2014 04 Opinion Vs Vérité

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opinion vs vérit é

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Schulz à d’Orgeix et moi, lundi 9 avril 2012, à propos d’une discu ssio n
d’esth étique :

« Vous n e parl ez que d’opinion, pas de vérité !»

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Bien . Repr enons au début .

Il y a donc trois façon s de pen ser dans le mon de occi dent al (depui s les Grecs) :

La pensée scientifique qui, à une quest ion posée, devr ait pouvoir répondre par
VRAI ou FAUX : c’est une question de vérité.

La pensée éthique, de même, répond par BIEN ou MAL : c’est une questi on de
m orale.

La pensée esth étique enfin, répond par BEAU ou LAID : c’est une question de
beauté.

Ces trois mani ères n’ont rien de comparable : on ne peut pas appliquer à l’une les
maniuère d’une autre. Il est ainsi très vain, comme cela se fait souvent plus par
mét honi mie que par équii valence, d’essay re de trouver de la vérité dans l’ét hique
ou l’esthéti que, de la beauté dans la science ou la mor ale, du bien dans un tableau
ou un trabsi stor.

Ceci dit, la question pose un au tre problème : qu’est qu’une opi nion ?

- 1 -
OPINION

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St ruc t ure de la dé fi ni t i on :

I / II

I A / I B / I C / I D / I E / II A / II B

I A 1 / I A 2 / I A 3 / I B 1 / I B 2 / 1 C / I D / I E 1 / I E 2 / I E 3

II A / II B

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I A 1 Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de suj ets, jugement per sonnel
que l'on porte sur une question, qui n'impli que pas que ce jugement soit
obligatoirement juste.

I A 2 + adj.Jug ement, mani ère de pen ser dénotant une orientati on particuli ère.

a) [Jugement ayant une valeur d'affir mati on]

b) [Jugement ayant une valeur de dout e]

c) [Jugement ayant une valeur d'erreur]

d) [Jugement ayant une valeur de préjugé, de parti pris

I A 3 [Gén. avec une connot ation péj .]

a) Opinion de + su bst . (désignant une cat égorie social e ou professionnel le à


laquell e on prête de manière réductrice ou abusive un type de jugement ou
de pensée parti culier) .

b) Opinion de + subst . (désignant un li eu, une époque, un milieu auquel


s'att ache d es idées, un mode de pensée p articulier)

I B 1 Point de vue, position préci se que l'on a dans u n do mai ne particulier: social,
religieux, politique, intellectuel .

I B 2 Vx. Discour s, écrit destiné à souteni r une idée politique, une idéologi e.

I C Avis, jugement qu'une personne émet à la suite d'une délib ération.

I D Jugement de valeur que l'on port e sur quelqu'un, sur quelque chose.

I E 1. GRAMM. Verbe d'opinion. Synon. de déclaratif.

I E 2. PHILOS., LOG.

- 2 -
a) État d'esprit qui consi ste à reconnaître le caractère subjectif de la
connai ssance que l'on a d'une chose, en inclinant à penser que cett e
connai ssance se rapproche de l a vérité t out en admett ant qu'on se trompe
peut-être.

b) Hypothèse non vérifiée.

I E 3. THÉOL. Opinion probable.

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II. - Gén. au sing.

II A Jugement collectif, type de pensée, ensemble d'idées part agées par un groupe
humain sur un sujet ou un ensemb le de suj ets.

II B L'opinion publique, et absol . l'opi nion. Ensemble d es idées et jugement s


partagés par la majorité des membres d'une sociét é, en particulier en ce qui
concerne le champ politique, social et cult urel de cette soci été.

- 3 -
définition com plète

I. A. - 1 . Manière de penser sur un sujet ou un ensemble de suj ets, jug ement


personnel que l'o n porte sur une question, qui n'implique pas qu e ce jugement soit
obligatoirement ju ste. Synon. avi s, sentiment.Je n'arri ve pou r le moment à aucune
opinion ou plu s exactement à aucun sentiment personnel préci s et stable
concernant l'homme (Du Bos, Jou rnal,19 24, p.58).L e plus ha ut point d'un êt re en
est donc au ssi le plu s éloigné, -c'est-à-dire, le plus imprévu de lui-même. Cett e
opinion n'est pas toute fausse; c'est en quoi elle est redout able (Valéry, Va riété
III,1936, p.22):

Ex. 1. Si j'ai encore un conseil à vous donner, mon ange, c'est d e ne pas plus
tenir à vos opinion s qu' à vos p aroles. Quand on vous les demander a, vendez-
les. Un homme qui se vant e de ne jamai s changer d'opinion est un ho mme
qui se charge d'aller toujour s en ligne droite, un niai s qui croit à
l'infaillibilit é. Balzac, Gorio t,1835, p.130.

SYNT. Se faire, se forger, se former une opinion; avoi r une opinion; conserver,
garder ses o pinions; affirmer, changer, modifier son opinion; formuler, professer,
soutenir une opinio n; dire, donner, faire connaît re, émett re, exprimer, montrer
son opin ion; avoi r le courage, la f ranchise de ses opinion s; cacher, confi rmer,
défend re une opinion; opinion conformi ste, sincère; opinion inti me, personnell e,
privée; fluctuati on, revi rement d'opinion; demander à qqn son opinion; faire ca s,
tenir co mpte d'une opi nion; accrédit er, adopter, appu yer, embrasser, flatter,
partag er, sout eni r l'opinion de qqn; réfut er, repousser, vaincre l'opinion de qqn ;
influer sur l'opinion de qqn; opinions contradi ctoi res, convergent es, différentes,
divergent es; cho c, conflit, convergence, divergence, diversit é d'opinions.

I. A. - 2. Opinion + adj .Jugement, manière de penser dénot ant une orientation


particulièr e.

a) [Jugement ayant une val eur d'affi rmation] Opinion aut orit aire, arrêtée,
tranchée. Tout est embroui llé et sophi stiqué dès l e principe, et on ne peut plu s se
faire, sur t ous ces obj ets, qu e des opin ions arbit raires et incohérent es (Dest utt de
Tr., Commen t. sur E spr. d es lois, 1807, p.289).S'il fallait se résumer, expri mer une
opinion définiti ve, je me hâterais de di re que le dix-huitième si ècl e me paraît un
des plu s gra nds siècl es de l'histoi re (Gui zot, Hist. civilis.,1828, leçon 14, p.39) .
- 4 -
b) [Jugement ayant une valeur de doute] Opinion flottante, fluctuante, incert aine,
spéculative. Ces qu esti ons ne repo saient pas sur des idées vagues ou des opinio ns
oiseuses, le p erson nage l es appuyait sur des faits positi fs (Las Cases, Mémor. St e-
Hélène,t.1, 1823, p.186) .Je n'ignore point ce que disait Goethe: «Si j'écoute
l'opinion d'aut rui, je veu x qu' elle soit exprimée d' une manière positi ve, ca r j'ai
assez d'opi nions probl ématiq ues» (Barrès, Voy. Spart e,1906, p.66).

c) [Jugement ayant une valeur d'erreur] Opinion fausse. Mais, cher Camille, si tu
prends la pein e d'examiner cett e foul e d'opinions erronées et absurdes qui
déparent les sciences exa ctes elles-mêmes; (...) tu seras surpri s de la confiance de
ces messi eu rs d ans les lumi ères du si ècle (Marat, Pamphl ets,Charlat ans mod .,
1791, p.259) .

d) [Jugement ayant une val eur de préjugé, de parti pris] Opinion admise, courant e,
dominant e, reçue, répandue. Il était même capabl e de ne pas avoir en musiqu e des
opinion s toutes fait es, et d e porter sournoi sement un coup d e pioche aux
réput ation s usu rpées d es g rands hommes du jour (Roll and, J.-Chr.,Adol esc., 1905,
p.365):

Ex. 2. Une des conditions de l'expérien ce doit être d'ignorer, pendant le


mesurage de la tête, quel s sont les plus i ntelligent s et quel s sont les moins
intelligents, de mani ère que l'opinion préconçue que les plus intellig ent s
doivent avoir la tête plus dév eloppée ne vienne pas altérer invol ontairement
les résultat s de la rech erche. Hi st. instit. et doctr. pédag.,1912, p.397.

I. A. - 3. [Gén. avec une connotation péj.]

a) Opinion de + subst . (désignant une catégorie sociale ou professionnelle à


laquell e on prête de manièr e réductrice ou abusive un type de jugement ou de
pensée particul ier).J'ai sûrement des moeurs infâmes et je ne sors pas des cafés,
estaminet s, etc..., telle est l'opini on du bourg eoi s su r mon compte (Flaub.,
Corresp.,1841, p.8 9):

Ex. 3. louisa: Je trouve qu'o n fait beaucoup de chichi pour cette fleur-là.
(...) mai s, depui s que j 'en voi s tant, je trouve que ça fait encore bien mi eux
sur les robes de mari age. irène: C'est une opinion de couturière qui a sa
poési e. H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 1, p.20.

b) Opinion de + subst. (désignant un lieu, une époque, un mili eu auquel s'att ache
des id ées, un mod e de pensée particulier ).Ce sont des opini ons de salon, qui ne
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sauraient aller au grand air (Estauni é, Empreinte,1896, p.164).Ce général
représent e actuellement sous l a république les opinions d'an cien régime les plus
cara ctérisées (Clemenceau, Iniquité,1899, p.418).

I. B. - 1 . Point d e vue, position précise que l'on a dans un domai ne parti culier:
soci al, religieux, politique, intellectuel . Synon. idée, théori e, thèse.Opi nions
philosophiques, religi euses. Aujourd'hui, elle ne lit pas plus, mais elle a des
opinion s littéraires, p rises dans les bas petits journaux. Un dépl orable progrès!
(Goncourt, Journal,1866, p.30 0).L'égalité devant la fonctio n publique est assurée
confo rmément au p réambule de la constitution quell es que soi ent les opinio ns
politiques des intéressés (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p.23 6):

Ex. 4. Mmede Villeparisi s regretta qu'il eût dit cela aussi tout haut, mai s n'y
attach a pas grande importance quand elle vit que l'archiviste, dont les
opinions nationali stes la tenaient pour ainsi dire à la chaîne, se trouvait
placé trop loin pour av oir pu entendre. Pr oust, Guermant es 1,1920, p.219 .

SYNT. Afficher ses opinion s; opinions modérées, conservat rices, libérales,


révo lutionna ires, républicaines; la couleur, la teinte d'une opini on.

® Journal, organ e, presse d'opinion. Publication ou ensemble de publi cation s qui


se situe d ans une lig ne politi que, intell ectuelle déter minée par opposition à une
publicati on d'infor mation. On reconnaît qu'un journal doit vivre, et qu'il doit faire
comme les aut res; or l'orga ne d'opinion a dû céder le pas à l'organe d'amu sement,
lequel se t ran sforme d e plus en plus en organe commercial ( Civili s. écr.,1939,
p.38-16) .

® Libert é d'opinion. Tout individu a droit à la libert é d'opinio n et d'expression, ce


qui implique le droit de ne pas être inqui été pour ses opinions (Décl ar. univ. Dr.
Homme,194 9, p.6).

