ses activités aux sites existants ou en en créant de nouveaux,


notamment au Brésil, en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Suriname et au
Venezuela (Campbell, 1996b, p. 122-174). Considérant la situation du potentiel
hydroélectrique du pays, même si de tels développements n’ont pas exclu la
possibilité d’une transformation locale en Guinée durant cette période, celle-ci
est devenue de moins en moins probable.
En d’autres termes, la restructuration de l’industrie mondiale de l’alumi-
nium ainsi que les nouveaux schémas de propriété et de contrôle ont eu des
implications directes sur un pays producteur de bauxite qui avait tenté, au cours
des années, de convaincre ses partenaires privés de transformer localement sa
matière première. De manière similaire, c’est ce contexte plus global (en inter­
action avec des facteurs internes spécifiques à la Guinée) qui a conditionné la
capacité du pays d’atteindre plusieurs de ses objectifs, que ce soit développer ses
énormes réserves hydroélectriques, assurer la transformation locale de ses res-
sources naturelles, augmenter ses recettes fiscales ou atteindre certaines cibles
de protection environnementale.
À la suite des changements politiques de 1984, l’économie guinéenne a
subi une restructuration majeure. Vers la fin de 1985, sous la tutelle du FMI
et d’autres organismes de crédit internationaux, le gouvernement du président
Lansana Conté, le Comité militaire de redressement national (CMRN), a adopté
un Programme intérimaire de redressement national (PIRN) d’une durée de
deux ans conçu pour relancer l’économie et rétablir l’équilibre des finances
­publiques. Le programme comportait cinq aspects principaux :
ƒƒ une réforme monétaire ;
ƒƒ la libéralisation des échanges extérieurs et des prix internes ;
ƒƒ la privatisation ou la liquidation de la plupart des entreprises publiques ;
ƒƒ une réforme administrative ; et
ƒƒ une réforme de la législation (concernant notamment les entreprises, le
commerce et les nouveaux investissements).
En 1985, le PIRN a été remplacé par le Programme de réformes économi-
ques et financières (PREF), dont l’objectif était de permettre à la Guinée de
passer d’une économie centralisée à une économie de marché. Ce programme,
qui reflétait très bien les recommandations de la Banque mondiale et du FMI, a
permis de rééchelonner les très importants arriérés accumulés par le pays jusqu’à
avril 1986 et d’introduire un premier prêt à l’ajustement structurel. Une entente
a également été conclue avec le FMI, et une Facilité d’ajustement structurel
(FAS) d’une durée de trois ans et d’une valeur de 36,8 millions en droits de
tirages spéciaux (DTS) a été approuvée en 1987. La deuxième phase du pro-
gramme (PAS II), entamée au cours de l’année 1988, a introduit de nouvelles
réformes en matière de gestion des finances publiques et accéléré la restructu-
ration de la fonction et du secteur publics. La FAS est arrivée à échéance au
milieu de 1990, mais la Guinée n’a pas réussi à négocier une nouvelle Facilité
90 Ressources minières en Afrique

avec le FMI avant novembre 1991. Les raisons de ces délais renvoient au non-
respect par le pays d’un certain nombre de conditions prévues par l’accord de
FAS, notamment la privatisation de sa société publique de distribution des
produits pétroliers et la réduction de la taille de sa fonction publique.
En fait, non seulement les prêts ont été octroyés après des délais considé-
rables, mais une partie importante du financement du FMI n’a jamais été touchée
en raison de l’incapacité de la Guinée à respecter les conditions auxquelles ce
financement était lié (Clapp, 1994, p. 315).
En effet, le faible niveau de devises étrangères en Guinée, dû à la décroissance
des termes de l’échange et à une diminution de l’aide à la balance des
paiements, notamment en 1988, a entravé la mise en œuvre et le fonctionne-
ment des réformes du secteur de la finance et du commerce en particulier, et
de toutes les réformes en général (Clapp, 1994, p. 315-316).

L’incertitude relative à l’apport de fonds concessionnels et aux recettes


d’exportation de 1988 n’était pas un fait isolé, mais s’insérait dans un contexte plus
large. En novembre 1991, un programme de trois ans (1991-1994) a été approuvé
par la Banque mondiale et une Facilité d’ajustement structurel élargie (FASE)
a été conclue avec le FMI. Les conditions rattachées à cet accord exigeaient que
la Guinée :
ƒƒ réduise davantage la taille de sa fonction publique ;
ƒƒ poursuive son programme de privatisation ;
ƒƒ diminue le niveau de subventions accordées aux services publics ; et
ƒƒ respecte ses promesses de compression des dépenses budgétaires.
Comme plusieurs accords de financement antérieurs, la FASE a été blo-
quée pendant plusieurs mois à cause de performances budgétaires insatisfai-
santes (EIU, 1996, p. 5). Par ricochet, cela a provoqué le report des financements
provenant d’autres sources, notamment la Banque mondiale et le Club de Paris,
pour qui le sceau du FMI demeure une condition préalable à la réouverture
des lignes de crédit et à la possibilité de rééchelonner une dette. Les problèmes
du pays se sont complexifiés davantage (d’une façon qui semble se répéter sans
cesse) lorsqu’on a prévu que le budget de 1993 (supervisé par le FMI) serait
extrêmement difficile à respecter, les projections de revenus sur lesquelles
il était basé, notamment en ce qui concerne les recettes du secteur minier,
s’avérant irréalistes.
Les résultats appréhendés n’ont pas tardé à se concrétiser. En 1995, les
recettes du gouvernement se sont révélées bien en dessous des niveaux prévus.
Ainsi, après avoir approuvé les troisième et quatrième versements de la FASE,
d’une valeur de 57,9 millions de DTS (86 millions de dollars américains), qui
devaient devenir accessibles en novembre 1996, le FMI a décidé de suspendre
son financement jusqu’à la tenue de nouvelles réunions, prévues pour l’automne
1996 (EIU, 1996, p. 6).
Bauxite, alumine et aluminium 91

Parmi les différentes mesures proposées pour remédier à la faiblesse des


finances publiques, les institutions financières multilatérales ont insisté sur l’amé-
lioration de la gestion des services douaniers, l’introduction d’une taxe à la valeur
ajoutée de 18 % et la libéralisation des règles concernant le secteur minier pour
attirer de nouveaux investisseurs. À cet égard, comme nous l’avons vu dans
l’introduction de ce chapitre, la Banque mondiale avait encouragé et supervisé
l’introduction d’un nouveau Code minier, devenu loi en juin 1995. Le nouveau
Code, qui fait l’objet de la dernière section de ce chapitre, a cherché à stimuler
le secteur en renforçant les droits relatifs à la prospection minière, en rendant le
régime fiscal plus attrayant et en offrant des conditions plus généreuses en
matière de rapatriement des profits (EIU, 1996, p. 13).
Bien qu’on ait assisté à une augmentation des niveaux de production,
notamment de bauxite, au cours de la deuxième moitié des années 1990, cette
croissance favorable n’allait pas s’avérer suffisante pour avoir un impact positif
sur la réforme de l’économie.
Entre 1988 et 1991, le dynamisme de la réforme s’est affaibli et a même été
renversé dans certains secteurs. Bien que plusieurs éléments puissent expliquer
cette tendance, incluant des facteurs internes historiques, sociaux et politiques,
ainsi que des lacunes importantes sur le plan de la capacité administrative et
technique, la sévérité des contraintes économiques et financières a représenté à
ce titre un facteur additionnel et complémentaire. Ces contraintes s’expliquent,
d’une part, par un manque d’aide externe à la balance des paiements de la Guinée
et, d’autre part, par l’insuffisance et l’instabilité des revenus provenant du secteur
minier. En ce qui a trait au premier facteur, on a effectivement noté une
diminution de l’aide à la balance des paiements au cours de 1988, qui s’ex-
plique principalement par le fait que le FMI n’a pas débloqué de fonds pour
la Guinée durant cette année, en raison du non-respect de critères d’une Facilité
d’ajustement structurel approuvée au milieu de 1987 (Clapp, 1994, p. 311).

Quant au second facteur, il apparaît particulièrement important de sou-


ligner que le déclin des recettes provenant de la bauxite et de l’alumine a
introduit des contraintes extrêmement sévères sur les opérations financières
de l’État. « Cette diminution des devises étrangères a réduit la marge de
manœuvre de la banque centrale et éventuellement forcé le gouvernement à
prendre un retard considérable dans ses versements au service de la dette en
1988 » (Clapp, 1994, p. 311).
Comme l’illustre le tableau 2.2, le pourcentage des revenus totaux de l’État
que représentent les recettes fiscales issues du secteur minier a diminué de 73,7
à 46,1 % entre 1986 et 1991, puis à 20,2 % en 1995. De plus, comme le montre le
tableau 2.3 qui présente les opérations financières du gouvernement guinéen en
pourcentage du PIB, les recettes fiscales en provenance du secteur minier ont
diminué de 11,1 à 7,9 % entre 1986 et 1991, atteignant 3,0 % en 1995.
92 Ressources minières en Afrique

Étant donné l’absence de diversification structurelle de l’économie et, en


conséquence, de solution de rechange dynamique, la compression des recettes
minières a évidemment soumis les finances publiques du pays à des contraintes
très sévères. Cependant, le relâchement de ces contraintes est demeuré une
condition préalable pour une réforme structurelle et une diversification de l’éco-
nomie. Au lieu de tenter d’alléger ces contraintes résultant en partie du redé-
ploiement de l’industrie minière internationale (notamment en ce qui concerne
le prix de la bauxite), les institutions financières multilatérales, dont la Banque
mondiale, ont plutôt décidé d’introduire un « plan de sauvetage » qui a pris la
forme du nouveau Code minier de 1995. Toutefois, ce plan a omis de tenir compte
des raisons de la baisse spectaculaire des recettes minières au cours des dix
années précédentes. Ainsi, il a proposé une stratégie qui ressemblait davantage
à une fuite en avant ou à une stratégie d’évasion, cherchant à augmenter les flux
d’investissements étrangers en créant des conditions de plus en plus
libéralisées.
Comme ailleurs en Afrique subsaharienne, l’ajustement et la relance
économiques en Guinée dépendent, du moins en partie, de l’augmentation de
la capacité d’importation du pays. Bien que les importations aient augmenté
de 1986 à 1988, la quasi-stabilisation des recettes d’exportation a créé de
sévères difficultés en matière de balance des paiements en 1988. La balance
commerciale du pays s’est améliorée en 1989 (grâce à la contraction des
importations) et en 1990, mais la perspective que les recettes provenant du
secteur minier demeurent stables ou connaissent un déclin a grandement
limité les efforts de restructuration économique de la Guinée. À titre
­d’exemple, le pays a été forcé de réviser son budget en 1992 et en 1996, malgré
l’existence préalable de restrictions sévères sur ses dépenses budgétaires, et
ce en raison d’un important manque à gagner en recettes fiscales provenant
des compagnies de bauxite. Les paiements destinés au service de la dette ont
dû être réduits et les investissements de l’État ont connu une baisse encore
plus importante. L’expérience guinéenne permet donc d’illustrer clairement
non seulement l’importance des contraintes externes qui conditionnent le
processus d’ajustement, mais aussi le fait que, dans certaines circonstances,
ces facteurs peuvent interagir de façon dynamique et cumulative pour devenir
encore plus contraignants.
En conséquence, et comme nous l’avons suggéré dans les deux premières
sections de ce chapitre, l’évolution des schémas de propriété et de contrôle
dans l’industrie mondiale de l’aluminium, de même que les stratégies qui en
ont découlé, représentent certainement des facteurs essentiels à la compréhen-
sion non seulement du contexte dans lequel des événements tels que les négo-
ciations de prix de 1985-1987 ont eu lieu, mais aussi, au moins partiellement,
des conséquences de ces événements. La reconduction des termes qui ont
résulté de ces négociations, ainsi que la stabilisation et ensuite la diminution
de la contribution des deux principaux sites du pays (Boké et Fria) aux recettes
Bauxite, alumine et aluminium 93

gouvernementales (diminution qui avait été projetée par la Banque mondiale


dès 1990 et qui s’est concrétisée au cours des cinq années suivantes) allaient avoir
des implications majeures pour les finances publiques guinéennes et, de façon
plus générale, pour la marge de manœuvre du gouvernement. Vu l’insuffisance
des autres sources de revenus (or ou diamant), le pays est devenu extrêmement
dépendant de l’apport continu, mais incertain, de financements concessionnels
pour assurer le maintien de ses programmes gouvernementaux.
Sans vouloir d’une quelconque manière nier l’importance du rôle des
processus internes dysfonctionnels sur le plan politique aussi bien qu’adminis-
tratif, l’approvisionnement instable et décroissant en devises étrangères (résul-
tant de la faible quantité de recettes minières qui a caractérisé la période de
1984 à 1995) et d’autres contraintes externes sont apparus suffisants pour com-
promettre sévèrement le processus de réforme en tant que tel, lequel favorisait
un schéma de croissance plus diversifié et plus intégré qui aurait éventuel-
lement pu devenir autosuffisant. Comme nous le verrons dans la dernière sec-
tion de ce chapitre, de 1995 à 2008, les relations asymétriques héritées du passé
allaient continuer à affecter les capacités financières du gouvernement guinéen
et les rapports de force structurels, et à déterminer ainsi la capacité de négo-
ciation et la marge de manœuvre de l’État dans l’élaboration de stratégies de
développement national visant à réduire la pauvreté.

3. LES CONSÉQUENCES DE L’ANCIENNE LÉGISLATION MINIÈRE


ET LES PERSPECTIVES DE TRANSFORMATION LOCALE (1995-2008)
Comme nous l’avons vu, la réforme des cadres réglementaires et fiscaux instaurée
par la législation minière de 1995 sous l’impulsion des institutions financières
multilatérales s’est inscrite dans un processus plus large visant à ouvrir l’éco-
nomie guinéenne aux investissements étrangers. Elle impliquait une réduction
des taxes, le retrait systématique de l’État des sphères de production et de pla-
nification, et la redéfinition des rôles de ce dernier en matière de réglementation
et de redistribution.
En septembre 1996, dans le contexte de l’introduction du nouveau Code
minier, les autorités guinéennes ont été encouragées « […] avec l’aide du FMI
et de la Banque mondiale à redéfinir […] les modalités d’une gestion écono­
mique visant le rétablissement des grands équilibres économiques et financiers »
(FMI, 1999, p. 2). Alors que les réformes du secteur minier ont été présentées
comme une condition nécessaire à la relance économique, il faut reconnaître
que les relations asymétriques existant entre l’industrie minière et les repré-
sentants gouvernementaux et, de manière plus générale, la nature des processus
politiques régissant le secteur minier ont fait en sorte qu’encore une fois les
résultats observés n’ont pas été à la hauteur de ceux escomptés.
94 Ressources minières en Afrique

Pour tout dire, il y a lieu de se demander si l’ouverture économique


qu’ont permis le nouveau Code et les généreuses concessions faites aux inves-
tisseurs miniers étrangers ne représentait pas plus une stratégie de fuite en
avant face aux recettes minières déclinantes qu’un cadre de développement
économique. Comme nous le verrons dans cette section, les modalités rela-
tives au développement du secteur extractif prévues par la nouvelle législa-
tion ont eu tendance à introduire des contraintes sur la mobilisation de recettes
et à favoriser le maintien d’activités enclavées qui allaient offrir peu de retom-
bées sur le développement social et économique à plus long terme. Il est
particulièrement important de souligner que, malgré les recommandations
présentées par l’EIR au Groupe de la Banque mondiale selon lesquelles il
était nécessaire d’élaborer, de manière participative, des critères de gouver-
nance explicites et transparents qui devraient être respectés avant d’investir
dans un projet d’industrie extractive, ces suggestions ne semblent pas avoir été
retenues dans le cas des politiques appliquées en Guinée depuis la publication
de l’EIR.

À partir de 2000, avec la hausse des prix mondiaux des métaux, l’objectif
de longue date d’attirer des projets d’envergure permettant une plus grande
valeur ajoutée à l’échelle locale a finalement semblé se matérialiser 18. Des
contrats pour divers projets ont été signés, dont trois visant la transformation
locale de la bauxite guinéenne en alumine. Le plus important projet à ce titre
était celui conclu avec Global Alumina, lequel, en vertu d’une entente signée en
2004 et ratifiée en mai 2005, prévoyait la construction d’une usine d’alumine
d’une capacité de 2,8 millions de tonnes par année à Sangarédi. Certaines des
actions de ce projet ont ensuite été vendues à BHP Billiton. Il était initialement
prévu que le projet, évalué à 2,5 milliards de dollars américains, permettrait
l’exportation d’un premier envoi d’alumine vers la fin de 2009. Le deuxième
projet, dont l’entente fut signée en novembre 2005, impliquait Halco, le consor-
tium dont Alcan (qui est ensuite devenu RioTinto Alcan en 2007) et Alcoa sont
les principaux partenaires et qui détient 51 % des actions de la CBG19. Ce projet

18. En 2005, les grandes compagnies d’aluminium suivantes avaient prospecté les réserves
guinéennes de bauxite : BHP Billiton (a obtenu 7 permis dans la région de Boffa, à Boké) ;
Companhia Vale do Rio Doce (CVRD), du Brésil (a obtenu 20 permis dans les zones du
nord et du centre de la Guinée) ; Mitsubishi, du Japon (disposait de 3 concessions englobant
24 permis de prospection dans les régions de Boké, Gaoussi, Lélouma, Pita et Dalaba) ;
OSWAL Chemicals, d’Inde (avait des permis dans les régions de Boffa, Fria et Dubréka) ;
et, finalement, Chalco (avait des permis dans les régions de Kindia, Mamou et Pita).
19. En 2004, avec la vente de 4 % des parts de Comalco Limited aux autres actionnaires, la struc-
ture de propriété de Halco a été redéfinie comme suit : Alcan Inc. – 45 %, Alcoa Inc. – 45 % et
Dadco Group – 10 %. Comme nous l’avons vu et comme le rappelle le US Geological Survey
du département de l’Intérieur du gouvernement américain, jusqu’à présent, et en attendant
que ce nouveau projet de raffinerie voie le jour, « les actionnaires de Halco ont acheté de la
bauxite de la CBG [qui appartient à 49 % au gouvernement guinéen] dans le but de l’utiliser
dans leurs propres processus de production » (Bermúdez-Lugo, 2004, p. 21.1).
Bauxite, alumine et aluminium 95

prévoyait la création d’une nouvelle usine d’alumine d’une capacité de 1,5 million
de tonnes par année et devait lui aussi entreprendre ses activités en 2009. Fina-
lement, le troisième projet était proposé par Rusal (Compagnie des Bauxites
de Kindia), qui a procédé à une étude de faisabilité visant à augmenter la
production de la raffinerie de Friguia, de son ancienne capacité de 700 000 tonnes
métriques par année à 1,4 million de tonnes. Les coûts estimés de ce projet
d’expansion s’élevaient à 350 millions de dollars américains (Bermúdez-Lugo,
2004, p. 21.1). Rusal prévoyait également la construction d’une usine d’alumine
d’une capacité annuelle de 2,4 millions de tonnes et la réalisation d’une étude
de faisabilité pour une fonderie d’aluminium qui serait en mesure de produire
240 000 tonnes par année sur le site de bauxite de Dian-Dian, au nord de Boké.
L’annonce et la signature des trois contrats prévoyant des mégaprojets
ont été reçues positivement non seulement par les acteurs nationaux, mais aussi
par les acteurs multilatéraux qui ont vu d’un bon œil le développement des
capacités de transformation locale des riches réserves de bauxite du pays :
En outre, plusieurs des projets majeurs du secteur privé prévus pour les cinq
prochaines années dans le secteur minier, comprenant notamment une grande
fonderie d’aluminium, devraient contribuer largement à la croissance globale
et produire des effets d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie
(République de Guinée, 2001 ; voir aussi Banque mondiale, 2004a, p. xi).

Selon les institutions financières multilatérales, l’atteinte des objectifs


de réduction de la pauvreté du pays dépend d’une croissance qui peut être
stimulée par ces mégaprojets du secteur minier. Compte tenu de l’héritage de
gouvernance asymétrique du secteur minier guinéen, à l’échelle à la fois inter-
nationale et nationale, il semble particulièrement important de se pencher sur
les modalités de mise en valeur des nouveaux sites et sur les retombées poten-
tielles des projets de transformation locale sur l’économie du pays et la réduction
de la pauvreté du peuple guinéen.

3.1. Évaluer la contribution du secteur bauxite-alumine de la Guinée


La confiance et l’optimisme dont divers observateurs ont fait preuve quant à
la contribution future du secteur bauxite-alumine à l’économie guinéenne
doivent être comparés aux pratiques antérieures et à une analyse de ces ten-
dances. Comme nous l’avons vu, alors que les recettes minières ont connu une
forte décroissance au début des années 1990, l’adoption d’une nouvelle légis-
lation minière en 1995 n’a pas été en mesure de renverser ces tendances au
cours des années suivantes. Si les recettes minières représentaient encore 10 %
du PIB de la Guinée en 1990 (voir le tableau 2.3), cette proportion a chuté
à 2,4 % en 2002 (Banque mondiale, 2004a, p. 10), puis s’est stabilisée à 1,5 % en
2003 (FMI, 2004a, p. 30) et à 1,9 % en 2004 (FMI, 2006a, p. 31) (voir la figure 2.2).
Les données prévoient une augmentation de la contribution du secteur lors du
démarrage des nouveaux projets.
96 Ressources minières en Afrique

Paradoxalement, la diminution de la contribution du secteur aux recettes


de l’État jusqu’en 2004 contraste avec la stabilité et l’augmentation de la valeur
des exportations de produits miniers depuis 1997, comme l’illustre la figure 2.3.
Parallèlement, on n’observe jusqu’en 2004 aucune diminution dans les niveaux
de production des trois plus importantes entreprises minières de Guinée, la
Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), la Compagnie des Bauxites de
Kindia (CBK) et la Alumina Company of Guinea (ACG) (Friguia jusqu’en
2000). Cependant, selon les données fournies par le Bulletin de statistiques
minières du ministère des Mines et de la Géologie, de manière globale, les taxes
minières et les taxes d’exportation sont nettement à la baisse depuis 1998 (voir
la figure 2.4).

Figure 2.2. PART DES RECETTES DU GOUVERNEMENT GUINÉEN (1996-2008)

18 %
Part de chacune des catégories de recettes

16 %
14 %
(pourcentage du PIB)

12 %
10 %
8%
6%
5%
2%
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
(est.) (proj.) (proj.) (proj.) (proj.)

Recettes et subventions Recettes


Recettes non minières Recettes minières

Sources : Banque mondiale (2004a, p. 10), FMI (2004a, p. 30 ; 2006a, p. 31).

La baisse des taxes minières et des taxes d’exportation observée jusqu’en


2004 contraste avec les objectifs de la stratégie de réduction de la pauvreté mise
en place par le gouvernement qui visait, en 2002, à assurer une mobilisation de
revenus « substantielle », afin de financer les mesures de réduction de la pauvreté,
de protéger les groupes vulnérables et de garantir un certain niveau de recettes
fiscales (République de Guinée, 2002, p. 58). Trois ans plus tard, le ministère du
Plan guinéen parlait cependant d’une « crise financière aiguë » à laquelle les
autorités devaient faire face (République de Guinée, ministère du Plan et al.,
2005, p. 14), alors que le ministère de l’Économie et des Finances reconnaissait
Bauxite, alumine et aluminium 97

Figure 2.3. EXPORTATIONS GUINÉENNES DE PRODUITS (1995-2009)

1200

1000
Exportations, en millions
de dollars américains

800

600

400

200

0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
(proj.) (proj.) (proj.) (proj.) (proj.)

Exportations totales Exportations de produits miniers


Source : FMI (2006c, p. 48 et p. 64 ; 2004, p. 34 ; 2006a, p. 35).

Figure 2.4. TAXES MINIÈRES ET TAXES D’EXPORTATION DE LA GUINÉE


(1996-2004)

120 000 000


110 000 000
Montant total (dollars américains)

100 000 000

90 000 000

80 000 000
70 000 000

60 000 000

50 000 000

40 000 000
1996

1998

1999

2000

2003

2004
2002
2001
1997

Source: République de Guinée, ministère des Mines et de la Géologie, Direction des études et de la prospective (2005).

que les années 2000-2004 avaient donné lieu à la « pire » performance écono-
mique du pays en dix ans : « Le taux de croissance annuel moyen du PIB était de
2,99 %, par opposition à l’objectif de 5 % établit dans le DSRP [Document
de stratégie de réduction de la pauvreté] » (République de Guinée et al., 2004,
98 Ressources minières en Afrique

p. 12). Selon une source gouvernementale, la diminution des recettes minières


aurait alors représenté, avec les attaques rebelles et le manque de soutien exté-
rieur, une des principales causes de la détérioration de la situation économique
en Guinée (République de Guinée, ministère du Plan et al., 2005, p. 14).
En imposant de fortes contraintes au budget de l’État, la diminution des
recettes minières a également eu des répercussions importantes sur la situation
sociale du pays. Bien qu’il ne soit pas possible d’établir un lien direct entre la
performance minière et le rang de la Guinée sur l’Indicateur du développement
humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD), il est néanmoins utile de considérer ces données pour décrire de
manière plus générale l’évolution de la situation sociale au pays au cours des
dernières années.
Selon les données de 2003, la Guinée figurait au 156e rang de l’Indicateur
du développement humain, sur un total de 177 pays. En plus de témoigner du
piètre état du développement social, ce classement révèle, lorsqu’on le compare
aux données de plusieurs autres années, que la situation du pays est demeurée
relativement stable et n’a pas connu d’amélioration notable. La Guinée est passée
du 167e rang en 1997 au 150e rang en 1999, puis elle a reculé au 160e rang en 2002
et y est restée jusqu’en 2005.
Les incidences du secteur minier sur les dépenses sociales peuvent offrir un
exemple plus concret de l’impact de ce secteur sur la situation sociale du pays. Si
l’on estimait, en 2002, que la contribution du secteur minier aux recettes gouver-
nementales permettait de couvrir l’équivalent de 15,88 % des dépenses publiques
en matière de santé, d’éducation, d’eau potable, de développement d’infrastruc­
tures, et ainsi de suite (République de Guinée, 2002, p. 78), cet apport n’a pas été
maintenu au cours des années qui ont suivi. Au contraire, la contribution de l’ex-
ploitation minière n’a pas été jugée suffisante pour permettre de soutenir la lutte
contre la pauvreté du pays, ce qui a amené la Banque mondiale à recommander à
la Guinée de se tourner vers des sources de revenus non miniers pour assurer le
financement futur de ses dépenses sociales.
Afin de maintenir une stabilité fiscale tout en contribuant à la réduction
de la pauvreté, le gouvernement doit stabiliser son ratio dette-PIB à un niveau
soutenable et mobiliser des recettes supplémentaires. Selon les recommanda-
tions que la Banque mondiale a formulées en 2004, si l’État ne réussit pas à
accroître le pourcentage de ses recettes non minières dans son PIB, ce qui est
anticipé par le scénario de base, il n’aura d’autre choix que de réduire ses
dépenses de 1 % du PIB en 2004 et de presque 3 % du PIB en 2006 (Banque
mondiale, 2004a, p. 9).
Il y a peu de doute que les pressions résultant de telles contraintes, com-
binées à l’augmentation du prix des biens de première nécessité (les prix du riz
et de l’essence ont doublé en 2004), à de bas salaires et à un taux d’inflation élevé,
Bauxite, alumine et aluminium 99

ont directement mené à la mobilisation sociale de janvier 2007, une grève natio-
nale qui a paralysé le pays et donné lieu à des revendications pour une réforme
sociale de la part de la population.
La question de savoir comment la Guinée devra satisfaire ces demandes
soulève une contradiction apparente quant au rôle que les institutions finan-
cières multilatérales ont attribué, et continuent d’attribuer, au riche secteur
minier du pays. Alors que ces institutions soutiennent que le secteur minier
demeure hautement stratégique pour le développement économique du pays,
elles semblent reconnaître du même souffle que, malgré la signature de contrats
prévoyant trois nouveaux projets miniers de très grande envergure, le secteur
ne sera pas en mesure de mobiliser des ressources suffisantes pour répondre
aux critères de stabilité financière et assurer le financement de la réduction
de la pauvreté, et que, par conséquent, la mobilisation de ressources non
minières sera nécessaire.
Les retombées décevantes du secteur minier sur le reste de l’économie en
général sont bien diagnostiquées dans le rapport que le Cadre intégré pour l’as-
sistance technique liée au commerce en faveur des pays les moins avancés (CI)20
a produit sur la Guinée. Selon ce document, la performance décevante du secteur
trouverait ses origines dans la forte dépendance de l’économie guinéenne à l’égard
de l’industrie minière et dans le caractère particulier de cette industrie, qui explique
pourquoi elle demeure essentiellement, à ce jour, une activité d’enclave :
Le mode d’insertion mondiale actuel de la Guinée, marqué par une prépondé-
rance des exportations minières [...] n’a pas permis une véritable réduction de la
pauvreté. Ceci est essentiellement dû au caractère plutôt intensif en capital du
secteur minier, à ses liens très tenus [sic] avec le reste de l’économie et à la fai-
blesse de la base fiscale de l’État, qui laisse peu de marges de manœuvre pour
l’utilisation des recettes publiques tirées du secteur minier dans des programmes
de lutte contre la pauvreté. Pour que l’insertion de l’économie guinéenne dans
l’économie mondiale profite aux pauvres, une forte expansion des exportations
non minières, et notamment du secteur agricole, est nécessaire (CI, 2003a, p. 63).
Seulement deux ans après ce constat dressé en 2003 dans un rapport très
respecté et largement diffusé, on continue de soutenir que le secteur minier est en
mesure de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce à sa capacité de générer
des incidences cumulatives positives pour le reste de l’économie :

20. Le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce en faveur des pays les moins
avancés (CI) est un programme impliquant plusieurs organismes et de multiples bailleurs
qui vise à appuyer les pays les moins développés dans l’amélioration de leur participation à
l’économie mondiale, par la stimulation de leur croissance économique et par des stratégies
de réduction de la pauvreté. Le CI a obtenu son premier mandat en décembre 1996 lors de
la Conférence ministérielle de l’OMC à Singapour. Les agences participantes sont le FMI, le
Centre du commerce international, la CNUCED, le PNUD, la Banque mondiale et l’OMC
(CI, 2003a). Pour plus d’informations, voir <http://www.integratedframework.org/>.
100 Ressources minières en Afrique

[L]a mise en œuvre cohérente [de la politique minière] permettra au secteur


minier non seulement de générer de substantiels revenus pour l’État, mais
aussi et surtout, d’induire des effets d’entraînement sur les autres secteurs
socioéconomiques et contribuer ainsi à la lutte contre la pauvreté (OMC,
2005b, p. 10).

En dépit de ces objectifs ambitieux, les données disponibles témoignent


actuellement que cette industrie a un effet d’entraînement sur le développement
national plutôt décevant.

À titre d’exemple, examinons le niveau d’emploi généré par le secteur


minier. Alors que ce secteur d’activité fournit la majeure partie des emplois
du secteur industriel, y compris un nombre important de postes permanents
dans le domaine de l’exploitation minière et de postes issus de la sous-traitance
(voir le tableau 2.4), et qu’il représente le deuxième plus grand employeur
après la fonction publique (République de Guinée, 2002, p. 78)21, on estime
que seulement environ 8 % de la population active est employée par cette
industrie (OMC, 2005b, p. 6). Toutefois, cette donnée ne suffit pas en elle-même
à révéler adéquatement l’échelle de retombées plutôt limitées du secteur
minier sur la réduction de la pauvreté dans l’ensemble du pays : « Au même
moment, [le secteur minier] a offert peu d’occasions de réduire la pauvreté rurale,
car la majorité des emplois se situe toujours dans le secteur de l’agriculture »
(CI, 2003b, p. v).

Tableau 2.4. LES PRINCIPALES COMPAGNIES MINIÈRES


ET LEUR CONTRIBUTION À L’EMPLOI EN GUINÉE (2001)

Compagnies Emplois Emplois


permanents indirects
CBG 2 541 3 000
ACG 1 600 2 000
SBK 1 436 1 800
SAG 872 1 000
HYMEX 110 100
AREDOR 500 300
SMD 192 150
Total 7 251 8 350
Source : République de Guinée (2002, p. 78).

21. Comme nous l’avons déjà noté, le secteur minier employait 9 000 personnes à la fin des
années 1980, ce qui témoigne d’une évolution plutôt modeste, dix années plus tard.
Bauxite, alumine et aluminium 101

4. COMPRENDRE LA CONTRIBUTION DU SECTEUR MINIER GUINÉEN


À L’ÉCONOMIE NATIONALE
Pour les institutions financières multilatérales, l’explication de ces résultats déce-
vants serait à trouver dans les exemptions trop généreuses accordées par le passé
aux entreprises œuvrant dans le secteur, et qui devraient par conséquent être
revues. De tels résultats seraient surtout attribuables à des défaillances dans le
système de gestion des taxes et des droits commerciaux, qui constitueraient un
des premiers facteurs de blocage interne. La mauvaise administration des finances
publiques est souvent perçue comme l’une des principales causes des résultats
décevants de la Guinée en matière de capacité à mobiliser des recettes minières
et, de manière plus générale, des recettes fiscales (FMI, 1999, p. 2). L’ancien
système de taxation était jugé trop lourd et, selon l’analyse de la Banque mon-
diale, encourageait par là la fraude et l’évasion fiscale. On recensait, en 2002, pas
moins de 14 différentes taxes sur le revenu et les profits, 11 taxes sur la propriété,
4 taxes sur les biens et services et 15 taxes différentes sur les transactions com-
merciales internationales, chacune d’elles comportant ses propres règlements
(Banque mondiale, 2004a, p. 10).
Ces éléments d’analyse s’avèrent certainement probants à divers égards.
Cependant, la perspective que nous proposons ici vise à permettre de comprendre
comment et pourquoi ces blocages internes et ces problèmes de mauvaise gestion
ont continué à accompagner l’intégration asymétrique de la Guinée au sein des
marchés internationaux et de l’industrie mondiale de l’aluminium en particulier.
Les relations d’influence externes et les rapports de force internes semblent avoir
été prolongés, au lieu d’être redéfinis, après l’introduction des mesures de réforme
au milieu des années 1980 et de la nouvelle législation minière de 1995. Certaines
dimensions de ces réformes ont inévitablement eu des implications de grande
envergure pour le développement à long terme du pays. Parmi celles-ci :
ƒƒ la redéfinition profonde du rôle de l’État à l’égard du secteur minier ;
ƒƒ la nature des mesures incitatives et des exemptions ;
ƒƒ les modalités relatives à la gestion du secteur minier ; et
ƒƒ le fait qu’on n’a pas considéré le secteur minier comme un levier de dévelop­
pement national intégré pour le pays.

4.1. La redéfinition du rôle et des fonctions de l’État


Certaines mesures spécifiques ont été introduites dans le Code minier de 1995
pour réduire la participation de l’État dans les projets miniers développés au
pays. Voici par exemple ce que l’article 167.2 stipule à propos du secteur de la
bauxite, de l’alumine et de l’aluminium :
ƒƒ En raison du niveau d’investissement, l’État ne prend pas de participation
gratuite dans le capital d’une société exploitant une substance d’intérêt
particulier (qui inclut explicitement la bauxite).
102 Ressources minières en Afrique

ƒƒ Au cas où l’État désirerait entrer dans le capital d’une telle société, les
modalités en seront définies avec l’investisseur au moment de l’établisse-
ment de la Convention minière.
ƒƒ Dans tous les cas, la participation de l’État au capital d’une telle société
sera limitée à un niveau qui ne gênera pas le contrôle de l’opération par
les investisseurs (Diallo, 2004, p. 13).
Le retrait marqué de l’État, prévu par la réforme de la législation gui-
néenne, est aussi confirmé dans une étude réalisée par l’Organisation des Nations
Unies pour le développement industriel (ONUDI) :
Jusqu’en 1995, l’État était systématiquement partenaire à hauteur de 50 % des
actions de droit. Aujourd’hui, sa participation gratuite ne dépasse pas 15 %
dans les petits projets et n’est pas prévue dans les grands projets ; dans tous
les cas, l’État ne doit pas disposer d’une minorité de blocage. Il se contente
désormais de la fiscalité qui tient compte de la compétition internationale
(ONUDI, 2004, p. 21).

Selon le Mining Journal, cette participation de 15 % devait être réservée


uniquement aux projets aurifères et diamantaires, et n’était pas prévue pour les
projets de bauxite-alumine (Wright et Sylla, 2002, p. 1). Cette interprétation porte
à croire que le gouvernement guinéen ne détiendrait pas d’actions dans les trois
nouveaux projets de transformation mentionnés précédemment. Les gains pou-
vant être tirés de l’essor des activités minières au pays devraient donc désormais
être réalisés « […] sur l’impôt de la société et à travers l’effet d’entraînement
économique que l’activité minière produit » (ONUDI, 2004, p. 21).

4.2. La nature des mesures incitatives


Dans l’objectif d’offrir des conditions d’investissement compétitives dans le
contexte de la diversification géographique des sources de bauxite sur les mar-
chés mondiaux, la législation de 1995 a introduit une série d’avantages pour les
entreprises minières étrangères prévoyant investir en Guinée. En vertu de cette
législation, celles-ci se trouvaient en droit de conclure avec l’État des accords qui
leur permettraient de bénéficier de mesures fiscales et douanières incita­tives,
ainsi que de dispositions spécifiques en ce qui a trait aux taxes minières et au
régime de change (OMC, 2005b, p. 67). Selon le Secrétariat de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC), bien que l’Assemblée nationale doive voter
l’approbation de chacune des conventions, « les dispositions spécifiques sont
contenues dans des annexes protégées par le secret des affaires » (OMC,
2005b, p. 67).
En vertu de cette clause, chaque entreprise établie en Guinée dispose d’un
accord fiscal et juridique particulier. Cette situation ne va pas sans occasionner de
nombreux problèmes administratifs pour l’État, considérant, entre autres, que
les entreprises ne présentent ainsi pas la même assiette fiscale. Qui plus est, de telles
modalités de négociation des contrats miniers pourraient potentiellement nuire au
Bauxite, alumine et aluminium 103

suivi rigoureux de la transparence du calcul des recettes minières et, par conséquent,
des taxes minières, ce qui ouvrirait la porte à des pratiques discrétionnaires22. Cette
situation s’appliquait lors de la négociation concernant les trois mégaprojets en 2004
et 2005. Elle a d’ailleurs persisté, bien que la Guinée ait adhéré, en décembre
2004, à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et que
le gouvernement ait, par l’intermédiaire du ministère des Mines et de la Géologie,
créé par décret le Comité de pilotage de l’ITIE ayant pour mandat de systématiser
la collecte des informations disponibles sur le secteur minier et de mettre en œuvre
des audits concernant les versements de paiements et de revenus23.
En ce qui a trait à l’impact de ces exemptions sur les recettes fiscales du
gouvernement, la Banque mondiale reconnaît que : « [l]es exemptions de taxes
restreignent grandement la performance de la Guinée en matière de perception
de recettes » (Banque mondiale, 2004a, p. 10). De même, l’institution a identifié
« [l]e grand nombre d’exemptions de taxes à l’importation, souvent injustifiées,
qui favorisent particulièrement le secteur minier » (Banque mondiale, 2004a,
p. xi), comme l’un des trois principaux facteurs nuisant à la mobilisation de
recettes en Guinée. En 2001, les exemptions liées aux droits à l’importation
auraient à elles seules dépassé les droits perçus. La Banque mondiale estime que
le coût réel actuel des exonérations fiscales accordées au secteur minier, en revenus
perdus, représenterait environ 20 % des revenus totaux (ou approximativement
3 % du PIB). Par ailleurs, il semble que «[l]a valeur réelle des exemptions est
possiblement plus élevée que ce que les données indiquent, car plusieurs exo-
nérations ont été accordées à titre non officiel à des négociants individuels,
comme faveur ou comme captation de rente » (Banque mondiale, 2004a, p. 11-12).
Cette hypothèse est d’ailleurs soutenue par le deuxième rapport annuel sur
l’application du DSRP de la Guinée, réalisé par le FMI et paru en octobre 2006 :
En traitant de l’exploitation minière, le rapport sur l’application n’a pas sou-
ligné la perte de recettes fiscales engendrées par la vaste gamme d’exemptions
de taxes, les distorsions introduites par les nombreux règlements discrétion-
naires que permettent actuellement les lois sur l’investissement minier, ni les
conséquences discriminatoires de ces politiques sur les investissements non
miniers. Il est urgent de procéder à un examen du cadre légal minier et de sa
gestion (FMI, 2006b, p. 4).

4.3. Le système fiscal guinéen


Dans une étude entreprise pour le compte du ministère des Mines et de la
Géologie, James M. Otto a analysé le système de taxation minière guinéen, qu’il
a comparé avec ceux d’autres États miniers en concurrence avec la Guinée sur
les marchés mondiaux. Son objectif était de déterminer si le système alors en

22. À ce sujet, voir Dalein (2006, p. 2).


23. À ce sujet, voir ITIE (2006b).
104 Ressources minières en Afrique

place, défini par le Code minier de 1995 et son « accord-type » (la Convention de
base de 1996), offrait un juste équilibre entre les besoins des investisseurs et ceux
de l’État, en matière de revenus fiscaux. D’après les résultats de cette étude,
le Code minier de 1995 était bien conçu, mais complexe et « non compétitif
à l’échelle mondiale » (Otto, 2005, p. 6). En conséquence, l’auteur a formulé
certaines recommandations incluant, entre autres, une diminution du taux
d’imposition de 35 à 30 %, le report indéfini des pertes, une nouvelle retenue
d’impôt à la source de 10 % sur les prêts à intérêt et l’élimination de l’allocation
sur investissement de 5 % (Otto, 2005, p. 34).
En recommandant une baisse générale du niveau de taxation, Otto a proposé
de mettre en place un système fiscal plus efficace, compétitif, et avantageux pour
les investisseurs potentiels. Toutefois, il a également mis l’accent sur le besoin d’éli-
miner diverses mesures de la législation de 1995 qui autorisaient, comme nous
l’avons vu, l’obtention d’exemptions de taxes et de congés fiscaux. Il a aussi recom-
mandé l’abandon des pratiques permettant la négociation d’accords fiscaux paral-
lèles pour chaque projet minier, en indiquant que ces pratiques n’étaient plus
privilégiées par la plupart des pays riches en ressources minières :
Par le passé, certaines nations ont expérimenté divers types de mécanismes de
« rente économique », mais aujourd’hui les gouvernements qui essaient d’im-
poser des taxes à une nouvelle mine en se basant sur un système particulier
conçu à cet effet sont peu nombreux ou inexistants. Les taxes sont plutôt appli-
quées de façon plus ou moins uniforme aux mines similaires à l’intérieur du
pays (Otto, 2005, p. 10).

Selon Otto, l’octroi d’exemptions de taxes dans les accords négociés repré-
sente « un danger » : « Lorsqu’un précédent a été établi, chaque investisseur
demandera le congé et la réduction [déjà] concédés à d’autres » (Otto, 2005,
p. 43). Enfin, selon le même analyste, il y aurait lieu d’introduire une législation
spécifiant le mode de répartition des recettes fiscales :
La Guinée permet actuellement au ministre des Mines et au ministre des Finan-
ces de déterminer quelles taxes et quels droits, ou quelles portions d’entre eux,
reviennent au gouvernement, aux groupes locaux et aux fonds. Une question
aussi importante que la distribution des recettes fiscales est, dans presque tous
les pays, prescrite par la loi et non pas laissée à la discrétion de ministres qui
accèdent à leur poste grâce à des nominations politiques. Il est recommandé
que la loi soit modifiée afin de définir clairement les taxes qui doivent être
distribuées, ainsi que leurs destinataires et leurs pourcentages. Un pourcentage
précis des redevances devrait être mis de côté pour les communautés affectées
(Otto, 2005, p. 59).

Bien que ces recommandations, notamment en ce qui concerne la discré-


tion ministérielle, soulignent la nécessité d’une transparence et d’une imputabilité
accrues, prises isolément, elles traitent des symptômes de modes particuliers de
régulation politique du secteur minier, et non pas des relations d’influence et
de pouvoir qui rendent possibles de tels processus dysfonctionnels.
Bauxite, alumine et aluminium 105

4.4. Les accords miniers individuels


Grâce à la négociation d’ententes individuelles spécifiques, les entreprises béné-
ficient d’exemptions fiscales qui se sont ajoutées aux avantages déjà prévus par
le Code minier de 1995. Les autorités ont tenté d’abolir ces exemptions en
­octobre 2004, suivant une des recommandations clés formulées dans la Revue
des dépenses publiques de la Banque mondiale, qui concernait la mise en œuvre
du DSRP du pays (FMI, 2004b, p. 4 ; OMC, 2005b, p. 67). Néanmoins, en 2005,
les entreprises minières ont continué à jouir d’un statut particulier, comme le
note l’OMC : « Les incitations consenties aux entreprises minières conven-
tionnées demeurent bien plus attractives que celles consenties aux entreprises
non minières dans le cadre du Code des investissements » (OMC, 2005b, p. 67).
Par conséquent, au-delà de la réforme du système de taxation (dont les
impacts ne devraient pas être minimisés), les conditions selon lesquelles les nou-
velles conventions relatives aux grands projets qui assureront la transformation
locale de la bauxite guinéenne ont été et seront négociées revêtent une importance
tout aussi grande. Une des négociations concernant une proposition de projet
intégré mérite une attention particulière. En octobre 2004, le ministère des Mines
et de la Géologie de la Guinée a conclu une entente avec la Global Alumina
Corporation (le « Global Agreement ») pour la construction et l’entrée en fonction
d’une usine permettant la transformation locale de la bauxite. L’entente offre une
bonne illustration des risques liés à ce type de négociation qui continue d’avoir
lieu même si, en principe, les institutions de Bretton Woods supervisent le déve-
loppement du secteur. James M. Otto a aussi examiné l’entente de base, de même
que les amendements qui ont été signés en mai 2005 (qui modifiaient certains
des termes de la précédente entente et ont ensuite été ratifiés unanimement par
l’Assemblée nationale de Guinée, puis adoptés par décret présidentiel deux mois
plus tard [Global Alumina Corporation, 2005, p. 1]). Il conclut que :
ƒƒ L’entente est peu conforme au système fiscal du Code minier de 1995 et
de la Convention de 1996.
ƒƒ Les modalités fiscales de l’entente initiale favorisent tellement l’investis-
seur qu’il est peu probable que les futurs politiciens les honorent. Dans le
contexte des meilleures pratiques mondiales, l’entente ne fournit manifes-
tement pas une « juste » part au gouvernement.
ƒƒ Les amendements de 2005 apportent une amélioration, mais ils constituent
un dangereux précédent, car les investisseurs futurs demanderont un trai-
tement similaire (Otto, 2005, p. 9).
L’étude d’Otto révèle qu’un système fiscal « […] qui tient compte de la
compétition internationale » (ONUDI, 2004, p. 21) peut, en théorie, être compa-
tible avec un système fiscal qui offre une juste part de taxes à l’État. Or, comme
nous l’avons vu, en dépit des dispositions comprises dans la législation minière
en vigueur, les modalités de versement des recettes minières ont été assujetties
à des contrats individuels qui peuvent être conclus entre les représentants de
106 Ressources minières en Afrique

l’État et les compagnies. Le contenu de ces contrats dépend donc non seulement
des compétences techniques des représentants gouvernementaux concernés, mais
aussi de la nature des processus politiques qui ont été perpétués et de la capacité
de négociation du pays, profondément affectée au cours des dernières années
par les formes de libéralisation introduites.
Le rôle de « responsable de la réglementation et de promoteur » attribué
à l’État guinéen, sous la recommandation de la Banque mondiale dans son étude
de 1992 sur l’avenir du secteur minier en Afrique (Banque mondiale, 1992), ne
semble pas s’être traduit par une capacité de négociation qui tienne compte des
besoins réels du pays en matière de développement économique et social à
moyen et long terme. Au contraire, la capacité institutionnelle a visiblement été
affaiblie encore davantage par la perpétuation de processus politiques ou de
modes de régulation politique du secteur minier caractérisés par un manque de
transparence et d’imputabilité. Dans un tel contexte (et comme l’exemple du
« Global Agreement » semble le suggérer), sans une révision profonde des anciens
contrats, comme celle réclamée en 2007 par la mobilisation populaire (dont l’issue
est d’ailleurs toujours incertaine), les bénéfices importants qui pourraient être
issus des nouveaux mégaprojets qui seront lancés dans le secteur bauxite-alumine,
en ce qui concerne les recettes fiscales notamment, risquent encore une fois
(comme cela a été le cas au cours des deux périodes examinées ci-dessus) de ne
pas être canalisés de manière avantageuse pour le pays.

