Chapitre 2
Chapitre 2
Chapitre 2
CHAPITRE 2 :
LE MARCHE DES CHANGES AU COMPTANT (SPOT)
I- DEFINITION
Le marché des changes au comptant est un compartiment très actif du marché des changes. Environ 40%
des opérations sur le marché des changes traditionnel sont effectuées au comptant1. C’est le lieu fictif de
rencontre des différents offreurs et demandeurs de devises au comptant. La livraison des devises a lieu
au plus tard dans les deux jours ouvrables qui suivent la date de conclusion de la transaction au cours de
change arrêté par les deux parties (J+2 avec J, la date de l’opération de change).
Les offres de devises proviennent essentiellement des exportateurs de biens et services, des investisseurs
qui rapatrient les produits de leurs placements à l’étranger, des prêteurs en devises et des touristes
étrangers. Par ailleurs, les demandes de devises proviennent essentiellement des importateurs de biens et
services, des investisseurs à l’étranger, des emprunteurs en devises et des résidents qui se rendent à
l’étranger.
Le taux de change au comptant de la monnaie A par rapport à la monnaie B, noté A/B ou SA/B, exprime
le nombre d'unités de B échangées au comptant contre une unité de A. Le taux de change désigne une
fraction : la monnaie qui figure au numérateur (A) est toujours celle dont une unité2 est cotée en termes
de l’autre (B).
Pour désigner les différentes devises, les standards utilisés sur les marchés internationaux sont les
normes ISO (International Standard Organisation) : chaque devise a un code de trois lettres, les deux
premières proviennent des noms des pays concernés et la dernière est la première lettre de la devise
(TND ; CHF ; USD ; GBP ; JPY ; EUR).
Exemple : le 02/03/2017, le taux de change au comptant de la livre sterling par rapport au dollar
américain s'écrit GBP/USD = 1,2250 ⇔ 1 GBP = 1,2250 USD
• Une cotation à l'incertain : elle exprime le prix d'une unité de monnaie étrangère en termes de
monnaie locale3 : 1 ME = x ML. Exemple : A New York, le 2 mars 2017 : CHF/USD=0,9870 → A
New York, le franc suisse vaut 0,9870 dollars.
• Une cotation au certain : elle exprime le prix d'une unité de monnaie locale en termes de monnaie
étrangère4 : 1ML = x' ME. Cette modalité de cotation est pratiquée principalement en Grande
1
Le volume de transactions quotidien est de 2046 milliards de USD en 2012 (BRI, Avril 2013).
2
Pour certaines devises, la cotation se fait par 10 unités, 100 unités ou encore 1000 unités.
3
La règle de la cotation à l’incertain consiste à coter une quantité fixe de monnaie étrangère contre une quantité variable de
monnaie locale.
4
La règle de la cotation au certain consiste à coter une quantité fixe de monnaie locale contre une quantité variable de
monnaie étrangère.
9
Cours de FINANCE INTERNATIONALE - 3FIN - IHEC CARTHAGE - 2016/2017 – Centre de Publication Universitaire
Bretagne, dans les pays de la zone euro, au Canada5, en Australie et en Nouvelle Zélande. Exemple :
A Londres, le 2 mars 2017 : GBP/USD=1,2250 → A Londres, la livre sterling vaut 1,2250 dollars.
b) La double cotation affichée par les banques :
La cotation affichée par les banques sur le marché des changes au comptant se fait sous forme de deux
cours ou fourchette de prix :
• un cours acheteur (bid ou demandé), (A/B)A, qui correspond au prix auquel la banque sollicitée se
propose d'acheter au comptant une unité de A contre B.
• un cours vendeur (ask ou offer), (A/B)V, qui correspond au prix auquel la banque sollicitée se propose
de vendre au comptant une unité de A contre B.
Le cours vendeur de la banque sollicitée est toujours supérieur au cours acheteur. La différence, qui
représente la marge de la banque par unité de devise achetée puis revendue, est appelée spread. Le
spread est calculé en points. Il est généralement de l’ordre de 10 à 50 points, jusqu’à 100 points6. Le
spread peut également être calculé en pourcentages pour permettre des comparaisons entre des couples
de monnaies différents. Il est calculé comme suit : ((cours vendeur – cours acheteur)/cours
vendeur)×100.
