SdT53 - Le Cœur Immacule de Marie A Travers Les Siecles
SdT53 - Le Cœur Immacule de Marie A Travers Les Siecles
SdT53 - Le Cœur Immacule de Marie A Travers Les Siecles
Fondements scripturaires
Le mot « cœur », qui se rencontre environ un millier de fois dans la Bible, a
en hébreu un sens beaucoup plus vaste qu’en français. Il ne signifie pas seule-
ment ce muscle qui est un organe vital de notre corps, ou encore notre affecti-
vité, mais il désigne aussi notre intelligence avec ses facultés (mémoire, raison-
nement, décisions), et, de manière plus générale, l’âme humaine en toutes ses
puissances 1.
Voyons d’abord les annonces et figures du cœur de Notre-Dame dans l’an-
cien Testament, telles que le Saint-Esprit les a fait discerner aux Pères de l’Église
et aux écrivains ecclésiastiques, et telles que saint Jean Eudes les mentionne
dans son ouvrage sur le cœur de Marie 2.
On peut citer le psaume 44, que l’Église fait réciter aux prêtres et religieux
aux matines du mercredi. Ce psaume, qui signifie d’abord les épousailles mys-
tiques d’Israël avec son Dieu, a été appliqué par la Tradition à la sainte Église
puis à la très sainte Vierge Marie :
— le Roi (Notre-Seigneur) convoite sa beauté : concupiscet Rex decorem tuum
(v. 12) ;
— toute sa gloire est à l’intérieur, dans son âme : omnis gloria ejus ab intus
(v. 13) ;
— les peuples la loueront éternellement : populi confitebuntur tibi in æternum
(v. 18).
Relevons aussi ces paroles de l’Ecclésiastique (24, 24) introduites dans la li-
turgie 1 : Ego Mater pulchræ dilectionis et timoris et agnitionis et sanctæ spei (Je suis
la Mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance et de la sainte espé-
rance).
Et il ne faut pas oublier le Cantique des cantiques, que saint Jean Eudes ap-
pelle « Le livre du cœur virginal et des célestes amours de la Mère de belle di-
lection. C’est un livre tout plein des divins oracles qui nous annoncent que ce
cœur incomparable est tout embrasé d’amour vers Dieu et tout plein de charité
vers nous 2 ». Le saint commente neuf de ses oracles en les appliquant à la
Vierge Marie.
plan divin 1. » Ces deux versets de saint Luc nous introduisent donc déjà pro-
fondément dans le cœur de Marie.
Le cœur signifie, dans le langage biblique, l’âme humaine en toutes ses facul-
tés. A chaque fois que le texte sacré parle de l’âme de Marie, cela peut être donc
appliqué à son cœur. Pour mieux connaître le cœur de Marie, on peut donc re-
lever toutes les mentions de son âme dans la sainte Écriture.
Mentionnons, toujours chez saint Luc :
— la parole de l’ange à l’Annonciation : « Ave gratia plena, Dominus tecum » :
Je vous salue pleine de grâces, le Seigneur est avec vous (Lc 1, 28). On y voit la
plénitude de grâces de la Vierge Marie. C’est son cœur immaculé.
— la réponse de Notre-Dame : « Quomodo fiet istud, quoniam virum non co-
gnosco ? [...] Ecce ancilla domini, fiat mihi secundum verbum tuum » : Comment cela
se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? [...] Je suis la servante du
Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole (Lc 1, 34. 38). Nous avons ici la
virginité du cœur de Marie et la pleine soumission de la Mère de Dieu à la vo-
lonté de son créateur.
— l’épisode de la Visitation : « Abiit in montana cum festinatione. [...] Ecce enim
ut facta est vox salutationis tuæ in auribus meis, exsultavit in gaudio infans in utero
meo » : Elle [Notre-Dame] partit en hâte vers la montagne. [...] Votre voix,
lorsque vous m’avez saluée 2, n’a pas plus tôt frappé mes oreilles, que l’enfant
[Jean-Baptiste] a tressailli de joie dans mon sein (Lc 1, 39. 44). C’est ici la charité
du cœur de Marie et sa médiation 3.
— le Magnificat (Lc 1, 46-55), qui est, selon l’expression de saint Jean Eudes 4,
le « cantique du cœur de la très sainte Vierge », nous révèle sa profonde humi-
lité.
