Thèse PHD Nicolas OWONA
Thèse PHD Nicolas OWONA
Thèse PHD Nicolas OWONA
1884 à 2017
Nicolas Owona Ndounda
CENTRE DE RECHERCHE ET
DE FORMATION DOCTORALE POST GRADUATE SCHOOL
EN SCIENCES HUMAINES ET FOR SOCIAL AND
SOCIALES EDUCATIONAL SCIENCES
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Par
Jury
Président : ESSOMBA Philippe Blaise, Professeur, Université de Yaoundé I
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Par
Jury
Président : ESSOMBA Philippe Blaise, Professeur, Université de Yaoundé I
À la mémoire de ma mère,
Ndounda Bernadette Alphonsine,
Née un 11 juillet.
P a g e | II
REMERCIEMENTS
D’après Fichte, l’homme ne devient homme que parmi les hommes. Aussi c’est pour
moi un plaisir autant qu’un devoir de remercier tous ceux qui m’ont aidé à arriver au bout de
ce travail.
Aux nombreuses personnes qui, par leurs apports multiformes, n’ont jamais compté leur
temps pour me guider dans mon exploration des arcanes de la science. En particulier, les Pr.
Albert François Dikoumé, Odile Goerg, Albert Pascal Temgoua+, et Saïbou Issa ; mes amis
Jean-Louis Bone Mbang Sodéa, Tiémeni Sigankwe. Merci aussi à eux pour les perspectives
qu’ils m’ont ouvertes sur les divers sujets abordés dans ma thèse.
D’abord ma femme, Marie Michelle, et mes enfants William, Marlon, Evana et Reine.
Le simple fait d’écrire leurs prénoms me donne du sourire, le même qui me faisait tenir des
nuits durant face à mon ordinateur.
Ensuite, aux membres de ma famille de naissance, bien trop nombreux pour tous les
citer ici. Cependant, je ne puis m’empêcher d’avoir une pensée pieuse pour ma grand-mère,
Marie Edima, décédée en mars 2019 et qui, malgré son illettrisme, m’aida à former mes
premières lettres. Je ne saurais passer sans évoquer ma tante, Joséphine Nkou Edima, qui n’a
jamais failli à sa mission de mère.
P a g e | III
Le chemin jusqu’ici n’a pas été facile. Des personnes, j’en ai rencontrées, et mon
cerveau d’être humain faillible en oublie certainement. À tous ceux qui n’ont pas leurs noms
cités dans ces quelques mots, qu’ils n’assimilent pas cet oubli à de la mauvaise foi de ma part.
Je leur dois à tous, une part de la personne que je suis.
P a g e | IV
SOMMAIRE
SOMMAIRE ........................................................................................................................... IV
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET ANNEXES ............................................................... VIII
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES.......................................................... XIII
RÉSUMÉ .............................................................................................................................. XVI
ABSTRACT ....................................................................................................................... XVII
I. TABLEAUX
Tableau n° 1: Les trajets au départ de Bamenda et les jours de marche prévus ....................... 60
Tableau n° 2 : Répartition des financements dans le Plan de développement de 1956 .......... 146
Tableau n° 3 : Répartition des investissements dans le domaine des transports, IVe Plan
quinquennal ............................................................................................................................ 196
Tableau n° 4 : Les prévisions et réalisations au cours du IVe Plan quinquennal .................... 198
Tableau n° 5 : État des lieux des routes au Cameroun selon le classement de 1979 .............. 207
Tableau n° 7 : Les dettes des entreprises publiques des transports au Cameroun en 1994 (en
milliards de FCFA) ................................................................................................................. 245
Tableau n° 10 : Les projets de réforme prévus par le Plan sectoriel des transports au Cameroun
en 1995 ................................................................................................................................... 262
Tableau n° 12 : Évolution du trafic « voyageurs » par ligne entre 2011 et 2017 ................... 284
Tableau n° 15 : Les bases de la classification des routes au Cameroun depuis 2006 ............ 325
Tableau n° 17 : Quelques grands projets de construction routière et leurs coûts ................... 335
Tableau n° 18 : Deux projets d’entretien routier et leurs coûts en 2013 ................................ 335
Tableau n° 21 : Les ministres en charge des transports au Cameroun de 1957 à 2018 .......... 347
Tableau n° 22 : Les secrétaires d’États et ministres délégués en charge des transports depuis
1991 ........................................................................................................................................ 348
Tableau n° 23 : Les phases d’exécution de la dépense dans le budget programme ............... 353
Tableau n° 25 : Les accidents de la route au Cameroun entre 2000 et 2016 .......................... 361
Tableau n° 26 : les différentes charges liées à l’exploitation commerciale d’un véhicule ..... 389
Tableau n° 27 : Le prix des différents postes d’imposition sur les produits pétroliers au dépôt
de Douala durant le mois de janvier 2021 .............................................................................. 397
Tableau n° 28 : Coût indicatif de transport des produits pétroliers par localité (dépôt de Douala),
janvier 2021 ............................................................................................................................ 398
Tableau n° 29 : Prix des carburants applicables dans les localités desservies par le dépôt de
Douala (janvier 2021) ............................................................................................................. 398
II. SHÉMAS
Photo n° 3 : Travaux de terrassement réalisés en 1910 dans la région de Ndunge sur la voie
ferrée du Nord du Cameroun .................................................................................................... 65
Page |X
Photo n° 4 : Matab sur la route de Banyo à Foumban, construite par les Allemands. Photo prise
le 24 juin 1918 .......................................................................................................................... 71
Photo n° 8 : Pont sur la Dibamba (entre Douala et Edéa) détruit par les Allemands durant la
Grande Guerre puis reconstruit par la Français ........................................................................ 77
Photo n° 10 : L’aéroport de Yaoundé en 1950, construit durant le Mandat français ............. 106
