RJ 2018 Agregation Externe Arts Plastiques - 1036417
RJ 2018 Agregation Externe Arts Plastiques - 1036417
RJ 2018 Agregation Externe Arts Plastiques - 1036417
Rapport de jury
Section : ARTS
Session 2018
Présidente du jury
_________________________________________________________________________________________________________
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SOMMAIRE
Cadre règlementaire 3
Programmes 7
ADMISSIBILITÉ
ADMISSION
Architecture-paysage 52
Arts appliqués-design 59
Cinéma-vidéo 63
Photographie 66
Théâtre 70
Danse 72
____________________________________________________________________
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CADRE REGLEMENTAIRE
____________________________________________________________________
Arrêté du 30 mars 2017 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les
modalités d'organisation des concours de l'agrégation
3
En prenant appui sur sa réalisation, le candidat présente et explicite son projet (démarche et réalisation). Cet
exposé est suivi d'un entretien avec le jury qui permet d'évaluer les capacités du candidat à soutenir la
communication de son projet artistique, à savoir le justifier et à en permettre la compréhension.
Durée de l'épreuve :
-élaboration du projet (comportant ou non des indications écrites) mis sous scellés : six heures ;
-réalisation du projet : deux journées de huit heures ;
-exposé (présentation par le candidat de son travail) : dix minutes ; entretien avec le jury : vingt minutes
(durée totale : trente minutes).
Coefficient pour l'ensemble de l'épreuve : 3.
2° Épreuve de leçon.
L'épreuve se compose d'un exposé du candidat suivi d'un entretien avec le jury.
Le projet d'enseignement proposé est conçu à l'intention d'élèves du second cycle.
L'épreuve prend appui sur un dossier présenté sous forme de documents écrits, photographiques et/ ou
audiovisuels et sur un extrait des programmes du lycée. Le dossier comprend également un document
permettant de poser une question portant sur les dimensions partenariales de l'enseignement, internes et
externes à l'établissement scolaire, disciplinaires ou non disciplinaires, et pouvant être en lien avec
l'éducation artistique et culturelle.
L'exposé du candidat, au cours duquel il est conduit à justifier ses choix didactiques et pédagogiques, est
conduit en deux temps immédiatement successifs :
a) Projet d'enseignement (trente minutes maximum) : leçon conçue à l'intention d'élèves. Le candidat expose
et développe une séquence d'enseignement de son choix en s'appuyant sur le dossier documentaire et
l'extrait de programme proposés.
b) Dimensions partenariales de l'enseignement (dix minutes maximum) : le candidat répond à une question à
partir d'un document inclus dans le dossier remis au début de l'épreuve, portant sur les dimensions
partenariales de l'enseignement.
L'exposé est suivi d'un entretien avec le jury (quarante minutes maximum).
Durée de la préparation : quatre heures trente ; durée de l'épreuve : une heure et vingt minutes (exposé :
quarante minutes ; entretien : quarante minutes) ; coefficient 3.
Concours de recrutement
Concours externe du Capes d’arts plastiques et concours externe et interne de l’agrégation d’arts,
option A arts plastiques
NOR : MENH1631874N
Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie ; aux vices-rectrices et vice-recteurs ; au chef de service
de l’enseignement de Saint-Pierre-et-Miquelon ; au directeur du service interacadémique des examens et
concours d’Île-de-France
La présente note a pour objectif de donner aux candidats des précisions relatives à l’esprit des épreuves
plastiques d’admissibilité et d’admission du Capes externe d’arts plastiques et des concours externe et in-
terne de l’agrégation d’arts plastiques et d’actualiser les règles relatives aux matériaux et procédures.
Elle remplace la note de service n° 2010-141 du 21 septembre 2010 qui est abrogée.
La capacité à exprimer et mettre en œuvre une intention artistique est essentielle. Pour chacune des
épreuves plastiques d’admissibilité et d’admission de ces concours, dans le cadre des arrêtés qui en fixent
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les règles générales et les modalités spécifiques, le candidat reste libre du choix des outils, des techniques
et des procédures de mise en œuvre dans la limite des consignes du sujet et des contraintes des lieux dans
lesquels elles se déroulent.
Toutes les épreuves d’admissibilité et d’admission prennent appui sur des sujets à consignes précises,
assortis ou non, selon les cas, de documents visuels et textuels.
Ces sujets impliquent :
• ‐ de la part du candidat, des réponses mettant en évidence des qualités de méthode, des savoirs, des
savoir-faire, ainsi que des compétences dans l’ordre de l’invention et de la création artistiques, nourries
• ‐ de la part du jury, une évaluation rigoureusement cadrée sur ces différents points.
Il est rappelé que dans le cadre d’un concours de recrutement, pour des raisons de sécurité, les produits et
matériels suivants sont interdits : bombes aérosol et appareils fonctionnant sur réserve de gaz, appareils à
production de flammes vives, acides, produits chimiques volatils, inflammables ou toxiques.
Concernant les fixatifs, il convient que les candidats prennent leurs dispositions pour utiliser des produits et
des techniques ne nécessitant ni préparation pendant l’épreuve ni bombe aérosol.
Sont également interdits tous les matériels bruyants, par exemple les scies sauteuses et perceuses. En
revanche les sèche-cheveux sont autorisés.
Dans la limite de la nature des épreuves et sauf indication contraire portée sur le sujet, les matériels
photographiques, vidéo, informatiques, numériques et de reprographie sont autorisés. La responsabilité de
leur utilisation et de leur bonne marche incombe au candidat. Toutefois, l’utilisation des téléphones portables
et smartphones est interdite. Les tablettes numériques sont interdites pendant les épreuves d’admissibilité ;
elles peuvent être autorisées pendant les épreuves d’admission sauf indication contraire portée sur le sujet
et à l’exclusion de tout usage de fonctionnalités sans fil.
Les candidats produisant avec des moyens numériques doivent prendre toutes dispositions avant les
épreuves pour travailler sur des équipements et avec des logiciels vierges de toutes banques de données
(visuelles, textuelles, sonores...).
Il ne sera fourni par les organisateurs du concours que l’accès à un branchement électrique usuel.
L’usage du chevalet est possible dans les épreuves d’admissibilité et d’admission sauf indication contraire
portée à la connaissance du candidat. En cas d’utilisation, le chevalet ne sera pas fourni par les
organisateurs du concours.
A. - Admissibilité
Précisions communes pour l’épreuve de « pratique plastique » d’admissibilité des concours externes
de l’agrégation et du Capes
Un support au format « grand aigle » est défini par les textes encadrant cette épreuve. Il doit être
suffisamment solide pour résister aux incidences et aux contraintes des techniques choisies ainsi qu’aux
diverses manipulations lors de l’évaluation. Le format « grand aigle » reconnu est celui de la norme Afnor :
75 x 106 cm. Il revient au candidat de préparer son support en respectant ces dimensions.
La réalisation du candidat, qui doit s’inscrire impérativement à l’intérieur de ce format, ne peut comporter ni
extension ni rabat. L’épaisseur totale ne doit pas excéder 1,5 cm.
La réalisation est produite sur un plan uniquement en deux dimensions. Elle peut être graphique, picturale,
inclure le collage, associer plusieurs techniques relevant des pratiques bidimensionnelles, intégrer
également des inscriptions ou impressions d’images produites sur place sollicitant des procédés relevant de
la gravure, de la photographie, de l’infographie, du numérique. Les pratiques du bas-relief sont exclues.
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Les techniques sont laissées au choix du candidat dans la limite des contraintes et des consignes du sujet.
Les matériaux à séchage lent sont à proscrire, les médiums secs (fusain, pastels, craie, etc.) sont à fixer.
Tout autre document de référence que ceux qui peuvent être fournis avec le sujet est interdit. Tout élément
iconographique ou textuel que le candidat souhaite introduire dans sa production doit être produit sur place
et à partir de matériaux bruts. Tout élément matériel ou formel que le candidat souhaite introduire dans sa
production doit obligatoirement donner lieu à transformation ou intégration plastique pertinente et significa-
tive.
B. - Admission
Précisions communes à l’« Épreuve à partir d’un dossier : réalisation d’un projet de type artistique »
du Capes externe et à l’épreuve de « pratique et création plastiques » de l’agrégation externe et
interne
Tout autre document de référence que ceux qui peuvent être fournis avec le sujet est interdit. Est donc
proscrit l’usage de bases de données multimédias, iconographiques, sonores et textuelles sur quelque
support que ce soit, y compris numérique.
Dans le cadre spécifique de ces épreuves d’admission, tout élément matériel ou formel que le candidat
souhaite introduire dans sa production doit obligatoirement donner lieu à transformation ou intégration
plastique pertinente et significative. En conséquence, l’utilisation en l’état de tout objet extérieur manufacturé
est proscrite, de même que sa présentation non intégrée à un dispositif plastique produit par le candidat.
Comme pour toute autre technique, les composantes numériques des productions sont réalisées dans le
cadre, le lieu et le temps imparti de l’épreuve. Cette disposition s’applique pour les pratiques intégralement
numériques.
Précision sur la mise à disposition du gros matériel pour l’épreuve de « pratique et création plastiques » de
l’agrégation externe :
Dans la mesure où les conditions d’accueil, de surveillance et d’équité sont garanties dans les locaux
hébergeant le concours, le gros matériel prévu dans le cadre de l’arrêté du 28 décembre 2009 définissant
les épreuves est mis à la disposition des candidats. Le cas échéant, avant l’épreuve, il est précisé aux
candidats par le président du concours les limites fixées à ces dispositions.
Henri Ribieras
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PROGRAMMES
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Thème : Le geste dans l'art de Dada à nos jours (sessions 2016, 2017 et 2018)
Thème : l’intime dans l’art contemporain des années 60 à nos jours (sessions
2019, 2020 et 2021)
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CHIFFRES CLÉS, ÉLEMENTS STATISTIQUES ET RÉSULTATS
DE LA SESSION 2018
_______________________________________________________________
Nombre de candidats non éliminés (n'ayant pas eu de note éliminatoire : AB, CB, 00.00, NV) : 407 soit
53.98% des inscrits
Femmes 41
Hommes : 10
EPREUVES D’ADMISSIBILITÉ
Esthétique : 11.98
Histoire de l’art : 11.39
Pratique plastique : 11.78
Barre d’admissibilité : 10
(09.50 en 2017, 08.75 en 2016, 09.00 en 2015, 08.50 en 2014, 08.25 en 2013, 08.50 en 2012, 09.25 en 2011 et 08,25
en 2010)
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ÉPREUVES D’ADMISSION
Nombre de candidats présents aux épreuves de l’admission : 48 soit 94.12% des admissibles
Nombre des candidats admis sur liste principale : 24 soit 50% des candidats présents
Note la plus haute des présents : Épreuve pratique : 19 ; Leçon : 18 ; Cultures artistiques : 19
Note la plus basse des présents : Épreuve pratique : 01 ; Leçon : 01 ; Cultures artistiques : 02
Moyennes des présents : Épreuve pratique : 08.69 ; Leçon : 06.81 ; Cultures artistiques : 10.54
Moyennes des admis : Épreuve pratique : 11.50 ; Leçon : 10.29 ; Cultures artistiques : 13.21
2017 : 09.82 pour 34 postes ; 2016 : 08.96 pour 41 postes ; 2015 : 09.07 pour 40 postes ; 2014 : 09.46
pour 35 postes ; 2013 : 09.64 pour 35 postes ; 2012 : 09.96 pour 26 postes ; 2011 : 10.61 pour 20 postes ;
2010 : 10.71 pour 16 postes
Femmes : 20
Hommes : 4
9
_______________________________________________________________
– 407 candidats ayant concouru ; 51 admissibles ; 48 candidats ayant passé le groupe des épreuves
d’admission ; 24 admis soit 5,9% du nombre de candidats.
– Moyenne des candidats admissibles : 11, 74 ; barre d’admissibilité : 10.
– Moyenne des candidats admis : 11, 73 ; barre d’admission : 9, 68.
Ce tableau ne doit pas décourager les futurs et futures candidat(e)s. L’expérience montre que ceux et celles
qui se sont sérieusement et méthodiquement préparé(e)s, sans négliger aucun des aspects des
programmes en vigueur et qui, dans leurs centres de formation respectifs, ont eu l’occasion de s’exercer et
d’expérimenter régulièrement les conditions de passage des diverses épreuves, ont de grandes chances de
réussir.
Dans sa configuration actuelle et dans les circonstances présentes, l’agrégation externe est un
concours réellement sélectif mais qui, en raison de la grande variété des exercices qu’il propose, permet aux
candidat(e)s de mettre en avant des aptitudes diversifiées. L’équilibre existant, à l’admissibilité, entre les
dissertations écrites et l’épreuve de pratique répond à celui institué, pour l’admission, entre l’épreuve de
pratique, la leçon et l’entretien sans préparation en cultures artistiques. Avec deux épreuves de pratique –
qui, chacune à leur manière, permettent de tester la maîtrise des savoir-faire, l’engagement et la culture
artistiques –, des programmes ambitieux et spécialisés en esthétique et histoire de l’art, une épreuve
professionnelle qui exige de se projeter véritablement dans une situation d’enseignement et des options qui
requièrent la capacité à mobiliser rapidement des connaissances, l’agrégation externe d’arts plastiques se
caractérise par sa complétude. Autant dire qu’elle vise une certaine universalité, fondée sur l’articulation
entre créativité, culture, méthode, discernement et distance critique. Concours d’excellence pour le
recrutement des professeur(e)s d’arts plastiques, l’agrégation externe fait appel à des compétences et des
savoir-faire complémentaires, parmi lesquels on retiendra la disposition sensible, conceptuelle et réflexive
inhérente à la posture artistique, le souci pédagogique, la maîtrise des méthodes de la dissertation écrite et
de l’exposé oral, la possession d’un savoir théorique et historique vaste autant que précis, la bonne
connaissance des diverses formes de la création artistique contemporaine. La clarté, la rigueur et le
dynamisme, l’adaptabilité et l’inventivité sont les principales qualités attendues de la part de futur(e)s
enseignant(e)s, amené(e)s à exercer auprès d’élèves d’âges différents, dans des contextes eux-mêmes fort
différents. Ces qualités doivent tour à tour se manifester dans l’analyse des sujets proposés, dans le choix
des techniques et moyens mis en œuvre et dans la manière d’en tirer parti, mais encore dans la capacité à
identifier des objectifs et dans la formulation de réponses tout à la fois explicites et singulières, enfin, dans la
prise en compte des contraintes, temporelles, spatiales, matérielles qui régissent le déroulement des
épreuves. Rien de cela, bien évidemment, ne peut s’acquérir durant la seule année de préparation au
concours : la fréquentation régulière des œuvres et des textes, la maturation nécessaire pour construire une
solide culture personnelle et parvenir à la définition d’orientations artistiques assumées, composent avec le
temps long d’une formation approfondie en arts plastiques, qui donne une égale importance aux savoirs et
habiletés pratiques et aux connaissances théoriques.
Le bon niveau général des candidat(e)s admis(es) a été souligné par les diverses commissions qui ont pu
constater que les recommandations et conseils prodigués semblaient, dans la plupart des cas, avoir été
entendus. On ne saurait trop insister sur l’importance de la lecture du présent rapport, qui doit être
complétée par celle des rapports des années antérieures. Formateurs(trices) et futur(e)s candidat(e)s y
trouveront des remarques, des mises en garde et des préconisations permettant de répondre aux diverses
questions qui peuvent être posées sur le déroulement des épreuves et sur les critères d’évaluation mis en
application.
En dépit des renouvellements de la composition du jury, des changements de programmes et des
modifications touchant certaines épreuves, on note une grande stabilité des critères comme des évaluations.
Preuve que les correcteurs des différentes épreuves n’obéissent à aucune détermination capricieuse, mais
qu’ils défendent, quels que soient les sujets donnés, les mêmes exigences. C’est bien ce qu’atteste, d’année
en année, la similarité des moyennes des notes attribuées aux candidat(e)s présent(e)s. Tout au plus
10
observe-t-on, pour la session 2018, une légère baisse des moyennes obtenues dans les épreuves
d’admissibilité. La faiblesse de la moyenne de l’épreuve de pratique d’admissibilité est malheureusement
une donnée récurrente. Trop nombreux sont les travaux réalisés dans ce cadre qui se caractérisent par une
extrême indigence, dans le maniement des moyens techniques comme dans la défense des parti-pris
artistiques. Certain(e)s candidat(e)s semblent dans une ignorance si complète des attentes que l’on en vient
à douter qu’ils(elles) aient reçu une quelconque formation dans le domaine des arts plastiques. La baisse de
presque un demi-point de la moyenne de l’épreuve d’histoire de l’art trouve ailleurs son explication. Faut-il
rappeler aux candidat(e)s qu’ils ne sauraient négliger, dans leur préparation, la partie du programme
concernant les époques antérieures au XXe siècle ? Quant à la moyenne de l’épreuve d’esthétique, elle est
légèrement inférieure à celle de la session 2017, mais elle reste supérieure à celle des sessions
précédentes.
En ce qui concerne les épreuves d’admission, on note une augmentation très encourageante de plus d’un
demi-point de la moyenne de l’épreuve de pratique et création plastiques, une épreuve pourtant fort
exigeante dans ses trois temps différenciés mais complémentaires : celui de l’élaboration du projet, celui de
la réalisation proprement dite et, enfin, celui de la défense, sous la forme d’une soutenance. La moyenne de
l’épreuve de leçon, malgré les modifications qu’elle a connues et sur lesquelles nous reviendrons en suivant,
demeure quasiment inchangée. Elle reste la plus basse des moyennes des épreuves d’admission. Et
pourtant, c’est bien là que réside l’occasion pour le (la) candidat(e) de confirmer son choix professionnel, en
testant sa capacité à transmettre une culture véritablement assimilée. La moyenne des évaluations obtenues
dans l’épreuve de cultures artistiques, pour laquelle le(la) candidate est appelé(e) à opérer un choix entre
plusieurs options, demeure quasiment identique à celle de la session 2017.
La session 2018 a vu l’introduction de modifications importantes touchant les épreuves de pratique plastique
de l’admissibilité et de leçon de l’admission ainsi que les entretiens d’option. Il convient de revenir en détail
sur celles-ci afin d’en prendre la mesure et d’en indiquer brièvement l’esprit. L’épreuve de pratique plastique
donne lieu à une réalisation « picturale, graphique, pouvant inclure le collage, associer diverses techniques,
des moyens traditionnels et numériques ». Cette indication, qui se substitue à la formule « moyens
strictement graphiques » antérieurement en vigueur, prend acte de la pluralité des pratiques
bidimensionnelles existantes et, notamment, de la possibilité de leur dialogue avec le numérique. Dans la
note d’intention qui doit désormais accompagner la production plastique, le(la) candidate peut utilement
préciser son cheminement et exprimer clairement le but qu’il(elle) s’est proposé(e). Il est toutefois regrettable
que la possibilité, ainsi octroyée, d’accroître la lisibilité de son travail n’ait pas toujours été saisie comme elle
l’aurait dû. Pour cette session, en effet, les résultats obtenus se sont montrés globalement insatisfaisants et
cela pour tout un ensemble de raisons : maladresses d’expression, fautes d’orthographe, ajouts de
références plaquées et, plus généralement, vacuité intellectuelle, déconnexion avec la réalisation proposée.
Il est fondamental que les futur(e)s candidat(e)s accordent plus de soin à la rédaction de cette note qui
compte pour 5 points dans l’évaluation globale. L’on ne saurait trop leur recommander de se préparer
sérieusement à cet aspect de l’épreuve.
L’épreuve de leçon a connu également des évolutions. Elle fait désormais place à un entretien conduit en
deux temps successifs. Durant 30 minutes maximum, le (la) candidate expose un projet de séquence
d’enseignement destiné à des élèves du second cycle en s’appuyant sur un dossier documentaire
accompagné d’un extrait des programmes du lycée. À l’issue de cet exposé, durant 10 minutes maximum, il
(elle) est invité(e) à répondre à une question portant sur une situation précise de partenariat, interne ou
externe à l’établissement dans lequel il(elle) est censé(e) enseigner. Cette situation et la question qui lui est
associée sont énoncées sur un document distinct, remis au début de l’épreuve, en même temps que le
dossier documentaire. L’introduction de ces diverses innovations marque le souhait de rapprocher l’épreuve
professionnelle de l’agrégation externe de celles, similaires, de l’agrégation interne et du Capes externe,
mais elle signale encore la volonté de mieux distinguer les deux versants de l’épreuve, tout en permettant
des mises en situation extrêmement concrètes.
Il faut enfin évoquer les transformations qui touchent l’épreuve dénommée « entretien de cultures
artistiques ». Sept options sont désormais proposées : architecture-paysage ; arts appliqués-design ;
cinéma-art vidéo ; photographie ; danse ; théâtre ; arts numériques. Comme on le voit, de nouvelles options
se sont ajoutées (danse et arts numériques), tandis que d’autres ont vu leurs intitulées modifiés
(architecture-paysage ; arts appliqués-design ; cinéma-art vidéo). Dans le premier cas, il s’est agi de prendre
en compte la délimitation actuelle des domaines de la création artistique, dans le second, de signifier le
voisinage actuel de certains champs et, en conséquence, d’inviter à des approches plus transversales.
Pour finir, je remercie le Président de l’Université de Pau qui a accepté de mettre gracieusement à notre
disposition des locaux, des équipements et des services. Je tiens à saluer l’ensemble des responsables et
des personnels qui ont permis la réussite d’une session qui s’est déroulée sans incident et dans un climat
11
tout à la fois sérieux et chaleureux : les membres du département des examens et concours du rectorat de
Bordeaux, qui ont fourni les moyens matériels nécessaires à la bonne tenue des épreuves, les agents
administratifs et techniques de l’Université de Pau, qui ont toujours su trouver sur place les solutions
adéquates, les surveillants et surveillantes, dévoués et attentifs, ainsi que les enseignantes d’arts plastiques
appelées en renfort pour faciliter le déroulement des épreuves pratiques. Mes remerciements très vifs vont
également à l’ensemble des membres du jury qui, avec conscience et bienveillance, ont accompli leur tâche
et, plus particulièrement, au Secrétaire général du concours dont l’efficacité s’est montrée sans faille, et à la
Vice-présidente qui a généreusement accepté de transmettre la précieuse expérience acquise durant les
quatre sessions précédentes.
12
ADMISSIBILITÉ
____________________________________________________________________
Sujet 2018
Les artistes ont également toujours eu besoin de moments d’oisiveté. Que ce soit pour clarifier les
expériences nouvelles, laisser mûrir les choses à l’œuvre dans l’inconscient, ou pour se rapprocher de la
nature dans un acte de renoncement désintéressé, pour redevenir enfant, se sentir à nouveau ami et frère
de la terre, des plantes, des rochers et des nuages. Peu importe que l’on compose des tableaux ou des
vers, ou encore que l’on aspire exclusivement à se construire et à s’inventer soi-même tout en jouissant de
se voir ainsi disposer d’un pouvoir créateur ; chacun se trouve sans cesse confronté à ces interruptions
incontournables. Le peintre se tient devant une toile dont il vient de faire le fond. Il sent que la concentration
et l’énergie intérieure dont il aurait besoin lui font encore défaut. Alors il commence à tâtonner, à douter, à
céder à l’artifice, et finit par tout jeter dans un mouvement de colère ou de tristesse. Il a l’impression d’être
un incapable, de ne pas pouvoir faire face à une mission ambitieuse. Il maudit le jour où il est devenu
peintre, ferme son atelier et se met à envier le balayeur de rue dont les journées s’écoulent à accomplir une
tâche aisée dans une parfaite quiétude morale. […]
Bien des vies d’artistes sont faites pour un tiers ou pour moitié de tels moments. Seuls les êtres
d’exception ont la capacité de créer de façon continue, presque sans interruption, mais ils se rencontrent
très rarement. Ainsi naissent ces périodes apparemment vides de temps libre dont la physionomie a toujours
inspiré du mépris ou de la pitié aux esprits bornés. Le philistin ne perçoit pas quel effort colossal, décuplé,
peut représenter une seule heure de création. De même, il ne comprend pas que cet artiste ô combien
bizarre qui, plutôt que de continuer tout simplement de peindre, de mettre les touches les unes à côté des
autres pour achever tranquillement ses tableaux, se montre si souvent incapable de persévérer, se jette à
terre, réfléchit sans fin et ferme pour des jours, des semaines, la chambre qui lui sert d’atelier. L’artiste lui-
même se sent d’ailleurs à chaque fois surpris et floué lorsque surviennent ces périodes d’inactivité. À
chaque fois, il est plongé dans les mêmes souffrances, les mêmes tourments, et cela se répète jusqu’à ce
qu’il comprenne qu’il doit obéir à ses propres lois, que sa paralysie s’explique de manière réconfortante
autant par un excès d’énergie que par la lassitude. Un processus est à l’œuvre au fond de lui-même, et son
vœu le plus cher serait de le faire aboutir sans plus attendre à la création d’un objet tangible, esthétique.
Mais le moment n’est pas encore venu, le processus n’est pas arrivé à maturité, il dissimule encore en lui
comme une énigme son accomplissement parfait, le seul qui lui convienne. Il n’y a donc rien d’autre à faire
que patienter.
Herman Hesse, L’art de l’oisiveté (1904), traduction française A. Cade, Paris, Calmann-Lévy, 2002,
p. 22-25.
Données statistiques :
Pour les 419 copies corrigées de l’épreuve d’esthétique et sciences de l’art, l’on obtient cette année
une moyenne générale de 7.18. Cette moyenne est en deçà de celle de l’an passé où une progression
sensible avait été relevée (avec une moyenne de 7.58, voir le rapport de l’an dernier), mais elle reste
supérieure à celles des années précédentes (6.88 en 2016 ; 6.86 en 2015). L’écart-type est de 4.02, ce qui
13
est relativement important et dénote un bon étalement des notes (de 1 à 19/20). 98 candidats ont obtenu
10/20 ou plus.
Dans la continuité des précédents, ce rapport vise à fournir une aide à la préparation de celles et
ceux qui s’apprêtent à passer l’épreuve d’esthétique et de sciences de l’art. Nous ne saurions trop insister
sur l’importance de la lecture de l’ensemble des rapports, afin d’assimiler au mieux les exigences propres à
l’épreuve et d’en comprendre les critères d’évaluation. Bien souvent, en effet, les candidats semblent se faire
une représentation confuse de la nature même de l’exercice ou projettent peut-être des attentes qu’ils
imaginent être celles des correcteurs – ce dont il faudrait parler, l’allure philosophique qu’il faudrait donner
au propos, l’actualité supposée de telle ou telle référence, etc. Pourtant la lecture attentive des rapports doit
rassurer les candidats sur ce point : loin d’avoir à anticiper quelque effet de mode ou caprice du jury, qui
rendraient aléatoire leur préparation, les candidats peuvent, en toute quiétude, se référer à des exigences
clairement identifiables pour organiser leur travail de lecture, ainsi que leurs exercices de composition. Car
les correcteurs passent, les exigences demeurent ! Le thème proposé (éclairé par la bibliographie qui lui est
adjointe) et les recommandations formulées par les rapporteurs fournissent les outils indispensables de la
préparation du concours. Par conséquent, il faut que les candidats acquièrent cette certitude absolue, quant
aux deux fondements d’une copie réussie, que sont la maîtrise du thème d’esthétique et la maîtrise de la
technique de la dissertation : ces deux fondements exigent un temps de maturation et d’exercice
incompressible. Autrement dit, un travail solide et régulier constitue la meilleure des préparations.