CONCLUSION
Dans sa réponse aux recommandations de l’EIR, le Groupe de la Banque mon-
diale a soutenu que : « La gouvernance est au cœur du processus de développe-
ment : le cadre global de gouvernance dans lequel intervient le développement
des IE [industries extractives] constituera un facteur déterminant majeur de sa
contribution à la réduction durable de la pauvreté » (Banque mondiale, 2004,
p. 12). Bien que quelques années seulement se soient écoulées depuis la publi-
cation de cette déclaration, l’analyse ici présentée a tenté de fournir des éléments
de compréhension de l’héritage structurel à l’intérieur duquel des mesures de
réformes plus récentes ont été introduites en Guinée. C’est dans cette visée que
nous formulerons pour conclure certaines observations préliminaires sur la capa-
cité des mesures actuelles de contribuer à relever les défis auxquels le pays est
confronté. À la lumière des mégaprojets récemment planifiés, dans quelle mesure
la reconnaissance, par le GBM, du besoin d’une meilleure gouvernance a-t-elle
entraîné des réformes favorisant une plus grande transparence et de meilleures
ententes de partage des recettes, notamment avant le démarrage des méga­
projets ? Et, ce qui semble encore plus important, dans quelle mesure les réformes
actuelles s’attaquent-elles aux causes des problèmes auxquels le pays fait face et
contribuent-elles à la promotion du développement durable et de la réduction
de la pauvreté ?
Bauxite, alumine et aluminium 107

Comme nous l’avons vu, le soulèvement populaire de 2007, qui était dirigé
par les syndicats et les organisations de la société civile et qui a paralysé les
opérations de l’État et l’économie, ne témoignait pas seulement du degré géné-
ralisé de souffrance et d’exaspération de la population. Tel que révélé par
l’annonce, en avril 2007, que les contrats miniers signés entre le gouvernement
et les compagnies étrangères seraient réexaminés, la révolte peut aussi être inter-
prétée comme la manifestation d’une prise de conscience généralisée des pro-
blèmes majeurs qui existent dans la gouvernance des ressources naturelles du
pays. Le processus alors enclenché est apparu comme le résultat de la compré-
hension que les accords miniers en vigueur étaient désavantageux pour le pays,
ce qu’a reconnu officiellement un nombre croissant d’observateurs, dont un
ancien ministre des Mines (Soumah, 2007, p. 192-195). Si le manque d’expertise
technique a parfois été montré du doigt pour expliquer la conclusion de tels
contrats, la question de l’opacité qui a caractérisé la gestion des ressources du
pays au cours des dernières décennies apparaît encore plus importante. La com-
pagnie Friguia, dont le gouvernement détenait 49 % des actions, sans toutefois
n’avoir jamais touché les bénéfices auxquels il avait droit, fournit à ce titre un
exemple frappant de mauvaise administration (Soumah, 2007, p. 94-102).
Ainsi, le cas de la Guinée révèle de façon saisissante dans quelle mesure
le processus de réforme (initié dès 1985 par les institutions financières multila-
térales) semble avoir encouragé la perpétuation des processus politiques internes
qui ont régi le riche secteur minier, mais qui ne disposaient pas de critères mini-
mums sur le plan de l’imputabilité. À cet égard, on note la permanence de pro-
cessus qui permettaient non seulement de court-circuiter l’Assemblée nationale
lorsque nécessaire, comme l’a montré l’exemple des annexes non divulguées aux
contrats, mais aussi de contourner le ministre responsable, comme cela a été
observé après le départ de l’ancien ministre des Mines, Fassiné Fofana, à travers
la création d’un « cabinet » spécial dont le but était de conseiller le président
(Caba et Sylla, 2007).
Devant le nombre croissant de critiques, les institutions financières mul-
tilatérales ont répondu en en appelant à une plus grande transparence des flux
de revenus. À ce sujet, en décembre 2004, dans le contexte de l’adhésion de la
Guinée aux principes de l’Initiative pour la transparence dans les industries
extractives, le ministre des Mines et de la Géologie a de nouveau « demandé
l’aide de la Banque [mondiale] pour améliorer la gestion du secteur minier en
vue de contribuer davantage au développement socioéconomique du pays et
à la réduction de la pauvreté en Guinée » (ITIE, 2006b). Diverses mesures ont
été envisagées dans le but de favoriser une mobilisation plus importante des
recettes fiscales et de contrer les effets néfastes des exemptions évoquées pré-
cédemment. Des efforts ont notamment été déployés pour mettre en place un
régime de droits à l’importation plus transparent, renforcer les capacités de la
Direction nationale des douanes, instaurer des mécanismes de vérification
108 Ressources minières en Afrique

indépendants, et améliorer la supervision du secteur informel grâce à l’adoption


de dispositions permettant de garantir la contribution du secteur aux revenus
du gouvernement central (République de Guinée, 2002, p. 58).
Sans vouloir d’aucune façon minimiser l’urgence du besoin d’une meilleure
gestion des recettes dérivées du secteur minier, ce chapitre a cherché à attirer
l’attention, au-delà de l’importance des facteurs internes, sur les conditions plus
larges qui permettent d’expliquer pourquoi, au cours des trois périodes analysées,
les retombées économiques potentielles du secteur de la bauxite et de l’alumine
avaient largement échappé au pays. Si pendant la première période, l’explication
concernait avant tout la nature des négociations entre l’État guinéen et les mul-
tinationales de l’aluminium, au cours des deux suivantes, l’explication renvoie
encore à cette dimension, mais également, et de manière très importante, elle
semble être conditionnée par la nature des mesures de libéralisation introduites
en Guinée à partir de 1984, à la demande des institutions financières multilaté-
rales. Ces réformes qui ont été à l’origine du retrait de la participation directe de
l’État dans le secteur (à titre de propriétaire d’entreprises minières), des priva-
tisations, de la réduction de la fiscalité et de l’introduction de nouveaux cadres
législatifs et fiscaux octroyant aux opérateurs privés une position privilégiée
allaient avoir des implications considérables. Par exemple, puisque des intérêts
extérieurs ont orienté la nature du processus de réforme, l’État s’est trouvé fra-
gilisé dans sa capacité à formuler des politiques, à négocier de manière à garantir
des résultats contraignants et, si nécessaire, à apporter et à imposer des mesures
correctives qui veilleraient à l’atteinte des objectifs de développement national
à long terme. Loin de contribuer au redressement des pratiques administratives
dysfonctionnelles du passé (nous n’affirmons pas ici que c’était le but escompté),
les réformes semblent avoir été très compatibles avec la perpétuation de formes
spécifiques de processus politiques. Il est particulièrement frappant de noter que,
sur une période de vingt ans, ces processus n’ont jamais comporté d’obligations
minimales visant à remédier à l’opacité des pratiques antérieures.
Lors de discussions dont le rapport EIR représentait un élément central,
les institutions financières multilatérales ont proposé des réformes pour amé-
liorer la capacité administrative de l’État dans le secteur minier en Guinée. Les
recommandations de la Banque mondiale visaient l’amélioration de la capacité
institutionnelle de l’État et l’adoption d’un plan stratégique pour renforcer à
la fois la gouvernance, la transparence, les infrastructures, les télécommunica-
tions, l’énergie et les routes, domaines qui demeurent tous d’une importance
critique pour le développement du pays. Que l’on n’ait apparemment pas
reconnu le besoin essentiel de renforcer les « capacités de développement » de
l’État, pour faire du secteur minier une source de croissance pour le reste
de l’économie, apparaît à cet égard plutôt étonnant. Peu d’efforts semblent
avoir été déployés pour répondre aux observations faites, par exemple, par la
Commission pour l’Afrique, qui a reconnu non seulement la légitimité des
interventions gouvernementales, mais aussi le besoin de renforcer la capacité
Bauxite, alumine et aluminium 109

des États en Afrique afin qu’ils puissent assumer un rôle clair en matière
de développement : « La faiblesse des capacités institutionnelles empêche
l’État d’assumer ses responsabilités de manière efficace, qu’il s’agisse de pla-
nification et de budgétisation, de gestion de l’aide au développement, de prestation
de services ou de suivi et d’évaluation des progrès accomplis » (Commission pour
l’Afrique, 2005, p. 156).
Même si le débat sur l’atteinte des objectifs de développement par la pro-
motion des activités économiques à l’échelon communautaire apparaît fon-
damental, les discussions sur le rôle que les États doivent assumer pour veiller
à la création d’un impact positif sur le développement socioéconomique à
l’échelle nationale demeurent plutôt rares et reçoivent en général beaucoup
moins d’attention (Banque mondiale, 2005).
Le secteur minier continue à être perçu non pas comme un catalyseur
permettant de promouvoir une transformation structurelle en vue de parvenir à
une intégration économique nationale, mais essentiellement comme une source
de recettes fiscales. Dans les discussions sur les moyens d’accroître la contribution
du secteur à l’économie locale, on reconnaît certes, au sujet du processus de
réforme, que : « [l]a rationalisation du régime d’exemptions fiscales actuel qui
favorise le secteur minier et certains importateurs clés de façon évidente et exces-
sive constitue une priorité majeure » (Banque mondiale, 2004a, p. 12), mais les
principales recommandations formulées n’abordent ni l’enjeu de l’asymétrie des
capacités de négociation de la Guinée, ni celui de l’étroitesse de la marge de
manœuvre du pays ou des conditions susceptibles de l’élargir. Au contraire, les
institutions financières multilatérales ont continué d’inviter le gouvernement à
adopter une position prudente à l’égard du secteur minier, notamment en n’in-
troduisant pas un niveau de taxes et de droits qui pourrait servir d’« élément
dissuasif » en matière d’investissement étranger :
Manifestement, le gouvernement devra intervenir avec prudence pour trouver
un juste milieu (« walk a fine line ») en matière d’exploitation minière, en cher-
chant un équilibre entre les revenus potentiels et les mesures incitatives néces-
saires pour que la Guinée soit concurrentielle à l’échelle internationale, notam-
ment en ce qui concerne la bauxite et ses produits dérivés (Banque mondiale,
2004a, p. 12 ; nous soulignons).

Compte tenu de la nature de l’intégration historique du secteur bauxite-


alumine guinéen dans les marchés mondiaux, et de l’interaction entre ces marchés
et les processus politiques internes, le positionnement du pays à l’égard de ce
« juste milieu » a certainement représenté un obstacle non seulement à la mobi-
lisation efficace des recettes minières au cours des dernières décennies, mais aussi
à l’émergence d’une marge de manœuvre politique suffisamment grande pour
permettre au gouvernement, s’il souhaitait y recourir, de mettre en place des
conditions faisant en sorte que le secteur minier (et notamment les nouveaux
projets de transformation locale) participe effectivement au développement
110 Ressources minières en Afrique

social et économique du pays. Les implications du maintien d’un étau aussi serré
sur la Guinée n’ont plus à être démontrées. Comme les événements de 2007 l’ont
illustré, la viabilité des anciennes réformes économiques et institutionnelles ainsi
que les processus politiques intérieurs qui ont caractérisé la gestion du secteur
minier ont été rejetés catégoriquement par la population guinéenne. Cependant,
la tendance actuelle consistant à présenter les décisions en matière de réglemen-
tation et les modalités sur lesquelles les négociations ont porté comme des ques-
tions essentiellement techniques, se traduisant par une notion étroite de « gou-
vernance », alors qu’elles relèvent de choix éminemment politiques, ne tient pas
compte des questions plus larges telles que les termes de l’intégration historique
du riche secteur minier du pays dans l’industrie mondiale de l’aluminium et le
prolongement de modes particuliers de régulation politique du secteur minier
ayant rendu les anciennes pratiques possibles.
S’il est manifestement encore trop tôt pour prédire comment la transition
politique post-Conté évoluera, nous pouvons néanmoins souligner, parmi les
enjeux fondamentaux qui permettront de déterminer si l’émergence de processus
politiques basés sur l’imputabilité et la transparence sera possible, les ques-
tions de la redéfinition des relations asymétriques qui ont caractérisé l’inté-
gration de la Guinée dans les marchés mondiaux, l’accès à une part beaucoup
plus équitable des recettes dérivées des énormes ressources minières du pays et
l’allégement des contraintes financières imposées à la Guinée depuis plus de
deux décennies.
Bien que le GBM reconnaisse clairement qu’une meilleure gouvernance
des ressources du secteur minier est nécessaire, et en dépit du fait qu’il n’ait pas
participé directement à leur capitalisation, l’institution a accueilli positivement
l’apport de nouveaux capitaux permettant aux mégaprojets guinéens d’aller de
l’avant, plutôt que d’exiger un délai et d’encourager le renforcement des capa-
cités dans ce secteur afin de minimiser les risques avant que ces grands projets
soient entrepris. Tant que les institutions financières multilatérales seront résolues
à privilégier des mesures qui favorisent le contournement de l’État, que ce soit
en matière de perception de recettes ou d’élaboration de directives concernant
les relations entre entreprises et communautés, elles risqueront de contribuer
encore davantage à l’érosion des fonctions de développement du gouvernement.
De telles mesures pourraient également retarder l’instauration de processus
politiques permettant à la population de tenir ses dirigeants pour responsables
et ainsi de leur reconnaître une certaine légitimité. En dépit des changements
politiques auxquels on a assisté à la fin de 2008, la communauté de bailleurs a
préféré se tenir loin de l’État plutôt que de reconnaître la nécessité d’un renfor-
cement de ses capacités institutionnelles et de négociation. Le danger ici est qu’on
risque ce faisant de contribuer au prolongement des anciens processus politiques
internes et des anciennes pratiques de distribution des recettes, au lieu de les
redéfinir. Dans un contexte de transition politique qui ouvre la porte à la redé-
finition des pratiques antérieures, la perpétuation des tendances du passé
Bauxite, alumine et aluminium 111

implique, comme nous l’avons vu, des conséquences sociales, économiques et


politiques de grande envergure, ainsi que des responsabilités, qui ne semblent
pas avoir reçu l’attention qu’elles méritent.

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CHAPITRE 3

Lutte contre la pauvreté et protection


de l’environnement au Mali
Quel bilan faire du renouvellement du rôle.
du groupe de la Banque mondiale ?
Gisèle Belem

L’exploitation minière représente, depuis le début des années 1980, une stratégie
privilégiée par les institutions financières internationales (IFI) et les pays en déve-
loppement en vue d’améliorer les conditions économiques des pays et, ultimement,
de réduire la pauvreté. Devant les incidences environnementales et sociales des
activités de cette industrie, cette orientation n’a cependant cessé d’être remise en
cause. C’est dans ce contexte que la Banque mondiale, principale promotrice de
la stratégie de développement par l’extraction des ressources naturelles, a été
amenée à revoir son implication dans la mise en place et l’encouragement des
activités extractives dans les pays riches en ressources minières. La Revue des
industries extractives (EIR) a ainsi conduit à une réévaluation de l’implication de
la Banque, dans le but d’établir une meilleure convergence entre ses objectifs de
réduction de la pauvreté et les effets potentiels de cette industrie sur les plans social
et environnemental. Si cette introspection, ainsi que la recherche de solutions
appropriées, témoignent d’un intérêt renouvelé pour les enjeux soulevés par la
question minière, les développements observés à la suite de la publication du rap-
port de l’EIR demeurent loin d’une approche au sein de laquelle les dimensions
sociales et environnementales, et non pas seulement économiques, seraient prises
en compte de manière intégrée.
Afin d’illustrer cette approche parcellaire et pour bien ancrer l’étude de
cas du Mali qui suivra, ce chapitre présentera, dans une première partie, les
principales problématiques associées aux débats liés à l’extraction minière. La
seconde partie fera quant à elle état des mesures, notamment sociales et
116 Ressources minières en Afrique

environnementales, proposées dans le cadre de l’EIR. L’analyse des questions


environnementales liées à l’implantation de deux projets miniers au Mali
(Sadiola et Morila) fera l’objet de la troisième partie de ce chapitre. L’étude
du traitement des différentes problématiques relatives à l’extraction minière
dans ces projets nous permettra d’illustrer certaines lacunes qui émergent de
cette approche partielle de la problématique de l’industrie minière dans les
pays en développement.

1. LES PROBLÉMATIQUES ASSOCIÉES À L’INDUSTRIE MINIÈRE


Depuis quelques années, les investissements des entreprises minières trans-
nationales dans les pays en développement suscitent d’intenses débats alors
que leurs incidences négatives sur la situation économique, sociale et envi-
ronnementale des pays hôtes sont sévèrement dénoncées, aussi bien dans les
pays industrialisés que dans les pays en développement. Ces investissements
ont, depuis les années 1950, fait l’objet de critiques de la part des économistes
hétérodoxes du développement, qui associent l’abondance en ressources natu-
relles, pour les pays qui en disposent, à une « malédiction » (Prebisch, 1950 ;
Singer, 1950). Ils remettent en effet en cause la contribution de ces investis-
sements au développement économique, compte tenu des diverses distorsions
qu’ils occasionnent, dont la plus connue demeure le syndrome hollandais ou
Dutch disease. Il a ainsi été démontré que plusieurs pays riches en ressources
naturelles connaissent une croissance économique plus lente que les pays non
pourvus de cette richesse (Auty, 1993 ; Reed, 2002 ; Ross, 2001 ; Sachs et
Warner, 2001). Par ailleurs, la performance économique de ces pays a parfois
décru alors que leur dépendance envers l’exploitation minière s’est accrue
(Weber-Fahr, 2002)1. Finalement, la particularité économique la plus impor-
tante du secteur minier reste probablement son caractère d’enclave au sein
des économies des pays hôtes, auxquelles il ne s’intègre généralement que
très peu.
Les effets économiques potentiels de l’activité minière sur les pays ou
régions vont au-delà des indicateurs statistiques habituels tels que la contribu-
tion au produit intérieur brut (PIB) ou aux exportations. Les liens indirects en
amont et en aval tissés entre l’industrie minière et le reste de l’économie d’accueil
sont d’une importance primordiale 2 . L’ampleur de ces liens, évaluée

1. En Afrique subsaharienne, les années 1990 ont vu une baisse de 0,8 % du PIB en général et
de 1 % par an pour les pays dépendants des ressources minières, soit 25 % de plus que les
pays non dépendants.
2. En amont, il s’agit principalement des achats locaux effectués par l’entreprise minière sous la
forme de produits et de services ; ces achats ont pour effet de stimuler l’économie nationale
ou régionale. En aval, les liens potentiels ont trait à la transformation du minerai sur place,
ce qui permet au pays d’accueil d’accroître la valeur ajoutée du produit exporté.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 117

économiquement par l’effet multiplicateur, permet de mesurer l’accroissement


de l’activité économique nationale induite par l’activité minière (Eggert, 2001 ;
McMahon et Remy, 2001). Ce débat sur les problématiques économiques asso-
ciées à l’industrie minière a été considérablement ravivé depuis le début des
années 1990, en raison de l’expansion de l’industrie minière dans les pays en
développement, où les incidences sociales et environnementales de ces activités
sont particulièrement flagrantes.
Sur le plan environnemental, les grands projets miniers peuvent entraîner
de nombreuses répercussions, dont les plus importantes sont :
ƒƒ la destruction des habitats naturels due aux rejets, émissions et déversements,
ƒƒ la dégradation des terres, le drainage minier acide3,
ƒƒ la pollution du lit des rivières,
ƒƒ la contamination chimique des sols,
ƒƒ les émissions dans l’air (poussières, polluants),
ƒƒ l’usage des ressources en eau et en énergie,
ƒƒ la manipulation des matières chimiques par les travailleurs, et
ƒƒ les risques de l’exposition à des matériaux toxiques (Boocock, 2002 ;
Reed, 2002).
Ces impacts, parfois non pris en compte dès le début des opérations, ont
toutes les chances de perdurer après la fermeture des projets miniers s’ils ne sont
pas pris en charge. Ainsi, les mines dites orphelines4 donnent lieu à des dommages
environnementaux considérables s’étendant sur de très longues périodes et pou-
vant devenir irréversibles. Par ailleurs, la responsabilité de la prise en charge de
ces impacts représente un des enjeux les plus controversés dans l’industrie minière
(Eggert, 1994). En effet, les entreprises minières ont tendance à éviter cette res-
ponsabilité, qui implique des coûts pouvant s’élever à des centaines de millions de
dollars, ce qui, du coup, affecte la profitabilité de l’industrie minière5. Ainsi, en
l’absence de lois adéquates, les coûts induits par ces sites miniers abandonnés se
transforment en un important passif environnemental pour le pays.
C’est au niveau social que l’on peut s’attendre à observer un impact
positif de l’industrie minière sur le capital humain, dans la mesure où les entre-
prises transnationales sont à même de fournir emploi, formation et éducation

3. Le drainage minier acide est considéré comme l’impact environnemental le plus important de
l’exploitation minière. Il survient en général lorsque les déchets oxydés (roches) provenant
de l’exploitation entrent en contact avec de l’eau. Ce contact donne lieu à la production
d’acide qui peut s’infiltrer dans les eaux de surface ou la nappe phréatique.
4. Une mine est dite orpheline ou abandonnée lorsqu’il est impossible d’en trouver le proprié-
taire, lorsque le propriétaire refuse de restaurer le site ou encore lorsqu’il est financièrement
incapable de le faire.
5. À titre d’exemple, les coûts estimés de la réhabilitation de la mine Faro, située au Yukon et
fermée depuis 1998, s’élèvent à une somme comprise entre 145 et 150 millions de dollars
(Repetto, 2004).
118 Ressources minières en Afrique

à leurs employés d’une manière générale. Il est cependant important de noter


que ces incidences positives ont souvent une portée limitée. À titre d’exemple,
les mines à ciel ouvert demeurent de nature hautement capitalistique et néces-
sitent par opposition peu de main-d’œuvre, ce qui contribue à réduire l’effet
attendu sur le marché du travail. Par ailleurs, compte tenu de la complexité
technologique requise pour ce type d’exploitation, ce sont généralement des
travailleurs expatriés et non nationaux qui occupent les postes techniques (Cox,
1994 ; Lanning et Müeller, 1979). En outre, les projets miniers exacerbent sou-
vent les inégalités de revenus et influent directement sur la communauté vivant
à proximité du site, notamment par :

ƒƒ le déplacement de population,
ƒƒ la migration accrue de travailleurs vers la zone du projet,
ƒƒ l’inflation causée par cette migration,
ƒƒ l’abandon de l’activité agricole,
ƒƒ l’expropriation des terres fertiles pour les besoins de la mine, et
ƒƒ les problèmes accrus de santé publique (Pegg, 2003 ; Reed, 2002 ;
Ross, 2001).

Finalement, l’activité minière demeure l’une des industries présentant le


plus haut taux d’accidents industriels. Comme le souligne Warhurst (1998), la
majorité des désastres environnementaux ou des abus relatifs aux droits
humains ayant contribué à l’accroissement de la sensibilité sociale à l’égard du
développement industriel sont attribuables aux industries minière et pétrolière.
La gravité des impacts environnementaux de l’activité minière et la multipli-
cation des accidents industriels et des problématiques sociales associées à cette
industrie ont ainsi contribué à mobiliser les organisations de la société civile,
qui font notamment pression sur les institutions financières internationales qui
soutiennent l’expansion de cette industrie dans les pays en développement6. Il
ne fait aucun doute que ces pressions ont été un des éléments ayant motivé le
lancement de l’initiative EIR.

2. LA REVUE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES :


UNE RECONNAISSANCE PUBLIQUE DU PROBLÈME
Les enjeux soulevés par la question minière s’observent particulièrement dans
les pays en développement où, depuis les vingt dernières années, les entreprises
minières ont de plus en plus transféré leurs activités. Ces délocalisations ont

6. Les revendications de la société civile s’adressent également aux entreprises transnationales.


Celles-ci sont soumises à une forte pression pour une plus grande responsabilité sociale et
environnementale.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 119

été favorisées par différents facteurs, dont la volonté d’intégration de ces pays
dans l’économie mondiale7. Ainsi, pour les IFI, ces politiques d’intégration se
sont majoritairement traduites par la promotion de l’investissement étranger
comme moteur de la croissance économique (Campbell, 2003). De ce fait, les
pays riches en ressources minières ont été appelés à ouvrir leurs économies à
l’investissement et au commerce internationaux comme condition à l’accès aux
prêts accordés par ces institutions.
Par ailleurs, pour de nombreux pays riches en ressources minières, cette
industrie a été désignée comme véritable moteur de la croissance économique.
Ainsi, depuis les années 1980, la Banque mondiale, par l’intermédiaire de la
Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD)
et de l’Association internationale de développement (IDA), a soutenu des
réformes institutionnelles de grande ampleur dans les pays en développement
par le remaniement des codes miniers, la privatisation des entreprises publiques
et la suppression des subventions en faveur de l’industrie extractive nationale
(EIR, 2003). Parallèlement, le Groupe de la Banque mondiale a encouragé
l’expansion de l’industrie minière dans ces pays par un soutien multiforme au
secteur privé. Ainsi, la Société financière internationale (SFI) supporte le
développement du secteur privé et offre des prêts aux entreprises minières
tandis que l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA)
propose des garanties d’investissement contre les risques politiques ; le groupe
a également mis sur pied le Centre international pour le règlement des diffé-
rends relatifs aux investissements (CIRDI), qui fonctionne par la conciliation
ou l’arbitrage.
D’une manière générale, la Banque mondiale a développé, à la fin des
années 1980, dans le cadre des opérations de prêts au secteur public dans
les pays en développement, un ensemble de politiques sociales et environ-
nementales ainsi que de diffusion de l’information auprès du public. C’est
entre 1990 et 1998 que ses divisions pour le secteur privé, la SFI et la MIGA,
ont instauré des politiques de sauvegarde visant à encadrer leurs opérations
de finan­cement, afin qu’elles ne portent pas préjudice aux populations et à

7. D’autres facteurs ont favorisé la délocalisation des entreprises. Pour les sociétés
transnationales, il s’agit d’identifier des sites d’exploitation moins coûteux en matière
d’exploitation et de coûts associés à la réglementation. Les gouvernements des pays
industrialisés, quant à eux, participent à la promotion de leurs intérêts commerciaux et
économiques à l’étranger, soutenant ainsi de diverses manières la transnationalisation
de leurs entreprises. Dans les pays en développement, la quête de devises étrangères
pour rembourser la dette et la volonté d’accueillir des investissements décrits comme
facteurs d’accroissement de l’emploi, de transfert de technologie, de croissance et
de développement ont mis les gouvernements en concurrence pour l’attraction des
investissements miniers.
120 Ressources minières en Afrique

l’environnement8. Les premières revues sociales et environnementales des acti-


vités industrielles ont été formalisées en 1993 ; auparavant, la SFI et la MIGA
appuyaient leurs initiatives sur les politiques de la Banque. Si le contenu de ces
normes se veut substantif, leur application reste problématique. En effet, plu-
sieurs limites à l’imputabilité des entreprises demeurent, notamment lorsque
celles-ci décident de rembourser les prêts acquis auprès de la SFI plutôt que de
se conformer aux politiques de sauvegarde (Oxfam, 2007, p. 2). En outre, les
grandes entreprises peuvent être tentées de vendre leurs sites lorsqu’ils sont
presque épuisés à des entreprises de plus petite taille ayant moins de visibilité,
pour échapper ainsi à leurs responsabilités (Walker et Howard, 2002). Sur le plan
de la mise en application de ces normes, des problèmes de ressources humaines
au sein de ces agences demeurent. La SFI a accru son personnel chargé du suivi
de l’application de ses politiques de sauvegarde, d’une à 80 personnes entre 1989
et 2002, pour 1280 entreprises financées. Quant à la MIGA, elle n’avait que trois
employés se consacrant à ces suivis en 2000. Ainsi, si le cadre réglementaire défini
par le Groupe de la Banque mondiale se veut substantif et contraignant, il se
heurte cependant à plusieurs difficultés d’application.
Devant l’inefficacité des mesures recommandées, les critiques à l’endroit du
soutien de la Banque mondiale à l’industrie extractive n’ont cessé de croître. La
critique principale a trait au conflit apparent entre la mission principale de la
Banque, soit la réduction de la pauvreté, et son implication dans le développement
des activités extractives dans les pays pauvres. C’est pour cette raison et à la
demande des organisations de la société civile que la Banque a entrepris en 2000,
avec le lancement de l’EIR, une évaluation de ses activités dans le secteur extractif,
notamment de leurs impacts sociaux et environnementaux. À l’issue de ce proces-
sus, la Revue a conclu que : « [l]e Groupe de la Banque mondiale a encore un rôle
à jouer dans le secteur pétrolier, gazier et minier, mais seulement si ses interven-
tions permettent aux industries extractives de contribuer à la lutte contre la pau-
vreté via le développement durable » (EIR, 2003, p. 53). La poursuite de cette
implication est cependant assortie de recommandations relatives à :
ƒƒ une gouvernance favorable aux pauvres,
ƒƒ une meilleure prise en charge des composantes environnementales
et sociales, et
ƒƒ le respect des droits de la personne.

8. Ces politiques portent sur l’évaluation environnementale, les habitats naturels, les déplace-
ments involontaires de populations, les populations autochtones, le patrimoine culturel, le
travail forcé et le travail des enfants. Avant chaque investissement, les agences du Groupe de la
Banque mondiale procèdent à une évaluation environnementale afin de déterminer si le projet
en question nécessite le recours à d’autres politiques de sauvegarde. Les projets sont classés
par la Banque en quatre catégories (A, B, C et F) en fonction de leur type, lieu, vulnérabilité
et échelle, ainsi que de la nature et de l’importance de leur impact environnemental potentiel.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 121

Sur le plan social et environnemental, les recommandations portent sur la


nécessité de procéder à des évaluations intégrées de ces enjeux. Pour ce faire,
une approche holistique et multidimensionnelle est requise afin d’identifier les
impacts cumulatifs ainsi que les liens entre les dimensions socioéconomiques
(parmi lesquelles la santé) et environnementales. Au-delà de l’évaluation, la prise
en charge requiert par ailleurs l’élaboration d’une stratégie visant à prévenir ou
à minimiser ces impacts (EIR, 2003).
Ces recommandations ont trouvé un écho au sein de la Banque mondiale,
qui y a répondu en 2004 en proposant une réévaluation de ses politiques de
sauvegarde dans le but de les renforcer. Ce renforcement vise autant l’aspect
procédural des processus d’évaluation des impacts et de participation des popu-
lations que la dimension substantive, avec des recommandations techniques sur
la gestion des impacts environnementaux et la protection de la biodiversité
(Banque mondiale, 2004). Ainsi, à la suite d’un processus de révision, les poli-
tiques de sauvegarde de la SFI ont été remplacées en février 2006 par les Poli-
tiques sur la durabilité sociale et environnementale et les Standards de perfor-
mance. Sur le plan pratique, l’observation des critères de performance définis
par la SFI relève de la responsabilité des entreprises, chargées d’évaluer et de
gérer les risques et impacts induits par leurs opérations sous la supervision de la
SFI, qui procède à la revue de l’évaluation qui aura été faite (SFI, 2006).
Cette révision des procédures témoigne de la reconnaissance par les insti-
tutions financières internationales des problématiques associées à l’exploitation
minière dans une perspective de réduction de la pauvreté et de protection de
l’environnement. Cependant, comme l’illustre le cas de l’industrie aurifère
malienne, l’approche proposée témoigne d’un traitement sélectif du problème
dans la mesure où elle ignore les dimensions structurelles qui représentent des
obstacles majeurs à l’application effective du cadre de régulation des projets
miniers d’une manière générale et de ceux soutenus par la SFI dans les pays en
développement en particulier.

3. L’OPTION MINIÈRE AU MALI : LES ENJEUX DE LA RÉDUCTION


DE LA PAUVRETÉ ET DE LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
Le Mali est un pays enclavé situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest. Entièrement
compris dans la zone tropicale sèche, il est soumis aux aléas climatiques, ce qui
n’empêche pas son économie de reposer essentiellement sur l’agriculture. Ainsi,
le coton, qui a longtemps constitué le principal produit d’exportation, a permis
au pays de se classer au premier rang des producteurs du continent. Depuis 1997
cependant, c’est l’or qui occupe désormais ce statut, de telle sorte que le pays a
pu se hisser au cours des années 1990 au quatrième rang à l’échelle du continent
pour sa production aurifère. Le secteur agropastoral (coton, riz, fruits et légumes,
produits de cueillette, bétail) et le secteur minier (production de l’or) constituent
122 Ressources minières en Afrique

ainsi les deux piliers de l’économie malienne. En dépit de ces « succès », le Mali
fait partie, depuis plusieurs dizaines d’années, du groupe des « pays à faible
revenu et des pays les moins avancés » selon les critères des IFI. Depuis
son indépendance en 1960, le pays a encouragé le progrès social en adoptant
plusieurs stratégies de développement marquées par les différents régimes poli-
tiques (socialiste, militaire et libéral) qui s’y sont succédé (Koné, 2000). Devant
les difficultés (notamment de dépendance financière) rencontrées dans la pour-
suite des stratégies précédentes, le pays s’est engagé dans les années 1980 sur la
voie libérale avec les programmes d’ajustement structurel (Géronimi Diallo et
Sidibé, 2005).

3.1. Les réformes réglementaires et fiscales du secteur minier


Les objectifs des réformes alors mises en œuvre étaient principalement le rétablis-
sement des équilibres macroéconomiques, la maîtrise de l’endettement, la libéra-
lisation de l’économie et la refonte du cadre pour le secteur privé. La libéralisation
de l’économie en particulier impliquait un retrait de l’État des activités productives
et, parallèlement, la promotion de l’initiative privée comme moteur du dévelop-
pement socioéconomique. Pendant cette période, le pays a procédé à la reformu-
lation des cadres légaux et réglementaires régissant l’activité économique de
manière à attirer des investissements étrangers et à promouvoir le secteur privé.
Dans cette perspective, le secteur minier a été identifié comme moteur essentiel
de la croissance économique et, de ce fait, de la réduction de la pauvreté. Au Mali,
la découverte d’un énorme potentiel aurifère a conduit les bailleurs de fonds à
encourager le gouvernement à instaurer une réforme du secteur minier en vue de
mieux attirer les investisseurs étrangers (Hatcher, 2004).
La volonté d’adhérer à ce plan d’action s’est manifestée par la révision du
code minier en 1991. Ce code a induit une libéralisation significative du cadre
juridique minier en offrant des avantages fiscaux et douaniers. Par la suite, les
bailleurs de fonds ont identifié d’autres contraintes pour le développement du
secteur, parmi lesquelles le manque de cohésion entre le code minier et les sys-
tèmes fiscal et douanier, lesquels sont jugés mal adaptés à l’évolution du secteur,
l’insuffisance des données géologiques de base, le manque de ressources locales
et la faible implication des opérateurs miniers nationaux (Ministère des Mines,
de l’Énergie et de l’Eau [MMEE], 1998). Pour lever ces contraintes, mais aussi
dans un souci de compétitivité par rapport aux pays de la sous-région, le Mali a,
en 1999, modifié encore une fois son code minier afin de le rendre plus attrayant
et incitatif (Hatcher, 2004). Le but recherché était de doter le secteur minier
« d’une législation attrayante, d’un environnement politique stable, d’un régime
fiscal et douanier équilibré et d’une administration performante » (MMEE, 1998).
Le nouveau code de 1999 se voulait donc plus incitatif à l’égard des investisseurs
étrangers. La comparaison des deux code miniers, de 1991 et de 1999, permet de
mettre en lumière l’orientation générale du cadre réglementaire généré par ces
réformes (voir le tableau 3.1).
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 123

Tableau 3.1. RÉGIMES FISCAUX ET DOUANIERS DES CODES MINIERS MALIENS


DE 1991 ET DE 1999

Description Code de 1991 Code de 1999

Participation étrangère dans le capital Maximum 85 % Maximum 90 %


Participation du gouvernement Minimum 15 % de Minimum 10 % de
participation gratuite participation gratuite
(actions prioritaires) (actions prioritaires)
Amortissement Linéaire Accéléré
Bénéfice industriel et commercial 35 % 35 %
Exonération de taxes 5 premières années Aucune exonération
de production
Impôt spécial sur certains produits (ISCP) 3% 3%
Taxe ad valorem (redevance additionnelle) 3% Supprimée
Impôt sur les revenus des valeurs mobilières Non Oui
Droit d’importation Exonération Exonération
Droit d’exportation de produits Non Non
Taxe sur la valeur ajoutée TVA Exonération durant Exonération durant
les 3 premières années les 3 premières années
de production de production
Droits et taxes sur les produits pétroliers Exonération douanière Exonération permanente
Source : MMEE (1991 ; 1999).

De manière générale, l’analyse de ces conditions d’exploitation révèle la mise


en place, dans le code de 1999, de mesures plus avantageuses pour les entreprises
minières que celles de 1991. Toutefois, comme nous le verrons, les exigences
sociales et environnementales à l’endroit des entreprises ont été renforcées selon
une trajectoire inverse à celle des conditions économiques et financières.

3.1.1. Les incitatifs fiscaux et douaniers


Le réaménagement du code minier malien a conduit à une réduction des gains de
l’État et à l’accroissement des avantages consentis aux entreprises, par la réduction
de la participation gouvernementale au capital, et les avantages reliés à la taxation
et à l’amortissement accéléré. Les redevances minières versées à l’État proviennent
de la taxe spéciale sur certains produits et de la taxe ad valorem. La suppression
de cette dernière du code malien de 1999 a eu pour effet de réduire de moitié le
taux de redevances, qui est passé de 6 % à 3 %. Dans le code malien de 1991, les
activités minières étaient exonérées de taxes lors des cinq premières années de
production. Cette exonération a été supprimée du nouveau code. Cependant, la
réglementation de 1999 a offert la possibilité aux sociétés de pratiquer un amor-
tissement accéléré de leurs facteurs de production. En résumé, si certaines mesures
incitatives du code minier de 1991 ont été supprimées (notamment certains
124 Ressources minières en Afrique

avantages fiscaux), d’autres dispositions telles que l’amortissement accéléré et la


réduction de la participation au capital sont venues les compenser. De ce fait, le
cadre réglementaire économique et financier semble être très attrayant pour les
investisseurs du secteur.

3.1.2. Les dimensions sociales et environnementales


Si les aspects économiques et financiers des codes miniers sont apparus de plus
en plus incitatifs, les dimensions sociales et environnementales ont suivi une
trajectoire opposée, requérant une plus grande prise de responsabilités de la part
des sociétés minières. Contrairement au code minier de 1991, celui de 1999 a pris
en compte la relocalisation des populations affectées par l’exploitation minière,
relocalisation dont la société minière demeure responsable. Par ailleurs, après
cinq années d’exonération, les entreprises minières étaient désormais tenues de
verser des taxes au profit des collectivités locales (MMEE, 1999, article 109).
D’autre part, les compagnies étaient placées dans l’obligation d’assurer le loge-
ment de même que les infrastructures sanitaires, scolaires et de loisir pour les
travailleurs de la mine et leurs familles. Sur le plan de l’emploi, les sociétés minières
ont été tenues, par le code minier de 1999, de respecter les conditions générales
d’emploi du Mali et d’accorder la préférence, à qualification égale, au personnel
malien (MMEE, 1999, article 126). Finalement, la santé et la sécurité au travail
ont été soumises, par le code minier de 1999, aux règlements relatifs aux mesures
de protection et de prévention conformément aux normes internationales admises
pour les travaux ayant trait au transport, à l’usage et au stockage des explosifs
(MMEE, 1999, article 124).
Sur le plan environnemental, le code minier de 1999 s’est avéré bien plus
explicite et exigeant que celui de 1991, qui ne fixait pratiquement aucune obligation
aux sociétés minières quant à la protection environnementale. Dans le code de 1991,
les travaux de réhabilitation et la prise en compte des incidents étaient considérés
d’une manière ponctuelle. L’introduction du code de 1999 a permis d’amorcer un
processus en vue de mener à une réelle prise en compte des risques environnemen-
taux. Ainsi, selon ce dernier code, les permis d’exploitation doivent être accordés à
la condition que les entreprises fournissent une étude de faisabilité et un plan de
développement et d’exploitation du gisement qui comprend une étude d’impact
environnemental, un plan d’atténuation des impacts ainsi qu’un plan de suivi envi-
ronnemental. Les titulaires de permis d’exploitation doivent également ouvrir et
alimenter un compte fiduciaire en vue de constituer un fonds qui servira à couvrir
les frais de préservation et de réhabilitation de l’environnement.
En dépit de son entrée en vigueur, le code minier de 1999 n’a pas été
appliqué à tous les projets miniers actuellement en activité au Mali dans la
mesure où les permis d’exploitation sont généralement attribués pour une durée
de trente ans renouvelable (MMEE, 1999, article 43). Cependant, les entreprises
minières ont désormais l’obligation de se conformer aux exigences du code
minier de 1999 en matière d’environnement. Elles sont donc tenues de conduire
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 125

des études d’impact environnemental et social et de se conformer aux exigences


relatives à la réhabilitation, à la préparation du processus de fermeture des mines
et à l’emploi. D’une manière générale, ces réformes, notamment celles de 1991,
ont donné lieu à une véritable ruée vers l’or qui a fait passer le Mali, en quelques
années, du 16e au 4e rang des producteurs d’or africains, après l’Afrique du Sud,
le Ghana et la Tanzanie. La carte suivante permet de situer géographiquement
les principales mines en exploitation au Mali en 2005.

Carte 3.1. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DES PRINCIPALES MINES


EN EXPLOITATION DU MALI

MALI

Tombouctou

Gao
Nioro
Yatela Kayes
Ségou
Sadiola Bamako

Sikasso
Opérations
Morilla 0 500 km

Source : Anglogold Ashanti (2007).

L’expansion extraordinaire du secteur minier malien depuis le début


des années 1990 a donné lieu à une amélioration notable des indicateurs
macroéconomiques, comme nous le verrons maintenant.

3.2. Les résultats économiques des politiques adoptées


L’offre de mesures incitatives aux entreprises, notamment grâce au code minier
de 1991, a eu des retombées économiques appréciables. Ainsi, la production d’or
constitue désormais la première source de devises étrangères pour le pays. La
figure suivante en donne une illustration.
126 Ressources minières en Afrique

Figure 3.1. PRODUCTION D’OR AU MALI (1985-2006) (TONNES)

70
60
50
40
30
20
10
0
1985
1986
1987
1988
1989
1990

1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000

2003
2004
2005
2006
2002
1991

2001
Source : DNGM (2005) et EIU (2007).

Ces développements sont essentiellement attribuables à l’arrivée massive


d’investisseurs étrangers dans le pays. Ainsi, six mines étaient en activité au Mali
en 2007 : celles de Sadiola, Morila, Yatela, Kalana, Loulo, Tabakoto. Une septième
mine, celle de Syama, est en instance de réouverture après avoir été délaissée
depuis 2001. Au total, l’ensemble de ces mines promet l’extraction de plus
de 530 tonnes d’or au cours des vingt prochaines années. Les retombées tirées
de l’ampleur de la production en matière d’impôts et de redevances pour le
Trésor Public s’élevaient à environ 1,5 milliard de dollars américains entre 1997
et 2005 (Direction nationale de la Géologie et des Mines [DNGM], 2005)9. Ainsi,
en 2005, l’or représentait 60 % des exportations (Economist Intelligence Unit
[EIU], 2007). Du coup, depuis 1997, l’or supplante le coton, se plaçant au premier
rang pour la contribution au PIB.

Figure 3.2. CONTRIBUTION DE L’OR ET DU COTON


AU PIB DU MALI (1990-2005)
12 %
10 %
8%
6%
4%

2%

0
1990

1992

1993
1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2003

2004

2005
2002
1991

2001

Contribution de l’or au PIB Contribution du coton au PIB

Source : DNSI (2005).

9. Taux de change 1 USD = 550 F CFA.


Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 127

Par ailleurs, les quatre mines en exercice de 1985 à 2003 ont permis la
création de 3 440 emplois, dont 3 246 en 2003. De ces emplois, 3 061 revenaient
aux Maliens, soit 94 % d’emplois locaux. Ces emplois ont donné lieu au ver-
sement de salaires et de cotisations sociales. En ce qui concerne les projets
communautaires, les dépenses effectuées par les trois principales mines
étaient de 13 900 dollars américains pour les mines de Sadiola et Yatela de
1997 à 2005 et de 2 545 dollars américains pour la mine de Morila de 2001 à
2005 (Anglogold Ashanti, 2005). De manière générale, les retombées de l’ex-
ploitation minière sur l’économie nationale, en particulier sur les recettes
étatiques, apparaissent considérables. En dehors de ces recettes directement
dirigées vers le Trésor national, les retombées sont également notables pour
les communautés locales vivant à proximité des sites miniers. Cependant,
alors que les résultats économiques semblent positifs, les conditions sociales,
sanitaires et environnementales sont de plus en plus difficiles, notamment
dans les régions minières.

3.3. La prise en charge des dimensions sociale et environnementale


L’analyse des problématiques sociale et environnementale étant plus complexe
et moins lisible sur le plan national, nous allons la centrer sur les deux projets
miniers les plus importants du Mali, les mines de Sadiola et de Morila. Le tableau
suivant donne une idée générale des caractéristiques de ces deux projets.

Tableau 3.2. PRINCIPALES MINES DU MALI

DESCRIPTION Sadiola Morila


Convention d’établissement 1992 1992
Étude de faisabilité 1993 1999
Permis d’exploitation 1994 1999
Démarrage de la production Décembre 1996 Octobre 2000
Réserves 116 tonnes 103 tonnes
Durée de vie de la mine 13 ans 10 ans
Type d’exploitation Ciel ouvert Ciel ouvert
Société d’exploitation SEMOS SA MORILA SA
Actionnaires Anglogold 38 %
Anglogold 40 %
Iamgold 38 %
Randgold 40 %
État malien 18 %
État malien 20 %
SFI 6 %
Opérateur Anglogold Ashanti Anglogold Ashanti
128 Ressources minières en Afrique

Bien que ces deux projets miniers fonctionnent selon le code minier de 1991,
il est intéressant de noter certaines particularités qui les distinguent sur le plan de
la prise en charge des impacts environnementaux et sociaux. Tout d’abord, la mine
de Sadiola compte la SFI parmi ses actionnaires, ce qui implique l’obligation de
se conformer aux exigences de cette institution quant à la performance concernant
les mesures de sauvegarde. Par ailleurs, cette mine a commencé ses activités
en 1996, dans un contexte de quasi-vide juridique eu égard aussi bien à la protec-
tion de l’environnement qu’à la gestion communautaire. En dépit de l’absence
d’exigence nationale, mais compte tenu des exigences de la SFI, la mine de Sadiola
a conduit une étude d’impact environnemental en 1994, devenant ainsi la première
au Mali à le faire (Envirolink, 1994). Il apparaît donc au premier abord que la
mine de Sadiola fait l’objet d’exigences environnementales et sociales plus strictes
que la mine de Morila, laquelle n’est pas soumise aux exigences de la SFI. Toute-
fois, Morila a entrepris ses activités à un moment où la législation malienne, envi-
ronnementale en particulier, commençait à s’étoffer. Le tableau suivant permet
de résumer l’évolution des exigences environnementales auxquelles sont tenus
ces deux projets miniers depuis leur création.

Tableau 3.3. LÉGISLATION ENVIRONNEMENTALE ENCADRANT LES MINES


DE SADIOLA ET DE MORILA10
Description Période Sadiola (1996-2005) Morila (2000-2005)
Exigences de la SFI 1996-2005 Mesures de sauvegarde10 : Non applicable
– évaluation environnementale
– habitats naturels
– déplacements involontaires
de populations
– communautés autochtones
– patrimoine culturel
– travail forcé et travail des enfants
Exigences du code de 1991 1996-1999 Réhabilitation et prise en charge Non applicable
ponctuelle des impacts
Exigences du code de 1999 2000-2005 Étude d’impact environnemental
Plan d’atténuation des impacts
Plan de suivi environnemental
Indemnisation des propriétaires fonciers lésés
Fonds de réhabilitation
Exigences de la législation 1999 Législation relative aux études d’impact environnemental
environnementale nationale 2001 Législation : gestion des déchets et autres types de pollution
Sources : MMEE (1991 ; 1999), SFI (2007).

10. Ces politiques sont celles qui concernent particulièrement les projets miniers; d’autres poli-
tiques relatives à la lutte antiparasitaire, à la foresterie et à la sécurité des barrages viennent
compléter les politiques de sauvegarde. Il est important de noter par ailleurs que ces poli-
tiques se distinguent des nouvelles dispositions prises à la suite de la Revue des industries
extractives et qui visent un renforcement des politiques de sauvegarde.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 129

Le tableau 3.3 nous permet d’observer que les projets miniers au Mali ont
démarré en l’absence d’une législation environnementale nationale adéquate.
Ainsi, le projet minier de Sadiola était uniquement soumis aux exigences envi-
ronnementales de la SFI. À partir de 1999, les exigences environnementales ont
commencé à devenir plus strictes. Plusieurs conditions environnementales ont
alors été associées à l’obtention d’un permis d’exploitation. Cependant, le respect
de ces exigences est demeuré lié à l’évaluation de l’importance des impacts envi-
ronnementaux par les promoteurs de projets miniers dans la mesure où la légis-
lation malienne ne comportait pas de normes nationales à respecter. En effet,
pendant toute la période observée (1996-2005), le Mali ne disposait pas de
normes environnementales relatives à la pollution des eaux, à la pollution atmo­
sphérique et sonore ou à la gestion des déchets miniers. De ce fait, aussi bien les
politiques de la SFI que les exigences nationales tendaient à encourager l’auto-
évaluation par les entreprises minières de l’ampleur des nuisances environne-
mentales de leurs activités. Par ailleurs, l’absence de normes environnementales
maliennes et de directives techniques relatives à l’usage du cyanure, à la ferme-
ture des mines, à l’élimination des déchets ou au rinçage des roches acides laissait
à l’industrie minière une large place pour l’adoption d’initiatives volontaires
corporatives dans sa prise en charge de ces impacts. Ainsi, dans le cas des projets
de Sadiola et de Morila, la compagnie Anglogold Ashanti, qui en est l’opératrice,
a adhéré à diverses normes internationales et initiatives corporatives relatives à
la dimension environnementale de l’activité minière.

