Cours Normes IAS - IfRS Etu

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NORME IAS-IFRS

CHAPITRE I : INTRODUCTION GENERALE AUX NORMES IAS-IFRS

Adoption des normes comptables internationales Les normes comptables internationales


(c'est-à-dire les IAS, les IFRS ainsi que les interprétations qui s'y rapportent) sont élaborées
par l'IASB. Leur publication par cet organisme ne les rend pas directement applicables en
Europe. Pour être applicables en Europe, les normes comptables internationales doivent être
adoptées par la Commission européenne (CE) - après avoir sollicité l'avis du comité de
réglementation comptable et les avoir soumises à la procédure de réglementation avec
contrôle du Parlement Européen et du Conseil. Les normes comptables internationales ne
peuvent être adoptées que si (article 3) :

• elles ne sont pas contraires au principe d'image fidèle ;

• elles répondent à l'intérêt public européen ;

• elles satisfont aux critères d'intelligibilité, de pertinence, de fiabilité et de comparabilité


exigés de l'information financière nécessaire à la prise de décisions économiques et à
l'évaluation de la gestion des dirigeants de la société.

Dans le processus d'adoption, la CE est assistée d'un "comité de réglementation comptable"


(article 6). Un mécanisme de "filtrage" a ainsi été mis en place au niveau européen, qui
comprend les trois instances suivantes.

1. Accounting Regulatory Committee (ARC) ou Comité de réglementation comptable


Organisme politique, le rôle de ce comité instauré par la CE (conformément à l'article 6 du
règlement CE n° 1606/2002) consiste à fournir un avis sur les propositions de la Commission,
d’adopter une ou des normes comptables internationales conformément à l'article 3 du
règlement CE n° 1606/2002. Il est composé de représentants des Etats membres et est présidé
par la CE.

2. European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG)

Organisme technique de droit privé, l’EFRAG a été créé en 2001 par les préparateurs, les
utilisateurs et les membres de professions comptables (avec l’appui des organismes de
normalisation comptable nationaux) qui ont en charge la gestion de l’information financière
en Europe.

Il a deux objectifs principaux : apporter une contribution proactive aux travaux de l’IASB et
donner un avis technique, quant à l'adoption des normes comptables internationales en
effectuant une évaluation technique des normes et interprétations, avant leur adoption en
Europe.

1
Le 23 mars 2006, un accord sur les relations de travail entre l'EFRAG et la CE a été signé. Cet
accord porte sur toutes les questions concernant l'application des IFRS en Europe.

Cet accord reconnaît la compétence de l'EFRAG sur les problématiques de technique


comptable relatives aux IFRS. L'EFRAG poursuit son rôle de conseiller vis-à-vis de la
Commission (en recommandant ou non, l'adoption des textes publiés par l'IASB) et continue à
faire bénéficier de ses apports les normalisateurs comptables, l'IASB et l'IFRIC.

Grâce à cet accord, l'EFRAG peut participer de manière proactive au processus d'élaboration
de l'IASB. Il peut, en étroite collaboration avec la CE, prendre part aux discussions
préliminaires sur tout sujet relatif à l'élaboration des normes comptables. A la demande de la
CE, l'EFRAG peut assister aux groupes de travail de l'IASB, en relation avec les
normalisateurs comptables nationaux européens et organiser des forums.

2
CHAPITRE II : COMPTABILITE FINANCIERE, LE LANGAGE DU MONDE DES
AFFAIRES

La comptabilité constitue un langage, le langage du monde des affaires, qui possède ses
conventions propres. La comptabilité présente une faculté d’adaptation inégalée aux situations
managériales les plus diverses ; elle dispose d’un choix de « comptes » pratiquement illimité,
les créant ou les adaptant à la mesure des besoins. La souplesse est dans l’instrument, mais la
technologie est immuable : débit – crédit, comme dans tout langage. La section 1 présente les
premiers éléments à prendre en compte dans l’établissement des états financiers que sont le
bilan et le compte de résultat. La section 2 décrit brièvement le système d’enregistrement
comptable en se basant sur un casus simplifié, et donc incomplet par nature. Quant à la
section 3, elle aborde la question des « travaux comptables » de fin d’exercice, ce qui conduit
à l’élaboration d’états financiers quelque peu plus réalistes.

1. Les états financiers : une première étape

1.1. Bilan

Pour comprendre le bilan tel qu’il est appréhendé par la comptabilité à partie double, il est
indispensable de reprendre une définition abrupte et dépouillée. Le bilan est, pour une
entreprise, l’état à une date donnée de ses éléments actifs, de ses éléments passifs et de leur
différence, qui correspond aux capitaux propres. Les éléments actifs, dans cette optique
bilantielle, sont l’ensemble de tous les éléments du patrimoine ayant une valeur économique
positive pour l’entreprise, tandis que les éléments passifs sont, systématiquement, l’ensemble
de tous les éléments du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l’entreprise.
Cette définition est porteuse de nombreuses informations. Tout d’abord, elle indique que la
finalité de la comptabilité est essentiellement économique. Celle-ci a en effet pour but de
fournir des informations utiles aux utilisateurs qui sont concernés par la gestion et le contrôle
de l’entreprise, indépendamment de la forme juridique de cette dernière. Ensuite, la définition
met l’accent sur le fait que le bilan constate un état à un moment donné. L’optique choisie est
donc instantanée, statique, « photographique ».

2 Les normes IAS-IFRS

Les règles du jeu sont posées : le bilan s’attache à des valeurs de stocks et non à des flux. Il
mesure l’état de l’ensemble des éléments actifs et passifs d’une entreprise. Le troisième
élément mesuré, à savoir les capitaux propres – ce que nous appellerons par la suite «
situation nette » –, est en effet la résultante des deux autres, grâce à l’identité fondamentale :
Éléments actifs – Éléments passifs = Capitaux propres.

3
La seconde partie de la définition identifie les éléments actifs et les éléments passifs, ce qui
permet de réécrire l’équation : Éléments du patrimoine à valeur économique positive –
Éléments du patrimoine à valeur économique négative = Capitaux propres.

Cette nouvelle formulation nous amène à une notion indispensable pour appréhender le bilan :
le patrimoine. Le patrimoine d’une entreprise est donc un ensemble d’éléments, les uns à
valeur économique positive (les avoirs et droits que l’entreprise contrôle), les autres à valeur
économique négative (les dettes ou obligations actuelles de l’entreprise). Si tous ces éléments
ont une valeur économique, c’est donc que cette dernière peut être appréciée : nous
rencontrons une première caractéristique du patrimoine, qui est de n’être constitué que
d’éléments évaluables en unités monétaires. Cela nous permet de réécrire l’égalité précédente
en termes plus concrets : Ensemble des avoirs et droits évaluables – Ensemble des dettes
évaluables = Capitaux propres.

Ce qui revient, en termes comptables, à : Actifs – Dettes = Capitaux propres = Situation nette.

Nous sommes donc en possession d’une définition comptable du bilan. À partir de cette
définition et des développements qui ont permis de la proposer, il nous faut remarquer que
deux exigences, directement liées à la mesure du patrimoine, définissent le champ
d’observation de la comptabilité : l’entité comptable et l’unité de mesure monétaire.

• Entité comptable : chaque entreprise, qu’elle soit individuelle ou sociétaire, doit être
considérée comme une « entité » bien distincte de ses propriétaires, de ses dirigeants et de ses
partenaires économiques.

• Unité de mesure monétaire : l’unité monétaire représente l’instrument de mesure


unique et unificateur. Tous les éléments du patrimoine ainsi que les mouvements qui le
modifient sont mesurés en euros. 1.1.1 Exemple : l’entreprise PAM SA Pour une première
prise de contact avec la comptabilité financière et les états financiers, envisageons une
entreprise établie sous forme de société anonyme : PAM SA. Tout d’abord, nous considérons
la situation patrimoniale de PAM SA à un moment donné, à savoir au 30/09/N, dans un
tableau énumératif2. Les éléments qui figurent dans ce tableau sont de deux natures : les
avoirs et droits que l’entreprise contrôle et les dettes qui lui incombent

4 Les normes IAS-IFRS

1.1.2 Principes comptables I L’élaboration du bilan est fondée sur un certain nombre de
principes comptables. Ces principes sont :

• la continuité de l’exploitation : l’entité comptable a un horizon de vie indéfini. On fait


l’hypothèse suivant laquelle l’entité est en situation de continuité et poursuivra ses activités
dans un avenir prévisible. Du point de vue du bilan, l’application de ce principe se marque par
un classement de ses éléments qui ne doit rien au hasard. Ainsi, les actifs sont classés en
fonction de leur durée de vie présumée et non de celle de l’entreprise, tandis que les dettes
sont classées d’après leur échéance. Par ailleurs, bien que la vie d’une entreprise se déroule
continûment dans le temps, la production des documents comptables est marquée par des
ruptures, c’est-à-dire des moments où l’on fait le point de la situation. Le moyen le plus

4
simple de déterminer ces moments est de découper le temps en périodes d’égale durée : les
années, appelées « exercices comptables » ;