Il faut du temps pour s’approprier les textes et assimiler les propos des auteurs de la bibliographie. Il
faut du temps pour qu’un exercice répété d’écriture permette de satisfaire aux exigences académiques
propres à la dissertation. Tout cela peut sembler une évidence, mais trop de copies montrent encore une
préparation insuffisante, manifestement liée à un défaut d’exercice, tant au niveau de la lecture que de
l’écriture, car ces deux aspects se nourrissent mutuellement dans la préparation. En effet, il semble difficile
de s’exercer au commentaire d’œuvres, ou à la réflexion sur des théories esthétiques, sans fréquenter la
littérature critique. Ce sont à la fois des éclairages indispensables qui sont apportés et des exemples (car il
n’y a pas de « modèle » sur ce point) pour la rédaction. Bien que l’épreuve ne consiste pas dans l’écriture
d’un « essai », il s’agit bien de tenir un propos précis et cohérent sur une question donnée, ce qui suppose
un engagement réflexif personnel et une démarche qui argumente et s’interroge, examine sur pièce. La
forme imposée est celle de la dissertation, mais cette dernière sombrerait dans l’exercice de pure rhétorique
si elle n’était animée par une volonté intellectuelle et sensible authentique. En ce sens, c’est en puisant dans
leurs lectures et le sérieux d’un apprentissage au long cours, et non dans de vagues souvenirs ou
« l’inspiration du moment », que les futurs candidats trouveront, le jour de l’épreuve, le fil directeur de leurs
essais.
Nous nous efforcerons dans le présent rapport de rappeler les points essentiels qu’il faut avoir à
l’esprit eu égard à la technique de la dissertation et à la nature particulière de l’épreuve, en insistant sur le
rapport intime qu’entretiennent la question et le texte, c’est-à-dire sur l’unité fondamentale du sujet proposé
chaque année. Nous donnerons enfin quelques pistes pour le traitement du sujet de cette année, qui
s’articuleront à nos recommandations générales.
II – Critères d’évaluation
La clarté d’expression, la cohérence du propos et le sens du problème qui sont attendus, relèvent
des qualités essentielles dont doit témoigner l’enseignant. Sont requises, donc, non seulement des
capacités d’analyse et d’argumentation, mais aussi une culture artistique à la fois étendue et précise. Trop
de copies s’en tiennent à un survol de l’art contemporain, sur un ton parfois journalistique, comme s’il
s’agissait de témoigner d’une connaissance de l’actualité. Dans le cadre d’un concours de recrutement
d’enseignant d’arts plastiques du second degré, c’est la solidité et la finesse d’une culture disciplinaire
effective qui importe. Une culture générale est légitimement attendue : il ne s’agit pas d’un savoir
encyclopédique, mais des repères nécessaires pour orienter les recherches et les questionnements
auxquels l’enseignant va être confronté dans son travail.
Rappelons aussi, en ce qui concerne la forme, que la dissertation doit manifester un cheminement
clair et progressif, centré sur un problème, sans questions oratoires, ni « effets de manche » visant à
impressionner les correcteurs. Il s’agit de prendre en charge un problème précis, pour lui apporter la réponse
qu’on estime être la plus satisfaisante, et non pas de faire étalage des connaissances que l’on pourrait avoir.
L’introduction problématise et annonce le plan, les transitions sont soignées et les parties manifestent sans
ambiguïté l’ordre du développement. La conclusion est brève, donnant à voir synthétiquement la démarche
adoptée, le sens du propos que l’auteur de la copie a voulu tenir, sans tenter d’artificielles ouvertures – ou
pire, le surgissement « in extremis » de questions pertinentes qui auraient justement mérité d’être
examinées dans le développement. Dans de telles copies, ce genre d’ouverture finale, loin d’ajouter une
quelconque « plus-value » de sens, manifeste les lacunes de l’argumentation ou les limites des conclusions
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auxquelles elles parviennent. Enfin, le texte est entièrement rédigé et ne contient aucun titre, sous-titre,
schémas ou illustrations. Comme nous avons pu le constater cette année encore, les fioritures en tous
genres, la multiplication de marques d’auto-référencement ou les tentatives de performance, signalent le
plus souvent une grande négligence du problème et des éléments de réflexion proposés par le texte. Certes,
il existe bien d’autres formes possibles d’écriture riches et signifiantes – ni le texte de Hesse, ni ceux
proposés en bibliographie, n’appartiennent au genre de la dissertation – mais dans le cadre d’un concours,
la forme dissertative retenue est garante de l’égalité des candidats : cette forme s’impose également à tou-
te-s. Ainsi, quand bien même le propos pourrait être formellement inventif, les correcteurs ne sauraient
évaluer positivement ces inventions « hors cadre ». Au contraire, ils ne peuvent qu’en tenir rigueur aux
candidats, qui croient pouvoir ainsi contourner les exigences formelles de l’exercice, que l’on vient de
rappeler. Les meilleures copies montrent, en revanche, que si la dissertation constitue un cadre contraignant
dans sa forme, cette contrainte aiguise et stimule la pensée, loin de lui faire obstacle.
Une dissertation est un parcours intellectuel, ordonné et finalisé. Ce n’est pas un ensemble de
remarques décousues, quand bien même ces remarques se rapporteraient effectivement à la question. Le
cheminement n’est autre chose que la progression d’une seule et même réflexion, qui explicite, approfondit
et justifie ses différents moments, d’où l’importance des transitions qui articulent les différentes parties du
développement. Dès lors que le devoir met en œuvre et construit cette démarche personnelle, il ne peut y
avoir de plan type, de schéma d’organisation préétabli. C’est la démarche qui produit l’ordre même dans
lequel elle s’inscrit, et c’est cet ordre qui justifie le propos que l’on tient. Certaines tentatives pour composer
ou déployer un cheminement ont pu faire preuve de maladresse. Néanmoins, leur effort a toujours été
valorisé par rapport à la mécanique simpliste et réductrice des devoirs stéréotypés. L’effort pour construire
une réflexion singulière et appropriée au sujet témoigne, dans ses imperfections mêmes, d’une démarche
authentique. Il faut ainsi renoncer aux « plans » tout faits, qui n’en sont pas réellement, justement parce
qu’ils s’imposent extérieurement au sujet. Les schémas auxquels s’accrochent les mauvais devoirs viennent
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souvent d’une dialectique mal digérée (la copie commence par relever tous les éléments qui attestent d’une
maîtrise de son temps par l’artiste, puis expose comment le temps échappe, pour conclure qu’il faut mêler
ces remarques ou proposer un « compromis ») ou d’un simple canevas historique (en partant de la
contextualisation légitime des propos du texte, la copie substitue ensuite la chronologie des rapports au
temps à l’analyse conceptuelle). De telles copies restent le plus souvent descriptives et dressent de
prétendus constats, mais à aucun moment elles ne prennent en charge le problème. Il ne peut en ressortir
qu’une position floue, ou une multitude de remarques éparses.
Autre écueil à éviter : comme nous l’avons dit précédemment, il faut renoncer à calquer l’ordre du
devoir sur le plan du texte. Une mauvaise paraphrase du texte ne peut déterminer la structure argumentative
de la dissertation. Ce n’est pas au texte de fournir son « ossature » à la copie, au contraire. C’est au
traitement de la question d’organiser la lecture du texte, en tant qu’élément et ressource argumentative au
sein d’un cheminement réflexif, qui l’intègre de manière singulière à son propos. Aussi convient-il de
souligner que les meilleures copies sont celles qui convoquent le texte à plusieurs endroits de leur
développement (et non seulement dans l’introduction ou en première partie), et ce, non dans le but
d’égrainer ses arguments de manière formelle, mais pour en approfondir la lecture, au fur et à mesure que la
réflexion avance. Ces copies manifestent alors toute la richesse du texte, c’est-à-dire tout ce qu’il donne à
penser, parce qu’un véritable dialogue s’est instauré avec l’auteur. Comme ce point de l’articulation du texte
et de la question constitue à la fois la spécificité de l’épreuve et une difficulté récurrente que rencontrent les
candidats, nous avons choisi d’y insister particulièrement dans les éclaircissements (donnés dans la dernière
section du rapport) sur le sujet de cette année.
Enfin, deux autres écueils structurels reviennent souvent dans les copies. Le premier consiste dans
une espèce de dissolution thématique du problème. On abstrait de la question des « thèmes » qui sont
traités séparément et font disparaître le problème, car celui-ci est finalement écarté au profit de « rubriques »
générales dans lesquelles on trouve parfois des connaissances pertinentes, mais qui ne sont pas
explicitement articulées à ce qui fait problème. Ainsi, par exemple, en séparant arbitrairement le temps de la
production du temps de la vie et du temps historique : que serait la vie d’un individu sans cadre historique,
sans racines ni horizon permettant la construction narrative, le partage identitaire d’un temps commun ?
Pareillement, comment penser un temps de la production artistique qui n’appartienne pas de facto au temps
d’une vie d’artiste ? À bon droit, certains candidats ont renvoyé ici à l’exposition Deadline au Musée d’art
moderne de la ville de Paris (2010). Bien sûr, les avant-gardes ont interrogé ce recouvrement partiel de l’art
et de la vie au nom d’une fusion mutuelle, d’une cohésion toujours plus parfaite. Le traçage puis le brouillage
de cette frontière, entre le temps de l’art et le temps de la vie, passant par la notion revisitée d’oisiveté, était
d’ailleurs au cœur du problème. Mais rares ont été les candidats à l’aborder de front.
Le second écueil structurel est celui de la digression. Il consiste à s’emparer d’un élément du texte
comme point d’accroche pour des remarques qui, dans leur développement, finissent par dériver
complètement hors de la question – et donc du sujet. On peut illustrer cela par la façon dont certaines
copies, en se saisissant de la notion d’« inconscient », se sont engouffrées dans la piste psychanalytique
évoquée par Hesse. C’est à bon droit que l’on pouvait faire valoir les lectures psychanalytiques sous-
jacentes à ce texte – pas plus qu’un autre, le « moi » de l’artiste n’est le maître dans la maison de la psyché
– mais encore fallait-il articuler cette réflexion à la question de la maîtrise du temps, en interrogeant la
maturation inconsciente de l’œuvre que l’artiste ne peut brusquer, accélérer, interrompre ou reprendre à sa
guise. Sans quoi des pans entiers de la copie tombaient dans le « hors-sujet » pour s’adonner à des lectures
très discutables de Freud. Des candidats ont su, en revanche, resserrer leur propos en renvoyant aux
passages d’Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci qui abordent l’inachèvement des œuvres de
Léonard. La sublimation épistémologique prenant le pas sur la sublimation artistique, aux yeux de Freud, le
savant qu’est Léonard sombre peu à peu dans le désœuvrement artistique. Vasari condamne pour sa part
les lubies d’inventeur du vieux Léonard, qui lui auraient malheureusement fait perdre de vue l’achèvement
de mainte œuvre artistique. Dans ce cas, ce n’est même plus la maturation de l’œuvre qui est en jeu, mais
son risque d’interruption et d’abandon définitif. D’où la question de la « fin de l’art », prise en charge de
manière prudente et subtile par certaines copies.
Pour finir, il faut insister sur le fait que le travail de « définition » ne peut se cantonner au rapide
coup d’éventail lexical, donné dans l’introduction. C’est tout au long de la dissertation que ce travail doit
s’effectuer. En effet, il ne faut pas entendre par « définition » un simple constat d’usage, qui délivrerait le
sens définitif d’un terme. Dans l’introduction, c’est le problème qui est éclairé par les remarques que l’on fait
sur les termes. Dans le développement, la conceptualisation se précise, soit parce qu’elle vient soutenir une
réponse, soit parce qu’elle permet d’aiguiser un regard critique, ouvrant un nouveau moment du devoir. Ainsi
la tentative de distinction conceptuelle, qu’alimente justement la lecture des écrits théoriques ou critiques,
doit être renouvelée au fur et à mesure que la réflexion avance. C’est cette persévérance dans le travail de
définition qui témoigne d’une démarche personnelle. Loin de résider dans l’opinion ou la sensibilité
individuelle, l’élément personnel de la copie réside précisément, en effet, dans l’agencement donné à la
réflexion, l’effort fourni pour problématiser et répondre, ainsi que le caractère approprié des exemples et des
lectures et la façon dont ils sont interrogés. C’est aussi la raison pour laquelle il ne faut laisser place à
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aucune affirmation autoritaire et arbitraire. Chercher l’originalité pour se distinguer, ou poser un « je »
exclusif dans l’ostentation de ses opinions, ne témoigne pas d’un véritable engagement de la personne. Au
contraire, ce dernier exige de mettre en œuvre ce que Kant, dans Qu’est-ce que les Lumières ?, nomme
l’audace de penser par soi-même (Sapere aude !), c’est-à-dire le courage de rendre ses propres pensées
intelligibles, convaincantes et partageables avec autrui, en exposant clairement ce qui les soutient.
De même, tout argument d’autorité doit être banni. Qui plus est, cette façon de recourir aux auteurs
reste le plus souvent trop allusive. Rien n’est dit sur le sens d’une citation ou l’usage d’un terme asserté
(voire assené) sans preuve, comme s’il s’agissait d’une vérité. Bien au contraire, soulignons-le, les propos
des auteurs en question ne valent jamais, dans un devoir qui en fait mention, que par ce qu’ils donnent à
penser au candidat. Pour le dire autrement, ce qu’évaluent les correcteurs, ce n’est certainement pas le
propos de l’auteur cité, mais bien l’usage qu’en fait le candidat.
La réflexion sur le sujet doit mobiliser des exemples artistiques nombreux et diversifiés. Mais c’est
par le traitement qu’ils en donnent que les candidats manifesteront leur culture artistique et témoigneront de
leur finesse d’analyse et de leur sensibilité. Un propos conséquent ne peut être désincarné, toutefois cela ne
signifie pas que les exemples artistiques, qui ont pour fonction essentielle de donner une dimension
concrète à un propos théorique, c’est-à-dire d’en éprouver non seulement la validité mais aussi les limites,
n’auraient qu’une valeur illustrative. Au contraire, les exemples constituent la sève de la réflexion esthétique
et servent de point d’appui à des développements propres, où peuvent apparaître une distinction
conceptuelle, un aspect nouveau du problème, voire un élément d’objection. Par conséquent, s’ils ne
peuvent se substituer à l’argumentation, ils doivent toujours s’y articuler.
Dès lors, on peut déterminer deux critères principaux qui président au choix d’un exemple. D’une
part, l’exemple doit être opportun, c’est-à-dire s’accorder à ce qui est dit et s’insérer dans le déroulement de
la démonstration. Ainsi, une multiplication d’exemples, loin de renforcer une thèse, conduit généralement à
la dissoudre et fait perdre à l’argumentation son fil conducteur. Il ne s’agit pas de faire l’étalage de son
érudition, en citant tout ce qui affleure à la mémoire, mais au contraire de manifester la vertu du
discernement puisque, entre une multitude d’exemples possibles, celui qui est retenu se caractérise par son
à-propos. La multiplication des exemples conduit également à la juxtaposition hâtive, ce qui accentue
souvent le caractère superficiel et décousu des développements ; elle favorise une présentation descriptive
des œuvres au détriment d’une véritable analyse. Ces indications nous amènent au second critère : celui de
l’exemplarité. Car il ne suffit pas de donner un exemple, mais il faut établir ce qu’il montre, en quoi il
constitue un cas paradigmatique pour la thèse que l’on soutient. C’est donc le traitement significatif de
l’exemple qui lui donne sa valeur. Il ne s’agit pas de citer une démarche artistique, ou de renvoyer
allusivement à une œuvre : pour être un ressort de l’argumentation, l’exemple doit donner lieu à un éclairage
suffisamment développé qui justifie son choix.
Trop souvent les copies s’en tiennent à une description superficielle des œuvres ou à des lieux
communs sur des artistes, sans véritable connaissance de l’œuvre, ni maîtrise du contexte historique. Il est
alors tout bonnement impossible d’en dire quoi que ce soit de pertinent. De nombreux devoirs renvoient à la
paresse légendaire de Duchamp, sans dépasser l’idée reçue selon laquelle un ready made, parce qu’il serait
« tout fait », attesterait de cette paresse. D’autres copies, s’appuyant sur le commentaire de Bernard
Marcadé (Laisser pisser le mérinos : la paresse de Marcel Duchamp) ont pu non seulement étoffer leur
propos, mais encore mettre au jour des distinctions entre volonté d’indépendance et liberté d’indifférence,
refus du travail et éloge de la paresse, qui permettaient d’envisager des temporalités différentes –
l’accélération du monde de l’art, soumis au diktat de la nouveauté, par opposition à l’échappée spirituelle, où
s’éprouvent des transformations intérieures. La référence ne constituait pas alors une simple illustration
redondante par rapport au texte (la valorisation d’une oisiveté créatrice), mais elle permettait d’envisager une
forme, en quelque sorte, « plus pure » de paresse, irréductible à tout effort de production, tel que s’évertuent
à le déployer, selon Duchamp, les « intoxiqués de la térébenthine ».
Il ne s’agit pas non plus de faire des « exposés » sur les œuvres, mais justement de ne relever que
ce qui est nécessaire pour mener à bien la réflexion. Par ailleurs, rien n’interdit aux candidats de choisir
certains de leurs exemples hors du domaine des arts plastiques ; nous avons trouvé dans certaines copies
d’intéressants développements consacrés à la littérature, mais aussi au cinéma. Ainsi, dans Bleu de
Kieslowski, les cinq secondes que met un morceau de sucre à brunir à la surface du café, ne représentent
pas seulement un défi technique pour le cinéaste et son équipe (choix du type de sucre pouvant s’imprégner
de café dans ce laps de temps précis), mais contribuent au portrait psychologique de l’héroïne (« Julie »,
interprétée par Juliette Binoche), en intensifiant son absorbement et en l’isolant du monde extérieur. La
musique jouée dans la rue prend alors la qualité intra-diégétique d’une mélodie intérieure et d’un motif
obsessionnel, signant la mélancolie du personnage, une compositrice que le deuil mène aux confins de son
art. Pour citer le roman de Don Delillo, Point Oméga (présent dans plusieurs copies), un tel exemple
permettait d’approfondir l’idée selon laquelle « chaque moment perdu est la vie. Nul ne peut le savoir que
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nous, chacun de nous, de manière inexprimable, cet homme, cette femme » (chap. 3). Les cinq secondes de
Bleu, ne témoignent pas seulement d’un renoncement mélancolique à la création, mais plus encore de
l’épaisseur d’une vie qui continue, malgré le deuil. Elles nous font partager une solitude, tout en esquissant
une voie de salut : la rédemption de ce personnage de femme et d’artiste passe par l’acceptation de cette
perte. Assurément donc, une certaine diversité d’exemples a participé à la richesse des devoirs corrigés
cette année.
Pour conclure et rassembler nos conseils à ce sujet, nous évoquerons ce que le lecteur nous
permettra d’appeler le « cas Opalka ». En effet, l’œuvre de Roman Opalka a été abondamment citée dans
les copies cette année. C’est peu dire. Or, dans la logique de distinction qui est celle des concours,
lorsqu’une référence l’emporte sur toutes les autres, c’est la façon dont elle est mobilisée qui fait la
différence, plus que la référence elle-même. Cela vaut, à vrai dire, pour toute référence, mais la différence
qualitative dans le traitement de l’exemple apparaît d’autant plus nettement que ce dernier se trouve
massivement choisi. Par conséquent, l’exemple des multiples traitements, bons ou mauvais, de l’œuvre
d’Opalka, permet de faire apparaître nettement les exigences méthodologiques quant au choix, à l’analyse
et à l’usage argumentatif de l’exemple. Tout d’abord, il faut se départir de l’idée qu’il y aurait des références
incontournables et qu’il suffirait de les avoir évoquées pour satisfaire aux exigences de l’exercice. Pour en
revenir au « cas Opalka », les correcteurs ont souvent été confrontés à une récitation plus que lointaine du
protocole. Le traitement de l’exemple exige au contraire la capacité de mettre « devant les yeux » du
correcteur l’œuvre en question. Exercice délicat que celui de l’ekphrasis, puisque la description ne peut
qu’être sélective, quel que soit le degré de précision qu’elle vise ! Première qualité donc, une description
économe et pourtant précise doit dessiner les contours de l’œuvre, sans préjuger des connaissances du
correcteur. En l’occurrence, les simplifications hâtives et le caractère partiel de l’exposé multipliaient déjà les
« Opalka ». Mais, dans les copies les plus indigentes, cet éclatement descriptif était encore renforcé par le
tourniquet des usages pseudo-argumentatifs, la seule mention de l’artiste venant illustrer tout et son
contraire… Ce qui est en cause, ici, c’est l’analyse de l’exemple et son articulation à la thèse défendue. Le
fait que le nom d’Opalka serve d’étendard aux causes les plus diverses, relève moins du délire interprétatif
que d’une absence de travail réel et rigoureux. Autrement dit, les mésusages d’Opalka étaient moins dus à
l’excès qu’au défaut d’interprétation. En effet, lorsque l’œuvre – ici le protocole et non seulement les
artefacts – n’est que vaguement ou partiellement décrite, on peut lui adjoindre n’importe quelle idée
générale. Une interprétation riche et profonde de l’œuvre, susceptible de justifier le lien entre l’œuvre choisie
et ce que l’on entend établir, passe par le souci apporté dans l’art de la description. Les rapporteurs ne
prétendent bien sûr pas détenir la seule lecture autorisée d’Opalka, mais tiennent à souligner qu’un vrai
travail de commentaire s’impose, quelle que soit l’œuvre choisie. Le candidat ne peut mobiliser, au titre
d’exemple, une œuvre qu’il connaît mal ou dont il ne s’est pas approprié la singularité, par une fréquentation
répétée des musées et des études qui lui sont dédiées. L’horizon d’attente, en la matière, n’a rien
d’utopique, comme nous avons pu le constater dans des copies qui proposaient une analyse fine et précise
de l’œuvre d’Opalka, leur permettant d’interroger non seulement la maîtrise du temps de création, mais aussi
et surtout la captation du temps par l’œuvre, comme nous le verrons dans les éclaircissements sur le sujet.
Les remarques que l’on peut faire concernant la culture philosophique et théorique recoupent en
partie celles que l’on a faites sur la culture artistique. À cette différence que les références que l’on trouve
dans la bibliographie constituée par le jury, proposent des réflexions déjà constituées sur des problèmes liés
au thème. Ces références fournissent donc au candidat un matériau de choix pour bâtir sa réflexion, en
usant de distinctions conceptuelles pertinentes, et pour mener à bien une argumentation convaincante.
Il faut d’abord noter qu’on ne saurait exiger des candidats la connaissance, ni même la lecture, de la
totalité des textes mentionnés dans cette bibliographie. Mais il est impossible de se présenter à l’épreuve
sans avoir réfléchi sur le thème à partir de textes théoriques et critiques qui peuvent l’éclairer. Dès lors,
l’enjeu n’est pas de réciter des connaissances ou des fiches constituées sur tel ou tel texte. Ces œuvres ont
leurs problématiques propres. Elles déploient des positions particulières, qui s’inscrivent dans des
perspectives dialogiques, voire polémiques, plus vastes. Il y aura toujours une nécessaire articulation à
opérer entre la façon dont un texte aborde le thème et la question précise qui est posée dans le sujet. D’une
certaine manière, le travail d’articulation qui est demandé en réfléchissant au sujet doit également être mis
en œuvre lorsque le candidat fait appel aux textes qu’il a étudiés et qui constituent sa bibliothèque
personnelle – pour peu qu’il se soit approprié ces textes. C’est toujours une pensée personnelle qui
s’engage dans la lecture du sujet et sa prise en charge argumentative, en usant des ressources théoriques
et plastiques dont elle dispose. Le jury est particulièrement sensible au degré d’assimilation des
connaissances et à l’exactitude avec laquelle elles sont mobilisées – ce qui comprend à la fois une exigence
de rigueur, eu égard aux auteurs, et une exigence de pertinence, relativement au sujet.
Sur ce point également, il ne faut pas être allusif et multiplier les références qui ne feraient l’objet
d’aucun traitement réel. Or, plus encore que les exemples artistiques, les références philosophiques ont trop
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souvent été réduites à des formules simplificatrices ou à des mots-clés, censés contenir l’essentiel de la
pensée d’un auteur. Ce mauvais usage des références, qui consiste à citer ou mentionner sans se donner la
peine d’analyser et d’examiner, entraîne souvent des écarts dans le propos. La chose peut se comprendre
ainsi : si les candidats préparent des « citations » qu’ils cherchent à « placer », il est nécessaire que nombre
d’entre elles se situent à un niveau de généralité qui n’éclaire pas la question, voire qu’elles se rapportent à
un autre problème (celui que l’auteur avait en tête lorsqu’il écrivait son texte).
Il faut enfin proscrire l’usage d’un jargon prétendument philosophique, qui n’a tout simplement aucun
sens et ne fait qu’indiquer au correcteur à quel point la référence n’est pas maîtrisée par le candidat.
Véritable « baromètre d’imprécision atmosphérique », le jargon ne masque pas l’incompétence, il la révèle
au contraire. Il est vrai que les textes philosophiques sur l’art, ou les textes de théorie esthétique,
contiennent souvent un vocabulaire technique (à ce titre, et quel que soit le thème au programme, le
Vocabulaire d’esthétique d’Étienne Souriau peut constituer un bon outil de travail, tout au long de la
préparation du concours). Il est aussi vrai que chaque auteur déploie, dans ses textes, une langue qui lui est
propre. Néanmoins, il ne s’agit pas d’imiter l’impression d’insurmontable difficulté que peuvent donner ces
textes, mais de se saisir de leurs distinctions conceptuelles et de leurs mouvements argumentatifs pour
éclairer un problème précis, à partir du sujet proposé. Employer une terminologie obscure et confuse, loin
d’éblouir le correcteur, conduit à pétrifier toute possibilité de cheminement philosophique. La copie reste
seule victime de cet « effet Méduse ». Dans cette perspective, il n’y a aucune raison que l’effort spéculatif du
candidat se perde en verbiage et en boursouflure creuse. Il faut aller à l’essentiel et être précis dans ce que
l’on choisit de mobiliser. La meilleure préparation consiste donc à se confronter régulièrement aux textes
donnés dans la bibliographie, plutôt qu’à se rabattre sur des discours de seconde main ou des résumés de
dernière minute.
Pour faire sentir ce bon usage des références philosophiques, nous nous permettons de mentionner
une copie qui a mobilisé Bergson dans un vrai mouvement de réflexion, là où tant d’autres se contentaient
de renvoyer à la « durée bergsonienne », sans que l’on voit en quoi cela pouvait se rapporter à notre
question. Voici sa thèse : en révélant le lien étroit entre l’épaisseur du temps et leur propre genèse, certaines
œuvres d’art donnent, à l’artiste comme au spectateur, l’occasion de faire l’intuition du temps lui-même,
comme Bergson nous y invite dans La pensée et le mouvant (1934). Dans cet ouvrage, Bergson pointe, en
effet, l’inadéquation de nos représentations habituelles du temps avec sa nature véritable. L’art constitue à
ses yeux un moyen privilégié de révéler dans la durée la nature même du temps, car l’expérience sensible à
laquelle l’art nous convie, avec une intensité incomparable, nous fait éprouver pour ce qu’elles sont – c’est-
à-dire pour des leurres – les spatialisations du temps, conçu comme succession linéaire et discontinue
d’instants : des modèles utiles certes, mais fondamentalement illusoires, produits par l’intelligence pratique.
En effet, l’œuvre d’art peut parfois déstabiliser de fond en comble nos schèmes de pensée les plus familiers.
Elle renouvelle par là le regard que nous portons sur le monde. Par l’impérieux bouleversement qu’elle
suscite, l’œuvre suspend alors ces catégories rationnelles, qui font du temps une forme de l’espace. Or,
cette vertu proprement métaphysique de l’œuvre d’art (capable de nous faire éprouver la nature même du
temps), tient avant tout au fait que l’artiste ne se situe pas lui-même dans un rapport d’action au monde. Du
même coup, sa perception n’est plus prise dans les rets de l’habitude et de l’action efficace. L’œuvre d’art
libère son auteur « oisif » de l’agitation pratique et productive, à mesure qu’elle l’ouvre à la nature profonde
du temps. L’usage de la référence bergsonienne supposait ici que l’on abandonne un questionnement sur
l’œuvre comme représentation thématique du temps (allégorie ou Vanité, par exemple), pour choisir au
contraire des exemples qui montrent comment les œuvres « travaillent » le temps – comme on dit aussi que
le bois « travaille » – modifiant ainsi notre perception du temps, et le rapport que nous entretenons avec lui.