Tableau 3.4. NORMES INTERNATIONALES ET INITIATIVES VOLONTAIRES


AUXQUELLES ADHÈRE LA SOCIÉTÉ ANGLOGOLD ASHANTI

INITIATIVES ACTEUR INITIATEUR DESCRIPTION


Système de gestion environnementale Entreprise (filiale) Politique de gestion environnemen­
(selon les exigences ISO 14001) tale, santé et sécurité, et relations
communautaires
Directives de la Banque mondiale SFI / Banque mondiale Normes à ne pas dépasser
sur la qualité de l’eau souterraine pour différents contaminants
Directives de l’Organisation mondiale OMS Normes à ne pas dépasser
de la santé (OMS) sur la qualité pour différents contaminants
des eaux de surface
Directives Anglogold sur la gestion Entreprise (maison mère) Normes au-dessus desquelles des
de la poussière et du bruit actions correctrices sont mises en place
Directives Anglogold sur la gestion Entreprise (maison mère) Normes sur les modalités de traitement
des rejets miniers et de stockage des effluents miniers
Code international de gestion Initiative multipartite (Programme Procédures relatives à la production,
du cyanure des Nations Unies pour l’environne­ au transport et à l’usage de cyanure
ment (PNUE), entreprises, organisa­ pour la production d’or
tions non gouvernementales (ONG))
Cadre stratégique pour la fermeture Association industrielle (Australian Procédures de fermeture
des mines mining association) des sites miniers
Sources : Anglogold (2004), SEMOS (1997-2005), Anglogold Ashanti (2000-2005a).
130 Ressources minières en Afrique

Concrètement, l’adhésion à ces normes couplée aux exigences législatives


nationales et aux exigences de la SFI a pour avantage d’offrir un cadre presque
complet de gestion des impacts environnementaux de l’extraction minière. Ces
normes touchant la pollution de l’eau, la pollution sonore, la poussière et la
gestion des déchets miniers favorisent la quantification des impacts et per-
mettent à l’entreprise de fournir des rapports détaillés sur les impacts aux
actionnaires. Cependant, l’évaluation des impacts demeure largement du ressort
de l’entreprise, ou des consultants privés auxquels elle fait appel pour des
audits, dont les résultats sont ensuite diffusés aux actionnaires. De manière
générale donc, le cadre réglementaire mis en place pour favoriser la prise en
charge des impacts environnementaux laisse émerger deux types de lacunes :
l’application de normes internationales (volontaires ou se voulant contrai­
gnantes dans le cas de la SFI) est définie à l’extérieur du pays et le contrôle du
respect de ces normes par les entreprises est difficile à assurer. C’est particu-
lièrement ce dernier point qui s’avère problématique dans le cas du Mali et,
plus spécifiquement, dans le cas des deux projets qui nous intéressent.

3.4. La gestion environnementale


Sur le plan environnemental, les projets miniers qui nous intéressent soulèvent
une série de questions. En effet, ils se caractérisent tous deux par un fort accrois-
sement de la population dans la région minière, ce qui a pour effet d’engendrer
une pression importante sur les ressources en bois de ces régions. La déforestation
représente ainsi l’une des problématiques environnementales les plus visibles
dans les régions minières. Cependant, à plusieurs égards, l’exploitation minière
en elle-même engendre des risques environnementaux substantiels. De façon
générale, l’absence de standards environnementaux fait en sorte que les sociétés
minières se fient sur les indicateurs de l’OMS, de la Banque mondiale ou de
l’Afrique du Sud, dont la compagnie Anglogold est originaire. Puisque ces normes
sont définies à l’extérieur du pays, la capacité du gouvernement de contrôler le
respect de ces standards représente donc un sérieux défi.
Le cas de l’usage du cyanure illustre bien les limites étatiques dans la
surveillance environnementale de l’industrie minière. L’utilisation du cyanure
dans le procédé d’extraction de l’or n’est effectivement abordé ni par le code
minier ni par une réglementation spécifique. La société Anglogold, opératrice
des deux principales mines, prend en compte cette dimension puisqu’elle
adhère de son propre chef au Code international de gestion du cyanure. La
vérification de l’application de ce code est effectuée par des audits externes
étrangers et l’État n’a aucun contrôle sur cette dimension. Des rapports effec-
tués lors de l’évaluation des sociétés minières recommandent le recours, par
l’administration minière, à ce code du cyanure pour le contrôle de toutes les
utilisations de cyanure au Mali. Il est à noter que ce code volontaire ne prend
pas en compte toutes les questions liées à la sécurité ou aux conséquences envi-
ronnementales durant la conception et la construction des systèmes de stockage
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 131

des produits résiduels, ni les effets à long terme de la fermeture ou de la réha-


bilitation des sites miniers en tant que tels (Institut international de gestion du
cyanure [IIGC], 2005). Ainsi, compte tenu des problèmes occasionnés par l’aug-
mentation de l’usage du cyanure et des risques associés au drainage minier
acide, les plans de fermeture des mines, notamment celui de Sadiola, ont été
révisés. À la suite des difficultés rencontrées dans la surveillance du rythme
d’extraction (sur lequel nous reviendrons plus loin), une étude menée par un
groupe de consultants, à la demande du gouvernement, recommande que
les coûts de fermeture de la mine et les coûts de surveillance à long terme soient
revus à la hausse car « le drainage acide de la mine est susceptible d’être
un problème très réel à moyen et à plus long terme à Sadiola » (CSA Group,
2004, p. 94).
Sur le plan environnemental donc, les sociétés minières se conforment
au code minier de 1999 mais, en l’absence de standards environnementaux
nationaux spécifiques aux mines, elles s’appuient sur les normes internationales
ou celles du Groupe de la Banque mondiale, sans que soient associées à ces
normes des méthodes de suivi et de réparation dans les cas où cela s’avèrerait
nécessaire. À titre d’illustration, la SFI exige le respect de ses politiques et
effectue un suivi régulier consistant principalement en l’évaluation des rapports
produits par les entreprises minières. En effet, ses recommandations portent
principalement sur la publication des résultats environnementaux selon les
exigences des politiques de sauvegarde. Cette performance est contrôlée par
l’entreprise même ou par des auditeurs externes engagés par l’entreprise. Par
ailleurs, la SFI ne prévoit pas de mesure de sanction en cas de non-respect des
normes ; elle demande essentiellement des mesures correctrices. Pour cette
raison, la différence entre Morila et Sadiola sur le plan de la gestion environ-
nementale se situe davantage dans la régularité et le détail des rapports sociaux
et environnementaux produits. Ainsi, c’est la maison mère Anglogold qui assure
le suivi des opérations de ses filiales. En outre, les entreprises elles-mêmes ont
toutes les deux des équipes de suivi interne et font régulièrement appel à des
consultants pour des audits ponctuels. Ces derniers émettent des recomman-
dations et sont fréquemment rappelés pour suivre la mise en œuvre de leurs
recommandations. Quant à l’État, à titre d’actionnaire et selon les exigences
du code minier, il reçoit régulièrement des entreprises de l’information sous
forme de rapports (mensuels, trimestriels et annuels) (MMEE, 1999, articles
73-75). La législation nationale exige que les entreprises minières se conforment
aux normes internationales en vigueur, mais ne prévoit aucune conséquence
particulière en cas de non-respect.
Ainsi, la prise en charge des impacts environnementaux, particulièrement
à long terme, s’avère limitée en dépit des exigences de la SFI, des exigences
législatives et des normes et initiatives internationales qui constituent le cadre
réglementaire au sein duquel se déroule l’activité minière au Mali. La principale
lacune de ce cadre sur le plan environnemental réside dans la définition de la
132 Ressources minières en Afrique

responsabilité à long terme des entreprises minières quant aux impacts environ-
nementaux. La production d’un gramme d’or occasionne la création d’environ
500 kg de déchets (résidus miniers et roches stériles) qui génèrent à long terme
des émanations d’acide. Ce drainage acide minier peut se poursuivre durant
plusieurs générations. Cependant, le cadre réglementaire malien, incluant aussi
bien les règles légales que les initiatives volontaires, ne prend pas en compte
cette dimension. L’initiative relative au cadre stratégique pour la gestion des
mines auquel a adhéré Anglogold vise surtout à assurer une conformité à
l’égard de la législation (laquelle, dans ce cas, apparaît défaillante) afin d’ob-
tenir l’autorisation de fermeture des sites. Ainsi, lors des discussions en vue
de la fermeture prochaine de certaines mines au Mali (notamment celle de
Yatela), les entreprises minières ont proposé la limitation de leur responsabi-
lité à une période de cinq ans. Cette question est encore en discussion mais
pose le problème de la prise en charge des coûts environnementaux au-delà
de cinq ans. Alors que ni les entreprises ni la SFI n’ont intégré cette dimension
dans leurs initiatives et exigences, il semble que, dans un tel scénario, l’État
malien se retrouve responsable de ce passif environnemental, sans posséder
les moyens nécessaires pour en venir à bout. Si la prise en charge des impacts
à long terme pose problème, cette difficulté s’étend également aux incidences
immédiates de l’activité minière, dans la mesure où des liens commencent à
être établis entre les incidences environnementales de l’activité minière et la
santé des populations vivant près des projets.

3.4.1. La santé
Au Mali, les infrastructures et les services sociaux de base offerts aux commu-
nautés vivant aux abords des zones minières sont nettement insuffisants. Sur le
plan de la santé, par exemple, bien que les sociétés minières aient contribué au
développement des infrastructures sanitaires (construction d’une clinique pour
les travailleurs miniers dans le cas de Sadiola et équipement de centre de santé
communautaire), le manque de revenus des populations limite leur accès aux
soins. De plus, les infrastructures destinées aux travailleurs ne sont pas accessibles
au reste de la population, dont les besoins sanitaires sont pourtant criants.
De manière générale, l’application du cadre réglementaire et la faible
implication des acteurs nationaux, l’État notamment, contribuent à créer des
tensions entre entreprises et communautés. En effet, ces dernières reçoivent peu
d’information sur les modalités et les résultats de la gestion environnementale.
Le contrôle de la qualité de l’eau est ici un bon exemple. Si la Banque mondiale
établit des normes relatives à la qualité de l’eau auxquelles les entreprises
doivent se conformer, ce sont ces dernières qui effectuent les prélèvements
dans les villages et en font ensuite l’analyse11. Or les entreprises ne transmettent

11. Des analyses comparatives sont également effectuées à l’occasion par des laboratoires
extérieurs au pays, notamment en Angleterre et au Canada.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 133

pas les résultats des analyses aux communautés concernées. Il en résulte une
tension sociale, car les personnes en viennent à attribuer leurs problèmes de santé
à une pollution potentielle (même si les analyses des entreprises indiquent
qu’elles respectent les limites fixées par l’OMS).
Ainsi, plusieurs problèmes de santé (fausses couches et décès en particu-
lier) ont été signalés par des enquêtes menées par des organisations non gouver-
nementales (ONG) internationales en 2004 auprès des communautés vivant aux
abords de la mine de Sadiola. Cependant, aucune étude n’a été entreprise au
niveau national afin de déterminer l’incidence des impacts environnementaux
des projets miniers sur la santé publique. En fait, l’essentiel de l’information
disponible sur le secteur minier au sein des structures gouvernementales provient
des sociétés minières. L’État lui-même realise très peu d’études pour évaluer les
incidences économiques, environnementales, sociales et sanitaires des projets
miniers. L’essentiel de la documentation disponible sur l’activité minière étant
d’origine corporative, le contenu de ces documents n’a trait qu’aux dimensions
considérées comme pertinentes par les sociétés minières. À titre d’exemple, les
questions relatives à la santé n’apparaissent que très peu dans ces études.
Ces questions n’en constituent pas moins une problématique cruciale pour les
populations vivant près des mines.

Deux études ont été menées afin de préciser l’incidence des impacts envi-
ronnementaux sur la santé des populations vivant dans la région minière
accueillant la mine de Sadiola. Ces études sociodémographique et épidémiolo-
gique ont été commanditées par la Société d’exploitation des mines d’or de
Sadiola (SEMOS) et exécutées par une agence gouvernementale, l’Institut natio-
nal de recherche en santé publique (INRSP). La première partie de ces études
portait sur la dimension sociodémographique et a été achevée en 2005. Cette
étude prend en considération les perceptions des populations quant à l’impact
de l’exploitation minière sur leur santé. Dans un questionnaire qu’elles ont
rempli, les populations ont signalé une proportion élevée de fausses couches
dans quelques villages situés en zone minière. Le taux le plus élevé évoqué est
de quatre fausses couches sur cinq grossesses au cours des cinq dernières années
pour le village de Yatela situé à proximité de la mine de Yatela, et une proportion
de 0,37 pour l’ensemble de la zone minière aux alentours de la mine de Sadiola,
contre une proportion moyenne de 0,36 pour la zone de contrôle constituée de
villages considérés comme hors d’atteinte des impacts miniers (INRSP, 2005).
Bien que les populations perçoivent ces problématiques liées à la santé comme
le résultat de la présence voisine des mines, seule la réalisation d’une étude
médicale, qui représente la seconde étape, pourrait confirmer ou infirmer ces
perceptions. Cette deuxième étude n’était toujours pas disponible au moment
de la publication de ce chapitre. Mais dans ce cas également, l’incapacité de l’État
à initier et à réaliser des études de cet ordre donne lieu à une situation où les
entreprises minières commanditent des études dont elles font l’objet, ce qui peut
faire craindre un conflit d’intérêts.
134 Ressources minières en Afrique

En résumé, la faiblesse des capacités institutionnelles nationales pour


assurer un suivi adéquat de l’activité minière représente une limite majeure à
la contribution de l’extraction minière à la réduction de la pauvreté et à la
protection de l’environnement. En effet, au-delà de l’élaboration de normes
sociales et environnementales (par les institutions internationales ou par les
entreprises elles-mêmes), la réduction de la pauvreté et la protection de l’en-
vironnement nécessitent une approche intégrée de la régulation de l’industrie
minière prenant en compte aussi bien les conséquences des conditions éco-
nomiques d’exploitation que la nécessité du renforcement des capacités insti-
tutionnelles nationales. La faible prise en considération de ces dimensions,
malgré le processus de révision initié par l’EIR, laisse les problématiques rela-
tives à la contribution de l’industrie minière au développement relativement
inchangées par rapport à la situation préalable, comme l’illustre le cas du Mali.

3.5. L’incidence des faibles capacités institutionnelles


sur le respect des cadres réglementaires
Comme nous l’avons mentionné, sur le plan législatif, l’industrie minière malienne
est soumise aux exigences de deux codes miniers, celui de 1991 et celui de 1999,
qui sont appliqués conjointement. L’ensemble des mines actuellement en activité
fonctionne selon le code minier de 1991. Dans les faits, les opérations qui ont
débuté avant la promulgation du code de 1999 continuent à fonctionner selon
l’ancien code, bien que les sociétés aient la possibilité de passer de l’ancien au
nouveau code, à condition d’intégrer l’ensemble des dispositions de ce code. Or,
selon plusieurs responsables administratifs des mines au Mali12, les sociétés essaient
en général de se prévaloir des dispositions les favorisant dans chacun des codes,
surtout en ce qui a trait aux conditions fiscales et douanières. Cette situation crée
des tensions et des conflits entre l’administration minière et les entreprises.
De manière générale, plusieurs facteurs concourent à restreindre les
possibilités de suivi du ministère des Mines, responsable de la surveillance et
de l’encadrement du secteur minier. D’abord, jusqu’en 2002, il n’existait pas,
au sein de l’administration minière, de structure en charge du suivi et du contrôle
des activités des sociétés minières. Un suivi était effectué par les administra-
teurs de la Direction nationale de la Géologie et des Mines (DNGM), qui, par
ailleurs, sont également en charge de la recherche géologique (DNGM, 2002).
Or, dans les années 1980, les programmes d’ajustement structurel ont induit
un licenciement massif de travailleurs de la fonction publique et limité les
possibilités de recrutement de fonctionnaires. Ensuite, une fois installées, les
sociétés minières ont procédé au recrutement de personnel malien, et ce sont
les spécialistes du ministère des Mines qui ont été congédiés, ce qui a privé le
ministère, et particulièrement la DNGM, de compétences essentielles à la
surveillance du secteur. Finalement, une autre exigence issue de l’ajustement

12. Entrevues réalisées entre octobre 2005 et janvier 2006.


Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 135

structurel a été la création d’une Caisse unique pour le budget de l’État, qui
a eu pour effet de supprimer les différents fonds d’appui au secteur industriel et
notamment de priver le ministère des Mines du Fonds minier servant au finan-
cement de ses activités. Dans de telles conditions, ce ministère et ses structures
opérationnelles chargées du suivi et du contrôle de l’industrie minière se trouvent
très limités en ressources humaines et financières, lesquelles sont indispensables
pour mener à bien le rôle qui leur est attribué par la législation.
Ces carences se font d’autant plus cruellement sentir que l’on assiste à
une explosion des projets de l’industrie minière au Mali, d’où un besoin plus
pressant de ressources étatiques pour l’encadrement du secteur. Or, la limita-
tion des capacités étatiques restreint non seulement la maximisation des retom-
bées économiques et financières de l’industrie minière sur l’économie nationale,
mais favorise également la prise en charge des besoins sociosanitaires éducatifs,
et de la protection de l’environnement par les entreprises privées étrangères,
au risque de voir ces préoccupations laissées pour compte.
Des constats de perte de contrôle de l’administration minière sur l’industrie
ont conduit les autorités maliennes à prendre en considération la qualité du suivi
dont font l’objet les activités des sociétés minières. Ainsi, une commission a été
créée dans le but de « déterminer les voies et moyens appropriés pour une amé-
lioration de la contribution de l’exploitation minière à l’économie nationale et
pour un suivi et un contrôle efficace des activités minières » (DNGM, 2002). Cette
étude a constaté que le non-respect de la cadence d’extraction prévue par les
études de faisabilité proposées par le promoteur minier avait conduit à une réduc-
tion de la durée de vie des mines. La figure suivante fait état de l’étendue de ces
écarts entre 1997 et 2002, année où l’étude a été réalisée.

Figure 3.3. ÉCART DE PRODUCTION PAR RAPPORT À L’ÉTUDE DE FAISABILITÉ


POUR LES MINES DE SADIOLA ET DE MORILA

80 %
68 %
70 % 64 %

60 % 52 %
49 %
50 %
36 % 38,50 %
40 %
30 %
20 %
7%
10 % 6,5 %

0 1997 1998 1999 2000 2001 2002


Quantité d’or produite par Sadiola Quantité d’or produite par Morila

Source : DNGM (2002).


136 Ressources minières en Afrique

Pour la mine de Sadiola, la quantité produite a été supérieure de 41,6 %,


car la quantité de minerai devant être traitée en sept ans l’a été en cinq ans. Ainsi,
la durée de vie de la mine a été réduite de deux ans (11 ans au lieu de 13) du fait
de l’exploitation intensive. La compagnie SEMOS justifie l’augmentation de la
quantité de minerai traité par les fluctuations des cours mondiaux de l’or et une
surestimation en 1993, lors de l’étude de faisabilité, de la quantité de minerai
oxydé qui serait exploité jusqu’en 2002. Dans le cas de la mine de Morila, après
l’étude de faisabilité effectuée en 1999, une autre évaluation faite en 2001 a
réévalué les réserves d’or de 103 à 160 tonnes et la cadence de traitement du
minerai de 2,4 à 3,12 millions de tonnes par an à partir de 2002 (CSA Group,
2004). À un tel rythme, le gouvernement s’attend à une réduction de la durée de
vie de la mine de quatre ans. Par ailleurs, l’exploitation de zones à teneur élevée
a favorisé, en 2002, une production exceptionnelle pour cette mine et des revenus
records pour les sociétés minières.

Il est à noter que les deux mines fonctionnent selon le code minier de 1991
qui offre cinq années d’exemption de taxes à partir de la première année de
production. Si les aspects techniques peuvent apporter des éléments de réponse
à cette exploitation intensive (Anglogold, 2000-2005b), il semble également que
cette accélération de l’extraction soit encouragée par les exemptions fiscales
offertes par le code minier de 1991. La concentration de la production pendant
ces années d’exonération réduit considérablement les taxes que ces entreprises
doivent payer à l’État. La non-conformité des sociétés minières au plan d’exploi-
tation des mines a un impact très important sur les revenus des entreprises (à la
hausse) et sur ceux de l’État (amoindris). Ainsi, bien que l’État reçoive des mon-
tants très important, l’incapacité de l’administration des mines à assurer un
contrôle constant des opérations minières, de manière à déterminer un rythme
d’extraction, réduit substantiellement les retombées de l’exploitation sur le plan
économique. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle influe sur l’en-
vironnement, surtout si les mesures de fermeture ne sont pas ajustées pour tenir
compte des problèmes environnementaux qu’engendrent généralement les
méthodes intensives d’extraction (CSA Group, 2004). Finalement, des difficultés
ont également été signalées dans l’évaluation des données financières fournies
par les sociétés minières. Il s’agit notamment du montant des investissements, de
l’évaluation des coûts de production et des charges d’exploitation.
En résumé, sur le plan économique et financier, l’État doit s’assurer, d’une
part, que ses revenus sont déterminés de manière appropriée, sans dépendance
excessive à l’égard des données de l’entreprise et, d’autre part, que les compa-
gnies n’ont conclu aucun contrat préférentiel avec leurs filiales. Aussi, si les
indicateurs macroéconomiques nationaux indiquent une forte amélioration de
la situation économique du pays, ces difficultés illustrent une certaine iniquité
dans la répartition des gains économiques découlant de l’extraction minière.
Comme l’illustre notre analyse, les institutions gouvernementales maliennes
disposent de capacités limitées pour assurer l’application adéquate de la
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 137

législation dans les domaines économique et financier. Il semble donc que le


développement industriel a connu une croissance plus rapide que le dévelop-
pement des capacités institutionnelles, lesquelles se seraient en fait affaiblies
avec la redéfinition du rôle de l’État.
En effet, avant même la réforme du secteur minier malien, les réformes
macroéconomiques et institutionnelles instaurées par les programmes d’ajus-
tement structurel ont induit un affaiblissement des capacités techniques et finan-
cières de l’État. Cette faiblesse institutionnelle a eu des conséquences notables
sur la protection de l’environnement et la capacité du secteur minier de consti-
tuer un moteur pour le développement social. De ce fait, les régions minières
sont aux prises avec des problématiques sociales, éducationnelles, sanitaires et
environnementales d’autant plus importantes qu’elles subissent directement
les impacts des projets miniers. Cette situation s’inscrit dans un contexte où
l’adhésion à des normes et initiatives environnementales internationales, la
création de fonds de développement communautaire et la perspective de voir
les sociétés minières s’engager dans des actions de développement par des
pratiques corporatives à caractère social déplacent la responsabilité de satis-
faire les besoins sociaux et d’assurer la protection environnementale vers les
entreprises, sans plus interroger le rôle des institutions étatiques nationales
dans ce processus.

CONCLUSION : LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, LA PROTECTION


DE L’ENVIRONNEMENT ET L’EXPLOITATION MINIÈRE
Le cadre de régulation proposé par la Banque mondiale fournit aux entreprises
et aux pays en développement des critères à l’aune desquels évaluer les opéra-
tions minières. Cependant, le recours à l’autoévaluation par les entreprises
(même suivie d’une revue par la SFI) pose le problème de la mise en application
de ces normes. Cette approche vient voiler la difficulté réelle qui est celle de la
faiblesse des capacités des institutions nationales, dont le rôle est précisément
de faire respecter les règles de fonctionnement du secteur. La non prise en
compte de l’importance du rôle des institutions nationales dans la mise en appli-
cation du cadre de régulation proposé par la Revue des industries extractives se
reflète dans la promotion parallèle de politiques de réforme affaiblissant ces
institutions. Comme nous l’avons expliqué en première partie de ce chapitre, la
croissance économique basée sur l’exploitation minière passe, d’une part, par la
prise en charge des distorsions causées par la dépendance du pays à l’égard des
exportations de ressources minières et, d’autre part, par l’intégration de cette
industrie à l’économie nationale. Or, ces problématiques demeurent des sujets
ignorés par l’EIR. Cette situation s’explique par le positionnement des institu-
tions financières internationales, qui adhèrent à la perspective économique
conventionnelle selon laquelle il est possible de remédier aux problématiques
liées à la malédiction des ressources par le recours à des politiques publiques
138 Ressources minières en Afrique

appropriées, telles que la taxation de la rente minière et son réinvestissement


pour la création d’autres formes de capital comme la technologie, l’éducation, la
santé ou les infrastructures sociales (Daniel, 1992 ; Mikesell, 1997). Or, la mise
en œuvre de telles politiques est difficile à effectuer dans le contexte économique
libéral qui prévaut dans la majorité des pays en développement disposant de
ressources minières. Le cas malien illustre bien la difficulté du déploiement de
telles politiques dans la mesure où c’est justement l’offre de mesures incitatives
aux entreprises minières qui favorise l’expansion de l’industrie. L’option de la
stratégie incitative, couplée au recours à la responsabilité sociale corporative
dans l’évaluation à court et à moyen terme des impacts des opérations minières,
représente ainsi l’approche privilégiée. Dans ces conditions, la prise en compte
des besoins de développement des pays hôtes semble éludée.
Sur la base d’une perspective économique, les investissements internatio-
naux ne sont pas régis par des accords internationaux ; ils ne font l’objet que
d’accords bilatéraux, régionaux ou multilatéraux limités au traitement d’aspects
particuliers. Ces accords ont essentiellement pour objectif de fournir une pro-
tection aux investissements, mais n’établissent pas de lien entre investissements
internationaux et objectifs nationaux de développement. Ils font appel au civisme
des entreprises pour qu’elles intègrent dans leur programme les objectifs de
développement des pays hôtes (CNUCED, 2003). Or, les processus de dérégle-
mentation et de libéralisation ont conduit à plusieurs modifications des condi-
tions d’exploitation des minerais. Celles-ci touchent, comme nous l’avons vu, les
régimes fiscaux, douaniers, économiques et financiers, réaménagés de manière à
attirer les investissements étrangers. Ces mesures incitatives ont eu pour princi-
paux effets de modifier le schéma de propriété des ressources avec le passage du
public au privé, de faciliter l’accès à la terre tout en augmentant la sécurité des
titres de propriété pour les entreprises, et enfin de réviser les méthodes de calcul
des redevances et taxes afin qu’elles portent sur le bénéfice et non sur le chiffre
d’affaires (Eggert, 2000)13. Ces dimensions structurelles ont comme conséquence
d’influer de manière déterminante sur la répartition de la rente minière entre
les entreprises et le gouvernement. Elles contribuent à limiter les possibilités
pour ce dernier de mettre en place des politiques propres à contrer les distor-
sions économiques engendrées par le déséquilibre économique et l’exportation
massive de matières premières.
D’une part, l’intégration de l’industrie minière à l’économie locale dépend
de plusieurs facteurs. Comme l’indiquent Abugre et Akabzaa (1998), la baisse
des coûts de transport limite l’incitation à la transformation à proximité des sites
d’exploitation. D’autre part, la promotion de la transformation des matières
premières place les pays en développement face à des barrières tarifaires que les

13. Cette dernière disposition présente l’avantage de rendre les taxes conditionnelles aux
bénéfices déclarés par les entreprises minières.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 139

pays industrialisés maintiennent pour protéger leurs produits manufacturés alors


même que l’importation de matières premières ne fait l’objet d’aucune barrière
(Pegg, 2006). En outre, les transferts technologiques sont limités par les règles
relatives à la propriété intellectuelle. Finalement, la création de liens entre l’in-
dustrie et l’économie locale est en général laissée à la discrétion des entreprises
minières, en dépit de l’inégalité du pouvoir de négociation entre entreprises et
gouvernement. Or, même une entreprise qui se conformerait scrupuleusement
aux exigences sociales et environnementales ne pourrait prétendre contribuer à
la réduction de la pauvreté et à la protection de l’environnement si ses pratiques
économiques et financières génèrent des inégalités ou accroissent la pauvreté
dans le pays hôte. En conséquence, les facteurs structurels macroéconomiques
sont de nature à restreindre la portée des exigences sociales et environnemen-
tales (de la SFI en particulier), aussi strictes soient-elles. La focalisation sur ces
dimensions est ainsi d’autant plus problématique que le respect des recomman-
dations qui y sont associées est difficile à assurer, autant par la SFI que par les
gouvernements nationaux.
En résumé, on privilégie à l’égard de de l’industrie minière une stratégie
de libéralisation qui vise essentiellement à installer des conditions attrayantes
pour les investissements, mais on ne tient pas compte, ou très peu, de la manière
dont ces investissements vont contribuer au développement. Comme l’indiquait
un rapport de la CNUCED sur le rôle de l’investissement direct étranger dans
le développement :
Par conséquent, et dans la mesure où il existe un degré de « progrès automa­
tique » découlant de l’[IDE] après l’implantation d’activités au niveau local,
la prise en compte du développement se limite à l’élaboration, par le pays
d’accueil, de stratégies propres à attirer l’[IDE] en abandonnant les mesures
qui pourraient entraver l’établissement de filiales locales et interférer avec
leur intégration dans les activités mondiales de leur société mère (CNUCED,
2005, p. 17).

De ce fait les problématiques fiscales et développementales se trouvent


largement évacuées par la mise en œuvre des politiques incitatives. Ainsi, l’impact
de l’exploitation minière sur la réduction de la pauvreté et ses conséquences pour
l’environnement sont des questions dont la prise en compte est limitée, dans la
mesure où les retombées économiques de cette industrie dépendent du cadre
institutionnel déterminant les conditions d’exploitation des ressources, et relèvent
de la bonne volonté des entreprises.
140 Ressources minières en Afrique

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CHAPITRE 4

Développement minier et protection


de l’environnement à Madagascar1
Bruno Sarrasin

Au début de l’année 2005, le premier ministre malgache, Jacques Sylla, a annoncé


que « le gouvernement [s’était] fixé comme objectif d’avoir un taux de croissance
économique annuel de 15 % à compter de 2008, soit le triple de l’année 2004 qui
était de 5,3 % ». Par ailleurs, il a affirmé : « Madagascar se doit d’attirer plus d’in-
vestissements directs étrangers (IDE) pour atteindre cet objectif2 » (Cocks, 2005).
Le volume des IDE permet de constater une tendance à la reprise dès 2004 avec
47,22 millions de dollars américains d’investissement comparativement aux 14,22
millions de dollars américains de 2003, dont la baisse était surtout attribuable à la
crise politique et sociale vécue par le pays depuis 2002. Madagascar est cependant
encore loin de la performance observée en 2001 lorsque le montant global des IDE
s’était élevé à près de 115 millions de dollars américains (Cocks, 2005). Cette évo-
lution démontre l’internationalisation croissante de l’économie malgache. Reste
à savoir à quel prix. À l’invitation des institutions financières internationales (IFI),
notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), le
gouvernement malgache mise essentiellement sur les IDE pour assurer le « déve-
loppement économique », et ainsi atteindre les objectifs de croissance ambitieux
adoptés pour les prochaines années. Les grands investissements miniers sont
appelés à jouer un rôle déterminant dans ce processus3.

1. L’auteur remercie Haja Ramahatra de sa contribution à la recherche des informations sur


lesquelles s’appuie ce chapitre. Ces recherches sont antérieures aux évènements politiques
survenus depuis le début de l’année 2009, qui ont mené à la destitution du président Marc
Ravalomanana par son opposant Andry Rajoelina.
2. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont
été traduites.
3. Notamment les projets d’exploitation de l’ilménite de la QIT Madagascar Minerals et
d’exploitation du nickel et du chrome de DYNATEC.
144 Ressources minières en Afrique

L’intérêt d’aborder certains enjeux de développement à partir du secteur


minier à Madagascar repose sur le paradoxe suivant : la grande île de l’océan Indien
possède une biodiversité exceptionnellement riche, assortie d’un contexte social
caractérisé par la grande pauvreté des populations. La relation entre ressources
naturelles et développement apparaît dès lors incontournable lorsqu’on cherche à
comprendre pourquoi un pays qui recèle une telle variété de ressources demeure,
par ailleurs, aussi pauvre sur le plan économique. La Revue des industries extractives
(EIR) s’est justement intéressée à la dialectique existant entre les objectifs de crois-
sance économique, de protection de l’environnement et de lutte contre la pauvreté
fixés par le Groupe de la Banque mondiale (EIR, 2003a,b). Notre démarche propose
d’interroger ces trois dimensions au vu des recommandations du rapport EIR à
partir de l’analyse d’un projet minier dans la région de Tolagnaro au sud-est de
Madagascar. Nous posons l’hypothèse que le « modèle de développement » sur
lequel s’appuient la conception et la mise en œuvre du projet à l’étude repose sur
l’équation voulant que la croissance des exportations contribue à faire reculer la
pauvreté tout en protégeant la biodiversité. Dans ce contexte, ce chapitre permettra
de mieux comprendre comment les objectifs du Groupe de la Banque mondiale
s’appuient sur une redéfinition du rôle de l’État, dont les capacités d’action sont
constamment mises à l’épreuve, notamment dans l’arbitrage des enjeux que soulève
le développement minier et de ses conséquences sur l’environnement.
Le cas malgache correspond a priori à l’esprit de l’EIR, avec une législation
visant un équilibre entre les impératifs du développement économique et ceux de
protection de l’environnement, dans une perspective de développement durable.
Compte tenu de l’envergure des investissements directs étrangers dans le secteur
minier, et du rôle majeur de levier que ce dernier est amené à tenir dans la crois-
sance du pays, le gouvernement malgache s’est donné comme objectif prioritaire
de doter ce secteur d’un cadre légal incitatif pour les investisseurs, assorti d’un
encadrement juridique visant à rendre les projets du secteur minier conformes à
la protection de l’environnement. Notre objectif est de mieux comprendre la dyna-
mique qui prévaut dans le secteur minier et l’état d’avancement de l’application
de la politique environnementale à Madagascar. Pour ce faire, il convient, dans un
premier temps, de dresser un portrait des cadres légaux existants (minier et envi-
ronnemental) pour ensuite analyser les mécanismes d’articulation et le rôle des
différents acteurs socioéconomiques qui interviennent dans la promotion de ces
deux secteurs.

1. LE SECTEUR MINIER À MADAGASCAR :


GRANDES ORIENTATIONS ET RÔLE DE LA BANQUE MONDIALE
DANS LA RÉFORME DU SECTEUR
Le secteur minier est au centre des enjeux politiques, juridiques et socioécono-
miques malgaches, particulièrement depuis la fin des années 1980. Le nombre
croissant de projets d’envergure déposés auprès du ministère de l’Énergie et des
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 145

Mines (MEM) pour recevoir un permis d’exploration/exploitation minière consti-


tue un indicateur de développement du secteur, qui connaît une accélération
soutenue depuis 2001. À titre d’exemple, le nombre de permis émis est passé de
26 en 2001 à 36 en 2003 (projets d’envergure) et celui des permis miniers pour
petits exploitants, de 429 à 640 pour la même période (Yager, 2003).
Parmi les importants investissements consentis au cours des dernières
années, on compte les premières installations du projet QIT Madagascar Minerals
S.A. (QMM) et du projet Sherritt International, respectivement dans le sud et
l’est de Madagascar, qui marquent un tournant majeur pour l’industrie extractive
malgache avec un IDE cumulé estimé à près de 2 milliards de dollars américains
à l’horizon de 2010 (Ralevazaha, 2005). D’autres projets d’envergure ont égale-
ment été annoncés tels que celui de la société Ticor Ltd (ilménite), celui du Pan
African Mining Madagascar SARL (uranium et diamants), celui de l’Omnium
Minier International (lignite), celui de la Platinum Works Inc. (saphirs) ou encore
celui de Majescor, en partenariat avec le leader mondial De Beers (diamants).
Le MEM est également en charge de l’attribution des permis d’exploitation des
hydrocarbures (activités pétrolières) et compte actuellement parmi ses projets
d’envergure ceux présentés par des multinationales telles qu’Exxon Mobil, Norsk
Hydro et Statoil, Sterling Energy et Vuna Energy, qui mènent des activités d’explo-
ration et de recherche pétrolières dans plusieurs régions terrestres et maritimes
de Madagascar.
Malgré l’intérêt croissant des investisseurs étrangers pour le secteur extrac-
tif malgache, la contribution de ce dernier à la production nationale reste mar-
ginale avec moins de 5 % en 20044. Cependant, les données relatives au secteur
minier concernant surtout la période de 1996 à 2000 montrent que les exporta-
tions minières ont été multipliées par deux au cours de cette période, passant de
16 millions de dollars américains à 37 millions de dollars américains. Ces chiffres
restent très en deçà des estimations découlant des exportations illégales, qui
atteindraient entre 200 et 500 millions de dollars américains annuellement, soit
environ 10 % du PIB (Banque mondiale, 2003a, p. 3). De 1990 à 2001, les inves-
tissements miniers se sont élevés en moyenne à 3,6 millions de dollars américains
par an (République de Madagascar, 2003).
Dans ce contexte de forte croissance, le projet de QMM d’extraction
d’ilménite dans la région de Tolagnaro représente l’un des plus importants du
secteur depuis plusieurs années. Il s’inscrit dans le processus de libéralisation de
l’économie malgache qui a débuté en 1983 par la mise en œuvre du premier
programme d’ajustement structurel puis de ceux qui ont suivi. De la stabilisation
macroéconomique qui prévalait au début des années 1980, l’ajustement structurel
a graduellement intégré une dimension de « lutte contre la pauvreté » pour

4. Information recueillie auprès du Chief of Staff, M. Henry Roger, lors de la journée fran­
cophone des affaires à Montréal en février 2005.
146 Ressources minières en Afrique

répondre à la critique, notamment celle du Fonds des Nations Unies pour l’en-
fance (UNICEF), qui dénonçait les coûts sociaux de l’ajustement5. C’est en 1996,
au moment où la Banque mondiale faisait de la « lutte contre la pauvreté » la
mission principale de l’ajustement structurel lui-même (Fishlow, 1996 ; Banque
mondiale, 1996a), que le gouvernement malgache publiait un document cadre
de politique économique (DCPE), reconduit en juin 1999, annonçant que la
réduction de la pauvreté se ferait avant tout par la mise en place d’un environ-
nement socioéconomique favorable à la croissance, c’est-à-dire par la libérali-
sation de l’économie. Cette stratégie a été reformulée, au début de la décennie,
par un plan d’action intitulé « Document de stratégie de réduction de la pauvreté »
(DSRP), dont les trois principaux axes sont les suivants :
ƒƒ améliorer les performances économiques en faisant participer les pauvres ;
ƒƒ développer les services essentiels de base (éducation, santé, eau potable)
et élargir les filets de sécurité sociale au profit des couches les plus vulné-
rables de la population ;
ƒƒ mettre en place un cadre institutionnel favorable à la croissance écono­mique
et à la réduction de la pauvreté, et renforcer les capacités, afin d’améliorer
la gouvernance et les relations entre l’administration et les administrés
(Institut national de la statistique [INSTAT], 2000, p. 22-23).
Cette démarche s’insère dans le programme global de libéralisation et
répond à la définition du « développement » proposée par la Banque mondiale,
laquelle repose largement sur « l’opportunité à saisir » que représente pour les
pauvres la croissance économique, particulièrement en Afrique subsaharienne
(Banque mondiale, 1994 ; Killick et al., 2001). Cette lecture du développement
n’est pas remise en cause par le rapport final sur les industries extractives. À
Madagascar, cette « opportunité » prend la forme des objectifs suivants pour les
prochaines années :
Une croissance moyenne [annuelle] de 9,3 % pour 2000-2010 (contre 7 % en
moyenne pour 2000-2015) est nécessaire pour réduire la pauvreté au tiers de
la population en fin de période et ces perspectives sont envisageables si les
opportunités offertes par le marché international et le rythme de mise en œuvre
des réformes sont respectés. Le Gouvernement prendra ces niveaux de crois-
sance comme base de programmation des actions contre la pauvreté et fera en
sorte que les conditions pour leurs réalisations soient remplies. Ces conditions
concernent notamment les décisions sur les investissements sur les grandes mines,
le secteur touristique et les télécommunications, le maintien du dynamisme
du secteur manufacturier exportateur, la relance du secteur agricole pour lui
permettre d’assurer une croissance moyenne de la valeur ajoutée du secteur
supérieure à 4 %, le retour à la compétitivité du secteur manufacturier hors
zones franches et l’avancement du programme de privatisation des entreprises
publiques (INSTAT, 2000, p. 23, nous soulignons).

5. Voir notamment Sarrasin (1999) ; Cornia et Helleiner (1994) ; Jolly (1991).


Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 147

C’est dans ce contexte que s’insèrent le développement du secteur minier


à Madagascar et l’évolution de sa législation, c’est-à-dire dans une relation liant
l’économie, l’environnement et la lutte contre la pauvreté, et dont le vecteur est
la population rurale. Ce « modèle de développement », sur lequel s’appuie la
problématisation (Callon, 1986) du projet minier à Tolagnaro, repose donc sur
l’équation voulant que la croissance des exportations contribue à faire reculer
la pauvreté tout en protégeant la biodiversité.
Nous avons montré que le secteur minier joue un rôle relativement marginal
dans l’économie malgache comparativement à d’autres pays d’Afrique subsaha-
rienne, mais la croissance qu’il connaît et les impacts environnemental et social
qu’il implique méritent qu’on s’y intéresse, surtout lorsque le projet proposé
vise une région particulièrement fragile, comme c’est le cas pour le sud-est de
Madagascar. Sur le plan écosystémique, la région de l’Anosy6, où le projet est mis
en œuvre, est composée de deux zones écologiques distinctes, humide le long de
la côte et aride à l’intérieur des terres, et regroupe sur de courtes distances une très
grande diversité de paysages, d’écosystèmes et d’espèces animales et végétales
(QMM, 2001a). Ces caractéristiques font de l’Anosy une des régions les plus
diversifiées de Madagascar, et un des principaux problèmes de cette région est
la dégradation de ses ressources, notamment forestières.
Comme pour la plupart des autres pays d’Afrique subsaharienne, la principale
cause de dégradation des ressources naturelles s’explique par les hypothèses de
« sous-développement » énoncées notamment par la Banque mondiale. Ainsi, c’est
le cercle vicieux existant entre la pauvreté, la faible productivité agricole et la dégrada­
tion des ressources qui est généralement dénoncé (World Resources Institute, 1985 ;
Cleaver et Schreiber, 1998). Le débat sous-jacent à ce « diagnostic de Washington »
dépasse le cadre de ce chapitre. Nous retiendrons cependant que la perception du
gouvernement et des bailleurs de fonds quant aux vestiges de la forêt littorale
s’appuie largement sur l’hypothèse faisant de la population rurale le vecteur prin-
cipal de dégradation (Sarrasin, 2005). Selon cette lecture, les ressources forestières
subissent une forte pression de la part des villageois, qui dépendent effectivement
de la forêt pour le bois de chauffage, le charbon de bois et le bois de construction.
L’évaluation de QMM montre par exemple qu’il reste, dans le secteur minier de
Mandena (la première phase du projet), 3,6 km2 (360 ha) de fragments de forêt
littorale dégradée, dont l’essentiel devrait avoir disparu d’ici 2020 si l’utilisation
de ces ressources se maintient au niveau actuel (QMM, 2001a, p. 5.71).
Malgré la récente « sensibilité environnementale » des économistes de la
Banque mondiale (1996b ; 1996c ; 1997 ; 2002a ; 2002b), les problèmes et les solu-
tions associés au secteur demeurent de nature essentiellement économique. Pour

6. Anosy ou nosy, en malgache, signifie « île » et, avant de devenir le nom de cette région du
sud-est de Madagascar, Anosy désignait l’île de la rivière Fanjahira, connue maintenant sous
le nom d’Efaho. La région est divisée en deux sous-préfectures, Tolagnaro et Amboasary, qui
regroupent 38 communes, dont Tolagnaro, la seule ayant le statut de commune urbaine.
148 Ressources minières en Afrique

l’institution, un des principaux obstacles qui empêchent le secteur minier d’at-


teindre une part plus importante de la production nationale demeure la mécon-
naissance du potentiel réel du sous-sol malgache (Banque mondiale, 2003a,
p. 9). Le gouvernement malgache, qui partage cette lecture, a inclus dans
la Déclaration de la politique minière du 14 mars 2003 un volet spécifique
consacré au renforcement de l’infrastructure géologique et à la mise à jour de
l’information géophysique7. Sachant que l’essentiel du secteur est occupé par
de petits exploitants artisanaux, on peut comprendre que le principal problème,
du point de vue des analystes de la Banque, est la mise à profit du potentiel des
grands projets miniers pouvant faire l’objet d’investissements directs étrangers
et dont la production est vouée à l’exportation, c’est-à-dire à l’apport de devises.
C’est dans cet esprit que le cadre légal du secteur minier a évolué au cours
des vingt dernières années à Madagascar, c’est-à-dire dans le but de créer des
conditions favorables aux grands investisseurs. C’est précisément sur les consé-
quences de telles politiques que s’est penchée la Revue des industries extrac-
tives, en s’interrogeant sur les effets de la libéralisation du cadre légal sur la
pauvreté et sur l’environnement.

2. LA GENÈSE DU CADRE LÉGAL DU SECTEUR MINIER ACTUEL


ET LA PLACE DE LA REVUE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES
La Revue des industries extractives (EIR) avait pour but de procéder à une
évaluation indépendante et complète des activités du Groupe de la Banque
mondiale en matière d’extraction de produits primaires (mines, pétrole, etc.).
Elle est intervenue après la refonte du code minier malgache officiellement
promulgué en 1999. Au-delà des difficultés à faire converger le développement
du secteur avec la protection de l’environnement, Madagascar représentait pour
l’EIR un cas intéressant de développement du secteur, notamment par le
nombre de lois, de règlements, de ministères et d’agences impliqués (voir les
tableaux 4.1 et 4.2).
Le cadre légal actuel du secteur minier est le résultat d’une vague de
réformes effectuées principalement à la fin des années 1990, dont le Document
cadre de politique minière adopté en 1998 constitue un point d’ancrage impor-
tant (République de Madagascar, 2003). Il semble que l’arrivée, presque à la
même période, de QIT Fer et Titane (filiale de Rio Tinto) à Madagascar en
1987 et la signature d’une convention d’établissement de l’entreprise en 1998
aient contribué à faire évoluer la législation existante en faveur des grands
investissements miniers. Le directeur exécutif de QMM, Serge Lachapelle,
affirme d’ailleurs que :

7. Voir la Déclaration de la politique minière (République de Madagascar, 2003).


Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 149

[…] en 1987, les lois n’étaient pas favorables. Nous avons travaillé durement
pour établir avec l’État une convention d’établissement, signée en 1998. Cette
convention, qui est une loi de Madagascar, ajuste la fiscalité à ce style de projet
minier et cadre le projet. D’ailleurs, la nouvelle loi sur les grands investis­
sements miniers s’inspire beaucoup de notre convention d’établissement
(Ralevazaha, 2005).

L’influence de QMM s’illustre particulièrement dans les articles 154 et


suivants du nouveau code minier qui concernent le régime de droit de stabilité
des régimes juridique, fiscal, des changes et douanier dont bénéficie l’investisseur
(Tecsult, 2003a, p. 3-16). Ces conditions ont été favorisées par le Projet de réforme
du secteur minier (PRSM [1998-2002]) et le Projet de gouvernance des ressources
minérales (PGRM [2003-2008]), véritables piliers de la vague de réformes du
cadre légal du secteur minier à Madagascar. Le PRSM, dont l’exercice quinquen-
nal s’est terminé le 31 décembre 2002, a atteint l’essentiel de ses objectifs : le
recentrage du rôle de l’État, la réalisation des réformes légales et réglementaires
et la mise en place du Bureau du cadastre minier de Madagascar (BCMM) à
partir de mai 2000. Les redevances minières sont de l’ordre de 2 millions
de dollars américains par an, avec un faible taux de recouvrement de 10 % qui
impose, déjà, une limite importante au potentiel économique du secteur.
Le PGRM a été signé par le gouvernement malgache en juin 2003 et béné-
ficie d’un crédit de 32 millions de dollars américains (Banque mondiale, 2003a).
Dans ce projet, la Banque mondiale se positionne comme l’unique interlocuteur
capable de mettre de l’avant une approche intégrée pour favoriser les réformes
entreprises par le gouvernement. La Banque est aussi un catalyseur de fonds
important pour d’éventuels financements supplémentaires en provenance
d’autres bailleurs, car elle fournit un environnement qui encourage l’investis-
sement du secteur privé8. En réponse aux recommandations de la Revue des
industries extractives, la Banque mondiale réaffirme d’ailleurs son leadership
en matière de financement, mais aussi de conceptualisation des défis et des solu-
tions associés au secteur minier (Banque mondiale, 2004). À Madagascar, cette
position est clairement affirmée dans le PGRM, dont l’objectif global est d’aider

8. Comme elle le dit elle-même : « La Banque a mené le dialogue sur les politiques liées à l’ex-
ploitation minière à Madagascar. Il s’agit du seul donateur capable de fournir une approche
intégrée d’assistance technique au gouvernement en matière de développement institu-
tionnel et de réformes réglementaires dans le but de stimuler l’investissement privé dans le
secteur minier, et ce, de manière éthique et écologique » (Banque mondiale, 2003a, p. 19).
En plus d’être un catalyseur financier et « idéologique » dans un pays comme Madagascar,
le Groupe de la Banque mondiale demeure un des principaux bailleurs de fonds. Le finan-
cement associé à la Banque mondiale se réalise principalement par l’entremise de l’Agence
internationale de développement (IDA). Pour fins de comparaison, la dette associée au FMI
ne représentait en 2005 que 6,49 % du montant total des prêts et du financement bilatéral.
L’IDA fournissait plus de 65 % du financement, les autres sources étant bilatérales (prin-
cipalement la France, mais aussi les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et l’Italie) (Banque
mondiale, 2005).
150 Ressources minières en Afrique

le gouvernement malgache dans la mise en œuvre d’une stratégie permettant


d’accélérer le développement de son secteur minier et de contribuer à la réduc-
tion de la pauvreté par le renforcement de la gouvernance et de la transparence
dans la gestion des ressources minérales, en particulier pour les petites exploita-
tions minières et mines artisanales9. Pour y arriver, le PGRM mise sur l’appui
aux opérateurs artisanaux, la promotion des investissements miniers privés et la
gestion décentralisée des ressources minières. Parmi les mesures à court terme,
il prévoit l’amélioration et l’application du cadre légal et réglementaire, la cer-
tification et l’amélioration de la commercialisation des gemmes, notamment par
la création de l’Institut de gemmologie de Madagascar (IGM), du Comptoir de
pierres et d’un guichet unique à l’exportation.
Toutes ces orientations s’inscrivent en amont des critères de performance
définis par la Banque mondiale, qui visent entre autres :
ƒƒ l’augmentation de la production déclarée par les opérateurs miniers ;
ƒƒ la mise en place de plans de développement incluant la gestion des res-
sources minières ;
ƒƒ l’augmentation de la collecte des redevances minières ;
ƒƒ l’augmentation des investissements annuels dans le secteur minier ; et
ƒƒ l’augmentation de la valeur des exportations annuelles d’or et de pierres
précieuses (Banque mondiale, 2003a, p. 2).
La vague de réformes repose également sur l’adoption par Madagascar
d’un système d’économie de marché, c’est-à-dire la mise en place d’un cadre
légal attractif et favorable au développement du secteur privé national à travers
la recherche de l’investissement étranger et le désengagement de l’État du
secteur productif, comme en témoigne cet extrait :
L’expérience malgache montre que même si le gouvernement est déterminé à
réformer les politiques et à améliorer le cadre légal et réglementaire, l’appli-
cation des nouveaux règlements peut être entravée par des questions de gou-
vernance et des lacunes institutionnelles. De plus, la tendance générale au
retrait de la participation directe de l’État dans les activités économiques et
dans les dimensions opérationnelles de l’implantation de politiques publiques
nécessite une réflexion systématique quant à la manière d’améliorer l’interface
entre les secteurs public et privé afin de revitaliser le secteur minier, et ce, de
façon que les communautés affectées bénéficient directement de la croissance
des activités (Banque mondiale, 2003a, p. 17).

