5ème Cours
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L’ÉTAT FÉDÉRAL
A l’heure actuelle la fédération est la forme privilégiée des Etats dont le territoire est
extrêmement étendu mais pas uniquement. En effet, l’une des caractéristiques les plus
étonnantes du fédéralisme réside dans sa variété. Il concerne aussi bien de grands Etats tels
que l’ex Union soviétique ou encore les États-Unis d’Amérique que de petits Etats tels que la
Belgique ou la Suisse. Dans le premier cas il s’agit, pour reprendre l’expression employée par
le doyen Vedel, « d’unir ce qui est séparé », dans le second, « de libérer ce qui est étroitement
serré ». Cette forme d’État se définit de manière très simple comme celle d’un « super-État »,
l’État fédéral, composé d’autres Etats, les Etats fédérés. La terminologie employée dans les
diverses Constitutions qui instituent un tel modèle de fédération ne doit pas conduire à se
méprendre sur la forme de l’État à laquelle on est confronté. En effet, dans bien des cas, on est
effectivement en présence d’un État fédéral mais la Constitution adopte une terminologie
variable pour qualifier les Etats fédérés. On parle ainsi très naturellement d’Etats aux États-
Unis d’Amérique ou encore au Brésil, mais on parle de Lander en Allemagne, de Sujets en
Russie, de Provinces au Canada, pu encore de Cantons en Suisse. Il convient dans un premier
temps de comprendre sur quels fondements repose cette forme particulière d’État qu’est le
fédéralisme avant d’étudier la manière dont l’État fédéral s’organise.
Pour connaitre quels sont les fondements de l’État fédéral il est nécessaire de déterminer deux
choses :
- Il faut d’une part savoir quelles sont les idées qui président à la formation d’une telle
structure étatique, c'est-à-dire les idées qui sont à son origine.
- Il faut d’autre part cerner ce qui fait la spécificité de l’État fédéral par rapport à des
formes relativement proches d’unions ou d’associations d’Etats.
La fédération peut se définir de la manière suivante : il s’agit d’une association d’Etats qui ont
décidé volontairement de créer des organes communs auxquels ils délèguent une plus ou
moins grande partie de leurs compétences. Cette définition insiste donc sur une forme
d’autonomie de la volonté des Etats. Cela illustre le fait qu’aux origines du phénomène
fédératif il existe toujours une forme de « contrat » par lequel certains Etats vont décider
d’abandonner une partie de leurs compétences pour les confier à une structure fédérale. Deux
questions se posent alors :
Ainsi, à l’origine du fédéralisme on trouve certaines nécessités pratiques qui vont conduire
des Etats à choisir librement de transférer certaines de leurs compétences à un État fédéral, cet
accord entre les différentes structures en présence se matérialisant dans la Constitution.
Cependant, la naissance de ce fédéralisme peut prendre deux voies opposées :
● La première est la plus naturelle et consiste pour des Etats unitaires souverains à
s’unir pour donner naissance à une fédération d’Etats. On parle alors de
fédéralisme par association. Il convient de préciser que ce fédéralisme par
association passe généralement par un renforcement, une accentuation, d’une
association primitive déjà existante entre plusieurs Etats unitaires souverains. C’est
le cas par exemple aux États-Unis. En 1776 on était en présence d’Etats souverains
seulement associés dans le cadre d’une confédération. Lui succèdera en 1787 à
travers la Constitution américaine une véritable fédération d’Etats. A la fin du
XIXème siècle le même phénomène est observé en Allemagne et en Suisse.
● La seconde manière, pour un État fédéral, de naître est plus insolite, plus rare. Il
s’agit du cas dans lequel un État unitaire se craquelle et se divise pour donner
naissance à plusieurs Etats. L’État unitaire implose en quelque sorte. On parle de
fédéralisme par dissociation. Cette implosion est généralement due à la pression de
minorités présentes sur le territoire de l’État. C’est le cas de la Belgique, État
unitaire qui devint en 1993 un État fédéral (Flamands/Wallons).
