Université Du Québec Montréal
Université Du Québec Montréal
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MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN ADMINISTRATION DES AFFAIRES
PAR
MARIE-LOU OUELLET
NOVEMBRE 2006
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
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intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
11
REMERCIEMENTS
Un merci particulier à tous ces êtres passionnés qui ont fait de leur rapport respectueux à
la terre nourricière leur quotidien. Merci de façonner une bouffe qui nourrit à la fois le corps
et l'esprit.
Un merci immense à Sylvie. Les sacrifices qu'on s'impose finissent bien souvent par se
répercuter sur nos proches. Merci d'avoir fait tien mon projet.
III
RÉSUMÉ X
fNTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 4
PROBLÉMATIQUE 4
ALIMENTAIRES 18
1.7 CONCLUSION 27
CHAPITRE Il 29
CADRE THÉORIQUE 29
CHAPITRE 11I 46
IV
MÉTHODOLOGIE
---------------------------- 46
3.1 LES ORIGfNES ET L'OBJECTIF DE CE MÉMOIRE 46
3.2 POSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE 47
3.3 STRATÉGIE DE RECHERCHE 48
3.3.1 L'énoncé des questions de recherche 48
3. 3.2 La pertinence de /'étude de cas 49
3.3.3 Les unités d'analyse 50
3.4 MÉTHODE DE CUEILLETTE DE DONNÉES 52
3.4.1 L'observation participante 53
3.4.2 Les sources documentaires 56
3.4.3 Les entretiens non-directifs et semi-directifs 62
3.5 L'ANALYSE DES DONNÉES 65
3.5.1 Analyse de la documentation 66
3.5.2 Analyse des entrevues 68
3.6 RÉDACTION DU CAS 68
3.7 VALIDITÉ ET CRÉDIBILITÉ DE L'fNSTRUMENT DE MESURE 69
3.8 CONCLUSION 70
CHAPITRE IV 71
CHAPITRE V 118
ANALYSE 118
CONCLUSION 138
APPENDICE A 143
BIBLIOGRAPHIE 149
VI
Tableau 1-1 Les cinq processus de la globalisation agroalimentaire selon Lang (1999). Tiré de
Lang (1999) ____________________________ 6
Tableau 1-3 Tensions du système alimentaire. Adapté de Hinrichs (2003) et Lang (1999). 26
Tableau 111-1 Liste des certifications alimentaires selon leur objectifde transformation sociale. 51
Tableau JJI-6 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration du contexte du
système agroalimentaire québécois 57
Tableau JJI-7 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration de l'étude de
cas concernant l'Union paysanne et le label bio-paysan 59
Tableau JJI-8 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration de l'étude de
cas concernant Solidarité rurale et les produits de terroir 61
Tableau III-9 Liste des entretiens, non enregistrés, notés, en complément à l'observation
participante 64
Tableau IV-1 Balance commerciale agroafimentaire de 1994 à 2003. Source s: UPA (2001) et
Statistiques Québec (2004). 75
Tableau V-1 Typologie des mouvements inspirée du modèle de Touraine (1965, 1966) et Castells
(1999). _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 1l9
Tableau V-2 Éléments descripteurs de l'Union paysanne et de Solidarité rurale du Québec _ 127
VII
Figure lf-1 Échelle d'observation constituant le cadre d'analyse des certifications alimentaires.
Adapté de Desjeux (/998). 30
Figure lf-2 L'individu en tension entre progrès et régrès (Badot et Co va, 2003). Tiré de MafJesoli
(/988). _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 36
Figure IV-1 Contribution du système agroalimentaire relativement au produit intérieur brut (PIB) et
à l 'emploi pour l'année 2002. 74
Figure IV-3 Exemple de promotion du cidre de glace Neige de la cidrerie Laface cachée de la
pomme. 114
Figure V-1 Temps forts des activités de SRQ depuis 1991 en matière de défense des produits de
terroir. _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 128
Figure V-2 Système stratégique des opérateurs bio-paysans (A) et des entreprises du terroir (B). _
_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ /30
Figure V-3 Valeur du produit selon le paradigme du marketing tribal (a) et le modèle du marketing
conventionnel (b). 136
V111
IG Indication Géographique
UP Union paysanne
RÉSUMÉ
Le système agroalimentaire est au cœur des débats sociétaux et des inquiétudes des
consommateurs. Les modes de production, de transformation, de distribution et de
consommation qui prédominent, les plus rentables à court terme, ne sont pas les plus viables
sur le plan écologique (Millstone et Lang, 2003; Reeves, 2003). Nitrates, pesticides,
disparition de la surface arable, diminution des réserves d'eau potable, désertification,
dérèglements climatiques, contamination, famine, épuisement des ressources halieutiques,
brevets sur le vivant, concentration économique, exode rural. .. la liste des enjeux et des
répercussions engendrées par l'agriculture technoscientifique intensive ne cesse de
s'allonger. En marge de ce système et afin de contrebalancer ses effets, l'action des nouveaux
mouvements sociaux économiques (NMSÉ) vise la mise en place d'alternatives
agroalimentaires durables car ni le marché ni l'État ne sont aptes à réguler le secteur. C'est
pourquoi les certifications sont utilisées en tant qu'instruments de marché, outils de
développement durable et instruments de mobilisation des consommateurs.
Le cadre méthodologique de cette recherche repose sur une étude de cas comparée afin
d'évaluer les activités de certification de deux organisations faisant la promotion de
référentiels de produits agroalimentaires. Cette recherche examine et compare le cas de
l'Union paysanne et la certification bio-paysanne et le cas de l'appellation liée au terroir
promue par Solidarité rurale du Québec.
Les deux mouvements considèrent que les individus sont dépendants de la nature et de
leurs semblables. C'est la vision substantielle de l'économie développée par Polanyi (2001).
Même si les problèmes perçus sont différents, même si les solutions apportées divergent, les
certifications bio-paysanne et de terroir apparaissent comme des institutions formelles
d'encastrement. Leur influence en termes de régulation sociale apparaît toutefois mitigée.
Le thème de l'espace est par ailleurs omniprésent dans les deux discours et chaque
certification en reflète une dimension singulière: le projet de certification des produits bio
paysans, dans une mise en scène archaïque, présente un caractère structurant autour d'une
proximité physique. Le projet de Solidarité rurale, un projet plus postmoderne, est initié
autour d'une proximité psychologique. Quant à la dimension conununautaire, chez l'Union
Xl
paysanne celle-ci est relayée par un réseau alimentaire de proximité alors que chez Solidarité
rurale, elle est exprimée par la connivence entre producteurs et consommateurs.
Enfin, ces deux mouvements s'adressent à la fois au système politique et aux individus
en tant que consommacteurs. On dote les produits de labels chargés de connotations
culturelles ou environnementales et on utilise le marché à des fins de transformation sociale.
On joint ainsi l'action collective à l'action collective individualisée des consuméristes
politiques (Micheletti, 2003) pour qui la consommation est une forme d'action politique.
Dans le deuxième chapitre, nous développons les éléments théoriques encadrant cette
recherche. Trois niveaux d'analyse sont sollicités. Le premier niveau, une vision
macrosociale, expose la théorie de l'encastrement développée par Polany (1983, 2000). Le
second niveau, une échelle cette fois mésosociale, énonce l'approche néotribaliste développée
par Maffesoli (1988, 2003) pour expliquer les comportements collectifs en cette ère
postmoderne. Les théories de la gouvernance par la société civile (Cashore, 2002) et des
intéressés sont évoquées afin de statuer sur le rôle des acteurs dans la construction des
normes et leur influence l'un sur l'autre. Enfin, le dernier niveau, de nature microsociale,
explique le compüliement du consommateur conscientisé par l'entremise de la thèse du
3
consumérisme politique (Micheletti, 2003, 2004). Cette approche est utilisée pour développer
des éléments stratégiques exposés au dernier chapitre.
Le chapitre quatre présente l'étude de cas de l'Union paysanne et de son label bio
paysan et J'étude de cas de Solidarité rurale du Québec et de l'appellation liée à l'origine. Ces
études sont précédées d'une mise en contexte du secteur agraire québécois.
PRüBLÉMATIQUE
« Deux forces contraires sont en lutte pour remodeler notre monde et nos vies: la
mondialisation et l'identité» (Castells, 1999).
raison de la globalisation des activités économiques stratégiques, le XXe siècle s'est avéré
une époque de profondes mutations politiques, économiques, technologiques et sociales. Tel
que le rapporte Deblock (2000), trois facteurs interdépendants ont concouru à l'émergence de
cette nouvelle réalité:
Tableau 1-1 Les cinq processus de la globalisation agroalimentaire selon Lang (1999). Tiré
de Lang (1999)
• Le troisième changement est appréhendé en tant que processus politique alors que les
questions d'ordre agraire sont maintenant inclues aux agendas des institutions
internationales telles que l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou
l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE).
7
cultures vivrières (riz, blé, maïs) observée vers la fin des années 1960 et au tournant des années 1970
(FAO,2000).
9
Les activités agricoles modifient les sols, les habitats naturels, l'eau, l'air, les paysages
et la biodiversité tant en termes qualitatifs que quantitatifs. C'est la nature même de
l'agriculture, qu'elle soit industrielle ou artisanale. Or, considérant que l'agriculture
représente environ 40% des sols utilisés et tout près de 45% des quantités d'eau consommées
dans les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE, 2003), on conviendra aisément que les transformations environnementales sont
inquiétantes, sinon sérieuses.
Entre 1980 et 1999, les ventes mondiales de pesticides ont progressé de 168% passant
de Il,7 à 30,2 milliards de dollars américains (Lang et Millstone, 2003). Mais si, à court
terme, l'emploi des pesticides accroît la productivité, ce résultat ne tient pas compte du coût
réel de leur utilisation, lequel devrait inclure les donunages à l'environnement et à la santé
humaine, la multiplication des insectes résistants et les coûts reliés à leur élimination. Lang et
Millstone (2003) signalent que les pesticides tuent 20000 ouvriers agricoles par an, qu'ils
empoisonnent la faune et la flore, polluent les sources d'eau et contaminent le reste de la
chaîne alimentaire dont 1'humain, installé à la toute fin du parcours. A cet égard, soulignons
les résultats inquiétants de l'étude du Pesticide Action Network of North America (PANNA),
lequel a analysé les données d'une vaste enquête du Center for Disease Control (CDC),
l'agence de santé publique des États-Unis. Le CDC a recueilli des échantillons de sang et
d'urine chez 9282 personnes dans 26 localités aux États-Unis. Le rapport du PANNA révèle
qu'au total on a détecté la présence de 34 pesticides dans ces échantillons et que toutes les
personnes testées sont porteuses d'un mélange de pesticides (Schafer et al. 2004), produits
destinés à tuer des insectes, des herbes adventices, des ravageurs agricoles ou domestiques.
On considère également que les activités agricoles sont dans une large mesure
responsables de la diminution inquiétante de la biodiversité, de la banalisation des paysages
(Solily, 2000). Aux Etats-Unis, 97% des variétés de fruits et légumes sont disparues alors
qu'au Moyen-Orient, seules 15% des variétés de blé ont été conservées (Lang et Millstone,
12
2003). Au total, « on estime que seulement 10% des espèces de plantes exploitées dans le
monde sont toujours cultivées [ ... ]» (Lang et Millstone, 2003, p. 54). Dans le système
agricole industriel, les variétés les plus productives deviennent rapidement la norme au
détriment des espèces indigènes (Hawken et al. 1999). Les variétés améliorées, en petit
nombre, remplacent les variétés locales. C'est ainsi que l'Inde est en voie de remplacer ses
30000 variétés de riz par une seule (Hawken et al. 1999). Pourtant, les monocultures sont
rares à l'état naturel, en partie parce qu'elles favorisent l'apparition de maladies et constituent
un paradis pour les insectes. Par conséquent, l'application de pesticides doit être répétée afin
de détruire les parasites. Pourtant si ces faits sont déplorables d'un point de vue écologique, il
appert que l'usage répété de pesticides profite à quelques acteurs de l'industrie: au cours des
dernières années, plusieurs entreprises semencières ont été soit acquises par les entreprises
agrochimiques (Hawken et al. 1999) soit alliées avec elles (Péres-Vittoria, 2004).
Une distance s'est installée entre producteurs et consommateurs. Cette distance est
physique bien sûr alors qu'on a imaginé des structures de mise en marché impersonnelles afin
13
d'augmenter l'efficacité des marchés: en moyenne, l'aliment franchit 3200 kilomètres (2000
miles) entre le producteur et le consommateur (McMichael, 2000). Mais la distance n'est pas
que physique, elle est surtout psychologique alors que la société est de plus en plus
déconnectée des aspects de la ruralité. Même si l'acte alimentaire est quotidien, la société est
plus que jamais éloignée de ses aspects naturels et culturels (Pretty, 2002). Les
consommateurs ignorent comment et avec quoi sont produits les aliments qu'ils consomment.
Plus grave encore, la distance psychologique réfère également au fossé grandissant entre
consommateurs et producteurs. « On fait porter individuellement aux agriculteurs le poids de
stratégies agro-industrielles dont ils ne sont pas toujours ni les premiers responsables, ni les
principaux bénéficiaires» (Vandelac et Denault, 2004). On reproche aux agriculteurs
plusieurs maux dont le fait de porter atteinte à l'environnement et d'être responsables des
crises alimentaires: « Les excès de l'intensification de la production ont progressivement
conduit au sentiment que les agriculteurs et leurs partenaires industriels en amont et en aval
pouvaient jouer aux apprentis sorciers avec notre alimentation» (Colson, 1999, p. 6).
Conséquence de la sorcellerie de la science, la société est inquiète et suspicieuse à l'endroit
des produits alimentaires issus de la production de masse (Beck, 1986 : Solily, 2000 ; Cane1
Lepitre, 2000; Rastoin et Vissac-Charles, 1999; Ilbery et Kneafsey, 1999; McMichael,
2000; Lang, 1999). La science et l'environnement deviennent des sujets primordiaux du
débat social au point que le risque écologique n'est plus extérieur à la société: il en est une
composante intégrante (Beck, 1986). Les cas de vache folle découverts au Canada constituent
un exemple éloquent d'une « société du risque» (Beck, 1986). La maladie de la vache folle
n'a tué personne au Canada et les risques qu'elle le fasse sont plus que minimes. Pourtant, la
perception sociétale concernant ce risque cause des torts irréparables à l'industrie. Selon
Beck (2001), la perception du risque a autant d'effet que le danger physique. Il ajoute que la
perception du risque peut même s'avérer la crise qui frappe la société (Beck, 2001). Si bien
que la société industrielle, productrice et répartitrice de richesses, se transforme et devient
désormais productrice et répartitrice des risques (Beck, 1986). Ceux-ci semblent devenus une
partie intégrante du système alimentaire alors que la présence de salmonelle, de bactérie
E. Coli et des organismes génétiquement modifiés suscitent la crainte.
14
Le libre fonctionnement des marchés, tel que décrit par la théorie économique
classique, de même que l'État sont tous les deux reconnus en tant que modes de régulation
sociétale. Dans la partie suivante, nous discutons des lacunes de ces deux institutions en
matière de régulation agroalimentaire.
La théorie de l'économie classique est principalement fondée sur ces trois prémisses:
le principe de l'individu rationnel, la thèse selon laquelle la liberté du marché et de la libre
concurrence permettent de concilier les intérêts individuels et l'intérêt sociétal, et enfin sur la
doctrine du laissez-faire (Malservisi et Mansour, 1999). Même si les économistes libéraux
stipulent que le marché est la meilleure fonne de coordination économique possible, cette
hypothèse n'est cependant envisageable que si le marché obéit aux conditions de concurrence
libre et parfaite (Malservisi et Mansour, 1999).
dénombrent sept défaillances du marché qu'ils regroupent dans trois catégories: les marchés
imparfaits, les biens négligés par le privé et les déséquilibres 2
2Nous ne définirons que la première catégorie car à elle seule, elle permet de démontrer les limites du
marché dans le secteur agroalimentaire. Mentionnons tout de même que la catégorie des biens négligés
par le privé comprend deux éléments: les biens publics et les marchés incomplets. Le premier élément
est celui où les biens publics ne sont pas fournis par le secteur privé ou fournis en quantité insuffisante
pour atteindre un niveau économique optimal. Le deuxième élément est celui où les marchés ne
procurent pas toute la panoplie des produits ou services privés. Quant à la dernière catégorie, de nature
macroéconomique, c'est celle des déséquilibres provoqués par les cycles économiques successifs.
17
En outre, la plupart des institutions publiques agricoles, les ministères et les universités
encouragent les monocultures et l'usage de cocktails chimiques (World Watch Institute,
2004). Ce fait révèle le manque de cohérence entre les différentes politiques pourtant issues
d'un même appareil gouvernemental (OCDE, 2003). Il appert en effet que le soutien aux
mesures agro-environnementales est concomitant avec le soutien à la mise en marché, à la
production et à l'utilisation d'intrants dommageables ce qui a pour effet d'accroître les coûts
des politiques et programmes environnementaux et de carrément compromettre la réalisation
des objectifs environnementaux. C'est pourquoi l'OCDE soutient elle-même que «les
18
problèmes d'environnement liés à l'agriculture ont été souvent exacerbés par l'intervention
des pouvoirs publics» (OCDE, 2003).
