Ressources Minières en Afrique
Ressources Minières en Afrique
Ressources Minières en Afrique
MINIÈRES
EN AFRIQUE
Centre de recherches pour le développement international
BP 8500, Ottawa (Ontario) K1G 3H9, Canada
[email protected] / www.crdi.ca
ISBN 978-1-55250-487-1 (édition électronique)
Diffusion / Distribution :
CANADA et autres pays SUISSE
Prologue inc. Servidis SA
1650, boulevard Lionel-Bertrand Chemin des Chalets
Boisbriand (Québec) J7H 1N7 1279 Chavannes-de-Bogis
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RESSOURCES
MINIÈRES
EN AFRIQUE
QUELLE RÉGLEMENTATION
POUR LE DÉVELOPPEMENT ?
Intérieur
Mise en pages : Interscript
Couverture
Conception : Richard Hodgson
1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2010 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
© 2010 Presses de l’Université du Québec
Édition originale : Mining in Africa : Regulation and Development
© Bonnie Campbell 2009 published by Pluto Press, Londres, <www.plutobooks.com>
Cette étude a été réalisée par Bonnie Campbell, Thomas Akabzaa, Gisèle Belem,
Marie Mazalto et Bruno Sarrasin, qui sont membres du Groupe de recherche
sur les activités minières en Afrique (GRAMA), une composante de la Chaire
C.-A. Poissant de recherche sur la gouvernance et l’aide au développement. Le
GRAMA est également rattaché à l’Institut d’études internationales de Montréal
(IEIM) et à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM). Bonnie Campbell est professeure d’économie politique
au Département de science politique de l’UQAM, Bruno Sarrasin est profes-
seur au Département d’études urbaines et touristiques à la même université, et
Thomas Akabzaa est professeur et directeur du Département de géologie à l’Uni-
versité du Ghana, à Legon. Marie Mazalto et Gisèle Belem sont toutes deux
titulaires d’un doctorat de l’UQAM, respectivement en sociologie politique et
en sciences de l’environnement.
Ce livre est le résultat d’un programme de recherche d’une durée de trois
ans (2004-2007) intitulé « Industries extractives et développement durable en
Afrique : évaluation des réformes et recommandations de politiques », rendu
possible grâce à la contribution financière du Centre de recherches pour le déve-
loppement international (CRDI) du Canada. Nous tenons à exprimer notre
sincère gratitude au CRDI.
Nous aimerions également témoigner notre gratitude à Damien Hatcher
ainsi qu’à son équipe, pour leur travail soigné de traduction vers le français.
Nous souhaitons remercier Myriam Laforce pour son travail méticuleux
et son aide inestimable lors de la finalisation de ce manuscrit, ainsi que Sarah
Elola pour sa patiente relecture et mise en forme des épreuves.
Nous aimerions témoigner toute notre reconnaissance à Gisèle Morin-
Labatut du CRDI pour sa confiance et le soutien qu’elle a apporté à notre travail
au cours des années.
Nous souhaitons également remercier le CRDI pour son généreux soutien
en ce qui a trait à la traduction de cet ouvrage.
TABLE DES MATIÈRES
Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii
Acronymes et abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xiii
Liste des cartes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xvii
Liste des figures. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix
Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xxi
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Bonnie Campbell
1. Les chapitres de ce livre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1. Promouvoir une gouvernance favorable aux pauvres . . . . . . . . . . . . . 11
1.2. Atténuer les impacts sociaux et environnementaux nuisibles . . . . . . 13
1.3. Respecter les droits humains et éviter les violations
dans ce domaine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2. La réponse de la Direction de la Banque mondiale à l’EIR . . . . . . . . . . . . . 16
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Chapitre 1
Exploitation minière au Ghana : répercussions sur le développement
économique et la réduction de la pauvreté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Thomas Akabzaa
1. Portrait du secteur minier au Ghana. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.1. La richesse minière du Ghana n’est pas remise en cause,
c’est son impact sur l’économie nationale qui l’est. . . . . . . . . . . . . . . 27
1.2. Efforts gouvernementaux pour la promotion du secteur minier. . . . . 31
2. Vue d’ensemble des éléments fiscaux de la législation minière .
du Ghana. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.1. Loi sur les minerais et les mines (PNDCL 153). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2. La naissance du nouveau Code minier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3. La nouvelle Loi sur les mines : la question des processus . . . . . . . . . . 34
2.4. Dispositions fiscales du Code minier 703. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.5. Les répercussions des dispositions du régime financier .
sur le développement national. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.6. Concessions relatives à la fiscalité, impératifs .
de développement national et de réduction de la pauvreté. . . . . . . . 49
X Ressources minières en Afrique
Chapitre 2
Bauxite, alumine et aluminium : les défis du développement
et de la réduction de la pauvreté en Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Bonnie Campbell
1. Brève perspective historique de l’évolution du secteur minier
en Guinée (1958-1984). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
2. Le secteur minier : négocier sous les contraintes .
de l’ajustement (1984-1995). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3. Les conséquences de l’ancienne législation minière et les perspectives .
de transformation locale (1995-2008). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
3.1. Évaluer la contribution du secteur bauxite-alumine
de la Guinée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
4. Comprendre la contribution du secteur minier guinéen .
à l’économie nationale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.1. La redéfinition du rôle et des fonctions de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.2. La nature des mesures incitatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.3. Le système fiscal guinéen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.4. Les accords miniers individuels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Chapitre 3
Lutte contre la pauvreté et protection de l’environnement au Mali :
quel bilan faire du renouvellement du rôle du groupe
de la Banque mondiale ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Gisèle Belem
1. Les problématiques associées à l’industrie minière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
2. La Revue des industries extractives : une reconnaissance publique .
du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Table des matières XI
Chapitre 4
Développement minier et protection de l’environnement à Madagascar. . 143
Bruno Sarrasin
1. Le secteur minier à Madagascar : grandes orientations et rôle
de la Banque mondiale dans la réforme du secteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
2. La genèse du cadre légal du secteur minier actuel et la place .
de la Revue des industries extractives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
3. L’évolution de la législation minière à Madagascar. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
3.1. La Loi sur les grands investissements miniers et l’Arrêté .
interministériel sur la réglementation du secteur minier
en matière de protection de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
4. Le projet de développement minier à Tolagnaro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
4.1. Le développement minier à Tolagnaro : un projet
mobilisant différents acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
4.2. Une phase inachevée d’intéressement…. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
4.3. La population rurale : un groupe d’acteurs « nécessaire » .
au projet minier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Chapitre 5
Gouvernance, droits humains et secteur minier
en République démocratique du Congo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Marie Mazalto
1. Rôle des IFI et autres bailleurs en RDC : vers une redéfinition
de l’architecture et du rôle de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
2. Relance minière et réduction de la pauvreté : les enjeux complexes
de l’application du cadre légal et de la promotion des droits. . . . . . . . . . . 187
XII Ressources minières en Afrique
Conclusion
Quel modèle de développement ? Quel programme de gouvernance ?. . . . 223
Bonnie Campbell
1. Quel « modèle de développement » ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
2. Quel programme de gouvernance ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
3. La Revue des industries extractives et au-delà . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
3.1. L’exploitation minière et le choix d’un modèle de développement. . . 232
3.2. Donner à l’État un rôle de développement .
dans l’exploitation minière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
Bonnie Campbell
Cet ouvrage paraît à un moment que l’on pourrait qualifier de tournant décisif
pour les régimes miniers africains. Au moyen d’une analyse des réformes des
cadres réglementaires introduits par le passé et de l’impact qu’a suscité l’implan-
tation des politiques qui en ont découlé dans le secteur minier en Afrique, les
études de cas contenues dans ce livre visent à éclaircir certaines des questions
fondamentales liées au processus continu de révision des législations minières
du continent.
Depuis le début de la dernière décennie, les cadres réglementaires intro-
duits au cours des années 1980 et 1990 dans les pays d’Afrique riches en res
sources minières ont été grandement remis en question. Dans un nombre crois-
sant de cas, des demandes ont été formulées pour que les codes miniers soient
revus, pour que les contrats miniers soient renégociés et pour que différentes
mesures correctives soient apportées.
De nombreux facteurs peuvent expliquer ce phénomène, mais deux d’entre
eux apparaissent particulièrement importants. Premièrement, on constate une
prise de conscience accrue que les précédentes réformes des législations minières
et les conditions liées à leur implantation n’ont pas été en mesure de répondre
aux défis de développement auxquels sont confrontés plusieurs pays africains.
Deuxièmement, le fait que la réforme du processus de réglementation soit dictée
par des intérêts extérieurs soulève des questions cruciales de légitimité et
de responsabilité.
Tel que déjà documenté (Campbell, 2004), la réforme des cadres réglemen-
taires et légaux visant à instaurer une meilleure harmonisation et à favoriser une
plus grande stabilité du secteur minier en Afrique a contribué à créer, au cours
des années 1980 et 1990, un climat plus propice à l’entrée d’investissements étran-
gers. Les mesures de réforme mises en œuvre dans le cadre de ce processus ont
impliqué en revanche une redéfinition si radicale du rôle de l’État qu’il existe
peu de précédents historiques à cette situation. En grande partie pour cette
raison, les réformes ont entraîné une réduction des capacités institutionnelles et
l’assouplissement des normes dans des domaines critiques pour le développe-
ment social et économique, et pour la protection de l’environnement, et ce, dans
plusieurs pays d’Afrique où se déploient les activités minières. Et il existe de
fortes indications suggérant que ces tendances continueraient de s’observer dans
un nombre grandissant de situations (Campbell, 2006 ; Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement – CNUCED, 2005).
2 Ressources minières en Afrique
l’exploitation minière. La question de savoir s’il pourrait être utile d’aller au-delà
des recommandations de l’EIR dans certains domaines sera abordée brièvement
dans la conclusion.
Pour diverses raisons, et notamment parce qu’elles sont très centralisées
et qu’elles sont en mesure de mobiliser des ressources importantes pour remplir
leur mandat, les IFI ou institutions de Bretton Woods, composées par le Groupe
de la Banque mondiale (GBM) et le Fonds monétaire international (FMI), ont
joué un rôle important en réponse aux défis posés par le développement du
secteur extractif en Afrique. Les interventions de ces institutions ont même eu,
à certains égards, plus d’impact et de succès que les réponses proposées par
l’industrie. Par exemple, David Szablowski a analysé le caractère unique et les
particularités du régime relatif aux politiques de sauvegarde mis en place par le
GBM pour expliquer comment ces institutions financières ont réussi à créer un
régime capable d’atteindre leurs objectifs stratégiques, et à devenir un site d’éla-
boration de normes mondiales (Szablowski, 2007). En raison du rôle de chef de
file adopté par ces mêmes organisations, il y a eu, et il continue régulièrement
d’y avoir, de nouvelles initiatives relatives au secteur minier en provenance de
l’arène multilatérale. Il s’agit là, selon Szablowski, d’un processus continu qui
contribue à l’émergence d’un cadre légal transnational. Toutefois, le régime de
la Banque mondiale :
propose un schéma de droits et d’obligations fondamentaux, ainsi qu’une struc-
ture de gouvernance qui est profondément différente de celle instaurée par la
plupart des États. Contrairement aux initiatives autoréglementées des entre-
prises, le modèle de la Banque mondiale propose de donner une définition
formelle et procédurale au terme « responsabilité sociale », créant ainsi de nou-
velles obligations tout en mettant fin aux revendications futures. Par consé-
quent, ce modèle est une tentative influente de parvenir à un nouveau contrat
social postlibéral en ce qui concerne l’élaboration de grands projets dans les
pays du Sud (Szablowski, 2007, p. 1003).
3. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont été traduites.
4. De 1994 à 2002, les investissements du Groupe de la Banque mondiale (la BIRD, l’IDA, la
SFI et la MIGA) dans les industries extractives dépassaient 8,5 milliards USD (EIR, 2003a).
6 Ressources minières en Afrique
5. Le docteur Salim a reçu l’aide d’une petite équipe dans un secrétariat. Au départ, ce dernier
était situé à Washington, D.C., mais il a été déplacé à Jakarta en février 2002.
Introduction 7
ont été formulées pour expliquer l’échec des investissements dans les industries
extractives en ce qui a trait à l’amélioration des conditions pour les pauvres,
les communautés locales et les populations autochtones, ainsi qu’à la protection
de l’environnement et des droits fondamentaux. Les propositions s’adressaient
au GBM en tant qu’institution dans son ensemble, car chacun de ses organes
– le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investis-
sements (CIRDI), l’Association internationale de développement (IDA), la
Société financière internationale (SFI) et l’Agence multilatérale de garantie
des investissements (MIGA) – appuie les industries extractives par une variété
de mécanismes.
Voici les principales recommandations présentées au GBM :
Gouvernance
Renforcer la gouvernance en tout premier lieu, afin que les pays puissent
faire face aux risques que supposent les projets d’extraction majeurs. Éla-
borer, de manière participative, des critères de gouvernance explicites
et transparents qui devraient être respectés avant d’investir dans une indus-
trie extractive.
Politiques favorables aux pauvres
Aider les pays clients à évaluer les avantages et les inconvénients des
secteurs pétrolier, gazier et minier par rapport aux autres options de
développement. Entreprendre une évaluation complète des options avant
d’appuyer un projet.
Ne soutenir des projets que lorsque ceux-ci profitent à tous les groupes
locaux concernés, notamment les minorités ethniques vulnérables, les
femmes et les membres les plus pauvres de la communauté.
Allouer une part équitable des revenus aux communautés locales.
Assurer que des plans de réduction de la pauvreté soient en place avant le
commencement d’un projet.
Soutenir les projets dont le déplacement des populations est volontaire.
Les groupes déplacés devraient en « retirer clairement une amélioration »
dans le sens d’un « bénéfice net ».
Assurer que des services de santé publique accompagnent les projets et
soient offerts à tous ceux qui vivent à proximité d’un site.
Exiger une évaluation des répercussions sur la santé lors de la préparation
d’un projet.
Droits humains et populations autochtones
Développer une approche globale de l’élaboration des politiques qui soit
susceptible d’intégrer les droits humains dans les politiques de sauvegarde.
Créer une unité spécialisée sur les droits humains.
8 Ressources minières en Afrique
Divulgation et transparence
Divulguer les paiements et les revenus au sein des compagnies et des
gouvernements.
Poursuivre avec force un objectif de transparence à l’échelle des pays et
des entreprises.
Divulguer les contrats et les accords liés aux projets, tels que les accords
avec les gouvernements hôtes, les documents relatifs aux contrôles, ainsi
que les évaluations économiques, financières, environnementales et sociales.
Les obligations environnementales et sociales devraient être clairement
stipulées dans les prêts et les accords liés au projet, et ceux-ci devraient
être divulgués.
Les documents devraient être mis à la disposition du public dans les langues
locales, et ce en temps opportun et en prenant en compte les différentes
cultures.
Préparer et publier une analyse des bénéfices nets pour chaque projet.
Établir un poste de médiateur de l’information pour suivre la mise en œuvre
de la politique de divulgation et les décisions relatives à la confidentialité.
Changements institutionnels et procéduraux
Supprimer progressivement les investissements dans la production du
pétrole d’ici à 2008 et instaurer immédiatement un moratoire sur les prêts
octroyés pour les projets d’exploitation du charbon.
Exiger des évaluations approfondies des impacts environnementaux et
sociaux, y compris les impacts sur la santé, dans toutes les politiques de
prêts touchant les secteurs de l’industrie extractive dans les pays ayant
des industries extractives importantes ou une croissance anticipée dans
ces secteurs.
Tous les projets des industries extractives devraient être classés dans la
catégorie A, sauf s’il existe des raisons contraignantes qui obligent à faire
autrement.
Récompenser les collaborateurs qui contribuent à faire respecter les poli
tiques de sauvegarde et qui s’engagent à participer à la réduction des
impacts de la lutte contre la pauvreté.
Accroître le nombre d’experts sociaux, environnementaux et des droits
humains.
Les experts en matière des dimensions sociales, de pauvreté, de droits
humains et de l’environnement devraient se joindre aux équipes dès le
début d’un projet.
Au sujet des questions du flux et de la gestion des revenus (un aspect central
de l’analyse présentée dans les deux premiers chapitres de ce livre), les trois
premiers chapitres du rapport de l’EIR contiennent des recommandations
spécifiques, y compris ces points précis :
Il est communément admis que « [l]es bénéfices et les coûts entraînés par
les industries extractives risquent d’être partagés de manière inégale. Bien
que les communautés locales assument les répercussions sociales et envi-
ronnementales négatives des activités des industries extractives, elles peu-
vent se retrouver écartées d’une grande partie des revenus » (EIR, 2003a,
ch. 1, p. 6). Comme nous le verrons, ce point est soulevé dans chacune des
cinq études de cas.
Toujours à l’échelon national, on dit que « le GBM n’a pas accordé une
attention suffisante à l’aide apportée aux gouvernements dans le déve-
loppement d’une gouvernance publique forte en faveur des [personnes]
démunies, particulièrement dans une gestion des revenus prudente et trans-
parente » (EIR, 2003a, ch. 2, p. 50). Cette remarque s’applique notamment
aux expériences de la Guinée et de la RDC.
« La SFI et la MIGA doivent veiller à la présence d’un processus de plani-
fication ouvert et public afin de répartir les revenus de manière équitable,
déterminer si cela est prévu dans le cadre juridique national, ou mis en place
sur une base spécifique au projet, et faire en sorte que la communauté locale
ait un accès égal aux informations sur le projet pour qu’elle participe utile-
ment aux négociations. De même, les informations concernant les revenus
et les dépenses doivent être rendues publiques pendant la mise en œuvre
Introduction 13
du projet » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 59). Comme l’étude de cas sur la Guinée
l’illustrera, ces questions sont d’une grande pertinence en ce qui concerne
les progrès réalisés dans le secteur minier de ce pays, et ce que la SFI et la
MIGA apportent ou non un soutien direct.
Finalement, et de manière fort pertinente à la fois pour le Ghana et la
Guinée, l’EIR recommande que les revenus soient partagés entre les auto-
rités locales, régionales et nationales : « Les autorités régionales ont des
obligations spécifiques de planification et de traitement de questions telles
que l’immigration et l’optimisation des répercussions sur le développement
par la création d’infrastructures à l’échelle régionale. Une part équitable
des revenus doit être allouée aux communautés locales. Le GBM considère
actuellement les objectifs de réduction de la pauvreté “directe” ou “locale
et régionale” comme obligatoires pour les projets concernant les industries
extractives qu’il finance » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 60).
7. Comme il est mentionné dans le chapitre sur le Mali, avant d’approuver un investissement, les
agences du GBM doivent procéder à une étude des impacts environnementaux pour détermi-
ner si le projet en question requiert d’autres politiques de sauvegarde. Les projets sont classés
dans quatre catégories (A, B, C et F) selon leur type, leur emplacement, leur vulnérabilité et
leur ampleur, ainsi que selon la nature et l’étendue des impacts environnementaux potentiels.
14 Ressources minières en Afrique
En ce qui concerne les droits humains, l’EIR souligne que « [l]e GBM et
ses clients ont, conformément au droit international, l’obligation de les promou-
voir, de les respecter et de les protéger » (EIR, 2003d, p. 5-6). L’EIR a donc
recommandé que le GBM élabore « une politique large de système qui intègre
et fait circuler comme courant dominant les droits de l’homme dans l’ensemble
des politiques et pratiques du GBM et que les politiques et opérations du GBM
[soient] en conformité, au moins, avec ses obligations, en tant que sujet de la
législation internationale, en relation avec la législation des droits de l’Homme »
(EIR, 2003a, ch. 3, p. 69).
De plus, il a été recommandé que le GBM veille à ne pas faire obstruction
à la capacité de ses pays membres à remplir diligemment leurs obligations inter-
nationales, et ne contribue pas à la violation desdites obligations. Afin d’assurer un
suivi attentif, l’EIR a recommandé au GBM de « faire systématiquement appel à
des tiers expérimentés, indépendants et sûrs pour vérifier la situation des droits
de l’homme dans tous les projets concernés » (EIR, 2003d, p. 6). À cet égard, « [u]
ne unité centrale des droits de l’homme est indispensable, avec des homologues
régionaux, accompagnée d’une politique claire et d’une obligation de suivi, de
vérification et d’audits annuels transparents » (EIR, 2003d, p. 6).
En matière de relations de travail (étant donné que le GBM a adopté les
normes de travail fondamentales de l’Organisation internationale du travail
[OIT], les jugeant conformes à son mandat de lutte contre la pauvreté), la
BIRD et l’IDA devraient, suivant les recommandations de l’EIR, exiger que
les normes fondamentales de l’OIT « figurent dans les contrats de tout finan-
cement de projet en les incluant comme éléments obligatoires des procédures
de passation de marché du GBM ». De plus, la SFI et la MIGA devraient
« adopter les quatre, et non simplement deux, normes de travail fondamentales,
dans leurs politiques de sauvegarde ». Le GBM devrait « collaborer avec les
gouvernements, les syndicats, les groupes industriels et d’autres organisations,
sans oublier l’OIT, pour promouvoir la mise en œuvre et le respect de ces
normes » (EIR, 2003a, ch. 3, p. 70).
En ce qui concerne les autres questions relatives aux droits, l’EIR a recom-
mandé que la BIRD et l’IDA travaillent également à clarifier et à renforcer, au
besoin, la base juridique du droit aux ressources et aux titres de propriété. Les
populations autochtones et bien d’autres communautés ont ressenti les impacts
négatifs des projets de développement de l’industrie extractive :
Leur déplacement ne doit être autorisé que lorsque, à la suite d’un processus
de consultation, la communauté a donné son consentement préalable libre et
éclairé à une proposition de projet et aux bénéfices qu’elle compte en tirer.
D’ailleurs, le GBM ne doit pas soutenir de projet extractif susceptible d’affecter
les populations autochtones sans qu’aient d’abord été reconnus et garantis de
manière efficace leurs droits à posséder, contrôler et gérer leurs sols, territoires
et ressources (EIR, 2003d, p. 6, nous soulignons).
16 Ressources minières en Afrique
Stimulées par les prix élevés des métaux et du pétrole et par le boom
résultant des activités dans le secteur extractif, les demandes adressées au GBM
pour un financement accru des projets sont demeurées nombreuses. À titre
d’exemple, en 2007, l’investissement du GBM dans le secteur extractif représen-
tait 776,8 millions de dollars américains et la contribution de la SFI constituait
86 % de ce montant (Banque mondiale et al., 2008, p. 7)8.
Deuxièmement, bien que le soutien apporté par le GBM afin d’encourager
l’expansion des activités minières dans les pays riches dans ce domaine prenne
la forme d’investissements financiers, il implique également une assistance tech-
nique et administrative qui a clairement eu un impact sur l’élaboration des
réformes dans les pays bénéficiaires de ce type de soutien. Bien qu’il soit possible
que le resserrement récent du capital d’investissement disponible puisse signifier
une baisse importante du nombre d’activités, dont la durée est difficile à prévoir,
l’impact qualitatif des politiques du GBM dans les pays d’Afrique riches en
ressources minières, mais endettés, doit, dans une certaine mesure, être analysé
de manière distincte des fluctuations des prix des matières premières et des
marchés financiers.
Nous ferons valoir que le rôle que joue le GBM dans la conceptualisation
et l’harmonisation des cadres réglementaires est au moins aussi important que
le soutien financier et technique qu’il accorde à la promotion des investissements
dans le secteur minier. Cet aspect introduit une dimension éminemment politique
dans les initiatives que mettent en œuvre les institutions financières internatio-
nales pour promouvoir les activités du secteur extractif. Pour ne citer qu’un seul
exemple, celui de la SFI et de la manière dont elle décrit son rôle en matière
d’amélioration de l’accès au financement, un rapport récent constate que : « le
crédit-bail est un nouveau service en Afrique, et le but de la SFI est de standar-
diser la législation et la réglementation d’un bout à l’autre du continent pour
favoriser les investissements régionaux et le développement des marchés » (Engel
et al., 2006, p. 17).
Il serait important par conséquent, que l’évaluation du rôle des IFI dans
le processus continu d’élaboration des conditions régissant les industries extrac-
tives ne se limite pas à analyser leurs contributions financières en se centrant
8. En 2007, la SFI a investi 251 millions USD dans l’exploitation minière, ce qui représente
37 % de ses investissements dans le secteur extractif (Banque mondiale et al., 2008, p. 7-8).
Voici une brève comparaison des investissements de la SFI dans le secteur pétrolier, gazier
et minier :
Années/ engagements Millions USD Engagements dans le secteur (%)
2001 309 7,8
2002 117 3,2
2003 1048 60
2004 630 11,2
Sources : SFI (2001, p. 3 ; 2002, p. 5 ; 2003, p. 76 ; 2004b, p. 3).
Introduction 19
principalement sur la question des sommes investies. Cette évaluation doit éga-
lement tenir compte des conditions particulières dans lesquelles les réformes
institutionnelles sont proposées et les projets miniers conçus, mis en œuvre
et surveillés, en tant que produits d’un contexte dont les cadres de réglementation
et les programmes de développement ont été approuvés par ces institutions. Cela
est particulièrement important car, au cours de la dernière décennie, dans
une tentative de contribuer au renouveau des réflexions et des politiques dans
ce domaine, le GBM a modifié la façon dont il présentait ses propositions.