Le spread est fonction du risque du cambiste généré par la volatilité de la devise négociée. Lorsqu’un
cambiste est contacté par un client, il annonce ses cours sans savoir si le client veut vendre ou acheter la
devise. Le cambiste est en situation d’asymétrie d’information et les cours acheteur et vendeur annoncés
doivent lui permettre de répondre à toute demande sans perdre de l’argent. Lorsqu’il vend une devise à
un client, le cambiste veut s’assurer un cours vendeur suffisamment élevé qui couvrirait le prix auquel il
l’achèterait sur le marché. De la même manière, lorsqu’il achète une devise, il veut s’assurer un cours
acheteur suffisamment faible qui serait inférieur au prix auquel il la vendrait sur le marché7.
Le spread varie légèrement d'une banque à l'autre. Ceci s’explique par la politique commerciale de la
banque, justifiée par sa part de marché, et par sa position dans la devise, justifiée par ses anticipations
relatives à l’évolution future de la devise considérée.
En général, les cambistes demandent une rémunération supplémentaire sous forme de commissions de
change qui sont en fonction de la devise et de la taille des transactions. Pour des montants faibles et des
devises rares, la commission peut aller jusqu’à 0,5%. Pour des montants élevés, supérieurs à 1 million de
USD, la commission habituelle est de l’ordre de 0,2%.
Exemple : Cotation affichée par une banque : USD/CHF = 1,0168 – 1,0180
Le cours d'une devise est formé d'une partie entière et d'une partie décimale, généralement de quatre
chiffres après la virgule. La partie entière et les deux premières décimales s’appellent la figure et le
quatrième chiffre correspond au point ou pip. Dans l’exemple ci-dessus, 1,01 représente la figure et 68 et
80 représentent les points.
La banque qui affiche cette cotation est prête à acheter 1 unité de USD à 1,0168 CHF et à la vendre à
1,0180 CHF. La contrepartie qui sollicite la banque subit la cotation. Le spread de la banque est égal à
12 points de CHF par unité de USD achetée puis revendue, soit 0.12%.
En pratique, pour des raisons de rapidité, le cambiste annonce ses prix sous forme de points (68/80), car
la figure (1,04) est supposée connue de la contrepartie. L’affichage d’un cours peut être comme suit :
USD/CHF : 1,0468 - 80.
Si une autre banque propose la cotation suivante : USD/CHF : 1,0474 - 86. Par un cours acheteur plus
élevé, cette banque cherche à acheter des USD contre des CHF. Par un cours vendeur plus élevé, elle ne
souhaite pas vendre des USD contre des CHF. Au moyen de cette cotation, cette banque cherche à se
5
Au Canada, la cotation est au certain sauf contre l’USD.
6
Un point de base est égal à 0,01%, soit 0,0001 unité monétaire.
7
Nous nous plaçons dans le cas extrême où le cambiste ne détient pas la devise qu’il va vendre au client et ne souhaite pas
garder la devise qu’il va acheter auprès de son client.
10
Cours de FINANCE INTERNATIONALE - 3FIN - IHEC CARTHAGE - 2016/2017 – Centre de Publication Universitaire
8
On vérifie bien que le cours acheteur est inférieur au cours vendeur.
11
Cours de FINANCE INTERNATIONALE - 3FIN - IHEC CARTHAGE - 2016/2017 – Centre de Publication Universitaire
Généralement, une banque qui affiche ses cotations ne prend pas de risque car elle a la possibilité de
déboucler immédiatement sur le marché les opérations qu’elle fait avec sa clientèle. Ceci revient à
formuler les deux hypothèses suivantes :
- La banque ne garde pas les USD reçus du client car elle veut éliminer son risque de change
USD/TND.
- La banque ne dispose pas des CHF à livrer au client à cause d’un stock insuffisant ou nul en CHF.
La banque s’adresse au marché et réalise deux opérations simultanées en passant par le TND :
- La banque vend des USD et achète des TND au cours (USD/TND)A du marché soit 2.3180.
- La banque vend les TND reçus contre l’achat de CHF au cours (TND/CHF)A = 1/(CHF/TND)V du
marché soit (10/22.4460).
USD / TND A 2.3180
⇒ (USD/CHF)A= V
= = 1,0327
CHF / TND 22.4460 / 10
Si la banque ne souhaite réaliser aucun gain de cette transaction de change avec son client, elle lui
achètera les USD au même cours auquel elle les vendra au marché. Le cours calculé (USD/CHF)A de
1,0327 est le cours maximal que la banque pourrait proposer à son client.