— les paroles du vieillard Siméon lors de la présentation de l’Enfant-Jésus au
Temple : « Et tuam ipsius animam doloris gladius pertransibit » : Un glaive de dou-
leur transpercera votre âme (Lc 2, 35). C’est le cœur douloureux de la coré-
demptrice.
On peut dire que les deux premiers chapitres de l’Évangile selon saint Luc
contiennent en substance toute la théologie de la dévotion au Cœur Immaculé
de Marie.
Saint Jean, en rapportant la troisième parole de Notre-Seigneur en croix (Ecce
Mater tua, voilà ta mère ; Jn 19, 27), ajoute la maternité spirituelle du cœur de
Marie.
1 — L.-CL. FILLION, La Sainte Bible, texte latin et traduction française, commentée d’après la
Vulgate et les textes originaux, Paris, Letouzey et Ané, 1928, t. VII, p. 309 (à propos de Lc 2,
19).
2 — C’est Élisabeth qui parle.
3 — On peut dire la même chose à propos des noces de Cana (Jn 2, 1-12).
4 — Saint Jean EUDES, Le Cœur admirable de la très Sacrée Mère de Dieu, Paris, ibid., livre
dixième, ch. 2, p. 505-507.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 11
Saint Augustin
Le pape saint Léon reprend la même idée dans l’un de ses célèbres sermons
sur la nativité de Notre-Seigneur, s’appuyant sur le même passage de saint Luc
(1, 45) :
De la race de David est choisie une Vierge de sang royal qui, appelée à porter
un rejeton sacré, concevrait dans son esprit avant que dans son corps cette divine
et humaine descendance 2.
1 — « Ipsa beata Maria quem credendo credidit, credendo concepit. [...] Illa plena fide, et
Christum prius mente quam ventre concipiens. Ecce inquit ancilla Domini. » Saint AUGUSTIN,
Sermo 215, 4, PL 38, 1074. — Converti par saint Ambroise, saint Augustin (353-430) devint
évêque d’Hippone en Afrique du Nord. Il est l’auteur d’une œuvre philosophique très
importante, de commentaires de la sainte Écriture, d’œuvres théologiques (dont un traité de
la Trinité), d’œuvres polémiques contre diverses sectes hérétiques, de nombreux sermons et
lettres. Autres ouvrages célèbres : De la Cité de Dieu, Les Confessions. Il restaura la discipline
du clergé par la Règle de Saint Augustin qui fut adoptée par la suite par de nombreux ordres
et congrégations de religieux et religieuses. Saint Augustin fait partie des Pères latins et il est
docteur de l’Église.
2 — « Virgo regia davidicæ stirpis eligitur, quæ sacro gravidanda fetu divinam humanamque
prolem prius conciperet mente quam corpore. » Saint L ÉON LE G RAND , Sermons, Sources
chrétiennes, Paris, Cerf, 1963, n° 22 bis, Premier sermon pour la fête de la nativité de Notre-
Seigneur, p. 68-69. — Élu pape en 440, saint Léon le Grand (390-461) fut un grand
défenseur de la foi catholique contre les hérésies, et de la discipline ecclésiastique. Il est
l’auteur de nombreux sermons, de lettres dogmatiques, disciplinaires et historiques. Saint
Léon le Grand fait partie des Pères latins.
3 — Oratio 1 De nativitate Beatæ Virginis.
4 — Oratio 1 De dormitione Beatæ Virginis. — Saint Jean Damascène (né à la fin du 7e
siècle et mort avant 754) fut l’auteur de nombreux ouvrages, dont : Des Hérésies, De la foi
orthodoxe, d’autres ouvrages contre les hérésies, une homélie célèbre sur la dormition de la
sainte Vierge citée par Pie XII dans la bulle Munificentissimus Deus proclamant le dogme de
l’Assomption (1 er novembre 1950). Il fut le grand défenseur des saintes images contre
l’empereur impie Léon et les iconoclastes. Il fait partie des Pères grecs.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 13
Saint Bernard
Sainte Mechtilde
1 — Sainte MECHTILDE, Le Livre de la grâce spéciale, Paris, Mame, 1920, 1ère partie, ch. 2,
p. 11-12.
2 — Sainte MECHTILDE, Le Livre de la grâce spéciale, ibid., ch. 12, p. 43.