De plus en plus, il a mis l’accent sur la satisfaction d’objectifs d’efficacité et de
normes de rendement. Ceux-ci sont évalués selon des critères techniques et admi-
nistratifs précis qui sont, à leur tour, associés à des réformes institutionnelles
conçues pour être conformes à une définition particulière de la « bonne gouver-
nance ». Il restera ensuite à documenter et à analyser les liens entre, d’une part,
un discours en constante redéfinition portant sur des programmes particuliers
de gouvernance et, d’autre part, un modèle de développement véhiculé par les
réformes recommandées aux pays d’Afrique riches en ressources minières.
À bien des égards, les recommandations de l’EIR sont allées plus loin que
les tentatives précédentes pour clarifier ces liens. En conséquence, sans prétendre
apporter des solutions complètes ou définitives, la série de préoccupations émises
et les recommandations formulées dans l’EIR pour y faire face fournissent un
arrière-plan utile aux analyses contenues dans le présent ouvrage.
CONCLUSION
Le but ultime de l’EIR est :
[d’]amener les considérations sociales et environnementales à un niveau
équilibré avec les considérations économiques dans les actions visant à lutter
contre la pauvreté par le développement durable [et de] se battre pour un
développement basé sur les droits de l’homme (EIR, 2003d, p. 8).
les réformes et les projets. Il s’agit là d’une condition préalable essentielle pour
veiller à ce que le secteur extractif ait un impact potentiellement positif sur les
économies et les sociétés où se déroulent ses activités.
Les points évoqués précédemment soulèvent plusieurs enjeux qui seront
abordés dans ce livre, notamment ceux relatifs non seulement à l’appropriation
du processus de réforme en soi, mais aussi au rôle que les divers acteurs jouent
dans la réforme des arrangements institutionnels, et enfin à l’espace de décision
qui en résulte pour permettre l’émergence de politiques alternatives.
De plus, comme le GBM l’a lui-même reconnu, une croissance rapide des
activités dans le secteur minier ne permettra pas à elle seule d’encourager un
processus de diversification économique capable de promouvoir un développe-
ment autonome si des politiques publiques favorables ne sont pas mises en place.
Néanmoins, à la suite des réformes institutionnelles introduites à la demande des
IFI, la question de la compatibilité entre cet objectif et le rôle assigné aux États,
notamment les fonctions assumées par les États dans le secteur minier, se pose
toujours. Elle sera abordée dans les prochains chapitres.
Finalement, comme vont l’illustrer les cinq études de cas et la conclusion
de cet ouvrage, la responsabilité sociale et politique actuelle de superviser la
croissance des activités minières soulève des préoccupations, car la distinction
entre les sphères de responsabilité publique et privée semble désormais toujours
plus floue, qu’il s’agisse de l’élaboration de normes, de leur suivi, de l’apport
de mesures correctives ou de l’instauration de services sociaux de base. Ces
préoccupations demeurent encore aujourd’hui d’une grande actualité.
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CHAPITRE 1
1. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont
été traduites.
26 Ressources minières en Afrique
Exportations 1984 1990 1995 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Or (USD) 103,3 201,6 647,3 702,0 617,8 689,1 830,1 840,2 945,8
Total des exportations
115,3 242,3 678,9 756,0 691,4 753,9 893,6 880,0 995,2
de minerais (USD)
Total des
567,0 896,7 1 431,2 1 936,3 1 867,1 2 015,2 2 602,6 2 739,2 2 836,2
exportations (USD)
Minerais – % des
20,34 27,02 47,44 39,04 37,03 37,41 34,33 32,1 35,1
exportations
Or – % total des
18,22 22,48 45,23 36,26 33,09 34,19 31,90 30,7 33,3
exportations
Or – % de tous
89,59 83,20 95,35 92,87 89,36 91,40 92,90 95,5 95,0
les minéraux
Source : Minerals Commission (2007).
Des taux d’imposition définis sur les gains en capital et les dividendes,
et l’introduction d’un impôt additionnel sur les profits devant être payé
si une entreprise dépassait un certain taux de rendement au cours d’une
année. Ce type d’impôt est fréquemment appliqué aux secteurs minier et
pétrolier en particulier, et il est conçu pour garantir que le gouvernement
puisse profiter de bénéfices exceptionnels générés par un prix très élevé
des métaux ou du pétrole.
Le régime prévoyait une certaine flexibilité quant à l’échéancier relatif au
paiement des redevances et des impôts des sociétés. En particulier, il habilitait
le ministre chargé de l’exploitation minière à accorder le report du paiement des
redevances si une entreprise en difficulté en faisait la demande. En plus des
éléments fiscaux, la Loi a introduit de nombreuses clauses ayant des implications
sur les revenus gouvernementaux et la disponibilité des devises dans le secteur.
L’État était limité à une participation obligatoire de 10 % dans tous les investis-
sements miniers, avec l’option d’accroître cette participation à 20 %, en obtenant
toutefois ces parts au tarif commercial (Akabzaa et Darimani, 2001). Les com-
pagnies minières pouvaient maintenir une quantité négociée de leurs ventes
brutes de minerais, de 25 à 80 %, dans des comptes à l’étranger. La Loi établissait
aussi des quotas sur l’embauche d’expatriés, ainsi que des restrictions sur les
montants des impôts pouvant être prélevés localement sur leurs revenus. Le
régime déterminait enfin les niveaux relatifs, entre autres, aux frais de timbre, à
la location de surfaces, ainsi qu’aux frais pour les permis et les baux miniers (voir
tableau 1.2).
La loi de 1986 a ainsi constitué la principale législation régissant le secteur
minier au Ghana, avec peu d’amendements et d’addendas, jusqu’à ce qu’elle soit
remplacée en 2006. Plus de dix ans après son adoption, diverses préoccupations
concernant le caractère peu compétitif de la Loi en comparaison avec celles d’autres
pays d’Afrique riches en minerais ont fait surface, particulièrement du côté des socié-
tés minières et des institutions financières internationales, notamment le GBM. La
Banque a alors révisé son plan détaillé, se basant sur les résultats d’une étude globale
sur les réformes du secteur minier (Naito et Remy, 2000). Celle-ci suggérait que pour
réussir à attirer des investissements privés à long terme dans le domaine de l’explo-
ration minière, il fallait non seulement une bonne dotation en ressources naturelles,
mais également une application efficace des politiques. Le but était donc d’adapter
le cadre de mise en valeur du secteur minier d’un pays sur le plan institutionnel, fiscal
et juridique aux défis que présentent les marchés mondiaux concurrentiels. L’étude
a conçu un indice de réforme mesurant le potentiel des pays riches en minerais quant
à leur capacité à attirer des investissements. Selon cet indice et les résultats de cette
nouvelle enquête, la loi de 1986 avait perdu de son éclat, et le Ghana voyait ses
investissements diminuer au profit de pays comme la Tanzanie, la Guinée et le Mali,
dotés de régimes légaux beaucoup plus libéraux.
Le Code minier non compétitif a notamment été critiqué pour le manque
de croissance dans le nombre de permis de prospection délivrés et pour
34 Ressources minières en Afrique
Cependant, d’autres personnes ont estimé que cet exercice semblait plutôt
relever d’une rhétorique de relations publiques. Les consultations n’auraient
pas satisfait les points de référence minimaux en matière de participation du
public, et ce en raison des grandes différences entre le nombre de représentants
de chacun des groupes concernés présents et des capacités respectives de ces
derniers. On a aussi soutenu que les points de vue des compagnies minières
dominaient dans le document final, alors que ceux exprimés par les com-
munautés locales et les représentants de la société civile y étaient rarement
reflétés. Selon ces sceptiques, cet exercice révélait la partialité de la Banque
mondiale, des entreprises minières et du gouvernement quant au concept de la
participation du public à l’élaboration de politiques.
Dans l’ensemble, la nécessité de réviser la législation n’était pas remise en
question ; elle apparaissait même en effet largement nécessaire. Après près de 20 ans
d’application de la Loi sur les minerais et les mines PNDCL 153, plusieurs contra-
dictions et conflits étaient survenus au sein et entre les parties concernées par le
secteur minier au pays. L’insatisfaction du public allait grandissant en raison des
impacts sociaux et environnementaux négatifs dont étaient victimes les commu-
nautés locales situées en périphérie des projets miniers. Les nouvelles entreprises
minières entrant en opération établissaient généralement des mines à ciel ouvert
nécessitant beaucoup plus d’espace que les mines souterraines traditionnelles. Elles
utilisaient la technologie de lixiviation en tas, qui comporte de sérieux risques
d’introduire des produits chimiques toxiques dans l’environnement immédiat et
d’affecter les sources d’eau. Cette technologie nécessitait peu de main-d’œuvre,
et celle-ci devait être qualifiée. Par conséquent, les membres des communautés
locales, qui possèdent trop rarement les compétences requises, avaient tendance à
se trouver exclus par ces nouvelles exigences.
Au cours de cette période, les conflits entre entreprises minières et com-
munautés se sont intensifiés en raison des déplacements et des réinstallations de
communautés, ainsi que des différends concernant le paiement d’indemnités en
compensation pour les propriétés réquisitionnées, y compris les terres et les mai-
sons. Les communautés ne voyaient aucun projet social concret résultant de
l’exploitation minière prendre forme dans leur région. La cohésion sociale dimi-
nuait dans les communautés touchées par cette exploitation, et il y régnait le
sentiment que la corruption des autorités locales, alimentée notamment par
les pratiques des sociétés minières, ne cessait de croître. Les chefs tradition-
nels étaient de plus en plus considérés avec méfiance par leurs citoyens qui
estimaient qu’ils collaboraient avec les gouvernements et les entreprises pour
leur refuser les avantages découlant des recettes minières. La réplique de plus
en plus fréquente des communautés est alors apparue comme le principal résultat
de ces évolutions.
Les chefs traditionnels, en particulier ceux qui profitent légalement de la
distribution des redevances minières, ont accusé les entreprises minières et le
gouvernement central de ne pas leur verser une juste part. Selon eux, ils se
36 Ressources minières en Afrique
Incitations fiscales
Prélèvement pour
Exempté Exempté Exempté
l’exportation d’or
Impôts
Redevances 3 à 12 % 3 à 6%
L’impôt sur les redevances et les frais de location sont définis directement
dans le nouveau Code minier (Gouvernement du Ghana, 2006, p. 12). Cer
taines incitations fiscales jugées importantes pour l’industrie ont également été
maintenues dans le nouveau code. Elles incluent :
des termes relatifs à la dépréciation des dépenses d’investissement pour la
reconnaissance et la prospection ;
des exemptions sur les droits douaniers d’importation ;
des quotas d’immigration sur le nombre d’employés expatriés à recruter ;
pour les expatriés, la possibilité de rapatriement des fonds personnels
exempts des taxes imposées par toute disposition du pays régissant les
transferts d’argent vers l’extérieur ;
la quantité minimale de revenus bruts en devises provenant de la vente
de ressources minières qu’une compagnie peut détenir dans un compte à
l’étranger ;
la transférabilité gratuite de devises convertibles (Gouvernement du
Ghana, 2006, p. 13-14).
L’inclusion de clauses adéquates à ces fins dans le Code minier est impor-
tante et nécessaire, mais elle ne garantit pas dans les faits que le secteur minier
contribue au développement économique durable et à la réduction de la pau-
vreté à l’échelle nationale. La capacité qu’ont les institutions chargées de
la réglementation et de l’implantation des politiques de l’État d’atteindre
ces objectifs est aussi importante que le niveau des impôts prévu. Une autre
question importante concerne l’efficacité du versement et de l’utilisation des
paiements. Cette efficacité dépend largement de l’application d’une culture
d’imputabilité et de transparence, notamment parmi les acteurs au sein du
gouvernement, des autorités locales et des entreprises. La création d’un envi-
ronnement favorable à la prise en compte des doléances des communautés se
révèle tout aussi capitale.
Nous avons déjà mentionné, dans notre vue d’ensemble du secteur, que
ces réformes avaient reçu un accueil favorable. Mais dans quelle mesure les
réponses de l’industrie aux changements de politiques – soit l’augmentation
des investissements directs étrangers dans le secteur, la croissance de la pro-
duction minière et de la valeur des exportations minérales brutes – ont-elles
mené au développement national et à une certaine réduction de la pauvreté
au pays ?
sont exemptées). Un examen des revenus miniers de 1990 à 2005 montre que les
recettes totales de l’IRS provenant des sociétés minières, sous forme de divi
dendes, de SRS et d’impôts sur les sociétés, représentaient une moyenne de
12,2 % du total des prélèvements de l’IRS au cours de cette période (tableau
1.4). Les recettes fiscales provenant de l’exploitation minière constituaient au
même moment de 3,1 à 3,8 % du total des recettes fiscales nationales. Dans l’en-
semble, les recettes gouvernementales représentent un peu moins de 6 % de la
valeur totale de la production minière.
Le paiement de redevances a représenté l’une des sources de recettes
gouvernementales les plus fiables au cours des deux dernières décennies. Les
redevances doivent représenter 3 % de la quantité produite ou du chiffre
d’affaires brut, indépendamment de la rentabilité. Par conséquent, elles ont
l’avantage de constituer une source de revenus plus stable pour le gouverne-
ment que les impôts sur les profits, qui peuvent fluctuer grandement ou ne
générer aucun revenu. Toutefois, l’impôt sur les redevances demeure l’un des
impôts les plus controversés. Les entreprises minières jugent en effet géné-
ralement que les redevances sont profondément injustes, car elles ne tiennent
pas compte de la rentabilité et posent l’inconvénient de représenter un coût
de production (Otto et al., 2006). Il n’en demeure pas moins que de nombreux
pays riches en minerais situés en Afrique, en Amérique latine et en Asie, tels
la Zambie, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Chili, le Pérou et l’Indonésie, ont
reconnu l’importance des redevances dans les recettes gouvernementales
provenant du secteur minier, et sont en cours de révision de leurs politiques
fiscales concernant le secteur minier en vue d’y inclure un taux de redevances
plus élevé. Au Ghana, près de 90 % des revenus du gouvernement issus du
secteur minier proviennent dans les faits de redevances (Akabzaa, 2004). Les
recettes annuelles issues des redevances versées par les compagnies minières
sont présentées dans le tableau 1.4.
On a observé que le Ghana ne semblait pas maximiser ses revenus d’impôt
sur les redevances en raison de diverses difficultés de perception. Le calcul des
redevances se base sur un pourcentage de la valeur totale des minerais. Toutefois,
des incohérences dans l’estimation de cette valeur rendent le suivi des revenus
plus difficile. De façon similaire, un manque d’uniformité dans la détermination
du prix de l’or et des autres ressources minérales que produisent les sociétés
minières a engendré des variations dans le calcul des redevances. Dans le paie-
ment des redevances minières, le fait que les compagnies minières utilisent dif-
férents régimes de taux de change a également engendré des distorsions dans
les calculs (Boas and Associates, 2006). Par ailleurs, les accords fiscaux per-
mettent aux entreprises de différer ou de retarder les paiements de redevances
avec la permission du ministre du secteur. Ce type de requête est commun, et
les paiements de redevances différés ou retardés ont souvent affecté le flux des
recettes gouvernementales et, par conséquent, les plans du gouvernement liés
à ces revenus.
46
Ressources minières en Afrique
Tableau 1.4. CONTRIBUTION DE L’EXPLOITATION MINIÈRE AUX RECETTES PERÇUES PAR L’IRS (GHANA, 1990-2005)
(EN MILLIARDS DE CÉDIS)
% issu de
Revenus Impôt Total
ANNÉE Redevances SRS Reconst. Retenues l’exploitation
de sociétés minier total IRS
minière
Prélèvements Impôt
1990 2,83 1,89 4,72 52,82 8,9
1991 0,82 3,02 3,84 61,49 6,3
1992 4,56 4,55 9,10 74,73 12,2
1993 4,39 7,49 2,65 0,02 14,54 113,24 12,8
1994 7,21 12,78 4,81 24,81 166,60 14,9
1995 20,39 20,91 7,95 0,03 49,29 275,51 17,9
1996 9,16 35,49 16,83 1,25 62,74 424,49 14,8
1997 9,87 34,59 25,02 8,37 77,85 605,78 12,9
1998 14,45 49,84 31,02 95,31 785,44 12,1
1999 31,12 48,62 27,84 107,58 901,66 11,9
2000 15,79 118,74 59,24 193,77 1 409,45 13,7
2001 24,81 127,36 76,11 4,25 232,53 1 950,16 11,9
2002 23,50 153,45 101,46 26,47 304,89 2 842,97 10,7
2003 68,14 194,39 141,05 16,79 420,36 3 824,08 11,0
2004 100,33 215,74 134,38 53,19 503,62 5 333,11 9,4
2005 269,89 235,95 154,37 660,21 6 200,57 10,6
Source : Minerals Commission (2002).
Exploitation minière au Ghana 47
25 000 16
Nombre total d'employés
Proportion d'employés expatriés (en %)
14
12
20 000
10
6
15 000
10 000 0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Après la vente des intérêts miniers détenus par l’État, les programmes
continus visant à réduire la main-d’œuvre excédentaire qu’ont poursuivis les
divers exploitants de mines, notamment au sein des populations rurales et
périurbaines habitant près des mines, ont représenté un des facteurs déterminants
de cette augmentation de la pauvreté au pays (Baah, 2005 ; Songsore et al., 1994).
Ces programmes ont d’une part affecté le segment le plus vulnérable du per-
sonnel minier (les employés subalternes) et d’autre part mené plus de gens au
chômage (figure 1.2). Le secteur minier est à ce titre un des principaux secteurs
Exploitation minière au Ghana 53
plus large. L’absence de telles dispositions signifie que le Code se garde d’aborder
les questions de durabilité, alors que les ressources minérales exploitées sont
limitées et non-renouvelables. Ainsi, si l’économie nationale ne semble pas pou-
voir être soutenue à long terme par les revenus provenant directement de
l’industrie, elle doit tenir compte du développement d’autres activités indus-
trielles qui auraient le potentiel d’engendrer des effets d’entraînement visibles
et de plus longue durée.
• 3 à 12 % du revenu brut en
SOCIÉTÉS MINIÈRES
redevances (selon la productivité)
• Impôt sur les sociétés de 25 % • Impôts fonciers
sur les biens
immeubles
Gouvernement du
Ghana
(Trough IRS)
REVENU NATIONAL
Assemblées
Fonds consolidé 80% de district
20%
25% 20%
Il faut reconnaître que ces recettes sont considérables et que, si elles étaient
bien administrées, elles pourraient contribuer fortement au développement éco-
nomique de ces zones. Toutefois, le rapport de l’ITIE a révélé que les assemblées
de district utilisaient souvent ces revenus pour payer des dépenses courantes et les
chefs, pour financer des projets privés, sans aucune considération pour le reste
de la communauté, ce qui alimente le ressentiment des populations locales
(Botchie et al., 2006). On constate également une insatisfaction généralisée chez
les chefs et les dirigeants traditionnels en ce qui concerne le partage des redevances
et des revenus fonciers qui leur sont, en principe, destinés, et beaucoup de mécon-
tentement dans les entreprises minières elles-mêmes quant à la répartition et
à l’utilisation de ces fonds.
des cas les collectivités pauvres et marginalisées de leurs droits de surface liés
aux terrains et, par conséquent, de leur principale source de subsistance. Les
appropriations de terres appartenant à des communautés locales à des fins d’ex-
ploitation minière ont souvent été à l’origine de bouleversements sociaux, en
plus d’avoir des impacts négatifs sur les activités de subsistance habituelles de
ces communautés. Ces bouleversements sociaux sont fréquents dans les collec-
tivités affectées par les projets miniers au Ghana. L’augmentation du nombre de
conflits entre les communautés et leurs chefs, d’une part, et entre les communau-
tés et les entreprises minières, d’autre part, fait écho aux préoccupations crois-
santes concernant les impacts, pour la population, du programme d’ajustement
structurel, dont la mise en œuvre reposait sur le secteur minier (Akabzaa, 2000).
Ainsi, de 1990 à 1998, les investissements miniers dans le secteur de l’or
dans le district de Wassa Ouest auraient provoqué le déplacement de 14 com-
munautés, représentant un total de 30 000 personnes. Ces déplacements forcés
ont suscité diverses critiques, principalement en raison des nombreuses lacunes
des programmes de compensation. En plus d’être dirigés maladroitement et assu-
jettis à d’importants délais, les systèmes d’indemnisation instaurés par les com-
pagnies minières au profit des groupes de subsistance du Ghana ne tiennent
généralement pas compte des terres en jachère pour lesquelles aucune compen-
sation n’est prévue. De plus, ils se limitent généralement à un seul paiement pour
les cultures arbustives, sans tenir compte de la période de gestation, et ils n’ac-
cordent aucune compensation aux nombreux chasseurs « sans terre » et produc-
teurs de vin de palme qui se retrouvent privés de leur moyen de subsistance à
cause de l’expansion minière (Andoh, 2002).
Les répercussions négatives des activités minières sur les moyens de sub-
sistance des populations se révèlent par ailleurs particulièrement marquées dans
les segments les plus vulnérables de la société. Les femmes, habituellement
traitées de manière injuste en ce qui a trait aux compensations liées aux
déplacements et aux réinstallations, portent à cet égard, et de façon marquée,
le poids de ces impacts néfastes. Traditionnellement, les chefs de famille demeu-
rent des hommes et la plupart des indemnités relatives à l’exploitation agricole
et aux résidences leur sont donc naturellement versées, ce qui laisse l’usage
de ces fonds à leur entière discrétion. Les femmes, qui dépendent souvent du
petit commerce pour subsister, perdent fréquemment leur gagne-pain
lorsqu’elles sont déplacées et réinstallées dans des habitations situées loin
de leur clientèle, car elles n’arrivent plus à enregistrer assez de ventes pour
subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.
En outre, dans plusieurs cas, les politiques d’indemnisation ne tiennent pas
compte du statut de locataire de plusieurs habitants locaux, et ceux-ci ne sont
pas dédommagés pour la perte de leur gagne-pain. L’exploitation minière arti-
sanale demeure une activité de subsistance importante dans les zones riches en
ressources minérales ; elle emploie une bonne partie de la communauté, en par-
ticulier les jeunes. Cependant, lorsqu’une terre fait l’objet d’un bail minier, les
60 Ressources minières en Afrique
mineurs artisanaux sont expulsés sans être indemnisés pour les pertes de revenus
encourues. L’insécurité et l’insatisfaction qui s’ensuivent dans la communauté
ont fréquemment entraîné la création d’un cycle de violence impliquant l’État
et les sociétés minières d’un côté, et les communautés lésées de l’autre.
minière. Par exemple, la quasi-totalité des terres dans des régions telles que les
districts d’Adansi et de Wassa Ouest sont ou bien entre les mains de grands exploi-
tants miniers ou bien désignées réserves forestières. Par conséquent, les activités
minières des PEMMA prennent place, dans bien des cas, sur des concessions
déjà attribuées à des sociétés minières ou en terrain protégé, d’où les conflits
d’une envergure importante entre les grands et les petits exploitants miniers,
en particulier ceux qui ne sont pas enregistrés.
La capacité du cadre réglementaire et institutionnel actuel de garantir que
l’exploitation minière artisanale permette une amélioration des niveaux de vie
des groupes concernés apparaît clairement déficiente. Les réglementations ont
toujours un impact déterminant sur les droits de propriété et tendent à pousser
à la hausse les frais d’opération dans le secteur, ce qui décourage les petits exploi-
tants miniers, ou leurs financiers, d’investir les ressources économiques et
techniques nécessaires à long terme. Cela a pour effet d’affecter directement la
création d’emplois et les niveaux de revenus à l’intérieur du secteur, les investis-
seurs étant habituellement soucieux de maximiser le rendement à court terme
de leurs activités (Akabzaa et Ayamdoo, 2004).
La légalisation de l’exploitation minière à petite échelle a été et demeure
un objectif stratégique louable. Cependant, simplement légaliser l’activité sans
tenir adéquatement compte de sa dynamique sociale complexe et en rapide évo-
lution pourrait nuire à l’atteinte d’autres objectifs sociaux, comme améliorer le
potentiel du secteur des PEMMA pour qu’il offre de meilleurs moyens de sub-
sistance à la population et contribue ainsi à la réduction de la pauvreté. La capa-
cité des institutions réglementaires de surveiller efficacement cette activité léga-
lisée et de sévir dans les cas de non-conformité apparaît essentielle, à l’atteinte
non seulement de cet objectif réglementaire explicite, mais aussi d’objectifs
sociaux plus larges comme la génération de richesse, la création d’emplois et
l’augmentation des revenus.
CONCLUSION
L’examen des répercussions du nouveau Code minier sur l’économie du Ghana
ne laisse aucun doute quant aux progrès relatifs à l’augmentation de la pro-
ductivité dans le secteur. Toutefois, l’évaluation de la contribution du secteur
à la création d’emplois, aux recettes gouvernementales et aux devises étran-
gères nettes maintenues dans l’économie nationale, de même que des impacts
sociaux et environnementaux de la croissance des activités minières, révèle un
portrait bien différent. Le cadre de la récente législation minière au Ghana,
dont une des visées centrales était de favoriser l’attraction d’investissements
étrangers, ne semble ainsi pas nécessairement compatible avec l’objectif
de développement social et économique, de réduction de la pauvreté et de
protection de l’environnement au pays.