On remarque par ailleurs que les aides en fonction de la production sont plus élevées
dans les régions déjà gravement atteintes par la diffusion de la pollution agricole. Ce qui fait
dire à Brunori et Rossi (2000) que ni les interventions étatiques, ni les associations
d'agriculteurs ne sont compétentes à réguler le système agroalimentaire et à résorber les
problèmes que vivent les agriculteurs, les consommateurs et les citoyens. Lang (1999) va
encore plus loin en mentionnant qu'il ne fait aucun doute que dans plusieurs pays développés,
les politiques agricoles ont été sanctionnées afin de servir les intérêts privés. McMichael
(2000) avance pour sa part que la globalisation tend à écarter l'intervention publique afin que
dominent les règles et la logique du marché. Pour cette raison, les crises environnementales,
sanitaires, éthiques et sociales ont émoussé la confiance des consommateurs tant envers l'État
qu'envers les corporations (Lang, 1999).
Le concept de développement durable, apparu au tournant des années 1980, fait l'objet
de nombreuses interprétations (Butte1, 1998 ; Gendron et Réverêt, 2000). Quoi qu'il en soit,
cette notion a été largement propagée par le rapport Notre avenir à tous de la Commission
des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rapport Brundtland) en 1987.
Le rapport Brundtland définit ainsi le développement durable : « Un développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
19
répondre aux leurs» (CMED, 1988). Le développement durable intègre trois dimensions: la
dimension économique, la dimension sociale et la dimension environnementale. Quant à la
définition de l'agriculture durable, elle varie considérablement selon qu'elle provient des
pouvoirs publics ou des activistes (Barham, 1999). De leur côté, les instances publiques se
limitent le plus souvent à une définition large de la tryptique sociale, environnementale et
économique. Par exemple, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation du Québec
(MAPAQ) définit l'agriculture durable comme « une agriculture à la fois économiquement
viable, responsable à l'égard de l'environnement et socialement acceptable» (MAPAQ,
2004). Essentiellement, le département de l'agriculture des États-Unis (USDA) la conçoit de
la même façon (Barham, 1999). La définition des activistes va au-delà de cette interprétation.
Pour eux, le concept d'agriculture durable est perçu en opposition aux formes industrielles
contemporaines de l'agriculture (Kloppenburgh et al., 2000). L'agriculture durable regroupe
différentes solutions alternatives. C'est ce phénomène que Lang (1999) identifie en tant que
mouvement contestataire de l'agriculture technoscientifique intensive et globalisée. En
somme, le secteur agricole et alimentaire n'échappe pas à ces tendances sociétales : la prise
en compte des parties prenantes, la responsabilité sociale des entreprises, la gestion du cycle
de vie des produits, la demande des consommateurs pour des produits éthiques et
environnementaux et la demande pour une réglementation des flux et transferts des capitaux
(Marsden, 2001). À ces tendances, il faut ajouter celle de souveraineté alimentaire car
contrairement aux acteurs du système agroalimentaire industriel qui conçoivent l'agriculture
durable comme le fait de fournir une ration alimentaire suffisante, disponible et à faible prix,
les mouvements d'agriculture durable y ajoutent l'origine, la manière dont les aliments sont
produits et les externalités de la production (Altieri et Rosset, 2004).
Barham (2002) Labels fondés sur les • Approche • Les labels et les
valeurs (Values-based polanyienne certifications
labeling) • Théorie des transforment les
conventions valeurs du marché
• Les labels et les
certifications
participent à la
création d'une
économie alternative
I1bery et Kneafsey (1999) • Produits alimentaires Approche orientée vers Il est possible de
de spécialités l'acteur (Actor-oriented conceptualiser la nature
(Speciality food approach) des réseaux de niche
products) comme Je point de
• Produits alimentaires rencontre entre
régionaux (Regional producteur,
speciality products, consommateur et
Regional food institution
products)
Ray (1998) Identité culturelle des Economie de la culture • Les savoirs locaux
produits alimentaires (Culture Economy) sont transformés en
ressources (capital)
et sont utilisés
comme un outil de
développement
stratégique
• L'identité culturelle
valorise les régions
rurales
Tregear (2003) Produits typiques (Typical Théorie de Il existe des liens entre
products) développement rural aliments et territoire
Sage (2002) et Hinrichs (2000, 2003) développent leur approche autour des relations
entre acteurs; Van der Ploeg et al. (2000) de même que Renting, Marsden et Banks (2003)
analysent les bénéfices des réseaux COUlis en terme de développement rural ; Rastoin et
Vissac-Charles (1999) et les auteurs Jenkins et Parrot (2003) analysent le développement de
produits typiques sous l'angle stratégique; Ray (1998) et Ilbery et Kneafsey (1999) suggèrent
de transformer les aspects culturels en ressources; Lang (1999) adopte un angle politique;
Barham évoque le pouvoir transformateur des mouvements sociaux et des labels alors que
Bérard et Marchenay 1995, 1998, 2000) étudient le phénomène sous un angle
anthropologique. Cette multidisciplinarité démontre une chose: les pratiques de ce
mouvement que Lang et Millstone (2003, p. 56) regroupent sous le terme de « vraie
révolution verte » sont multiples et on leur fait jouer plusieurs rôles. Elles sont en effet
évaluées tant par la culture populaire que par les chercheurs comme des agents de
changement social (Marsden, 2001 ; Allen et al. 2003 ; Barham, 2003 ; Goodman, 2003) et
elles tendent à prendre de l' impOliance dans le débat sociétal. Ainsi, si la globalisation et les
transformations qui en découlent génèrent le désordre pour la société civile (Castells, 1999),
les mouvements d'agriculture durable de l'agroalimentaire visent à rétablir certains de ces
bouleversements. En d'autres termes, ces acteurs collectifs, des entrepreneurs moraux (Beek,
2003), luttent contre les aspects de l'économie agroalimentaire qui menacent la société et
l' environnemen t.
23
Bien que ces approches soient diverses, trois éléments convergent. Ces initiatives
d'agriculture durable sont d'abord portées par des acteurs collectifs. Gendron (2001) les
désigne comme participant aux «nouveaux mouvements sociaux économiques ». Les
nouveaux mouvements sociaux économiques (NMSÉ), comme tout mouvement social, sont
porteurs de valeurs et de normes singulières. Ils se distinguent cependant des mouvements
sociaux conventionnels par l'orientation singulière de leurs moyens de pression. La
particularité de leur démarche réside en effet dans l'utilisation des outils économiques. « Non
contents de s'insérer, puis de transformer les processus politiques institutionnels, ces
mouvements sociaux s'approprient un champ qui leur était autrefois étranger, l'économie,
pour l'instrumentaliser et le redéfinir en fonction de leurs valeurs, de leur éthique et de leurs
objectifs de transformation sociale» (Gendron, 200 l, p. 179). Les activités des NMSÉ
impliquent directement les consommateurs dans leurs projets car c'est par l'entremise de la
consommation, qui devient source de mobilisation, que les NMSÉ cherchent à rejoindre les
citoyens (Gendron, 2001). Brunori (2000) considère que les initiatives agroalimentaires
alternatives (IAA) représentent la dernière génération d'une longue série de tentatives de lier
les mouvements sociaux avec les affaires agroalimentaires : les coopératives de fermiers et
les communes agricoles auraient précédé, selon l'auteur, les activités des mouvements
sociaux. La caractéristique commune des nouvelles initiatives est leur implication dans les
affaires en tant que stratégie afin de transformer la société. Plusieurs d'entre elles tentent de
changer les relations de pouvoir existantes afin d'intégrer des valeurs sociales, éthiques et
environnementales dans l'économie. Cette stratégie est différente des coopératives de
fermiers qui tentaient de s'accaparer d'un plus grand pouvoir d'achat alors que les communes
voulaient quant à elles former des organisations sociétales et économiques non influencées
par le capitalisme (Brunori, 2000).
Tableau 1-3 Tensions du système alimentaire. Adapté de Hinrichs (2003) et Lang (1999).
Globalisation Localisme
Économie • de marché • morale
• de prix • de qualité
distantes.
1.7 Conclusion
Les modes de gouverne traditionnels que sont le marché et l'État ne sont ni l'un ni
l'autre aptes à réguler ces problèmes. De son côté, le libre fonctionnement des marchés ne
représente pas la meilleure façon de coordonner les activités agroalimentaires en raison des
nombreuses imperfections de marché dont la concentration des firmes à tous les niveaux
d'activité de la chaîne de valeur et la présence d'externalités préjudiciables telles que la
pollution agricole et autres problèmes environnementaux. De l'autre côté, alors qu'on espère
que les actions de l'État puissent être correctives, celles-ci ne font qu'exacerber les problèmes
de l'agriculture industrielle en favorisant l'accroissement de la production et la hausse de
l'utilisation de produits néfastes à l'environnement. En d'autres termes, l'État ne fait que
favoriser la présence des imperfections du marché.
28
C'est en raison de l'incapacité tant de la part du marché et de ses acteurs que de l'État
et de ses commettants qu'un mouvement de contestation prend forme afin d'instaurer de
nouvelles pratiques d'agriculture durable. Ce mouvement se définit et se décline en plusieurs
variantes. Malgré ces multiples formes, ces initiatives alternatives se rejoignent sur trois
aspects. Elles sont d'abord portées par les nouveaux mouvements sociaux économiques
(NMSÉ), mouvements sociaux qui utilisent les outils économiques en tant que mécanisme
régulatoire et transformateur du marché. Ensuite, ces NMSÉ tentent de rejoindre les citoyens
insatisfaits des corporations agroalimentaires et des représentants politiques par l'utilisation
des certifications alimentaires, des labels et autres codes de conduites leur permettant
d'intégrer dans l'offre de produits une dimension sociale, éthique et environnementale. Enfin,
au nombre de ces valeurs, la dimension localiste est brandie comme la solution aux
problèmes globaux.
CHAPITRE II
CADRE THÉORIQUE
Echelles/niveau
Auteurs Acteurs/actions
d"obscl'vation
Néot";balisme
Maffcsoli (1988,2003)
Analyse sociopolitique
Relations entre aCteurs
Pasquero (2000)
Gouvernance pal" la
société civile
Cash ore (2002)
Acteurs uniques
Centrée sur l'individu.
Consumérismc politiquc
Décision. Arbitrage
Micheletti (2003)
Pour Polanyi (2001), il existe deux significations à l'économie, deux visions opposées
qUI n'ont rien en conunun: une vision formaliste (formaT) et une vision substantielle
(substantive) et il importe d'en faire la distinction. La perspective formaliste, associée au
courant dominant de la théorie économique contemporaine, présuppose, en contexte de
rareté, une logique d'action économique rationnelle où les choix sont faits grâce à une
analyse consciencieuse des prix relatifs et toujours orientés vers la maximisation des gains
individuels. La perspective substantielle tire quant à elle son sens de la dépendance de
l'humain envers la nature et envers ses semblables. Ce sens réfère aux interactions de
31
l' humain avec son environnement naturel et social. Pour Polanyi (2001), les lois qui gèrent
l'économie dans son sens formaliste sont celles de l'esprit alors que les lois de l'économie
comprise dans un sens substantiel sont celles de la nature. « The two meanings could not be
further apart: semantically they lie in opposite directions of the compass » (Polanyi, 200 1, p.
32).
Karl Polanyi (1944, traduit en 1983) présente la thèse d'une société de marché contre
nature, d'une économie de marché destructrice, une économie dans son sens formaliste. Selon
e
l'auteur, si la civilisation, à partir du 1g siècle, reposait sur les quatre institutions que sont le
système d'équilibre des puissances, le système d'étalon-or international, l'État et le marché
autorégulateur, c'est principalement sur ce dernier que la société fait reposer à présent tout le
système comme s'il en était la source et la matrice. Il ajoute toutefois que l'idée d'un marché
s'ajustant lui-même est utopique. C'est pourquoi Polanyi traite de l'effondrement du système
international et des catastrophes majeures de la première moitié du XXe siècle en démontrant
que l'équilibre des puissances ne peut assurer la paix en se basant sur l'équilibre des marchés.
Pour Polanyi, c'est à la société, plutôt qu'au marché, de déterminer et d'orienter le
fonctionnement sociétal.
la poursuite du profit est devenue importante. Cette transformation a eu lieu parce que
l'économie a commencé à être régulée par une seule institution, le marché, et que cette
institution favorise et encourage l'acte économique tourné vers le profit. En d'autres mots, le
comportement économique « est devenu beaucoup plus autonome dans les sociétés
modernes» (Granovetter, 2000, p. 76).
3L'administration domestique se traduit en grec par oeconomia, à l'origine du mot économie (Polanyi,
1983).
33
Polanyi définit l'encastrement du marché dans le social par le fait que l'économie ne
peut pas être appréhendée à l'extérieur de son contexte social. On ne peut analyser le
comportement économique et les institutions sans tenir compte des relations sociales qui
exercent sur eux des contraintes (Granovetter, 2000). L'économie de marché ne peut pas non
plus être définie comme un système autorégulateur assujettissant toutes les sphères de la vie
humaine. Penser ainsi est destructeur et engendre des crises sociales et environnementales.
Polanyi explique en effet que dans l'économie de marché, le travail (la main-d'œuvre), la
terre (le milieu naturel, l'environnement, les ressources) et la monnaie sont transformés en
biens produits pour la vente et soumis aux lois de l'offre et de la demande. Pour Polanyi, il ne
s'agit cependant pas de marchandises comme les autres. L'auteur explique que le travail est
intimement lié à la vie humaine et que celle-ci n'est pas destinée à la vente. Ce faisant, les
conditions de vie humaines deviennent dépendantes des lois du marché. Quant à la terre,
celle-ci compose l'un des aspects de la nature, elle n'est pas produite. Sa commercialisation
engendre des crises agricoles et contraint les paysans à abandonner leur terre pour un nouvel
emploi. Enfin, la monnaie symbolise le pouvoir d'acquisition et non un produit. Sa
négociation sur le marché fait fluctuer sa valeur et déstabilise les marchés intérieurs. Il s'agit
donc de « marchandises fictives» sujettes à une régulation par les prix, et qui par conséquent,
ne peuvent être envisagées dans toute leur nature, leur identité et leur réelle valeur.
Dans ces circonstances, la survie de l'ordre social exige d'apporter une réponse contre
le mouvement de l'extension du marché et de sa logique. On peut résumer l'approche
polanyienne par le concept de double mouvement, un concept au cœur de la thèse de l'auteur.
Cette conception s'articule autour de deux principes d'organisation sociétale chacune dotée
d'institutions aux buts spécifiques, avec ses supporteurs et ses méthodes distinctes. Le
premier principe que l'on vient de décrire est celui du libéralisme économique dont l'objectif
est l'établissement d'un marché autorégulateur, comptant sur les classes marchandes et dont
les méthodes valorisent le laissez-faire et le libre commerce. Quant au deuxième principe,
c'est celui de la protection sociétale dont le but est la préservation de la nature humaine et de
34
l'environnement aussi bien que celle des organisations productives, comptant sur les
opprimés ou les victimes du système du libéralisme (plus souvent qu'autrement la classe
ouvrière et les paysans) et dont les méthodes consistent à faire intervenir la législation, des
mouvements et autres instruments protecteurs. C'est ce dernier principe que Polanyi définit
en tant que contre-mouvement c'est-à-dire la création de mouvements auto-protecteur afin de
protéger la société des problèmes créés par le marché.
Individu Communauté
Liberté Lien
Innovation Authenticité
Universalité Proximité
Mondial Local
Progrès Régrès
Figure 11-2 L'individu en tension entre progrès et régrès (Badot et Cova, 2003). Tiré de
Maffesoli (1988).
SOCIAL SOCIALITÉ
Structure mécanique Structure complexe ou organique
Modernité Post-modernité
t t
Individus Personnes
(fonction) (rôles)
t t
Groupements contractuels Tribus affectuelles
4 •
L..- """""o""ma=in""'e:..:s'-'culture1, roductif culturel sexuel idéolo i ue} _
Figure 11-3 Conception de la modernité et de la postmodernité selon Maffesoli (1988). Tiré
de Maffesoli, (1988)
Cova et Cova (2002a, 2002b) indiquent que la socialité s'oppose au social par
l'entremise du rôle sociétal d'une personne dont les appartenances sont multiples, tribales et
très souvent éphémères. Selon ces auteurs, la socialité met l'accent sur les réseaux
d'interactions et non sur l'individu membre d'une institution contractuelle (Cova et Cova,
2002a, 2002b). Maffesoli (1988) utilise la métaphore de la tribu pour rendre compte de la
métamorphose du lien social. La formation de petits groupes ou de tribus serait une tentative
de recomposition de la vie sociale et un phénomène majeur des sociétés postmodernes
(Maffesoli, 1988 ; 2003 ; Cova, 1997 ; Bagozzi et Dholakia, 2004). Pour leur part, Cova et
Cova (2001, p. 21) la définissent comme une « micro-communauté dans laquelle des
individus entretiennent entre eux de forts liens émotionnels, une sous-culture commune, une
vision du monde». Selon ces auteurs, « l'appartenance aux tribus serait devenue, pour
l'individu, plus importante que l'appartenance aux classes sociales» (Cova et Cova, 200 l, p.
19). Le lien est parfois imaginaire mais il permet à chacun de faire partie d'un tout. En outre,
l'individu ne serait plus isolé car il participe de manière réelle, imaginaire ou virtuelle, à une
communauté vaste et informelle (Maffesoli, 1988).
38
Ainsi, selon Cova (1995), les tribus postmodernes constitueraient un acteur collectif
représentant un contre-pouvoir aux institutions ; elles rallieraient les individus autour
d'éléments non rationnels identifiés à la société moderne: les émotions partagées, les styles
de vie, la passion, le localisme, le sens de la justice, certaines pratiques de consommation;
elles participeraient au réenchantement du monde, c'est-à-dire qu'elles s'affranchiraient du
joug rationaliste pour affirmer des revendications plus sensualistes (Badot et Cova, 2003).