Comme l’a bien montré ce candidat, l’idée d’expérience permettait d’articuler le temps de la création propre
à l’artiste (comme expérimentation d’une temporalité autre) et celui de la réception de l’œuvre (comme
altération du spectateur, modifiant son rapport à lui-même et au monde). De ce point de vue, l’appropriation
par l’artiste du temps dans lequel il crée, en tant que durée – intensité pure, qualifiée et finalisée par l’œuvre
à venir – impliquait l’idée d’une temporalité éprouvée par l’artiste à la fois comme autre, par rapport aux
schèmes spatialisants, et comme sienne, par rapport à la gestation de l’œuvre. Au plan de la réception
également, l’œuvre donnait moins la preuve démonstrative que l’épreuve intuitive d’un temps-durée, où la
« maîtrise » ne se caractérise pas comme contrôle de la raison mais apparaît comme accueil ou accès par la
sensibilité. La copie prend ainsi pour exemple 24 Hour Psycho de Douglas Gordon (1993). En choisissant un
format cinématographique pour le moins inhabituel et dérangeant (2 images par seconde, au lieu de 24),
l’œuvre de Douglas Gordon offre une version démesurément dilatée et quasi invisible, car insoutenable, du
célèbre film d’Hitchcock, Psychose. Par son étrangeté radicale, l’étirement du film fait ressentir le passage
indistinct de la durée et transforme notre perception intime du temps. Comme le déclare le personnage
principal de Don Delillo dans Point Omega, au sujet de l’installation présentée au MoMa en 2006 : « Ce qu’il
regardait, c’était comme un film pur, du temps pur » (incipit du roman, intitulé « Anonymat »). Ce n’est plus la
narration ou le suspense qui importe ici, mais le procédé par lequel l’artiste déconstruit ou « démonte » nos
habitudes perceptives, sans toucher au montage du « maître du suspense ». Une telle œuvre révèle un
temps-durée, un temps créateur, gros d’événements minuscules autant qu’imprévisibles, et pourtant
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désœuvré, pour autant qu’il résiste aux injonctions productives de son temps (injonctions que l’industrie
hollywoodienne porte à leur paroxysme). C’est cette articulation fine et précise de la référence philosophique
par rapport au sujet et à l’exemple choisi, qui atteste d’une réelle maîtrise de la dissertation et d’un
engagement « personnel » du candidat.
Comme chaque année, les rapporteurs ne peuvent que souligner l’importance d’une rédaction qui
manifeste une maîtrise de la langue (orthographe et syntaxe) et une clarté d’expression. L’agrégation est un
concours d’enseignement, les candidats qui prétendent être de futurs enseignants doivent donc se montrer
exemplaires dans leur usage de la langue française. Sur le plan stylistique, on ne saurait trop recommander
aux candidats d’éviter les formules alambiquées ou les constructions périlleuses, pour leur préférer des
énoncés simples et sans artifices. Si les correcteurs ont pu déplorer trop souvent une langue fautive, ils ont
aussi constaté que ce manque de rigueur apparaissait au niveau des références artistiques (« La naissance
du monde de Courbet », « L’Odalisque de Manet ») et philosophiques (« La phénoménologie de l’esprit de
Merleau-Ponty avec la corporalité »), et jusqu’au nom même de l’auteur – « Hess » (sic) – soumis à rude
épreuve par maintes copies. Ici encore, seul un exercice écrit régulier permet d’acquérir les qualités de
rédaction nécessaires au cheminement clair et rigoureux d’une pensée. Enfin, les candidats doivent
absolument garder un temps de relecture, pour (au moins) éliminer les erreurs les plus grossières, qui
semblent toujours les moins excusables.
De manière non exhaustive, les remarques qui suivent visent à proposer, en guise de pistes,
quelques développements possibles, respectant les exigences que nous venons de rappeler. Il ne s’agit en
aucun cas, pour les rapporteurs, de présenter un corrigé idéal, mais de réunir une pluralité de propositions,
extraites des meilleures copies corrigées cette année, pour donner un tour concret à la résolution de
problèmes de méthode qui ont pu (et pourraient encore) être rencontrés par l’ensemble des candidats. Ce
faisant, les rapporteurs visent à mettre en exergue la diversité des approches pertinentes du sujet, en se
réservant certains éclaircissements et certaines propositions complémentaires.
La question posée cette année – « l’artiste est-il maître de son temps ? » – se présentait d’emblée
comme une question large et ouverte. Pour poser un problème de manière fine et pertinente, le candidat
devait donc explorer les divers sens possibles de l’expression, « être maître de son temps », lorsqu’elle est
attribuée à l’artiste, tout en s’interrogeant sur sa tournure apparemment descriptive.
Au sens fort, l’expression suggère l’idée d’un contrôle absolu, rationnel et volontaire, que le sujet
libre et souverain – en l’occurrence l’artiste – exercerait sur sa production et/ou sur son action. En ce sens,
l’autonomie confine à l’autarcie : l’artiste serait seul maître à bord, lorsqu’il s’agit de gouverner « son
temps », avec toute l’ambiguïté que contient cette formule, c’est-à-dire à la fois son temps de vie et de
création, inscrit dans le temps historique d’une époque. Malheureusement, la plupart des copies n’ont fait
droit qu’à ce premier sens, ce qui conduisait le plus souvent à des oppositions factices entre une vision
caricaturale de l’artiste plénipotentiaire et la fatale impuissance de l’artiste maudit « selon Hesse »
(contresens fréquent), en proie aux caprices de l’inspiration. Certaines copies partaient, plus justement, de la
tension décelable dans le texte de Hesse, entre ce temps subi, apparemment capricieux, de l’inspiration
(« Poète, prends ton luth » commande la Muse dans Les nuits de Musset), échappant à toute discipline, et le
temps perdu, pour celui qui cherche malgré tout à le gagner, en produisant de manière contraignante des
œuvres « sans âme » (Hesse parle de « céder à l’artifice »). À la stérilité de la logique productive, Hesse
oppose in fine la fécondité paradoxale de l’oisiveté cultivée par l’artiste qui « prend son temps », précisément
parce qu’il accepte de le « perdre ». En ce sens, l’on pouvait également partir d’une réflexion sur la saisie de
l’occasion ou du kairos (divinité figurée dans la statuaire grecque avec le crâne rasé, recouvert d’une longue
mèche de cheveux qu’il fallait saisir au passage), impossible pour celui qui ne se rend pas disponible au
monde en abolissant tout calcul ou projet déterminé. De belles analyses de l’œuvre de Henri Cartier-Bresson
(Derrière la gare Saint-Lazare) ont ainsi été proposées, rapprochant la disponibilité, l’ouverture et l’attente,
dont parle Hesse, de ce que le photographe nomme « l’instant décisif ». D’autres, à l’inverse, retenaient la
perspective d’une maîtrise possible, évacuant les aléas de l’inspiration par la mise en œuvre d’un protocole
artistique. L’œuvre conceptuelle de John Hilliard, Camera Recording its Own Condition : 7 Apertures,
10 Speeds, 2 Mirrors (1971) a été sollicitée en ce sens. Inversant la stratégie de « l’instant décisif », les
soixante-dix vues qui composent l’image de John Hilliard se présentent comme une somme de variations
systématiques et réflexives, mettant au jour les conditions de possibilité de l’appareil photographique lui-
même (ouverture du diaphragme, temps de pose, miroirs). L’artiste explore les conditions de production,
d’enregistrement et de mesure du temps, inhérentes à son médium. C’est le temps produit par son appareil,
un temps proprement photographique, qu’il s’approprie en faisant du dispositif photographique à la fois le
21
moyen et l’objet de son étude. Ces quelques exemples permettent d’entrer en matière sans figer les termes
de la question, ni réduire la portée du texte.
Plus largement, l’enjeu du sujet de cette année était celui de l’autonomie de l’artiste, dont certains
candidats ont légitimement dessiné à grands traits la généalogie : depuis l’invention de « l’artiste » à la
Renaissance, son émancipation graduelle des arts mécaniques et sa reconnaissance en tant que lettré,
jusqu’à l’injonction avant-gardiste de la « table rase », revendiquée notamment par Dada. Certains candidats
éclairaient ainsi le propos de Hesse par la notion de « régime vocationnel », forgée par Natalie Heinich dans
Être artiste, étude portant sur Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs. En effet, si le
travail de l’artiste n’est pas contraint par des horaires d’usine ou de bureau, c’est parce qu’il épouse la forme
de toute une vie, prenant souvent l’aspect d’une geste héroïque, d’un sacerdoce ou d’un martyre (sur
l’ascèse du poète, voir notamment la Lettre à un jeune poète de Rilke).
Dans cette perspective, l’on pouvait nuancer la notion de « maîtrise » en l’envisageant, de manière
dynamique, comme une possession sociale, acquise de haute lutte, et permettant précisément à l’artiste
« vedette », comme l’appelle Chastel (c’est-à-dire aux grands noms de la Renaissance comme Léonard,
Michel-Ange, Raphaël, etc.), de distinguer son temps propre (temps d’existence, de réflexion et de
production) de celui des simples artisans, encore dépendants des corporations et des contrats passés avec
leurs commanditaires. Tout en tenant compte de la part de légende inhérente à ces anecdotes et, en ce
sens, de leur immense postérité dans l’imaginaire collectif, l’on pouvait ainsi rappeler les coups de sang de
Michel-Ange, abandonnant le chantier de la Sixtine, au grand dam du pape Jules II, et ne consentant à
revenir qu’à la prière du pape lui-même… L’on pouvait aussi bien rappeler la superbe fin de non-recevoir
que Léonard fit mander à la très noble Isabelle d’Este : selon Léonard, l’artiste doit pouvoir laisser libre cours
à sa fantasia, quelles que soient les injonctions (et le rang…) du commanditaire.
Par conséquent, si le texte de Hesse paraît de prime abord s’inscrire en faux contre la souveraineté
de l’artiste, au profit d’un temps de germination inconsciente de l’œuvre, une analyse plus informée et
nuancée de ce que signifie ladite « souveraineté » permet de comprendre comment Hesse hérite, via le
romantisme, des conceptions renaissantes. En effet, dès la Renaissance, cette vision de la « souveraineté »
s’accompagne d’une physiologie du tempérament « artiste », valorisant – non sans ambiguïté – la
mélancolie créatrice (melancholia generosa). Pour résumer outrageusement les travaux de Panofsky, Saxl
et Klibansky, l’artiste mélancolique apparaît à la fois comme la victime d’un excès de bile noire et l’élu des
astres (en particulier Saturne, alias Chronos…), c’est-à-dire comme un « dieu sur terre » [deus in terris],
selon la fameuse expression du philosophe Marsile Ficin. Dans le droit fil du Problème XXX-1 du pseudo-
Aristote, redécouvert au XVe siècle par Ficin, la mélancolie devient le signe même de l’individu d’exception –
au premier chef l’artiste (voir, à ce sujet, l’enquête menée par les époux Wittkower dans Les Enfants de
Saturne). Dès lors, la reconnaissance d’un temps propre à l’artiste va de pair, dès la Renaissance au moins,
avec l’idée d’une nature sous-jacente à l’artiste – celle-là même que Kant invoquera pour définir la notion de
« génie », au paragraphe 46 de la Critique de la Faculté de Juger (1790) : « Le génie est la disposition innée
de l’esprit (ingenium) par laquelle la nature donne les règles à l’art » (§ 46 : « les beaux-arts sont les arts du
génie »). Historiquement donc, la « souveraineté de l’artiste » ne célèbre pas les seuls pouvoirs de la raison
(dans la « gestion » de son temps, selon le vocabulaire managérial de nombreuses copies) mais la
mystérieuse exception d’une nature.
Revenons encore à l’apparente « facilité du texte », source de maints raccourcis trompeurs. Il s’agit
d’un texte littéraire, tissé d’analogies et de métaphores, mais aussi – rares sont les candidats à l’avoir
remarqué – serti de tournures ironiques. Au cœur de l’extrait notamment, Hesse passe subtilement du point
de vue du « philistin » à celui de « l’artiste ». Il adopte même ces points de vue comme on endosse un rôle
ou un masque de théâtre, en usant du style indirect libre. Ainsi, ce n’est pas Hesse lui-même, mais le type
comique du philistin qui ne comprend pas que « cet artiste ô combien bizarre », « se jette à terre », « plutôt
que de continuer tout simplement à peindre ». Ce « portrait de l’artiste en désespéré » n’est pas, à la
différence de celui de Courbet, de la main de l’artiste. C’est une image d’Épinal, produite par
l’incompréhension d’un esprit étroit et rassis, qui cherche à rabattre la création artistique sur le travail
ordinaire, requérant une force mécanique, dépensée en vue d’un gain économique. La distinction entre l’art
et le métier était ici la bienvenue ; Kant la rappelle au § 43 de la Critique de la Faculté de Juger : « l’art est
dit libéral, le métier est dit mercenaire ». Par elle-même source de plaisir, l’activité artistique trouve sa fin en
elle-même, tandis que le travail suppose le déplaisir de la contrainte et s’effectue de manière instrumentale,
en vue d’une autre fin (le salaire) que lui-même. Cependant, Kant le souligne à la fin de son paragraphe,
sans travail ni contrainte mécanique, la liberté de l’art s’évapore et succombe au chaos. Dans son Chef
d’œuvre inconnu, Balzac donnera à ce vertige de la liberté artistique, le nom de Frenhofer. Mais « l’artiste
lui-même », tel que l’envisage Hesse, s’il se sent d’abord « surpris et floué » par l’oisiveté, finit par
comprendre « qu’il doit obéir à ses propres lois ». À l’incompréhension butée du philistin, répond la
compréhension enrichie de l’artiste : l’oisiveté n’est pas un « temps mort », improductif et stérile, mais un
temps de maturation propre non seulement à la genèse de l’œuvre, mais aussi à celle de l’individu qui
s’engendre à travers elle. Avec la subtilité psychologique que permet le discours indirect libre, Hesse montre
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toute la distance qui sépare l’apparente inactivité de la fécondité intérieure. Il nous invite à percer le cliché
de « l’artiste inadapté » pour investir la potentialité créatrice de l’oisiveté. Si l’artiste est maître de son temps,
pour Hesse, c’est donc au sens où il reste libre d’en disposer et, plus encore, de s’y rendre disponible.
L’autonomie de l’artiste, telle que la défend Hesse, ne s’oppose donc pas à l’oisiveté, elle y plonge ses
racines.
En ce sens, la difficulté du sujet consistait bien dans la tension inhérente à la notion de « maîtrise ».
Si l’artiste proclame en vain détenir une maîtrise absolue sur son temps, au sens d’un contrôle rationnel,
c’est bien, comme l’ont relevé certains candidats, parce que le temps résiste essentiellement à une telle
prétention : loin de se réifier et de tomber sous l’emprise du sujet, il le dépasse et le voue à une inévitable
finitude. Dès lors, n’est-ce pas à un combat perdu d’avance, et toujours relancé, que le temps convie
l’artiste ? Mieux, le caractère éphémère et dérisoire des victoires remportées ne conduit-il pas
nécessairement l’artiste à une forme d’humilité ? D’autres copies, privilégiant la piste existentielle, ont ainsi
proposé une forme relative et mineure de « maîtrise », née d’une confrontation répétée avec la
transcendance du temps. De belles analyses de l’œuvre de Roman Opalka – 1965/ 1 à l’infini – permettaient
alors de travailler le concept de disposition, associant l’ethos individuel de l’artiste à l’invention d’un rituel,
fondé sur le pouvoir paradoxalement créateur de la répétition. Le dispositif, à la fois minimaliste et expressif,
mis en place par Opalka ne produit pas seulement une œuvre d’art, littéralement empreinte de
recueillement. À la manière d’une règle monastique, ce rituel rythme le quotidien de l’artiste et concourt à ce
que Hesse nomme « l’invention de soi ». Le portrait de l’artiste n’est pas seulement sonore, pictural et
photographique, il façonne l’existence de l’artiste et sculpte son ethos, sa « statue intérieure » selon la
formule de Plotin. Sculptant et sculpté, le temps de l’artiste devient rythme de vie : en scandant et en
inscrivant sur la toile les minutes passées à peindre, Opalka parvient à épouser le rythme minimal d’une vie
en train d’être vécue. En acceptant la finitude, c’est-à-dire en acceptant littéralement que « son temps » lui
soit compté, Opalka s’en rend maître d’une certaine manière, sans pour autant le dominer : sa maîtrise est
celle d’une disposition acquise, d’un ethos (caractère moral, disposition à agir), où vie et œuvre se
confondent à travers l’invention d’un rituel. Cet autre sens, plus dynamique et nuancé, de la notion de
« maîtrise » permettait de comprendre de manière dialectique le texte de Hesse, qui ne s’en tient pas à la
surface du sentiment d’incapacité (« l’impression d’être un incapable »), mais remet en question l’apparente
vacuité de ce « temps libre » (« ces périodes apparemment vides »), pour envisager leur fécondité latente
(« un processus est à l’œuvre au fond de lui-même »). Cette patience, apparemment désœuvrée, donne
forme à l’œuvre de Roman Opalka, à travers l’enregistrement photographique du vieillissement, la scansion
monotone des minutes, l’inscription minutieuse de leurs chiffres, d’abord égrenés blanc sur noir, puis (après
1972) dissipés à travers le subtil éclaircissement du fond (par l’introduction graduelle d’un faible pourcentage
de blanc). Ultime précision apportée au rituel, cette loi de l’effacement progressif voue l’œuvre à
l’inachèvement tout en intensifiant la méditation : « chronique d’une mort annoncée », elle prépare la
disparition de l’artiste à travers son œuvre, à la manière dont disparaît le peintre Wang-Fô, imaginé par
Marguerite Yourcenar dans de ses Nouvelles orientales (1938), « sur cette mer de jade bleu qu’[il] venait
d’inventer » (Comment Wang-Fô fut sauvé).
Dans cette perspective également, un candidat a pu définir la maîtrise comme « le choix délibéré de
soumettre l’œuvre à l’indétermination », en sollicitant le hasard : ainsi John Cage a-t-il recours aux
techniques chinoises issues du Yi King (ou Yi Jing selon les translitérations, ouvrage connu sous le titre de
« Classique des changements » ou de « Livre des mutations ») pour disposer de manière aléatoire des
rochers sur ses toiles et peindre leurs contours. L’attente qu’engendre un tel dispositif plonge l’artiste dans
l’épaisseur musicale de la durée et le rend, comme le formule avec bonheur ce candidat, « attentif à
l’inattendu, dont il est à la fois le maître et le spectateur surpris ».
D’autres copies ont soulevé la question de la finitude, en consacrant de belles pages aux peintures
de Vanité et à leur héritage contemporain, dans l’œuvre de Michel de Blazy notamment : le processus
temporel qui préside à l’odorante décomposition de l’œuvre est au centre de son installation, présentée au
Plateau en 2012 sous le titre ironique de Grand Restaurant, et constituée d’une accumulation de peaux
d’oranges, entassées en piles sur des plateaux de cantine et pourrissant le long des étagères. Le temps qui
passe altère la couleur éclatante des oranges, qui brunissent, en se couvrant d’insectes et de filaments de
moisissure verte et blanche. L’artiste abandonne ses matériaux à leur vie propre, il « laisse faire » le temps,
ce grand dévorateur, qui décompose l’œuvre et ses prétentions à le défier. En ce sens, l’installation de
Michel Blazy – enfer des conservateurs de musée – déroge aux critères de fabrication, de forme et de
pérennité, propres à l’œuvre d’art traditionnelle. Elle ouvre la voie au désœuvrement.
Lorsqu’il parle de l’oisiveté de l’artiste dans son texte, Hesse élargit en ce sens la notion d’art à celle
d’invention de soi, d’auto-création. Autrement dit, ce n’est pas seulement la production de l’œuvre qui est ici
en jeu, mais l’auto-production du sujet artistique à travers l’œuvre – ou sans elle. Encore une fois, la position
romantique de Hesse ne s’oppose pas frontalement à l’idée de maîtrise : elle invite d’emblée le candidat à
exercer son esprit dialectique pour comprendre que l’œuvre qui fraie un chemin souterrain dans l’artiste, au
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point de le contraindre parfois à une oisiveté apparente, constitue simultanément la spontanéité de l’artiste –
cette spontanéité par laquelle le sujet s’invente lui-même, au miroir d’une production qui paradoxalement lui
échappe. D’excellentes copies ont ainsi envisagé avec une grande finesse les rapports historiques et
théoriques entre l’otium lettré des Anciens, revendiqué par l’artiste à partir de la Renaissance, et cet éloge
moderne de l’oisiveté (« j’aime mieux respirer que travailler » déclarait Duchamp avec humour !), en
explorant ses lignes de fuite jusque dans les pratiques contemporaines du désœuvrement, bien décrites par
Jean-Yves Jouannais dans son fameux essai, Artistes sans œuvres : « I would prefer not to » (1997).
L’aspiration de l’artiste à fraterniser avec la Nature toute entière – plantes, rochers, nuages – n’alimentait
plus alors la critique hâtive du topos romantique – effroyablement désuet si l’on en croit certaines copies –
mais donnait lieu à une réflexion tout à fait pertinente sur la figure de l’artiste-marcheur, étudiée par Thierry
d’Avila dans Marcher, créer : déplacements, flâneries, dérives. En refusant le régime productif de l’œuvre, la
déambulation de l’artiste artialise le monde lui-même. Dans cette perspective, les bonnes copies procédaient
à l’examen de certaines figures, parfois proches mais toujours distinctes : de la flânerie thématisée par
Baudelaire dans Le peindre de la vie moderne à la démarche minimaliste de Richard Long (A Line Made by
Walking, 1967), en passant par l’ostentatoire paresse duchampienne (magnifiée par L’Élevage de poussière,
photographié par Man Ray pendant l’abandon du Grand Verre) et la dérive situationniste inventée par Guy
Debord. Ces figures du désœuvrement, si elles empruntent parfois les unes aux autres, ne se recouvrent ni
ne se confondent. Ainsi, les bains de foule chargeant l’œil du peintre de mille sensations vives et colorées, à
la manière d’une charge électrique, ne constituent pour Baudelaire que la première étape, matérielle et
dynamique, de la création picturale, laquelle ne peut s’accomplir tout à fait que dans le retrait nocturne de
l’atelier, lorsque l’imagination se lève et règne sur la forme et la composition des images. La flânerie du
peintre de la vie moderne est donc finalisée par l’imagination. Elle n’a rien à voir, en ce sens, avec la dérive,
conçue par Debord dans un esprit de résistance festive face aux injonctions urbaines, et qui ne donne lieu,
en termes d’artefacts, qu’à de brefs comptes rendus et au tracé « psychogéographique » de nouvelles
« unités d’ambiance » (« cartes psychogéographiques »). L’oisiveté du peintre-flâneur demeure
« opératoire », elle est cultivée en vue d’une œuvre, tandis que l’oisiveté « improductive » du psycho-
géographe ou de l’éleveur de poussière ouvre la voie au désœuvrement artistique. Après plusieurs années
d’abandon, le Grand Verre sera certes exposé, mais la lenteur et l’interruption d’un « processus créatif », qui
célèbre l’opacité du rébus et la beauté de l’accident (brisures involontaires), manifestent clairement son refus
de la valeur « travail ». Au contraire, c’est sans doute en raréfiant la production et en la minant de l’intérieur,
que l’oisiveté duchampienne contribue à faire de La Mariée mise à nue par ses célibataires, mêmes (ou plus
encore, selon Henri-Pierre Roché, de « l’emploi de son temps ») le « Grand Œuvre » de ce légendaire
improductif.
En suivant la piste ouverte par Debord, la réflexion pouvait aussi ménager une analyse critique du
temps accéléré, réifié, monétisé, tel que le conçoivent les sociétés capitalistes : intensification moderne de
tous les instants, injonctions à ne pas perdre son temps ou à le rentabiliser, chaque action étant vue comme
un investissement pour le futur. En gaspillant volontairement son temps, l’artiste « paresseux » sortirait de
l’emprise d’un simple rapport consumériste au temps. La perspective serait ici émancipatrice. À l’opposé
d’un discours sur le temps contrôlé, la maîtrise singulière, revendiquée par l’artiste, renverrait à une
échappée, un acte de résistance même. Le désœuvrement improductif ouvrant la possibilité d’une voie
« neutre », rétive à tout jugement de valeur, à toute binarité comme à toute position idéologique.
L’exemple des performances de Francis Alÿs fournissait ici un éclaircissement opportun. Dans
Paradox of praxis (1997-1998) – « Sometimes Making Something Leads to Nothing » [Parfois faire quelque
chose ne mène à rien] – Francis Alÿs pousse un bloc de glace à même le sol des rues de Mexico, jusqu’à ce
qu’il fonde au point de disparaître (au bout de sept heures). L’oisiveté d’un temps improductif, réhabilité par
Hesse, prend la forme radicale de l’évidement à travers cette déambulation sans but, qui ouvre son propre
cheminement, en effaçant progressivement ses traces. Dans le film, l’empreinte luisante laissée par la glace
n’est pas sans rappeler la viscosité éphémère du lent passage de l’escargot. Une autre copie évoque
l’œuvre de Alighiero Boetti, Lampada annuale (1966), ampoule placée au fond d’une boîte et qui ne s’allume
que onze secondes par an, de manière aléatoire. Manière d’inviter le spectateur à faire l’expérience, plus
déceptive qu’excitante, d’un « temps perdu » : un temps passé à attendre, en vain, que l’ampoule s’allume.
Manière également de l’amener à dépasser la posture passive du consommateur alléché par la promesse du
divertissement. Manière, enfin, de savourer un temps proprement inutile, sans aucune finalité propre,
superflu. Disposer de son temps signifierait alors s’extraire des flux, des attentes. C’est à ce temps gratuit,
échappant aux comminations du monde de l’art, ouvert au vide intérieur, que Duchamp nous convie lorsqu’il
compare La Roue de bicyclette à un « feu de cheminée ».
Tout en faisant droit à cette volonté de résistance, certaines copies soulignaient néanmoins la
pression incoercible qu’exercent sur le temps de création la logique des commandes (privées ou publiques),
le marché de l’art, le calendrier artistique des salons (foires, biennales, etc.), et jusqu’aux contraintes
techniques et matérielles elles-mêmes (temps de séchage, relativement long ou court, de la peinture à l’huile
ou de la fresque, par exemple). D’excellentes copies investiguaient avec finesse les prétentions
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émancipatrices de l’artiste contemporain, à l’aune de son statut économique et social. En ce sens, l’artiste
ne se confronte pas seulement aux contraintes exercées par les multiples acteurs du marché de l’art, mais,
par la résistance même qu’il leur oppose, contribue à renouveler l’image du travailleur en régime capitaliste,
à travers un faisceau de normes consenties, valorisant l’initiative, l’autonomie et la flexibilité… Dans cette
perspective, la « critique artiste », qui faisait valoir contre le capitalisme les accusations de désenchantement
et d’aliénation en vient à perdre progressivement, à partir des années 1970, sa force de frappe, en
s’intégrant à ce que Luc Boltanski et Ève Chapello nomment le « nouvel esprit du capitalisme ». Loin de
consacrer la résistance héroïque de l’artiste, l’intégration par l’idéologie capitaliste de cette variable
d’oisiveté, sous la forme libérale de l’épanouissement individuel, menace alors de se retourner contre
l’artiste lui-même, dont la revendication émancipatrice contribue paradoxalement à renforcer l’idéologie
qu’elle prenait pour cible. De belles analyses ont pu être proposées en ce sens, les candidats faisant d’abord
jouer, contre la prétention de maîtrise rationnelle, la thèse de Hesse en faveur de l’oisiveté, pour envisager
finalement ses limites actuelles, au plan socio-économique.
Encore une fois, les pistes que nous présentons ici ne visent pas à constituer la trame d’un corrigé
potentiel, ni non plus les éléments cumulatifs d’une réflexion exhaustive, mais à montrer la pluralité des
voies pertinentes possibles et, lorsque c’était le cas, le bonheur avec lequel certaines copies ont réussi à
développer tel argument ou telle idée.