3 — Sainte MECHTILDE, Le Livre de la grâce spéciale, ibid., ch. 29, p. 118-119. — Sainte
Mechtilde (1241-1298), fut moniale bénédictine à Helfta en Allemagne. Avec sainte
Gertrude la Grande, elle est l’un des principaux auteurs spirituels et mystiques de
l’Allemagne médiévale. Confiée au monastère à l’âge de sept ans, elle y persévéra jusqu’à la
mort. C’est lors d’une maladie qui faillit mettre fin à ses jours, vers l’âge de 50 ans, qu’elle
livra les secrets de son âme. Deux religieuses notèrent ses confidences, et c’est ainsi que ses
révélations nous sont parvenues.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 15
Sainte Gertrude
On trouve une pensée similaire dans les révélations faites à sainte Gertrude :
Pendant les Matines, durant le chant de l’Ave Maria, elle vit trois ruisseaux
impétueux jaillir du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint ; ils pénétraient avec l’élan
d’une infinie douceur dans le cœur de la Vierge Marie, et de ce cœur rebondis-
saient de nouveau vers leur source avec une fougueuse impétuosité. Or, sous ce
flot ruisselant de la Sainte Trinité, il était donné à la bienheureuse Vierge d’être la
plus puissante après le Père, la plus sage après le Fils, la plus bénigne après l’Es-
prit. Elle apprit encore que toutes les fois où les fidèles récitent dévotement sur la
terre cette salutation angélique, c’est-à-dire Ave Maria, ces ruisseaux, avec une
impétuosité renouvelée, venaient cerner de toute part la bienheureuse Vierge de
l’abondance de leurs flots, et avec une nouvelle force pénétrer en son cœur très
saint pour rebondir ensuite vers leur source en une délectation merveilleuse. Et
de ce jaillissement, des flots de joie, de délices et d’éternel salut inondent chacun
des saints et des anges et, de plus, tous ceux qui sur terre font mémoire de cette
salutation. Ainsi en chacun est renouvelé tout le bien qui leur est jamais venu par
l’incarnation du Fils de Dieu, porteuse de salut 1.
Sainte Brigitte
Au sujet de sainte Brigitte, la prière que voici prouve, s’il en était besoin, la
grande dévotion de la sainte envers le cœur de Marie :
Ô Vierge incomparable, ô très aimable Marie, la vie et la joie de mon cœur, je
révère, j’aime et je glorifie de toutes les puissances de mon âme votre très digne
cœur qui a tellement été embrasé du zèle très ardent de la gloire de Dieu, que les
flammes célestes de votre amour étant montées jusqu’au cœur du Père éternel,
ont attiré son Fils unique avec le feu du Saint-Esprit dans vos très pures en-
trailles, mais de telle sorte qu’il est toujours demeuré dans le sein du Père 2.
Un trait particulier et remarquable de la piété de sainte Brigitte, est que le
cœur de Marie y est souvent représenté comme ne faisant qu’un avec le cœur de
Jésus :
— Le cœur de ma Mère était comme mon cœur, dit un jour le divin Maître à la
sainte. C’est pourquoi je puis dire que ma Mère et moi nous avons opéré le salut
du genre humain avec un même cœur, en quelque manière, quasi uno corde, moi
par les souffrances que j’ai portées en mon corps et en mon cœur, et elle par les
douleurs et l’amour de son cœur 1
— Tenez pour certain, lui dit un jour Notre-Dame, que j’ai aimé mon Fils si
ardemment et qu’il m’a aimée si tendrement, que lui et moi nous n’étions pour
ainsi dire qu’un seul cœur, quasi cor unum ambo fuimus 2.
C’est ce que relèvera tout particulièrement saint Jean Eudes. Nous en reparle-
rons plus loin.
1 — Revel. extravag. c. 3.
2 — Revel. l. 4, c. 8. Nous avons relevé ces citations de sainte Brigitte dans Ch. L EBRUN,
ibid., p. 20-21. — Sainte Brigitte de Suède (1302 ou 1303-1373), veuve, fonda l’ordre du
Saint-Sauveur. Issue d’une famille noble et influente, elle se retira après la mort de son mari
dans une dépendance de l’abbaye d’Alvastra où elle commença à recevoir des révélations
qui ne devaient jamais tarir. Poussée par ses révélations, elle intervint dans les affaires
politiques de l’Europe et auprès de la papauté. Puis elle se retira à Rome où elle fit
approuver les statuts de l’ordre du Saint-Sauveur (monastères d’hommes ou de femmes
vivant sous la règle de saint Augustin).
