CI960054
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El Hadad F.
in
Allaya M. (ed.).
Les agricultures maghrébines à l'aube de l'an 2000
Montpellier : CIHEAM
Options Méditerranéennes : Série B. Etudes et Recherches; n. 14
1995
pages 249-264
http://www.ciheam.org/
http://om.ciheam.org/
CIHEAM - Options Mediterraneennes
Enjeux et perspectives
de la filière agrumes
du Maroc
Fatima El Hadad
CIHEAM-IAM, Montpellier (France)
Résumé. Le Maroc disposant d'un avantage comparatif dans la production des agrumes (abondance et faible coût
de la main-d'oeuvre) a décidé de perpétuer la spécialisation héritée de la période coloniale à travers un modèle de
développement "agro-exportateur". Un important soutien de l'Etat a permis le développement soutenu de la pro-
duction et des exportations d'agrumes. Mais, depuis quelques années, le Maroc est confronté à des difficultés pour
maintenir sa position sur les marchés internationaux de plus en plus concurrentiels.
Mots clés. Maroc – Filière agrumes – Fruits et légumes – Echanges internationaux – Echanges Europe/Maroc –
Avantages comparatifs – Exportations d'agrumes
Abstract. The role of the state in the development of citrus as an export crop.
Morocco has a comparative advantage in citrus production (abundant labour at low cost) and has decided to conti-
nue a specialisation inherited from the colonial period through an ‘agro-exporter’ development model. Substantial
state support has enabled the strong development of the production and export of citrus fruits. However, Morocco
has been confronted for several years with difficulties in conserving its position on increasingly competitive interna-
tional markets.
Keywords. Morocco – Citrus industry – Fruits and vegetable – International trade – Moroccan-European trade –
Comparative advantages – Citrus exports
Introduction
Depuis l'indépendance, la filière agrumes, premier groupe de fruits exportés, considérée comme un secteur
stratégique participant à l'équilibre de la balance commerciale, a été hissée au premier rang des priorités
de la politique agricole. Largement bénéficiaire des investissements publics et d'incitations à la production
en tant que culture d'exportation irriguée, ce secteur a connu depuis les années 60 un développement sou-
tenu. La demande extérieure et l'existence d'un débouché immédiat et naturel, à savoir les marchés de
l'Union Européenne (UE), ont été les facteurs moteurs de la croissance des exportations.
Mais aujourd'hui, la position du Maroc est fragilisée sur ces marchés. En effet, après une expansion rapi-
de des exportations dans les années 70, le Maroc est confronté depuis les années 80 à des difficultés
pour maintenir ses parts de marché face à un rétrécissement des marchés d'exportation traditionnels.
L'adhésion de l'Espagne à la CEE en 1986 et une internationalisation accrue des échanges ont modifié
les règles du jeu dans le sens d'une concurrence plus intense qui oblige le Maroc à redéfinir sa position
concurrentielle. Les milieux professionnels, producteurs et exportateurs qui accusent la réglementation
protectionniste de l'UE affichent un certain pessimisme quant à la préservation de la vocation exportatri-
ce de la filière agrumes.
Compte tenu de ces contraintes et du contexte économique d'ensemble, le Maroc parviendra-t-il à main-
tenir sa position concurrentielle ? A-t-il intérêt à encourager le développement du secteur des agrumes
en tant que culture d'exportation alors que l'évolution du secteur est caractérisée par une relative stagna-
tion des exportations ? Avant d'examiner ces questions, nous aborderons l'action de l'Etat qui intervient
de façon quasi systématique, aussi bien en amont qu'en aval de la filière, pour promouvoir et moderniser
ce secteur en tant que source importante de devises1 par la mise en place de toute une série de
mesures techniques et économiques.
Options Méditerranéennes, Sér. B / n°14, 1995 - Les agricultures maghrébines à l'aube de l'an 2000
CIHEAM - Options Mediterraneennes
Important consommateur d'engrais, le secteur agrumicole, dont les superficies sont essentiellement loca-
lisées dans les zones irriguées 2, a largement bénéficié des subventions accordées par L'Etat. Dans l'en-
semble, les zones irriguées ont utilisé en 1985 entre 47 % et 70 % du total national. Le coût budgétaire
pendant la période 1975 à 1985 s'élevait respectivement à 131,7 millions de Dh et à 408,3 millions Dh3.