Photo n° 14 : Timbre postal édité à l’occasion de l’inauguration du pont sur le Wouri le 15 mai
1955 ........................................................................................................................................ 128
Photo n° 22 : Une vue des wagons du train accidenté dans le ravin à Eséka ......................... 281
Photo n° 26 : Inondation sur une partie du second pont sur le Wouri .................................... 336
P a g e | XI
Photo n° 28 : Zones d’habitation aux abords du chemin de fer à Yaoundé ........................... 374
IV. CARTES
Carte 5 : Les « zones utiles » et les principaux axes de circulation du Cameroun en 1951 121
Annexe 5 : Délibération n°90/52 créant un « Comité des routes » et déterminant les modalités
de financement du « Fonds routier ». ..................................................................................... 485
Annexe 6 : Arrêté n° 2928 du 28 mai 1952, rendant exécutoire la Délibération n°90/52 créant
un « Comité des routes » et déterminant les modalités de financement du « Fonds
routier » .................................................................................................................................. 486
Annexe 7 : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports en temps
de guerre ................................................................................................................................. 487
Annexe 12 : Note explicative sur la réforme du droit de timbre de 2017 ............................... 509
Annexe 13 : Ordonnance n° 2014 /001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale
sur les Produits Pétroliers (TSPP) et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes
et de marchandises .................................................................................................................. 512
P a g e | XIII
CIRDI : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
RÉSUMÉ
Lorsque les Allemands prennent possession du Kamerun en 1884, ils fondent leur
politique économique sur le capitalisme agraire. Ils investissent prioritairement dans les moyens
de transports dont l’usage permet une évacuation facile et à moindre coût des richesses tirées
de la colonie. Soumis à la double domination franco-britannique dès 1916, le Cameroun connaît
deux expériences de planification : les plans FIDES (Fonds d’investissement pour le
développement économique et social) et le CDWF (Colonial Development Welfare Fund). Ces
fonds de crédits au développement étaient purement liés, eux aussi, à l’économie de traite,
malgré les exigences de développement contenus dans les accords de mandat (1922-1946) et
de tutelle (1946-1960-61). À l’indépendance en 1960/61, les transports au Cameroun ne
desservent que les zones qui avaient été jugées économiquement rentables par les puissances
coloniales.
À partir de 1986, la crise économique frappe le pays et marque un arrêt des plans
quinquennaux. Ces derniers laissent la place aux Programmes d’ajustement structurels (PAS)
dès septembre 1988, sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
mondiale. Dans l’esprit de cette nouvelle politique, le marché constitue le seul moyen de
résoudre les problèmes économiques des pays. Paul Biya, président du Cameroun dès 1982, est
donc contraint de mettre fin à la politique de l’État providence, de laisser faire l’initiative privée
et à ouvrir largement les portes du pays à l’extérieur, en se conformant à la logique libérale de
la mondialisation. Les politiques publiques des transports se soumettent, elles-aussi, à
l’ultralibéralisme qui se met peu à peu en place. Aux rigueurs des PAS, succèdent le Document
de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) en 2003 ; le Document de stratégie pour
la croissance et l’emploi (DSCE) en 2009 ; et le Plan d’urgence triennal (PLANUT) à partir de
2014. Tous ces documents de stratégie économique marquent l’entrée du Cameroun dans l’ère
du « post ajustement », qui devrait conduire le pays vers l’ « émergence en 2035 ».
Notre thèse analyse l’évolution historique des politiques publiques des transports au
Cameroun depuis 1884 année à laquelle les Allemands prennent possession du territoire qui
deviendra Cameroun, jusqu’en 2017, année qui marque la fin prévue de l’exécution du
PLANUT. Entre ces deux dates, quatre (4) périodes politiques se sont succédé : la colonisation
allemande, la colonisation franco-anglaise, le libéralisme planifié d’Ahidjo et le libéralisme
communautaire de Biya. La méthodologie appliquée pour l’élaboration de ce travail est à la fois
quantitative et qualitative, dans la logique de l’analyse historique des politiques publiques
adossée à l’école des Annales.
ABSTRACT
When the Germans took possession of Kamerun in 1884, they based their economic
policy on agrarian capitalism. They first invested in means of transport allowing an easy and
cheap evacuation of the goods from the colony. Under the double Franco-British domination
since 1916, Cameroon had two planning experiments: the FIDES (Investment Fund for
Economic and Social Development) and the CDWF (Colonial Development Welfare Fund)
plans. These development credit funds were also purely linked to the trading economy, despite
the development requirements contained in the Mandate (1922-1946) and Trusteeship (1946-
1960-61) agreements. Upon independence in 1960/61, transport in Cameroon only served areas
that had been deemed economically profitable by the colonial powers.
Under Ahmadou Ahidjo, the first president of independent Cameroon, transport policy
aspires to both economic development and national unity, through faster, less costly and
nationwide transport network. These ambitions are encouraged by years of economic
prosperity, a consequence of the oil boom of the 1970s. Thus, the new state adopts an economic
policy which revolves around the “five-year plans”. Under the influence of the developmentist
approaches of the 1960s, structured around two major theoretical orientations, namely the
theories of modernization and dependency theories, the Cameroonian state inscribed its
economy in an ideology of national construction, based on a model of economic governance
built around “planned liberalism” and “self-centred development”. One of the objectives of this
policy is the modernization of transport. The ambitions of the new state were encouraged by
years of economic prosperity, a consequence of the oil boom of the 1970s.