® Délit d'opinion. Dél it qui consiste à propager une idée politique considér ée
co mme pouvant porter atteinte à l'ordre public. À défaut de la raison qu'on ne peut
convaincre, on cherche à soulever les passi ons; au délit de la loi qu'on ne peut
établir, on s'efforce d e substituer le délit d'opinion. Ce n'est point ainsi que
procédera la défense (Courier, Pamphlet s pol.,Procès, 1821, p.107)

Pour opini on (vieilli) . Pour avoir expri mé des idées contraires à une certaine
idéologi e. Si tu avai s un peu de sérieu x, si tu ne riais pas de la moindre sotti se, tu
pourrai s êt re dan s le salon de ton père, et même ailleurs, un des meill eurs él èves
- 6 -
de l'École pol ytechnique, él iminés pour opinion (Stendhal, L. Leuwen,t.1, 1835,
p.14) .

I. B. - 2. Vx. Discours, écrit destiné à so utenir une idée politique, une idéologie.
Lorsque cet opinant termina son opinion, en proposant l'ajou rnement pour 1797,
je crus que ce n'était qu'une agréabl e railleri e (Le Moniteur,t.2, 1789, p.392).Je
suis agit é de craint es, n'osant produi re l 'opinion sur la liberté de la presse que
j'ai fait imprimer (Maine de Biran, Journa l,1817, p.98).

I. C. - Avis, jugement qu'une per sonne émet à la suit e d'une délibération .


Quelqu es jours après que l es nobles vi eill ards eurent recueilli l es opinion s et mûri
leurs idées, le conseil fut convoqué de nouveau (Baudry des Loz., Voy.
Louisian e,1802, p.38) .

- Vx. Suffrage, vote. J'avais dîné chez el le avec plusieurs personnes dévouées au
parti de Necker, et ardentes à souteni r le doublement du tiers, et l'opinion par tête
(Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p.1581) .

- Partage d'opinions. Absence de maj orité au cours d'une délibér ation . Les
dépêches de Vienne firent connaît re les insinuati ons et les désirs de cett e cour. Il
y eut partage d'opinions: l'alliance de la Russie, celle de la Saxe, celle de
l'Autriche, furent appu yées (Las Cases, M émor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.68).

I. D. - Jugement de val eur que l'on porte sur quelqu'un, sur quelque cho se.
Méchante, mauvai se, pauvre, pièt re, t rist e opinion; hau te opinion; opinion
favorable, déf avo rable; remonter, déchoi r dans l'opinion de qqn. Après avoi r jet é
sur moi un de ces regards par lesq uel s les femmes complètent leur opinion sur un
homme (Du mas fils, Dame Cam.,1848, p.85).Tu croi s que ma mère me défen drai t
de parti r? Tu as une rich e opinion d'el le (Montherl.,Exil,1929, i, 5, p.46).

- Opinion de soi. Jugement que l'on porte sur soi-même. L'homme donc s'aime
d'autant plus qu'il le mérite moins, et so n opinion de lui-même grandit avec son
insignifi ance (Amiel, Journal,1866, p.72).Ces succès confi rmaient la bonne
opinion que j'a vai s de moi, ils assurai ent mon aveni r, je leur accordai s une
grande importance et je n'aurai s voulu pour ri en au monde y renoncer (Beauvoir,
Mém. j. fille,1958, p.243).

I. E. - Spéci alement

I. E. - 1. GRAMM. Verbe d'opinion. Syno n. de déclaratif.

- 7 -
I. E. - 2. PHILOS., LOG.

a) État d'esprit q ui consi ste à reconnaître le caractère subjectif de la conn aissan ce


que l'on a d'une chose, en inclinant à penser que cette connaissance se rapproche
de la vérité tout en ad mett ant qu'o n se trompe peut-être. Les fait s observés à
plusieurs repri ses par des hommes en état de les voir sous toutes leurs faces, une
fois qu'il s so nt bien const atés et bien décrits, sortent du domaine de l'opi nion pour
entrer dans cel ui de la vérité (Say, Écon. pol.,1832, p.44).Une opinion est un
choix que l'on fait en ne connaissant qu'une partie des choses, en suppo sant qu'on
en voit le tout et le tout des conséquences (Valéry, Mauv. pens.,1942, p.179):

Ex. 5. Il est donc essenti el à la certitude de s'ét ablir sous bénéfi ce


d'invent aire et il y a une opinion [it. ds le texte] qui n'est pas une forme
provisoire du sav oir, destinée à être remplacée par un savoir absolu, mais au
contraire la forme à la fois la plus anci enne ou la plus rudi mentaire et la
plus conscient e ou l a plus mûre du savoi r, -une opinion originair e dan s le
double sens d'«orig inell e» et de «fondamental e». Merleau-Ponty,
Phénoménol. perception,1945, p.454.

b) Hypothèse n on vérifiée. Cet esprit nou veau [de l'écl ecti sme] int roduit dan s les
sciences naturelles, a remplacé le règne des opinions par celui des observation s,
et leur a fait pa rcourir en cinquante ans plus de chemi n qu'elles n'en avaient fait
depui s l'origin e du mond e (Jouffroy, Mél. philos.,1833, p.279).Parmi les plus
célèbres représentant s de l'écol e thomi ste jusqu'au XIXesi ècl e, citons, depui s
Cajétan (...): Jean de Saint-Thomas (...); Salmanticenses, qui cit ent en faveur de
l'opinion de la causalit é physique tous les anciens tenants de la cau salité
efficien te dispositi ve (Théol. cath.t .14, 11 938, p.617) .

I. E. - 3. THÉOL. Opinion probable. Opinion qui s'appuie sur quel que raiso n
sérieu se, même s'il y a li eu de croire que l'opinion opposée est plus fondée (d' apr.
Marcel 1938).

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II. - Gén. au sing.

II. A. - Jugement coll ectif, type de pensée, ensemble d'idées p artagées par un
groupe humain sur un sujet ou un ensembl e de sujet s. S'occuper, s'émouvoir de
l'opinion d'aut rui, des aut res, de la foule; aller contre l'opinion de tout le
quarti er. Parce qu'avant tout, on tient à l'opinion de la société, et, quand on est
- 8 -
père de f amille, qu and depui s quarant e ans on mène une conduite i rréprocha ble...
on n'aime pas à la voi r ternir (Sue, Atar- Gull,1831, p.24).L'allo cution de Pétain à
la L.V.F. fut peut-êt re de tous ses actes cel ui qui le cond amna l e plus
radicalement dans l'opinion des p ri sonni ers (Ambrière, Gdes vac.,1946,
p.140) .[Le timi de] redout e surtout les act es qui ent raînent une valorisation social e
positive ou négative, et qui impliquent la conquêt e de l'opinion d'autrui (Mou nier,
Traité ca ra ct.,1946, p.405) .

II. B. - L'opinion publ ique, et ab sol . l'opinion. Ensembl e des idées et jugement s
partagés par la majorité des membres d'une sociét é, en particulier en ce qui
concerne le champ politique, soci al et culturel de cett e société. Braver l'opinion.
Dans t oute étude du mo yen âg e, la foi i mplicite du peupl e, l'adhésion unanime de
l'opinion publiqu e, donnent à toutes les tradition s populai res inspi rées par la
religion, une force qu'il est impo ssi ble à l'historien de ne pas app réci er
(Montal embert, Ste Élisabeth,1836, p. xcvi).Mai s par son uni versalit é, par
l'imprécisi on de ses fronti ères, la démog raphi e reste méconnue. L'opinion a trop
tendance à la confond re avec la st atisti qu e (Hist. sc.,1957, p.1622):

Ex. 6. ... l'inqu alifiabl e ordonnance Gi squet, qui enjoignai t aux médecins de
dénoncer les blessés, ayant indigné l'opi nion, et non seulement l'opinion,
mai s le roi tout le pr emier, les bl essés fu rent couvert s et protégés par cett e
indignatio n... Hugo, Misér.,t.2, 1862, p.596.

- En partic. Ensembl e des at titudes mor ales, int ellectuell es et soci ales dominant
dans une sociét é, dan s la manière dont elles se manifestent, s'appr éhendent ou
s'év aluent . Mou vement, revirement d'opinion. Il faut en rend re grâce aux
découvertes de Freud. Sur la foi de ces découvert es, un courant d'opini on se
dessine enfin, à la faveu r duquel l'explorateur humain pourra pousser plus loi n
ses investigat ions ( Breton, Manif. Surréal.,1erManif ., 1924, p.23) .La so ciét é
inorganisée ignore ses prop res dési rs et prie le légi slateur de sond er l'opinion et
de découvri r ses besoi ns pour pouvoi r ensuit e les admini st rer et les sati sfai re
(David, Cybern.,1965, p.82).

® Sondage* d'opi nion.

- SOCIOL. POL. Forme p articuli ère d e pensée, pri se de posit ion moral e et
intellectuelle d'un e sociét é, d'un group e soci al, professionn el ou ethnique en t ant
que force d e pressi on. Opinion mondiale, internati onale; opi nion ci vile; op inion

- 9 -
moral e, ouvri ère. L'Évangile nous mont re partout le peupl e imbu de l'idée du
grand Sabbat divin (...). Seulement on distingu e enco re fort clai rement, dans
l'opinion populaire si gnalée par l'Évangile, les t roi s nuances que nous avons
marquées plu s hau t (P. Leroux, Humani té,1840, p.754).Bien moins rai sonnabl es
sont parfoi s des opinions national es volontiers chauvines, surexcit ées par la
presse des démago gues ignares (Jeux et sport s,1967, p.1231):

Ex. 7. En déployant un paternalisme d'avant-garde, le Chanceli er de Fer


visait à prévenir les exigen ces d'un soci alisme menaçant; son but était de
rallier l'opinion d'une classe labori euse, arbitre de l'équilibre politiq ue
intérieur et prin cipal agent de l'essor économi que de l'All emagne i mpéri ale.
Bariéty, Coury, Hi st. méd.,1963, p.797.

- 10 -
vérité

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st ruc t ure de la dé fi ni t i on

1 Se c t i on
re

I / II

I A / I B / I C

I A 1 a a / I A 1 a b / I A 1 a g / I A 1 b / I A 2 a a / I A 2 a b / I B 1 a / I B 1 b / I B 2 / I B 3
/ I C 1 / I C 2 / II A / II B

2 Se c ti on
e

I / II

I A / I B 1 / I B 2 / II

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1 Section. Toujours au sing. [Le plus sou vent avec art. déf .]
re

I A 1 [D'un point de vue abstr.]

I A 1 a)

a) PHILOSOPHIE

- Connai ssance reconnue comme j ust e, comme confor me à son obj et et posséd ant à
ce titre une val eur absolue, ulti me.

- [Dans une p erspective relativi ste; la vérité sans caract ère absolu, mai s au
contraire intériori sée dan s l'homme]

b ) Norme, principe de rectitude, de sagesse considéré(e) co mme un idéal dans


l'ordre de la pen sée ou d e l'acti on.

g ) THÉOL. (Éternelle) vérit é. La seule vérité absolue, inalt érable, fiabl e, parce
que donnée par Dieu.

I A 1 b) LOG. Vérité (logi que) . Confor mit é de l a pensée ou de son expressi on


avec son objet .

I A 2 Lang. cour.

I A 2 a)

a ) [P. oppos. à erreur, ignorance] Connaissance confor me à ce qui exist e ou a


exist é; expressi on de cett e connaissance.
- 11 -
b ) En partic.