Ce faisant, les auteurs du rapport espèrent avoir pu, non seulement contribuer à l’éclaircissement
théorique et pratique du sujet, mais surtout rassurer le candidat quant à la faisabilité d’une copie réussie. Cet
enjeu psychologique compte autant à nos yeux que l’enjeu didactique du présent rapport, car l’on ne peut
envisager de préparer un tel concours, sans la tranquillité d’esprit qui seule permet de s’absorber en
profondeur dans le travail et la réflexion.
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Programme retenu
Définir et transgresser la norme de la fondation de l’Académie du dessin à Florence en 1563 à la première
exposition impressionniste en 1874.
Sujet 2018
De Vasari aux Impressionnistes, le dessin comme norme ?
Le niveau des copies de l’épreuve d’histoire de l’art est dans l’ensemble moins satisfaisant que
celui de l’année dernière, avec une moyenne de 6.94, c’est-à-dire presque un demi-point de moins que pour
la session 2017. Cette baisse relève en partie du choix du sujet : depuis plusieurs années, en effet, le jury
constate que les candidats semblent moins préparés à répondre à une question portant sur le programme
antérieur au XXe siècle. Les notes s’échelonnent de 1 à 18.
1. Remarques générales
La correction se fait à partir d’exigences précises et utilise tout le spectre de la notation. Les
critères généraux d’évaluation restent inchangés et comportent les points suivants :
- une réponse problématisée et argumentée au sujet ;
- un travail nourri par des exemples précis, détaillés et analysés de façon pertinente, en relation
avec le sujet ;
- une maîtrise des concepts requis par le programme et le sujet ;
- un respect du cadre chronologique proposé dans le sujet ;
- une qualité d’écriture, un soin apporté aux analyses et aux transitions.
Les échecs relèvent de deux causes majeures, sur lesquelles le jury attire particulièrement
l’attention des futurs candidats : la maîtrise du programme limitatif et l’entraînement à la dissertation.
Concernant le programme, les correcteurs ont remarqué que la préparation des candidat(e)s
n’allait souvent pas au-delà des cours dispensés dans le cadre des préparations. Ainsi, les copies proposent
parfois des idées et des exemples mal assimilés : rares sont, en revanche, les propos faisant réellement
preuve d’une autonomie de travail, d’une curiosité intellectuelle et d’une culture personnelle, autrement dit
des qualités attendues chez un(e) futur(e) enseignant(e). C’est pourquoi le jury engage les candidat(e)s à se
préparer à l’épreuve d’histoire de l’art tout le long de l’année, en étudiant les ouvrages indiqués dans la
bibliographie ainsi qu’en faisant, autant que possible, l’expérience concrète et régulière des œuvres. Il est
important d’insister sur ce dernier aspect, dans la mesure où, cette année encore, les exemples cités par les
candidat(e)s étaient souvent issus d’un savoir « livresque » – donc filtré et indirect – de la production
artistique des XVIe-XIXe siècles : trop peu nombreuses sont les copies analysant les œuvres dans leur
dimensions plastique et matérielle, mentionnant des exemples originaux ou encore valorisant l’expérience
directe du patrimoine, des musées et des expositions temporaires. Le jury s’est inquiété de la quasi-
absence, dans certaines copies, d’exemples précis de dessins, dont les collections sont pourtant accessibles
sinon de visu, du moins sur les sites des grands musées européens. De même, l’incertitude des repères
chronologiques, l’imprécision des titres d’œuvres, et parfois des noms des artistes eux-mêmes, sont autant
d’indices du caractère approximatif d’une préparation de concours. Un corpus d’œuvres trop limité a, dans
de nombreux cas, suscité des copies trop brèves et inarticulées.
Quant à la maîtrise de l’exercice, le jury attire l’attention des candidat(e)s sur l’importance d’un
entraînement régulier et constant. Étant donné que tout(e) enseignant(e) potentiel(le) est supposé(e)
apprendre à ses futurs élèves à problématiser son propos et à bâtir une argumentation solide, les
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correcteurs sont très attentifs aux qualités de la rédaction et de la structure : ces attentes n’ont
malheureusement été satisfaites que rarement. Rappelons donc qu’une dissertation n’est pas un catalogue
d’exemples se succédant sans fil rouge : elle doit être construite à partir d’une introduction soulevant un
enjeu profond, une problématique réelle. Certaines copies ne dégagent pas de question ou, à l’inverse,
enchaînent plusieurs interrogations ou reformulations du sujet et ouvrent de manière confuse sur des
horizons différents et hétéroclites. De même, la cohérence des différentes parties repose sur leurs limites,
sur leurs bornes chronologiques et thématiques : les copies consacrant chaque partie à l’analyse d’un siècle
différent étaient fatalement vouées à l’échec.
Enfin, l’expression écrite – lexique, syntaxe, orthographe – n’était souvent pas à la hauteur des
attentes : la « Chapelle Sixteen » ou le « Concile de 30 » ne sont que les exemples les plus aberrants d’une
longue liste. De même, le jury engage les candidats à faire preuve d’une meilleure maîtrise des concepts ou
des noms étrangers, afin d’éviter de traiter du « designo », de « Vasary » ou de « Vasareli ».
2. Analyse du sujet
Le sujet avait été formulé de manière à orienter l’attention des candidat(e)s sur des enjeux précis du
programme limitatif antérieur au XXe siècle (« Définir et transgresser la norme de la fondation de l’Académie
du dessin à Florence en 1563 à la première exposition impressionniste en 1874 »). À cet égard, il était
attendu que le terme « dessin » fasse l’objet d’une analyse minutieuse, en relation avec le concept de
norme.
Sur la norme
Sur le dessin
Dessin et Idée
Dessin et dessein
Dessin et éducation
La maîtrise du dessin, qui permet d’exprimer une idée mentale, un projet, se fonde sur un long
apprentissage pratique. L’éducation au dessin est une démarche essentielle des ateliers du Moyen-Âge et
de la Renaissance, qui ne se perd pas durant l’époque moderne, comme le montre, par exemple, une
esquisse de Constantijn van Renesse représentant des élèves de Rembrandt dessinant dans l’atelier du
maître (vers 1650, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum). De ce point de vue, les académies héritent
d’une habitude issue d’autres lieux de travail. Il s’agit d’un usage, d’une déclinaison du dessin que l’on
retrouve dans des contextes très différents : des académies d’Italie, de France ou d’Angleterre aux ateliers
hollandais ; et il n’est pas rare que des artistes s’opposant aux idéaux des académies fassent preuve d’une
maîtrise solide du dessin, tel Edgar Degas. Ce n’est pas la pratique du dessin qui crispe réellement les
esprits : les oppositions les plus radicales se construisent sur les valeurs, sur les modèles véhiculés par
l’éducation au dessin. Car, dans les ateliers comme dans les académies, les artistes apprennent des codes
et des normes en dessinant : la copie d’après l’antique, d’après les grands maîtres du XVIe siècle ou d’après
le modèle nu a en effet contribué à définir une hiérarchie solide. Le cas du Caravage, qui préférait « avoir le
réel devant soi » plutôt que « peindre d’après des dessins (même lorsqu’ils sont tirés du réel) » (Karel van
Mander, Het Leven der Moderne oft dees-tijtsche doorluchtighe Italiaensche Schilders, Haarlem, 1603), n’est
qu’un exemple de la critique de certaines normes filtrées par le dessin.
Cet apprentissage pratique du dessin dépasse les frontières de la production artistique : à l’époque
moderne, et notamment à partir du XVIIIe siècle, il devient une norme sociale, il établit des conventions qui
sont désormais partagées par un public choisi. Ainsi, le « dessein […] donne un goût pour la connoissance
des arts, et pour en faire juger du moins jusqu’à un certain point. Ce qui oblige de regarder cette partie
comme nécessaire à l’éducation des jeunes gentilhommes. » (Roger de Piles, Cours de peinture par
principes, Paris, 1708, p. 327).
29
3. Les pistes les plus intéressantes
Les copies les mieux notées sont celles qui ont su montrer, à l’appui d’exemples précis, comment le dessin
acquiert une normativité à la fois institutionnelle, théorique et pratique, comment cette norme, loin d’être
invariable, se redéfinit au cours de l’histoire de l’art, faisant alors ressortir aussi la puissance d’écart et de
transgression du dessin. Certain(e)s se demandent ainsi à qui et à quoi sert le dessin dans un monde
artistique qui requiert la norme académique pour s’affirmer, et insistent ensuite sur les failles de la norme et
du système élitiste qui la promeut, jusqu’à l’étape de la faillite de ce système institutionnel. D’autres montrent
que, dans l’art de la Haute Renaissance, la pratique du dessin devient essentielle à l’évaluation d’une
norme, d’un système de représentation graphique, picturale ou sculpturale. Mais ensuite, la norme de l’art ne
se résume pas au dessin, comme l’attestent en France, par exemple, le conflit du dessin et du coloris, ou, en
Europe, les diverses tentatives de réforme des normes académiques. En général, ces copies concluent sur
la déconstruction de l’idée de norme dont le résultat est, à terme, la fin du monopole artistique que
l’Académie avait travaillé à construire. De telles réflexions permettent de dépasser une lecture formaliste du
sujet. Les copies suivent souvent un fil chronologique global, avec plus ou moins de réussite et de précision,
mais l’essentiel était d’éviter de donner un tour seulement descriptif et linéaire (succession d’écoles, de
styles, énumération d’artistes) au développement de la dissertation.
La plupart des candidat(e)s s’attachent à rappeler, dans une première partie, le rôle de
l’enseignement et de l’institution académiques qui s’emploient à ériger le dessin en norme ou en « horizon
régulateur », comme on peut le lire, ce dont témoigne la création de l’Accademia Delle Arti del Disegno
qu’organise Vasari à Florence en 1563. Le dessin y est le médiateur entre l’art et la nature. Les différentes
étapes de l’enseignement au service d’une réforme et d’une normalisation de l’art sont évoquées, mais les
copies restent plus évasives sur la diversité des pratiques du dessin, par exemple sur la question du dessin
de modèle vivant. Le dessin à la Renaissance se caractérise doublement : à la fois comme intelligence d’un
idéal – ce point nécessitait de la part des candidats une réflexion sur le sens de l’imitation de la nature
comme sélection de ce qu’elle a de meilleur au moyen du dessin –, et comme pratique besogneuse et
studieuse à laquelle s’appliquent élèves et artistes. La gravure d’Agostino Veneziano, Académie de Baccio
Bandinelli à Rome (1531), citée pour évoquer le dessin comme pratique d’atelier, permettait d’observer
l’image de la pratique étonnante du dessin de nuit, qui témoigne certes de l’application d’une contrainte
supplémentaire, mais signifie peut-être aussi une quête poétique pour parfaire ce que la nature propose.
D’autres copies, en évoquant la gravure dessinée par Jan van der Straet, vers 1600, La peinture à l’huile :
l’atelier de Jan van Eyck, mettent en valeur une autre communauté artistique autour de Jan van Eyck, dans
laquelle la valeur intellectuelle du dessin est aussi affirmée qu’est louée la capacité technique des artistes.
La présence de collections de dessins dans les ateliers, pour fournir des modèles aux artistes ou aux
étudiants, montre que le dessin ne reste pas invisible, limité au stade de l’étude ou de la préparation de
l’œuvre, bien au contraire. La progression dans l’imitation par l’observation et l’exercice est la clé de cet
enseignement, et certain(e)s candidat(e)s le montrent précisément, en insistant sur le monopole du modèle
acquis par l’Académie Royale à Paris en 1655. Mais sur les siècles suivants, peu d’éléments précis
concernant l’enseignement du dessin dans les académies voire les ateliers privés sont proposés, même
s’agissant du XIXe siècle, en dépit de quelques allusions à Ingres et à sa célèbre sentence sur le dessin,
« probité de l’art » (Jean-Auguste-Dominique Ingres, Écrits et propos sur l’art, édition de Manuel Jover,
Paris, 2006).
Quant à l’institution elle-même et à son fonctionnement, les analyses ont pu être inspirées par
l’ouvrage de Nathalie Heinich, Être artiste (Paris, 2005), pour décrire la constitution et la résistance d’un
système élitiste. Cependant, leur développement impliquait une réelle compréhension de ce qu’engage le
disegno. Les copies se concentrent souvent sur le moment fondateur de l’Académie florentine, où le dessin
sert peut-être davantage de principe d’organisation que de norme, tandis que la norme de l’art est ce que le
pouvoir impose ou favorise dans une période troublée et dans le contexte du maniérisme italien. Il aurait fallu
donc distinguer norme académique et norme artistique, ou tout au moins discuter de l’unité et du caractère
prescripteur de la norme. Certain(e)s candidat(e)s évoquent la proposition de réforme de l’étude du modèle
vivant par Federico Zuccari, ainsi que les résistances qu’elle a suscitées. Ils montrent également que la
norme, qu’aurait pu devenir le dessin à l’Académie, est renégociée en permanence. On le voit, par exemple,
dans l’art de la Contre-Réforme et sa reconsidération critique du modèle antique. L’exemple du refus de la
première version de Saint Mathieu et l’ange du Caravage (un tableau destiné à la chapelle Contarelli de
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l’église Saint-Louis-des-Français à Rome, œuvre aujourd’hui détruite) et la comparaison avec la seconde
version du tableau montrent le rejet de l’interprétation naturaliste du rapport de l’ange et du saint. Certains
candidats s’attachent alors à nuancer leur jugement sur le rôle de l’Académie dans la définition de la norme.
D’autres évoquent le Prix de Rome, mais l’importance du dessin de nu dans la formation des artistes et le
genre que l’on appelle « académie », qui était tout de même au cœur de la norme, ne sont guère envisagés.
Mais c’est surtout la controverse du dessin et du coloris qui aura permis le développement de
l’analyse d’un conflit des normes de l’art, quand les candidat(e)s prêtent attention à ses différentes
formulations, en Italie au XVIe siècle, puis en France au XVIIe siècle, au moment où le dessin prend une
valeur de norme officielle. Retournant aux exemples de Rubens et Poussin, dont se saisissent a posteriori
les partisans du dessin et de la couleur, certains remarquent, sans affaiblir le débat, la dynamique du geste
dans la peinture de Rubens et le soin que Poussin apporte à ses couleurs.
Ces analyses pouvaient être situées dans une évocation plus générale des transformations de la
norme classique. Les deux planches gravées de The Analysis of Beauty de Hogarth (Londres, 1753) attirent
l’attention de rares candidat(e)s parce qu’elles manifestent à la fois un effort d’assimilation et de
mémorisation de la norme classique par le dessin de la ligne serpentine (idéal de simplicité que recherchait
le peintre Apelle dans l’Antiquité) et la critique ironique de l’idéal normatif du classicisme. Piranèse est
également évoqué, lui qui, sans correspondre aux normes, a influencé les élèves de l’Académie de France
au XVIIIe siècle à Rome. Son exemple permet de souligner la puissance d’invention de la gravure, au service
des genres de la veduta ou du caprice. Mais d’autres candidat(e)s préfèrent explorer ce médium à travers
l’exemple de Rembrandt et de la maîtrise du clair-obscur dans les différents états de ses eaux-fortes.
La dissolution de l’Académie en 1793 retient l’intérêt des candidat(e)s, souvent dans la deuxième
partie de leur dissertation, mais elle ne permettait pas, contrairement à ce qu’on a lu parfois, de relativiser le
rôle du dessin. Ceux(celles) qui évoquent la rupture voulue par David pouvaient, dans le même temps, se
pencher sur le fonctionnement de l’atelier et sur la valeur résolument classique du dessin davidien. Il est des
candidat(e)s qui s’attachent à souligner les audaces graphiques des artistes romantiques et abordent
notamment le rôle de la tache dans l’aquarelle, dans la mesure où elle parvient à dissocier le dessin et la
ligne.
Il pouvait être ensuite aisé de revenir sur la puissance suggestive du dessin, le rôle de l’esquisse
(à la condition de ne pas désigner du nom d’esquisse n’importe quel dessin). C’est souvent le choix opéré
par les candidat(e)s pour leur troisième partie dans laquelle le dessin devient une technique, un moyen
d’expression utilisés pour contester les normes ou renouveler les sujets. La comparaison de l’étude du Pont
de Narni aux environs de Rome peinte par Corot (1826, Paris, musée du Louvre) et du Pont de Narni (1827,
Ottawa, Galerie Nationale du Canada), pouvait permettre de souligner l’importance nouvelle du paysage et
bien sûr, du dessin d’étude sur le motif. Sur les Impressionnistes, le discours a semblé parfois vague ou
convenu. En contestant la valeur classique du dessin, et en affirmant le pouvoir de la touche, ces artistes
attaquent pourtant la vocation du dessin à représenter des sujets d’histoire et à déterminer les genres de
l’art. Mais ne fondent-ils pas à leur tour une nouvelle norme pour dessiner avec la couleur et saisir la fugacité
de l’instant ? On pouvait, par exemple, souligner le rôle joué par les estampes japonaises.
Il s’est agi ici de donner quelques aperçus de la façon dont les meilleur(e)s candidat(e)s ont mis
leurs exemples en perspective, non pas de résumer le contenu des copies, encore moins de diffuser des
éléments de correction du sujet proposé. Mais dès lors que l’on avait travaillé sur la question de la norme, on
avait forcément examiné, à un moment ou à une autre dans sa préparation de concours, l’importance du
dessin. Il pouvait donc suffire d’organiser une discussion à partir d’un petit nombre de thèses nourries par la
connaissance de quelques exemples précis.
Les rapporteurs de ce rapport souhaitent que les futur(e)s candidat(e)s se trouvent ici
encouragé(e)s à entrer dans la singularité des œuvres pour réfléchir à leur portée, à s’appuyer sur leur
observation et leur sensibilité et ainsi construire un propos à la fois instruit et critique.
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Document iconique
Duane HANSON (1925-1996), Self-portait with model [Autoportrait avec modèle], 1979.
Polyvinyle peint à l’huile, techniques mixtes, objets. Échelle 1.
Sujet
ENCHAÎNEMENT(S)
En exploitant des éléments et caractéristiques (plastiques, iconiques, sémantiques) que
vous aurez repérés dans le document joint, vous proposerez une réalisation
bidimensionnelle mettant en jeu et en évidence la notion d’enchaînement.
Votre production sera accompagnée d’une note d’intention de 20 lignes, écrite directement
au verso, sur l’équivalent d’un format A4 (21 x 29,7 cm). Cette note, qui sera prise en
compte dans l’évaluation, doit vous permettre de justifier les choix, modalités et références
mis en œuvre dans votre réponse au sujet proposé.
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Introduction
Le sujet de la session 2018 a été le point de départ d’une grande richesse de réponses plastiques,
parmi lesquelles le jury a distingué un certain nombre de propositions pertinentes et cohérentes, mais a
également recensé une bonne proportion de travaux peu convaincants, en deçà des exigences de l’épreuve.
Cette année, 415 travaux ont été évalués. La moyenne générale de l’épreuve (6.16) est inférieure à
celle des années précédentes. La note maximale est de 18 et la note minimale de 1. Les réalisations qui ont
obtenu la moyenne ou plus sont au nombre de 78 (soit presque 20% des réalisations).
L’épreuve comportait des changements importants par rapport aux sessions précédentes avec,
d’une part, l’introduction de la note d’intention et, d’autre part, l’ouverture à d’autres moyens d’expression
que ceux strictement graphiques, en vigueur depuis 20021.
Le présent rapport, au même titre que les précédents, se veut une aide pour les candidat(e)s qui
souhaitent se préparer correctement à cette épreuve de pratique plastique. Nous avancerons, dans un
premier temps, différentes pistes d’interprétation du sujet, fondées à la fois sur les propositions des
candidat(e)s et sur les attendus de l’épreuve puis nous mettrons en évidence les problèmes rencontrés, tant
du point de vue plastique que conceptuel. Dans un second temps, nous dispenserons un certain nombre de
conseils et remarques méthodologiques.
1) L’énoncé
Le sujet portait sur la notion d’« enchaînement », à articuler avec un document iconique reproduisant
une œuvre de Duane Hanson intitulée Self-portrait with model [Autoportrait avec modèle], datée de 1979. Ce
sujet impliquait de la part du (de la) candidat(e) une réflexion problématisée autour d’une double
interrogation : d’un côté, ce qui fait lien (formellement, sémantiquement) entre les constituants d’une œuvre
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et, de l’autre, ce qui relie ou permet d’associer certaines œuvres, par analogie ou filiation.
Bien des pistes étaient envisageables :
enchaînement de formes, de procédures techniques, de registres iconiques :
enchaînement de références ou l’histoire de la « vie des formes » considérée comme une
chaîne ininterrompue de relations, emprunts, citations, hommages ;
enchaînement, rendu visible et pertinent, de moments, de stades d’élaboration de l’œuvre
(l’esquisse, l’ébauche, le non finito, la réserve…) ;
enchaînement/articulation de modalités plurielles de traduction de l’espace et/ou de la
figure ;
mise en relation de figurations relevant d’échelles diverses, superpositions, surimpressions,
effets de montage ;
enchaînement temporel : évocation, traduction de la durée ; ouvertures possibles vers
la suggestion d’une narration, la mise en œuvre de fragments de récits, la référence aux
pratiques séquentielles, aux stratégies de combinaisons d’images (bande dessinée, cinéma,
vidéo, art numérique, arts vivants) ;
repérage et exploitation de l’ambivalence sémantique du terme « enchaînement » qui, à
l’opposé d’une dynamique de progression, peut également suggérer la contrainte et/ou
l’enfermement.
2) Le document
Le document proposait un point de vue singulier sur la sculpture de Duane Hanson dont tous
les éléments sont à l’échelle 1. Il était important de repérer les constituants de l’œuvre et leur matérialité.
Duane Hanson a réalisé des moulages de personnages réels : à gauche, se trouve un autoportrait moulé,
peint et habillé avec de véritables vêtements. Le modèle, à droite, est également une sculpture obtenue par
moulage. Il s’agit d’une femme, vêtue d’une robe à petits carreaux très ordinaire qui lit des magazines
(véritables eux aussi). Une inscription sur la couverture d’un magazine indique qu’il est question de Lose
W… Stay … ; une phrase, écrite sur la page que la femme tient dans les mains : « Relax and Lose Weight »
aide à la reconstitution du sens. De fait, le titre pourrait être : « Lose Weight, Stay relax » (Perdez du poids,
restez relax). Le jury ne peut reprocher aux candidat(e)s de n’avoir pu saisir ce détail car la taille du
document reproduit ne le permettait guère. Tous les autres objets sont réels : le sac (au sol), le cendrier, la
salière, le poivrier, la bouteille de Coca-Cola, le distributeur de serviettes, la coupe de glace et la cuillère, les
montres portées par les deux personnages, les chaises et la table. Les cheveux aussi sont véritables, tout
comme les poils sur les bras du moulage de l’artiste.
L’appartenance de cette œuvre à l’hyperréalisme n’a pas toujours été repérée, ce qui a handicapé
les candidat(e)s pour l’exposition de leur démarche dans la note d’intention. Certain(e)s ont écrit, à tort, qu’il
s’agissait d’une œuvre photographique, d’une peinture hyperréaliste et même d’une installation « in situ ».
Une connaissance sérieuse des enjeux de l’art contemporain, de ce courant artistique, mais aussi de la
démarche de Duane Hanson était attendue de la part de candidat(e)s à l’agrégation, futur(e)s ou actuel(le)s
enseignant(e)s.
L’utilisation des éléments iconiques par le (la) candidat(e) dans la production plastique pouvait
cependant s’affranchir de ce qui « fait œuvre », dans le document initial, afin de se l’approprier et de
l’interpréter pour proposer un décentrement qui fasse sens. Dans cet esprit, plusieurs réalisations ont joué
avec la marge blanche et les repères imprimés tels qu’ils apparaissaient sur la feuille du sujet distribuée le
jour de l’épreuve, mais sans arriver toujours à justifier la signification de ce choix.
Dans l’œuvre de Duane Hanson, les liens avec la société de consommation américaine de la
seconde moitié du XXe siècle étaient très explicites (la bouteille de Coca-Cola, le cendrier – sous-entendant
la cigarette –, la glace, les programmes télé, les magazines people, le mobilier fonctionnel évoquant la
terrasse d’un bistro ou, plus généralement, celui de la restauration rapide, les vêtements décontractés voire
désuets comme la robe, les tongs ou encore le sac à main et, finalement, le surpoids du modèle, qui peut
apparaître comme la conséquence du mode de vie engendrée par « l’American way of life »).
Les possibilités narratives induites par l’image pouvaient constituer une première voie de traitement.
En effet, la composition est comme scindée en deux et un axe de symétrie se dessine entre les deux
personnages ; le cadrage photographique accentue évidemment cette impression. Cette césure pouvait être
le point de départ d’une séquence narrative. Les thèmes de l’attente, du statisme et de l’inspiration de
l’œuvre à faire étaient sous-jacents. Que s’est-il passé avant ? Que vont-ils faire ensuite ? Que se passera-t-
il dans l’atelier de l’artiste ? D’innombrables conjectures étaient envisageables et elles ont été largement
exploitées par les candidat(e)s pour suggérer des enchaînements d’images, d’actions et de formes, des
rapprochements ou des oppositions plastiques.
La relation entre l’artiste et son modèle semblait l’un des thèmes les plus légitimes, puisque la
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sculpture résulte du travail de l’artiste, mais aussi d’une rencontre avec un modèle dont l’aspect physique et
vestimentaire est le résultat d’une vie. Duane Hanson n’idéalise pas son modèle féminin : il le choisit pour ce
qu’il est, soit l’incarnation d’une période, d’une société, d’un mode de vie, faisant ainsi de l’œuvre une
transposition plastique et intellectuelle du monde.
Les questions du simulacre, du réalisme, de l’hyperréalisme notamment, étaient des pistes à creuser
de même que la question du « surmoulage ». Comment ne pas penser au procès fait à Auguste Rodin en
1877 pour sa sculpture l’Âge d’Airain qui fut violemment critiquée car on le soupçonnait d’avoir travaillé en «
surmoulage », c’est-à-dire en ayant moulé le corps de son modèle ? Ce surmoulage effectué par Duane
Hanson se perçoit aussi comme l’indice d’une performance, il évoque un moment particulier, ce qui « a eu
lieu », proche en cela d’une sorte de photographie en trois dimensions qui nous amène à réfléchir sur le réel,
sur le quotidien et le trivial, sur ce qui fait que l’art est, selon les mots de Robert Filliou : « ce qui rend la vie
plus intéressante que l’art »2.
3) Critères d’évaluation
Le jury a repris les critères d’évaluation de la session précédente auxquels il a ajouté celui dédié à la note
d’intention.
À la fois « sobre » et riche en détails exploitables, le document se prêtait à des modalités de saisie
très diversifiées, à des associations et interprétations variées que l’on peut regrouper par thèmes. Les
propositions qui suivent ne constituent pas un corrigé idéal mais font état, bien plutôt, de pistes probantes
relevées dans les productions des candidat(e)s.
Pour beaucoup de candidat(e)s, l’enchaînement se restreint souvent à l’amour. L’assimilation du duo
(l’artiste et son modèle) à un couple a été maintes fois repérée. La rupture a été envisagée dans certaines
propositions comme la conséquence de l’hypothétique ennui, lié à la vie de couple où l’homme, devenu
impassible et muet, ne voudrait plus d’une femme s’étant trop laissée aller aux excès de nourriture jusqu’à
en devenir obèse (sic !). De même, la relation mère-fils a été explorée dans certaines propositions, mais le
jury s’est étonné, à bon droit, des interprétations ou projections douteuses de certain(e)s candidat(e)s.
L’enchaînement a souvent été perçu comme une force aliénante capable de séparer les êtres plutôt que de
les lier. À ce titre, le jury a apprécié la réalisation d’un(e) candidat(e) qui a donné à voir la table comme un
élément séparateur entre les deux personnages, un lien visuellement très fort mais elliptique, traité en
réserve dans le travail, qui révélait ainsi une présence en creux, une forme dont seul le contour fantomatique
reliait encore les deux personnages. La nature de l’interaction entre ces deux personnages a d’ailleurs
suscité des questionnements fort habiles : certain(e)s candidat(e)s ont imaginé des scenarii autour de
la manifestation d’une tension, des suites potentielles à la situation initiale dont rendait compte le document.