From 1986 onwards, the economic crisis hit the country and brought the five-year plans
to a halt. The latter gave place to Structural Adjustment Programmes (SAPs) in September
1988, under the leadership of the International Monetary Fund (IMF) and the World Bank. This
new policy believe that only the market can solve countrie’s economic problems. Paul Biya,
President of Cameroon since 1982, is therefore forced to put an end to the policy of the welfare
state, to allow private initiative and to open the doors of the country widely to the outside, in
accordance with liberal logic of globalization. Public transport policies are also subject to
ultraliberalism which is gradually being put in place. Following the rigours of the SAPs, came
the Poverty Reduction Strategy Paper in 2003; the Growth and Employment Strategy Paper in
2009; and the Three-Year Emergency Plan since 2014. All these economic strategy papers mark
Cameroon’s entry into the “post-adjustment” era, which should lead the country to “Emergence
by 2035”.
Our thesis studies the historical evolution of public transport policies in Cameroon since
1884, when the Germans took possession of the territory that would become Cameroon, until
2017, the year that marks the expected end of the implementation of the Three-Year Emergency
Plan. Between 1884 and 2017, four (4) political periods followed one another: German
colonization, Franco-English colonization, the planned liberalism of Ahidjo and the community
liberalism of Biya. What can we draw from this in terms of transport? The methodology used
to draw up this work is both quantitative and qualitative, in the logic of policy analysis.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
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Il faut partir du postulat selon lequel les infrastructures de transport coûtent cher aux
États, mais elles sont d’une grande utilité économique. Pour André Huybrechts : « La vie
économique moderne est basée sur des transports massifs et à bon marché. […] Le
développement économique peut dès lors se mesurer à la rapidité et à la densité de la circulation
des biens, c’est-à-dire au volume des transports ».1 Cela en fait un secteur dont la particularité
est d’être fortement dépendant des pouvoirs publics. Grâce à des instruments adaptés aux
contextes, ce secteur agit sur l’économie en développant des réseaux de transports public et
privé, et en régulant leur exploitation par des lois. Les pouvoirs publics comptent donc
beaucoup sur la mise en place des réseaux de transports pour influer de manière significative
sur le développement des pays. Dans son édition 2017 de l’Annuaire statistique du Cameroun,
l’Institut National de la Statistique (INS) fait remarquer que :
Les infrastructures de transport notamment les routes, les aéroports, les ports et le chemin de fer
constituent le socle où doivent se bâtir le développement et la compétitivité de l’économie. Néanmoins,
ces dernières demeurent insuffisantes face aux besoins des populations. Au Cameroun, le développement
et l’entretien permanent de ces infrastructures permettent de réduire les coûts de production et de
transaction, facilitent l’activité, accroissent le volume de production et impulsent le progrès social.2
Ainsi, la médiocrité des infrastructures est un handicap pour les affaires au Cameroun.
Selon des enquêtes menées auprès des entreprises par la Banque Mondiale, la mauvaise qualité
des infrastructures de transports est responsable de 42 % environ de l’écart de productivité des
entreprises camerounaises, le reste étant dû à une mauvaise gouvernance, à la bureaucratie et à
des contraintes de financement.3 La Banque Mondiale continue, dans le même rapport, en
précisant que le dédouanement apparaît comme la contrainte d’infrastructure qui pèse le plus
lourdement sur les entreprises du pays, viennent ensuite, les pannes de courant.4
L’histoire économique permet de comprendre que, de tout temps, ce sont surtout les
régions et les pays disposant d’un avantage dans le secteur des transports qui ont été prospères
et puissants. C’est uniquement grâce aux performances de sa flotte marchande, que dès le XVe
1
A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports dans les économies sous-développées », Revue économique,
vol. 22, n°1, 1971, p. 143. Au sujet de l’importance des transports dans la réduction de la pauvreté, lire M.
Gachassin et al., « The Impact of Roads on Poverty Reduction A Case Study of Cameroon », Policy Research
Working Paper 5209, The World Bank, Africa Region, Transport Unit, February 2010.
2
INS, Annuaire statistique de la République du Cameroun, 2017, p. 276.
3
C. Dominguez-Torres et al., « Cameroon’s Infrastructure: A Continental Perspective », Washington DC, The
International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank, 2011, p. 4.
4
Ibid.
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siècle, un pays petit en taille, périphérique et pauvre en ressources naturelles comme le Portugal,
a pu devenir une grande puissance coloniale, voire une puissance mondiale de sorte que ses
ressortissants ont été présentés comme les « pionniers de la globalisation ».5
La qualité d’une infrastructure aide à comprendre pourquoi un pays réussit alors qu’un autre échoue - à
diversifier sa production, à développer ses échanges, à maîtriser sa démographie, à faire reculer la
pauvreté ou à assainir le milieu. Une bonne infrastructure augmente la productivité et réduit les coûts de
production […]. À une augmentation du capital d’infrastructure de 1 % correspond une augmentation du
produit intérieur brut (PIB) de 1 % pour l’ensemble des pays. 6
Les politiques publiques des transports ne sont donc pas anodines ou indépendantes.
Elles présentent une forte interaction avec d’autres secteurs (commerce, agriculture, urbanisme,
tourisme…). Ces politiques sont de plus en plus intégrées aux politiques d’occupation des sols
et de développement urbain, ainsi qu’à celles liées au développement économique territorial.