• la partie double : le passif du bilan peut être considéré comme des ressources qui ont
été mises à la disposition de l’entreprise. La signification de l’actif est alors immédiate : ses
rubriques nous montrent la manière dont l’entreprise a disposé de ses ressources. Il s’ensuit
que les deux identités suivantes : Actif (emplois des ressources) = Passif (ressources) Actifs =
Situation nette + Dettes

sont équivalentes et se vérifient à tout instant, y compris lorsque le comptable enregistre les
modifications bilancielles occasionnées par les opérations de l’entreprise. C’est là le
fondement du principe de la partie double qui peut s’énoncer de la façon suivante : « Tout
mouvement affectant un élément quelconque du bilan est nécessairement accompagné d’un
mouvement inverse et de même importance sur un ou plusieurs autres éléments, de telle sorte
que l’équation : Actifs – (Situation nette + Dettes) = 0 reste toujours vérifiée » ;

3-l’évaluation au coût historique : la convention d’évaluation des éléments du bilan la plus


communément adoptée est celle du coût historique. Il s’agit de la valeur d’acquisition,
exprimée en unités monétaires de l’époque à laquelle l’entreprise a introduit l’élément dans
son patrimoine. On verra par la suite que cette convention est habituellement combinée avec
d’autres conventions d’évaluation ;

• la non-compensation : en vertu de ce principe, il ne peut y avoir aucune compensation


entre des éléments de l’actif et des éléments du passif. Cette exigence de divulguer
intégralement les informations comptables est une règle technique destinée à préserver le
caractère complet de la description des opérations. Ainsi, dans l’exemple, nous nous
interdisons de compenser le poste d’actif « Banque » avec le poste du passif « Dette bancaire
à court terme », ce qui nous permettrait pourtant d’établir la position nette à court terme de
l’entreprise vis-à-vis des établissements de crédit.

5
6
CHAPITRE III : CRITIQUES DES NORMES IAS-IFRS

Les normes comptables internationales, dites IFRS, font l’objet de critiques importantes

Parfois, les critiques émanent de commentateurs peu avertis des questions comptables

D’autres critiques émanent de professionnels de la comptabilité.

En effet, le G20 continue à insister auprès de l’IASB pour qu’il travaille activement en vue de
créer une seule norme comptable mondiale de qualité, et la Commission européenne s’est vu
confirmer par les Ministres, lors du sommet ECOFIN du 13 Novembre 2012, qu’il n’était pas
question de revenir sur la décision d’adopter les IFRS, prise en 2002. Dès lors, l’incohérence
de certaines prises de position avec ces objectifs adoptés au plus haut niveau, y compris par la
République Française, pose un sérieux problème et affecte la crédibilité de notre pays dans les
enceintes internationales, notamment celles ou se déroule le travail de normalisation. Les
normes IFRS, qui sont juridiquement des Règlements européens, constituent pour les sociétés
cotées françaises, la loi de la République ; l’application de celle-ci est vérifiée par leurs
commissaires aux comptes, sous le contrôle de l’AMF et le cas échéant, sanctionnée par la
Commission des Sanctions de l’AMF. L’émetteur soucieux de légalité ne peut donc qu’être
troublé par une hostilité quasiment de principe affichée par l’ANC.

Par commodité les dix critiques qui semblent être le plus souvent formulées en France
exprimés à l’issue du sommet du G20 de Washington en 2008 sont :

« Accroître la transparence et la reddition de comptes :

 Les principaux organismes du monde chargés des normes comptables doivent travailler de
façon intensive en vue de réaliser l’objectif qui vise à créer une seule norme mondiale de
qualité.

 Les organismes de réglementation, les organismes de surveillance et les normalisateurs en


comptabilité doivent, s’il y a lieu, travailler ensemble ainsi qu’avec le secteur privé sur une
base permanente pour assurer l’application et l’exécution constantes de normes comptables de
qualité.

 Les principaux organismes du monde chargés des normes comptables doivent travailler à
améliorer les directives relatives à l’évaluation des titres, en tenant compte de l’évaluation des
produits complexes non liquides, surtout en période de crise.

 Les normalisateurs en comptabilité doivent faire avancer leurs travaux de manière


importante afin de corriger les lacunes observées dans les normes de comptabilité et de
divulgation pour les véhicules hors bilan.

 Les organismes de réglementation et les normalisateurs en comptabilité doivent renforcer


les exigences de divulgation des instruments financiers complexes des entreprises aux
participants aux marchés.

7
 En vue de promouvoir la stabilité financière, la gouvernance de l’organisme international
chargé d’établir les normes comptables doit être renforcée, grâce notamment à l’examen de
ses membres, et ce, afin d’assurer la transparence et la responsabilisation ainsi que d’établir
une bonne relation entre cet organisme indépendant et les autorités compétentes. »

Cette déclaration de 2008 est toujours d’actualité : le G20 n’a en rien modifié ses directives
dans le domaine comptable. Dans une large mesure, les compléments et amendements
apportés aux IFRS depuis 2009 répondent au plan de route fixé par le G20. Mais le monde
change constamment. De nouveaux problèmes économiques apparaissent périodiquement, qui
imposent de revoir les normes. Aucun référentiel comptable ne peut jamais être considéré
comme parfait et « achevé ». Il en va de même des IFRS. Certains chantiers importants ne
sont pas encore achevés, notamment parce qu’il est compliqué d’assurer à la fois la
convergence avec les normes américaines et la prise en compte des besoins des différentes
économies de la planète, auxquelles s’adressent des normes internationales. La stabilité
absolue du référentiel, réclamée par certains, est un rêve impossible.

En regardant avec réalisme ce qui existe aujourd’hui, et en mesurant le chemin parcouru en


dix ans. Plus de 100 juridictions requièrent ou autorisent l’application du référentiel IFRS
pour la communication financière. Les deux tiers des pays du G20 l’ont adopté. Ceux qui ne
l’ont pas encore adopté (USA, Japon, Inde…) permettent aux émetteurs étrangers d’y recourir
pour accéder à leur marché financier national. Le Japon et l’Inde permettent à leurs sociétés
cotées de communiquer en IFRS. Environ la moitié des sociétés de la liste des Global 500 du
magazine Fortune communiquent en IFRS, et ce nombre augmente chaque année.

Les questions liées au fait que l’IASB soit un organisme de droit privé, à la gouvernance de la
Fondation IFRS et du Board de l’IASB, ainsi que celles concernant les relations entre l’IASB
et les normalisateurs comptables régionaux ou nationaux, sont la prérogative des Trustees de
la Fondation

REPONSE A DIX CRITIQUES FREQUENTES DES NORMES IFRS

Nous examinerons les dix affirmations ci-dessous, qui nous paraissent infondées ou formulées
de façon excessive par les commentateurs français :

 Les IFRS pratiquent une « juste valeur » généralisée (page 9)


 Les normes IFRS ont pour objectif de refléter la valeur financière globale de
l’entreprise (page 11)
 Les IFRS nient le concept de prudence comptable (page 12)
 Les IFRS donnent une prééminence à la réalité économique sur l’apparence juridique
(page 14)
 Avec les comptes en IFRS, les dirigeants ne s’y retrouvent pas (page 15)
 Les comptes IFRS ne reflètent pas le « business model » (page 17)

8
 Le traitement des rapprochements d’entreprises est aberrant (page 19)
 Les instruments financiers seront bientôt en « full fair value » ce qui accroitra la
volatilité des résultats (page 21)
 La « juste valeur » se définit toujours comme une « valeur de marché » même quand
les marchés sont illiquides (page 23)
 Les IFRS créent une volatilité comptable qui ne reflète pas la réalité économique
(page 24)

RESUME DES REPONSES APPORTEES

o Les IFRS pratiquent une « juste valeur » généralisée

Les IFRS ne requièrent pas, et n’envisagent pas de requérir, que tous les actifs et passifs
soient évalués à la juste valeur. Le Board de l’IASB a clairement confirmé sa préférence pour
un système mixte, combinant mesures à la juste valeur et mesures au coût historique amorti,
en fonction du « business model » de l’entreprise et de la probabilité de réaliser les cash flows
afférents aux actifs et passifs par voie d’exploitation ou de cession. Il en va de même pour
l’évaluation des instruments financiers. Un « modèle mixte » existait dans IAS 39 depuis
1989 : il sera maintenu dans la nouvelle norme IFRS9.

 Les normes IFRS ont pour objectif de refléter la valeur financière globale de
l’entreprise

Le recours (limité) dans les normes IFRS à une mesure comptable de certains actifs ou passifs
à la juste valeur est souvent confondu avec une prétendue volonté de refléter dans les capitaux
propres comptables la valeur financière globale de l’entreprise. De plus, les IFRS ne
permettant pas d’inscrire à l’actif du bilan les actifs incorporels générés en interne par les
activités de l’entreprise, toute volonté de refléter dans les comptes la valeur globale de
l’entreprise serait vouée à l’échec. La seule situation dans laquelle une entreprise apparaît
pour sa valeur vénale est quand elle est acquise par une autre, qui va la consolider dans ses
comptes.

