I.4 Les Grandes Classes de Réactions

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Les grandes classes

Chapitre
de réactions 26

Mots-clés
Addition Réaction électrolytique
Carbocation Réaction radicalaire
Carbonion Réarrangement
Contrôle Cinétique/Thermodynamique Relation de Hammet
Effet isotopique Solvant
Elimination Substitution
Postulat de Hammond Théorie HSAB
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État de transition d’une SN2

D eux démarches différentes peuvent être adoptées pour présenter la chimie organique : l’une consiste à
en ordonner le contenu selon une classification des composés en fonctions (alcools, amines, etc.) ou
en grandes classes (glucides, stéroïdes, etc.), l’autre est fondée sur une classification des types de réaction
(addi­tions électrophiles, substitutions nucléophiles, etc.).
Ces deux approches ne sont ni opposées, ni exclusives l’une de l’autre, mais complémentaires, puisqu’elles
permettent de considérer les mêmes faits sous des angles différents. La déshydratation des alcools, par

567
Partie II ■ Chimie organique descriptive

exemple, figurera dans le premier cas parmi l’ensemble des propriétés de la fonction alcool, alors que dans
le second elle sera envisagée à l’occasion d’une étude générale des réactions d’élimina­tion, en même temps
que certaines réactions des dérivés halogénés, des ammoniums quaternaires ou des esters.
Pour parvenir à une bonne compréhension, en profondeur, de la chimie organique, il est fructueux d’opérer
un regroupement entre ces deux points de vue. Le choix de la première démarche, qui convient mieux pour
un premier contact avec la chimie organique, a été fait jusqu’ici dans ce livre, mais ce chapitre propose,
sans rien ajouter à la matière déjà traitée, une sorte de catalogue des réactions déjà rencontrées où elles sont
classées en fonction de leur type et de leur mécanisme.

Toutes les réactions précédemment décrites n’ont pas toutes trouvé leur place dans cette classification.
Seules sont répertoriées ici celles dont le mécanisme a été effectivement indiqué et présente un certain
caractère de généralité. Il n’est du reste pas possible d’exposer toute la chimie organique dans une
étude ordonnée par types de réactions, car certaines entrent difficilement dans une classification systé-
matique, et les rapprochements auxquels on serait alors conduit peuvent devenir assez artificiels.

Vous avez ici la possibilité d’effectuer un travail personnel extrêmement efficace, en essayant d’abord de
recenser vous-même dans les chapitres antérieurs les réac­tions relevant de chaque type de bilan et de méca-
nisme. Pour cela :
• relevez d’abord la liste des types de réactions pris en compte dans la suite de ce chapitre, c’est-à-
dire en fait la liste des rubriques qu’il comporte, ou encore les sous-titres du paragraphe 26.2 ;
• puis, sans prendre connaissance de façon détaillée du contenu de ces rubriques, recherchez (essen-
tiellement dans les chapitres 8 à 20) les réactions qui correspon­dent à chacune d’elles et comparez
ensuite votre « moisson » aux listes proposées.
Ce chapitre débute par un court résumé des modes de formation et des comporte­ments réactionnels des
principaux intermédiaires (carbocations, carbanions), et se termine par un recensement des principaux
outils de raisonnement utilisables pour élucider le mécanisme des réactions. Sur ces deux points aussi, vous
pouvez procéder d’abord à une recherche personnelle dans les chapitres antérieurs.

26.1 Les intermédiaires de réactions


Les réactions qui ne s’effectuent pas en une seule étape, par un mécanisme « concerté » au cours
duquel les liaisons se rompent et se forment plus ou moins simultanément, comportent un ou plusieurs
intermédiaire(s), qui peuvent être :
• des molécules (exemple : une cétone dans la réaction d’un organomagnésien sur un ester) [§ 14.2.3 b];
• des radicaux libres (exemple : CH3• dans la chloration du méthane) [§ 8.2.2] ;
• des carbocations (exemple : R+ dans l’élimination E1) [§ 13.2.1.a] ;
• des carbanions (exemple : R — C ≡ C − dans les réactions des alcynes vrais en milieu basique)
[§ 10.2.3.a] ;
+
• des ions divers (exemple : R —OH2 dans la déshydratation des alcools) [§ 15.2.2.b] ;
• des carbènes (exemple : CCl2) [§ 13.2.2].
Les carbocations et les carbanions sont des intermédiaires particulièrement fréquents et impor-
tants. Beaucoup d’informations à leur sujet ont été données dans les chapitres précédents ; elles sont
regroupées et résumées ci-après.

568
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

26.1.1 Carbocations
Les carbocations portent une charge positive, et une orbitale vide, sur un carbone.

a) Structure
Les carbocations présentent une géométrie plane :

+
C C

b) Stabilité relative
Elle augmente avec le degré de substitution du carbone :
chap. 15,
Primaires < Secondaires < Tertiaires § 15.4.2

On observe souvent un réarrangement des carbocations (réarrangement de Wagner-Meerwein), à


la suite de la migration d’un H ou d’un groupe R, avec leurs électrons de liaison, sur le carbone défici-
taire. Cette migration se produit toutes les fois que la stabilité du carbocation s’en trouve augmentée,
comme c’est le cas lorsqu’un carbocation primaire devient ainsi secondaire ou tertiaire, ou lorsqu’un
carbocation secondaire devient tertiaire.

Exemples

H
+ +
CH3 CH CH2 CH3 CH CH3 (primaire secondaire)

CH3
+ +
CH3 C CH2 CH3 C CH2 CH3 (primaire tertiaire)

CH3 CH3

c) Modes de formation
Rupture hétérolytique d’une liaison entre un carbone et un atome plus électronégatif que le carbone :
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paire d’ions

solvant
δ+ δ−
protique –
C X C X
ou
+

catalyseur
page 271
Une telle rupture se rencontre notamment dans les réactions des dérivés halogénés, des alcools et
des hydroxydes d’ammonium quaternaire. Elle peut être facilitée dans un solvant protique et/ou par
une catalyse acide, parfois indispensable (AlCl3 pour les dérivés halogénés ; H+ ou Zn2+ pour les page 333
alcools).
569
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Fixation d’un électrophile sur une double liaison :

+
+
C C +E C C

pages
208, 213, Cet électrophile peut être H+, Cl+ ou Br+, ou un autre carbo­cation.
269 et 271
et § 9.2.3
d) Réactions
Dans tous les cas, les réactions des carbocations aboutissent à l’arrivée d’un doublet électronique sur
le carbone porteur de la charge.
Réaction avec un nucléophile

Nu C Nu C
+

Ce nucléophile peut être un anion (Cl−, CN−, OH−…), une molécule possédant un doublet libre
§13.2,
(H2O, NH3,…) ou une molécule non saturée (alcène, hydrocarbure benzénique).
page 271
Élimination d’un H+ en α avec création d’une double liaison

chap. 13,
§ 13.2.2 et H
chap. 15,
§ 15.2.2.b
+

+
C C +E C C + H
+

Réarrangement
éventuel

RX – X– + Y– RY
+
C
+ E+ – H+
C C C C
Carbocation

570
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

e) Conjugaison et hyperconjugaison
Un carbocation peut être stabilisé par le phénomène de mésomérie s’il se trouve séparé par une liaison
simple d’un doublet π ou d’un doublet n. On parle alors de carbocation résonant et l’on peut écrire
plusieurs formes limites de résonance en utilisant les formules de Lewis « ordinaires ». Un carboca-
tion résonant ou conjugué sera toujours plus stable qu’un carbocation non résonant.
Cependant, dans certains cas, le phénomène de conjugaison « classique » ne suffit pas pour expli-
quer la stabilité ou la réactivité de certains ions ou de certaines molécules. On peut alors avoir recours
au phénomène d’hyperconjugaison. Ainsi concernant la stabilité relative des carbocations en fonction
de leur degré de substitution, les effets inductifs et mésomères classiques ne permettent pas d’expli-
quer pourquoi un carbocation tertiaire est plus stable qu’un primaire. En effet, ces carbocations sont
non résonants au sens classique du terme et la valeur d’électronégativité de l’atome de carbone est
voisine de celle de l’atome d’hydrogène. L’hyperconjugaison correspond ici à une stabilisation de la
lacune électronique par un phénomène de résonance « non classique » faisant intervenir les doublets
des liaisons σ des groupes alkyles. Ainsi on a tendance en chimie organique à considérer les groupes
alkyles comme donneurs d’électrons ; cependant, il ne s’agit en aucun cas d’un effet inductif donneur
mais plutôt d’un effet mésomère.
La figure donnée ci-dessous représente la stabilisation par hyperconjugaison (ligne en pointillé
rouge) d’un cation primaire et d’un cation tertiaire (plus stable). Dans cet exemple, les électrons σ des
liaisons C—H participent à la stabilisation de la lacune.