- [Dans d es cont . évoquant la di ssi mulat ion, le mensong e; p. oppos. à i nvent ion,
mensonge]

Fam. S'il le dit, (c'est que) c'est la vérité. [Pour expri mer que l 'on fait confian ce à
qqn à propos d'une chose que l'on ne peut vérifier soi- même]

[Dans des tours exclam. de la lang. parl ée, dans un dialogue, sert à renchérir sur
ce qu'on vient d'affir mer face à un int erlo cuteur sceptique]

Expr. proverbi ale. La vérité so rt de la bouche des enfant s. [Pour expri mer qu'un
enfant dan s son inno cen ce, n'est pas en core capable de l a di ssi mul ation ou de la
rouerie de l'âge adulte]

- [Dans le cadre d'une enquête, d'une investigation mettant notamment en cause le


témoignage hum.] Ce qu'une personne a ef fectivement vu, perçu ou acco mpli .

I A 2 b)

a ) Conformité d' une affir mation à la réali té.

b ) En partic. Caractèr e de ce qui n'est pas suspect de di ssi mulation ou de


mensonge.

I A 2 c) [Le plus souvent dans des loc. ou en constr . syntag m.]

a ) Objectivité d'un e personne; expression de cette obj ectivit é.

b ) Sincérité d'une per sonne; expression de cette sincérité.

- P. méton.

® Honnêtet é, authenti cité d'une parol e, d'un senti ment .

I B Domaine de la création littér. et artist.[P. oppos. à académi sme,


conventionnali sme]

I B 1 Accord d'une œuvr e avec la réalité ou avec l'idée qu'on s'en fait .

I B 1 a) Ressemblance préci se et vivante d'une œuvre avec son modèl e.

I B 1 b) Caractère spontané, vivant, natur el d'une œuvr e.

I B 2 Qualité de naturel, de sincérit é d'un interprète, d'un acteur .

I B 3 Accord de l'œuvre avec la réalité et ses caract ères, considér é par l'écrivain
ou par l'artist e co mme un obj ectif à attei ndre.

- 12 -
- En partic. Expression litt éraire ou ar tistique qui s'i nspir e direct ement de la
réalité hu mai ne, concr ète, quotidienne.

- En appos. Du théâtre vérité

I C 1 PHILOS. [Chez les Grecs et dans la tradition des scolastiqu es] Vérit é
(ontologique) . Confor mit é d'un être ou d'un objet avec la pensée, avec son type
idéal, avec la pensée divi ne.

I C 2 P. ext. Ce qui constitue la valeur d'un être ou d'un objet, lui est essenti el et
justifie son exi sten ce.

® Subst. + de v érité

TAUROM. Terrain de vérit é.

Heure, minute, instant, épreuve de vérité. Moment déci sif, ulti me, dans une
confrontation, une co mp étition, une situ at ion de crise ou de paroxysme, où chacun
doit faire la preuve de ce qu'il est, sans se dérober, sans tricher .

II A [P. oppos. à fiction, légende, rêve] Ce qui exi ste indépendamment de l'esprit
qui le conçoit . Synon. réalité.

- [Avec co mpl . prép. de] La vérit é des choses, de la vie. La réalit é concrète.

- En partic. Le réel en tant que suj et de la littérature ou de l'art .

II B Nature profonde d'une per sonne, par opposition aux apparences ou à l'idée
plus ou moin s just e qu'on se fait d'ell e.

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2 Section. Au sing. ou au plur. [Le plus souvent avec art . indéf.]


e

I A PHILOS., THÉOL., lang. des sc. Énoncé confor me à la réalité.

® Vérité + adj . ou co mpl . dét erminatif indiquant son do maine d'appartenance.

® Vérité première. LOG. Vérité évident e, indémontrable.

- [Dans une perspecti ve relativi ste; l'accent est mis sur l'aspect temp. des vérités,
une vérité pouvant êtr e une certit ude à un e époque et se révéler plus tard partielle,
caduqu e ou fausse]

I B Lang. cour.

I B 1 Idée conforme à la réalité ou tenue pour telle. Synon. certitude

® Vérité de La Palice
- 13 -
- [P. oppos. à men songe] Infor matio n sûre, confirmée.

- Expr. proverbiale. Toute vérité n'est pas bonne à dire. [Pour expri mer qu'il est
préférable de di ssi muler une vérité susceptible de blesser qqn, de perturber un
équilibre]

I B 2 P. méton., le plus souvent au plur. Paroles exprimant une opini on tenue pour
fondée.

- [Dans des loc. figées] Déclarations f aites sans fard, sans ménagement, sans
acco mmodement et donc souvent peu agréables pour leur desti natair e.

II. - Chose réell e, visible. Synon. réalité.

-------------------------------------- ------------------ -------------------------------------- -----------------

REM.

a) a )

-vérité, élém. de compo s. entrant d ans la constr . de subst V. théât re vérit é

Ciném a-vérité, subst . masc.

Interview-vérité, subst. fém.

Télé-v érité, subst . fém.

a) b ) Domaine de l'expr. artist. et littér.[Indique que ce que dési gne le 1erél ém.
restitue son sujet de la manière la plus fidèle, la plus aut hentiq ue] V. roman-vérité

Photo-vérité, subst. fém.

Portrait-vérité, subst . masc.

a) g ) [Indique que ce que désigne le 1erél ém. ne présent e aucun e ambi guïté, aucun
discours caché, ne di ssi mul e rien]

Dossier-vérité, subst . masc.

Taux-vérité, sub st. masc.

Test-v érité, subst . masc.

b) [Le 1erélém. est un préf . ou un élém. de compos.] V. cont revérit é, non-vérité

Dem i-vérité, subst . fém.

- 14 -
définition com plète

1 Section. Toujours au sing. [Le plus sou vent avec art. déf .]
re

I.

A. -

1. [D'un point de vue abstr.]

a)

a ) PHILOSOPHIE

- Connai ssance reconnue comme j ust e, comme confor me à son obj et et posséd ant à
ce titre une valeur ab solue, ulti me. Progresser dans la vérit é; crit ériu m de la
vérit é; disciple, servit eur de la vérité; (prétendre, cro ire) détenir, posséder la
vérit é. La vérit é ne vaut jamais que par l' unité totale de son expression, tandi s que
les objections et les hérési es ont touj ours la facilité de s'at taquer au détail
(Blondel, Action, 1893, p. 238) .V. analogue ex. 9:

Ex. 1. ... la con sci ence que le savant a prise de son trav ail a été d'abord
quelque peu ambiguë... Ainsi Descart es, qui distin gue d e la mét aphy siqu e,
quête de l 'Être au traver s de la pensée, l a sci ence, analyse de l a nature, ne
peut s' empêcher d'unir scien ce et métaphysique comme le tronc et les racines
du même arbre de la connaissance, et d'user pour l'une comme pour l'autre
du même mot Vérité. M. Deschoux, J. Gagey, P. Bigl er, Philos. dernière,
1965, p. 44.

® Vérité + adj . déter min atif préci sant sa nature.La vérité étern elle, nécessai re,
universelle. Nous rej eton s (...) le sceptici sme frivole et le dogmati sme scolastique
(...). Nous croyon s à la vérité, bien que nous ne prétendions pas posséder la vérité
absolu e (Renan, Avenir sc., 1890, p. 445) .V. premi er II B 1 ex. de Cl. Bernard et
relatif B 1 ex . de Sartre.Vérité + adj. déter minatif précisant son do mai ne
d'élection ou d'investigati on.L a vérit é métaphysique, morale, scientifique. Albert:
(...) Sous quel soleil s'épan ouiront nos intelligences lorsqu'elles arri veront au
jour?... Il faut qu'il y ai t un soleil! Ma urice: Comment donc!... Il y en a plus
d'un!... Le soleil qui vous attire est la vérité biolo gique. Le mien, c'est la vérit é
psychologique. D'aut res tend ent vers la vérit é physiqu e, la vérité mathématique.
Autant de soleil s que de sci ences! (Curel, Nouv. idole, 1899, ii, 5, p. 220).
- 15 -
- [Dans une p erspective relativi ste; la vérité sans caract ère absolu, mai s au
contraire int ériorisée dans l'ho mme] La phénoménologi e se ref use à expliquer le
monde, elle veut êt re seulement une description du vécu. Elle rejoint la pensée
absu rde dans son affi rmation ini tiale qu 'il n'est point de vérité, mai s seulement
des vérités (Camu s, Sisyp he, 1942, p. 63).La saisie de la vérité ne se distingue pas
de la véri té elle-même. La vérité c' est d'abord la vi sée personn elle, l'effo rt
d'approp riati on d'une tran scendance dont nous pouvons relever seul ement
l'empreinte et comme le sillage dans l'immanence. Il s'agira donc toujours d'une
vérit é spécul ativement i mparfaite, inaccomplie. Un e vérit é comme école ou
exercice de soi (G. Gusdorf, Mythe et mét aphys., 1953, p. 187) .V. absolu ex. 4.

® Expr. pro verbiales. À chacun sa vérit é. [P. allus. au titre fr. d'un e pièce de
Pirandello: Chacun sa vérit é; pour expri mer qu'il y a aut ant de point s d e vue sur la
vérité qu'il y a de parti s] Les athl ètes (et quelquef ois, dan s une cert aine mesu re,
leurs ent raîn eu rs-conseillers) ont indivi duellement le dernier mot de ces pal abres
[sur la psycholo gie de l'athlète]. Ils pro clament qu'à chacun sa vérité (Jeux et
sports, 1967, p. 12 29).Vérité en deçà* des Pyrénées, erreur au del à.

b ) Norme, principe de rectitude, de sagesse considéré(e) co mme un idéal dans


l'ordre de la pensée ou de l'actio n. Flambeau de la vérité; règne, triomphe de la
vérit é; commet tre une faute, un crime contre la vérit é; rendre hommage à la
vérit é. L a Justice et la Vérité, même méconnues de tout un peuple, resteront la
Justi ce et la Vérité, c'est-à-dire des cho ses supéri eures aux aberrations d'un jour
(Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 115).La recherch e de la vérit é doit être le
but de not re activit é; c'est la seule fi n q ui soit digne d'ell e (H. P oincar é, Val eur
sc., 1905, p. 1).V. ab solu ex . 3, absurde ex. 21, doute ex. 7, sage ex. 1.

- Par person nificati on, gén. dans la lang. poét. On voi t, louche rhéteur des vi eux
parti s hurlant s, (...) Pendre à tes noirs discours, comme à des clous sanglant s,
(...) La Vérité, fermant l es yeux, la Liberté Échevel ée et pâl e (Hugo, Chât im.,
Paris, Hach ette, 1932 [1853], p. 420) .

® [La vérité, représent ée allégoriquement par une femme nue sortant d'un puit s et
tenant, à la main, un miroir] Nous nous penchâmes sur le puits. C'était le frère
profond des col onnes. En haut d e cette colonne inverse, la Vérité se cachait
(Cocteau, Fin Potomak, 1940, p. 136):

- 16 -
Ex. 2. Dans le beau siecl e d'or, quand les premi ers humai ns, Au mili eu d'une
paix profonde, Couloi ent des jour s purs et sereins, La Vérité couroit le
monde Avec son miroir dan s les mains. Fl orian, Fables, 1792, p. 158.

Expr. proverbiale. La vérité est au fond d u puits*.

g ) THÉOL. (Éternelle) vérit é. La seule vérité absolue, inalt érable, fiabl e, parce
que donnée par Dieu. Quand l e génie di sparoît, un désespoi r prof ond s'empa re de
Faust et il veut s'empoi sonner. « Moi, dit-il, l'image de la divinité, je me croyoi s
si près de goût er l'ét ernelle vérit é dans tout l'éclat de sa lumi ère céleste! » (Staël,
Allemagne, t. 3, 1810, p. 77).Sans visage est la vérité. Lui ayant prêté le nôtre,
nous l'a von s rendu périssable. « De l a divine Vérit é, nous ne p ouvions fai re
qu'une vérité humaine. Ainsi, du même coup, nous la livrions à la mort », avait-il
écrit (E. Jabès, Le Livre du Dialogu e, 1984, p. 100).V. absolu ex . 6.