 Les IFRS nient le concept de prudence comptable

S’agissant d’informations financières, les transactions et évènements économiques doivent


être reflétés dans les comptes avec un souci de neutralité, sans privilégier un « principe de
prudence » qui consisterait, en réalité, à mettre en œuvre un biais négatif systématique de
mesure et à constituer des réserves occultes, en sous-estimant les résultats d’une période, pour
ensuite surévaluer ceux d’une période ultérieure. Le rôle des IFRS n’est pas d’être un
instrument de régulation économique, au-delà d’assurer la transparence financière qui est une
condition de bon fonctionnement des marchés. Toutefois, la prudence reste en pratique très
largement présente dans les différentes normes IFRS, et elles sont, dans plusieurs domaines,
plus prudentes que les normes françaises.  Les IFRS donnent une prééminence à la réalité
économique sur l’apparence juridique Les normes ne nient pas l’importance de

9
l’environnement juridique de l’entreprise, notamment l’interprétation que des tribunaux seront
susceptibles de faire des engagements contractuels. Les IFRS sont fondés sur des principes et
doivent s’adapter à un environnement international qui ne saurait prendre en compte toute les
spécificités des droits nationaux. Ils privilégient l’analyse de la réalité économique des
engagements, afin de fournir une vision complète et pertinente des risques et avantages
auxquels l’entreprise est confrontée, ce qui les amène parfois à dépasser l’apparence juridique
d’une transaction.  Avec les comptes en IFRS, les dirigeants ne s’y retrouvent pas

Le champ de la normalisation par l’IASB concerne les informations relatives à la situation


financière et aux résultats publiés périodiquement par une entreprise faisant appel public à
l’épargne. Le Cadre Conceptuel des IFRS identifie les destinataires principaux de
l’information financière (les apporteurs de capitaux externes à l’entreprise, tels que les
actionnaires, les créanciers) et le type de décisions économiques qu’elle doit leur permettre de
prendre. De manière plus générale, il prend en compte les personnes extérieures à l’entreprise
qui n’ont pas accès aux données internes: l’information financière est ainsi utile aux clients,
aux fournisseurs et aux salariés. Il ne s’agit donc pas d’une information à usage
principalement des dirigeants qui ont accès, autant qu’ils le souhaitent, à des informations
provenant du reporting de gestion interne. Les régulateurs prudentiels imposent des reportings
spécifiques en fonction de leurs besoins. Les autorités fiscales ne se préoccupent pas des
comptes consolidés. La détermination du résultat fiscal et du dividende distribuable restent
associées aux comptes individuels, généralement établis selon les règles comptables
nationales. Il est exact que la coexistence de ces référentiels comptables, prudentiels et fiscaux
différents est un facteur de complexité, mais l’IASB n’en est pas responsable.  Les comptes
IFRS ne reflètent pas le « business model » Certains dirigeants critiquent le Cadre conceptuel
qui privilégierait une approche « par le bilan » et ne refléterait pas bien le business model ou
la réalité opérationnelle des entreprises. Ce Cadre conceptuel impose-t’il réellement de
mesurer la performance financière de l’entreprise comme étant égale à la variation de la
situation nette comptable entre deux bilans successifs ? C’est à la fois vrai et faux. Vrai,
puisque dans une comptabilité en partie double, la performance globale est affectée par les
variations de valeur des actifs et passifs comptabilisés au bilan. Mais c’est également faux, car
une variation de l’actif net comptable ne sera pas toujours traduite dans le résultat net
comptable de la période. La révision du cadre conceptuel lancée récemment accordera une
place importante à l’examen du rôle du business model dans la présentation des informations
financières, tout en conservant un équilibre avec l’objectif de comparabilité inter-entreprise.
La norme IFRS 8 sur l’information sectorielle fait une large place au business model
puisqu’elle demande de présenter la performance des différents secteurs d’activité « à travers
la vision du management ».  Le traitement des rapprochements d’entreprises est aberrant
Les règles comptables internationales (IFRS 3) et françaises (CRC 99-02) sont pratiquement
équivalentes : elles requièrent que les actifs et passif identifiables de la société acquise soient
repris au bilan consolidé à leur juste valeur au moment de l’acquisition. La différence entre la
valeur nette des éléments d’actif et de passif identifiables et la juste valeur des instruments

10
remis en paiement (le prix d’acquisition) est le goodwill. Le goodwill devra être déprécié si
les résultats attendus ne se matérialisent pas.  Les instruments financiers seront bientôt en «
full fair value » ce qui accroitra la volatilité des résultats L’IASB a décidé de conserver un
modèle mixte pour la mesure des actifs financiers. Les actifs bancaires classiques (prêts et
créances) et les portefeuilles de placements obligataires détenus jusqu’à leur échéance, qui
représentent l’essentiel du bilan d’une banque, restent donc évalués au coût historique amorti.
Les passifs financiers (dépôts, financements interbancaires, emprunts) resteront au coût
historique, sauf application d’une option juste valeur dans certains cas très restreints. Les
instruments dérivés (swaps, options, etc…) resteront, comme sous IAS39, évalués à la valeur
de marché puisqu’ils n’ont généralement pas de coût d’entrée et que seule leur valeur de
marché est 8 susceptible de refléter fidèlement le risque financier pour l’entreprise
contractante. Les dispositifs de comptabilité de couverture (« hedge accounting ») neutralisent
la volatilité induite par le « mark-tomarket » des dérivés, dès lors que leur utilisation répond à
une stratégie de couverture des risques.  La « juste valeur » se définit toujours comme une «
valeur de marché » même quand les marchés sont illiquides Publiée en réponse aux
interrogations apparues pendant la crise financière de 2008 face à des marchés illiquides, la
Norme IFRS 13 décrit le concept de juste valeur et les modalités de sa mise en œuvre.
Applicable lorsqu’une autre norme IFRS requiert (ou permet) l’application de la juste valeur,
elle n’étend pas le champ d’application de la juste valeur en comptabilité. La juste valeur
n’est pas toujours identique à la valeur de marché, même si l’estimation d’une juste valeur par
le recours à un modèle mathématique doit toujours privilégier l’utilisation de données
observables.  Les IFRS créent une volatilité comptable qui ne reflète pas la réalité
économique Pour l’IASB, il n’est pas approprié de cacher, ou d’atténuer artificiellement, la
volatilité des résultats quand cela reflète les conditions économiques réelles. Pour bien
comprendre la situation financière d’une entreprise, les comptes doivent mettre en évidence
les aspects du business qui créent, ou sont soumis à, la volatilité. Les leçons tirées de la
volatilité dépendent de la stratégie (et du sang froid) des acteurs (dirigeants et utilisateurs des
comptes) et des règles prudentielles, pour les intermédiaires financiers. Les constatations
comptables ne sont qu’un élément de la prise de décision.

REPONSES DETAILLEES  Critique 1 : Les IFRS pratiqueraient une « juste valeur »


généralisée Certes, les IFRS font plus souvent appel à la notion de juste valeur et à la valeur
actuelle5 que les référentiels comptables d’Europe continentale ou ceux qu’ils ont inspiré (par
exemple au Japon). Mais contrairement à ce que certains affirment, il ne s’agit pas, et de loin,
d’un système « tout juste valeur». Le Board de l’IASB, tout comme son prédécesseur l’IASC,
a clairement confirmé sa préférence pour un système mixte, combinant mesures à la juste
valeur et mesures au coût historique amorti, en fonction du « business model » de l’entreprise
et de la probabilité de réaliser les cash flows afférents aux actifs et passifs par voie
d’exploitation ou de cession. La juste valeur figure soit en lecture directe dans les états
financiers - et affecte la mesure de la performance et la situation nette comptable - soit en
notes annexes pour améliorer l’information sur les risques et sur les valeurs éventuellement
réalisables. La Norme IFRS 13 a été élaborée pour résoudre les difficultés d’application de la

11
juste valeur dans certaines situations de marché (elle est entrée en vigueur dans l’Union
Européenne au 1er janvier 2013). Les IFRS ne requièrent pas, et n’envisagent pas de requérir,
que tous les actifs et passifs soient évalués à la juste valeur. Pour une entreprise industrielle ou
commerciale, l’essentiel du bilan est constitué d’éléments comptabilises au coût historique
amorti, à l’exception du cas rare des entreprises qui se développent uniquement par croissance
externe et doivent comptabiliser les actifs et passifs acquis à la juste valeur à la date
d’acquisition. Ceci est d’ailleurs requis par les règlements français sur les comptes consolidés
(CRC 99-02 et 07). Sauf exception bien justifiée, les stocks, les immobilisations, figurent au
bilan au coût historique amorti. En effet, IAS 36 ne permet pas de comptabiliser en juste
valeur les actifs corporels (usines, machines, matériels de transport, etc.) en constatant des
profits dans le résultat. Une réévaluation dont la contrepartie passe par les capitaux propres est
toutefois permise à date régulière : en pratique, ceci équivaut à une réévaluation légale qui
serait mise en oeuvre avec une fréquence plus grande qu’en normes françaises. Par ailleurs,
IFRS 40 permet - sur option - d’évaluer les immeubles de placement à leur juste valeur avec
contrepartie en résultats : cela reflète mieux le business model de certaines sociétés foncières
qui arbitrent régulièrement leur portefeuille d’immeubles. Mais le coût historique reste une
option couramment retenue par les entreprises possédant des immeubles à caractère de
placement. Et attention, un siège social n’est pas un immeuble de placement… Enfin, IAS 38
permet de comptabiliser les actifs incorporels à leur juste valeur, avec une contrepartie en
résultats, mais uniquement à la condition qu’il y ait un marché actif, donc une évaluation
fiable, pour ces biens (par exemple : une licence de taxi). Une marque commerciale ou un
brevet ne répondent généralement pas à cette condition. Il en va de même s’agissant de
l’évaluation des instruments financiers. Un « modèle mixte » existait dans IAS 39 depuis
1989 : il sera maintenu dans la nouvelle norme IFRS9. J’exposerai un peu plus loin le contenu
de ce projet de norme. La vérité est que le bilan d’une banque commerciale établi selon les
IFRS est constitué pour l’essentiel d’éléments comptabilisés au

