La Rêverie Esthétique
La Rêverie Esthétique
La Rêverie Esthétique
LA
RÊVERIE ESTHÉTIQUE
DU MEME AUTEUR
M
LA
11È\E1{IE ESTllÉTiaiE
ESSAI SLK L\ PSVCHOLOGlt: DU POÈTE
PAUL SOURIAU
Prolesseur à l'Utiiversité de Nancy.
. PARIS
FÉLIX ALCAN. EDlTELll
LIBRAIRIES FÉLIX ALG^LfitiagyyiLLAUMIN RÉUNIES
INTRODUCTION
SoL'hIAU. 1
2 LA REVERIE ESTHETIQUE
sentiment de la réalité.
formation extérieure.
CHAPITRE PREMIER
5^
2. — Élément esthétique.
'
beauté.
Dans une œuvre d'art, il est bien évident que la poé- :
pas tout à fait la même chose par les deux mots de poé- ]
sie et de beauté.
L'habitude s'est établie de prendre plutôt le mot de
beauté dans un sens assez restreint, celui de beauté de ;
LA POÉSIE INTÉRIEURE
tique.
Je sais que souvent l'on parle de la rêverie comme si
La Fontaine.
que tout état psychique dont l'effort est absent soit par
cela même agréable. On ne constate pas non plus que
l'effort soit dans tous les cas pénible. Tout dépend des
De images, quel que puisse être leur sens symbolique, ont été
telles
la nuit, il me
une figure et un nom. Le nom ne
vint
signifiait rien que je sache; c'était un assemblage fortuit
Le cœur innombrable.
LA POESIE DE LA NATURE
que nous les percevons elles font déjà l'effet d'un rêve.
Les objets lointains, inaccessibles, qui nous appa-
raissent par delà de vastes plaines, aux confins de l'ho
rizon, ont au plus haut degré ce caractère. Aussi la
V. Hugo.
46 LA RÊVERIE ESTHÉTIQUE
toute poésie.
Nous avons renoncé aux formes du merveilleux an-
tique, à Cybèle, à Phœbus, à Borée, à Amphilrile, aux
Naïades, etc. Et nous avons bien fait d'y renoncer, parce
que ce sont des formes surannées, dont l'art a épuisé, à
force de s'en servir, toute la vertu suggestive c'est à :
A. DE Musset.
V. Hugo.
c'est moins ce qui est artificiel que ce qui est trop neuf
j
j
On s'attendrit sur la fleur qui va s'épanouir; et c'est î
existence humaine. i|
de la nature.
réel.
monde ima«^inaire.
Il faut l'avouer. L'imitation artistique ne peut attein-
dre à plénitude, à l'intensité des elî'ets que produit la
la
séduit par tous nos sens elle agit sur notre organisme
;
bleau.
Le premier moment est de perception positive et de
jugement lucide. Nous regardons. Nous cherchons à
nous rendre couq>tc. Qu'est-ce que cette toile repré-
sente Nous émettons une hypothèse, d'après les indi-
'^
et du rêve.
L'art décoratif doit en grande partie sa vertu poétique
au style conventionnel que sa technique lui impose ne ;
•qu'on nous parle une langue qui nous est très familière,
nous suppléons par la pensée aux défauts de léniission
vocale, et croyons entendre intégralement des mots dont
on ne prononce que la moitié. C'est cette sorte de resti-
liition mentale qui nous permet d'entendre avec plaisir
un un instrument un peu faux'. Même
air joué sur
phénomène pour toute imitation musicale.
se produit
Il nous sulïU de reconnaître le son que la musique veut
I . Ibid., p. aïo.
74 LA RÊVERIE ESTHÉTIQUE
'
'
LA POÉSIE LlTTÉUAllŒ
,FFEÏ SI R L IMELLK;E>CE.
tion.
Soitau contraire une œuvre poétique. L'allure
qu'elle donnera à ma pensée sera toute différente.
Je prendrai à dessein mes exemples dans des œuvres
très connues, que chacun ait présentes à Tesprit et sur
lesquelles il soit facile de refaire l'expérience.
J'ouvre la Légende des siècles. Je relis le Petit roi
de Galice :
Calme, il approche...
tuelle.
nous ramènent.
Elle voulut aller sur les ûois de la mer,
Et comme un vent bénin .-onmait une embellie
Nous nous prêtâmes tous ;i sa belle folie
Et nous voilà marcliant par le cbcmin amer.
crèce ;
il y en a de profondes dans Gœthe; d'ingénieuses
et subtiles dans Sully-Prudhomme. L'historien de la
philosophie ne saurait négliger la philosophie des poètes. ,
Ainsi votre définition, que vous avez voulu faire aussi '
le privilège et de s'adresser
sans intermédiaire à rinlelligencc. « L'eiïort pour exprimer directe- '
'
SOLUIAU. "7
98 LA REVERIE ESTHÉTIQUE !
'
taines représentations. !
une expression
celles qui trouvent le plus difficilement
j
Contemplations : à Villequier.
LA POESIK LITTKRAIRK 105.
sa réelle vision.
La différence n'est pas seulement dans le degré d'in-
tensité. Se représenter la souffrance par exemple, ce
n'est pas réellement souffrir, même à un degré atténué
-et d'une manière superficielle: c'est tout autre chose.
LA POESIE LITTEHAIRE 11.3
§ I. — Mi';thode d'inspiration.
'
Dis- moi, quel songe d'or nos chants vont-ils bercer ?
d'invention*. I
ments ce n'est généralement pas elle qui les évoque. Ils sont en
i)ien des cas le produit du jeu spontané, quoique surveillé, des
idées et des images, de tous les petits systèmes qui \ivent dans
l'esprit... Si les éléments ne s'aflVanchissaient pas parfois quelque
peu, s'ils ne se livraient pas à leurs affinités propres en rompant
les associations logiques habituelles, si la coordination de l'esprit
était trop serrée et trop raide, trop uniformément persistante, l'in-
vention serait beaucoup plus rare et resterait trop simple ». F. Paul-
tian, Psychologie de l'invention, F. Alcan 1901, pp. 4, 43, 56.