- P. méton. Dieu lui-même. La souverai ne, suprême vérité; la vérit é ineff able.
Immense, éternel, immua ble, il [Dieu] est la vérité p remière, hors de laquelle tout
est tén èbres (Ozanam, Philos. Dant e, 1838, p. 195).V. just e ex . 4.

® En partic. [Dans la relig. chrét.; p. réf. aux paroles du Christ dans l'Évangile
selon saint Jean, XIV, 6: Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie] Jésus dit dans
l'Évangile: « Je sui s la Vérité », et la vérit é, mon cher Henry, c'est qu'il faut
souff rir, pui sque cel ui qui se nomme la Vérité, cel ui qui déclare ainsi son No m de
Famil le, est préci sément le Chef des sou ffrant s et des supplici és (Bloy, Jou rnal,
1894, p. 158).V. absolu ex. 7.

® Subst. + de vérit é.Homme de véri té. Homme dont le rôle est de répandre la
parole du Christ ou d'en être le gar ant . L es hommes de vérité sont-il s pour aut re
chose ici-bas, que pour y être perpét uell ement en sacrif ice? (...) Immole-toi sans
regret, homme de vérit é; la carriere est douce à cel ui qui a seulement commencé
d'y poser le pi ed (Saint-Martin, Homme d ési r, 1790, p. 203) .Pour être l'homme, le
minist re de la paix, il faut que l'évêque soit: un h omme d'autorité, un homme de
zèle et de prières, un homme de vérit é, s'il le faut, un homme de mi racl es
(Dupanloup, Jou rnal, 1851-76, p. 103).L ivre de vérit é. L'Évangil e. Son attitude
[du Christ sculpt é au XIIIesiècle] s'est calmée, sa face s'est ennobl ie; d'une main
il tient le livre de vérit é et, de la droite il fait le geste de béni r (Hourticq, Hi st.
art, Fr., 1914, p . 73) .P . anal. Pendant des si ècl es en Europe la parole du f ou ou

- 17 -
bien n'était pas entendu e, ou bien, si elle l'était, était écoutée comme une paro le
de vérité (M. Foucault, L'Ord re du discours, 1971, p. 13) .

® Expr. (Être, ma rcher, d emeu rer, se mai ntenir) dans l a vérité. Sel on Di eu, sel on
l'enseignement, les lu mi ères de l a foi . Jahvé est saint; il ne se met pas en col ère
pour toujou rs; il pardonnera aux coupab les, s'ils se converti ssent, s'ils app ellent
Dieu leu r père. La conversion consi ste à marcher dan s la vérité (Th éol. cath.t . 4,
11920, p. 995).En esprit et en vérit é. Conformément à la révélation de Di eu en
Jésus- Christ r endu présent par l'E sprit (d'apr. All men 1956). Jésus vient non pour
abolir mais po ur a ccomplir la loi de Moïse et des prophèt es; il s'oppose à tou s les
phari saï smes, qu'ils soi ent de la lettre ou de l'esprit. Il prêche une religion « en
esprit et en vérité » mais il se borne aux rites juif s et il en fonde de nouveaux pour
unir les siens (Philos., Reli g., 1957, p. 32-11).

I A 1 b) LOG. Vérit é (logique). Confor mi té de la p ensée ou de son expression av ec


son obj et. L a défini tion t raditionnelle d e la vérité l a tient pour copi ée sur son
objet. Elle serait l'adéquati on de l'intellect à la chose (...). Cette définition n'est
simpl e qu'en ap parence; car t oute la qu estion est de savoi r en quoi con siste l'objet
(H. Dreyfu s-Le Foyer, Traité de philos. gén., 1965, p. 151).V. évidence B ex. de
Lamennai s:

Ex. 3. ... [pour saint Tho mas] c'est là qu'est la vérité à proprement parler et
en premier li eu, dans son ordonnance à l 'i ntellect divin. De cett e di stinctio n
[entre rapport fidèle de la chose à son image qui est en Dieu et rapp ort
fidèle de nous- mêmes à la chose] naîtra la distinction entre la vérité
intellectuelle ou absolue et la vérité logi que ou relative. J. Wahl, Trait é de
métaph ys., 1968 [1953], p. 399.

- En partic.

® [Chez Kant, selo n un critère log. ou formel] Accord de la pensée avec elle-
même, consi dérant la for me et la cohérence de la connai ssance ou de so n
expression, indépendamment d e son cont enu, de tou te observation d u mond e. L a
logique formelle nous do nne les conditions sans l esquelles il n'y a pas de vérit é
possible; to ut ce qui est en contradiction avec ses règles est fau x, puisque ces
règl es concernent l'accord de la pensée avec elle-même. Mais il ne suffit pas
qu'une pro posit ion soit conforme au x règles de la Logique formelle pour qu'ell e
soit vraie; ca r les conditi ons d e l'accord de la pensée avec ell e-même ne

- 18 -
concern ent nullement le contenu même de la pensée. La Logique donne don c un
critère purement négatif de la vérité ( G. Pascal, La Pensée de Kant, 1966, p.
59).[S'oppo se au critère de vérité mat érielle de la connai ssance] Accord de la
pensée avec so n objet, c'est-à-dire avec les phénomènes de l'expérience. Une
connai ssance ne s'acco rd e matériell ement avec son objet que si ell e prend en
compte son caractère part iculi er, et permet de le distinguer des aut res objet s
auxquel s elle pourrait être appli quée mai s ne conviend rait p as (pour l esquel s ell e
serait fausse). Sa vérité provient ainsi de sa capacit é à rendre compte de la
singularité d e son obj et (G. Potdevin, La Vérité, 1988, p. 36) .

® [Dans une conception mod. de l a l og. et en épistémol .] Rapport d e non-


contradiction entre une proposition et un ensembl e de proposition s servant de
référence. Les p roposition s vraies qui forment un ensemble sont dites tel les dans
des cont extes. Il n'y a pas une réalité, mais diverses représent ations, chacune
cohérent e, dont l'ensemble con stitue la réalité. Chaque proposition vrai e est dit e
telle par rapport à l'ensembl e des aut res proposition s vrai es dans le même
context e. Tout examen de la vérit é ou de l a fausset é d'une proposition do it d'abo rd
passer par l'examen des questions « où? », « quand? » (A. Lercher, Les Mots de la
philos., 1985, p. 342) .

® Valeur de vérité. Valeur (vraie ou fausse) d'une proposition. Si la valeur de


vérit é d'une proposition élémentai re est supposée donnée avant to ut cal cul par
simpl e constat empiriq ue ou expérimentation sci entifique, celle de toute
proposition compl exe est fonction des valeurs de vérité des propositions
élémentaires qu'elle conti ent ainsi que du jeu des opérateu rs qui les lient et les
tran sforment (D. Vernant, Introd. à la philos. de la log., 1986, p. 14).V.
proposition ex. 6 .Table d e vérité. V. tabl e III B.

I A 2 Lang. cour.

a)

a ) [P. oppos. à erreur, ignorance] Connaissance confor me à ce qui exist e ou a


exist é; expression de cett e connai ssance. Figurez-vous les drapeaux ent ourés de
vingt, trente ou cinquante ho mmes au pl us, cri ant à l'envi: « Les lâches sont à
l'abri, et nous périsson s ici dans la mi sère! » C'était la triste vérité (Erck m.-
Chatr ., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 235).V. avouer ex. 19:

- 19 -
Ex. 4. L'Algérie rest ait sa passion. Myt hologique ou vécue, Marc l 'avai t
dans la peau (...). La vérit é ? Mar c en disposait . Elle n'ét ait jamai s
figurative ou fidèl e à l'hi stoire, ell e était lyrisme pur, célébr ation,
flamb oiement. Il suffisait qu'on le crût pour qu'il crût lui- même avoir dit
vrai. Y. Queffélec, Le Charme noi r, 1988 [1983], p. 215.

SYNT. Avoi r le respect, le souci de la vérité; être très él oigné, à cent lieues, près,
proche de l a vérité; s'éca rter, aller à l' encont re d e la vérit é; êt re, demeurer en
dessou s, au-dessous de la vérité, fidèl e à la vérit é; poursuivre, traquer, débu squer
la vérité; ent revoir, mettre au jour, l aisser percer, filtrer la vérité; mener,
parvenir à la vérité; mett re le doig t sur la vérit é; posséder, proclamer la vérité;
avoir peu r de la vérité; reculer devant la vérité; accepter, admett re, reconnaît re,
refu ser la vérit é; regarder l a vérité en f ace; ne pas supporter la vérit é; la vérité
se dévoil e, se découvre, se dégage, se fait jour, se livre, jaillit, surgit, prend
forme, éclate, sau te au vi sage; l'aff reuse, la brutale, la cruell e, la dure, l'ho rribl e,
l'odieuse, la terribl e vérité; (faire) la vérité complèt e, toute entière, totale sur
qqc.; la vérité à tout prix, sans ménagement.

- En appos. Opération vérit é. Opération au cours de laquelle on décide de porter à


la connai ssance de tous, des informatio ns qui ne sont pas habituel lement diffusées.
Et si vot re chef de service vou s con vo quait demain mati n pou r vous di re: «
Dupont, la direction a déci dé un e opération vérité sur les salai res de t ous l es
cadres de la sociét é. D'ici quinze jou rs, faites-moi une analyse précise de vos
fonction s » (Le Point, 5 janv. 1976, p. 56, col. 1).

- [Figé dans des t ours du t ype voilà la vérit é, la vérité est que/c' est que; pour
renforcer ce qu'on affir me ou rectifier ce que dit qqn d'autre] Courpière:
J'éprouve, en effet, pour ell e un respect qui me coupe bras et jambes. Robert
Esprels: Je te prie de ne pas te payer ma tête... La vérité, c'est que Mmede
Passelieu ne te dit rien, parce qu'une autre... te dit trop (Hermant, M. de
Courpière, 1907, ii, 4, p. 16).« (...) Moi je vou s ai bi en reconnu tout de su ite. »
(Elle dit cela comme si elle m'avait reconnu tout de suite dans le sal on, mais la
vérit é est qu'elle m'avait reconnu dans la rue (...)) (Proust, Fugit., 1922, p.
574).Fann y: (...) je ne voudrai s pas que vous engag iez votre parole su r un
mouvement de pitié. Panni sse: Pitié? Qué pitié? Alors, tu n'as p as compris ce que
je t'ai dit? Fanny, je te jure que jamai s un homme n'a fait une a ction aussi égoï ste

- 20 -
que moi en ce moment. Je me fai s plai sir, voilà la vérité (Pagnol, Fanny, 1932, ii,
6, p. 138).

- Fam. [P. allus. à l' expr . proverbial e il n'y a que la vérité qui bl esse/q ui offen se;
pour signifier à qqn que s'il ressent un reproche ou un propos co mme offensant,
c'est que celui-ci est justifié] - « Monsieur le comte, je vous somme de vo us
expliquer. » - « La vérité blesse toujours, » fit négligemment l'Italien. - « Drôle, »
cria l e prince, et il lui jeta, à travers l a table, sa serviette au vi sage (Péladan,
Vice sup r., 1884, p. 299). V. offenser B 3 b ex. de Las Cases.

- Locutions

® Loc. verb.