coût historique, sous déduction des provisions pour dépréciation et des amortissements : actifs
immobilisés, dépôts de la clientèle, comptes à terme, opérations de financement
interbancaires, prêts et créances, portefeuilles de placements obligataires détenus jusqu’à
l’échéance. Certes, les actifs financiers structurés ou complexes, qui génèrent des cash flows
ne dépendant pas seulement du capital et d’intérêts contractuels représentatifs de la valeur
temps de l’argent et du risque de crédit, sont évalués en juste valeur par le compte de résultats.
En effet, l’incorporation dans ces « produits » de dérivés ou de clauses à effet de levier a pour
effet de modifier sensiblement les cash flows futurs, et le coût historique ne rendrait pas
compte des risques qui en résultent. Il en va de même pour les actifs détenus dans les
portefeuilles de « trading » ce qui est logique – et non contesté - puisqu’ils sont détenus
uniquement dans une optique de cession à plus ou moins court terme. Le cas particulier des
instruments financiers dérivés (swaps, options, contrats à terme…) mérite un commentaire : la
plupart de ces contrats n’ayant pas de coût lors de la signature, le coût historique n’est pas
pertinent et de toute évidence d’aucune utilité pour mesurer l’étendue des engagements
souscrits. La mesure à la valeur de marché avec pour contrepartie le compte de résultats
s’impose donc pour rendre compte des risques. Certes, elle entraine une certaine volatilité.
Mais IAS 39 (puis IFRS9) contient des dispositions dites « comptabilité de couverture »

12
(Hedge accounting) qui neutralisent cette volatilité dès lors que l’utilisation des dérivés
répond à une stratégie de couverture des risques et que son efficacité peut être démontrée. Les
passifs, à l’exception des instruments financiers dérivés (swaps, options..) figurent au coût
historique. Les emprunts, les dettes fournisseurs, les dettes fiscales et sociales, les provisions
pour pertes et charges, sont inscrites au coût historique. Le fait qu’un passif dont la date de
règlement est éloignée soit ramené à sa valeur actuelle pour tenir compte de la valeur temps
de l’argent ne doit pas être confondu avec une évaluation à la juste valeur. Une option « juste
valeur » existe pour les passifs financiers, utilisable uniquement lorsqu’il convient d’éviter
une incohérence dans l’évaluation d’un passif, adossé à un actif financier qui serait lui-même
à la juste valeur. En pratique, seules les banques ont recours, de façon limitée, à cette option
pour leurs activités de marché. L’idée d’une approche « full fair value» est donc en France
une légende urbaine qui a la vie dure. La juste valeur est une méthode de mesure comptable
possible parmi d’autres (coût historique amorti, coût de remplacement, coût historique
réévalué…). Le normalisateur comptable doit choisir la méthode de mesure qui fournit
l’information la plus utile aux lecteurs des comptes, en prenant en considération, au moment
d’établir la norme, les utilisateurs de l’information et leurs besoins. L’exactitude (la précision
de la mesure) n’est pas forcément une caractéristique de niveau supérieur à la pertinence de
l’information : une bonne évaluation, même approximative, de la valeur présente sera souvent
jugée plus utile par un apporteur de capitaux qu’un coût historique « exact » mais fournissant
une information obsolète, pour apprécier les cash flows futurs et les risques. Rappelons que
les comptes établis selon les IFRS ont un objectif d’information, et que la distribution des
bénéfices reste assise sur les résultats comptables des comptes individuels (qui font d’ailleurs,
par nécessité, appel à des évaluations dans de nombreux domaines : provisions,
amortissements…).

 Critique 2 : Les normes IFRS ont pour objectif de refléter la valeur financière globale de
l’entreprise. Certains ont même affirmé que l’IASB veut que les entreprises mesurent leurs
actifs à une valeur « à la casse », même si elles ne souhaitent pas ou n’ont pas besoin de céder
leurs actifs. Le recours (limité, comme expliqué ci-dessus) dans les normes IFRS à une
mesure comptable d’actifs ou de passifs à la juste valeur est souvent confondu avec une
prétendue volonté de refléter dans les capitaux propres comptables la valeur financière
globale de l’entreprise. C’est une lecture erronée, car le Cadre conceptuel des IFRS précise :
«les états financiers à caractère général n’ont pas pour objectif de montrer la valeur d’une
entreprise ; mais ils fournissent des informations pour aider les investisseurs, préteurs et
autres créanciers, présents ou potentiels, à estimer la valeur de l’entreprise ». Il est clair pour
l’IASB que les comptes établis selon les IFRS n’ont pas pour objectif de renseigner sur la
valeur de revente en bloc de l’entreprise, quand bien même l’essentiel des actifs et passifs
identifiables seraient évalués à la juste valeur. La seule ambition est d’aider l’utilisateur à
évaluer les flux futurs de trésorerie dégagés par l’exploitation, qu’il pourra comparer aux
investissements futurs nécessaires, afin de déterminer le cash-flow libre qui pourra servir à
rémunérer le capital investi ou à rembourser l’endettement. De plus, les IFRS ne permettant
pas d’inscrire à l’actif du bilan les actifs incorporels générés en interne par les activités de

13
l’entreprise, toute volonté de refléter dans les comptes la valeur globale de l’entreprise serait
vouée à l’échec. La seule situation dans laquelle une entreprise apparaît pour sa valeur vénale
est quand elle est acquise par une autre qui va la consolider dans ses comptes. Les actifs et
passifs identifiables, qui justifient en partie le prix payé, sont repris par l’acquéreur à leur
juste valeur, et la différence (souvent importante) avec le prix payé constitue l’écart
d’acquisition (goodwill). La règle comptable est la même dans le référentiel français. Enfin,
l’obligation de comptabiliser des provisions pour dépréciation des actifs (« impairments »)
lorsque la valeur réalisable devient inférieure au coût historique amorti se retrouve dans tous
les référentiels comptables modernes : la Norme IAS 36 ne diffère pas fondamentalement des
dispositions en vigueur dans les textes français. Ces provisions résultent de la mise en oeuvre
du principe de prudence et n’ont rien à voir avec une quelconque approche d’évaluation « à la
casse » de l’entreprise, puisqu’elles ne sont pas fondées sur une hypothèse de cessation des
activités. Bien au contraire, le test d’impairment prend en compte les prévisions d’activité à
long terme de l’unité opérationnelle sous revue. Les comptes établis selon les IFRS sont
préparés à partir d’une hypothèse de continuation de l’activité (« going concern assumption
»).

 Critique 3 : Les IFRS nient le concept de prudence comptable Pour qu’un altimètre soit
efficace, il doit être étalonné de façon neutre, et ne pas comporter de mécanismes d’inertie
masquant les variations d’altitude. De même, s’agissant des informations financières, les
transactions et évènements économiques doivent être reflétés dans les comptes avec un souci
de neutralité, sans privilégier un « principe de prudence » qui consisterait, en réalité, à mettre
en œuvre un biais négatif systématique de mesure et à constituer des réserves occultes. Sous-
évaluer des actifs ou surévaluer des passifs au cours d’une période comptable conduit souvent
à déformer la performance économique réelle, non seulement au cours de la période
concernée, mais aussi au cours d’une période ultérieure: c’est incompatible avec un objectif
d’information neutre et avec le principe d’égalité entre actionnaires présents et futurs. Cela a
été dénoncé avec vigueur par les autorités boursières de plusieurs pays, et c’est de surcroit, à
mon avis, en contradiction avec le principe d’image fidèle (« true and fair view ») figurant
dans les 4eme et 7eme Directives européennes. Le Cadre conceptuel des IFRS, guide que le
normalisateur s’est donné et qu’il doit suivre lorsqu’il rédige une nouvelle norme, a donc
supprimé la référence explicite à la prudence comme principe fondamental car l’IASB,
comme son prédécesseur l’IASC, estimait que son utilisation pouvait conduire à des pratiques
comptables abusives. L’IASB pose l’hypothèse que l’utilisateur de l’information financière
est suffisamment compétent en matière économique pour savoir réagir rationnellement aux
phases d’expansion ou de contraction, sans qu’il soit nécessaire de mettre en œuvre à sa place,
de manière générale et pour les comptes de toutes les entreprises, un « filtre prudentiel ».
Mais les régulateurs prudentiels des intermédiaires financiers (banques et compagnies
d’assurance principalement), tout en partant de l’information comptable qui leur est
communiquée, peuvent souhaiter mettre en œuvre des « filtres prudentiels » complémentaires,
en plus de la fixation des ratios de liquidité ou de capital, afin d’influencer le comportement
des banques ou compagnies d’assurance et de garantir un niveau de fonds propres suffisant