● La première forme d’organisation que l’on peut évoquer est l’Union d’Etats. On ne
trouve plus à l’heure actuelle une telle forme d’organisation. Elle consiste en une
association de deux ou plusieurs Etats qui sont placés sous l’autorité d’un
souverain, d’un monarque. Ainsi, par exemple, de 1867 à 1918 l’empereur
François-Joseph a gouverné l’Autriche et la Hongrie. L’Union d’État ne constitue
pas un État fédéral dans la mesure où on ne se trouve pas en présence d’un État
superposé à plusieurs autres, il n’y a pas de superposition de deux collectivités
étatiques.
● La seconde forme d’organisation que l’on peut mentionner est la confédération qui
est une association d’Etats qui s’unissent pour développer en commun certaines
compétences ou pour assurer une protection commune contre un ennemi extérieur.
Comme nous l’avons déjà souligné dans le cadre du fédéralisme associatif, la
confédération d’Etats précède souvent leur fédération. Il existe entre les deux,
deux différences primordiales :
- La première différence tient à l’acte qui matérialise cette association d’Etats. En effet,
la confédération trouve son origine dans un Traité international et pas dans la
Constitution. Elle se fonde donc sur le droit international public et pas sur le droit
constitutionnel interne.
- La seconde différence tient au fait que la confédération ne constitue pas une sorte de
super-État placé au-dessus des autres Etats qu’elle aurait vocation à régir. L’ensemble
des décisions sont prises en commun, à l’unanimité, et la confédération ne peut rien
imposer de force à un État confédéré.
On peut trouver à l’heure actuelle plusieurs exemples de confédérations d’Etats. C’est le cas
de la Commonwealth qui est une association d’Etats qui constituent d’anciennes colonies
britanniques. C’est le cas également de la CEI, la Communauté des Etats indépendants,
constituée de 12 des 15 Etats membres de l’ex-URSS et formée suite à l’éclatement de cette
dernière en 1991. Reste le cas d’une structure inédite qui a pris une importance majeure dans
notre droit contemporain et sur laquelle nous reviendrons : l’Union européenne.
● Premier point : il existe au sein d’un État fédéral deux niveaux étatiques
superposés. Lorsque la Constitution institue un État fédéral, elle donne naissance à
un ordre juridique et politique distinct de ceux des Etats fédérés et qui vient s’y
superposer. On a donc une superposition État fédéral/Etats fédérés. Cependant,
seul l’Etat fédéral exprime la souveraineté au niveau international, c'est-à-dire que
lui seul existe pour la communauté internationale et pas les Etats fédérés. Pour
cette raison, nul ne conteste que la Constitution qui établit un Etat fédéral donne
naissance à un « super-Etat ». Ce qui est parfois contesté, c’est la qualité étatique
des entités fédérées. En effet, au regard des pouvoirs de l’Etat fédéral, il est bien
difficile d’admettre que les Etats fédérés sont souverains. Or, la souveraineté est
un élément caractéristique de l’Etat. De ce point de vue, seul l’Etat fédéral exerce
la plénitude de la souveraineté, les Etats fédérés pouvant seulement exercer des
attributs de cette souveraineté. Il semble qu’il y ait ici une différence de
conception fondamentale et qu’il existe une forme de schizophrénie de la
souveraineté au sein de l’Etat fédéral. En effet, comme a pu l’expliquer Elisabeth
Zoller, « la souveraineté est une si on la considère au regard du droit international
mais elle est plurielle quand elle est tournée vers l’intérieur ». Ainsi, même si seul
existe l’Etat fédéral du point de vue international, en son sein il existe une forme
de souveraineté partagée. Reste à savoir précisément si la souveraineté peut être
divisée ? Nous ne prétendons pas ici trancher la question de la nature étatique ou
pas des entités fédérées. On peut seulement constater que cette qualité étatique est
le plus souvent admise au niveau interne, c'est-à-dire que la Constitution reconnaît
aux entités fédérées la qualité d’Etats. La Cour constitutionnelle allemande a
même précisé dans un arrêt de 1995 que « le propre de l’Etat fédéral est que la
fédération et les Etats fédérés possèdent la qualité étatique ».