A contrario, d’autres candidat(e)s se sont laissé aller à la caricature, soutenue par une note d’intention
explicite. Soulignons-le, les clichés et les lieux communs qui offrent parfois une vision affligeante et
réductrice de la femme n’étaient guère souhaitables et ils ont desservi la proposition du (de la) candidat(e).
Le thème de la nature-morte a été traité de façon récurrente : les objets présents sur la table ont
changé d’échelle, ont été repris, détournés, transposés dans des dispositifs parfois très ingénieux.
L’hyperréalisme a, de son côté, été convoqué pour représenter des objets, renvoyant ainsi à la tradition des
Vanités qui évoquent la brièveté de l’existence humaine. Le jury a accueilli favorablement
quelques productions témoignant d’un parti-pris sur le temps qui passe, comme cette approche très picturale
où le (la) candidat(e) a transposé les objets et personnages en une Vanité singulière, détournant ainsi
les codes du genre en usage au XVIIe siècle : le memento mori, la présence d’objets périssables appelés à
flétrir et l’enchaînement des personnages à des plaisirs futiles et vains.
Le thème du double portrait était aussi envisageable, bien qu’il ait été peu questionné.
L’œuvre de Duane Hanson ne conditionnait pas l’adoption d’un registre élevé d’iconicité, mais
certain(e)s candidat(e)s ont su questionner le degré de rapport au réel avec brio au moyen de
représentations proches de l’hyperréalisme. La référence aux magazines people, prélevée dans les
hebdomadaires aux pieds de la femme, a souvent été utilisée. Mais, la plupart du temps, cette thématique a
donné lieu à des productions très illustratives, faisant état de réponses sans recul, superficielles et
inopérantes.
• La note d’intention :
Il est rappelé dans l’énoncé du sujet : « Votre production sera accompagnée d’une note d’intention
de 20 à 30 lignes, écrites directement au verso, sur l’équivalent d’un format A4 (21 x 29,7 cm). Cette note,
qui sera prise en compte dans l’évaluation, doit vous permettre de justifier les choix, les modalités et
références mis en œuvre dans votre réponse au sujet proposé. »
C’est la première fois qu’une note d’intention est demandée aux candidat(e)s et ce sera désormais la
norme pour cette épreuve. Cet ajout vise à faciliter la compréhension de la démarche du (de la) candidat(e)
par le jury. Il est donc primordial de préciser les attentes afin que cet élément nouveau puisse éclairer
positivement le jury sur la réponse plastique du (de la) candidat(e).
Toute production ne comportant pas de note d’intention – ou en comportant une, mais qui ne serait
pas au format A4 imposé – ne respecte pas le cadre légal de l’épreuve. Le jury a souvent déploré des
longueurs dans les notes d’intention. Nombre d’entre elles ont commencé par une fastidieuse description du
document iconique sans qu’aucune problématique ne soit dégagée. Fréquemment, les candidat(e)s ont
décrit leur travail sans expliciter le dispositif de présentation ni le choix des moyens plastiques pour lesquels
ils (elles) avaient opté. Dans ce cas, la note d’intention dessert clairement la proposition du (de la)
candidat(e) plus qu’elle ne l’éclaire.
Il n’est pas nécessaire d’indiquer toutes les pistes possibles d’interprétation et de traitement du sujet.
Il faut au contraire définir clairement le parti-pris choisi en réponse au sujet.
Il ne s’agit pas d’une épreuve d’histoire de l’art, il est donc inutile de faire une analyse plastique du
document, à l’aide de croquis (ce qui est une perte de temps). En revanche, situer l’œuvre figurée dans un
courant artistique permet au (à la) candidat(e) de cibler la démarche de l’artiste et de situer son propre travail
plastique.
Le (la) candidat(e) n’a pas toujours mentionné la référence artistique pourtant manifeste dans
sa production ou, à l’opposé, a fait appel à des œuvres sans rapport avec la réalisation (ex : Gina Pane pour
le geste de l’artiste, Action Escalade non-anesthésiée, 1971, au regard d’une production au parti-pris
graphique très conventionnel et représentant un portable et des bouteilles de Coca-Cola). Pour être
convoquée dans un tel concours, une œuvre ne peut être confidentielle. Il faut avoir pleinement conscience
d’une hiérarchisation des références qui sous-entend une véritable réflexion sur la nature des artistes
envisageables. Être capable de référencer son travail plastique est une compétence attendue de la part des
élèves d’où l’importance d’en faire preuve dans la note, car elle indexe cette qualité chez un(e) futur(e)
enseignant(e).
Une liste de philosophes, de penseurs n’ayant rien à voir avec le sujet ne peut se substituer à la
justification des choix plastiques.
Enfin, d’un point de vue formel, rappelons que la note d’intention doit être rédigée correctement, car
elle démontre des compétences rédactionnelles et communicationnelles propres à un(e) futur(e)
enseignant(e). De fait, un style télégraphique, de simples listes de mots-clés, des fautes d’orthographe et de
syntaxe ne sont pas admissibles. Notons qu’il est préférable d’écrire à la première personne du pluriel afin
de ne pas laisser d’indices permettant de saisir si le (la) candidat(e) est un homme ou une femme. Indiquer
sa provenance géographique ou laisser comprendre par des éléments textuels, iconiques ou plastiques sa
région d’origine, peut rompre le principe d’anonymat et doit simplement être proscrit.
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Conseils pour la note d’intention :
- Il faut à tout prix respecter les contraintes du texte proposé et écrire 20 à 30 lignes (maximum), directement
au verso, sur l’équivalent d’un format A4 (21 x 29,7 cm). Il convient de respecter scrupuleusement ce format
tout en écrivant lisiblement.
- Présenter et justifier la problématique choisie. Il s’agit de prendre parti et d’expliquer la prise de position
plastique et conceptuelle au regard de la formulation du sujet, comme des éléments iconiques du document
proposé.
- Justifier les relations entre la problématique choisie et la dimension expressive des différents moyens
plastiques utilisés, en prenant soin d’indiquer précisément les effets produits (ce doit être la partie la plus
longue du texte).
- Justifier la (ou les références) plastique(s) convoquée(s) par la réalisation. Il peut s’agir de références
anciennes ou contemporaines, mais les effets plastiques produits doivent être identifiés et sont
nécessairement situés par rapport à l’art contemporain.
Pour le dire autrement, la note d’intention permet de saisir la cohérence de la réponse du (de la)
candidat(e) au sujet ; elle est complémentaire du travail plastique qui témoigne lui-même d’une pratique
artistique. C’est un outil de communication précieux dont dispose le jury pour comprendre la démarche : il
convient donc de ne pas négliger sa rédaction et de proposer des textes correctement écrits, qui ne soient ni
alambiqués, ni déconnectés de la production proposée, comme s’il s’agissait d’en camoufler les faiblesses
par un écran de fumée conceptuel.
1) Préparer l’épreuve
Faire une réalisation plastique dans un temps limité de huit heures implique d’avoir expérimenté
plusieurs fois la totalité du temps de l’épreuve avec des moyens déterminés à l’avance (pour la plupart) sur
le format grand aigle. La réponse au sujet doit être réfléchie car il faudra l’argumenter (dans la note
d’intention). Des croquis colorés très rapides sont à recommander dans la mesure où ils permettent
d’envisager la proposition finale. Cette première approche permettra au (à la) candidat(e) de saisir les enjeux
(plastiques et sémantiques) de l’épreuve. Ensuite, la réalisation pourra, sans être une simple « exécution »,
laisser la place au plaisir de la mise en œuvre plastique et à ses aléas. Bien sûr, il va de soi qu’une telle
épreuve est source de stress, mais celui-ci doit être envisagé comme bénéfique dans la mesure où la
concentration, la réflexion ainsi que tous les sens du (de la) candidat(e) s’en trouvent exacerbés. Gérer le
temps de l’épreuve, c’est aussi contrôler cette dimension émotionnelle.
Une pratique ne s’improvise pas, elle se travaille régulièrement afin d’obtenir une maîtrise plastique
cohérente. À ce titre, nous déconseillons vivement aux candidat(e)s l’expérimentation d’une technique
inédite ou l’emploi de médiums jamais éprouvés au préalable : nous l’avons constaté, certaines réalisations
étaient manifestement inachevées faute de temps, d’autres proposaient des collages très approximatifs dont
la précarité ne relevait pas d’un parti-pris manifeste mais, bien plutôt, d’une incohérence plastique et
technique. Faut-il rappeler que les candidat(e)s doivent fréquenter les lieux d’art, les expositions,
s’imprégner de l’actualité et trouver leur propre voix à force d’expérimentations et de choix. C’est cette
maturation, à laquelle il faut adjoindre les nécessaires étapes du cheminement personnel, qui permet
d’exprimer pleinement ce qui est au cœur de la discipline des arts plastiques, la singularité d’une démarche
artistique. Nous rappelons qu’une des compétences spécifiques de l’enseignant(e) en arts plastiques est
mise en œuvre dans cette épreuve : celle qui consiste à évaluer en permanence la justesse et l’adéquation
des choix plastiques d’une réalisation. Cette compétence doit se donner à lire dans la production des
candidat(e)s, car en faire preuve permet d’épauler la création plastique des élèves.
2) Considérations techniques
Chaque année, le rapport de jury mentionne les conditions de recevabilité d’une proposition. Pour
autant, certain(e)s candidat(e)s font l’économie de ces conseils et présentent des productions non
conformes. Nous leur conseillons vivement de relire les rapports antérieurs et de prendre en compte, de
manière effective, les points suivants.
Pour rappel, le hors format est éliminatoire et les formats vendus sous l’appellation « grand aigle » varient
d’un fournisseur à l’autre. Il est donc nécessaire que les candidat(e)s vérifient les mesures de leurs feuilles
et les rectifient au besoin, afin d’obtenir une feuille de 75 x 106 cm.
37
Il ne faut pas oublier de fixer les fusains et pastels. Il est interdit d’utiliser des colles et produits à séchage
lent. Tout élément collé doit être bien fixé. Les candidat(e)s ne doivent pas proposer un support à rabat (ou
nécessitant le déplacement manuel de ses constituants). Les travaux sont, en effet, manipulés et
transportés.
Enfin, la nature et l’épaisseur du support ne sont pas toujours justifiées. Ces choix résultent d’un parti-pris
plastique : ils doivent être pris en compte dans l’explication de la démarche.
Conclusion
La logique des sujets de pratique plastique est toujours d’inviter le (la) candidat(e) à une
appropriation qui lui permette de mettre en évidence la singularité de son interprétation. C’est une incitation,
par nature et par nécessité, ouverte. À cette condition, l’épreuve peut devenir le catalyseur d’une pratique
véritablement singulière, révélatrice de la réalité d’une culture et d’une aptitude (comme d’une attitude)
artistique. Le jury a été surpris (et parfois convaincu !) par des propositions très étonnantes, relevant d’un
large spectre de pratiques, de références et de sensibilités.
Les travaux les plus valorisés ont été ceux qui témoignaient d’une maîtrise plastique fondée sur une
démarche claire et référencée et qui faisaient état d’un parti-pris engagé vis-à-vis des pratiques
contemporaines. Les candidat(e)s doivent cultiver leur originalité plastique (afin qu’elle offre le moins
possible de similarités avec la production des autres). Cette épreuve prend place dans un concours qui vise
à repérer les meilleur(e)s candidat(e)s parmi un groupe, elle n’invalide pas les qualités artistiques d’un(e)
candidat(e). Elle hiérarchise seulement les réponses, au regard des contraintes du sujet. La connaissance
de l’actualité artistique et des grands événements de la vie de l’art contemporain ne peut être qu’un atout
pour celles et ceux qui désirent réussir ce concours.
38
ADMISSION
_________________________________________________________________
Introduction
Ce rapport se veut un outil efficace pour la préparation à l’épreuve de pratique et de création plastiques
d’admission. S’il recueille des constats positifs et négatifs faits par les membres du jury, il privilégie une
forme d’écriture qui permettra aux futur(e)s candidat(e)s de saisir les modalités de l’épreuve et les attentes
du concours. L’ensemble de ce rapport est divisé en chapitres, suivant les étapes successives (mais
complémentaires) qui jalonnent le déroulement de l’épreuve sur trois jours. Au début de chaque chapitre,
nous avons résumé, en plusieurs points essentiels, la manière dont les candidat(e)s doivent appréhender
l’étape correspondante. Il apparaît primordial, pour bien se préparer à cette épreuve, de prendre
connaissance du présent rapport et de porter une grande attention aux points mis en avant. Il est également
fortement recommandé de se reporter aux rapports des sessions précédentes, qui pourront compléter
avantageusement celui-ci.
1. Analyse du sujet
Le sujet, composé pour cette session d’une notion associée à trois reproductions d’œuvres, ouvrait
la possibilité de multiples analyses et questionnements. Mais il s’agissait pour le(la) candidat(e) de
dégager une problématique permettant d’engager et de développer un travail artistique ambitieux.
De façon générale, tout sujet demande à être traité avec finesse et minutie. Une réflexion approfondie,
s’appuyant sur les documents proposés, doit susciter des associations conceptuelles, de multiples questions
et références plastiques, artistiques et culturelles que le(a) candidat(e) peut confronter ensuite à sa pratique.
En ce qui concerne le sujet proposé, trop nombreux(ses) sont ceux(celles) qui en sont resté(e)s à une
lecture littérale et superficielle où tout deviendrait “fluide”. L'articulation avec les divers documents a parfois
semblé se concentrer sur une simple description relevant de l'analogie ou de l'accumulation de synonymes :
« fluidité » se transformait en « glissement », « liquidité », etc. La notion de fluidité a quelquefois été traitée
comme une thématique davantage que comme un sujet. Or, il s’agissait bien d’une demande, appelée à
prendre la forme d’une incitation : comment la notion de fluidité peut-elle prendre FORME et SENS dans une
production plastique ? Il ne suffisait pas dès lors d'utiliser une matière fluide pour traiter le sujet.
Si le sujet a indéniablement nourri un engagement de plasticien(ne) chez plusieurs candidat(e)s, le champ
de réflexion a parfois été limité à des notions précisément « plasticiennes ». En réalité, le dossier invitait
aussi à de pertinentes transpositions et à se saisir notamment de questions de société, d’économie,
d'écologie, de sociologie, de géopolitique… Autant de domaines de l’actualité où les problématiques
soulevées par la notion de fluidité pouvaient non seulement trouver écho mais également prendre sens, et
auxquels l’expression artistique ne saurait rester imperméable.
a) La notion de fluidité
L’époque contemporaine, marquée notamment par les flux financiers, migratoires, d’informations et d’images
donne à la notion de fluidité une dimension actuelle. Une approche lexicale permettait tout d’abord de faire
émerger un réseau de sens pouvant questionner la pratique du(de la) candidat(e). Rappelons que la notion
de fluidité renvoie à fluidus qui signifie « coulant », lui-même dérivant du latin fluctus puis fluxus : « qui coule
». La fluidité est, selon le Petit Robert, « l’état ou la qualité de ce qui est fluide, de ce qui s’écoule facilement
». Mais elle est aussi le « caractère de ce qui échappe à toute saisie, en raison de son instabilité ».
39
De ce fait, la fluidité désigne, d’une part, un état et, d’autre part, une logique propre à cet état : l’écoulement
sans résistance entraînant l’évitement, l’adaptation aux sinuosités, le détournement des obstacles, l’infusion
ou la diffusion. Ces différentes notions, corrélées à celle de fluidité, et d’ailleurs convoquées dans les
documents iconographiques associés au sujet (dont une lecture précise, incluant celles des cartels se
montrait nécessaire), apparaissaient comme autant de propositions sensibles pouvant mener à une palette
de problématiques plastiques. Tous les philosophes du devenir (d’Héraclite à Nietzsche, de Bergson à
Deleuze) pouvaient être cités, à condition que les références s’articulent avec évidence à des
questionnements artistiques.
La fluidité trouvait tout aussi bien des résonances du côté de l’informe, de l’indéfinissable ou de l’inachevé,
voire de l’indéterminé. Une approche de la notion très ancrée dans notre contemporanéité permettait
d’interroger notre rapport au monde à partir des qualités d’écoulement, de vitesse ou de changement et en
réactivant, par exemple, des formes ouvertes, ou des propositions métisses. En filigrane, le concept de
fluidité pouvait questionner aussi l’articulation entre la pratique et la théorie telle que nous la pensons depuis
la création de notre discipline, en invitant à déplacer les limites de la compréhension de la plasticité. Il y avait
là de quoi apporter un éclairage possible à la conception de la plasticité, à en déployer les enjeux dans une
démarche plastique engageant une réflexion sur le processus créatif, tout autant que sur l’objet d’art et sa
réception.
Si la fluidité apparaît à la fois à travers la lave représentée et les résultats du traitement numérique produit,
elle se retrouve ainsi dans l’ensemble du processus. En effet, l’image avec laquelle l’artiste se propose de
jouer est, comme le rappelle le cartel, une image trouvée, qui est ensuite retouchée avec le logiciel
Processing. Ce dernier n’est pas un logiciel de retouche d’image classique qui permettrait d’agir directement
avec des outils graphiques virtuels. Au contraire, il nécessite de passer par une phase de codage qui
suppose que l’image trouvée a d’abord été numérisée pour en obtenir l’écriture en un code informatique
manipulable. L’aspect très particulier du parasitage qui en résulte est très éloigné du glitch tel qu’on l’entend
en musique expérimentale ou dans le glitch art : il n’y a pas ici de bug hasardeux qui pourrait être provoqué
volontairement, mais dont le résultat serait indéterminé et lié aux limites d’une machine dont on aurait
poussé à l’extrême les possibilités de calcul. Le collage n’est pas la conséquence d’une anomalie (ou
seulement pour nous en tant que spectateurs), du dysfonctionnement d’une machine ou d’un logiciel : ce
glitch est obtenu par l’intervention de l’artiste dans la mise en code de l’image qui choisit précisément à quel
niveau du code source de l’image il va opérer son action de détournement, en y ajoutant les lignes de code
nécessaires à la création d’une nouvelle image. Le mot collage associé à glitch pour décrire la pratique
prend ici tout son sens : c’est le langage de programmation qui est collé à l’intérieur même d’une « mise en
langage informatique » de l’image. Il n’y a aucune rupture dans l’image, mais une destruction maîtrisée et
contenue, notamment dans la direction d’un « bug » organisé et orchestré par l’artiste. L’image passe donc
par une chaîne de processus qui la font osciller entre « objet trouvé », « ligne de code », « image
numérique»... Nous sommes donc face à un processus fluide, produisant un changement d’état par un
déplacement intermédial : un passage forcé entre le langage et l’image, l'écriture et une forme sensible
visible.
Le processus intermédial est également présent dans le deuxième document. Il s’agit en effet de la
photographie d’un livre ouvert présentant la reproduction de deux dessins de l’artiste Thomas Müller. La
40
notion de fluidité est ainsi mise en tension à travers la représentation photographique du travail, qui est ici
réduite aux dimensions du livre.
Au premier abord, les dessins de cet artiste allemand produisent visuellement une sensation de fluidité : des
formes courbes larges et amples, dont le bleu soutenu évoque l’idée que nous nous faisons de l’élément
aqueux, du mouvement et de la souplesse d’un tissu léger agité par le vent. Cependant, les formes restent
abstraites et leurs textures peuvent aussi sembler être le résultat de larges coups de pinceau. Or, pour
obtenir ces dessins, Thomas Müller utilise des stylos à bille. S’appropriant un instrument réservé a priori à
l’écriture, l’artiste trace des lignes, étire l’encre et répète son geste pour atteindre un tel résultat plastique.
Ainsi, il porte une attention particulière aux caractéristiques d’un outil non artistique : son processus de
création relève d’une forme de pratique fluide, ouverte aux potentialités des matériaux.
Le processus d’édition et de reproduction photographique engage, quant à lui, à questionner le passage
d’un médium à un autre, la manière dont une image peut être transformée par son support ou sa mise en
espace. Les deux dessins de Thomas Müller, mis côte à côte dans la mise en page du catalogue, entrent –
du fait de cette configuration – en dialogue. Le support du livre donne aux dessins un mouvement
supplémentaire, les pages étant légèrement courbées. Ainsi, la notion de fluidité est mise en jeu par les
qualités du support qui propose ondulations et circulations aussi bien que ruptures et discontinuités, en
raison du pli du livre, des légers hors-champs de la mise en page.
Le document présente deux moments différents du travail de Richard Serra : l’action et l’installation qui en
résulte. La première image est un plan moyen qui montre l’artiste vêtu d’une combinaison protectrice, jetant
du plomb à l’état liquide dans l’angle de l’espace d’exposition. La seconde représentation est un plan
d’ensemble qui fournit plusieurs indications sur l’étape suivante. Si la première image donne une idée de
l’importance du geste nécessaire à la réalisation des moulages d’angles de l’espace de réalisation, la
seconde indique l’ampleur de la démarche, à la fois dans l’espace et le temps, les personnes au centre de
l’installation permettant d’établir l’échelle de celle-ci. On comprend que le processus de création est le
suivant : le plomb jeté dans l’angle de la pièce et sur toute sa longueur se solidifie, formant un volume qui
est ensuite retourné. L’action est répétée jusqu’à ce que la pièce soit entièrement occupée par des
moulages qui sont agencés dans l’ordre chronologique de leur production.
Comme le titre l’indique, la mesure du temps a lieu par la corrélation entre cette suite d’actions et le
changement d’état de la matière utilisée, qui permet d’opérer une transition entre ces différentes étapes et la
mise en espace du résultat. Le temps est mesuré doublement. D’une part, nous avons une mesure tangible
de ce temps qui s'étale dans l’horizontalité imposée par l’action et par l’espace à investir dans sa longueur.
D’autre part, le changement d’état du plomb, qui passe de la fluidité à la dureté, donne littéralement forme
au temps : le plomb projeté, puis retourné, est en quelque sorte le précipité, au sens chimique du terme, du
temps. De ce fait, ce n’est pas un arrangement statique de moules de métal des coins d’une galerie, mais
une « mécanique à mouvement perpétuel », un travail qui montre non seulement le processus de mise en
forme, d’éclaboussure, de suppression et de duplication, mais aussi la répétition continuelle de cet acte.
La fluidité primordiale choisie pour commencer l’action engage l’œuvre dans une relation à l’espace
d’exposition, telle que l’on pourrait l’envisager pour un travail in situ. Les moules des angles de la pièce,
remis en volume par leur renversement, montrent le musée en creux, à l’image des « ruines à l’envers »
chères à Robert Smithson. C’est une pièce qui adhère au site qui la reçoit. La sculpture se développe
comme la surface d’inscription d’une mesure de l’espace qui n’apparaît que par le basculement de l’angle.
La fluidité dans cette pièce n’est pas seulement convoquée dans le choix d’une matière qui change d’état,
elle l’est par une succession de processus (ou de « procèmes » entendus comme les plus petites unités
d’action produisant du sens) dont l’orchestration va jusqu’à questionner le moment inchoatif de l’œuvre (son
début) et son achèvement ou sa conclusion.
2. Le projet
Le projet :
– doit témoigner du cheminement intellectuel du(de la) candidat(e). Il rend compte de l’analyse de
l’ensemble du sujet par des traces écrites et des investigations graphiques et plastiques ;
41
– montre des compétences graphiques, plastiques et artistiques et des capacités à communiquer
la démarche engagée : sa forme doit s’articuler avec le processus de réflexion propre à
chacun(e) ;
– fixe les enjeux théoriques et artistiques de la réalisation à venir.
Pour produire leurs projets, les candidat(e)s se trouvent dans l’espace même où ils(elles) auront à faire leur
réalisation et leur soutenance. Chacun(e) devra s’adapter et composer avec les contingences de l’espace
qui lui est alloué : fenêtre ou non, mur, angle, porte… Sans nécessairement proposer un travail in situ, ne
serait-ce que pour anticiper la présence visible et la monstration de sa production, il est important de
prendre connaissance de ces contingences pour la conception de son projet (voir, à ce propos, la partie
consacrée à la réalisation).
Le projet doit être pensé comme un outil de communication. À ce titre, il transmet ce qu’il en est de la
pratique du (de la) candidat(e), il indique la façon dont il(elle) a analysé les œuvres proposées et, tout à la
fois, rend compte du cheminement de sa réflexion. Premièrement, le projet témoigne d’une démarche
plasticienne. Si l’on peut constater en lui des compétences plastiques et graphiques, il n’est pas utile d’avoir
recours à des fioritures gratuites et autres effets visuels séduisants, souvent superflus. Deuxièmement, le
projet montre comment le(la) candidat(e) se saisit d’un problème. L’examen minutieux de l’ensemble
composant le sujet est nécessaire pour engager une analyse approfondie et dégager in fine une
problématique pertinente. Rappelons que le prélèvement ou la représentation seule des documents
iconiques ne peuvent suffire. Il est essentiel pour le (la) candidat(e) de préciser la façon dont il(elle)
s’approprie et problématise le sujet. Le projet est une forme centrifuge1 d’étude du sujet : il propose des
champs d’exploration possibles, soulève des questionnements, tout en montrant comment ceux-ci sont
apparus au cours de la réflexion. De ce fait, le projet n’est pas le lieu d’une accumulation de connaissances
artistiques et culturelles plaquées. Toutes les références supplémentaires apportées ont pour fonction
d’éclairer la démarche et la réalisation à venir. De la même manière, les choix plastiques, graphiques,
calligraphiques sont faits dans un souci de lisibilité. Il est possible, par le recours au texte ou par des
moyens graphiques ou plastiques, d’annoncer les questions qu’on se pose et les réponses personnelles que
l’on se donne pour objectif de développer. Le projet communique l’articulation entre l’analyse et la réalisation
plastique et artistique que l’on se propose de réaliser. Il témoigne d’une méthode énoncée avec clarté qui
doit permettre de percevoir sensiblement les pensées du (de la) candidat(e), temporairement arrêtées, mais
qui attendent de se finaliser dans la réalisation, avec les changements de direction et les ajustements que
cela suppose. Il va de soi qu’il peut y avoir des écarts entre le projet et la réalisation finale : il importera de
les expliciter durant l’entretien.
Le projet fait également apparaître les processus de pensée, le cours d’une réflexion qui prend le recul
nécessaire sur une pratique. Les projets réussis sont ceux qui, en regard de la réalisation, permettent un
éclairage des méthodes employées, et dont l’univers plastique, les références théoriques et artistiques
entrent en résonance avec ce qui est dit et montré le jour de la soutenance.
Encore une fois, il est attendu d’un(e) futur(e) enseignant(e) des qualités de transmission et de
communication. Le projet doit permettre au jury, avant l’oral, de comprendre les intentions premières.
1
Nous soumettons aux futur(e)s candidat(e)s cette citation de Pierre Boulez qui propose de penser cette analyse
centrifuge. Déplacée dans le champ des arts plastiques, elle nous semble pertinente pour penser la démarche artistique,
notamment dans la perspective de l’exercice du métier d’enseignant : « Car tout compositeur inventif, quand il regarde
une œuvre, invente précisément les déductions qui n'y sont pas et qu'il va développer pour lui même. À partir des
déductions visibles, il va imaginer les déductions possibles qui n'ont pas été exploitées, ou qui ne l'ont été
qu’accessoirement, qu'embryonnairement. À partir de la vie réelle d'une œuvre va se développer toute une vie
imaginaire où le compositeur va inventer, à partir de modèles et des déductions existants, d'autres modèles, d'autres
déductions. Il appliquera une analyse inventive où il tient compte de cette absence de naïveté que nous avons ; il sait
que l'objectivité ne lui sert à rien ; il va réinventer une naïveté d'un autre ordre, pour imaginer ces déductions d'une autre
nature. » Pierre Boulez, Leçons de musique, Paris, Christian Bourgois Éditeur, coll. « Musique/Passé/Présent », 2005, p.
243 ; nous soulignons.
42
3. La réalisation
La réalisation :
– n’est pas la simple transposition du projet. Elle en est la continuation : elle poursuit le
questionnement amorcé par la mise en œuvre d’une pratique telle qu’elle est pensée dans notre
discipline, soit une relation dynamique entre le faire et la théorie ;
– parachève le cheminement du(de la) candidat(e) : elle met en évidence la maîtrise de
l’ensemble des éléments dont elle est constituée et la manière dont elle est montrée.