Cette évolution s'explique par un fort accroissement des prix et une consommation accrue 4. Le coût bud-
gétaire devenant insoutenable, l'Etat a modifié sa politique de prix par une réduction du montant de la
subvention et par un rajustement des prix des engrais à la hausse pendant la période 1984–1988 5. Les
subventions aux engrais ont peu à peu été réduites à partir de 1986 puis totalement supprimées en
1991. En ce qui concerne les autres principaux intrants, le prix de la main-d'oeuvre a augmenté de 25 %,
les services tracteurs ont doublé. Le désengagement de l'Etat a entraîné une augmentation des coûts de
production. A titre d'exemple, le prix de revient d'un hectare de clémentines dans le Souss en 1981–82
s'élevait à 16 000 Dh/ha ; en 1991–92, il était de 30 000 Dh/ha.
Tableau 1. Comparaison des prix financiers des principaux intrants de 1984 à 1992
1984 1988 1992
Main-d'oeuvre (Dh/j) 16-21 20-25 34
Engrais :
14-28-14 (Dh/ql) 112-120 100-105 150
Urée (Dh/ql) 140-170 203 192
Travaux Mécaniques :
Cover crop (Dh/h) 75 275 100-150
Moissonneuse-batteuse(Dh/h) 170 100 300-350
Depuis 1965, l'Etat a consacré des ressources considérables pour mettre en oeuvre une politique hydrau-
lique. La diversification des productions décidée dans les années 30 a été à l'origine de cette politique.
Les investissements financés en grande partie par le capital étranger seront concentrés sur les péri-
mètres irrigables surtout à partir du plan 1968–72 qui leur accorda 41 % de l'investissement global.
Compte tenu des ressources limitées, l'effort sera concentré sur les cultures à potentiel élevé et les
exploitations les plus aptes à accroître leurs productions ; le coût à l'hectare des grands travaux hydrau-
liques étant élevé, les cultures spéculatives seront les plus aptes à les rentabiliser. La production agrumi-
cole va rapidement se développer et sera un « vecteur préférentiel ». A la veille de l'indépendance, les
superficies agrumicoles étaient de 45 000 hectares avec une production de 250 000 tonnes dont 70 %
était destinés à l'exportation ; ensuite, de 1960 à 1980, le secteur a connu une augmentation continue
jusque dans les années 80 où les superficies se sont stabilisées autour de 72 000 hectares. L' accroisse-
ment des superficies entre 1988 et 1994 peut être attribué au résultat du plan de renouvellement des
vieilles plantations qui a débuté en 1986 6.
L'Etat prend en charge l'équipement et l'aménagement des périmètres ; en contrepartie, les agriculteurs
doivent verser une participation financière définie en 1969 par le Code des Investissements Agricoles
(CIA) qui se compose de deux éléments : une participation directe payable à l'hectare et une redevance
d'eau payable au m3.
La participation directe du propriétaire doit couvrir une partie des dépenses engagées par l'Etat pour les
équipements.
La redevance d'eau comprend la partie restante de l'amortissement, les dépenses d'exploitation et d'en-
tretien du réseau d'irrigation. A cette redevance s'ajoute la taxe de pompage. Une application stricte des
dispositions du CIA après 1984 a conduit à une remontée spectaculaire des tarifs de 400 % en termes
nominaux entre 1981 et 1985–86 7. A travers la taxe de pompage, les zones agrumicoles irriguées par
pompage sont taxées indirectement par le biais de l'énergie (électricité et gas-oil) ; quant à la prise en
charge par l'Etat des infrastructures, elle revient à subventionner indirectement l'eau d'irrigation quand il
s'agit d'une zone d'irrigation par barrage.
Irrigation :
Redevance d'eau (Dh/m3) 09-19 13-15 450-700
Taxe de pompage (Dh/m3) 10-15 20-25 950-1200
Participation directe (Dh/ha) 15-46 13-24 -
L'eau en tant que facteur de production devient un facteur limitatif face à l'épuisement des ressources
hydrauliques, conséquence du développement excessif des équipements. Dans les prochaines années,
on assistera à une concurrence dans l'utilisation de l'eau non seulement entre les productions
agricoles 8 mais aussi entre les utilisations urbaines et industrielles. La rareté pose le problème du coût
de l'eau et de sa disponibilité. Le coût économique de l'eau sera de plus en plus une variable détermi-
nante de la rentabilité économique.
Il est à craindre que le coût de l'eau, qui n'a cessé de s'accroître ces dernières années, ne continue
à augmenter. Dès lors, une question se pose : la pénurie d'eau ne risque-t-elle pas d'entraîner le
désintéressement pour la production agrumicole face à un accroissement excessif des coûts de pro-
duction ?
Certaines zones agrumicoles sont déjà confrontées à ce problème : c'est le cas de la région du Souss,
véritable terroir agrumicole où l'irrigation représente une part élevée (35 %) des coûts de production.