62 Ressources minières en Afrique
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CHAPITRE 2
Comme nous le verrons, le Code minier de 1995 prévoyait une plus grande
libéralisation des politiques du pays en ce qui a trait aux ressources du premier
secteur économique, le secteur minier5. La nouvelle législation a également conféré
à ce secteur, ainsi qu’aux investisseurs privés qui s’impliquaient de manière crois-
sante dans sa relance, un rôle déterminant dans les stratégies nationales de déve-
loppement. À partir de 2002, l’essor du secteur minier de la Guinée était considéré
comme un élément clé de la réduction de la pauvreté au pays, notamment grâce à
l’impulsion qu’il pouvait offrir dans la poursuite des quatre objectifs suivants :
4. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont
été traduites.
5. En plus de ses importantes réserves de bauxite, qui font du pays le premier exportateur
mondial, la Guinée possède d’autres réserves minières qui sont estimées ainsi : 12 milliards
de tonnes de fer, 500 tonnes d’or, 25 millions de carats de diamants, 73 millions de tonnes
de nickel, 40 millions de tonnes de craie et 11 000 tonnes de graphite.
Bauxite, alumine et aluminium 71
Plus de dix ans après l’adoption des réformes visant la libéralisation du secteur
minier, il a été admis que « [t]outes les réformes opérées dans le secteur, malgré leur
pertinence, n’ont pas permis d’obtenir les impacts positifs escomptés sur l’économie
nationale » (OMC, 2005b, p. 9). Le paradoxe du déclin dans la contribution des recettes
fiscales est encore plus frappant quand on voit la stabilité relative des données de
production de bauxite couvrant cette période, illustrée par la figure 2.1.
Ces tendances revêtent une importance particulière, car le pays dépend de
ce secteur de premier plan pour satisfaire les critères de performance des insti-
tutions financières multilatérales et, plus fondamentalement, pour permettre la
restructuration et la diversification de son économie dans l’optique de stimuler
la croissance et de contribuer à la réduction de la pauvreté.
Dans le cas de la Guinée, les nouvelles mesures de libéralisation écono
mique introduites depuis 1985 ont eu des résultats très mitigés et, par conséquent,
ont été ponctuées de nombreuses interruptions de financement externe pour des
raisons de non-respect des critères de performance proposés par les institutions
financières multilatérales au cours des années 1980 et 1990. Cette situation s’est
d’ailleurs répétée en 2002, quand le FMI a provisoirement interrompu l’appui
de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) de
la Guinée.
Les raisons permettant d’expliquer ces résultats décevants pour la res-
tructuration économique et le développement constituent évidemment un sujet
des plus complexes. Une analyse approfondie de cette question implique la prise
en compte de l’interaction entre plusieurs facteurs historiques, administratifs,
politiques et économiques, qui sont à la fois internes et externes à la Guinée6.
25
Production (en millions de tonnes)
20
15
10
0
1987
1988
1989
1990
1992
1993
1994
1995
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1998
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2000
2003
2004
2005
2006
2002
1991
2001
1986
Malgré cette complexité, par le passé comme plus récemment, les institu-
tions financières bilatérales et multilatérales, et notamment la Banque mondiale
à travers ses analyses, ont eu tendance à attribuer la responsabilité des mauvaises
performances des pays d’Afrique subsaharienne (y compris la Guinée) à des
facteurs internes, et notamment aux insuffisances des mesures locales de relance
économique : « Les faits montrent que les choix malheureux qu’elle a faits en
matière de politique ont beaucoup plus nui à la croissance à long terme de l’Afrique
qu’un environnement défavorable » (Banque mondiale, 1994, p. 35). De façon
similaire, « [d]es facteurs exogènes ont aussi contribué au déclin de l’Afrique
dans les années 1970 et 1980, mais on n’en exagère que trop souvent l’importance »
(Banque mondiale, 1994, p. 24).
Ainsi, les réflexions et initiatives proposées semblent continuer de se
concentrer essentiellement sur des facteurs et des blocages internes. À n’en pas
douter, les événements qui sont survenus après l’indépendance de la Guinée ont
été caractérisés par un manque de transparence des processus politiques, au cours
desquels les acteurs politiques responsables des décisions clés concernant les
ressources minières du pays ont souvent agi dans l’absence de normes minimales
d’imputabilité. Toutefois, sans vouloir d’aucune manière minimiser l’importance
de ces facteurs, la perspective ici adoptée se veut plus large. À cette fin, nous
tiendrons compte ici de certains facteurs externes en examinant l’interaction
complexe des stratégies adoptées par les grandes entreprises en Guinée, notam-
ment celles portant sur les négociations de prix de 1985-1987 et de 1991-1992,
ainsi que les politiques recommandées par les institutions financières multi-
latérales et leur impact sur l’élaboration de politiques à l’échelle nationale. Dans
ce contexte, nous examinerons certaines des répercussions de ces interactions
sur la stabilité financière, la croissance et la diversification économiques et,
ultimement, sur le développement social et économique du pays.
Au cours des cinquante dernières années, la capacité de la Guinée à définir
et à mettre en application ses propres stratégies de développement a notamment
été tributaire des modalités selon lesquelles le pays a pu négocier son accès aux
revenus provenant de son riche secteur bauxite-alumine. Ces négociations ont
établi plusieurs paramètres, tels que les termes et les prix relatifs à la vente des
ressources minières du pays sur les marchés mondiaux. Elles ont aussi influencé
la capacité de la Guinée à mettre en place des structures pour la transformation
locale de la bauxite et à assurer des effets d’entraînement sur les autres secteurs
de l’économie nationale, en vue d’atteindre les objectifs énoncés de réduction
de la pauvreté. Dans l’ensemble, les résultats obtenus ont été plus que décevants
sur le plan du bien-être de la population guinéenne.
Dans ce chapitre, nous traiterons de la manière dont le secteur bauxite-
aluminium a été intégré aux marchés internationaux en l’absence de forces
politiques internes en mesure de garantir que la richesse considérable du pays
soit développée au bénéfice de sa population. En fait, au fil des ans, les énormes
Bauxite, alumine et aluminium 73
caractérisé la gestion nationale du secteur s’est soldée par une insistance mar-
quée sur le manque de transparence des flux de revenus internes. Cette insis-
tance a eu tendance à masquer une opacité parallèle : celle de la manière dont
les prix des minerais sont négociés et les contrats miniers ont été et continuent
d’être signés. Sans vouloir d’aucune manière minimiser l’importance de la pre-
mière dimension, il est important de souligner que les deux processus sont
inextricablement liés.
Au cours de la première période, l’explication relative à la perpétuation
des relations asymétriques régissant le développement du secteur minier
concerne avant tout la nature des relations et des négociations qui avaient cours
entre le gouvernement guinéen et les grandes multinationales de l’aluminium.
Au cours des deux périodes suivantes, elle renvoie encore à cette dimension, mais
un élément important vient s’ajouter : la perpétuation de modes particuliers
de régulation politique du secteur minier qui s’est poursuivie, voire qui s’est
exacerbée, avec la réduction des capacités institutionnelles et l’introduction de
mesures de libéralisation dans ce pays à partir de 1984.
Ces conditions ont inclus, entre autres, des réformes favorisant le retrait
de l’État, la privatisation, la diminution des taxes et l’introduction de nouveaux
cadres législatifs et fiscaux qui ont accordé aux opérateurs privés du secteur le
rôle de « propriétaire et exploitant » et à l’État celui de « responsable de la régle-
mentation » et, surtout, de « promoteur » (Banque mondiale, 1992, p. 53)7 de l’in-
vestissement étranger. Au cours des années, le contexte politique national dans
lequel ces réformes ont été introduites (caractérisé non seulement par un manque
de transparence administrative, mais aussi par un manque croissant d’imputabi-
lité politique et institutionnelle) a contribué à affaiblir la capacité du gouverne-
ment à négocier de manière à garantir l’atteinte de résultats contraignants dans
l’intérêt du pays et, si nécessaire, à apporter et imposer des mesures correctives
ou à formuler des politiques alternatives. Par conséquent, les demandes de révi-
sion des anciens contrats miniers émanant des syndicats et des organisations de
la société civile en 2007 ont exprimé, de manière extrêmement importante, le
besoin urgent et longuement attendu d’une redéfinition profonde des anciennes
pratiques de répartition des ressources. Cependant, à la suite des changements
survenus après la mort du président Lansana Conté, le 22 décembre 2008, il est
nécessaire d’examiner si les anciennes pratiques seront simplement remaniées
et consolidées ou si elles seront plutôt redéfinies. Car en effet, dans le cas où les
relations asymétriques actuelles ne seraient pas considérablement redressées, où
les processus politiques ne seraient pas renouvelés et où l’on n’assisterait pas à
7. Selon cette étude, le rôle du gouvernement est de créer un environnement propice aux acti-
vités du secteur privé. Pour cela, il faudrait donc formuler « une politique minière clairement
articulée qui souligne le rôle du secteur privé en tant que propriétaire et exploitant, et celui
de l’État en tant que responsable de la réglementation et promoteur de ce secteur » (Banque
mondiale, 1992, p. 53).
Bauxite, alumine et aluminium 75
8. Pour une analyse de ce secteur durant la période coloniale, voir Suret-Canale (1970) et
Campbell (1983, p. 65-82).
76 Ressources minières en Afrique
guinéenne provenant des îles de Los (qui comprennent Tassa et Tamara) a com-
mencé à être expédiée, en petites quantités, aux usines d’aluminium de la société
Alcan, situées au Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec. La production s’est pour-
suivie sur l’île de Kassa jusqu’en 1965, et ce même après la nationalisation,
en 1961, des installations par le nouveau gouvernement guinéen ayant pris le
pouvoir en 19589.
Au cours de la période coloniale, un autre important projet a été lancé à Fria
sous la direction de la compagnie française Pechiney Ugine. Après la Seconde
Guerre mondiale, le gouvernement français avait décidé d’explorer de nouvelles
possibilités pour développer son industrie de l’aviation. Avec ses vastes réserves
de bauxite et son potentiel hydroélectrique important, la Guinée représentait un
choix logique. Le projet initial, entrepris avec la collaboration de la compagnie
de services publics Électricité de France (EDF), était d’une ampleur prodigieuse
(400 millions de dollars américains) et prévoyait des installations capables de pro-
duire annuellement 6 millions de tonnes de bauxite, 1,5 million de tonnes d’alumine
et 200 000 tonnes d’aluminium (Soumah, 2007, p. 84). Il comprenait aussi la création
d’un vaste projet hydroélectrique sur la rivière Konkouré capable de générer
700 MW, ainsi que d’une ligne de chemin de fer et d’un port spécialisé. Le gouver-
nement français a directement participé à la planification et au financement du
projet, le développement régional étant supervisé par un organisme public français,
la Mission d’aménagement régional de la Guinée (MARG). Afin d’entreprendre
le projet, une convention à long terme a été signée le 5 février 1958 entre la
Compagnie internationale pour laproduction de l’alumine, dite la Société Fria du
nom du lieu d’exploitation, et l’administration coloniale territoriale de la Guinée
et de l’Afrique occidentale française. L’accord avait une durée de 75 ans et défi-
nissait les termes des diverses conditions et garanties, et ceux du régime financier
propre à ce projet. Fria a été à l’origine d’un vaste consortium international dont
les actions étaient réparties comme suit : Olin Mathieson Chemical Corporation
(États-Unis) – 48,5 %, Pechiney Ugine – 26,5 %, British Aluminium Company –
10 %, Aluminium Industrie AG (Suisse) – 10 %, et Vereinigte Aluminium Werke
AG (Allemagne) – 5 %. La production d’alumine a débuté en 1960, pour atteindre
457 875 tonnes en 1962, soit 58 % de la valeur totale des exportations de la Guinée.
En 1965, la production avait augmenté à 519 895 tonnes (Soumah, 2007, p. 91).
Comme nous l’avons noté précédemment, au cours de la période coloniale,
des études avaient également été entreprises au sujet du projet hydroélectrique
de Konkouré. Le barrage devait être situé à l’est du site de Fria. Cependant,
après que le pays eut refusé la tutelle française et rompu avec la « communauté
française », ce qui a été confirmé par référendum le 28 septembre 1958, la
puissance coloniale a décidé de tenir secrètes les études préliminaires sur le
projet Konkouré.
la CBG à Boké, la production de Fria était achetée au prorata des actions des
partenaires privés de Friguia qui, après diverses renégociations, étaient réparties
ainsi : Noranda (Canada) (qui avait acheté Olin Matheson) – 19,6 %, Pechiney
(France) – 18,6 %, British Alcan (Royaume-Uni) – 5,1 %, Alusuisse (Suisse)
– 5,1 %, et WAW (Allemagne) – 2,6 %.
À la fin des années 1970, Friguia exportait plus de 600 000 tonnes d’alumine
par année. C’est dès le début des années 1960 que la transformation locale de la
bauxite en alumine s’est effectuée au site de Fria, ce qui indique que, pour com-
prendre les conditions entourant la transformation ou la non-transformation
locale sur les sites, il faut aller au-delà d’une analyse économique trop étroite,
centrée sur la présence ou l’absence de facteurs de production et dépasser les
interprétations qui reposent essentiellement sur la « situation politique » pendant
la présidence de Sékou Touré.
Pour diverses raisons qui méritent plus d’attention et qui ont trop hâti-
vement été qualifiées de « difficultés techniques », la production de la compa-
gnie a été inégale. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1989, et pour la première fois depuis
1973, que Friguia a enregistré un surplus financier. Par conséquent, ce n’est
qu’à partir de 1989 que le gouvernement a été en mesure de profiter des béné-
fices découlant des activités de la compagnie (Larrue, 1991, p. 48). Comme nous
le verrons, la rentabilité de la compagnie allait être de courte durée.
Il est difficile de comparer les termes de l’accord de l’OBK avec ceux, très
différents, des autres accords de Friguia et de la CBG. Il est aussi difficile de com-
parer le prix de la bauxite de l’OBK avec celui de Friguia ou de Boké, en raison
de l’important décalage entre les accords conclus avec le gouvernement guinéen,
notamment en ce qui a trait à la propriété et aux différentes qualités du minerai.
Au-delà de ces trois projets, un autre a été proposé en vue d’atteindre les
objectifs miniers de la Guinée visant une transformation locale. Si celui-ci avait
vu le jour à Ayékoyé, dans la région de Boké, il aurait éventuellement comporté
la production non seulement d’alumine, mais aussi d’aluminium, ainsi que le
développement massif de ressources hydroélectriques sur la rivière Konkouré.
Le projet, qui était une priorité du gouvernement de Sékou Touré, aurait permis
l’exploitation annuelle de 9 millions de tonnes de bauxite de très haute teneur.
Bien que les prévisions varient, il est généralement estimé que si le projet s’était
matérialisé, environ 4 millions de tonnes de la production totale auraient été
transformées localement en alumine lors de la première phase, le reste étant
exporté. Durant la seconde phase, dépendamment de la source de renseigne-
ments, le projet aurait permis la production non seulement de 1,2 million de
tonnes d’alumine, mais aussi de 75 000 à 150 000 tonnes d’aluminium. La pro-
position était étroitement liée à la création de nouvelles sources d’énergie
hydroélectrique, qui sont abondantes dans cette région. Malgré l’intérêt sou-
tenu que ce projet a suscité au cours des années 1970 et 1980, notamment
auprès des compagnies européennes (Pechiney et Alusuisse), des difficultés liées
à l’obtention du financement nécessaire ont empêché le démarrage des activi-
tés10. Bien qu’il n’ait jamais vu le jour, le projet de Konkouré illustre le potentiel
du pays et le désir du gouvernement, au cours de la période postindépendance,
d’assurer la transformation locale de ses riches réserves de bauxite.
L’exploitation a débuté à Boké, le site le plus important du pays, en 1973.
L’ensemble de la production a alors été exporté en bauxite brute et acheté au
prorata des actions des partenaires privés. Par conséquent, en 1973, 26 % de la
production de Boké a été expédiée à Port-Alfred, au Québec, pour y être trans-
formée en aluminium à l’usine d’Arvida, appartenant à Alcan. La quantité expor-
tée est passée d’environ 5 millions de tonnes en 1975, à approximativement
9 millions de tonnes en 1984.
En 1974 (la coïncidence du moment mérite d’être soulignée), il a été
annoncé qu’Alcan Aluminium Limitée, un des partenaires importants de la
société de portefeuille de Boké, procéderait à la transformation de la bauxite
du site de Boké, non pas localement comme le prévoyait l’accord signé avec le
gouvernement guinéen, mais en Irlande. Le projet d’Alcan comportait la
construction d’installations à Aughinish, près de l’aéroport de Shannon, qui
permettraient de convertir la bauxite brute importée en alumine. Celle-ci serait
11. Les détails de ce projet sont présentés dans Campbell (1983, chap. IV).
Bauxite, alumine et aluminium 81
12. Pour une analyse détaillée de ces négociations, voir Campbell (1986).
82 Ressources minières en Afrique
Les négociations de prix ont duré presque deux ans13. Elles se sont soldées
par un accord signé avec la CBG, d’une durée de trois ans, qui a pris effet en
janvier 1988. Celui-ci prévoyait que la Guinée abolisse sa taxe de 13 dollars
américains par tonne exportée en faveur d’un taux flottant qui refléterait les
fluctuations du prix de l’aluminium (Bureau of Mines, 1987, p. 2 ; Financial Times,
1985). Une renégociation similaire sur le prix et la taxe à l’exportation de l’alu-
mine produite par Friguia a elle aussi mené à un accord qui est entré en vigueur
en janvier 1988, pour une période de trois ans14.
Comme nous l’avons noté plus haut, les dispositions de l’accord avec la
CBG prévoyaient que le « prix de vente » de la bauxite, duquel sont dérivés les
recettes et par conséquent les revenus imposables de la CBG, devait être calculé
à l’aide d’une formule qui tenait compte des prix internationaux de l’alumine
et de l’aluminium, ainsi que de l’inflation mondiale. Comparativement à l’an-
cienne taxe sur la bauxite de 1975, l’accord de 1988 a notamment eu pour
conséquence de créer un lien plus étroit entre, d’une part, les paiements de
taxes et, d’autre part, la performance économique de la compagnie et les prix
de l’alumine et de l’aluminium sur les marchés mondiaux. En principe, les taxes
gouvernementales devaient augmenter durant les mouvements à la hausse du
marché mondial de l’aluminium et décroître lorsque les prix internationaux de
l’alumine et de l’aluminium déclinaient. Ainsi, l’économie guinéenne s’est trou-
vée plus exposée aux fluctuations du marché international de l’aluminium. Un
rapport de la Banque mondiale souligna, à cette époque, que les nouveaux
accords avec la CBG allaient impliquer une réduction des recettes fiscales à
moyen terme, non seulement en raison des projections quant au prix de l’alu-
minium, que plusieurs études prévoyaient relativement stable, mais aussi à
cause de la formule de calcul en tant que telle :
13. Des sources bien informées suggèrent que la Banque mondiale aurait bel et bien par-
ticipé à ces négociations étant donné les implications majeures que des réductions de
prix si importantes auraient sur les recettes d’exportation. Celles-ci sont indispensables
au processus de réforme auquel participaient activement la Banque mondiale, le FMI
ainsi que d’autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux, et ce sur le plan conceptuel aussi
bien que financier. Toute diminution de prix ou toute baisse de la production, comme
cela s’est produit à la CBG où le tonnage est passé de 11 à 9,6 millions de tonnes par
an, impliquait des manques à gagner devant être compensés par des dons de la com-
munauté internationale ou encore par une réduction équivalente dans le programme
d’investissement du pays.
14. Le contrat signé entre le gouvernement et la CBG et le contrat avec Friguia qui ont pris
effet en 1988 doivent être vus comme un tout incluant une formule pour calculer le prix,
des clauses relatives au tonnage minimum devant être acheté, des ententes fiscales, des
dispositions pour le financement de l’infrastructure, et ainsi de suite. Dans ce chapitre, nous
mettons l’accent sur les éléments les plus importants. Pour une analyse plus complète, voir
Campbell (1996a).
Bauxite, alumine et aluminium 83
15. À ce moment, les partenaires de Friguia étaient Pechiney (30 %), Noranda Aluminium (30 %),
Alcan (20 %) et Hydro Aluminium (20 %). Le consortium a réussi à obtenir une série de
concessions fiscales de la part du gouvernement guinéen, incluant l’annulation de la taxe
d’exportation de 12,50 dollars américains par tonne sur l’alumine. Le nouveau régime fiscal a
été mis en place pour une période de quinze ans et il devait être réexaminé tous les cinq ans.
Bauxite, alumine et aluminium 87
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1996
prévu révisé
RECETTES TOTALES 101,9 172,7 199,6 274,9 362,1 412,5 478,4 548,0 s.o. 547,8 664,3 660,3
Recettes fiscales 86,3 129,7 148,8 207,9 271,2 310,5 334,9 378,3 s.o. 376,3 476,0 474,0
Secteur minier 75,1 107,3 111,3 150,7 197,6 190,0 162,7 145,4 s.o. 110,7 127,4 127,4
Autres secteurs 11,2 22,4 37,5 57,2 73,6 120,5 172,2 232,9 s.o. 265,6 348,6 346,6
Recettes non fiscales 2,8 8,2 14,0 14,5 22,6 19,5 26,2 22,0 s.o. 25,2 40,1 38,1
Dons 12,8 34,8 36,8 52,5 68,3 82,5 117,3 147,7 s.o. 146,3 148,2 148,2
DÉPENSES TOTALES 139,3 205,6 276,4 347,5 458,4 515,2 597,2 650,3 s.o. 643,5 735,1 749,2
Dépenses courantes 88,2 119,8 152,9 187,7 230,0 280,3 305,7 313,5 s.o. 329,6 355,1 368,2
Investissements 51,1 85,8 123,5 159,8 228,4 234,9 291,5 336,8 s.o. 313,9 380,0 381,0
SOLDE (engagements) –37,4 –32,9 –76,8 –72,6 –96,3 –102,7 –118,8 –102,3 s.o. –95,7 –70,8 –88,9
Variation des arriérés 3,6 –1,2 29,3 –12,9 68,4 57,6 –309,4 –12,6 s.o. –17,2 0,0 –3,1
SOLDE (décaissements) –33,8 –34,1 –47,5 –85,5 –27,9 –45,1 –428,2 –114,9 s.o. –112,9 –70,8 –92,0
Secteur minier/recettes
87,0 82,7 74,8 72,5 72,9 61,2 48,6 38,4 s.o. 29,4 26,8 26,9
fiscales ( %)
Secteur minier/recettes
73,7 62,1 55,8 54,8 54,6 46,1 34,0 26,5 s.o. 20,2 19,2 19,3
totales ( %)
16. Selon des entrevues réalisées à la Banque mondiale en 1992 au cours desquelles des repré-
sentants ont confirmé qu’ils devaient à l’origine prendre part aux négociations de 1991 à
Conakry, mais n’ont finalement pas pu y assister, car elles avaient été déplacées à la dernière
minute à Pittsburgh, où se trouve le siège social d’Alcoa.
88 Ressources minières en Afrique
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995
RECETTES TOTALES 15,0 19,0 17,0 16,9 18,3 17,1 16,4 15,9 s.o. 15,0
Recettes fiscales 12,7 14,2 12,7 12,8 13,7 12,9 11,5 11,0 s.o. 10,3
Secteur minier 11,1 11,8 9,5 9,3 10,0 7,9 5,6 4,2 s.o. 3,0
Autres secteurs 1,7 2,5 3,2 3,5 3,7 5,0 5,9 6,8 s.o. 7,3
Recettes non fiscales 0,4 0,9 1,2 0,9 1,1 0,8 0,9 0,6 s.o. 0,7
Dons 1,9 3,8 3,1 3,2 3,5 3,4 4,0 4,3 s.o. 4,0
DÉPENSES TOTALES 20,5 22,6 23,6 21,4 23,2 21,4 20,5 18,9 s.o. 17,7
Dépenses courantes 13,0 13,2 13,0 11,6 11,6 11,6 10,5 9,1 s.o. 9,0
Investissements 7,5 9,4 10,5 9,8 11,5 9,8 10,0 9,8 s.o. 8,6
SOLDE (engagements) –5,5 –3,6 –6,6 –4,5 –4,9 –4,3 –4,1 –3,0 s.o. –2,6
Variation des arriérés 0,5 –0,1 2,5 –0,8 3,5 2,4 –10,6 –0,4 s.o. –0,5
SOLDE (décaissements) –5,0 –3,7 –4,1 –5,3 –1,4 –1,9 –14,7 –3,3 s.o. –3,1
Sources : Economist Intelligence Unit (1993a, p. 24 ; 1995b, p. 12, p. 26 ; 1996, p. 1).
17. À n’en pas douter, cette décision se base en grande partie sur les prémisses qui sous-tendaient
les études de faisabilité, entreprises par divers consultants internationaux à la demande de
la Banque mondiale, sur le développement futur du potentiel hydroélectrique de la Guinée.
