Le Marxisme Introuvable (Daniel Lindenberg)
Le Marxisme Introuvable (Daniel Lindenberg)
Le Marxisme Introuvable (Daniel Lindenberg)
INTROUV ABLE
« L'ORDRE DES CHOSES »
dirigee par B/andine Barret-Kriegel
Deja paru
SIMONE !FF
LE MARXISME
INTROUVABLE
CALMANN-LEVY
I() CALMANN-LEVY, 1975
/111primt! en France
ISBN 2-7021-0024-4
Introduction
C un pays ou Jesparorganisations
OMMEN<;:ONS une constatation etonnante. Dans
ouvrieres se reclamant
du marxisme-leninisme jouent un role determinant dans
la vie nationale, ii n'existe pas d'histoire, meme som-
maire, de la diffusion et de !'implantation du marxisme
en France. Les livres de Dommanget et de B. Bernstein
(voir bibliographie sommaire) ne portent que sur Jes
premieres annees et sur le seul guesdisme. La bo/che-
visation du P.C.F. attend toujours son historien. Le
present ouvrage ne pretend aucunement combler entie-
rement cette lacune, mais jeter quelques coups de
projecteur sur Jes points Jes plus obscurs, et pourtant
!es plus significatifs de cette histoire, bizarrement mecon-
nue des historiens. Parmi ces moment forts, nous avons
privilegie ce qui se joue autour des figures calomniees
ou censurees que furent Herr, le Nestor du socialisme
fran9ais, l'educateur des grands reformistes, et Sorel,
le prophete isole d'un marxisme proletarien degage des
impasses du positi visme.
Mais rhistoire du marxisme n'est pas separable du
contexte global de ce qu'on pourrait appeler l'ideologie
franr;aise. L'ideologie fran9aise, qui regne de fa9on
multiforme dans runiversite et dans le vaste reseau
d'appareils culturels qui se nourrissent de ses rayons,
8 LE MARXISME INTROUVABLE
certes pas innocente pour qui, comme nous, s'y est deja
bnlle Jes doigts.
Depuis Ia Liberation, un fait capital s'est produit
dans ce Kremlin garde par de hautes rnurailles qui a
nom Ia culture fran9aise. Le rnarxisme, ou plutot /es
marxismes, y ont acquis droit de cite. Le temps n'est
plus ou des sommites a la Leroy-Beaulieu Ott a la Bou-
troux pouvaient traiter le materialisme historique d'in-
dignite intellectuelle, et toute Ia reaction academique
opposer sans rire le « genie cartesien » de Jacques
Bainville, l'historien, l'economiste (sic) que le rnonde
entier nous enviait, aux brumes marxistes « qui garde-
ront toujours quelque chose de !'Orient » (!'Orient,
pour Jes maurassiens, commen9ant aux Vosges ... ). Plus
une voix pour reprendre, dans le mouvement ouvrier, a
l'Universite, dans la Presse, Ia vieille antienne du
marxisme « germanique », bon pour Jes sauvages, en
somme. L'adhesion, a !ravers Jes combats du Front
populaire et de la Resistance, d'une pleiade d'intellec-
tuels de premier plan aux rangs <lu Parti comrnuniste
ou de ses « cornpagnons de route» semblait la meil-
leure refutation de cette pauvrete. Dans le nouveau
pantheon de la pensee qui cornmen9ait a prendre le
relais des idoles faillies du spiritualisrne hexagonal,
Marx prenait place aux cotes de Hegel, de Kierkegaard,
de Nietzsche et de Heidegger, tous anciens pestiferes
comme Jui. Cependant le droit d'entree de Marx et du
marxisme dans ce club ferme etait eleve, puisque l'ideo-
logie fran9aise prenait appui sur la double forme d'exis-
tence du discours marxiste pour operer un tri a reso-
nances politiques evidentes. Oui au « rnarxisme
savant », branche progressiste de Ia philosophic de
l'histoire, materiau de choix pour de nouvelles meta-
physiques en ma! de vie et de concret. Non au
« marxisme ordinaire », idfologie totalitaire Iiee a Ia
12 LE MARXISME INTROUVABLE
Le 1narxisn1e
dans le n1ouve1nent ouvrier
Misi:re du marxisme ordinaire : le guesdisme
J parce
Lest des theories qui sont toutes-puissantes, non pas
qu'elles sont vraies », mais parce qu'elles
«
sont. .. debiles. Le paradigme classique, nous le trou-
vons avec la philosophie universitaire frarn;aise, telle
qu'en el!e-meme el!e a tenu le coup pendant plus de
cent ans de creuse rhetorique et de pensee informe.
Or, cette nullite, aujourd'hui si pub!ique qu'elle est
probablement deja devenue un sujet academique de
dissertation, pose depuis toujours un serieux probleme.