L’ensemble du jury est plutôt satisfait par la variété des propositions plastiques faites à l’occasion de la
session 2018. La majorité des travaux évalués témoignait d’un investissement considérable et d’une volonté
d’exploiter le sujet avec singularité. Toutefois, ce sont autant des productions d’une grande complexité,
ambitieuses en termes techniques, que des réalisations faisant preuve d’économie et d’un usage maîtrisé
des moyens mis en œuvre, qui se sont révélée pertinentes. Le champ des possibilités qu’ouvre cette
épreuve permet liberté et audace, mais il n’y a pas lieu de donner cours à une surenchère (voire une
débauche) d’effets ou de ressources techniques qui laisseraient croire in fine que le (la) candidat(e) entend
occulter un déficit de méthode et de réflexion.
Il est nécessaire de savoir organiser ses moyens, de hiérarchiser et d’étayer ses partis-pris, sans tomber
dans une démarche purement didactique qui priverait le travail de sa dimension artistique, et de mesurer
l’intérêt des techniques et des résultats obtenus — quitte à en retirer parfois — afin d’offrir au jury un propos
intelligible et structuré. Ces compétences sont indispensables pour situer clairement sa pratique en regard
du sujet et pour la transmettre avec éloquence lors de la soutenance. Le sujet appelait d’ailleurs à réfléchir
avec rigueur et invention sur la dialectique entre le flux et le cadre, entre la structure et ce qui échappe (voire
nous dépasse), en analysant les opérations et l’organisation du travail plastique, et cela afin que le jury
accède avec évidence à la proposition faite.
Le jury déplore l’existence d’un procédé récurrent : le placage d’un protocole de création « passe-partout »
qui aurait pu être le même pour n’importe quel sujet. Dans cette épreuve, il s’agit tout au contraire
d'interroger sa pratique au risque du sujet. Avoir une production artistique personnelle et régulière est
évidemment indispensable, toutefois celle-ci ne doit pas s’imposer, mais s’adapter et être problématisée en
fonction du sujet proposé. De fait, le dossier fourni au (à la) candidat(e) est l’occasion d’une mise en tension
des savoir-faire, il offre l'opportunité de les sonder, d’opérer des déplacements et des prises de risque qui
seront ensuite à élucider et penser. Ces écarts par rapport à la pratique personnelle, perceptibles et rendus
intelligibles au moment de la soutenance, donneront, au fil de l’entretien, une matière aux questionnements
plastiques et artistiques.
Il en résulte que la réponse plastique proposée n’est ni un assemblage de médiums agencés bon gré mal
gré pour faire le catalogue de compétences techniciennes supposément attendues, ni une production que
l’on aurait faite indépendamment du sujet et qui viendrait s’articuler artificiellement avec celui-ci, ni même
l’occasion de s’engager dans une pratique que l’on ne maîtrise pas. Face à des procédures plastiques qui
imitent maladroitement des formes étiquetées « art contemporain », le jury peut avoir l’impression que
certains protocoles sont factices et clairement accessoires. Faire appel à une multitude de techniques, voire
à une surenchère de moyens, ou encore saturer l’espace, tout cela doit pouvoir trouver justification,
s’accorder avec les intentions formulées. Encore une fois, il n’y a pas de recettes, ni d’attentes particulières
du jury, sinon celle d’une pensée plasticienne qui propose des solutions singulières à un problème qui aura
été posé lors de l’analyse du sujet. Le (la) candidat(e) prend des risques qu’il(elle) doit pouvoir assumer
pleinement. Un propos plastique simple et clair est efficace, mais il nécessite de se positionner radicalement.
Cette radicalité n’est pas une provocation, c’est au contraire le signe de choix pleinement assumés.
Les membres du jury ont trouvé que, cette année, une majorité de candidat(e)s avait bien pris en compte le
lieu dans leurs installations, sans nécessairement jouer sur une mise en abyme facile de l’espace (in situ,
site-specific). Une certaine intelligence spatiale de l’installation des travaux a été ainsi remarquée,
43
permettant au (à la) candidat(e) d’articuler processus et réception, c’est-à-dire de penser la place du
spectateur face à la production. Cela indique déjà que l’on a su prendre le recul nécessaire, que l’on a
regardé « du dehors » son travail, dans un souci de transmission. À la fin de la réalisation, lors de la mise en
espace du projet, le (la) candidat(e) doit se demander si tout ce qui est là est indispensable. Puis il(elle) doit
s’inquiéter de la présence de ce qu’il propose. Rappelons que chaque candidat(e) dispose d’une surface de
9 m2, délimitée au sol et protégée par un film plastique qui peut être ôté. Les divers espaces proposés
imposent des contraintes. Ces contingences spatiales doivent être prises en compte lors de la phase
d’accrochage de la production plastique. Certaines demandes spécifiques, notamment celle de disposer de
planches comme supports pour la présentation de la réalisation ou pour obtenir des conditions d’un
obscurcissement nécessaire à la visibilité d’une projection, sont satisfaites, autant que faire se peut, par le
centre d’examen qui accueille le concours.
L’accrochage ne peut pas souffrir de faiblesses plastiques ni d’approximations ; la surface allouée ne peut
pas servir d’excuse à une mauvaise présentation. Certain(e)s réussissent à investir l’espace qui leur est
proposé en jouant subtilement avec ses éléments caractéristiques, et à utiliser un élément qui pourrait
paraître gênant de prime abord pour enrichir leur travail. D’autres prévoient d’aménager leur espace en
construisant des cloisons ou en recouvrant le sol. Toutes les solutions sont possibles et il est attendu du (de
la) candidat (e) une grande capacité d’adaptation à la situation qui lui est proposée. Rappelons toutefois que
tous les matériaux en présence dans l’installation doivent pouvoir être justifiés. Le parquet stratifié ou la
moquette, par exemple, peuvent rapidement venir perturber la production présentée, en raison de réseaux
de connotations que suggèrent les motifs, les textures ou les couleurs choisies. De la même manière, ceux
et celles qui se proposent de construire leur propre système d’accrochage doivent veiller à l’ensemble des
actions convoquées et à la cohérence avec la totalité des choix plastiques revendiqués de la production. Il a
été regrettable, dans certains cas, que le (la) candidat(e) manque d’attention et de lucidité quant à ses
propres intentions et intuitions : comment justifier, par exemple, la présence d’une structure en menuiserie
très lourde et prépondérante visuellement quand le projet se déclare essentiellement graphique et
calligraphique ? En l’occurrence, le dispositif de monstration empêchait précisément de percevoir les
qualités revendiquées, soit capter et retranscrire par la répétition du dessin un élément végétal extérieur.
4. La soutenance
a) L’oral
L’oral :
– permet de communiquer clairement son cheminement ;
– s’appuie et s’articule sur ce qui est visible et présenté.
La soutenance est un moment important de l’épreuve mais elle ne repose sur aucune formule attendue et
calibrée. Au contraire, plusieurs organisations de l’oral sont possibles. Le jury attend du (de la) candidat(e)
un discours clair, rigoureux et énonçant intelligiblement le cheminement intellectuel dont le sujet proposé a
été le déclencheur. Il s’agit d’expliquer les choix plastiques et artistiques qui ont été faits et les enjeux dans
le champ de l’art contemporain qui sont impliqués. Ce temps d’exposé doit permettre au jury de considérer
la maîtrise plastique, artistique et théorique du (de la) candidat(e). Celui-ci (celle-ci) est libre d’organiser son
oral à sa guise : il (elle) peut commencer par l’analyse du sujet et indiquer comment cette analyse lui a
permis de penser son travail plastiquement et artistiquement ou, au contraire, partir de son travail et montrer
comment les choix plastiques s’articulent avec les documents et l’incitation conceptuelle proposée.
L’oral pourrait être conçu comme une visite guidée – mais sans théâtralité inadéquate – non seulement de la
production artistique du (de la) candidat(e), mais aussi du cheminement qui l’a conduit(e) jusque-là. Il s’agit
d’une relation vivante aux membres du jury qui demandent à saisir en profondeur les enjeux qui sont à
l’œuvre. Le problème que le (la) candidat(e) fait apparaître à partir de sa lecture personnelle du sujet est
énoncé clairement et s’articule pleinement avec les choix plastiques et artistiques. Il n’est pas nécessaire de
44
se livrer à une description détaillée des documents, mais bien de rendre compte, de manière logique, de
l’ensemble de ce qui a été créé, depuis l’analyse du sujet jusqu’à la réalisation. À l’issue de cette
présentation orale, les membres du jury doivent pouvoir comprendre la proposition artistique dans sa
globalité, c’est-à-dire saisir les choix plastiques – qui produisent à la fois du sensible et du sens – et les
enjeux artistiques étayés par des connaissances théoriques et artistiques précises qui ont nourri, tout au
long de la réalisation, la réflexion et la pratique. D’une certaine manière, si la réalisation résulte d’un tissage
entre connaissances personnelles techniques, plastiques, artistiques et théoriques, dont l’intrication démarre
à la lecture du sujet, l’oral, comme l’entretien, est le moment du parfilage, c’est-à-dire le moment où l’on
défait fil à fil ce qui a été fait et pensé.
Une telle démarche ne sous-entend pas l’énoncé d’une pléthore de références qui ne produiront que de
l’imprécision et feront l’effet d’un catalogue de connaissances. Le jury regrette que l’oral soit souvent
l’occasion d’avancer une suite de noms et d’œuvres, maladroitement coordonnés par des « ça m’a fait
penser à », succession bien éloignée de la rigueur attendue d’une pensée plastique au travail. La
convocation de références doit avoir un sens fort dans la démarche du (de la) candidat(e) car elles
constituent autant d’outils sur lesquels se reposer et ouvrir de manière dynamique vers des
questionnements plastiques et des problématiques artistiques. Artistes, philosophes, œuvres sont sollicités
parce qu’ils nourrissent la conception et la pratique du (de la) candidat(e) : de ce fait, les liens entre ces
références et l’ensemble du travail proposé – des recherches à la production installée – doivent être
compréhensibles et précis.
Le jury attend une authenticité dans la réflexion livrée verbalement ; il a également besoin de comprendre le
parcours artistique personnel qui est questionné dans cette épreuve. Honnêteté de la démarche plastique,
questionnement problématisé engagé par le sujet, énonciation claire et dans la pratique et lors de l’oral :
telles sont les attentes du jury. Il serait regrettable que l’oral se cantonne au strict constat et à une sorte de
dissection sèche. Au contraire, l’exploration minutieuse et raisonnée du travail présenté doit permettre
d’extraire une richesse et une énergie qui porteront l’expérience sensible et la réflexion tout au long de
l’entretien, mais aussi au-delà du cadre de l’épreuve.
b) L'entretien
L’entretien :
– est un échange ;
– permet de lever les ambiguïtés qui pourraient subsister ;
– engage une distance critique face à la production : il est parfois nécessaire de repenser certains
enjeux plastiques et/ou artistiques de la réalisation ou, au contraire, d’affirmer ses partis-pris.
Le jury tend à valoriser les prestations de candidat(e)s révélant des qualités d’enseignant(e)s. Si la
structuration de l’exposé est importante, la capacité à échanger avec le jury de façon constructive l’est tout
autant. Il est fondamental d’être à l’écoute et de prendre en compte les questions et les commentaires
énoncés lors de l’entretien. Les réponses apportées permettront de comprendre et de sonder l’engagement
artistique du (de la) candidat(e), la profondeur et la clarté de son questionnement et sa capacité à prendre
du recul et remettre sur le chantier sa réflexion.
À l’inverse, les membres du jury déplorent des attitudes désinvoltes où le flot de paroles, visant la simple
séduction, n’apporte aucun sens précis. Ils remarquent également, dans certains cas, un manque de culture
artistique : ainsi, un candidat pratiquant la photographie et utilisant un protocole significatif s’est révélé
incapable de donner des références issues de sa « famille » d’artistes, et s’est contenté de connaissances
théoriques approximatives et peu pertinentes. Il paraît indispensable de maîtriser un tant soit peu un corpus
correspondant au médium et au protocole utilisés.
Comme cela a déjà été relevé les années précédentes, les candidat(e)s ont tendance à ne pas parler de ce
qu’ils (elles) ont fait, mais à décrire ce qu’ils (elles) auraient pu faire. Les questions ont pour finalité de
45
comprendre la démarche du (de la) candidat(e), d'appréhender les enjeux de la production proposée et
d’avancer avec lui (elle) dans sa réflexion. Il faut se montrer réactif(ve) et se saisir des questions pour
affirmer ses choix ou faire évoluer sa réflexion, il faut témoigner d’une pratique toujours accompagnée d’un
recul réflexif. Les choix qui ont été faits lors de la réalisation doivent être assumés et confirmés au cours de
l’entretien : il convient que les candidat(e)s se montrent capables de s’engager pour soutenir leur production,
de justifier leurs choix plastiques et sémantiques, et d’en discuter de manière intègre et perspicace.
De façon générale, les digressions trop longues et les réponses « à tiroirs », qui finissent par égarer à la fois
le (la) candidat(e) et les membres du jury, sont contre-productives : le temps de réflexion commune s’en
trouve réduit. De même, les réponses diluées ou qui ne font que répéter ce qui a déjà été dit sont à proscrire
: le temps d’échange est précieux et ne doit pas être gaspillé inutilement, sous peine de laisser trop
d’aspects de la réalisation non élucidés.
Conclusion générale
L’ensemble des étapes de cette épreuve permet au jury de repérer chez les candidat(e)s les capacités
attendues de la part de futur(e)s enseignant(e)s d’arts plastiques. Savoir analyser des œuvres,
problématiser des notions et communiquer clairement ses analyses sont des compétences primordiales.
Mais s’adapter à des contraintes matérielles et des contingences d’espace le sont tout autant. De la même
manière, dans une pédagogie et une didactique qui placent la production artistique au centre de la
démarche, une maîtrise sans ambiguïté de techniques et de savoir-faire plastiques et artistiques est
impérative. Enfin, il est évident que le (la) futur(e) professeur(e) d’arts plastiques doit être un « artisan-
questionnant », qui remette sans cesse sur le chantier sa pratique, la nourrisse de toute la distance critique
et théorique utile. C’est à cette condition qu’il(elle) saura soutenir le travail et la recherche de ses futurs
élèves.
46
____________________________________________________________________
L’épreuve de leçon a évolué sans que cela ne change rien à ses attendus fondamentaux. Rappelons
avant toute chose qu’il s’agit d’un oral au cours duquel, au regard d’un dossier composé d’éléments
iconiques et textuels, le(la) candidat(e) témoigne de sa capacité à convoquer des connaissances, qu’elles
soient théoriques ou artistiques, à les travailler, les relier, de sorte que s’élabore peu à peu une pensée
complexe, débouchant sur un projet d’enseignement et donnant lieu à un échange constructif avec les
membres du jury.
Sont attendues également chez le(la) candidat(e) des qualités d’élocution, une certaine aisance à l’oral, une
rigueur dans la présentation de son exposé, un souci de clarté et de précision, ainsi qu’une bonne
disposition d’écoute et d’attention à l’égard de ses interlocuteurs. Autant de qualités requises dans le cadre
de l’exercice du métier d’enseignant(e).
Les deux nouveautés de cette épreuve résident, d’une part, dans l’extrait des programmes du lycée qui
donne au dossier une orientation théorique, d’autre part, dans le volet partenarial qui fait dorénavant l’objet
d’un sujet distinct : le candidat dispose de 40 minutes pour son exposé dont 10 minutes impérativement
consacrées à ce volet partenarial. Par ailleurs, la durée de préparation est allongée de 30 minutes. Cette
épreuve a donc un cadre temporel très précisément défini. C’est au(à la) candidat(e) de respecter les temps
impartis aux deux volets de son exposé.
Ce rapport propose de décomposer précisément les attendus ; cependant, le (la) candidat(e) doit savoir que
cette épreuve n’est pas seulement un exercice dont il s’agirait de suivre les étapes successives. Il (elle) doit
aussi être capable d’en dépasser le caractère contraignant, d’aller au-delà des enchaînements mécaniques,
en reliant constamment les différentes composantes de son exposé et en témoignant régulièrement d’un
certain recul critique.
Témoigner d’une réflexion autour de l’extrait des programmes, définir les termes en jeu, en
appréhender toutes les dimensions : avant d’entamer l’analyse des documents, il est conseillé au(à la)
candidat(e) de prendre le temps d’interroger réellement les termes utilisés dans l’énoncé. Il s’agit de révéler
la portée problématique de l’extrait, d’en développer les enjeux conceptuels, tout en le situant dans la
globalité des apprentissages du lycée.
Étayer sa pensée avec d’autres artistes et œuvres que celles du corpus : la convocation de
références artistiques précises, autres que celles du dossier apparaît nécessaire. Par le jeu des associations
ou des oppositions, ces références permettent souvent au candidat de mieux cibler son propos, tout en
témoignant d’une réelle exigence à penser les questions de l’art, toujours en lien avec les œuvres elles-
mêmes.
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User d’un vocabulaire spécifique : une des premières compétences dont le(la) candidat(e) doit
témoigner tient dans le vocabulaire qu’il(elle) convoque pour désigner les caractéristiques des œuvres. Il est
attendu de sa part qu’il(elle) sache, par exemple, faire la différence entre un cerne et un contour, entre une
ébauche et une esquisse, une œuvre in-situ et une installation. Cette précision dans les termes employés
est souvent le signe d’une rigueur de la pensée sans laquelle aucun raisonnement n’est envisageable.
Parfois même – sans que cela soit systématique – il apparaît nécessaire de définir une notion qui pourrait
par la suite être exploitée dans le contexte de la classe ou sur laquelle reposera l’axe problématique. Ces
notions sont propres au champ disciplinaire des arts plastiques. Elles ont souvent été discutées par des
théoriciens dont il n’est pas inutile de rappeler les apports. Enfin, l’usage d’un lexique approprié permettra au
(à la) candidat(e) de témoigner d’un regard de plasticien(ne) averti(e). Les œuvres ne se réduisent pas à des
images. À travers leur reproduction, il faut savoir aussi les envisager dans leur dimension poïétique,
matérielle, spatiale, repérer en quoi elles sont aussi, et surtout, le résultat d’une démarche artistique.
Faire émerger plusieurs questions : par le simple effet de la confrontation de l’extrait des
programmes aux œuvres, surviennent des questions que le(la) candidat(e) aura à énoncer. Rien n’est établi
d’avance par le sujet ; tout implicite – si tant est qu’il y en ait – mérite d’être révélé, explicité. Peu à peu, en
travaillant les relations entre les œuvres et l’extrait, le(la) candidat(e) est amené(e) à formuler diverses pistes
problématiques qui lui donnent l’occasion – là encore – de se référer à d’autres œuvres. Ces éléments lui
permettent d’illustrer et d’étayer utilement son propos, comme de témoigner d’une bonne capacité à relier
des œuvres parfois éloignées dans le temps, mais concernées par des enjeux artistiques transversaux.
Une fois la problématique établie, le(la) candidat(e) décrit son projet d’enseignement. La
première qualité de cette séquence, est de permettre aux élèves de rencontrer effectivement la
problématique artistique dégagée grâce à une stratégie didactique dont le(la) futur(e) professeur(e) est
l’auteur. Pour ce faire, il(elle) définit un champ d’apprentissage en termes de compétences d’ordre
technique, plastique, théorique, culturel et comportemental, en lien avec les programmes et dont il(elle)
montre l’intérêt pour des élèves de second cycle, en tenant compte du niveau de classe qui lui est indiqué
dans l’énoncé.
Il(elle) présente un dispositif pédagogique, où sont précisés les conditions matérielles et instrumentales
de la pratique des élèves, les diverses consignes de travail proposées lors des différentes phases, les
modalités sociales ou spatiales retenues, le déroulé global de la séquence, les références et démarches
artistiques exposées aux élèves, ainsi que les modalités d’évaluation mises en place. L’évaluation,
rappelons-le, participe de la formation. Elle révèle les apprentissages aux yeux des élèves. À des moments
charnières, elle leur permet de comprendre ce qui s’apprend. Aussi, quelques critères égrainés en fin de
dispositif ne peuvent-ils satisfaire aux exigences de l’évaluation.
Rappelons qu’une incitation sibylline ou lacunaire ne suffit pas à mettre les élèves au travail ;
réciproquement, la mise en activité des élèves ne garantit pas l’intérêt de l’expérience de la pratique
artistique. Tels sont, en effet, les deux écueils constatés : dans le premier cas, le(la) candidat(e) se contente
de présenter une incitation supposée déclencher les recherches des élèves (ces recherches seraient à ce
point riches et variées que leur seule exposition suffirait à faire apparaître et verbaliser les compétences
visées) ; dans le second cas, le(la) candidat(e) propose une succession d’activités cadrées laissant peu de
place au libre arbitre et à l’appropriation personnelle.
Il y a une juste mesure à trouver dans la stratégie didactique, qui permette de motiver et d’accompagner
les élèves dans leurs recherches, et leur offre clairement la possibilité d’apporter une réponse singulière.
L’élève doit opérer des choix qui l’engagent dans une expérience de pratique artistique (qui ne peut se
réduire à un simple exercice), ayant trait à une question commune. Cet accompagnement s’entend
nécessairement à travers différentes phases successives ; ce sont l’articulation et la complémentarité de ces
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étapes qui permettent au professeur de conduire son enseignement, et aux élèves de se repérer dans leurs
apprentissages.
L’intérêt de la séquence tient également à la juste alternance entre des phases de pratique, des phases
d’analyse d’œuvres et/ou de productions d’élèves, des phases de culture artistique (qui peuvent se traduire
par des apports de connaissances plus structurés qu’une simple liste de références plaquées) et d’autres
types d’activités que le(la) candidat(e) jugera bon d’insérer, tels qu’une visite dans un atelier ou dans un
musée, la projection d’un entretien avec un(e) artiste ou une rencontre avec un(e) professionnel(le) de l’art,
pour ne citer que quelques exemples.
Une fois le dispositif établi, il est conseillé au(à la) candidat(e), de le considérer aussi du point de vue
de l’élève. Il(elle) doit pouvoir se mettre à sa place, prendre la mesure du caractère parfois énigmatique ou
opaque des consignes, interroger la cohérence des enchaînements, s’interroger lui-même sur ce qu’il(elle)
ferait dans une telle situation, face à de telles attentes. Le(la) candidat(e) doit envisager la faisabilité de son
dispositif à travers diverses réponses que les élèves pourraient apporter.
Il s’agit aussi de tenir compte du niveau de classe auquel on s’adresse. On n’envisage pas un dispositif
d’apprentissage de la même façon, selon qu’il est destiné à une classe de seconde, de première ou de
terminale, en enseignement facultatif (toutes séries), en enseignement obligatoire ou de spécialité (série L).
Les attentes des élèves ne sont pas les mêmes, leurs perspectives non plus. Les questions limitatives du
programme au baccalauréat, par exemple, peuvent être prises en considération en terminale ; de même, en
seconde, il convient de se souvenir que les élèves n’ont pas encore déterminé quelle pratique plastique ils
souhaitent approfondir.
Enfin, la dimension artistique des situations de pratique mériterait bien souvent d’être renforcée.
Rappelons que l’apprentissage dans cette discipline se joue aussi lors des temps consacrés à la pratique et
pas seulement lors des temps de verbalisation ou de découverte des œuvres d’art. C’est donc au(à la)
professeur(e) d’impulser la pratique de l’élève ; en se confrontant à la question soulevée, l’élève s’engage
plastiquement dans une résolution singulière.
Une capacité à dialoguer, une capacité à se déplacer. Durant cette partie de l'épreuve, au-delà
d'un simple jeu de questions/réponses qui pourrait vider le contenu de son sens, le(la) candidat(e) est
amené(e) à poursuivre ses raisonnements. Il(elle) est invité(e) à étayer les éléments qu'il(elle) a avancés
dans son exposé, voire à les remettre en question pour que l’entretien mette en lumière sa capacité à mettre
à distance des affirmations toutes faites et prolonger sa réflexion avec cohérence. L'exploitation du matériel
à disposition compte également (tableau noir et craies blanches, paper-board et feutres). C'est ici l'occasion
de témoigner d’une certaine aisance à se déplacer physiquement dans l’espace, à se faire comprendre
autrement, en usant d'autres façons, plus spontanées et directes, d’expliciter sa pensée : recourir à l'écrit en
notant des mots clefs ou écrire clairement sa problématique, faire un croquis rapide s'il est judicieux, sont,
par exemple, des modalités qui donneront une autre dynamique à l'oral et éviteront quelquefois un flot de
paroles nuisible à la clarté du propos ; les gestes, la modulation et l’intensité de la voix, les temps d’arrêt,
s'ils sont maitrisés, sont toujours des éléments bienvenus pour convaincre et savoir se faire entendre.
L'abondance de mots ou la profusion de paroles ne sont pas toujours synonymes d’écoute ni de clarté, de
même que les réflexes, les tics de langage ou gestuels, facilement domptables si l'on s'entraîne au
préalable.
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Communiquer clairement, poursuivre ses raisonnements. Les questions posées par le jury lors
de l’entretien se rapportent de manière équilibrée aux deux volets de l’exposé : la partie analyse et la partie
didactique. Dans cet échange qui se veut dynamique, ces questions ne doivent pas être comprises comme
des critiques, mais comme des sollicitations devant permettre de développer la réflexion sous un angle
nouveau. Un(e) candidat(e) qui serait passé(e) trop rapidement sur un des documents doit ainsi s'attendre à
être interrogé(e) pour expliciter les différents niveaux de lecture de l’œuvre en question. La difficulté pour
le(la) candidat(e) est donc de ne pas répéter ce qui a été avancé durant l'exposé, mais tenter de revoir ses
propositions ou les étoffer : savoir faire état d'une véritable réflexion structurée et dynamique qui s'appuie sur
des éléments variés, allant des notions plastiques aux enjeux esthétiques, affirmer des choix en ajoutant des
précisions, reformuler des pistes et des contenus pour exprimer au plus près ce que l'on souhaite faire
comprendre. Les questions sur la partie didactique donnent l'occasion de mieux expliquer, et de manière
concrète, la situation d’apprentissage. Le jury apprécie toujours celui ou celle qui est capable de revenir sur
sa réflexion et de reformuler, si nécessaire, avec conviction et intelligence, les demandes adressées aux
élèves.
Une culture disciplinaire et un regard sensible et plasticien. Cette année, nombre de
candidat(e)s ont seulement survolé les qualités plastiques des documents. Il a été trop souvent remarqué
que les candidats n'abordaient pas suffisamment le corpus avec le regard du plasticien, lui préférant souvent
celui du théoricien. A été constaté également un manque cruel de culture disciplinaire solide : des
connaissances en histoire de l'art, particulièrement pour la période se situant avant le vingtième siècle, dans
les techniques de réalisation des œuvres et l'exploitation des textes de référence, par exemple. De la même
façon, les enjeux artistiques présents dans les œuvres du corpus ont très souvent été abordés de manière
trop floue ou inefficace.
Une culture générale et une connaissance des autres champs disciplinaires. Cette année, les
candidat(e)s qui ont le mieux réussi à intéresser les membres du jury et à susciter leur curiosité ont montré
de solides connaissances relevant de champs disciplinaires variés. Il semble ici opportun de préciser qu’une
culture solide, nourrie de références non seulement précises mais aussi plus rares, plus personnelles et
moins conventionnelles, apporte une vraie plus-value à l'exposé. Accepter que la discipline des arts
plastiques soit à la fois plurielle et singulière, engage à espérer d’un(e) futur(e) professeur(e) dans ce
domaine qu’il(elle) sache se montrer créatif(ve), inventif(ve), imaginatif(ve) et cultivé(e).
Malgré ces remarques qui visent à accompagner les futur(e)s candidat(e)s dans la préparation de
cette épreuve, le jury doit reconnaître qu’il a été séduit par la qualité de certain(e)s candidat(e)s qui, à l’oral,
ont présenté des qualités de réactivité et de créativité, promesse d’excellence pédagogique pour
l'enseignement des arts plastiques.