Dans les divers scénarios considérés pour la période 1985-2000, aucune augmentation de la
capacité hydroélectrique n’a été prévue dans les plans nationaux pour répondre aux besoins
qu’impliquerait une augmentation de la transformation locale de la bauxite en Guinée, la
Banque mondiale ayant présumé, comme les experts de l’industrie l’ont déclaré, que de
telles expansions auraient lieu dans des pays tels que l’Australie, le Brésil et le Canada. Du
point de vue d’un pays en développement disposant d’une richesse minière, cette situation
paradoxale indique que les différents objectifs poursuivis par les institutions financières mul-
tilatérales en matière de finance ou de développement peuvent parfois être contradictoires
plutôt que compatibles.
Bauxite, alumine et aluminium 89
avec le FMI avant novembre 1991. Les raisons de ces délais renvoient au non-
respect par le pays d’un certain nombre de conditions prévues par l’accord de
FAS, notamment la privatisation de sa société publique de distribution des
produits pétroliers et la réduction de la taille de sa fonction publique.
En fait, non seulement les prêts ont été octroyés après des délais considé-
rables, mais une partie importante du financement du FMI n’a jamais été touchée
en raison de l’incapacité de la Guinée à respecter les conditions auxquelles ce
financement était lié (Clapp, 1994, p. 315).
En effet, le faible niveau de devises étrangères en Guinée, dû à la décroissance
des termes de l’échange et à une diminution de l’aide à la balance des
paiements, notamment en 1988, a entravé la mise en œuvre et le fonctionne-
ment des réformes du secteur de la finance et du commerce en particulier, et
de toutes les réformes en général (Clapp, 1994, p. 315-316).
À partir de 2000, avec la hausse des prix mondiaux des métaux, l’objectif
de longue date d’attirer des projets d’envergure permettant une plus grande
valeur ajoutée à l’échelle locale a finalement semblé se matérialiser 18. Des
contrats pour divers projets ont été signés, dont trois visant la transformation
locale de la bauxite guinéenne en alumine. Le plus important projet à ce titre
était celui conclu avec Global Alumina, lequel, en vertu d’une entente signée en
2004 et ratifiée en mai 2005, prévoyait la construction d’une usine d’alumine
d’une capacité de 2,8 millions de tonnes par année à Sangarédi. Certaines des
actions de ce projet ont ensuite été vendues à BHP Billiton. Il était initialement
prévu que le projet, évalué à 2,5 milliards de dollars américains, permettrait
l’exportation d’un premier envoi d’alumine vers la fin de 2009. Le deuxième
projet, dont l’entente fut signée en novembre 2005, impliquait Halco, le consor-
tium dont Alcan (qui est ensuite devenu RioTinto Alcan en 2007) et Alcoa sont
les principaux partenaires et qui détient 51 % des actions de la CBG19. Ce projet
18. En 2005, les grandes compagnies d’aluminium suivantes avaient prospecté les réserves
guinéennes de bauxite : BHP Billiton (a obtenu 7 permis dans la région de Boffa, à Boké) ;
Companhia Vale do Rio Doce (CVRD), du Brésil (a obtenu 20 permis dans les zones du
nord et du centre de la Guinée) ; Mitsubishi, du Japon (disposait de 3 concessions englobant
24 permis de prospection dans les régions de Boké, Gaoussi, Lélouma, Pita et Dalaba) ;
OSWAL Chemicals, d’Inde (avait des permis dans les régions de Boffa, Fria et Dubréka) ;
et, finalement, Chalco (avait des permis dans les régions de Kindia, Mamou et Pita).
19. En 2004, avec la vente de 4 % des parts de Comalco Limited aux autres actionnaires, la struc-
ture de propriété de Halco a été redéfinie comme suit : Alcan Inc. – 45 %, Alcoa Inc. – 45 % et
Dadco Group – 10 %. Comme nous l’avons vu et comme le rappelle le US Geological Survey
du département de l’Intérieur du gouvernement américain, jusqu’à présent, et en attendant
que ce nouveau projet de raffinerie voie le jour, « les actionnaires de Halco ont acheté de la
bauxite de la CBG [qui appartient à 49 % au gouvernement guinéen] dans le but de l’utiliser
dans leurs propres processus de production » (Bermúdez-Lugo, 2004, p. 21.1).
Bauxite, alumine et aluminium 95
prévoyait la création d’une nouvelle usine d’alumine d’une capacité de 1,5 million
de tonnes par année et devait lui aussi entreprendre ses activités en 2009. Fina-
lement, le troisième projet était proposé par Rusal (Compagnie des Bauxites
de Kindia), qui a procédé à une étude de faisabilité visant à augmenter la
production de la raffinerie de Friguia, de son ancienne capacité de 700 000 tonnes
métriques par année à 1,4 million de tonnes. Les coûts estimés de ce projet
d’expansion s’élevaient à 350 millions de dollars américains (Bermúdez-Lugo,
2004, p. 21.1). Rusal prévoyait également la construction d’une usine d’alumine
d’une capacité annuelle de 2,4 millions de tonnes et la réalisation d’une étude
de faisabilité pour une fonderie d’aluminium qui serait en mesure de produire
240 000 tonnes par année sur le site de bauxite de Dian-Dian, au nord de Boké.
L’annonce et la signature des trois contrats prévoyant des mégaprojets
ont été reçues positivement non seulement par les acteurs nationaux, mais aussi
par les acteurs multilatéraux qui ont vu d’un bon œil le développement des
capacités de transformation locale des riches réserves de bauxite du pays :
En outre, plusieurs des projets majeurs du secteur privé prévus pour les cinq
prochaines années dans le secteur minier, comprenant notamment une grande
fonderie d’aluminium, devraient contribuer largement à la croissance globale
et produire des effets d’entraînement sur les autres secteurs de l’économie
(République de Guinée, 2001 ; voir aussi Banque mondiale, 2004a, p. xi).
18 %
Part de chacune des catégories de recettes
16 %
14 %
(pourcentage du PIB)
12 %
10 %
8%
6%
5%
2%
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
(est.) (proj.) (proj.) (proj.) (proj.)
1200
1000
Exportations, en millions
de dollars américains
800
600
400
200
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
(proj.) (proj.) (proj.) (proj.) (proj.)
90 000 000
80 000 000
70 000 000
60 000 000
50 000 000
40 000 000
1996
1998
1999
2000
2003
2004
2002
2001
1997
Source: République de Guinée, ministère des Mines et de la Géologie, Direction des études et de la prospective (2005).
que les années 2000-2004 avaient donné lieu à la « pire » performance écono-
mique du pays en dix ans : « Le taux de croissance annuel moyen du PIB était de
2,99 %, par opposition à l’objectif de 5 % établit dans le DSRP [Document
de stratégie de réduction de la pauvreté] » (République de Guinée et al., 2004,
98 Ressources minières en Afrique
ont directement mené à la mobilisation sociale de janvier 2007, une grève natio-
nale qui a paralysé le pays et donné lieu à des revendications pour une réforme
sociale de la part de la population.
La question de savoir comment la Guinée devra satisfaire ces demandes
soulève une contradiction apparente quant au rôle que les institutions finan-
cières multilatérales ont attribué, et continuent d’attribuer, au riche secteur
minier du pays. Alors que ces institutions soutiennent que le secteur minier
demeure hautement stratégique pour le développement économique du pays,
elles semblent reconnaître du même souffle que, malgré la signature de contrats
prévoyant trois nouveaux projets miniers de très grande envergure, le secteur
ne sera pas en mesure de mobiliser des ressources suffisantes pour répondre
aux critères de stabilité financière et assurer le financement de la réduction
de la pauvreté, et que, par conséquent, la mobilisation de ressources non
minières sera nécessaire.
Les retombées décevantes du secteur minier sur le reste de l’économie en
général sont bien diagnostiquées dans le rapport que le Cadre intégré pour l’as-
sistance technique liée au commerce en faveur des pays les moins avancés (CI)20
a produit sur la Guinée. Selon ce document, la performance décevante du secteur
trouverait ses origines dans la forte dépendance de l’économie guinéenne à l’égard
de l’industrie minière et dans le caractère particulier de cette industrie, qui explique
pourquoi elle demeure essentiellement, à ce jour, une activité d’enclave :
Le mode d’insertion mondiale actuel de la Guinée, marqué par une prépondé-
rance des exportations minières [...] n’a pas permis une véritable réduction de la
pauvreté. Ceci est essentiellement dû au caractère plutôt intensif en capital du
secteur minier, à ses liens très tenus [sic] avec le reste de l’économie et à la fai-
blesse de la base fiscale de l’État, qui laisse peu de marges de manœuvre pour
l’utilisation des recettes publiques tirées du secteur minier dans des programmes
de lutte contre la pauvreté. Pour que l’insertion de l’économie guinéenne dans
l’économie mondiale profite aux pauvres, une forte expansion des exportations
non minières, et notamment du secteur agricole, est nécessaire (CI, 2003a, p. 63).
Seulement deux ans après ce constat dressé en 2003 dans un rapport très
respecté et largement diffusé, on continue de soutenir que le secteur minier est en
mesure de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce à sa capacité de générer
des incidences cumulatives positives pour le reste de l’économie :
20. Le Cadre intégré pour l’assistance technique liée au commerce en faveur des pays les moins
avancés (CI) est un programme impliquant plusieurs organismes et de multiples bailleurs
qui vise à appuyer les pays les moins développés dans l’amélioration de leur participation à
l’économie mondiale, par la stimulation de leur croissance économique et par des stratégies
de réduction de la pauvreté. Le CI a obtenu son premier mandat en décembre 1996 lors de
la Conférence ministérielle de l’OMC à Singapour. Les agences participantes sont le FMI, le
Centre du commerce international, la CNUCED, le PNUD, la Banque mondiale et l’OMC
(CI, 2003a). Pour plus d’informations, voir <http://www.integratedframework.org/>.
100 Ressources minières en Afrique
21. Comme nous l’avons déjà noté, le secteur minier employait 9 000 personnes à la fin des
années 1980, ce qui témoigne d’une évolution plutôt modeste, dix années plus tard.
Bauxite, alumine et aluminium 101
Au cas où l’État désirerait entrer dans le capital d’une telle société, les
modalités en seront définies avec l’investisseur au moment de l’établisse-
ment de la Convention minière.
Dans tous les cas, la participation de l’État au capital d’une telle société
sera limitée à un niveau qui ne gênera pas le contrôle de l’opération par
les investisseurs (Diallo, 2004, p. 13).
Le retrait marqué de l’État, prévu par la réforme de la législation gui-
néenne, est aussi confirmé dans une étude réalisée par l’Organisation des Nations
Unies pour le développement industriel (ONUDI) :
Jusqu’en 1995, l’État était systématiquement partenaire à hauteur de 50 % des
actions de droit. Aujourd’hui, sa participation gratuite ne dépasse pas 15 %
dans les petits projets et n’est pas prévue dans les grands projets ; dans tous
les cas, l’État ne doit pas disposer d’une minorité de blocage. Il se contente
désormais de la fiscalité qui tient compte de la compétition internationale
(ONUDI, 2004, p. 21).
suivi rigoureux de la transparence du calcul des recettes minières et, par conséquent,
des taxes minières, ce qui ouvrirait la porte à des pratiques discrétionnaires22. Cette
situation s’appliquait lors de la négociation concernant les trois mégaprojets en 2004
et 2005. Elle a d’ailleurs persisté, bien que la Guinée ait adhéré, en décembre
2004, à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et que
le gouvernement ait, par l’intermédiaire du ministère des Mines et de la Géologie,
créé par décret le Comité de pilotage de l’ITIE ayant pour mandat de systématiser
la collecte des informations disponibles sur le secteur minier et de mettre en œuvre
des audits concernant les versements de paiements et de revenus23.
En ce qui a trait à l’impact de ces exemptions sur les recettes fiscales du
gouvernement, la Banque mondiale reconnaît que : « [l]es exemptions de taxes
restreignent grandement la performance de la Guinée en matière de perception
de recettes » (Banque mondiale, 2004a, p. 10). De même, l’institution a identifié
« [l]e grand nombre d’exemptions de taxes à l’importation, souvent injustifiées,
qui favorisent particulièrement le secteur minier » (Banque mondiale, 2004a,
p. xi), comme l’un des trois principaux facteurs nuisant à la mobilisation de
recettes en Guinée. En 2001, les exemptions liées aux droits à l’importation
auraient à elles seules dépassé les droits perçus. La Banque mondiale estime que
le coût réel actuel des exonérations fiscales accordées au secteur minier, en revenus
perdus, représenterait environ 20 % des revenus totaux (ou approximativement
3 % du PIB). Par ailleurs, il semble que «[l]a valeur réelle des exemptions est
possiblement plus élevée que ce que les données indiquent, car plusieurs exo-
nérations ont été accordées à titre non officiel à des négociants individuels,
comme faveur ou comme captation de rente » (Banque mondiale, 2004a, p. 11-12).
Cette hypothèse est d’ailleurs soutenue par le deuxième rapport annuel sur
l’application du DSRP de la Guinée, réalisé par le FMI et paru en octobre 2006 :
En traitant de l’exploitation minière, le rapport sur l’application n’a pas sou-
ligné la perte de recettes fiscales engendrées par la vaste gamme d’exemptions
de taxes, les distorsions introduites par les nombreux règlements discrétion-
naires que permettent actuellement les lois sur l’investissement minier, ni les
conséquences discriminatoires de ces politiques sur les investissements non
miniers. Il est urgent de procéder à un examen du cadre légal minier et de sa
gestion (FMI, 2006b, p. 4).
place, défini par le Code minier de 1995 et son « accord-type » (la Convention de
base de 1996), offrait un juste équilibre entre les besoins des investisseurs et ceux
de l’État, en matière de revenus fiscaux. D’après les résultats de cette étude,
le Code minier de 1995 était bien conçu, mais complexe et « non compétitif
à l’échelle mondiale » (Otto, 2005, p. 6). En conséquence, l’auteur a formulé
certaines recommandations incluant, entre autres, une diminution du taux
d’imposition de 35 à 30 %, le report indéfini des pertes, une nouvelle retenue
d’impôt à la source de 10 % sur les prêts à intérêt et l’élimination de l’allocation
sur investissement de 5 % (Otto, 2005, p. 34).
En recommandant une baisse générale du niveau de taxation, Otto a proposé
de mettre en place un système fiscal plus efficace, compétitif, et avantageux pour
les investisseurs potentiels. Toutefois, il a également mis l’accent sur le besoin d’éli-
miner diverses mesures de la législation de 1995 qui autorisaient, comme nous
l’avons vu, l’obtention d’exemptions de taxes et de congés fiscaux. Il a aussi recom-
mandé l’abandon des pratiques permettant la négociation d’accords fiscaux paral-
lèles pour chaque projet minier, en indiquant que ces pratiques n’étaient plus
privilégiées par la plupart des pays riches en ressources minières :
Par le passé, certaines nations ont expérimenté divers types de mécanismes de
« rente économique », mais aujourd’hui les gouvernements qui essaient d’im-
poser des taxes à une nouvelle mine en se basant sur un système particulier
conçu à cet effet sont peu nombreux ou inexistants. Les taxes sont plutôt appli-
quées de façon plus ou moins uniforme aux mines similaires à l’intérieur du
pays (Otto, 2005, p. 10).
Selon Otto, l’octroi d’exemptions de taxes dans les accords négociés repré-
sente « un danger » : « Lorsqu’un précédent a été établi, chaque investisseur
demandera le congé et la réduction [déjà] concédés à d’autres » (Otto, 2005,
p. 43). Enfin, selon le même analyste, il y aurait lieu d’introduire une législation
spécifiant le mode de répartition des recettes fiscales :
La Guinée permet actuellement au ministre des Mines et au ministre des Finan-
ces de déterminer quelles taxes et quels droits, ou quelles portions d’entre eux,
reviennent au gouvernement, aux groupes locaux et aux fonds. Une question
aussi importante que la distribution des recettes fiscales est, dans presque tous
les pays, prescrite par la loi et non pas laissée à la discrétion de ministres qui
accèdent à leur poste grâce à des nominations politiques. Il est recommandé
que la loi soit modifiée afin de définir clairement les taxes qui doivent être
distribuées, ainsi que leurs destinataires et leurs pourcentages. Un pourcentage
précis des redevances devrait être mis de côté pour les communautés affectées
(Otto, 2005, p. 59).
l’État et les compagnies. Le contenu de ces contrats dépend donc non seulement
des compétences techniques des représentants gouvernementaux concernés, mais
aussi de la nature des processus politiques qui ont été perpétués et de la capacité
de négociation du pays, profondément affectée au cours des dernières années
par les formes de libéralisation introduites.
Le rôle de « responsable de la réglementation et de promoteur » attribué
à l’État guinéen, sous la recommandation de la Banque mondiale dans son étude
de 1992 sur l’avenir du secteur minier en Afrique (Banque mondiale, 1992), ne
semble pas s’être traduit par une capacité de négociation qui tienne compte des
besoins réels du pays en matière de développement économique et social à
moyen et long terme. Au contraire, la capacité institutionnelle a visiblement été
affaiblie encore davantage par la perpétuation de processus politiques ou de
modes de régulation politique du secteur minier caractérisés par un manque de
transparence et d’imputabilité. Dans un tel contexte (et comme l’exemple du
« Global Agreement » semble le suggérer), sans une révision profonde des anciens
contrats, comme celle réclamée en 2007 par la mobilisation populaire (dont l’issue
est d’ailleurs toujours incertaine), les bénéfices importants qui pourraient être
issus des nouveaux mégaprojets qui seront lancés dans le secteur bauxite-alumine,
en ce qui concerne les recettes fiscales notamment, risquent encore une fois
(comme cela a été le cas au cours des deux périodes examinées ci-dessus) de ne
pas être canalisés de manière avantageuse pour le pays.
CONCLUSION
Dans sa réponse aux recommandations de l’EIR, le Groupe de la Banque mon-
diale a soutenu que : « La gouvernance est au cœur du processus de développe-
ment : le cadre global de gouvernance dans lequel intervient le développement
des IE [industries extractives] constituera un facteur déterminant majeur de sa
contribution à la réduction durable de la pauvreté » (Banque mondiale, 2004,
p. 12). Bien que quelques années seulement se soient écoulées depuis la publi-
cation de cette déclaration, l’analyse ici présentée a tenté de fournir des éléments
de compréhension de l’héritage structurel à l’intérieur duquel des mesures de
réformes plus récentes ont été introduites en Guinée. C’est dans cette visée que
nous formulerons pour conclure certaines observations préliminaires sur la capa-
cité des mesures actuelles de contribuer à relever les défis auxquels le pays est
confronté. À la lumière des mégaprojets récemment planifiés, dans quelle mesure
la reconnaissance, par le GBM, du besoin d’une meilleure gouvernance a-t-elle
entraîné des réformes favorisant une plus grande transparence et de meilleures
ententes de partage des recettes, notamment avant le démarrage des méga
projets ? Et, ce qui semble encore plus important, dans quelle mesure les réformes
actuelles s’attaquent-elles aux causes des problèmes auxquels le pays fait face et
contribuent-elles à la promotion du développement durable et de la réduction
de la pauvreté ?
Bauxite, alumine et aluminium 107
Comme nous l’avons vu, le soulèvement populaire de 2007, qui était dirigé
par les syndicats et les organisations de la société civile et qui a paralysé les
opérations de l’État et l’économie, ne témoignait pas seulement du degré géné-
ralisé de souffrance et d’exaspération de la population. Tel que révélé par
l’annonce, en avril 2007, que les contrats miniers signés entre le gouvernement
et les compagnies étrangères seraient réexaminés, la révolte peut aussi être inter-
prétée comme la manifestation d’une prise de conscience généralisée des pro-
blèmes majeurs qui existent dans la gouvernance des ressources naturelles du
pays. Le processus alors enclenché est apparu comme le résultat de la compré-
hension que les accords miniers en vigueur étaient désavantageux pour le pays,
ce qu’a reconnu officiellement un nombre croissant d’observateurs, dont un
ancien ministre des Mines (Soumah, 2007, p. 192-195). Si le manque d’expertise
technique a parfois été montré du doigt pour expliquer la conclusion de tels
contrats, la question de l’opacité qui a caractérisé la gestion des ressources du
pays au cours des dernières décennies apparaît encore plus importante. La com-
pagnie Friguia, dont le gouvernement détenait 49 % des actions, sans toutefois
n’avoir jamais touché les bénéfices auxquels il avait droit, fournit à ce titre un
exemple frappant de mauvaise administration (Soumah, 2007, p. 94-102).
Ainsi, le cas de la Guinée révèle de façon saisissante dans quelle mesure
le processus de réforme (initié dès 1985 par les institutions financières multila-
térales) semble avoir encouragé la perpétuation des processus politiques internes
qui ont régi le riche secteur minier, mais qui ne disposaient pas de critères mini-
mums sur le plan de l’imputabilité. À cet égard, on note la permanence de pro-
cessus qui permettaient non seulement de court-circuiter l’Assemblée nationale
lorsque nécessaire, comme l’a montré l’exemple des annexes non divulguées aux
contrats, mais aussi de contourner le ministre responsable, comme cela a été
observé après le départ de l’ancien ministre des Mines, Fassiné Fofana, à travers
la création d’un « cabinet » spécial dont le but était de conseiller le président
(Caba et Sylla, 2007).
Devant le nombre croissant de critiques, les institutions financières mul-
tilatérales ont répondu en en appelant à une plus grande transparence des flux
de revenus. À ce sujet, en décembre 2004, dans le contexte de l’adhésion de la
Guinée aux principes de l’Initiative pour la transparence dans les industries
extractives, le ministre des Mines et de la Géologie a de nouveau « demandé
l’aide de la Banque [mondiale] pour améliorer la gestion du secteur minier en
vue de contribuer davantage au développement socioéconomique du pays et
à la réduction de la pauvreté en Guinée » (ITIE, 2006b). Diverses mesures ont
été envisagées dans le but de favoriser une mobilisation plus importante des
recettes fiscales et de contrer les effets néfastes des exemptions évoquées pré-
cédemment. Des efforts ont notamment été déployés pour mettre en place un
régime de droits à l’importation plus transparent, renforcer les capacités de la
Direction nationale des douanes, instaurer des mécanismes de vérification
108 Ressources minières en Afrique
des États en Afrique afin qu’ils puissent assumer un rôle clair en matière
de développement : « La faiblesse des capacités institutionnelles empêche
l’État d’assumer ses responsabilités de manière efficace, qu’il s’agisse de pla-
nification et de budgétisation, de gestion de l’aide au développement, de prestation
de services ou de suivi et d’évaluation des progrès accomplis » (Commission pour
l’Afrique, 2005, p. 156).
Même si le débat sur l’atteinte des objectifs de développement par la pro-
motion des activités économiques à l’échelon communautaire apparaît fon-
damental, les discussions sur le rôle que les États doivent assumer pour veiller
à la création d’un impact positif sur le développement socioéconomique à
l’échelle nationale demeurent plutôt rares et reçoivent en général beaucoup
moins d’attention (Banque mondiale, 2005).
Le secteur minier continue à être perçu non pas comme un catalyseur
permettant de promouvoir une transformation structurelle en vue de parvenir à
une intégration économique nationale, mais essentiellement comme une source
de recettes fiscales. Dans les discussions sur les moyens d’accroître la contribution
du secteur à l’économie locale, on reconnaît certes, au sujet du processus de
réforme, que : « [l]a rationalisation du régime d’exemptions fiscales actuel qui
favorise le secteur minier et certains importateurs clés de façon évidente et exces-
sive constitue une priorité majeure » (Banque mondiale, 2004a, p. 12), mais les
principales recommandations formulées n’abordent ni l’enjeu de l’asymétrie des
capacités de négociation de la Guinée, ni celui de l’étroitesse de la marge de
manœuvre du pays ou des conditions susceptibles de l’élargir. Au contraire, les
institutions financières multilatérales ont continué d’inviter le gouvernement à
adopter une position prudente à l’égard du secteur minier, notamment en n’in-
troduisant pas un niveau de taxes et de droits qui pourrait servir d’« élément
dissuasif » en matière d’investissement étranger :
Manifestement, le gouvernement devra intervenir avec prudence pour trouver
un juste milieu (« walk a fine line ») en matière d’exploitation minière, en cher-
chant un équilibre entre les revenus potentiels et les mesures incitatives néces-
saires pour que la Guinée soit concurrentielle à l’échelle internationale, notam-
ment en ce qui concerne la bauxite et ses produits dérivés (Banque mondiale,
2004a, p. 12 ; nous soulignons).
social et économique du pays. Les implications du maintien d’un étau aussi serré
sur la Guinée n’ont plus à être démontrées. Comme les événements de 2007 l’ont
illustré, la viabilité des anciennes réformes économiques et institutionnelles ainsi
que les processus politiques intérieurs qui ont caractérisé la gestion du secteur
minier ont été rejetés catégoriquement par la population guinéenne. Cependant,
la tendance actuelle consistant à présenter les décisions en matière de réglemen-
tation et les modalités sur lesquelles les négociations ont porté comme des ques-
tions essentiellement techniques, se traduisant par une notion étroite de « gou-
vernance », alors qu’elles relèvent de choix éminemment politiques, ne tient pas
compte des questions plus larges telles que les termes de l’intégration historique
du riche secteur minier du pays dans l’industrie mondiale de l’aluminium et le
prolongement de modes particuliers de régulation politique du secteur minier
ayant rendu les anciennes pratiques possibles.