La réglementation étatique a fait l'objet de nombre de débats au cours des dernières années
(Lapointe et Gendron, 2004) notamment en raison des transformations des relations entre
entreprises et État (Petrella, 1989). Selon Petrelia (1989), la déréglementation étatique
procure aux entreprises une plus grande liberté d'action dans leur conquête des marchés
internationaux. En contrepartie, l'État bénéficie d'une légitimité accrue auprès de ses
citoyens, grâce aux entreprises installées chez lui. Toutefois, nombre de citoyens ont le
sentiment que l'État, dépendant du pouvoir corporatif, ne peut plus assumer le bien-être
général (Micheletti, 2003). Ce doute envers l'État serait l'un des éléments favorisant
l'émergence de la privatisation de la gouvernance (Cashore, 2002). Selon cet auteur,
l'influence de la société civile en matière de régulation s'expliquerait par l'incapacité de
l'État à encadrer les comportements des corporations. Selon Cashore (2002), la régulation
marchande non étatique présente des caractéristiques singulières. L'une de ces particularités
est l'exclusion de l'État dans la définition et le contrôle des normes. C'est notamment le cas
dans le domaine de la foresterie étudié par l'auteur. Une autre caractéristique tient au fait que
l'autorité de la réglementation non étatique réside dans un cadre économique (les
transactions) lequel structure la lutte politique des groupes de pressions. Par ailleurs, des
procédures de vérification valident ce mode de régulation et lui fournissent la légitimité
nécessaire à sa pérennité. Enfin, une autre singularité réside dans le fait que l'autorité de ce
mode de régulation est fournie par les parties prenantes liées au domaine. 4
Ces parties prenantes interagissent entre elles. L'environnement sociopolitique d'un domaine
résulte en effet d'une structure, d'une dynamique et de logiques d'action propres à chaque
acteur (Pasquero, 2000). Selon ce schéma d'analyse, la construction des normes d'un
domaine peut par conséquent être étudiée par la structure du domaine c'est-à-dire la
description des intéressés importants, leurs réseaux d'action, leurs relations, leurs intérêts,
4La notion de domaine fait référence à J'ensemble des acteurs qui collaborent dans la résolution des
problèmes. C'est cet ensemble d'acteurs qui définit les contours du domaine (Bertels et Vredenburg,
2004). Ces auteurs élargissent par conséquent le concept de gouvernance, souvent comprise comme la
gouvernance d'entreprise, vers une gouvernance incluant tout le domaine.
40
leurs attentes et leur pouvoir (Pasquero, 2000). L'analyse est complétée par deux éléments
soit l'étude de la dynamique d'action des acteurs, laquelle permet de comprendre le processus
de formation des tendances sociétales, leur source et leur évolution et l'étude des logiques
d'action, lesquelles permettent de saisir les raisonnements des parties prenantes, c'est-à-dire
le fondement de leur appréciation de la réalité (Pasquero, 2000).
Micheletti (2003, 2004) constate que les citoyens des sociétés occidentales sont de plus
en plus insatisfaits des formes traditionnelles de représentation politique et de la régulation
par la politique publique. Une part de citoyens considère en effet que l'État, confiné à
l'intérieur de ses frontières, a de moins en moins de prise sur l'économie globalisée, sur ses
acteurs et certains de ses aspects qui menacent la société et l'environnement (Beck, 2003 ;
Micheletti, 2003 ; Offe, 1997 ; Cashore, 2002 ; Castells, 1999). Pour ces citoyens, il ne fait
pas de doute qu'il y a décalage entre une économie mondiale sans frontières et une
globalisation politique limitée: « l'État-Nation moderne a perdu une bonne partie de sa
souveraineté» (Castells, 1999, p. 425). Ceci a pour conséquence de provoquer une lassitude
chez le citoyen déçu des canaux et des institutions de la politique traditionnelle (Gendron,
2001 ; Micheletti, 2003). Offe souligne d'ailleurs que « ni la version libérale-individualiste de
la théorie démocratique, ni sa version républicaine-collectiviste, ne semblent aujourd 'hui en
mesure d'affronter les principaux problèmes de décision collective inhérents à la société
moderne» (Offe, 1997, p. 226). En conséquence, « le rôle des acteurs collectifs et individuels
issus de la société civile a une signification stratégique de plus en plus importante pour la
solution des problèmes de société» (Ibid, p. 225).
Ainsi, lorsque des individus ou des groupes utilisent consciemment le marché en tant
qu'arène politique où débattre de normes ou de valeurs, ils agissent en tant que consuméristes
politiques (Micheletti, 2004). L'activisme politique et citoyen utilise la consommation afin de
politiser les produits (Micheletti, 2003). La politisation des produits implique par conséquent
qu'un nombre considérable d'acteurs de différentes sphères aient un rôle public prépondérant
à jouer, une responsabilité accrue. L'un de ces groupes est celui des corporations
transnationales, lesquelles, face aux consuméristes politiques, ont à prendre en compte
l'impact de leurs activités économiques sur leur personnel, les consommateurs et les
communautés.
1 1
Représentation polititique
(Political representation)
Beck (1986), le thème de la réflexivité fait pour sa part référence au fait que les politiques ne
sont plus seulement l'affaire de l'État et de la société civile. Les citoyens réfléchissent aux
conséquences de leurs actions et prennent conscience de leurs choix individuels sur les
autres. Une nouvelle forme subpolitique émerge de la base, encourageant et permettant aux
individus de prendre plus de responsabilités envers leur bien-être personnel et collectif
(Micheletti, 2003).
C'est ce qui nous amène à formuler cette première série de questions concernant la
construction des normes au niveau du domaine agroalimentaire :
Maffesoli (1988, 2003) soutient que la société postmoderne est à la recherche de liens
sociaux. La formation de petits groupes ou de tribus serait une tentative de recomposition de
la vie sociale. Les certifications alimentaires peuvent-elles être à l'origine de ces petits
groupes? Pour examiner cette question, nous formulons les interrogations suivantes.
comment?
Certains chercheurs ont utilisé l'approche polanyienne pour expliquer l'émergence des
mouvements d'agriculture durable, les réseaux alimentaires locaux et les certifications
alimentaires (Barham, 1999, 2002 ; Sage, 2002). Le terme « labels fondés sur les valeurs»
(values-based labels) issu d'une recherche de Barham (2002) est utilisé pour rendre compte
de toutes les initiatives de certification provenant de différents mouvements sans égard pour
les différences qui pourraient exister entre elles. Toutefois, les mouvements sociaux sont
différents et leur initiative est spécifique à leur visée. Leur schéma certificateur présente par
conséquent des singularités correspondant à leurs objectifs de transformation.
comment?
MÉTHODOLOGIE
Ce mémoire s'inscrit dans un projet de recherche plus large mené par des chercheurs
de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'Université du Québec
à Montréal et qui a été financée par le prograrrune CRSH INE. Ce projet de recherche vise à
une meilleure compréhension du rôle des nouveaux mouvements sociaux économiques et de
la portée régulatoire de leurs activités sur le marché. Plus spécifiquement, cette recherche
vise à atteindre ces objectifs:
Dans ce chapitre, nous traitons des aspects méthodologiques de cette recherche. Nous y
décrivons la stratégie de recherche utilisée, les unités d'analyse choisies, les méthodes de
cueillette de données, la validité et la fiabilité de l'instrument de mesure. Nous débutons
d'abord par décrire notre position épistémologique.
«Le positionnement épistémologique n'est pas neutre» (Hlady Rispal, 2002, p. 71) car
celui-ci permet de justifier sa stratégie de recherche et de signifier les conditions de validité
de l'étude. Selon Hlady Rispal (2002), on distingue deux types de chercheurs: le «distant» et
«l'impliqué». Le chercheur distant est partisan du positivisme, une approche qui considère
que «le monde social existe de façon extérieure, et que donc ses propriétés doivent être
mesurées à travers des méthodes objectives, plutôt qu'être inférées subjectivement à travers
des sentiments, des réflexions ou l'intuition» (Usunier, Easterby-Smith, Thorpe, 1993, p. 32).
48
A contrario, le chercheur impliqué est plutôt partisan du constructivisme, une approche qui
met en lumière «les différentes constructions et significations que les gens attribuent à leur
expérience» (Usunier, Easterby-Smith, Ihorpe, 1993, p. 35). Dans cette recherche, nous
privilégions, à l'instar de Huberman et Miles (1994) une perspective épistémologique mixte
alors que nous reconnaissons tant l'objectivité du monde, ses régularités que les constructions
de sens des acteurs sociaux (Laperrière, 1997).
Si le phénomène des alternatives agroalimentaires dans son ensemble trouve une large
place dans la littérature, le cas plus spécifique des certifications que nous étudions est peu
documenté et il s'agit ici de comprendre la réalité de ce phénomène au travers des
interprétations et des représentations de ses acteurs. La présente recherche est à la fois de
caractère déductif mais aussi exploratoire et inductif; elle s'oriente à la fois vers la
vérification ou le test d'un objet théorique (le cadre polanyien et l'approche maffesolienne)
mais cet objet est très largement décrit laissant place à des perspectives de découvertes. Pour
ces raisons et afin de comprendre le phénomène à l'étude, la stratégie de recherche passe par
la production d'un cas.
Questions complémentaires:
comment?
comment?
La valeur de l'étude de cas est reconnue dans les cas de recherche exploratoire en
raison notamment de l'apparition de phénomènes qui ne cessent de bouleverser les
connaissances (Roy, 2003). L'étude de cas permet par ailleurs de rendre compte de
phénomènes difficilement mesurables et de les inscrire dans un contexte géographique et
historique (Roy, 2003).
Roy définit l'étude de cas comme « une approche de recherche empirique qui consiste
à enquêter sur un phénomène, un événement, un groupe ou un ensemble d'individus,
50
sélectionné de façon non aléatoire, afin d'en tirer une description précise et une interprétation
qui dépasse ses bornes» (Roy, 2003, p. 166). Cette définition se rapproche de très près à celle
de Yin (1990, cité par Hlady Rispal, 2002) qui ajoute cependant que ce type d'enquête
empirique «examine un phénomène contemporain au sein de son contexte réel lorsque les
frontières entre phénomène et contexte ne sont pas clairement évidentes et pour laquelle de
multiples sources de données sont utilisées. » L'étude de cas est justifiée dès lors de la
complexité du problème à l'étude (Hlady Rispal, 2002).
L'identification des unités d'analyse consiste à définir le cas lui-même (Yin, 2003).
Ainsi, les unités d'analyse sont choisies en fonction de leur pertinence avec la question
centrale de la recherche (Hlady Rispal, 2002). Pour cette recherche, elles ont été choisies par
méthode inductive afin de répondre à cette question: comment se caractérisent les nouveaux
mécanismes régulatoires dont sont porteurs les Nouveaux mouvements sociaux économiques
de l'agroalimentajre ?
Pour mener à bien cette recherche, nous avons choisi de comparer deux cas entre eux
afin d'en distinguer les particularités en fonction de nos questions de recherche. Le choix des
objets de cette recherche a été complété grâce à un répertoire mondial de certifications de
l'industrie agroalimentaire élaboré dans le cadre du projet de recherche sur la portée
régulatoire des nouveaux mouvements sociaux économiques et publié comme rapport de
recherche par la chaire de responsabilité sociale et de développement durables. Ce projet de
recherche a permis de réaliser un jnventaire des certifications alimentaires et de les classifier
selon leurs objectifs de transformation sociale (voir le tableau III-i de la page suivante).
Produits cultivés sous couvert foreS/jer Protéger les forêts tropicales et leur faune des méfaits engendrés par la culiure du café qui ONG/ in
utilise une grande Quantité de produits chimiques de svnthèse
Califomia Cleon Reconnaître la ferme qui utilise les principes biologiques comme un milieu de vie intégrant EntrepriS!
la famille et la communauté
The Food Alliance Promouvoir l'alITiculiure biologique et durable ONG etE
Core Values Northeast Sauvegarder les fermes familiales et l'agriculture durable ONG 110'
Wholesome Food Assoc.:imion Identifier les pratiques d'agriculture durable chez les petits producteurs incapables de EntrepriS!
défrayer les coûts de la certification
Free Farmed Assurer aux consommaleurs que les animaux d'élevage sont traités humainement ONG/oa
Protected Harvest Produire selon les principes de gestion intégrée des parasiles afin de diminuer l'utilisation ONGI n'
des peslicides
The Nature Conservancy Préserver la faune, la flore el l'environnement Entrepris!
Maine Ouatity Trademark Seol Identifier certains aliments produits écologiquement dans l'Etat du Maine Etat / loc,
Stemilt Responsible Choice Produire selon les principes de gestion intégrée des parasites afin de diminuer l'utilisation Entrepris<
des pesticides
Wegmons-IPM Produire selon les principes de gestion intégrée des parasites afin de diminuer l'utilisation EntrepriS!
des pesticides
Les labels sociaux Commerce équ;rable. Commerce bio- Proposition d'un système parallèle au marché traditionnel afin que le commerce Organisai
équitable international soit plus équitable et éthique
Les signes Appellation d'OrWne Cono-ôlee (France), Mettre en valeur des cardclerisliques singulières et typiques reliées à J'origine (savoirs, Entreprist
d'identification de Appellation d'Origine Protegee (Europe), savoir-faire, histoire, territoire)
l'origine Indication Géographique Protégée
(Europe), Monto?,ne
Les signes de qualité Label Rouge, CertificlI/ Conformité Mettre en valeur la qualité du produit induite par des méthodes de production spécifiques ou Entrepris!
Produit, Specialité Traditionnelle des caractéristiques du produit
Garantie
Les labels religieux Kasher, Halai, Monastic Les résultats â atteindre se réfèrent au respect des cahiers de charge qui traduisent les EntTeprisl
exigences sanitaires contenues dans les livres sacrés des religions
Les labels nationaux Austratian Ecolabel Program, Ecomark Adopter des pratiques viables à long terme en diminuant I"utilisation des produits chimiques Etat (Util
Scheme (Inde), Mitieukeur (Allemagne) de synthèse l'alimentt
52
C'est à partir de ces recherches que nous avons pns connaIssance des initiatives
québécoises en matière d'agriculture durable et des programmes de certification en voie
d'être mis sur pied. Nous avons sélectionné deux cas en fonction de leur pertinence avec
l'objectif de recherche. Le premier cas est celui du label bio-paysan, une certification
biologique, élaboré par l'Union paysanne.
Ces deux cas répondent aux critères d'échantillonnage théorique tels que développés
par Hlady Rispal (2002). Le premier critère est celui de la représentativité théorique. Les cas
choisis possèdent suffisamment de points communs entre eux. Le deuxième critère est celui
de la variété. Bien que les deux cas appartiennent à la même population théorique
(formulation et promotion d'une certification alimentaire), les certifications ne servent pas les
mêmes objectifs. Le troisième critère est celui de l'équilibre. Dans ce cas, notre échantillon
offre une variété de situations de part et d'autre. Le quatrième critère réfère à la richesse des
données et au potentiel de découverte. Les cas choisis ne posent pas de contraintes de cet
ordre car les données sont fort nombreuses. Enfin, le demier critère concerne l'adéquation
avec l'objectif de recherche. Les cas choisis sont tous les deux riches d'informations
pertinentes avec l'objectif de la recherche.
Afin d'éviter les biais ou du moins d'en réduire l'influence, il importe de diversifier le
recueil de données (Roy, 2003 ; Yin, 2003). La multiplicité des sources de mesure et des
méthodes présente plusieurs avantages dont celui de garantir en partie la validité inteme de la
recherche et d'éviter les erreurs d'analyse (Roy, 2003). La multi-angulation permet donc de
palier les limites de l'utilisation d'une seule méthode. Dans cette recherche, nous avons fait
53
Le deuxième objectif POurSUivI visait à identifier les acteurs clés et les acteurs
secondaires des organisations choisies afin de mener des entretiens non directifs ou des
entrevues semi dirigées avec ceux-ci. Nous définissons les acteurs clés comme les personnes,
membres de l'une ou l'autre des organisations, qui avaient la responsabilité de définir les
critères des certifications, de les promouvoir et de les défendre auprès des acteurs
secondaires. Par acteurs secondaires, nous entendons des personnes actives dans les filières
agroalimentaires concernées de près ou de loin par l'élaboration des certifications. Ceux-là
54
n'étaient pas nécessairement membres des organisations étudiées malS leurs activités
pouvaient influencer l'élaboration des référentiels certificateurs ou être influencées par
l'introduction d'une certification dans leur champ d'activité.
Les filières agroalimentaires regroupent tous les acteurs impliqués dans la chaîne de
valeur d'un produit quelconque. Il s'agit des producteurs, de leur syndicat, des fournisseurs
d'intrants, des fournisseurs de services financiers, des fournisseurs de services de
consultation, des transformateurs, des consommateurs, des représentants de l'État, des
conseillers en développement local et de tout autre acteur impliqué à un moment ou à un
autre dans une activité d'élaboration, de fourniture de services, de production, de
transformation et de consommation situées entre la terre et l'assiette.
Les activités d'observation ont permis de constituer un recueil de données terrain afin
d'enrichir l'analyse. Pour chacune des observations nous avons procédé à une prise de notes.
Selon Richardson (1994, cité par Turcotte, 1996) les notes se divisent en quatre catégories
correspondant chacune à un usage précis. Il y a d'abord les notes d'observations qui rendent
compte de ce qui se dit et se fait. C'est celle des faits tels qu'ils se déroulent. La deuxième
catégorie est d'ordre méthodologique. Ces notes permettent au chercheur de prendre en note
des éléments concernant la cueillette de données, par exemple qui voir et à quel sujet. La
troisième catégorie est de nature théorique. Les notes réfèrent à des idées, des réflexions
théoriques, des questionnements et des critiques sur les éléments observés. Enfin, la dernière
catégorie est plus personnelle car elle est celle des notes faisant état des doutes, des réflexions
sur les gens, les lieux et les événements.