+ +
H
C C C C
H C

26.1.2 Carbanions
Les carbanions portent une charge négative, et un doublet libre, sur un carbone.

a) Structure
Les carbanions présentent une géométrie pyramidale :


C
C
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b) Stabilité relative
Elle diminue quand le degré de substitution du carbone augmente :
chap. 5,
Primaires > Secondaires > Tertiaires § 5.3.2.a

571
Partie II ■ Chimie organique descriptive

c) Modes de formation
Ils se forment par rupture hétérolytique d’une liaison entre un carbone et un atome moins électroné-
gatif que le carbone :

paire d’ions

solvant
aprotique
δ− δ+ +
C M C M

Une telle rupture se rencontre essentiellement dans les réactions des organométal­liques (dérivés
sodés M = Na, organomagnésiens M = MgX, organolithiens M = Li).
Deux méthodes de préparations d’organométalliques sont rappelées ci-dessous :
Échange halogène-métal (réaction de Grignard)

Et2O δ− δ+
RX + Mg R – MgX

Échange hydrogène-métal (réaction acide-base)

hydrogène labile

δ− δ+
C H + B– M+ C M+B H

De tels hydrogènes labiles se trouvent, par exemple, dans les alcynes vrais, le ­cyclopentadiène, les
§ 10.2.3, composés carbonylés.
§ 18.2.2
et page 264
d) Réactions
Dans tous les cas, les réactions des carbanions aboutissent à la mise en commun de leur doublet libre.
Comportement basique
Les carbanions sont des bases fortes, capables de prendre un H+ même à des acides faibles :
R− + AH o RH + A−

chap. 14, Les réactions des organomagnésiens constituent des exemples typiques de ce comportement.
§ 14.2.1.a
Comportement nucléophile
Les carbanions manifestent de l’affinité pour les carbones déficitaires, mais deux cas peuvent se
présenter :
• carbone déficitaire saturé : le carbanion se substitue à l’un des atomes ou groupes portés par ce
carbone :

δ+ δ−
R– + C Y R C + Y–

572
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Les exemples sont nombreux : alkylation des alcynes vrais ou des composés carbonylés ; réactions
des organomagnésiens avec un dérivé halogéné ou avec l’orthoformiate d’éthyle, etc.
• carbone déficitaire non saturé : le carbanion, en se liant à ce carbone, amorce une réaction § 10.3.2,
§ 18.2.2.b,
d’addition : § 14.2.1.a et b

δ+ δ−
R– + C Z R C Z–

Les additions nucléophiles des organomagnésiens sur les aldéhydes et les cétones, ou sur les
§ 14.2.3.a et c
nitriles illustrent ce comportement.
AH
RX RH
M

– M+

:
RM C
B– C
+ Substitution
C C
C H Addition
Carbanion

26.2 Les grandes classes de réactions


Les réactions sont classées ici dans les quatre grandes catégories définies par réfé­rence à leur bilan :
substitutions, additions, éliminations et réarrangements. Dans chacune de ces catégories, elles sont en chap. 5,
outre classées en fonction de leur méca­nisme, nucléophile ou électrophile, et selon la nature du subs- § 5.1.1,
§ 5.3.2.b
trat auquel elles sont applicables.

26.2.1 Substitutions
a) Substitution nucléophile
Sur un carbone saturé

– δ+ δ–
Nu + C X C Nu + X–

Réactif nucléophile substrat produit groupe partant

Cette réaction peut se faire selon deux mécanismes : SN1 et SN2.

La SN2
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C’est une substitution nucléophile bimoléculaire impliquant une seule étape (absence d’intermédiaire
réactionnel) ; elle obéit à une cinétique d’ordre deux (qui justifie le mécanisme bimoléculaire). Elle
est concertée (les liaisons sont simultanément formées et rompues) et est stéréospécifique (inversion
de configuration au niveau du centre réactionnel). Elle est favorisée pour les halogénoalcanes
primaires (peu encombrés) et dans un solvant aprotique dipolaire.

– δ– δ– –
Nu C X Nu C X Nu C X
état de transition

573
Partie II ■ Chimie organique descriptive

La SN1
C’est une substitution nucléophile unimoléculaire impliquant deux étapes (présence d’un intermé-
diaire réactionnel) ; elle obéit à une cinétique d’ordre un (qui justifie le mécanisme unimoléculaire).
Lors de la première étape, on observe la dissociation de la liaison C — X avec formation d’un carboca-
tion intermédiaire, c’est l’étape cinéti­quement déterminante. Elle est non stéréospécifique (racémisation
lorsque la substitution a lieu au niveau d’un centre chiral). Elle est favorisée pour les halogénoalcanes
tertiaires (carbocation stabilisé) et dans un solvant protique polaire.

1ère étape 2e étape



– Nu
C X C +X Nu C

+
intermédiaire réactionnel

Le nucléophile, dans tous les cas, porte un doublet libre et ce peut être un anion ou une molécule
neutre ; le substrat peut être une molécule ou un cation mais la nature (neutre ou ionique) du produit de
la réaction est déterminée dans tous les cas par la règle de conservation des charges (par exemple : un
anion + une molécule r une molécule + un anion, ou une molécule + une molécule r deux molécules).
Ces réactions peuvent aboutir à la création de liaisons C — C, C — O, C — N, C — S, C — X.

Tableau 26.1 : Réaction de substitution nucléophile

Réactif Substrat Produit Groupe partant Référence


− −
OH Dérivé halogéné Alcool X 13.2.1

− −
RO — Éther X 13.2.1 ; p. 349
− — −
ArO Éther X 16.2.3
− — −
SH Thiol X 15.6
− — −
RS Thioéther X 15.7
− — −
RCOO Ester X 13.2.1
− — −
CN Nitrile X 13.2.1 ; 19.6.5
− −
NO2 — Dérivé nitré X 13.2.1
− −
RC ≡ C — Alcyne X p. 239, 13.2.1

− −
—C—C — — Dérivé alkylé X 18.2.2.b ; 20.1.3.b ;
20.2.4.c
O
− — − 8.4.1.b ; 13.2.1 ;
R (RMgX) Hydrocarbure X
14.2.2.a

H2O — Alcool X 13.2.1

NH3 — Amine X p. 387

R3N — Ammonium quat. X 17.2.2

HX Alcool Dérivé halogéné H 2O p. 333

574
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Beaucoup d’étapes élémentaires dans des processus complexes sont des substitu­tions nucléophiles SN2 ; chap. 14,
− § 14.2.3.d,
exemple : ouverture d’un ion bromonium par attaque de Br ou d’un époxyde par un organomagnésien.
page 215

Sur un groupe carbonyle

X Nu
+ Nu– + X–
O O

Cette réaction est en fait le résultat d’un processus d’addition-élimination catalysé ou non par les
acides.
• On rencontre par exemple le mécanisme par catalyse acide dans la réaction d’hydrolyse des esters. chap. 15,
§ 15.4.4

+ O H
O O H O H H
H2O +
R C + H+ R C R C R C O
OR’ O OR’ O R’ H
+ O R’

O H
OH H
R C + R’OH + H+ R C O
+
O O
H R’

• Le mécanisme en milieu basique peut s’écrire comme suit :



:

O :O :
O
R C + Nu– R C Nu R C + X–
δ+
X Nu
δ− X

Sur un cycle benzénique


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X X Nu X Nu X Nu Nu
– –
: :
+ Nu –
+ X–

:

Ces réactions sont rendues difficiles par l’interaction électronique existant entre les doublets libres
de l’halogène X et les électrons π du cycle ; en outre, la mobilité des électrons du cycle a pour effet que
l’atome de carbone portant le groupe partant X est peu déficitaire donc peu électrophile.

575
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Dans l’exemple rappelé ci-dessous concernant la synthèse du phénol, les condi­tions de tempéra-
ture nécessaires traduisent bien cette difficulté.

Cl OH

200 °C
+ NaOH + NaCl

Tableau 26.2 : Réaction de substitution nucléophile par addition-élimination

Réactif Substrat Produit Groupe partant Référence


− −
R (RMgX) Chlorure d’acide Cétone (alcool) Cl 14.2.3.b

NH3 — Amide Cl 19.5.1

Amine — Amide N-substitué Cl 19.5.1
− −
RCOO — Anhydride Cl 19.5.2
− −
RO — Ester Cl —

ROH — Ester Cl 19.5.1

H2O — Acide Cl 19.5.1

H2O Ester Acide RO 15.4.4
− — −
OH Acide RO 15.4.4
− −
H — Alcool RO 15.4.4
− −
R (RMgX) — Alcool RO 14.2.3.b

— −
Énolate (cétone) β-dicétone RO 20.1.3.b

— −
Énolate (ester) β-cétoester RO 20.2.4.c
− −
OH R — CO — CX3 Acide CX3 18.2.2.d

La présence d’un ou de plusieurs groupements fortement attracteurs (générale­ment le groupement NO2)


positionnés en ortho et/ou para par rapport au groupe partant X facilite grandement cette réaction.

Cl OCH3
NO2 NO2
+ CH3O–Na+ + Cl–

NO2 NO2

Question 26.A
Écrire le mécanisme détaillé de cette substitution nucléophile aromatique.

576
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Les réactions des sels de diazonium benzéniques avec perte de diazote sont égale­ment des substi-
tutions nucléophiles sur l’un des carbones du cycle ; s’effectuant en deux étapes, la réaction s’appa- chap. 17,
rente à une SN1. § 17.2.5

+
N2 Y
+
Y:
+ N2

Y : peut-être, entre autres, H2O, I−, CN−, F−.

b) Substitution électrophile aromatique


Le principal exemple est fourni par les réactions de substitution électrophile sur le noyau benzénique chap. 12,
ou sur les hétérocycles présentant un caractère aroma­tique. § 12.2.2.a
et page 485

H E H E H E H E
+
+
+
+ E + H+
+

La présence d’un ou de plusieurs groupements donneurs d’électrons liés au cycle aromatique faci-
lite cette réaction.

Tableau 26.3 : Réaction de substitution électrophile

Réactif (E+) Réaction Produit Référence


Cl2 (Cl+) Chloration Ar — Cl p. 269

HNO3(NO2+) Nitration Ar — NO2 p. 270

H2SO4(SO3) Sulfonation Ar — SO3H p. 271


RX (R+) Alkylation Ar — R p. 271
+
R — COCl (R — CO) Acylation Ar — CO — R p. 272
+
Ar —N2Cl− Copulation Ar — N = N — Ar 17.2.5

26.2.2 Éliminations
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Les deux principaux mécanismes de β-élimination (E1 et E2) sont rappelés ci-dessous.
• Le mécanisme E2, comme celui de SN2, est bimoléculaire et obéit à une cinétique d’ordre deux. Il
est concerté et stéréospécifique.

X
X

C C C C C C + BH + X–



H B H B

577
Partie II ■ Chimie organique descriptive

• Le mécanisme E1 est unimoléculaire, impliquant deux étapes (la formation du carbocation


étant l’étape cinétiquement déterminante). Il obéit à une cinétique d’ordre 1 et est non
stéréospécifique.

X –
B
H
1ère étape + 2e étape +
C C C C C C + H
H

+ X–

• Le mécanisme E1CB est un mécanisme unimoléculaire en deux étapes. Il a lieu en milieu basique
lorsque le nucléofuge est un mauvais groupe partant (OH, NR2) et très souvent lorsque le carbanion
intermédiaire peut être stabilisé. La première étape correspond à une déprotonation (par la base) de
la position β et formation d’un anion intermédiaire (exemple carbanion). L’élimination anti-
Zaïtsev de Hofmann (voir 17.2.2.c) s’explique par un mécanisme de type E1CB.