S’il est manifestement encore trop tôt pour prédire comment la transition
politique post-Conté évoluera, nous pouvons néanmoins souligner, parmi les
enjeux fondamentaux qui permettront de déterminer si l’émergence de processus
politiques basés sur l’imputabilité et la transparence sera possible, les ques-
tions de la redéfinition des relations asymétriques qui ont caractérisé l’inté-
gration de la Guinée dans les marchés mondiaux, l’accès à une part beaucoup
plus équitable des recettes dérivées des énormes ressources minières du pays et
l’allégement des contraintes financières imposées à la Guinée depuis plus de
deux décennies.
Bien que le GBM reconnaisse clairement qu’une meilleure gouvernance
des ressources du secteur minier est nécessaire, et en dépit du fait qu’il n’ait pas
participé directement à leur capitalisation, l’institution a accueilli positivement
l’apport de nouveaux capitaux permettant aux mégaprojets guinéens d’aller de
l’avant, plutôt que d’exiger un délai et d’encourager le renforcement des capa-
cités dans ce secteur afin de minimiser les risques avant que ces grands projets
soient entrepris. Tant que les institutions financières multilatérales seront résolues
à privilégier des mesures qui favorisent le contournement de l’État, que ce soit
en matière de perception de recettes ou d’élaboration de directives concernant
les relations entre entreprises et communautés, elles risqueront de contribuer
encore davantage à l’érosion des fonctions de développement du gouvernement.
De telles mesures pourraient également retarder l’instauration de processus
politiques permettant à la population de tenir ses dirigeants pour responsables
et ainsi de leur reconnaître une certaine légitimité. En dépit des changements
politiques auxquels on a assisté à la fin de 2008, la communauté de bailleurs a
préféré se tenir loin de l’État plutôt que de reconnaître la nécessité d’un renfor-
cement de ses capacités institutionnelles et de négociation. Le danger ici est qu’on
risque ce faisant de contribuer au prolongement des anciens processus politiques
internes et des anciennes pratiques de distribution des recettes, au lieu de les
redéfinir. Dans un contexte de transition politique qui ouvre la porte à la redé-
finition des pratiques antérieures, la perpétuation des tendances du passé
Bauxite, alumine et aluminium 111
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CHAPITRE 3
L’exploitation minière représente, depuis le début des années 1980, une stratégie
privilégiée par les institutions financières internationales (IFI) et les pays en déve-
loppement en vue d’améliorer les conditions économiques des pays et, ultimement,
de réduire la pauvreté. Devant les incidences environnementales et sociales des
activités de cette industrie, cette orientation n’a cependant cessé d’être remise en
cause. C’est dans ce contexte que la Banque mondiale, principale promotrice de
la stratégie de développement par l’extraction des ressources naturelles, a été
amenée à revoir son implication dans la mise en place et l’encouragement des
activités extractives dans les pays riches en ressources minières. La Revue des
industries extractives (EIR) a ainsi conduit à une réévaluation de l’implication de
la Banque, dans le but d’établir une meilleure convergence entre ses objectifs de
réduction de la pauvreté et les effets potentiels de cette industrie sur les plans social
et environnemental. Si cette introspection, ainsi que la recherche de solutions
appropriées, témoignent d’un intérêt renouvelé pour les enjeux soulevés par la
question minière, les développements observés à la suite de la publication du rap-
port de l’EIR demeurent loin d’une approche au sein de laquelle les dimensions
sociales et environnementales, et non pas seulement économiques, seraient prises
en compte de manière intégrée.
Afin d’illustrer cette approche parcellaire et pour bien ancrer l’étude de
cas du Mali qui suivra, ce chapitre présentera, dans une première partie, les
principales problématiques associées aux débats liés à l’extraction minière. La
seconde partie fera quant à elle état des mesures, notamment sociales et
116 Ressources minières en Afrique
1. En Afrique subsaharienne, les années 1990 ont vu une baisse de 0,8 % du PIB en général et
de 1 % par an pour les pays dépendants des ressources minières, soit 25 % de plus que les
pays non dépendants.
2. En amont, il s’agit principalement des achats locaux effectués par l’entreprise minière sous la
forme de produits et de services ; ces achats ont pour effet de stimuler l’économie nationale
ou régionale. En aval, les liens potentiels ont trait à la transformation du minerai sur place,
ce qui permet au pays d’accueil d’accroître la valeur ajoutée du produit exporté.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 117
3. Le drainage minier acide est considéré comme l’impact environnemental le plus important de
l’exploitation minière. Il survient en général lorsque les déchets oxydés (roches) provenant
de l’exploitation entrent en contact avec de l’eau. Ce contact donne lieu à la production
d’acide qui peut s’infiltrer dans les eaux de surface ou la nappe phréatique.
4. Une mine est dite orpheline ou abandonnée lorsqu’il est impossible d’en trouver le proprié-
taire, lorsque le propriétaire refuse de restaurer le site ou encore lorsqu’il est financièrement
incapable de le faire.
5. À titre d’exemple, les coûts estimés de la réhabilitation de la mine Faro, située au Yukon et
fermée depuis 1998, s’élèvent à une somme comprise entre 145 et 150 millions de dollars
(Repetto, 2004).
118 Ressources minières en Afrique
le déplacement de population,
la migration accrue de travailleurs vers la zone du projet,
l’inflation causée par cette migration,
l’abandon de l’activité agricole,
l’expropriation des terres fertiles pour les besoins de la mine, et
les problèmes accrus de santé publique (Pegg, 2003 ; Reed, 2002 ;
Ross, 2001).
été favorisées par différents facteurs, dont la volonté d’intégration de ces pays
dans l’économie mondiale7. Ainsi, pour les IFI, ces politiques d’intégration se
sont majoritairement traduites par la promotion de l’investissement étranger
comme moteur de la croissance économique (Campbell, 2003). De ce fait, les
pays riches en ressources minières ont été appelés à ouvrir leurs économies à
l’investissement et au commerce internationaux comme condition à l’accès aux
prêts accordés par ces institutions.
Par ailleurs, pour de nombreux pays riches en ressources minières, cette
industrie a été désignée comme véritable moteur de la croissance économique.
Ainsi, depuis les années 1980, la Banque mondiale, par l’intermédiaire de la
Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD)
et de l’Association internationale de développement (IDA), a soutenu des
réformes institutionnelles de grande ampleur dans les pays en développement
par le remaniement des codes miniers, la privatisation des entreprises publiques
et la suppression des subventions en faveur de l’industrie extractive nationale
(EIR, 2003). Parallèlement, le Groupe de la Banque mondiale a encouragé
l’expansion de l’industrie minière dans ces pays par un soutien multiforme au
secteur privé. Ainsi, la Société financière internationale (SFI) supporte le
développement du secteur privé et offre des prêts aux entreprises minières
tandis que l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA)
propose des garanties d’investissement contre les risques politiques ; le groupe
a également mis sur pied le Centre international pour le règlement des diffé-
rends relatifs aux investissements (CIRDI), qui fonctionne par la conciliation
ou l’arbitrage.
D’une manière générale, la Banque mondiale a développé, à la fin des
années 1980, dans le cadre des opérations de prêts au secteur public dans
les pays en développement, un ensemble de politiques sociales et environ-
nementales ainsi que de diffusion de l’information auprès du public. C’est
entre 1990 et 1998 que ses divisions pour le secteur privé, la SFI et la MIGA,
ont instauré des politiques de sauvegarde visant à encadrer leurs opérations
de financement, afin qu’elles ne portent pas préjudice aux populations et à
7. D’autres facteurs ont favorisé la délocalisation des entreprises. Pour les sociétés
transnationales, il s’agit d’identifier des sites d’exploitation moins coûteux en matière
d’exploitation et de coûts associés à la réglementation. Les gouvernements des pays
industrialisés, quant à eux, participent à la promotion de leurs intérêts commerciaux et
économiques à l’étranger, soutenant ainsi de diverses manières la transnationalisation
de leurs entreprises. Dans les pays en développement, la quête de devises étrangères
pour rembourser la dette et la volonté d’accueillir des investissements décrits comme
facteurs d’accroissement de l’emploi, de transfert de technologie, de croissance et
de développement ont mis les gouvernements en concurrence pour l’attraction des
investissements miniers.
120 Ressources minières en Afrique
8. Ces politiques portent sur l’évaluation environnementale, les habitats naturels, les déplace-
ments involontaires de populations, les populations autochtones, le patrimoine culturel, le
travail forcé et le travail des enfants. Avant chaque investissement, les agences du Groupe de la
Banque mondiale procèdent à une évaluation environnementale afin de déterminer si le projet
en question nécessite le recours à d’autres politiques de sauvegarde. Les projets sont classés
par la Banque en quatre catégories (A, B, C et F) en fonction de leur type, lieu, vulnérabilité
et échelle, ainsi que de la nature et de l’importance de leur impact environnemental potentiel.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 121
ainsi les deux piliers de l’économie malienne. En dépit de ces « succès », le Mali
fait partie, depuis plusieurs dizaines d’années, du groupe des « pays à faible
revenu et des pays les moins avancés » selon les critères des IFI. Depuis
son indépendance en 1960, le pays a encouragé le progrès social en adoptant
plusieurs stratégies de développement marquées par les différents régimes poli-
tiques (socialiste, militaire et libéral) qui s’y sont succédé (Koné, 2000). Devant
les difficultés (notamment de dépendance financière) rencontrées dans la pour-
suite des stratégies précédentes, le pays s’est engagé dans les années 1980 sur la
voie libérale avec les programmes d’ajustement structurel (Géronimi Diallo et
Sidibé, 2005).
MALI
Tombouctou
Gao
Nioro
Yatela Kayes
Ségou
Sadiola Bamako
Sikasso
Opérations
Morilla 0 500 km
70
60
50
40
30
20
10
0
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2003
2004
2005
2006
2002
1991
2001
Source : DNGM (2005) et EIU (2007).
2%
0
1990
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2003
2004
2005
2002
1991
2001
Par ailleurs, les quatre mines en exercice de 1985 à 2003 ont permis la
création de 3 440 emplois, dont 3 246 en 2003. De ces emplois, 3 061 revenaient
aux Maliens, soit 94 % d’emplois locaux. Ces emplois ont donné lieu au ver-
sement de salaires et de cotisations sociales. En ce qui concerne les projets
communautaires, les dépenses effectuées par les trois principales mines
étaient de 13 900 dollars américains pour les mines de Sadiola et Yatela de
1997 à 2005 et de 2 545 dollars américains pour la mine de Morila de 2001 à
2005 (Anglogold Ashanti, 2005). De manière générale, les retombées de l’ex-
ploitation minière sur l’économie nationale, en particulier sur les recettes
étatiques, apparaissent considérables. En dehors de ces recettes directement
dirigées vers le Trésor national, les retombées sont également notables pour
les communautés locales vivant à proximité des sites miniers. Cependant,
alors que les résultats économiques semblent positifs, les conditions sociales,
sanitaires et environnementales sont de plus en plus difficiles, notamment
dans les régions minières.
Bien que ces deux projets miniers fonctionnent selon le code minier de 1991,
il est intéressant de noter certaines particularités qui les distinguent sur le plan de
la prise en charge des impacts environnementaux et sociaux. Tout d’abord, la mine
de Sadiola compte la SFI parmi ses actionnaires, ce qui implique l’obligation de
se conformer aux exigences de cette institution quant à la performance concernant
les mesures de sauvegarde. Par ailleurs, cette mine a commencé ses activités
en 1996, dans un contexte de quasi-vide juridique eu égard aussi bien à la protec-
tion de l’environnement qu’à la gestion communautaire. En dépit de l’absence
d’exigence nationale, mais compte tenu des exigences de la SFI, la mine de Sadiola
a conduit une étude d’impact environnemental en 1994, devenant ainsi la première
au Mali à le faire (Envirolink, 1994). Il apparaît donc au premier abord que la
mine de Sadiola fait l’objet d’exigences environnementales et sociales plus strictes
que la mine de Morila, laquelle n’est pas soumise aux exigences de la SFI. Toute-
fois, Morila a entrepris ses activités à un moment où la législation malienne, envi-
ronnementale en particulier, commençait à s’étoffer. Le tableau suivant permet
de résumer l’évolution des exigences environnementales auxquelles sont tenus
ces deux projets miniers depuis leur création.
10. Ces politiques sont celles qui concernent particulièrement les projets miniers; d’autres poli-
tiques relatives à la lutte antiparasitaire, à la foresterie et à la sécurité des barrages viennent
compléter les politiques de sauvegarde. Il est important de noter par ailleurs que ces poli-
tiques se distinguent des nouvelles dispositions prises à la suite de la Revue des industries
extractives et qui visent un renforcement des politiques de sauvegarde.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 129
Le tableau 3.3 nous permet d’observer que les projets miniers au Mali ont
démarré en l’absence d’une législation environnementale nationale adéquate.
Ainsi, le projet minier de Sadiola était uniquement soumis aux exigences envi-
ronnementales de la SFI. À partir de 1999, les exigences environnementales ont
commencé à devenir plus strictes. Plusieurs conditions environnementales ont
alors été associées à l’obtention d’un permis d’exploitation. Cependant, le respect
de ces exigences est demeuré lié à l’évaluation de l’importance des impacts envi-
ronnementaux par les promoteurs de projets miniers dans la mesure où la légis-
lation malienne ne comportait pas de normes nationales à respecter. En effet,
pendant toute la période observée (1996-2005), le Mali ne disposait pas de
normes environnementales relatives à la pollution des eaux, à la pollution atmo
sphérique et sonore ou à la gestion des déchets miniers. De ce fait, aussi bien les
politiques de la SFI que les exigences nationales tendaient à encourager l’auto-
évaluation par les entreprises minières de l’ampleur des nuisances environne-
mentales de leurs activités. Par ailleurs, l’absence de normes environnementales
maliennes et de directives techniques relatives à l’usage du cyanure, à la ferme-
ture des mines, à l’élimination des déchets ou au rinçage des roches acides laissait
à l’industrie minière une large place pour l’adoption d’initiatives volontaires
corporatives dans sa prise en charge de ces impacts. Ainsi, dans le cas des projets
de Sadiola et de Morila, la compagnie Anglogold Ashanti, qui en est l’opératrice,
a adhéré à diverses normes internationales et initiatives corporatives relatives à
la dimension environnementale de l’activité minière.
responsabilité à long terme des entreprises minières quant aux impacts environ-
nementaux. La production d’un gramme d’or occasionne la création d’environ
500 kg de déchets (résidus miniers et roches stériles) qui génèrent à long terme
des émanations d’acide. Ce drainage acide minier peut se poursuivre durant
plusieurs générations. Cependant, le cadre réglementaire malien, incluant aussi
bien les règles légales que les initiatives volontaires, ne prend pas en compte
cette dimension. L’initiative relative au cadre stratégique pour la gestion des
mines auquel a adhéré Anglogold vise surtout à assurer une conformité à
l’égard de la législation (laquelle, dans ce cas, apparaît défaillante) afin d’ob-
tenir l’autorisation de fermeture des sites. Ainsi, lors des discussions en vue
de la fermeture prochaine de certaines mines au Mali (notamment celle de
Yatela), les entreprises minières ont proposé la limitation de leur responsabi-
lité à une période de cinq ans. Cette question est encore en discussion mais
pose le problème de la prise en charge des coûts environnementaux au-delà
de cinq ans. Alors que ni les entreprises ni la SFI n’ont intégré cette dimension
dans leurs initiatives et exigences, il semble que, dans un tel scénario, l’État
malien se retrouve responsable de ce passif environnemental, sans posséder
les moyens nécessaires pour en venir à bout. Si la prise en charge des impacts
à long terme pose problème, cette difficulté s’étend également aux incidences
immédiates de l’activité minière, dans la mesure où des liens commencent à
être établis entre les incidences environnementales de l’activité minière et la
santé des populations vivant près des projets.
3.4.1. La santé
Au Mali, les infrastructures et les services sociaux de base offerts aux commu-
nautés vivant aux abords des zones minières sont nettement insuffisants. Sur le
plan de la santé, par exemple, bien que les sociétés minières aient contribué au
développement des infrastructures sanitaires (construction d’une clinique pour
les travailleurs miniers dans le cas de Sadiola et équipement de centre de santé
communautaire), le manque de revenus des populations limite leur accès aux
soins. De plus, les infrastructures destinées aux travailleurs ne sont pas accessibles
au reste de la population, dont les besoins sanitaires sont pourtant criants.
De manière générale, l’application du cadre réglementaire et la faible
implication des acteurs nationaux, l’État notamment, contribuent à créer des
tensions entre entreprises et communautés. En effet, ces dernières reçoivent peu
d’information sur les modalités et les résultats de la gestion environnementale.
Le contrôle de la qualité de l’eau est ici un bon exemple. Si la Banque mondiale
établit des normes relatives à la qualité de l’eau auxquelles les entreprises
doivent se conformer, ce sont ces dernières qui effectuent les prélèvements
dans les villages et en font ensuite l’analyse11. Or les entreprises ne transmettent
11. Des analyses comparatives sont également effectuées à l’occasion par des laboratoires
extérieurs au pays, notamment en Angleterre et au Canada.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 133
pas les résultats des analyses aux communautés concernées. Il en résulte une
tension sociale, car les personnes en viennent à attribuer leurs problèmes de santé
à une pollution potentielle (même si les analyses des entreprises indiquent
qu’elles respectent les limites fixées par l’OMS).
Ainsi, plusieurs problèmes de santé (fausses couches et décès en particu-
lier) ont été signalés par des enquêtes menées par des organisations non gouver-
nementales (ONG) internationales en 2004 auprès des communautés vivant aux
abords de la mine de Sadiola. Cependant, aucune étude n’a été entreprise au
niveau national afin de déterminer l’incidence des impacts environnementaux
des projets miniers sur la santé publique. En fait, l’essentiel de l’information
disponible sur le secteur minier au sein des structures gouvernementales provient
des sociétés minières. L’État lui-même realise très peu d’études pour évaluer les
incidences économiques, environnementales, sociales et sanitaires des projets
miniers. L’essentiel de la documentation disponible sur l’activité minière étant
d’origine corporative, le contenu de ces documents n’a trait qu’aux dimensions
considérées comme pertinentes par les sociétés minières. À titre d’exemple, les
questions relatives à la santé n’apparaissent que très peu dans ces études.
Ces questions n’en constituent pas moins une problématique cruciale pour les
populations vivant près des mines.
Deux études ont été menées afin de préciser l’incidence des impacts envi-
ronnementaux sur la santé des populations vivant dans la région minière
accueillant la mine de Sadiola. Ces études sociodémographique et épidémiolo-
gique ont été commanditées par la Société d’exploitation des mines d’or de
Sadiola (SEMOS) et exécutées par une agence gouvernementale, l’Institut natio-
nal de recherche en santé publique (INRSP). La première partie de ces études
portait sur la dimension sociodémographique et a été achevée en 2005. Cette
étude prend en considération les perceptions des populations quant à l’impact
de l’exploitation minière sur leur santé. Dans un questionnaire qu’elles ont
rempli, les populations ont signalé une proportion élevée de fausses couches
dans quelques villages situés en zone minière. Le taux le plus élevé évoqué est
de quatre fausses couches sur cinq grossesses au cours des cinq dernières années
pour le village de Yatela situé à proximité de la mine de Yatela, et une proportion
de 0,37 pour l’ensemble de la zone minière aux alentours de la mine de Sadiola,
contre une proportion moyenne de 0,36 pour la zone de contrôle constituée de
villages considérés comme hors d’atteinte des impacts miniers (INRSP, 2005).
Bien que les populations perçoivent ces problématiques liées à la santé comme
le résultat de la présence voisine des mines, seule la réalisation d’une étude
médicale, qui représente la seconde étape, pourrait confirmer ou infirmer ces
perceptions. Cette deuxième étude n’était toujours pas disponible au moment
de la publication de ce chapitre. Mais dans ce cas également, l’incapacité de l’État
à initier et à réaliser des études de cet ordre donne lieu à une situation où les
entreprises minières commanditent des études dont elles font l’objet, ce qui peut
faire craindre un conflit d’intérêts.
134 Ressources minières en Afrique
structurel a été la création d’une Caisse unique pour le budget de l’État, qui
a eu pour effet de supprimer les différents fonds d’appui au secteur industriel et
notamment de priver le ministère des Mines du Fonds minier servant au finan-
cement de ses activités. Dans de telles conditions, ce ministère et ses structures
opérationnelles chargées du suivi et du contrôle de l’industrie minière se trouvent
très limités en ressources humaines et financières, lesquelles sont indispensables
pour mener à bien le rôle qui leur est attribué par la législation.
Ces carences se font d’autant plus cruellement sentir que l’on assiste à
une explosion des projets de l’industrie minière au Mali, d’où un besoin plus
pressant de ressources étatiques pour l’encadrement du secteur. Or, la limita-
tion des capacités étatiques restreint non seulement la maximisation des retom-
bées économiques et financières de l’industrie minière sur l’économie nationale,
mais favorise également la prise en charge des besoins sociosanitaires éducatifs,
et de la protection de l’environnement par les entreprises privées étrangères,
au risque de voir ces préoccupations laissées pour compte.
Des constats de perte de contrôle de l’administration minière sur l’industrie
ont conduit les autorités maliennes à prendre en considération la qualité du suivi
dont font l’objet les activités des sociétés minières. Ainsi, une commission a été
créée dans le but de « déterminer les voies et moyens appropriés pour une amé-
lioration de la contribution de l’exploitation minière à l’économie nationale et
pour un suivi et un contrôle efficace des activités minières » (DNGM, 2002). Cette
étude a constaté que le non-respect de la cadence d’extraction prévue par les
études de faisabilité proposées par le promoteur minier avait conduit à une réduc-
tion de la durée de vie des mines. La figure suivante fait état de l’étendue de ces
écarts entre 1997 et 2002, année où l’étude a été réalisée.
80 %
68 %
70 % 64 %
60 % 52 %
49 %
50 %
36 % 38,50 %
40 %
30 %
20 %
7%
10 % 6,5 %
Il est à noter que les deux mines fonctionnent selon le code minier de 1991
qui offre cinq années d’exemption de taxes à partir de la première année de
production. Si les aspects techniques peuvent apporter des éléments de réponse
à cette exploitation intensive (Anglogold, 2000-2005b), il semble également que
cette accélération de l’extraction soit encouragée par les exemptions fiscales
offertes par le code minier de 1991. La concentration de la production pendant
ces années d’exonération réduit considérablement les taxes que ces entreprises
doivent payer à l’État. La non-conformité des sociétés minières au plan d’exploi-
tation des mines a un impact très important sur les revenus des entreprises (à la
hausse) et sur ceux de l’État (amoindris). Ainsi, bien que l’État reçoive des mon-
tants très important, l’incapacité de l’administration des mines à assurer un
contrôle constant des opérations minières, de manière à déterminer un rythme
d’extraction, réduit substantiellement les retombées de l’exploitation sur le plan
économique. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle influe sur l’en-
vironnement, surtout si les mesures de fermeture ne sont pas ajustées pour tenir
compte des problèmes environnementaux qu’engendrent généralement les
méthodes intensives d’extraction (CSA Group, 2004). Finalement, des difficultés
ont également été signalées dans l’évaluation des données financières fournies
par les sociétés minières. Il s’agit notamment du montant des investissements, de
l’évaluation des coûts de production et des charges d’exploitation.
En résumé, sur le plan économique et financier, l’État doit s’assurer, d’une
part, que ses revenus sont déterminés de manière appropriée, sans dépendance
excessive à l’égard des données de l’entreprise et, d’autre part, que les compa-
gnies n’ont conclu aucun contrat préférentiel avec leurs filiales. Aussi, si les
indicateurs macroéconomiques nationaux indiquent une forte amélioration de
la situation économique du pays, ces difficultés illustrent une certaine iniquité
dans la répartition des gains économiques découlant de l’extraction minière.
Comme l’illustre notre analyse, les institutions gouvernementales maliennes
disposent de capacités limitées pour assurer l’application adéquate de la
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 137
13. Cette dernière disposition présente l’avantage de rendre les taxes conditionnelles aux
bénéfices déclarés par les entreprises minières.
Lutte contre la pauvreté et protection de l'environnement au Mali 139
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CHAPITRE 4
4. Information recueillie auprès du Chief of Staff, M. Henry Roger, lors de la journée fran
cophone des affaires à Montréal en février 2005.