Actuellement, les ressources en eau sont mobilisées à 70 %, certains vergers sont menacés de dispari-
tion. Dans les régions de Marrakech et d'Agadir, les plantations d'amandiers et d'oliviers remplacent pro-
gressivement les vergers d'agrumes.
Cette situation est préoccupante et pourrait entraîner à terme une tendance à la baisse de la production
car le Souss est doté du verger le plus jeune et le plus important 9 du Maroc.
L'utilisation non rationnelle de l'eau à usage agricole fournit un argument solide pour les partisans d'une
politique de rééquilibrage entre les cultures d'exportation et les cultures vivrières face à la détérioration
du taux d'autosuffisance alimentaire pour les denrées de base10. Au début des années 80, certains
avaient émis l'idée de reconversion des cultures d'exportation en cultures céréalières ; pour les
agrumes, on a proposé la reconversion en cultures de canne à sucre ou en cultures industrielles. Mais
ce choix fut considéré comme trop simplificateur de la problématique de l'autosuffisance alimentaire.
Face à ce problème, l'Etat doit mettre en place dans les prochaines années une gestion rationnelle de
l'eau afin d'aboutir à une utilisation optimale sur le plan qualitatif et quantitatif, et d'éviter tout gaspillage.
Cette action passe nécessairement par l'adoption et la maîtrise de techniques d'irrigation économes en
eau. Par exemple, l'irrigation gravitaire permet de réduire la consommation de 12 000 m3 à 5 000 m3 et
un accroissement de la productivité de 20 % 11.
Bien que l'Etat encourage la mise en place de ces techniques par l'exonération du matériel d'irrigation,
les techniques d'irrigation restent traditionnelles car les investissements sont coûteux et seulement 10 %
des exploitations agrumicoles sont dotées de systèmes modernes.
A partir du milieu des années 60, grâce à des crédits accordés à des taux bonifiés et à des subventions 12,
l'Etat encourage la reconversion du verger afin d'adapter la production à la demande sur les marchés exté-
rieurs 13 et au calendrier communautaire par l'utilisation de clones précoces et tardifs et de nouvelles variétés.
Grâce au programme de reconversion variétale après une baisse des superficies pendant les années 70, le verger
s'est à nouveau étendu au cours des années 80 et la production a enregistré une augmentation progressive 14.
La reconversion avait aussi pour objectif d'accroître les rendements, mais les résultats obtenus sont
modestes : en 1970, les rendements moyens à l'hectare s'élevaient à 13 t/ha, en 1980 à 14 t/ha ; actuel-
lement, ils sont de 15 t/ha.
L'Etat a favorisé la reconversion variétale aux dépens du renouvellement des vieilles plantations.
L'insuffisance du soutien financier de l'Etat et la pénurie de plants n'ont pas encouragé les producteurs à
procéder aux arrachages nécessaires, d'autant plus qu'il était difficile de mener conjointement la recon-
version et le remplacement des vieilles plantations. Les producteurs, qui doivent engager d'importants
frais d'entretien avant l'entrée en production des arbres, ne pouvaient pas supporter cet investissement
sans assistance financière conséquente.
Le résultat de ce retard en matière de renouvellement se traduit aujourd'hui par un verger en pleine pro-
duction et, dans certaines régions, notamment le Gharb, le vieillissement des plantations est préoccu-
pant. L'examen de la structure par âge du verger fait apparaître la faiblesse des jeunes plantations, l'im-
portance des vieilles plantations et que 50 % du verger marocain est en pleine production.
0-4 ans 5-9 ans 10-24 ans 25-34 ans + de 35 ans Total ha
Clémentines 5 7 71 13 6 22 409
Navels 14 9 40 17 15 16 465
W. Sanguines 6 1 41 37 15 3 113
Maroc-Late 13 6 36 31 14 20 710
Total 10 7 50 21 12 62 704
Source : MARA.
Source : MARA-AIRD.
Les taxes sont indirectes sauf pour le prélèvement à l'exportation, pour le financement de la société de
services agricoles au Maroc (SASMA)17. Elles sont constituées par des taxes sur le carburant pour le
transport et une taxe sur l'énergie qui concerne l'irrigation par pompage et le déverdissage. Globalement,
on peut conclure à une taxation indirecte des producteurs à travers les frais d'approche à l'exportation.
❏ Le Coefficient de Protection Effective (CPE) évalue les transferts s'opérant à l'aval de la produc-
tion et sur les intrants échangeables au niveau de la production.
Les productions sont taxées. Cette taxation est plus marquée dans le Souss, car les charges imputables
à l'énergie électrique utilisée pour l'irrigation sont importantes. Quant aux productions de l'Oriental et du
Gharb, elles sont subventionnées à travers la prise en charge par l'Etat de l'équipement hydraulique.