À dire la vérité; pour dire (tout e) la vérité. [En incise ou au déb . d'une prop.;
introd. une précision] Synon. à dire vrai (v. dire1II C 5 a), pour dire vrai*, sa ns
menti r*, pour êt re f ranc (v. f ranc3II A 1).Je prévoi s que vous m'ent raîn erez d ans
une longue et tri ste dissertation dont je ne sais pas trop, à vous dire la véri té,
comment je me ti rerai, san s tromper votre attente ou sans vous ennuyer ( J. de
Mai stre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 445).Je me plaignai s bien encore à ma
mère des cruaut és horri bles d'Alphonsine; mais elle me faisait plus de peur que de
mal et, pour dire toute la vérité, elle ne me faisait ni mal ni peur (A. France, Pt
Pierre, 1918, p. 144).

Etre dan s la véri té. [P. oppos. à êt re d ans le faux (v. faux2III A 1), être dans
l'erreur*] Analyser un fai t, un phénomène, d'une manière qui est conforme à la
réalité. Synon. être dans le vrai*.M. J. Lefebvre (...) démolit de fond en comble la
thèse du néo-latinisme, en établissant que l'abbé Espagnolle, dans son ouvrage
l'Origine du français, ét ait dan s la vérité (Fulcanell i, Demeures philo sophal es, t .
1, 1929, p. 112).

Loc. adv.

À la vérité. [Introd . une préci sion ou une rectification] Synon. en vérit é (infra), en
réalit é*, à dire vrai*, à dire la vérit é*.Qu'ai-je donc p erdu avec la jeu nesse? (...)
Quelqu es ill usions qui me remplissai ent à la vérité et passagèrement d'un bo nheur
assez vif, mais q ui étaient cau se, pa r cela même, d'une amertume proport ionnée
(Delacroix, Jou rnal, 1849, p. 297) .Incapable de résister davantage à sa curiosit é,
elle questionna d'un ton qu'elle tâcha de rendre indiff érent mai s qui, à la vérité se
révéla bou rré d'anxiét é (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 21 8).
- 21 -
Dans la véri té (vieilli). Même sens. Elle éteignit les lumières, mit de la cendre sur
notre feu, s'approcha nu-pieds de la croi sée, et tâcha de voir qui frappait. Mais,
dans la vérité, c' était po ur f aire si gne à Lamontett e de se reti rer et qu'ell e n'étai t
pas lib re (Restif de La Bret ., M. Nicolas, 1796, p. 216).

En vérit é. S ynon . de à la vérit é (supra), dans la vérité ( sup ra).Parfoi s, M. Lavoine


disparai ssai t comme un lutin. Il restait quelques jours absent et ne donnait sur ses
fugues aucune sort e d'expli cation. Personne, en vérité, ne lui demandait la
moindre explication (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 226).V. feinte ex . 2.[Corresp . à
certaines valeurs de vrai ment; avec valeur intensive, indique qu'une dénom. est
prise dan s son sens l e plus co mplet] À cette idée d'un os à moell e du milieu de la
période quaternai re, il éclatait de rire comme si on lui avait conté une bonne
farce! Est-ce qu'à not re époq ue un savant, un véritabl e savant, digne en vérit é de
ce nom de savant, pouvait enco re s'i nt éresser à un squelett e du milieu de la
période quaternai re! (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 63).[Renforce un groupe no m.
expri mant un jugement] Synon. de assurément, certainement, certes,
sûrement.[L'union du paysan avec la terre] est austère, elle prend tous les jours,
toutes les heures. Et tout y est du côté de l'homme: inqui étude et labeur; sans
compter les coups du so rt (...). Rude école de patience en vérit é, de résignation et
de ténacité. Parce que rien n'est acquis aux champs, et semer n'est pas récolt er
(Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 261) .[Fonctionne comme adv . de phrase, dans
une sit uation de di alogue, en têt e ou en fin de prop.] En vérité, madame, j e ne
comp rend s pas... Votre troubl e... pour une chose si simpl e! Je regrett e de vous
avoir in disp osée (Vogüé, Morts, 1899, p . 331).Je vous félicite. Mais je ne voi s pas
pourqu oi je suis avertie la première [de vos fiançaill es]. C'est tro p d'honneu r, en
vérit é. Elle est jeune? (R. Bazin, Blé, 1907, p. 220).[Dans des tours exclam.;
marq ue l' émotion, l'indignati on] Il te sied bien, en vérité, de fa ire l'Adam d'avant
le men song e! Reconnai s enfin où tu es, regarde! ( Milosz, Amour. init., 1910, p .
150).[Sert à r enforcer un e interr .] - Bah! dit Monte-Cri sto, impo ssi ble. - Cel a est
pourtant comme je vous l e dis. - Ah! vrai ment! dit Monte- Cri sto, et vous en avez la
preu ve? - Je l'avai s du moin s? - Et vous l'avez perdue, maladroit? - Oui; mais en
cherchant bien on peut la retrouver. - En vérité! dit l e comte, cont ez- moi cela,
monsi eur Bert ucci o! car cela commence véritabl ement à m'intéresser (Dumas père,
Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 63 2).

b ) En partic.

- 22 -
- [Dans d es cont . évoquant la di ssi mulat ion, le mensong e; p. oppos. à i nvent ion,
mensonge] Cacher, déteni r, taire, étouff er, avouer, conf esser, révéler, raconter,
livrer, déballer, déformer, arranger la vérité (sur qqc.); flairer, soup çonner,
deviner, exiger, obtenir, rét abli r la vérité (sur qqc.). L'attente se prolongeait. Elle
sourit enfin: - « Di s la vérit é, mon grand », fit-elle, avec un geste aventureu x de
la main. « On ne se rep ent jamai s de ne pas menti r » (Martin du G., Thib., Cah.
gr., 1922, p. 676).Je lui rappelai [à un cancérol ogue] ce jour, à la télé, où je
l'avais entendu expliquer qu'un malade ignorant la véri té, se laissant mener par la
maladie, au lieu d'agi r, mourait doublement: un malade qui aff rontai t lucidement
son sort n e di sparaissait ja mais pour les aut res (A. Francos, Sauve-toi,
Lola!Paris, J'ai lu, 1984 [1983], p. 171 ).V. absolument ex. 18, avou er ex. 5,
hypocrite I ex . de Roll and, men songe A ex. de Renard .

® [Dans un cont. mét aph .] Dégui ser, farder, maquill er, travesti r la vérité; faire un
croc en jamb es, une entorse à la vérité; tourner le dos à la vérité. Ce fut avec
avidité que je m'en emparai pour la li re [l'histoire de sa vi e]. Mais je ne tardai
pas à m' apercevoi r qu'ell e y avait tu, ad ouci, ou déguisé la vérit é (Restif d e La
Bret., M. Nicolas, 1796, p. 100).Vérit é toute nue. [Par recoupement avec sup ra
1reSection I A 1 a b (représent ation allégorique de l a vérité)] L'Inspect eur: Mes
remerciements, Mesdemoi sell es. J'esp ère que grâce à vos indications, nous allons
voir enfi n la vérité toute nue (Giraudoux, Intermezzo, 1933, i, 5, p. 49).

® [Avec redoubl ement int ensif] La vérité vrai e. La vérité pur e, celle qu'o n dit sans
détour, sans ornement. Ce qu'il voulait dire était très beau, très fort, de quoi
soulever une mont agne. Et tout se rat atinait, une fois écri t, devena it con et
ridicul e. Alors, de rage, il avait gribouil lé n'importe quoi su r un bout de papier,
l'essentiel, la vérité vraie: « Je t'aime et j'ai du chagrin » (G. Dormann, Je
t'apport erai des o rages, Paris, Le Livre de poche, 1973 [1971], p. 104) .

® Jeu de la vérité. Jeu qui consi ste à dire ce qu'on pen se des personnes présentes,
en gén éral ou sur d es point s particulier s, les joueur s passant sur la sell ette soit à
tour de rôle soit ensembl e (d'apr . Cl . Av eline, Le Code des jeux, 1961, p. 250) .
Asseyez-vous là: on va jouer au jeu de la vérité, dit Claudi e. Je déteste ce jeu; je
ne dis jamai s qu e des mensonges et ça m'est pénibl e de voi r mes partenaires,
avides d'exhiber sans se nuire le mystère qui les habite, s'interroger avec scrupule
et ruse (Beauvoir, Mandari ns, 1954, p. 185).

- 23 -
® Séru m de vérité. Sub stan ce nar cotiqu e qui plonge une per sonne dans un état tel
qu'elle n e peut que répondre la vérit é à toute question qu'on lui pose. Synon.
penthotal ( s.v. pent(a)- I A 5).On n'a pas insi sté [dans l es j ournaux] su r son
utilité [de la narcoanal yse] pour guérir l es troubles d'ori gine psychique, fai re le
diagnostic d'une aff ection ou analyser le subconscient mai s on l'a p résent ée
comme le sérum de vérit é. Quittant les hôpitaux, la narcoanal yse a pénét ré au
prétoi re (P. Chauchard, Hypn ose et suggestion, 1970, p. 9).

® Expressions

Fam. S'il le dit, (c'est que) c'est la vérité. [Pour expri mer que l 'on fait confian ce à
qqn à propos d'une chose que l'on ne p eut vérifier soi-même] Langle de Cary
continue: « ... Jusqu'à maintenant nous ne semblo ns pas avoi r beaucoup souffert
[du tir d'écrasemen t]... » Un rire très gai secoua la poit rine de Joff re: - S'il vous
le dit, c'est que c'est la vérité. Lui, jusqu'à présent, il n'a pas l'impression d'avoi r
beauco up souff ert... C'est un fait (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 47).

[Dans des tours exclam. de la lang. parlée, dans un dialogue, sert à renchérir sur
ce qu'on vient d'affirmer face à un interlocuteur sceptique] - Ne dites pas ça,
allons... - C'est la vérité, monsieur Haudoin. - Vous exagérez, Main ehal, vous
exagérez. - Non, monsieur Haudoin, non. Pourquoi voulez-vous que j'exagère?
(Aymé, Jument, 1933, p. 129) .- Dis donc pas de conneries. - Tu me crois point? -
Sûr que non. - Ah ben, brailla Goubi, c'est quèque chose! Pour une fois que c'est
la pure vérit é du bon Dieu! (Fallet, Un Idi ot à Paris, 1990 [1966], p. 126) .

Dis la vérité. [Dans le parler pied-noir, interr. moqueuse en fin de phrase] [Nous
ferons la route à pied.] Ti as fait la mise au point à tes rémorqueu rs, di s la vérité?
(Musette, Cagayous aviat., 1909, p. 7).

Expr. proverbi ale. La vérité so rt de la bouche des enfant s. [Pour expri mer qu'un
enfant dan s son inno cen ce, n'est pas en core capable de l a di ssi mul ation ou de la
rouerie de l'âge adulte] Un jour, j'avais dit à Alice de Roquefeuil: - Pourquoi est-
on comme ça avec Mada me de Vaugi rau d?... - Comment, comme ça?... - Ben, on
n'a jamais l'ai r de voir q u'elle est là... même quand on est chez elle... excep té
Alphonse et Grand-père qui sont gentil s pour elle, personne ne lui parl e... Et
Alphonse d e Roquefeuil a vait conclu, avec son souri re trist e: - La vérité sort de la
bouche d es enf ants! (Gyp, Souv. pte fill e, 1928, p. 192).