X X

Σ Σ
C C C C C C
Σ
H B
+ BH + X–

Le résultat d’une réaction d’élimination peut être la création d’une double liaison, d’une triple
liaison ou d’un cycle. C’est sur ce critère que sont classées les réactions rassemblées ci-après, sans
§ 13.2.2.a,
§ 19.6.3 autre référence à leurs mécanismes, qui sont divers (E1 et E2 ; syn-élimination).
Dans un véritable mécanisme E1CB on passe par la formation d’un carbanion qui est d’autant plus
stabilisé qu’il n’est pas substitué par des groupements alkyles. L’hydrogène est de ce fait arraché du côté
du carbone le moins substitué ce qui conduit au final à l’alcène le moins substitué. Ce mécanisme E1CB
est favorisé lorsque le nucléofuge est un mauvais groupe partant et lorsqu’il est chargé ce qui est le cas
des ammoniums quaternaires.

26.2.3 Compétition substitution / élimination


Les réactions de substitution et d’élimination font intervenir les mêmes types de substrats
(appelés nucléophile et base respectivement). Dans la pratique il y a en fait concurrence entre les
mécanismes SN1, SN2, E1, E2 et on observe la formation de mélanges de produits. Le tableau donné
ci-dessous rassemble les caractéristiques principales ainsi que les conditions favorisant chacun des
quatre mécanismes.

578
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

SN1 SN2 E1 E2
Classe de R dans III>II>I I>II>III III>II>I III>II>I
R—X
Solvant Protique Aprotique polaire Protique Aprotique polaire
Entité attaquante Nucléophile Nucléophile chargé Base faible Base forte
neutre (Solvolyse) faiblement encombrée
concentrée
Température Ambiante Ambiante Elevée Elevée
Molécularité Unimoléculaire Bimoléculaire Unimoléculaire Bimoléculaire
Nombre d’étapes 2 1 2 1
Intermédiaire Carbocation aucun Carbocation aucun

Régiosélectivité - - Saytzeff Saytzeff


Stéréospécificité Non Racémisation Oui Non Oui
Inversion de Walden Antipériplanaire

Tableau 26.4 : Réaction d’élimination

Réactif Substrat Produit Référence

Base Dérivé monohalogéné C C 13.2.2

Base Ammonium quater­naire C C 17.2.2.c

Acide Alcool C C 15.2.2.b

Dérivé 9.4.1.ca
Métal C C
gem-dihalogéné

Chaleur Ester C C 19.5.3

Base Dérivé dihalogéné —C≡C— 10.3.1

Catalyse Alcool C C
C=O 15.2.4.b

Oxydant Alcool C =O
C 15.2.4.ab
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P2O5 Amide —C≡N 19.5.4

Métal Dérivé ω-dihalogéné Cycle 11.4.1

Acide γ-diol Hétérocycle p. 460

a.* Zn : + Cl C C Cl ZnCl2 + C C

b. **H C OH + H2 Cr O4 H C O Cr O3 H
: :

H2O + H C O CrO3H H3O+ + C O + CrO3 H–

579
Partie II ■ Chimie organique descriptive

26.2.4 Additions
a) Addition électrophile
Le substrat est attaqué par le fragment électrophile provenant de la rupture du réactif, pour donner un
cation sur lequel vient ensuite se lier l’autre fragment. Ces réactions sont caractéristiques des liaisons
éthyléniques ou acétyléniques ; les petits cycles (cyclopropane) réagissent de façon analogue.

+
E E E
+
δ+ δ– [Nu–]
C C + E Nu C C ou C C C C

Nu

Tableau 26.5 : Réaction d’addition électrophile

Réactif Substrat Produit Référence

X2 C C — CX — CX — p. 213

HX C C — CH — CX — p. 208

H2O C C — CH — C(OH) — p. 212

HOCl C C — CCl — C(OH) — p. 216

C C
R — CO3H C C 9.2.2.a
O

X2 —C≡C— — CX = CX — 10.2.1.b

HX —C≡C— — CH = CX — 10.2.1.c

H2O —C≡C— — CO — CH2 — 10.2.1.d

} {
HX C=C—C=C addition 1,2
+ 20.1.1.a
X2 C=C—C=C addition 1,4

HX — CH — C — CX — 11.2.2.b

X2 — CX — C — CX — 11.2.2.b

b) Addition nucléophile
Le fragment nucléophile provenant du réactif attaque les électrons π d’une liaison multiple (ou une
liaison d’un cycle tendu) pour donner un anion qui, le plus souvent, capte ensuite un proton dans une
étape finale d’hydrolyse.
δ+ δ− H2O
:

Y + C A Y C A– Y C AH

Réactif substrat Intermédiaire Produit

580
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Tableau 26.6 : Réaction d’addition nucléophile

Réactif Substrat Produit Référence

H2O C=O
C HO — C —OH 18.2.1.f

ROH C=O
C HO — C —OR 18.2.1.g

HC ≡ N C
C=O N ≡ C — C — OR 18.2.1.e


H C
C=O H — C — OH 18.2.1.c

− C
C=O RC ≡ C — C — OH
RC ≡ C p. 239

— CO — C −— C
C=O — CO — C — C — OH 18.2.2.c


R (RMgX) C
C=O R — C — OH 14.2.3.a


R (RMgX) O=C=O R — CO — OH 14.2.3.a


H C=N
C— H — C — NH — p. 388


H —C≡N — CH2 — NH2 19.5.5

R−(RMgX) —C≡N R — C = NH(R — C = O) 14.2.3.c

− C C
H H — C — C — OH p. 349
O

− C C
R (RMgX) R — C — C — OH p. 349
O


R (RMgX) C = CC— C = Oa R — C — CH — C = O 20.2.1.a
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A—H γ-lactone A — C — C — C — COOH 20.2.3.b

a. Une double liaison se prête normalement à des attaques électrophiles : une attaque nucléophile
n’est possible que dans le cas d’une double liaison conjuguée avec un groupement attracteur d’élec-
trons.

581
Partie II ■ Chimie organique descriptive

26.2.5 Réarrangements
Une réaction peut ne pas se limiter à une transformation du groupe fonctionnel, et comporter une parti-
cipation du squelette de la molécule. Il n’est pas possible de dégager des principes généraux à partir
des quelques exemples de réarrangements qui ont été signalés, et qui seront seulement rappelés ici :

a) Réarrangement de Wagner-Meerwein

§ 26.1.1.b CH3 Cl

CH3 C CH2OH + HCl CH3 C CH2 CH3 + H2O

CH3 CH3

Autre exemple : réaction de Friedel-Crafts [p. 271].

b) Réarrangement pinacolique
page 456
R R R
H+
R C C R R C C R

OH OH R O

c) Réarrangement benzylique
chap. 20,
§ 20.1.3.a Ph
OH–
Ph C C Ph Ph C COOH

O O OH

d) Réarrangement de Beckmann
chap. 18,
§ 18.2.1.h R OH
H+
C N R C NH R’
R’
O

La préparation d’une cétone à partir de deux molécules d’un acide, pour laquelle aucun mécanisme
n’a été indiqué, peut s’interpréter également par un réarrangement, après que, dans une première
§ 20.2.4.c
et page 421 étape, se soit formé un anhydride :

O
– H2O
2R C OH O C C O R C R + CO2

O R R O

582
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

26.2.6 Réactions radicalaires


Relativement peu nombreuses, il a paru préférable de les regrouper, plutôt que de les évoquer de façon
dispersée dans les rubriques précédentes (substitutions, additions, …).

a) Substitution radicalaire
Le mécanisme de cette réaction photochimique en chaîne a été précisé, et trois exemples ont été
rencontrés, concernant toujours la substitution de H par un halogène sur un carbone saturé :
chap. 8,
• Chloration du méthane. § 8.2.2,
chap. 20,
• Chloration du propène, sans addition sur la double liaison. § 20.1.2.b,
• Chloration du toluène, sélectivement sur la chaîne latérale. page 269

b) Addition radicalaire
Les hydracides, dans des conditions propres à évoquer une réaction radicalaire (présence d’un amor-
ceur, comme un peroxyde) s’additionnent sur la liaison éthylé­nique dans le sens contraire à celui que
page 210
laisserait prévoir la règle de Markownikov (effet Karasch).
L’addition des halogènes sur le cycle benzénique est également une addition radi­calaire, photo-
chimique et en chaîne.

c) Polymérisation radicalaire
La polymérisation des dérivés vinyliques, celle du styrène par exemple, s’effectue selon un méca-
nisme radicalaire en chaîne, dont la phase de propagation peut se schématiser ainsi : § 9.2.3

1) C6H5 CH CH2 + R• (radical fourni par l’amorceur)



C6H5 CH CH2 R

2) R CH2 CH• + H2C CH R CH2 CH CH2 CH•, etc.

C6H5 C6H5 C6H5 C6H5

26.2.7 Réactions électrocycliques


Dans les réactions électrocycliques, les liaisons se forment et se rompent simultané­ment au sein d’un
même état de transition comportant un transfert circulaire d’élec­trons à l’intérieur de la molécule ; ce
sont des réactions concertées.
Par exemple, la réaction de Diels-Alder est électrocyclique ; elle engage six élec­trons π délocalisés.
page 452
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Les réactions de décarboxylation de β-cétoacides et décomposition thermique des esters sont


§ 20.2.4.b,
également des réactions électrocycliques. § 19.5.3

26.3 Outils de raisonnement en chimie organique


Dans les chapitres précédents, la plupart des réactions étudiées ont été accompa­gnées par la descrip-
tion de leur mécanisme. L’établissement des mécanismes réac­tionnels a fait l’objet d’une étude inten-
sive au cours des années 1940 à 1960 par la vérification expérimentale. Dans ce paragraphe, nous

583
Partie II ■ Chimie organique descriptive

donnons un certain nombre d’outils élémentaires de la chimie organique qui ont été utilisés pour une
meilleure compréhension de cette discipline et pour la mise en place des mécanismes réaction­nels.