● Deuxième point : il existe au sein d’un Etat fédéral deux ordres juridiques
superposés. Cela signifie que l’Etat fédéral comme les Etats fédérés disposent de
leur propre Constitution. Ainsi, chacun possède un pouvoir politique propre et un
système juridictionnel propre. Cependant, et c’est là que se manifeste la
prépondérance de l’Etat fédéral, les ordres constitutionnels des Etats fédérés
doivent respecter les principes posés par la Constitution fédérale. De même, les
Etats fédérés disposent d’un système normatif propre, ils peuvent notamment
adopter des lois. C’est la Constitution fédérale qui fixe la répartition des
compétences, les domaines d’intervention respectifs de l’Etat fédéral et des Etats
fédérés. Ainsi, il existe des lois des Etats (sous-entendu fédérés) et des lois de
l’Etat (sous-entendu fédéral). Ici également, le droit fédéral prime sur les droits des
Etats fédérés. Ces derniers doivent respecter le droit élaboré par l’Etat fédéral et en
cas de contradiction entre un droit fédéré et un droit fédéral, le premier devra
s’effacer au profit du second.
On voit donc qu’il existe, au sein d’un Etat fédéral, une superposition d’une part d’Etats et
d’autre part d’ordres juridiques. Cette forme d’Etat tend à concilier deux tendances
fondamentales des sociétés politiques que sont d’une part le besoin d’autonomie qui pousse
un Etat à exclure toute ingérence d’un autre Etat dans ses affaires et d’autre part le besoin
d’ordre et de paix qui implique quant à lui une centralisation du pouvoir. Ces deux tendances
sont donc contradictoires mais elles sont inévitablement présentes au sein d’une fédération.
L’Etat fédéral va alors concilier le besoin d’ordre et de paix et le désir d’autonomie qui lui
sont inhérents. Cette conciliation se fait sur le fondement de deux principes : le principe de
participation et le principe d’autonomie. Au sein de cet équilibre, le rôle que les juridictions
constitutionnelles sont amenées à jouer est d’une importance déterminante, participant même
à l’évolution plus générale du fédéralisme.
Le principe de participation implique que les Etats fédérés puissent participer au pouvoir
fédéral. Cette participation va intervenir à différents niveaux.
● Le premier niveau de participation des Etats fédérés au pouvoir fédéral se situe
dans le pouvoir exécutif fédéral. En effet, parfois les Etats fédérés peuvent être
représentés au gouvernement fédéral. C’est le cas au Canada par exemple où au
moins un ministre fédéral représente chaque province. C’est le cas également en
Belgique, en Suisse et en Allemagne où les intérêts des Etats fédérés sont
représentés au sein du gouvernement.
Le principe d’autonomie implique que les Etats fédérés disposent d’une sphère de compétence
qui leur est propre et dans laquelle l’Etat fédéral ne peut pas intervenir ni même exercer une
quelconque tutelle ou un quelconque pouvoir hiérarchique. Ainsi, dans le cadre de ces
compétences propres, le gouvernement de chaque Etat fédéré est parfaitement autonome.
Cette autonomie est présente à trois niveaux :
● Premier niveau d’autonomie : les Etats fédérés disposent tout d’abord d’une
autonomie administrative. Cette dernière est assez proche de ce que l’on connait
notamment dans un Etat unitaire décentralisé à travers la libre administration des
entités locales. Cela implique donc que les Etats fédérés puissent s’administrer
librement.
