SdT53 - Jean-Paul II
SdT53 - Jean-Paul II
SdT53 - Jean-Paul II
par Dominicus
1 — DC 2230, p. 672.
2 — DC 2230, ibid., p. 673.
56 É T U D E S
Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Si l’on
fait ce que je vais vous dire, beaucoup d’âmes seront sauvées et l’on aura la paix.
La guerre va finir. Mais si l’on ne cesse d’offenser Dieu, sous le règne de Pie XI, il
en commencera une autre, pire encore. [...] Afin de l’empêcher, je viendrai de-
mander la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé et la communion ré-
paratrice des premiers samedis. Si l’on écoute mes demandes, la Russie se
convertira et l’on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs à travers le
monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Les bons se-
ront martyrisés, le Saint-Père aura beaucoup à souffrir, plusieurs nations seront
anéanties. A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. Le Saint-Père me consa-
crera la Russie qui se convertira, et un certain temps de paix sera accordé au
monde.
Comme elle l’avait promis, Notre-Dame est revenue quelques années plus
tard pour demander la consécration de la Russie. Ce fut le 13 juin 1929, à Tuy en
Espagne, au couvent des sœurs Dorothée où Lucie était entrée :
Le moment est venu où Dieu demande au Saint-Père de faire, en union avec
tous les évêques du monde, la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé,
promettant de la sauver par ce moyen. Elles sont si nombreuses, les âmes que la
justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi, que je viens de-
mander réparation. Sacrifie-toi à cette intention et prie.
La très sainte Vierge indique donc très clairement que ce n’est pas le monde
ni un autre pays qu’il faut consacrer à son Cœur Immaculé, mais la seule
Russie.
On ne trouve d’ailleurs pas de demande explicite d'autre consécration dans
tout l'ensemble des messages de Fatima, Pontevedra et Tuy, reçus entre 1917 et
1929 par sœur Lucie. Et sœur Lucie est absolument sûre d’avoir rapporté exac-
tement les paroles de Notre-Dame. Le père Alonso, le grand spécialiste officiel
de Fatima, l’atteste :
Effectivement, Lucie, en 1917, ne connaissait pas la réalité géographico-poli-
tique de la Russie, elle n'en connaissait pas même le nom. Interrogée par son di-
recteur, le père Gonçalves, pour savoir comment il se faisait qu'elle connaissait la
Russie ou qu'elle se souvenait du nom de la Russie, pour pouvoir dire ce que
Notre-Dame lui avait demandé dans l'apparition de juillet, Lucie répondit :
« J'avais uniquement entendu parler des Galiciens et des Espagnols ; et je ne sa-
vais le nom d'aucune autre nation. Mais ce que nous percevions au cours de ces
apparitions de Notre-Dame restait tellement gravé en nous-mêmes qu'on ne l'ou-
bliait jamais. C'est pour cela que je sais bien, et avec certitude, que Notre-Dame a
parlé expressément de la Russie en juillet 1917 » (Por eso es que yo sé bien, y con cer-
teza, que Nuestra Señora hablo expresamente de Rusia, en julio de 1917) 1.
1 — Père Joaquin Maria ALONSO , Fatima ante la esfinge el mensaje escatologico de Tuy, Éd.
Sol de Fatima, Madrid, 1979, p. 92. Cet ouvrage n’a jamais été traduit en français. — Le
père Joaquin-Maria Alonso (1913-1981), clarétain espagnol, est certainement le spécialiste le
plus autorisé des apparitions de Fatima. En 1966, Mgr Venancio, évêque de Leiria-Fatima,
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Dans tous ses écrits, sœur Lucie elle-même, lorsqu’elle parle de la consécra-
tion, ne mentionne que la Russie. On le voit par exemple dans la lettre qu’elle a
envoyée au pape Pie XI en mars 1937, où elle unit d’ailleurs la consécration de
la Russie à la dévotion réparatrice des premiers samedis :
Le bon Dieu promet de mettre fin à la persécution en Russie, si votre Sainteté
daigne faire, et ordonne à tous les évêques du monde catholique de faire égale-
ment, un acte solennel et public de réparation et de consécration de la Russie aux
très saints Cœurs de Jésus et de Marie, et si votre Sainteté promet, moyennant la
fin de cette persécution, d’approuver et de recommander la pratique de la dévo-
tion réparatrice indiquée ci-dessus 1.
Pourquoi la Russie ?
La Russie est le plus grand pays du globe, avec actuellement plus de dix-sept
millions de kilomètres carrés et cent quarante-six millions d’habitants. Des dis-
tances inouïes séparent les limites extrêmes de ce territoire : dix mille kilomètres
entre Vladivostok à l’est, et la frontière polonaise à l’ouest (onze fuseaux ho-
raires) ; deux mille du nord au sud. Une vingtaine de peuples aux langues di-
verses l’habitent, constituant comme un résumé de l’humanité. En bref, on peut
dire que la Russie est, sur terre, le plus grand empire disposant de la continuité
territoriale 2.
Déjà au XIX e siècle, Dom Guéranger écrivait :
La puissance des slaves séparés de l’unité catholique grandit chaque jour. De
jeunes nations, émancipées du joug musulman, se sont formées dans la presqu’île
des Balkans, [...] la direction morale et religieuse de ces nations ressuscitées ap-
partient à la Russie. Profitant de ces avantages avec une habileté constante, elle
développe sans cesse son influence en Orient. Du côté de l’Asie, ses progrès sont
plus prodigieux encore. Le tsar qui, à la fin du XVIIIe siècle, commandait seule-
ment à trente millions d’hommes, en gouverne aujourd’hui cent vingt-cinq ; et
par la seule progression normale d’une population exceptionnellement féconde,
avant un demi-siècle l’empire comptera plus de deux cents millions de sujets.