146 Ressources minières en Afrique
répondre à la critique, notamment celle du Fonds des Nations Unies pour l’en-
fance (UNICEF), qui dénonçait les coûts sociaux de l’ajustement5. C’est en 1996,
au moment où la Banque mondiale faisait de la « lutte contre la pauvreté » la
mission principale de l’ajustement structurel lui-même (Fishlow, 1996 ; Banque
mondiale, 1996a), que le gouvernement malgache publiait un document cadre
de politique économique (DCPE), reconduit en juin 1999, annonçant que la
réduction de la pauvreté se ferait avant tout par la mise en place d’un environ-
nement socioéconomique favorable à la croissance, c’est-à-dire par la libérali-
sation de l’économie. Cette stratégie a été reformulée, au début de la décennie,
par un plan d’action intitulé « Document de stratégie de réduction de la pauvreté »
(DSRP), dont les trois principaux axes sont les suivants :
améliorer les performances économiques en faisant participer les pauvres ;
développer les services essentiels de base (éducation, santé, eau potable)
et élargir les filets de sécurité sociale au profit des couches les plus vulné-
rables de la population ;
mettre en place un cadre institutionnel favorable à la croissance économique
et à la réduction de la pauvreté, et renforcer les capacités, afin d’améliorer
la gouvernance et les relations entre l’administration et les administrés
(Institut national de la statistique [INSTAT], 2000, p. 22-23).
Cette démarche s’insère dans le programme global de libéralisation et
répond à la définition du « développement » proposée par la Banque mondiale,
laquelle repose largement sur « l’opportunité à saisir » que représente pour les
pauvres la croissance économique, particulièrement en Afrique subsaharienne
(Banque mondiale, 1994 ; Killick et al., 2001). Cette lecture du développement
n’est pas remise en cause par le rapport final sur les industries extractives. À
Madagascar, cette « opportunité » prend la forme des objectifs suivants pour les
prochaines années :
Une croissance moyenne [annuelle] de 9,3 % pour 2000-2010 (contre 7 % en
moyenne pour 2000-2015) est nécessaire pour réduire la pauvreté au tiers de
la population en fin de période et ces perspectives sont envisageables si les
opportunités offertes par le marché international et le rythme de mise en œuvre
des réformes sont respectés. Le Gouvernement prendra ces niveaux de crois-
sance comme base de programmation des actions contre la pauvreté et fera en
sorte que les conditions pour leurs réalisations soient remplies. Ces conditions
concernent notamment les décisions sur les investissements sur les grandes mines,
le secteur touristique et les télécommunications, le maintien du dynamisme
du secteur manufacturier exportateur, la relance du secteur agricole pour lui
permettre d’assurer une croissance moyenne de la valeur ajoutée du secteur
supérieure à 4 %, le retour à la compétitivité du secteur manufacturier hors
zones franches et l’avancement du programme de privatisation des entreprises
publiques (INSTAT, 2000, p. 23, nous soulignons).
6. Anosy ou nosy, en malgache, signifie « île » et, avant de devenir le nom de cette région du
sud-est de Madagascar, Anosy désignait l’île de la rivière Fanjahira, connue maintenant sous
le nom d’Efaho. La région est divisée en deux sous-préfectures, Tolagnaro et Amboasary, qui
regroupent 38 communes, dont Tolagnaro, la seule ayant le statut de commune urbaine.
148 Ressources minières en Afrique
[…] en 1987, les lois n’étaient pas favorables. Nous avons travaillé durement
pour établir avec l’État une convention d’établissement, signée en 1998. Cette
convention, qui est une loi de Madagascar, ajuste la fiscalité à ce style de projet
minier et cadre le projet. D’ailleurs, la nouvelle loi sur les grands investis
sements miniers s’inspire beaucoup de notre convention d’établissement
(Ralevazaha, 2005).
8. Comme elle le dit elle-même : « La Banque a mené le dialogue sur les politiques liées à l’ex-
ploitation minière à Madagascar. Il s’agit du seul donateur capable de fournir une approche
intégrée d’assistance technique au gouvernement en matière de développement institu-
tionnel et de réformes réglementaires dans le but de stimuler l’investissement privé dans le
secteur minier, et ce, de manière éthique et écologique » (Banque mondiale, 2003a, p. 19).
En plus d’être un catalyseur financier et « idéologique » dans un pays comme Madagascar,
le Groupe de la Banque mondiale demeure un des principaux bailleurs de fonds. Le finan-
cement associé à la Banque mondiale se réalise principalement par l’entremise de l’Agence
internationale de développement (IDA). Pour fins de comparaison, la dette associée au FMI
ne représentait en 2005 que 6,49 % du montant total des prêts et du financement bilatéral.
L’IDA fournissait plus de 65 % du financement, les autres sources étant bilatérales (prin-
cipalement la France, mais aussi les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et l’Italie) (Banque
mondiale, 2005).
150 Ressources minières en Afrique
10. Loi n° 99-022 du 19 août 1999 portant sur le nouveau code minier ; Décret n° 2000-170 et
n° 2000-308 du 15 mars 2000 fixant les conditions d’application de la Loi n° 99-022 du
19 août 1999 portant sur le code minier et sur la création du Bureau du cadastre minier
de Madagascar ; Arrêté n° 7802/2000 du 24 juillet 2000 portant sur les différents modèles de
permis et autorisation exclusive de réservation de périmètre ; Arrêté interministériel
n° 12032/2000 sur la réglementation du secteur minier en matière de protection de l’environ-
nement ; Loi n° 2001-031 du 8 octobre 2002 établissant le Régime spécial pour les grands
investissements dans le secteur minier malagasy (République de Madagascar, 1999a).
11. Voir à ce sujet la Loi n° 99-022 portant sur le code minier (République de Madagascar, 1999b).
152 Ressources minières en Afrique
Ministère – Octroie ou refuse l’Autorisation environnementale pour les opérations soumises à l’étude d’impact
de l’Environ environnemental (EIE).
nement – Prononce des sanctions administratives à l’encontre des contrevenants.
– Signe les conventions spécifiques établies pour les projets miniers éligibles.
– Octroie le quitus environnemental.
– Préside les comités techniques d’évaluation (CTE).
– Assure conjointement avec l’ONE et la Cellule environnementale, et en association avec
les Collectivités territoriales décentralisées, le contrôle et le suivi des plans de gestion environ
nementale du projet (PGEP) pour les opérations minières soumises à l’EIE.
Office – Assure la cohérence intersectorielle et le contenu technique en matière d’analyses, de normes et
national d’efficacité des mesures d’atténuation, et de réhabilitation dans l’élaboration et l’évaluation des
pour l’envi EIE et des PGEP.
ronnement – Appuie techniquement l’élaboration des règles concernant le plan d’engagement environnemental (PEE).
– Détermine l’éligibilité du demandeur de convention spécifique relative à l’évaluation d’une EIE.
– Participe aux CTE.
Ministère de – Établit les zones réservées dans les conditions précisées dans le code minier, autorise les travaux à
l’Énergie et l’intérieur des zones de protection prévues et détermine les zones de protection supplémentaires.
des Mines – Prononce les sanctions administratives à l’encontre des contrevenants à ces interdictions.
– Prend la décision d’approbation ou de refus des PEE sur avis de la Cellule environnementale ou du
comité ad hoc d’évaluation, selon le cas.
Cellules – Jouent le rôle d’interface entre les opérateurs miniers et l’Administration environnementale.
environne – Répondent à toutes questions des opérateurs concernant l’interprétation de la réglementation applica
mentales ble au secteur minier en matière de protection de l’environnement, l’évaluation de leurs EIE ou PEE, le
contrôle de leurs PGEP ou PEE, et les procédures relatives au quitus environnemental.
– Participent à l’élaboration des directives techniques sur la description des projets miniers et les mesures
d’atténuation et de réhabilitation appropriées en fonction du type d’opération minière.
– Sont membres d’office du CTE.
– Présentent les projets miniers aux CTE et assurent le contrôle et le suivi des PGEP.
Directions – Décident de l’octroi ou du refus de l’Autorisation environnementale pour les opérations soumises à un
provinciales PEE aux titulaires de Permis PRE12 sur avis technique de la Cellule environnementale.
du ministère – Envoient aux contrevenants un avertissement selon les modalités du Décret de MECIE13.
de l’Énergie – S’assurent que l’Inspection minière intègre et contrôle les PGEP et PEE des opérations minières dans
et des Mines ses travaux d’inspection et en dresse des rapports qu’elle transmet au CTE.
Bureau du – Localise sur la carte cadastrale les zones de restriction en indiquant leur situation légale et géogra
cadastre phique selon les données fournies conformément aux dispositions du présent arrêté.
minier – Transmet à l’ONE et au ministère de l’Environnement la liste des zones de restriction créées en
vertu du code minier ainsi que leurs données légales et géographiques.
– Assume le rôle de guichet unique pour le dépôt des études et plans environnementaux élaborés sur
les projets miniers, et achemine les dossiers aux autorités compétentes.
– Délivre les autorisations environnementales aux titulaires de Permis miniers.
Source : République de Madagascar et al. (2000).
12. Permis PRE: permis de recherche et d’exploitation octroyé aux petits opérateurs par le code
minier (République de Madagascar, 2000, p. 2).
13. Directive de MECIE (mise en compatibilité des investissements avec l’environnement), décret
no 99-954 du 15 décembre 1999 relatif à la mise en compatibilité des investissements avec
l’environnement (République de Madagascar, 2000, p. 2).
154 Ressources minières en Afrique
14 Notamment par des mécanismes réglementaires spécifique tels que le décret MECIE,
l’Arrêté interministériel sur la réglementation du secteur minier en matière de protection
de l’environnement ou encore le Code minier, qui inclut des articles spécifiques touchant
l’environnement.
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 157
de la région, le projet a obtenu en 2001 (voir figure 4.1) son permis environne-
mental pour le secteur Mandena, la première phase du projet, dont les travaux
ont débuté en 2005 (carte 4.1).
Antsiranana
(Diego Suarez)
ANTSIRANANA
A F R I Q U E MAHAJANGA
Mahajanga
M A D A G A S C A R
Toamasina
(Tamatave)
ANTANANARIVO
Antananarivo TOAMASINA
(Tananarive)
Fianarantsoa
FIANARANTSOA
Toliara
(Tuléar)
TOLIARA
Secteur STE-LUCE
Zone minéralisée
Limite du permis
d’exploration
Secteur MANDENA
Secteur PETRIKY
la Revue des industries extractives (EIR, 2003a) l’a montré, les impacts sur les
environnements naturel et humain sont nombreux et complexes, à la fois dans
la phase de construction (port, infrastructures) et dans la phase d’exploitation
(extraction des sables et séparation des minéraux), et s’échelonnent sur une
période qui pourrait aller jusqu’à soixante ans. Le but de notre analyse, dans
les limites de la législation que nous avons présentée, est principalement de
comprendre l’arbitrage entre les intérêts des différents acteurs impliqués dans
le projet pour en faire une réponse aux problèmes de « développement » de
Madagascar en général, et de la région de Tolagnaro en particulier.
Une étape importante de cet arbitrage consiste à faire du projet un « point
de passage obligé » de la problématique du développement, c’est-à-dire une action
reconnue comme nécessaire au développement de la région (l’objectif des
législations minières et environnementales), à la « lutte contre la pauvreté »
et à la préservation, ou à une meilleure gestion, des ressources naturelles. Dans
ce processus, les impacts du projet ont tendance à être présentés comme géné-
ralement positifs pour la région, de façon à intéresser l’ensemble des acteurs
concernés et, idéalement, à les mobiliser dans la mise en œuvre du projet.
Sans pouvoir prétendre y répondre spécifiquement, cette tendance s’inscrit
néanmoins dans la perspective proposée par l’une des recommandations de la
Revue des industries extractives qui suggère d’exiger des entreprises qu’elles s’en-
gagent dans des processus participatifs avec les communautés et les groupes direc-
tement affectés par les projets afin d’obtenir leur consentement sur les compo-
santes du projet les touchant directement. Le résultat prend nécessairement la forme
de multiples compromis desquels le projet actuel est issu. Cela pose un certain
nombre de questions fondamentales pour la problématisation de ces enjeux :
Quels groupes d’acteurs sont les principaux bénéficiaires du projet ?
Par qui et pourquoi le projet minier est-il étiqueté comme « positif » pour
la région ?
Quels sont les fondements des oppositions ?
Qui a-t-on réussi à intéresser et comment a-t-on réussi à mobiliser les
autres groupes d’acteurs à l’égard du projet ?
La section suivante propose quelques clarifications.
Acteurs Caractéristiques
Promoteur En dehors de la rentabilité du projet, le promoteur cherche à faire accepter les caractéris
tiques sociales et environnementales de son projet.
Gouvernement Dans les contextes économique et politique caractérisés notamment par une forte
malgache dépendance extérieure, nous posons l’hypothèse que les décideurs politiques (élus ou
non) trouvent leur intérêt dans le projet minier dans la mesure où celui-ci constitue
un catalyseur de financement international multilatéral et bilatéral, public et privé.
ONG et scientifiques Ce sont les acteurs individuels ou institutionnels provenant du milieu « scientifique ».
de la conservation Leur objectif est de protéger le milieu naturel (faune et flore) de la dégradation causée
principalement par l’homme. La problématisation pose donc l’hypothèse que ces acteurs
– biologistes, anthropologues, primatologues, organisations non gouvernementales
internationales ou malgaches – sont a priori réfractaires au projet minier.
Population rurale Économiquement pauvres, ils dépendent des ressources naturelles pour se loger, se
chauffer et se nourrir. Dans la problématisation, on pose l’hypothèse que ces acteurs
sont conscients de leurs intérêts à long terme et entretiennent une position paradoxale
face au projet : il constitue une « opportunité à saisir » mais leur condition précaire de
survie en limite l’accès.
Bailleurs de fonds Les bailleurs de fonds, la Banque mondiale en particulier, apparaissent comme des
« catalyseurs » de réflexions et d’actions visant à faire d’un projet d’investissement
privé un véritable projet de « développement » en organisant et en « traduisant » les infor
mations de façon à gagner l’adhésion des autres acteurs à leurs stratégies de
libéralisation économique.
17. Par le processus d’évaluation environnementale réalisé par QMM et présenté à l’Office
national pour l’environnement malgache (voir la figure 4.1).
164 Ressources minières en Afrique
Cette citation suggère non seulement que le projet soulève une forte oppo-
sition de la part d’organisations environnementales telles que les Amis de la
Terre, Conservation International et le World Wildlife Fund (WWF), mais elle
montre que le processus sous-jacent d’intéressement – c’est-à-dire l’argumentaire
utilisé pour convaincre les autres groupes de la problématisation – n’est pas
suffisant pour mobiliser tous les groupes d’acteurs. Que l’intérêt des ONG de la
conservation soit en concurrence avec celui des promoteurs du projet ne sur-
prend pas. Il est clair que toutes formes de destruction des ressources naturelles
– au premier chef la destruction systématique que nécessite le dragage des sables
minéralisés – constituent une menace à long terme non seulement pour la
biodiversité, mais aussi pour la légitimité du groupe d’acteurs lui-même.
En fait, la situation qu’engendre le projet place ce groupe devant un
paradoxe : d’une part, la destruction des ressources naturelles ajoutera de la
pertinence à la position des ONG de la conservation, c’est-à-dire à l’urgence
de conserver ce qu’il reste de ressources ; d’autre part, l’accélération de la
Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 165
Cette assertion montre combien les avis peuvent être partagés, ce qui rend
pratiquement caduque l’existence même de la « population rurale » comme
groupe d’acteurs aux intérêts communs. Finalement, la perception de l’opportu-
nité ou du problème que représente le projet s’établit au niveau de l’individu
qui, dans un contexte de survie, est disposé à faire bien des compromis pour
améliorer sa condition. Cependant, des caractéristiques et des perceptions com-
munes à l’ensemble de la population rurale nous permettent non seulement
d’insister sur la pertinence d’un tel groupe, mais aussi d’identifier d’autres
obstacles à la mobilisation pour le projet. Un de ces aspects concerne la relation
que la population rurale entretient avec son environnement, c’est-à-dire son
espace de vie. Dans les zones rurales de Madagascar, l’espace n’est pas seulement
habité, utilisé, mais il est aussi objet de pensée, matière et source de systèmes de
représentation qui, à leur tour, modèlent les perceptions, les attitudes et les com-
portements. Cela signifie que le projet de QMM s’intègre dans un univers spatio-
temporel sur lequel s’est appliquée la pensée d’une culture et qui, par ailleurs,
est l’un des déterminants de celle-ci. Compte tenu de cette perception de l’espace,
les changements apportés par le projet minier, en remodelant l’espace, auront
certainement des effets sur l’univers social, culturel et économique des popula-
tions (QMM, 2001a, 3.35). Parmi les craintes, on trouve le rapport aux lieux fady
(tabous) qui touche directement la relation entre les espaces physiques et spiri-
tuels, dont les ancêtres demeurent le vecteur :
En dépit des pourparlers qui ont eu lieu et des assurances qui auraient été
données, l’avenir d’Evatra préoccupe aussi bien la population du Fokontany
que les populations environnantes : […] « À Evatra, maintenant, les gens sont
préoccupés, on parle beaucoup : le village d’autrefois va-t-il être déplacé ? et
les kibory, qu’en fera-t-on ? Le fokonolona a peur. » Nous avons demandé s’il
existait des cas où des kibory avaient été touchés dans la région. Le cas se serait
déjà produit puisque des quartiers de Tolagnaro sont d’anciennes sépultures.
Le nom de la ville signifierait : « là où les ossements sont nombreux ». Les os
sont toujours là. Seulement, précise-t-on, il s’agit de cimetières de vazaha
[étrangers]. […] « Ce ne sont pas des Tanosy qui y sont enterrés mais des
Vazaha. Il n’y eut aucun Tanosy enterré dans ces kibory de Vazaha, aucun. »
Dans tous les villages où nous avons mené des entretiens, nous avons demandé
quels étaient les lieux fady. On nous répondait invariablement que les employés
de la Compagnie avaient déjà posé cette question et s’étaient engagés à ce que
les kibory ne soient pas touchés. À chaque fois on nous déclarait également :
« nous n’accepterons pas que l’on touche aux kibory » […] affirmation suivie
aussitôt par l’énumération des lieux fady (QMM, 1992, p. 225).
En plus de la relation à l’espace, l’autre frein potentiel à la mobilisation est
de nature économique, c’est-à-dire directement lié à la logique des promoteurs.
Nous avons déjà évoqué le fait que les familles rurales complètent leur revenu
par la vente de roseaux (mahampy). Ce revenu est d’autant plus important qu’il
est souvent le seul entre les récoltes qui permet d’acheter de la nourriture et
autres biens de première nécessité. La crainte de perdre l’accès au mahampy a
été soulevée de façon systématique par la population rurale lors des consultations
168 Ressources minières en Afrique
précédant l’étude d’impact de QMM (2001a, 3.41) et témoigne des enjeux que
soulève la problématisation du projet pour la région : il ne suffit pas d’investir
massivement dans des équipements et des infrastructures – dont les impacts
sociaux et environnementaux sont par ailleurs importants – pour créer des emplois
(spécialisés ou non spécialisés) que très peu de villageois seront en mesure
d’occuper. Comme le dit justement la Revue des industries extractives :
Le risque existe que les bénéfices et les coûts découlant des industries extrac-
tives soient inégalement partagés. Bien que les communautés locales supportent
les impacts sociaux et environnementaux négatifs des activités de l’industrie
extractive, elles peuvent bien ne pas profiter de la plupart des revenus [qui en
découlent] (EIR, 2003a, p. 5).
fiscaux est déjà difficile à réaliser, mais présenter un projet minier comme une
source de protection des ressources naturelles montre jusqu’à quel point les groupes
d’acteurs ont été difficilement en mesure de se comprendre et de s’entendre au
cours des quinze dernières années, malgré les multiples tentatives en ce sens.
CONCLUSION
Ce chapitre a permis de mieux comprendre, dans un contexte de redéfinition du rôle
de l’État et de libéralisation du cadre légal, comment les investissements directs
étrangers constituent un vecteur de changements importants, non seulement pour
l’économie nationale et régionale, mais aussi pour les conditions sociales et environ-
nementales prévalant dans l’espace où le projet minier est mis en œuvre. Dans le
contexte de la Revue des industries extractives, la présentation du cas de QMM a
permis d’explorer quelques enjeux liés aux relations entre certains groupes d’acteurs
clés pour la mise en œuvre du projet, en identifiant comment les promoteurs ont
tenté d’intéresser, de convaincre et de mobiliser la population rurale.
La vague de réformes du secteur minier est venue en réaction à l’établis-
sement d’un projet d’envergure (QMM) qui a influencé l’élaboration des lois et
décrets qui régissent le secteur minier à Madagascar, en particulier en ce qui
concerne les avantages accordés aux grands investisseurs. La raison pour laquelle
différents intérêts sous-jacents au projet convergent (ou ne convergent pas) ne
relève pas seulement d’une décision quant à la manière de développer la région
de Tolagnaro. Nous avons proposé, en abordant cette question, un ensemble
d’hypothèses sur l’identité des acteurs concernés, leurs objectifs et leurs relations.
Nous avons vu que chaque acteur met de l’avant ses propres intérêts, plus ou
moins bien définis. Cette démarche nous a aidé à mieux comprendre pourquoi
les promoteurs ont présenté le projet d’extraction minière comme un « point de
passage obligé », positif et inévitable, dans lequel chaque groupe était invité à
trouver son intérêt.
Comme nous l’avons montré dans ce chapitre, le « modèle de développe-
ment » adopté pour la mise en œuvre du projet minier à Tolagnaro repose sur
l’équation voulant que la croissance des exportations contribue à faire reculer
la pauvreté tout en protégeant la biodiversité. L’introduction du volet protection
de l’environnement dans le cadre juridique et réglementaire du secteur minier
a été provoquée par deux facteurs :
l’envergure des risques réels sur l’environnement, relevée par les évalua-
tions d’impact environnemental ; et
la nécessité de répondre aux objectifs de la politique environnementale du
gouvernement (et par conséquent de répondre aux exigences de certains
bailleurs de fonds et organismes internationaux qui allouent des fonds au
pays dans le domaine de l’environnement).
170 Ressources minières en Afrique
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Développement minier et protection de l'environnement à Madagascar 173
cuivre
diamants
or
métaux
de type étain
Source : Géoatlas
En effet, les ressources minières de la région des Grands Lacs ont été
l’objet de toutes les convoitises (Martineau et Boulanger, 2006, p. 2 et 4). Plus
récemment, les tensions ont été décuplées autour de l’enjeu de l’appropriation
des minerais bruts et des rentes minières. Entre un pouvoir central basé à l’ouest
du pays et des richesses minières situées sur les périphéries, les facteurs de divi-
sion se multiplient. Cette dichotomie n’est pas sans créer certaines tensions,
notamment aux frontières de l’Est, où l’État ne peut compter que sur une très
faible représentation (Raeymaekers, 2007).
La guerre civile de 1960 à 1965, les conflits katangais ultérieurs (1978),
les tentations sécessionnistes ou centrifuges, ainsi que les conflits plus récents
(1996-1998, 1998-2002, 2007-2008) rythment l’histoire d’un pays dont le sys-
tème économique et social se structure historiquement autour de ses revenus
miniers. Ce sont ces ressources qui ont en grande partie participé à instaurer
au Congo 42 ans de dictature, 15 ans de transition politique et 7 ans de conflits
armés de dimension nationale et internationale. Entre 1998 et 2004, le nombre
de morts sur l’ensemble du territoire2, toutes nationalités confondues, était
estimé à 4 millions (Coghlan et al., 2006). Plus de 3,4 millions d’habitants ont
été déplacés, dont 411 000 dans les pays voisins, et 17 millions de personnes
souffrent encore de carences alimentaires. À cela viennent s’ajouter les pan-
démies, les actes de violences physiques et psychologiques, les viols, les exé-
cutions sommaires, etc. Loin des champs de bataille, la majorité des victimes
sont des civils, « victimes collatérales » de la dégradation des infrastructures
de base, de l’absence de services publics, du manque d’approvisionnement en
nourriture, de maladies, etc.
Ce chapitre s’appuie sur la troisième dimension des recommandations défi-
nies par la Revue des industries extractives (EIR) comme les « conditions favo-
rables » qui devraient permettre aux industries extractives de contribuer à la lutte
contre la pauvreté par le développement durable. Selon l’EIR, ces recomman-
dations devraient pouvoir être mises en œuvre par le Groupe de la Banque
mondiale (GBM) afin que le secteur extractif puisse jouer un rôle positif dans le
développement. Ce chapitre sera axé sur les relations existant entre la relance
du secteur minier et le respect des droits humains en RDC. Son point de départ
sera cette observation de la Banque mondiale : « Plusieurs pays ne parviennent
pas à faire le meilleur usage des flux d’avantages offerts par les industries extrac-
tives. Malheureusement, la République démocratique du Congo en fait partie3 »
(Banque mondiale, 2007, p. 13).
2. Nous tenons ici à souligner le raccourci de cette formule, car les conséquences humaines
des conflits doivent être posées dans leur dimension régionale. Les réfugiés rwandais, par
exemple, sont nombreux à avoir trouvé la mort en terre congolaise.
3. Toutes les citations originellement présentées dans une autre langue que le français ont été
traduites.
178 Ressources minières en Afrique
Or, dans la mesure où, pour l’essentiel, la promotion des droits humains
passe par la mise en place de mécanismes de répartition équitable de la richesse
nécessitant l’existence d’institutions légitimes implantées dans l’ensemble du
territoire, ces réformes méritent d’être interrogées dans leurs fondements. Dans
le cas particulier de la RDC et pour ce qui est de la situation actuelle, les réformes
entreprises au nom de la « gouvernance » et de l’instauration d’un État de droit
débouchent sur une série de constats qui méritent attention, et soulèvent surtout
un certain nombre de questions qui restent toujours sans réponses. Dans ce
chapitre, nous apportons certaines explications, pour mieux comprendre
ces interrogations.