Voir aussi dans le reste de l'ouvrage un grand nombre d'ob-
servations très intéressantes sur les procédés intimes de l'invention
littéraire.
LA CO.MI'OSITION IHjKTIoLK 121
Lamaktine (^L'iininortalilé)
,
sèment. Le labeur de la composition réfléchie est plus
pénible que tout effort musculaire ou tout travail ma-
nuel ; il semble que l'on s'arrache de force les idées
de la tête ; chez certains écrivains, c'est une véritable
agonie'. L'écrivain qui ne prémédite pas d'effets, qui
ne s'astreint pas à un travail de combinaison intellec-
tuelle, mais se livre à son imagination, compose dans
l'allégresse. Écrit-il des vers? Dans une sorte d'extase,
il écoute ses voix; comme Lamartine, il se recueille
pour percevoir ce chant intérieur, cette harmonie pro-
fonde qui d'elle-même se développe en lui. Compose-t-il
un roman ? Comme Alexandre Dumas il sourira en
voyant ses héros se lancer si témérairement dans de
folles aventures, et contre toute vraisemblance en sor-
tir à leur gloire. Gomme George Sand, il se contera à
lui-même de belles aventures, et pendant que sa plume
court sur le papier, il se perdra dans ces visions roma-
nesques. Dramaturge, il assistera avec curiosité aux
évolutions de ses personnages, comme s'il était lui-
même au spectacle.
L'aisance avec laquelle un poème est composé n'est
pas chose indifférente au point de vue artistique. Elle
ajoute à l'attrait de l'œuvre. Elle lui donne de la grâce.
V. Hugo. Conlemplations.
Pleurs dans la nuit.
Gurel (Lettre citée par :\. B'inel, Année psychologique, 1894, p. i33.)
Ces observations, faites sur lui-même par F. de Curel, témoignent
d'une remarquable faculté d'introspection et sont de précieux docu-
ments psychologiques. A remarquer tout ce qui a trait à l'utilisation
de la rêverie, comme procédé d'invention.
2. « Ce n'est pas à dire que les romanciers se mettent en scène
dans leurs livres, mais, dans les personnages qu'ils nous présentent
et dans la façon dont ils nous les présentent, si minutieusement
observés qu'ils soient d'ailleurs, y a toujours quelque chose de
il
leur âme. Ils sont pour ainsi dire marqués du sceau de la person-
nalité de leur père spirituel » L. Pral, Le caractère empirique et la
personne, F. Alcan, 1906, p. i52.
LA COMPOSITION POÉTIQUE 127
pensée libre, qui pour son auteur même sont une sur-
prise.
§ 2. — Méthode de réflexion.
Nous avons fait à l'inspiration sa part. Il nous reste
à chercher quel rôle peut et doit jouer, dans la genèse
de l'œuvre poétique, la pensée lucide et consciente.
I. V. par exemple les contes emboUés Tim dans l'autre ilu Patil-
clia-Taiilra et des Mille et une Nuits, les récils parasites qui se
et l'idée s'évanouit'.
de lui les types accessoires qui en sont comme les variétés (v. des '.
fût toutégoïsme. On peut remarquer que dans les comédies et les ro- \
des ma(hématlii({ucs et je me
défendu contre renlraînemenl
suis
de l'érrilnro. Je craindrais de mollro dans l'ébauclio une certaine
chaleur cpii ne se trouverait plus dans l'exi-culion » Année psyrlio-
/01//7MC. i8()'i. p. ()8.
136 LA REVERIE ESTHETIQUE
théorie :
•'».
pp. i I, i"). i(). 17.
140 LA RÊVERIE ESTHETIQUE
plus métaphorique que les vers, la prose semble l'être moins. C'est -^
de nouvelles images.
Il en est de même des comparaisons poétiques. Avant
la surface ;
ils le mettent en évidence. Tandis que
l'homme positif met ses rêves au service de sa réflexion,
le poète met sa réflexion au service de ses rêves. Il s'exerce
bale définitive.
Cet enveloppement de la pensée dans les mots est
toujours une opération délicate. Il d'exprimer son
s'agit
'
sent dans notre esprit avec quelque phrase qui les ex-
J
de la métaphore, etc.
LA COMPOSITION POETIQUE 149
2. Ibid., p. 92.
CHAPITRE VI
Veri.ai.ne.
OÙ est la poésie ?
rythme.
La parole humaine a nalmcliiMiKMil uncertain inIIhuc
Les phrases (jue nous pronon(;()ns, hleii (jii elles ne
156 LA RÊVERJE ESTHÉTIQUE
un rythme défini.
Le plaisir essentiel que peut donner le vers est donc
celui que peut donner le rythme. L'oreille s'adapte à
cette cadence qui lui devient un besoin ; elle attend avec
une sorte d'anxiété le retour de l'impression sonore
qu'elle se tient d'avance toute prête à recevoir, et c'est
cette pensée. 1
tion. !
'
Mais
'
SoiRIAl'. I I
162 LA RÊVERIE ESTHÉTIQUE
Jaillit...
qui ont été jusqu'ici usités. Mais déjà elle a des per-
plexités devant les rythmes inattendus cpie nous sou-
mettent parfois les poètes contemporains. On vient de
lire une pièce de vers écrite en octosyllabes quand on ;
Pages.
Introduction i
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sou pour chaque jour de retard. charge of one cent for eacb addilional day.
IUL 2/1965
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