Globalement, le Maroc dispose d'un avantage comparatif pour la production d'agrumes. Le CRD est
variable selon les variétés. La Maroc-Late a un CRD qui se situe entre 0,45 et 0,3218. Selon la région de
production, c'est la variété qui procure le plus de gains en devises. La clémentine présente un avantage
comparatif moins important que la Maroc-Late, car cette variété nécessite une quantité plus importante
d'intrants échangeables. La Navel est la variété qui procure un gain en devises le plus faible. Il semble-
rait que cette variété soit en perte de vitesse.
On peut conclure que, malgré une taxation élevée du produit final, il n'y a pas de distorsions majeures
attribuables à la politique des prix et incitations, excepté la taxation relativement plus importante pour les
producteurs du Souss, issue de la politique énergétique.
Conscient de l'impact de la logistique sur les performances à l'exportation dans un contexte international
de plus en plus compétitif, l'OCE a développé des actions au niveau du conditionnement, de l'emballage
et du transport. L'emballage et le conditionnement sont une étape cruciale de valorisation des exporta-
tions qui peut augmenter ou réduire la valeur ajoutée et donc la rentabilité. Le poste emballage constitue
une charge élevée car une grande partie des emballages utilisée est importée. L'OCE, afin d'améliorer le
coût et la qualité de l'emballage et réduire les pertes, a créé conjointement avec le ministère de
l'Industrie l'Institut Marocain de l'Emballage et du Conditionnement (IMEC). En ce qui concerne le condi-
tionnement, l'OCE a développé son action avec d'autres organismes étatiques tels que la SODEA, à tra-
vers des prises de participation dans des stations de conditionnement.
En matière de politique de transport, jusqu'en 1986, l'OCE détenait le monopole du transport maritime
par l'intermédiaire de la Compagnie Marocaine de Navigation (COMANAV). Aujourd'hui, des compagnies
privées (marocaines et européennes) peuvent assurer le transport maritime ; mais, en pratique, l'Etat
contrôle toujours cette activité. Après avoir privilégié la voie maritime au détriment des autres moyens de
transport, l'OCE, dans un souci d'efficacité, a tenté de développer le transport routier plus adapté que
l'affrêtement par navire à l'évolution des marchés. Dans un contexte difficile de commercialisation, le
caractère périssable des produits implique une adéquation permanente entre l'écoulement de la produc-
tion et les impératifs de la commercialisation, telle que la régularité, la continuité et la qualité de l'offre.
Le transport routier est mieux adapté à ces nouvelles contraintes et permet un meilleur contrôle du mar-
ché et l'obtention d'un prix de vente plus intéressant grâce à la possibilité de détourner les exportations
vers les centres les plus intéressants selon la demande. Malgré les efforts développés, le transport rou-
tier n'a pas bénéficié de véritables mesures visant à son développement comme en témoigne actuelle-
ment l'utilisation insuffisante de ce moyen de transport. En effet, seulement 10 % des exportations
totales d'agrumes utilisent le transport par camion. Deux contraintes ont empêché le développement de
ce moyen de transport : l'insuffisance des infrastructures et le coût qui reste élevé bien que les frais de
mise à bord soient plus faibles que le transport maritime.
L'Etat s'est substitué à l'initiative privée pour mettre en place des infrastructures commerciales adé-
quates afin de développer une gestion logistique intégrée avec des actions qui vont de la matière pre-
mière à la commercialisation et la distribution. Cependant, bien que l'on ne puisse ignorer les véritables
efforts entrepris dans ce sens, force est de constater que les insuffisances de la logistique rendent le
cadre actuel contraignant. La gestion est encore défaillante dans certains domaines : fréquentes inter-
ruptions de la chaîne de froid, capacité de conditionnement insuffisante dans certaines régions, insuffi-
sance du transport routier... Ceci entraîne des frais d'approche importants 19 qui pénalisent la compétitivi-
té des exportations.
Chaque année, le Maroc exporte 500 000 à 650 000 tonnes d'agrumes 20 sous forme de produits frais.