WENGER, Rome et Moscou, 1900-1950, Paris, DDB, 1987, p. 18, au sujet du père d’Alzon qui
remit à Pie IX en 1878 un Mémoire sur un essai d’évangélisation en Russie.
1 — Il est important de noter ici que Notre-Dame n’a pas parlé de la « conversion des
Russes », mais de la « conversion de la Russie », désignant ainsi ce pays en tant qu’entité
politique et sociale. Il s’agit donc, non seulement d’une conversion de la majorité de la
population – préalable nécessaire à tout redressement – mais aussi d’une régénération de
toutes les institutions de la Russie qui deviendra un authentique pays de chrétienté.
2 — On s’attendrait à touver le mot conversion. Il semble qu’il s’agisse d’un lapsus calami
de sœur Lucie.
3 — Lettre reproduite par le père. A.M. M ARTINS S.J. dans Memórias e cartas da irmã
Lúcia, Porto, L.E., 1973, p. 415. Dans cet ouvrage, les lettres de sœur Lucie sont présentées
en langue portugaise, française et anglaise. Le texte original portugais indique mas será
tarde : « mais il sera tard ». Une grossière erreur, que l’on retrouve parfois dans certains
ouvrages, met dans les traductions française et anglaise : « ce sera trop tard, it will be too
late ». Sœur Lucie écrira à Mgr da Silva le 29 août 1931 : « Jamais il ne sera trop tard pour
recourir à Jésus et à Marie » (lettre citée par le père ALONSO dans Marie sous le symbole du
cœur, ibid., p. 43).
Notre-Seigneur veut glorifier aux yeux du monde celle qu’il s’est associée
pour accomplir l’œuvre de notre salut. C’est tout le sens de la dévotion répara-
trice des premiers samedis, qui a pour but de réparer les péchés commis contre
le Cœur de Marie ; c’est aussi celui de la consécration de la Russie à ce même
Cœur ; et c’est enfin le sens de l’attribution qui lui est faite de la victoire finale :
« A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera. »
Ce cœur par lequel la première étape de notre salut a commencé (le Fiat de
Marie au jour de l’Annonciation) est maintenant la dernière chance offerte à
l’humanité pour son salut.
Si les hommes répondent au triple appel de Fatima (conversion personnelle,
dévotion réparatrice, consécration de la Russie), la justice divine qui punit ac-
tuellement le monde par la guerre, les calamités et toutes sortes de persécutions
contre l’Église, fera place à la miséricorde qui arrêtera aussitôt toutes ces
épreuves et accordera un certain temps de paix. Tant que les hommes resteront
sourds aux appels du Ciel, ces malheurs continueront et s’accroîtront.
La manière dont la communion réparatrice et la consécration de la Russie
obtiendront cette prodigieuse effusion de la miséricorde divine, peut être com-
parée à celle des indulgences 1 : les actes demandés par la Vierge Marie sont
comme des conditions à accomplir pour obtenir une indulgence aux dimensions
du monde.
La consécration de la Russie renvoie à la théologie de l’Alliance : « Si vous
conservez mon Alliance, dit Yahweh aux Hébreux, [...] vous serez pour moi un
royaume de prêtres et une nation consacrée » (Ex 19, 5-6). Et Notre-Seigneur, au
moment de s’offrir à son Père dans le sacrifice de la nouvelle Alliance, dit à ses
disciples : « Pour eux, je me consacre 2 moi-même, afin qu’ils soient eux aussi
consacrés en vérité » (Jn 17, 19). Consacrer, sanctifier, sont des mots synonymes.
La consécration donne à Dieu, c’est-à-dire sanctifie ; elle fait appartenir à Dieu
et participer à sa sainteté. En consacrant la Russie au Cœur Immaculé de Marie,
et par lui à Notre-Seigneur, le pape la livrerait à l’action de la Miséricorde ré-
demptrice, engageant ce pauvre pays sur le chemin de la conversion et de la
sanctification. On comprend que la Russie, qui a été le symbole de l’indépen-
dance à l’égard de Dieu et l’instrument actif en même temps que la première
victime du processus d’athéisation du monde moderne, ait besoin, pour être
guérie, d’une consécration spéciale qui la remettra dans la voie de dépendance
dont elle n’aurait jamais dû s’écarter. Cette consécration ayant lieu par Marie,
1 — Sur la question des indulgences, on peut se reporter au Sel de la terre 46 (p. 23-53) et
48 (p. 79-118).
2 — La Vulgate de saint Jérôme traduit sanctifico meipsum, je me sanctifie moi-même.
Mais l’original grec emploie le mot de consécration. Les commentateurs s’accordent à
reconnaître que c’est en ce sens que Notre-Seigneur s’est offert pour ses disciples. Il s’est
consacré comme victime afin qu’eux soient consacrés en vérité, c’est-à-dire pleinement (voir
par exemple le commentaire de la Bible par les abbés Pirot et Clamer, sur ce verset de
l’Évangile selon saint Jean).
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1 — L ÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, dans Lettres apostoliques de S.S.
Léon XIII, Paris, Bonne Presse, sans date, t. VI, p. 27 et 31.