● Troisième et dernier niveau d’autonomie : les Etats fédérés disposent enfin d’une
autonomie législative. En effet, c’est ici une différence essentielle avec les
collectivités composant un Etat unitaire décentralisé. Les Etats fédérés disposent
d’un pouvoir législatif autonome et propre auquel l’Etat fédéral ne peut pas porter
atteinte. C’est la Constitution fédérale qui effectue la répartition des compétences
entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. On peut alors trouver trois types de
compétences : premièrement les compétences exclusives dans lesquelles seuls les
Etats fédérés peuvent intervenir. Dans la plupart des cas la Constitution énumère
les matières relevant de la compétence exclusive du législateur fédéral et ainsi tout
ce qui n’appartient pas à ces matières relève de la compétence du législateur
fédéré. Deuxièmement, il existe des compétences dites partagées ou concurrentes
dans lesquelles l’Etat fédéral et les Etats fédérés peuvent tous deux intervenir.
Enfin, on peut trouver des compétences dites complémentaires dans lesquelles les
Etats fédérés interviennent pour compléter l’intervention de l’Etat fédéral ou
exécuter une loi fédérale.
Ainsi, dans le cadre d’un Etat fédéral, les Etats fédérés jouissent d’une autonomie
administrative, constitutionnelle et législative. Ils s’administrent librement dans le cadre fixé
par une Constitution qui leur est propre en légiférant librement dans leurs domaines de
compétences. De plus, ces Etats sont amenés à participer à l’activité normative de l’Etat
fédéral. Ces réalités s’expriment à travers les principes d’autonomie et de participation. Mais
il existe un dernier élément qu’il convient de souligner et qui est d’une très grande
importance : c’est le rôle que les juridictions constitutionnelles sont amenées à jouer au sein
de la fédération.
Comme le présent titre l’indique, le juge constitutionnel dispose d’une place majeure au sein
du fédéralisme et cela a deux égards : d’une part dans sa préservation et d’autre part dans son
évolution.
● S’agissant du rôle du juge constitutionnel dans la préservation du fédéralisme.
Tout Etat fédéral, pour pouvoir fonctionner et pour faire en sorte que ces grands
principes que nous avons étudiés et sur lesquels il repose soient effectivement
assurés, doit disposer d’un organe spécialisé dont la vocation est de vérifier deux
choses :
o D’une part que les règles de répartition des compétences entre l’Etat fédéral et
les Etats fédérés sont bien respectées.
o D’autre part que les règles adoptées au niveau central ne portent pas atteinte à
la nature fédérale de l’Etat. En Allemagne par exemple, il est interdit de réviser
la Constitution en méconnaissance de l’organisation fédérale ou du principe de
participation des Lander à la législation fédérale.
L’exemple peut être le plus marquant à cet égard est celui de la Cour suprême américaine qui
a développé certaines théories qui ont permis d’étendre les compétences de l’Etat fédéral. La
Cour suprême américaine a ainsi admis que la compétence fédérale pouvait être exercée non
seulement pour les matières énumérées par la Constitution mais également pour tout ce qui est
nécessaire à leur réalisation. De la même manière, à partir de 1936 et de l’arrêt United States
v. Butler, la Cour a interprété la clause du General Welfare littéralement clause de « bien-être
général », pour justifier la compétence de l’Etat fédéral en matière sociale et en l’absence
d’habilitation constitutionnelle expresse. Une même interprétation toujours plus extensive fut
faite de la clause du commerce qui prévoit que relève de la compétence fédérale la
règlementation du commerce avec les puissances étrangères, entre les Etats et avec les tribus
indiennes. La Cour a commencé par admettre la compétence fédérale en matière de commerce
local lorsque la règlementation avait un impact effectif et direct sur le commerce entre Etats.