La Maroc-Late (mars-juin) est la principale variété produite (43 %) et exportée (49 %), suivie des clémen-
tines (septembre-février) et des Navels (novembre-mars). Ces trois variétés représentent 88 % des
variétés exportées. Les exportations sont concentrées sur les marchés de l'UE 21 qui reçoivent 60 à 70 %
des exportations avec prédominance du marché français (70 %), premier consommateur d'agrumes
européen, et du marché allemand (50 %). Les marchés de l'UE sont principalement approvisionnés par
les pays du bassin méditerranéen pendant 9 mois de l'année, l'hémisphère Sud (Argentine, Uruguay) et
l'Afrique du Sud complétant l'approvisionnement l'été. Parmi les exportateurs du bassin méditerranéen,
le Maroc se place au deuxième rang après l'Espagne, leader du marché. Ces deux pays représentent
environ 60 % des exportations totales d'oranges du bassin méditerranéen et 88 % des exportations de
clémentines. Mais le Maroc ne détient qu'une faible part du marché comparé à l'Espagne. Pour les clé-
mentines, les fournisseurs de l'UE sont l'Espagne (84 %), le Maroc (10 %), suivis avec un faible pourcen-
tage par la France (2 %), l'Italie (1 %), Israël (2 %), Chypre (1 %) et la Turquie (1 %). Pour les oranges,
l'Espagne représente, dans les importations communautaires, 66 %, suivie par le Maroc (20 %). Quant
aux autres pays tiers, ils ne représentent dans leur ensemble que 10 %.
Les exportations hors UE concernent surtout les pays scandinaves (50 %), le Canada et, dans une
moindre mesure, le Moyen-Orient. C'est dans le secteur des agrumes que l'OCE a le mieux réussi la
politique de diversification des débouchés devenue indispensable face au rétrécissement des marchés
européens, caractérisés par une concurrence accrue et un sur-approvisionnement 22. Ces marchés
représentent 25 % des exportations totales (clémentines 25 % et oranges 25 %). Cette diversification a
obtenu des succès surtout pour le marché du Canada. Cependant, ces acquis sur le marché canadien
pourraient être remis en cause par l'Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA) ; en effet, le
Mexique, avec des coûts de production compétitifs et un important potentiel de production, pourrait
sérieusement concurrencer le Maroc sur ce marché. Actuellement, le Maroc tente de pénétrer les mar-
chés des pays de l'Est.
Sur les marchés de l'Union Européenne, l'entrée en force de l'Espagne, principal concurrent du Maroc et
premier fournisseur, a modifié la position concurrentielle du Maroc. En dix ans, les exportations de
l'Espagne ont été multipliées par 3,6 pour les oranges, par 15 pour les clémentines. L'évolution des parts
de marché à l'exportation du Maroc et de L'Espagne révèle une tendance à la baisse des parts de mar-
ché du Maroc au profit de l'Espagne. Ces deux pays sont principalement concurrents sur deux variétés :
la Navel et la clémentine, surtout sur les marchés allemand et français. Sur le marché français, le Maroc
semble se maintenir alors que, sur le marché allemand, le recul du Maroc est plus significatif. En ce qui
concerne les oranges, la part de marché du Maroc sur le marché allemand est passé de 17,4 % en 1985
à 14,2 % en 1993. Pendant la même période, l'Espagne a vu sa part s'accroître. Concentrées sur une
période qui va de janvier à avril, les ventes d'oranges font l'objet d'une véritable guerre commerciale,
principalement sur la variété Navel qui représente plus de la moitié des oranges commercialisées. Le
Maroc reste compétitif pour la Maroc-Late. Pour les petits fruits, sur le marché français, les parts de mar-
ché du Maroc restent stables malgré des fluctuations. Sur le marché allemand, le Maroc ne fournit plus
que 12,8 % des importations allemandes contre 19,1 % en 1985.
Pour la commercialisation à l'exportation, l'OCE, en tant que mandataire pour le compte des produc-
teurs, contrôlait toutes les opérations de la réception de la production jusqu'à la vente sur les marchés
extérieurs. En terme d'efficacité commerciale, une approche globale de l'offre et une insuffisance des
actions à l'aval de la filière ont favorisé les circuits traditionnels (vente à quai à des commissionnaires) et
n'ont pas permis au Maroc de s'adapter aux mutations des circuits de distribution moderne où la grande
distribution est prépondérante. En effet, en France, 68 % de la consommation totale d'agrumes est
contrôlée par la grande distribution23. Un approvisionnement irrégulier et mal adapté, l'absence d'une
politique de marque et une inadaptation des systèmes de vente ne pouvaient répondre aux exigences
des centrales d'achats en matière de prix et de pratiques commerciales (contrats de livraison). A ce
manque d'efficacité commerciale, il faut ajouter la pratique du prix unique semi-administré à l'exportation
qui pénalisait les meilleurs producteurs au bénéfice des moins performants 24.
D'autre part, l'OCE a développé les exportations sans complémentarité avec le marché intérieur : mar-
ché de bouche et industrie de transformation, considéré comme un simple exutoire approvisionné par
les « écarts de triage » et les produits d'exportation qui n'ont pas trouvé de débouchés. Depuis ces der-
nières années, le marché intérieur est en progression. La consommation d'agrumes par habitant est pas-
sée de 11,6 kg/h en 1965 à 21,3 kg/h en 1991 25. En 1994, la consommation en frais et la transformation
ont représenté plus de la moitié de la production totale (55 %). La croissance démographique, l'augmen-
tation du niveau de vie, l'urbanisation sont autant de facteurs qui stimulent la demande.