3 — P. VAYSSIÈRE O.P., cité dans l’ouvrage de Marcelle D ALLONI , Le Père Vayssière,
Paris, Alsatia, 1958, p. 165-166.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 17
On peut dire que tous les apôtres et prédicateurs du rosaire sont des apôtres
et prédicateurs du cœur de Marie et contribuent à répandre sa dévotion et son
règne dans les âmes et sur cette terre 1.
Le rosaire se retrouvera au centre du message de Fatima.
Continuant à parcourir les siècles, il faudrait citer parmi les grands dévots
envers le cœur de Marie, saint Bonaventure, saint Laurent Justinien, saint
Bernardin de Sienne, saint Ignace, le vénérable Louis de Grenade O.P., saint
Pierre Canisius, le cardinal de Bérulle, etc. Saint François de Sales lui dédie son
Traité de l’Amour de Dieu où il remarque que « la sacrée Vierge n’avait qu’une
âme, qu’un cœur et qu’une vie avec son Fils 2 ». Mais il faut nous arrêter plus
longuement à saint Jean Eudes.
inspiré ici des écrits des Pères de l’Église et des mystiques du Moyen-Age. Son
office est l’écho de la Tradition tout entière.
En 1674, le pape Clément X approuvait la célébration de l’office dans les
églises et chapelles de la congrégation du père Eudes. Avec le saint, la piété en-
vers le Cœur de Marie était passée de la dévotion privée au culte public officiel
de l’Église.
Mais il faut aussi mentionner son ouvrage Le Cœur admirable de la très sacrée
Mère de Dieu achevé en 1680, trois semaines avant de mourir 1. L’écrit est divisé
en douze livres, en l’honneur des douze étoiles qui forment la couronne de la
Mère de Dieu. Le saint y envisage sous toutes ses faces la dévotion dont il se fait
l’apôtre, s’appuyant constamment sur la sainte Écriture, les Pères et les docteurs
de l’Église, les écrits des papes et de nombreux évêques. Les perfections du
cœur de Marie, ses rapports avec les trois Personnes divines, son union avec le
Cœur de Jésus, son rôle dans l’œuvre de la rédemption et de la sanctification
des âmes, toutes ces questions sont abordées et traitées avec d’amples dévelop-
pements. Le livre embrasse avec une perfection inégalée la doctrine, l’histoire et
la pratique de la dévotion. Il est comme la somme théologique de la dévotion au
cœur de Marie.
Et comme saint Jean Eudes est un apôtre, un prédicateur de missions à la pa-
role enflammée, il lui faut une enseigne, un signe sensible, pour frapper ses
auditeurs, qui soit en même temps une synthèse de sa prédication. « Son origi-
nalité va être de parler du cœur de Marie, non dans un sens métaphorique
comme Bérulle, en vertu de cette tradition où le cœur désigne la vie intérieure,
mais il va directement à l’organe physique 2 ». Saint Jean Eudes ramasse toutes
les perfections du cœur spirituel de Marie dans son cœur corporel qui en de-
vient le symbole 3.
On ne peut s’empêcher de penser ici à l’apparition de la Vierge Marie le 13
juin 1917 à Fatima : « Devant la paume de la main droite de Notre-Dame, se
trouvait un cœur, entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer. Nous avons
compris que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de
l’humanité, qui demandait réparation 4. »
1 — Voir la recension détaillée de cet ouvrage dans le présent numéro du Sel de la terre.
2 — Mgr PICAUD, ibid., p. 15-16.
3 — On trouvera une étude plus approfondie du livre du Cœur admirable à la fin de ce
présent numéro du Sel de la terre.
4 — Mémoires de sœur Lucie, Fatima, Vice-Postulaçao dos videntes, 1991, IVe Mémoire,
p. 168.
Saint Pie X décerna à saint Jean Eudes les titres de « père, docteur et apôtre
du culte liturgique envers les Cœurs de Jésus et de Marie 1 ». A l’aube des
temps modernes, il a été le prophète des Cœurs de Jésus et de Marie, préparant
les âmes aux révélations de Paray-le-Monial (de 1673 à 1675) et de Fatima
(1917).