C’est cette vision qui transparait dans la politique des transports au Cameroun dès 1960,
lorsqu’il fallait passer de la politique coloniale à la politique publique impulsée par les
Camerounais eux-mêmes. Ainsi :
Le passage de l’embryon du système des transports mis en place par les administrations allemande,
française et britannique à un réseau moderne répondant aux besoins nationaux impliqu[ait] une politique
sous-tendue par des options fondamentales : desserte de tout le pays, renforcement de l’unité nationale,
complémentarité des réseaux dans une optique « communication » et « aménagement du territoire ».7
À l’entame de cette étude qui porte sur « Les politiques publiques des transports au
Cameroun de 1884 à 2017 », il a paru évident, le lien historique presque fusionnel entre le
commerce et les transports dans la construction du Cameroun. En effet, au-delà de l’aspect
purement communicationnel, les premières grandes lignes des transports en général et les
politiques à la base de leur mise en place en particulier, ont été écrites à travers le
développement du commerce. Celui-ci a induit la nécessité de développer et d’adapter les
infrastructures de transport, afin de permettre aux biens de circuler adéquatement d’un point à
l’autre du territoire. La distance, le temps mis, les obstacles, jouent souvent un rôle fondamental
5
R. J. Nascimiento et al., « Les Portugais, pionniers de la globalisation », Géoéconomie, vol. 48, no 1, 2009, pp.
17-31.
6
Banque Mondiale, « Rapport sur le développement dans le monde. Une infrastructure pour le développement »,
Washington DC, Banque Mondiale, 1994, p. 2.
7
L’encyclopédie de la République Unie du Cameroun, Paris, les Nouvelles Éditions Africaines, 1981, p. 137.
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à ce niveau tout comme la capacité des infrastructures à affranchir les biens.8 Dès lors, le
transport apparaît comme un moyen important pour réaliser le développement d’un pays.
Les motivations pour cette recherche sont principalement d’ordre heuristique. En effet,
ce sujet sur les politiques publiques ne correspond pas à nos axes d’étude précédents. Nous
nous sommes toujours intéressé aux problèmes sociaux, notamment à ceux qui touchent
directement les populations les plus démunies et leurs différents modes d’adaptation,
particulièrement à travers l’informel. Il semblait important de faire parler ces adaptations, ces
modes de vie de la « classe subalterne » par opposition à la « classe dirigeante » dans le sens
d’Antonio Gramsci.9 En effet, tout comme Jacques Pouchepadass, notre analyse est que les
classes subalternes ne sont jamais passives politiquement.10 Il y a toujours en elles un germe de
résistance active. C’est précisément pour cette raison qu’en faire l’histoire, en valorisant au
maximum les traces d’une telle activité, était important pour nous et revêtait une certaine valeur
politique.11
Il s’agissait donc de rétablir le peuple comme sujet de sa propre histoire en refusant de le concevoir
comme simple masse de manœuvre manipulée par les élites, et en rompant avec les téléologies qui le
transforment en agent passif d’une mécanique historique universelle (qu’il s’agisse de l’histoire
8
A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports… », p. 147.
9
Lire G. Liguori, « Le concept de subalterne chez Gramsci », Mélanges de l’École française de Rome - Italie et
Méditerranée modernes et contemporaines [En ligne], 128-2 | 2016, mis en ligne le 03 novembre 2016, URL :
http://journals.openedition.org/mefrim/3002, consulté le 30 janvier 2020 à 20h53.
10
Lire J. Pouchepadass, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité », L’Homme, n°156,
2000, pp. 161-186.
11
Notre mémoire de Master d’Histoire s’intéressait à « La vie de nuit dans la ville de Ngaoundéré de 1952 à
2009 ». Ce travail de sociohistoire avait pour objectif d’examiner comment les pesanteurs sociopolitiques,
marqueurs de l’histoire de la ville de Ngaoundéré, avaient pu influencer les modes de vie des populations. La nuit,
espace-temps sujet à de nombreuses représentations négatives, s’était muée dès 1952, en un vaste champ de vie
pour une certaine tranche de la population, celle-là même qui, du fait des vicissitudes de la vie, avait fait de la nuit
son jour.
Nous avons aussi publié un certain nombre d’articles dans cette logique, parmi lesquels :
- N. Owona Ndounda, « Les marchés nocturnes de rue à Yaoundé, entre système D et désordre urbain », in
Janvier Onana (éd.), Gouverner le désordre urbain. Sortir de la tragique impuissance de la puissance
publique au Cameroun, Cameroun, L’Harmattan, 2019, pp. 179-198.
- N. Owona Ndounda, « Boko Haram et la radicalisation des jeunes au Nord-Cameroun. Entre protestation
sociale et nécessité de survie », Émulations, en ligne. Mise en ligne le 8 novembre 2017. URL :
http://www.revue-emulations.net/enligne/Owona-Ndounda-boko-haram-radicalisation-jeunes-Nord-
Cameroun
- N. Owona Ndounda et al, « De la confiance des camerounais aux marques occidentales. Entre mentalité du
colonisé et dépendance culturelle ? », in Sariette et Paul Batibonak (éd.), Le Cameroun et ses anciennes
puissances tutélaires, Ed. Monange, 2019, pp. 77-90.