Si la banque souhaite prélever un gain sur l’opération, le cours proposé sera plus faible. Par exemple, si
le client vend 10 000 USD à la banque et que celle-ci veut réaliser un gain de 100 CHF, le cours proposé
sera de : (10 000 x 1,0327 – 100 )/10 000 =1,0227.
• (USD/CHF)V est le cours auquel la banque vend 1 unité de USD et achète des CHF à sa clientèle.
Les deux hypothèses formulées sont les suivantes :
- La banque ne garde pas les CHF reçus du client car elle veut éliminer son risque de change
CHF/TND.
- La banque ne dispose pas des USD à livrer au client à cause d’un stock insuffisant ou nul en USD.
La banque s’adresse au marché et réalise deux opérations simultanées en passant par le TND :
- La banque vend des CHF et achète des TND au cours (CHF/TND)A du marché soit (22.4410/10)
- La banque vend les TND reçus contre un achat de USD au cours (TND/USD)A = 1/(USD/TND)V du
marché, soit 1/2.3189.
⇒ 1 CHF→ (22.4410/10) x 1/2.3189 USD
USD / TND V 2.3189
⇒ (USD/CHF) = V
A
= = 1,0333
CHF / TND 22.4410 / 10
Si la banque ne souhaite réaliser aucun gain de cette transaction de change avec son client, elle lui
vendra les USD au même cours auquel elle les achètera au marché. Le cours calculé (USD/CHF)V de
1,0333 est le cours minimal que la banque pourrait proposer à son client.
Si la banque souhaite prélever un gain sur l’opération, le cours proposé sera plus élevé. Par exemple, si
le client achète 10 000 USD à la banque et que celle-ci veut réaliser un gain de 100 CHF, le cours
proposé sera de : (10 000 x 1,0333 + 100 )/10 000 = 1,0433.
Une opération d’arbitrage consiste à tirer profit sans risque d’un écart existant entre les cours cotés au
même moment sur des places financières différentes. Il existe deux types d’arbitrage : un arbitrage
géographique et un arbitrage triangulaire.
12
Cours de FINANCE INTERNATIONALE - 3FIN - IHEC CARTHAGE - 2016/2017 – Centre de Publication Universitaire
a) L’arbitrage géographique :
Un arbitrage géographique peut être effectué par un cambiste lorsque, au même moment, le cours
acheteur d’une devise sur une place financière donnée est supérieur au cours vendeur de cette même
devise sur une autre place.
Exercice d’application :
Un cambiste détient 1 million de USD et cherche à bénéficier des conditions du marché des changes au
comptant qui se présentent comme suit :
GBP/USD Acheteur Vendeur
New York 1.5470 1.5480
Londres 1.5460 1.5465
Le cambiste achète des GBP au cours vendeur le plus bas et les revend instantanément au cours
acheteur le plus haut.
Le cambiste achète des GBP à Londres à 1.5465 USD et les revend à New York à 1.5470 USD. Le gain
réalisé à la suite de cette opération d’arbitrage est :
1 000 000 × (1/1.5465) × 1.5470 – 1 000 000 = 323,31 USD
Pour qu’il y ait un arbitrage profitable, ce gain doit être supérieur aux coûts de transactions générés par
ces opérations.
Si de nombreux cambistes réalisent la même opération, cela ramènera les cours à leur niveau
d’équilibre :
- Une augmentation du cours (GBP/USD)V à Londres du fait d’une demande accrue de GBP.
- Une diminution du cours (GBP/USD)A à New York du fait d’une offre accrue de GBP.
b) L’arbitrage triangulaire :
Un arbitrage triangulaire met en jeu trois devises et plusieurs places financières. Il nécessite le calcul de
cours croisés. Il permet au cambiste de tirer profit d’un écart entre un cours croisé calculé et un cours de
change observé au même moment. Le cambiste peut réaliser un arbitrage triangulaire pour le propre
compte de la banque ou pour le compte de sa clientèle.
La réalisation d'arbitrage triangulaire exige une grande rapidité car les cours de change varient très vite
et le cambiste risque de se faire « coller ». Ces possibilités d’arbitrage sont limitées dans le temps car
elles sont rapidement détectées par les nombreux professionnels qui suivent les cotations en continu.