La liste des événements auxquels nous avons participé peut être consultée au tableau
III-3 dans le cas de l'Union paysanne; au tableau IIIA dans le cas de Solidarité rurale du
Québec et dans le tableau III-S dans le cas d'événements mixtes.
55
Les sources documentaires ont été choisies afin de réaliser trois objectifs. Le premier
objectif consistait à recueillir des documents afin de décrire le contexte agroalimentaire
québécois. Des données tant primaires que secondaires ont été utilisées. La recherche
bibliographique dans différentes bases de données a permis de recenser un bon nombre de
documents rappelant l'évolution de l'agriculture à partir des années cinquante - une période à
partir de laquelle l'établissement de principes de production plus industrielle se sont établis
d'établir un portrait actualisé de la structure agraire et de dégager les éléments prédominants
au cours de ces cinq décennies. Les informations retenues ont été rassemblées par période de
dix ans. Les documents consultés sont indiqués au tableau III-6 de la page suivante.
57
Tableau 11I-6 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration du
contexte du système agroalimentaire québécois
Agriculture et Agroalimentaire Canada. 2004. Vue d'ensemble du système agricole et agroalimentaire canadien.
Recherches stratégiques. Ottawa: Équipe de politiques et planification.
Bouchard, R. 2002. Plaidoyer pour une agriculture paysanne, Pour la santé du monde. Montréal: Les Éditions
Écosociété, 228 p.
Vérificateur général. 1996. Aide financière offerte aux producteurs agricoles. Étude conduite auprès du ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de la Régie des assurances agricoles du Québec et de la
Société de financement agricole. Rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1995
1996. Tome 1.
http://www.vgg.gouv.gc.ca/publ icatiolls/rapp96/pdflch02.pdf
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. 2003. Consultation publique sur le développement durable de
la production porcine au Québec. L'inscription de la production porcine dans le développement durable. Québec
: Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.
Chrétien, Daniel. 2004. « Mangeons-nous québécois? ». L'Actualité, vol. 29, no 2, février 2004, p. 26
Deglise, Fabien. 2004. « Le paradoxe agricole. Les artisans de la terre s'appauvrissent en dépit de la croissance
des exportations ». Le Devoir, vendredi 18 juin, p. AI.
Francoeur, Louis-Gilles. 2002. « Production porcine. Rêver danois ou faire américain ». Le Devoir, mardi 5
novembre, p. AI.
Lacombe, Réjean. 2004. « La pire crise agricole des 20 dernières années ». Le Soleil, 27 novembre, p. CI.
Parent, Diane. 2003. « Agriculteur, un métier et ses préjugés. Les agriculteurs sont-ils devenus des intrus à la
campagne? ». Le Soleil, lundi Il août, p. A7
Radio-Canada. 2004. La crise de l'industrie agricole [Mario Hébert et Lional Levac], Montréal: Entrevue
58
Union des producteurs agricoles http://www.upa.gc.calfralindex flash.asp [Consulté à plusieurs reprises en 2003,
2004 et 2005]
Union des producteurs agricoles. 200 l. Établissement d'une politique québécoise de la transformation
alimentaire. Mémoire de l'Union des producteurs agricoles présenté au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation. Longueuil: UPA.
Union des producteurs agricoles. 2004. La crise des revenus en agriculture: une situation sans précédent au
Canada. Mémoire de l'Union des producteurs agricoles présenté au Comité permanent des finances de la
Chambre des Communes. Longueuil: UPA.
La liste des documents recueillis apparaît respectivement au tableau III-7 pour le cas de
l'Union paysanne et de la certification bio-paysanne et au tableau III-S pour le cas de
Solidarité rurale du Québec et l'appellation liée à l'origine (à la page 61).
Tableau 111-7 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration de l'étude
de cas concernant J'Union paysanne et le label bio-paysan
Bouchard, Roméo. 2002. Plaidoyer pour une agriculture paysanne, Pour la santé du monde. Montréal: Les
Éditions Écosociété, 228 p.
Conseil des Appellations Agroalimentaires du Québec http://www.cagbio.org/ (Consulté plusieurs fois en 2003,
2004 et 2005)
Deglise, Fabien. 2004. «L'Union paysanne est à la croisée des chemins», Le Devoir, p. AI.
Desmarais, Annette-Aurélie. 2002. «The Via Campesina: Consolidating an international Peasant and Farm
Movement ». The Journal ofPeasant Studies, vol. 29, no 2, p. 91-124.
Duhamel, Alain. 2003. «Difficile de définir ce qu'est un produit de terroir ». Les Affaires. 10 mai, p. 38.
Girouard, Benoît. 2004. «Le bio à 1'heure des choix ». Union Paysanne Le Journal. vol. 1, no 5. Février, p. 8-9.
Le Bio Courrier. Bulletin de liaison des membres de l'union biologique paysanne. Édition mars 2004.
http://www.unionpaysanne.com/communication-2/nouvelles2/BioCourrierMars.doc [Consulté le 14 juillet 2004]
Le Bio Courrier. Bulletin de liaison des membres de l'union biologique paysanne. Édition juin 2004.
hnp://www.unionpaysanne.com/communication-2/nouvelles2/BioCourrierJuin.doc [Consulté le 14 juillet 2004]
Le Bio Courrier. Bulletin de liaison des membres de l'union biologique paysanne. Édition octobre 2004.
hup:!/www.unionpaysanne.com/communication-2/noll vellcs21B ioCourricrOctobrc.doc [Consulté le 16 décembre
2004]
Union biologique paysanne. 2004. Pour un Québec biologique. [Consulté le 12 décembre 2004]
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Radio-Canada. 2004. «La place de l'Union paysanne », La Semaine Verte. Montréal: Radio-Canada, 26
novembre.
Union paysanne. 2004. Fête bio-paysanne, document promotionnel, La Corporation des Fêtes paysannes.
Tableau 111-8 Liste des documents et des sites Internet consultés pour l'élaboration de l'étude
de cas concernant Solidarité rurale et les produits de terroir
Agriculture, Pêcheries et Alimentation Québec. 2003. Rapport, Groupe de travail sur les appellations réservées et
les produits de terroir. Québec: MAPAQ.
Dupont, Gaëlle. 2003. « Les appellations d'origine cherchent à se protéger au niveau mondial. Le Monde, 28 mai,
p.13.
Krol, Ariane. 2004. « Le terroir à toutes les sauces ». La Presse, 1cr mai, cahier Actuel, p.1
Krol, Ariane. 2004. « Protéger les produits de terroir ». La Presse, 27 novembre, p. A 18.
Krol, Ariane. 2004. « Faire valoir le terroir ». La Presse, 3 décembre, cahier Actuel, p. 4.
Larivière, Thierry. 2003. « Controverse sur les produits de terroir ». La Terre de chez-nous, 3 juillet.
Mollé, Philippe. 2004. « Y a-t-il un goût spécifique au Québec? ». Le Devoir, 9 et 10 octobre, p. D6.
ORIGTN. 2003. Commission européenne. Memo 031160. Quelle est l'importance pour nous des indications
d'origine? Consulté le 19 mars 2004. http://www.origin-gi.comlupload/downloacllDocsOrigin/memo-fr.pdf
Presse Canadienne. 1993. « La Clé des champs à Dunham ». Le Soleil. 9 août, p. CIO.
Proulx, Jacques. 2004 « Pour en finir avec le moyen-âge », Québec Rural, vol 13, na 4.
http://www.solidarite-rurale.gc.cal[Consulté le 20 juillet 2004]
Rainville, Marie-Anne, 2004. « Du 3 au 5 février 2004, Terroirs atout, un événement stimulant », Communiqué de
presse, Nicole!. http://www.solidarite-rurale.gc.cal[Consulté le 20 juillet 2004]
Solidarité Rurale du Québec, 1994. Avis, L'agriculture dans un développement harmonieux des milieux ruraux,
SRQ, Nicole!.
Solidarité Rurale du Québec, (1999), « Avis pour une politique gouvernementale de développement rural»
http://www.solidarite-rurale.gc.calSRPDF/avis.pdf [Consulté le 5 juillet 2003].
Solidarité rurale du Québec, 2004. Rapport annuel 2003, disponible sur htto //www.solidante
rurale.gc.cala organisation/pct[ organisation/rap annu 2003 final.pdf [consulté le 10 juillet 2004]
Solidarité rurale du Québec. De nature à culture: les produits de terroir, Premier inventaire des produits de terroir
québécois. Sous la direction de Marie-Anne Rainville. Nicolet: SRQ, Collection Études rurales; 2002.
Solidarité rurale du Québec. Mémoire des terroirs, Étude pour un premier inventaire sélecti!des produits de terroir.
2e édition, sous la direction de Marie-Anne Rainville. Nicolet: SRQ, Collection Études rurales; 2002b.
62
Solidarité rurale du Québec. 200\. «Mémoire, les produits de terroir québécois, une façon de développer le Québec
rural. In /0 ans de Mémoires. Nicolet. SRQ.
Solidarité rurale du Québec. 2000. Actes du Symposium /999. Symposium international sur l'économie des terroirs.
Nicolet: SRQ.
L'entretien semi-directif est celui où «l'acteur s'exprime librement, maIs sur des
questionnements précis, sous le contrôle du chercheur. L'implication est partagée»
(Wacheux, 1996, p. 204). Pour cette recherche, nous avons effectué huit entretiens semi
directifs avec enregistrement.
63
Le tableau III-IOde la page 65 recense les persormes dont l'entrevue semi dirigée fût
enregistrée. Les grilles d'entrevues peuvent être consultées à l'appendice A de la page 143.
64
Tableau III-9 Liste des entretiens, non enregistrés, notés, en complément à l'observation
participante
Types et noms des Durée d'entretien Types d'intervenants Durée d'cntretien
intervenants
Producteurs 30 minutes Services institutionnels
François M. Pouliot Thierry Boyer 30 minutes
Stéphanie Beaudoin Responsable des
Propriétaires exploitants communications
La Face cachée de la pomme Conseil des Appellations
Agroalimentaires du Québec
Suzanne Côté 45 minutes (CAAQ)
Daniel Gosselin
Propriétaires exploitants Christian Legault 1 heure
Fromagerie Au Gré des Consultant en certification
champs AgroExpert inc.
Médias
Transformateurs Françoise Kayler 20 minutes
Christian Lapierre 25 minutes Critique gastronomique
Propriétaire exploitant La Presse
Minoterie Les Brumes
Claude Talbot 20 minutes
Lucina et Mariette Beaudet 40 minutes Président de "Avis-Bio
Propriétaires exploitantes Éditeur
La Magie du Sous-Bois inc. Magazine Bio-Bulle
Dans cette recherche, les données primaires et secondaires concernant les organisations
et les certifications à l'étude ont été codifiées et regroupées en catégorie. Les procédures
d'analyse ont suivi les préceptes itératifs de la théorisation ancrée: « analyse comparative
continue, catégorisation, mise en relation des catégories, formulation et vérification
d'hypothèse sur ces relations, spécification des conditions d'apparition d'un phénomène et de
ses conséquences, passage de la codification ciblée et formelle, réduction de la théorie à
quelques propositions centrales» (Huberman et Miles, 1994 cité par Laperrière, 1997).
o mode de communication
• « adversaire» - en référence à la lutte menée par le mouvement;
o institutions (les institutions à combattre)
o système et structure (les structures qui causent problème)
• « objectif» - en référence aux buts à atteindre grâce à l'action collective.
o enjeux
o moyens (modalités d'action, dynamique,
• « certification» (outil économique)
o éléments du référentiel (critères de qualité)
o fonctions
o nature de la certification
o nature des normes
o système de vérification
La catégorie « certification» a ensuite été raffinée. Les sous-catégories suivantes ont été
créées:
• « réencastrement »
o valeurs véhiculées
• politique
• travail
• environnement
• culture (identité culturelle)
• « localisme »
o espace
o mise en marché
• « liens néo-tribaux»
o communauté
o lien
o authenticité
o proximité
68
Dans un premier temps, les entrevues ont été transcrites en format Word afin d'être
traitées avec le logiciel Atlas.Ti®. La même procédure que celle concernant les sources
documentaires a été poursuivie. Les mêmes catégories, sous-catégories et codes ont été crées
au cours de l'analyse. Ces données sont venues compléter les tableaux déjà élaborés.
de taille pour le chercheur optant pour la méthode de l'étude de cas. Comment en effet
transposer à d'autres situations des conclusions émanant d'une étude en profondeur d'un ou
de plusieurs sites?
3.8 Conclusion
Dans ce chapitre nous avons présenté les objectifs de cette étude, les questions de
recherche auxquelles nous tentons de répondre et le cadre méthodologique de cette étude.
L'étude de cas comparative a été choisie afin d'évaluer les activités de certification de deux
organisations faisant la promotion de référentiels de produits agroalimentaires. Nous avons
fourni notre méthode de cueillette de données et d'analyse. Celle-ci est réalisée selon les
préceptes de la théorisation ancrée.
CHAPITRE IV
C'est au début des années 1950 que l'agriculture québécoise délaisse peu à peu le
modèle artisanal pour progressivement adopter des techniques plus modernes. L'essor
industriel de l'après-guerre entraîne plusieurs transformations. Les ruraux quittent la
campagne pour les emplois manufacturiers de la ville. En 1951, la population agricole n'est
plus que de Il % (Chatillon, 1976). Le gouvernement encourage l'adoption de nouvelles
72
Les années 1970 marqueront une nouvelle époque symboliquement représentée par le
changement de dénomination de l'organisation syndicale des agriculteurs: l'Union
catholique des cultivateurs change d'appellation pour devenir l'Union des producteurs
agricoles (UPA). Ce changement est accompagné de l'objectif d'accroître la place et le rôle
de l'agriculture dans l'économie. Le contexte sociopolitique s'y prête car il est marqué par le
nationalisme si bien que l'on fait consensus autour d'une orientation des politiques agricoles
axées vers l'autosuffisance alimentaire. L'État met sur pied de généreux programmes afin de
diversifier la production agricole au nom du bien-être collectif (Parent, 2003). L'agriculture
jouit alors d'un capital de sympathie élevée.
73
Selon l'UPA (2003), l'agriculture occupe près de 2,3% du territoire soit environ 2,5
millions d'hectares. Mais si le nombre d'hectares demeure sensiblement stable, entre 2 à 3
fermes disparaissent chaque jour (Paquette et Domon, 2003). Les raisons d'un tel phénomène
sont nombreuses: le manque de relève, les coûts de production élevés et la concentration des
actifs afin de concurrencer les producteurs étrangers mieux servis en termes de facteurs de
production et de climat. En 2003, le nombre d'agriculteurs s'élève à 31 249 et la superficie
moyenne des exploitations s'étend à 106 hectares (UPA, 2004). L'agriculture emploie 57 875
personnes en baisse de près de 12% depuis 1993 (MAPAQ, 2004). Les recettes moyennes par
exploitation se chiffrent à 242 549$ grâce à des actifs de 1 071 458$ (UPA, 2003). La
participation agricole au produit intérieur brut est relativement modeste à 1,05% (MAPAQ,
2003). Par contre, lorsque les données statistiques regroupent tout le secteur agroalimentairé
c'est-à-dire les activités de l'agriculture elle-même en plus de celles qu'elle génère comme
les activités de transformation alimentaire, du commerce de gros et de détail et les activités
de restauration, la part du PIB s'élève alors à près de 6,5% et un peu plus de 12% des emplois
6 Le MAPAQ utilise le terme bioalimentaire alors que ]'UPA emploie le vocable agroalimentaire dans
le même sens.
74
14%
o Restauration et débits de boisson
0%
Emploi PlB
Tableau IV-1 Balance commerciale agroalimentaire de 1994 à 2003. Sources: UPA (2001) et
Statistiques Québec (2004). En millions de doUars canadiens.
Année Exportations Importations Balance commerciale
1994 1455 2175 -720
1995 1702 2252 -550
1996 2000 2232 -233
1997 2424 2328 95
1998 2609 2551 57
1999 2658 2592 66
2000 2918 2637 281
2001 3337 2918 417
2002 3553 2987 566
2003 3627 3205 422
Les producteurs agricoles sont réunis au sem d'une association, l'Union des
producteurs agricoles, seul syndicat accrédité par l'État. La Loi sur les producteurs adoptée
en 1972 lui confère ce monopole et elle oblige les producteurs, depuis 1995, au paiement
d'une cotisation annuelle à l'organisation comme condition essentielle afin d'avoir droit à
certaines subventions comme le remboursement des taxes foncières. Le Québec serait
apparemment le seul endroit des pays développés où persiste une situation de monopole
syndical en agriculture (Bouchard, 2002).
Un tel scénario prévaut au sein du secteur de la distribution. Jadis, les marchés publics
et les petits commerçants (boulangers, laitiers, bouchers, marchands de fruits et légumes)
étaient forts nombreux et présents dans les villes et les villages si bien que les consommateurs
connaissaient la provenance des aliments. Au cours des dernières décennies, l'offre
alimentaire s'est cependant transformée de façon radicale. Seulement entre 1992 et 2002, le
nombre de commerces a chuté de 34% passant de 11103 établissements à 7301 (MAPAQ,
2003). Pendant cette même période, les ventes au détail augmentaient de 12,5 à 14,9 milliards
de dollars. Si bien qu'aujourd'hui, la grande distribution occupe la majeure partie du terrain.
Trois grandes chaînes contrôlent un peu plus de 80% de la distribution alimentaire soit
Loblaw-Provigo, Metro et Sobeys-IGA (UPA, 2003 ; Chrétien, 2004). Cette concentration
génère une pression accrue sur les acteurs de la transformation, pression transférée à son tour
au domaine de la production (OPA, 2004) car pour alimenter ces grandes chaînes, celles-ci
exigent d'importants volumes d'approvisionnement, livrables selon la formule du «juste à
temps », une formule souvent inconcevable pour les petits transformateurs et producteurs
(Chrétien, 2004).