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nationaliste qui présente les révoltes de l’époque coloniale comme autant d’étapes dans la genèse de
l’État-nation, ou de l’histoire marxiste qui les voit comme des stades de l’émergence de la conscience de
classe). Il fallait reconnaître son importance historique réelle à la capacité d’initiative (agency) libre et
souveraine de ce peuple […].12
C’est ce regard, ancré dans les subaltern studies et la sociohistoire, qui nous a amené à
constater, en séjour à Zoulabot I (département du Haut-Nyong, région de l’Est-Cameroun), le
pourrissement des produits de l’agriculture locale, principalement le plantain, faute de moyens
de transport pour les acheminer vers les villes, la plus proche étant Abong Mbang à près de 187
km.13 Les populations de Zoulabot I vivent dans une précarité qui leur donne quasiment à penser
qu’ils ne font pas partie de l’État camerounais.
Il ne s’agissait plus d’étudier les classes subalternes dans leurs modes d’adaptation ou
leurs histoires, mais de faire une analyse historique par le haut, à partir des classes dirigeantes.
Il fallait comprendre pourquoi plusieurs localités au Cameroun en général souffraient autant de
pauvreté du fait du manque de voies de communication. Si jusque-là nous avions tenté de
comprendre les modes de résilience des populations, elles nous apparaissaient maintenant
comme des conséquences d’un mal plus profond, celui des politiques publiques. Sur cette base,
celles impliquant les transports nous semblaient majeures, tant sur le plan économique que sur
le plan social, dans le rapprochement entre les peuples.
Ainsi, nous nous intéressons aux politiques publiques génératrices d’actions publiques.
Le manque de voies de communication semble à ce jour être l’une des causes du sous-
développement du Cameroun. Paradoxalement, c’est aussi la pauvreté qui a induit ce retard
dans le domaine des transports.
Pour mieux cerner les contours de cette étude, il est nécessaire de faire une analyse
conceptuelle de ses termes clés.
Dans toute thèse, il y a des concepts-clés qui reviennent très souvent et dont la définition
constitue un point de départ pour la compréhension de tout le travail. Les concepts principaux
de notre sujet doivent être précisés afin d’éviter toute mauvaise interprétation, toute ambiguïté.
Il s’agit de faire, comme le souligne Michel Foucault, « l’archéologie des mots »,14 à travers
l’examen des concepts suivants : “politique/action publique”, et “transport”.
A policy is a set of decisions taken by political actor concerning the selection of goals and the method of
attaining them relating to specified situation. The concern of a policy is in the making of decisions
regarding a course of action to be followed by government in dealing with a problem or matter of concern.
Consequently, public policy is a set of interrelated decisions by a political actor or group of actors
concerning the selection of goals and the means of achieving them within a specified situation where
those decisions should, in principle, be within the power of those actors to achieve. 18
En tentant une traduction au mot près de cette définition, la confusion serait facile quant
à ce à quoi renvoie le concept de « politique ». Il est à la fois un adjectif qui qualifie tout ce qui
est en rapport avec l’exercice du pouvoir dans une société, et un nom qui désigne un homme ou
une femme politique. Pour mieux cerner les contours de ce mot, il faut faire recours à l’anglais
14
Lire M. Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, 323p.
15
G. Cunningham, « Policy and practice », Public Administration, n°41, 1963, p. 229.
16
D. Kübler et J. de Maillard, Analyser les politiques publiques, Collection Politique en plus, Presses universitaires
de Grenoble, 2013, p. 8.
17
J. C. Thoenig, « L’usage analytique du concept de régulation », in J. Commaille et al (éd.), Les métamorphoses
de la régulation politique, Paris, LGDJ, 1998, p. 47.
18
E. Oluwole Oni, « Public policy analysis », in Dhikru Yagboyaju et al., Fundementals of politics and
governance, Concept Publications, pp. 324-325.
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pour en distinguer les méandres. Aussi, le politologue français Jean Leca le particularise-t-il en
« polity », « politics », et « policy ».19
Tout d’abord la polity, qui, dans son acception la plus simple, recouvre la sphère
politique dans son opposition à la société civile.20
Enfin, les policies, qui sont le processus de mise en place de programmes d’action
publique. Elles concernent la manière dont l’État traite des problèmes dans différents secteurs
et quelles en sont les conséquences, voulues ou non, pour la production et la répartition de
ressources ainsi que pour la satisfaction, rationnellement justifiée ou ressentie sans trop de
raison, des « populations cibles », unifiées ou non, dans la même situation sociale ou non. Les
« études d’impact » favorisées par les acteurs sont une de ses branches22. Une politique publique
(public policy) est donc un programme d’action, à développer dans un territoire ou/et un
domaine spécifique, destiné à garantir qu’une vision sociale d’un problème déterminé soit
accomplie.
Notre étude, en abordant les différentes réponses de l’État camerounais face aux
problèmes des transports, se classe dans l’analyse des politiques publiques. Il s’agit de savoir
19
Lire J. Leca, « L’état entre politics, policies et polity ; ou peut-on sortir du triangle des
Bermudes ? », Gouvernement et action publique, n° 1, 2012, p. 59-82.
20
Ibid, p. 62.
21
Ibid, p. 63.
22
Ibid.
Page |8
si la forme générale du système politique engendre des contraintes spécifiques dans la conduite
de l’action publique dans certaines conjonctures déterminées.
Pour Pierre Muller, la politique publique est un processus de médiation sociale qui
viserait à prendre en charge les désajustements qui peuvent intervenir. Muller, contrairement à
Leca, ajoute que faire une politique publique, ce n’est pas « résoudre » un problème, mais
construire une nouvelle représentation des problèmes qui met en place les conditions socio-
politiques de leur traitement par la société, et structure par là-même, l’action de l’État.23 Cette
définition englobe à la fois le concept de public policy, se référant au plan d’action à
entreprendre, ce qui inclut la définition de principes de base, d’objectifs, le rôle de l’État et les
relations avec les différents acteurs sociaux. Mais aussi celui de politics, lié aux choix collectifs.