C’est dans ce contexte que s’insère l’évolution de la législation minière


à Madagascar.

9. Voir à ce sujet le Bureau de cadastre minier de Madagascar, <http://www.mines.gov.mg/index.


php?option=com_content&task=view&id=52&Itemid=146>, page consultée le 14 juin 2010
et Banque mondiale (2003a).
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 151

3. L’ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION MINIÈRE À MADAGASCAR


La Revue des industries extractives a entre autres, d’une part, recommandé au
Groupe de la Banque mondiale de ne pas soutenir les réformes qui excluent par
exemple la participation de la population ou qui omettent l’évaluation environ-
nementale dans les processus d’investissement et, d’autre part, de ne pas créer
de nouveaux modèles de contrats qui nuisent aux bénéfices sociaux, aux droits
des communautés locales, à la protection environnementale ou encore au secteur
privé national, qui ne devrait pas être désavantagé par rapport aux intérêts des
firmes transnationales (EIR, 2003b).
La réglementation qui régit actuellement le secteur minier à Mada-
gascar répond globalement à ces préoccupations et s’appuie principalement
sur une série de lois et de règlements adoptés entre 1999 et 2001 10. Ces
réformes ont été menées principalement dans le but de proposer un cadre
légal qui soit favorable aux grands investissements dans le secteur minier
(en particulier, en ce qui a trait à la garantie de stabilité des régimes juri-
dique, fiscal, des changes et douanier), tout en les rendant compatibles avec
les objectifs de protection de l’environnement (Tecsult, 2003a ; 2003b ;
Banque mondiale, 2003a).
Le code minier de 1999 visait en fait à instaurer la modernisation et la
simplification du régime minier, en tenant compte des dispositions constitu-
tionnelles par le transfert de certaines compétences aux provinces autonomes,
et en conformité avec l’esprit de la Charte de l’environnement applicable à
Madagascar11. La Charte de l’environnement est la loi (no 90-033) fixant le
cadre général d’exécution de la politique de l’environnement, dont les moda-
lités sont définies par divers textes réglementaires (voir le tableau 4.2 pour le
secteur minier), incluant le code minier. L’un des principaux défis que ce code
d’investissement cherchait à relever était précisément de mettre l’accent sur
la protection de l’environnement, en intégrant les mesures déjà mises en place
par les départements impliqués et en incorporant, dans la nouvelle liste des
infractions minières, toute entrave à la protection des droits des titulaires et
à celle de l’environnement, notamment des aires protégées. Le code de 1999
définissait également les nouveaux rôles de l’administration, lesquels devaient
se limiter à la gestion d’ensemble, au suivi, au contrôle de l’exécution des

10. Loi n° 99-022 du 19 août 1999 portant sur le nouveau code minier ; Décret n° 2000-170 et
n° 2000-308 du 15 mars 2000 fixant les conditions d’application de la Loi n° 99-022 du
19 août 1999 portant sur le code minier et sur la création du Bureau du cadastre minier
de Madagascar ; Arrêté n° 7802/2000 du 24 juillet 2000 portant sur les différents modèles de
permis et autorisation exclusive de réservation de périmètre ; Arrêté interministériel
n° 12032/2000 sur la réglementation du secteur minier en matière de protection de l’environ-
nement ; Loi n° 2001-031 du 8 octobre 2002 établissant le Régime spécial pour les grands
investissements dans le secteur minier malagasy (République de Madagascar, 1999a).
11. Voir à ce sujet la Loi n° 99-022 portant sur le code minier (République de Madagascar, 1999b).
152 Ressources minières en Afrique

obligations des détenteurs de permis, et à l’application des dispositions légales


et réglementaires en matières minière et environnementale. Il est certain que
la multiplication des acteurs institutionnels impliqués dans la gestion
environ­nementale du secteur minier à Madagascar ne va pas sans causer une
certaine confusion des rôles, comme nous pouvons le constater à la lecture
du tableau 4.1. Cette confusion crée deux problèmes principaux. D’une part,
l’Office national pour l’environnement (ONE) et son ministère de tutelle sont
en concurrence perpétuelle depuis la création de ce dernier en 1994, chacun
cherchant à faire valoir son expertise pour accroître son budget d’opération
(Sarrasin, 2002). Par exemple, le contrôle et le suivi conjoint avec l’ONE du
plan de gestion environnementale d’un projet (PGEP) minier – en association
avec les collectivités territoriales décentralisées – font intervenir des jeux d’in-
fluence et des tractations politiques qui posent de véritables problèmes de
mise en œuvre des composantes environnementales du code minier et, à terme,
fragilisent l’intégrité du processus d’évaluation des projets. D’autre part,
puisque l’octroi des permis et l’application du PGEP relèvent du ministère de
l’Énergie et des Mines, la mise en œuvre de la « préoccupation environne-
mentale » n’est pas nécessairement prioritaire, ce qui augmente la confusion
dans les décisions appliquées sur le terrain.
L’EIR consacre toute une section de son rapport final aux recomman-
dations visant le renforcement des composantes environnementales et sociales
des interventions du Groupe de la Banque mondiale dans les industries
extractives (EIR, 2003a, p. 54-59). Parmi ces recommandations, on suggère
que les pays possédant un secteur extractif important ou en forte croissance
– comme c’est le cas de Madagascar – appliquent une procédure d’évaluation
environnementale et sociale en amont des investissements dans le secteur
extractif. Cependant, compte tenu des coûts importants de l’évaluation des
impacts, ces conditions s’appliquent essentiellement aux grands investissements
miniers internationaux.
Le cas de Madagascar s’inscrit directement dans l’esprit des recomman-
dations de l’EIR quant au processus d’évaluation des grands projets miniers,
ce qui ne signifie pas que les blocages, les incohérences ou les problèmes de
mise en œuvre soient nécessairement résolus. Les premières difficultés débutent
souvent par une absence de cadre législatif clair et cohérent ou, comme c’est
le cas à Madagascar, par une multiplication des lois, règlements et arrêtés de
toutes sortes impliquant un grand nombre de ministères et d’agences aux mis-
sions souvent concurrentes. Dans ce contexte, et avant d’aborder plus précisé-
ment le cas de QMM à Tolagnaro, il importe d’explorer davantage les liens
qui unissent et opposent les législations minières et environnementales
à Madagascar.
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 153

Tableau 4.1. RÔLE DES ORGANISMES IMPLIQUÉS DANS LA GESTION


ENVIRONNEMENTALE DU SECTEUR MINIER À MADAGASCAR1213
Nom Rôles

Ministère – Octroie ou refuse l’Autorisation environnementale pour les opérations soumises à l’étude d’impact
de l’Environ­ environnemental (EIE).
nement – Prononce des sanctions administratives à l’encontre des contrevenants.
– Signe les conventions spécifiques établies pour les projets miniers éligibles.
– Octroie le quitus environnemental.
– Préside les comités techniques d’évaluation (CTE).
– Assure conjointement avec l’ONE et la Cellule environnementale, et en association avec
les Collectivités territoriales décentralisées, le contrôle et le suivi des plans de gestion environ­
nementale du projet (PGEP) pour les opérations minières soumises à l’EIE.
Office – Assure la cohérence intersectorielle et le contenu technique en matière d’analyses, de normes et
national d’efficacité des mesures d’atténuation, et de réhabilitation dans l’élaboration et l’évaluation des
pour l’envi­ EIE et des PGEP.
ron­nement – Appuie techniquement l’élaboration des règles concernant le plan d’engagement environ­nemental (PEE).
– Détermine l’éligibilité du demandeur de convention spécifique relative à l’évaluation d’une EIE.
– Participe aux CTE.
Ministère de – Établit les zones réservées dans les conditions précisées dans le code minier, autorise les travaux à
l’Énergie et l’intérieur des zones de protection prévues et détermine les zones de protection supplémentaires.
des Mines – Prononce les sanctions administratives à l’encontre des contrevenants à ces interdictions.
– Prend la décision d’approbation ou de refus des PEE sur avis de la Cellule environnementale ou du
comité ad hoc d’évaluation, selon le cas.
Cellules – Jouent le rôle d’interface entre les opérateurs miniers et l’Administration environnementale.
environne­ – Répondent à toutes questions des opérateurs concernant l’interprétation de la réglementation applica­
mentales ble au secteur minier en matière de protection de l’environnement, l’évaluation de leurs EIE ou PEE, le
contrôle de leurs PGEP ou PEE, et les procédures relatives au quitus environnemental.
– Participent à l’élaboration des directives techniques sur la description des projets miniers et les mesures
d’atténuation et de réhabilitation appropriées en fonction du type d’opération minière.
– Sont membres d’office du CTE.
– Présentent les projets miniers aux CTE et assurent le contrôle et le suivi des PGEP.
Directions – Décident de l’octroi ou du refus de l’Autorisation environnementale pour les opérations soumises à un
provinciales PEE aux titulaires de Permis PRE12 sur avis technique de la Cellule environnementale.
du ministère – Envoient aux contrevenants un avertissement selon les modalités du Décret de MECIE13.
de l’Énergie – S’assurent que l’Inspection minière intègre et contrôle les PGEP et PEE des opérations minières dans
et des Mines ses travaux d’inspection et en dresse des rapports qu’elle transmet au CTE.
Bureau du – Localise sur la carte cadastrale les zones de restriction en indiquant leur situation légale et géogra­
cadastre phique selon les données fournies conformément aux dispositions du présent arrêté.
minier – Transmet à l’ONE et au ministère de l’Environnement la liste des zones de restriction créées en
vertu du code minier ainsi que leurs données légales et géographiques.
– Assume le rôle de guichet unique pour le dépôt des études et plans environnementaux élaborés sur
les projets miniers, et achemine les dossiers aux autorités compétentes.
– Délivre les autorisations environnementales aux titulaires de Permis miniers.
Source : République de Madagascar et al. (2000).

12. Permis PRE: permis de recherche et d’exploitation octroyé aux petits opérateurs par le code
minier (République de Madagascar, 2000, p. 2).
13. Directive de MECIE (mise en compatibilité des investissements avec l’environnement), décret
no 99-954 du 15 décembre 1999 relatif à la mise en compatibilité des investissements avec
l’environnement (République de Madagascar, 2000, p. 2).
154 Ressources minières en Afrique

3.1. La Loi sur les grands investissements miniers


et l’Arrêté interministériel sur la réglementation du secteur minier
en matière de protection de l’environnement
À l’instar de la confusion créée par la multiplication des organismes et des rôles
associés à la mise en œuvre de la « composante environnementale » de la légis-
lation minière, la Loi promulguée en 2001 sur les grands investissements miniers
(LGIM) se juxtapose au code minier de 1999 en établissant un régime spécial
en matière de taux de change, ainsi qu’en matière fiscale et douanière, appli-
cable aux grands investissements dans le secteur minier. Pour bénéficier de
ce régime spécial, les promoteurs doivent réaliser des investissements d’un
montant supérieur à 111 millions de dollars américains et respecter le ratio
maximum des fonds empruntés aux fonds propres limité à 25 %. Cette loi ren-
force et étend également la garantie de stabilité de l’application du régime
spécial accordé aux bénéficiaires pendant la durée de l’éligibilité. Les avantages
garantis concernent entre autres la libre circulation des fonds (en devises),
l’exemption de taxes fiscales diverses durant les cinq premières années et l’exemp-
tion de taxes douanières sur certaines opérations d’importation et d’exportation.
L’objectif principal de cette loi était d’attirer en priorité les investissements
d’envergure à Madagascar.
L’Arrêté interministériel sur la réglementation du secteur minier en
matière de protection de l’environnement est venu préciser et renforcer les dis-
positions légales énoncées dans la loi sur le nouveau code minier et son décret
d’application. L’article 2 spécifie notamment que :
les titulaires de permis miniers ou d’autorisation minière ne peuvent effectuer
des opérations de recherche ou d’exploitation minière en vertu de leurs permis
ou autorisation, s’ils ne détiennent pas au préalable une autorisation environ-
nementale relative à ces opérations octroyée par l’Autorité compétente confor-
mément aux dispositions du présent arrêté, sauf indication contraire
ci-dessous.

Comme le présente le tableau 4.2, l’arrêté fixe de manière explicite le rôle


de chaque entité dans le domaine de la réglementation du secteur minier spéci-
fique à la protection de l’environnement et vient préciser les rôles définis dans
le cadre réglementaire propre à chaque secteur (rôles et attributions du ministère
de l’Énergie et des Mines au sein de la loi no 99-022 portant sur le code minier
ou rôles et attributions de l’ONE dans le cadre de la Charte de l’environnement,
par exemple).
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 155

Tableau 4.2. LES COMPOSANTES ENVIRONNEMENTALES


DU CADRE LÉGAL MINIER À MADAGASCAR

Loi, Décrets, Arrêtés, Ordonnances Composante environnementale


(textes de loi)

Code minier N° 99-022 – Chapitre II – Protection de l’environnement (L’obligation pour toute


personne physique ou morale de prendre les mesures de protection
nécessaires pour minimiser et réparer tout dommage pouvant
résulter des travaux conduits dans le cadre de son activité et de
se conformer à un PEE).
– Chapitre III – Les zones d’interdiction (Fixe les zones d’interdiction
pour toute activité minière).
– Chapitre IV – Les sanctions (Fixe les sanctions aux contrevenants
aux articles des chap. II et III sur la protection de l’environnement).
– Régime des permis miniers (Fixe les obligations environnementales
selon le type de permis minier demandé).
Décret du secteur minier N° 98-394 en – Met l’accent sur l’objectif de protection de l’environnement, et
application de la Loi sur le code minier intègre les mesures y afférentes arrêtées par les départements
spécialisés en la matière.
– Précise la notion d’infraction minière, et établit la liste des crimes
et des délits, ainsi que leurs sanctions respectives.
– La protection des droits des titulaires et celle de l’environnement,
notamment les aires protégées, constituent le centre d’intérêt de
la nouvelle liste des infractions minières.
Loi sur les grands investissements – Obligation du titulaire du permis minier de respecter la Loi […] sous
miniers N° 020/2001 réserve des dispositions de garantie de stabilité ou de dérogation
précisées dans la présente loi, et en particulier celles du code minier,
de la Charte de l’environnement Malagasy ainsi que de leurs textes
d’application respectifs (art. 111).
Décret fixant les conditions – Obligation pour le titulaire du permis minier de contribuer aux frais
d’application de la Loi sur les grands de l’étude d’impact environnemental pour tout projet minier allant
investissements miniers N° 2003-784 jusqu’à 333 millions USD (600 milliards MGA).
– Le montant maximum de la contribution est fixé à 378 879 USD
(682 millions MGA).
Décret de mise en compatibilité des – Obligation pour les projets d’investissements miniers de faire l’objet
investissements avec l’environnement d’une étude d’impact environnemental.
(MECIE) N° 99-954 et N2004-167 – Obligation de tenir une audience publique lors de l’évaluation
environnementale (implication des communautés locales).
– L’énumération des conditions et le processus pour obtenir le permis
environnemental dans le cadre d’un projet minier.
– L’établissement des règles de conduite et des sanctions pour
les contrevenants.
Arrêté interministériel sur – Fixe les compétences (les rôles) des différentes instances ou
la réglementation du secteur des organes gouvernementaux (ministère de l’Environnement et
minier en matière de protection de ministère de l’Énergie et des Mines) relativement à la délivrance
l’environnement N° 12032/2000 du permis environnemental, au contrôle et au suivi des PEE, EIE
et PGEP avec l’aide des comités environnementaux, des commu­
nautés territoriales décentralisées et de l’ONE.
– Obligation pour le détenteur du permis minier de se soumettre à
un EIE avant le démarrage du projet et avant la fin du projet.
156 Ressources minières en Afrique

Dans l’ensemble, on note que les réglementations régissant le secteur


minier à Madagascar et le rôle des organismes qui y sont associés visent deux
principaux objectifs difficilement conciliables : d’une part, atteindre l’équilibre
dans la croissance du secteur minier (industriel) afin d’accroître sa contribution
à l’économie nationale (attirer les investissements d’envergure en offrant un
cadre incitatif comme c’est le cas pour le projet QMM), et d’autre part s’assurer
que le développement de ce secteur reste en conformité avec la Charte de l’en-
vironnement14. Si ces objectifs sont louables, la démarche entreprise par QMM
pour l’obtention de son permis environnemental (figure 4.1) révèle que la mul-
titude d’acteurs impliqués et la complexité des relations – et éventuellement les
conflits de juridiction et les difficultés de mise en œuvre – qui en résultent
représentent autant d’obstacles à surmonter pour atteindre ces objectifs.
Au-delà de l’existence d’un processus légal et formel d’évaluation des
impacts environnementaux et sociaux à Madagascar, la figure 4.1 révèle les pro-
blèmes potentiels de gouvernance dans un contexte où les conditions politiques
demeurent fragiles et où l’économie nationale dépend largement du finance-
ment extérieur. Les consultations effectuées à l’occasion de la Revue des industries
extractives ont montré que la protection de l’environnement est difficilement
conciliable avec le développement économique, particulièrement dans le secteur
minier. L’ajustement structurel auquel l’économie malgache est soumise
depuis 1983 a commandé une série de réformes qui sont loin de converger vers une
meilleure cohérence du secteur, en phase avec la protection de l’environ­nement
et la lutte contre la pauvreté :
Les représentants de la société civile sont d’opinion qu’au lieu de renforcer la
réglementation gouvernementale, l’empressement à implanter des réformes
stratégiques pour attirer des investissements a entraîné une diminution de la
capacité et de la réglementation de l’État à un moment où ces dernières sont
éminemment nécessaires pour protéger l’environnement, les Autochtones et
les communautés locales. Les compagnies transnationales ont été les prin­
cipales bénéficiaires et des failles existent toujours dans les cadres légaux et
réglementaires (EIR, 2003b, p. 6).

14 Notamment par des mécanismes réglementaires spécifique tels que le décret MECIE,
l’Arrêté interministériel sur la réglementation du secteur minier en matière de protection
de l’environnement ou encore le Code minier, qui inclut des articles spécifiques touchant
l’environnement.
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 157

Figure 4.1. LES ÉTAPES POUR L’OBTENTION D’UN PERMIS ENVIRONNEMENTAL.


LE CAS DE QMM

Étude préalable à l’évaluation


1986 – 1998: 1998: Ratification du dossier EISE
Recherche géologique et promulgation ONE: rôle d’interlocuteur du
et 1re phase de la Convention promoteur pour la préparation
des études sociales d’établissement comme et la conduite de l’évaluation
et environnementales loi à Madagascar environnementale
– production des termes de références
+ la méthodologie + arrêté portant
15/02/99 sur la participation du public à
Dépôt par QMM des l’évaluation environnementale
termes de références
(TDR) de l’EISE à l’ONE

14/05/99 – 24/09/99 – 28/06/01 Évaluation du dossier


• Approbation des TDR de l’EIE + émission d’EISE par le Comité
du guide méthodologique pour l’élaboration de technique d’évaluation BCMM
l’EISE par l’ONE ad hoc (CTE)
• Établissement du protocole d’accord entre ONE CTE: rôle d’évaluateur
ONE
et QMM technique du dossier
• Sortie de l’arrêté fixant les modalités d’EISE – comité composé
et les procédures de participation du public de représentants, MINENVEF
à l’évaluation environnementale 20 départements
ministériels, d’organismes Cellules
environnementaux et environne-
14/05/01 – 17/10/01 de consultants – Production mentales
Dépôt du dossier EIE par QMM des versions des PGEP
Validation du projet de protocole d’accord et PEE et avis technique Direction
pour le promoteur final par le CTE provinciale
chargée
Participation du public des mines
05/07/01 – 13/11/01 à l’évaluation de l’EISE
Audience publique et participation du public de QMM à travers
à l’évaluation environnementale la Commission
d’enquête et d’audience
publique (CEAP)
18/10/01 – 14/11/01 CEAP : rôle de
Synthèse des recommandations CTE et CEAP sélection des enquêteurs
Émission du permis environnemental par le environnementaux Communes
ministre de l’Environnement (arrêté n° 13992/2001) et recrutement
des consultants
Communautés
pour l’appui
2005 villageoises
méthodologique
Attente de la décision finale pour le début
– Production des
des travaux par le CA de Qit-Fer / Rio Tinto
documents de
compilation des
ONE: Office national pour l’environnement conclusions
EISE : Étude d’impact social et environnemental de la consultation
PGEP: Plan de gestion environnementale du projet publique
PEE : Plan d’engagement environnemental
BCMM: Bureau du cadastre minier Étape obligatoire
MINENVF: Ministère de l’Environnement et des Forêts par le décret MECIE
158 Ressources minières en Afrique

Dans le cas de Madagascar, en plus des régimes spéciaux en vigueur dans


le secteur minier en matière de garantie des investissements, le gouvernement
malgache poursuit actuellement ses démarches pour conclure des accords bila-
téraux ou multilatéraux de garantie des investissements étrangers. On peut citer
par exemple l’accord de promotion et de protection des investissements (APPI)
signé avec la France et l’île Maurice en 2004, rejoints par la Chine, l’Allemagne,
la Grande-Bretagne et l’Italie. Le gouvernement malgache a également adhéré
à l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), la branche
d’assurance de la Banque mondiale qui couvre les risques non commerciaux,
donc essentiellement politiques. En libéralisant le cadre législatif en matière
de relations commerciales et d’investissements, ces démarches rendent encore
plus complexe et difficile la mise en œuvre de la législation environnementale
malgache, comme le suggère l’EIR.
QIT Madagascar Minerals S.A. (QMM) a non seulement profité de cette
libéralisation de l’économie malgache au cours des dernières années, mais semble
être à l’origine, depuis le début de ses activités au pays en 1986, des grandes
réformes dont le secteur minier a fait l’objet. Depuis 1987, la politique environ-
nementale a suivi le même rythme de transformation avec la mise en place de la
Charte de l’environnement (République de Madagascar, 1990) et du décret relatif
au MECIE au cours des années 1990. Notons toutefois que cette période corres-
pond également à la fin de la première phase du Programme environnemental
(PE1) qui avait pour objectif la mise en place des fondations institutionnelles du
plan d’action et de lutte contre les problèmes environnementaux, que le projet
QMM met sérieusement à l’épreuve.

4. LE PROJET DE DÉVELOPPEMENT MINIER À TOLAGNARO


Le projet de QMM, société anonyme de droit malgache, concerne l’exploitation
et l’extraction des sables minéralisés dans les sites de Mandena, Petriky et Sainte-
Luce, dans la région d’Anosy dans le sud-est de Madagascar. C’est en 1998 que
l’Office des mines nationales et des industries stratégiques (OMNIS) a constitué,
avec QIT-Fer et Titane Inc., une société en coparticipation (QMM) pour explorer
la côte est de Madagascar à la recherche de sables minéralisés contenant une
source non négligeable de bioxyde de titane, sous la forme de minerai d’ilménite.
Les recherches ont permis de découvrir un gisement de minerai présentant une
valeur économique potentiellement importante, situé près de Tolagnaro dans le
sud-est de Madagascar (QMM, 2001a). L’exploitation minière projetée per-
mettrait, pendant environ soixante ans, d’extraire de l’ilménite et de petites quan-
tités de zircon de ces gisements. Cela contribuerait à réaliser le scénario fort de
la Banque mondiale qui vise à multiplier la production minière de Madagascar
par 20 et ses exportations par 30 à l’horizon 2010 (Banque mondiale, 1998 ;
2003b). À la suite des études d’impact environnemental et malgré des évaluations
qui relevaient des effets potentiels importants sur la biodiversité et la population
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 159

de la région, le projet a obtenu en 2001 (voir figure 4.1) son permis environne-
mental pour le secteur Mandena, la première phase du projet, dont les travaux
ont débuté en 2005 (carte 4.1).

Carte 4.1. LES GISEMENTS DE MINERAIS DU PROJET TOLAGNARO

Antsiranana
(Diego Suarez)

ANTSIRANANA
A F R I Q U E MAHAJANGA
Mahajanga

M A D A G A S C A R
Toamasina
(Tamatave)
ANTANANARIVO
Antananarivo TOAMASINA
(Tananarive)

Fianarantsoa

FIANARANTSOA

Toliara
(Tuléar)
TOLIARA

Secteur STE-LUCE

Zone minéralisée

Limite du permis
d’exploration

Secteur MANDENA

Secteur PETRIKY

Source : QMM (2001a, p.1-4).

La mise en œuvre d’un projet d’exploitation minière aussi important que


celui de QMM n’est pas dépourvue d’impacts sur les milieux physique, biologique
et humain (QMM, 2001a, chapitre 5). Conscient du débat touchant les méthodes
d’évaluation utilisées et leur influence directe sur le diagnostic et l’élaboration
des solutions nécessaires à la mise en œuvre d’un tel projet, nous concentrerons
notre analyse principalement sur les conséquences de cette évaluation. Comme
160 Ressources minières en Afrique

la Revue des industries extractives (EIR, 2003a) l’a montré, les impacts sur les
environnements naturel et humain sont nombreux et complexes, à la fois dans
la phase de construction (port, infrastructures) et dans la phase d’exploitation
(extraction des sables et séparation des minéraux), et s’échelonnent sur une
période qui pourrait aller jusqu’à soixante ans. Le but de notre analyse, dans
les limites de la législation que nous avons présentée, est principalement de
comprendre l’arbitrage entre les intérêts des différents acteurs impliqués dans
le projet pour en faire une réponse aux problèmes de « développement » de
Madagascar en général, et de la région de Tolagnaro en particulier.
Une étape importante de cet arbitrage consiste à faire du projet un « point
de passage obligé » de la problématique du développement, c’est-à-dire une action
reconnue comme nécessaire au développement de la région (l’objectif des
législations minières et environnementales), à la « lutte contre la pauvreté »
et à la préservation, ou à une meilleure gestion, des ressources naturelles. Dans
ce processus, les impacts du projet ont tendance à être présentés comme géné-
ralement positifs pour la région, de façon à intéresser l’ensemble des acteurs
concernés et, idéalement, à les mobiliser dans la mise en œuvre du projet.
Sans pouvoir prétendre y répondre spécifiquement, cette tendance s’inscrit
néanmoins dans la perspective proposée par l’une des recommandations de la
Revue des industries extractives qui suggère d’exiger des entreprises qu’elles s’en-
gagent dans des processus participatifs avec les communautés et les groupes direc-
tement affectés par les projets afin d’obtenir leur consentement sur les compo-
santes du projet les touchant directement. Le résultat prend nécessairement la forme
de multiples compromis desquels le projet actuel est issu. Cela pose un certain
nombre de questions fondamentales pour la problématisation de ces enjeux :
ƒƒ Quels groupes d’acteurs sont les principaux bénéficiaires du projet ?
ƒƒ Par qui et pourquoi le projet minier est-il étiqueté comme « positif » pour
la région ?
ƒƒ Quels sont les fondements des oppositions ?
ƒƒ Qui a-t-on réussi à intéresser et comment a-t-on réussi à mobiliser les
autres groupes d’acteurs à l’égard du projet ?
La section suivante propose quelques clarifications.

4.1. Le développement minier à Tolagnaro :


un projet mobilisant différents acteurs
Un projet de développement minier comme celui de QMM à Tolagnaro n’existe
que par l’intermédiaire d’acteurs concrets. Pour comprendre les enjeux socio­
politiques du projet QMM et, partant, certaines difficultés à prévoir dans sa
mise en œuvre, nous utiliserons une approche de sociologie politique. Celle-ci
« […] s’intéresse à la genèse des faits, à l’histoire des groupes et des institutions,
à la transmission des règles sociales, aux conditions qui favorisent la mise en
forme juridique (ou codification) des rôles, etc. » (Lagroye, 1997, p. 15).
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 161

Dans cette perspective, nous considérons que le projet de développement


minier à Tolagnaro, tel qu’il est conçu et perçu, est le résultat d’une construction
sociale, c’est-à-dire qu’il n’est réalisable qu’à partir du moment où des acteurs
ou des groupes d’acteurs en intéressent d’autres à se mobiliser pour en faire un
objectif d’intervention. Voilà une hypothèse structurante de notre démarche.
Une autre hypothèse suppose que la capacité d’un projet à réaliser les objectifs
qui lui sont fixés dépend du niveau de mobilisation et de convergence des intérêts
et des ressources des acteurs concernés par celui-ci. Dans ces conditions, le projet
de développement minier à Tolagnaro met en scène cinq principaux groupes
d’acteurs que nous définissons de façon grossière au tableau 4.3.

Tableau 4.3. TYPOLOGIE DES ACTEURS IMPLIQUÉS DANS LE PROJET


D’INVESTISSEMENT MINIER À TOLAGNARO

Acteurs Caractéristiques
Promoteur En dehors de la rentabilité du projet, le promoteur cherche à faire accepter les caractéris­
tiques sociales et environnementales de son projet.
Gouvernement Dans les contextes économique et politique caractérisés notamment par une forte
malgache dépendance extérieure, nous posons l’hypothèse que les décideurs politiques (élus ou
non) trouvent leur intérêt dans le projet minier dans la mesure où celui-ci constitue
un catalyseur de financement international multilatéral et bilatéral, public et privé.
ONG et scientifiques Ce sont les acteurs individuels ou institutionnels provenant du milieu « scientifique ».
de la conservation Leur objectif est de protéger le milieu naturel (faune et flore) de la dégradation causée
principalement par l’homme. La problématisation pose donc l’hypothèse que ces acteurs
– biologistes, anthropologues, primatologues, organisations non gouvernementales
internationales ou malgaches – sont a priori réfractaires au projet minier.
Population rurale Économiquement pauvres, ils dépendent des ressources naturelles pour se loger, se
chauffer et se nourrir. Dans la problématisation, on pose l’hypothèse que ces acteurs
sont conscients de leurs intérêts à long terme et entretiennent une position paradoxale
face au projet : il constitue une « opportunité à saisir » mais leur condition précaire de
survie en limite l’accès.
Bailleurs de fonds Les bailleurs de fonds, la Banque mondiale en particulier, apparaissent comme des
« catalyseurs » de réflexions et d’actions visant à faire d’un projet d’investissement
privé un véritable projet de « développement » en organisant et en « traduisant » les infor­
mations de façon à gagner l’adhésion des autres acteurs à leurs stratégies de
libéralisation économique.

Le groupe représenté par le promoteur, QIT Madagascar Minerals S.A.


(QMM), constitue un groupe d’acteurs en soi considérant qu’il s’agit d’une
coentre­prise de Rio Tinto et de l’État malgache par l’intermédiaire de l’Office
des mines nationales et des industries stratégiques (OMNIS). C’est en 1998, à la
suite de la ratification par l’Assemblée nationale malgache d’une convention
d’établissement déterminant l’encadrement juridique et fiscal du projet, que la
convergence entre les intérêts de la multinationale et ceux de l’État s’est parti-
culièrement affirmée. Le groupe Rio Tinto, un des plus importants groupes
miniers sur la scène internationale, mène des activités dans plus de 40 pays du
162 Ressources minières en Afrique

monde, notamment dans l’exploitation de substances minérales telles que le


cuivre, le diamant, l’or, le fer, le charbon, l’aluminium, le borax et le bioxyde de
titane15. L’État est partenaire du projet par l’intermédiaire de l’OMNIS, reliquat
du gouvernement militaire de Didier Ratsiraka16, et agence gouvernementale
ayant pour mandat de favoriser le développement des ressources pétrolifères et
minières du pays. Dans le domaine minier, l’OMNIS est chargé de la valorisation
des données géologiques et assume la fonction de bureau de la promotion minière.
Le gouvernement est donc indirectement impliqué dans la promotion du projet
par l’intermédiaire de QMM, et nous l’assimilons au groupe des « promoteurs ».
Cette situation s’inscrit dans un paysage politique marqué notamment par
la transition vers un régime démocratique à Madagascar et un fort désengage-
ment de l’État, ce qui n’est pas sans influencer la dynamique des acteurs, comme
le résume le World Rainforest Movement :
Le gouvernement de Madagascar a donné le feu vert et la compagnie [Rio
Tinto] a déjà dépensé 41 millions de dollars pour les travaux qui commenceront
en 2005. L’élection de Marc Ravalomanana a porté l’année dernière au palais
présidentiel un homme d’affaires jeune, qui a réussi par ses propres moyens et
qui promet du progrès. Enfant chéri de l’Occident, il tient à la mine d’ilménite
proposée par Rio Tinto dans l’espoir qu’elle va créer des emplois et ramener
des fonds dans les finances publiques. Marc Ravalomanana a récemment ren-
contré aux États-Unis le Secrétaire d’État nord américain [sic] Colin Powell,
en mai dernier. Powell a dit que Washington allait appuyer le président
­Ravalomanana dans ses « efforts pour introduire des réformes économiques
et politiques ». Un mois plus tard, il apparaît que la Banque mondiale accorde
un crédit de 32 millions de l’Association internationale de développement
(IDA en anglais) pour « aider Madagascar à gérer ses ressources minérales de
façon plus efficace. » (World Rainforest Movement, 2003, p. 2.)
Quel intérêt le gouvernement peut-il trouver dans ce projet compte tenu
des faibles – bien que non négligeables – retombées fiscales pour le pays ? La
Revue des industries extractives n’a-t-elle pas insisté sur la nécessité d’un partage
équitable des retombées financières du secteur, non seulement sur le plan natio-
nal mais aussi à l’échelle locale (EIR, 2003b, p. 9-10) ? Une partie de la réponse
réside dans la problématisation sous-jacente au projet minier et doit puiser dans
l’environnement conceptuel et idéologique plus large dans lequel il s’insère. Elle
dépend d’un ou des acteurs clés qui réussiront à faire accepter leur définition des
« problèmes de développement » auxquels le projet prévoit répondre. C’est en
quelque sorte un processus de construction a posteriori des problèmes

15. Pour plus d’informations, voir Rio Tinto (2007).


16. Créé en 1975 par le président Didier Ratsiraka durant l’apogée du gouvernement militaire,
l’OMNIS signifiait alors « Office militaire nationale des Industries stratégiques » et rendait
compte directement au président de la République. Il a été renommé « Office des mines
nationales et des industries stratégiques » à la fin des années 1990 et a été placé sous la tutelle
du ministère de l’Énergie et des Mines par décret gouvernemental.
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 163

en fonction des solutions accessibles aux décideurs (Lascoumes, 1994 ; Callon,


Lascoumes et Barthe, 2001). La Banque mondiale a joué un rôle décisif dans
cette démarche en inscrivant le projet d’exploitation minière comme une partie
intégrante du « modèle de développement » que nous avons évoqué plus tôt.
Dans ces conditions, le projet ne résulte plus seulement de l’initiative privée
d’une société multinationale à laquelle le gouvernement malgache peut s’associer
ou non, mais s’inscrit plutôt comme une réponse incontournable aux problèmes
de développement de Madagascar, et plus particulièrement aux problèmes de
pauvreté. QMM résume la problématisation en ces termes :
[…] améliorer les performances économiques, en faisant participer les pauvres.
Il s’agit de mettre en place un cadre favorable à la croissance économique, en
particulier par les investissements étrangers dans les secteurs à fort potentiel
de croissance, dont, en particulier, le tourisme, les ressources halieutiques et
les mines. Par ailleurs, l’accent est aussi mis sur la nécessaire relance de l’agri-
culture à petite et grande échelle, ainsi que sur la nécessité de préserver l’en-
vironnement. […] Développer les services essentiels de base (éducation, santé,
eau potable) et élargir les filets de sécurité au profit des couches les plus vul-
nérables de la population. […] Mettre en place un cadre institutionnel favorable
à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté, et renforcer les
capacités, afin d’améliorer la gouvernance et les relations entre l’administration
et les administrés (QMM, 2001a, 2.8).

Dans la mesure où la Banque mondiale demeure l’un des principaux


bailleurs de fonds de Madagascar, on comprend que le gouvernement devait
rapidement trouver son « intérêt », et sa participation à la création de QMM
témoigne de sa mobilisation pour le projet. Cette situation place le gouver-
nement à la fois dans une position de juge et de partie17, ce qui n’est pas sans
affecter le processus d’intéressement des autres groupes d’acteurs, comme les
organisations non gouvernementales (ONG) et la population rurale.

4.2. Une phase inachevée d’intéressement…


Si les promoteurs – le gouvernement malgache et Rio Tinto, par l’intermédiaire
de QMM – affichent une cohérence fonctionnelle basée sur un « modèle de déve-
loppement commun », ils ne semblent pas avoir réussi à « intéresser » les autres
principaux groupes d’acteurs, tels que les ONG et surtout la population rurale,
dont « l’intérêt » mais surtout la « mobilisation » sont indispensables à la réussite
à long terme du projet. Pour ne donner que quelques exemples, les Amis de la
Terre (Friends of Earth) ont rédigé un rapport concluant que le projet minier ne
serait pas compatible avec un développement durable à Tolagnaro, ni dans l’en-
semble du pays. Ils soulignent notamment que QMM n’a pas réussi à éviter la

17. Par le processus d’évaluation environnementale réalisé par QMM et présenté à l’Office
national pour l’environnement malgache (voir la figure 4.1).
164 Ressources minières en Afrique

dégradation croissante des ressources naturelles, que la compagnie déclare pou-


voir atténuer de manière significative, notamment par le reboisement. En d’autres
termes, cet acteur n’adhère pas à la problématisation qui présente le projet non
seulement comme une source de croissance économique, mais aussi comme
un catalyseur de réduction de la pauvreté et de gestion « rationnelle » des res-
sources naturelles. Sa position et celle de plusieurs membres du groupe d’acteurs
auxquels il est associé sont résumées en ces termes :
Nous contestons également l’affirmation de la compagnie selon laquelle
elle allait invariablement se conformer aux « meilleures pratiques » ou
observer les normes les plus élevées de l’industrie durant l’exécution du
projet. En particulier, la SEIA [l’évaluation des impacts environnementaux
et sociaux] a omis d’examiner : les pires scénarios ; les bénéfices générés par
la mine revenant réellement au gouvernement et à la population malgache
ainsi que leur répartition ; et si le tourisme peut véritablement coexister
avec un projet extractif d’une telle envergure. [...] Une de nos assertions les
plus sérieuses est que le processus des « parties concernées », dans lequel la
compagnie a manifesté une grande confiance, n’a pas été mené correctement
et les opinions des communautés locales ne sont pas reflétées dans le rapport.
De plus, il n’y a pas eu d’élaboration de plans viables afin d’atténuer les
importantes pertes culturelles et économiques qui seront subies. Nous dou-
tons aussi sérieusement de la sécurité économique que le projet est censé
offrir au gouvernement et à la population de Madagascar. Non seulement
le projet minier de Mandena est-il subordonné à un financement extérieur
pour la construction du nouveau port, mais plusieurs autres aspects sem-
blent dépendre de l’apport de fonds publics qui ne découleront pas de la
compagnie. En raison de ces nombreuses lacunes, nous sommes d’avis que
le projet ne sera pas compatible avec un véritable développement durable
dans le sud-est de Madagascar, ni dans l’ensemble du pays (Nostromo
Research, 2001, nous soulignons).

Cette citation suggère non seulement que le projet soulève une forte oppo-
sition de la part d’organisations environnementales telles que les Amis de la
Terre, Conservation International et le World Wildlife Fund (WWF), mais elle
montre que le processus sous-jacent d’intéressement – c’est-à-dire l’argumentaire
utilisé pour convaincre les autres groupes de la problématisation – n’est pas
suffisant pour mobiliser tous les groupes d’acteurs. Que l’intérêt des ONG de la
conservation soit en concurrence avec celui des promoteurs du projet ne sur-
prend pas. Il est clair que toutes formes de destruction des ressources naturelles
– au premier chef la destruction systématique que nécessite le dragage des sables
minéralisés – constituent une menace à long terme non seulement pour la
biodiversité, mais aussi pour la légitimité du groupe d’acteurs lui-même.
En fait, la situation qu’engendre le projet place ce groupe devant un
paradoxe : d’une part, la destruction des ressources naturelles ajoutera de la
pertinence à la position des ONG de la conservation, c’est-à-dire à l’urgence
de conserver ce qu’il reste de ressources ; d’autre part, l’accélération de la
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 165

destruction constituera en quelque sorte un aveu d’échec de ce groupe d’ac-


teurs à faire valoir son intérêt et à mobiliser les autres groupes – notamment
le gouvernement malgache – en ce sens.
Si l’intéressement des ONG par les promoteurs du projet (ce qui inclut le
gouvernement) pouvait ajouter une valeur symbolique et faciliter l’adhésion des
autres acteurs à leur position, leur mobilisation n’apparaissait toutefois pas aussi
nécessaire que celle de la population rurale qui serait directement touchée par
le projet. La position et l’intérêt de celle-ci ne sont cependant ni homogènes ni
nécessairement cohérents et la démarche exploratoire que propose ce chapitre
ne permet pas d’établir toutes les nuances sous-jacentes aux intérêts pluriels
d’une « population rurale ». L’hétérogénéité et le manque de ressources ne per-
mettent pas non plus à cette population d’exposer une position claire et unifiée
face au projet et cela nuit à son influence dans la planification puis la mise en
œuvre des actions. Nous posons l’hypothèse que dans cette situation, la position
du groupe des ONG de la conservation traduit une partie des inquiétudes de la
population quant au projet.
Si l’intéressement de la plupart des ONG reste à faire, celui de la popula-
tion rurale – pivot de l’équation croissance, pauvreté et environnement sur
laquelle s’appuie la problématisation – ne semblait pas avoir abouti au moment
de l’octroi de l’autorisation environnementale. Un écart entre la définition
et l’utilisation de l’espace et des ressources, mais aussi entre les attentes des pro-
moteurs du projet et celles de la population rurale constituent des hypothèses
d’explication que nous proposons d’explorer.

4.3. La population rurale : un groupe d’acteurs « nécessaire » au projet minier


Le rapport final de la Revue des industries extractives recommande clairement
aux entreprises qui investissent dans le secteur minier de s’engager dans un
processus participatif avec les communautés et les groupes directement affectés
par les projets (Banque mondiale, 2004 ; GRAMA, 2005). Si la Banque mondiale
appuie pleinement cette recommandation, ce n’est pas seulement par souci de
bonne gouvernance. D’un point de vue de sociologie politique et dans le cas
particulier qui fait l’objet de notre analyse, le processus participatif associé à
la mise en œuvre d’un projet minier vise non seulement le respect des droits
de la communauté concernée par le projet, mais permet aussi, et surtout, d’inté-
resser et éventuellement de mobiliser le groupe concerné dans la réalisation de
celui-ci. Bien qu’aucun village ne soit situé sur le gisement d’ilménite que QMM
compte exploiter, près de 6 000 personnes vivent à quelques kilomètres du sec-
teur minier de Mandena, la première phase du projet. Dans un contexte où la
pauvreté est encore plus marquée en milieu rural qu’en milieu urbain, l’agricul-
ture représente la principale source de revenus de 80 % de la population
(QMM, 2001b, 5 et 3.8). Dans le secteur Mandena, les terres appartiennent géné-
ralement à l’État, mais la population rurale utilise quotidiennement les ressources
166 Ressources minières en Afrique

naturelles pour sa survie, notamment le bois, les plantes médicinales et le miel.


Les femmes des villages récoltent les joncs des marécages (mahampy) et en
font des chapeaux, des paniers et des nattes, qui procurent un revenu supplé-
mentaire à la famille, représentant d’ailleurs parfois le seul revenu disponible.
Quelques pâturages à zébus sont aussi présents dans la région, mais essentiel-
lement en périphérie du secteur minier. On compte également des activités
de pêche dans la lagune située le long de la côte, à proximité de Mandena.
Comme ailleurs dans la région, les niveaux de santé et d’éducation sont par
ailleurs plutôt faibles (QMM, 2001a, section 3.3).
Ces conditions socioéconomiques fragiles permettent de mieux com-
prendre pourquoi la stratégie d’intéressement des promoteurs passe essentiel-
lement par la filière économique. Dans un premier temps, le code minier prévoit
déjà que 70 % des redevances minières doivent retourner aux régions, c’est-à-dire
aux provinces autonomes18. À moins de dispositions contraires à celui-ci, le tiers
de cette part (23 % du total) sera redistribué aux communes où se trouve le site
de l’exploitation. Dans la logique du « modèle de développement » utilisé par les
promoteurs, les retombées positives du projet pour la région en matière de réduc-
tion de la pauvreté dépendent nécessairement de la part des revenus générés qui
ira à la satisfaction des besoins essentiels de la population, notamment en santé,
éducation et infra­structure. Elles dépendent également du respect par Rio Tinto
et QMM de leurs principes directeurs suivant lesquels l’entreprise doit prendre
des mesures précises pour que ses investissements contribuent à la réduction de
la pauvreté (QMM, 2001a, chapitre 4).
Bien que l’argumentaire utilisé par les promoteurs pour intéresser la popu-
lation rurale repose sur des objectifs explicites de lutte contre la pauvreté, les effets
bénéfiques du projet en cette matière sont non seulement tout à fait hypothétiques,
mais reposent essentiellement sur l’obligation morale de protéger l’environnement
et l’obligation d’être un « bon citoyen corporatif ». Ces conditions ne sont pas suffi-
santes pour garantir à la population rurale que le projet pourra leur être bénéfique.
L’extrait suivant résume bien la complexité des impressions qui en résultent :
Le déploiement des machines et engins de la Compagnie pendant la période
d’ouverture des routes et pendant les sondages a été vécu comme une démons-
tration de la force et du pouvoir de l’argent de cette société. Les villageois en ont
été extrêmement impressionnés : de façon positive (attrait pour les jeunes gens
et jeunes filles, les enfants) comme de façon négative (colère contre celui qui,
parce qu’il est riche, envahit le territoire). Le recrutement de nombreux employés
dans les villages a créé toutefois des liens avec la population et l’on dénote une
fierté certaine d’avoir été employé par cette compagnie, fierté chez les employés
comme chez les membres de leurs familles, de leurs hameaux ou de leurs villages
(QMM, 1992, p. 216).