- 24 -
[P. allu s. au proverbe lat. In vino verit as; pour expri mer qu'une pers. ivr e révèl e
par ses propos ou par son co mportement , des choses qu'elle arrive à di ssi muler
lorsqu' elle est à jeun] C'est la g uerre qui m'a sauvé en me ti rant de là et en me
jetant anonyme parmi le peuple en armes, un matricul e parmi des millions
d'autres. 1529. Quelle i vresse! La vérité est da ns l e vin. La vérit é et la li berté
(Cendrar s, Bourlingu er, 1948, p. 194) .

- [Dans le cadre d'une enquête, d'une investigation mettant notamment en cause le


témoignage hu m.] Ce qu'un e personne a effectivement vu, perçu ou accompli. [Les
soldat s] s'ouvrent à la joie de revivre posément et san s risque. Pour un peu ils se
tâterai ent l es o s af in d'êt re sû rs qu'ils sont encore bien viva nts. Les visio ns de
cauchema r qui leur reviennent les en feraient douter enco re. Il faut sans hât e
prendre contact avec leurs chef s et avec eux-mêmes pour démêler petit à petit la
vérit é et recon stituer les premi ers co mbats de Vaux (Bordeaux, Fort de Vau x,
1916, p. 77).La d étenti on prévent ive qui peut être ordon née de manière à éviter
qu'une personne sur laquelle pèsent de graves soupçons pu isse se so ust rai re au
jugement ou commett re des act es qui empêcherai ent la manif est ation de la vérité
(Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 48).

® [P. allus. à la formul e du ser ment demandé à une per s. qui témoigne devant un
tribunal: Vo us jurez de dire, la vérité, toute la vérit é, rien que la véri té; levez la
main dro ite et dit es: j e le jure] Ça court les rues les braves gen s prêt s à sacrif ier
quelques années de vot re b elle jeunesse pour di re la vérit é, rien qu e la vérit é,
cette p utain de vérité dan s sa totalit é! (B. Blier, Les Valseuses, Pari s, J'ai lu, 198 9
[1972], p. 60).

b)

a ) Conformité d'u ne affirmation à la réal ité. Quand un homme perd sa liberté, dit
Homère, Jupit er lui enlève la moitié de son âme. Ce mot d'Homère est d'une vérit é
sublime. Telle est en effet la bonté de la Providence; elle nous ôte dan s nos
douleu rs l es facult és qui nous l es rendraient intol érables (P. Leroux, Huma nité,
1840, p. 31).[Les fédérés] chantaient, il s buvaient, ils jouaient aux cart es, tou s,
jeunes et vieux, en bonnet s rouges ou chapeaux à cornes; et c'est là qu e je
reco nnu s la véri té de ce que Chauvel nous avait racont é du peupl e pari sien, qui
vit partout co mme dan s ses vieill es rues, sans s'inquiéter du rest e (Erckm.-Chatr .,
Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 39).

- 25 -
SYNT. Estimer, dégag er, ét ablir, con stat er, attester, confirmer, prouver, garantir,
contester, méconnaître, altérer, affaibl ir la vérité de qqc.; conclure, croi re à la
vérit é de qqc.; trancher de la vérité de qqc.; être dénué, manquer de vérité; avoi r,
conteni r une vérité fragmentai re, tronquée; être d'une vérité littérale, rigoureu se,
infaillible, pa ssagère, proba ble, approximative, totale; un détail criant de vérité.

- Expr. Il y a de la vérité, il y a quelque/ beaucoup/peu de vérité dans des propo s.


[Pour exprimer qu'on accorde un crédit aux propos de qqn, qu'on lui reconnaît de
la perspicacité, de la lucidité à propos d'une situation donnée] Il y a sans doute
quelque vérité dans ce vieux préjugé que les fous connai ssent l'avenir; mai s,
quand tout l'avenir devrait m'êt re dévoil é, je ne voudrai s point êt re fou (Al ain,
Propos, 1914, p. 181). - (...) Tu sais ce que c'est, une putain? - C'est des
personn es qui se défend ent avec leu r cul. - Je me demande où tu as appri s des
horreu rs pareilles, mai s il y a beaucoup de vérité dans ce que t u di s (E. Aj ar, La
Vie devant so i, 1990 [1975], p. 23).

b ) En partic. Caractèr e de ce qui n'est pas suspect de di ssi mulation ou de


mensonge. S'assu rer, témoi gner de l a véri té d'un récit, d'un soup çon. Il a énu méré
tous les soufflet s qu'il avait reçus d'ell e, san s jamais les rend re. Interrogée par le
présiden t su r la vérité d es all égation s de son mari, Jeanne a répondu qu' elle ne se
rappelait plus,... que la violence appelait la violence (Goncourt, Journal, 1894, p.
704).La parole conf ère une vérité neuve à ce que le temps nous a dérobé; elle en
prêt e même une, quelqu efoi s, aux mensonges (A. Hardellet, Le Seuil du ja rdin,
1979 [1966], p. 172).

® Véri té hist orique, vérité de l'hist oire. Certitud e qui porte sur la natur e des
sources et sur la fiabilit é de l'hi storien. En fait, lorsque l'histoi re est vraie, sa
vérit é est doubl e, étant faite à la fois de vérit é sur le passé et de témoignage sur
l'historien (Marrou, Connai ss. hi st., 1954, p. 229).

- ÉCON. Vérité des pri x. V. pri x I B 2.

c) [Le plus souvent dan s des loc. ou en co nstr. syntagm.]

a ) Objectivité d'un e personne; expression de cette objecti vité. La vérit é parl e par
sa bouch e. Bien loin qu'il [le ma riage des prêtres ma ronit es] ait nui, comme on
affecte de nous le di re, à la pureté des mœurs sacerdotal es (...), on peut dire avec
vérit é qu e, dans aucun e contrée de l'Europe, le clergé n'est plu s pur (...) qu'il l'est
ici (Lamart ., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 103).

- 26 -
® La vérit é oblige/force qqn à/ de + inf .Tout en dînant, Albert ne put s'emp êcher
de remarquer la différence not able qui existait ent re les mérit es respectifs du
cuisini er de maît re Past rini et de celui du comte de Monte-Crist o. Or la vérité
força Franz d'avouer, malgré les préventions qu'il parai ssai t avoi r cont re le
comte, que l e parallèl e n'était point à l'avantage du chef de maît re Past rini
(Dumas père, Monte-Cri sto, t. 1, 1846, p. 516).La profondeur des boi s m'inspi rait
dès ma plus tendre enfance un plaisi r mél ancolique. Toutefois la vérité m'obl ige à
dire q ue, m'étan t enfon cé dans l es fourrés où la l umière tombait à t ravers l a
feuillée en di sques d'o r, je m'él oignai à la hâte, de peu r des rôdeurs qui
troublai ent ma solitude (A. France, Vie fl eur, 1922, p. 324) .

b ) Sincérité d'une per sonne; expression de cett e si ncérit é. Ami, reprend t rès-
vivement l'arch evêque, répon dez-moi avec vérité, l'avez-vou s laissé sans espoi r?
(Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 328).Il faut nous parl er en tout e vérité, comme de
bons ami s (Rolland, J.-Ch r., Nouv. jo urnée, 1912, p. 1456).Tous [nos juges
d'inst ruction] savent et admettent que l'émotion et l'accent de vérité du témoin ne
créent pas la connai ssa nce du fait, qu' au contraire il s la supposent, et c'est
précisément parce qu'il s la supposent, qu'on en tient compte (Théol. cath.t. 4,
11920, p. 821) .

- P. méton.

® Honnêt eté, authenti cité d'une parole, d'un senti ment. Garde-toi d e prendre des
détou rs dans to n cœur, pou r t'aut ori ser à jurer, si tu n'es pas sûr de l a vérité de
ton serment (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 139).Il n'est pas d'autre mesure à
la valeu r mo ral e de notre amour ou de son objet que la profondeur et l a vérité de
notre sentiment (Milo sz, Amour. init., 1910, p. 163).V. paraître1I A 1 ex. de
Restif de la Breton ne.

® [À propos d'une pers.; avec valeur intensi ve] Elle qui était la sagesse, la
droitu re et la vérit é même (Fromentin, Dominique, 1863, p. 184).

I B Domaine de la création littér. et artist.[P. oppos. à académi sme,


conventionnali sme]

I B 1 Accord d'une œuvr e avec la réalité ou avec l'idée qu'on s'en fait .

I B 1 a) Ressemblance précise et vivante d'une œuvre avec son mod èle. Un crabe
en bron ze d'une exécution si troublant e de vérit é que j'étais tenté de le croi re
- 27 -
surmoulé, si le naturaliste Pouchet ne m'avait affirmé qu'il n'en était rien, se
basant sur l'ab sence de certai ns organes de la génération (Goncourt, Jou rnal,
1894, p. 684).

I B 1 b) Caractère spontané, vivant, naturel d'une œuvre. Les co nnai sseurs


rema rquent (...) que la vive invention, le naturel, le grand élan du cœur, la vérit é
parfait e, dont les p remi ères œuvres de Michel-Ange sont rempl ies, ont disparu
[dans le Jugement dernier] (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 17).Heure
d'émerveill ement [à la tél évi sion] : la Bel le Vie (...) de Jean Anouil h, joyeusement
réali sée pa r Lazare Iglésis. Le bonheur de jouer Anouilh nimbait les comédien s.
On reconnaît la vérit é d'une œuvre à ce q u'elle réjouit d'abord les interprètes. Un
signe qui ne trompe pas, parce qu'il est aussi difficil e de si muler la volupt é
intellectuelle q ue l'intelli gence (Le Figaro Magazine, 17 oct . 1987, p . 71, col.
1).V. naturalist e ex. 2, réali ste C 2 ex. de Morand.

- En partic. Réali sme, authent icité du suj et restit ué p ar l'arti ste. Les eaux ét aient
d'une profondeur inouïe [dans un tableau de M. Decamps] ; les g randes o mbres
qui coupent les pan s des maisons et dorment éti rées sur le sol ou sur l'eau avaient
une indolen ce et un farni ente d'ombres indéfini ssables. Au milieu de cette nature
saisissante, s'agitai ent ou rêvaient d e p etites gens, tout un petit monde avec sa
vérit é native ou comiq ue (Baudel ., Salon, 1846, p. 141).[Les impressi onni stes] ont
observé ces êt res [les paysa ns et les ouvriers] dans la vérité de leurs occupat ions
au lieu de les ankyl oser dans une pose facti ce, et de peindre des dégui sés
(Maucl air, Maîtres impression n., 1923, p. 37).

I B 2 Qualité de nat urel, de sincérit é d'un interprète, d'un act eur. Lorsqu'il [Jean
Gabin] était en face de vous, qu'il vous donnait la réplique, il était tellement «
juste » et il émanait de lui une telle véri té, un tel magnétisme qu'il finissait par
vous co mmuni quer un peu de son talent ( C. Mars ds A. Brunelin, Gabin, Pari s, J'ai
lu, t. 2, 1989 [1987], p. 56).

I B 3 Accord de l'œuvre avec la réalité et ses caract ères, considér é par l'écrivain
ou par l'arti ste co mme un obj ectif à attein dre. L'app arence de « vie » et de « vérit é
», qui est l'objet des calculs et des ambit ions du romancier, tient à l'introduction
incessan te d'observations, - c'est-à-dire d'élément s reconnai ssab les, qu'il
incorpore à son dessein. Une trame de détails véritabl es et arbi trai res racco rde
l'exist ence réelle du l ecteur aux feint es exi stences des perso nnages (Val éry,
Variété[I], 1924, p. 169) .V. exactit ude B 1 ex. de Delacroix et de Gauti er:
- 28 -
Ex. 5. Picasso veut la vérité. Non pas cette vérit é fictive qui laissera
toujours Gal atée inerte et sans vie, mai s une vérité total e qui joint
l'imaginat ion à la nature, qui considère tout comme réel et qui, allant sans
cesse du parti culier à l'universel et de l'universel au particuli er,
s'accommode de toutes l es variét és d'existence, de changement, pourvu
qu'elles soient n ouvell es, qu'elles soient f écond es. Éluard, Donner, 1939, p.
94.