2 — Nous avons résumé ici un article du père JOSEPH DE S AINTE-MARIE O.C.D.,
« Réflexions sur un acte de consécration », paru dans la revue Marianum XLIV (Rome,
1982). Nous ne partageons pas toutes les considérations de l’auteur, mais les réflexions que
nous avons extraites nous paraissent les plus profondes qui aient été écrites sur ce sujet.
Le refus de Pie XI
C’est entre septembre 1930 et août 1931 que Pie XI eut certainement connais-
sance des demandes du Ciel concernant la dévotion réparatrice et la consécra-
tion de la Russie 1.
Cependant, à la suite des démocraties occidentales, le pape Pie XI s’était en-
gagé, dès 1922, dans une politique d’ouverture à l’Est qu’avait déjà esquissée
Benoît XV 2. Il aura d’ailleurs ces paroles étonnantes : « Quand il s’agit de sau-
ver les âmes, de prévenir de grands maux capables de les perdre, Nous Nous
sentons le courage de traiter même avec le diable en personne 3. » Ce n’est ce-
pendant pas ce qu’avait demandé la sainte Vierge.
Il ne répondit que par le silence à la demande de consécration de la Russie. Il
arrêta même de faire allusion aux apparitions de Fatima à partir de 1930-1931.
C’est à la suite de ce refus du pape Pie XI, qu’en août 1931, à Rianjo 4, Notre-
Seigneur dira à sœur Lucie dans une communication intime :
Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de
France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le mal-
heur 5.
Une nouvelle tentative eut lieu vers la fin de mars 1937 : Mgr Correia da
Silva, évêque de Leiria-Fatima, écrivit directement au pape. Ce dernier venait
d’écrire la magnifique encyclique Divini Redemptoris (19 mars 1937). Éclairé,
semble-t-il, par ses échecs dans ce qu’il appelait le « terrible triangle », il terribile
triangolo 1, le pape changeait d’attitude et déclarait fermement :
Le communisme est intrinsèquement pervers, et l’on ne peut admettre sur au-
cun terrain la collaboration avec lui de la part de quiconque veut sauver la civili-
sation chrétienne 2.
Le moment pouvait donc paraître favorable à la consécration de la Russie.
Mais un silence semblable à celui de 1930-1931 fut la seule réponse.
Il est certain que, si le pape avait obéi aux demandes du Ciel, la Russie se se-
rait convertie, et ni la Seconde Guerre mondiale ni l’expansion effrayante du
communisme ne se seraient produites.
Loin de là, c’est sous le pontificat de Pie XI que Moscou commença à donner
des directives à tous les partis communistes pour qu’ils envoient des sujets dans
les séminaires catholiques afin d’infiltrer l’Église et de la miner de l’intérieur 3.
Il est dangereux d’ignorer les plans de salut donnés par le Ciel, et les ma-
nœuvres de l’ennemi.
convergents, c’est aussi dans les années 1930 que commença l’infiltration communiste dans
les séminaires (voir infra).
1 — Ce « triangle » était composé de la Russie (où la diplomatie de Pie XI n’avait pas
arrêté les persécutions), du Mexique (où cette même diplomatie avait livré les Cristeros à
une fin tragique) et de l’Espagne qui sombrait dans l’horreur.
2 — PIE XI, lettre encyclique Divini Redemptoris, dans Actes de S.S. Pie XI, Paris, Bonne
Presse, sans date, t. XV, p. 83. — Ce passage est curieusement omis dans l’édition des
Enseignements pontificaux de Solesmes, Paris, Desclée, 1952, volume intitulé La paix intérieure
des nations. On ne le trouve pas non plus dans le Denzinger de 1957, ni dans le Denzinger–
Schönmetzer de 1976 (tous deux ne citent que de courts passages de cette encyclique).
3 — Des anciens communistes ont témoigné du fait, tant aux États-Unis (Bella Dodd :
« Dans les années 1930, nous avons poussé 1100 hommes à entrer dans les séminaires pour
détruire l’Église de l’intérieur » ; Douglas Hyde ; etc.) qu’en France (Henri Barbé [1901-
1966] ; Albert Vassart [1898-1958], etc.). Voir Le Sel de la terre 45, p. 207-208 et 27, p. 188-
190 ; Itinéraires 227, p. 151 ; Catholic Family News, août 1991. — De ces événements, Marie
CARRÉ a tiré un roman célèbre : ES 1025, ou les mémoires d’un anti-apôtre, Chiré-en-
Montreuil, Éditions de Chiré, 1978. — Plus tard, en 1945, ce sera la fondation du
groupement « Pax » par le général Serov, chef des services secrets soviétiques, avec mission
de s’infiltrer dans toute l’Église catholique à partir de la Pologne (voir L’affaire Pax en France,
supplément au n° 86 d’Itinéraires). Le budget de Pax fut d’ailleurs doublé au moment du
Concile (voir Itinéraires 79, p. 55-57) et le groupement contribua aux attaques lancées à cette
époque contre la Curie romaine (voir Itinéraires 88, p. 14-18).