Ainsi, le marché intérieur représente un potentiel de croissance pour l'avenir et pourrait être une opportu-
nité face aux difficultés d'écoulement sur les marchés extérieurs. Mais la désorganisation des circuits de
distribution et la multiplicité des intermédiaires contribuent à faire du marché de bouche un marché
moins rémunérateur que les marchés à l'exportation. Les problèmes majeurs à résoudre sont l'organisa-
tion des circuits de distribution (notamment au stade de gros), le renforcement des normes de qualité et
l'insuffisance des infrastructures de diffusion des informations sur les marchés. L'industrie de transfor-
mation des agrumes est, elle, concentrée autour d'une seule entreprise : la FRUMAT, principalement tour-
née vers l'exportation. Le secteur de la transformation est caractérisé par la très grande irrégularité des
approvisionnements des usines. L'organisation économique de la filière mise en place par l'Etat, orientée
vers l'exportation en frais, n'a pas permis la mise en place d'une politique agrumicole intégrée de valori-
sation des produits par une véritable industrie de transformation. Frumat est considérée uniquement
comme un instrument de régulation du marché. La valorisation et la diversification de la production agru-
micole par l'industrie de la transformation nécessite une véritable politique d'approvisionnement afin de
réduire le risque sur les prix et les quantités. Face à la saturation de la demande du marché du frais à
l'exportation, l'opportunité de produire des jus semble à exploiter car le potentiel de croissance de ce
marché est important 26.
Actuellement, la structure du secteur révèle les prémisses d'une structure monopolistique. La formation
d'un quasi-monopole privé est encouragée par la nécessité d'obtenir d'importantes économies d'échelle
pour la commercialisation à l'exportation, ainsi que la nécessité d'un système de contrôle, de coordination
et de planification des exportations (face aux quotas implicites de l'UE). Une structure dispersée ne permet-
trait pas de faire face à ces contraintes. Il semblerait que le Maroc se dirige vers une organisation compa-
rable à celle de l'Espagne, c'est-à-dire une concentration des structures commerciales intégrées à l'amont.
Face à ces mutations de la demande, le Maroc a amorcé une redistribution de ses parts de marché. La
part des exportations du Maroc de petits fruits a augmenté : de 7,8 % en 1960, elle est passée à 31,8 %
en 1994. Parallèlement, celle des oranges a baissé passant de 98 % à 68 %. Cependant, malgré ces
efforts, le Maroc continue à exporter des variétés qui sont de moins en moins prisées par les consom-
mateurs. Le marché des agrumes est proche de la saturation ; la détérioration des prix réels depuis une
dizaine d'années doit amener les acteurs de la filière à adopter de nouvelles stratégies afin de répondre
aux véritables besoins des consommateurs. Il existe un potentiel de croissance de la demande de petits
fruits qui bénéficient d'une bonne image, donc c'est sur ce segment de marché que les possibilités d'ex-
pansion et de diversification des exportations sont les plus probables.
L'accord du GATT va créer de nouvelles conditions de concurrence pour les exportations d'agrumes
du Maroc, dans la mesure où le secteur des fruits et légumes fait partie des secteurs les plus sen-
sibles et les plus directement concernés par l'accord. Le Maroc est préoccupé par les menaces qui
pèsent sur ses exportations horticoles vers l'UE, qui pourraient se traduire par la fin des avantages
acquis dans le cadre de l'accord de coopération de 1976. Les mesures prévues par le GATT, qui
seront applicables à partir du mois d'octobre 1995, prévoient la mise en oeuvre d'un prix d'entrée fixé
à 675 Ecus/t pour la clémentine et 372 Ecus/t pour les oranges. Les prix d'entrée et les équivalents
tarifaires (27) sont jugés trop élevés par les exportateurs pour permettre au Maroc d'être compétitif.
La préférence communautaire devrait être renforcée grâce à des prix d'entrée minimum appliqués
toute l'année. D'autre part, l'UE s'est engagée à réduire de 20 % les droits de douane entre 1995 et
l'an 2000. Les restitutions aux exportations devront être réduites de 36 % en valeur et les quantités
exportées de 21 % pour l'ensemble des fruits et légumes. Les agrumes devraient bénéficier de ces
réductions de façon substantielle.