18. Article 238 du décret d’application.


Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 167

Cette assertion montre combien les avis peuvent être partagés, ce qui rend
pratiquement caduque l’existence même de la « population rurale » comme
groupe d’acteurs aux intérêts communs. Finalement, la perception de l’opportu-
nité ou du problème que représente le projet s’établit au niveau de l’individu
qui, dans un contexte de survie, est disposé à faire bien des compromis pour
améliorer sa condition. Cependant, des caractéristiques et des perceptions com-
munes à l’ensemble de la population rurale nous permettent non seulement
d’insister sur la pertinence d’un tel groupe, mais aussi d’identifier d’autres
­obstacles à la mobilisation pour le projet. Un de ces aspects concerne la relation
que la population rurale entretient avec son environnement, c’est-à-dire son
espace de vie. Dans les zones rurales de Madagascar, l’espace n’est pas seulement
habité, utilisé, mais il est aussi objet de pensée, matière et source de systèmes de
représentation qui, à leur tour, modèlent les perceptions, les attitudes et les com-
portements. Cela signifie que le projet de QMM s’intègre dans un univers spatio-
temporel sur lequel s’est appliquée la pensée d’une culture et qui, par ailleurs,
est l’un des déterminants de celle-ci. Compte tenu de cette perception de l’espace,
les changements apportés par le projet minier, en remodelant l’espace, auront
certainement des effets sur l’univers social, culturel et économique des popula-
tions (QMM, 2001a, 3.35). Parmi les craintes, on trouve le rapport aux lieux fady
(tabous) qui touche directement la relation entre les espaces physiques et spiri-
tuels, dont les ancêtres demeurent le vecteur :
En dépit des pourparlers qui ont eu lieu et des assurances qui auraient été
données, l’avenir d’Evatra préoccupe aussi bien la population du Fokontany
que les populations environnantes : […] « À Evatra, maintenant, les gens sont
préoccupés, on parle beaucoup : le village d’autrefois va-t-il être déplacé ? et
les kibory, qu’en fera-t-on ? Le fokonolona a peur. » Nous avons demandé s’il
existait des cas où des kibory avaient été touchés dans la région. Le cas se serait
déjà produit puisque des quartiers de Tolagnaro sont d’anciennes sépultures.
Le nom de la ville signifierait : « là où les ossements sont nombreux ». Les os
sont toujours là. Seulement, précise-t-on, il s’agit de cimetières de vazaha
[étrangers]. […] « Ce ne sont pas des Tanosy qui y sont enterrés mais des
Vazaha. Il n’y eut aucun Tanosy enterré dans ces kibory de Vazaha, aucun. »
Dans tous les villages où nous avons mené des entretiens, nous avons demandé
quels étaient les lieux fady. On nous répondait invariablement que les employés
de la Compagnie avaient déjà posé cette question et s’étaient engagés à ce que
les kibory ne soient pas touchés. À chaque fois on nous déclarait également :
« nous n’accepterons pas que l’on touche aux kibory » […] affirmation suivie
aussitôt par l’énumération des lieux fady (QMM, 1992, p. 225).
En plus de la relation à l’espace, l’autre frein potentiel à la mobilisation est
de nature économique, c’est-à-dire directement lié à la logique des promoteurs.
Nous avons déjà évoqué le fait que les familles rurales complètent leur revenu
par la vente de roseaux (mahampy). Ce revenu est d’autant plus important qu’il
est souvent le seul entre les récoltes qui permet d’acheter de la nourriture et
autres biens de première nécessité. La crainte de perdre l’accès au mahampy a
été soulevée de façon systématique par la population rurale lors des consultations
168 Ressources minières en Afrique

précédant l’étude d’impact de QMM (2001a, 3.41) et témoigne des enjeux que
soulève la problématisation du projet pour la région : il ne suffit pas d’investir
massivement dans des équipements et des infrastructures – dont les impacts
sociaux et environnementaux sont par ailleurs importants – pour créer des emplois
(spécialisés ou non spécialisés) que très peu de villageois seront en mesure
d’occuper. Comme le dit justement la Revue des industries extractives :
Le risque existe que les bénéfices et les coûts découlant des industries extrac-
tives soient inégalement partagés. Bien que les communautés locales supportent
les impacts sociaux et environnementaux négatifs des activités de l’industrie
extractive, elles peuvent bien ne pas profiter de la plupart des revenus [qui en
découlent] (EIR, 2003a, p. 5).

La logique de la problématisation sur laquelle repose le projet est ainsi


rompue : si la population rurale pauvre n’est pas en mesure de tirer profit des
« opportunités » que présente le projet, notamment en matière d’emplois, elle ne
pourra pas améliorer ses conditions de vie, ce qui est nécessaire au recul de la
pauvreté mais aussi – dans la logique des promoteurs – à la protection des res-
sources naturelles. L’exemple suivant montre combien la population rurale peut
difficilement se mobiliser pour un projet dont elle est largement exclue :
Une visite dans les villages des alentours a mis en lumière des avis contradic-
toires : beaucoup des habitants, pieds nus et en haillons, savaient qu’il était
prévu de construire une mine, mais son emplacement, la date de réalisation et
ses conséquences possibles restaient un mystère. « Cela va détruire l’agriculture
traditionnelle, c’est inévitable », a dit Karae, chef du village Houtotmotre. Mais
après avoir discuté avec d’autres anciens il a ajouté : « Cependant, nous n’avons
pas de récoltes à cause de la sécheresse, donc nous n’avons peut-être rien à y
perdre. » Albert Mahazoly, de 45 ans, a récemment été renvoyé de la plantation
de sisal qui est pratiquement le seul endroit où gagner de l’argent dans le village
d’Ankitry. Sa famille rejoint maintenant ceux qui font la queue pour les sacs
de maïs que distribue le World Food Programme. C’est une humiliation que
M. Mahazoly n’entend pas tolérer pendant longtemps. « Je suis prêt à aller à
la mine. Je ferai tout ce qu’on me demandera de faire. » La possibilité qu’il n’y
ait pas de demande pour son travail non qualifié l’a stupéfait. « Mais je ferai
n’importe quoi », a-t-il dit (World Rainforest Movement, 2003, p. 3).

Cette situation est exacerbée par le projet, potentiellement explosif, d’ins-


taller durant la phase de construction au moins 800 travailleurs étrangers dans une
zone qui compte plus de 3 000 jeunes au chômage. Bien qu’il soit possible et sou-
haitable que le projet de QMM crée des emplois pour la population de Tolagnaro,
les attentes créées par les promoteurs du projet pour convaincre les autres groupes
d’acteurs qu’ils peuvent y trouver leur intérêt semblent démesurées. Il ne suffit pas
de s’engager dans un processus participatif comme le suggère la Revue des indus-
tries extractives, encore faut-il que les communautés et les groupes directement
affectés par le projet puissent contribuer à influencer la relation entre les acteurs.
L’équation utilisée par les promoteurs – avec l’appui du Groupe de la Banque
mondiale – qui présentent le projet comme une source d’emplois et de revenus
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 169

fiscaux est déjà difficile à réaliser, mais présenter un projet minier comme une
source de protection des ressources naturelles montre jusqu’à quel point les groupes
d’acteurs ont été difficilement en mesure de se comprendre et de s’entendre au
cours des quinze dernières années, malgré les multiples tentatives en ce sens.

CONCLUSION
Ce chapitre a permis de mieux comprendre, dans un contexte de redéfinition du rôle
de l’État et de libéralisation du cadre légal, comment les investissements directs
étrangers constituent un vecteur de changements importants, non seulement pour
l’économie nationale et régionale, mais aussi pour les conditions sociales et environ-
nementales prévalant dans l’espace où le projet minier est mis en œuvre. Dans le
contexte de la Revue des industries extractives, la présentation du cas de QMM a
permis d’explorer quelques enjeux liés aux relations entre certains groupes d’acteurs
clés pour la mise en œuvre du projet, en identifiant comment les promoteurs ont
tenté d’intéresser, de convaincre et de mobiliser la population rurale.
La vague de réformes du secteur minier est venue en réaction à l’établis-
sement d’un projet d’envergure (QMM) qui a influencé l’élaboration des lois et
décrets qui régissent le secteur minier à Madagascar, en particulier en ce qui
concerne les avantages accordés aux grands investisseurs. La raison pour laquelle
différents intérêts sous-jacents au projet convergent (ou ne convergent pas) ne
relève pas seulement d’une décision quant à la manière de développer la région
de Tolagnaro. Nous avons proposé, en abordant cette question, un ensemble
d’hypothèses sur l’identité des acteurs concernés, leurs objectifs et leurs relations.
Nous avons vu que chaque acteur met de l’avant ses propres intérêts, plus ou
moins bien définis. Cette démarche nous a aidé à mieux comprendre pourquoi
les promoteurs ont présenté le projet d’extraction minière comme un « point de
passage obligé », positif et inévitable, dans lequel chaque groupe était invité à
trouver son intérêt.
Comme nous l’avons montré dans ce chapitre, le « modèle de développe-
ment » adopté pour la mise en œuvre du projet minier à Tolagnaro repose sur
l’équation voulant que la croissance des exportations contribue à faire reculer
la pauvreté tout en protégeant la biodiversité. L’introduction du volet protection
de l’environnement dans le cadre juridique et réglementaire du secteur minier
a été provoquée par deux facteurs :
ƒƒ l’envergure des risques réels sur l’environnement, relevée par les évalua-
tions d’impact environnemental ; et
ƒƒ la nécessité de répondre aux objectifs de la politique environnementale du
gouvernement (et par conséquent de répondre aux exigences de certains
bailleurs de fonds et organismes internationaux qui allouent des fonds au
pays dans le domaine de l’environnement).
170 Ressources minières en Afrique

Ces conditions rejoignent l’essentiel des recommandations de la Revue des


industries extractives concernant la gouvernance favorable aux pauvres et les
composantes environnementales et sociales des interventions du Groupe de la
Banque mondiale. Le projet QMM, par l’intermédiaire de la réforme du secteur
minier, a par ailleurs contribué à la mise en place d’un cadre réglementaire favo-
risant les investissements privés dans le secteur minier à Madagascar, en accord
avec la politique de libéralisation de l’économie, dont les objectifs explicites
visent à transformer le rôle de l’État dans le secteur, d’opérateur qu’il était à
celui de régulateur et de promoteur du secteur, ce qui suppose une ouverture
aux investissements privés étrangers. Par sa complexité, son ampleur et les diffi-
cultés potentielles de mise en œuvre d’un projet d’investissement d’envergure,
le cas malgache est symptomatique des conditions dans lesquelles évolue le sec-
teur minier en Afrique subsaharienne. Dans quelle mesure les acteurs impliqués
en amont ou en aval d’un projet minier peuvent-ils faire valoir des intérêts
concurrents au « modèle de développement » dominant dans de telles conditions ?
Notre étude a montré que la population rurale est souvent placée dans la position
paradoxale d’être considérée, vu son mode de vie rural-traditionnel, d’une part,
comme une des causes principales des problèmes environnementaux et, d’autre
part, comme la principale bénéficiaire des retombées d’un projet minier industriel
comme celui de Tolagnaro, ce qui fait de ce dernier un « point de passage obligé »
pour sa survie.

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CHAPITRE 5

Gouvernance, droits humains


et secteur minier en République
démocratique du Congo
Marie Mazalto

Par son importance géostratégique, la République démocratique du Congo


(RDC) conditionne la stabilité et le développement de l’Afrique centrale et de
la région des Grands Lacs. Or, cette aire est reconnue par l’Organisation des
Nations Unies (ONU) comme la partie du monde la plus instable de la dernière
décennie, « avec comme épicentre l’Est de la RD Congo » (Biliaminou, 2007). En
mars 2007, le Conseil de sécurité insistait sur l’importance du pillage des res-
sources naturelles, qui constitue un facteur majeur de déstabilisation. En effet,
les conflits ont précipité l’effondrement de certains États de la région et engendré
« des conséquences néfastes sur la situation des droits de l’Homme » (European
Network for Central Africa – EURAC, 2007, p. 2), plus particulièrement dans les
zones frontalières. L’exploitation illégale des ressources naturelles s’est développée
à leur faveur, tout en les entretenant.
Avec un territoire immense de près de 2 400 000 km2, des ressources natu-
relles abondantes et variées (bois, minerais, eau, faune, flore, etc.), neuf pays
frontaliers et plusieurs centaines d’ethnies, le Congo constitue le « cœur » de
l’Afrique centrale. Il en est aussi le ventre mou. Reconnu pour détenir une diver-
sité incroyable de minerais en importantes quantités, « le pays recèlerait 50 %
des réserves mondiales de cobalt, 10 % du cuivre, 30 % du diamant, ainsi qu’un
potentiel important en or, uranium et manganèse » (Hocquard, 2006). La RDC
est ainsi le producteur le plus important de cobalt au monde avec l’Australie.
Basée sur l’exploitation de ces richesses, l’économie du pays s’est struc-
turée, sous la colonisation belge puis sous le régime de Mobutu, autour d’une
industrie minière florissante. Dans les années 1980, le pays fournissait 6 % de la
176 Ressources minières en Afrique

production mondiale de cuivre (Hasselback, 2007) et « le secteur assurait à lui


seul environ 60 % des recettes fiscales de l’État » (Karsenty, 2006). Au cours des
décennies 1970 et 1980, la Gécamines (société d’État) représentait en moyenne
plus de 60 % des recettes d’exportation de la RDC (Banque africaine de déve-
loppement [BAD] et Organisation de coopération et de développement écono-
miques [OCDE], 2006. Depuis les années 1980, l’industrie minière congolaise,
bien qu’en perte de vitesse, conserve un énorme potentiel, sur lequel encore
aujourd’hui la majorité des acteurs économiques et politiques misent pour
relancer la croissance et le développement social.
Mais le « scandale géologique1 » qu’est le Congo est aussi l’archétype de ce
que certains ont appelé la « malédiction des matières premières » (Neary et van
Wijnbergen, 1986). Aucun pays en Afrique ne présente à un tel degré l’association
de potentialités et de problèmes. Les conflits qui se sont succédé depuis l’indé-
pendance de 1960 (Lanotte, 2004) expriment entre autres la difficulté de
construire, ou de reconstruire, l’État congolais.

Carte 5.1. PRINCIPAUX GISEMENTS DE MINERAIS DANS LA RDC

cuivre

diamants

or

métaux
de type étain

Dépôts principaux de minéraux dans la République démocratique du Congo

Source : Géoatlas

1. Formule attribuée à Cecil Rhodes, fondateur, en 1880, de la compagnie sud-africaine De Beers.


Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 177

En effet, les ressources minières de la région des Grands Lacs ont été
l’objet de toutes les convoitises (Martineau et Boulanger, 2006, p. 2 et 4). Plus
récemment, les tensions ont été décuplées autour de l’enjeu de l’appropriation
des minerais bruts et des rentes minières. Entre un pouvoir central basé à l’ouest
du pays et des richesses minières situées sur les périphéries, les facteurs de divi-
sion se multiplient. Cette dichotomie n’est pas sans créer certaines tensions,
notamment aux frontières de l’Est, où l’État ne peut compter que sur une très
faible représentation (Raeymaekers, 2007).
La guerre civile de 1960 à 1965, les conflits katangais ultérieurs (1978),
les tentations sécessionnistes ou centrifuges, ainsi que les conflits plus récents
(1996-1998, 1998-2002, 2007-2008) rythment l’histoire d’un pays dont le sys-
tème économique et social se structure historiquement autour de ses revenus
miniers. Ce sont ces ressources qui ont en grande partie participé à instaurer
au Congo 42 ans de dictature, 15 ans de transition politique et 7 ans de conflits
armés de dimension nationale et internationale. Entre 1998 et 2004, le nombre
de morts sur l’ensemble du territoire2, toutes nationalités confondues, était
estimé à 4 millions (Coghlan et al., 2006). Plus de 3,4 millions d’habitants ont
été déplacés, dont 411 000 dans les pays voisins, et 17 millions de personnes
souffrent encore de carences alimentaires. À cela viennent s’ajouter les pan-
démies, les actes de violences physiques et psychologiques, les viols, les exé-
cutions sommaires, etc. Loin des champs de bataille, la majorité des victimes
sont des civils, « victimes collatérales » de la dégradation des infrastructures
de base, de l’absence de services publics, du manque d’approvisionnement en
nourriture, de maladies, etc.
Ce chapitre s’appuie sur la troisième dimension des recommandations défi-
nies par la Revue des industries extractives (EIR) comme les « conditions favo-
rables » qui devraient permettre aux industries extractives de contribuer à la lutte
contre la pauvreté par le développement durable. Selon l’EIR, ces recomman-
dations devraient pouvoir être mises en œuvre par le Groupe de la Banque
mondiale (GBM) afin que le secteur extractif puisse jouer un rôle positif dans le
développement. Ce chapitre sera axé sur les relations existant entre la relance
du secteur minier et le respect des droits humains en RDC. Son point de départ
sera cette observation de la Banque mondiale : « Plusieurs pays ne parviennent
pas à faire le meilleur usage des flux d’avantages offerts par les industries extrac-
tives. Malheureusement, la République démocratique du Congo en fait partie3 »
(Banque mondiale, 2007, p. 13).

2. Nous tenons ici à souligner le raccourci de cette formule, car les conséquences humaines
des conflits doivent être posées dans leur dimension régionale. Les réfugiés rwandais, par
exemple, sont nombreux à avoir trouvé la mort en terre congolaise.
3. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont été
traduites.
178 Ressources minières en Afrique

À la lumière de ces constats, c’est sur la dimension des réformes entre-


prises dans le secteur minier et sur leur rôle potentiel dans la promotion des
droits humains que nous nous interrogeons dans ce chapitre. La RDC permettra
d’illustrer la complexité des enjeux soulevés par la question des droits humains
dans les problématiques dites de développement des pays du Sud.
Le secteur minier est connu pour avoir, dans les pays aux institutions fra-
giles, produit plus de misère que de richesses pour les populations locales. Il a
ainsi été démontré que les pays riches en ressources naturelles se distinguent
parfois par de moins bonnes performances économiques que les pays moins bien
dotés. Aucun consensus n’a encore été trouvé pour expliquer une telle situation,
apparemment paradoxale (Collier et Hoeffler, 2005 ; Ross, 1999). Ainsi, dans le
monde, douze des États les plus dépendants de leur production minière et
six dépendant du pétrole sont classés par la Banque mondiale comme pays
pauvres très endettés et affichent les chiffres les plus mauvais selon l’Indicateur
du développement humain (IDH) préparé par le Programme des Nations Unies
pour le développement (EIR, 2003a).
Dans un tel contexte, le défi que propose de relever le GBM, au nom de
son mandat de « lutte contre la pauvreté », est de convertir le secteur minier en
un levier de croissance macroéconomique et de développement, pour permettre
à la RDC d’atteindre les Objectifs du millénaire (ODM) pour le développement
(RDC et UN Congo, 2004).
En RDC, comme dans beaucoup de pays d’Afrique, les politiques de
réforme, impulsées par les institutions financières internationales (IFI), misent
sur une redéfinition en profondeur de l’architecture et du rôle de l’État (Mazalto,
2005a). À titre d’illustration, peu avant (en 2000), dans des circonstances ana­
logues, pari a été fait d’utiliser, au Tchad, le pétrole pour restaurer un État faible
(Magrin, 2003 ; Tulipe, 2004).
Dans le secteur minier, ces réformes induisent l’adoption de nouveaux
cadres juridiques et légaux et de nouvelles normes destinées à assainir les pra­
tiques pour favoriser l’atteinte des objectifs de développement. Ces réformes, si
elles participent d’une part à un processus de judiciarisation des droits, sont
cependant souvent porteuses d’une approche techniciste qui tend à dépolitiser
les enjeux socioéconomiques reliés aux modes de gestion du secteur, et ce, au
nom de la promotion de la « bonne gouvernance ». Impulsées, conçues et bien
souvent mises en œuvre depuis l’extérieur et/ou avec une large participation
d’experts internationaux, les réformes posent par leur origine des problèmes de
légitimité dans leur application et dans leur appropriation par les autorités natio-
nales et locales. De plus, et comme il a été illustré notamment dans les deux
premiers chapitres de ce livre, le modèle promu de mise en valeur des ressources
pose un certain nombre de difficultés quant à la redistribution et à l’appropriation
locale de la richesse produite.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 179

Or, dans la mesure où, pour l’essentiel, la promotion des droits humains
passe par la mise en place de mécanismes de répartition équitable de la richesse
nécessitant l’existence d’institutions légitimes implantées dans l’ensemble du
territoire, ces réformes méritent d’être interrogées dans leurs fondements. Dans
le cas particulier de la RDC et pour ce qui est de la situation actuelle, les réformes
entreprises au nom de la « gouvernance » et de l’instauration d’un État de droit
débouchent sur une série de constats qui méritent attention, et soulèvent surtout
un certain nombre de questions qui restent toujours sans réponses. Dans ce
chapitre, nous apportons certaines explications, pour mieux comprendre
ces interrogations.
C’est pour répondre aux sérieuses préoccupations que soulevait le manque
de retombées des activités minières sur la réduction de la pauvreté, et notamment
à cause des critiques concernant sa propre participation, que le GBM s’est impli-
qué dans ce domaine. Comme nous l’avons vu, parmi les diverses initiatives
entreprises par le GBM, la création de l’EIR dans le but de réviser les pratiques
de l’institution dans le secteur est d’une importance capitale (EIR, 2003a, 2003b).
La place centrale que les recommandations de l’EIR ont accordée au respect des
droits humains a permis de faire de cette problématique un enjeu central
dans la promotion d’investissements capables de contribuer aux objectifs des
programmes de « lutte contre la pauvreté ».
Bien que l’EIR constitue, de la part des IFI, une initiative intéressante pour
faire le point sur leur engagement dans le secteur extractif, plus encore il convient
de souligner l’engagement des auteurs du rapport pour proposer des solutions
concrètes aux problèmes diagnostiqués. À ce propos, un constat doit être fait
concernant le décalage entre, d’une part, le diagnostic et les recommanda-
tions de l’EIR, et, d’autre part, leur faible prise en compte dans les pratiques
subséquentes du GBM.
Les principales recommandations de l’EIR quant aux droits peuvent se
résumer comme suit :
1. Le GBM est fortement encouragé à adopter une approche basée sur les
droits humains.
2. L’intégration des obligations en matière de droits humains doit être envisa-
gée à toutes les étapes des projets, de leur conception à leur mise en œuvre
et suivi. Pour garantir l’application de ces normes, le GBM devrait inclure
des revues indépendantes, en faisant appel à des tiers expérimentés et aptes
à vérifier la situation des droits humains.
3. Au chapitre des droits de la personne, la Société financière internationale
(SFI) et l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA)
doivent évaluer le passé en matière de respect des droits humains des
sociétés avec lesquelles elles travaillent. Il importe d’apporter des garanties
pour que les projets financés par le GBM soient élaborés et mis en œuvre
conformément aux normes applicables de la Déclaration universelle des
180 Ressources minières en Afrique

droits de l’Homme. L’adoption de ces principes et la preuve de leur respect


doivent être une condition préalable pour toute société cherchant à obtenir
le soutien du GBM dans les industries extractives.
4. Étant donné que le GBM a adopté les normes de travail fondamentales de
l’Organisation internationale du travail (OIT), la BIRD et l’IDA4 ­doivent
exiger que ces normes figurent dans les contrats de tout financement de
projet en les incluant comme éléments obligatoires des procédures de
passation de marché. Elles doivent également adopter les quatre, et non
simplement deux, normes fondamentales du travail contenues dans les
huit conventions fondamentales qui fixent les principes et droits du tra-
vail. Il s’agit de la « liberté syndicale et reconnaissance effective du droit
de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou
obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la
discrimination en matière d’emploi et de profession » (Bureau international
du travail [BIT], 2005). Le GBM doit collaborer avec les gouvernements,
les syndicats, les groupes industriels et d’autres organisations, sans oublier
l’OIT, pour promouvoir le respect de ces normes.
5. La promotion de l’égalité entre les sexes et la promotion du droit des
femmes devraient être prioritaires pour le GBM étant donné son objectif
de réduction de la pauvreté.
6. Le GBM est également invité à redoubler d’effort pour certifier que
son implication soit conditionnelle au respect des droits des popula-
tions autochtones.
En partant de ces recommandations du groupe d’experts de l’EIR, il s’agit
désormais de questionner le rôle tenu par les IFI dans la refonte du secteur minier
en RDC. L’articulation entre les politiques de développement du secteur minier,
telles qu’appliquées dans ce pays, et les grandes orientations promues par l’EIR
doit permettre de rendre compte du potentiel d’évolution et d’innovation des
politiques portées par le GBM dans ce domaine particulier. Secteur stratégique,
largement investi par les bailleurs, les réformes entreprises depuis 2002 sont d’une
telle ampleur et d’une telle profondeur qu’elles nécessitent le suivi de leur mise
en œuvre pour interroger leur potentiel de promotion d’un développement
orienté vers la « réduction de la pauvreté », favorable à la promotion et au respect
des droits de la personne.
Dans le cas de la RDC, la prise en compte de la complexité des enjeux
impose tout d’abord un retour sur l’historique des réformes : leurs orientations,
le rôle des IFI, les conditions de leur élaboration et d’adoption. Cette mise en

4. La Banque mondiale se compose de deux organismes de développement distincts, la Banque


internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et l’Association interna-
tionale de développement (IDA), et est sous le contrôle de ses 185 pays membres. La BIRD
se consacre aux pays à revenu intermédiaire et aux performances des pays pauvres solvables,
alors que l’IDA se consacre aux pays les plus pauvres.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 181

perspective débouche ensuite sur un questionnement sur les liens existant entre
la relance du secteur et les objectifs affichés de réduction de la pauvreté qui
légitiment les activités minières. La situation toute particulière de la RDC nous
permet d’avancer quelques pistes d’analyse pour poser les enjeux de promotion
des droits humains dans un pays post-conflit, tout récemment engagé sur la voie
de la « démocratisation ».
Dans la mesure où l’enjeu, posé par les IFI, est le passage d’un état de fait
à un État de droit, l’actuelle superposition des systèmes de droits dans le secteur
minier congolais mérite d’être interrogée. L’étude des évolutions récentes dans
ce domaine permettra d’effectuer un retour sur les recommandations de l’EIR
et de préciser les enjeux de responsabilité sociale et politique sur lesquels débouche
toute considération soucieuse de prendre en compte la complexité des enjeux
de promotion des droits humains, notamment dans un contexte comme celui de
la RDC.

1. RÔLE DES IFI ET AUTRES BAILLEURS EN RDC : VERS UNE


REDÉFINITION DE L’ARCHITECTURE ET DU RÔLE DE L’ÉTAT
Dans quelle mesure est-il possible de déterminer jusqu’à quel point l’intervention
des principaux bailleurs en RDC se fait au profit d’une promotion des droits
humains ? Une partie de la réponse peut sans doute être trouvée par l’étude de
leurs modalités d’intervention, et notamment dans les réformes induites par les
programmes de développement.
Globalement, depuis les années des programmes d’ajustement structurel,
il semble que les bailleurs multilatéraux tentent d’instaurer des programmes de
développement standardisés basés sur « de nouveaux modes de régulation de la
pauvreté structurelle et massive »������������������������������������������������
(Saldomando, 2005������������������������������
, p. �������������������������
53)����������������������
et assortis de condi-
tions toujours renforcées et d’un calendrier à court terme. À bien des égards, ces
programmes semblent parfois peu adaptés aux capacités d’absorption (humaines
et matérielles), au passif financier et gestionnaire légué par les gouvernements
antérieurs, à la culture politique ou encore aux poids des réalités sociales liées à
la transition et au contexte de post-transition.
Dès 2001 s’élabore, sous l’égide de la Banque mondiale et du Fonds moné-
taire international (FMI), un travail de structuration des programmes de déve-
loppement pour assurer la cohérence des initiatives multilatérales et bilatérales.
Cette volonté des différents bailleurs d’inscrire leurs actions dans un cadre har-
monisé se situe dans la perspective d’élaboration du « partenariat mondial pour
le développement » défini par les ODM. À titre d’illustration, citons la pro-
mulgation, en décembre 2006, d’une loi en faveur de la collaboration des États-
Unis avec leurs partenaires internationaux afin d’accroître l’aide au Congo
(États-Unis, 2006).
182 Ressources minières en Afrique

L’ampleur de la mobilisation peut être qualifiée d’exemplaire au vu des


sommes investies, de la diversité des acteurs impliqués et de la nature de l’aide
proposée. Elle se traduit par un accompagnement économique, gestionnaire,
technique, juridique, politique et humanitaire. Cette volonté de collaborer avec
le gouvernement congolais dans une même vision du développement culmine
en 2006 par l’élaboration d’un programme commun d’intervention, vers lequel
doivent converger les différentes initiatives de développement.
Cette mobilisation se base sur une triple exigence. Elle dépend :
ƒƒ d’une stratégie d’approfondissement de la réforme de l’État ;
ƒƒ de l’adoption des standards et programmes internationaux de dévelop-
pement ; et
ƒƒ de la démocratisation et de la stabilisation de la vie politique.
Grâce au soutien massif des bailleurs bilatéraux et multilatéraux, deux
événements majeurs pour l’histoire politique du pays interviennent en 2006 : le
référendum constitutionnel des 18 et 19 décembre 2005, qui permet l’adoption
d’une nouvelle Constitution en février 2006, et les élections présidentielles
d’octobre 2006.
D’ailleurs, peu après l’élection de Joseph Kabila, les créanciers confirment
leur soutien renforcé au pays : « Après avoir consulté le gouvernement, nous
allons concevoir des mécanismes flexibles pour continuer de respecter notre
engagement et pour assurer une coordination efficace du soutien au développe-
ment du pays » (Solana et al., 2006, p. 1). La Banque mondiale s’engage, à partir
de mars 2007, à investir 1,4 milliard de dollars américains en faveur de la RDC
(2008-2010), sous forme de dons et de prêts.
Le point culminant dans la convergence des programmes d’aide est atteint
durant cette même année 2006, par une initiative de la Banque mondiale, en
collaboration avec l’ONU, pour l’élaboration d’un « Cadre stratégique commun »
en faveur de la RDC. Le document daté de septembre 2006, « Cadre d’Assistance
Pays » (Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement [UNDAF],
2007), s’impose comme le cadre de référence dans lequel est contenu le pro-
gramme de développement supporté par la Commission européenne, les États-
Unis, la Chine, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Allemagne et la France. L’ob-
jectif annoncé est de permettre au pays d’atteindre les Objectifs du millénaire
dans les plus brefs délais, à savoir en l’espace de cinq ans. Le Cadre se structure
autour de cinq objectifs qui sont :
ƒƒ la bonne gestion (qui doit déboucher sur la rédaction d’un « governance
compact ») ;
ƒƒ la croissance pro-pauvres ;
ƒƒ les services sociaux de base (enseignement, eau et santé) ;
ƒƒ la protection sociale ; et
ƒƒ des soins pour le VIH/SIDA et le développement communautaire.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 183

Cette initiative concertée n’est pas sans rappeler que, déjà en 20025, la
communauté internationale, en concertation avec les acteurs politiques congolais
réunis à Sun City (Afrique du Sud), avait signé un accord politique en vue de
garantir une transition gérée conjointement. Le Comité international d’accom-
pagnement de la transition (CIAT) et la Mission de l’Organisation des Nations
Unies en République démocratique du Congo (MONUC) ont supervisé la tran-
sition politique. Avec l’élection du nouveau gouvernement, le CIAT laisse place
à un nouveau mécanisme de suivi et de coordination politico-économique, porté
par les mêmes pays, correspondant à l’engagement renouvelé de la communauté
internationale d’intervenir en faveur du Congo (Conseil de sécurité de l’ONU
[CS], 2006).
En amont du renforcement des mécanismes de contrôle des programmes
de développement, depuis 2001, la réforme de l’État a déjà été largement amor-
cée. Ainsi, dans le secteur minier, la pénétration des nouvelles normes pour la
« bonne gouvernance » est facilitée par la réforme entreprise en 2002. Elle débou-
che sur l’adoption du nouveau Code et Règlement miniers, une réforme du
système foncier et une nouvelle Loi des investissements.
Le cadre légal est investi par les IFI comme vecteur essentiel pour asseoir
les nouvelles normes de développement et garantir leur application dans le cadre
des programmes de lutte contre la pauvreté. Ces derniers induisent une recon-
figuration en profondeur de la nature même de l’État en Afrique. Une nouvelle
architecture s’élabore, avec comme caractéristique marquante une certaine tech-
nicisation des approches des enjeux du développement. Il en découle une volonté
de renforcer les instruments institutionnels, légaux et gestionnaires de contrôle
des pratiques afin de garantir que soient appliquées les nouvelles pratiques de
« bonne gouvernance » ou de bonne gestion. Rompant avec les « États patrimo-
niaux », facteurs d’enrichissement personnel d’une élite, désormais assimilés à
des bassins de corruption, les nouvelles politiques de développement sont pré-
sentées comme la solution pour assainir l’État et implanter des pratiques de
bonne gestion de la chose publique. Le renforcement de l’État de droit, la fin
de la crise économique et le règlement de la dette sont envisagés comme les
principaux leviers des politiques de développement.
Ces réformes sont accompagnées par la volonté de transférer un maximum
de prérogatives de l’État vers le secteur privé, entre autres pour alléger la charge
financière de certaines fonctions régaliennes. Plus encore, il s’agit de réduire le
plus possible les fonctions de production et de distribution de l’État, par une
double logique de décentralisation et de privatisation censée être sécurisée par

5. À la suite des Accords de paix de Pretoria (Afrique du Sud, 1er mars 2003), les présidents
congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagamé ont signé un accord destiné à mettre fin
à quatre ans de guerre en République démocratique du Congo et à sauvegarder la stabilité
de la région des Grands Lacs.
184 Ressources minières en Afrique

le renforcement du cadre légal et de l’environnement juridique. Dans un tel contexte,


la notion de droits est placée au centre de l’équation qui envisage la réforme
du cadre légal comme une assise essentielle de la reprise macroéconomique et
de la lutte contre la pauvreté.
Autre élément majeur des réformes, la promotion des investissements est
associée à des politiques de libéralisation économique pour encourager l’arrivée
des investissements étrangers dans le secteur. La substitution de l’État dans le
secteur se fait donc en faveur d’un recours important à l’aide bilatérale, multila-
térale et aux investissements directs étrangers (IDE). Pour ce faire, la logique de
sécurisation du cadre juridique domine les réformes. L’État de droit est conçu
non plus comme instrument du changement social, mais comme cadre légal
devant œuvrer à l’optimisation des règles du marché et à la sécurisation des
investissements.
À ce titre, dans le secteur minier, les principales orientations introduites
par les réformes (Mazalto, 2005a) correspondent à l’ouverture du secteur aux
investissements privés étrangers, à une libéralisation induisant le démantèlement
progressif des entreprises d’État, à la réduction des charges financières pesant
sur les entreprises (Otto et al., 2006), ou encore au renforcement des mécanismes
de contrôle gestionnaire, au nom des objectifs de lutte contre la corruption et de
promotion de la transparence. Selon les analyses proposées de l’évolution des
codes miniers africains, les réformes permettent d’introduire, comme c’est le cas
en RDC, un code minier de troisième génération, dans lequel le rôle de l’État
est réduit à une fonction de facilitateur des investissements et de régulateur de
l’activité minière (Campbell, 2004).
Le Code minier de 2002 correspond donc à l’instauration d’un nouvel envi-
ronnement sectoriel caractérisé par un régime fiscal et douanier parmi les plus
libéraux d’Afrique, destiné à assurer la rentabilité des projets grâce à la transpa-
rence, à l’efficacité des procédures d’octroi et à la sécurisation des investissements
(RDC, 2005).
Une autre dimension importante est l’instauration de « la liberté d’action
minimale de l’État » (Bond, 2002). L’investisseur privé est au contraire renforcé,
à titre de titulaire de droits miniers, d’investisseur, d’opérateur, de vendeur/ache-
teur et de contribuable. Les bailleurs souhaitent ainsi que l’État se désinvestisse
de sa fonction de producteur pour conserver une fonction de contrôle et de
sécurisation du secteur. Les revenus de l’État seront donc désormais dépen-
dants des rentes issues de l’exploitation des ressources par des capitaux privés,
majoritairement étrangers.
Dans les économies rentières, comme l’analyse Pourtier (2003), le rôle
capitalistique de l’État est en effet encouragé. Ses revenus sont issus, la plupart
du temps, de l’exploitation et de l’exportation de matières premières à l’état brut.
Le pays se transforme en un immense réservoir de matières premières dont il
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 185

s’agit de gérer au mieux les flux liés à l’exploitation, à la commercialisation et à


l’exportation. Il revient désormais à l’État de garantir ses revenus en veillant à
permettre une stricte application de ses lois sectorielles (taxes, redevances, etc.).
Il lui revient également de garantir une juste redistribution des revenus miniers
aux populations par l’application des politiques de décentralisation inscrites dans
le cadre légal. On trouve cette conception dans de récents documents produits
par le Groupe de la Banque mondiale : « Les gouvernements n’ont pas de rôle
immédiat à jouer en ce qui concerne la gestion de l’approvisionnement de
métaux à court terme. Les marchés travaillent pour équilibrer l’offre et la
demande, et des prix plus élevés font partie de ce processus » (Banque mondiale
et SFI, 2006, p. 10).
L’articulation entre les dimensions sociale et économique est naturalisée,
au point que dans l’argumentaire, l’application de politiques macroéconomiques
et la reconfiguration, voire la réduction des espaces politiques, sont directement
associées à l’application de politiques en faveur des pauvres. En effet, selon cette
logique, les politiques de redistribution décentralisée de la rente doivent per-
mettre aux institutions publiques de disposer des moyens et de la volonté poli-
tique pour répondre localement aux besoins en services de base (éducation, santé,
assainissement, habitat, etc.) des populations. Quant aux entreprises, elles sont
invitées à respecter scrupuleusement les codes légaux, pour garantir des revenus
à l’État et, sur une base volontaire, à s’engager à prendre en compte certaines
externalités négatives, telles que des poches de pauvreté aux abords des sites ou
la pollution (les résidus de cyanure par exemple), et cela, souvent en fonction de
normes qui puisent leurs origines dans ce qui a été décrit comme un nouvel
« ordre juridique transnational » (telles que les normes qui guident les pratiques
d’évaluation d’impact environnemental) plutôt que dans le régime réglementaire
qui relève de l’arène nationale (Szablowski, 2007).
La logique des droits que les IFI mobilisent dans les réformes qu’elles
préconisent semble donc passer par la promotion d’un droit privé favorable
à la régulation, par les lois du marché, de la chose publique. C’est essen­tiel­
lement dans cette optique qu’est envisagée l’application des droits humains, par
l’adoption d’un cadre technico-légal devant permettre une régulation, presque
naturelle, des équilibres non seulement financiers, mais aussi politiques et sociaux.
Pourtant, il semble que ce processus de libéralisation, par le recours systé-
matique au droit privé, repose sur une profonde redéfinition du rôle et du fonc-
tionnement des institutions publiques qui tend à réduire leur marge d’interven-
tion sociale et politique, déjà passablement affaiblie. Leur fonction se résume
désormais à la mise en œuvre des réformes, à la sécurisation des investissements
et au contrôle des pratiques. C’est précisément là que des contradictions appa-
raissent. Dans un pays comme la RDC, l’État dispose-t-il réellement des moyens
pour garantir la stricte application de la loi ? Au-delà de l’élaboration d’un cadre
légal et de la reconfiguration institutionnelle du secteur, qu’en est-il de ses moyens
186 Ressources minières en Afrique

humains et financiers pour assurer que ce cadre, présenté comme garantie pour
lutter contre la pauvreté, soit réellement respecté ? La question des moyens est
malheureusement trop peu abordée.
Pour illustrer la refonte en profondeur des institutions sur laquelle ont
débouché les réformes, citons la création du Comité de pilotage de la réforme
des entreprises du portefeuille de l’État (COPIREP), en 2002. Ses principales
missions sont d’assainir les finances de l’État et de relancer la compétitivité des
principaux secteurs de l’économie. À ce titre, le COPIREP, qui fonctionne avec
le soutien technique et financier de la Banque mondiale, est rapidement devenu
un centre névralgique du pouvoir. Il préside non seulement à l’élaboration du
code des investissements ainsi qu’à la création de l’Agence nationale pour la
promotion des investissements (ANAPI) et du cadastre minier, mais est éga-
lement en charge de la rénovation de la loi minière, de celle du code forestier, de
la création de guichets uniques aux exportations, du renforcement des capacités
de l’administration chargée des mines, de la réforme des entreprises publiques, de
l’adoption d’une loi contre le terrorisme et pour lutter contre le blanchiment
des capitaux, de la prise en charge des personnes vulnérables, etc.
L’hypercentralisation de la reconfiguration légale et institutionnelle du
secteur minier détonne avec la volonté affichée par les IFI de promouvoir la
décentralisation et la participation des populations, au moyen des programmes
de lutte contre la pauvreté, dans l’assise de la démocratie en RDC.
Les recommandations du rapport final de l’EIR s’inscrivent, en effet, dans
une approche basée sur les droits comprenant les droits civils de participation
à la sphère publique. Poser la participation élargie comme condition d’un
meilleur fonctionnement du secteur minier revient à poser la problématique
de la démocratisation du secteur.
En RDC, la démocratisation politique et économique de la gouvernance
minière est d’autant plus importante que, jusqu’ici, les populations bénéficient
peu des retombées positives des programmes de développement du secteur.
Le service du cadastre minier (CAMI) créé lors des réformes illustre cer­
taines limites de tels processus quand les remaniements institutionnels ne prennent
pas ou peu en compte l’histoire, la culture et le rôle d’un secteur dans l’espace
social et politique du pays. Le CAMI, établissement public, concentre des enjeux
considérables, car sa mission consiste à sécuriser la propriété minière, la gestion
des procédures d’octroi, de déchéance et d’annu­lation des droits miniers. À ce titre,
le CAMI peut être considéré comme la vitrine du secteur minier congolais pour
les investisseurs. Or, peu après sa création en 2003, à la suite d’une série de plaintes
émanant d’entreprises étrangères, le CAMI est indexé pour ses insuffisances
gestionnaires et la partialité de certains de ses agents. Après le licenciement de son
premier directeur général, puis sa fermeture en 2004, le CAMI est soumis à un
audit organisationnel réalisé par un cabinet international qui envisage sa restruc-
turation (Kuediasala, 2007). Depuis novembre 2005, le cadastre minier a vu se
succéder quatre directeurs généraux.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 187

Destinées à permettre la bonne application du nouveau code et des règle-


ments miniers, les réformes institutionnelles révèlent rapidement des insuffisan-
ces qui se traduisent par de graves dysfonctionnements. L’État congolais, même
s’il s’est doté de nouvelles institutions, n’est pas encore en mesure d’élaborer un
environnement propice à la sécurisation de l’investissement et à la bonne gestion
d’un secteur minier en pleine expansion. Ces embryons d’État de droit semblent
encore limités dans leur pouvoir d’intervention, essentiellement à cause d’un
passif, qui peut être associé à une culture institutionnelle et dont les racines
remontent bien avant la guerre (Willame, 2007). À cet égard, l’absence criante
de moyens hypothèque considérablement son nouveau rôle de garant d’une
« bonne gouvernance ». Sans compter que les effets directs des interventions
extérieures sur le programme de « développement » de la RDC ont pu contribuer
à une perte de contrôle politique du gouvernement de transition sur les orienta-
tions données aux réformes. Au final, ces diverses dimensions pourraient avoir
participé à hypothéquer la mise en place d’un réel processus d’appropriation
des nouveaux standards de fonctionnement et objectifs de développement par
les dirigeants nationaux et locaux.
Plusieurs questions demeurent en suspens. Les réformes entreprises sont-
elles porteuses d’un potentiel de développement adapté au pays, qui lui permet-
trait, par la relance de son économie, de bâtir un développement respectueux
des modes de vie, des intérêts des populations et qui déboucherait à terme sur
un développement durable ? L’étude du secteur minier fournit quelques pistes
de réflexion intéressantes à ce sujet.

2. RELANCE MINIÈRE ET RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ :


LES ENJEUX COMPLEXES DE L’APPLICATION DU CADRE LÉGAL
ET DE LA PROMOTION DES DROITS
2.1. Les premiers pas vers la transparence :
un secteur minier sous haute surveillance
Dans un contexte difficile de relance, plusieurs enquêtes sont commandées pour
faire la lumière sur les pratiques d’un secteur aussi stratégique pour le dévelop-
pement du pays. Certains des rapports produits apparaissent comme des événe-
ments politiques majeurs permettant une mise à jour officielle de pratiques très
éloignées des objectifs de bonne gouvernance et de lutte contre la pauvreté ayant
légitimé les processus de réforme. En 1982, le rapport Blumenthal6 avait par
exemple permis une reconnaissance officielle du lourd « passif » gestionnaire qui

6. En 1982, Erwin Blumenthal, banquier allemand, cadre du FMI, fut mandaté par le FMI pour
limiter la kleptomanie du régime Mobutu. Il réalisa un rapport accablant. À la suite de quoi
il démissionna et dénonça l’appui continu, ponctué par l’augmentation des versements de
la Banque mondiale et du FMI.
188 Ressources minières en Afrique

caractérise le secteur minier congolais. Ces rapports révèlent aussi de graves


dysfonctionnements aux plus hauts niveaux de l’État, mais plus encore, donnent
des éléments majeurs du contexte qui permettent de comprendre certaines
limites des réformes en RDC. Trois rapports attirent particulièrement l’attention
à cet égard7 :
ƒƒ La première série de rapports émane du Groupe d’experts sur l’exploita-
tion illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, créé
par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, le 2 juin 2000. Ce
groupe a produit, pour le compte du Conseil de sécurité, plusieurs rapports,
tous rendus publics à l’exception du dernier, daté d’octobre 2003 et classé
confidentiel (Kassem et al., 2003).
ƒƒ Le second est le « Rapport Kalala » (Budimbwa, 2006), du nom du ministre
des droits humains, déposé devant le Comité des droits de l’homme de
l’Assemblée générale de l’ONU en mars 2005.
ƒƒ Le troisième, dit « Rapport Lutundula » (Lutundula Commission, 2005),
compile les résultats d’enquêtes menées par une Commission spéciale de
l’Assemblée nationale congolaise. Celles-ci portent notamment sur les
contrats miniers signés par les rebelles et les autorités gouvernementales
pendant la première guerre de 1996-1997 et la « première guerre conti-
nentale africaine » de 1998-20038 (De Villers, Omasombo et Kennes, 2002).
En 2007, même si un moratoire sur la signature de nouveaux contrats
miniers a été décidé par le ministère des Mines, le rapport Lutundula dans
son ensemble n’a toujours pas été examiné en séance plénière par le parle-
ment congolais, pourtant principal commanditaire de l’étude. Il semblerait
que certaines de ses conclusions, politiquement trop sensibles, aient incité
les exécutifs des deux gouvernements successifs à éviter sa présentation
par le parlement.
Que retenir de ces rapports ? En premier lieu, les enjeux miniers demeurent
économiquement, politiquement et socialement très sensibles. Les trois rapports
font ressortir qu’avant et durant la transition, le secteur minier était encore régi
en dehors de toute norme de « bonne gouvernance ». Il était caractérisé par des
mécanismes de reddition de compte défaillants, une absence de transparence et
de nombreuses violations des droits humains.
La faiblesse du contrôle de l’État sur les zones minières rend quasi impos-
sible la mise en place d’une politique minière cohérente placée sous le contrôle
de ses institutions. Les conclusions du rapport Kalala font état d’une situation
post-conflit marquée par de nombreuses violations des droits humains (tortures,

7. Se rajoutent à cette liste les rapports classés confidentiels Ernst & Young France (2006) et
Duncan et Allen (2006).
8. Fruit de la résolution n° DIC/CEF/04 d’avril 2002 (Dialogue inter-congolais, 2002).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 189

enrôlement d’enfants soldats, assassinats, enlèvements, viols, divers sévices infligés


par les forces armées). À ce titre, la réforme de l’armée en vue d’assainir la
situation dans certaines provinces minières, où des membres des Forces armées
de la République démocratique du Congo (FARDC) sont reconnus coupables
d’exactions de grande ampleur sur les populations, ressort comme l’un des défis
cruciaux lancés au gouvernement pour la pacification des principales zones
minières du pays.
L’écart observé entre les politiques, lois et résolutions adoptées et le climat
d’impunité quasi totale qui règne dans le secteur est mis de l’avant dans les trois
documents. Sur ce sujet, les rapports du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale
corroborent les conclusions du rapport Lutundula en dévoilant que la majorité des
belligérants ont détourné les revenus de l’exploitation minière à des fins person-
nelles et/ou pour financer des opérations militaires qui ont eu comme impact direct
la violation des droits humains des civils. Le rapport Lutundula confirme que
l’adoption d’une nouvelle législation minière n’aura pas suffi à restaurer un État
de droit qui serait en mesure de mobiliser les membres du gouvernement et les
investisseurs dans un projet de développement favorable aux intérêts natio-
naux. Ainsi, à la suite d’un long et laborieux processus d’enquête (Netherlands
Institute for Southern Africa [NIZA] et International Peace Information
Service [IPIS], 2006), la Commission spéciale Lutundula remet, en juin 2005, son
rapport (Lutundula Commission, 2005) au bureau du Parlement, qui attend février
2006 pour en assurer une diffusion publique. Ce rapport révèle que des dizaines
de contrats qui ont été signés sans transparence à partir de la fin des années 1990
seraient illégaux9 ou en défaveur du pays. Le rapport recommande donc leur abro-
gation ou leur renégociation. Ses auteurs préconisent aussi que soient engagées
des actions en justice à l’encontre d’un certain nombre d’hommes politiques et
financiers, dont certains seraient très proches des sphères du pouvoir.
Le rapport Lutundula dénonce également l’attribution arbitraire, par le gou-
vernement congolais, d’exonérations fiscales à des joint-ventures engageant le pays
pour des périodes de quinze à trente ans. Certains fonctionnaires de l’État sont
directement pointés du doigt pour être intervenus à leur profit direct dans les
négociations. Quant à la participation de l’État qui, selon le code minier de 2002,
doit bénéficier d’un minimum de 5 % d’intéressement dans les projets miniers10,

9. À titre d’illustration, le contrat passé en avril 2003, d’une durée de quatre ans, entre la MIBA
(Société minière de Bakwanga), contrôlée à 80 % par l’État congolais, et la compagnie cana-
dienne Emaxon engage la MIBA à vendre, contre un prêt de 15 millions dollars américains,
l’essentiel (88 %) de sa production à la compagnie canadienne, à un tarif deux fois inférieur
à celui du marché artisanal. Cet exemple illustre comment certains accords léonins peuvent,
encore aujourd’hui, participer à priver l’État, et donc les populations, des revenus tirés de
l’exploitation de leurs ressources minières.
10. Selon le code minier, 5 % des actions des sociétés minières doivent être cédées à l’État pour
l’exploitation de « gisements vierges ». Cette part passe entre 12,5 % et 25 % dans le cas d’une
association avec des compagnies d’État défaillantes.
190 Ressources minières en Afrique

elle serait, dans certains contrats, réduite à une représentation étrangère qui laisse
peu de doute sur l’absence de mécanismes de contrôle public de l’évolution
des projets.
En résumé, il ressort de ces rapports que la relance de l’activité minière
a fonctionné selon une logique d’attribution des droits échappant presque tota-
lement aux mécanismes législatifs et institutionnels destinés à instaurer une
bonne gestion du secteur. Certaines hypothèses explicatives se retrouvent dans
le rapport Kalala. La culture de l’État patrimonial qui, depuis des décennies,
continue à jouer un rôle de vache à lait pour des élites corrompues, est le socle
sur lequel ont été assises les réformes, sans qu’un mécanisme de mise en cause
des personnes responsables de tels actes permette au préalable d’assainir la
sphère polico-économique congolaise dans le secteur minier.
De plus, en RDC, les nouveaux cadres légaux semblent inapplicables du
fait de l’insuffisance des ressources humaines et matérielles gouvernementales
(Comité des droits de l’homme, 2005), largement affaiblies par les objectifs de
remboursement de la dette et de réduction des coûts engendrés par l’État.
Malgré les réformes engagées, certaines décisions font donc craindre pour le
fonctionnement du secteur en matière de droits humains. Or, de telles décisions
engagent le pays pour des décennies.
La diffusion de ces rapports officiels a débouché sur des crises politiques
majeures au sein du gouvernement de transition, en impliquant directement
ou indirectement des membres du pouvoir en place, des dirigeants de compa-
gnies minières étrangères et certains hauts fonctionnaires internationaux. Pour
la première fois dans l’histoire du pays, ces rapports portent officiellement sur
la scène publique, nationale et internationale, le problème de la collusion entre
le pouvoir politique et la sphère financière, collusion qui se serait développée
dans un climat de totale impunité, au détriment des intérêts de l’État et
des populations.
Commandés par l’État et l’ONU, ces rapports permettent d’accréditer, à
partir de sources officielles, certaines hypothèses couramment avancées par la
majorité des analystes et observateurs de la RDC depuis l’ère Mobutu. Les
rapports du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale, transmis au Conseil
de sécurité de l’ONU, confirment que le pillage des ressources naturelles conti-
nue, malgré le retrait des troupes étrangères. Les auteurs vont jusqu’à accuser
54 personnalités issues des milieux politique et des affaires, originaires de la
RDC, du Rwanda, de l’Ouganda et du Zimbabwe, d’être directement impli-
quées dans le commerce illicite de certains minerais à haute valeur ajoutée
(Tegera et Johnson, 2007). Derrière ces accusations de non-respect des légis-
lations, on comprend aisément qu’il s’agit, plus globalement, d’accuser les
élites politiques et économiques de soutenir directement ou indirectement
des configurations favorables à des violations massives des droits humains.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 191

Malgré les dénégations de certains intéressés, les conséquences des accu-


sations portées dans ces trois rapports vont se faire durement ressentir au sein
des gouvernements successifs. Lors de la publication du dernier rapport du
Groupe d’experts de l’ONU, le président Kabila se voit, par exemple, obligé de
limoger trois de ses proches ministres accusés d’être directement associés à des
pratiques illégales et à des transactions effectuées aux dépens de l’État11. Cette
dernière accusation soulève de nombreuses questions.
L’une renvoie aux ambiguïtés du nouveau code minier où il est stipulé, entre
autres, que si le statut de ministre rend « non éligibles aux droits miniers ou de
carrières […] toutefois cette interdiction ne concerne pas leur prise de participation
dans les sociétés minières » (RDC, 2002, Tit. II, chap. I). On conviendra que, dans
les faits, le statut de propriétaire d’un droit minier n’est pas si différent du statut
d’actionnaire, surtout si ce dernier est actionnaire majoritaire de l’entreprise.
Une autre question porte sur les conditions d’implantation de nouvelles
lois qui prônent la relance massive des investissements dans un contexte de
« bonne gouvernance ». Car au Congo, l’enrichissement des élites, nationales et
internationales, par les revenus étatiques du secteur s’est imposé historique-
ment : les pratiques observées sous la colonisation, puis sous le régime
de Mobutu et de Kabila père, assassiné en janvier 2001 (De Villers, Omasombo
et Kennes, 2002), sont marquées par une grande continuité (Braeckman, 2003).
Or, depuis les réformes, certaines pratiques bien ancrées sont désormais
dénoncées au titre des politiques internationales de lutte à la « corruption » et
d’implantation d’une « bonne gouvernance ».
La question qui se pose ici est bel et bien d’envisager comment passer d’un
système politico-économique où une certaine élite confisque la rente minière à
des fins d’enrichissement personnel, à un système de redistribution équitable et
pérenne basé sur un système de contrôle public, cimenté par des pratiques de
« bonne gouvernance ».
Enfin, la responsabilité des institutions financières internationales n’est
guère évoquée dans les trois rapports. Budimbwa Kalala rappelle tout de même
le rôle joué par les bailleurs multilatéraux dans l’assainissement du secteur, et

11. Il s’agit du ministre de l’Ordre et de la Sécurité publique, accusé de commerce illégal de


diamants et de cobalt, du ministre délégué à la Présidence, dénoncé pour avoir participé à
la signature de contrats léonins de joint-venture avec des sociétés zimbabwéennes et sud-
africaines, et enfin du ministre du Plan et de la Reconstruction, par ailleurs président de la
Commission nationale de lutte contre la corruption, cité comme actionnaire à titre personnel
de la société Sengamines, spécialisée dans la vente de diamants. De plus, le rapport Kassem
(rapport d’un groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles) révèle
la participation présumée du responsable des services de sécurité, qui serait impliqué dans
divers trafics, notamment d’armes. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Laurent Désiré
Kabila et jusqu’ici patron de la MIBA, la plus grande société minière d’État spécialisée dans
l’exploitation et le commerce du diamant, n’échappe pas non plus à certaines accusations.
192 Ressources minières en Afrique

en appelle à leur engagement à long terme pour que la restructuration du secteur


minier soit menée à bien et que cesse le « bradage des matières premières et des
ressources minières » (Budimbwa, 2006).
Cet appel résonne dans le climat de relative opacité de la signature de
contrats miniers par le gouvernement de transition. Certaines inquiétudes
exprimées au sein même de la Banque mondiale amènent un questionnement
sur la nature et les limites de son intervention dans certains épisodes troubles.
Un mémorandum interne de la Banque rendu public par voie de presse pose
d’ailleurs la question des modalités de supervision du gouvernement par la
Banque mondiale dans la mise en œuvre des réformes. Sont notamment en cause
les analyses préalables exigées pour la signature de contrats d’envergure, ainsi
que les processus de transparence et de diffusion de l’information :
La note de service de la Banque mondiale mentionnait trois accords de coen-
treprise, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars, conclus l’année dernière
entre la société publique d’exploitation de cuivre Gécamines et trois groupes
miniers internationaux. Les analystes affirment que les ententes représente-
raient au moins 75 % des réserves minérales de la Gécamines et ils ont soulevé
des questions à savoir si le Congo avait maximisé les revenus d’État découlant
de ces transactions (Mahtani, 2006).