Sur l'initiative de Mgr Manuel Ferreira, évêque titulaire de Gurza, les direc-
teurs spirituels de Lucie décidèrent, en septembre et octobre 1940, de tenter une
nouvelle démarche auprès du Saint-Père, en présentant une requête jugée plus
facilement réalisable : celle de la consécration du monde, avec une mention spé-
ciale de la Russie 1. Mgr Ferreira ordonna à Lucie d'écrire elle-même au pape
Pie XII, en formulant cette demande nouvelle, qui n'était pas celle de Notre-
Dame, et qui la plongea dans une grande perplexité. Pour trouver la lumière,
Lucie recourut à une prière plus instante. Voici le récit qu'elle en fit :
22 octobre 1940. J'ai reçu une lettre du R.P. Gonçalves et de l'évêque de Gurza
m'ordonnant d'écrire à Sa Sainteté... Dans ce but, j'ai passé deux heures devant
Notre-Seigneur exposé [et j’ai eu la révélation suivante] :
« Prie pour le Saint-Père, sacrifie-toi pour que son cœur ne succombe pas sous
l'amertume qui l'oppresse. La tribulation continuera et augmentera. Je punirai les
nations de leurs crimes, par la guerre, par la famine et par la persécution contre
mon Église qui pèsera spécialement sur mon Vicaire sur la terre. Sa Sainteté ob-
tiendra que ces jours de tribulation soient abrégés si elle obéit à mes désirs en fai-
sant l'acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie du monde entier avec
une mention spéciale de la Russie » 2.
Cette révélation d'octobre 1940 et celles qui furent faites à Alexandrina Maria
da Costa, apparaissent donc comme un ultime moyen de rattrapage, présenté
par la miséricorde divine devant la désobéissance persistante de l'autorité su-
prême de l'Église au message de Fatima. A cette demande nouvelle et secon-
daire, est promis un fruit nouveau, bien inférieur aux trois fruits de la demande
1 — PIE XII, Radiomessage au peuple portugais à l’occasion des solennités célébrées en l’honneur
de Notre-Dame de Fatima, dans Documents pontificaux de Sa Sainteté Pie XII, Éd. Saint-
Augustin/Saint Maurice, 1962, p. 275 et 276.
2 — Décret de la sacrée congrégation des Rites du 4 mai 1944, AAS, 1945, p. 37-52.
3 — Lettre de sœur LUCIE du 28 février 1943 à l’évêque de Gurza.
4 — Lettre de sœur LUCIE du 4 mai 1943 au père Gonçalves.
1 — Voir frère MICHEL DE LA SAINTE-TRINITÉ, Toute la vérité sur Fatima, ibid., t. 3, p. 94-
97.
2 — C’est une intervention spéciale de Notre-Dame, à L’Ile-Bouchard, qui sauva la
France du communisme en 1947 (voir l’article de M. Paul CHAUSSÉE dans le présent
numéro du Sel de la terre).
3 — Cette apparition a été relatée à la page 440 de l’ouvrage Il Pellegrinaggio delle
Meraviglie, publié sous les auspices de l’épiscopat italien à Rome en 1960. Le même livre
affirme que le message fut transmis au pape en juin. Le chanoine Barthas mentionne le
même fait dans sa communication au congrès mariologique de Lisbonne-Fatima en 1967 :
« De primordiis cultus mariani », Acta congressus mariologici in Lusitania anno 1967 celebrati,
Rome, 1970, p. 517 (voir frère MICHEL DE LA SAINTE-TRINITÉ, Toute la vérité sur Fatima, t. 3,
ibid., p. 217, note 1).
4 — PIE XII, Lettre apostolique Sacro vergente anno, 7 juillet 1952, dans Documents
pontificaux de S.S. Pie XII, Saint-Maurice, Éd. Saint-Augustin, 1955, p. 300.
5 — Lettre citée par le père ALONSO et reproduite dans l’ouvrage collectif Marie sous le
symbole du cœur, ibid., p. 56.
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Après Pie XII, les choses se compliquèrent encore dans la mesure où des
papes à l’esprit libéral et moderniste accédèrent au siège de Pierre. Plus que ja-
mais allait se réaliser l’avertissement de Notre-Seigneur :
Fais savoir à mes ministres, étant donné qu’ils suivent l’exemple du roi de
France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le mal-
heur. [Notre-Seigneur à sœur Lucie, août 1931.]
L’Église entrait dans une crise qui n’a connu aucun précédent dans toute
l’histoire 1, et qui était le châtiment de sa hiérarchie.
Imbus des idées modernes, les nouveaux papes ne pouvaient qu’être très mal
à l’aise avec le message authentiquement catholique de la Vierge Marie à
Fatima.
1 — Le pape saint Pie X l’a démontré magistralement dans son encyclique Pascendi où il
constate que le modernisme est l’« égout collecteur de toutes les hérésies. »
2 — Jean XXIII, discours d’ouverture du Concile, 11 octobre 1962 (JEAN XXIII et
PAUL VI, Discours au Concile, Paris, Centurion, 1966, p. 60. — Jean XXIII confiera : « Par-
dessus tout, je suis reconnaissant au Seigneur du tempérament qu’il m’a donné et qui me
préserve d’inquiétudes et de frayeurs inutiles » (Jean XXIII, Journal de l’âme, Paris, Cerf,
1964, p. 460).
3 — On savait en effet que la Vierge Marie avait demandé la révélation de ce secret
pour cette année-là. Voir le frère MICHEL DE LA SAINTE -T RINITÉ, Toute la vérité sur Fatima,
t. 3, ibid., p. 312-319.
4 — On peut se référer au livre du frère FRANÇOIS DE MARIE-DES-A NGES, Jean-Paul, 1er,
le pape du secret (Toute la vérité sur Fatima, t. 4), Saint-Parres-lès-Vaudes, CRC, 2003, p. 65-68.