26.3.1 Contrôle cinétique – contrôle thermodynamique


La composition finale des produits d’une réaction peut être gouvernée par leur stabi­lité relative, on
parle alors dans ce cas de contrôle thermodynamique. Il s’agit notamment des réactions acido-
basiques étudiées dans le chapitre 5 où le résultat de la réaction dépend des valeurs respectives des
pKa des couples mis en jeu. Dans d’autres cas, ce sont les vitesses des réactions compétitives qui
déterminent la composition finale, on parle alors de contrôle cinétique. Il s’agit notamment des
réactions de substitution nucléophile et d’élimination vues au chapitre 13. Certaines réactions,
quant à elles, peuvent être soit sous contrôle cinétique soit sous contrôle thermodynamique. L’ex-
périmentateur pourra alors contrôler la nature des produits formés en modulant les conditions
opératoires telles que la température et le temps de réaction mais également la quantité des réactifs
impliqués.

Énergie

EaR→A
EaR→B EaR→A
EaA→B
R A
B R

EaR→A

EaA→B
B EaB→A
R A
A
B

Cas 1 Cas 2 Cas 3


Coordonnées de la réaction

Figure 26.1 Profils énergétiques de réactions sous contrôle cinétique


ou thermodynamique.

Le cas 1 de la figure 26.1 décrit le profil énergétique d’une réaction sous contrôle cinétique. On
remarque que l’énergie à fournir pour passer de R à A (EaRrA) ou B (EaRrB) est très inférieure à celle
qu’il faut fournir pour passer de A (EaArR) ou de B (EaBrR) à R. La réaction est irréversible et la
formation de A et de B ne dépend que de leurs vitesses relatives de formation.
Le cas 2 décrit une réaction sous contrôle thermodynamique. L’énergie nécessaire pour passer de A
à B (EaArB)ou de B à A (EaBrA) est très inférieure à celle nécessaire à la conversion de R en A
(EaRrA). Ainsi, dès que l’énergie fournie au système permet la formation de A, un équilibre s’établit
entre A et B. La quantité de A et de B ne dépend pas des conditions opératoires et sera uniquement
reliée à la constante d’équilibre thermodynamique existant entre A et B.
Dans le cas 3, on remarque que l’énergie nécessaire à la formation de A à partir de R (EaRrA)
est légèrement inférieure à celles permettant la conversion de A en B (EaArB) ou de B en A
(EaBrA). Dans ce cas, l’ajustement des conditions opératoires permettra soit d’accumuler A, la
réaction sera alors sous contrôle cinétique soit d’établir l’équilibre entre A et B, les proportions de

584
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

A et de B dépendront de la constante d’équilibre entre A et B, la réaction sera alors sous contrôle


thermodyna­mique.

Exemples
Nous allons illustrer le cas 3 en détaillant la réaction d’addition de HCl sur le buta-1,3-diène vue au
chapitre 20.

• Considérons tout d’abord les faits expérimentaux observés :


– L’addition de HCl sur le butadiène à froid conduit à la formation majoritaire du 3-chlorobut-1-ène.
– La même réaction effectuée à chaud conduit à la formation majoritaire du 1-chlorobut-2-ène.
– Enfin, si la réaction débute à froid puis se termine à chaud, on observe tout d’abord la formation
du 3-chlorobut-1-ène qui disparaît peu à peu au profit du 1-chlorobut-2-ène.
• Comment peut-on expliquer ces résultats expérimentaux et les traduire en terme de mécanisme
réactionnel ?
Comme pour toute addition électrophile sur un alcène, la réaction débute par l’addition de H+ sur
l’une ou l’autre des doubles liaisons du diène (la molécule est symétrique) ce qui conduit à la forma-
§ 9.2.1,
tion du carbocation le plus stable. § 20.1.1

+
+ HCl – –
Cl Cl
+
carbocation allylique

Cl
+ I : 3-chlorobut-1-ène

Cl +
+

Cl
Cl
II : 1-chlorobut-2-ène

Dans le cas de l’addition de H+ sur le butadiène, le carbocation intermédiaire le plus stable est le
cation allylique résonant. On explique ensuite la formation des deux produits, le 3-chlorobut-1-ène
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et le 1-chlorobut-2-ène, par l’addition de Cl− sur l’un ou l’autre des deux sites positifs de l’intermé-
diaire réactionnel.

585
Partie II ■ Chimie organique descriptive

• Illustrons maintenant ces faits expérimentaux par un diagramme énergétique (fig. 26.2).

Énergie

Carbocation
allylique

II : 3-chlorobut-1-ène

I : 1-chlorobut-2-ène

Buta-1,3-diène + HCl

Coordonnées de la réaction

Figure 26.2 Profil énergétique de l’addition de HCl sur le buta-1,3-diène.

• À froid, on apporte peu d’énergie au système, le produit majoritaire est le 3-chlo­robut-1-ène. Le


1-chlorobut-2-ène n‘apparaît que lorsque l’on apporte de l’énergie fournie par le chauffage du
milieu réactionnel. Nous en déduisons que la forma­tion du 3-chlorobut-1-ène est plus rapide que
celle du 1-chlorobut-2-ène, ce qui se traduit sur le diagramme par un état de transition d’énergie
plus basse pour la formation de II à partir du carbocation que pour celle de I.
• Le dernier fait expérimental est la preuve de l’existence d’un équilibre entre les deux produits. En
effet, la transformation de II en I ne peut-être envisagée que par le retour à l’intermédiaire réac-
tionnel possible par la réversibilité de cette étape. L’énergie fournie par chauffage conduit à la
formation majoritaire du produit le plus stable.
Nous sommes dans le cas typique d’une réaction qui peut être sous contrôle ciné­tique ou sous
contrôle thermodynamique. Pour que cela puisse se produire, l’exis­tence d’un équilibre entre les
deux produits est nécessaire. Lorsque les conditions opératoires permettent cet équilibre, la réaction
chap. 9, conduit à la formation majoritaire du produit thermodynamique qui n’est autre que le produit le plus
§ 9.1 stable. Dans notre cas ce produit correspond à l’alcène le plus substitué. En fait le résultat de la réac-
tion dépend de l’énergie apportée au système. Lorsque peu d’énergie est fournie, la seule barrière
énergétique franchissable est la plus petite conduisant au produit cinétique, la réaction est sous
contrôle cinétique. Si l’on apporte plus d’énergie au système, cela permet de franchir la barrière
énergétique nécessaire à la formation du produit cinétique mais également celle conduisant au produit
thermodynamique. De plus, cet apport d’énergie permet la transformation de II en I via le retour au
carbocation possible par la réversibilité de cette étape. La réaction donne alors en toute logique majo-
ritairement le produit le plus stable, la réaction est donc sous contrôle thermo­dynamique.
• Pour être complet, il est nécessaire d’expliquer pourquoi l’addition de Cl− est plus facile en posi-
tion 3 qu’en position 1. Il faut raisonner en probabilité d’existence de la charge positive dans le
§ 4.3.2, carbocation. Celle-ci sera plus importante sur le carbone secondaire que sur le carbone primaire de
§ 26.1.c
part la présence d’un nombre supérieur de groupements alkyles capable de stabiliser la charge
positive, l’attaque sera donc facilitée sur cette première position.

586
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

26.3.2 Le postulat de Hammond


Nous avons vu que bon nombre de réactions étaient complexes c’est-à-dire en s’effectuant en deux ou
plusieurs étapes, par une succession de réactions élémen­taires (fig. 5.2). Dans le cas d’une réaction
qui se déroule en 2 étapes, le profil énergétique fait apparaître 2 maxima d’énergie, correspondants
aux états de transition de chaque étape et un minimum relatif à l’intermédiaire réactionnel. On peut
donc observer une étape lente (étape 1) ou cinétiquement déterminante qui va régir la vitesse de l’en-
semble du processus de transformation de A en B et une étape rapide (étape 2). La vitesse de chaque chap. 5,
étape dépend respectivement de l’énergie d’activation Ea correspondant à la différence d’énergie entre § 5.2.3

l’état de transition 1 et l’état initial (pour la première étape) ou entre l’état de transition 2 et l’état
intermé­diaire qui le précède (pour la deuxième étape). L’évaluation qualitative de la vitesse nous
oblige à connaître la structure de l’état de transition ce qui n’est pas chose aisée si l’on se réfère à la
définition que l’on en a donnée au chapitre 5. La connaissance de la nature de l’état de transition peut
également être très utile pour l’établissement du mécanisme réactionnel d’une réaction. Malheureu­
sement les états de transition sont très instables et n’ont qu’une existence fugace, il n’existe pas de
moyens expérimen­taux permettant de les piéger et donc de les identifier. L’utilisation du postulat de
Hammond permet dans certains cas de simplifier le problème.

Enoncé du postulat
Le postulat de Hammond suggère que les structures énergétiques d’énergies voisines qui se trans-
forment l’une en l’autre ont des structures moléculaires semblables. Ainsi, lorsqu’une réaction fait
apparaître consécutivement un état de transition et un état intermédiaire ou l’inverse, le postulat de
Hammond énonce qu’il est possible d’assimiler la structure de l’état de transition à celui de l’intermé-
diaire réactionnel. En conséquence, tout ce qui stabilisera l’intermédiaire réactionnel stabi­lisera
également l’état de transition.
Prenons l’exemple de l’addition de HCl sur un alcène. C’est une réaction en 2 étapes dont la
première est cinétiquement déterminante. En utilisant le postulat de Hammond, il est possible de dire
chap. 9,
que les états de transition de la première et de la deuxième étape ressemblent tous les deux à § 9.2.1
l’intermédiaire réactionnel, celui-ci leur étant proche en énergie.
L’utilisation du postulat de Hammond a plusieurs intérêts :

Prévoir le produit d’une réaction : si le réactif d’une réaction peut évoluer de plusieurs façons diffé-
rentes et que la réaction est cinétiquement contrôlée alors la réaction la plus rapide conduira à l’inter-
médiaire le plus stable.

Exemple
Cas de l’addition de HCl sur le propène décrit au chapitre 9. On sait d’après la règle de Markownikov
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

que la réaction évolue vers la formation du carbocation le plus stable. En fait, le postulat de Hammond
permet de dire que l’état de transition conduisant au carbocation le plus stable sera de plus basse chap. 9

énergie que celui qui conduit au carbocation le moins stable (fig. 9.1). La vitesse de réaction étant
inver­sement proportionnelle à l’énergie d’activation Ea (Loi d’Arrhénius, [cf. 5.2.3]), il est possible d’en
déduire que le carbocation le plus stable sera formé plus rapidement que le moins stable. C’est la
raison pour laquelle l’addition notamment de HCl sur un alcène dissymétrique conduit au carbocation

le plus stable qui par réaction avec Nu conduit au produit le plus substitué [cf. 9.2.b].