Faisant écho aux appels répétés à l’assainissement de la sphère politique


au lendemain de son élection, le président Kabila engage officiellement son
gouvernement à faire respecter :
La stricte application des dispositions du Code minier en vue de permettre
l’appropriation par l’État des moyens financiers générés par l’exploitation
minière et leur affectation au développement économique du pays et la radi-
calisation de la lutte contre les fraudes et le pillage de nos ressources minières
(Kabila, 2006).

L’ampleur de la tâche, la complexité des modes d’organisation du secteur


et la redéfinition du rôle de l’État s’imposent en toile de fond d’une telle décla-
ration. En mars 2007, en réponse aux préoccupations de la société civile nationale
et internationale et aux appels répétés des bailleurs, le ministre des Mines diffuse
un mémorandum (McKay, 2007) selon lequel les négociations sur toute nouvelle
transaction minière seront suspendues jusqu’à ce que soient « revisités12 » les
contrats signés entre 1996 et 2003. Au mois d’avril 2007, le ministre des Mines,
M. Martin Kabwelulu, reconnaît que plus de 50 % des contrats miniers signés en
RDC pourraient être non avantageux pour l’État. À ce titre, ils devraient faire
l’objet de renégociations, même s’il est précisé qu’en aucun cas ils ne pourront

12. Le terme employé a son importance. La renégociation de contrats déjà signés est un pro-
cessus complexe qui nécessite plusieurs étapes et qui débouchera, en 2009, sur la révision
de certains contrats (Africa Mining Intelligence, 2008).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 193

déboucher sur des annulations. Face à cette opportunité d’ouverture d’un espace
de négociation, certaines organisations non gouvernementales (ONG) congo­
laises ont proposé leur expertise à la commission ministérielle (RDC, 2007) ad
hoc chargée de revisiter une soixantaine de contrats miniers, dont 41 concernent
des entreprises basées au Katanga, onze dans la Province Orientale, six dans le
Kasaï-Oriental et cinq dans le Maniéma.
La révision a débuté en juin 2007 et a créé un climat politique des plus
tendus, du fait notamment des réticences exprimées par certains groupes de
pression qui courent le risque d’y perdre certains avantages financiers. Au vu
des pressions politiques et financières qui s’exercent sur le gouvernement, cette
initiative est actuellement dénoncée par la société civile pour l’opacité et l’aspect
limité du processus. Une mobilisation parallèle a débouché, en août 2007, sur
la « revisitation » de 12 contrats miniers par un groupe d’experts du Forum de la
société civile (Civil Society Forum of the DRC [CSF], 2007).
Dans un tel contexte, même si le rapport Lutundula conserve une portée
importante, beaucoup envisagent avec pessimisme une possible révision des
contrats jadis signés avec l’aval de la présidence. Et ce d’autant plus que la recon-
duction de Joseph Kabila à la tête du pays assoit le pouvoir de certains protago-
nistes de la sphère politico-économique impliqués dans la gestion erratique du
gouvernement de transition.
Au-delà du processus de relance économique, la permanence des irrégu-
larités, le manque de transparence et le peu d’espace accordé à la société civile
maintiennent le secteur minier congolais dans la tension d’une double culture
contradictoire (opacité et corruption versus transparence et légalité). Rappelons,
à titre informatif, qu’en 2007 seulement six des 237 entreprises minières pré-
sentes en RDC ont publié leurs statistiques d’exploitation (FMI, 2007). Le
potentiel fiscal de l’État dans le secteur extractif (mines, gaz et pétrole) est
encore largement méconnu et donc probablement sous-estimé, au même titre
que les principales régions minières du pays échappent en partie au contrôle
de l’État central.

2.2. Complexité et diversité des réalités régionales


En RDC, les indicateurs nationaux de développement doivent être lus à la lumière
des disparités territoriales. Ces disparités renvoient à quatre facteurs principaux :
1. les modes de mise en valeur des ressources minières,
2. le déséquilibre économique entre les provinces,
3. les violences non maîtrisées, et
4. le manque de contrôle du pouvoir central.
À ce titre, chacune des régions relève d’une problématique particulière,
tout au moins lorsqu’il est question de l’impact du secteur minier sur les conditions
de vie des populations et la promotion des droits humains.
194 Ressources minières en Afrique

Cette complexité risque d’ailleurs de se trouver renforcée par le nouveau


découpage administratif inscrit dans la Constitution, qui va faire passer le nombre
de provinces de 11 à 26. Chacune des provinces est dotée d’une assemblée, dont
les membres sont élus au suffrage universel direct et dont les pouvoirs ont été
renforcés par la politique de décentralisation. Mais la mise en œuvre de la nou-
velle Constitution, qui définit un État « unitaire fortement décentralisé », se
heurte à la complexité des dynamiques locales.

2.2.1. Modes de mise en valeur des ressources minières


Les principales régions minières de la RDC sont le Katanga, les deux Kasaïs et les
Kivus. La Province orientale et l’Équateur recèlent également d’importants gise-
ments de fer, d’or et de diamants, alors que la bauxite et les phosphates se trouvent
plutôt dans le Bas-Congo. Les modes d’exploitation diffèrent considérablement en
fonction des types de minerais exploités et de l’histoire du développement minier
de chaque province. Les modes de production ont une grande influence sur la situation
des droits humains et le respect des droits économiques, culturels et sociaux.
Dans la province du Katanga, située dans le sud du pays, l’exploitation des
filières cuivre, uranium, argent et cobalt domine historiquement une région intégrée
à la « Copper-belt », qui s’étend jusqu’en Zambie. Il s’agit de la province recelant
le plus important potentiel minier, qui peut compter sur « les plus grandes réserves
de cuivre encore non exploitées du monde » (Baracyetse, 1999) et sur de nom-
breuses infrastructures minières, même si un grand nombre se trouve dans un état
de délabrement avancé. La mine d’uranium de Shinkolobwe, située aux abords de
la ville de Likasi, est devenue le symbole de ces mines désormais tristement
­célèbres pour le nombre de morts qu’elles ont engendré. L’uranium extrait a en
effet servi à confectionner les bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Offi-
ciellement, le site a été bétonné au moment de l’indépendance, après avoir été
industriellement exploité de 1921 à 1959. Mais, fin 1990, des mineurs artisanaux se
retrouvent sur le site, dont des enfants, qui extraient du cuivre et de l’hétérogénite
(riche en cobalt) au mépris de toutes les normes de sécurité en vigueur. Malgré un
décret présidentiel de janvier 2004 interdisant toute présence humaine sur le site
de ­Shinkolobwe, un éboulement en juillet 2004 a causé la mort d’une dizaine des
6 000 creuseurs œuvrant sur le site. Pour faciliter la dispersion des familles de
mineurs, le village de Shinkolobwe, composé de 15 000 personnes, aurait été brûlé
en août 2004. Selon l’EMAK, le syndicat des creuseurs artisanaux du Katanga, la
majorité des expulsés ne pensent pas se reconvertir. En l’absence totale d’accom-
pagnement et de solution de rechange, ils seraient nombreux à revenir travailler
illégalement sur ce site hautement contaminé, et à risquer une nouvelle exposition
à la radioactivité ionisante.
Au Katanga, disposer de sites miniers artisanaux est devenu un enjeu crucial
de l’économie provinciale. Aujourd’hui, 20 % des artisanaux seraient des anciens
employés de la Gécamines ayant été licenciés durant l’exercice de restructuration
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 195

de l’entreprise. La réhabilitation des sites miniers représente également un enjeu


sensible, qui pose la question du partage des responsabilités entre les industriels,
l’État et les créanciers du secteur minier congolais. Or, à l’heure actuelle, selon un
rapport de l’ONU (Dupin et Mialaret, 2004), ni le syndicat des creuseurs, ni le
Service de l’environnement minier13, ni le Service d’assistance et d’encadrement du
small-scale mining (SAESSCAM)14 n’auraient les capacités de garantir l’appli-
cation de la réglementation minière, ni l’encadrement des creuseurs dans le secteur
artisanal. Un retour sur l’histoire du géant minier katangais, la Gécamines, permet
de comprendre une partie de l’histoire minière de la région.
L’État congolais a jadis concentré ses efforts sur le développement de
l’ancienne Union minière du Haut Katanga (UMHK), contrôlée par l’industrie
belge, qui a été nationalisée en 1966 pour se convertir en Société générale des
carrières et des mines (Gécamines). Moteur de l’économie congolaise, l’UMHK,
puis la Gécamines, sont reconnues pour avoir assuré aux Katangais un niveau
de vie parmi les plus acceptables du pays, par la création d’emplois et un inves-
tissement important dans les infrastructures éducatives, sanitaires et sportives
desservant les employés et leurs familles. La Gécamines gère par exemple ses
propres hôpitaux. Jusqu’en 2005, l’hôpital Swende, situé à Lubumbashi, est
demeuré le plus important du Katanga.
Fondées sur un modèle gestionnaire paternaliste, auquel l’Afrique offrait
un terrain très propice d’implantation (Hernandez, 2000), l’UMHK, puis la Géca-
mines ont largement participé à assurer aux populations l’accès aux services de
base, et ont joué ainsi un rôle structurant dans les rapports économiques et
sociaux des provinces dans lesquelles elles étaient implantées. Malgré la reprise
des cours de la bourse, en 2005, les minerais non ferreux et autres concentrés ne
représentent plus que 17,2 % du total des exportations du pays (BAD et OCDE,
2007). La crise des cours du cuivre, durant les années 1980, a engendré des années
« creuses », marquées par un important ralentissement de la production aux con-
séquences sociales désastreuses pour l’économie de la région : « Toute la popu-
lation du bassin minier du Katanga dépendant de cette entreprise s’est retrouvée
du jour au lendemain dans une pauvreté absolue » (RDC, 2006b, p. 35).
En effet, parallèlement à la restructuration de la partie industrielle et semi-
industrielle des activités de la Gécamines, « chaque jour […] cinquante à soixante-
dix mille creuseurs envahissent de nombreux sites miniers au Katanga pour
chercher de l’hétérogénite, un minerai exceptionnellement riche en cobalt. Ces
personnes travaillent dans des conditions épouvantables pour à peine plus d’un
dollar par jour » (NIZA et IPIS, 2006, p. 6). Un récent rapport produit par l’ONG

13. Le Service de l’environnement minier est un service public qui fait partie du ministère des
Mines.
14. Possédant sa propre personnalité juridique, le SAESSCAM est un service public autonome
dont la responsabilité spécifique est la petite exploitation minière.
196 Ressources minières en Afrique

Global Witness (2006) abonde en ce sens, rapportant les conditions de travail


déplorables qui règnent dans les mines artisanales. « La tragédie des creuseurs »
réside dans l’absence d’équipement et de mesures de sécurité, le travail des
enfants, les risques de contamination, de mort par accident. Les conditions de
travail et de vie des mineurs artisanaux demeurent, en RDC, une question
cruciale. Vu l’ampleur des défis que cette catégorie de population pose en
matière de droits humains, il est étonnant de constater le peu de mobilisa-
tion à ce sujet des acteurs financiers et politiques en charge du développement
du secteur.
On peut envisager, d’une part, que l’importante désorganisation du secteur
(tant dans le fonctionnement de la majorité des exploitations minières que dans
celui des services gouvernementaux) explique en partie ce peu de mobilisation.
D’autre part, en RDC, le secteur minier est considéré comme un des rares secteur
générateur de revenus, même minimes, pour des milliers de travailleurs (formels
et informels). Dans un contexte d’extrême pauvreté et dans un pays ou les sources
d’emploi sont rares, cela pourrait aussi participer à favoriser ce statu quo. Certains
points de vue plus optimistes démontrent l’importance de l’économie informelle
qui aurait permis, en développant l’agriculture urbaine et périurbaine, d’assurer
l’autosubsistance au moins partielle des villes minières de Lubumbashi, de Likasi
et de Kolwezi.
« Il semble que soit moribonde cette mentalité d’assistés, si caractéristique
des citadins des villes du cuivre pour qui, par définition, hors de la Gécamines il
n’était point de salut » (Bruneau et al., 1986, p. 252). Aujourd’hui, l’heure est à la
reprise des investissements. L’exploitation du potentiel minier du Katanga repré-
senterait une porte de sortie non seulement pour la région, mais aussi plus
largement pour le pays tout entier. Reste à savoir comment cette relance pourra
profiter aux populations locales aux prises avec des logiques de subsistance et
permettre de pallier l’action des pouvoirs publics défaillants.
Dans le Kasaï Oriental, la production diamantifère domine l’économie
régionale. En 2005, les diamants non industriels, originaires de cette région, repré-
sentent 42,6 % du total des exportations du pays (BAD et OCDE, 2007). Les
observateurs font état, ces dernières années, d’une certaine diminution des
risques humanitaires, grâce à une stabilisation des conflits « ouverts ». En
revanche, les conditions de travail des 800 000 orpailleurs de la région condam-
nent à l’extrême pauvreté des populations entières qui travaillent et vivent dans
une situation de grande insécurité physique et économique.
La Société minière de Bakwanga (MIBA), première société diamantaire
du pays, qui appartient pour 80 % à l’État, est aujourd’hui au bord de la faillite.
En 2006, son déficit avoisine les 140 millions de dollars américains. Ce géant
industriel a pourtant connu une époque florissante, depuis sa création en 1961
jusqu’à la fin des années 1990, qui consacre son effondrement au profit du
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 197

secteur informel. Dans la région, le choc économique et culturel est grand.


Historiquement organisée, à partir de l’indépendance, selon un modèle pater-
naliste économique et social, la MIBA assurait certains avantages sociaux aux
familles des mineurs. Au même titre que la Gécamines au Katanga, la société
a participé au développement socioéconomique du pays, du Kasaï Oriental et
de la ville de Mbuji-Mayi. Des écoles, hôpitaux, ressources en énergie, de l’aide
à l’agriculture et des habitations étaient mis au service des populations de la
ville de Mbuji-Mayi et de ses alentours. Actuellement, les familles des mineurs
sont plongées dans une extrême pauvreté, la MIBA accusant d’importants
retards dans le versement des salaires (huit mois en moyenne). En 2007, les
grèves se sont multipliées, les salariés réclamant le paiement des salaires et les
droits des retraités et licenciés, ainsi que l’approvisionnement en vivres (Radio
Okapi, 2007). La production de diamant, malgré une augmentation constante,
demeure l’objet de luttes acharnées pour le contrôle des filières de production
et des zones d’exploitation.
La province du Nord-Kivu compte sur l’exploitation de la cassitérite et
du coltan (colombo-tantalite), produits de première nécessité pour les indus-
tries de pointe et notamment celle des téléphones cellulaires (Martineau, 2008).
Au Sud-Kivu on exploite principalement l’or, le diamant et la cassérite. L’enjeu
du contrôle de la filière est donc central, d’autant plus que l’artisanat minier
représente « potentiellement une source énorme d’autofinancement pour le
développement régional » (Pourtier, 2005, p. 1). Or, ces provinces frontalières
sont des zones où se sont développés d’importants trafics (Bruyland, 2007b).
L’industrie artisanale y est dominante, avec de 30 000 à 200 000 mineurs arti-
sanaux (selon Pourtier, 2004) qui extraient le minerai pour le compte de sous-
traitants qui le redistribuent, via le Rwanda, à des réseaux de trafiquants et de
contrebandiers. Les creuseurs peuvent gagner chaque jour de quatre à cinq
dollars américains de salaire brut. Mais d’importants réseaux d’extorsion de
fonds contribuent à faire diminuer largement les revenus de ces populations.
La porosité des frontières entre les Kivus et le Rwanda voisin et entre le
district de l’Ituri et l’Ouganda continue d’encourager un commerce frauduleux,
meurtrier mais florissant. En effet, selon une Commission d’enquête belge
de 2002, la traçabilité du commerce de diamant dans la région est quasiment
impossible, et cette situation nuit directement aux populations locales :
L’économie informelle du diamant est devenue le symbole de la perte d’in-
fluence de l’État […]. Les diamants sont extraits de milliers de petites mines
en des endroits variés. Nous ne savons pas vraiment combien de diamants
proviennent du Congo, de l’Angola ou de la République centrafricaine. Les
statistiques ne veulent rien dire. Les rebelles et les soldats gouvernementaux
tirent moins bénéfice du commerce du diamant que du maintien d’un système
de pénurie au sein de l’économie informelle qui est basée sur l’extraction des
diamants (Sénat de Belgique, 2002).
198 Ressources minières en Afrique

2.2.2. Les déséquilibres entre les provinces


En RDC, depuis longtemps, le déséquilibre économique entre les provinces est
déterminé par la disponibilité et les modes d’exploitation des ressources (eau,
bois, minerais)15. Si dans les années 1970 le secteur minier représentait près de
70 % du PIB congolais, il compte aujourd’hui pour à peine plus de 10 %. Cette
diminution importante des ressources attise les conflits d’intérêts dans l’épi-
neuse question de la répartition des revenus miniers. Aux prises avec un État
caractérisé par un équilibre fragile mais également en phase de restructuration
profonde et rapide, le secteur minier est une des clés de voûte de l’unité poli-
tique et de la stabilité sociale du pays. De par l’immensité du territoire, les
provinces productrices, situées à l’est, échappent en grande partie au pouvoir
politique installé à l’ouest du pays. Or, historiquement, en RDC, le fonction-
nement de l’État et sa légitimité sont en grande partie dépendants du contrôle
que l’État est en mesure d’assurer sur les principales régions minières.
Les tentatives sécessionnistes des riches provinces du Sud-Kasaï (1960) et
du Katanga (1960-1963), violemment réprimées, ou soutenues par des puissances
étrangères, illustrent bien le poids des provinces minières dans le maintien de la
paix et l’unité du pays. Les invasions étrangères des pays limitrophes lors des
deux guerres du Congo révèlent la dimension régionale et internationale des
intérêts en jeu dans le contrôle des richesses minières. À l’origine de toutes les
crises politiques depuis l’indépendance du pays, cette problématique débouche
sur une question fondamentale : comment partager équitablement les rentes
minières entre les provinces productrices et le reste du pays ? De quelle légitimité
et de quels moyens de contrôle le pouvoir central dispose-t-il pour assurer cette
collecte et cette redistribution des revenus ? Il est bien évident qu’encore
aujourd’hui, les rentes minières ne profitent pas, comme le prévoit la législation,
à l’ensemble de la population.
Si la question des frontières avec les pays limitrophes est un aspect impor-
tant de la problématique minière, celle des frontières entre provinces produc­
trices et non productrices ne l’est pas moins. Comme l’analyse Jean-Luc Piermay :
« La caractéristique première de la frontière est qu’elle crée des différentiels :
différentiels de prix, de revenus, de règlements, de circuits d’approvisionnement,
de modes d’organisation, etc. » (Piermay, 2005, p. 608).
Les ressources minières élèvent non seulement des frontières économiques
(zones d’exploitation), mais également des frontières sociales (accroissement des
inégalités) et politiques (constitution des partis politiques). En revanche, elles
narguent les frontières administratives et donnent aux conflits une dimension
régionale en impliquant toute la zone des Grands Lacs.

15. Pour plus d’informations sur les minerais de la RDC, voir Euromines (1999).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 199

En position de force, le Katanga, véritable « poumon économique » du pays,


compte sur la présence de plus de 150 sociétés minières, dont dix majors, qui, à
l’heure actuelle, multiplient les projets d’investissement de grande ampleur
(Bruyland, 2007a). Après des années de crise, l’explosion des prix de certains
minerais à partir de 2000 (cuivre, cobalt et métaux rares) inaugure un nouveau
cycle minier au Katanga et attise toutes les convoitises. Ainsi, depuis 2000-2002
et l’envolée des prix du cobalt et du cuivre, la province du Katanga est le nouvel
eldorado des investisseurs.
Les conditions d’attribution des concessions de la Gécamines, la plus
grande société minière du pays, sont au centre des débats. Ses actifs ont com-
mencé à être « bradés » à partir de 1996 pour financer le fonctionnement
d’un État en crise, qui ne pouvait pas bénéficier de l’aide multilatérale durant la
période 1991-2001.
Dans la volonté d’éviter la faillite complète de l’entreprise et de relancer
l’économie du Katanga, le gouvernement congolais entreprend, à partir de 2003,
la restructuration de la Gécamines par la privatisation, depuis longtemps préco-
nisée par les IFI (Mazalto, 2005a). Selon un rapport de 2006 de l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) :
Le plan économique du gouvernement (PEG) prévoyait déjà en 2004 la res-
tructuration, financée par la Banque mondiale, d’une série d’entreprises avec
le départ volontaire des travailleurs. Un début d’application a été amorcé dans
des entreprises publiques, telles que la Gécamines et l’Office congolais
des postes et télécommunications (OCPT), malgré une forte résistance des
syndicats (BAD et OCDE, 2006, p. 242).

L’objectif est de relancer la production en assurant un financement privé


par le recours quasi systématique à des joint-ventures, dont certains conclus
avant 1997 ont d’ailleurs été dénoncés dans le rapport Lutundula pour avoir plus
directement profité aux investisseurs étrangers qu’à l’État congolais. Pour le
directeur général de la Gécamines, Paul Fortin, les avantages de la restructuration
envisagée se situent dans les retombées financières qui devraient assurer des
revenus de 7,5 milliards de dollars américains (impôts et taxes diverses) à l’État
pour les prochains 30 ans, soit 2 milliards de dollars américains à l’entreprise et
7 milliards de dollars américains aux différents partenaires (Fortin, 2007). Quant
aux retombées sociales et économiques envisagées pour les populations, elles
sont présentées comme suit :
ƒƒ Développement communautaire : 40 % de la redevance minière selon le
Code minier, à payer à la province et à l’entité locale où se développent
les projets,
ƒƒ Plan social : environ 6 000 nouveaux emplois créés dans les cinq ans.
Bénéficiant d’un financement de la Banque mondiale (Fortin, 2007) au cours
de l’année 2003, le comité directeur applique un programme de mise à la retraite
de 10 000 des 25 000 employés de la Gécamines. Vu les résultats financiers
200 Ressources minières en Afrique

déplorables de l’entreprise, il faut mettre en adéquation les effectifs (Fortin, 2007)


et les capacités productives. Les « partants volontaires » reçoivent une modique
compensation, pour un montant global de 45 000 000 de dollars américains,
les décomptes forfaitaires variant considérablement de 40 000 à 50 000 dollars
américains pour les cadres, et de 2000 à 10 000 dollars américains pour les autres
catégories professionnelles. Par ailleurs, dans les conditions actuelles, la Gécamines
n’a pas les moyens d’assurer la sécurité de ses travailleurs, ni même une présence
régulière dans l’ensemble de ses concessions.
L’entreprise établit donc des ententes, à court terme, avec de petites
firmes étrangères, responsables de l’extraction et de la sécurisation de parties
des concessions qui seraient, sans ce procédé, soumises à ce que certains con-
sidèrent, en raccourci, comme le « pillage » des mineurs artisanaux. Ce recours
à des sous-traitants induit ainsi l’embauche d’anciens mineurs de la Gécamines
et de mineurs artisanaux par des firmes privées, ce qui soulage du même coup
l’entreprise des coûts sociaux liées à l’emploi (soins de santé, coûts de trans-
port, éducation des enfants). Ces mineurs artisanaux au statut de travailleurs
autonomes sont rémunérés à taux fixe, dans des conditions peu respectueuses
des normes de l’OIT. Cette situation participe à la précarisation de la condition
des mineurs du Katanga, tant pour l’aspect financier que pour la durée des
contrats, les conditions matérielles de travail ou les recours possibles en cas
d’accident.
L’étude de la Gécamines montre combien, dans les provinces minières du
Congo, la réforme du secteur minier a eu un impact positif limité sur les droits
des populations locales sur la terre, les droits des femmes et des enfants ou
le droit du travail, qui demeurent largement bafoués. Il semblerait qu’on tolère
certaines conditions inhumaines constatées aux abords des sites miniers, au
nom de la mise en œuvre progressive des réformes. Ce constat vaut pour la
majorité des provinces minières, même si les modes d’exploitation et le poten-
tiel d’intervention de l’État et des acteurs économiques internationaux (IFI,
entreprises) diffèrent.
L’adoption d’un nouveau code minier a sans doute favorisé la relance de
l’investissement. Mais dans le domaine de la promotion des droits, la loi semble
en décalage avec les réalités politiques, économiques et sociales congolaises. Ce
contexte aurait mérité d’être mieux pris en compte, dans la mesure où il interfère
avec l’application de la nouvelle législation minière.
À l’heure actuelle, la politique de décentralisation présente à la fois une
opportunité d’harmonisation des pratiques et un nouveau risque de fragmen-
tation du pays. Quelle légitimité sera conférée au code minier (RDC, 2002,
Art. 242) qui prévoit la ventilation de la redevance minière à hauteur de 60 %
pour le gouvernement central, de 25 % pour l’administration de la province et
de 15 % pour la ville ou le territoire où se fait l’exploitation ? L’absence de
régulation efficace explique, en grande partie, les conflits et violations des droits
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 201

humains récurrents dans les provinces minières (Kasaï, Kivu et Katanga). Face
aux intérêts en jeu, les conditions d’application de la législation minière ne
semblent nulle part réunies.
La Constitution institue une « Conférence des Gouverneurs présidée par le
Chef de l’État » (RDC, 2006a, Art. 3), pour organiser l’application de ces dispositions
du code minier. Mais le cadre légal, qui attribue 40 % des redevances aux provinces
minières, voit son application hypothéquée par deux motifs principaux. Tout d’abord,
les besoins actuels de l’État central sont immenses, pour rembourser la partie non
annulée de la dette qui demeure importante et restaurer son autorité et sa légiti-
mité. Or, les provinces minières comptent sur ce mode de répartition des revenus
« affec�����������������������������������������������������������������������������
tés exclusivement à la réalisation des infrastructures de base d’intérêt com-
munautaire » (RDC, 2002, Chap. III, Art. 242). Elles exercent donc des pressions
politiques pour que les dispositions constitution­nelles soient appliquées. Comme
le fait remarquer Bonne (2003), « il est improbable que les régimes délèguent de
réels pouvoirs ni des ressources aux dirigeants ruraux à qui ils ne font pas confiance
ou qu’ils ne peuvent pas contrôler ». Ce motif, qui s’inscrit dans l’histoire du pays,
pourrait suffire à expliquer la rétention des revenus par le pouvoir central.

2.2.3. Les violences non maîtrisées


Trois principaux facteurs participent au climat généralisé de violence qui entoure
les activités minières en RDC. Il s’agit :
ƒƒ des conditions de vie et de travail des populations riveraines des sites miniers,
ƒƒ des actes de corruption et de menaces qui dominent l’économie de ce
secteur, et enfin
ƒƒ des luttes armées qui continuent à faire rage dans les zones frontalières
du pays.
La plupart des sites miniers congolais sont actuellement exploités sans
aucun contrôle des normes de sécurité et de rémunération. Le travail des enfants
retient particulièrement l’attention d’un grand nombre d’ONG internationales
et du Bureau international du travail (BIT). Une récente étude portant sur les
mines d’hétérogénite du sud de la province du Katanga estime que plusieurs
milliers d’enfants de moins de sept ans sont employés comme creuseurs (Groupe
One, 2006). Sur certains sites, la présence d’uranium met directement la vie des
travailleurs et des populations en danger (Mazalto, 2005b). Plusieurs initiatives
indépendantes sont lancées. Le BIT se mobilise pour améliorer les conditions de
vie et de travail dans les mines du Katanga (Abedi, 2007). Il s’agit de renforcer
la « bonne gouvernance » et le respect de la législation et des droits, et de favoriser
le dialogue social.
La corruption et les menaces continuent à dominer les relations entre
acteurs du secteur minier. Les différents rapports évoqués précédemment
(Groupe d’experts ONU, Kalala, Lutundula) donnent également un bon aperçu
202 Ressources minières en Afrique

des pratiques observées aux plus hauts niveaux de l’État et posent « la question
des processus par lesquels l’autorité est exercée dans la gestion des ressources
économiques et sociales » (Campbell et Ahado, 2007, p. 1) du pays. Dans les
provinces et à un niveau très local, de telles pratiques, qui allient culture de la
corruption et menaces, impliquent souvent directement acteurs économiques
principaux et représentants de l’autorité publique.
Enfin, les violences non maîtrisées renvoient à une logique de « guerre »
qui se perpétue malgré la fin officielle du conflit. Le trafic illicite de minerais
alimente toujours le commerce des armes et le financement de milices, qui pren-
nent le contrôle des zones minières toujours stratégiques. Les rapports du Groupe
d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC recensent
les principales zones de conflit directement liées à l’économie minière (Kassem
et al., 2003). Ainsi, les zones minières situées dans l’est du pays (Ituri, Nord-Kivu
et Sud-Kivu) et dans le nord du Katanga sont toujours des territoires à forte
menace pour les populations locales. Ce sont précisément les zones dans les-
quelles l’économie minière est la moins structurée, où domine le secteur informel,
à la différence des provinces où la Gécamines et la MIBA exploitent les minerais
sur un mode industriel. Durant la transition, comme plus tard, les violences com-
mises contre des civils par les FARDC reviennent comme un leitmotiv dans la
majorité des rapports de la MONUC. Trafic d’armes, violences intertribales, vio-
lences sexuelles, ponction et exploitation des populations locales, déplacement
de populations, enfants soldats, semblent être le lot quotidien de la majorité des
habitants de ces territoires.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport The Curse of Goldin
Democratic Republic of Congo, témoigne de l’ampleur des violations des droits
humains constatées dans des dizaines de sites miniers visités :
L’or est un facteur important dans les violations des droits humains dans le
nord-est de la RDC. Le gouvernement de la RDC, ses voisins, les donateurs
internationaux de l’ONU et le secteur privé doivent travailler ensemble pour
arrêter le commerce clandestin de l’or et des autres ressources (Human Rights
Watch, 2005, p. 129).

De même, le district de l’Ituri, dans la Province orientale, est progressive-


ment devenu, au cours des dernières années, l’une des régions les plus troublées
d’Afrique. La région des Kivus est également en proie à de nombreux combats
entre factions armées qui luttent pour le contrôle des ressources. « Les zones où
ces transactions [ventes d’armes] sont les plus intenses sont les zones minières,
frontalières, pastorales et urbaines » (Berghezan, 2006, p. 46). Le peu de contrôle
exercé aux frontières entre l’Ituri et l’Ouganda, et entre les Kivus et le Rwanda,
favorise le développement de filières de trafic d’armes, de pierres et de minerais,
lesquelles alimentent une guérilla locale qui participe à la déstabilisation de l’est
du pays. Ainsi, en 2007, le Nord-Kivu devait encore négocier la présence d’un
nombre important de soldats de l’armée rwandaise.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 203

Ce rapide tour d’horizon montre l’ampleur des défis à relever pour appli-
quer la politique nationale minière en matière de promotion et de respect des
droits humains. Le rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur la RDC daté de
janvier 2007 relève la complexité des enjeux qui lient les groupes armés, les États
de la région, les réseaux criminels, le trafic illicite d’armes, auxquels s’ajoutent
des logiques de corruption à grande échelle (CS, 2007). Cela étant, la situation
aux frontières semble s’être améliorée depuis la fin de la transition. La relation
entre exploitation des ressources et activités armées paraît s’être distendue. Dans
quelle mesure une telle culture de la violence peut-elle continuer à dominer dans
un secteur ayant été théoriquement réformé en profondeur (Dufresne, 2007) ?
Selon un rapport commandité en 2005 par le Conseil économique et social de
l’ONU, une partie de l’explication résiderait dans le statut extrêmement précaire
des employés des forces armées, des fonctionnaires et autres agents de l’État.
« Sous-payés ou impayés, ces “représentants légaux” contribueraient à encourager
l’impunité, la corruption, les harcèlements et assassinats, notamment de journa-
listes et défenseurs des droits de l’Homme » (Pacéré, 2007). Ce climat de semi-
anarchie est à comprendre dans sa dimension historique, depuis l’indépendance
du pays, lorsque sous le régime de Mobutu, ces pratiques faisaient déjà partie
d’une stratégie de gouvernance par la terreur.

2.2.4. Manque de contrôle du pouvoir central et faiblesse des institutions


En mettant l’accent sur la refonte structurelle des secteurs stratégiques, les ins-
titutions financières internationales ont-elles pris toute la mesure de l’importance
du contexte politico-économique comme facteur déterminant de l’efficacité des
réformes engagées ? Évoquant les conditions d’élaboration des réformes,
Kabanda Kana constate :
C’est malheureusement dans un climat d’incertitude politique et de division
entre les acteurs politiques congolais que la Communauté internationale et
l’Union européenne choisirent paradoxalement d’investir dans un processus
politique capital pour le Congo. Un processus qui avait tout intérêt à être
réellement inclusif et surtout soutenu par toutes les forces représentatives
du pays afin d’aboutir à un résultat crédible et acceptable par la majorité
(Kabanda, 2006, p. 2).

Après l’adoption des premières réformes en 2002, il faudra, en effet,


attendre une année pour qu’en juin 2003 le pays se dote d’un gouvernement
d’unité nationale, dit « de transition »16. À sa tête, on retrouve Joseph Kabila ainsi
que les anciens chefs rebelles qui s’inscrivent dans une logique consensuelle
basée sur la négociation. Les trois principales factions politiques ou militaires
(PPRD, RCD et MLC), constituées en partis politiques (Commission des recours
des réfugiés [CRR], 2006), participent au gouvernement.

16. Gouvernement dont l’exécutif est composé d’un président et de quatre vice-présidents.
204 Ressources minières en Afrique

Ce contexte de forte instabilité politique se greffe sur la faiblesse des


institutions, au niveau central aussi bien que provincial. Ces deux facteurs
posent la question de la capacité de l’État à mettre en œuvre les réformes
minières adoptées par des gouvernements dont la légitimité est contestable.
À ce titre, la légitimité même des réformes impulsées par les IFI mérite d’être
interrogée, d’autant plus que leur mise en œuvre revient à un « État fragile »
(Châtaigner et Magro, 2007). Même si, comme le constate J.-F. Bayart (1996),
l’ex-Zaïre conserve malgré tout un attachement inébranlable à l’idée nationale,
la légitimité de l’État « dans un monde en mutation » (Banque mondiale, 1997)
demeure soumise à d’importants défis. Ce constat de maintien d’un climat
propice à la violation des droits ressort clairement du Document de la stratégie
de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP-2006), rédigé sous le
gouvernement de transition :
La restructuration et la libéralisation du secteur minier entamées en 2004
dans l’ensemble du pays ont donné lieu à l’expropriation des terres des paysans
au profit d’autres secteurs miniers et des concessions minières, à la fraude et
aux contrats léonins (RDC, 2006b, p. 35)

En effet, si les réformes ont permis une restructuration des institutions


minières et de la législation, dans les conditions difficiles que nous avons expo-
sées, elles semblent avoir été menées principalement à partir de Kinshasa, siège
du pouvoir central. Comment envisager leur application, lorsque dans un pays
aussi vaste, les représentations de l’État se bornent encore trop souvent à la
présence des Forces armées, connues pour leurs actes de pillage et de violation
massive des droits ? L’application des politiques de décentralisation conçues
pour permettre aux provinces de bénéficier d’une autonomie financière n’est
envisageable qu’à certaines conditions.
Tout d’abord, elles doivent se baser sur des réseaux de collecte et de redis-
tribution de la rente minière, par l’État central, qui soient sécurisés et fonction-
nels, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Selon les chiffres du FMI, la
Direction générale des impôts a pu collecter, en 2006, environ 100 millions de
dollars américains sur les 250 millions de dollars américains attendus (DIA,
2007a). Le défi actuel consiste donc à renforcer la présence de l’État dans toutes
les provinces pour assurer non seulement une meilleure collecte des taxes et
impôts, mais aussi leur redistribution équitable dans l’ensemble du territoire
national. Pour ce faire, les politiques doivent également pouvoir compter sur des
autorités locales formées, rémunérées et dotées de moyens pour garantir un usage
raisonné des rentes perçues.
La refonte locale du maillage administratif dans l’ensemble du territoire
est un des principaux enjeux des réformes. En effet, que ce soit à l’échelle natio-
nale ou locale, les logiques de détournement de fonds ont comme principal ter-
reau le manque de contrôle de la chose publique par les représentants de l’État
et la société civile, et la désorganisation du secteur.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 205

Enfin, l’État central doit être en mesure d’adopter une politique minière
adaptée aux besoins des provinces et assortie de mécanismes de traçabilité des
fonds et de reddition de comptes. Ce sont à la fois les investisseurs privés et les
fonctionnaires qui doivent être soumis à ces politiques, afin d’instaurer une com-
mune exigence de transparence et de collaboration.
Même si la législation prévoit l’application de tels mécanismes, le manque
de fonds, de moyens humains et d’expertise locale risque encore de la compro-
mettre dans les principales régions minières. Ce sont pourtant de telles mesures
qui pourraient permettre à la nouvelle législation minière de rompre avec les
logiques de pillage qui dominent le secteur depuis des décennies. À l’heure actuelle,
des réformes ont été adoptées, dans un contexte de manque de contrôle du pouvoir
central et de faiblesse des institutions. On ne peut que s’interroger sur le réel
potentiel d’application des clauses les plus coûteuses et contraignantes pour l’État
et les investisseurs (sociales et environnementales), dans un environnement où
continue à régner un climat de relative impunité. À cet égard, il semble que les IFI
privilégient le recours à la superposition des systèmes de droits pour pallier les
faiblesses de l’État.

3. LE SECTEUR MINIER ET LA SUPERPOSITION DES SYSTÈMES


DE DROITS : SITUATION DES DROITS HUMAINS
DANS LE SECTEUR MINIER EN RDC
3.1. Les différents systèmes de droits
La refonte du secteur minier congolais vise à assurer la promotion des droits des
investisseurs et la sécurité des populations, garantie de paix sociale. En plus
d’avoir participé à l’implantation d’une nouvelle législation et au renforcement
des mécanismes de contrôle publics17, les IFI incitent l’État et les investisseurs,
à titre de partenaires du développement, à se rallier à des initiatives internatio-
nales de régulation. Ces dernières sont basées sur la « gestion corporative cor-
respondant à un modus operandi » et induisent des mécanismes incitatifs pour
le respect de normes et standards transnationaux de « bonne conduite ». Comme
le souligne Campbell (2005), la dimension politique des droits est transcrite en
« termes essentiellement procéduraux » destinés à assurer l’efficacité des réformes.
De fait, il ressort que la perspective privilégiée par les institutions
financières internationales se concentre sur une approche des droits humains
associée à une série de normes en mesure de garantir l’augmentation des
standards de performance à la fois des institutions multilatérales, des États
et des investisseurs :

17. En 2006, l’élaboration des termes de référence du Plan minier est destinée à préciser les
orientations, les objectifs et les moyens de la politique sectorielle.
206 Ressources minières en Afrique

Quels sont les objectifs reliés aux droits humains quand ils sont liés aux critères
de performances des entreprises ?
– Aider les clients à traduire les violations des droits humains comme des
risques potentiels au sein de leur entreprise.
– Aider les clients à mobiliser les droits humains comme des occasions de créer
de la valeur ajoutée.
L’enjeu est de traduire les normes reconnues de droits humains en critères
pratiques et d’application générale pour les investissements dans le secteur
privé dans les pays en développement (Kyte, 2005).

Les codes de conduites apparaissent donc comme les outils privilégiés de


la communauté internationale (Campbell et Mazalto, 2004). Ils sont mis au ser-
vice de cette approche pragmatique qui participe à dépolitiser les enjeux de
droits. Selon Brugvin, ces « nouveaux instruments de contrôle citoyen visent à
pallier temporairement les carences de la régulation publique nationale et inter-
nationale » (Brugvin, 2002, p. 1). Cette orientation débouche cependant sur la
question complexe de la légitimité sociale et politique des différentes instances
et des échelles de contrôle.
Au début des années 2000, la réforme du secteur minier congolais se carac-
térise donc par un double processus d’adhésion du pays à de nouveaux standards
de développement, qui relèvent à la fois du droit public (État de droit) et privé.
Les initiatives transnationales induisent une logique technique et gestionnaire
de contrôle fondée sur la mobilisation volontaire des acteurs économiques et
politiques autour des enjeux de droits humains réduits à leur dimension de
sécurité humaine. De fait, la responsabilité des acteurs économiques se résume
à leur adhésion à des codes de conduite internationaux qui se concentrent
sur des standards de transparence et de sécurité des sites d’exploitation et de
leurs alentours.
On remarque également que la majorité des initiatives transnationales
lancées dans le pays se concentrent sur des sous-secteurs, comme celui des dia-
mants, que les conflits meurtriers en Afrique de l’Ouest et centrale (Sierra Leone,
Nigeria, Rwanda, RDC) font considérer comme à haut risque humain. En RDC,
l’exploitation du diamant contribue à elle seule à 75 % des devises versées
au trésor public. Elle regroupe près d’un million de creuseurs artisanaux dans
l’ensemble du territoire. Les principaux objectifs affichés des codes de conduite
internationaux sont le renforcement du contrôle des filières et la transparence
de la gestion des revenus. L’amélioration des conditions de vie des mineurs
artisanaux est également recherchée. Dans cette optique, en 2003, l’État congo-
lais signe le Processus de Kimberley, sous l’égide de l’ONU. Il participe ensuite
à l’Initiative diamant et développement (IDD) (Partnership Africa Canada,
2005), visant à ce que la production de diamant se réalise au profit des commu-
nautés locales et des gouvernements nationaux. L’adhésion à l’Initiative pour
la transparence dans les industries extractives (ITIE) en 2005, fortement
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 207

encouragée par la Banque mondiale, au-delà de son objectif de promouvoir une


plus grande traçabilité des revenus miniers, est destinée à relancer la productivité
du secteur artisanal et à assurer le développement des zones de production
(RDC, 2007).
Cette tendance à recourir à des mécanismes de certification basés sur
un système transnational d’experts s’observe dans de nombreux pays du Sud.
Elle semble une alternative intéressante pour une industrie de plus en plus inter-
pellée par les conséquences sociales, économiques et politiques de ses activités.
Cependant, les conséquences de ce double mouvement de transnationalisa-
tion et de privatisation des mécanismes de régulation nationaux ne sont pas
sans ambiguïté.
Cela suggère un processus généralisé au moyen duquel les secteurs de respon-
sabilité juridique nationale sont systématiquement privatisés et transférés dans
la sphère transnationale. La mondialisation de l’économie a engendré de nou-
velles demandes locales de régulation sociale du développement du secteur
privé [...] Ainsi, les lois et les politiques nationales sont transformées en lois et
politiques transnationales (Szablowski, 2007, p. 290-291).