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Paul VI : l’Ostpolitik
Le Concile ne condamne pas le communisme
Jean XXIII était mort avant la fin du Concile. Paul VI le mena à son terme en
confirmant bien sûr les accords Rome-Moscou : il n’allait pas désavouer une po-
litique dont il était l’un des plus ardents promoteurs depuis 1942.
Aussi, lorsqu’en octobre 1965 Mgr Lefebvre remit au secrétariat du Concile
une supplique rédigée par Mgr Carli, signée par 454 évêques, et demandant
d’insérer une condamnation du communisme dans la constitution Gaudium et
spes sur l’Église dans le monde, la pétition ne fut pas prise en considération.
Écoutons Mgr Lefebvre lui-même nous rapporter les faits :
1 — On trouvera les documents précis sur cette question dans : Ulisse FLORIDI, Moscou et
le Vatican, Paris, France-Empire, 1979. — Bernard TISSIER DE MALLERAIS, Marcel Lefebvre,
une vie, Étampes, Clovis, 2002, p. 323-324. — Itinéraires n° 70 (février 1963), p. 177-178 ;
n° 72 (avril 1963), p. 43 ; n° 84 (juin 1964), p. 39-40 ; n° 280 (février 1984), p. 1-11 ; n° 285
(juillet-août 1984), p. 151 et s.
2 — Mgr ROCHE , lettre à Jean Madiran, publiée dans Itinéraires 285, p. 154.
3 — Voir Ulisse FLORIDI, Moscou et le Vatican, ibid., p. 232-233 et 292.
Paul VI ne cacha pas son mépris pour Fatima. Le mot n’est pas trop fort. Il se
rendit bien à la Cova da Iria le 13 mai 1967 pour le cinquantenaire des appari-
tions, mais ce fut un simple aller et retour dans la journée. Il n’y célébra qu’une
messe basse en portugais devant le million de pèlerins qui étaient présents, re-
fusa l’entretien que sœur Lucie lui demanda et n’alla pas prier à la Capelinha
comme le programme le prévoyait. Dans son sermon, il exhorta l’humanité à
œuvrer pour la paix sans faire aucune allusion au message de Notre-Dame.
Robert Serrou écrira que Paul VI s’était rendu à Fatima parce qu’« il était sûr de
trouver là l’une des plus extraordinaires tribunes du monde d’où il pourrait
faire entendre sa voix sur la surface de la terre 1. » Mais ce fut pour y prêcher
une paix toute humaine comme il fit à l’ONU, car ses plans étaient autres que
ceux du Ciel 2.
D’ailleurs, dans sa réforme liturgique, Paul VI a relégué la fête du Cœur
Immaculé de Marie – que Pie XII avait élevée au rang de seconde classe – à une
place de simple mémoire 3.
Développement de l’Ostpolitik
janvier 1978 : que les catholiques et les croyants de toutes confessions « puissent
bénéficier » de l’espace de liberté dû à leur foi dans ses expressions tant person-
nelles que communautaires. Cette requête solennelle sembla avoir la valeur pro-
phétique d’une consigne morale donnée par Paul VI à son successeur 1.
On négociait donc de plus belle avec le démon. Ce n’est pas ce que le Ciel
avait demandé et cela ne put aboutir. Un archevêque tchécoslovaque, Mgr
Hnilica, eut le courage de faire une réponse cinglante au livre du cardinal
Casaroli. Ce dernier méritait-il vraiment le titre de martyr de la patience que les
éditeurs lui avaient donné pour honorer son auteur ?
Il me paraît tout à fait inapproprié et injuste d’utiliser le mot martyr pour ho-
norer certains qui ne furent point martyrs et qui, par le biais d’actions diploma-
tiques sophistiquées et à l’issue improbable, contribuèrent de facto à aggraver de
manière notable le vrai martyre des vrais martyrs. [...] Le témoignage de tous les
vrais martyrs est singulier, de ce point de vue. Selon eux, leurs souffrances se
trouvèrent largement accrues par l’action de ceux de qui ils attendaient appui et
soutien 2.
Jean-Paul Ier
Le pontificat de 33 jours de Jean-Paul Ier ne lui laissa pas le temps de faire
quelque chose pour répondre aux demandes de Notre-Dame.
Archevêque de Venise, il avait manifesté une grande attention et dévotion
envers les événements de Fatima. Il avait même rencontré longuement sœur
Lucie le 11 juillet 1977, lors d’un pèlerinage diocésain 3.
Il faut souligner que Jean-Paul Ier avait pleinement accepté le Concile. Il disait
de la liberté religieuse : « Pendant des années, j’avais enseigné la thèse que
j’avais apprise au cours de droit public donné par le cardinal Ottaviani, selon
laquelle seule la vérité avait des droits. J’ai étudié à fond le problème et, à la fin,
je me suis convaincu que nous nous étions trompés 4. » Faisant allusion aux
1 — On voit ici la continuité sans faille d’une politique inaugurée par Montini dès 1942.
Ces lignes du cardinal Sodano sont extraites de la présentation qu’il fit à la presse et à de
hautes autorités politiques, le 27 juin 2000, du livre posthume du cardinal Casaroli (décédé
en juin 1998) : Il martirio della pazienza. La Santa Sede e i paesi communisti (1963-1989),
Einaudi editore. — M. Mikhaïl Gorbatchev, dernier président de l’URSS avant l’ouverture
du Mur de Berlin, assistait à cette conférence dont on trouve le texte dans la DC des 6 et 20
août 2000, n° 2231, p. 721 à 724.