Prévoir l’influence d’un paramètre sur la vitesse de réaction : il sera possible de faire varier la vitesse
d’une réaction en 2 étapes en jouant sur les conditions opératoires à condition que celles-ci aient une
influence sur la stabilité de l’inter­médiaire réactionnel.

587
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Exemple

Énergie
état de transition

état intermédiaire

S2
S1
état initial

Coordonnées de la réaction

Figure 26.3 Influence du solvant sur la vitesse d’une réaction.

Imaginons effectuer la même réaction dans un solvant S1 puis dans un solvant S2. Si S1 stabilise plus
l’état intermédiaire que S2 alors la réaction sera plus rapide dans S1 que dans S2 (fig. 26.3). En effet, en
vertu du Postulat de Hammond, l’état de transition qui précède l’état intermédiaire sera également
stabilisé dans le solvant S1. La différence d’énergie entre l’état de initial et l’état de transition (Ea) sera
alors plus petite et la vitesse de réaction sera donc augmentée à condition bien évidemment que la
stabilisation du réactif de départ ne soit pas ou peu affec­tée par le changement de solvant. Ceci est
relativement fréquent si l’on imagine que les réactifs sont dans la plupart des cas neutre et que les
états intermédiaires sont chargés et donc plus sensibles d’un point de vue stabilité aux variations de
solvant [cf. 5.6].

26.3.3 La relation de Hammett


La relation de Hammett est un outil très intéressant qui permet entre autre de quanti­fier, au cours d’une
réaction, les effets électroniques (donneurs ou accepteurs) de substituants sur l’état de transition
associé à l’étape cinétiquement déterminante (ou, dans certains cas, sur l’intermédiaire réac-
tionnel). Elle permet aussi de définir le mécanisme réactionnel de certaines réactions.

a) le  de Hammett
Si l’on considère l’échelle des pKa correspondant à l’ionisation des acides benzoïques para- ou
méta-substitués, on s’aperçoit qu’il est possible de corréler ces valeurs avec le pouvoir électro-don-
neur ou électro-accepteur des groupements fixés en para ou en méta (la corrélation n’est pas possible
dans le cas de substitution en ortho car les effets électroniques se trouvent perturbés par des effets
attribuables à l’encombrement lié à la forte proximité dans ce cas des groupes X et COOH).

X X

COOH + H2O
Ka(X) –
COO + H3O
+

Ka(X) = constante d’équilibre de la réaction d’ionisation des acides


benzoïques dans l’eau

588
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Ainsi, comme le montre les données du tableau 26.7, les groupements donneurs d’électrons situés
en haut du tableau conduisent aux valeurs de pKa les plus élevées alors que les groupements accep-
teurs d’électrons contribuent à diminuer ce pKa.

Tableau 26.7 : Valeurs de pKa de quelques acides benzoïques substitués


en méta et para

Substituant X pKa de p−XC6H4COOH pKa de m−XC6H4COOH


NH2 4,82 4,2
OCH3 4,49 4,09
CH3 4,37 4,26
H 4,20 4,20
F 4,15 3,86
I 3,97 3,85
Cl 3,98 3,83
Br 3,97 3,80
CN 3,53 3,58
NO2 3,43 3,47

On peut de manière arbitraire définir une valeur σx correspondant à la différence de pKa


entre le composé substitué par X−H et celui de l’acide benzoïque non substitué X = H :
σX = pKa (C6H5COOH) − pKa(X−C6H4COOH) = log(Ka(X)/Ka(H))
Si l’on se souvient que pKa = −log (Ka) alors σX peut s’exprimer en log (Ka(X)/Ka(H)). La différence
de valeur entre les pKa des acides benzoïques substitués et celui de l’acide benzoïque permet de définir
un nouveau paramètre σX qui est carac­téristique du pouvoir électro−donneur ou électro-accepteur du
substituant sur l’ioni­sation des acides benzoïques. Il est donc possible de définir pour chaque grou-
pement X une valeur σx positive pour les groupements attracteurs d’électrons et négative pour les
groupements donneurs d’électrons. En effet, si X est donneur d’électrons, le pKa de X−C6H5COOH
sera supérieur à celui de C6H5COOH et la différence corres­pondant à σx sera donc négative. L’in-
verse est tout aussi vraie ce qui nous permet de faire correspondre des valeurs de σX négatives à des
groupements attracteurs d’électrons.
Prenons l’exemple de l’acide para-nitrobenzoïque. Son pKa est de 3,43, la diffé­ rence
pKa(C6H5COOH) − pKa(p−NO2−C6H4COOH), égale à 4,20 − 3,43 = +0,77, correspond au σNO
2
et dénote du pouvoir électro-attracteur de NO2 de par sa valeur positive.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

O2N COOH + H2O


Ka(NO 2) O N COO– + H3O+
2

Ka(NO2) = constante d’équilibre de la réaction d’ionisation de l’acide


para-nitrobenzoïques dans l’eau

Différentes valeurs de σ peuvent être observées pour un même groupement X en fonction de sa


positon méta ou para par rapport au groupement carboxyle COOH (tableau 26.8).

589
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Tableau 26.8 : Valeurs de X pour quelques substituants

Constantes x de Hammett
Substituant méta m para p Substituant méta m para p Substituant méta m para p
H 0 0 F +0,34 +0,06 CF3 +0,43 +0,54

CH3 −0,07 −0,17 Cl +0,37 +0,23 CO2H +0,36 +0,41

C2H5 −0,07 −0,15 Br +0,39 +0,23 CO2CH3 +0,32 +0,39

(CH3)3C −0,10 −0,20 I +0,35 +0,28 COCH3 +0,38 +0,50

C6H5 +0,06 −0,01 OCOCH3 +0,39 +0,31 SO2CH3 +0,60 +0,72

(CH3)3Si −0,04 −0,07 NHCOCH3 +0,21 0,00 CN +0,56 +0,62

OCH3 +0,12 −0,27 SH +0,25 +0,15 NO2 +0,71 +0,78

OH +0,12 −0,37 SCH3 +0,15 +0,00 (CH3)2S+ +1,00 +0,92

NH2 −0,16 −0,66 CO2− −0,10 +0,00 (CH3)3N+ +0,88 +0,82

Ces différences s’expliquent de la manière suivante :


• Lorsque le substituant n’a qu’un pouvoir inductif (groupement méthyle par exemple), l’effet
inductif ressenti par le groupement COOH sera d’autant plus fort que le groupement X sera plus
chap. 4,
§ 4.3.2 proche de lui donc en méta.
• Pour un groupement doué à la fois des effets inductifs et mésomères (le groupement OCH3 par
exemple), lorsqu’il est placé en méta, seul son effet inductif attracteur influe sur l’ionisation de la
fonction acide. Son σm est donc positif et égal à 0,12 (tableau 26.2).
En para, l’effet mésomère donneur l’emporte sur l’effet inductif attracteur, la conjugaison conduit
à apporter des électrons au pied du carbonyle ce qui contribue à diminuer l’acidité. Dans ce cas, son σp
chap. 4,
§ 4.4.1 est donc négatif et égal à −0,27 (tableau 26.8), significatif d’un effet donneur. On voit en effet, sur la
figure 26.4, que lorsque le groupe OCH3 est en méta aucune forme mésomère n’apporte des électrons
au grou­pement COOH. Aucun effet mésomère donneur n’est ressenti par le groupement COOH. Par
contre lorsqu’il est situé en para, les électrons peuvent se déplacer jusqu’à la fonction acide carboxy-
lique qui ressent de ce fait l’effet donneur du groupe OCH3.

O O –
+
H3C O H3CO

OH OH

H 3C O
+
H3CO

O O

OH OH

Figure 26.4 Influence des effets électroniques du grou­pement OCH3


sur l’ionisation des acides méta- ou para-méthoxy­benzoïques.

590
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Question 26.B
Les constantes d’ionisation, à 20 °C, des acides méta- et para-cyanoben­zoïques sont respective-
− − −
ment de 2,51 ⋅ 10 4 et 2,82 ⋅ 10 4. L’acide benzoïque a une constante d’ionisation Ka de 6,76 ⋅ 10 5
à 20 °C. Calculer σm et σp pour le substituant cyano (CN).

b) La constante  de Hammett
Connaissant la variation du pKa des acides benzoïques en fonction de la nature et de la position d’un
substituant X, est-il possible de prévoir l’évolution chimique d’une autre réaction ?
La réponse est affirmative si l’on peut établir une corrélation linéaire entre la réac­tion étudiée et la
réaction d’ionisation des acides benzoïques.
C’est le cas, par exemple, de la saponification des esters benzoïques substitués, pour laquelle il est
possible d’établir une corrélation entre la vitesse de saponification des esters benzoïques kx (constante chap. 15,
de vitesse) et les pKa(X) des acides benzoïques correspondants. § 15.4.4

X X
HO–/H2 O
COOCH3 COO– + CH3OH
kH ou kX

kX = constante de vitesse de la réaction de saponification pour X


kH = constante de vitesse de la réaction de saponification pour X=H

Il est possible notamment de montrer que la variation de log(kX/kH) en fonction du log(Ka(X)/


Ka(H)) décrit une droite passant par l’origine (fig. 26.5) (ceci est vérifié pour un certain nombre de
substituants placés en para ou en méta de la fonction ester comme NO2, Me, Cl). La pente de cette
droite, appelée , caractérise la sensibi­lité de la réaction d’hydrolyse aux variations de X. C’est
une constante qui ne dépend que de la réaction étudiée.

log(kX/kH)

p-NO2
+1,0 m-NO2

0,5 m-Cl
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p-Cl
log(Ka(X)/ka(H))

0,5 1,0 1,5


m-CH3
p-CH3

Figure 26.5 Corrélation entre les constantes de vitesse (kX, kH)


relatives à la réaction de saponification des esters benzoïques
sustitués et les constantes thermodyna­miques (Ka(X), Ka(H))
associées à la réactions d’ionisation des acides ben­zoïques
correspondants.