1 — Voir le très bel ouvrage de sœur MARIE-A NGÉLIQUE DE LA C ROIX , L’abbé des
Genettes, serviteur et apôtre de Marie, Saint-Parres-lès-Vaudes, CRC, 2000.
documents pontificaux sur cette question 1, et en ordonnant que tous les jours
du mois d’octobre, dans toutes les églises du monde catholique, le chapelet soit
récité devant le Saint-Sacrement exposé.
1 — On compte douze encycliques : à peu près une par année entre 1883 et 1898. On
ne voit aucun exemple semblable dans toute l’histoire de l’Église, d’un nombre si élevé
d’encycliques par un seul pontife sur un même sujet.
2 — On peut se référer à l’article sur saint Pie X, pape marial, écrit par M. l’abbé
CASTELAIN, dans Le Sel de la terre 49.
3 — Voir l’article sur la dévotion réparatrice des premiers samedis, de M. l’abbé
DELESTRE , dans le présent numéro du Sel de la terre.
4 — Lucie, qui avait 9 ans en 1916, avait eu la grâce de communier dès l’âge de six ans.
Mais François (8 ans) et Jacinthe (6 ans), n’avaient pas encore été admis à recevoir la sainte
eucharistie malgré leurs désirs intenses.
5 — Voir l’ouvrage du père COLIN C.SS.R., Berthe Petit, apôtre du Cœur douloureux et
immaculé de Marie, Paris, NEL, 1967.
6 — Voir le magnifique numéro de La Vie spirituelle de juin 1920 (t. II, p. 161-272),
entièrement consacré à la dévotion au Sacré-Cœur.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 23
Annexe
Le Cœur admirable
de la très sacrée Mère de Dieu
de saint Jean Eudes
1 — En 2004, les éditions Delacroix (B.P. 18 – 35430 Chateauneuf) ont publié en trois
tomes l’intégrale du Cœur admirable (69 € + port). — Signalons deux éditions abrégées du
même ouvrage : celle de Lethielleux en 1935 ; et en langue anglaise : Saint John Eudes, The
admirable Heart of Mary, New York, P.J. Kenedy and sons, 1948. — On peut aussi se
procurer, toujours du même auteur et aux éditions Delacroix : La dévotion au très Saint Cœur
et au très Sacré Nom de la Bienheureuse Vierge Marie, édité en 2004 (218 pages).
Livre premier
Qui fait voir ce qu’est le Cœur de la bienheureuse Vierge
Saint Jean Eudes commence par nous dire que :
Jésus, Fils unique de Dieu, Fils unique de Marie, ayant choisi cette incompa-
rable Vierge entre toutes les créatures pour être sa Mère, [...] il veut que nous
l’honorions comme il l’honore, et que nous l’aimions comme il l’aime.
Le saint montre ensuite que le Cœur de la sainte Vierge est appelé admirable
en raison de tous les privilèges de la Mère de Dieu :
[Marie] est le plus illustre chef-d’œuvre du ciel, l’impératrice du ciel, la gloire
et la joie du ciel ; il n’y a rien en elle qui ne soit céleste. [...] Elle est revêtue du so-
leil de la divinité et de toutes les perfections de la divine Essence, dont elle est tel-
lement environnée, remplie et pénétrée, qu’elle est toute transformée en la lu-
mière, en la sagesse, en la puissance, en la bonté, en la sainteté de Dieu, et en
toutes ses autres grandeurs.
La lune est sous ses pieds, pour montrer que tout le monde est au-dessous
d’elle, n’y ayant que Dieu seul au-dessus d’elle, et qu’elle a une puissance abso-
lue sur toutes les choses créées.
Elle est couronnée de douze étoiles, pour représenter toutes les vertus qui
éclatent en elle souverainement.
Mais ce qu’il y a de plus admirable en Marie, c’est son cœur virginal. [...] Car
ç’a été par l’humilité, par la pureté et par l’amour de son très saint cœur, qu’elle
est arrivée à la sublime dignité de Mère de Dieu 1, et qu’elle s’est rendue digne
par conséquent de toutes les grâces, faveurs et privilèges dont Dieu l’a remplie
en la terre.
Saint Jean Eudes distingue ensuite trois cœurs en Marie :
— son cœur de chair, déjà « spiritualisé par l’esprit de grâce et par l’Esprit de
Dieu dont il est tout rempli » ;
— son cœur spirituel, « le cœur de son âme, qui est désigné par ces paroles
du Saint-Esprit : “Toute la gloire de la fille du roi est dans son intérieur”
(Ps 44, 14) » ;
— enfin son cœur divin : le Fils de Dieu lui-même qui est en elle.