- En partic. Expression litt éraire ou ar tistique qui s'i nspir e direct ement de la
réalité hu main e, concrète, quotidienne. Je suis allé carrément mon chemin. Cette
franchise des situations et du style a révolté. Ma vérité a été sifflée, et l'on a hué
ma fantaisie (Zola, Bouton de rose, 1878, p. iv).V. naturali sme ex. 2, réalisme C 1
ex. de Baud elaire.

- En appos. Du théâtre vérité [la pièce de J.-P. Wenzel « Marianne attend le


mariag e »] qui t race des ondes dans nos mémoi res (L'Express, 14 mar s 197 7, p.
14, col. 2).

I C 1 PHILOS. [Chez les Grecs et dans la tradition des scolastiqu es] Vérit é
(ontologique) . Confor mit é d'un être ou d'un objet avec la pensée, avec son type
idéal, avec la pen sée divine. Ce qu'ell e [la connaissance intellect uelle] cherche
(...), c'est à le définir [ son objet] et à le cara ctériser, c'est-à-di re à le saisi r dans
sa permanence et dans sa g énéralité, hors d e la vie, pou rrait-on dire, san s les
variati ons p erturba nt l'évidence typique et immuable! Jamais cette tendance ne fut
poussée pl us loin q ue dan s la théorie pl atonicienne qui, par delà les apparen ces,
toujours pl us ou moins li ées à l'événement qui passe, affi rme u ne vérité absolue
qui sera l'Idée des choses (Hu yghe, Dial og. avec visible, 1955, p. 398) .La vérit é
au sen s logi que et humain est une véri té dérivée; son fondement est la vérit é
ontologique, l'acco rd de l'êt re créé a vec la pensée de Dieu (I .-M. Bochenski, La
Philos. contemp. en Europe, trad. par Fr. Vaudou, 1967, p. 197).

I C 2 P. ext. Ce qui constitue la valeur d'un être ou d'un objet, lui est essenti el et
justifie son exi sten ce. Découvrir sa vérit é; accompli r la vérité d e son êt re. Chaque
être, si misérable qu'o n le suppose, a n éanmoins sa vérité. Mais qu'importe la
vérit é des êtres à qui n'a jamais entrepri s de rechercher sa propre vérit é?
(Bernano s, Joie, 1929, p. 536) .Quand nous voulons p enser l e mouvement (...), nous
nous plaço ns aussitôt dans l'attitude critique ou attitude de vérification, nous
nous demandon s ce qui nou s est donné au juste dans le mouvement, nous nous
- 29 -
apprêtons à rej eter les apparences pour attei ndre la vérité du mouvement
(Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 309).

® Subst. + de v érité

TAUROM. Terrain d e vérité. Sabl e de l'arène où le torero doit faire la preuve de


son talent et de son courage. Sur le sol de l'arène, il [le torero] lutte pour êt re
sauf, comme le veut so n instinct, qui gouverne sur ce sol, et c'est bien pourquoi on
appelle ce sol l e « terrain de la vérit é » (Montherl ., Besti aires, 1926, p. 524).P .
anal . Désormai s[dan s l'esp ace ouvert] l'œuvre apparaît dans sa nudité essenti elle.
Mais c'est là, pour le comédien comme pour l'œu vre, une ép reuve sans recou rs. La
scèn e nue est « terrain de vérit é ». La médiocrit é y est impito yablement démasquée
(Serrière, T.N.P., 1959, p. 73).

Heure, minute, instant, épreuve de vérité. Moment déci sif, ulti me, dans une
confrontation, une co mp étition, une situ at ion de crise ou de paroxysme, où chacun
doit faire la pr euve de ce qu'il est, san s se dérober, sans tricher . Pour Israël, voi ci
l'heure de vérité (...). La question posée désormai s au gouvernement israélien est
celle-ci: cont re une reconnai ssance arabe (...) est-il p rêt à rendre « d es »
territoi res qui permett raient à un peupl e sans pat rie d'investir enfin so n énergie
dans la con st ruction de son État? (L'Événement du Jeudi, 14-20 mars 199 1, p. 6):

II A [P. oppos. à fiction, légende, rêve] Ce qui exi ste indépendamment de l'esprit
qui le conçoit. Synon. réalit é.Mais ne su ffit-il pas que tu soi s l'appa rence, Pour
réjoui r un cœur qui fuit la vérit é? Qu'import e ta bêtise ou ton indifférence?
Masque ou déco r, salut! J'adore ta beauté! (Baudel ., Fl. du Mal, 1860, p. 172).Un
rêve ne dure pas, sans dout e celui d'Hélène est-il déjà terminé, tandis que la
réalit é est toujours là, imperturbable et constant e. Rien n'est plus persévérant que
la vérité, on essaie de l'oubli er, on y parvient et vl an! la revoil à, narquoise. On
marche toute sa vie dans du présent (Fr. Dard, La Crève, 1989 [1946], p. 39).

- [Avec compl . prép . de] La vérité des choses, de la vie. La réalit é con crète.
Quand on songe que tout le mouvement intellectuel accompli jusqu'ici a été réali sé
par des hommes malheureu x, souffrants, harcelés de peines (...), et que nous-
mêmes nou s en recueillon s la t radition, (...) on prend en meilleure estime cett e
nature humaine, capable de poursuivre si énergiqu ement un objet idéal. Il est
temps, défini tivement de revenir à la vérité de la vie, et de renoncer à tout cet

- 30 -
artifice de convention, reste de nos dist inctions arist ocratiques et de la sociét é
artifici elle du XVIIesiècle (Renan, Aveni r sc., 1890, p. 462).

- En partic. Le réel en t ant que suj et de la littératur e ou de l'art . Ce Courbet-là


(...) nous regarde, nous fouille (...) puis, résumant nos laideurs, il nous peint dans
notre vérit é, afin de nou s faire rougi r (Zola, Mes haines, 1866, p. 29).

II B Nature profonde d'une per sonne, par opposition aux apparences ou à l'idée
plus ou moins juste qu'on se fait d'el le. Charlotte m'a aimé pour des rai sons
absolu ment différentes de celles qu'avait su aménager ma naïve psychologie. Elle
est mort e, désespérée, quand, à la lumière d'une expli cation t ragique, elle m'a vu
dans ma vérité. Alors je lui ai fait horreur (Bourget, Disciple, 1889, p. 129).On ne
croit pa s que ça exist e si fo rt, ce petit monde. On vit tout au milieu de lui, sans
presque l e voi r, tant c' est simple. Et puis, un soir, au b out d'une trop longue
solitude, on retrouve ses enfant s un à un, le vrai regard de leurs yeux vivants, la
vérit é de leurs petites perso nnes: et c'est quand on les a perdus (Gen evoix,
Raboliot, 1925, p. 313).

- Loc. adv., rare. En vérit é. Tel qu'en lui-même. L e co mte Michele Cantarini ne
livrait p as facilement le secret d e la nat ure él evée, violente, impati ente qui était
la sienne. Une année durant, Paulina s'ét ait aimée elle- même dan s la p ersonne de
Michele; à présent Michele lui appa rai ssait en vérité (Jouve, Paulina, 1925, p.
100).

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2 Section. Au sing. ou au plur. [Le plus souvent avec art . indéf.]


e

I A PHILOS., THÉOL., lang. des sc. Énoncé confor me à la réalité. Adhérer à une
vérit é; en seign er, p rofesser des vérités; une vérité moyenne, provi soire, définiti ve;
une vérité fondamenta le, reconnu e, objective, irréfutabl e. Ce qui fait le
prosélyti sme, ce qui entraîne le mond e, ce sont des vérités incompl ètes. La vérit é
complèt e serait si quint essenciée, si pondérée qu' elle n' excit erait pas assez l es
passion s, et ressemblerait au sceptici sme (Ren an, Aveni r sc., 1890, p. 446) .V.
aberratio n ex . 1, ab solu ex. 78, pri ncipe ex. 1, réalit é ex. 4, relatif B 1 ex. de Le
Dantec:

® Vérit é + adj. ou co mpl. déter minatif indiquant son do maine


d'appart enance.Vérit é moral e, philosop hi que; vérit és des mathématiques, de la
physi que. Ka rl Marx a vait énoncé avec profondeu r une vérité économique en
- 31 -
disant que le capi tal est une relatio n sociale (Perroux, Écon. XXes., 1964, p.
255).Chacun va rép étant qu'une vérité scientifique n'a de val eur qu'en réf érence
au système global qui la contient et la rend possible: allégation qui prend son
meilleur sens dans l'univers du discours mathématique (M. Serres, Hermès I, La
Co mmun ., 1984 [1969], p. 78).V. présomption A 1 ex. de Langlois.

® Le plus souvent au plur. Vérités éternell es, révélées, absolu es, logiques, a
prio ri, de raison, analyti ques. Vérit és const antes et nécessaires au regard des
sciences, indépend antes de l'expérience au regard de la logique, reconnues co mme
provenant d e Dieu par les philosophes cl assiques et par les religieux. Di sting uer
un plan des véri tés a prio ri et un plan des vérités de fait, ce que doit être le
monde et ce qu'il est effectivement ( Merleau-Ponty, Phénoménol. p erception, 1 945,
p. 255).[L es jug ement s a priori] sont d' abord valables dan s le plan idéal parce
qu'ils exp riment des relations ent re essences. À ce niveau, ils sont nécessai res.
C'est ce que la tradi tion ca rtésienne appelait les « vérités éternell es » (R.
Verneaux, Crit. de la Crit. de la raison pure de Kant, 1972, p. 107) .V. éternel II A
ex. de Al ain.Vérit és rel atives, co ntingentes, d'expérience, de fait, synthéti ques.
Vérités liées au mo nde de l'expéri ence, établies par l'observati on scientifique. La
loi de Newton est une vérité d'expérience; comme telle elle n'est qu'approxi mative,
ce qui mont re que nou s n'avons encore qu'une définition par à peu près ( H.
Poincaré, Val eu r sc., 1905, p. 44) .V. réel II A ex. de Gds cour. pen sée math.

® Vérit é premi ère. LOG. Vérité évidente, indémontrable. Suivant le vœu de Bacon,
il [le père Buffier] entreprenait de découvri r le fondement des pri ncipes, et de
faire un traité des vérités premières (Destutt de Tr., Idéol. 3, 1805, p. 134).Lang.
cour. Vérit é première. Idée de base, essentielle, qui s'i mp ose d'elle- même. Voil à,
il me sembl e, ce qui plus que toute aut re chose est une vérité première: c'est que
le théâtre, art indépenda nt et autonome, se doit pour ressuscit er, ou simplement
pour vivre, de bien marquer ce qui le dif férencie d'avec le t exte, d'avec la pa role
pure, d'avec la littérat ure, et tous autres moyen s écrits et fixés (Artaud, Théâtre et
son dou ble, 1938, p. 126).Il s étai ent beaux, les jardins de mon père. Plu s tard
enco re, mes vo yages me confi rmeront cette vérit é première: le para dis est un
jardin. Toutes les civili sation s le di sent à leur mani ère (N. Avril, Dans les ja rdins
de mon père, Paris, France Loisirs, 1990 [1989], p. 37).Fam., p. iron. Vérité
premi ère. Opinion arrêtée, considér ée par celui qui l'énonce comme allant de soi
pour tous. De bonnes, de grosses vérit és premières. Lili déversait ses vérit és

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premi ères et ses poncif s qui lui tenaient lieu de pensée (G. Dor mann, Je
t'apport erai des orages, Paris, Le Livre de poche, 1973 [1971], p. 29).Expr. Il
pleut des vérités p remi ères. [Pour expri mer qu'un dialogue ou un débat n'a aucun
intérêt p arce qu e rempli d'év idences, de propos redondants] Sur l e cal cul (en core
de la sci ence) que nous avons fait sur quarant e ans. - Encore un calcul, ou le
même, su r quarant e ans. Quarant e ans peut être quarante ans d'âge ou quaran te
ans d e du rée. Sous cett e réserve que c' est la durée qui amène l'âge. (Il pleut des
vérit és p remières) (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 764).