Ainsi, la réforme du secteur minier congolais repose à la fois sur la pri-


vatisation des entreprises minières, l’adoption de lois libérales destinées à pro-
mouvoir l’investissement étranger et l’implantation d’un système de contrôle
de la chose publique utilisant des mécanismes de régulation transnationaux de
droit privé. Ces nouveaux mécanismes répondent à la demande sociale d’un
meilleur contrôle des pratiques. Ils s’inscrivent cependant dans une logique de
filières, dont les acteurs agissent dans le court terme et dans des conditions
échappant en grande partie aux mécanismes de reddition de compte publics
caractéristiques d’un État de droit. La gestion intégrée du secteur et la redis-
tribution des richesses au bénéfice de l’ensemble de la population sont en
grande partie laissées de côté par ces outils de régulation sectoriels. Il semble-
rait en effet que de tels mécanismes répondent à une logique d’externalisation
des mécanismes de contrôle. D’une part, cette tendance participe à dépolitiser
les enjeux de droits humains au profit d’une vision réductrice basée sur des
objectifs de sécurisation des investissements, des sites et des personnes. De
l’autre, elle tend à affaiblir l’autorité et la légitimité de l’État, en le confinant
dans un rôle, qu’il n’a pas les moyens de remplir, d’agent de régulation, de
contrôle et de redistribution.
Les questions soulevées ici révèlent un système de droit bicéphale. La
multiplicité des systèmes de régulation pose la question de leur hiérarchie, de
leur légitimité et des conditions de leur coexistence. Elle renvoie également au
problème de la responsabilité des acteurs, sachant que les systèmes de droits
privés s’adressent aux majors de l’industrie, sans résoudre la question du respect
des règles d’exploitation par les petites compagnies et les mineurs artisanaux qui
abondent sur le sol congolais.
208 Ressources minières en Afrique

Il reste donc à envisager dans quelle mesure ces différents outils seront
réellement mis au service de la promotion des droits civils, économiques et
sociaux des populations, et garantir le maintien de la paix dans les zones minières
qui sont encore le siège de luttes violentes.

3.2. Situation des droits humains dans le secteur minier en RDC


Si des normes internationales se superposent au système légal congolais pour
assurer que soient respectées des normes minimales d’exploitation minière et
ainsi tenter de redonner une certaine légitimité à ces activités, on observe un
phénomène similaire, du moins temporairement, en ce qui a trait au maintien
de la paix. En effet, les principales régions minières en zones de conflits sont
toujours, depuis fin 1999, sous le contrôle de la MONUC. La MONUC repré-
sente la plus importante mission de maintien de la paix de l’histoire des Nations
Unies18. Sa mission consiste à soutenir le processus de paix et à protéger les
populations civiles menacées de violences physiques dans l’Ituri et les Kivus.
Les nombreux rapports de la MONUC19 témoignent de l’ampleur de la tâche, en
attendant que l’État soit doté d’un pouvoir judiciaire efficace et légitime pour
garantir « la protection primordiale des droits humains en RDC » (Yacoubian et
UN Congo, 2007).
Une mission dépêchée par le FMI en mars 2007 reconnaît que la situation
est difficile. Qu’en est-il du développement social du pays maintenant que le pays
« [...] est devenu un point chaud pour l’ensemble de l’industrie minière qui
s’est vue contrainte de chercher de nouvelles sources de richesses minérales
inexploitées dans des régions de plus en plus difficiles » ? (Hoffman, 2007, p. 1.)
Dans un contexte de relance de l’activité minière, quelles
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sont les réper-
cussions des programmes de développement sur les populations, alors que le pays
continue d’être en proie à de violents conflits dans des régions difficiles d’accès
pour les forces publiques et dotées d’institutions de contrôle défaillantes ?
Les différents rapports officiels, les indices financiers et les indicateurs du
développement humain (IDH) témoignent de conditions de vie très dures, quel-
ques années après la fin de la guerre. Ils soulignent aussi l’ampleur des défis à
relever en matière de redistribution des fruits de la croissance et de promotion
des droits humains. Un rapport du FMI publié en avril 2006 conclut : « Les cycles

18. Se reporter également aux nombreux rapports destinés au Conseil de sécurité élaborés par
le groupe des experts sur la situation en RDC (voir ONU, 2007).
19. William Swing, le chef de la MONUC, a tenu une conférence au Centre d’études stratégiques
de l’Afrique à Washington, D. C., le 3 mai 2007. Au cours de la rencontre, intitulée « War,
Peace and Beyond », il a exposé les accomplissements de la MONUC, ainsi que les défis à
venir non seulement pour cette mission, mais pour l’ensemble des opérations de maintien
de la paix de l’ONU.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 209

successifs et intenses de guerres civiles (1993, 1997 et 1998-1999) ont eu des


répercussions très négatives sur le plan socioéconomique. La Banque mondiale
estime qu’entre 70 et 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté
(par définition, un dollar américain par jour), contre 30 % environ en 1993 » (FMI,
2006, p. 5).

Tableau 5.1. INDICATEURS DU DÉVELOPPEMENT HUMAIN


ET INDICATEURS SANITAIRES EN RDC*

Economie et accès aux services Santé


80 % des Congolais sont vulnérables économiquement : Déficit calorifique chez les enfants de moins de 5 ans =
plus de 65 % de la population urbaine vit avec insuffisance pondérale d’environ 30 %.
1 dollar américain par jour. Un enfant sur cinq n’atteint pas l’âge de cinq ans.
55 millions de personnes vivent avec
0,30 dollar américain par jour (2005). Le paludisme cause 52,4 % des décès enregistrés et
la tuberculose, 40 %. La maladie du sommeil touche
Indice d’inégalité (Gini) : 42 %. Il suggère l’existence environ 12,5 millions de personnes.
d’injustice distributive, de discrimination et d’exclusion
quasi endémique dans le pays.
92 % des ménages souffrent de la faim au moins une Taux de mortalité maternelle (990 pour 100 000 nais­
fois par jour (moins de 3 repas). sances) et infantiles (118,7 pour 1 000) parmi les plus
élevés d’Afrique.
75 % de la population est considérée sous-alimentée
et sans approvisionnement régulier en eau potable.
* « Les pays riches négligent la crise humanitaire en République démocratique du Congo [a mis en garde aujourd’hui l’agence
humanitaire Oxfam International]. Depuis l’appel lancé le 13 février dernier, les pays donateurs n’ont engagé que 94 millions
de dollars (14 %) des 682 millions nécessaires au Plan d’action humanitaire (PAH) développé par l’ONU, la Croix-Rouge et
les agences. Durant cette période de trois mois, on estime que 100 000 personnes sont mortes de causes liées au conflit »
(Communiqué de presse Oxfam, 13 mai 2006).
Sources : Banque africaine de développement (BAD), Fonds africain de développement (FAD) (2005) et BAD (2006).

On retiendra que la réforme du secteur minier s’est accompagnée d’avan-


cées en matière de croissance macroéconomique (FMI, 2006, p. 24), même si
celles-ci demeurent limitées. Le retour des investissements étrangers aura effec-
tivement permis un redémarrage de la croissance : 5,1 % en 2004, 6,5 % en 2005
et 5 % en 2006 (Documentation et information pour l’Afrique [DIA], 2007b).
Cette reprise est attribuée notamment aux bonnes performances du secteur
minier, à la construction, aux télécommunications et au commerce de gros. Le
regain des exportations en 2004 résulte surtout de la hausse des prix du cobalt
et de l’accroissement de la production minière, qui augmente de 35,3 % par
rapport à 2003 (BAD et FAD, 2005). En revanche, la majorité de la population
congolaise ne bénéficie pas actuellement des répercussions positives de cette
croissance. Les défis demeurent énormes pour que s’applique l’Article 58 de la
Constitution : « Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales.
L’État a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au
développement » (RDC, 2006a). Toutefois, malgré la richesse du sol et du sous-
sol, la population des principaux pôles miniers tels que Mbuji-Mayi, au Kasaï
Oriental, continue de vivre dans un état de pauvreté extrême. D’innombrables
210 Ressources minières en Afrique

femmes et enfants tentent de survivre grâce à l’extraction de diamants à petite


échelle, en tant que « creuseurs ». Or le climat de violence qui règne dans les
concessions informelles se traduit par un manque total de sécurité pour
les travailleurs.
Au Katanga, il est vrai que certaines communautés vivant près des sites
peuvent profiter sporadiquement de l’engagement de grandes compagnies étran-
gères dans les secteurs sociaux. Elles peuvent aussi bénéficier des infrastructures
installées pour favoriser les opérations sur les sites miniers (routes, électricité et
eau courante), mais de tels avantages ne sont pas garantis et demeurent inadé-
quats. Par conséquent, le principal enjeu du développement consiste désormais
à sécuriser les zones minières et à assurer l’implantation de politiques équi­
tables de redistribution des revenus issus de l’exploitation minière. Plus encore,
la prise en compte des disparités régionales et de la diversité des modes d’ex-
ploitation (secteur industriel, petites mines, artisanat) continue de poser au
gouvernement les défis de l’adéquation entre les outils disponibles et l’ampleur
des besoins.
La situation des droits humains dépasse largement la reprise des indices
macroéconomiques de développement, car elle repose sur la capacité pour l’État
de redistribuer équitablement les fruits de la croissance et de garantir la paix
dans les zones frontalières. Pour sortir d’une logique de survie, les populations
doivent également pouvoir être protégées des épisodes d’inflation, qui entraînent
la baisse du pouvoir d’achat des denrées de première nécessité, majoritairement
importées depuis la libéralisation amorcée dans les années 1980. Ainsi, la situa-
tion des droits humains dans le secteur minier en RDC demeure très préoccu-
pante. Seule une approche intégrée du développement, qui soit en mesure
d’articuler une politique de sécurisation des zones minières, de relance de l’ac-
tivité minière et agricole des populations locales et de stabilité macroéconomique,
pourrait remédier à la situation.
Une telle vision intégrée du développement pourrait également s’appuyer
sur la mobilisation croissante de la société civile congolaise et internationale dans
le secteur. Comme le préconisent les IFI et le rapport de l’EIR, il existe actuel-
lement une volonté d’inscrire la participation sociale au centre des enjeux de droits
et de développement. Précisément, vu l’insuffisance et les dysfonctionnements des
espaces de dialogue multi-acteurs dans le secteur, les pouvoirs publics, en collabo-
ration avec les entreprises minières et la société civile, ont initié en mai 2007 un
nouveau cadre de concertation permanent. Selon des sources onusiennes (Okapi
Radio, 2007), l’objectif de cette table ronde est d’établir un dialogue social entre
les ONG locales, les entreprises minières et l’État congolais.
Désormais, tous les problèmes, notamment ceux liés à la violation des droits
humains, seront débattus dans ce cadre avant d’être portés sur la place publique.
Cette initiative témoigne du besoin de développer des mécanismes de participa-
tion et d’avoir un meilleur contrôle public de l’application des lois. La création
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 211

d’espaces politiques a permis de mobiliser des citoyens, experts ou non, soucieux


d’inscrire leur action dans un processus de participation et d’appropriation des
politiques de développement actuellement à l’œuvre dans leur pays.

CONCLUSION
Aucun autre pays d’Afrique ne possède un potentiel minier aussi considérable
que celui du Congo. Nulle part ailleurs, selon certains analystes, la désagrégation
de l’État n’a été poussée aussi loin (Misser et Vallée, 1997).
Pour Colette Braeckman, la RDC a participé, au cours des dernières
années, à une véritable course d’obstacles :
[…] référendum constitutionnel, élections législatives et présidentielles, mise
en place d’une Assemblée élue. […] Un socle de légitimité a été constitué, des
courants politiques existent, des alliances se négocient. À cette étape-ci
éga­lement, on constate que le pire n’est pas sûr, que les prévisions les plus
pessimistes sont démenties par les faits (Braekman, 2006).

Maintenant que le pays s’inscrit dans une logique de sortie de crise, se pose
la question des conditions de mise en œuvre des réformes. L’étude de la situation
des droits humains constitue une porte d’entrée pertinente, en raison de l’ap­
proche holistique qu’elle nécessite et dans la mesure où cette dimension est une
priorité affichée par la communauté internationale pour mesurer l’effectivité
des progrès réalisés.
Une de nos hypothèses a été que la promotion des droits humains suppose
la mise en place de mécanismes de répartition équitable de la richesse nécessitant
l’existence d’institutions légitimes implantées dans l’ensemble du territoire. Nous
considérons également que la promotion des droits implique une approche du
développement qui dépasse les approches légales et gestionnaires pour poser
l’enjeu de la responsabilité sociale et politique des différentes catégories d’ac-
teurs dans la protection des droits. Il est essentiel de tenir compte de ces deux
dimensions dans un pays aussi complexe que la RDC, comme d’ailleurs dans de
nombreux pays d’Afrique, puisqu’elles représentent des défis majeurs de mise
en œuvre. Interroger la dimension des droits revient à évaluer non seulement la
capacité du secteur minier à participer au développement durable, mais aussi
l’exemplarité de ce pays eu égard aux programmes de développement élaborés
par les bailleurs de fonds internationaux.
Kirsti Samuels remarque à ce sujet : « Bien que l’État de droit revête une
importance accrue dans les pays post-conflit, peu de lignes directrices précisent
les manières d’entreprendre de telles réformes ou en quoi la stratégie adoptée
devrait différer de celles des pays en développement » (Samuels, 2006, p. 6). À
court terme en RDC, les tentatives de restauration de l’État de droit semblent,
en effet, basées sur l’atteinte de critères de performance et la promotion d’une
212 Ressources minières en Afrique

gouvernance de type gestionnaire. Les droits humains, traduits en standards de


développement et mis au service de la recherche d’une meilleure gouvernance
de cette nature, participent à renforcer la légitimité de l’action des acteurs
économiques et étatiques. Mais la dimension éminemment sociale, culturelle et
politique de la problématique des droits dépasse ces visées gestionnaires. Para-
doxalement, contrairement aux recommandations de l’EIR, les programmes
de développement appliqués dans le secteur minier congolais semblent peu tenir
compte de ces dimensions.
Dans une réflexion sur les orientations actuelles des programmes de déve-
loppement, l’EIR représente une initiative intéressante qui a comme mérite de
souligner les enjeux de droits et les conditions de leur mise en œuvre. Cependant,
lorsqu’on lit les principales recommandations de l’EIR à la lumière des poli­
tiques menées par le GBM en RDC, on ne peut que constater que de nombreuses
questions demeurent encore aujourd’hui sans réponse :
ƒƒ Dans le contexte actuel, peut-on penser que le passage à un régime dit
« démocratique », mais privé d’institutions fonctionnelles et donc légi­times
dans la plupart des provinces, constitue une garantie suffisante pour assu-
rer l’application des nouveaux cadres légaux et les recommandations de
l’EIR ?
ƒƒ Comment envisager en RDC que les provinces minières soient pacifiées
et appliquent les nouvelles normes du cadre légal congolais alors que l’ar-
mée congolaise, privée de moyens, amorce très lentement un nécessaire
processus de réintégration des différentes milices ?
ƒƒ Comment envisager l’atteinte de tels objectifs alors que des forces privées
contrôlent des périmètres miniers dont la superficie ne fait que s’accroître
avec le retour massif des investisseurs étrangers dans le pays ?
ƒƒ Comment assurer de meilleures conditions de vie aux millions de creuseurs
artisanaux aujourd’hui menacés d’expulsion par la relance de l’industrie
minière ?
ƒƒ Sous quelles conditions les normes et valeurs internationales qui pénètrent
en RDC, notamment par l’intermédiaire du secteur minier, pourront être
intégrées par le système sociopolitique congolais ?
ƒƒ La tentative de rétablissement d’une « légitimité minière » par le truche-
ment de la réforme des cadres légaux et des institutions sera-t-elle une
garantie suffisante pour faire évoluer les pratiques d’un secteur à hauts
risques humains et environnementaux ?
ƒƒ À ce titre, les modalités de mise en œuvre des réformes, dont il apparaît
que la gestion du passif minier (social, environnemental) revient majoritai-
rement à un État privé de moyens, bénéficient-elles de l’attention qu’elles
méritent de la part des bailleurs bilatéraux et des IFI engagés dans la
promotion d’un développement durable en RDC ?
ƒƒ La superposition des systèmes de droits favorisée par les IFI constitue-
t-elle vraiment une mesure transitoire de renforcement des cadres légaux
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 213

nationaux, ou marque-t-elle le passage à un système légal destiné à favo-


riser avant tout la promotion des investissements à partir de normes inter-
nationales volontaires de droit privé ? Les sites miniers ne risquent-ils pas
alors de se convertir en de véritables enclaves territoriales, culturelles, éco-
nomiques et juridiques ? Comment, dans de telles conditions, penser des
politiques intégrées de « lutte à la pauvreté » qui prendraient en compte la
spécificité de chaque région et du pays dans son ensemble ?
ƒƒ La volonté d’implication de la société civile congolaise dans le secteur
minier, principalement par l’intermédiaire des associations professionnelles
et de la société civile (syndicats, cabinets d’avocats spécialisés et associa-
tions de défense des droits), pourra-t-elle être privilégiée comme stratégie
pour favoriser l’appropriation et la diffusion des nouvelles normes par et
au sein de la population congolaise ?
L’étude du secteur minier congolais laisse présumer que l’option partici-
pative des programmes de développement mériterait d’être clarifiée, mais il reste
à voir dans quelle mesure les contraintes sur l’espace politique conditionneront
les formes de participation.
On pourrait enfin s’interroger sur la perception de la population congolaise
face aux droits humains (Gbago, 1997) tant invoqués au niveau international.
Dans quelles conditions cette notion pourrait-elle trouver des échos dans un pays
tout juste sorti d’années de guerres fratricides ? La refonte des équilibres écono-
miques, culturels et sociaux, basée sur la mobilisation des volontés locales et des
moyens disponibles, et bénéficiant de programmes d’accompagnement, condi-
tions préalables à l’ouverture d’espaces politiques, semble une avenue à privilé-
gier. L’étude de la réforme amorcée dans le secteur minier congolais pose très
directement la question de la responsabilité sociale et politique des acteurs de
la réforme. L’élaboration et l’adoption de nouveaux cadres ne constituent qu’une
première étape dans un processus à poursuivre qui doit pouvoir déboucher sur
des mécanismes d’application.

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CONCLUSION

Quel modèle de développement ?


Quel programme de gouvernance ?
Bonnie Campbell

Dans le contexte de la révision à grande échelle des anciens régimes miniers


d’Afrique et pour contribuer à une meilleure compréhension des enjeux qui
se trouvent au cœur des discussions en cours, les objectifs de cet ouvrage étaient
les suivants :
ƒƒ illustrer certaines implications sociales, économiques et environnementales
des pratiques qui se déroulent actuellement dans les activités du secteur
extractif en Afrique ;
ƒƒ mettre l’accent sur le besoin d’introduire des cadres légaux, fiscaux et régle-
mentaires mieux adaptés aux activités minières, et ce, dans une optique de
développement ;
ƒƒ souligner l’importance de renforcer les capacités institutionnelles et finan-
cières des pays concernés pour garantir qu’ils soient en mesure de mettre
en œuvre leurs réglementations, d’en assurer le suivi et, au besoin, d’ins-
taurer des mesures correctives.
Afin d’analyser les tendances actuelles au moyen de critères d’évaluation
pertinents et reconnus, cet ouvrage a repris les trois principaux domaines
de recommandations de la Revue des industries extractives (EIR) commandée
par le Groupe de la Banque mondiale (GBM), qui ont été rendues publiques
en décembre 2003 :
ƒƒ une gouvernance publique et corporative favorable aux pauvres, avec une
planification et une gestion proactives destinées à optimiser la réduction
de la pauvreté grâce au développement durable ;
ƒƒ de bien meilleures politiques sociales et environnementales ; et
ƒƒ le respect des droits humains.
224 Ressources minières en Afrique

En ce qui concerne les pays d’Afrique riches en ressources minières,


compte tenu du rôle central que le GBM a assumé en vue de « créer des cadres
appropriés pour le développement réussi de leurs ressources », l’évaluation de
l’impact des activités minières présentée dans cet ouvrage s’insère dans le
contexte des cadres de réglementation et des programmes de développement
approuvés par ces institutions. Car les nouveaux cadres réglementaires ont joué
un rôle fondamental dans l’orientation des réformes et la manière dont les projets
miniers sont conçus, mis en œuvre et surveillés.
En plus de proposer des solutions spécifiques qui pourraient être appli-
quées concrètement pour résoudre des problèmes particuliers, la série de
recommandations de l’EIR, prise dans son ensemble, souligne que limiter les
réformes à la simple implantation de meilleures normes et standards ne suffit
manifestement pas pour garantir que le secteur extractif pourra servir de levier de
développement dans les pays du Sud riches en ressources minières, notamment
en Afrique.
En s’appuyant sur la proposition implicite des recommandations de l’EIR
d’adopter une approche plus globale pour comprendre, en tant que « processus »,
l’introduction de réformes et les conditions de leur application, la série d’études
regroupées dans cet ouvrage a tenté de tenir compte non seulement du cadre
de développement introduit au moyen des réformes, mais aussi du « modèle de
développement » dans lequel s’inscrivent les réformes et les projets.
Par conséquent, l’hypothèse sous-jacente à chacun des chapitres ici pré-
sentés était de suggérer que les réformes passées ont influencé, et continuent
d’influencer, le choix et l’élaboration d’un « modèle de développement » parti-
culier, de même que d’un « programme de gouvernance » évolutif, introduit à
travers le processus de réforme ayant restructuré, au cours des deux dernières
décennies, le secteur minier des pays étudiés.

1. QUEL « MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT » ?


Comme l’analyse de l’important projet minier présenté dans le chapitre 4
portant sur Madagascar l’a clairement démontré,
[l]a Banque mondiale a joué un rôle décisif dans cette démarche en inscrivant le
projet d’exploitation minière comme une partie intégrante du « modèle de déve-
loppement » que nous avons évoqué plus tôt. Dans ces conditions, le projet [QMM]
ne résulte plus seulement de l’initiative privée d’une société multi­nationale à
laquelle le gouvernement malgache peut s’associer ou non, mais s’inscrit plutôt
comme une réponse incontournable aux problèmes de développement de
Madagascar, et plus particulièrement aux problèmes de pauvreté.

En ce qui concerne le contenu du modèle de développement ayant émergé


de l’environnement politique des années 1980 et 1990 et sous la direction de la
Banque mondiale, Szablowski souligne que :
Conclusion 225

le nouvel agenda préconisait la privatisation complète de l’ensemble des com-


pagnies d’État, la fin des restrictions relatives à la propriété étrangère et au
rapatriement des bénéfices, une diminution des taux de taxation et de rede-
vances, une restructuration des lois sur le travail pour permettre une plus
grande flexibilité et l’élimination des critères de performance tels que ceux
visant l’approvisionnement et l’embauche locaux. De plus, la législation minière
devait être rationalisée, les processus administratifs simplifiés, les services
techniques destinés à l’industrie (incluant, entre autres, la modernisation
du cadastre minier) améliorés et les éléments de discrétion bureaucratique
« subjectifs » devaient être éliminés des processus liés à l’attribution de permis
et aux approbations (Szablowski, 2007, p. 34).

La redéfinition des rôles et des responsabilités assumés par les acteurs


publics, par opposition aux acteurs privés, se trouvait au centre de ce modèle.
Ainsi, le gouvernement devait dorénavant avoir pour premier rôle de veiller à
la création d’un environnement approprié pour le secteur privé. Cette perspective
a été énoncée explicitement dans l’étude Strategy for African Mining réalisée par
la Banque mondiale et publiée en 1992, qui recommandait de formuler « une
politique minière clairement articulée qui met l’accent sur le rôle du secteur privé
en tant que propriétaire et exploitant, et sur celui de l’État en tant que responsable
de la réglementation et promoteur de ce secteur » (Banque mondiale, 1992, p. 53,
nous soulignons). Comme le résume Szablowski,
[e]n bref, le gouvernement devait cesser d’être un propriétaire-exploitant qui
utilisait sa participation aux opérations de l’industrie minière pour poursuivre
des objectifs sociaux et politiques. Il devait plutôt se positionner comme régu-
lateur efficace et « apolitique », voué à la facilitation de l’investissement privé
et aux aspects techniques de l’attribution de permis et de la réglementation
(Szablowski, 2007, p. 34).

Durant plus de deux décennies, l’adoption du programme de réformes


proposé :
a été présentée explicitement comme une question de concurrence réglemen-
taire dans la course pour attirer des investissements. Les efforts déployés
afin de promouvoir le programme de réformes néolibéral ont souligné que
les premiers réformateurs étaient en avance sur leurs rivaux. À cet égard, les
niveaux de taxation ont notamment été dépeints comme étant assujettis à
la concurrence réglementaire (Szablowski, 2007, p. 34-35).

Les mesures résultantes ont été sources de multiples difficultés concernant,


entre autres, la capacité des États à répondre aux pressions provenant notamment
des communautés affectées par l’exploitation minière, qui a été restreinte par les
conditions légales et pratiques instaurées pour attirer les investissements privés.
Une des stratégies adoptées pour faire face à la restriction de la marge de
manœuvre causée par le besoin de répondre à (voire de réconcilier) ces pressions
contradictoires internes et externes impliquait « l’octroi formel de droits à l’inves-
tisseur ainsi que la délégation informelle de responsabilités locales en matière de
226 Ressources minières en Afrique

régulation ». Et Szablowski poursuit ainsi : « il semble que les États soient eux-
mêmes impliqués dans le transfert d’autorité légale aux entreprises minières dans
le but de gérer la médiation sociale » (Szablowski, 2007, p. 27).
Selon le même auteur, une autre des stratégies d’adaptation mises de
l’avant par les États serait une « absence sélective » (Szablowski, 2007, p. 28).
En fait,
[a]lors que les régimes légaux étatiques pouvaient servir d’intermédiaire entre
les intérêts des investisseurs et ceux des communautés, dans la pratique,
legouvernement s’était absenté des plusieurs importantes parties du pro-
cessus. En outre, le cadre légal établi par l’État a de façon informelle délégué
aux sociétés minières la responsabilité d’assumer les coûts liés aux demandes
locales de médiation sociale (Szablowski, 2007, p. 45).

L’analyse de l’impact des mesures de libéralisation du secteur minier afri-


cain au cours des deux dernières décennies (Campbell, 2004) confirme à quel
point les fonctions antérieurement considérées comme publiques ont graduelle-
ment été déléguées à des exploitants privés : « Celles-ci incluent non seulement
les prestations de services, mais également l’implantation de normes ainsi que
l’application et le respect de règlements » (Szablowski, 2007, p. 120). Cette ten-
dance favoriserait donc : « une plus grande (et parfois hésitante) attribution de
responsabilités incombant à l’État à des entreprises minières transnationales, à
la demande discrète de gouvernements faibles » (Szablowski, 2007, p. 59).
Outre le retrait des acteurs publics des principaux domaines d’implication
dans les activités minières (incluant la participation, la réglementation et la plani-
fication) et le transfert de certaines fonctions de l’État à des acteurs privés, le
processus de réforme a eu pour conséquence de limiter l’espace et la gamme d’op-
tions stratégiques disponibles pour les gouvernements. Le fait d’avoir mis l’accent
principalement sur les minerais à exploiter de manière industrielle et destinés à
l’exportation, tel que recommandé, a sérieusement restreint la contribution poten-
tielle de l’ensemble des activités minières à la diversification industrielle et au
développement des infrastructures. Les solutions de rechange exigeraient qu’on
considère le secteur minier dans son ensemble et qu’on promeuve la diversification
des ressources en faveur de l’exploitation de minerais autres que ceux destinés à
l’exportation. Cela pourrait inclure d’autres substances et matériaux de construc-
tion utiles, tels que le manganèse, les phosphates, le zinc, le granite et les minerais
argileux, qui sont utilisés dans de nombreux domaines comme la construction,
l’agriculture et la céramique.
Certaines des répercussions de la redéfinition des rôles et des responsabi-
lités des acteurs publics et privés sur le développement social et économique, et
sur la protection de l’environnement, ont été illustrées dans et ouvrage.
En ce qui a trait à l’objectif proposé par l’EIR de promouvoir une gouver-
nance publique et corporative favorable aux pauvres, avec une planification et
une gestion proactives destinées à optimiser la réduction de la pauvreté grâce
Conclusion 227

au développement durable, le chapitre 1 portant sur le Ghana a exposé en détail


certaines failles dans les tendances actuelles de développement des activités
minières. On y a en effet décrit comment une variété de facteurs tels que les
amortissements fiscalement autorisés, les exemptions, les concessions fiscales,
et ainsi de suite, ont pu limiter la contribution du secteur au développement
économique national. Ce chapitre a également attiré l’attention sur la question
de l’adéquation des nouveaux cadres réglementaires, et exploré les répercussions
de l’octroi de telles concessions sur le développement national, en particulier
sur l’éradication de la pauvreté rurale dans les communautés affectées par
l’exploitation minière.
Le chapitre 1 a aussi documenté comment les capacités d’emploi limitées
des méthodes modernes d’exploitation minière, l’augmentation des quotas sur
l’emploi d’expatriés dans les mines et les répercussions environnementales et
sociales négatives des activités minières sur les communautés locales ont pu nuire
à la contribution du secteur au développement national et à la réduction de la
pauvreté au pays.
De plus, ce chapitre a attiré l’attention sur la nature défaillante du proces-
sus de participation qui s’est soldé par l’adoption de la nouvelle législation
minière ghanéenne de 2006. En ce qui concerne le rôle du gouvernement, l’ana-
lyse présentée a relevé la capacité insuffisante de faire respecter les lois, ainsi
que la faiblesse du rôle de planification en matière de développement assumé
par l’État, en concluant que
les bénéfices dont profite la société apparaissent dans les faits plus importants
lorsque les projets de l’industrie extractive contribuent au développement gran-
dement nécessaire d’infrastructures et qu’ils appuient les communautés en créant
des emplois, ou en offrant des soins de santé et des services d’éducation, tout en
protégeant l’environnement. Malheureusement, ces conditions objectives n’ont
pas été facilitées par la mise en œuvre de la législation minière ghanéenne.

En ce qui a trait à la recommandation de l’EIR sur la nécessité d’adopter


de bien meilleures politiques sociales et environnementales, le chapitre 3,
portant sur le Mali, a démontré que la faible capacité des institutions nationales
du pays de veiller à un suivi adéquat des activités minières représente un obstacle
majeur qui tend à compromettre la contribution du secteur minier à la réduction
de la pauvreté et à la protection de l’environnement. À cet égard, les réformes
macroéconomiques et institutionnelles véhiculées par les programmes d’ajuste-
ment structurel qui ont précédé la réforme du secteur minier malien ont entraîné
une diminution des capacités techniques et financières de l’État. Ces faiblesses
institutionnelles ont eu de sérieuses répercussions sur la protection de l’environ-
nement et la possibilité que le secteur minier devienne un réel moteur de déve-
loppement social. Pour cette raison, les régions minières sont confrontées à une
multitude de problèmes sociaux touchant l’éducation, la santé et l’environne-
ment, problèmes d’autant plus amplifiés par les impacts directs des projets
miniers implantés dans ces régions.
228 Ressources minières en Afrique

Les tendances constatées au Mali font en fait partie d’un modèle qui
semble aussi exister, de façon générale, ailleurs en Afrique. Elles peuvent être
expliquées en étant resituées à l’intérieur d’un contexte où l’adoption de normes
et d’initiatives environnementales à l’échelle internationale, la création de fonds
de développement communautaire, ainsi que l’identification de projets de déve-
loppement émanant du cadre de la responsabilité sociale corporative ont contri-
bué au transfert, vers les entreprises minières présentes, des responsabilités liées
à la satisfaction des besoins sociaux et de protection de l’environnement, sans
questionner davantage et en passant en grande partie sous silence le rôle des
institutions publiques nationales dans ce processus.
Au-delà de la nécessité d’instaurer des normes sociales et environnemen-
tales et de la capacité à les faire respecter, la réduction de la pauvreté et la
protection de l’environnement nécessitent une approche intégrée afin de régle-
menter les pratiques de l’industrie minière, approche qui devrait être en mesure
de tenir compte à la fois des conséquences des mesures économiques introduites
pour attirer les investissements miniers et du besoin de renforcer les capacités
des institutions nationales en matière de supervision et de contrôle. Comme
l’illustre le cas du Mali, à bien des égards, la faible priorité accordée à ces dimen-
sions dans les récentes réformes, en dépit du processus de révision recom-
mandé par l’EIR, laisse largement non résolus et inchangés les problèmes liés
à la contribution de l’industrie minière au développement.

2. QUEL PROGRAMME DE GOUVERNANCE ?


Le processus de redéfinition du rôle et des responsabilités des acteurs publics en
matière d’exploitation minière et l’affaiblissement des capacités institutionnelles de
l’État, en raison du processus de réforme mentionné précédemment, soulèvent une
série de questions et de défis cruciaux qui ont fort peu été abordés dans les discus-
sions et les réformes actuelles classées sous la rubrique générale d’amélioration de
la « gouvernance ». Les raisons qui expliquent ce phénomène ne semblent pas avoir
reçu beaucoup d’attention et méritent qu’on s’y attarde davantage.
Il est à cet égard nécessaire de soulever différents points. L’ambiguïté et la
confusion qui résultent de la nature polysémique de la notion de gouvernance,
et notamment les conséquences de sa conceptualisation et de son utilisation par
les institutions financières multilatérales, doivent être soulignées. La communauté
de bailleurs a eu tendance à aborder la notion de « gouvernance » comme si elle
supposait en tout premier lieu l’introduction d’un ensemble approprié de bonnes
mesures administratives et procédurales. Cependant, une telle perspective présente
le risque de contribuer à l’adoption d’une approche excessivement technique
des processus sociaux, ce qui pourrait ensuite nuire à la clarification du pro-
gramme précis de réforme introduit au nom de l’amélioration de la gouvernance.
Il existe en fait de nombreux « programmes de gouvernance ». Traiter des
Conclusion 229

dimensions sociales et politiques de tels processus comme s’ils pouvaient être


« gérés » par l’adoption d’approches et de solutions techniques et procédurales
risque de contribuer à rendre plus floue la distinction entre les domaines tech-
niques et politiques. Par conséquent, il est probable qu’une telle approche contri-
bue à la « dépolitisation » des enjeux et objectifs sociaux en vue desquels les
priorités sont déterminées et les décisions prises.
De plus, dans le contexte d’une insistance marquée sur les aspects tech­
niques et administratifs de la « gouvernance », l’attention actuellement accordée
au « renforcement des capacités relatives à la gouvernance des ressources » dans
les pays en développement ne tient malheureusement pas compte du fait que la
manière selon laquelle les anciennes réformes ont cherché à ouvrir les secteurs
extractifs aux investissements a grandement contribué à affaiblir la capacité poli-
tique et institutionnelle des gouvernements nationaux. Ainsi, l’appel au renfor-
cement des capacités locales devient un argument circulaire si on ne remet pas
en question la nature des réformes passées et en cours qui ont affaibli cette même
capacité locale.
D’une manière plus fondamentale, et comme les études de cas l’ont démon-
tré, en dépit des recommandations de l’EIR selon lesquelles le GBM devrait
« définir, de manière participative, des critères de gouvernance explicites et trans-
parents qui devraient être respectés avant d’investir dans une industrie extrac-
tive », ces conditions ne semblent pas avoir été respectées dans le cas des poli­
tiques poursuivies en Guinée (chapitre 2) et en RDC (chapitre 5) depuis la
publication du rapport.
En ce qui concerne la Guinée, bien que les plus récentes recommandations
du GBM soulignent la nécessité d’une transparence et d’une imputabilité
accrues, et qu’elles fassent écho à celles de l’EIR, dans la pratique, les mesures
proposées restent de nature plus « procédurale » que « substantielle ». Elles ont
en effet été définies de manière à viser l’amélioration des questions d’adminis-
tration et de gestion, plutôt qu’à revoir les relations dont de tels problèmes
procéduraux semblent être le reflet. Par conséquent, prises isolément, elles traitent
des symptômes de modes particuliers de régulation politique du secteur minier
et non pas des relations d’influence et de pouvoir qui rendent ces processus
dysfonctionnels possibles.
De façon similaire, et comme nous l’avons vu avec les négociations
de contrats miniers particuliers, les modalités relatives au versement des
recettes minières ont habituellement été assujetties à des contrats individuels
conclus entre les représentants de l’État et des compagnies spécifiques. La
largesse des concessions comprises dans certains de ces contrats reflète non
seulement l’affaiblissement technique des capacités de négociation des repré-
sentants gouvernementaux, mais aussi la nature des processus politiques et
des modes de régulation politique et sociale qui ont été perpétués au cours des
dernières décennies.
230 Ressources minières en Afrique

À cet égard, au fil du temps, le contexte politique national au sein duquel les
réformes du secteur minier ont été introduites (caractérisé, dans certains cas et à
différents degrés, par un manque de transparence administrative, mais aussi par
un manque croissant d’imputabilité politique et institutionnelle) a contribué à
affaiblir la capacité des gouvernements à faire respecter les réglementations
existantes, de manière à veiller à l’atteinte de résultats contraignants, dans l’intérêt
du pays. Un tel contexte a aussi grandement limité la capacité des gouvernements
à apporter et à imposer des mesures correctives ou à formuler des politiques alter-
natives, si nécessaire. Cependant, les problèmes de « faible gouvernance » ont habi-
tuellement été décrits non pas comme un affaiblissement du contrôle politique,
mais comme un dysfonctionnement des processus administratifs (dont la « cor-
ruption » demeure probablement l’exemple le plus représentatif) auquel l’instau-
ration d’un ensemble approprié de bonnes procédures administratives pourrait
remédier. Paradoxalement, comme l’étude de cas sur la Guinée l’a clairement
démontré, les anciens modèles de réforme des régimes légaux mis en place par les
institutions financières multilatérales se sont avérés parfois étonnamment compa-
tibles avec le prolongement, et non pas la redéfinition, des relations qui engendrent
la corruption.
Pour poursuivre avec l’expérience de la Guinée, dans le contexte de la
récente période de transition politique, il y a lieu de se demander si, en l’absence
d’un redressement considérable des relations asymétriques actuelles, d’une trans-
formation des processus politiques et de l’émergence de politiques visant à inté-
grer le secteur minier pour qu’il s’impose comme un catalyseur de transformation
structurelle, les investissements récents et futurs dans le secteur bauxite-aluminium
peuvent réellement satisfaire les attentes. Selon nous, afin d’évaluer la capacité
des réformes actuelles de promouvoir des formes de gouvernance favorables aux
pauvres dans les pays d’Afrique riches en ressources minières, il apparaît essentiel
de comprendre les origines et la nature de l’héritage structurel politique et éco-
nomique ayant contribué à prolonger les relations asymétriques qui caractérisent
le secteur. Étant donné que la question du respect des droits humains abordée
par l’EIR réfère aux dimensions sociales, culturelles et politiques du déve­
lop­pement, un examen de ce volet du processus de réforme du secteur minier
pourrait être vu comme une condition complémentaire aux dimensions tech­
niques et administratives habituellement placées au cœur des discussions sur
la « gouvernance ».
Le chapitre 5, sur la République démocratique du Congo (RDC), relate
une expérience historique qui peut être qualifiée d’extrême et dans laquelle le
processus de réforme du secteur minier a coïncidé avec le retour massif de
l’investissement étranger. Toutefois, l’approche privilégiée, basée sur la libérali-
sation rapide du secteur, semble avoir été très peu apte à générer un modèle
de développement capable de corriger ou même de limiter les violations
des droits humains de grande envergure directement liées au déploiement des
activités minières.
Conclusion 231

En l’absence d’une consolidation des modèles de développement social et


économique dans les principales régions minières de la RDC, les mesures visant
l’atteinte d’une « bonne gouvernance » comme vecteur de promotion des objec-
tifs liés au respect des droits humains ont, à ce jour, produit des résultats qui
pourraient difficilement être qualifiés autrement que d’embryonnaires.
Néanmoins, comme les rapports du gouvernement et des organisations
internationales l’ont largement documenté, les liens entre les modes archaïques
d’extraction des ressources du secteur minier, les tendances très asymétriques
de distribution des ressources et les violations des droits humains demeurent
habituellement ignorés.
La situation résultante est caractérisée par une rupture entre, d’une part,
le cadre réglementaire existant et les normes nationales et internationales aux-
quelles l’État et les investisseurs étrangers doivent se conformer, et, d’autre part,
les pratiques quotidiennes qui peuvent être documentées par des observations
directes. Plusieurs facteurs expliquent cette situation :
ƒƒ la nature des processus de production utilisés pour l’exploitation des res-
sources minières ;
ƒƒ les inégalités économiques et le déséquilibre entre les provinces ;
ƒƒ la violence incontrôlée qui perdure ; et
ƒƒ surtout, le manque de contrôle exercé par le gouvernement central.
L’étude du processus de réforme du secteur minier entrepris par les insti-
tutions financières multilatérales en RDC cadre parfaitement avec les recom-
mandations de l’EIR concernant l’examen des enjeux relatifs aux droits humains.
Il est important de rappeler que ce rapport de l’EIR a fourni des points de réfé-
rence pour une variété de domaines où les droits humains doivent être respectés,
tels que les conditions de travail et les droits des femmes et des enfants. Comme
le suggère le chapitre 5, il semble que le processus de réforme introduit au cours
des dernières années en RDC n’a pas tenu compte des recommandations for-
mulées à cet égard par l’EIR. Au contraire, les violations des droits humains
continuent à y être massivement perpétrées.
L’expérience de la RDC suggère à ce sujet que l’enjeu du respect des droits
humains implique beaucoup plus que veiller à ce que les indicateurs macroéco-
nomiques deviennent positifs ou à ce qu’une situation de paix sociale relative
prévale à proximité des sites miniers. Ce sujet de préoccupation soulève la ques-
tion de la capacité de l’État de s’assurer que les importantes ristournes versées
aux investisseurs pourront donner lieu à la création d’une richesse nationale
qui sera redistribuée à la population de manière équitable. Dans le même ordre
d’idées, le rétablissement de la paix aux frontières de l’est du pays constitue
un autre objectif prioritaire en vue de parvenir à un développement intégré
dans les régions minières et, plus généralement, à l’échelle du pays. Cependant,
l’atteinte de ces deux objectifs dépend de l’établissement préalable d’institutions
232 Ressources minières en Afrique

légitimes dans l’ensemble du pays, ainsi que de l’appropriation des leviers de


contrôle du secteur minier par les Congolais. À cet égard, l’expérience de la RDC
semble démontrer les limites d’un processus de réforme qui a été initié de l’étran-
ger, sans avoir pleinement tenu compte des spécificités et des complexités de la
situation nationale.

3. LA REVUE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES ET AU-DELÀ


Le cadre de l’EIR apparaît pertinent et utile pour diverses raisons, qui compren-
nent notamment, comme nous l’avons vu, la reconnaissance que limiter les
réformes à la simple implantation de meilleures normes ne s’avère manifestement
pas suffisant pour garantir que le secteur extractif servira de levier au dévelop­pement
social et économique dans les pays du Sud riches en ressources minières.
Comme nous l’avons noté précédemment, le rapport de l’EIR a présenté
une approche plus holistique qui souligne le besoin de tenir compte non seulement
du cadre de développement, mais également du « modèle de développement »
dans lequel s’insèrent les réformes et les projets miniers.

3.1. L’exploitation minière et le choix d’un modèle de développement


En ce qui a trait au « modèle de développement » actuel, et comme les études de
cas l’ont illustré, le secteur minier continue à être essentiellement perçu par les
institutions financières multilatérales, non pas comme un catalyseur servant à
promouvoir une transformation structurelle en vue de parvenir à une intégration
économique nationale, mais essentiellement comme une source de recettes fis-
cales. Cette tendance a été soulignée au sujet du processus de réforme, dans le
contexte des discussions portant sur les moyens d’accroître la contribution du
secteur minier guinéen à l’économie locale. Bien qu’il soit suggéré que « [l]a
rationalisation du régime d’exemptions fiscales actuel qui favorise le secteur
minier et certains importateurs clés de façon évidente et excessive constitue une
priorité majeure » (Banque mondiale, 2004, p. 12), les principales recommanda-
tions formulées n’abordent ni le problème de l’asymétrie dans la capacité de
négociation guinéenne, ni celui de l’étroitesse de la marge de manœuvre du pays,
ni la question des conditions susceptibles de l’élargir.
En réponse aux résultats décevants des activités minières en matière de
retombées locales, les récentes demandes de révision des contrats miniers et des
cadres fiscaux, légaux et environnementaux dans des pays aussi différents que la
Zambie, la Tanzanie, la Guinée et la RDC illustrent bien l’urgence du besoin de
répondre aux nouvelles demandes visant la régulation sociale du développement
du secteur minier, pour accompagner le rapide processus de libéralisation ayant
ouvert aux investissements étrangers les économies des pays d’Afrique riches en
ressources minières. Bien que le GBM reconnaisse qu’une meilleure gouvernance
Conclusion 233

des ressources du secteur minier est nécessaire, les questions de gouvernance


continuent d’être essentiellement perçues, tel que nous l’avons démontré, comme
supposant l’introduction d’un ensemble approprié de bonnes mesures adminis-
tratives. L’adoption d’une telle approche, visant à réformer les arrangements
institutionnels et à moderniser les régimes miniers pour répondre aux « lacunes
de gouvernance » (et ainsi veiller à la légalité formelle des activités déployées
dans le contexte du modèle de développement libéralisé actuel), pourrait en fait
conduire à négliger la question de leur légitimité effective. Cela semble particu-
lièrement le cas pour la légitimité des activités minières aux yeux des commu-
nautés qui en sont directement affectées, en raison de la nature du « modèle de
développement » que les mesures de réglementation doivent garantir. Un de ces
problèmes, et non le moindre, résulte de la difficulté devant laquelle se trouvent
les gouvernements lorsqu’il s’agit d’appliquer les normes sur lesquelles la légiti-
mité des opérations minières est censée reposer. Plus fondamentale toutefois
demeure l’une des questions illustrées par les études de cas contenues dans cet
ouvrage, soit la capacité du modèle de développement proposé de relever les
défis de développement auxquels il prétend pouvoir répondre, notamment en
matière de réduction de la pauvreté.
Un processus de réforme en mesure de tenir compte des interconnexions
entre les différents modèles de « développement » et les « programmes de gou-
vernance » requiert beaucoup plus que la simple introduction de « cadres appro-
priés pour le développement réussi de leurs ressources », limités essentiellement
à des questions administratives et procédurales. De telles interconnexions repo-
sent en effet sur des pratiques d’allocation des ressources et des pouvoirs
profondément enracinées, propres aux pays et historiquement établies. La trans-
formation de ces pratiques implique non seulement une redéfinition des anciens
modes de régulation politique et sociale, mais aussi l’existence d’espaces poli­tiques
permettant l’adoption de politiques qui reflètent cette nouvelle constellation
de relations.
De plus, il est nécessaire d’examiner de près certaines des suppositions
sous-jacentes aux réformes qui ont été introduites dans le cadre du « modèle de
développement » évoqué. En général, les réformes semblent véhiculer l’hypo-
thèse selon laquelle la croissance économique résultant des investissements, et
notamment des investissements étrangers attirés par des mesures incitatives de
plus en plus généreuses, pourra mener à un développement économique et social,
et à la réduction de la pauvreté. Tel pourrait être le cas sous certaines conditions
très précises, et notamment si les stratégies d’investissement étaient intégrées et
pouvaient renforcer les stratégies de développement local définies par le pays
lui-même, afin d’appuyer des objectifs intersectoriels à moyen et à long terme.
Cela pourrait également sembler réaliste dans un contexte où les gouvernements
détiendraient la capacité politique et institutionnelle de négocier, de mettre en
œuvre, d’assurer le suivi des normes et, au besoin, d’instaurer des mesures cor-
rectives. Est-ce possible d’affirmer que de telles conditions existent en Afrique
234 Ressources minières en Afrique

après vingt années de mesures d’ajustement structurel, au cours desquelles l’un


des objectifs a précisément été de veiller au retrait de l’État et à la redéfinition
de son rôle et de ses fonctions, ce qui a affaibli sa capacité institutionnelle ? La
réponse apparaît plus qu’incertaine1.
Paradoxalement, dans une étude de 1996, la Banque mondiale a clai­
rement démontré qu’elle reconnaissait le besoin d’instaurer certaines politiques
publiques de soutien jusqu’alors inexistantes en raison de la redéfinition même
du rôle de l’État en matière d’exploitation minière. Le document a souligné qu’un
boom minier n’allait pas en lui-même mener à un processus de diversification
économique capable de générer un développement durable à long terme si des
politiques gouvernementales efficaces préconisant un tel processus n’étaient pas
introduites. En fait, dans cette étude portant sur l’Amérique latine et les Caraïbes,
la Banque mondiale reconnaissait que « les succès liés à l’exploration ne se tra-
duiront pas nécessairement par des mines, des industries connexes, des emplois
et par une croissance de la richesse nationale si les conditions nécessaires ne sont
pas en place » (Banque mondiale, 1996, p. 3)2. Toutefois, cette reconnaissance et
les réformes stratégiques qu’elle implique ne semblent pas avoir influencé l’éla-
boration du modèle de développement qui a guidé les réformes introduites en
Afrique au cours de la dernière décennie.

3.2. Donner à l’État un rôle de développement


dans l’exploitation minière
Les études de l’EIR voulaient examiner pourquoi les investissements dans
les industries extractives avaient échoué à améliorer les conditions de vie des
pauvres, des communautés locales et des populations autochtones, et à protéger
l’environnement et les droits fondamentaux.
Dans le contexte des discussions à l’intérieur desquelles le rapport de
l’EIR était un élément central, les institutions financières multilatérales ont
proposé des réformes pour améliorer la capacité administrative de l’État dans
le secteur minier. À titre d’exemple, mentionnons les recommandations de la
Banque mondiale quant à l’amélioration de la capacité institutionnelle du gou-
vernement et à l’adoption de plans stratégiques pour le renforcement de la
gouvernance, de la transparence, de l’infrastructure, des télécommunications,
de l’énergie et des routes, qui demeurent toutes d’une importance capitale.
Toutefois, l’apparente absence de reconnaissance du besoin de renforcer la
capacité pour les États de promouvoir le développement est étonnante. À cet
égard, peu d’efforts semblent avoir été déployés pour répondre aux observa-
tions de la Commission pour l’Afrique, par exemple, qui a reconnu non

1. Cet argument est développé dans CNUCED (2005).


2. Cité dans Institut Nord-Sud (1998, p. 78).
Conclusion 235

seulement la légitimité des interventions gouvernementales, mais aussi le besoin


de renforcer la capacité des États en Afrique afin qu’ils puissent assumer un
rôle en matière de développement :
La faiblesse des capacités institutionnelles empêche l’État d’assumer ses res-
ponsabilités de manière efficace, qu’il s’agisse de planification et de budgétisa-
tion, de gestion de l’aide au développement, de prestation de services ou de
suivi et d’évaluation des progrès accomplis (Commission pour l’Afrique, 2005,
p. 156).