2 — Mgr HNILICA, dans un article publié par Pro Deo et Fratribus, n° 40-41, de mars-avril
2001.
3 — Le cardinal Luciani publia un compte-rendu de sa visite dans l’hebdomadaire
catholique vénitien Gente veneta du 23 juillet 1977 (texte intégral dans le livre du frère
François de Marie-des-Anges, Jean-Paul Ier, le pape du secret, ibid., p. 321-322).
4 — Cité par le frère FRANÇOIS DE M ARIE- DES-ANGES , Toute la vérité sur Fatima, t. 4,
Saint-Parres-lès-Vaudes, CRC, 2003, p. 343.
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Tentatives de consécration
A l’occasion de la publication du troisième secret de Fatima en 2000, Mgr
Bertone, secrétaire de la congrégation pour la Doctrine de la foi, fit le récit des
tentatives de consécration faites par Jean-Paul II. C’est la version officielle du
Vatican.
Nous regroupons les consécrations de 1981 et de 1982 car les textes sont
identiques.
Jean-Paul II a demandé l'enveloppe contenant la troisième partie du « secret »
après l'attentat du 13 mai 1981. [...]
Comme on le sait, le pape Jean-Paul II pensa aussitôt à la consécration du monde
au Cœur Immaculé de Marie et composa lui-même une prière pour ce qu'il défi-
nit comme « un acte de consécration » à célébrer dans la basilique Sainte-Marie-
Majeure, le 7 juin 1981, solennité de la Pentecôte, jour choisi pour rappeler le
1600e anniversaire du premier concile de Constantinople et le 1550e anniversaire
du concile d'Éphèse. Le pape étant par force absent 1, on transmit son allocution
enregistrée. Nous donnons le texte qui se réfère exactement à l'acte de consécra-
tion :
« Mère des hommes et des peuples, toi 2 qui connais toutes leurs souffrances et
leurs espérances, toi qui ressens d'une façon maternelle toutes les luttes entre le
bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille
l'appel que, dans l'Esprit-Saint, nous adressons directement à ton cœur, et em-
brasse dans ton amour de Mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont le plus
besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d'une façon parti-
culière qu'ils s'en remettent à toi. Prends sous ta protection maternelle toute la fa-
mille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô
notre Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de
la vérité, de la justice et de l'espérance » 3.
couent le monde contemporain, reçois l'appel que, mus par l'Esprit-Saint, nous
adressons directement à ton Cœur, et avec ton amour de mère et de servante du
Seigneur, embrasse notre monde humain, que nous t'offrons et te consacrons, pleins
d'inquiétude pour le sort terrestre et éternel des hommes et des peuples. Nous
t'offrons et te consacrons d'une manière spéciale les hommes et les nations qui
ont particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration. Sous l'abri
de ta miséricorde, nous nous réfugions, sainte Mère de Dieu ! Ne rejette pas nos
prières alors que nous sommes dans l'épreuve !
« Devant toi, Mère du Christ, devant ton Cœur immaculé, nous voulons au-
jourd'hui, avec toute l'Église, nous unir à la consécration que ton Fils a faite de
lui-même à son Père, par amour pour nous : “Pour eux, a-t-il dit, je me consacre
moi-même, afin qu'ils soient eux aussi consacrés en vérité” (Jn 17, 19). Nous vou-
lons nous unir à notre Rédempteur en cette consécration pour le monde et pour les
hommes, laquelle, dans le cœur divin, a le pouvoir d'obtenir le pardon et de pro-
curer la réparation.
« La puissance de cette consécration dure dans tous les temps, elle embrasse
tous les hommes, peuples et nations, elle surpasse tout mal que l'esprit des té-
nèbres est capable de réveiller dans le cœur de l'homme et dans son histoire, et
que, de fait, il a réveillé à notre époque.
« Combien profondément nous sentons le besoin de consécration pour l'hu-
manité et pour le monde, pour notre monde contemporain, dans l'unité du Christ
lui-même ! A l'œuvre rédemptrice du Christ, en effet, doit participer le monde
par l'intermédiaire de l'Église. [...]
« Aide-nous 1 à vivre dans la vérité de la consécration du Christ pour toute la
famille humaine du monde contemporain ! En te confiant, ô Mère, le monde, tous
les hommes et tous les peuples, nous te confions aussi la consécration même du
monde 2 et nous la mettons dans ton cœur maternel » 3.
Cette consécration fut-elle celle que la Vierge Marie avait demandée ?
Tout d’abord, Jean-Paul II, en union avec les évêques, a consacré le monde, il
le répète même plusieurs fois, sans allusion, même voilée, à la Russie 4. Dans
l’homélie de la messe qu’il célébra le matin même à Rome, le pape dit claire-
ment son intention :
Accomplir une fois de plus ce que mes prédécesseurs ont déjà fait : confier le
monde au Cœur de la Mère.
Tout le monde sait que ses prédécesseurs n’ont pas consacré la Russie au
Cœur Immaculé. D’ailleurs un seul de ses prédécesseurs a fait une consécration
Après la Perestroïka
Le Vatican s’oppose à la consécration de la Russie
Le Saint-Père considère qu’elle a été faite, au mieux des possibilités, selon les
circonstances. Faite sur le chemin étroit de la consécration collégiale que [Notre-
Dame] a demandé et qu’elle désirait ? Non, cela n’a pas été fait 1.
Sœur Lucie dit clairement ici que :
— c’est le pape qui considère que la consécration a été faite ;
— celle-ci ne correspond pas aux demandes exactes de Notre-Dame.