14
pour résister aux crises. Ces intermédiaires portent en effet dans leur bilan des risques « pour
compte de tiers » qui justifient une supervision spécifique et des précautions particulières.
Ceci ne saurait être une préoccupation strictement comptable. Le rôle des IFRS n’est pas
d’être un instrument de régulation économique, au-delà d’assurer la transparence financière
qui est une condition de bon fonctionnement des marchés. Toutefois, la prudence reste en
pratique très largement présente dans les différentes normes IFRS. Par exemple, la Norme 36
‘Impairment of assets’ demande qu’une provision pour dépréciation soit constituée afin de
garantir qu’un actif n’est pas porté au bilan à une valeur supérieure à sa valeur réalisable (qui
est le plus haut de la valeur de cession ou de la valeur d’usage) ; la Norme 39 sur les
instruments financiers est en cours de révision afin que les provisions pour risque de crédit
(sur prêts et créances) soient constituées de façon plus prospective, en fonction des pertes
attendues (‘Expected loss model’) plutôt que des pertes constatées. S’agissant de la
comptabilisation des passifs, les principes sont identiques aux normes françaises et l’arbre de
décision est exactement le même: une dette doit être constatée dès lors qu’un événement a eu
lieu ou qu’une condition existe à la date du bilan, et qu’un flux futur de sortie de trésorerie
devient 13 probable, même si le décaissement est éloigné dans le temps (par exemple,
provisions pour garanties sur les produits ; provisions pour engagements de remise en état des
sites industriels). Les provisions pour pertes et charges constituées en application de la Norme
IAS 37 tiennent compte de tous les risques nés jusqu'à la date d’établissement des comptes, à
condition que le décaissement qui en résultera soit probable (« more likely than not »). On
pourrait observer que les normes IFRS sont dans certains domaines plus prudentes que les
normes françaises ou celles d’autres référentiels. Citons quelques exemples :  la constitution
de provisions au titre des engagements de retraite y est obligatoire (IAS 19), elle n’est pas
permise par le Plan Comptable général et ce n’est qu’une « méthode préférentielle » dans les
Règlements du CRC relatifs aux comptes consolidés.  le traitement en normes IFRS des
opérations sur instruments financiers dérivés est plus prudent, puisqu’il pose des conditions
d’efficacité et de documentation des opérations avant d’accepter qu’une opération puisse être
qualifiée, comptablement, de couverture plutôt que spéculative.  la consolidation des entités
ad hoc porteuses de risques financiers est plus rigoureuse en normes IFRS que dans bien
d’autres référentiels (notamment américain, jusqu’aux modifications récentes que le FASB a
adopté).  le projet visant à inscrire au passif du bilan les engagements irrévocables de
paiement de loyers, pris en application de contrats de location, est encore, à mon avis, un
autre exemple. Certes, historiquement, en normes françaises des provisions « coussin » ont été
autorisées ou requises: FRBG dans les banques, provisions pour risques généraux dans les
entreprises industrielles, provisions pour égalisation dans les compagnies d’assurance. Mais
tout le travail de modernisation des textes français relatifs aux comptes consolidés entrepris à
partir de 1999 a constitué à supprimer ces provisions qui étaient une source d’opacité
comptable. Les «coussins comptables » sont maintenant remplacés par des « coussins »
prudentiels, non inscrits en comptabilité mais pris en compte pour déterminer le capital
réglementaire (Bale 1 et 2, Solvabilité 2). Enfin, autre signe de prudence des IFRS, certaines
ressources économiques de l’entreprise ne sont pas reconnues à l’actif du bilan car leur
évaluation est trop incertaine (par exemple, les actifs incorporels générés en interne par
l’exploitation de l’entreprise).

15
 Critique 4: Les IFRS donnent une prééminence à la réalité économique sur l’apparence
juridique Les normes ne nient pas l’importance de l’environnement juridique de l’entreprise,
notamment l’interprétation que des tribunaux seront susceptibles de faire des engagements
contractuels. Par exemple, lorsqu’il s’agit de transactions commerciales, une des conditions
requises pour qu’un contrat soit comptabilisé en chiffre d’affaires est qu’il existe un accord
réel entre les parties et que son exécution puisse être imposée par les autorités compétentes. Il
reste que les normes IFRS sont fondées sur un cadre conceptuel qui consacre leur autonomie
par rapport à la discipline juridique. Toute idée de trouver dans le droit positif la source
systématique de toute norme comptable est d’ailleurs inapplicable dans un cadre international.
Les normes IFRS privilégient donc l’analyse de la réalité économique et financière des
engagements afin de fournir une vision complète et pertinente des risques et avantages
auxquels l’entreprise est confrontée. Cela amène parfois les IFRS à dépasser l’apparence
juridique d’une transaction (l’apparence étant ici prise au sens de « désignation »). Un
engagement financier étiqueté «location financière » pourra ainsi être traité comme l’achat à
crédit d’un bien ; un engagement pris envers les salariés et qui se matérialisera après leur
départ de l’entreprise sera traité comme une dette présente ; une vente assortie de conditions
extensives de retour pourra être traitée comme une mise en dépôt ; une opération de titrisation
ou de « repo » qui ne transfère pas les risques de crédit ou de marché sera traitée comme une
opération de financement gagée sur les créances … Le traitement comptable des événements
postérieurs à la date du bilan (Norme IAS 10) démontre également que les Normes requièrent
une analyse juridique fine pour décider du rattachement des dépenses à l’exercice concerné.
Nous l’illustrerons par le cas, malheureusement trop fréquent, des plans sociaux. La direction
d’une entreprise décide de réduire l’effectif d’une usine et met en œuvre un licenciement
économique ; celui-ci a lieu entre la date du bilan et celle de l’arrêté des comptes par le
Conseil d’administration. Faut-il en provisionner le cout à la clôture de l’exercice ? Le
comptable «prudent » sera tenté de le faire (cf. le cas de Renault Vilwoorde en 1996). Le
comptable qui applique les IFRS devra aussi se demander si les modalités de mise en œuvre
étaient suffisamment précisées et annoncées aux salariés de telle façon qu’elles créaient à leur
égard une « obligation constructive » à la date du bilan. A défaut, cet événement ne sera pas
provisionné à la clôture, mais mentionné dans l’annexe, à titre d’information sur les
événements postérieurs.

 Critique 5 : Avec les comptes en IFRS, les dirigeants ne s’y retrouvent pas Il faut
commencer par rappeler que le champ de la normalisation par l’IASB est restreint aux
informations relatives à la situation financière et aux résultats publiés périodiquement par une
entreprise faisant appel public à l’épargne. Les normes ne couvrent donc pas les nombreux
autres domaines (responsabilité sociétale et environnementale, politique salariale et de
ressources humaines, gouvernement d’entreprise, etc.) qui peuvent intéresser les salariés, les
gouvernements, ni les informations ponctuelles qui sont également utiles aux investisseurs (en
application de la «Directive Transparence » sur l’information permanente du marché). La
détermination du résultat fiscal et du dividende distribuable reste associée aux comptes

16
individuels, généralement établis selon les règles comptables nationales, même si dans la
pratique les entreprises cotées en bourse s’efforcent de suivre une politique de rémunération
des actionnaires calée sur le résultat comptable consolidé, déterminé selon les normes IFRS.
Le superviseur prudentiel a ses propres exigences et ajoute des « filtres » lorsqu’il détermine
les ratios de capital règlementaire ou de liquidité. Il est exact que la coexistence de ces
référentiels comptables, fiscaux et prudentiels différents est un facteur de complexité : l’IASB
n’en est pas responsable. De même, l’inflation des obligations d’information sur toutes sortes
de sujets, cause principale de l’accroissement du volume des rapports annuels, est-elle
imputable au seul IASB ? Les états financiers sont complétés en droit européen par le rapport
de gestion, dont la normalisation est en dehors du champ de compétence de l’IASB. Le rôle
principal du rapport de gestion est d’expliquer et de commenter le contenu des états financiers
et c’est un excellent vecteur de communication pour commenter la performance, notamment
en liaison avec l’information sectorielle (IFRS8). Pour établir des normes d’information
financière cohérentes, il est utile de définir au préalable les objectifs de ces normes, et les
caractéristiques qualitatives d’une information utile. C’est la raison d’être du Cadre
conceptuel des IFRS, initialement publié en 1989 et actuellement en cours de révision. Ce
cadre identifie les destinataires principaux de l’information financière (les apporteurs de
capitaux externes à l’entreprise, tels que les actionnaires, les créanciers) et le type de
décisions économiques que l’information financière doit leur permettre de prendre. De
manière plus générale, il prend en compte les personnes extérieures à l’entreprise qui n’ont
pas accès à l’information : l’information financière est ainsi utile aux clients et aux
fournisseurs, voire aux salariés dans nombre de pays ou aucune information n’est prévue pour
les représentants des personnels. Il ne s’agit donc pas d’une information à usage interne pour
les dirigeants, ni d’une information directement à objet fiscal, ni destinée à des statistiques
nationales ou à la régulation prudentielle. En effet, les dirigeants ont accès, autant qu’ils le
souhaitent, à des informations provenant du reporting de gestion interne. Les régulateurs
prudentiels imposent des reportings spécifiques en fonction de leurs besoins. Les autorités
fiscales ne se préoccupent généralement pas des comptes consolidés. On notera toutefois que,
sur de nombreux aspects, les normes IFRS ont été établies avec l’objectif de ne pas créer de
divorce entre les instruments de pilotage interne et les comptes publiés. C’est ainsi que la
présentation du compte de résultat ne privilégie pas le classement par nature ou que les
informations sectorielles doivent être en phase avec l’organisation de l’entreprise. La
publication en 16 France d’une structure-type de compte de résultat qui réponde à nos
traditions a répondu au souhait de nombreux groupes cotés. Il est bien sur souhaitable
d’aligner les mesures de performance publiées avec celles utilisées en interne, et de ne pas
favoriser le recours à des indicateurs de performance indépendants des informations
comptables auditées par les commissaires aux comptes. Mais définir ce qui relève du résultat
comptable de la période et ce qui relève des autres changements dans l’actif net comptable de
l’entreprise est un challenge permanent. D’ores et déjà, les normes affectent les effets des
transactions et événements tantôt au compte de résultat (Profit and Loss), tantôt à l’« other
comprehensive income » (autre résultat d’ensemble). A l’occasion de la révision du cadre
conceptuel, une réflexion est en cours pour améliorer la cohérence entre les normes sur ce
point et préciser les contenus informationnels respectifs de ces deux niveaux d’analyse. Il
conviendra de définir également de façon plus rationnelle les conditions dans lesquelles une