Malgré tout, l'offre de produits s'est grandement diversifiée grâce notamment aux
améliorations dans le transport et à la libéralisation du cadre réglementaire permettant aux
77
marchandises de passer les frontières en franchise de douanes. Les trois grandes chaînes
offrent entre 20 000 et 40 000 produits différents aux consommateurs québécois (Chrétien,
2004) lesquels profitent d'un panier d'épicerie palmi les moins chers au monde puisque
seulement 12% du revenu des ménages est consacré à l'approvisionnement alimentaire
(MAPAQ, 2003) une proportion beaucoup plus faible que quarante ans auparavant alors que
30% des revenus étaient nécessaire pour s'alimenter (UP A, 2003). La figure IV-2 résume
certains des propos que nous venons de soulever.
[----------------.---------------------.------.------------------.-.-------------------------------------------·----------------------1
31249 expl",ta'""lS
Foumisseurs d'intrants
A
agncoes •
un syndicat
r- - - - - - - - 1 ~~~~~~l:rs du
1 Agriculture légumes et des
. . VIandes: les 4 plus
1 pnmalre grands
transformateurs
1 déliennent chacun
plus de 60% des parts
de leur marché
respectif
Transformation 1
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L---
alimentaire
1
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80% des produits
ISSUS de l'agncu1ture
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l
1 Vente d'aliments au • service alimentaire 1
1 détail et en gros 1
1
T rois chaînes 1
Consommateurs
1 l'apprOllisioonemenl
alimentaire
!':::,'
détiennent 82%
du marché
est une marque de certification c'est-à-dire une variante de la marque de commerce. Il s'agit
d'une marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou
services qui sont d'une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui
concerne quatre éléments: a) soit la nature ou la qualité des marchandises ou services; b) soit
les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services
exécutés; c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les
services; d) soit la région à l'intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les
services exécutés. La marque de certification, encadrée par la Loi sur les marques de
commerce, une compétence fédérale, est accordée à des opérateurs répondant aux normes
établies par le propriétaire de la marque. Les entreprises agroalimentaires utilisent le logo
Aliments du Québec comme un outil d'identification de provenance des produits. Ce type
d'outil a peu à voir avec les valeurs promues par les défenseurs du localisme alimentaire
telles que la viabilité des fermes et le développement économique des régions rurales
marginales. Il s'agit en fait d'un instrument marketing utilisé par l'État pour promouvoir la
consommation de produits locaux. Ceux-ci sont très souvent des produits de consommation
de masse manufacturés dans les grands centres. Les circulaires des trois grandes chaînes
alimentaires sont utilisées pour promouvoir ces produits. Trois organisations sont promotrices
du projet: le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec,
l'Union des producteurs agricoles et le Conseil de l'alimentation du Québec, une association
regroupant les détaillants et les distributeurs en alimentation. Le site Internet de l'association
définit les Aliments du Québec comme « tout produit entièrement québécois ou dont les
principaux ingrédients sont d'origine québécoise et pour lequel toutes les activités de
transformation et d'emballage sont réalisées au Québec.» Les entreprises désirant apposer le
logo sur leur produit doivent payer une cotisation annuelle. Celle-ci varie entre 100$ à 1000$
selon le nombre d'employés. Le formulaire d'adhésion, une déclaration volontaire de contenu
québécois, n'est pas vérifié par une tierce partie.
7 La corrunission du Codex Alimentarius est un projet corrunun entre J'Organisation des Nations Unies
pour l'agriculture et l'alimentation (FAO - Food and Agriculture Organisation of the United Nations)
et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le Codex Alimentarius est constitué d'un ensemble de
normes alimentaires élaborées par la corrunission du Codex Alimentarius et reconnues
internationalement.
82
En vertu de la Loi sur les appellations réservées, le MAPAQ a désigné le Conseil des
appellations agroalimentaires du Québec (CAAQ) en tant qu'autorité compétente pour
contrôler l'utilisation commerciale des appellations réservées au Québec. Pour mener à bien
ses fonctions, le CAAQ a mis en place les quatre programmes suivants:
Le progralllil1e de normalisation
Le programme de normalisation permet d'élaborer et d'actualiser l'ensemble des
normes de référence pour tous les produits assujettis à une certification. Tout nouveau
référentiel concernant les appellations liées à l'origine ou attestant de la spécificité d'un
produit doit faire l'objet de consultations publiques convoquées par le CAAQ. Il en est de
même pour des changements des normes biologiques. Lors de changements, le CAAQ invite
les organismes de certification, les syndicats des producteurs, les producteurs, les autres
parties prenantes et le grand public à donner leur opinion sur les normes à adopter.
Néanmoins, la Loi sur les appellations réservées ne satisfait pas tout le monde et ce,
pour différentes raisons. D'abord, concernant le mode de production, des producteurs
biologiques regroupés dans le mouvement de l'Union paysanne considèrent que l'appellation
biologique telle que régulée présentement au Québec, ne rend pas entièrement justice à leur
travail. C'est la raison pour laquelle, l'Union biologique paysanne élabore une nouvelle
certification: la certification bio-paysanne.
Solidarité rurale du Québec critique elle aussi des éléments de la loi. L'organisation
maintient que, telle qu'elle est libellée, la loi ne répond pas aux besoins des producteurs
artisans. Afin de pallier à ce problème, l'organisation milite pour l'intégration de nouvelles
appellations dans la Loi sur les appellations réservées.
La prochaine partie décrit les activités de ces deux organisations. Nous débutons par le
cas de l'Union biologique paysanne.
84
8 La Fédération de l'agriculture biologique du Québec (FABQ) est l'une des fédérations membres de
l'UPA.
85
9 Les tables de concertation regroupent des producteurs, des transformateurs, des distributeurs, des
représentants de ministère et d'organismes publics, et parfois des organismes financiers.
86
distribuée au moment convenu. Ils deviennent ainsi des partenaires de la ferme. En échange,
le producteur s'engage à fournir des produits de qualité, biologiques et diversifiés. Équiterre
coordonne les activités de l'ASC pour toutes les régions du Québec. L'organisation met en
réseau les consommateurs et des producteurs. Pour ce faire, elle fournit notamment les
coordonnées des fermes ASC sur son site Internet, indique les points de chute, informe les
consommateurs de la disponibilité et de la variété offerte par les fermes. L'organisation tient
des kiosques dans les marchés publics et les expositions, donne des conférences, publie un
bulletin distribué aux partenaires de l' ASC. Elle participe également à plusieurs activités de
l'Union biologique paysanne.
Confédération paysanne, un syndicat agricole français lui aussi lié à Via Campesina et qu'a
dirigé le militant José Bové. Leurs batailles et leurs projets sont fortement similaires.
L'Union paysanne est née de mobilisations citoyennes, des mobilisations axées autour
du «pas dans ma cour». Ces comités de mobilisations avaient très souvent une portée limitée,
locale et concrète. Mais il y en avait plusieurs et leurs querelles tenaient à une initiative
précise notamment à propos des constructions porcines qui se trouvaient au cœur des litiges:
son porte-parole raconte « Quand l'Union paysanne est arrivée, on a nagé sur la vague de la
crIse porcme ».
L'Union paysanne a été créée en 2001 au plus fort d'une série de manifestations anti
porcines. Les médias rendaient compte depuis les années 1980 des luttes de groupes de
citoyens contre la construction de nouvelles installations dans toutes les régions où la
production porcine tendait à se concentrer. Déjà en 1978, Radio-Canada diffusait un
reportage sur la pollution porcine dans les bassins de plusieurs rivières au Québec (Radio
Canada, 1978). Au cours des années 1990, les manifestations se multiplient. Même le
Vérificateur général est critique. En 1996, son rapport dénonce certaines pratiques du
MAPAQ en soulignant que: «Les actions prises par le Ministère ne sont pas toujours
cohérentes par rapport aux impératifs de la politique environnementale. D'un côté, il
s'efforce de résoudre des problèmes environnementaux et, de l'autre, il continue
d'encourager, par le versement d'une aide financière importante, le développement
d'exploitations agricoles qui ne se soucient pas de l'environnement» (Rapport du
Vérificateur général 1995-1996, 1996 : p. 27).
Dans son rapport, le BAPE juge que les conflits de voisinage entre acteurs agricoles et
les autres intervenants du milieu proviennent de l'intensification et de la spécialisation de la
production porcine (BAPE, 2003). Le rapport indique par ailleurs que la présence des
intégrateurs est l'une des transformations ayant causé le plus de dommages (BAPE, 2003).
Dans un système sous intégration, les actifs (bâtiments, sols, équipements) et les animaux
d'élevages sont la propriété d'un intégrateur qui foumit les intrants et les services. Dans le
secteur porcin, une vingtaine d'intégrateurs contrôlent la moitié de la production (Francoeur,
2002). Plus la taille de l'entreprise augmente et plus l'intégration est présente. En revanche,
la participation sociale diminue car les propriétaires ne résident pas dans le milieu (BAPE,
2003). Ce qui fait que les avantages socio-économiques sont moindres car la majorité des
achats sont centralisés ailleurs. Cette réorganisation des structures entraîne forcément une
réorganisation de tout le milieu rural. La représentativité des acteurs agricoles dans le milieu
rural tend à diminuer et cause des problèmes de cohabitation entre les producteurs et les
autres citoyens du milieu rural (BAPE, 2003). « Le phénomène de l'intégration s'accentue, et
comme l'intégrateur n'est pas quelqu'un du milieu, la situation devient propice à l'explosion
d'un conflit social» (BAPE, 2003 : p. 18).
Il n'y a pas donc pas unanimité sur les composantes de l'organisation. À l'évidence,
cela jette du discrédit sur le mouvement car celui-ci veut générer un impact sur la législation
et les décisions gouvernementales concernant l'agriculture et l'alimentation. L'action du
mouvement vise en effet à la fois le terrain technique et le terrain de l'organisation de la
politique agricole. Plus spécifiquement, l'Union paysanne prône une refonte de la Loi sur les
producteurs agricoles afin d'obtenir la liberté d'affiliation et de mettre fin au monopole
syndical de l'Union des producteurs agricoles. Dans un extrait d'une des nombreuses
pétitions que l'Union paysanne a fait circuler celle-ci considère que:
Pour l'Union paysanne, l'UPA symbolise tout ce qu'on peut reprocher à l'agriculture
conventionnelle. Le mouvement contestataire reproche au syndicat unique sa mainmise et son
pouvoir sur l'orientation industrielle des politiques agricoles, sur la mise en marché des
produits, sur le financement agricole et sur la politique de gestion des territoires agricoles. En
91
revanche, le président de l'UPA 10 aime à répéter, concernant ce mouvement rival, que ses
préoccupations sont surtout celles du « Plateau », suggérant ainsi qu'une petite clique de la
ville impose ses vues. Une militante s'inquiète quant à elle de la division entre producteurs
agricoles et elle affirme que cela fait l'affaire de l'État: « c'est le gouvernement qui est
gagnant quand on divise pour mieux régner ».
On ne peut pas lutter contre cette machine-là qui engrange des dizaines de
millions de dollars sans y laisser sa peau. C'est utopique. C'est utopique.
Et même la plupart des producteurs nous le disent, la meilleure chose qui
est arrivée à l'UPA depuis 20 ans, c'est l'Union paysanne, parce que vous
les avez forcé à évoluer à une vitesse ... Depuis qu'on est là, l'UPA a
commencé à parler de fennes à dimension humaine. Ils n'en donneront
pas la même définition que nous autres mais ils en parlent ce qu'ils
n'avaient jamais fait. Le revenu, ils en parlent. Les OGM ... On verra si ça
va se rendre bien, bien loin mais depuis que l'Union paysanne est là, ils
avancent à une vitesse folle.
L'UBP compte ISO membres, tous producteurs. Le président de l'UBP souhaite que
« la FABQ se désaffilie de l'UPA et se joigne à nous pour créer un vrai mouvement bio qui
pourrait penser par lui-même et définir ses propres règles.» La majorité des membres
10 Ces propos ont été tenus dans le cadre d'un entretien avec la chercheure et repris lors du congrès de
l'UP A tenu en décembre 2004.
92
sols ou des animaux ne sont pas comblés par la ferme elle-même. En entrevue, son président
affirme: « à mesure que l'industrialisation du biologique progressera, on verra disparaître le
modèle de ferme en polyculture-élevage, qui était à la base du modèle biologique, au profit
de la ferme spécialisée ... et dépendante ». Cette dérive attire, selon l'UBP, les fermiers
conventionnels à la recherche de la valeur ajoutée des produits biologiques: « bien souvent,
ce qu'on va remarquer chez quelqu'un qui se convertit, c'est que les pensées derrière cette
conversion-là, c'est le facteur économique [ ... ] il Y a une énorme différence de mentalité
entre le producteur qui a vingt ans de métier dans le conventionnel et qui se convertit et le
jeune qui démarre directement en biologique ». L'arrivée des multinationales dans la sphère
biologique couplée à l'offre des grands distributeurs soucieux d'offrir des produits
biologiques au même prix que les produits conventionnels font pression sur les revenus des
producteurs et se répercutent sur les méthodes de production qui deviennent de plus en plus
laxistes. Aux dires du porte-parole de l'UBP, « le plus grand danger est d'adapter le
biologique pour qu'il réponde à la demande industrielle et d'oublier sa philosophie ». Un
fromager membre de l'organisation souligne « Je suis pénalisé parce que je fais de la qualité.
Je ne suis pas reconnu pour ce que je fais. » Un maraîcher ajoute « faut sortir de la logique de
la certification des produits et entrer dans celle de la certification des pratiques. Ce sont les
pratiques qui font les produits de qualité. Si nos pratiques deviennent industrielles, on n'a
plus de produits de qualité, que ça soit bio ou autre ».
Le porte-parole de l'UBP dénonce également le fait que l'UPA s'est longtemps targué
de produire l'un des paniers les moins chers au monde: « un panier pas cher veut dire que
celui qui le fait se crève à la tâche [... ] Il faut réapprendre aux gens la valeur de la
nourriture ». L'Union biologique paysanne et son organisation mère s'inquiètent du fait que
la crise des revenus agricoles pourrait éventuellement toucher les producteurs biologiques,
forcés de répondre à une demande des distributeurs au pouvoir de négociation élevé. Une
productrice admet que « les journées sont longues. Y'a des jours où je suis aux champs à 5h
du matin à ramasser jusqu'à minuit ou une heure du matin avec une lampe frontale. C'est pas
évident ». C'est pourquoi l'UBP réclame un traitement équitable, soit le juste prix des
denrées: « On diminue le nombre d'employés pour améliorer notre revenu, on fait plus de
volume mais on fait de plus longues heures encore. C'est un cercle vicieux qui fait qu'on
94
n'arrive plus. Ce que ça veut dire, c'est que les producteurs ne reçoivent pas un juste prix
pour ce qu'ils font. Et ce n'est pas juste dans une relation Nord-Sud, c'est ici aussi. »
L'autre particularité de ce label tient au fait qu'il vise l'amélioration des procédures de
production. En plus de critères minimaux relatifs aux trois fonctions précédemment citées, un
système de notation sera appliqué afin que soient continuellement ajouté un ensemble de
bonnes pratiques sociales, économiques et environnementales. Bien que l'ensemble de ces
pratiques reste à élaborer, on songe par exemple à attribuer une note à l'ajout de brise-vent et
de bordures riveraines ou encore au maintien ou à la croissance du nombre d'ouvriers
agricoles.
Ces nouvelles normes viennent se superposer aux normes généralement admises dans
la Loi sur les appellations réservées. Si bien qu'eUes ne seront pas administrées et régulées
par le Conseil des appeUations agroalimentaires du Québec. Le label de l'Union paysanne
devra par conséquent côtoyer le label de l'un des six certificateurs agréés par le Conseil. Afin
d'assurer la crédibilité du label, l'Union paysanne prévoit toutefois octroyer la charge de
l'inspection et de la certification à un ou plusieurs certificateurs.
Mes clients sont incroyables. À St-Eustache, ce n'est pas un coin très bio.
Alors vendre au marché Jean-Talon, ça me fait rencontrer du monde.
Imagine! Ils ne veulent pas de sac, ils me rappOltent leurs contenants. Moi
ma clientèle, eUe est super. Mon voisin de kiosque vend du conventionnel.
Il remplit ses paniers, ça déborde pis ses clients chialent encore parce
qu'ils en veulent plus. Moi mes clients, ils savent ce que ça vaut. Ils
payent le vrai prix pis ils sont ben contents.
96
Pour plusieurs producteurs, la relation avec les consommateurs est primordiale. Une
productrice du réseau ASC affirme: « Ben, on le voit avec les paniers de légumes, l'idée de
produit local et de proximité, ça fait son chemin. On a de plus en plus de demande. Les
consommateurs cherchent un contact direct, ils veulent être capables de mettre un nom. » Au
cours de cette étude, nous avons observé plusieurs consommateurs en relation avec des
membres de l'UBP à l'intérieur du réseau ASC. Dans ce réseau, les consommateurs
perçoivent « leur» producteur en tant que jardinier de famille. Ayant nous-mêmes participé
au réseau ASC avec un producteur membre de l'UBP, nous avons vu et entendu semaine
après semaine des consommateurs soucieux de la famille du producteur, s'inquiétant de la
température et de ses maux de dos, s'informant de ses projets, discutant de politique agricole
et des démarches du syndicat concernant ses diverses luttes. Ce type de relation, coutumière
dans le réseau ASC (Hinrichs, 2003), propose un modèle d'échange différent des relations
distantes et anonymes des marchés conventionnels.