Ce texte est important, car c’est la dernière fois que sœur Lucie affirme que la
Russie n’a pas été consacrée comme la sainte Vierge l’a demandé.Il semble
qu’ensuite, à partir de juin, sœur Lucie ait fini par dire que la consécration a été
accomplie 2.
En 2000, à l’occasion de la publication de la troisième partie du secret de
Fatima, Mgr Bertone alla beaucoup plus loin dans le document que nous avons
déjà cité :
Sœur Lucie confirma personnellement que cet acte solennel et universel de
consécration [de 1984] correspondait à ce que voulait Notre-Dame (“Sim, està
feita, tal como Nossa Senhora a pediu, desde o dia 25 de Março de 1984” : “Oui, cela a
été fait, comme Notre-Dame l'avait demandé, le 25 mars 1984” ; lettre du 8 no-
vembre 1989). C'est pourquoi toute discussion, toute nouvelle pétition est sans
fondement 3.
Pourtant il est clair que la consécration telle que l’a demandée Notre-Dame n’a
pas été faite. Sœur Lucie aurait-elle fini par se persuader que le Ciel avait ac-
cepté l’acte incomplet de 1984 ? Différentes causes pourraient expliquer son
changement de discours : la pression des autorités vaticanes, la chute du rideau
de fer, l’arrêt des persécutions physiques 4 en Russie et une totale désinforma-
tion sur la situation réelle de ce pays. En tous cas, la nouvelle attitude de la
voyante permettait à Rome de faire passer la Perestroïka comme le résultat de la
consécration de 1984 5 et d’en attribuer la gloire à Jean-Paul II. Cette interpréta-
1 — Voir frère FRANÇOIS DE MARIE-DES-A NGES, Fatima, joie intime, ibid., p. 374.
2 — Le frère FRANÇOIS DE MARIE -DES-ANGES, dans Jean-Paul Ier, le pape du secret, Saint-
Parres-lès-Vaudes, CRC, 2003, p. 451, donne un certain nombre de témoignages allant en
ce sens. L’abbé Caillon affirme : « Le pape dit que la consécration est faite. Il force Lucie à
dire comme lui. »
3 — DC, 16 juillet 2000, ibid., p. 673.
4 — Une persécution morale et administrative sévit toujours contre le catholicisme en
Russie, nous en parlons plus bas. N’oublions pas que les persécutions physiques continuent
en Chine et en Corée du Nord, par exemple. Voir en particulier, de Harry WU : Retour au
Laogai, La vérité sur les camps de la mort dans la Chine d’aujourd’hui, Paris, Belfond, 1996.
5 — Cette thèse est défendue aussi par les ralliés. Ainsi, dans La Nef n° 158, de mars
2005, dans un article intitulé : « In memoriam. Sœur Lucie », Alain de Penanster n’hésite pas
à écrire : « En 1985, [sœur Lucie] a répondu qu’enfin la condition [posée par Notre-Dame
pour convertir la Russie] était réalisée et que Marie était satisfaite. Alors arrivèrent en
Russie Gorbatchev et la Perestroïka. La conversion de la Russie pouvait commencer. »
Signalons d’abord une grossière erreur chronologique : c’est à partir de 1989, et non 1985
— donc après le début de la Perestroïka et non avant — que sœur Lucie commença à
changer de discours. D’autre part, Alain de Penanster semble ignorer la situation actuelle de
la Russie : nous allons voir un peu plus bas ce qu’il en est de la « conversion » de ce pays.
1 — Le cardinal Ratzinger l’affirme clairement : « Avant tout, nous devons affirmer avec
le cardinal Sodano : “Les situations auxquelles fait référence la troisième partie du secret de
Fatima semblent désormais appartenir au passé”. » (DC 2230, 16 juillet 2000, p. 683.)
2 — Nous pouvons signaler ici l’action persévérante et courageuse du père Nicholas
Grüner, directeur de la revue Fatima Crusader. (Voir Le Sel de la terre 39, p. 249.)
3 — ORLF, 1er janvier 2002, p. 6.
4 — Ce fascicule a été reproduit par la DC 2230, ibid.
5 — DC, ibid., p. 679. — Nous avons déjà remarqué que le père Dhanis était le principal
responsable du discrédit jeté à Rome sur l’authenticité du message de Fatima.
6 — Le cardinal mélange les choses. La vision de l’enfer ou celle du troisième secret
peuvent avoir été causées par Dieu dans l’imagination des enfants, ce qui ne veut pas dire
qu’elles seraient une invention de leur part. Mais il est grave de prétendre qu’il en serait
ainsi pour l’apparition de Notre-Dame elle-même : que fait-il des phénomènes
atmosphériques que tout le monde a pu constater, et surtout du miracle du soleil perçu par
70 000 témoins, dont de nombreux incroyants ? (Le cardinal ne fait d’ailleurs aucune
allusion à ce miracle dans son texte.) Sœur Lucie devra même porter des lunettes toute sa
vie en raison de la brûlure causée à ses yeux par la lumière de l’apparition elle-même. Voir
Le Sel de la terre 43 (éditorial) et, dans le présent numéro, l’article sur le renouveau
miraculeux du Portugal (paragraphe sur les phénomènes atmosphériques entourant les
apparitions).
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conclusion du secret rappelle des images que sœur Lucie peut avoir vues dans
des livres de piété et dont le contenu provient d’anciennes intuitions de foi 1.
