Léopol Senghor Chants Dombre
Léopol Senghor Chants Dombre
Léopol Senghor Chants Dombre
CHANTS D’OMBRES
DE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
CONFÉRENCE PAR HANS LEYMARIN
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-116
CHANTS D’OMBRES, DE LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
Conférence - lecture de textes autour de l’œuvre de cet auteur africain originaire du Sénégal.
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Document 1 : Aperçus biographiques concernant Senghor.
I PRISE DE VUE
La destinée du petit Sénégalais, issu de l’ethnie sérère, qui naît en 1906 à Joal, au sud
de Dakar, semble, en ses débuts, illustrer les faveurs que la métropole dispense aux
sujets d’élite de ses colonies: après une enfance privilégiée, au sein d’une famille riche,
catholique, encore enracinée dans la société traditionnelle, c’est l’école des pères, puis le
collège de Dakar où le lycéen obtient le baccalauréat en 1928; «seize années d’errance»
au pays des Blancs le conduisent de la khâgne du lycée Louis-le-Grand à la Sorbonne
puis à l’agrégation de grammaire (c’est la première fois qu’un Africain réussit le
concours); au professorat à Tours (1937) et à Saint-Maur (1938), interrompu par la
guerre, et à deux années de captivité; après la Libération, il occupe une chaire
d’africanisme à l’école de la France d’outre-mer. Derrière ce brillant cursus honorum,
profil exemplaire d’«assimilé», se cache un homme blessé qui se sent exilé et aliéné: à la
recherche de son identité, il fonde, en 1934, avec quelques camarades, dont le
Martiniquais Aimé Césaire et le Guyanais Léon Damas, L’Étudiant noir, éphémère petite
revue où se forge la notion de négritude. Il milite au Parti socialiste, et, en même temps,
fervent de Proust et de Supervielle, il confie ses angoisses et sa fierté à des essais
poétiques qui restent secrets.
Élu à l’Académie française en 1984, il est le premier Africain à siéger sous la Coupole. Le
choix de la vénérable compagnie a moins paru un acte d’audace qu’un symbole: la nation
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française reconnaît officiellement une œuvre et une culture qui enrichissent son propre
héritage.
Cette injonction résume la mission que s’est assignée Senghor: quête de l’originalité
essentielle de sa race, définition d’une singularité qui soit instrument de refus, découverte
de soi, et approche particulière de l’universel. La négritude, «c’est d’abord une négation
[...], plus précisément l’affirmation d’une négation. C’est le moment nécessaire d’un
mouvement historique: le refus de l’Autre, le refus de s’assimiler, de se perdre dans
l’Autre». L’idéal fugitif d’intégration («J’ai rêvé d’un monde de soleil dans la fraternité de
mes frères aux yeux bleus») bute sur l’humiliante réalité:
... Rien que les sables les impôts les corvées la chicotte
Devant la condition inférieure de tout un peuple, ce cœur chrétien n’accepte pas les
privilèges octroyés: il sent monter en lui la colère du prophète, la violence d’une invective
qui fustige l’orgueil des «têtes blondes».
La conscience négative d’une identité doit toutefois se dépasser: «Le refus de l’Autre,
c’est l’affirmation de soi.» Senghor définit la négritude comme «l’ensemble des valeurs
culturelles de l’Afrique noire », ou la «personnalité collective négro-africaine». Elle tire sa
spécificité des traits distinctifs de l’âme noire: primauté de l’émotion, de la sensibilité («La
raison européenne est analytique, discursive par utilisation, la raison négro-africaine,
intuitive par participation») et, en art poétique, de «la chaleur émotionnelle qui donne la
vie aux mots, qui transmue la parole en verbe», avec ses thèmes singuliers: l’ardeur
profonde des couleurs sombres, la pulsation obscure du sang, les bruits de la nature et
des instruments traditionnels, l’immanence des ancêtres... On a reproché à l’écrivain
d’imposer une caractérisation artificielle à des races et à des peuples fort divers (qui
oserait discourir sur l’«albitude»?) ou d’oblitérer, par un racisme à rebours, la division des
hommes et des nations entre dominants et exploités: le concept de négritude serait ainsi
un obstacle à la libération révolutionnaire.