17
variation de valeur qui a été inscrite dans le other comprehensive income sera reclassée au
compte de résultat, par exemple lorsque la valeur est « cristallisée » par une cession ou un
règlement. L’IASB est bien conscient que la norme IAS 1qui traite de la présentation des états
financiers, héritée de son prédécesseur, mérite un toilettage. Un premier projet sur la
présentation de la performance, lancé en 2006, a dû être mis de coté : sans doute était-il trop
ambitieux. Mais il faudra y revenir. D’ores et déjà, le Board a initié un programme d’action à
court et moyen terme visant à résoudre l’épineuse question du volume excessif des annexes
aux comptes consolidés (le fameux « disclosure overload »). Ceci pourrait nécessiter des
modifications des normes, mais aussi et surtout des modifications comportementales de la part
des responsables de la préparation des comptes, des commissaires aux comptes et des
régulateurs de marché: il faut cesser de penser la préparation des annexes comme un seul
exercice de compliance, il faut faire une meilleure utilisation du principe de caractère
significatif et ne pas encombrer les annexes d’information non pertinentes ou portant sur des
montants peu importants. D’une façon générale, tant les investisseurs internationaux que les
autorités de marché sont satisfaits de la qualité des informations fournies par les comptes
établis selon le référentiel IFRS, à tel point que la US S.E.C., si soucieuse de la protection des
investisseurs, reconnaît depuis 2007 les IFRS comme étant de qualité équivalente aux normes
américaines et en autorise l’utilisation pour les sociétés étrangères cotées aux USA. De même,
ni l’ESMA ni l’AMF n’expriment des interrogations sur la pertinence des informations
fournies au marché par les comptes établis selon les IFRS.

 Critique 6 : Les comptes IFRS ne reflètent pas le « business model » Une des critiques
souvent adressées par les dirigeants au Cadre conceptuel des IFRS est qu’il privilégierait une
approche « par le bilan » et ne s’intéresserait pas assez au reporting des transactions « par les
flux ». De ce fait, il ne refléterait pas bien le business model ou la réalité opérationnelle des
entreprises. Le cadre conceptuel impose-t-il réellement de mesurer la performance financière
de l’entreprise comme étant égale à la variation de la situation nette comptable entre deux
bilans successifs ? C’est à la fois vrai et faux. Vrai, puisque Cadre définit surtout les attributs
qui caractérisent un actif (ressource économique positive pour l’entreprise) ou un passif
(ressource économique de valeur négative) et qu’il appréhende un revenu ou une charge à
partir de la variation de valeur comptable d’un actif ou d’un passif. Dès lors, dans la logique
d’une comptabilité en partie double, la performance financière globale est affectée par les
variations de valeur des actifs et passifs comptabilisés au bilan. Mais c’est également faux, car
une variation de l’actif net comptable ne sera pas toujours traduite dans le résultat net
comptable de la période. D’une part, les transactions entre l’entreprise et ses actionnaires
(dividendes ou rachats d’actions, émissions de capital ou de stock options) affectent
directement les composantes de la situation nette. Mais au-delà, il convient de remarquer que
l’IASB fait de plus en plus souvent appel à une composante particulière des états financiers,
l’Other Comprehensive Income - OCI pour enregistrer la contrepartie de la variation de valeur
au bilan. On citera par exemple la récente modification d’IAS 19 sur les engagements de
retraite, qui enregistre en ‘OCI’ le re-calcul de la valeur actuelle de l’engagement, la norme
IFRS 9 qui permet d’y enregistrer les variations de valeur d’un portefeuille d’actions, ou

18
encore le projet de norme IFRS4 sur les passifs d’assurance, pour y comptabiliser les
changements des taux d’actualisation. Il est possible de débattre de la signification du solde
figurant au pied du tableau OCI au regard de la compréhension de la performance de
l’entreprise pendant la période sous revue, et la mise en sommeil du projet « Présentation des
états financiers » laisse la question entière. Mais comme indiqué plus haut, le Board de
l’IASB va prochainement y revenir. Je ne pense pas que le Board ait l’intention de revenir à
l’idée de fusionner en un seul état financier le compte de résultats et celui du Other
Comprehensive Income. Le résultat net comptable restera un indicateur de performance très
important. Une évolution sensible est observée depuis quelques années : la notion de business
model est de plus en plus présente dans les IFRS, qu’il s’agisse du classement des instruments
financiers détenus, de l’option de valorisation des immeubles de placement à la juste valeur
ou au coût amorti, de la distinction entre stocks et actifs immobilisés, et enfin de la flexibilité
laissée aux entreprises pour choisir la structure de leurs états financiers et mettre en évidence
les données de performance jugées les plus pertinentes (Norme IAS 1). La révision du cadre
conceptuel lancée récemment accordera une place importante à l’examen plus fondamental du
rôle du business model dans la présentation des informations financières, tout en conservant
un équilibre avec l’objectif de comparabilité inter-entreprise. La norme IFRS 8 sur
l’information sectorielle fait une large place au business model puisqu’elle demande de
présenter la performance des différents secteurs d’activité «à travers la vision du 18
management », c’est à dire en alignant la communication externe avec les indicateurs utilisés
pour le pilotage de l’entreprise. Il ne faut cependant pas confondre business model et
comptabilité d’intentions. Les intentions du management concernant tel ou tel élément d’actif
sont susceptibles de changer en fonction des opportunités du moment, et cela n’a rien
d’anormal. Si tous les actifs étaient évalués à la juste valeur, cela n’aurait aucune importance
du point de vue comptable. Mais dès lors qu’un modèle mixte de mesure (cout historique /
juste valeur) existe dans le référentiel IFRS, permettre de modifier librement le classement
comptable et le mode de mesure d’un actif en fonction des intentions du moment serait ouvrir
une voie royale à de multiples abus. Un actif évalué à la juste valeur, dont on craint que le
prix de marché baisse, serait reclassé dans la catégorie coût amorti, pour éviter de constater
des pertes. Un actif évalué au coût historique serait reclassé dans une catégorie à la juste
valeur en fonction de la nécessité de faire apparaître les plus-values potentielles. C’est
pourquoi l’IASB utilise la notion de business model avec précaution : un business model est
un mode de gestion qui est observable au niveau d’un ensemble d’actifs (par exemple, la
conservation des prêts bancaires au bilan de la banque par opposition à la titrisation
systématique) ; il ne change que dans des circonstances particulières et ce changement fait
l’objet d’une communication adéquate. On ne saurait encourager ni les «cookie jars6 » ni le «
pilotage » des résultats.

 Critique 7 : Le traitement des rapprochements d’entreprises est aberrant En cas d’acquisition


d’entreprise (« Business combination »), les règles comptables internationales (IFRS 3 et son
pendant SFAS 141 aux USA) et françaises (CRC 99-02) sont pratiquement équivalentes :
elles requièrent que les actifs et passif identifiables de la société acquise soient repris au bilan