591
Partie II ■ Chimie organique descriptive

c) La relation de Hammett
Compte tenu de ce qui a été défini plus haut, à savoir, log (Ka(X)/Ka(H)) = σX, nous pouvons alors
établir la relation suivante qui est appelée relation de Hammett.

log(kX/kH) = X

Bien d’autres réactions que la saponification des esters benzoïques vérifient cette relation. Le
tableau 26.9 regroupe les valeurs de ρ pour certaines d’entre elles. La réaction d’ionisation dans l’eau
des acides benzoïques substitués est utilisée comme réaction de référence pour déterminer la valeur
des ρ d’autres réactions. Elle est caractérisée par une constante ρ égale à +1,00.

Tableau 26.9 : Valeurs de  pour diverses réactions

Réaction
Ionisation des acides benzoïques dans l’eau à 20 ºC +1,00

Ionisation des phénols dans l’eau à 25 ºC +2,11

Formation des cyanhydrines à partir des benzaldéhydes dans l’eau à 25 ºC +1,83

Saponification des benzoates d’éthyle dans l’éthanol (85 %) à 25 ºC +2,54

Hydrolyse acide des benzamides dans l’eau à 100 ºC +0,12

Estérification des acides benzoïques par le méthanol en milieu acide à 25 ºC −0,23

Alkylation des diméthylanilines par l’iodure de méthyle dans l’acétone à 35 ºC −3,30

Hydrolyse des chlorures de benzyle dans un mélange acétone-eau à 30 ºC (SN1) −1,82

Substitution des chlorures de benzyle par I− dans l’acétone à 20 ºC +0,79


Alkylation des ions phénolates par l’iodure d’éthyle dans l’éthanol à 40 ºC (SN2) −0,99

Lorsqu’une telle relation peut s’établir, on peut tirer un certain nombre de rensei­gnements qui nous
seront utiles en particulier pour l’établissement des mécanismes réactionnels.

d) Signification des valeurs  et 


Comme nous l’avons défini précédemment, σX est une constante qui ne dépend que de X. Sa valeur
nous renseigne sur le pouvoir électro-donneur ou électro-attracteur de X sur l’ionisation des acides
benzoïques. Nous avons vu que des substituants X électro-attracteurs possèdent des σX > 0 et inverse-
ment des valeurs de σX < 0 correspon­dent à des substituants donneurs d’électrons.
Les ρ sont des constantes positives ou négatives qui ne dépendent que de la réaction étudiée. Elles
correspondent à la sensibilité de la réaction à la variation de X.
Valeur absolue de ρ
Les réactions très sensibles à la variation de X auront des valeurs absolues de ρ très élevées (fig. 26.6,
droite verte ou rouge). A l’inverse, si la réaction est peu sensible à la variation de X alors la valeur
absolue de ρ sera faible (fig. 26.6, droite bleue).
Signe de ρ
ρ peut être positive ou négative. Quelle interprétation peut-on faire du signe de ρ ?
Pour répondre à cette question, il faut revenir à la relation de Hammett : log (kX/kH) = ρ σX

592
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

log(kX/kH) ρ>0

log(Ka(X)/ka(H))

ρ< 0

ρ< 0

Figure 26.6 Valeurs de  pour différentes réac­tions.

Si la valeur de σ est positive, ce qui correspond à un substituant attracteur d’élec­trons, et si celle de


ρ est également positive alors, d’après la relation de Hammett, log (kX/kH) est positif. Cela signifie
que la réaction est accélérée par la présence d’un groupement attracteur d’électrons. Cela signifie § 26.2.2 sur
encore que l’état de transition de l’étape cinétiquement déterminante est plus chargé négativement le postulat de
Hammond
que le réactif. Il sera donc stabilisé par des groupements attracteurs d’électrons.
Si la valeur de σ est négative, caractéristique d’un substituant donneur d’électrons, et si celle de ρ
est également négative alors log (kX/kH) est positif. Cela signifie que la réaction est accélérée par la
présence d’un groupement donneur d’électrons. Cela signifie aussi que l’état de transition de l’étape
cinétiquement déterminante est moins chargé négativement que le réactif. Il sera donc stabilisé par
des groupements donneurs d’électrons.

Exemple 1
Prenons l’exemple d’une substitution électrophile aromatique. La première étape, cinétiquement dé-
terminante, est l’addition de l’électrophile sur le cycle aromatique avec formation d’un véritable car-
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chap. 12,
bocation. La valeur de ρ est égale à −6,40. Cette valeur négative est en accord avec la charge positive
§ 12.2.2.a
développée par l’intermé­diaire réactionnel. La forte valeur absolue correspond au développement
d’une charge directement sur le cycle lui-même, la stabilité de cet intermédiaire (et donc celle de l’état
de transition qui le précède) sera très sensible à la nature du grou­pement X.

H E E

E+
+
étape lente
+ H +

X X X

593
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Exemple 2
À l’inverse, prenons le cas d’une substitution nucléophile d’ordre 2 comme par exemple la réaction

des ions iodure I sur les chlorures de benzyle (ρ = + 0,79). La réaction se déroule en une étape et l’état
de transition associée à cette unique étape ne développe pas de charge réelle. L’effet du substituant X
sur la stabilité de cet état de transition va être limité d’où une faible valeur absolue de ρ. Son signe
positif est dû à un apport d’électrons à l’état de transition par l’attaque de I− .

CH2Cl I CH2 Cl CH2I

I
– –
+ Cl

X X X

état de transition

e) Recherche du mécanisme d’une réaction


Connaissant la valeur de ρ d’une réaction, il nous sera possible de définir son méca­
nisme
réactionnel.

Exemple 1
La réaction de saponification des benzoates d’éthyle a une sensibilité ρ égale à +2,54.
Si l’on s’intéresse au passage des esters aux carboxylates, deux mécanismes peuvent être intuitive-
ment proposés (dans les deux cas la première étape est ciné­tiquement déterminante). Le premier
correspond à une attaque du carbonyle de l’ester par l’ion hydroxyde et conduit à un état de transition
I chargé négativement. Le second passe par la rupture de la liaison C−OEt et conduit à un état de
transi­tion II chargé positivement.

OH

COOEt X C OEt état de transition
chargé négativement
– O
HO , kx
I ou

+
X C OEt état de transition
X chargé positivement
O

II

Connaissant la valeur de ρ de cette réaction (+2,54), il est facile de trancher entre ces deux proposi-
tions. En effet, comme nous l’avons défini précédemment si la valeur de ρ est positive alors la réaction
chap. 15
sera accélérée par la présence de groupe­ment attracteur d’électrons (σ > 0). Comparons les deux états
de transition I et II. Seule la structure I chargée négativement peut être stabilisée par la présence d’un
X attracteur d’électrons. Ceci permet de conclure, sans ambiguïté, que le méca­nisme de la réaction est
celui correspondant à l’attaque de l’hydroxyde sur le carbonyle. C’est ce mécanisme qui a été proposé
dans le chapitre 15.

594
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Exemple 2
Substitution nucléophile des chlorures de benzyle parasubstitués.
La réaction d’hydrolyse, dans un mélange eau-acétone, des chlorures de benzyle a un ρ de −1,82 alors

que la réaction des ions iodures I sur ces mêmes chlorures a un ρ de +0,79.
Ces deux réactions correspondent à des substitutions nucléophiles. La valeur négative du ρ de la
première, nous indique que le passage du réactif à l’état de transition correspond à une perte
d’électrons.
La seconde, caractérisée par un ρ positif montre que l’on apporte des électrons à l’état de transition.
Nous pouvons en déduire que la première réaction est une SN1 qui conduit à la formation d’un carbo-

cation intermédiaire. Par contre I réagit selon un mécanisme de SN2, avec attaque directe de l’anion
3
sur le carbone sp du chlo­rure de benzyle.

+
CH2Cl CH2 CH2OH

H2 O –
+ Cl + HCl ρ=–1,82
SN 1

X X X

CH2Cl CH2I

I
I
– –
X CH + Cl ρ=+0,79
SN 2
Cl

X état de transition X

Question 26.C
On donne les valeurs de Hammett des substitutions nucléophiles suivantes :
H2O
a) ArCH2Cl + OH− ArCH2OH + Cl− ρ = −0,333

b) ArCH2Cl + H2O ArCH2OH + Cl ρ = −2,178

c) ArCHClPh + EtOH ArCHPh + Cl ρ = −5,090
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Justifier les valeurs de ρ et la variation observée en fonction de la nature de la réaction.

595
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Question 26.D
On donne différentes valeurs de ρ en valeur absolue : 5,92 ; 2,54 ; 0,99.
Faites correspondre chacune de ces valeurs à une réaction ci-après en préci­sant le signe de la
constante et en expliquant votre choix.

R R
– C2H5OH (85 %) –
a) CO2 C2 H5 + OH CO2 + C2H5OH
25 °C

R R
b) + +
+ NO2 NO2 + H

R R
– –
c) O + C 2H 5 I O C 2H5 + I

26.3.4 L’effet isotopique cinétique du deutérium et du tritium


L’hydrogène est le seul élément qui possède des isotopes deux fois plus lourd (le deutérium D) et trois
fois plus lourd que lui (le tritium T). Ceci a des conséquences exploitables dans l’étude des méca-
nismes réactionnels. En effet, si le remplacement d’un hydrogène par l’un de ses isotopes n’a aucune
conséquence sur les propriétés chimiques du substrat, un effet appelé effet isotopique cinétique peut
être parfois observé. Ainsi, en calculant le rapport kH/kD, où kH correspond à la constante de
vitesses de la réaction sur un substrat non deutérié et kD la constante de vitesse de la même
réaction effectuée sur le substrat deutérié, il sera possible de définir un effet isotopique. On peut
expliquer ce phénomène en considérant que la liaison entre deux atomes peut être définie comme
deux masses reliées par un ressort. La loi de Hoocke montre que k la force du ressort, qui peut être
dans ce cas assimileé à la force de la liaison, augmente avec la masse des atomes. Ceci démontre qu’il
faudra plus d’énergie pour rompre une liaison C−D qu’une liaison C−H ce qui peut dans certains cas
conduire à des valeurs de kH et kD différentes.
En fonction de sa valeur, le rapport kH/kD nous renseigne sur le mécanisme réactionnel.
Le tableau ci-dessous regroupe les valeurs que peut prendre le rapport kH/kD et l’interprétation que
l’on peut en faire concernant le mécanisme d’une réaction carac­térisée par un tel rapport.