En ce qui concerne le cadre institutionnel des relations Maroc-Union Européenne, les négociations
actuelles en vue de la conclusion d'un nouvel accord visent à terme la mise en place d'une zone de
libre-échange. Ce "nouvel accord" contient de nouvelles et importantes dispositions en faveur de la
coopération politique, économique et culturelle. Mais, pour le volet agricole, les propositions de l'UE ne
satisfont pas le Maroc malgré certaines concessions. Cet accord a bien du mal à se concrétiser car, d'un
côté, le Maroc refuse un partenariat qui pénaliserait ses exportations agricoles et, de l'autre, l'UE propo-
se un partenariat à deux vitesses : ouverture pour les produits industriels et seules promesses d'exami-
ner les conditions d'accès des produits agricoles. Il est difficile d'imaginer que le Maroc obtienne totale-
ment gain de cause, compte tenu de sa faible marge de manoeuvre.
Conclusion
La filière agrumes encore partiellement assistée par l'Etat est dans une phase de transition. Le désenga-
gement progressif de l'Etat a permis sans aucun doute de donner un second souffle au secteur, notam-
ment au niveau de la commercialisation, par l'élimination du monopole de l'OCE. Cependant, force est
de constater que la filière agrumes est confrontée à de graves difficultés structurelles qui amènent à se
poser la question de savoir si cette production en tant que culture d'exportation n'est pas condamnée à
long terme. Il est certain que le Maroc est confronté à la nécessité de se repositionner sur les marchés
internationaux face aux concurrents (notamment l'Espagne). De nouveaux efforts seront nécessaires
pour renforcer la compétitivité des exportations d'agrumes du Maroc. Pour ce faire, une stratégie globale
de meilleure valorisation du produit doit guider toute politique à mener, tant au niveau de la production
que de la commercialisation, car les agrumes marocains dont la qualité est reconnue peuvent avoir une
place de choix sur les marchés extérieurs. C'est dans la diversification des débouchés et des produits
que les efforts doivent porter. La recherche de segments spécifiques de marché s'impose face à un mar-
ché international de plus en plus saturé.
En définitive, le problème essentiel qui se pose au Maroc est le passage d'une spécialisation statique
basée sur l'avantage comparatif à une spécialisation dynamique axée sur l'avantage compétitif. En effet,
aujourd'hui, dans un environnement international caractérisé par l'exacerbation de la compétition com-
merciale internationale, il ne suffit plus de détenir un avantage comparatif (main-d'oeuvre) dans une pro-
duction pour être compétitif. Le coût n'est plus le facteur décisif ; la maîtrise technologique, l'innovation,
les performances organisationnelles sont autant d'éléments à prendre en compte.
Notes
d'être, puisqu'à l'origine il fut mis en place dans le cadre de la PAC pour préserver les productions de l'Italie et de la Corse
contre la production de l'Espagne extra-communautaire à l'époque.
Tableau 1. Comparaison des prix financiers des principaux intrants de 1984 à 1992.
Tableau 2. Comparaison des prix financiers de la tarification de l'eau de 1984 à 1992.
Tableau 3. Age du verger agrumicole par variété (%).
Tableau 4. La protection nominale et effective.
Tableau 5. Consommation d'agrumes en France.
Tableau 6. Nouveau régime des échanges avec les pays tiers.
Les conditions d'accès des exportations d'agrumes du Maroc sur le marché de l'Union Européenne.
Tableaux : Production des agrumes au Maroc.
Exportations d'agrumes du Maroc (1 000 t).
Graphiques : Evolution de la production d'agrumes du Maroc de 1965 à 1992 (Mt).
Evolution des superficies d'agrumes du Maroc (1 000 ha) de 1965 à 1992.
Evolution des exportations d'agrumes du Maroc (1 000 t) de 1965 à 1992.
Evolution des exportations d'oranges du Maroc (1 000 t) de 1965 à 1992.
Evolution des exportations des petits fruits du Maroc (1 000 t) de 1965 à 1992.
Encadré : Le prix d'entrée : un système diabolique.
Références
• Allaya M. et al. (1995). MEDAGRI : Annuaire des économies agricoles et alimentaires des pays méditerranéens et arabes.
CIHEAM-IAM, Montpellier.
• Akesbi N. (1986). L'Etat marocain pris entre les impératifs de la régulation et les exigences de l'extraversion. Annuaire de
l'Afrique du Nord, pp. 543-546.
• Akesbi N., Guerraoui D. (1991). Enjeux Agricoles. Ed. Le Fennec, Casablanca.
• Aube T. (1993). Les grandes formes de mise en marché, de commercialisation et de distribution : leur efficacité et leurs évolu-
tions dans les pays industrialisés. In Les Fruits et Légumes dans les Economies Méditerranéennes, éd. F. Lauret, Options
Méditerranéennes, série A, n°19.