Puis, elle a peu à peu admis cette compétence en présence d’un lien même indirect avec le
commerce entre Etats…De même, la compétence exclusive de l’Etat fédéral a été admise en
matière de protection des droits fondamentaux. Avant 1954, la Cour admettait que les Etats
fédérés puissent interpréter et mettre en œuvre les droits fondamentaux contenus dans la
Constitution de manière autonome. C’était la théorie dite du « double standard »
qu’abandonna la Cour suprême en 1954 pour privilégier la compétence exclusive de l’Etat
fédéral en la matière dans son célèbre arrêt Brown V. Board of education.
Cependant, il ne faut pas être trop radical s’agissant de cette jurisprudence centralisatrice de la
Cour suprême américaine car il semble qu’elle se soit récemment atténuée. En effet, la Cour a
manifesté une grande considération pour les Etats fédérés dans une jurisprudence relative à
l’immunité des Etats les protégeant contre des poursuites juridictionnelles pour violation du
droit fédéral. La Cour a ainsi, en 2000 (Kimel v. Board of regents) et en 2002 (Federal
maritime Commission V. South Carolina Ports Authority) étendu le champ de ces immunités
en se fondant sur le concept de « souveraineté de l’Etat » ou « d’immunité souveraine des
Etats ».
Pour simplifier, on peut dire que l’Etat régional, appelé aussi Etat autonomique, est la forme
intermédiaire entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral. Ce qui caractérise l’Etat régional c’est la
reconnaissance d’une réelle autonomie au profit des entités régionales. Les exemples typiques
de l’Etat régional sont l’Espagne et l’Italie. Cependant, même si cette autonomie rapproche
cette forme d’Etat d’un Etat fédéral notamment au regard de la reconnaissance de l’autonomie
politique des régions, sa structure demeure unitaire.
L’autonomie politique des régions est reconnue par la Constitution. Cela va plus loin que ce
que l’on connaît dans un Etat unitaire décentralisé à travers la décentralisation. En effet,
l’autonomie politique des régions implique que ces dernières disposent d’un pouvoir normatif
autonome. La Constitution va ainsi veiller à une telle autonomie en garantissant d’une part
son existence et d’autre part ses modalités d’exercice.
Comme on l’observait dans le cadre de l’Etat fédéral, les institutions régionales ont eu
également une tendance à calquer leur fonctionnement sur les institutions étatiques. Elles
s’apparentent ainsi à des institutions quasi politiques. Ainsi, en Espagne par exemple, on
retrouve généralement au sein des communautés autonomes l’institution d’un régime de type
parlementaire avec une assemblée législative élue au SUD. On trouve également un Conseil
de gouvernement qui représente le pouvoir exécutif et qui est responsable devant l’Assemblée
législative. En revanche cette assemblée ne peut pas être dissoute. On trouve enfin un
Président de la communauté autonome élu par l’assemblée parmi ses membres et nommés par
le Roi. En Italie on trouve un pouvoir législatif exercé par un Conseil régional élu au SUD. Le
pouvoir exécutif est dévolu à un exécutif (la « Junte ») élue par le Conseil régional. On trouve
enfin le Président de la Junte élu lui aussi au SUD.
Au sein des Etats régionaux, les institutions régionales comme celles que nous venons
d’évoquer en Espagne et en Italie, exercent un véritable pouvoir législatif régional
contrairement aux collectivités des Etats unitaires. Tout comme dans l’Etat fédéral la
Constitution va déterminer des domaines de compétences qui sont attribués à l’Etat et aux
régions autonomes, l’Etat ne pouvant pas intervenir dans le domaine de ces dernières. Ainsi,
par exemple, on trouve en Espagne des « lois autonomes » adoptées par les communautés
autonomes et en Italie des « lois régionales » adoptées par les régions.
On observe donc qu’au sein de l’Etat régional, est assurée une véritable autonomie au profit
des régions qui exercent un véritable pouvoir législatif régional. L’Etat régional se rapproche,
par cet aspect d’un Etat fédéral. Cependant, malgré cette autonomie régionale, cette forme
d’Etat préserve dans le même temps son caractère unitaire.