Comment une telle nullite n'a-t-elle pas entraine plus
tot la chute de !'edifice? La reponse reside sans doute
dans le paradoxe que cette nullite ait ete en realite une
grande force et non une faiblesse. Le succes des deux
grands courants, spiritualisme et positivisme, qui se
sont succede dans l'universite, et ont meme coexiste,
est un bon exemple pour comprendre !es raisons de la
reussite du guesdisme dans le mouvement ouvrier. Car
le caractere rclativement fade du premier lui permettait
de syncretiser dans un melange incombustible, le tho-
misme, le criticisme de Renouvier, et !'extension suffi-
samment vaste du second, sous son apparente rigidite,
lui rendait possible d'unir a la fois le neo-spinozisme
d'un Renan et le socialisme intellcctuel d'un Durkheim.
Bref, la mol!esse et l'elasticite de ces ideologies !es
56 LE MARXISME INTROUVABLE
« LAFrance
theorie marxiste authentique fut connue en
des les premieres annees de quatre-vingt-
dix : authentique parce que distincte des deformations;
marxiste, parce que differente de l'eclectisme des socia-
listes desireux d'incorporer des fragments de marxisme
dans d'autres contextes ; et theorique, parce que loin
des recettes et des slogans electoraux des neo-jacobins.
La doctrine fut en partie introduite par des voies mul-
tiples et anonymes qui favorisent le progres de toute
theorie qui echappe aux sollicitations d'un grand parti
politique et, a vrai dire, ii n'y eut jamais un parti
marxiste en France comme ii y en eut en Allemagne.
Les guesdistes et Lafargue ont, dans une certaine
mesure, prepare la voie, avec les limites et les erreurs,
certes, dont nous avons parle. Mais c'est a la discussion
serieuse sur le marxisme dans Jes pays voisins, particu-
lierement en Allemagne, qu'on doit attribuer !'attention
qu'il provoquait alors en France plutot qu'aux efforts
preliminaires des guesdistes 1 • »
Les annees 1890 furent .le theatre de la mutation
« Monsieur le Directeur,
« Je suis malheureusement d'une timidite inoule.
Yous me demandiez hier, avec votre infinie bienvcil-
lance, ce que je desire, ce que je reve. Ma v1s1tc
n'avait d'autre objet que de vous le dire, et je ne
vous l'ai pas dit.
« Yous le savicz deja. Je vous J'ai ecrit ii y a plus
de six mois. Tout mon reve, toute mon ambition,
c'est la bibliotheque de I'ecole. Lorsque je prenais
date, comme prctendant, dans une lettrc datce d'Al-
lemagne, je n'ai point obtenu de YOUS de reponse
sur ce point. Je n'ai pas ose insister. II a fallu
M. Boutroux, que j'ai entretenu de mes ambitions,
pour m'encourager a YOUS en repar!er.
I. ANDLER, p. 169.
172 LE MARXISME INTROUVABLE
D ESde!orsl'insucces
qu'on essaie de saisir Jes causes profondes
persistant du marxisme en France
ou, ce qui revient au meme, du succes de certaines
varietes de para-marxisme, ii est une formation intel-
Iectuelle, a !'intersection strategique de Ia Science et
de Ia Politique, dont ii est curieux qu'on ne parle
jamais, ou presque. Pourtant !'Ecole fran<;:aise de
sociologie, dite encore durkheimienne, ou encore
« Ecole sociologique » tout court, a exerce, et exerce
encore contrairement aux apparences 1 , !'influence la
plus decisive, non seulement sur le developpement des
sciences « social es » ou « humaines », mais aussi sur
Ia production et Ia reproduction des ideologies de
masses dans lesquelles s'ebroue aujourd'hui toute la
population de ce pays.
Lisons Ia penetrante introduction que Jcan-Claude
Filloux a composee pour l'anthologie de textes poli-
1. Si en effet !'Ecole fran~aise de Sociologie en tant qu'ins-
titution, deja moribonde apres 1918, a disparu corps et biens
avec Ia III' Republique dont elle etait un des piliers, le
durkheimisine continue son petit bonhomme de chemin, aussi
bicn dans Ies sciences sociales e11es-memes, Levi-Strauss, Bour-
dieu, qu'a travers !es ideologies sociologiques a Ia mode,
Bataille et ses innombrables epigones, certains aspects du
marxisme althuss6rien.
176 LE MARXISME INTROUVAB!.E
Le n1arxisme
et le 111ouven1ent ouvrier
De nouveau Jes cometes - !'action de R. Lefebvre
Le 111arxis1ne
et le 111ouve1nent ouvrier
La bolchevisation du P.C.F.
Le marx1sme encore
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Bibliographie
INTRODUCTION • . . • . . • • • • . . . . . • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • 7
PR£Mll:RE PARTIE
LES ANNEES 1880
D[UXIE~tE PARTIE
LES ANNEES 1920
B!BLIOGRAPHIE • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 247
LA COMPOSITION, L 'IMPRESSION ET LE BROCHAGE DE CE LIVRE
ONT f.Tf. EFFECTUf:S PAR FIRMIN-DIDOT S.A.
POUR LE COMPTE DES EDITIONS CALMANN-Lt VY
ACHEV[ o'r\fl>RIMER LE 10 MAR'i 1975