Selon Charles O. Jones24, repris par Pierre Muller25, la vie d’une politique publique
comprend 5 étapes :
1) l’identification du problème. Elle est liée à ce que la société perçoit comme décalage
entre une situation actuelle et une image, objectif qui fait qu’une intervention publique
soit nécessaire ;
2) la mise sur agenda politique. Le choix des priorités d´intervention et la volonté d´agir
sur un problème. Cela s’est fait au Cameroun principalement à travers les plans
quinquennaux, et entre 2010 et 2020, à travers le DSCE notamment ;
3) la formulation politique. Selon Muller, cette formulation aurait deux aspects principaux.
D’abord, la construction d’une image de la réalité, d’une référence qui permette de
justifier les interventions proposées, puis celle d´un programme ;
4) la phase de mise en œuvre qui inclut la définition des responsables institutionnels, la
construction d´instruments, la régulation des acteurs privés, la définition des objectifs
et les interventions dans le temps ;
5) l’étape d’évaluation, qui devrait commencer lors de la conception même de la politique.
Elle devrait permettre d´évaluer les changements que la politique publique génère et
ceux qui n’y sont pas attachés. Ce processus d’évaluation réalisé, avant, pendant et
23
Lire P. Muller, Les politiques publiques, Paris, Que sais-je?, 1990.
24
Lire C. O. Jones, An introduction to the Study of Public Policy, Belmont, Duxbury Press, 1970.
25
P. Muller, Les politiques…, 2009, p. 28.
Page |9
Livrer des informations fiables et régulières sur la contribution des politiques publiques à résoudre des
problèmes collectifs, à satisfaire des besoins sociétaux reconnus, et sur les aptitudes des institutions
bureaucratiques à allouer de manière efficiente les ressources de l’État ou à gérer la production des
prestations administratives.26
Le « transport » est le fait de déplacer quelque chose, ou quelqu’un, d’un lieu à un autre
(destination), le plus souvent au moyen de véhicules et de voies de communications (la route,
le chemin de fer, la mer, les airs…). Cette définition est celle de la plupart des dictionnaires,
notamment l’Encyclopædia Universalis, pour qui le transport est le « fait de porter, de déplacer
d’un lieu à un autre ».28 Il précise qu’au pluriel, les transports sont l’ « ensemble des techniques
et moyens de déplacement des marchandises ou des personnes ».29
Pour le Dictionnaire Larousse, les transports sont aussi l’ « ensemble des divers modes
d’acheminement des personnes ou des marchandises ».30 Ainsi, par assimilation, des actions de
déplacement et de conduction sont aussi dénommées « transports », comme le transport
26
S. Jacob et al, « L’évaluation des politiques publiques. Six études de cas au niveau fédéral », Courrier
hebdomadaire du CRISP, n° 1764-1765, 2002, p. 5.
27
P. Merlin, Les politiques de transport urbain, Paris, La Documentation française, « Notes et études
documentaires », n°4797, 1985, p. 11.
28
Encyclopædia Universalis, en ligne, URL : https://www.universalis.fr/dictionnaire/transport/, consulté le
11/02/2019 à 21h30.
29
Ibid
30
Dictionnaire Larousse Maxipoche 2009, « Transport », Paris, Éditions Larousse, 2008, p. 1405.
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d’électricité, qui s’effectue sur des réseaux de câbles électriques, le transport du gaz ou du
pétrole, au travers de conduites ou de pipelines.
Mais, ces derniers types de transports ne sont pas l’objet de cette étude. En effet, notre
travail porte uniquement sur les transports par véhicules et à travers les voies de
communications.
Au regard de ces définitions, cette thèse est une analyse historique des politiques
publiques, avec un ancrage dans l’école des Annales.
31
C. A. Vlassopoulou, « L’histoire dans l’analyse des politiques publiques : réflexions à partir de la lutte
antipollution », in Laborier P. et Trom D. (éd.), Historicités de l’action publique, Paris/PUF, 2003, p. 100.
32
Ibid.
P a g e | 11
Notre thèse se situe dans la logique des Annales dans la mesure où elle aborde un thème
globalisant des sciences sociales.33 Pour faire l’analyse historique des politiques publiques des
transports au Cameroun, notre travail se veut pluridisciplinaire. Notre travail se fonde sur la
sociohistoire de l’action publique.
L’histoire des politiques publiques s’inscrit aux antipodes de cette orientation pratique
de l’analyse. Ce sont des historiens américains qui, pour la première fois dans les années 1980,
se regroupent autour d’un courant d’analyse en fondant la revue Journal of policy history.