Tel que décrit par le président fondateur, le paysan semble représenter un personnage
mythique:
Par ailleurs, les fermes membres de l'organisation affichent avec fierté leur
membership à l'Union paysanne. L'un de ceux-ci, un fromager biologique participant à une
route agritouristique présente toujours, dès le début de la visite, le logo de l'Union paysanne
(un soleil levant) bien en vue sur le devant de sa propriété. Il aime à dire qu'il est autant
militant que paysan. Lui et sa partenaire ne se lassent pas de raconter leur bataille contre
1'UPA et le système que celle-ci a mis en place.
98
Au début des années 1990, les dirigeants de l'Union des producteurs agricoles de
l'époque sont inquiets. Le déclin de l'agriculture est palpable dans un grand nombre de
régions; l'agriculture ne joue plus le rôle de catalyseur qu'elle a déjà eu et le nombre
d'agriculteurs chute. Les travailleurs et les jeunes fuient vers la ville. Pour ces raisons, les
membres et les dirigeants du syndicat préparent les États généraux du monde rural. Pendant
un an, l'organisation prépare l'événement qu'elle considère comme un projet de société. Les
États généraux ont lieu en février 1991. Près de 1200 délégués et 35 organismes de toutes les
régions du Québec y participent: des agriculteurs, des délégués du milieu financier et de
l'industrie forestière, des agronomes, des représentants des consommateurs, des associations
du milieu culturel, des affaires sociales, des médias, du tourisme, des municipalités, des
corporations professionnelles, des banques, quelques groupes du milieu des affaires, les partis
politiques, des ministères liés au monde rural, des chercheurs universitaires. Ils sont invités à
débattre de cinq thèmes:
Après trois jours d'ateliers et de séances de travail en plénière, les délégués adoptent
La déclaration du monde rural.
99
À la fin de la séance, les délégués créent une nouvelle organisation, Solidarité rurale du
Québec. Celle-ci doit voir au suivi des engagements des États généraux inscrits dans la
Déclaration. Les actes des États généraux sont publiés sous le titre: «Tant vaut le village,
tant vaut le pays ».
Solidarité Rurale du Québec (SRQ) est une coalition hybride. Elle est composée d'une
vingtaine d'organismes nationaux présents sur tout le territoire. Au nombre de ces
organismes, on retrouve l'Union des producteurs agricoles, des coopératives de production,
de consommation ou financière, des maisons d'enseignement, des syndicats. Elle regroupe
également une centaine d'organismes régionaux et des dizaines de municipalités. Elle réunit
par ailleurs quelques individus militants et militantes. Tous sont interpellés par les
problématiques de la ruralité.
SRQ s'intéresse à la ruralité «sous l'angle de l'identité, du mode de vie, des terroirs»
(Proulx, s.d.). La coalition favorise une approche de développement rural global intégrant les
aspects économiques, sociaux et culturels. Elle s'oppose à la seule recherche de croissance
économique promue par les grandes corporations et dénonce le <(nomadisme corporatif»
(Prou lx, 2004). Un modèle de développement viable doit par conséquent miser sur les
spécificités locales au plan des ressources naturelles conune de l'organisation sociale et
culturelle.
Selon SRQ, l'agriculture ne doit pas uniquement être gérée selon les règles du marché
où seul le prix fait figure de référence sinon on «condamnerait assurément la planète à
crouler sous le poids des pollutions multiples» (SRQ, 2003). La coalition croît que le rôle de
l'agriculture ne consiste pas qu'à nourrir le monde. Elle permet aussi d'occuper, façonner,
cultiver le territoire. La nature de l'agriculture est par conséquent culturelle (SRQ, 1994).
Selon son président, une bonne part des problèmes agricoles provient de la non considération
de son caractère spécifique:
L'Union des producteurs agricoles commence à s'intéresser aux produits de terroir vers
la fin des années 1980. En 1993, elle présente la première exposition agricole vouée
102
Pour Solidarité rurale du Québec, la question des produits de terroir est primordiale. À
partir de 1994, l'organisation entreprend des recherches et participe à des rencontres avec des
chercheurs et des producteurs européens. Elle convie les représentants des ministères chargés
de développement rural à l'accompagner dans des missions en Europe d'où est issu ce
concept. Depuis des décennies, certains États européens protègent et défendent sur la scène
internationale les particularismes et les spécificités propres aux terroirs. La France est
précurseur en la matière: le législateur y reconnaît depuis le début du XXe siècle l'usage
d'un nom géographique pour identifier un produit dont le caractère est dû à un terroir
particulier et à un savoir-faire spécifique. Dès 1935, la France a en effet créé le concept
d'appellation d'origine contrôlée (AOC) dans le secteur des vins, puis l'appellation s'est
étendue aux produits laitiers. Depuis 1990, elle concerne l'ensemble des produits agricoles et
des denrées alimentaires. L'Italie, l'Espagne et le Portugal emboîtent le pas au cours du siècle
et en 1992, à la faveur de la construction de l'Europe, la législation devient communautaire.
Il est intéressant de noter que la démarche européenne de protection géographique coïncide
avec la mise en place du marché unique européen qui ouvre les frontières entre les pays
membres. Curieux paradoxe où l'ouverture des marchés, uniformisante et banalisatrice,
amène à reconnaître les dimensions patrimoniales et géographiques de lieux particuliers.
103
Il Propos entendu dans le cadre d'une assemblée publique organisée par l'organisation Slow Food
Québec.
104
L'État québécois intègre les appellations liées à l'origine dans la Loi sur les
appellations réservées adoptée en 1996. La coalition recommande ensuite la mise en place
d'une mesure permettant d'assister financièrement les promoteurs mettant en valeur des
produits agroalimentaires et agroforestiers identitaires d'un terroir. Le gouvernement du
Québec accepte cette proposition et met en place un programme de soutien financier
administré d'abord par le ministère des Régions et ensuite par le ministère du Développement
Économique et Régional et Recherche. La Mesure de soutien au développement des produits
de terroir, une subvention d'un maximum de 25000$, a été attribuée à 57 promoteurs entre
1998 et 2004. Elle a été abolie au début de 2005. Pendant toute la durée du programme, SRQ
avait reçu de l'État québécois deux mandats. Elle devait d'abord faire la promotion de la
Mesure auprès des agents de développement local et des producteurs. Ensuite, SRQ agissait à
titre de secrétariat du comité de sélection. Ce comité était composé de représentants du
ministère de la Culture, du ministère des Régions et du ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
public un sondage qu'elle a commandé. Selon les résultats de cette enquête, 600 000 ménages
sont intéressés par les produits de terroir et la part de marché de ces produits s'élèverait à 2%
de la consommation totale.
La coalition conçoit par la suite un outil de repérage des produits de terroir. Cet outil
explique notamment les critères requis pour qu'un produit puisse être identifié comme un
produit de terroir. Elle y fait la différence entre un produit artisanal, un produit de terroir, un
produit fermier.
Cela fait l'affaire de Solidarité rurale du Québec qui milite pour introduire dans la loi
l'appellation Produit de terroir afin de protéger les producteurs des usurpations et ainsi faire
reposer sur l'État la défense des producteurs artisans. Les activités de promotion et de
diffusion des qualités des produits de terroir menées depuis des années par l'organisation ont
participé à l'essor des productions de ce type au Québec. Au fil des années, l'éclosion des
106
productions a éveillé l'intérêt des consommateurs. Dans chacune des quatorze régions que
compte le Québec, on a crée des Tables de concertation agroalimentaire dont l'objectif est de
promouvoir les activités agroalimentaires régionales. L'agrotourisme s'est fortement
développé autour de productions régionales et distinctes. Mais cet engouement a aussi eu un
effet pervers car de nombreuses corporations, attentives à l'engouement des consommateurs
pour les produits typiques, ont introduit dans leur campagne de mise en marché des mentions
ou dénominations confondantes. Ainsi, de grands manufacturiers proclamaient que leur
produit était un produit de terroir même si à l'évidence, le produit avait tout de la production
en série industrielle. D'autres entreprises qualifiaient leur denrée de fermière ou artisanale. Il
fallait donc mettre un frein à la prolifération de soi-disant fausses mentions.
La loi sur les appellations réservées ne faisait pas non plus l'affaire de l'organisation
car elle restreignait les demandes aux collectifs de producteurs. Même si la loi existait depuis
1996, un seul groupe, le regroupement de producteurs de l'agneau de Charlevoix, au nombre
d'une douzaine, avait fait une demande d'appellation réservée. La coopérative de production
Oisilac, un regroupement de cinq producteurs, porteuse du projet de l'Oie de Baie-du-Febvre,
pouvait elle aussi prétendre à la réservation d'une appellation. Mais ce type de regroupement
est très rare au Québec. Il appert en effet que la majorité des entrepreneurs élaborateurs de
produits de terroir, sont des entrepreneurs individuels. Un seul fromager produit Le Raffiné de
l'Ile d'Orléans, un seul maraîcher fabrique les liqueurs de fruits du territoire de Bellechasse,
un seul pêcheur met en marché le caviar de Corégone abitibien. En fait, des 57 projets
acceptés dans le cadre de la Mesure de soutien au développement des produits de terroir, seul
l'agneau de Charlevoix provient d'un collectif. Les autres sont l'affaire d'entrepreneurs
indépendants.
Solidarité rurale du Québec reprochait par ailleurs à la loi deux autres éléments: la non
reconnaissance des produits de terroir non alimentaires et la non inclusion des produits
alcoolisés. La reconnaissance des produits non alimentaires ne fait toutefois pas l'unanimité
chez les producteurs:
107
Écoute là, ça n'a pas de rapport. C'est quoi un produit de terroir? SRQ va
même jusqu'à dire que les ceintures fléchées c'est du terroir. Moi je pense
que là on est en train de mêler la tradition, l'artisanat, l'économie locale
avec les produits de terroir. On met tout ça dans le même sac. Après ça,
brasse le sac pis démêle toi. L'ardoise de St-Marc du Lac Long, c'est une
ressource naturelle qui participe à l'économie de la région. Les ceintures
fléchées, c'est de l'artisanat, des artisans. Moi dans ma tête, il faut que ça
se mange. Ici au Québec, j' suis tannée là, il faut contenter tout le monde.
II faut que tout le monde soit capable de mettre son petit logo. On n'est
pas capable de faire des exclusions.
Solidarité rurale du Québec a donc rejoint le comité de travail de révision de la loi avec
ces préoccupations en tête. Quinze autres membres ont siégé au comité. Ceux-ci provenaient
du MAPAQ, du ministère des Régions, du ministère de la Culture, de la Société des chefs, de
l'DPA et de deux organismes de promotion agroalimentaire. Seul un producteur, un vigneron,
a été invité. Après un an de travail, le rapport Desjardins, du nom de la présidente du Comité,
remis à la ministre recommandait la reconnaissance des « produits de terroir », des « produits
108
fermiers », des « produits artisanaux» et des « produits avec mention de lieu, territoire ou
région ». Le comité recommandait cette définition pour les produits de terroir: « produit qui
provient - ou dont les principales composantes proviennent - d'un territoire délimité et
homogène et dont les caractéristiques qui le distinguent de façon significative des produits de
même nature reposent sur la spécificité de ce territoire. Ses caractéristiques dépendent à la
fois des particularités du milieu, comme la géologie, le climat, le relief, la culture, l'histoire
ainsi que du savoir et du savoir-faire, traditionnels ou émergents, de ses habitants. » Le
comité recommandait également de permettre à un seul producteur la réservation d'une
appellation.
Une autre déclare: « Des règlements il y en a beaucoup, ça n'a pas de bon sens, et le
marché est si petit qu'il est possible de le contrôler sans une intervention gouvernementale
constante. Un encadrement trop serré ça enlève toute créativité et au contraire ça risque de
nuire plutôt que d'aider. Le marché n'est pas encore assez gros pour que ce soit nécessaire de
mettre des balises légales partout. » De son côté, même s'il est en faveur d'un encadrement
législatif, le président de l'UPA nous a rappelé à quelques reprises que le Québec n'est pas la
France et qu'on ne peut tout produire sous appellation 12 .
12 Ces propos ont été entendus à plusieurs reprises notamment lors d'un entretien avec la chercheure et
dans le cadre d'un atelier de travail tenu lors de la l4 e Conférence nationale (Terroirs Atouts) de
Solidarité rurale du Québec en février 2005, St-Adèle, Québec.
109
à un individu ou à une organisation; elle peut alors être délocalisée et produite ailleurs. Dans
ce cas, c'est le producteur qui doit se défendre lui-même contre l'usurpation.
Pour les défenseurs des IG, dont plusieurs pays en développement, l'enjeu est énorme
car « il n'est pas de pays au monde où l'origine ne soit associée à des produits» (Bérard et
Marchenay, 2004). En 2003, SRQ a participé à la création du groupe international ORIGIN
(Organisation for an International Geographical Indications Network). Lieu d'échanges et de
soutien entre les producteurs, ORIGIN est la première organisation mondiale pour la défense
et la promotion des Indications géographiques. Elle est composée de producteurs de toutes les
régions du monde. L'une de ses fondatrices raconte:
Ça nous mettait très en colère de se faire irrùter et on s'est dit en fait qu'il
ne fallait pas qu'on en reste là, il fallait qu'on s'unisse avec d'autres
producteurs du monde pour essayer de faire évoluer la situation à l'échelle
internationale. C'est ambitieux, ça ne peut pas se faire en 24 heures mais
déjà l'idée c'était de dire: il faut déjà qu'on se connaisse, qu'on voit si on
a les mêmes approches des problèmes et qu'on essaie de se concerter plus
souvent pour pouvoir prendre position quand il y a des grands événements
à l'échelle mondiale. Et ce qui nous a fait en arriver là, c'est le fait qu'il y
a eu la réunion de rOMC à Cancun. Et donc on s'est dit avant la réunion
de Cancun, faut voir si il y a d'autres gens au niveau des Indications
géographiques à l'échelle mondiale qui auraient les mêmes positions que
nous. On a eu l'idée de créer cette organisation et on a été très très
agréablement surpris parce qu'on a réussi à réunir 25 pays au mois de juin
2003 à Genève et ça représentait 100 producteurs à peu près de tous ces
pays-là qui sont venus de tous les coins du monde. Donc il y avait des
gens d'Asie, d'Afrique, d'Amérique Latine, d'Amérique du Nord et tous
ces gens en fait ont réussi à parler d'une même voix et du même concept
d'Indications géographiques.
L'action du groupe ORIGIN vise à inciter les gouvernements nationaux à protéger les
Indications géographiques et à les encourager à les défendre au niveau de l'Organisation
Mondiale du Commerce afin qu'elles puissent jouir d'une protection internationale. Le
groupe ORIGIN défend l'idée qu'une protection internationale permettrait de concilier le
commerce international juste avec le respect des cultures locales. L'une des porte-parole du
groupe affirme que « Pour nous le développement durable c'est dans la mission extrêmement
petite des Indications géographiques. C'est juste de dire que ce produit qui se fait là et
111
maintenant avec une technique particulière, par des hommes particuliers, il puisse être fait
demain avec des techniques comparables par des hommes de d'autres générations. Y'a pas
plus d'ambitions que ça, c'est donc de garder ces produits typiques dans leur terroir et qu'ils
puissent perdurer dans le temps. » Ont-ils l'impression que leur activité pourrait changer le
fonctionnement du système alimentaire? « Ça serait notre ... c'est notre rêve ... Pour l'instant
on est tout petits. Mais on sent déjà qu'on a alerté un certain nombre de gens, ça c'est sûr et
qu'on interpelle. Déjà c'est pas mal; il faut commencer par là. Mais après ... Pour l'instant
c'est tout petit, il faut que ça prenne de l'ampleur, du poids et qu'on ait beaucoup de
producteurs qui adhèrent. J'espère qu'on aura plein de producteurs du monde qui se
reconnaîtront dans ces démarches. » Notons une chose en rapport à l'influence du groupe
ORIGIN. À ses débuts, le site Internet du groupe annonçait que l'organisation comptait une
centaine de producteurs répartis dans plus d'une vingtaine de pays sur les cinq continents.
Aujourd'hui, elle dit représenter « plus d'un million de producteurs de produits traditionnels
issus de plus de 30 pays» (ORIGIN, s.d.).
Pour SRQ, l'État québécois manque de volonté politique. Dans son optique, le Québec
devrait montrer du leadership et ne pas être à la remorque des politiques fédérales. Pour la
coalition, les produits de terroir, de par leur caractère spécifique et unique, sont une réponse à
l'industrialisation agricole et à la standardisation commerciale mais « l'économie des terroirs
ne s'oppose pas au modèle dominant» (SRQ, 2001). Elle soutient que « s'il convient de
112
La coalition est consciente que la remise en état des circuits de distribution courts
serait davantage à la portée des produits locaux car la prédominance des grands réseaux
confine les produits de terroir à la marginalité. Certains producteurs sont convaincus que les
consommateurs sont conscients de l'achat local. «Ils vont faire cuire leur agneau à Montréal
et ils vont se rappeler qu'ils sont venus le chercher ici ». Pour SRQ, « les signes distinctifs de
qualité sont des éléments favorisant la connivence entre ceux et celles qui consomment et
ceux et celles qui produisent, ce qui reste une clé essentielle de l'économie des terroirs»
(SRQ, 2001). SRQ prétend que les marchés de créneaux font appel à une relation particulière
entre producteurs et consommateurs. Ceux-ci conviennent d'une réputation de produit, d'un
produit différencié, d'une spécificité liée à l'origine, d'une qualité de saveur, d'esthétique, de
convivialité de services et d'originalité. Nos observations ont confirmé ces dires.
