13 1 Calame Griaule
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'The Maiden Who Seeks Her Brothers' est bien connue dans la
classification internationale d'Aarne et Thompson, ou elle
figure sous le Type 451. Thompson (1946 p.ll0), qui la range
dans la categorie 'Faithful Sister' , declare que le conte est
largement atteste dans toute l'Europe, mais qu'a part une ver-
sion armenienne, il n'a pas ete signale ailleurs. Quant a
Klipple (1938), elle n'en signale aucune version africaine.
L'extension en Afrique de contes consideres, a l'epoque
des grand folkloristes, comme exclusivement europeens ou indo-
europeens, a ete largement demontree depuis. Cette fameuse
'Jeune Fille', image si touchante de fidelite fraternelle,
existe bel et bien au Maghreb, ou elle est largement attestee;
on la trouve au Sahel, et meme (bien que seules quelques ver-
sions l'attestent jusqu'a present) en Afrique Noire. Pour ma
part, je l'ai rencontree pour la premiere fois au Niger, dans
le campement de Tuhugey, chez les nomades Idaksahak, pres de
la frontiere malienne (1). Son histoire m'a ete contee par une
jeune fille d'environ dix-huit ans, tres intimidee d'affronter
pour la premiere fois le magnetophone et l'assistance, inhabi-
tuellement nombreuse, qu'attirait la presence des ethnologues.
C'est ce qui explique les maladresses et les obscurites du tex-
te. Sa forme originale merite cependant d'etre prise en consi-
deration. Nous en donnons ici une traduction tres litterale.
Version 1. C'etait une femme qui avait sept fils. Au mo-
ment ou ils sont partis, leur mere etait enceinte. Elle a
accouche d'une fille. La mere lui a donne le nom que le
plus jeune des freres luiavait dit au moment ou il par-
tait. Moi, j'ai oublie le nom, celui que son fils lui
avait dit. Puis elle lui a donne le deuxieme nom, et elle
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emportent des brins de leur laine pour faire leur nids (3). Le
premier acte de la jeune fille en arrivant au campement est
d'attacher les chamelons (et vraisemblablement les veaux) pour
les empecher de teter leurs meres avant la traite; cette tache,
caracteristique de l'elevage nomade, est plutot devolue aux jeu-
nes bergers chez les Touaregs, les soins des animaux revenant en
general aux hommes.
- l'epouillage : les poux et autres parasites sont un inconve-
nient courant chez les nomades, pour qui l'eau est trop precieu-
se pour etre gaspillee en ablutions frequentes. L'epouillage est
un comportement usuel sous les tentes, rnais il ne se pratique
qu'entre proches parents et comme preuve d'affectueuse familia-
rite.
- l'alene : c'est un outil exclusivement feminin, qui sert a
faire des trous dansles peaux pour coudre les tentes. On s'en
sert aussi pour separer les cheveux avant de les natter.
- le forgeron : couper un arbre n'est pas incompatible avec le
metier de forgeron, car dans cette societe il est aussi travail-
leur du bois. L'arbre qu'il coupe dans le conte est un tuwila
SaZeroaarya birrea, dont le bois, tres dur et tres valorise,
sert a tailler les· plats et ustensiles de cuisine.
- le jeu de mots : l'expression touaregue signifiant 'aie! mon
oeil!' est confondue avec le nom du chameau, qui en est d'ail-
leurs la forme mal prononcee par les Idaksahak (le forgeron est
un Touareg).Les contes de ces groupes minoritaires, dont le
parler n'est pas compris de leurs voisins et qui doivent recou-
rir a des langues vehiculaires (tamasheq, hausa), presentent
frequemment ce motif de l'incomprehension, du malentendu ou du
jeu de mots, dans un contexte de langues en contact mais inega-
lement pratiquees.
soeur!' I1s sont venus, i1s se sont etab1is. I1s ont marie
1eur soeur, eux-memes se sont maries. Maintenant i1s sont
etab1is. Ce1a, c'est tout ce que je sais.
~:
52 Genevi~ve CaZame-GriauZe
t:.
La jeune fiZZe qui cherche sea freres 53
NOTES
1. Ce groupe, culturellement et politiquement integre au monde
touareg, a conserve une langue propre, la tadaksahak, qui,
bien que fortement influencee par la tamasheq, se rattache
au songhay-zarma. Cette langue constitue l'un des ilots lin-
guistiques de I' ensemble que P. F. Lacroix a appele f'le sous-
ensemble septentrional du groupe songhay-zarma', les autres
etant notamment la tasawaq des Isawaghen de la region d'Aga-
dez et la tehetit des Igdal€.n.
2. En fait elle est souvent la cause d'avortement precoces.
3. Motif frequent de la poesie berbere et arabe nomade.
4. Dans la version tasawaq de 'Blanche-Neige' que j'ai publiee,
le forgeron amene le chameau portant la jeune fille, apparem-
ment morte et emball~e dans des tissus precieux, dans la mai-
son d'un chef qui l'epousera.
5. Les oiseaux sont souvent lies symboliquement au monde des
morts. Dans la version agni de Cote-d'Ivoire, que m'a commu-
niquee J.-P. Eschlimann, la soeur, qui tient la maison pour
'ses freres, leur fait manger un condiment qui est leur inter-
dit; ils sont changes en perdrix.
6. Dans le type europeen, on trouve parfois une mechante fee
qui se substitue ainsi a la soeur (il s'agit en fait du type
voisin 451A). Celle-ci se fait reconnaitre par une chanson
(motif egalement frequent dans les versions africaines). Dans
une version lithuanienne, communiquee par A. Martinkus, c'est
la maratre(qui est une sorciere) qui se fait passer pour la
soeur, ce qui complique encore la relation familiale!
7. Un autre element annonce le glissement entre les deux recits:
c'est le motif de la 'bienfaitrice cachee' (la jeune fille
qui attache les chamelons) frequent dans les deux types en
question.
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Bibliographie