Ces trois cœurs de la Mère de Dieu ne sont qu’un seul cœur, par la plus sainte
et la plus étroite union qui fut ni qui sera jamais après l’union hypostatique 2. [...]
Voilà ce qu’on entend par le Cœur admirable de la bien-aimée de Dieu, qui est
une image accomplie du Cœur adorable de Dieu et de l’Homme-Dieu.
1 — Saint Jean Eudes ne veut pas dire ici que la Vierge Marie serait arrivée à cette
dignité par ses propres efforts, mais que son cœur admirable a parfaitement correspondu à
la grâce de Dieu par son humilité, sa pureté et son amour, et qu’elle a alors été trouvée
digne de la mission à laquelle elle avait été prédestinée de toute éternité.
2 — Du grec hypostase, qui veut dire personne ; l’union hypostatique désigne l’union de
la nature divine et de la nature humaine dans la personne divine de Notre-Seigneur.
L A DÉ VO T IO N AU CŒ U R DE MAR IE 25
Saint Jean Eudes décrit ensuite chacun de ces cœurs. Arrêtons-nous au cœur
spirituel :
Premièrement, la divine bonté a préservé miraculeusement ce cœur de la Mère
de Dieu de la souillure du péché, [...] l’a revêtu d’une si grande pureté qu’il ne
s’en peut imaginer une plus grande après celle de Dieu. [...]
Secondement, le Père des lumières a rempli ce beau soleil de toutes les lu-
mières les plus brillantes de la nature et de la grâce.
Après avoir exposé en détail les connaissances dont a été rempli le Cœur de
Marie et signalé son amour très ardent qu’il exposera au troisième et au neu-
vième livre du traité, le saint conclut que le Cœur de Marie est « un portrait au
vif de tous les divins attributs, une image vivante de la Sainte Trinité ».
Notre-Seigneur sait ce qu’il doit au Cœur de Marie. Il sait qu’il est davantage
le fruit de son cœur [grâce au Fiat de la Vierge] que de son sein :
Elle ne s’est rendue digne de me former et de me porter dans son ventre, que
parce qu’elle m’a formé et porté premièrement dans son cœur, par l’excellence de
l’humilité, de la pureté et de l’amour de ce même cœur.
— Son exemple, c’est l’amour très ardent dont le cœur de Jésus est embrasé
pour le cœur virginal de Marie. Il l’a tant aimé et honoré que, dès le premier
instant, il l’a rendu participant des mêmes perfections divines qu’il reçoit de son
Père, « et avec tant de plénitude que ce très saint cœur porte en soi une merveil-
leuse ressemblance de toutes les excellences de cet adorable Sauveur ».
Et saint Jean Eudes de développer comment se retrouve en Marie la simpli-
cité, l’infinité, l’incompréhensibilité, l’immensité, l’immutabilité, l’éternité et la
plénitude de Dieu.
Il explique aussi comment le cœur de la précieuse Vierge est une image vi-
vante de la pureté, de la sainteté, de la force et de la puissance, de la sagesse et
de la vérité, de la bonté, de la providence, de la miséricorde, de la mansuétude,
de la patience, de la clémence, de la justice de Dieu, du zèle divin pour sa
propre gloire et pour le salut des âmes, de la souveraineté divine.
Il est une parfaite expression et un merveilleux abrégé de la vie de Dieu ; il
porte en soi une excellente ressemblance de la paix de Dieu, une image vivante
de la gloire et de la félicité divines. Il est une merveilleuse image de la très
Sainte Trinité et de chacune des trois Personnes. Il est la source, avec le Fils de
Dieu, de tous les biens qui procèdent du mystère de l’Incarnation. Il est enfin
tout tranformé en Dieu et en ses divines perfections.
Livre neuvième
Contenant le quatrième fondement de la dévotion au très saint Cœur de la
bienheureuse Vierge, qui sont douze excellences merveilleuses
de ce même Cœur
[Ces douze excellences] nous engagent de rendre [au Cœur de Marie] tous les
devoirs de respect, de vénération et d’amour que mérite le plus noble, le plus
digne, le plus saint et le plus aimable de tous les cœurs après le divin Cœur de
Jésus.