The Journal of Policy History is an interdisciplinary journal concerned with the application of historical
perspectives to public policy studies. While seeking to inform scholars interested in policy history, the
journal also seeks to inform policy makers through a historical approach to public policy. Its authors,
considering public policy primarily in the United States though also in other nations, focus on policy
origins and development through historical inquiry, historical analysis of specific policy areas and policy
institutions, explorations of continuities and shifts in policy over time, interdisciplinary research into
public policy, and comparative historical approaches to the development of public policy. 37
33
L’histoire globale qui est le symbole des Annales est conceptualisée par Fernand Braudel. Dans une tentative de
définition de la « civilisation », il pose cette base analytique : « on ne peut définir la notion de civilisation qu’aux
lumières jointes de toutes les sciences de l’homme, y compris l’histoire […]. C’est par rapport aux autres sciences
de l’homme que l’on essaiera cette fois de définir le concept de civilisation, en faisant appel tour à tour à la
géographie, à la sociologie, à l’économie, à la psychologie collective. » De fait, une bonne analyse des faits sociaux
devrait se faire de manière pluridisciplinaire. F. Braudel, « Jadis, hier et aujourd’hui, les grandes civilisations du
monde actuel », in Baille S., Braudel F. & Philippe R., Le monde actuel. Histoire et civilisations, Paris, Belin,
1963, p. 153.
34
« D’une manière générale, les sociologues de l’action organisée et les sociologues politiques utilisent plus
volontiers l’expression « action publique » que celle de « politiques publiques ». Ils signifient ainsi que la première
ne se réduit pas aux secondes, mais, au contraire, les englobe et que l’exercice du pouvoir politique ne se donne
pas à voir seulement à travers les réformes, mais aussi dans l’action « en train de se faire ». (C. Musselin,
« Sociologie de l’action organisée et analyse des politiques publiques : deux approches pour un même objet ? »,
Revue française de science politique, Vol. 55, 2005, p. 55).
Sur le même sujet, lire entre autres : F. Lacasse et al (éd.), L’action publique, Paris, L’Harmattan, 1997 ; P. Duran,
Penser l’action publique, Paris, LGDJ, 2003 ; P. Laborier, et al (éd.), Historicités de l’action publique, Paris, PUF,
2003 ; G. Massardier, Politiques et actions publiques, Paris, Armand Colin, 2003 ; J.-P. Gaudin, L’action publique.
Sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2004.
35
W. A. Achenbaum, “Politics, Power and problems: perspectives on writing policy history”, Journal of Policy
History, vol.1, n° 2, 1989, p. 208.
36
Idem.
37
https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-policy-history, consulté le 23/03/2017 à 15h23.
P a g e | 12
Cette revue aborde donc l’analyse historique des politiques publiques sous deux
aspects : le premier s’intéresse au développement d’une politique publique dans une période
déterminée dans le passé ; le second adopte une démarche diachronique liant le passé au présent.
Notre travail se situe dans le deuxième aspect, en analysant les effets des différentes politiques
publiques passées et leur impact dans le présent.
38
W. A. Achenbaum, “Politics, Power and problems…”, 1989, p. 207.
39
Ibid.
40
Ibid.
41
T. R. Dye, Understanding Public Policy, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1972, p. 1.
P a g e | 13
Le but de ce travail est de mesurer, observer et analyser les effets des différentes
politiques publiques des transports au Cameroun depuis 1884, dès leur conception, pendant ou
après leur mise en œuvre. L’analyse des politiques publiques ne porte pas uniquement sur les
résultats de la politique évaluée, tels que le nombre de routes, de ponts, d’aéroports ou de ports
construits au Cameroun, mais aussi sur leurs effets sur la population qui en est la première cible.
Ce qui dépasse largement la focale quantitative, et s’efforce d’identifier les causes et modalités
qui ont produit ces effets. La présente étude porte donc sur ce champ d’application spécifique
de l’analyse historique des politiques publiques.
1. Cadre spatial
Les politiques publiques désignent l’ensemble des interventions d’une autorité investie
de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société
ou du territoire.43 Dans ce travail, le cadre spatial est le Cameroun.
Le territoire se définit comme « l’espace à l’intérieur duquel un État est autorisé par le
droit international général à réaliser tous les actes prévus par son droit national ou, ce qui revient
42
D. Darbon et al., « Un état de la littérature sur l’analyse des politiques publiques en Afrique », Research Papers
2019-98, AFD (Agence Française de Développement), 2019, p. 4.
43
Lire J.C. Thoenig, « Politique publique », in L. Boussaguet (éd.), Dictionnaire des politiques publiques, 3e
édition actualisée et augmentée, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2010, p. 420-427.
P a g e | 14
Tout au long de son histoire, l’État du Cameroun, comme la plupart des États
contemporains, a été soumis à des dynamiques de changement à la fois externes (la
globalisation, des formes diverses d’intégration régionale/multilatérales/transnationales, les
mutations du capitalisme, les reconfigurations du champ social et politique au sens large) ; et
internes (les réformes de décentralisation et de privatisation, les mobilisations, les pressions des
extrêmes politiques, la mise en cause de la légitimité, les mutations des formes des bureaucraties
publiques et l’introduction de nouvelles technologies).
C’est donc ce Cameroun, pris comme territoire producteur de politiques publiques qui
est l’objet de cette étude.
2. Cadre chronologique
Notre thèse se donne pour objectif d’analyser les politiques publiques des transports au
Cameroun, or l’on ne peut parler de politique publique que dans un État. Pour Pierre Muller :
Entre le XVIe et le XIXe siècle, les sociétés occidentales ont connu un ensemble de bouleversements qui
ont donné naissance à une forme nouvelle : l’État. C’est à partir de la moitié du XIX e siècle que ces
transformations conduisent à la naissance de ce que l’on appellera les politiques publiques que l’on peut
définir comme le mode de gouvernement des sociétés complexes.45
44
H. Kelsen, Principles of International Law, New York, 1952, p. 209, cité par J. A. Barberis, « Les liens juridiques
entre l’État et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit international », Annuaire français de
droit international, volume 45, 1999, p. 141.