Tableau 26.10 : Les différents effets isotopiques cinétiques et leur signification

kH/kD Type d’effet Signification

2<kH/kD<7 Effet isotopique primaire Rupture de liaison C−H ou C−D dans l’étape lente

1,2<kH/kD<2 Effet isotopique Pas de rupture de liaison C−H ou C−D dans l’étape lente
secondaire normal mais modification de la force de liaison due au changement
de l’état d’hybridation sp2sp3 du centre réactif

kH/kD<1 Effet isotopique Pas de rupture de liaison C−H ou C−D dans l’étape lente
secondaire inverse mais modification de la force de liaison due au
changement de l’état d’hybridation sp3sp2 du centre
réactif

596
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

a) Effet isotopique primaire (EIP)


L’effet isotopique primaire (EIP) est le plus élevé, il est compris entre 2 et 7. Il sera mesuré pour
toute réaction faisant intervenir la rupture d’une liaison C−H ou C−D dans son étape lente.
C’est le cas notamment de la formation d’énolate décrit dans le tableau 26.5.

b) Effet isotopique secondaire (EIS)


Si aucune liaison C−H ou C−D n’est rompue dans l’étape lente, il reste cependant la possibilité de
mesurer un effet isotopique secondaire (EIS) compris entre 1 et 2.
Effet isotopique secondaire normal
Il est observé si l’état d’hybridation de l’atome qui porte l’hydrogène ou le deutérium change au
cours de l’étape lente. Ainsi, si l’atome passe d’un état sp3 à un état sp2 alors on mesurera un EIS
normal compris entre 1,2 et 2.

Exemple
La réaction d’hydrolyse du chlorure de benzyle paraméthylé est une réaction de type SN1 avec forma-
tion d’un carbocation (C sp2) dans l’étape lente.

Cl +
CH2OH

H2 O –
+ Cl + HCl

Effet isotopique secondaire inverse


À l’inverse si l’état d’hybridation passe de sp2 à sp3, on mesurera un EIS compris entre 1 et 1,2.

Exemple
L’addition de HCN sur un aldéhyde conduit à la formation d’une cyanhydrine. L’effet isotopique mesu-
ré est de 0,7 et correspond donc à un EIS inverse. Ce résul­tat démontre le changement sp2sp3 du
carbone du groupe carbonyle dans l’étape cinétiquement déterminante.
Ceci s’explique par l’attaque du carbone de l’acide cyanhydrique sur le carbonyle avant la protonation
de l’oxygène. Ce résultat n’est pas surprenant si l’on consi­dère que l’acide cyanhydrique n’est pas

assez fort pour se dissocier en H+ + CN .
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D D

H O H OH
O H
H C N C CN

N +
H D

597
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Tableau 26.11 : Effets isotopiques cinétiques de quelques réactions

Réactions kH/kD Commentaire


1,30 SN1
EIS Pas de rupture
de C−H ou C−D
H2O
H3C CH2Cl H3C CH2OH Mais passage
CD2Cl CD2Cl d’un carbone
sp3 à un
carbone sp2

O 6,1 Formation
O EIP d’énolate par
– arrachement du
H3C CH3 HO H3C – CH3 proton

H3C H H CH3
CH3 H CH3
D D
D
0,7 Formation d’une
EIS cyanhydrine
D Pas de rupture
H OH de C−H ou C−D
O dans l’étape
H C N CN cinétique­ment
déterminante
mais passage
H D d’un carbone
sp2 à un
carbone sp3

c) Effet isotopique dans les réactions d’élimination


La mesure de l’effet isotopique sera très utile pour différencier un mécanisme d’élimination de
type E1 ou de type E2. En effet, un mécanisme de type E1, qui ne conduit pas à la rupture d’une
chap. 13,
§ 13.2.2 liaison C−H ou C−D dans son étape lente correspon­dant à la formation d’un carbocation, aura dans
tous les cas un kH/kD inférieur à 2. En revanche, on peut s’attendre à la mesure d’un effet isotopique
primaire compris entre 2 et 7 dans le cas d’une E2.

598
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

Question 26.E
Prévoir la nature primaire ou secondaire de l’éventuel effet isotopique des réactions suivantes
(l’étoile marque les hydrogènes qui peuvent être remplacés par du deutérium).


O _ O
OH *
* *
a) (CH3)2CH CH(CH3)2 (CH3)2CH C(CH3)2

H2O
b) * *
Cl OH

OEt
EtOH
I * *
c 1) CH3 CH2 CH2 CH3
* *
c) CH3 CH2 CH2 CH3

EtONa * *
CH3 CH CH CH2 CH3
c 2)

26.3.5 Marquage isotopique


Toujours dans le domaine de l’utilisation des isotopes, il pourra être intéressant de regarder le devenir
d’un isotope introduit sur un substrat à l’issue d’une réaction.

Cette technique a été utilisée notamment dans le chap. 15 [cf. 15.2.3] pour mieux comprendre le méca-
nisme d’estérification des alcools

26.3.6 La théorie HSAB


Il est possible d’affiner notre réflexion sur la prédiction d’une réaction chimique en introduisant ici la
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théorie HSAB (Hard and Soft Acid and Base ou Acide et Base Dur et Mou en français).

a) Définition des acides et bases durs et mous


Cette théorie définie par Pierson dans les années 60 considère que toute entité chimique peut être
rangée, dans l’une des catégories répertoriées ci-dessous et défi­nies comme suit :
• Base dure : petit atome donneur d’électron, de forte électronégativité, faiblement polarisable
• Base molle : atome ou groupe d’atomes donneur de faible électronégativité, forte­ment polarisable
• Acide dur : atome accepteur petit, avec une forte charge positive, faiblement pola­risable
• Acide mou : atome ou groupe d’atomes accepteur, gros, avec une charge positive faible, polarisable

599
Partie II ■ Chimie organique descriptive

On peut déterminer la dureté absolue d’une entité comme étant égale à η = (EI+AE)/2 où EI
correspond à son énergie d’ionisation et AE son affinité élec­tronique. Il existe des tables dans
lesquelles les entités sont classées dans l’absolu.

b) Variation de la dureté
D’un point de vue qualitatif, il est possible de comparer la dureté d’entités en exami­nant différents
facteurs.
• La dureté varie avec la taille des entités. Si l’on se réfère au tableau de Mende­leiev, il est possible
de dire que la dureté de l’atome d’oxygène est supérieure à celle du carbone (O et C sur la même
ligne avec C à droite de O donc O plus élec­tronégatif que C). Il est possible également, en compa-
rant les éléments d’une même colonne, de dire que l’ion Li+ est plus dur que Na+ et lui-même plus
dur que K+ (à charge égale, la taille de l’atome augmente)
• La dureté varie également avec la charge des entités : ainsi, pour un même atome la dureté
augmente avec sa charge. Par exemple, le Nickel (0) est plus mou que le Nickel (+I) et lui même
plus mou que le Nickel (+II) (pour un même atome, la charge augmente).
• La dureté diminue avec la conjugaison. Si l’on compare la dureté de deux entités possédant un
atome d’oxygène chargé négativement comme par exemple les ions méthanolate et phénolate, il est
possible de remarquer que la charge néga­tive est fortement localisée sur l’oxygène dans le cas du
méthanolate ce qui rend ce site dur. La résonance de la charge négative, observée dans le cas du
phénolate, diminue la densité électronique sur l’oxygène rendant ce site plus mou que le
précédent.


O O


CH 3 O –

méthanolate phénolate

• La dureté varie avec l’état d’hybridation d’un atome. Ainsi par exemple, un carbone sp (50 %
de caractère s et 50 % de caractère p) sera plus dur qu’un carbone sp2 (1/3 de caractère s et 2/3 de
chap. 4,
§ 4.2.2
caractère p) et lui-même plus dur qu’un carbone sp3 (1/4 de caractère s et 3/4 de caractère p). En
fait, plus le caractère s d’une orbitale est important plus les électrons localisés dans cette orbitale
seront proches du noyau.

Question 26.F
Classer les ions donnés ci-dessous par ordre de dureté décroissante :
− − − −
a) F , I , Br , Cl
− − − −
b) OH , F , CH3 , NH2
− −
c) CH3O , CH3
− −
d) CH3O , CH3S
− −
e) C6H5O , CH3O
− −
f) CH3CH CH2COCH3, CH3CH COCH3

600
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

c) Prévision du déroulement d’une réaction


On peut utiliser ces données pour prévoir le résultat d’une réaction. En effet, en plus de permettre de
classer des entités en fonction de leur dureté, la théorie HSAB énonce également que les associations
entre les acides et bases de dureté voisine sont favorisées.
Si une molécule possède plusieurs sites de réaction pouvant être classés selon les critères de la
théorie H.S.A.B., il sera possible de prévoir le résultat de la réaction de cette molécule avec un réactif
donné.

Exemple

Les ions thiocyanates SCN possèdent, de part la résonance, deux sites potentiels pouvant attaquer
un électrophile. En effet, la charge négative peut être portée par le soufre qui est un gros atome ou par
l’azote plus petit. D’après la théorie HSAB, il est possible de dire que le soufre est plus mou que
l’azote.
Comparons maintenant les deux électrophiles, CH3I et CH3COCl. Le carbone sp3 du méthyle de CH3I
est plus mou que le carbone sp2 du carbonyle de CH3COCl. En toute logique, CH3I sera plutôt attaqué
par le soufre alors que CH3COCl sera quant à lui plutôt attaqué par le site dur de l’ion thiocyanate, à
savoir par l’azote.


mou
S C N
CH3 I
mou CH3 S CN

– CH3 CO Cl S C N CO CH3
S C N dur
dur

Compétition entre substitution et élimination


Nous avons vu au chapitre 13 que les réactions de substitutions pouvaient être en compétition avec les
éliminations. En fait, l’orientation d’une réaction vers le produit de substitution ou d’élimination
dépendra, entre autre, du rapport basicité/nucléo­philie de l’espèce attaquante.
Revenons tout d’abord sur les notions de basicité et de nucléophilie.
• La basicité au sens de Brönsted peut être définie comme l’aptitude d’une entité riche en électrons à
capter un proton. Le pouvoir basique d’une entité est déter­miné par un équilibre thermodynamique
acido-basique.
• La nucléophilie peut être définie comme l’aptitude d’une entité riche en électrons à attaquer un
carbone. Le pouvoir nucléophile est alors déterminé par la mesure d’une vitesse de réaction, c’est
un phénomène cinétique.
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• La basicité et la nucléophile sont des propriétés liées. Ainsi, on comprendra aisé­ment que, à la fois
la basicité et la nucléophilie des anions sont supérieures à celles des molécules neutres correspon-
dantes. L’ion hydroxyde HO− est plus basique et plus nucléophile que l’eau de part la présence d’un
excès de charge négative.
En utilisant, la théorie HSAB énoncée plus haut, on peut définir que le rapport basicité/nucléophilie
sera plus grand pour des entités dures que pour des entités molles. En effet, si l’on considère la compé-
tition entre l’élimination et la substitution susceptibles de se produire au départ d’un même composé,
il est possible de classer les deux sites d’attaque, que sont le proton et le carbone, selon leur dureté.
L’hydro­gène est en effet plus dur que le carbone. Ainsi, la réaction d’une base dure avec le proton sera
privilégiée alors que la réaction sur le carbone sera quant à elle favorisée par les bases molles.