Pour cette recherche, nous avons participé à plusieurs événements où les producteurs
de produits de terroir étaient en contact avec les consommateurs. Ces derniers montrent en
général beaucoup de fierté. Une de celle-ci raconte « On fait de bonnes choses. On n'a plus
rien à envier aux Français et c'est bon pour nos régions. » Selon une productrice d'agneaux
de Charlevoix: «Les consommateurs ici sont très conscients. C'est sûr que ce ne sont pas
des consommateurs de McDonald. Ils ont déjà une conscience environnementale,
économique assez grande pour dire ... t'sais les gens qui partent de Québec, qui font une
heure de route pour venir chercher leur gigot. .. faut être convaincus.» Elle ajoute «Tu
regardes des régions comme le Jura qui se sont développées par les IG et les AOC. Ils ont
113
gardé l'argent dans leur région et moi je me dis que le consommateur est prêt à ça. Il fait un
geste conscient quand il achète. »
À l'occasion d'une assemblée organisée par le groupe Slow Food Québec J3 , des
producteurs ont été invités à discuter avec les consommateurs de l'avenir des petites
productions de spécialités. Le discours des artisans, nettement politique, invitait les
consommateurs à faire les bons choix de consommation et de gouvernements. L'un des
producteurs présent suggérait que la vraie question à poser n'était pas: « est-ce que j'ai le
droit de rester petit? Mais plutôt est-ce que je peux? Nous sommes à la merci de ceux qui
nous imitent. » Un chef de renom invitait quant à lui les individus à « penser en tant que
citoyen et à développer une conscience collective.» La salle, bondée, applaudissait
chaleureusement chacun de ces propos. Il faut par contre reconnaître que ces participants sont
des individus conscientisés car membres de Slow Food. Même SRQ admet « qu'il va falloir
penser à démocratiser tout ça. » Il semble pourtant que le mouvement de consommateurs
s'élargit. Le propriétaire d'une boutique spécialisée en distribution de produits locaux située
dans un marché public de Montréal affirme que 500 000 clients passent chaque année dans sa
boutique: « ce ne sont pas seulement des clients aisés. Je vois ici un paquet d'étudiants avec
le sac à dos. » Ces clients, même moins fortunés, seraient donc prêts à payer plus pour l'achat
local.
13 L'organisation Slow Food prône l'écogaslronomie locale. La mission de l'organisation intègre les
valeurs du mouvement biologique, des défenseurs des appellations d'origine et des organisations du
COlmnerce équitable.
114
Les produits de terroir symbolisent par ailleurs une identité unique et un caractère
authentique. Lors des événements qu'elle organise, Solidarité rurale du Québec rend compte
de ces symboles par différents moyens. D'abord, les producteurs sont présents. Ce qui leur
permet de raconter leur histoire, celle de leur produit et de transmettre le caractère
authentique. Lors d'un événement auquel nous avons participé, les producteurs jouxtaient les
métiers traditionnels comme le travail sur bois ou le cuir. Les préposés à l'accueil portaient
des costumes d'époque. Par contre, certains producteurs n'hésitent pas à mettre en scène leur
produit de manière tout à fait moderne, grâce à des images très actuelles délaissant le
symbolisme traditionnel des produits de terroir. Un exemple est illustré à la figure IV-3.
Figure IV-3 Exemple de promotion du cidre de glace Neige de la cidrerie La face cachée de
la pomme. Sources: site Internet de l'entreprise http://cidredeglace.com/martinisurneige.asp
Cette illustration accompagne une recette de cocktail sur le site Internet du producteur.
L'image est actuelle et jeune. Elle reflète par ailleurs la structure de plus en plus cosmopolite
de la société québécoise.
115
On note par ailleurs des différences dans la nature des projets de certification. Le label
bio-paysan garantit que l'organisation se conforme aux spécifications du cahier des charges.
La ferme intègre les principes bio-paysans à toutes ses activités et à toutes les réalisations de
la ferme. L'opérateur doit non seulement atteindre un résultat mais doit par ailleurs
constamment tenter d'améliorer ses processus.
La certification liée à l'origine certifie quant à elle le produit plutôt que l'organisation.
La certification allègue de la conformité aux critères des cahiers de charges et n'exige pas
d'améliorer des pratiques déjà codifiées. Le tableau suivant (IV-2) résume la description des
deux certifications.
Tableau IV-2 Description de la certification bio-paysanne et de l'appellation liée à l'origine
Certification Bio-paysanne Appellation liée au terroir
Critères de qualité Biologique Typicité
Naturel Traditions
Sans OGM Savoir-faire
Intégral
Santé, sain
4.8 Conclusion
Dans un deuxième temps, nous avons produit le cas des produits de terroir promus et
valorisés par Solidarité rurale du Québec. Ce groupe de pression institutionnel a comme
mission de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses régions et
de ses localités, de manière à renverser le mouvement de déclin et de déstructuration des
117
ANALYSE
Dans ce chapitre, nous répondons aux questions posées dans le chapitre III. Cette partie
élabore sur le caractère régulateur, correctif et social des certifications alimentaires décrites
dans le chapitre précédent.
Selon Castells (1999) et Touraine (1965, 1966 cité par Castells, 1999), les mouvements
sociaux peuvent être caractérisés par une combinaison spécifique de trois principes à savoir
les principes d'identité, d'opposition et de totalité. Afin de comparer les organisations entre
elles, nous utilisons la version de Castells qui caractérise les mouvements sociaux par ces
trois traits: leur identité, c'est-à-dire l'autodéfinition du mouvement, ce qu'il est et au nom
de qui il parle; leur adversaire (opposition) - l'ennemi principal du mouvement, celui qu'il
désigne conune tel; et leur objectif (totalité) - l'idée que le mouvement se fait du genre
d'organisation sociale qu'il aimerait atteindre grâce à son action collective. Enfin, nous y
ajoutons l'outil économique (le type de certification) que chacun privilégie. Le tableau V-I
présente les caractéristiques de chacun de ces principes identitaires.
119
La certification bio-
Corporatisme paysanne
Monopole Agriculture -fonction bio
syndical biologique de alimentaire
Paysans
Union paysanne
• Citoyens • Mode de dimension humaine -fonction agro
production • Pluralisme syndical environnementale
agroindustriel • Revenus équitables -fonction socio
dominant terri toria le
La certification des
• La centralisation
produits de terroir.
Coalition des décisions • Développement
-fonctions de
Solidarité rurale du d'organismes • La délocalisatioD local
développement rural
Québec démocratiques • L'OMC • Occupation des
grâce aux attributs
• La grande territoires
culturels et identitaires
corporation
Au-delà de ces éléments, il nous apparaît que les positions et les valeurs prônées par
les deux organisations concernant l'agriculture sont passablement rapprochées. L'idée de
paysannerie, de circuits courts, de production humanisée transcendent les deux organisations.
Toutefois, Solidarité rurale du Québec est beaucoup plus nuancée. En fait, ce qui les
distingue réside surtout dans leurs modalités d'action. À notre sens, ces différences sont liées
à l'identité des organisations. L'Union paysanne s'identifie en effet comme un mouvement
paysan et citoyen. À ce titre, il regroupe les contestataires du système agroalimentaire. Son
discours et ses actions sont très souvent plutôt virulents. Il n'est pas rare de voir descendre
ses membres dans la rue pour manifester. Le mouvement peut certainement être identifié à la
ferveur anti mondialisation.
Quant à elle, Solidarité rurale du Québec rassemble une coalition d'organismes avec
chacun sa mission, ses objectifs et ses ambitions. Des organisations membres comme le
Mouvement Desjardins, la Fédération des Commissions scolaires ou l'Assemblée des
Évêques diffusent un discours nettement plus nuancé. Descendre dans la rue ne correspond
pas au schéma d'action qu'elles veulent voir privilégier par l'organisme qui les représente en
matière de développement rural. Par ailleurs, le rôle d'instance conseil auprès de l'État
inculque par conséquent à Solidarité rurale du Québec l'adoption d'un ton lui garantissant
120
l'écoute et le dialogue qui ne déplaira pas aux organisations que la coalition représente. Mais
une question se pose ici. Le fait que l'UPA soit l'un de ses membres lui impose-t-elle une
certaine marche à suivre? Dans quelle mesure le rôle d'instance conseil lui impose-t-il un
discours ou le silence sur certains enjeux? Comment concilier les intérêts de chacun de ses
membres? Une recherche plus poussée permettrait de répondre à ces questions. Disons quand
même qu'en fin de compte, son discours nuancé au sujet de la cohabitation de l'agriculture de
créneaux et de l'agriculture industrielle, permet de ménager la chèvre et le chou. Les résultats
en matière de régulation sociale sont par conséquent atténués car cette prise de position invite
l'État à tolérer un système de production agricole pourtant contesté. On a vu quand même, à
la faveur d'un mouvement de contestation orchestrée par SRQ, des corporations mettre fin à
l'emprunt de vocabulaire lié aux productions spécifiques. Ces corporations ne voulaient
qu'occuper une niche intéressante. Si, en cédant aux pressions, elles permettent aux nano
entreprises de mieux s'exprimer, ces corporations n'ont en revanche pas transformé leurs
méthodes de production afin de maximiser les bénéfices locaux.
comment?
Dans le cas des produits de terroir, ceux-ci exploitent des attributs hédonistes ou
« politico-éthico-culturels» (Allaire, 2002). La dimension communautaire est exprimée,
selon SRQ, par la «connivence entre producteurs et consommateurs». La présente recherche a
confirmé ces dires car elle nous a foumi plusieurs occasions d'observations entre la clientèle
et les producteurs. Certaines impliquaient des échanges marchands mais plusieurs
consistaient à présenter des producteurs et leurs produits lors de foires, d'expositions ou
d'ateliers de discussion. Nous y avons discerné une atmosphère très particulière car les
produits prennent très souvent un contenu émotionnel dès qu'il est question d'origine du
produit, de lieu spécifique de production et de méthode de production authentique. Les
consommateurs montrent en effet un remarquable intérêt pour le sort des petits producteurs et
l'aspect «terroir ». Les consommateurs montrent beaucoup de fierté pour le savoir-faire tant
traditionnel, lié à leur culture et leurs racines, que le savoir-faire en essor et plus innovateur.
La valeur de lien des certifications semble donc comporter deux niveaux ou deux types
de liens. Le premier correspond au lien entre consommateurs et producteurs. Et c'est à partir
du sens « local» que ce lien est crée. Quant au deuxième type de lien, il découle des activités
des deux organisations. À l'heure où les agriculteurs ont une très mauvaise image publique,
la promotion des organisations pour une agriculture naturelle et culturelle participe à rétablir
les liens entre société et agriculture.
Quant à la certification des produits de terroir, celle-ci nous semble refléter des valeurs
postmodernes. Les produits de terroir sont en effet issus d'un savoir-faire traditionnel mais
aussi d'un savoir-faire et de connaissances plus modernes et récentes. C'est le cas du cidre de
glace par exemple. Par ailleurs, en défendant la cohabitation des spécificités aux côtés des
productions plus génériques, l'organisation SRQ affiche cette tension entre valeurs de
progrès et valeurs de régrès.
L'Union biologique paysanne considère que les circuits courts ont une fonction
sociale. En clair, la mise en marché en circuits courts représente la solution aux problèmes du
système agroalimentaire conventionnel. Leur projet de certification semble vouloir mener à
123
De son côté, Solidarité rurale du Québec conçoit les circuits courts comme la manière
idéale de mettre en marché les produits d'origine. Toutefois, cette forme de mise en marché
ne représente pas une pierre d'assise de la certification contrairement à l'UBP. La
certification agirait dans ce cas surtout en tant que mécanisme de confiance car les produits
de terroir peuvent être consommés loin de leur lieu de fabrication. Dans ce cas, le label
certifierait des qualités liées à l'origine du produit et tenterait de rallier les consommateurs
croyant à l'importance de préserver les patrimoines locaux. On parle dans ce cas de proximité
psychologique plutôt que physique.
comment?
L'UBP dénonce la paupérisation de la classe ouvrière agricole qui fait fuir la relève et
qui profite aux transformateurs et aux distributeurs. L'UBP veut mettre fin à l'ignorance des
consommateurs quant à la valeur de la rétribution du travail agraire. La certification bio
paysanne viendrait légitimer une forme de commerce équitable Nord-Nord en faisant valoir
la facette « équitable» des produits bio-paysans. L'objectif ultime de l'UBP est la création
d'un marché parallèle et alternatif au marché actuel.
Il nous apparaît que la certification de l'Union biologique paysanne est chargée d'une
connotation antimondialiste. Son modèle est disjonctif c'est-à-dire que le mouvement
considère que l'agriculture biologique ne devrait pas se résumer à une niche à la marge du
marché dominant. On doit choisir entre un système ou l'autre. Le mouvement s'oppose, de
manière souvent dogmatique, au modèle industriel en prônant la souveraineté alimentaire,
l'autosuffisance et l'arrêt des exportations vers des pays capables de produire ces mêmes
denrées. Son orientation biorégionaliste ou biolocaliste propose de considérer des éléments
géographiques dans le choix alimentaire afin de préserver le patrimoine naturel et le tissu
social des régions en l'occupant. La protection du patrimoine culturel est plutôt implicite.
La certification des produits de terroir renvoie aux attributs culturels des territoires.
Mais chez SRQ, la culture n'y est pas perçue qu'au seul niveau correspondant à la
manifestation visible de la spécificité des territoires ruraux, à la manière de vivre des ruraux
et d'interagir avec la nature. SRQ appréhende également la culture en tant que réponse
politique à la globalisation, ce que Castells (1999) décrit comme une puissante manifestation
de l'identité au nom de la singularité culturelle et au nom du contrôle des individus sur leur
126
vie et leur environnement. Les attributs culturels représentent donc à la fois un élément de
défense et de contrôle du développement rural.
Solidarité rurale du Québec justifie en effet la mise en place d'un système juridique
protégeant ce type de propriété intellectuelle par leur impact sur le développement territorial
endogène. Dans cette optique, la certification deviendrait l'un des éléments des politiques
économiques locales pour l'agriculture, l'économie et le monde rural. SRQ prend par ailleurs
en compte les externalités positives que sont l'image sociale des producteurs et la fierté des
territoires.
La position de SRQ face aux structures du système agroalimentaire dominant est quand
même moins virulente et plus nuancée que celle de l'Union paysanne même si elle reproche
la bureaucratisation des institutions. Contrairement à l'UBP, SRQ vise à créer une alternative
au marché. Son modèle est donc conjonctif. Il n'est pas question de choix entre deux
systèmes mais de cohabitation. SRQ fait en effet la promotion du développement de niches et
de créneaux aux côtés des tenants de la mondialisation grâce à une certification liée à
l'origine, seul type de propriété intellectuelle reliée à l'espace (Barham, 2003). SRQ se veut
donc plutôt altermondialiste, en ce sens qu'elle cherche une globalisation plus juste (Castells,
1999) et elle demeure ouverte sur le monde. Pour elle, la mondialisation est lIne suite de
terroirs. Ce que SRQ recherche particulièrement ne réside pas dans le remplacement des
méthodes industrielles de production ni dans une transformation majeure du système
agroalimentaire. SRQ vise plutôt la mise en place d'une réglementation négociée et acceptée
à l'échelle nationale et internationale afin que soit reconnue la spécificité des terroirs et de ses
produits. Son orientation localiste propose de considérer des éléments géographiques dans le
choix alimentaire afin de mettre en valeur le patrimoine culturel grâce auquel on pourra
préserver le tissu social des campagnes. La protection des ressources et du patrimoine naturel
y est plutôt implicite car SRQ ne fait pas de l'environnement son cheval de bataille même si
l'on doit admettre que la préservation des savoirs humains individuels ou collectifs est liée à
l'existence des ressources biologiques.
Affiliation à un réseau
international Via Campesina ORIGIN
Du côté de l'Union biologique paysanne, les producteurs ont été les initiateurs. Ce
sont eux qui ont incité leur organisation à entreprendre des démarches afin de codifier un
certain nombre de normes non considérées dans les cahiers des charges existants.
L'introduction de normes sociales dans un cahier des charges biologique serait une première.
128
Ces normes ne seraient toutefois pas considérées par l'État car elles dépassent de loin les
normes minimales exigées. On parle ici d'un projet ascendant de certification. Mais à notre
avis, la sur-certification que préconisent les producteurs et l'organisation ne sort toutefois pas
l'agriculture biologique du créneau dans laquelle elle est déjà confinée. La sous
représentation de l'organisation en tant qu'acteur dans le domaine agroalimentaire québécois
confine par ailleurs les producteurs (et la certification bio-paysanne) à la marginalité.
La dynamique est différente chez Solidarité rurale. Ses activités dans la promotion des
produits de terroir peuvent être regroupées en quatre temps.
Étalage
Réflexion/recherche
Action
politique/encadrement
Construction de normes
Figure V-4 Temps forts des activités de SRQ depuis 1991 en matière de défense des
produits de terroit·.
Elle a d'abord débuté son action par des activités liées surtout à la promotion, par
exemple l'étalage des produits dans de grandes manifestations tels que des marchés publics.
L'organisation a ensuite conunencé à mener des recherches et à approfondir sa réflexion sur
la production de produits spécifiques dont les bénéfices des productions localisées. Ces
recherches ont fourni les arguments qu'elle a par la suite utilisés pour mener des actions
politiques auprès de l'État afin de légiférer cette éventuelle appellation. Enfin, elle a participé
activement à l'élaboration des référentiels qui ont été présentés à l'État et qui font toujours
l'objet de discussions. La participation de SRQ dans l'élaboration des nOlmes est très active.
Contrairement à l'Union paysanne, ce ne sont pas les producteurs qui ont fait pression sur
l'organisation afin d'encadrer les produits de terroir. À notre avis, SRQ a inculqué le type de
normes qu'elle entend voir réguler. Les producteurs se sont ensuite ralliés.