On s’étonne, d’abord, que les vers du maître de la négritude suscitent en nous mille
souvenirs familiers: délicatesses mallarméennes, souffle épique du verset claudélien,
ample période de Saint-John Perse... Art savant, poli, mesuré jusque dans l’expression
panique, volontairement soumis à une tradition: la perfection classique de certaines
pièces ne saurait s’atteindre, d’emblée, que par une «innutrition» ou une «imitation
créatrice». Poésie de grammairien et d’amateur de beau langage qui restitue aux mots
leurs acceptions étymologiques, ou rappelle à l’existence les vocables morts.
Je n’efface pas les pas de mes pères ni des pères de mes pères dans ma tête ouverte à
vents et pillards du Nord.
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C’est le silence alentour
Seuls bourdonnent les parfums de brousse, ruches d’abeilles rousses que domine la
vibration grêle des grillons
l’aliénation du Noir en Europe et les souffrances des peuples soumis (Chaka est dédié
«aux martyrs bantous» de l’Afrique du Sud); surtout, les splendeurs et les sortilèges de la
terre africaine opposés aux froides beautés des pays blancs: dans la texture même du
poème se retrouvent les antinomies qui marquent la vie et la pensée théorique de
l’écrivain.
Franchis ces portiques avenants (on ne subit pas les fourches caudines d’un hermétique
exotisme), mais encore extérieurs, on accède au cœur du lyrisme: un rythme monotone,
régulier, souligné par des allitérations, se révèle peu à peu, issu d’un accompagnement
idéal d’instruments à percussion («Pour balafong», ou «Sur fond sonore de tamtam
funèbre», précise le poète). Car «seul le rythme provoque le court-circuit poétique et
transforme le cuivre en or, la parole en verbe». Musique initiatique: «Poésie, prière,
participation identificatrices aux forces cosmiques, à l’acte créateur en Dieu, la poésie
africaine reste près des sources divines.» Comme Dieu crée, Senghor énumère et
interpelle les choses avec la majesté et l’étonnement délicieux du «matin transparent du
monde»; il lit leurs analogies et leur symbolisme:
Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté!
Il embrasse l’univers d’une étreinte panthéiste et catholique (le mot, dans son sens
premier d’universel, est une des clefs de l’œuvre): une passion érotique et mystique
inspire cette poésie de la réconciliation, de la plénitude, de l’espérance inscrite au cœur
de l’homme et du monde. Senghor est considéré aujourd’hui comme un des deux grands
ancêtres de la littérature négro-africaine de langue française (avec Aimé Césaire, aux
accents plus âpres). Les écrivains de la génération suivante ont, en majorité, préféré le
roman qui leur permet, sur un mode moins allusif, d’évoquer la décolonisation, les conflits
culturels ou sociaux, les difficultés de l’indépendance dont ils sont les témoins. En se
situant à la fois dans son temps, et dans la bruissante immobilité de l’essentiel, Senghor
sentit sans doute mieux le cœur d’une Afrique que son œuvre a rendue proche à ceux
que touche la grâce d’une poésie neuve et sincère.
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Document 2 :
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Document 3 :
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Document 4 :
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Document 5 : Lectures poétiques.
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POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS
- Liberté I. Négritude et humanisme, ibid., 1964 ; Liberté II. Nation et voie africaine du socialisme, ibid.,
1964 ; Liberté III. Négritude et civilisation de l’universel, ibid., 1977 ; Liberté IV : Socialisme et planification,
ibid., 1983
- La Poésie de l’action, Conversations avec Mohamed Aziza, Stock, 1980
- Pour une relecture africaine de Marx et d’Engels, Nouvelles Éditions Africaines, 1976
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