19
consolidé à leur juste valeur au moment de l’acquisition. La différence entre la valeur nette
des éléments d’actif et de passif identifiables et la juste valeur des instruments remis en
paiement (qui est la traduction du prix d’acquisition) est le goodwill. Le goodwill devra être
déprécié (c’est ce qu’on appelle l’ «impairment ») si les résultats attendus ne se matérialisent
pas. L’acquisition de l’entreprise est le seul événement de sa vie sociale qui amène à évaluer
l’ensemble des éléments d’actif et de passif identifiables à leur juste valeur. Lors d’une
acquisition « en cash », le prix payé est le montant des espèces remises. Lors d’une prise de
contrôle payée par échange avec des actions émises par l’acquéreur ou remises par celui-ci
(par exemple, des titres d’une société filiale), le prix payé est la juste valeur de ce qui est
remis en paiement, généralement appréciée par référence au cours de bourse avant
l’opération. Une longue polémique comptable a eu lieu dans les années 2000 sur le traitement
comptable du goodwill : convenait il de s’en «débarrasser » immédiatement en l’imputant sur
les capitaux propres ou en le passant en charges ? Fallait-il le déprécier uniquement en cas de
difficulté économique, ou bien l’amortir dans le temps de façon systématique en constatant
une charge linéaire au compte de résultats ? Si oui, quelle période retenir, afin de permettre la
comparaison entre les entreprises ? Les USA pratiquaient jusqu’alors une durée forfaitaire de
40 ans, les Européens des durées allant de 5 à 20 ans... L’imputation immédiate en charges ou
en diminution des capitaux propres a été écartée en 2002, considérant que l’écart d’acquisition
ne correspond pas à un « cadeau » fait aux actionnaires cédants de la cible (sauf cas très rares
d’une transaction faite à des conditions anormales). La méthode du « pooling of interests »
(mise en commun d’intérêts, qui était utilisable sur option lorsque la prise de contrôle se fait
par échange d’actions) a donc été abandonnée. Elle subsiste dans les normes françaises de
consolidation sous l’appellation de méthode dérogatoire. L’amortissement linéaire du
goodwill, s’il présente l’avantage (selon certains) de réduire progressivement le montant
résiduel au bilan, ne dispenserait pas de procéder en plus à un test d’impairment régulier pour
s’assurer que sa valeur nette comptable n’est pas supérieure à la valeur réalisable. Le
problème de l’impairment ne serait donc pas réglé par le recours à un amortissement
systématique, surtout si une période longue était retenue à cet effet. Et quelle serait la
justification économique d’amortir rapidement le coût d’un investissement dont, dans bien des
cas, le retour ne se matérialisera que sur une longue période ? Enfin, pourquoi amortir
systématiquement le coût d’un investissement à durée de vie indéterminable et dont la valeur
peut en réalité s’accroitre ? Les normalisateurs comptables FASB et IASB (Norme IFRS3) ont
donc décidé que le goodwill ne serait plus amorti mais ferait l’objet, à la clôture de chaque
période comptable, d’un test comparant la valeur comptable avec la valeur économique
(comprise comme étant la somme actualisée des cash 20 flows futurs sur un horizon de
prévision propre à l’entreprise, majorée d’une valeur résiduelle). En cas de différence
négative, une perte de valeur est comptabilisée au compte de résultats. Les Règlements
comptables français CRC 99-02 et CRC 99-07 ont été alignés sur les normes internationales.
Une autre décision a été prise par l’IASB lors d’une modification récente de la norme : les
frais et commissions payés aux intermédiaires lors d’une acquisition ne sont plus considérés
comme faisant partie du coût de l’entreprise achetée, mais comme une dépense engagée par
l’acquéreur : donc, il n’y a pas de justification à les ajouter au montant du prix payé (c’est à
dire la valeur de ce qui a été remis aux actionnaires anciens de la société cible) et ainsi
d’augmenter mécaniquement le goodwill. Plusieurs directeurs financiers, après avoir

20
initialement réagi de façon négative à cette décision, qui allait détériorer les résultats de leur
société en cas d’opération de croissance externe, m’ont ensuite dit qu’ils trouvaient « plus sain
» de faire apparaître ces frais et commissions comme ce qu’ils sont réellement, des charges,
plutôt que de les noyer au sein du goodwill. Enfin, je dois signaler que toutes les normes
émises par l’IASB depuis 2005 doivent faire l’objet, trois ans après leur entrée en vigueur,
d’une revue dite « post implémentation » pour vérifier que les résultats comptables présentés
en application de la norme répondent, en réalité et au vu de l’expérience, aux objectifs
qu’avait fixé l’IASB. La norme IFRS 3 fera donc l’objet d’un tel examen, qui débutera à la
mi-2013.

 Critique 8 : Les instruments financiers seront bientôt en « full fair value » ce qui accroitra la
volatilité des résultats Dans les travaux préparatoires7 de la norme IFRS 9 (publiée à la fin de
l’année 2009, pour mise en application à compter du début de 2015, en remplacement de la
norme IAS 39), la généralisation de la juste valeur pour mesurer les instruments financiers n’a
été évoquée que comme une possibilité théorique permettant de simplifier à l’extrême la
comptabilisation des actifs et passifs financiers. Dès le départ, l’IASB était bien conscient que
cette idée ne rencontrerait pas un grand soutien, même si certains organismes représentant les
investisseurs (par exemple le CFA Institute) soutenaient cette solution. Rapidement, l’IASB,
comme le normalisateur américain, a décidé de conserver un modèle mixte pour la mesure des
actifs financiers. Les passifs financiers resteront au coût historique, sauf application d’une
option juste valeur dans certains cas très restreints. Les instruments dérivés (swaps, options,
etc…) resteront, comme sous IAS39, évalués à la valeur de marché puisqu’ils n’ont
généralement pas de coût d’entrée et que seule leur valeur de marché est susceptible de
refléter fidèlement le risque financier pour l’entreprise contractante. Mais l’IASB a maintenu,
tout en les améliorant, les dispositifs de comptabilité de couverture (« hedge accounting »)
visant à neutraliser la volatilité induite par le « mark-to-market » des dérivés, dès lors que leur
utilisation répond à une stratégie de couverture des risques. S’agissant des actifs financiers, le
coût historique amorti demeure le modèle comptable applicable pour ceux qui sont émis, ou
acquis, en vue de recouvrer par voie d’encaissement dans le temps un capital et des intérêts
contractuels. Les actifs bancaires « classiques » (prêts et créances) et les portefeuilles de
placements obligataires détenus jusqu’à leur échéance, qui représentent l’essentiel du bilan
d’une banque, restent donc classés et évalués au coût historique, dès lors que l’intention de
l’établissement est de les porter dans son bilan. Les actifs financiers structurés ou complexes,
qui génèrent des cash flows ne dépendant pas seulement du capital et d’intérêts contractuels
représentatifs de la valeur temps de l’argent et du risque de crédit, sont évalués en juste valeur
par compte de résultats. En effet, la comparaison avec les cash flows futurs, nécessaire pour
déterminer les éventuelles provisions pour dépréciation, ne peut se faire sur la base du capital
et des intérêts car ils sont modifiés de façon importante par les dérivés incorporés au contrat.
Mais l’IASB propose aussi, dans l’exposé-sondage publié fin 2012, de créer une troisième
catégorie comptable évaluée à la « juste valeur par capitaux propres » (« Fair value through
OCI ») afin de supprimer une différence importante avec les dispositions des normes
américaines et de prendre en compte l’interaction entre la comptabilisation des instruments

21
financiers détenus par les entreprises d’assurance et le mode de mesure proposé pour leurs
passifs d’assurance. Pour les banques comme pour les assurances, cette catégorie concernerait
les portefeuilles obligataires détenus soit en vue d’être conservés, soit comme réserve de
liquidité. Il s’agit donc bien de refléter le « business model » de l’entreprise, tout en
fournissant les deux types d’information utiles : juste valeur des instruments au bilan, produits
d’intérêts et dépréciations au compte de résultat. Le lien comptable entre les deux jeux
d’informations serait fourni par le résultat d’ensemble (Other Comprehensive Income - OCI).
Il est important de rappeler ici que le traitement prudentiel en termes de capital réglementaire
ne relève pas de la responsabilité ni de la compétence de l’IASB. Enfin, la convergence entre
normes IFRS et US GAAP applicables aux instruments financiers, ainsi que leur
simplification, est une des priorités fixées aux deux normalisateurs par les sommets successifs
du G20, et reste d’actualité.

 Critique 9 : La « juste valeur » se définit toujours comme une « valeur de marché » même
quand les marchés sont illiquides Publiée en réponse aux interrogations apparues pendant la
crise financière de 2008, face à des marchés illiquides, c’est la Norme IFRS 13 qui décrit
précisément le concept de juste valeur et les modalités de sa mise en œuvre. Elle s’applique
lorsqu’une autre norme IFRS requiert (ou permet) l’application de la juste valeur ; elle
n’étend donc absolument pas le champ d’application de la juste valeur en comptabilité. La
juste valeur n’est pas toujours identique à la valeur de marché, même si l’estimation d’une
juste valeur par le recours à un modèle mathématique doit toujours privilégier l’utilisation de
données observables. La juste valeur se définit comme le prix qui serait perçu à l’occasion de
la vente d’un actif, ou le prix qui serait payé pour transférer une dette, dans le cadre d’une
opération conclue à des conditions normales entre des intervenants de marché, à la date de
l’évaluation. Il s’agit donc d’un prix de sortie. La technique d’évaluation à utiliser dépend de
chaque contexte, et cite trois approches possibles : par les revenus, par le marché, par les
coûts. Pour les instruments financiers, la juste valeur est donc un prix de marché, soit observé
quand des cotations sont disponibles, soit estimé à partir de données économiques. Les
modèles utilisés à cette fin ne sont pas prescrits par la norme. Lorsqu’il y a une diminution
importante du volume de transactions sur le marché, telle que la valeur observée ne reflète
plus le prix qui résulterait d’une transaction conclue dans des conditions normales, un examen
plus approfondi de ces transactions est nécessaire et un ajustement du prix doit
éventuellement être opéré. S’agissant d’un actif autre que financier, une mesure de la juste
valeur doit refléter la capacité des participants à une éventuelle transaction, à générer des
bénéfices économiques en utilisant cet actif dans les meilleures conditions possibles («
highest and best use »). Cette utilisation doit être : - Physiquement possible, compte tenu des
caractéristiques de l’actif qui seraient prises en compte pour la détermination d’un prix (par
exemple, l’emplacement d’une propriété), - Légalement autorisée (un terrain en zone
constructible n’a pas la même valeur qu’un terrain en zone non aedificandi) - Financièrement
réalisable, compte tenu des coûts de transformation éventuels nécessaires pour réaliser le
projet. Cette utilisation optimale est appréciée du point de vue d’un acteur indépendant de
l’entreprise, même si celle-ci a l’intention d’utiliser l’actif en question d’une autre façon.