129
5.2 Reconunandations
L'entreprise, même de petite taille ou artisanale, ne peut faire abstraction des tendances
sociétales. L'objectif de cette section est d'élaborer quelques éléments de stratégie de marché
et marketing afin de rejoindre avec plus d'efficacité les consuméristes politiques, ces citoyens
soucieux d'équité sociale, de protection environnementale et de développement économique
local. Nous débutons par décrire brièvement la stratégie de marché à favoriser et sur laquelle
seront élaborés les éléments de différenciation permettant de positionner chacun des types de
produits. Nous poursuivons par des éléments du marketing mix: la conununication, la
distribution des produits et le prix. Nous n'avons pas réservé une section spéciale pour
décrire les produits car ils ont déjà été amplement détaillés; leurs caractéristiques sont encore
reprises dans les sections décrites ci-dessus. Enfin, nous terminons par quelques éléments de
marketing tribal.
Pour avoir du succès sur le marché, les opérateurs biologiques et les entreprises de
l'économie du terroir doivent adopter une stratégie de spécialisation grâce à un système
stratégique (Allaire et Firsirotu, 2003) dominé par l'axe des produits dans le cas des produits
biologiques certifiés bio-paysans et par l'axe des compétences dans le cas des produits de
terroir. La figure de la page suivante illustre notre propos.
130
A PRODVITS, biologiques,
loc~ux, c!iversl(,és,
rel~tlonnels.
MARCHÉS
Circuits <le
•
c(lsttlbution courts,
une relation étroIte
COMPÉTENCES, Métho<les <le ,vec les
fàbriQtion, c,hier <les ch.rges, consomm;,:jteurs
symbolisme écologique, n,tu rel.
B PRODVITS Typiques,
,uthentiques, ,vcc <les
caractéristiques uniques a
connotation Idcntit~ire.
MARCHÉS,
Circuits <le
•
etlstnbution courts.
CO,VlPÉTENCES ,v\étho<les <le une relation étrOite
(~briG1tlon, c,h,er <les ch~rges, avec les
S.1VOlt-falte, culture d'entreprise. consommateurs
histOire ct géogi·,phie p~rtlculières,
symbolISme culturel et i<lcntit~lre.
Figure V-5 Système stratégique des opérateurs bio-paysans (A) et des entreprises du
terroir (B). Adapté de Allaire et Firsirotu (2003).
Selon cette figure, les opérateurs bio-paysans appuient leur stratégie sur le produit dont
les principales propriétés sont attribuées à la production locale : fraîcheur, diversité,
proximité, capacité relationnelle, Les entreprises du terroir élaborent quant à eux leur
stratégie autour du noyau de compétences: par exemple, les méthodes de fabrication inscrites
131
dans des cahiers de charge et les éléments culturels. Chacune de ces stratégies procure des
avantages compétitifs.
Collis et Montgomery (1995) rappellent tout de même que les ressources des
entreprises tant physiques qu'intangibles doivent répondre à cinq critères (ou tests) afin de
créer des avantages compétitifs: l'inimitabilité, la durabilité, l'appropriation, l'absence de
substitut et la supériorité concurrentielle. Les produits alimentaires dotés d'une certification
bio-paysanne ou de terroir rencontrent ces critères à différents degrés. Ces deux types de
productions sont inimitables et ne peuvent être délocalisées sans perdre leur caractère: de
proximité dans le cas des produits bio-paysans et authentique dans le cas des produits de
terroir; elles sont durables tant que les acteurs protègent les lieux et ses ressources; la création
de valeur est capturée par les PME biologiques et de terroir surtout dans tin circuit de
distribution court; l'absence de substitut est plus évident dans le cas des produits de terroir en
raison de leurs spécificité mais le caractère relationnel des produits bio-paysans couplé à la
qualité conférée aux produits frais doit être mis en valeur. Enfin, la supériorité concurrentielle
est réelle chez les producteurs de terroir tant qu'ils se concentrent sur un produit authentique
grâce à un savoir-faire unique. Celle des produits bio-paysans tient à la dimention
relationnelle.
Les produits de terroir doivent plutôt faire valoir le savoir-faire de leurs fabricants
basés sur des méthodes et des cahiers des charges précis et mettant en valeur les aspects
identitaires et culturels des territoires d'où ils sont issus. Ce sont ces ressources qui procurent
aux produits leur authenticité.
5.2.3 La communication
• Faire valoir les bénéfices sociaux et environnementaux des achats de produits portant une
certification biologique ou de terroir;
Faire reconnaître l'utilité sociale des produits certifiés en termes de développement rural,
de protection des ressources, d'environnement, de bien-être, de lien social et de cohésion.
En bref, « politiser» les produits;
133
5.2.4 La distribution
Micheletti (2003) affirme qu'un certain nombre de citoyens sont prêts à exercer leur
pouvoir sur le marché. Toutefois, il est parfois difficile pour les consommateurs d'exprimer
leurs valeurs par leurs décisions d'achat en raison de la concentration des distributeurs
alimentaires lesquels mettent en marché peu de produits locaux. Ceci implique que même si
une offre et une demande existent pour ces produits, les consommateurs n'ont pas
l'opportunité de voter avec leurs dollars. Ils ne peuvent pas toujours faire valoir leur
préférence pour un système agroalimentaire durable par des achats qui supporteraient et
encourageraient un tel système. Malgré cela, pour les consommateurs en quête de produits
locaux, la forme d'échange rapproché répond au besoin d'enracinement affectif, rural ou
culturel (Hérault-Fournier et Prigent-Simonon, 2004). Pour les producteurs, c'est l'occasion
de redonner du sens à leur métier. Selon Hérault-Fournier et Prigent-Simonin (2004), « la
relation influence la qualité des produits alimentaires perçue par les consommateurs ». Selon
ces auteures, la relation peut être vue conune un dispositif de jugement à part entière. Partant
de cette conclusion, il est raisonnable de croire que les relations de proximité auront un effet
sur la qualité des produits. Ceci implique de multiplier les circuits de distribution courts tels
que les marchés publics ou les livraisons de paniers; d'accroître les occasions de relations
directes par l' agrotourisme, les kiosques à la ferme, les foires agricoles ou les expositions
conunerciales.
134
5.2.5 Le prix
Bien sûr, on pourrait argumenter que ce faisant, ces produits sont voués à n'occuper
qu'une niche de marché. Cela signifierait que les organisations de contestation du système
agroalimentaire ne réussissent pas à transformer le marché. C'est pourquoi les organisations
de contestation, les nouveaux mouvements sociaux économiques, doivent défendre et
promouvoir un prix plus élevé (un juste prix) car les faibles prix des aliments conventionnels
ne tiennent pas compte des répercussions néfastes sur l'environnement et sur l'aménagement
du territoire.
135
Nous avons avancé que les produits certifiés sont créateurs de liens sociaux en raison
de leur caractère local, structurant et communautaire. Ils ont le potentiel de réunir en clan ou
en tribus les consommateurs. Il est fort plausible d'imaginer la tribu biologique ou le clan des
connaisseurs de produits de terroir. Pour ces raisons, les entreprises alternatives productrices
de produits biologiques et de terroir devraient opter pour un marketing tribal (Cova, 2001;
Cova et Cova, 2002).
La stratégie du marketing tribal est exécutée afin de créer et maintenir la relation entre
consommateurs de la tribu affective contrairement au précepte du marketing relationnel et
conventionnel qui cherche à rapprocher les entreprises des consommateurs. Le marketing
relationnel utilise la relation comme un moyen de toucher ses clients alors que le marketing
tribal fait de la relation son objectif. Parce que le consommateur cherche un moyen de se lier
aux autres dans une ou plusieurs communautés, le produit doit permettre de créer ce lien. La
valeur de lien devient par conséquent plus importante pour les consommateurs que la valeur
d'usage du bien. La figure de la page suivante illustre la différence entre le marketing
conventionnel et le marketing tribal. Les partisans du marketing traditionnel (b) ciblent un
segment grâce à un produit qui a valeur d'usage. Le marketing tribal fait valoir le produit
pour sa valeur de lien entre membres d'une tribu qui se rassemblent autour d'un produit en
fonction de valeurs partagées (a).
136
a) marketing tribal
Tribu cible
Producteurs
agroalimentaires
alternatifs Le produit
(biologiques et
produits de terroir)
....------,, comme valeur
,, de lien
,,
,
1
I J
b) marketing conventionnel
Producteurs
agroalimeotaires
alternatifs Le produit Segment cible
(biologiques et -+ comme valeur ---.
produits de terroir) de bien
1 -------------------------------------_1
Figure V-6 Valeur du produit selon le paradigme du marketing tribal (a) et le modèle du
marketing conventionnel (b).
5.3 Conclusion
Nous avons répondu dans ce chapitre aux questions posées au chapitre III et nous
avons par la suite terminé par des recommandations stratégiques.
Les deux certifications recèlent la possibilité de créer la « tribu bio » ou le « clan des
connaisseurs ». La dimension communautaire de la certification bio-paysanne, plus archaïque
que postmoderne, est illustrée par le réseau alimentaire de proximité alors que chez Solidarité
rurale, une certification postmodeme, elle est exprimée par la connivence entre producteurs et
consommateurs.
137
Le thème de l'espace est omniprésent dans les deux discours et chaque certification en
reflète une dimension singulière. Le projet de certification des produits bio-paysans présente
un caractère structurant autour d'une proximité physique alors que le projet de Solidarité
rurale est initié autour d'une proximité psychologique.
Les deux mouvements considèrent que les individus sont dépendants de la nature et de
leurs semblables. C'est la vision substantielle de l'économie développée par Polany. Même si
les problèmes perçus sont différents, même si les solutions apportées divergent, les
certifications bio-paysanne et de terroir apparaissent comme des institutions formelles
d'encastrement. L'activisme rural des deux mouvements est à la fois orienté vers le système
politique et vers les individus afin d'initier des comportements de production et de
consommation propices à l'élaboration d'un système alimentaire plus juste.
Enfin, le chapitre se clôt sur des recommandations marketing qui tiennent compte de
ces résultats.
CONCLUSION
biologique et au-delà du nombre de parts de marché des produits de terroir, ce seul résultat
nous apparaît somme toute majeur.
constituer le point de départ de recherches qui auraient l'objectif de poursuivre l'étude des
signes de qualité.
Les recommandations de stratégie marketing pourront être utilisées par les chercheurs
et par les praticiens afin de développer une mise en marché propre à atteindre leur tribu cible.
Ces recommandations comportent plusieurs éléments nouveaux. À notre connaissance,
aucune étude ne s'était penchée sur le secteur alimentaire en utilisant une approche de
marketing tribal. Celle-ci sera utile à ceux qui mettent en marché les produits certifiés.
L'accent sur un positionnement particulièrement lié au localisme est prometteur en raison des
comportements que nous avons décelés chez les participants à différents événements.
Les concepts théoriques sur lesquels nous nous sommes appuyés présentent plusieurs
liens entre eux. L'idée de proximité et les valeurs communautaires sont communes à ces
concepts. Il appert en effet que des tribus pourraient être constituées d'acteurs (des
consuméristes politiques) partisans d'achat local. L'achat de produits locaux, plus chers,
présuppose une action économique non rationnelle car celle-ci ne maximise pas les gains
individuels mais plutôt les gains collectifs. Les consuméristes politiques favorisent dès lors
une perspective substantielle de l'économie. Il convient cependant de noter certaines limites à
ces liens entre concepts théoriques. D'abord, il n'est pas certain que les acheteurs de tels
produits aient une conscience développée de l'achat politique. L'achat de produits
141
biologiques pourrait ne représenter qu'un mode de vIe individuel sans pnse en compte
collective. La consonunation des produits de terroir pourrait quant à elle ne révéler que la
poursuite d'un plaisir lié à l'achat d'un produit qui ne constitue pas l'essentiel du régime
alimentaire. Ensuite, l'achat de produits locaux ou biologiques plus chers n'est pas tellement
démocratique. Si bien que le réencastrement économique serait limité à une portion encore
infime de la population, celle qui a les moyens de se procmer un tel type de produits. Le
discours semble donc prendre beaucoup plus de place que la réalité reflétée par les parts de
marché. Rappelons encore que les sondages ne sont pas toujours valides. La pression sociale
pourrait tinter les réponses. Qui aurait la franchise de dire qu'il ne veut pas encourager la
production locale ou environnementale?
Dans cette recherche, nous avons décrit l'offre de produits alternatifs promus par
l'Union biologique paysanne et par Solidarité rurale du Québec. Nous avons ensuite
considéré la correspondance de cette offre avec les descriptions théoriques des
consonunateurs politiques, du consonunateur tribal et avec la notion de mouvement social.
Ce portrait reste toutefois fort sommaire. C'est pourquoi des études plus poussées devraient
être entreprises afin de mieux cerner le comportement des consommateurs de produits bio
paysans et de produits de terroir et pennettre un développement optimal de ces marchés.
elle demeure toutefois un domaine de recherche marginal. Nous croyons cependant que les
caractéristiques singulières des certifications alimentaires, les capacités de celles-ci à initier et
à maintenir la cohésion sociale, pourraient faire d'elles le domaine privilégié pour mettre en
pratique les préceptes de ce marketing alternatif. Les initiateurs des certifications éthiques
gagneraient certainement à mieux comprendre les attitudes, les croyances et les
comportements des consommateurs tribaux.
APPENDICE A
GRILLES D'ENTRETIENS
Grille 1 Grille d'entretien à l'intention des membres du groupe ORIGIN (Organization for an
International Geographical Indications Network)
1. Parlez-moi de votre organisation?
Qui sont les membres?
Quels sont les objectifs?
6. J'aimerais que vous complétiez cette phrase: « Un système agroalimenatire durable est un système dans
lequel ... »
7. Vous parlez de commerce éqUItable, et on voit qu'il y a des alliances, des réseaux entre les mouvements. On ne
vous voit pas dans ces réseaux comme le rSEAL par exemple. Est-ce que ça serait utile de vous joindre à eux?
9. Avez-vous l'impression que vos activités peuvent changer, transformer les méthodes, les façons de faire du
système dominant?
10. Est-ce que l'Union Européenne est très fortement derrière vous?
II. Croyez-vous que les Indications géographiques pourraient être utilisées par l'Europe dans leurs négociations
avec les États-Unis? Qu'elles pourraient faire l'objet de compromis de la part de l'Union Européenne afin de
négocier avec les États-Unis au sujet des subventions agricoles?
144
Grille 2 Grille d'entretien s'adressant à la présidente du Comité de travail sur les appellations
réservées
1. Vous présidez le «comité terroir» mis en place par l'ex-ministre Maxime Arsenaull. Qui en sont les membres?
4. Quelles sont les sources documentaires ou les organismes que vous et votre comité avez consultés?
5. Quels sont les espoirs par rapport aux appellations des produits de terroir?
8. Quelles sont les différences que vous voyez entre la production agricole locale de la production qui n'est pas
locale?
10. D'après vous y-a-t-il un lien entre l'instauration d'appellation du terroir et le mouvement de certification
«bio» ?
11. Comment interprétez-vous la croissance des produits bios et l'effervescence pour les produits locaux?
12. Martha Gagnon, du journal La Presse, rapportait dans l'édition du 24 février dernier vos propos: « Je ne peux
concevoir mon avenir sans des producteurs artisans passionnés». Quel est le sens de celle citation?
145
6. J'aimerais que vous complétiez cette phrase: «Un système agroalimenatire durable est un système dans
lequel ... »
11. Qu'est-ce que vous pensez de la FABQ qui dit que «on aime mieux être à l'intérieur de l'UPA pour changer
les choses qu'être à l'extérieur pour tenter de les changer et ne pas y arrive!"»?
12. Avez-vous l'impression que vos activités peuvent changer, transformer les méthodes, les façons de faire du
système dominant?
13. Quel genre de mise en marché favorisez-vous pour vos produits certifiés? Pourquoi?
20. D'après vous y-a-t-il un lien entre l'instauration d'appellation du terroir et le mouvement de certification
«bio» ?
146
5. Avez-vous l'impression que vos activités peuvent changer, transformer les méthodes, les façons de faire du
système dominant?
7. J'aimerais que vous complétiez cette phrase: «Un système agroalimenatire durable est un système dans
lequel. .. »
11. Quel genre de mise en marché favorisez-vous pour des produits certifiés du terroir? Pourquoi?
16. D'après vous y-a-t-il un lien entre ['instauration d'appellation du terroir et le mouvement de certification
«bio» ?
147
4. Est-ce que une IGP «Agneau de Charlevoix» pourrait participer aux solutions? (en fonction d'une réponse
positive en 1)
5. Quand on fait des cahiers de charges, ça exclut nécessairement des producteurs qui ne suivent pas les consignes.
Comment ça se passe ici?
10. Est-ce qu'il y a un lien entre le mouvement des labels d'origine et le mouvement bio?
Il. Avez-vous pris connaissance de la proposition de la ministre concernant la loi sur les appellations?
14. Avez-vous l'impression que l'UP a une influence sur l'UPA. Est-ce qu'il ya eu des changements à l'UPA
depuis que l'UP est là ?
15. Es-tu sur l'UPA pour défendre l'agriculture de spécialité? As-tu l'impression que tu vas mieux la défendre?
16. Avez-vous l'impression que l'idée de produit local, la proximité se développe au Québec?
148
9. Avez-vous l'impression que l'Union paysanne a une influence sur l'UPA. Est-ce qu'il y a eu des changements à
J'UPA depuis que l'Union paysanne est là?
1J. Les consommateurs vous semblent-ils conscientisés à votre métier? Votre production?
12. Avez-vous l'impression que l'idée de produit local, la proximité se développe au Québec?
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