Question partenariale
Le(la) candidat(e) dispose de 10 minutes pour exposer et expliciter une situation de partenariat
proposée à sa réflexion, et répondre à une question partenariale afférente relevant de l'étude de cas. Cette
question fait ensuite l’objet d’un entretien de 10 minutes pendant la seconde partie de l'épreuve.
La difficulté de l’exercice est d'abord de gérer ce laps de temps de 10 minutes durant lequel il faut exposer le
contexte, c’est-à-dire préciser les éléments de la situation puis répondre à la question posée, en définissant
les termes importants.
Pour cette première année, rares ont été les candidat(e)s qui ont réussi à construire une réponse en
adéquation avec les attentes. Le jury, malheureusement, a souvent fait le constat d’un traitement superficiel
de la question, voire d'un flottement sur la manière de l’aborder.
Avant même de répondre à la question, souvent mise de côté au profit d’une généralité thématique ou d’une
liste de questions, le(la) candidat(e) doit montrer qu’il(elle) envisage concrètement les différentes missions
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allouées à l’enseignant (cf. le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation), mais
aussi indiquer que les différents acteurs, les circonstances, les parcours et les contenus mentionnés dans
l'intitulé ne lui sont pas étrangers.
Il a été malheureusement constaté que les prestations des candidat(e)s interrogé(e)s se limitaient à
l’énumération d’une liste de questions et de possibles mises en œuvre. Une fois ces éléments passés en
revue, le jury aurait aimé que le(la) candidat(e) soit capable de choisir un axe, de s’emparer rapidement
d’une proposition et de la développer concrètement.
Il est attendu d’un(e) futur(e) enseignant(e) d’arts plastiques de lycée qu’il(elle) prenne conscience de ses
missions, mais aussi des situations variées qui le(la) relient aux différents partenaires que sont les autres
professeurs, les différents membres de la communauté éducative, ou encore les acteurs extérieurs des
différents secteurs de l’art, de la culture et de l’éducation.
Comme la première partie de l’entretien, la question partenariale offre l’occasion pour le(la) candidat(e) de
révéler des connaissances sur les rôles impartis à chacun, d’avancer des hypothèses sur des situations
variées et de démontrer comment les rôles et les compétences spécifiques des différents acteurs se
mutualisent pour créer un partenariat actif. Ce projet de mise en œuvre concrète et pragmatique est
particulièrement attendu. Il souligne la pertinence qu’apporte la complémentarité des partenariats qui sont
des leviers essentiels pour faire rayonner les valeurs de la République auprès des élèves.
Les choix pertinents, les capacités dynamiques d’organisation, la répartition réfléchie des tâches, la manière
dont le(la) futur(e) enseignant(e) utilise les ressources et situe sa proposition didactique dans le volet culturel
de son établissement, tout cela montre d'emblée une aptitude à enseigner autrement, et d’une manière plus
actuelle. L'exposé et l'entretien sur cette question doivent, de fait, mettre en évidence des objectifs qui
situent clairement la place et le parcours de l'élève dans le système éducatif, mais aussi qui prouvent avec
clarté la plus-value que de tels rapprochements apportent au lycéen ainsi qu’à tous les acteurs de la
communauté d’enseignement.
Il est donc attendu que le(la) candidat(e), au travers de sa prestation, démontre qu’il(elle) comprend les
enjeux de ces différents partenariats, déployant ainsi de nouvelles situations de formation plus dynamiques
qui rompent avec la structure habituelle du cours d’arts plastiques.
51
______________________________________________________________
ARCHITECTURE-PAYSAGE
Le(la) candidat(e) est reçu(e) par un jury, constitué de trois membres, qui lui propose de tirer au hasard un
numéro de sujet. Cette année, ce sujet était annoncé sous la forme d’une thématique à traiter (formulée en
un ou plusieurs mots), reliée à trois situations architecturales et paysagères particulières. Le(la) candidat(e)
en prenait connaissance avec une projection de quatre pages : la première page présentait la thématique et
les trois références ensemble, les trois autres pages présentaient les références séparées avec un, deux ou
trois visuels pour chacune d’elles.
Ces documents pouvaient être de natures différentes : généralement photographie extérieure ou intérieure
mais aussi géométral (plan, élévation, coupe), gravure, peinture, esquisse, croquis, vue perspective, photo
de maquette, modélisation....
Afin d’éviter les difficultés techniques, le(la) candidat(e) ne manipulait pas lui-même l’ordinateur au cours de
l’épreuve, mais il(elle) pouvait demander, autant qu’il le souhaitait, à passer d’une page à l’autre ou à
agrandir un détail.
Le(la) candidat(e) dispose d’un court moment de réflexion qui ne peut excéder deux minutes, puis il
commence son exposé. Il convient de rappeler que les documents fournis ne sont qu’un point d’appui à
l’élaboration d’une analyse articulée à un discours argumenté : la nature de l’épreuve ne consiste pas
uniquement en une analyse d’images, mais elle réside avant tout dans la conduite d’une réflexion à partir
d’une problématique architecturale et paysagère qui est dégagée de la confrontation entre l’intitulé du sujet
et les documents.
L’exposé du (de la) candidat(e) est suivi d’un entretien avec le jury au cours duquel il (elle) est amené(e) à
revenir sur sa prestation pour en préciser ou en approfondir certains points. Les questions posées peuvent
aussi inciter le(la) candidat(e) à réorienter son analyse ou l’ouvrir à des aspects qu’il n’avait pas envisagés.
Tout au long de l’épreuve, le(la) candidat(e) peut accompagner son propos de représentations graphiques,
sous forme de schémas ou de croquis qui doivent être rapides, clairs et pertinents.
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Déroulement de l’épreuve et attentes du jury
1. Exposé
• La thématique
D’emblée, il est indispensable pour le(la) candidat(e) de s’emparer du sujet en commençant par expliciter
rapidement la thématique proposée : ce moment doit aider, par la suite, à questionner avec attention les
documents sans perdre de vue le sujet. Dans ce sens, il est important de définir le champ de cette
thématique :
Il s’agit ensuite d’analyser les documents sous l’angle de la thématique ; cette démarche requiert un
minimum de méthode. Décrire, questionner, faire des hypothèses et proposer des déductions sont de
bonnes méthodes pour faire avancer l’analyse et rebondir sur les différentes informations apportées par
chaque document. Plusieurs angles d’attaque sont possibles selon les différents visuels des documents,
mais les points d’analyse sur lesquels s’appuyer doivent être identifiés pour plus de maîtrise et de clarté du
discours.
Remarque : le jury conseille très fortement de soutenir son argumentation au moyen d’une communication
graphique libre et éclairante.
L’analyse première permet de s’approprier les documents, mais elle ne suffit pas. Les descriptions ciblées et
les liens tissés entre les documents, en regard de la thématique, déroulent ainsi le fil conducteur de la
réflexion et font émerger progressivement des enjeux essentiels à retrouver sous forme de problématisation.
Le(la) candidat(e) peut élargir et étayer son propos en faisant appel à ses connaissances personnelles. Il
s’agit de convoquer à bon escient d’autres bâtiments ou aménagements paysagers qui viennent éclairer la
problématique. Il ne suffit pas simplement de les citer, mais de montrer en quoi ils constituent une autre
approche de la problématique ou développent des situations similaires.
Afin de donner une cohérence à l’exposé, il est important de faire une synthèse en mettant en évidence la
problématique et les points forts soulevés lors de l’analyse des documents.
53
2. Entretien avec le jury
Dans la seconde partie de sa prestation, le(la) candidat(e) doit montrer sa capacité d’écoute et de dialogue
avec le jury. Il peut lui être demandé de développer ou préciser certains points, parfois sous forme de
croquis ou schémas ou de faire appel à d’autres références. Le(a) candidat(e) ne doit pas être sur la
défensive, mais, au contraire, faire preuve de dynamisme et d’ouverture d’esprit, deux qualités requises
dans la profession d’enseignant(e).
Les critères qui permettent l’évaluation du (de la) candidat(e) reposent sur un ensemble de capacités à :
L’ARCHE
TOUCHER LE SOL
- Ludwig MIES VAN DER ROHE, Farnsworth House, Illinois USA, 1951
- SCHMIDT HAMMER LASSEN architects, The Cristal building, Copenhague, Danemark, 2011
- Piro LIGORIO et Giacomo DELLA PORTA, Villa d’Este, Tivoli, Italie, vers1550-1573
- Francis KÉRÉ, Logements pour enseignants de l’école primaire de Gando, Burkina Faso, 2004
- Site des Tulou du Fujian, Sud-est de la Chine, entre le XIIIe et le XXe siècle
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Conseils pour la préparation
Pour se préparer à cette épreuve et développer sa culture, la commission recommande aux candidat(e)s des
lectures (voir la bibliographie ci-dessous) : ouvrages généraux sur l’histoire de l’architecture et du paysage,
ouvrages théoriques, thématiques, catalogues d’expositions et revues, sans oublier les ressources audio-
visuelles.
Il faut du temps, de la continuité dans l’effort, de la répétition afin d’assimiler et maîtriser les connaissances.
Cette préparation théorique doit s’accompagner d’une véritable expérience de terrain pour développer sa
sensibilité à l’architecture et au paysage, comprendre la matérialité construite et les aménagements dans
leur contexte.
Des visites commentées, des promenades architecturales, des lectures de paysages, doivent être enrichies
par un inventaire graphique, annoté et légendé des différentes observations (par exemple, sur les traits
essentiels d’une élévation, le traitement spatial, le système constructif, le jeu d’ombres et de lumières, les
effets de textures, les formes qui se répondent, l’insertion dans le paysage, etc.), mais aussi en pratiquant la
photographie de manière exploratoire. Cette expérience de terrain permet d’aiguiser sa sensibilité spatiale,
de mieux comprendre ce qui est vu ou ressenti et d’en rendre compte. On soulignera que des exercices
répétés sont particulièrement recommandés pour un entraînement à la communication graphique lors de
l’exposé : plus le croquis est spontané, aisé et maîtrisé, plus l’explication est directe, rapide et efficace.
Il faut également que le (la) candidate se montre curieux(se) de l’actualité architecturale et paysagère :
chantiers, conférences, expositions, rencontres avec des architectes et des paysagistes.
Enfin, le jury conseille vivement un entraînement régulier qui simule les conditions de l’épreuve afin d’être
capable d’une prise de parole sans préparation, d’ordonner ses propos, de faire des croquis debout sur un
support vertical, d’être à l’écoute des questions et, enfin, d’adopter une posture dynamique qui transmette un
intérêt sensible et sincère pour l’architecture et le paysage.
Les ouvrages, articles, films pouvant servir à la préparation de cette épreuve du concours sont très
nombreux. La bibliographie qui suit n’est pas exhaustive et est donnée à titre indicatif ; les références
proposées permettront à chaque candidat(e) de puiser en fonction de ses besoins pour compléter, enrichir,
développer, étoffer une culture personnelle dans le domaine de l’architecture et des paysages.
Bibliographie indicative :
BEAUCIRE Francis - DESJARDINS Xavier, Notions de l’urbanisme par l’usage, Publications de la Sorbonne,
2015.
BERQUE Augustin, Les raisons du paysage - de la Chine antique aux environnements de synthèse, Hazan,
1995.
BRUNON, Hervé - MOSSER Monique, Le jardin contemporain, renouveau, expériences et enjeux, Éditions
Scala, 2006.
55
PÉROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Histoire de l’architecture française. Tome : De la Renaissance à la
Révolution, Mengès/CNMHS, 1989.
LOYER François, Histoire de l’architecture française. Tome 3 : De la Révolution à nos jours, Mengès/Ed. Du
patrimoine, 1999.
FRAMPTON Kenneth, L’architecture moderne, une histoire critique, Londres, Thames and Hudson, 1980,
éd. française Philippe Sers, 1985. Rééditions en langue française Thames et Hudson, 2009.
JAKOB, Michael, Le jardin et les arts, les enjeux de la représentation, Gollion (Suisse), Éd. Infolio, 2009.
LE DANTEC, Jean-Pierre, Le sauvage et le régulier - Art des jardins et paysagisme en France au XXe siècle,
Le Moniteur, 2002.
MATHIS Charles-François et PEPY Émilie-Anne, La ville végétale, une histoire de la nature en milieu urbain
(France, XVIIe-XXIe siècle), Champ Vallon, 2017.
NERVI Pier Luigi (dir.), Histoire mondiale de l’architecture : NORBERG-SCHULZ Christian, Architecture
baroque et classique, éd. française Berger-Levrault, 1979, rééd. Gallimard, 1992.
PENA, Michel – AUDOUY, Michel, Petite histoire du jardin et du paysage en ville, Paris, Cité de l’architecture
et du patrimoine – éditions Alternatives, 2012.
PICON Antoine (dir.), L’art de l’ingénieur, éd. Centre Georges Pompidou, 1997.
VIOLLET LE DUC, Entretiens sur l’architecture (1863-72) (fac-similé), Mardaga, 1977. Consultable sur
Gallica/BNF.
56
WITTKOWER Rudolf, Les principes de l’architecture à la Renaissance (1947), éd. de la Passion, 1996.
WITTKOWER Rudolf, Art et architecture en Italie, 1600-1750, Penguin books, 1958, édition française,
Hazan, 1991.
Pour aller plus loin, voir également articles et ouvrages de : Jean-Christophe Bailly, Augustin Berque, Jean-
Marc Besse, Anne Cauquelin, Gilles Clément, Alain Corbin, Michel Corajoud, Michel Desvignes, Nicolas
Gilsoul, Bernard Lassus, Monique Mosser, Philippe Nys, Michel Péna, Pierre Sansot, Gilles A. Tiberghien...
Atlas de l’architecture paysagère, SLD de Markus Sebastian BRAUN et Chris VAN UFFELEN – traduit de
l’anglais par Pascal TILCHE, Citadelles & Mazenod, 2014.
Mouvance, cinquante mots pour le paysage, ouvrage collectif (Augustin BERQUE, Michel CONAN, Pierre
DONADIEU, Bernard LASSUS, Alain ROGER), éd. de la Villette, 1999.
La ville fertile, vers une nature urbaine, catalogue de l’exposition présentée à la Cité de l’Architecture et du
Patrimoine, Paris 2011.
Cité de l’Architecture, Réenchanter le Monde, catalogue de l’exposition, 21 mai – 6 octobre 2014, Paris
Gallimard-Cité de l’Architecture, 2014. Il existe également une version abrégée, Hors-série AA Events
(Architecture d’Aujourd’hui), Archipress, 2014.
KOOLHAAS Rem, Études sur (ce qui s’appelait autrefois) la ville, Payot & Rivages, 2017.
Habiter écologique : quelles architectures pour une ville durable ? Actes sud/Cité de l’architecture & du
patrimoine / IFA, 2009.
REVUES
AMC (Fr), L’Architecture d’aujourd’hui (Fr), D’Architectures (Fr), Faces (Suisse), El Croquis (Esp), Lotus
International (Ital.), Casabella (Ital.), Domus (Ital.), Architectural Design (GB), Architectural Review (GB),
Architectural Record (US), Architectural Forum (US), Progressive Architecture (US)...
RESSOURCES NUMERIQUES :
Cité de l’architecture et du patrimoine : revues numérisées Parmi d’autres : Construction moderne, 1885-
1945, Architecture d’Aujourd’hui, 1930-1940 & 1945-1948, Esprit Nouveau 1920-1925, etc.
Gallica/BNF Nombreux traités d’architecture ; Vitruve, Serlio, Vignole, Philibert de l’Orme, Perrault, Blondel,
Laugier, Viollet-le-Duc...
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Fédération française du Paysage (FFP) : vidéo du cycle de conférences « Expériences de paysage »
(https://www.f-f-p.org/fr/experiences-de-paysage/)
FILMS :
La série « Architectures » proposée par Richard COPANS et Stan NEUMANN, Arte Vidéo.
La série « Faits d’architecture » éditée par le CNDP propose une visite guidée d’un bâtiment majeur,
effectuée par l’architecte lui-même.
Explorateurs de limites, Promenades urbaines en région parisienne, collectif dvd/livre, Scéren/CRDP Créteil/
Centre Pompidou.
LIEUX RESSOURCES :
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ARTS APPLIQUÉS-DESIGN
Ce rapport donne à lire des préconisations formulées à la suite des observations faites par le jury lors de la
session 2018. Nous invitons les candidat(e)s à compléter cette lecture en lisant les rapports des sessions
précédentes. Il est bon de rappeler que, si le rapport précise la forme et le déroulement de l’épreuve,
prodigue des conseils et émet des mises en garde pour bien préparer celle-ci, il ne fixe pas, en revanche, de
dispositions réglementaires.
L’une des visées principales de l’analyse demandée est de faire émerger une ou des problématique(s) en
convoquant et rapprochant plusieurs documents, de définir et délimiter un questionnement qu’il reviendra de
développer et d’étayer oralement. La lecture analytique des documents se déploie sur toute la durée de
l'épreuve, ce qui conduit le(la) candidat(e) à faire évoluer ses observations et réflexions premières, à
énoncer de vive voix certaines idées et propositions en procédant par aller-retour ou comparaison, en
mettant en évidence des convergences autant que des divergences de vue et de conception.
L'entretien est dit « sans préparation », ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas effectuer un travail
substantiel en amont, afin de se familiariser avec le domaine choisi, de maîtriser des méthodes de lecture et
d’analyse croisées des documents.
Critères d’évaluation :
Les critères d’évaluation retenus par le jury ont été les suivants :
– lecture analytique et argumentée des documents ;
– problématisation et discernement critique (capacité à mettre en relation les documents, à les articuler
autour de questionnements spécifiques, en lien avec les champs du design et des arts appliqués) ;
– références mobilisées, apports de connaissances ;
– restitution orale (agilité d’esprit et « pensée en mouvement », structuration des idées, du propos et
capacité de synthèse).
Déroulement de l’épreuve :
Sont mis à disposition du(de la) candidat(e) une table, une chaise, un lot de feuilles vierges lui permettant de
prendre des notes ainsi qu’un support d’écriture visible par le jury (tableau, paperboard), autorisant, si
nécessaire, l’inscription de mots clés, la réalisation de schémas, etc. Le(la) candidat(e) peut rester assis(e)
le temps de la prise de contact avec les documents, mais il(elle) est ensuite invité(e) à occuper librement
l’espace disponible. Le jury déplore l’attitude trop figée, presque nonchalante de certain(e)s candidat(e)s. La
bonne occupation de l’espace participe de la prestation et entre en considération, de ce fait, dans
l’appréciation des entretiens.
Le(la) candidat(e) est invité(e) à tirer au sort un sujet comprenant plusieurs références légendées. Deux
minutes lui sont ensuite laissées pour découvrir les références proposées. Ce temps d’observation et de
préparation est le seul laissé aux candidat(e)s pour bâtir la structure générale de son exposé. Il est donc
vivement conseillé de consigner brièvement sur papier quelques termes, concepts, notions, idées et indices
clés qui pourront servir d'amorces et de points de repère pour l'exposé.
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À chacune des références sont associés le nom du concepteur (si celui-ci est connu), un titre, l’indication
des principaux matériaux utilisés et des dimensions, éventuellement, le nom d’un éditeur, l’année de création
ou d’édition et toutes autres données utiles pour échapper aux approximations et mener une analyse et une
réflexion approfondies sur l’ensemble des documents proposés.
La présentation de trois références, sous la forme d’images projetées, est en usage depuis plusieurs
années, toutefois ce mode opératoire n’est pas le seul envisageable. La nature des documents associés à
l’épreuve et leur nombre peut varier. Le(la) candidat(e) doit ainsi s’attendre à être mis(e) en présence, par
exemple, d’images imprimées ou de citations.
La méconnaissance des références proposées ne doit pas surprendre le(la) candidat(e). Bien au contraire,
elle doit lui permettre de mener une réelle investigation, de proposer des déductions appuyées sur des
observations fines et sur des références personnelles maîtrisées.
• Analyse et problématisation
Il est attendu du(de la) candidat (e), pendant le premier quart d’heure de l’épreuve, qu’il(elle) produise un
propos construit, mettant en lumière des points et éléments clés afin de faire dialoguer les documents entre
eux et de conduire au travail de problématisation demandé. Il est nécessaire de faire preuve de
discernement critique et d’un sens aigu du détail. Il faut savoir aussi maîtriser les registres artistiques et
esthétiques (les situer dans l’histoire), marquer une distance conceptuelle et théorique pour être capable de
dépasser la simple description formelle des documents, de contextualiser les références et de les faire «
résonner » avec des questions et enjeux les plus contemporains.
Les qualités d’observation et d’analyse sont primordiales dans cette épreuve. On attend du(de la)
candidat(e) qu’il(elle) puisse faire de son analyse un moyen d’articuler des savoirs, mais aussi qu’il(elle)
s’empare de cette investigation afin de proposer une réflexion créative, inédite et personnelle.
Cette année, le jury a regretté des approches parfois trop descriptives et segmentées, abordant les
documents les uns après les autres, sans que soient établies de fertiles connexions entre eux. Le jury
rappelle que la lecture des documents peut se déployer sur la durée complète de l’exposé oral et non se voir
réduite à quelques minutes, en début de prise de parole.
Le jury rappelle également qu’une thématique n'est pas une problématique. La thématique constitue un sujet
commun, un ensemble de thèmes qui relient les documents entre eux. Une fois la thématique nommée et
explicitée, une ou des problématique(s) doit(vent) être formulée(s). Une problématique peut émerger de
l’analyse d’un document considéré en lui-même, mais elle sera plus riche si ce document est mis en rapport
avec son contexte (historique, technique, social, etc.) ou encore s’il est mis en relation avec sa légende et/ou
les autres documents présents dans le sujet. Le(la) candidat(e) doit donc avoir pour objectif de révéler la
dimension dialectique ou les antagonismes produits par de tels rapprochements.
Ce second temps, d’un quart d’heure lui aussi, est l’occasion de poursuivre et d’approfondir les analyses, les
réflexions et les problématiques exposées précédemment.
Les échanges, relayés par les questions du jury, doivent permettre au (à la) candidat(e) de mettre en
évidence sa mobilité d’esprit, en faisant progresser sa réflexion, par le développement d’une argumentation
critique et par le dialogue, voire le débat, qui en découle. Le(la) candidat(e) doit donc faire preuve de
grandes qualités d’écoute et d’ouverture. Les questions sont toujours posées avec le souci d’aider à explorer
certains aspects de la documentation qui n’auraient pas été perçus au départ ou qui demeureraient
insuffisamment examinés. Une question, même si elle peut parfois attendre un élément de réponse précis ou
une référence particulière (dans le but de tester l’éventail de connaissances du candidat), n’est jamais un
piège, mais elle reste toujours propice à un éventuel rebond du propos vers des pistes ou des territoires
inattendus.
Cette année, au cours des échanges, le jury a été surpris de constater une attitude par trop craintive,
hésitante, tandis qu’étaient espérés des arguments, des idées et une culture singulière, assumée et hardie.
Par ailleurs, il a relevé le fait que plusieurs candidat(e)s résumaient l’activité du designer à un travail de
surface, potentiellement spectaculaire, forcément signé, en oubliant son inscription dans la profondeur du
quotidien. De même, trop souvent, les candidat(e)s se sont situé(e)s du côté de la réception, plus encore
d’une réception distante (une description formelle et visuelle n’intégrant pas forcément le vécu, la
manipulation), en négligeant le point de vue du concepteur (déontologie, engagement, regard porté sur des
usages, modes de fabrication, relation avec un éditeur, etc.).
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La meilleure prestation évaluée cette année est celle d’une candidate qui a su observer méthodiquement les
éléments de documentation mis en présence dans le sujet, créer entre eux des rapprochements fructueux,
mobiliser et valoriser une culture bien dominée et qui, en outre, a su faire preuve d'une réelle capacité de
dialogue au fil des questions, dans une attitude de questionnement à la fois modeste et active.
Sujet Agence Antrepo4, travail graphique issu de la série Minimalist effect in the maximalist market, 2010.
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Issey Miyake, collection Pleats Please, robe de la série Guest Artist n°1 : Yasumasa Morimura,
polyester imprimé et plissé, Japon, collection automne-hiver 1996.
Sujet fnp architekten (agence d’architecture allemande), S(ch)austall, reconversion d’une porcherie du
2 XVIIIe siècle en showroom, 2005.
Agence Leagas Delaney, campagne de publicités Générations pour la marque Philippe Patek,
photographie de Peter Linderberg, automne 1996.
Sujet Agence SOM (Skidmore, Owings and Merril) avec les architectes français Roger Saubot et François
3 Jullien, tour Areva, quartier d’affaires de La Défense, livrée en 1974.
Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, Objet Trou Noir, Matière Dernière, Radiateur, collections
permanentes du Centre Pompidou, Carte blanche VIA 2011.
Guerlain, parfum Black Perfecto by La petite Robe noire, campagne de lancement et packaging,
graphisme par Kuntsel & Deygas, 2018.
Céleste Boursier-Mougenot. From Here to Ear, V.19 (première version PS1 -MOMA en 1999).
Installation.
Musée des Beaux-Arts de Montréal, novembre 2015-mars 2016.
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Quelques repères bibliographiques
Les références suivantes sont en lien avec les sujets proposés cette année. Les candidats sont invités à
consulter les bibliographies déjà proposées dans les rapports de 2015, 2016 et 2017 qui indiquent des titres
d’ouvrages fondamentaux.
ANTONELLI Paola & MYERS William (Dir.), Bio Design, Nature, Science, Creativity, Thames and Hudson,
2012.
ANTONELLI Paola (Dir.), Design and Violence, MOMA, 2015.
—, Design and the Elastic Mind, MOMA, 2008.
BRAUNGART Michael, Cradle to cradle. Créer et recycler à l'infini, Farrar, Straus and Giroux, 2002.
CAUSSE Jean-Gabriel, L'étonnant pouvoir des couleurs, édition du Palio, 2014.
COCHOY Franck, Une sociologie du packaging ou l'âne de Buridan face au marché - Les emballages et le
choix du consommateur, PUF, 2002.
COCHOY Franck et GRANDCLEMENT Catherine, « Dévoiler ou emballer ? - socio-scénographie du
packaging », in Fresh théorie, pp.114-145, Editions Léo Scheer, 2005.
DUNNE Anthony & RABY Fiona, Speculative everything, Design, Fiction and Social Dreaming, MIT Press,
2013.
Revue Étapes Graphiques n°218, Fiction et anticipation, Mars/Avril 2014.
KAZAZIAN Thierry, Design et développement durable : Il y aura l'âge des choses légères, Victoires Éditions,
2003.
KLEIN Naomi, No Logo, Actes Sud, 2002.
KOOLHAAS Rem, New-York délire : un manifeste rétroactif pour Manhattan, Parenthèses Éditions, 2002.
MIDAL Alexandra, Tomorrow Now: When Design Meets Science Fiction, MUDAM, 2008.
PAPANEK Victor, Design pour un monde réel, Mercure de France, 1972.
PASTOUREAU Michel, Noir. Histoire d'une couleur, Éditions du Seuil, 2008.
SENETT Richard, Ce que sait la main - La culture de l’artisanat, Albin Michel, 2010.
TCHACKARA John, In the bubble - de la complexité au design durable, Cité du design éditions, 2008.
TEERLINCK Hilde (Dir.), Destroy design, Catalogue de l’exposition Destroy design, Art et design
contemporain de la Collection du FRAC Nord-Pas de Calais, 2009.
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CINÉMA-ART VIDÉO
Rappel du protocole
L'épreuve de cinéma-art vidéo consiste en un entretien sans préparation avec le jury, d'une durée totale de
30 minutes. À son entrée dans la salle, le(la) candidat(e) est invité(e) à tirer au sort un sujet sur lequel sont
indiqués le nom du réalisateur, le titre et la date du film d'où est extrait le passage sélectionné. Il(elle)
dispose de feuilles de papier qu'il(elle) utilise à sa guise.
L'extrait dure en moyenne 3 minutes et il est projeté deux fois au(à la) candidat(e). 2 minutes de réflexion
lui sont laissées entre les deux projections, puis il(elle) dispose à nouveau de deux minutes pour organiser
ses notes. Il(elle) procède ensuite à une analyse filmique sous la forme d’un exposé de 10 minutes,
qu'il(elle) est libre de problématiser et d'organiser comme il(elle) l’entend. Cet exposé est suivi d'un entretien
de 10 minutes avec le jury.