C’est pour répondre aux sérieuses préoccupations que soulevait le manque
de retombées des activités minières sur la réduction de la pauvreté, et notamment
à cause des critiques concernant sa propre participation, que le GBM s’est impli-
qué dans ce domaine. Comme nous l’avons vu, parmi les diverses initiatives
entreprises par le GBM, la création de l’EIR dans le but de réviser les pratiques
de l’institution dans le secteur est d’une importance capitale (EIR, 2003a, 2003b).
La place centrale que les recommandations de l’EIR ont accordée au respect des
droits humains a permis de faire de cette problématique un enjeu central
dans la promotion d’investissements capables de contribuer aux objectifs des
programmes de « lutte contre la pauvreté ».
Bien que l’EIR constitue, de la part des IFI, une initiative intéressante pour
faire le point sur leur engagement dans le secteur extractif, plus encore il convient
de souligner l’engagement des auteurs du rapport pour proposer des solutions
concrètes aux problèmes diagnostiqués. À ce propos, un constat doit être fait
concernant le décalage entre, d’une part, le diagnostic et les recommanda-
tions de l’EIR, et, d’autre part, leur faible prise en compte dans les pratiques
subséquentes du GBM.
Les principales recommandations de l’EIR quant aux droits peuvent se
résumer comme suit :
1. Le GBM est fortement encouragé à adopter une approche basée sur les
droits humains.
2. L’intégration des obligations en matière de droits humains doit être envisa-
gée à toutes les étapes des projets, de leur conception à leur mise en œuvre
et suivi. Pour garantir l’application de ces normes, le GBM devrait inclure
des revues indépendantes, en faisant appel à des tiers expérimentés et aptes
à vérifier la situation des droits humains.
3. Au chapitre des droits de la personne, la Société financière internationale
(SFI) et l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA)
doivent évaluer le passé en matière de respect des droits humains des
sociétés avec lesquelles elles travaillent. Il importe d’apporter des garanties
pour que les projets financés par le GBM soient élaborés et mis en œuvre
conformément aux normes applicables de la Déclaration universelle des
180 Ressources minières en Afrique
perspective débouche ensuite sur un questionnement sur les liens existant entre
la relance du secteur et les objectifs affichés de réduction de la pauvreté qui
légitiment les activités minières. La situation toute particulière de la RDC nous
permet d’avancer quelques pistes d’analyse pour poser les enjeux de promotion
des droits humains dans un pays post-conflit, tout récemment engagé sur la voie
de la « démocratisation ».
Dans la mesure où l’enjeu, posé par les IFI, est le passage d’un état de fait
à un État de droit, l’actuelle superposition des systèmes de droits dans le secteur
minier congolais mérite d’être interrogée. L’étude des évolutions récentes dans
ce domaine permettra d’effectuer un retour sur les recommandations de l’EIR
et de préciser les enjeux de responsabilité sociale et politique sur lesquels débouche
toute considération soucieuse de prendre en compte la complexité des enjeux
de promotion des droits humains, notamment dans un contexte comme celui de
la RDC.
Cette initiative concertée n’est pas sans rappeler que, déjà en 20025, la
communauté internationale, en concertation avec les acteurs politiques congolais
réunis à Sun City (Afrique du Sud), avait signé un accord politique en vue de
garantir une transition gérée conjointement. Le Comité international d’accom-
pagnement de la transition (CIAT) et la Mission de l’Organisation des Nations
Unies en République démocratique du Congo (MONUC) ont supervisé la tran-
sition politique. Avec l’élection du nouveau gouvernement, le CIAT laisse place
à un nouveau mécanisme de suivi et de coordination politico-économique, porté
par les mêmes pays, correspondant à l’engagement renouvelé de la communauté
internationale d’intervenir en faveur du Congo (Conseil de sécurité de l’ONU
[CS], 2006).
En amont du renforcement des mécanismes de contrôle des programmes
de développement, depuis 2001, la réforme de l’État a déjà été largement amor-
cée. Ainsi, dans le secteur minier, la pénétration des nouvelles normes pour la
« bonne gouvernance » est facilitée par la réforme entreprise en 2002. Elle débou-
che sur l’adoption du nouveau Code et Règlement miniers, une réforme du
système foncier et une nouvelle Loi des investissements.
Le cadre légal est investi par les IFI comme vecteur essentiel pour asseoir
les nouvelles normes de développement et garantir leur application dans le cadre
des programmes de lutte contre la pauvreté. Ces derniers induisent une recon-
figuration en profondeur de la nature même de l’État en Afrique. Une nouvelle
architecture s’élabore, avec comme caractéristique marquante une certaine tech-
nicisation des approches des enjeux du développement. Il en découle une volonté
de renforcer les instruments institutionnels, légaux et gestionnaires de contrôle
des pratiques afin de garantir que soient appliquées les nouvelles pratiques de
« bonne gouvernance » ou de bonne gestion. Rompant avec les « États patrimo-
niaux », facteurs d’enrichissement personnel d’une élite, désormais assimilés à
des bassins de corruption, les nouvelles politiques de développement sont pré-
sentées comme la solution pour assainir l’État et implanter des pratiques de
bonne gestion de la chose publique. Le renforcement de l’État de droit, la fin
de la crise économique et le règlement de la dette sont envisagés comme les
principaux leviers des politiques de développement.
Ces réformes sont accompagnées par la volonté de transférer un maximum
de prérogatives de l’État vers le secteur privé, entre autres pour alléger la charge
financière de certaines fonctions régaliennes. Plus encore, il s’agit de réduire le
plus possible les fonctions de production et de distribution de l’État, par une
double logique de décentralisation et de privatisation censée être sécurisée par
5. À la suite des Accords de paix de Pretoria (Afrique du Sud, 1er mars 2003), les présidents
congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagamé ont signé un accord destiné à mettre fin
à quatre ans de guerre en République démocratique du Congo et à sauvegarder la stabilité
de la région des Grands Lacs.
184 Ressources minières en Afrique
humains et financiers pour assurer que ce cadre, présenté comme garantie pour
lutter contre la pauvreté, soit réellement respecté ? La question des moyens est
malheureusement trop peu abordée.
Pour illustrer la refonte en profondeur des institutions sur laquelle ont
débouché les réformes, citons la création du Comité de pilotage de la réforme
des entreprises du portefeuille de l’État (COPIREP), en 2002. Ses principales
missions sont d’assainir les finances de l’État et de relancer la compétitivité des
principaux secteurs de l’économie. À ce titre, le COPIREP, qui fonctionne avec
le soutien technique et financier de la Banque mondiale, est rapidement devenu
un centre névralgique du pouvoir. Il préside non seulement à l’élaboration du
code des investissements ainsi qu’à la création de l’Agence nationale pour la
promotion des investissements (ANAPI) et du cadastre minier, mais est éga-
lement en charge de la rénovation de la loi minière, de celle du code forestier, de
la création de guichets uniques aux exportations, du renforcement des capacités
de l’administration chargée des mines, de la réforme des entreprises publiques, de
l’adoption d’une loi contre le terrorisme et pour lutter contre le blanchiment
des capitaux, de la prise en charge des personnes vulnérables, etc.
L’hypercentralisation de la reconfiguration légale et institutionnelle du
secteur minier détonne avec la volonté affichée par les IFI de promouvoir la
décentralisation et la participation des populations, au moyen des programmes
de lutte contre la pauvreté, dans l’assise de la démocratie en RDC.
Les recommandations du rapport final de l’EIR s’inscrivent, en effet, dans
une approche basée sur les droits comprenant les droits civils de participation
à la sphère publique. Poser la participation élargie comme condition d’un
meilleur fonctionnement du secteur minier revient à poser la problématique
de la démocratisation du secteur.
En RDC, la démocratisation politique et économique de la gouvernance
minière est d’autant plus importante que, jusqu’ici, les populations bénéficient
peu des retombées positives des programmes de développement du secteur.
Le service du cadastre minier (CAMI) créé lors des réformes illustre cer
taines limites de tels processus quand les remaniements institutionnels ne prennent
pas ou peu en compte l’histoire, la culture et le rôle d’un secteur dans l’espace
social et politique du pays. Le CAMI, établissement public, concentre des enjeux
considérables, car sa mission consiste à sécuriser la propriété minière, la gestion
des procédures d’octroi, de déchéance et d’annulation des droits miniers. À ce titre,
le CAMI peut être considéré comme la vitrine du secteur minier congolais pour
les investisseurs. Or, peu après sa création en 2003, à la suite d’une série de plaintes
émanant d’entreprises étrangères, le CAMI est indexé pour ses insuffisances
gestionnaires et la partialité de certains de ses agents. Après le licenciement de son
premier directeur général, puis sa fermeture en 2004, le CAMI est soumis à un
audit organisationnel réalisé par un cabinet international qui envisage sa restruc-
turation (Kuediasala, 2007). Depuis novembre 2005, le cadastre minier a vu se
succéder quatre directeurs généraux.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 187
6. En 1982, Erwin Blumenthal, banquier allemand, cadre du FMI, fut mandaté par le FMI pour
limiter la kleptomanie du régime Mobutu. Il réalisa un rapport accablant. À la suite de quoi
il démissionna et dénonça l’appui continu, ponctué par l’augmentation des versements de
la Banque mondiale et du FMI.
188 Ressources minières en Afrique
7. Se rajoutent à cette liste les rapports classés confidentiels Ernst & Young France (2006) et
Duncan et Allen (2006).
8. Fruit de la résolution n° DIC/CEF/04 d’avril 2002 (Dialogue inter-congolais, 2002).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 189
9. À titre d’illustration, le contrat passé en avril 2003, d’une durée de quatre ans, entre la MIBA
(Société minière de Bakwanga), contrôlée à 80 % par l’État congolais, et la compagnie cana-
dienne Emaxon engage la MIBA à vendre, contre un prêt de 15 millions dollars américains,
l’essentiel (88 %) de sa production à la compagnie canadienne, à un tarif deux fois inférieur
à celui du marché artisanal. Cet exemple illustre comment certains accords léonins peuvent,
encore aujourd’hui, participer à priver l’État, et donc les populations, des revenus tirés de
l’exploitation de leurs ressources minières.
10. Selon le code minier, 5 % des actions des sociétés minières doivent être cédées à l’État pour
l’exploitation de « gisements vierges ». Cette part passe entre 12,5 % et 25 % dans le cas d’une
association avec des compagnies d’État défaillantes.
190 Ressources minières en Afrique
elle serait, dans certains contrats, réduite à une représentation étrangère qui laisse
peu de doute sur l’absence de mécanismes de contrôle public de l’évolution
des projets.
En résumé, il ressort de ces rapports que la relance de l’activité minière
a fonctionné selon une logique d’attribution des droits échappant presque tota-
lement aux mécanismes législatifs et institutionnels destinés à instaurer une
bonne gestion du secteur. Certaines hypothèses explicatives se retrouvent dans
le rapport Kalala. La culture de l’État patrimonial qui, depuis des décennies,
continue à jouer un rôle de vache à lait pour des élites corrompues, est le socle
sur lequel ont été assises les réformes, sans qu’un mécanisme de mise en cause
des personnes responsables de tels actes permette au préalable d’assainir la
sphère polico-économique congolaise dans le secteur minier.
De plus, en RDC, les nouveaux cadres légaux semblent inapplicables du
fait de l’insuffisance des ressources humaines et matérielles gouvernementales
(Comité des droits de l’homme, 2005), largement affaiblies par les objectifs de
remboursement de la dette et de réduction des coûts engendrés par l’État.
Malgré les réformes engagées, certaines décisions font donc craindre pour le
fonctionnement du secteur en matière de droits humains. Or, de telles décisions
engagent le pays pour des décennies.
La diffusion de ces rapports officiels a débouché sur des crises politiques
majeures au sein du gouvernement de transition, en impliquant directement
ou indirectement des membres du pouvoir en place, des dirigeants de compa-
gnies minières étrangères et certains hauts fonctionnaires internationaux. Pour
la première fois dans l’histoire du pays, ces rapports portent officiellement sur
la scène publique, nationale et internationale, le problème de la collusion entre
le pouvoir politique et la sphère financière, collusion qui se serait développée
dans un climat de totale impunité, au détriment des intérêts de l’État et
des populations.
Commandés par l’État et l’ONU, ces rapports permettent d’accréditer, à
partir de sources officielles, certaines hypothèses couramment avancées par la
majorité des analystes et observateurs de la RDC depuis l’ère Mobutu. Les
rapports du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale, transmis au Conseil
de sécurité de l’ONU, confirment que le pillage des ressources naturelles conti-
nue, malgré le retrait des troupes étrangères. Les auteurs vont jusqu’à accuser
54 personnalités issues des milieux politique et des affaires, originaires de la
RDC, du Rwanda, de l’Ouganda et du Zimbabwe, d’être directement impli-
quées dans le commerce illicite de certains minerais à haute valeur ajoutée
(Tegera et Johnson, 2007). Derrière ces accusations de non-respect des légis-
lations, on comprend aisément qu’il s’agit, plus globalement, d’accuser les
élites politiques et économiques de soutenir directement ou indirectement
des configurations favorables à des violations massives des droits humains.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 191
12. Le terme employé a son importance. La renégociation de contrats déjà signés est un pro-
cessus complexe qui nécessite plusieurs étapes et qui débouchera, en 2009, sur la révision
de certains contrats (Africa Mining Intelligence, 2008).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 193
déboucher sur des annulations. Face à cette opportunité d’ouverture d’un espace
de négociation, certaines organisations non gouvernementales (ONG) congo
laises ont proposé leur expertise à la commission ministérielle (RDC, 2007) ad
hoc chargée de revisiter une soixantaine de contrats miniers, dont 41 concernent
des entreprises basées au Katanga, onze dans la Province Orientale, six dans le
Kasaï-Oriental et cinq dans le Maniéma.
La révision a débuté en juin 2007 et a créé un climat politique des plus
tendus, du fait notamment des réticences exprimées par certains groupes de
pression qui courent le risque d’y perdre certains avantages financiers. Au vu
des pressions politiques et financières qui s’exercent sur le gouvernement, cette
initiative est actuellement dénoncée par la société civile pour l’opacité et l’aspect
limité du processus. Une mobilisation parallèle a débouché, en août 2007, sur
la « revisitation » de 12 contrats miniers par un groupe d’experts du Forum de la
société civile (Civil Society Forum of the DRC [CSF], 2007).
Dans un tel contexte, même si le rapport Lutundula conserve une portée
importante, beaucoup envisagent avec pessimisme une possible révision des
contrats jadis signés avec l’aval de la présidence. Et ce d’autant plus que la recon-
duction de Joseph Kabila à la tête du pays assoit le pouvoir de certains protago-
nistes de la sphère politico-économique impliqués dans la gestion erratique du
gouvernement de transition.
Au-delà du processus de relance économique, la permanence des irrégu-
larités, le manque de transparence et le peu d’espace accordé à la société civile
maintiennent le secteur minier congolais dans la tension d’une double culture
contradictoire (opacité et corruption versus transparence et légalité). Rappelons,
à titre informatif, qu’en 2007 seulement six des 237 entreprises minières pré-
sentes en RDC ont publié leurs statistiques d’exploitation (FMI, 2007). Le
potentiel fiscal de l’État dans le secteur extractif (mines, gaz et pétrole) est
encore largement méconnu et donc probablement sous-estimé, au même titre
que les principales régions minières du pays échappent en partie au contrôle
de l’État central.
13. Le Service de l’environnement minier est un service public qui fait partie du ministère des
Mines.
14. Possédant sa propre personnalité juridique, le SAESSCAM est un service public autonome
dont la responsabilité spécifique est la petite exploitation minière.
196 Ressources minières en Afrique
15. Pour plus d’informations sur les minerais de la RDC, voir Euromines (1999).
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 199
humains récurrents dans les provinces minières (Kasaï, Kivu et Katanga). Face
aux intérêts en jeu, les conditions d’application de la législation minière ne
semblent nulle part réunies.
La Constitution institue une « Conférence des Gouverneurs présidée par le
Chef de l’État » (RDC, 2006a, Art. 3), pour organiser l’application de ces dispositions
du code minier. Mais le cadre légal, qui attribue 40 % des redevances aux provinces
minières, voit son application hypothéquée par deux motifs principaux. Tout d’abord,
les besoins actuels de l’État central sont immenses, pour rembourser la partie non
annulée de la dette qui demeure importante et restaurer son autorité et sa légiti-
mité. Or, les provinces minières comptent sur ce mode de répartition des revenus
« affec�����������������������������������������������������������������������������
tés exclusivement à la réalisation des infrastructures de base d’intérêt com-
munautaire » (RDC, 2002, Chap. III, Art. 242). Elles exercent donc des pressions
politiques pour que les dispositions constitutionnelles soient appliquées. Comme
le fait remarquer Bonne (2003), « il est improbable que les régimes délèguent de
réels pouvoirs ni des ressources aux dirigeants ruraux à qui ils ne font pas confiance
ou qu’ils ne peuvent pas contrôler ». Ce motif, qui s’inscrit dans l’histoire du pays,
pourrait suffire à expliquer la rétention des revenus par le pouvoir central.
des pratiques observées aux plus hauts niveaux de l’État et posent « la question
des processus par lesquels l’autorité est exercée dans la gestion des ressources
économiques et sociales » (Campbell et Ahado, 2007, p. 1) du pays. Dans les
provinces et à un niveau très local, de telles pratiques, qui allient culture de la
corruption et menaces, impliquent souvent directement acteurs économiques
principaux et représentants de l’autorité publique.
Enfin, les violences non maîtrisées renvoient à une logique de « guerre »
qui se perpétue malgré la fin officielle du conflit. Le trafic illicite de minerais
alimente toujours le commerce des armes et le financement de milices, qui pren-
nent le contrôle des zones minières toujours stratégiques. Les rapports du Groupe
d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC recensent
les principales zones de conflit directement liées à l’économie minière (Kassem
et al., 2003). Ainsi, les zones minières situées dans l’est du pays (Ituri, Nord-Kivu
et Sud-Kivu) et dans le nord du Katanga sont toujours des territoires à forte
menace pour les populations locales. Ce sont précisément les zones dans les-
quelles l’économie minière est la moins structurée, où domine le secteur informel,
à la différence des provinces où la Gécamines et la MIBA exploitent les minerais
sur un mode industriel. Durant la transition, comme plus tard, les violences com-
mises contre des civils par les FARDC reviennent comme un leitmotiv dans la
majorité des rapports de la MONUC. Trafic d’armes, violences intertribales, vio-
lences sexuelles, ponction et exploitation des populations locales, déplacement
de populations, enfants soldats, semblent être le lot quotidien de la majorité des
habitants de ces territoires.
L’ONG Human Rights Watch, dans son rapport The Curse of Goldin
Democratic Republic of Congo, témoigne de l’ampleur des violations des droits
humains constatées dans des dizaines de sites miniers visités :
L’or est un facteur important dans les violations des droits humains dans le
nord-est de la RDC. Le gouvernement de la RDC, ses voisins, les donateurs
internationaux de l’ONU et le secteur privé doivent travailler ensemble pour
arrêter le commerce clandestin de l’or et des autres ressources (Human Rights
Watch, 2005, p. 129).
Ce rapide tour d’horizon montre l’ampleur des défis à relever pour appli-
quer la politique nationale minière en matière de promotion et de respect des
droits humains. Le rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur la RDC daté de
janvier 2007 relève la complexité des enjeux qui lient les groupes armés, les États
de la région, les réseaux criminels, le trafic illicite d’armes, auxquels s’ajoutent
des logiques de corruption à grande échelle (CS, 2007). Cela étant, la situation
aux frontières semble s’être améliorée depuis la fin de la transition. La relation
entre exploitation des ressources et activités armées paraît s’être distendue. Dans
quelle mesure une telle culture de la violence peut-elle continuer à dominer dans
un secteur ayant été théoriquement réformé en profondeur (Dufresne, 2007) ?
Selon un rapport commandité en 2005 par le Conseil économique et social de
l’ONU, une partie de l’explication résiderait dans le statut extrêmement précaire
des employés des forces armées, des fonctionnaires et autres agents de l’État.
« Sous-payés ou impayés, ces “représentants légaux” contribueraient à encourager
l’impunité, la corruption, les harcèlements et assassinats, notamment de journa-
listes et défenseurs des droits de l’Homme » (Pacéré, 2007). Ce climat de semi-
anarchie est à comprendre dans sa dimension historique, depuis l’indépendance
du pays, lorsque sous le régime de Mobutu, ces pratiques faisaient déjà partie
d’une stratégie de gouvernance par la terreur.
16. Gouvernement dont l’exécutif est composé d’un président et de quatre vice-présidents.
204 Ressources minières en Afrique
Enfin, l’État central doit être en mesure d’adopter une politique minière
adaptée aux besoins des provinces et assortie de mécanismes de traçabilité des
fonds et de reddition de comptes. Ce sont à la fois les investisseurs privés et les
fonctionnaires qui doivent être soumis à ces politiques, afin d’instaurer une com-
mune exigence de transparence et de collaboration.
Même si la législation prévoit l’application de tels mécanismes, le manque
de fonds, de moyens humains et d’expertise locale risque encore de la compro-
mettre dans les principales régions minières. Ce sont pourtant de telles mesures
qui pourraient permettre à la nouvelle législation minière de rompre avec les
logiques de pillage qui dominent le secteur depuis des décennies. À l’heure actuelle,
des réformes ont été adoptées, dans un contexte de manque de contrôle du pouvoir
central et de faiblesse des institutions. On ne peut que s’interroger sur le réel
potentiel d’application des clauses les plus coûteuses et contraignantes pour l’État
et les investisseurs (sociales et environnementales), dans un environnement où
continue à régner un climat de relative impunité. À cet égard, il semble que les IFI
privilégient le recours à la superposition des systèmes de droits pour pallier les
faiblesses de l’État.
17. En 2006, l’élaboration des termes de référence du Plan minier est destinée à préciser les
orientations, les objectifs et les moyens de la politique sectorielle.
206 Ressources minières en Afrique
Quels sont les objectifs reliés aux droits humains quand ils sont liés aux critères
de performances des entreprises ?
– Aider les clients à traduire les violations des droits humains comme des
risques potentiels au sein de leur entreprise.
– Aider les clients à mobiliser les droits humains comme des occasions de créer
de la valeur ajoutée.
L’enjeu est de traduire les normes reconnues de droits humains en critères
pratiques et d’application générale pour les investissements dans le secteur
privé dans les pays en développement (Kyte, 2005).
Il reste donc à envisager dans quelle mesure ces différents outils seront
réellement mis au service de la promotion des droits civils, économiques et
sociaux des populations, et garantir le maintien de la paix dans les zones minières
qui sont encore le siège de luttes violentes.
18. Se reporter également aux nombreux rapports destinés au Conseil de sécurité élaborés par
le groupe des experts sur la situation en RDC (voir ONU, 2007).
19. William Swing, le chef de la MONUC, a tenu une conférence au Centre d’études stratégiques
de l’Afrique à Washington, D. C., le 3 mai 2007. Au cours de la rencontre, intitulée « War,
Peace and Beyond », il a exposé les accomplissements de la MONUC, ainsi que les défis à
venir non seulement pour cette mission, mais pour l’ensemble des opérations de maintien
de la paix de l’ONU.
Gouvernance, droits humains et secteur minier en République démocratique du Congo 209
CONCLUSION
Aucun autre pays d’Afrique ne possède un potentiel minier aussi considérable
que celui du Congo. Nulle part ailleurs, selon certains analystes, la désagrégation
de l’État n’a été poussée aussi loin (Misser et Vallée, 1997).
Pour Colette Braeckman, la RDC a participé, au cours des dernières
années, à une véritable course d’obstacles :
[…] référendum constitutionnel, élections législatives et présidentielles, mise
en place d’une Assemblée élue. […] Un socle de légitimité a été constitué, des
courants politiques existent, des alliances se négocient. À cette étape-ci
également, on constate que le pire n’est pas sûr, que les prévisions les plus
pessimistes sont démenties par les faits (Braekman, 2006).
Maintenant que le pays s’inscrit dans une logique de sortie de crise, se pose
la question des conditions de mise en œuvre des réformes. L’étude de la situation
des droits humains constitue une porte d’entrée pertinente, en raison de l’ap
proche holistique qu’elle nécessite et dans la mesure où cette dimension est une
priorité affichée par la communauté internationale pour mesurer l’effectivité
des progrès réalisés.
Une de nos hypothèses a été que la promotion des droits humains suppose
la mise en place de mécanismes de répartition équitable de la richesse nécessitant
l’existence d’institutions légitimes implantées dans l’ensemble du territoire. Nous
considérons également que la promotion des droits implique une approche du
développement qui dépasse les approches légales et gestionnaires pour poser
l’enjeu de la responsabilité sociale et politique des différentes catégories d’ac-
teurs dans la protection des droits. Il est essentiel de tenir compte de ces deux
dimensions dans un pays aussi complexe que la RDC, comme d’ailleurs dans de
nombreux pays d’Afrique, puisqu’elles représentent des défis majeurs de mise
en œuvre. Interroger la dimension des droits revient à évaluer non seulement la
capacité du secteur minier à participer au développement durable, mais aussi
l’exemplarité de ce pays eu égard aux programmes de développement élaborés
par les bailleurs de fonds internationaux.