601
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Pouvoir basique
Σ
− Élimination
+ HX

Pouvoir nucléophile
H

Substitution + X–
X

Exemple
Réaction du méthanolate et du phénolate de sodium sur le bromure d’isopropyle.
Si l’on se réfère au chapitre 13, la réaction d’un dérivé bromé secondaire avec une entité chargée
négativement peut conduire à une substitution nucléophile d’ordre 2 de l’halogène ou bien à une
chap. 13
élimination d’ordre 2 de HBr.
Ces deux réactions se produisent respectivement par l’attaque de l’entité chargée négativement sur
le carbone secondaire (on parle alors de nucléophile) ou par l’attaque sur le proton (on parle alors
d’une base).
Nous avons vu précédemment que l’ion phénolate était plus mou que le méthano­late de sodium.
Nous en déduisons que le méthanolate conduira préférentielle­ment à la réaction d’élimination
alors que l’attaque du phénolate se fera plutôt sur le carbone ce qui conduira à une substitution
nucléophile.

dur
EtONa H CH3

+ NaBr
H E2 H H
dur H

mou CH3

H H Br OCHCH3
SN 2
+ NaBr
mou ONa

602
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

26.3.7 Description et rôle des solvants


Nous avons déjà parlé du rôle physique et chimique que joue un solvant sur le dérou­lement d’une
réaction [cf. 5.6]. Nous avons vu en particulier le pouvoir du solvant sur la solvatation des espèces
présentes au cours d’une réaction. Nous allons approfondir ce sujet et montrer comment il est possible
de prévoir le rôle du solvant sur le dérou­lement d’une transformation chimique.
Revenons tout d’abord à la description des différentes catégories de solvant qui ont été définies au
chapitre 5.

a) Les solvants protiques polaires


Ils possèdent tous un proton lié à un hétéroatome électronégatif ce qui leur confère un pouvoir donneur
de liaisons hydrogène. Ils solvatent très bien les anions.
Les plus connus et utilisés sont l’eau (H2O), le méthanol (CH3OH), l’éthanol (CH3CH2OH) et le
diméthylformamide (DMF, (CH3)2NCHO).

O
H
H

O H A H

O H
H
O

Solvatation d’un anion A− par l’eau

La force de solvatation des anions dépendra de leur taille. Les protons des solvants protiques
polaires sont des sites durs et s’associeront plus volontiers avec des petits anions. Parmi les halogé-
nures (F−, Cl−, Br−, I−), le plus solvaté, donc le moins réactif, est de loin l’ion fluorure qui ne réagit pas
dans les solvants protiques polaires.

b) Les solvants aprotiques


Ils sont par définition dépourvus de proton lié à un hétéroatome électronégatif. Ils ne peuvent donc pas
donner de liaison hydrogène mais ils peuvent néanmoins en rece­voir. Il est possible, en fonction de la
valeur de leur moment dipolaire et de leur constante diélectrique, de les classer en trois sous-catégories :
• les aprotiques dipolaires possédant un moment dipolaire μ supérieur à 3 Debye et une constante
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diélectrique ε supérieure à 15
• les aprotiques peu polaires possédant un moment dipolaire compris entre 3 et 2,5 Debye et une
constante diélectrique inférieure à 15
• les aprotiques apolaires possédant un moment dipolaire inférieur à 2,5 et une constante diélec-
trique inférieure à 15. Ce classement impose la connaissance des valeurs de μ et de ε pour chaque
solvant, ce qui nécessite un effort de mémoire supplémentaire. Il est néanmoins possible de
raisonner sur la structure des solvants afin de les associer à l’une ou l’autre de ces trois
sous-catégories.

603
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Liste des solvants aprotiques les plus utilisés :


• Aprotique dipolaire : non donneur de liaison hydrogène ; μ > 3 Debye et ε > 15
HMPT, DMF, CH3COCH3, CH3CN, DMSO, PhNO2, CH3NO2

N
O
N P O H
N S H3C C N +N
C
C
N –
O O O
O

Nitrobenzène

O
+ + –
N
N H H3 C C N +N
+ – S + C + H3 C –
N P O C O
O – O

N O – Nitrométhane

HMPT DMF DMSO Acétone Acétonitrile


Hexaméthylphosphotriamide N,N-diméthylformamide Diméthylsulfoxyde

Il est possible de remarquer que tous les solvants aprotiques dipolaires possèdent une liaison
multiple (double ou triple) entre deux atomes d’électronégativité diffé­rente. La délocalisation des
électrons mobiles permet d’inscrire une charge négative sur l’atome le plus électronégatif. La présence
de cette charge sur un atome peu encombré est responsable de la solvatation des cations.

N
+ – +
N P O Li

• Aprotique peu polaire : non donneur de liaison hydrogène ; 3 > μ > 2,5 Debye et ε < 15
Et2O, THF, dioxane

δ−
O
δ+ δ+
+
δ
O
O

δ − O
δ
Diéthyléther Et2O THF Dioxane
Tétrahydrofurane

Les solvants aprotiques peu polaires présentent une liaison simple entre deux atomes d’électro-
négativité différente, ce qui permet d’inscrire des charges partielles δ+ et δ−. Les propriétés de
cette catégorie de solvant seront les mêmes que celles des solvants aprotiques dipolaires mais à un
degré moindre.

604
Chapitre 26 ■ Les grandes classes de réactions

• Aprotique apolaire : non donneur de liaison hydrogène ; μ < 2 Debye et ε < 15


cyclohexane, benzène, alcane

CH3 (CH2)n CH3

Cyclohexane Benzène Alcanes

Les solvants aprotiques apolaires ne possèdent que des atomes de carbone et d’hydrogène
d’électronégativité comparable. Ce sont des hydrocarbures qui ne solvatent ni les anions, ni les
cations.

c) Rôle du solvant sur le déroulement d’une réaction


Examinons maintenant, comment le changement de solvant peut influer sur le dérou­lement d’une
réaction.
Prenons l’exemple de la réaction, effectuée dans le DMSO (solvant aprotique dipolaire), du
bromure de propyle avec des ions flourure associés à un cation de nature variable M+.

Li+ F –
Br F
DMSO

Nous avons vu au chapitre 5 que les solvants aprotiques polaires étaient capables de solvater les
cations. Ainsi, M+ sera donc solvaté par le DMSO ce qui permettra à l’anion libéré de son cation de
chap. 5
réagir. Là encore, la solvatation du cation va dépendre de sa nature et la théorie HSAB permet une
approche qualitative de ce phénomène. La solvatation des cations par les solvants aprotiques dipolaires
dépend de l’interaction existante entre le site négatif du solvant qui peut être qualifié de dur selon la
théorie HSAB et le cation. Il est clair que la solvatation des cations variera avec la dureté du cation.
Ainsi, l’ion Li+, qui est l’un des cations les plus durs, sera fortement solvaté dans le DMSO. En revanche,
les ions ammonium, comme Et4N+, seront considérés comme mous et seront donc moins solvatés. Il est
certain que la réaction sera favorisée lorsque l’on utilisera LiF dans le DMSO plutôt que Et4N+F

Question 26.G
Expliquer le résultat des réactions suivantes en utilisant la théorie HSAB :

–HC(COOCH )
C2H5O– 3 2
a) CH3CH CH2 (CH3)2CHBr (CH3)2CHCH(COOCH3)2
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O

b) + CH3O– O CH2 CH2 COOCH3

O
+ CH3S– CH3S CH2 CH2 COO–

605
Partie II ■ Chimie organique descriptive

Exercices
EXERCICES ET QCM

Les solutions se trouvent à la page 656.


26-a Soit le (R, R) 4-bromo-3,4-diméthylhexane. On fait réagir ce composé avec de l’hydroxyde de
sodium. On isole trois produits A, B et C. A et B ont pour formule C8H18O et se présentent sous forme
de deux disastéréoisomères ; B a pour formule C8H16 . Donner les formules de A, B et C ainsi que les
mécanismes.

26-b On étudie l’addition de HCl sur l’isoprène (ou méthylbutadiène, CH2 = C(CH3)CH = CH2).
Prévoir, en vous aidant du diagramme énergétique associé à ces réactions, quel sera le produit majori-
taire à basse température (-60°C) puis à température ambiante.

26-c Expliquer en utilisant le postulat de Hammond pourquoi, en se plaçant dans les conditions
d’une substitution nucléophile du 1er ordre, la cinétique d’hydrolyse du 2-chloro-2-méthylpropane est
supérieure à celle du 2-chloropropane. Vous pouvez vous aider d’un diagramme énergétique.

26-d La mesure de la basicité d’une série de pyridines monosubstituées révèle les résultats suivants :
X X
4

Ka 3
+
+ H
2
N + N1
H

Substituant X 3−Cl 4−Cl 3−CH3 4−CH3 H 3−OCH3 4−OCH3 3−NO2


pKa 2,84 3,83 5,68 6,02 5,2 4,88 6,62 0,81

1. Peut-on appliquer la corrélation de Hammett aux pyridines substituées en utilisant les valeurs des
constantes σ des benzènes substitués ? Justifier.
2. Pourquoi n’y a t-il pas de pyridines substituées en position 2 dans cette liste?
3. Tracer le graphe de log KaX/KaH en fonction des constantes des substituants σ.
4. Déterminer et interpréter la valeur de la constante de réaction ρ.

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