Suivent douze chapitres montrant les excellences du Cœur de Notre-Dame :
il a toujours été exempt de péché ; il est une mer de grâce ; un miracle
d’amour ; le miroir de la charité ; un abîme d’humilité ; le trône de la miséri-
corde ; l’empire de la divine volonté ; le sacraire 1 des grâces gratuites ; un trésor
inestimable qui contient toutes les véritables richesses de la terre et du ciel ; le
sanctuaire, la victime, le prêtre 2, l’encensoir et l’autel du divin amour ; le centre
de la croix et l’auréole du martyre avec celle des saints docteurs et des saintes
vierges ; le premier objet de l’amour de la Sainte Trinité entre les pures
créatures.
Livre dixième
Contenant le sacré cantique du très saint Cœur de la bienheureuse Vierge,
avec son explication
Saint Jean Eudes commente ici le Magnificat verset par verset.
Livre onzième
Contenant les raisons et les moyens d’honorer le très saint Cœur de la
bienheureuse Vierge
— Saint Jean Eudes développe ici douze raisons :
l’exemple de Dieu lui-même ; l’amour incomparable du Cœur de Marie pour
son Fils Jésus ; la sollicitude de ce Cœur pour notre salut ; sa corédemption ; le
culte de l’Église pour le saint Nom de Marie ; la vénération de l’Église pour le
1 — Le mot sacraire (du latin : sacrarium) servait autrefois à désigner tout meuble dans
lequel on rangeait des objets sacrés. Il est ici employé par analogie.
2 — Ne nous méprenons pas ici : Notre-Dame n’est pas prêtre. Saint Jean Eudes énonce
une doctrine très claire à ce sujet : « Si Marie, dit le savant et très pieux Gerson, n’a pas reçu
le caractère de l’office sacerdotal le soir de la Cène du Seigneur, elle n’a pas laissé d’avoir
pour lors, et auparavant, et par après, l’onction intérieure de la grâce du sacerdoce royal,
d’une manière beaucoup plus excellente que tous les autres fidèles, non pas pour consacrer
mais pour sacrifier une hostie pure, sainte et parfaite sur l’autel de son cœur, là où le feu
divin dans lequel elle offrait son holocauste, brûlait continuellement. »
sein qui a porté le Sauveur du monde ; le fait que le Cœur de Notre-Dame est le
temple très saint de la Trinité ; le fait que le Cœur de Marie est le dépositaire
des mystères de la vie de Notre-Seigneur [Lc 2, 19 et 51] ; le fait que ce Cœur
très innocent a été transpercé par nos péchés ; il est aussi l’exemplaire et le mo-
dèle de nos cœurs ; il est le roi de tous les cœurs ; il est revêtu de toutes les per-
fections.
— Puis saint Jean Eudes donne douze moyens d’honorer le Cœur de Marie :
1. être fidèle aux promesses de notre baptême :
2. avoir en notre cœur les sentiments qui sont dans le Cœur de Notre-Dame :
horreur du péché ; mépris du monde ; mépris de soi-même ; estime, respect et
amour pour toutes les choses de Dieu et de son Église ; vénération et affection
pour la Croix ;
3. imiter les vertus du Cœur de Notre-Dame ;
4. se consacrer au Cœur de Notre-Dame ;
5. pratiquer les œuvres de miséricorde envers le prochain ;
6. travailler au salut des âmes ;
7. honorer spécialement les saints qui ont eu une appartenance spéciale au
très aimable Cœur de la Mère de Dieu ;
8. étudier soigneusement ce Cœur qui doit être la règle de notre vie ;
9. n’avoir qu’un cœur avec le Cœur de Notre-Dame ;
10. rendre tous les jours quelque honneur au Cœur royal de la souveraine
Dame de l’univers ;
11. avoir recours au Cœur de Notre-Dame dans toutes nos affaires ;
12. célébrer les fêtes de la Vierge Marie avec une dévotion toute particulière.
Livre douzième
Le divin Cœur de Jésus
Le Cœur de Notre-Dame n’ayant pour but que de nous conduire au Cœur de
Notre-Seigneur, c’est par ce dernier que saint Jean Eudes conclut son ouvrage.
Ce dernier livre est consacré en grande partie à expliquer cette pensée de
saint Bernardin de Sienne, que le Cœur du divin Maître est une fournaise
d’amour destinée à embraser l’univers.
Il se termine par deux séries de méditations pour la fête et l’octave du Cœur
de Jésus.
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