Arbitrage triangulaire pour propre compte :
Généralement, les cambistes prennent l'initiative d'effectuer ces arbitrages, pour le compte de leur
banque, dès qu'ils décèlent la possibilité de réaliser des gains. Ces opérations d'arbitrage constituent une
partie significative des transactions sur le marché des changes.
Exercice d’application :
Un cambiste détient 100 000 CHF et cherche à bénéficier des conditions du marché des changes au
comptant qui se présentent comme suit :
A New York : GBP/USD = 1.5600-20
A Zurich : USD/CHF = 1.4973-85
A Londres : GBP/CHF = 2.3482- 95
13
Cours de FINANCE INTERNATIONALE - 3FIN - IHEC CARTHAGE - 2016/2017 – Centre de Publication Universitaire
GBP / USD A
GBP / CHF A = V
= GBP / USD A × USD / CHF A = 1.5600 × 1.4973 = 2.3358
CHF / USD
GBP / USD V
GBP / CHF =
V
A
= GBP / USD V × USD / CHF V = 1.5620 × 1.4985 = 2.3407
CHF / USD
Cours observé : GBP/CHF : 2.3482 - 2.3495
Cours calculé : GBP/CHF : 2.3358 - 2.3407
Comme le cours croisé calculé est inférieur au cours observé à Londres au même moment, la GBP est
surévaluée par rapport au CHF à Londres. L’arbitrage consiste à acheter la GBP au cours vendeur le plus
bas 2,3407 (cours croisé calculé en passant le USD) et à la vendre au cours acheteur le plus haut 2,3482
(cours observé à Londres). Pour cela, le cambiste procédera aux opérations suivantes :
CHF→USD→GBP→CHF
1) Il vend 100 000 CHF contre des USD à Zurich à 1/1.4985 USD
2) Il vend les USD obtenus contre des GBP à New York à 1/1.5620 GBP
3) Il vend les GBP obtenus contre des CHF à Londres à 2.3489 CHF
Richesse finale = ((100 000 × 1/1.4985) × 1/1.5620) × 2.3482 = 100 000 x 1/2.3407 x 2.3482 =
100 322,26 CHF
Le gain d'arbitrage s’élève à 322,26 CHF. De cette somme il faut déduire les frais de téléphone et télex.
Si ces opérations d’arbitrage se multiplient, le cours observé (GBP/CHF)A va baisser et les cours
(USD/CHF)V et (GBP/USD)V vont augmenter, jusqu’à un retour à l’équilibre.
Arbitrage triangulaire pour le compte de la clientèle :
Lorsqu’une banque intervient sur le marché des changes pour le compte de sa clientèle, elle peut
procéder à des achats ou à des ventes directs de devises. Elle peut également passer par une devise
tierce, en l’occurrence le USD, dans la mesure où cette opération indirecte lui donne la possibilité
d'obtenir un profit supplémentaire qu’elle transférera à son client. Il s’agit dans ce cas d’un arbitrage
triangulaire.
Exercice d’application :
Un client exportateur français demande à sa banque de convertir en EUR 500 000 USD. Les données sur
le marché des changes spot sont les suivantes :
A Paris : EUR/USD = 1.1004-25
A Londres : GBP/USD = 1.4140-50
A Paris : EUR/GBP = 0.7213-18
Pour répondre aux besoins de son client, le cambiste a la possibilité d’effectuer une vente directe de
USD/EUR sur le marché ou une vente indirecte de USD/EUR en passant par l’intermédiaire de la GBP.
1er cas : Vente directe de USD/EUR à Paris : USD→EUR
500 000 x (USD/EUR)A = 500 000 x 1/1.1025 = 453 514, 74 EUR.
2eme cas : Vente indirecte de USD/EUR en passant par Londres : USD→GBP→EUR
500 000 x (USD/GBP)A x (GBP/EUR)A = 500 000 x 1/1.4150 x 1/0.7218 = 500 000 x 1/1,0213 = 489
549,6 EUR.
La vente indirecte est plus profitable. Le gain d’arbitrage s’élève à 36034,89 EUR. De ce gain, il faut
déduire les coûts de transactions.
Si ces opérations d’arbitrage se multiplient, le cours croisé (USD/EUR)A va baisser car les cours
(USD/GBP)A et (GBP/EUR)A vont baisser, jusqu’à un retour à l’équilibre.
14