On ne peut mieux mettre le doute sur les apparitions et le message de Fatima.
Comment sœur Lucie a-t-elle pu approuver un tel texte ? Ou bien il est faux
qu’elle ait confirmé « tout ce qui y a été dit », ou bien elle ne l’a fait que par
obéissance.
Quoi qu’il en soit du mystère entourant le témoignage de sœur Lucie à partir
de 1989, et que sa mort laisse maintenant entier 2, il faut de toutes façons appli-
quer le conseil de Notre-Seigneur : « On reconnaît l’arbre à ses fruits » (Mt 12,
33). Si le Ciel a accepté la consécration de 1984, on devrait en voir les fruits.
Qu’en est-il après vingt ans ?
1 — Il s’agit de l’édition portugaise. L’édition en langue française n’a été faite qu’en
2003.
2 — C’est nous qui soulignons. On note que sœur Lucie place même cela en premier.
(NDLR.)
3 — Sœur LUCIE, Appels du message de Fatima, Fatima, Éd. Secrétariat des Pastoureaux,
2003, p. 94. Les éditeurs de l’ouvrage n’ont cependant pas hésité à reproduire une
photographie de l’acte de 1984 avec la légende suivante : « Sur la place Saint-Pierre à
Rome, le pape Jean-Paul II, devant la statue de la Capelinha et en union avec tous les
évêques de l’Église, consacre le monde et la Russie au Cœur Immaculé de Marie le 25 mars
1984. » Mêmes photographie et légende dans les Mémoires de sœur Lucie éditées par le
Secrétariat des Pastoureaux à Fatima en 2003 (édition française).
4 — JEAN-PAUL II, « Le rêve d’un monde libéré des guerres », ORLF, 9 septembre 2003,
p. 1-2. Nous avons commenté ce texte dans Le Sel de la terre 47, p. 248-253.
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Cela fait donc peur de regarder le monde d’aujourd’hui, avec le désordre qui
règne à ce sujet et la facilité avec laquelle on plonge dans l’immoralité 1.
A propos du neuvième commandement, elle dit encore :
« Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain » (Dt 5, 21). Le désordre
contre ce commandement est tel dans le monde que je me demande à moi-même
s’il vaut encore la peine d’en parler. Mais la réponse est affirmative : parce que,
même si tout le monde se perd dans l’abîme, la parole de Dieu subsiste 2.
Dans les Appels, sœur Lucie insiste spécialement sur ces deux péchés. C’est
qu’elle a en tête ce que la sainte Vierge avait dit à la petite Jacinthe : « Notre-
Dame a dit que le péché de la chair est celui qui conduit le plus d’âmes en en-
fer 3. »
La Vierge Marie avait promis qu’un grand nombre d’âmes pourrait être
sauvé si la Russie était consacrée à son Cœur Immaculé. La situation présente
du monde conduit au contraire un grand nombre d’âmes en enfer. C’est la
preuve que la Russie n’est pas consacrée.
Épilogue
Le dimanche de Pâques 1984, Mgr Lefebvre termina ainsi son sermon :
La très sainte Vierge Marie désire que la Russie soit consacrée à son Cœur
Immaculé. Pourquoi ? Pour que son Fils règne en Russie, pour que le règne de
Notre-Seigneur revienne dans ce pays qui est maintenant le pays livré à Satan,
l’instrument de Satan pour détruire le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans
toute l’humanité, dans le monde entier. Alors la très sainte Vierge, elle qui a
écrasé la tête du serpent, elle qui lutte contre Satan, sait que c’est là qu’il faut por-
ter la bénédiction de Dieu. Et c’est pourquoi elle a demandé que la Russie soit
consacrée à son Cœur Immaculé : elle veut être Reine de la Russie pour y faire
régner son Fils.
Il semble que l’on n’arrive pas à faire dire cette parole : « Nous consacrons la
Russie au Cœur Immaculé de Marie » afin que les grâces de la très sainte Vierge
Marie convertissent ce pays et en fassent un pays de mission, un pays qui soit
missionnaire, au lieu d’être l’instrument de Satan.
Vraiment, nous vivons une période surprenante, étonnante : le bon Dieu per-
met que Satan étende son règne d’une manière incroyable. Alors, nous devons
lutter contre Satan avec le secours de la très sainte Vierge Marie pour que règne
Notre-Seigneur Jésus-Christ son divin Fils 1.
Dans ce combat des derniers temps, nous gardons une espérance invincible
fondée sur la promesse infaillible de Notre-Seigneur : « Tu es Pierre, et sur cette
pierre je construirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre
elle » (Mt 16, 18).
Notre-Seigneur dira lui-même à sœur Lucie, à Rianjo, en écho à ses paroles
de l’Évangile :
Ils n’ont pas voulu écouter ma demande ! Comme le roi de France, ils s’en re-
pentiront, et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses erreurs
dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. Le
Saint-Père aura beaucoup à souffrir 2.
1 — Mgr Marcel LEFEBVRE, Homélie du dimanche de Pâques, 22 avril 1984, à Écône, tirée du
magnifique CD : Pour l’amour de l’Église, le Christ-Roi, Homélies et allocutions de Mgr Lefebvre,
édité par le service-enregistrement du séminaire Saint-Pie X, Écône (CH – 1908, Riddes),
coffret n° 1.
2 — Texte cité par le père A LONSO dans Marie sous le symbole du cœur, ibid., p. 42.
3 — Lettre citée par le père A LONSO dans Marie sous le symbole du cœur, ibid., p. 43.