• Chambre d'Agriculture, n° 825, août 1994.
• Guerraoui D. (1985). Agriculture et développement au Maroc. Edition Maghreb, Casablanca, Publisud Paris.
• Jouve A.M., Belghazi S. (1993). Le secteur agricole et ses perspectives à l’horizon 2000 : Maroc. Commission des
Communautés Européennes/CIHEAM, Bruxelles.
• Jeune Afrique n° 1722 du 06/01 au 13/01, 1994.
• Khrouz D. (1986). La politique agricole au Maroc. Annuaire de l'Afrique du Nord, pp. 477-500.
• Montigaud J.C (1995). La logistique dans les filières fruits et légumes et ses conséquences sur le secteur agricole. XIIIème
congrés international de l'agrumiculture, 28 mai-4 juin 1995, CLAM, Marrakech.
• Rastoin J.L (1995). Positionnement stratégique des agrumes par le modèle des couples produits-marchés. Symposium méditer-
ranéen sur la mandarine, 5 et 11 mars 1995, San Giuliano (Corse).
• Royaume du Maroc. Ministère de l'Agriculture et de la Réforme Agraire (MARA)/AIRD (1990). Etude de la politique des prix
et des incitations dans le secteur agricole.
• Saubry J. (1992). Les agrumes en Méditerranée : problématiques et perspectives. In Les Fruits et Légumes dans les Economies
Méditerranéennes, éd. F. Lauret, Options Méditerranéennes, série A, n°19.
Annexes
Les conditions d'accès des exportations d'agrumes du Maroc sur le marché de l'Union Européenne
Les produits exportés vers les pays de l'UE bénéficient de réductions tarifaires dans le cadre de contingents (110 000 tonnes pour
les clémentines et 265 000 tonnes pour les oranges). Ces réductions tarifaires sont définies par les accords de 1976 et le protocole
additionnel de 1988.
Oranges
du 01/04 au 30/04 13
du 01/05 au 15/05 6
du 16/05 au 15/10 4
du 16/10 au 31/03 20
Clémentines, mandarines 20
Les importations de fruits et légumes frais sont régies par l'Organisation Commune de Marché (OCM) de 1972 (règlement
1035/72) qui fixe un prix de référence (28) ayant pour but de garantir un prix minimum à l'importation et des taxes compensatoires
qui sont appliquées en plus des droits de douane si ce prix n'est pas respecté.
Mt
2 000
1 500
Production totale
1 000
500
Production totale
Oranges
Petits fruits
0
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995
Figure 2. Evolution des superficies d'agrumes du Maroc de 1965 à 1992 (1000 ha)
1000 ha
80
75
70
Superficie
65
60
55
50
1965 1965 1965 1965 1965 1965 1965
800
700
Production totale
600
500
400
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995
Figure 4. Evolution des exportations d'oranges du Maroc de 1965 à 1992 (1000 ha)
1000 t
700
650
600
Exportations d'oranges
550
500
450
400
350
300
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995
Figure 5. Evolution des exportations des petits fruits secs du Maroc de 1965 à 1992 (1000 ha)
1000 t
300
250
Exportations de petits fruits
200
150
100
50
0
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995
Pour les produits soumis actuellement au régime des prix de référence (tomate, concombre, artichaut, courgette, orange, clé-
mentine, mandarine, citron, raisin de table, pomme, poire, abricot, cerise, pêche, nectarine, prune, chicorée, scarole et laitue
pommée) et pour les périodes actuelles de mise en oeuvre de ces prix (sauf pour les tomates, les courgettes et les concombres
pour lesquels l'application du prix d'entrée est élargie à toute l'année), il est institué un prix d'entrée dont le niveau est égal à
la moyenne des prix de référence sur la période 1986 à 1988. Il est établi un équivalent tarifaire maximum dont le niveau est
égal à la différence entre le prix d'entrée et le prix du marché diminué d'éventuelles restitutions.
Si le prix CAF d'un produit est supérieur au prix d'entrée, il n'est soumis qu'au prélèvement d'un droit de douane. Si ce prix est
inférieur au prix d'entrée, il est prélevé, en sus du droit de douane, un équivalent tarifaire d'un montant égal à :
Importations d'oranges par l'UE entre le 1.12 et le 31.3. Prix d'entrée : 372 Ecus/tonne – Equivalent tarifaire maximum : 89 Ecus/tonne – Droit
de douane TDC : 20 %
500
400
300
200
100
0
1 2 3
Source : Extrait d'un document du Ministère Français de l'Agriculture et de la Pêche, Fruit Trop, novembre 1994.