22
Cependant, la norme présume que l’utilisation actuelle est l’utilisation optimale, sauf lorsqu’il
existe des indications (prix de marché ou autre facteur) démontrant qu’un usage différent par
un autre acteur maximiserait la valeur de cet élément d’actif. On peut penser à un immeuble
industriel qui pourrait être reconverti en immeuble d’habitation. La Norme IAS 36 qui traite
des provisions pour pertes devaleur de actifs non financiers definit la valeur recouvrable
comme la plus haute des deux valeurs suivantes : valeur d’usage ou valeur de cession possible
(juste valeur determinee en application d’IFRS13) moins les couts à supporter pour la vente.

 Critique 10 : Les IFRS créent une volatilité comptable qui ne reflète pas la réalité
économique L’IASB pense qu’il n’est pas approprié de cacher, ou d’atténuer artificiellement,
la volatilité des résultats quand cela reflète les conditions économiques réelles. Les utilisateurs
des comptes doivent voir cette volatilité mise en évidence, afin de bien comprendre la
situation financière d’une entreprise. Il s’agit de mettre en évidence les aspects du business
qui créent, ou sont soumis à, la volatilité et comment les différentes composantes de la
performance financière d’une entreprise sont significatives pour évaluer le montant, la date de
réalisation et le degré d’incertitude des cash flows futurs de l’entreprise. Une référence
systématique au coût historique aurait en réalité des effets pervers, en masquant l’étendue des
risques encourus et en occultant la réalité des cycles économiques. C’est la raison pour
laquelle les investisseurs et les régulateurs des marchés financiers soutiennent8 de façon
générale l’utilisation de la juste valeur pour les instruments financiers, au moins pour ceux qui
sont destinés à être cédés. Les leçons tirées de la volatilité dépendent de la stratégie (et du
sang froid) des acteurs (dirigeants et utilisateurs des comptes) et des règles prudentielles, pour
les intermédiaires financiers. Les constatations comptables ne sont qu’un élément de la prise
de décision et il n’est pas équitable de faire porter au thermomètre la responsabilité de la
fièvre et des décisions prises pour y faire face.

Dr. YAH

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BIBLIOGRAPHIE

Philippe Danjou Ancien Director of the accounting division de l’Autorité des Marchés
Financiers (AMF), l’organe français de régulation des marchés des valeurs mobilières,

France Jan Engström Ancien CFO de Volvo Group et CEO de Volvo Bus Corporation,

Suède Patrick Finnegan Ancien Director du Financial Reporting Policy Group du CFA
Institute for Financial Market Integrity, Etats-Unis

Amaro Luiz de Oliveira Gomes Ancien Head of Financial System Regulation Department de
la Banque centrale du Brésil, Brésil

Prabhakar Kalavacherla (« PK ») Ancien Audit Partner de KPMG, Inde

Patricia McConnell Ancien Senior Managing Director, Equity Research, Accounting and Tax
Policy Analyst de Bear Stearns & Co, EtatsUnis

Takatsugu (Tak) Ochi Ancien manager général adjoint, Sumitomo Corporation; ancien
conseiller du Nippon Keidanren et de l’Autorité des Normes Comptables au Japon Paul Pacter
Ancien IASB Director of Standards for SMEs et Director de Deloitte Touche Tohmatsu
Global IFRS office, Etats-Unis Darrel Scott Ancien CFO de FirstRand Banking Group,
Afrique du Sud Wei-Guo Zhang Ancien Chief Accountant et Director General du Department
of International Affairs de la China Securities Regulatory Commission, République Populaire
de Chine Les Trustees (administrateurs) de la Fondation IFRS sont (au 30 juin 2012): Michel
Prada, Président Ancien Président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ; ancien
Président du comité exécutif et du comité technique de l’OICV, France Tsuguoki (Aki)
Fujinuma, Vice-Président Ancien Chairman et President du Japanese Institute of Certified
Public Accountants (JICPA), Japon Robert Glauber, Vice-Président Ancien Chairman et
Chief Executive Officer de la NASD Regulation ; ancien Under Secretary du ministère des
Finances américain (Trésor), Etats-Unis Jeff van Rooyen CEO d’Uranus Investment Holdings
; ancien Vice-Chairman de l’OICV ; ancien CEO du South African Financial Services Board,
Afrique du Sud Ronald Arculli Président de Hong Kong Exchanges ; Président de World
Federation of Exchanges, Hong Kong C. B. Bhave Ancien Président du Securities and
Exchange Board de l’Inde ; ancien Président du Comité régional pour l’Asie et le Pacifique de
l’OICV, Inde Duck-Koo Chung 28 Ancien Ministre du Commerce, de l’Industrie et de
l’Energie, République de Corée (du Sud) Yong Li Président de l’Institut chinois des experts-
comptables (CPA - Certified Public Accountants) ; vice-ministre, ministère des Finances de la
République Populaire de Chine Jeffrey Lucy Chairman de l’Australian Financial Reporting
Council ; ancien Chairman de l’Australian Securities and Investments Commission, Australie
Noriaki Shimazaki Special Adviser, ancien CEO et Member of the Board. Sumitomo
Corporation, Japon Clemens Börsig Chairman du Supervisory Board de Deutsche Bank AG,
Allemagne Marco Onado Professeur titulaire de la chaire des Institutions financières,
Université de Bocconi ; Président de Pioneer Global Asset Management ; ancien commissaire
membre de la Commissione Nazionale per le Società e la Borsa (CONSOB), Italie Yves-

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Thibault de Silguy Chairman of the Board de VINCI ; ancien membre de la Commission
européenne, France Dick Sluimers Directeur général, Groupe APG, Pays-Bas Antonio Zoido
Président du Conseil et Directeur général, Bolsas y Mercados Españoles (BME), Espagne
Scott Evans Executive Vice-President, Asset Management, TIAA-CREF et CEO, TIAA-
CREF Investment Management LLC, EtatsUnis Harvey Goldschmid Dwight Professor of
Law, Colombia University ; Ancien Commissioner de la US Securities and Exchange
Commission (SEC), Etats-Unis James Quigley Partner principal chez Deloitte LLP ; ancien
Global CEO de Deloitte Touche Tohmatsu, États-Unis David Sidwell Director d’UBS et de
Fannie Mae, ancien CFO de Morgan Stanley, Etats-Unis Paul Tellier Ancien President et
CEO de Bombardier et CN ; ancien Clerk du Privy Council et Secretary of the Cabinet ;
Director de Rio Tinto plc et de Rio Tinto Ltd. ; Director de McCain Foods et Chairman de
Global Container Terminals (GCT), Canada Pedro Malan Ancien Chairman of the Board
d’Unibanco ; ancien ministre des Finances et Président de la Banque Centrale du Bresil

- US SEC, rapport au Congrès américain: "Congressionnally-mandated Study says "Improve,


do not suspend, Fair Value Accounting Standards" - Voir le Communiqué de presse # 2008-
07 (30 Décembre 2008) http://www.sec.gov/news/studies/2008/marktomarket123008.pdf -
Federal Reserve Board of Boston "Fair Value Accounting : Villain or Innocent Victim ?
EXPLORING THE LINKS BETWEEN FAIR VALUE ACCOUNTING, BANK
REGULATORY CAPITAL AND THE RECENT FINANCIAL CRISIS" Working Paper
31/01/2010 http://www.bos.frb.org/bankinfo/qau/wp/2010/qau1001.htm - Financial Crisis
Advisory Group, rapport à la demande de l'IASB et du FASB, Juillet 2009
http://www.ifrs.org/News/Press-Releases/Documents/FCAGReportJuly2009.pdf - “The Fair
Value Controversy: Ignoring the Real Issue” (EDHEC Business school, Novembre 2008,
étude rédigée par MM Escaffre, Foulquier, Touron) - “EU Implementation of IFRS and the
Fair Value Directive - a report for the European Commission (ICAEW , Octobre 2007) ; voir
particulièrement pages 12 et 13 de l'Executive Summary
http://www.icaew.com/en/technical/financial-reporting/ifrs/articles/ifrs-one-year-on-icaew-
assessesimplementation - “Market Turmoil and Accounting Impact : 10 key questions” -
FitchRatings Credit Policy, a special report (29 Octobre 2007) - UBS Investment Research
"Don't blame fair value accounting"- UBS Global Equity research, a report by David Bianco –
(17 Mars 2008) -Exposé fait par Mr Andrew Haldane, Executive Director for Financial
Stability de la Bank of England (Mars 2010)
http://www.bankofengland.co.uk/publications/Documents/speeches/2010/speech427.pdf -
Rapport sur la crise financière, Mission confiée par le Président de la République, Septembre
2008, rapport du groupe de travail animé par Mr René Ricol (cf. en particulier les pages 58 -
62) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000587/0000.pdf
-Overview of Progress in the Implementation of the G20 - Recommendations for
Strengthening Financial Stability Report of the Financial Stability Board to G20 Leaders
http://www.financials.

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