L’Etat régional se situe donc véritablement à mi-chemin entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral.
Assurant l’autonomie de ses régions, il préserve son caractère unitaire. Ainsi, la Constitution
italienne en son article 5 précise bien que la « République, une et indivisible, reconnaît et
favorise les autonomies locales ». De la même manière, la Constitution espagnole pose
clairement en son article 2 que la « Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la
nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les espagnols ». Ainsi, les
Constitutions ne peuvent être plus claires et le caractère unitaire de l’Etat va être assuré par un
encadrement de l’autonomie régionale. Cet encadrement se révèle d’une part à travers une
limitation de l’autonomie des régions et d’autre part à travers un contrôle exercé sur cette
même autonomie.
§1. La limitation de l’autonomie régionale
L’autonomie dont bénéficient les régions au sein d’un Etat régional n’est pas totale. Elle ne va
pas aussi loin que celle dont peuvent bénéficier les Etats fédérés au sein d’une fédération.
On voit donc qu’au sein d’un Etat régional l’autonomie dont dispose les régions est tout de
même limitée. Leur participation des entités régionales l’exercice du pouvoir étatique, bien
qu’existant, demeure assez limitée et les régions ne disposent pas d’un pouvoir constituant
propre afin de fixer leur propre statut.
Les décisions des collectivités régionales, au sein de l’Etat régional, vont être contrôlées par
l’Etat. Ce contrôle est principalement un contrôle de type juridictionnel. En Espagne par
exemple, les actes législatifs et administratifs des communautés autonomes sont contrôlés par
le Tribunal constitutionnel espagnol qui exerce un contrôle de légalité sur les actes
administratifs et un contrôle de constitutionnalité sur les actes législatifs. De même en Italie le
gouvernement peut déférer à la Cour constitutionnelle une loi régionale dans les 60 jours qui
suivent sa publication s’il estime que la région a excédé sa compétence.
Ainsi s’achève ce tour d’horizon des formes que peut revêtir l’Etat. Concentrant de manière
très forte son pouvoir au sein de l’Etat unitaire et pouvant en atténuer la portée par la
décentralisation, l’Etat commence à détendre cette concentration mais pas totalement à travers
l’Etat régional et enfin, s’en déleste de manière importante à travers la fédération. Mais aucun
Etat n’est prêt à sacrifier son indivisibilité. L’État souhaite plus que tout assurer son existence.
De manière générale, tous les Etats tendent à assurer leur caractère unitaire et combattent le
risque de désagrégation. Les règles constitutionnelles tendent à consacrer une forme de
préservation existentielle de l’Etat qui souhaite plus que tout sa survie et son intégrité. Cela
explique que le droit de sécession est quasi inexistant.
Le droit de sécession se définit comme le droit, pour une entité infra-étatique, de se séparer de
l’état auquel il est rattaché pour constituer un état nouveau ou pour se rattacher à un autre état.
En droit international public, aucun droit de sécession n’existe en dehors des situations de
décolonisation et d'occupation militaire (il prend alors la forme du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes).
Ainsi, le droit à l’autodétermination des peuples n’implique pas la sécession. La situation est
ambiguë car les Etats, en droit international, ont considéré qu’il n’était pas réaliste d’interdire
toute sécession mais dans le même temps ils ont largement interdit la sécession dans leur
Constitution. On peut avancer que la sécession relève davantage du fait que du droit.
Quelques Constitutions ont pourtant reconnu ce droit. On peut citer 2 exemples historiques et
3 actuels.
● St Christophe et Niévès (île des Antilles) : article 115 « Si, en vertu d'une loi
adoptée par l'Assemblée législative de l'île de Nevis en vertu de l'article 113, l'île
de Nevis cesse d'être fédérée avec l'île de Saint-Christophe, les dispositions de
l'annexe 3 doivent avoir immédiatement effet ».