Pour cette session, le jury a proposé majoritairement des sujets de cinéma, mais il invite les candidat(e)s à
se préparer également en art vidéo pour la prochaine session. Les extraits sont choisis dans toute la
diversité des genres et des époques, et ne se limitent pas au domaine européen ni à la fiction. Voici
quelques exemples de sujets proposés aux candidats :
Durant l’épreuve, le jury évalue la capacité du(de la) candidat(e) à mobiliser ses connaissances et sa
culture cinématographiques, à les mettre au service d'une interprétation personnelle de l'extrait, et à
s'exprimer avec clarté et vigueur. La méconnaissance de l’œuvre dont est extrait le sujet ne doit pas faire
peur, car l’analyse porte sur un extrait très bref qu'il convient d'examiner dans le détail et pour lui-même. En
revanche, une culture cinématographique riche et variée que le(la) candidat(e) peut convoquer à titre de
comparaison ou d'ouverture est évidemment bienvenue.
L'épreuve est exigeante : elle suppose une excellente capacité à observer les éléments du langage
cinématographique. L'exposé du(de la) candidat(e) ne peut se résumer à une paraphrase de l'extrait, à une
description même experte des images, ni, le cas échéant, à la restitution de l'histoire qui a été montrée. Il lui
est demandé d'en proposer une analyse, c'est-à-dire de prêter attention aux cadrages, au montage, à la
temporalité, à la bande son, etc. Il est important que le(la) candidat(e) se soit bien préparé(e) à l'analyse
filmique et sache identifier les effets qu'il(elle) commente. Savoir nommer le procédé est capital, cela montre
que le repérage a été précis, et permet aussi d'être exact dans l'explication. Le jury a noté cette année
encore quelques hésitations, des imprécisions, parfois la méconnaissance des termes employés au cinéma,
même s'il se félicite du niveau général très satisfaisant des candidats admissibles. Le jury a été sensible à
l'attention portée par de nombreux(ses) candidat(e)s au travail de la bande-son, en lien avec les formes
visuelles.
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La culture cinématographique et artistique est également un élément important de l'exposé, tout d'abord
parce qu’elle rend capable de situer un film dans l'histoire du cinéma. Cette nécessaire mise en perspective
permet de mesurer l'originalité d'un procédé. Ensuite, elle évite contresens et erreurs fâcheuses, comme de
dire, par exemple, que les Variations Goldberg interprétées par Glenn Gould sont une « musique de salon »,
ou d'être incapable de replacer un film dans son contexte historique, en l'occurrence le génocide juif par les
nazis. Enfin, elle permet de reconnaître les diverses formes de la citation, de la parodie ou de l'hommage,
voire de nourrir la réflexion. Les références culturelles et artistiques sont donc bienvenues et souhaitées si
elles sont appelées par l'extrait proposé, si elles permettent l'enrichissement d'un propos, mais il faut se
méfier des citations apprises par cœur et utilisées sans à-propos car elles brouillent le sens plus qu'elles ne
l'éclairent.
L'épreuve suppose aussi la faculté de proposer une interprétation juste des éléments observés et de
construire un exposé convaincant. Le(la) candidat(e) doit savoir organiser rapidement ses remarques pour
éviter un exposé décousu, consistant en une liste de procédés ou en une explication intuitive ou trop vague
de l'extrait. Les meilleures prestations entendues cette année s'organisaient autour d'une question qui
interprétait l'extrait. Par exemple, sur un extrait du film Le trou de Jacques Becker, une candidate a
développé ses remarques autour de la question de la lumière et du désir de liberté en se demandant :
« Comment l'extrait fait entrer la lumière et comment ce cinéma montre un désir de liberté » ; elle a ensuite
organisé son propos en 3 points : la structure de l'extrait / l'espace / les personnages. Un autre candidat,
confronté à un extrait de WVLNT de Michael Snow a problématisé son exposé à partir de la notion de
lisibilité : « En quoi la lisibilité du flux vidéo peut-elle être perturbée par ses caractéristiques plastiques ? ».
Son exposé s'est ensuite articulé autour des cadrages dans une première partie, puis des superpositions
dans un second temps. De façon générale, la mise en évidence et l'interprétation par les candidat(e)s des
dualités et tensions à l’œuvre dans les extraits ont souvent été pertinentes.
L'exposé dure 10 minutes. Il ne s'agit pas là d'une durée maximum, mais bien de la durée pendant laquelle
le(la) candidat(e) est invité(e) à faire preuve de ses qualités d'analyse et d'expression. Le jury a déploré cette
année nombre d'exposés trop courts. Par exemple, sur un extrait de La maladie de Sachs de Michel Deville,
une candidate, qui proposait une problématique intéressante : « Comment la tension objectivité/subjectivité
révèle-t-elle une intimité forcée entre médecin et patients ? » a malheureusement traité son sujet en 5
minutes, se privant de l'occasion de développer son argumentaire à propos d'éléments pourtant mentionnés
dans sa présentation, comme le décalage entre cadrages et voix-off ou la question, centrale dans cet extrait,
du montage et de ses effets structurants. À l'inverse, un excellent candidat a saisi l'opportunité d'utiliser la
totalité de son temps pour proposer des comparaisons éclairantes avec d'autres films du même réalisateur,
ou des analogies avec d'autres réalisateurs.
Enfin, cette épreuve est une épreuve de communication. D'un(e) futur(e) enseignant(e) agrégé(e), on
attend une clarté d'expression, une précision de vocabulaire et de syntaxe véritables. Le(la) candidat(e) doit
convaincre le jury et se montrer suffisamment pédagogue pour que son auditoire l'accompagne jusque dans
les idées les plus abstraites. Malgré une nervosité bien compréhensible et volontiers pardonnée, il faut parler
haut et clair en s'adressant au jury. On bannira le jargon, l'excessive préciosité et les inventions verbales
hasardeuses au profit d’une langue fluide, claire et précise.
L'entretien
Il prend la forme d'une conversation avec le jury, qui se montre très bienveillant. Il n'y a pas lieu de
redouter cet échange, bien au contraire, puisqu'il est un moment d'approfondissement de l'exposé ; il permet
de réfléchir, tout en parlant, à certains aspects qui n’ont fait l'objet que d'une allusion et qu'il serait
intéressant de développer, ou à des aspects qui ont été négligés, voire oubliés dans la première partie de
l'épreuve.
Parmi les questions récurrentes du jury, nous pouvons citer celles portant sur la place de la caméra/du
spectateur, celles sur le découpage et le montage, celles sur la temporalité..., aspects souvent peu traités
dans les exposés. Il faut voir dans ces questions l’occasion de préciser ou de développer une réponse en
lien avec ce qui a déjà été dit. Ainsi, un candidat a fait la démonstration de son excellente connaissance des
concepts : interrogé sur le montage d'un extrait de Whiplash de Damien Chazelle, il a fait la distinction
subtile entre montage horizontal et montage vertical, en montrant comment les deux procédés se mêlaient
dans l'extrait, ce dont il n'avait pourtant pas du tout parlé dans sa présentation.
Certaines questions visent à vérifier un point de détail, comme le sens du mot transparence, très précis au
cinéma et employé à tort dans le sens de surimpression, ou bien elles permettent de revenir sur le repérage
incomplet d'un motif, d'une référence. Les demandes de précision ou de réévaluation sont à prendre comme
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des aides pour relancer une interprétation dont le jury perçoit qu'elle peut être prolongée. Le jury comprend
très bien qu’un(e) candidat(e) puisse ainsi être amené(e) à nuancer des propos, voire à proposer une autre
interprétation que celle développée durant l’exposé. L’épreuve ne permettant pas de réfléchir très longtemps
dans la phase de construction de l’analyse, il vaut mieux accepter de revoir une interprétation que de
s’enfermer dans une interprétation trop rapidement faite.
Beaucoup de candidat(e)s révèlent, pendant l'entretien, de véritables aptitudes au dialogue et une belle
capacité à approfondir leur interprétation, ce qui est de très bon augure pour la suite de leur carrière
d'enseignant(e). À l'inverse, d’autres candidat(e)s semblent s'être bien préparé(e)s à l'exposé mais se
montrent peu réactif(ve)s dans l'échange. Le jury rappelle que l'entretien se prépare et qu'il est un élément
important de l'évaluation car il permet de mesurer aussi, dans une modalité différente, les capacités
d'analyse, de réflexion et d'expression des futur(e)s agrégé(e)s, de même que leur culture artistique.
Bibliographie indicative :
AMIEL Vincent, Esthétique du montage, Armand Colin, 2005.
AUMONT Jacques et MARIE Michel, L’Analyse des films, Nathan, 1988 (3e éd., 2014).
CASETTI Francesco, Les Théories du cinéma de 1945 à nos jours, Nathan, 1999.
JULLIER Laurent, Analyser un film : de l’émotion à l’interprétation, Flammarion, coll. « Champs », 2012.
PINEL Vincent, Vocabulaire technique du cinéma, Armand Colin, 2008 (2e édition).
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PHOTOGRAPHIE
Déroulement de l’épreuve
Le sujet tiré au sort est projeté à l’écran. Le(a) candidat(e) dispose de 2 minutes de
réflexion pour prendre des notes et organiser son oral. Le temps d’appréhension des documents (images et
légendes, texte, citation) est court, c’est pourquoi il est primordial de bien exploiter tous les éléments
indiqués (auteurs, dates, formats, informations techniques diverses, lieux et moyens de diffusion…). Ces
indications fournissent des clés importantes pour la compréhension et l’analyse du sujet proposé. Même si
le(la) candidat(e) ne connaît pas l’artiste ou l’œuvre présentée, elles lui éviteront certaines erreurs
d’interprétation, voire des contresens, et l’aideront dans son analyse des images. Elles lui permettront
surtout de mener ses investigations pour une bonne compréhension des intentions du ou des photographes
ainsi que des desseins du jury qui a sélectionné les œuvres. Ce moment permet au (à la) candidat(e)
d’observer attentivement les documents et de mettre en place les observations qu’il(elle) va développer.
Il(elle) disposera de 15 minutes maximum pour présenter son analyse et formuler une problématique. Le
temps restant est consacré à l’échange avec le jury. Le terme d’échange est à souligner, car le(la)
candidat(e) ne doit en aucun cas considérer ce moment comme un interrogatoire ! Il s’agit d’entrer en
dialogue, en profitant des remarques du jury pour recentrer son propos, préciser quelques points particuliers,
reformuler avec lui, le cas échéant, une problématique plus précise.
Analyse
Les premiers renseignements qui vont orienter l’analyse du candidat se situent dans la légende.
Celle-ci donne toujours des informations précieuses, surtout si elle est obscure, et même si elle se limite à
un simple sans titre. Une légende qui paraît hermétique doit devenir le support d’un questionnement sur le
sens à donner à l’image qu’elle accompagne. Il faut ensuite, évidemment, commencer par décrire les
photographies proposées. Si cet exercice est l’occasion pour le(la) candidat(e) de distinguer les particularités
de chacun des documents, il donne aussi au jury la possibilité de prendre connaissance de la maîtrise du
vocabulaire spécifique à la photographie. Une photographie n’est pas une peinture, l’usage d’un vocabulaire
typiquement pictural révèle bien souvent une méconnaissance des particularités du médium
photographique.
Attention toutefois : description n’est pas analyse. Les réflexions techniques, les évocations de
composition, de couleur, de contrastes… n’ont d’intérêt que si le(la) candidat(e) les associe à une intention.
Il est opportun de les relever si elles permettent d’étayer le discours ; étudier, par exemple, la netteté ou le
flou dans une photographie n’a d’intérêt que si la question de la profondeur de champ ou du mouvement est
importante pour l’interprétation de l’image. De plus, le(la) candidat(e) doit éviter de se réfugier dans une
énumération d’éléments descriptifs purement techniques ou formels. Une telle litanie d’informations, si elle
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peut rassurer par son exhaustivité, est inutile quand elle ne sert ni l’analyse, ni l’éclosion d’une
problématique. Elle ne fait alors qu’occuper un temps de parole trop précieux pour être ainsi perdu.
Il faut se méfier des approximations, qui seront perçues comme autant de failles dans le tissu des
connaissances du candidat ; la précision et la justesse des connaissances techniques est essentielle à
l’énoncé d’informations claires. Cependant, si l’usage d’un vocabulaire érudit (technique, esthétique,
historique…) est nécessaire à la description ou à l’analyse d’une image, il doit rester un moyen de
communication, rigoureux donc efficient, mais qui ne doit en aucun cas être utilisé de manière emphatique
pour devenir la finalité même d’un discours amphigourique. L’exigence de précision, attendue à un concours
de ce niveau, ne s’oppose en rien à la simplicité. Certaines évidences sont souvent bonnes à relever et à
interroger pour analyser les œuvres. Nombre d’informations données par les candidats lors de leur étude
des images proposées étaient issues d’une approche intuitive intéressante, souvent pertinente, mais, la
plupart du temps, elles ont été insuffisamment interrogées, questionnées, approfondies et étayées. Or,
lorsque ces informations sont confirmées, elles permettent de faire émerger des réponses conscientes et
maîtrisées aux problèmes posés par les choix techniques et esthétiques d’un artiste, et éclairent ainsi les
enjeux historiques, sociaux et culturels mis en œuvre dans l’image. C’est dans cette intention que le jury
peut être amené à demander aux candidats de revenir sur des notions déjà énoncées, sans qu’il y ait à
suspecter doute, malice ou ironie. De manière générale, il est bon de considérer que les traits repérables
dans un document permettent d’interroger les caractères traditionnels associés au type de photographie
analysée. Toute image doit être l’occasion pour le (la) candidat(e) de remettre en cause ce qu’il (elle) sait
des images.
Le(la) candidat(e), grâce à son expérience, ses connaissances et ses compétences, doit pouvoir
faire confiance à ses impressions et émotions. Mais la prise en compte de l’aspect sensible ne peut suffire à
l’appréhension du sens d’une image, ce sens étant composé du croisement de nombreux autres facteurs
plus intellectuels que sensibles, comme les intentions conceptuelles de l’auteur, le contexte artistique,
historique, socio-culturel de la création, etc. Il ne faut cependant pas négliger cet aspect émotionnel dans
l’étude des photographies proposées. Les émotions captées lors de la prise de vue, comme celles suscitées
lors de leur présentation publique, attestent de leur intérêt artistique ou informatif. Jugé parfois trop subjectif
pour être abordé par les candidats, l’impact sensible des images est, de ce fait, trop souvent occulté.
Si l’épreuve se déroule dans le cadre d’un concours d’arts plastiques, la mobilisation de
connaissances ou de citations issues d’autres champs, artistiques ou non (histoire, sociologie, littérature,
philosophie, design, etc.) est toujours bienvenue, à condition d’être justifiée, mais elle est à éviter quand elle
est plaquée et sans rapport direct avec le sujet à traiter. Elle risque fort de passer alors pour de la « poudre
aux yeux », destinée à éblouir le jury par une science inutilement étalée. Il est très agréable d’entendre un
oral commencer par une citation de Bernardin de Saint-Pierre énoncée à propos, en revanche, citer
vaguement Barthes, simplement parce qu’il apparaît au (à la) candidat(e) comme la référence théorique,
n’est pas approprié.
Problématisation
Espace suggéré et espace littéral, champs, hors-champ, regard du photographe, contexte de prise
de vue et de monstration, regard du spectateur… : ce que donne à voir une photographie n’est qu’une partie
de ce qui est mis en œuvre dans l’appréhension d’images dont il existe évidemment de nombreux niveaux
de lecture. Si les candidats sont généralement conscients de tels enjeux, il faut qu’ils les prennent en compte
(dans leur globalité et leurs interactions) pour les interroger dans le cadre de leur étude. Sinon, ils encourent
le risque d’occulter tout ou partie du sens, d’appauvrir leur analyse et de se priver de pistes importantes pour
l’élaboration d’une problématique.
Loin d’être un handicap, la difficulté apparente d’un sujet est souvent garante d’une richesse offerte
au(à la) candidat(e). De cette complexité doivent naître de nombreuses voies d’analyse menant à
l’établissement de problématiques variées qui peuvent être liées au medium lui-même, mais aussi, et il ne
faut pas l’oublier, au contexte de production (sociologique, historique, culturel…). De la variété de ces
approches, il ne faut ni s’inquiéter, ni s’affliger. Le jury est conscient des difficultés imposées au candidat : à
ses yeux, elles peuvent offrir l’opportunité d’une bonne prestation et ne sauraient être le prétexte à une
démobilisation ou encore l’excuse à une contre-performance.
Le jury est parfaitement conscient des enjeux que représente une telle épreuve pour le candidat et
de la pression que l’exercice demandé ne manque pas de produire dans ce contexte. Désireux d’être
convaincu, voire séduit, par la prestation des candidats, il en espère sincèrement le meilleur. Si un jury se
doit naturellement d’évaluer et de noter la prestation orale d’un candidat en fin de présentation (c’est le rôle
qui lui est dévolu dans tout concours), il n’en reste pas moins un partenaire nécessaire, neutre mais
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bienveillant, avec lequel le(la) candid
dat(e) doit s’’autoriser à échanger
é pouur avancer, cconstruire et réussir à
formuler une réflexion complexe. Il est
e importantt de le rappe eler car certains candidatss s’enfermennt parfois
dans une atttitude défensive, défiante voire résisttante face au ment ne manque pas de
u jury. Un tel positionnem
créer une siituation pénible pour tous
s, et de surcrroît, hélas, pénalisante.
p
Eric Nehr, O
Oscarine, 2010
Valérie Belin, Série Mod s titre, 2006
dèles II, Sans
Paul Strand
d, Jeune garss, Gondeville
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—, La Photographie contemporaine, Paris, Scala, 2009.
69
THÉÂTRE
Chaque candidat.e a tiré au sort un sujet. Un extrait d’une capture vidéo d’un spectacle théâtral d’environ 4
minutes lui a été présenté : il/elle a été invité/e à l’analyser dans le cadre d’un exposé d’une dizaine de
minutes. Ensuite, pendant vingt minutes, le jury a interrogé le/la candidat.e pour lui permettre de revenir sur
un élément de son exposé ou pour ouvrir la discussion sur ses connaissances théoriques, son rapport au
théâtre, etc.
Le jury est attentif à la qualité des analyses des candidats, à la justesse de leurs observations, à la bonne
structuration du commentaire, à la correction et à l’aisance de l’expression orale. La qualité de l’analyse
repose avant tout sur une description fine et détaillée de tous les constituants du spectacle présenté, à l’aide
d’un lexique précis et adapté : la fiction, le jeu de l’acteur, la scénographie, les éléments scéniques
remarquables (vidéo, bande-son, documents, objets).
À la description de ces constituants doit s’ajouter celle des grandes lignes de la mise en scène et de ses
effets sur les spectateurs, notamment le type d’adresse, la configuration spatiale déterminant un certain
rapport scène-salle, etc. Il s’agit en outre de mobiliser des connaissances concernant les enjeux principaux
qui jalonnent l’histoire de la représentation théâtrale, et de faire référence à un ensemble de problématiques
plus actuelles liées aux écritures scéniques contemporaines : ainsi, il est attendu des candidats qu’ils soient
en mesure de réfléchir à la puissance politique du théâtre, à sa potentielle fonction sociale, qu’ils se
montrent aptes à étudier le traitement de l’événement historique (sa représentation, sa mémoire, etc.). Le
jury est attentif à la capacité des candidats à définir des concepts-clés comme « performance »,
« théâtralité », « écritures de plateau », « théâtre documentaire », à dialectiser et éventuellement à remettre
en question un ensemble d’oppositions aujourd’hui fréquentes : identification/distance ; théâtre
d’effet/théâtre de processus, réalité/fiction, théâtre dramatique/postdramatique ; représentation/présentation ;
performativité/théâtralité. Il est attendu des candidats qu’ils sachent tisser des liens, de façon argumentée et
construite, entre des problématiques propres aux arts plastiques et aux arts scéniques contemporains.
Enfin, le jury évalue la faculté des candidats à s’appuyer sur des références théoriques précises et solides et
à mobiliser à bon escient des souvenirs sensibles de spectateur.
- Les Damnés, mise en scène d’Ivo Van Hove (2016), d’après le film de Luchino Visconti.
- Mystery Magnet (2013) de Miet Warlop.
- Dans les ruines d’Athènes (2017) du Birgit Ensemble.
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE :
Ouvrages
- Daniel Bougnoux, La crise de la représentation, La Découverte, 2006.
- Joseph Danan, Entre théâtre et performance : la question du texte, Actes Sud-Papiers, 2016 [2013].
- Florence Fix, Frédérique Toudoire-Surlapierre, Le chœur dans le théâtre contemporain (1970-2000),
Éditions universitaires de Dijon, 2009.
- Marie-Madeleine Mervant-Roux, Figurations du spectateur, L’Harmattan, 2006.
- Olivier Neveux, Politiques du spectateur : les enjeux du théâtre politique aujourd'hui, La Découverte,
2013.
- Patrice Pavis, L’analyse des spectacles, Nathan, 1996.
70
- Béatrice Picon-Vallin, La scène et les images, CNRS/éditions, 2004.
- Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique, 2008.
- Jean-Pierre Ryngaert, Introduction à l’analyse du théâtre, Dunod, 1991.
- Anne Surgers, Scénographies du théâtre occidental, Nathan, 2000, rééd. 2004.
- Bruno Tackels, Les écritures de plateau : état des lieux, Les solitaires intempestifs, 2015.
Dictionnaires
- Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Armand Colin, 2002.
- Arnaud Ryckner, Les mots du théâtre, Presses Universitaires du Mirail, 2010.
- Jean-Pierre Sarrazac (dir.) Lexique du Drame Moderne et Contemporain, Circé, 2010.
Revues
- Études théâtrales
- Alternatives théâtrales
- Théâtre / Public
71
DANSE
RAPPEL DU PROTOCOLE
L’épreuve est un oral de culture chorégraphique en lien avec les arts plastiques d’une durée de trente
minutes, sans préparation préalable. Cette année les candidat(e)s étaient invité(e)s à tirer au sort un sujet
parmi deux présentés. Pour chaque sujet, étaient précisés le titre de l’œuvre chorégraphique, l’année de sa
création, le ou les chorégraphes, interprètes et collaborateurs. Un extrait de l’œuvre, d’une durée de 2 à 4
minutes, a été projeté aux deux candidates ayant choisi l’option. Elles étaient autorisées à prendre des notes
pendant ce temps et ont ensuite disposé de deux minutes de réflexion pour structurer leur propos. Durant
une dizaine de minutes environ, elles ont pu ensuite exposer leur analyse de l’extrait. Enfin, un entretien
avec le jury de 20 minutes est venu clore l’épreuve. Les candidates étaient libres d’évoluer comme elles
l’entendaient ; elles n’étaient pas tenues de rester assises et disposaient d’un tableau dont l’usage n’était
pas obligatoire.
BILAN DE L’ÉPREUVE
Le jury est parfaitement conscient de la nouveauté de l’épreuve car, les années précédentes, la danse ne
figurait pas parmi les choix offerts aux candidats dans les épreuves d’option de cultures artistiques. Cette
année, les deux candidates admissibles ayant choisi la danse étaient très bien préparées et elles ont fait
preuve d’une grande culture chorégraphique. Leur prestation fut d’excellente qualité.
L’exposé
Le temps dont dispose le(a) candidat(e) lors de l’exposé est court. Il est donc important qu’il(elle) s’entraîne
à analyser des images de danse dans le temps imparti, se dote d’une méthode de prise de notes, s’exerce à
structurer rapidement un propos, en extrayant de l’œuvre la (ou les) question(s) essentielle(s), sans perdre
de vue le lien avec les arts plastiques. S’il est nécessaire de passer par une description, celle-ci ne doit en
aucun cas constituer l’essentiel de la présentation. Elle doit être rapide, concise, quoique complète et ne
s’attacher qu’aux points sur lesquels s’appuiera l’analyse occupant le deuxième temps (notamment, le parti
pris artistique des créateurs). Les candidates de la session 2018 ont fait preuve d’une excellente mémoire
visuelle, ce qui leur a permis de revenir sur des éléments précis lors de leur exposé.
Le jury apprécie les approches s’appuyant sur des champs de connaissances variés montrant ainsi que le(a)
candidat(e) a compris qu’une œuvre chorégraphique ne peut être isolée de son contexte, ni de la place
72
qu’elle occupe dans l’histoire de la danse. Si une analyse fonctionnelle précise du corps dansant n’est pas
attendue, le(a) candidat(e) doit être capable de repérer les choix du chorégraphe concernant les usages du
corps et les modes opératoires retenus lors de la composition, comme de dégager les conséquences
plastiques qui en découlent. Enfin, l’aisance dans la prise de parole, une attitude engagée, une capacité
d’écoute sont des compétences évaluées, même si elles ne sont pas suffisantes pour réussir cette épreuve.
L’entretien
Lors de l’entretien, le jury revient sur l’exposé pour demander au (à la) candidat(e) de préciser certains
points, pour tester sa capacité à approfondir une question ou vérifier une connaissance historique. La
scénographie, le choix des œuvres ou actes plastiques, le type d’interaction que le chorégraphe a mis en
place sont abordés ainsi que les créations originales qui ont fortement marqué la danse au cours du siècle
écoulé. Cette épreuve, pour conclure, demande une culture générale chorégraphique solide et une
connaissance des chorégraphes qui ont développé une problématique artistique en lien avec le champ des
arts plastiques. Elle ne saurait être choisie par défaut.
Bibliographie succincte
Ouvrages généraux
Jean-Pierre Pastori, La danse, t. I et II, Gallimard, coll. « Découvertes », 2003.
Jean-Pierre Pastori, Des ballets russes à l’avant-garde, Gallimard, coll. « Découvertes », 2003.
Paul Bourcier, Histoire de la danse en occident de la préhistoire à la fin de l’école classique, Éditions du
Seuil, 1994.
—, Histoire de la danse en occident du romantique au contemporain, Éditions du Seuil, 1994.
Marcelle Michel, Isabelle Ginot, La danse au XXe siècle, Bordas, 1995 (rééd.).
Rosita Boisseau et Christian Gattinoni, Danse et art contemporain, Scala, 2011.
Denis Bablet, Les révolutions scéniques du XXe siècle, Société internationale d’art, 1975.
Roland Huesca, Danse, art et modernité. Au mépris des usages, PUF, 2012.
Christine Marcel, Emma Lavigne, Danser sa vie, Art et danse de 1900 à nos jours, Éditions Centre
Pompidou, 2011.
François Frimat, Qu’est-ce que la danse contemporaine (politique de l’hybride), PUF, 2010.
Geisha Fontaine, Les 100 mots de la danse, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2018.
Noé Soulier, Actions, mouvements et gestes, Centre national de la danse, 2016.
Sally Banes, Terpsichore en baskets. Postmodern dance (1980), trad. CND-Chiron, 2002.
Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine, Contredanse, 1997.
Laurence Louppe (dir.) Danses tracées. Dessins et notations chorégraphiques, Dis-voir, 1991, rééd. 2005.
Annie Suquet, L’éveil des modernités, une histoire culturelle en danse (1970-1945), CND, « Histoires »,
2012.
Alston Purvis, Peter Rand, Ballets Russes art et design, 100 ans après, Hazan, 2009.
Les Archives Internationales de la danse, CND, 2006.
Paul Valéry, Degas Danse Dessin [1937], Gallimard, « Folio », 1998.
Revues
Nouvelles de danse, périodique semestriel publié par Contredanse, 46 rue de Flandres 1000 Bruxelles.
Catalogue sur www.contredanse.org Bruxelles.
Repères, Cahier de danse, revue biannuelle, Centre de Développement Chorégraphique du Val-de-Marne,
éditions La Briqueterie : www.alabriqueterie.com
Ball Room revue de danse, revue trimestrielle : www.ballroom-revue.net
TDC, L’art chorégraphique, SCEREN-CNDP : http://tdc.cndp.fr
Sites internet
https://www.numeridanse.tv
http://passeursdedanse.fr
Dictionnaire
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