Bien que les débats sur les moyens de parvenir au développement par la
promotion des activités à l’échelon communautaire soient indéniablement impor-
tants, une plus faible (et possiblement aucune) attention a apparemment été
accordée au rôle que les États doivent assumer pour garantir un impact positif
sur le développement socioéconomique à l’échelle nationale.
En ce qui concerne le renforcement des capacités institutionnelles et poli-
tiques pour exercer un meilleur contrôle sur le développement des activités
minières, il semble paradoxal que les institutions financières multilatérales conti-
nuent parfois de privilégier des procédures qui facilitent le contournement des
liens extrêmement importants entre les fonctions de perception de recettes du
gouvernement et son rôle en matière de développement. À cet égard, les princi-
pales sociétés minières actives en Guinée ont accepté de verser des impôts anti-
cipés au pays, mais ces ressources devaient être réservées et versées directement
pour le remboursement des créanciers extérieurs, notamment le FMI. De telles
pratiques se soustraient aux fonctions étatiques et laissent ainsi de côté le besoin
urgent de renforcer la capacité institutionnelle et la transparence de l’État. De
plus, elles soulignent la pertinence de la recommandation de l’EIR visant le
renforcement de la gouvernance en tout premier lieu, avant même de chercher
à promouvoir les activités minières d’envergure, afin que les pays puissent faire
face aux risques que suppose l’élaboration de projets d’extraction majeurs. La
perpétuation de telles pratiques depuis la publication du rapport de l’EIR sou-
lève la question du danger de contribuer au prolongement des anciens processus
politiques internes et modes de distribution des recettes, plutôt que de contribuer
à leur redéfinition.
Ce qui apparaît être en jeu ici, c’est le besoin de redéfinir la manière dont
les questions de « gouvernance » sont abordées et les programmes particuliers
de gouvernance sont définis, dans le but de veiller à ce que les activités du secteur
extractif renforcent, au lieu d’affaiblir, les processus d’élaboration de politiques
contribuant aux objectifs de développement économique et social à long terme,
ainsi qu’à la protection des droits humains et de l’environnement.
Cela nous amène à une autre question fondamentale : à qui la respon-
sabilité de définir le programme de gouvernance incombe-t-elle ? Comme le
suggère Szablowski, devant une plus grande prise de conscience et un nombre
croissant de critiques concernant ce qui semble représenter des tendances fortes
236 Ressources minières en Afrique

en matière de répercussions sociales et environnementales de plus en plus néga-


tives causées par les activités des sociétés minières étrangères, plusieurs ont
considéré l’État comme trop faible (Szablowski, 2007, p. 40) ou encore « trop
complice pour assurer un contrôle et un suivi convaincants des activités des
grandes corporations » (Szablowski, 2007, p. 60). Par conséquent, en réponse à
ces questions clés, l’arène multilatérale est devenue le lieu de construction d’un
nouveau « système légal transnational ».
Cependant, les initiatives de ce genre émanant de l’arène multinationale, ou
les recommandations provenant des pays d’origine des entreprises minières, for-
mulées en tant que « renforcement de la gouvernance des ressources », ont eu
tendance à ne pas aborder la question fondamentale des rapports de force et
d’influence asymétriques existant à l’intérieur des pays où se déploient les activités
minières. Or, ces rapports conditionnent clairement les schémas internes de répar-
tition des ressources. Les implications éventuelles du fait que le processus de
réforme soit dicté par des intérêts extérieurs, notamment sur sa capacité à affecter
la légitimité des acteurs gouvernementaux, n’ont pas été évaluées elles non plus3.
Cela semble quelque peu paradoxal, considérant que le renforcement de la légiti-
mité des institutions publiques peut être vu comme une condition préalable pour
garantir une stabilité future sur le plan social et politique, notamment dans les pays
où une croissance des investissements miniers est prévue.
La question de savoir si les futures réponses multilatérales traiteront du
problème de la responsabilité politique des pays riches en ressources minières, et
de leur capacité à satisfaire les demandes accrues de médiation sociale, demeure
ouverte. L’élargissement des espaces politiques semble être une condition préalable
pour faire en sorte que ceux qui occupent des postes de responsabilité dans les
pays dotés de telles ressources puissent réellement être en mesure de mieux définir
les programmes de développement et de gouvernance de leur pays, et de veiller à
l’adoption pour le long terme de politiques de développement durable conformes
aux objectifs définis et les renforçant.
Bien que la mesure dans laquelle les réponses de la direction du GBM
ont intégré les recommandations de l’EIR puisse faire l’objet d’un long débat,
il ne s’agit pas de l’objectif visé par cet ouvrage. Il est cependant important de

3. Szablowski a soulevé un problème différent, mais connexe, découlant de ce que la nature


du processus de réforme soit dictée par des intérêts extérieurs. Ce problème concerne les
implications de la préférence marquée des organisations de soutien des projets miniers et
des lieux de production des modes transnationaux de régulation de l’industrie (comme
l’Agence multilatérale de garantie des investissements [MIGA] et la Société financière inter-
nationale [SFI]), pour des processus de légitimation technocratiques plutôt que poli-
tiques. L’auteur suggère que, bien qu’elle soit compréhensible, cette tendance à inscrire
les mesures de légitimité politique dans un régime transnational tout en les assujettissant à
des mesures technocratiques constitue une faille de légitimité (« a legitimation loophole »)
(Szablowski, 2007, p. 300-301).
Conclusion 237

souligner que le fait que le GBM ait demandé cette revue a marqué un tournant
décisif. À cet égard, l’EIR a eu le mérite de soulever des questions touchant le
besoin de parvenir à une meilleure capacité en matière de régulation, et ce,
d’une manière holistique. Étant donné que les recommandations visaient les
pratiques du GBM dans un secteur particulier, leur formulation n’a pas tenu
compte des questions complexes liées au renforcement de la capacité de régu-
lation des États et à l’examen des implications du transfert à des acteurs
privés de la responsabilité primordiale de développer le secteur minier dans
les pays concernés.
Les études de cas contenues dans cet ouvrage se sont appuyées sur les
recommandations et l’approche proposées par l’EIR, qui ont clairement
reconnu que limiter les réformes à l’implantation de meilleures normes ne suffit
manifestement pas à garantir que le secteur extractif pourra servir de levier au
développement social et économique dans les pays d’Afrique riches en res-
sources minières. Ces études de cas nous amènent à conclure qu’il est essentiel
d’adopter une approche plus globale pour comprendre les anciennes tendances
des réformes et leur impact sur les activités minières en Afrique. Une telle
démarche se doit d’être propre à chaque expérience historique nationale, tout
en incluant deux aspects fondamentaux. D’une part, il faut tenir compte de la
conception du « modèle de développement », du rôle qu’il a assigné aux acteurs
publics et privés et, notamment, de l’espace qu’il alloue aux stratégies d’appui
du développement pour leur permettre d’atteindre les objectifs de développe-
ment fixés. D’autre part, et de manière connexe, il est essentiel d’examiner la
conformité du programme de gouvernance proposé à la fois pour appuyer le
modèle de développement retenu et pour légitimer les pratiques de distribution
des ressources qui l’accompagnent. À cet égard, on doit accorder une plus
grande attention à la question de la légitimité du processus de réforme lui-
même. Comme le conclut Szablowski, le fait que l’autorité légale de facto soit
transférée des régimes nationaux vers les régimes transnationaux (Szablowski,
2007, p. 299) suggère la nécessité d’œuvrer pour développer des stratégies rigou-
reuses de légitimation publique au sein des systèmes légaux transnationaux.
En ce qui a trait à l’objectif du processus de réforme en tant que tel, dans la
mesure où cette initiative continue d’être dictée par des intérêts extérieurs, la
question du renforcement de la légitimité de l’État, plutôt que son érosion,
demeure non résolue.
La tendance à réduire l’analyse des processus sociaux, politiques et éco-
nomiques déterminés historiquement à des solutions administratives qui
seraient valides universellement, comme semble le faire une grande partie de
la communauté des bailleurs en utilisant le paradigme de gouvernance, soulève
des contradictions et des problèmes de cohérence quant à deux questions
­fondamentales, soit :
238 Ressources minières en Afrique

ƒƒ l’impossibilité de gérer, de l’extérieur, des enjeux aussi complexes que ceux


concernant les réformes institutionnelles et économiques ; et
ƒƒ l’absence de responsabilité politique des bailleurs multilatéraux et bila-
téraux en ce qui a trait aux réformes et aux politiques qu’ils proposent et
peuvent parfois imposer.
La responsabilité de définir, de surveiller et d’assurer le respect des normes
et règlements doit ultimement reposer sur les gouvernements nationaux et les
communautés concernées. L’ancien processus de réforme, ainsi que la redéfinition
du rôle de l’État qu’il a entraînée en introduisant des cadres légaux et fiscaux de
plus en plus uniformisés pour créer un environnement favorable aux investisse-
ments, au détriment de la capacité de l’État de relever les défis du dévelop­
pement, n’apparaît ni viable ni comme étant dans l’intérêt des populations locales,
de leurs gouvernements ou même des investisseurs étrangers.
En explorant certains aspects de l’impact des anciennes réformes dans
quelques pays d’Afrique riches en ressources minières, cet ouvrage a cherché
à contribuer à une meilleure compréhension des discussions et des projets de
réforme qui ont cours actuellement et qui s’inscrivent dans un mouvement de
révision à grande échelle des régimes miniers antérieurs.

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Conclusion 239

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World Bank, Hart Monographs in Transnational and International Law, Oxford et Portland,
Hart Publishing.
NOTICES BIOGRAPHIQUES

Bonnie Campbell
Professeure, Département de science politique, Faculté de science politique
et de droit
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 514-987-3000, poste 4574
téléc. : 514-987-0218

Bonnie Campbell est professeure au Département de science politique de l’Uni-


versité du Québec à Montréal. Titulaire de la Chaire C.-A. Poissant de recherche
sur la gouvernance et l’aide au développement, elle est également directrice du
Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA). Au cours
de sa carrière, elle a dirigé de nombreux programmes de recherche financés par
plusieurs organisations, dont la Fondation Rockefeller (New York) et le Centre
de recherches pour le développement international (CRDI, Ottawa). Dr ­Campbell
a entre autres présidé l’Association canadienne des études africaines et le Conseil
d’administration de l’Institut Nord-Sud, et est membre du Conseil scientifique
du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement (Cirad, Paris). Elle a publié 12 ouvrages, dont Mining in Africa :
Regulation and Development et Qu’allons-nous faire des pauvres ?, et plus de
80 articles scientifiques. Son intérêt marqué pour les questions d’économie poli-
tique en Afrique, du développement international, des réformes institutionnelles
en Afrique et particulièrement des impacts des activités minières sur le dévelop-
pement social, économique et environnemental l’ont amenée à participer à de
nombreuses activités de recherche, conférences et débats scientifiques et publics
sur ces questions, et notamment tout récemment à la Commission des Nations
Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et à la Commission
économique pour l’Afrique (CEA).
242 Ressources minières en Afrique

Thomas Akabzaa
Professeur et directeur, Département de géologie
Université du Ghana, Legon (Ghana)
<[email protected]>
tél. : 233-24- 24325686

Thomas Mba Akabzaa est titulaire d’un baccalauréat en géologie et d’un doctorat
en Mining Environment Management de l’Université du Ghana (Legon, Ghana),
ainsi que d’une maîtrise en Mineral Economics de l’Université McGill (Montréal,
Canada). Il enseigne l’exploration minière, l’économie minière et la gestion
environnementale minière, et est actuellement le directeur du Département de
géologie de l’Université du Ghana. Ses intérêts de recherche incluent l’évaluation
de l’investissement minier, l’industrie minière et l’environnement, les industries
extractives et le développement durable, les systèmes pétroliers, l’évaluation des
vulnérabilités et de la qualité de l’air, les changements environnementaux glo-
baux et le développement économique ainsi que les initiatives globales dans le
secteur extractif. Dr Akabzaa a plus de 30 publications scientifiques à son actif
et a dirigé de nombreux projets de recherche dans plusieurs pays d’Afrique,
incluant la prévalidation de l’engagement du Ghana dans l’Initiative pour la
transparence dans les industries extractives (ITIE), des programmes de formation
pour le Multi-Stakeholder Group on EITI en Sierra Leone, ainsi que des recher-
ches portant entre autres sur la législation et les systèmes de taxation dans cer-
tains États africains et leur impact sur le développement national, ainsi que les
questions de genre associées aux politiques du Ghana en matière d’extraction
pétrolière. Il est membre de plusieurs conseils et comités au sein de l’Université
du Ghana, de l’Expert Group on Extractives de l’Integrated Social Development
Centre (ISODEC) et agit à titre de membre associé du Third World Network et
du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA, UQAM).

Gisèle Belem
Collaboratrice, Groupe de recherche sur les activités minières
en Afrique (GRAMA)
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 450-672-8807

Gisèle Belem est titulaire d’un doctorat en science de l’environnement de


l’Université du Québec à Montréal et collaboratrice du Groupe de recherche sur
les activités minières en Afrique depuis 2005. Elle est également spécialiste en
gestion des enjeux sociaux et environnementaux pour la firme Hatch, à Montréal.
Sa contribution à cet ouvrage est issue des travaux de sa thèse de doctorat ayant
porté sur les enjeux de développement durable de l’activité minière au Mali.
Notices biographiques 243

Bruno Sarrasin
Professeur, Département d’études urbaines et touristiques, École des sciences
de la gestion
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 514-987-3000, poste 7075
téléc. : 514-987-7827

Professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université


du Québec à Montréal, les travaux de Bruno Sarrasin portent sur l’économie
politique du développement, particulièrement en Afrique subsaharienne, la
sociologie politique des politiques publiques, principalement dans le domaine
de la protection de l’environnement, et l’analyse des enjeux sociopolitiques
dans les secteurs touristiques et miniers.

Marie Mazalto
Chercheure associée au Centre international de recherche agronomique pour le
développement (CIRAD), France, et au Groupe de recherche sur les activités
minières en Afrique (GRAMA), Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 33 (0)4 67 59 38 87

Marie Mazalto est titulaire d’un doctorat en sociologie politique et consul-


tante, spécialisée dans les problématiques de gouvernance des ressources
naturelles et les impacts sociaux et environnementaux (mines, eau). Elle agit
à titre de chercheure associée au Centre international de recherche agrono-
mique pour le développement et pour le Groupe de recherche sur les activités
minières en Afrique.
INDEX
INDEX

A Aluminum Company of America voir Alcoa


Alusuisse 78, 79
accidents dans les mines 118, 196, 200
amortissements fiscalement autorisés 32, 41,
Afrique du Sud 10, 45, 50, 125, 130, 183 227
Agence multilatérale de garantie des inves- AngloGold 50, 129, 130-132
tissements (MIGA) 5, 7, 8, 11, 12, 15, 119,
158, 179, 236 argent 41, 166, 168, 194
recommandations de l’EIR concernant l’– armée
4, 6, 10, 14, 15, 19, 106, 152, 179, 212, 224, en RDC 189, 202, 212
229, 231, 234 utilisée par les compagnies minières 14
agriculture Ashanti Goldfields 50
à Madagascar 163, 165, 168 Association internationale de développement
au Ghana 50 (IDA) 5, 7, 12, 15, 111, 119, 149, 162, 180
au Mali 121
comme principale source de revenus en autochtones (populations – )
milieu rural 165 droits des – 15, 180
effets de l’exploitation minière sur l’– 118, impacts de l’exploitation minière sur les –
168 15, 234
en Guinée 100 politique sur les – 7, 8, 120
en République démocratique du Congo recommandations de l’EIR concernant
(RDC) 196, 197 les – 7, 8
minerais utilisés pour l’– 226
urbaine et périurbaine 196
air (qualité de l’–) 117 B
ajustement structurel
à Madagascar 145, 156 Banque internationale pour la reconstruction
au Ghana 27, 54, 59 et le développement (BIRD) 5, 12, 15, 77,
au Mali 135 119, 180
en Guinée 73, 81, 83, 90, 91 Banque mondiale (BM) voir Groupe de la
impact général de l’– 2, 234 Banque mondiale
voir aussi programmes d’ajustement bauxite
structurel au Ghana 27, 28
Alcan 76, 77, 79, 85, 86, 94 en Guinée 67, 69, 70-73, 75-89, 91, 92, 94,
Alcoa 87, 94 95, 101, 102, 105, 106, 108, 109
en RDC 194, 230
Alumina Company of Guinea 96 voir aussi alumine/aluminium
alumine/aluminium 68-70, 72, 74, 76-79, 83-89, BHP Billiton 94
91, 92, 94, 95, 101, 102, 106, 108-110, 112, 113,
162, 230 biodiversité
fluctuation du prix de l’– 82 de Madagascar 144
raffinage d’– 75 menaces à la – 158, 164
voir aussi bauxite protection de la – 121, 147, 169
Aluminium Industrie AG (Suisse) 76 Blumenthal, rapport 187
246 Ressources minières en Afrique

Brésil 81, 88, 89, 94 Compagnie des Bauxites de Kindia (CBK)


Bretton Woods (institutions de –) voir insti- 95, 96
tutions financières internationales, Groupe Compagnie internationale pour la production
de la Banque mondiale, Fonds monétaire de l’alumine 76
international compagnies minières 33, 35-37, 49, 54, 55, 59,
British Aluminium Company 76 70, 190
en Guinée 100
membres du conseil d’administration des –
29
C multinationale(s) 60, 74, 108, 145, 161, 163,
224, 236
Cadre intégré pour l’assistance technique liée participation de l’État dans les –, voir État
au commerce en faveur des pays les moins redevances versées par les – 31, 43-47, 50,
avancés 99 62
Cameroun 77 rôle des pays d’origine des – 2
voir aussi les compagnies individuelles par
Canada 78, 80, 84, 88, 132, 206
nom
cassérite 197
Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) 94
Centre international pour le règlement des
comptes à l’étranger 33, 48, 49, 62
différends relatifs aux investissements
(CRIDI) 7, 119 confidentialité 9
Chalco 94 conflit 206, 211
d’intérêts 120, 134, 198
charbon 147, 162
en RDC 175-177, 188, 196, 198, 200, 202,
recommandations de l’EIR pour un mora-
208
toire sur les projets de – 9
entre les communautés et les chefs 59
chefs traditionnels 28, 29, 35, 37, 53, 57 entre les communautés et les compagnies
Chili 44, 45 minières 14, 35, 59
entre les petits exploitants et les grandes
Club de Paris 90
sociétés minières 36, 60
cobalt 175, 191, 194, 195, 199, 209 législatif 30, 156
code(s) minier(s) 36, 39, 41, 42, 47, 48, 50, 119, zones de – 8, 17, 181, 208
124, 125, 128, 130, 131, 134, 136, 141, 148, voir aussi violence
149, 151, 153-156, 166, 184, 189, 191, 200, consentement 8, 15, 160
201, 220 vs consultation 17
demandes de révision des – 1, 122, 123, 124
consultants 28, 29, 34, 37, 88, 130, 131
et capacité à attirer les investisseurs 30,
33, 34 consultation 15, 17, 34
évaluation de l’impact des – 30 Conté, Lansana 67, 74, 81, 89, 110
voir aussi les pays individuels par nom
contrat(s) minier(s)
coltan 197 en Guinée 67, 73, 74, 102, 107, 229
commercialisation des gemmes 150 en RDC 188, 192, 193
et transparence 74
communautés (dans les zones minières)
renégociation des 1, 67, 74, 107, 192, 193,
cohésion sociale diminuée dans les – 35
232
conflits impliquant les – 59
développement des – 54, 55 corruption 3, 183, 184, 191, 193, 201, 203, 230
distribution de revenus aux – 12 des autorités locales par les compagnies
en tant que parties concernées 165 minières 35
fonds de développement des – 137 creuseur(s) 194, 195, 197, 201, 206, 210, 212
intérêts essentiels des – 36 voir aussi petites exploitations minières et
pauvreté des –, voir pauvreté mines artisanales
Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) cuivre 44, 142, 162, 175, 176, 192, 194-196,
77-79, 81-83, 86, 87, 94, 96, 100 199, 214
cyanure 8, 129, 130, 141, 185
Index 247

D droit(s) des investisseurs 205


droit(s) humain(s) 235
De Beers 145, 176 abus signalés ou violation(s) de – 14, 118,
déchets 132 188, 189, 191, 200, 202, 206, 210, 231, voir
et questions relatives à la santé 54 aussi violence
gestion des – 14, 128-130 échec des activités minières en ce qui con-
politiques sur la gestion des – 8, 14, 129, cerne la protection des – 7
130 et RDC 177, 181, 185, 190, 194, 196, 203,
voir aussi résidus 205-208, 210, 211, 213
démocratisation 3, 181, 182, 186 et réformes visant la promotion de l’exploi-
tation minière 178, 179, 211
déplacement des communautés voir recommandations de l’EIR sur les – 7, 8,
réinstallation 10, 14-16, 179, 212, 223, 230, 231
dette publique spécialistes des – 9
annulation de la – 52, 201 vérificateurs indépendants des – 15
en Guinée 81, 90, 91, 92
niveaux de la – 52, 81
rééchelonnement de la – 90
remboursement de la – 91, 92, 183, 190, 201 E
développement durable 37, 211, 234, 236 eau 8, 98, 130, 146, 163, 175, 182, 198, 209, 210,
et réduction de la pauvreté 6, 10, 11, 13, 26, 218
106, 177, 223, 227 qualité de l’– 129, 132
examen du GBM des impacts de l’exploita- réserves d’– (potentiellement) contaminées
tion minière sur le – 6, 19, 26, 120, 177, par l’exploitation minière 35
223, 227 usage des ressources en – par l’exploitation
incompatible avec l’exploitation minière minière 117
164
objectif de – économie
à Madagascar 144 d’Afrique subsaharienne 72, 92, 147
en RDC 187, 212 impact des activités minières sur l’ensemble
de l’– 91, 99, 116, 138, 139
devises 29, 30, 33, 61, 90, 91, 119, 125, 148, néolibérale 52, 73, 89, 145
154, 206 voir aussi les pays individuels par nom
actifs en – étrangères 70
contribution des – étrangères 49 efficacité (importance accordée par le GBM
et transférabilité de la monnaie converti- à l’–) 19
ble 41 emploi minier
manque de – étrangères 93 d’expatriés 26, 33, 39, 41, 50
« Diagnostic de Washington » 147, 173 dans la petite exploitation minière 60, voir
aussi petites exploitations minières et
diamant(s) 162 mines artisanales
à Madagascar 145 de population locale 53, 168
au Ghana 27, 28, 60 diminution de l’– 53
en Guinée 69, 70, 93 et contribution économique 42
en RDC 175, 191, 194, 196, 197, 206, 210 et techniques d’exploitation à ciel ouvert
et risques humains 206 25, 26, 50
divulgation part totale de l’– 50, 100
des documents liés aux projets, recomman- préférence accordée au personnel local
dations de l’EIR sur la – 11 dans l’ 124
des paiements, recommandations de l’EIR énergie 108, 117, 173, 197, 234
sur la – 9 hydroélectrique 79
politiques sur la – 14 renouvelable, recommandations de l’EIR
Document de stratégie de réduction de la pau- sur l’– 8
vreté (DSRP) 97, 103, 105, 146, 220 voir aussi charbon, pétrole et gaz
drainage minier acide 117, 131 enfants 166, 189, 194, 200, 202, 209, 210, 231
droit(s) aux ressources (droits miniers) 12, travail des – 120, 128, 180, 196, 201, 217
15, 37, 61 violation des droits humains des – 14
248 Ressources minières en Afrique

État Fonds monétaire international (FMI) 27, 69,


« absence sélective » de l’– 226 71, 81, 82, 89-91, 93, 99, 143, 149, 181, 187,
capacité réduite de l’– 1, 2, 73, 74, 106, 108, 204, 208
109, 133, 134, 137, 156, 204, 227, 228, 231, programmes d’ajustement structurel du –,
234, 235 voir ajustement structurel, programmes
contournement et légitimité de l’– 110, 235 d’ajustement structurel
« fragile » 2, 204 remboursement du – 235
insuffisance des ressources de l’– 33, 122, rôle du – en réponse aux défis du dévelop-
190 pement 5
légitimité de l’– 3, 109, 110, 198, 201, 204, forêt(s)
207, 237 déforestation et exploitation minière 130
participation de l’– dans les compagnies dégradation des ressources forestières 147
minières 77, 101, 102, 189 empiètement de l’exploitation minière sur
patrimonial 190 les 60
redéfinition du rôle de l’– 1, 93, 101, 137, utilisation des ressources provenant des
144, 169, 178, 181, 185, 192, 225, 228, 234, 147
238
réforme de l’– 182, 183 Fria 75-78, 88, 92, 94, 113
États-Unis 68, 76, 77, 149, 162, 181, 182 Frialco 77, 85
aide apportée à la RDC par les – 181, 182 Friguia 77, 78, 82-86, 95, 96, 107
et relations avec la Guinée 77
exploitants artisanaux 32, 37, 60, 61, 145, 148
voir aussi creuseur(s), petites exploitations
minières et mines artisanales G
exploitation minière gaz voir pétrole et gaz
à ciel ouvert 25, 47, 50, 59, 118 Gécamines 176, 192, 194-197, 199, 200, 202,
illégale 175, 188-190, 202 215, 216, 220
permis d’–, voir permis miniers
voir aussi sous les noms de minerais et de Ghana 11, 13, 51-53, 63-65, 125, 227
pays individuels Banque centrale du – 49
Bureau de l’administrateur des terres stools
exportations de ressources minières 137, 138 du – 57
illégales 145 Chambre des mines du – 36, 38
modèle de développement axé sur Coalition nationale sur les mines du – 38,
les – 226 39
Code minier 703 (2006) du – 26, 30, 39-42,
48, 50, 54, 61, 62
Commission des ressources minières du –
F 28, 32, 34, 39
femmes Environmental Protection Agency (EPA)
activité économique des – 59, 166 du – 39, 63
droits et égalité des – 180 Fonds de développement des activités
et abus des droits humains 14 minières du – 56, 57
impacts négatifs de l’exploitation minière Initiative pour la transparence dans les
sur les – 59, 200, 210 industries extractives du – 47, 57, 58
recommandations de soutenir les – 7, 12, Internal Revenue Service (IRS) du – 41,
231 45, 48
Loi sur les minerais et les mines (1986) du –
fer 26, 30, 32, 33, 49
au Ghana 27 pauvreté au – 28, 30, 52, 53-55, 59, 60
en Guinée 70 Precious Minerals Marketing Corporation
en RDC 194 (PMMC) du – 32
fermeture de mines Programme de relance de l’économie
coûts et problèmes liés à la – 117, 131 du – 31
directives concernant la – 8, 14, 125, 129 richesse minérale du – 27
et chute des prix 34 statistiques d’exportation du – 29, 49
planification de la – 14 taxation au – 39-42
Index 249

Wassa Association of Communities Affec- réponse de la direction du – à l’EIR 4, 16,


ted by Mining (WACAM) 37 17
Wassa Ouest 36, 55, 59, 61 Revue des industries extractives du –, voir
Global Alumina 94, 105 Revue des industries extractives
rôle du – dans la réglementation 18
Global Witness 196, 217 rôle du – en réponse aux défis miniers 5, 6
Gouvernance 5, 17, 34, 53, 62, 75, 95, 106-108, stratégie minière en Afrique du – 32, 225
120, 150, 163, 165, 172, 173, 178, 179, 186, voir aussi Banque internationale pour la
201, 203, 212, 215, 219, 220, 223, 224, 234, reconstruction et le développement
235, 236 (BIRD), Association internationale de
à l’échelle gouvernementale 183 développement (IDA), Société finan-
cadres visant l’amélioration de la – 146 cière internationale (SFI), Agence mul-
conformité du programme de – avec le tilatérale de garantie des investissements
modèle de développement 237 (MIGA)
complexité des questions liées à la – 3, 4 Guinée 11, 12, 13, 33, 100, 103, 107, 110, 229,
différentes notions de – 3, 110, 228, 229 232, 235
évaluation de l’adéquation de la – 11 bauxite en – 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 75,
« faible », allégations de – 3 76, 77, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88,
lacunes de – 233 89, 91, 92, 94, 95, 96, 101, 102, 105, 106,
notion du GBM de « bonne » – 19 108, 109, 230
notion du programme de développement Boké 75, 77, 79, 80, 85, 88, 92, 94, 95
de la – 228-231 bouleversement social en – 67, 73
perçue comme une question administrative Code minier de la – 70, 91, 92, 101, 104, 105
4, 19, 233, 237, 238 économie de la – 69, 70, 71, 72, 75, 81, 82,
problèmes de – 89, 90, 91, 92, 98, 99
à Madagascar 156 exportations de la – 68, 69, 75, 76, 83, 96, 97
en RDC 187, 188, 191 Facilité pour la réduction de la pauvreté et
promotion d’une – favorable aux pauvres pour la croissance (FRPC) de la – 71
10-12, 68, 73, 170, 227 Konkouré 76, 79
recommandations de l’EIR sur la – 7, 11, Los 75
12, 68, 94 manque de transparence et d’imputabilité
renforcement de la – avant les projets d’ex- en – 3
traction majeurs 7, 12 Office d’aménagement de Boké 77
répercussions des demandes extérieures de Office des Bauxites de Kindia (OBK) 78,
réforme sur la – 3 84
Gouvernement 28, 29, 35, 37, 53, 57 politiques gouvernementales en – 88, 89,
voir aussi État, chefs traditionnels 90
Groupe de la Banque mondiale (GBM) 7, 8, réserves minérales de la – 67, 68, 70
10, 12-14, 19, 20, 27, 33, 68, 94, 106, 110, 131, Sangarédi 85, 94
144, 148, 151, 152, 168, 170, 177, 178, 180,
185, 212, 223, 224, 229, 232, 236
analyse économique du – 72
assistance technique et administrative du – H
18, 32 Halco Mining 77, 81
critique du – 120, 179
Département pétrole, gaz et produits chimi- Harvey Aluminum 77
ques du – 6 hétérogénite 194, 195, 201
en tant que partie concernée 161, 163 Human Rights Watch 202, 217
études/rapports du – 16, 18, 33, 82, 86, 225,
234
financement du – 15-18, 90, 119, 149
investissement dans les industries extracti-
ves du – 16-18, 149
I
politiques et obligations relatives aux droits ilménite 143, 145, 158, 162, 165
humains du – 15
impacts environnementaux (de l’exploitation
programmes d’ajustement structurel du –,
minière) 9, 53, 118, 121, 128-131, 133, 156,
voir ajustement structurel, programmes
164
d’ajustement structurel
gestion des – 121, 129-131
250 Ressources minières en Afrique

négatifs 13, 54 K
importation 26, 40, 41, 44, 48, 103, 107, 123,
154 Kabila, Joseph 182, 183, 191, 193, 203
capacités de la Guinée en matière d’ – 92 Kabila, Laurent-Désiré 191, 192
d’articles à des fins d’exploitation minière Kagamé, Paul 183
39
de matières premières et transformées 139 Kalala (rapport –) 188, 190, 191, 201
imputabilité Kouyaté, Lansana 67
besoin d’ – 42, 104
des compagnies, environnementale et
sociale 120
et transparence 4, 42, 57, 110, 229 L
manque d’ – 3, 53, 72, 74, 106, 107, 230
langue 5, 25, 70, 143, 177
Indicateur du développement humain (IDH)
législation voir les noms des pays individuels
98, 178, 208
légitimité (questions de –) 1, 2, 3, 5, 108, 110,
Indonésie 6, 45
164, 178, 198, 200, 201, 204, 206-208, 211, 212,
Inégalité(s) 233, 235-237
au Ghana 52
lignite 145
en RDC 211
exacerbées par l’exploitation minière 118, lixiviation en tas 35
198, 231
voir aussi pauvreté, pouvoir
information 9, 86, 119, 131-133, 148, 192, 209,
214-216
M
infrastructure 77, 82, 148, 166, 234 Madagascar 13, 14, 167, 224
Initiative diamant et développement 206 Anosy 147, 158
Arrêté interministériel sur la réglementa-
Initiative pour la transparence dans les indus- tion du secteur minier de – 154-156
tries extractives (ITIE) 47, 57, 58, 103, 107, Bureau du cadastre minier (BCMM) de –
113, 206, 217 149, 151, 153
Institutions de Bretton Woods voir Banque Charte de l’environnement applicable à –
mondiale, Fonds monétaire international, 151, 154, 155, 158
institutions financières internationales code minier de – 148, 149, 151, 152, 154,
Institutions financières internationales (IFI) 156
18, 31, 33, 115, 118, 121, 143, 178, 203, 205, Document de stratégie de réduction de la
218 pauvreté (DSRP) de – 146
exigences des – 2, 181, 185, voir aussi ajus- économie/stratégie économique de – 143,
tement structurel, programmes d’ajuste- 145-148
ment structurel exploitation minière à – 144, 145, 148, 158,
idéologie des – 138 160, 162-164
responsabilités des – 191 Institut de gemmologie (IGM) de – 150
rôle des – en RDC 181, 191 Loi sur les grands investissements miniers
rôle joué dans l’élaboration du cadre d’in- de – 149
vestissement par les – 2 Mandena 147, 158, 164, 165
voir aussi les institutions individuelles par Ministère de l’Énergie et des Mines (MEM)
nom de – 144, 145, 152-155, 162
Ministère de l’Environnement de – 152,
investissement 2, 13, 16, 18, 26, 27, 31-33, 40, 153, 155
41, 47, 53, 77, 78, 82, 101-104, 120, 139, 143, Office des mines nationales et des indus-
149, 151, 161, 170, 187, 195, 199, 200, 225, 233 tries stratégiques (OMNIS) de – 158,
critères d’– à court et à moyen terme 17 161, 162
investissement étranger 27, 30, 74, 80, 81, 109, Office national pour l’environnement
150, 207, 230 (ONE) de – 152-155, 157, 163
promotion de l’– de la part des institutions Projet de gouvernance des ressources miné-
financières 119 rales (PGRM) de – 149
Irlande 79, 89
Index 251

Projet de réforme du secteur minier modes de régulation politique du secteur


(PRSM) de – 149 minier 106
Tolagnaro 144, 145, 147, 152, 158-161, 163,
167-170
main-d’œuvre excédentaire (programmes
visant la réduction de la –) 52 N
Majescor 145 nationalisation 76
Mali 13, 14, 33, 34, 115, 135, 227, 228 Newmont Ghana Limited 41
codes miniers du – 122, 124, 125, 128, 130, nickel 70, 143
134
Direction nationale de la géologie et des Noranda Aluminium 86
mines (DNGM) du – 126, 134, normes de travail
économie du – 121, 122, 126 fondamentales de l’OIT 15, 180
Institut national de recherche en santé recommandations de l’EIR sur les – 8, 15,
publique du – 133, 141 180
mine de Morila 126-129, 136
mine de Sadiola 126-129, 132, 133, 136
mine de Yatela 126, 127, 132, 133
or au – 121, 122, 125, 126, 130, 132 O
manganèse 226
objectifs de développement 2, 4, 108, 109, 138,
au Ghana 27, 28
178, 187, 235
en RDC 175
or 150, 162
mécanisme de grief (recommandations de
au Ghana 27, 28, 40, 41, 45, 48, 49, 52, 59, 60
l’EIR sur le –) 8
au Mali 121, 125, 126, 129, 130, 132, 136
migration en Guinée 69, 70, 93
vers les zones minières 118 en RDC 175, 194, 197, 202
voir aussi réinstallation prix de l’ 29, 34, 47, 136
mine artisanale 196, 217 Organisation de coopération et de dévelop-
voir aussi petites exploitations minières et pement économiques (OCDE) 176, 195,
mines artisanales 196, 199, 214
minerai 27-33, 35, 38, 40, 42, 43, 45, 48, 50, 52, Organisation des Nations Unies 8, 182, 191,
54, 68, 70, 74, 75, 78, 79, 81, 85, 116, 136, 138, 195, 206, 209, 214
158, 159, 175-177, 190, 194, 195, 197-199 Comité des droits de l’homme de l’ – 188,
ne convenant pas à l’exportation 226 190
trafic illicite de 202, 203 Commission pour l’Afrique de l’ – 109,
voir aussi les minerais individuels par nom 112, 235, 238
mineurs 200, 206, 207, 213 Conférence de l’– sur le commerce et le
basés dans les communautés vs itinérants développement (CNUCED) 1, 21, 99,
12 138, 139, 234
petits exploitants et exploitants artisa- Conseil de sécurité de l’ – 175, 183, 188,
naux 36, 60, 194, 196, 197, voir aussi 190, 203, 208, 215, 216, 219
petites exploitations minières et mines Conseil économique et social de l’ – 203
artisanales) Déclaration universelle des droits humains
voir aussi emploi minier de l’ – 179-180
Fonds des Nations Unies pour l’enfance
minorités ethniques (recommandations visant
(UNICEF) 146, 172, 217
à appuyer les –) 7, 12
Institut de recherche des Nations
voir aussi autochtones
Unies pour le développement social
Mitsubishi 94 (UNRISD) 3, 22
Mobutu, Joseph (Mobutu Sese Seko) 175, Mission de l’– en RDC (MONUC) 183,
187, 190, 191, 203 202, 208, 213, 219, 221
Politique de l’habitat naturel de l’ – 8
modèle de développement 19, 144, 147, 163,
pour le développement industriel (ONUDI)
166, 169, 170, 223-225, 228, 230, 231
102, 105, 112, 113
choix d’un 232-234, 237
stratégies locales concernant le 233, 234
252 Ressources minières en Afrique

Programme des Nations Unies pour le permis minier 32, 145, 154, 155
développement (PNUD) 30, 65, 98, 99, voir aussi droit(s) aux ressources
178 Pérou 21, 45
Rapport du Groupe d’experts de l’– (sur la
RDC) 188, 190, 201, 202 perspective historique (utilisation d’une –)
Sommet mondial pour le développement 11, 75
durable (SMDD) de l’ – 6 petites exploitations minières et mines artisa-
Organisation internationale du travail (OIT) nales (PEMMA) 60, 61, 150
15, 180, 200 location des – 36
menacées par les grandes concessions 36,
Organisation mondiale de la santé (OMS) 60
129, 130, 133 nécessité d’accorder plus d’importance
Organisation mondiale du commerce (OMC) aux – 37
67, 71, 99, 100, 102, 105 recommandations de l’EIR sur les – 12
Organisation(s) non gouvernementale(s) pétrole et gaz
(ONG) 129, 133, 163-165, 193, 195, 201, à Madagascar 145
202, 210 au Ghana 27
en tant qu’acteurs 161 dans les pays pauvres 178
recommandations de l’EIR en matière
OSWAL 94 de – 8
Otto, James M. 25, 45, 103-105, 141, 184, 219 plans d’intervention d’urgence (recommanda-
Ouganda 190, 197, 202 tions de l’EIR sur les –) 8
Platinum Works Inc. 145
politique environnementale (recommanda-
P tions de l’EIR sur la –) 144, 158, 169
populations autochtones voir autochtones
paiements d’indemnité(s) 35, 37
pouvoir 48, 52, 54, 76, 81, 139, 160, 164, 166,
insuffisance des – 59
172, 177, 186, 187, 189, 190, 193, 198, 201,
préjugés liés au genre dans les – 59
203-205, 208, 210
refusés aux exploitants artisanaux – 60
et gouvernance 3, 4
parties concernées/acteurs et modes de régulation politique du secteur
distribution de redevances aux – 57 minier 3, 4, 104, 229
et consultation au Ghana 37 et processus de consultation biaisés 37
impliqués dans le projet Tolagnaro 161 impact des déséquilibres du 16, 233
opinions des – sur les activités du GBM 6 voir aussi inégalité(s)
pauvreté 9, 12, 15, 16, 19, 47, 106, 145, 147, 148, privatisation 74, 89, 90, 119, 146, 183, 199, 207,
156, 160, 168, 169, 172, 177, 178, 183-187, 195, 225
196, 213, 215, 224
prix 33, 40, 73, 74, 89, 94, 143, 185, 198
à Madagascar 144, 165
de l’alumine/aluminium 82-86
au Ghana 30, 52-55
de l’or 29, 34, 47
en RDC 197, 209
de la bauxite 78, 80, 81, 85, 86, 92
et proximité des activités minières 54, 55
des biens de première nécessité 99
pauvreté (réduction de la –) 6, 11, 25, 32, 33, des métaux rares 199
42, 44, 52, 53, 60, 61, 67, 68, 93, 95, 99, 100, des ressources minérales, impact du – 17,
107, 114, 115, 120-122, 134, 139, 150, 163, 164, 18, 34
171, 179, 180, 181, 217, 220, 223, 227, 228, 233 du cobalt 199, 209
à Madagascar 146, 166 du cuivre 199
au Ghana 27, 28, 55 négociations de – en Guinée 72
devant provenir des activités extractives
processus décisionnels (intégration du public
27
dans les –) 11
directe, locale et régionale 13
voir aussi consultation
en Guinée 70-72, 97, 98
et allégements fiscaux accordés aux compa- profits (rapatriement des –) 91
gnies minières 26, 49, 50 programmes d’ajustement structurel 73, 122,
recommandations de l’EIR sur la – 7, 10 134, 137, 181, 227
Pechiney 76-79, 85, 86 voir aussi ajustement structurel
Index 253

protection de l’environnement 32, 38, 44, 45, Comité de pilotage de la réforme des entre-
47, 62, 121, 137, 139, 144, 148, 153-156, 169, prises du portefeuille de l’État (COPI-
172, 226-228, 234 REP) en – 186
à Madagascar 151 Comité international d’accompagnement
au Mali 128, 134 de la transition (CIAT) en – 183
manque de capacité de l’État en matière Constitution de la – 182
de 1, 137 disparités territoriales en – 193
prise en charge de la – par les entreprises Document de la stratégie de croissance et
135 de réduction de la pauvreté de la – 204
recommandations de l’EIR sur la – 7 économie de la – 208, 209
zones protégées 8 exploitation minière en – 175-178, 187-191,
193-196, 208-210
gouvernement de la – 203-205
Ituri 197, 202, 208
Q Kasaï Oriental 196, 197, 209
Katanga 193-202, 210, 214, 215, 217, 218,
QIT Madagascar Minerals S.A. (QMM) 145, 220
147-149, 152, 158-161, 163, 165-170, 172, 224 manque d’imputabilité en – 3
manque de transparence des relations
en – 3
Nord-Kivu – 197, 202
R Rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur
la –, voir Organisation des Nations Unies
Ratsiraka, Didier 162 réforme de l’État en – 183-186
Ravalomanana, Marc 143, 162 réserves minérales en – 175, 192
recettes (minières) 26, 29-31, 35, 36, 44-50, 55, Service de l’environnement minier de
61, 62, 69, 70, 71, 75, 80-87, 89-96, 98, 99, 101, la – 195
103, 104-110, 127, 176, 218, 229, 232, 235 service du cadastre minier (CAMI) de
capacité du gouvernement à gérer les – 53 la – 186
partage des – à l’échelle locale, régionale, Sud-Kasaï – 198
nationale 56, 58 Sud-Kivu – 197, 202
problèmes de distribution des – 56, 58 violations des droits humains en – 14
voir aussi redevances minières, taxation violence en – 177, 198, 201-203, 208, 210,
231
redevances (minières) 25, 26, 29, 32, 33, 35,
38, 43, 44, 48, 123, 126, 138, 149, 150, 185, 225 résidus 3, 8, 14, 132, 185
attitudes envers les – 45, 47 responsabilité sociale
chefs traditionnels et – 36 définition du GBM de la – 5
difficultés à évaluer les – 47 d’entreprise 5, 228
ententes de partage des – 57, 58, 104, 166, ressources 1-5, 15, 18, 19, 25, 27, 28, 30-34,
201 39-41, 43, 45, 48, 61, 68, 70, 72-74, 79, 83, 89,
suggérées (et taux réels des –) 39- 41 99, 104, 107, 110, 115, 117, 119, 120, 130, 135,
réduction de la pauvreté voir pauvreté 137, 144, 147, 160, 161, 163-165, 168, 169, 175,
réinstallation (déplacement de populations) 177, 184, 188-194, 197, 198, 201-203, 224, 226,
politique relative à la – 13 229, 230-233, 235-238
problèmes liés à la – 35, 55, 59 cadres pour le développement des – 17
volontaire, recommandations de l’EIR sur droits aux –, voir droit(s) aux ressources
la – 7, 15 et mauvaise performance économique 178
« malédiction » des 52, 116, 137
République démocratique du Congo (RDC) minérales 45, 50, 52-54, 59, 150, 162, 173
12, 21, 67, 179, 180, 206, 211-213, 229, 230,
232 retenues d’impôt 41, 47
Agence nationale pour la promotion des Revue des industries extractives (EIR) 5, 11,
investissements (ANAPI) de la – 186 12-17, 19, 26, 27, 68, 94, 108, 115, 116, 118-
aide à la – 181-183 120, 134, 137, 144, 148, 149, 151, 152, 156,
code des investissements de la – 186 158, 160, 162, 165, 168, 169, 178, 181, 186,
Code minier de la – 183, 184, 186, 189, 190, 210, 227-232, 234, 235, 237
200 lancement de la – 6
mandat de la – 6
254 Ressources minières en Afrique

principales recommandations de la – 9, Sylla, Jacques 102, 107, 111, 114, 143


121, 177, 179, 180, 212, 223 syndicat(s) 6, 15, 67, 74, 107, 180, 194, 195,
processus de la – 6 199, 213
Rapport final (2003) de la – 6, 9, 10
recommandations de la – en tant que points syndrome hollandais 51, 116
de référence 4, 7-10, 223 Szablowski, David 5, 23, 185, 207, 221, 224-
recrutement de personnel pour la – 6 226, 235-237, 239
Rio Tinto 148, 161-163, 166
risque
environnemental 124 T
humain 206, 212
perçu par les investisseurs 16 Tanzanie 33, 34, 45, 125, 232
Royaume-Uni 78, 80 taxation 225
Rusal 95 au Ghana 25, 26, 47, 48
au Mali 123, 138
Rwanda 190, 197, 202, 206, 214 complexité de la – 101
des revenus de société 26, 47
en Guinée 77, 101, 103, 104, 105
et difficultés liées à la perception de ­recettes
S 47, 48, 103
Salim, Emil 6 et fraude fiscale 101
et impôt sur les profits 47
Santé et modèle de développement 138
et sécurité (règlements en matière de –) et non-paiement d’impôts 26
124 et redevances voir redevances
problèmes de – et exploitation minière 54, et retenues d’impôt 26, 47, 104
118, 132, 133 exemptions de – 25, 47, 101, 103-105, 123
services de – 7 paiement différé de – 26, 47
sécurité 27, 37, 52, 60, 124, 129, 130, 138, 146, sur les gains en capital 26, 47
163, 164, 188, 191, 194, 196, 200, 201, 205, taxes à l’exportation 80-82
206, 210, 214 Tchad 178, 218
Social Watch 52, 65 terres/terrains 27, 28, 34, 35, 38, 39, 43, 44, 54,
Société d’exploitation des mines d’or de 61, 117, 118, 147, 204
Sadiola (SEMOS) 127, 129, 133, 136, 142 aliénation de – appartenant aux commu-
Société financière internationale (SFI) 5-8, nautés locales et pauvreté 59
15, 23, 31, 32, 38-40, 42, 47, 63, 127, 129, 130, appartenant à l’État et utilisés par la popu-
137, 139, 142, 179, 185, 214, 236 lation locale 165
investissement dans les industries extracti- durée des locations de – 36
ves de la – 17, 18, 119, 128 indemnisation des locataires de 60
politiques environnementales de la – 131 Third World Network 37, 62, 140, 242
Politiques sur la durabilité sociale et envi- Ticor Ltd. 145
ronnementale de la – 121
recommandations de l’EIR concernant la – titres de propriété 15, 37, 60, 138
11, 12, 179 Touré, Sékou 75, 77-80
Standards de performance de la – 121 transparence 16, 42, 57, 104, 108, 110, 150, 184,
Société minière de Bakwanga 189 187, 188, 192, 193, 206, 229, 234, 235
sol 27, 148, 207, 209 besoin de – en RDC 205
corruption et manque de – 3
sous-développement 147 et imputabilité 4, 57
sous-emploi 52 manque de – 3, 4, 53, 72, 74, 103, 106, 107,
substances toxiques 189, 193, 230
directives sur les – 14 recommandations de l’EIR sur la – 9, 11
risques d’exposition à des – 117 transport 8, 27, 124, 129, 138, 200
voir aussi cyanure travail des enfants voir enfants
Index 255

U-V W
uranium 145, 175, 194, 201 WAW 78
Vereinigte Aluminium Werke AG 76, 77 Wolfensohn, James 6
vérification 15, 39, 107 World Rainforest Movement 162, 168, 173
externe étrangère 130
VIH/SIDA 182
violation des droits humains voir droit(s) Z
humain(s)
violence Zambie 10, 45, 194, 232
en RDC 201, 203, 210, 231 zinc 226
entre les compagnies minières et les com- zircon 158
munautés locales 60
entre les petits exploitants miniers et les
grandes sociétés minières 60

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