- [Dans une perspecti ve relativi ste; l'accent est mis sur l'aspect temp. des vérités,
une vérité pouvant êtr e une certit ude à un e époque et se révéler plus tard partielle,
caduqu e ou fau sse] Tout le monde, aujourd'hui (...) consent qu'il n'y ait pa s de
notions, de principes, pas de vérité comme on disait jadis, qui ne soi ent suj ets à
revi sion, à retou che, à refonte; pas d'acti on qui ne soit conventionnelle, pas de loi
écrit e ou non, qui ne soit qu'a ppro chée (Valéry, Variété III, 1936, p. 198).

I B Lang. cour.

I B 1 Idée confor me à la réalité ou tenue pour tell e. Synon. certitude,


convict ion .Être convaincu, pénét ré d'une vérit é; con veni r d'une vérit é; une vérité
flagrant e, limpide, lumi neu se; une vérité méconn ue, reb attue, dérangeante,
désol ante. Les passi ons nou s découvrent une infinit é de vérités sur nous, véri tés
pour nou s au moment où nous les voyo ns, mais le plus sou vent très éloi gnées
d'être réellement vraies (Stendhal, Journal, t. 2, 1806, p. 249).V. lapalissade ex .
de Mauri ac, nature ex. 12, plaider II B 2 b ex. de Martin du Gard, sag esse ex. 1:

Ex. 6. Singuli er pays [l'Algérie] qui donne à l'homme qu'il nourrit à la fois
sa splendeur et sa mi sère! La richesse sensuell e dont un homme sensibl e de
ce pays est pourvu, il n'est pas étonnant qu'elle coïn cide avec le dénuement
le plus extr ême. Il n'est p as un e vérit é qui ne porte avec elle son amertume.
Camus, Noces, 1938, p. 49.

® Vérité de La Palice, de La Palisse, de M. de La Palisse. Vérité trop évid ente.


Synon. lapa lissad e, truisme.Il est évident que pour s'occuper d'hist oire grecque, il
faut consult er des document s rédigés en langue grecqu e, et, par conséquent,
savoi r le grec. Vérité d e La Palice, di ra-t-on. Observez cependant que l'on a git
très souvent comme si l'on n' en avait pas conscien ce (Langloi s, Seignobo s, Introd.
ét. hist., 1898, p. 32).En disant que le matériali sme eût été impen sabl e avant

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Napoléon, je n'entends p as que les circonstances ne s' y fussent pas prêt ées, -
vérit é de M. de La Palisse, - mais que sa doctri ne même, son corps, sa politiq ue et
son ét hique sont t out imp régnés de napol éonisme (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931,
p. 297).

- [P. oppos. à mensong e] Information sûre, confirmée. - T'en es sûr? Mais on


devait êt re relevés demain... Pas possibl e, c'est un bobard... qui c'est qui t'a dit
ça? Bouffioux, fort des vérités qu'il apport e, se t ourne simplement vers son
seco nd: - Ce que c'est pas vrai ? (Dorgelès, Croi x de boi s, 1919, p. 79).Par
brassées, il achète les jou rna ux dont les mensonges (...) vous mettront peut-êt re
sur la pi ste de quelques vérit és (Arnoux, Solde, 1958, p. 252) .

- Expr. proverbiale. Toute vérité n'est pas bonne à dire. [Pour expri mer qu'il est
préférable de di ssi muler une vérité susceptible de blesser qqn, de perturber un
équilibre] No us p renon s le cas extrême du Pouvoir poli tique et d e l'opinion
publique (...). Si on croit à la vérité d'un ensemble d'idées liées à des structu res,
on ne peut p as ne pas s'interroger sur l'opportunité de t ransmettre des vérités
partielles qui risqu ent de secou er les stru ctures et peut-êt re de les détrui re. Qu'on
y réfl échi sse, et l'on verra que la racine de la plupart des info rmations mauvai ses
et malhonnêt es est là. On peut en tirer la conclusion immédiate que « toute vérit é
est bonne à dire » (Salleron, Comment inf ormer, 1965, p. 44) .

I B 2 P. méton., le plus souvent au plur. Paroles exprimant une opini on tenue pour
fondée. L'an proch ain, Bel-Ga zou aura pl us de neuf ans. Elle n e p rocla mera plu s,
inspi rée, ces vérités qui confondent ses éducat eurs (Colett e, Mais. Cl., 1922, p.
278).[Le curé de To rcy:] Enseigner, mon petit, ça n'est pas drôle! Je ne pa rle pas
de ceux qui s'en tirent avec des boniments (...). Des vérités consolantes, qu'ils
disent (Bernano s, Journal curé ca mp., 1936, p. 1071).

- [Dans des loc. figées] Déclarations f aites sans fard, sans ménagement, sans
acco mmodement et donc souvent peu agréables pour leur destinatair e. Lancer
cert aines vérit és à qqn; di re d es vérités offensantes; asséner de dures véri tés; se
jeter de sèches vérit és à la face, à la figure, au front . Pardonnez-moi ma rude
franchise. Mon intention n'est pas de vou s blesser. Certaines vérités sont du res à
entend re, à votre âge (Vil liers de L'I.- A., Cont es cruel s, 1883, p. 58).L'ab bé
Grég oire fut des nôtres. Il a présidé la Convention. Il a dit au Sénat des vérit és
courageu ses devant le maître qui écrase l'Europe (Adam, Enf. Aust., 1902, p.
123).
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® Dire, envoyer ses (quatre) vérit és à qqn; se dire, se cri er ses quat re vérités.
Tenir à quelqu'u n des propos désagréabl es; lui faire, le plus souvent sur un ton
véhément, des reproch es qu'on est i me just ifiés. C'était la comt esse X... et sa dame
de compagnie qui ét aient en t rain de se crier leurs vérités (Larbaud, Jaune, 1927,
p. 183) .Tu vas me les app eler tous (...). Tu vas t ous me les rabatt re su r l'égli se.
Ça ne l eur fera pa s d e mal d'enten dre une vraie messe et tu vas voi r un peu, dans
mon sermon, comme j e leu r di rai l eurs quatre vérités (Queffél ec, Rect eur, 1944, p .
217).

II Chose réell e, visibl e. Synon. réalité.L a mantille espagnole est donc une vérité;
j'avais p ensé qu'elle n' exi stait plus que dans les romances de M. Crevel de
Charlemagne (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 91).Nou s sentons le gros mal de
Jofroi. Nous savon s que c'est une vérité, ce mal; au vu et au su de tout comme le
soleil ou la lune, et nous fai son s les fanf a ron s (Giono, Solit. pitié, 1932, p. 135).

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REM.

-vérité, élém. de compo s. entrant d ans la constr . de subst .

a) [Le 1erélém. est un sub st .; -vérité est inv.]

a ) [Indique que ce que désigne le 1erél ém. dépeint la réalité sans fard, la vie dans
ses asp ect s les pl us quoti dien s] V. théâtre vérité ( supra 1reSecti on I B 3) et aussi:

Ciném a-vérité, subst . masc.À se méti sser avec la civilisation occidental e, celles
des Africains risquent de disparaît re et Jean Rouch a fixé ce qui exist ait enco re.
(...) Cinéma-vérité? Cependant, les personnages ne sont pas filmés à leur insu. Ils
font ce qu'ils ont à faire, mais ils jouent , c'est leur droit, et le montage sera un
coup de pouce de plu s à la réalit é brut e (Le Figaro, 6 mar s 1987, p. 32, col . 5).

Interview-vérité, subst. fém.Que vous soyez amateur de mu siques, de grands


débat s, d'interviews-véri té, de vo yages ( ...), Télérama vous annonce et présente
chaque semaine tous les programmes de toutes les radi os françai ses (Le Nouvel
Observateu r, 20 sept . 1980, p. 127).

Télé-v érité, subst. fém.De la parole aux actes, du portrait à la caricature, des
dialogues (de Jean Amadou) à l'image (de Jacques Besnard), c'est une b ien joli e
sati re d e la radio-mensonge et de la tél é-vérit é qu'on nous a donnée l à [avec le
feuilleton « Allo Béat rice »] (Le Nouvel Observat eur, 16 nov. 1984, p. 18, col . 2).

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b ) Domaine de l'expr. arti st. et littér.[Indique que ce que désigne le 1erélém.
restitue son sujet de la mani ère la plus fidèle, la plus authenti que] V. roman-vérit é
(s.v. roman- B) et aussi:

Photo-vérité, subst . fém.DrE rich Salomon. Le premier reporter photographe qui,


alliant la dignité à l'au dace, j eta, vers 1930, les ba ses de la photo-vérit é
(L'Express, 23 févr. 1976, p. 18, col. 3) .

Portrait-vérité, subst . masc.En 1984, à Londres, Helmut Newton, le photographe


de l'érotisme sophi stiqué et des co rps in solents, fai t le port rait d'Ava Gardner. Et
sous le portrait-vérité, la légendaire beauté demeure intacte (Paris-Mat ch, 8 févr.
1990, p. 69, col. 1) .

g ) [Indique que ce qu e désigne l e 1erél ém. ne présent e aucune ambiguït é, aucun


discours caché, ne di ssi mul e rien]

Dossier-vérité, subst . masc.Avec les dossiers-véri té Phox numéro 6 et 7, « les


caméra s » et « la projection cinéma », pas de problèmes (Le Point, 21 mai 1979,
p. 117).

Taux-vérité, subst . masc.Que vous ayez ou non un livret, que vous soyez j eune o u
moins j eun e (...), vous pro fiterez de t aux avantageux clairement cal culés: les taux-
vérit é de l'Écureuil! (Le Nouvel Observat eur, 25 avr. 1977, p. 23).

Test-v érité, sub st . masc.Êtes-vous femme ou homme? un test- vérité présenté par
Walter Lewino (Le Nou vel Ob servat eur, 6 janv. 1984, p. 38).

b) [Le 1erélém. est un préf. ou un élém. de compos.] V. contrevérit é, non-vérit é


(s.v. non(-) II B) et aussi:

Dem i-vérité, subst . fém.Propos ou déclar ation qui ne refl ète qu'incompl ètement ce
qu'on pense ou ce qui exi ste. Souvent (...), il s'identifiai t à ses malades, qu'il lui
arri vait pourtant de haï r avec leur demande de paternage, de réconfort, leurs
rega rd s effrayés, leur agressivit é, leurs mensonges, les demi-vérit és qu'il fallait
négoci er (A. Franco s, Sauve-toi, Lola!Par is, J'ai lu, 1984 [1983], p. 373) .

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