Kirsti Samuels remarque à ce sujet : « Bien que l’État de droit revête une
importance accrue dans les pays post-conflit, peu de lignes directrices précisent
les manières d’entreprendre de telles réformes ou en quoi la stratégie adoptée
devrait différer de celles des pays en développement » (Samuels, 2006, p. 6). À
court terme en RDC, les tentatives de restauration de l’État de droit semblent,
en effet, basées sur l’atteinte de critères de performance et la promotion d’une
212 Ressources minières en Afrique
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CONCLUSION
régulation ». Et Szablowski poursuit ainsi : « il semble que les États soient eux-
mêmes impliqués dans le transfert d’autorité légale aux entreprises minières dans
le but de gérer la médiation sociale » (Szablowski, 2007, p. 27).
Selon le même auteur, une autre des stratégies d’adaptation mises de
l’avant par les États serait une « absence sélective » (Szablowski, 2007, p. 28).
En fait,
[a]lors que les régimes légaux étatiques pouvaient servir d’intermédiaire entre
les intérêts des investisseurs et ceux des communautés, dans la pratique,
legouvernement s’était absenté des plusieurs importantes parties du pro-
cessus. En outre, le cadre légal établi par l’État a de façon informelle délégué
aux sociétés minières la responsabilité d’assumer les coûts liés aux demandes
locales de médiation sociale (Szablowski, 2007, p. 45).
Les tendances constatées au Mali font en fait partie d’un modèle qui
semble aussi exister, de façon générale, ailleurs en Afrique. Elles peuvent être
expliquées en étant resituées à l’intérieur d’un contexte où l’adoption de normes
et d’initiatives environnementales à l’échelle internationale, la création de fonds
de développement communautaire, ainsi que l’identification de projets de déve-
loppement émanant du cadre de la responsabilité sociale corporative ont contri-
bué au transfert, vers les entreprises minières présentes, des responsabilités liées
à la satisfaction des besoins sociaux et de protection de l’environnement, sans
questionner davantage et en passant en grande partie sous silence le rôle des
institutions publiques nationales dans ce processus.
Au-delà de la nécessité d’instaurer des normes sociales et environnemen-
tales et de la capacité à les faire respecter, la réduction de la pauvreté et la
protection de l’environnement nécessitent une approche intégrée afin de régle-
menter les pratiques de l’industrie minière, approche qui devrait être en mesure
de tenir compte à la fois des conséquences des mesures économiques introduites
pour attirer les investissements miniers et du besoin de renforcer les capacités
des institutions nationales en matière de supervision et de contrôle. Comme
l’illustre le cas du Mali, à bien des égards, la faible priorité accordée à ces dimen-
sions dans les récentes réformes, en dépit du processus de révision recom-
mandé par l’EIR, laisse largement non résolus et inchangés les problèmes liés
à la contribution de l’industrie minière au développement.
À cet égard, au fil du temps, le contexte politique national au sein duquel les
réformes du secteur minier ont été introduites (caractérisé, dans certains cas et à
différents degrés, par un manque de transparence administrative, mais aussi par
un manque croissant d’imputabilité politique et institutionnelle) a contribué à
affaiblir la capacité des gouvernements à faire respecter les réglementations
existantes, de manière à veiller à l’atteinte de résultats contraignants, dans l’intérêt
du pays. Un tel contexte a aussi grandement limité la capacité des gouvernements
à apporter et à imposer des mesures correctives ou à formuler des politiques alter-
natives, si nécessaire. Cependant, les problèmes de « faible gouvernance » ont habi-
tuellement été décrits non pas comme un affaiblissement du contrôle politique,
mais comme un dysfonctionnement des processus administratifs (dont la « cor-
ruption » demeure probablement l’exemple le plus représentatif) auquel l’instau-
ration d’un ensemble approprié de bonnes procédures administratives pourrait
remédier. Paradoxalement, comme l’étude de cas sur la Guinée l’a clairement
démontré, les anciens modèles de réforme des régimes légaux mis en place par les
institutions financières multilatérales se sont avérés parfois étonnamment compa-
tibles avec le prolongement, et non pas la redéfinition, des relations qui engendrent
la corruption.
Pour poursuivre avec l’expérience de la Guinée, dans le contexte de la
récente période de transition politique, il y a lieu de se demander si, en l’absence
d’un redressement considérable des relations asymétriques actuelles, d’une trans-
formation des processus politiques et de l’émergence de politiques visant à inté-
grer le secteur minier pour qu’il s’impose comme un catalyseur de transformation
structurelle, les investissements récents et futurs dans le secteur bauxite-aluminium
peuvent réellement satisfaire les attentes. Selon nous, afin d’évaluer la capacité
des réformes actuelles de promouvoir des formes de gouvernance favorables aux
pauvres dans les pays d’Afrique riches en ressources minières, il apparaît essentiel
de comprendre les origines et la nature de l’héritage structurel politique et éco-
nomique ayant contribué à prolonger les relations asymétriques qui caractérisent
le secteur. Étant donné que la question du respect des droits humains abordée
par l’EIR réfère aux dimensions sociales, culturelles et politiques du déve
loppement, un examen de ce volet du processus de réforme du secteur minier
pourrait être vu comme une condition complémentaire aux dimensions tech
niques et administratives habituellement placées au cœur des discussions sur
la « gouvernance ».
Le chapitre 5, sur la République démocratique du Congo (RDC), relate
une expérience historique qui peut être qualifiée d’extrême et dans laquelle le
processus de réforme du secteur minier a coïncidé avec le retour massif de
l’investissement étranger. Toutefois, l’approche privilégiée, basée sur la libérali-
sation rapide du secteur, semble avoir été très peu apte à générer un modèle
de développement capable de corriger ou même de limiter les violations
des droits humains de grande envergure directement liées au déploiement des
activités minières.
Conclusion 231
Bien que les débats sur les moyens de parvenir au développement par la
promotion des activités à l’échelon communautaire soient indéniablement impor-
tants, une plus faible (et possiblement aucune) attention a apparemment été
accordée au rôle que les États doivent assumer pour garantir un impact positif
sur le développement socioéconomique à l’échelle nationale.
En ce qui concerne le renforcement des capacités institutionnelles et poli-
tiques pour exercer un meilleur contrôle sur le développement des activités
minières, il semble paradoxal que les institutions financières multilatérales conti-
nuent parfois de privilégier des procédures qui facilitent le contournement des
liens extrêmement importants entre les fonctions de perception de recettes du
gouvernement et son rôle en matière de développement. À cet égard, les princi-
pales sociétés minières actives en Guinée ont accepté de verser des impôts anti-
cipés au pays, mais ces ressources devaient être réservées et versées directement
pour le remboursement des créanciers extérieurs, notamment le FMI. De telles
pratiques se soustraient aux fonctions étatiques et laissent ainsi de côté le besoin
urgent de renforcer la capacité institutionnelle et la transparence de l’État. De
plus, elles soulignent la pertinence de la recommandation de l’EIR visant le
renforcement de la gouvernance en tout premier lieu, avant même de chercher
à promouvoir les activités minières d’envergure, afin que les pays puissent faire
face aux risques que suppose l’élaboration de projets d’extraction majeurs. La
perpétuation de telles pratiques depuis la publication du rapport de l’EIR sou-
lève la question du danger de contribuer au prolongement des anciens processus
politiques internes et modes de distribution des recettes, plutôt que de contribuer
à leur redéfinition.
Ce qui apparaît être en jeu ici, c’est le besoin de redéfinir la manière dont
les questions de « gouvernance » sont abordées et les programmes particuliers
de gouvernance sont définis, dans le but de veiller à ce que les activités du secteur
extractif renforcent, au lieu d’affaiblir, les processus d’élaboration de politiques
contribuant aux objectifs de développement économique et social à long terme,
ainsi qu’à la protection des droits humains et de l’environnement.
Cela nous amène à une autre question fondamentale : à qui la respon-
sabilité de définir le programme de gouvernance incombe-t-elle ? Comme le
suggère Szablowski, devant une plus grande prise de conscience et un nombre
croissant de critiques concernant ce qui semble représenter des tendances fortes
236 Ressources minières en Afrique
souligner que le fait que le GBM ait demandé cette revue a marqué un tournant
décisif. À cet égard, l’EIR a eu le mérite de soulever des questions touchant le
besoin de parvenir à une meilleure capacité en matière de régulation, et ce,
d’une manière holistique. Étant donné que les recommandations visaient les
pratiques du GBM dans un secteur particulier, leur formulation n’a pas tenu
compte des questions complexes liées au renforcement de la capacité de régu-
lation des États et à l’examen des implications du transfert à des acteurs
privés de la responsabilité primordiale de développer le secteur minier dans
les pays concernés.
Les études de cas contenues dans cet ouvrage se sont appuyées sur les
recommandations et l’approche proposées par l’EIR, qui ont clairement
reconnu que limiter les réformes à l’implantation de meilleures normes ne suffit
manifestement pas à garantir que le secteur extractif pourra servir de levier au
développement social et économique dans les pays d’Afrique riches en res-
sources minières. Ces études de cas nous amènent à conclure qu’il est essentiel
d’adopter une approche plus globale pour comprendre les anciennes tendances
des réformes et leur impact sur les activités minières en Afrique. Une telle
démarche se doit d’être propre à chaque expérience historique nationale, tout
en incluant deux aspects fondamentaux. D’une part, il faut tenir compte de la
conception du « modèle de développement », du rôle qu’il a assigné aux acteurs
publics et privés et, notamment, de l’espace qu’il alloue aux stratégies d’appui
du développement pour leur permettre d’atteindre les objectifs de développe-
ment fixés. D’autre part, et de manière connexe, il est essentiel d’examiner la
conformité du programme de gouvernance proposé à la fois pour appuyer le
modèle de développement retenu et pour légitimer les pratiques de distribution
des ressources qui l’accompagnent. À cet égard, on doit accorder une plus
grande attention à la question de la légitimité du processus de réforme lui-
même. Comme le conclut Szablowski, le fait que l’autorité légale de facto soit
transférée des régimes nationaux vers les régimes transnationaux (Szablowski,
2007, p. 299) suggère la nécessité d’œuvrer pour développer des stratégies rigou-
reuses de légitimation publique au sein des systèmes légaux transnationaux.
En ce qui a trait à l’objectif du processus de réforme en tant que tel, dans la
mesure où cette initiative continue d’être dictée par des intérêts extérieurs, la
question du renforcement de la légitimité de l’État, plutôt que son érosion,
demeure non résolue.
La tendance à réduire l’analyse des processus sociaux, politiques et éco-
nomiques déterminés historiquement à des solutions administratives qui
seraient valides universellement, comme semble le faire une grande partie de
la communauté des bailleurs en utilisant le paradigme de gouvernance, soulève
des contradictions et des problèmes de cohérence quant à deux questions
fondamentales, soit :
238 Ressources minières en Afrique
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NOTICES BIOGRAPHIQUES
Bonnie Campbell
Professeure, Département de science politique, Faculté de science politique
et de droit
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 514-987-3000, poste 4574
téléc. : 514-987-0218
Thomas Akabzaa
Professeur et directeur, Département de géologie
Université du Ghana, Legon (Ghana)
<[email protected]>
tél. : 233-24- 24325686
Thomas Mba Akabzaa est titulaire d’un baccalauréat en géologie et d’un doctorat
en Mining Environment Management de l’Université du Ghana (Legon, Ghana),
ainsi que d’une maîtrise en Mineral Economics de l’Université McGill (Montréal,
Canada). Il enseigne l’exploration minière, l’économie minière et la gestion
environnementale minière, et est actuellement le directeur du Département de
géologie de l’Université du Ghana. Ses intérêts de recherche incluent l’évaluation
de l’investissement minier, l’industrie minière et l’environnement, les industries
extractives et le développement durable, les systèmes pétroliers, l’évaluation des
vulnérabilités et de la qualité de l’air, les changements environnementaux glo-
baux et le développement économique ainsi que les initiatives globales dans le
secteur extractif. Dr Akabzaa a plus de 30 publications scientifiques à son actif
et a dirigé de nombreux projets de recherche dans plusieurs pays d’Afrique,
incluant la prévalidation de l’engagement du Ghana dans l’Initiative pour la
transparence dans les industries extractives (ITIE), des programmes de formation
pour le Multi-Stakeholder Group on EITI en Sierra Leone, ainsi que des recher-
ches portant entre autres sur la législation et les systèmes de taxation dans cer-
tains États africains et leur impact sur le développement national, ainsi que les
questions de genre associées aux politiques du Ghana en matière d’extraction
pétrolière. Il est membre de plusieurs conseils et comités au sein de l’Université
du Ghana, de l’Expert Group on Extractives de l’Integrated Social Development
Centre (ISODEC) et agit à titre de membre associé du Third World Network et
du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA, UQAM).
Gisèle Belem
Collaboratrice, Groupe de recherche sur les activités minières
en Afrique (GRAMA)
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 450-672-8807
Bruno Sarrasin
Professeur, Département d’études urbaines et touristiques, École des sciences
de la gestion
Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 514-987-3000, poste 7075
téléc. : 514-987-7827
Marie Mazalto
Chercheure associée au Centre international de recherche agronomique pour le
développement (CIRAD), France, et au Groupe de recherche sur les activités
minières en Afrique (GRAMA), Université du Québec à Montréal
<[email protected]>
tél. : 33 (0)4 67 59 38 87
négatifs 13, 54 K
importation 26, 40, 41, 44, 48, 103, 107, 123,
154 Kabila, Joseph 182, 183, 191, 193, 203
capacités de la Guinée en matière d’ – 92 Kabila, Laurent-Désiré 191, 192
d’articles à des fins d’exploitation minière Kagamé, Paul 183
39
de matières premières et transformées 139 Kalala (rapport –) 188, 190, 191, 201
imputabilité Kouyaté, Lansana 67
besoin d’ – 42, 104
des compagnies, environnementale et
sociale 120
et transparence 4, 42, 57, 110, 229 L
manque d’ – 3, 53, 72, 74, 106, 107, 230
langue 5, 25, 70, 143, 177
Indicateur du développement humain (IDH)
législation voir les noms des pays individuels
98, 178, 208
légitimité (questions de –) 1, 2, 3, 5, 108, 110,
Indonésie 6, 45
164, 178, 198, 200, 201, 204, 206-208, 211, 212,
Inégalité(s) 233, 235-237
au Ghana 52
lignite 145
en RDC 211
exacerbées par l’exploitation minière 118, lixiviation en tas 35
198, 231
voir aussi pauvreté, pouvoir
information 9, 86, 119, 131-133, 148, 192, 209,
214-216
M
infrastructure 77, 82, 148, 166, 234 Madagascar 13, 14, 167, 224
Initiative diamant et développement 206 Anosy 147, 158
Arrêté interministériel sur la réglementa-
Initiative pour la transparence dans les indus- tion du secteur minier de – 154-156
tries extractives (ITIE) 47, 57, 58, 103, 107, Bureau du cadastre minier (BCMM) de –
113, 206, 217 149, 151, 153
Institutions de Bretton Woods voir Banque Charte de l’environnement applicable à –
mondiale, Fonds monétaire international, 151, 154, 155, 158
institutions financières internationales code minier de – 148, 149, 151, 152, 154,
Institutions financières internationales (IFI) 156
18, 31, 33, 115, 118, 121, 143, 178, 203, 205, Document de stratégie de réduction de la
218 pauvreté (DSRP) de – 146
exigences des – 2, 181, 185, voir aussi ajus- économie/stratégie économique de – 143,
tement structurel, programmes d’ajuste- 145-148
ment structurel exploitation minière à – 144, 145, 148, 158,
idéologie des – 138 160, 162-164
responsabilités des – 191 Institut de gemmologie (IGM) de – 150
rôle des – en RDC 181, 191 Loi sur les grands investissements miniers
rôle joué dans l’élaboration du cadre d’in- de – 149
vestissement par les – 2 Mandena 147, 158, 164, 165
voir aussi les institutions individuelles par Ministère de l’Énergie et des Mines (MEM)
nom de – 144, 145, 152-155, 162
Ministère de l’Environnement de – 152,
investissement 2, 13, 16, 18, 26, 27, 31-33, 40, 153, 155
41, 47, 53, 77, 78, 82, 101-104, 120, 139, 143, Office des mines nationales et des indus-
149, 151, 161, 170, 187, 195, 199, 200, 225, 233 tries stratégiques (OMNIS) de – 158,
critères d’– à court et à moyen terme 17 161, 162
investissement étranger 27, 30, 74, 80, 81, 109, Office national pour l’environnement
150, 207, 230 (ONE) de – 152-155, 157, 163
promotion de l’– de la part des institutions Projet de gouvernance des ressources miné-
financières 119 rales (PGRM) de – 149
Irlande 79, 89
Index 251
Programme des Nations Unies pour le permis minier 32, 145, 154, 155
développement (PNUD) 30, 65, 98, 99, voir aussi droit(s) aux ressources
178 Pérou 21, 45
Rapport du Groupe d’experts de l’– (sur la
RDC) 188, 190, 201, 202 perspective historique (utilisation d’une –)
Sommet mondial pour le développement 11, 75
durable (SMDD) de l’ – 6 petites exploitations minières et mines artisa-
Organisation internationale du travail (OIT) nales (PEMMA) 60, 61, 150
15, 180, 200 location des – 36
menacées par les grandes concessions 36,
Organisation mondiale de la santé (OMS) 60
129, 130, 133 nécessité d’accorder plus d’importance
Organisation mondiale du commerce (OMC) aux – 37
67, 71, 99, 100, 102, 105 recommandations de l’EIR sur les – 12
Organisation(s) non gouvernementale(s) pétrole et gaz
(ONG) 129, 133, 163-165, 193, 195, 201, à Madagascar 145
202, 210 au Ghana 27
en tant qu’acteurs 161 dans les pays pauvres 178
recommandations de l’EIR en matière
OSWAL 94 de – 8
Otto, James M. 25, 45, 103-105, 141, 184, 219 plans d’intervention d’urgence (recommanda-
Ouganda 190, 197, 202 tions de l’EIR sur les –) 8
Platinum Works Inc. 145
politique environnementale (recommanda-
P tions de l’EIR sur la –) 144, 158, 169
populations autochtones voir autochtones
paiements d’indemnité(s) 35, 37
pouvoir 48, 52, 54, 76, 81, 139, 160, 164, 166,
insuffisance des – 59
172, 177, 186, 187, 189, 190, 193, 198, 201,
préjugés liés au genre dans les – 59
203-205, 208, 210
refusés aux exploitants artisanaux – 60
et gouvernance 3, 4
parties concernées/acteurs et modes de régulation politique du secteur
distribution de redevances aux – 57 minier 3, 4, 104, 229
et consultation au Ghana 37 et processus de consultation biaisés 37
impliqués dans le projet Tolagnaro 161 impact des déséquilibres du 16, 233
opinions des – sur les activités du GBM 6 voir aussi inégalité(s)
pauvreté 9, 12, 15, 16, 19, 47, 106, 145, 147, 148, privatisation 74, 89, 90, 119, 146, 183, 199, 207,
156, 160, 168, 169, 172, 177, 178, 183-187, 195, 225
196, 213, 215, 224
prix 33, 40, 73, 74, 89, 94, 143, 185, 198
à Madagascar 144, 165
de l’alumine/aluminium 82-86
au Ghana 30, 52-55
de l’or 29, 34, 47
en RDC 197, 209
de la bauxite 78, 80, 81, 85, 86, 92
et proximité des activités minières 54, 55
des biens de première nécessité 99
pauvreté (réduction de la –) 6, 11, 25, 32, 33, des métaux rares 199
42, 44, 52, 53, 60, 61, 67, 68, 93, 95, 99, 100, des ressources minérales, impact du – 17,
107, 114, 115, 120-122, 134, 139, 150, 163, 164, 18, 34
171, 179, 180, 181, 217, 220, 223, 227, 228, 233 du cobalt 199, 209
à Madagascar 146, 166 du cuivre 199
au Ghana 27, 28, 55 négociations de – en Guinée 72
devant provenir des activités extractives
processus décisionnels (intégration du public
27
dans les –) 11
directe, locale et régionale 13
voir aussi consultation
en Guinée 70-72, 97, 98
et allégements fiscaux accordés aux compa- profits (rapatriement des –) 91
gnies minières 26, 49, 50 programmes d’ajustement structurel 73, 122,
recommandations de l’EIR sur la – 7, 10 134, 137, 181, 227
Pechiney 76-79, 85, 86 voir aussi ajustement structurel
Index 253
protection de l’environnement 32, 38, 44, 45, Comité de pilotage de la réforme des entre-
47, 62, 121, 137, 139, 144, 148, 153-156, 169, prises du portefeuille de l’État (COPI-
172, 226-228, 234 REP) en – 186
à Madagascar 151 Comité international d’accompagnement
au Mali 128, 134 de la transition (CIAT) en – 183
manque de capacité de l’État en matière Constitution de la – 182
de 1, 137 disparités territoriales en – 193
prise en charge de la – par les entreprises Document de la stratégie de croissance et
135 de réduction de la pauvreté de la – 204
recommandations de l’EIR sur la – 7 économie de la – 208, 209
zones protégées 8 exploitation minière en – 175-178, 187-191,
193-196, 208-210
gouvernement de la – 203-205
Ituri 197, 202, 208
Q Kasaï Oriental 196, 197, 209
Katanga 193-202, 210, 214, 215, 217, 218,
QIT Madagascar Minerals S.A. (QMM) 145, 220
147-149, 152, 158-161, 163, 165-170, 172, 224 manque d’imputabilité en – 3
manque de transparence des relations
en – 3
Nord-Kivu – 197, 202
R Rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur
la –, voir Organisation des Nations Unies
Ratsiraka, Didier 162 réforme de l’État en – 183-186
Ravalomanana, Marc 143, 162 réserves minérales en – 175, 192
recettes (minières) 26, 29-31, 35, 36, 44-50, 55, Service de l’environnement minier de
61, 62, 69, 70, 71, 75, 80-87, 89-96, 98, 99, 101, la – 195
103, 104-110, 127, 176, 218, 229, 232, 235 service du cadastre minier (CAMI) de
capacité du gouvernement à gérer les – 53 la – 186
partage des – à l’échelle locale, régionale, Sud-Kasaï – 198
nationale 56, 58 Sud-Kivu – 197, 202
problèmes de distribution des – 56, 58 violations des droits humains en – 14
voir aussi redevances minières, taxation violence en – 177, 198, 201-203, 208, 210,
231
redevances (minières) 25, 26, 29, 32, 33, 35,
38, 43, 44, 48, 123, 126, 138, 149, 150, 185, 225 résidus 3, 8, 14, 132, 185
attitudes envers les – 45, 47 responsabilité sociale
chefs traditionnels et – 36 définition du GBM de la – 5
difficultés à évaluer les – 47 d’entreprise 5, 228
ententes de partage des – 57, 58, 104, 166, ressources 1-5, 15, 18, 19, 25, 27, 28, 30-34,
201 39-41, 43, 45, 48, 61, 68, 70, 72-74, 79, 83, 89,
suggérées (et taux réels des –) 39- 41 99, 104, 107, 110, 115, 117, 119, 120, 130, 135,
réduction de la pauvreté voir pauvreté 137, 144, 147, 160, 161, 163-165, 168, 169, 175,
réinstallation (déplacement de populations) 177, 184, 188-194, 197, 198, 201-203, 224, 226,
politique relative à la – 13 229, 230-233, 235-238
problèmes liés à la – 35, 55, 59 cadres pour le développement des – 17
volontaire, recommandations de l’EIR sur droits aux –, voir droit(s) aux ressources
la – 7, 15 et mauvaise performance économique 178
« malédiction » des 52, 116, 137
République démocratique du Congo (RDC) minérales 45, 50, 52-54, 59, 150, 162, 173
12, 21, 67, 179, 180, 206, 211-213, 229, 230,
232 retenues d’impôt 41, 47
Agence nationale pour la promotion des Revue des industries extractives (EIR) 5, 11,
investissements (ANAPI) de la – 186 12-17, 19, 26, 27, 68, 94, 108, 115, 116, 118-
aide à la – 181-183 120, 134, 137, 144, 148, 149, 151, 152, 156,
code des investissements de la – 186 158, 160, 162, 165, 168, 169, 178, 181, 186,
Code minier de la – 183, 184, 186, 189, 190, 210, 227-232, 234, 235, 237
200 lancement de la – 6
mandat de la – 6
254 Ressources minières en Afrique
U-V W
uranium 145, 175, 194, 201 WAW 78
Vereinigte Aluminium Werke AG 76, 77 Wolfensohn, James 6
vérification 15, 39, 107 World Rainforest Movement 162, 168, 173
externe étrangère 130
VIH/SIDA 182
violation des droits humains voir droit(s) Z
humain(s)
violence Zambie 10, 45, 194, 232
en RDC 201, 203, 210, 231 zinc 226
entre les compagnies minières et les com- zircon 158
munautés locales 60
entre les petits exploitants miniers et les
grandes sociétés minières 60