45
P. Muller, Les politiques publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 7.
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Ainsi, l’année 1884 marque la signature du Traité germano-duala. Il faut préciser que
c’est avec l’arrivée des Allemands qu’éclot l’idée même d’un « Kamerun » en tant que pays.
Lorsque ceux-ci signent avec les chefs duala, le Traité qui faisait du Kamerunstadt un
protectorat,46 il y existe déjà quelques voies de communication (pistes et cours d’eau
principalement) permettant des échanges commerciaux dans la mosaïque de peuples qui
constitue ce territoire, dont la superficie n’a cessé de changer au gré des luttes entre les
puissances coloniales.47 Rappelons que, selon les clauses du traité de protectorat germano-
duala, les Allemands devaient conserver aux peuples de la côte, leur monopole bien établi dans
le commerce avec l’intérieur du territoire. En effet, la maîtrise que les peuples de la côte avaient
des quelques voies de communication existantes leur permettait de servir d’intermédiaires entre
les commerçants blancs (Français, Anglais, Allemands et Portugais), et les producteurs de
richesses de l’hinterland.48 Mais, la valeur de l’Adamaoua, nom donné à la partie au nord et au
sud de la rivière Bénoué, était connue des commerçants allemands depuis plusieurs années, non
seulement pour ses richesses, mais aussi pour les rapports rédigés par les explorateurs qui y
avaient séjourné.49 Ce qui attisa les convoitises des Allemands installés sur la côte.
In the 1850’s Barth had worked in the interior for the Royal Geographical Society of London. In the
sixties G. Rohlfs and in the years 1869-73 Gustav Nachtigal had explored those lands and reported on
their value. In 1879 and later in 1882-83 Flegel, German explorer and trader, had entered Adamaua by
way of the Niger and Benue Rivers, and was so much impressed by the opportunities for trade that he
sought to organize a German trading company for its exploitation. The interior of the Cameroons
assumed an exaggerated importance and value in the eyes of the German traders50.
Les premiers Européens qui vont au-delà des côtes, constatent bien vite la différence
des prix pratiqués par les hommes de l’hinterland et les duala, et décident de passer outre la
46
Selon A. Bopda : « Initialement, la ville de Douala actuelle fut appelée « KamerunStadt » (« ville de Kamerun »).
Ce que confirment les archives allemandes de la période de la signature du traité de protectorat dit « germano-
duala ». C’est plus tard que les allemands étendent le nom Kamerun à l’ensemble des terres qu’ils occupent dans
l’hinterland » cf. A. Bopda, « Yaoundé dans la construction nationale au Cameroun : territoire urbain et
intégration », Thèse de Doctorat de Géographie, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 1997, p. 23.
47
Lire A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-1914) », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973,
pp. 16-36 ; et Lire A. F. Dikoumé, « Du portage comme point de départ de l’économie coloniale au Cameroun »,
Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines, Vol. 1, N° 2, 1985, pp. 3-25.
48
Une définition nous semble tout à fait adaptée à la compréhension du mot Hinterland : « L’hinterland désigne la
zone d’influence et d’attraction économique d’un port, c’est à dire la zone qu’un port approvisionne ou dont il tire
ses ressources. Le mot « Hinterland » vient de l’allemand et signifie « arrière-pays » par opposition au « Forland »,
l’« avant-pays » qui désigne la zone d’influence d’un port au-delà des mers. » En ligne, URL :
https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/hinterland.html#gXYodXRWcqwpT8zY.99,
consulté le 30/07/2017 à 13h23. C’est cette vision de l’hinterland que l’on retrouve dans l’article de L. Guihery et
al., « Hinterland portuaire : le nouveau rôle du fer. Une illustration avec la Betuweroute (Pays-Bas) », Région et
Développement, n° 41, 2015, pp. 163-173.
49
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons 1884-1914. A case study in modern imperialism, New Haven, Yale
University Press, 1938, p. 76.
50
Ibid
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promesse faite aux rois Bell et Akwa de protéger leur commerce.51 Avec la conquête de
l’hinterland et le développement de l’exploitation des richesses du territoireErreur ! Signet
non défini., la nécessité de développer un système de transport plus fiable se pose alors avec
acuité. Ainsi, au début du protectorat allemand, le domaine des transports n’est pas adapté à
une exploitation industrielle. Le transport de marchandises s’effectue presque uniquement par
portage à dos d’homme.52 Les politiques coloniales des transports ont donc été dictées par la
nécessité commerciale, puisque cette vision politique de l’usage des transports a aussi été en
grande partie, celle des Français et des Anglais durant le mandat de la Société des Nations
(SDN) et la tutelle de l’Organisation des Nations Unies (ONU), entre 1916 et 1961.
Depuis 2009, le Cameroun est lancé dans la logique de « l’émergence en 2035 », il s’est
doté d’un cadre budgétaire aligné sur le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi
(DSCE)53, qui pose les transports comme un des principaux leviers de la croissance, qui doit
« se fonder sur les atouts indéniables du pays afin de contribuer efficacement à la croissance
économique et à la lutte contre la pauvreté. »54
51
Lire A. F. Dikoumé, « Du portage comme…», 1985.
52
Lire J.-P. Warnier, Échanges, développement et hiérarchies dans le Bamenda pré-colonial (Cameroun),
Stuttgart, Ed. Franz Steiner Verlag Wiesbaden, 1985.
53
Depuis 2020, l’outil de gestion des politiques publiques au Cameroun est la Stratégie Nationale de
Développement (SND-30). Pour les besoins de cette thèse, notre cadre chronologique nous impose de nous limiter
au DSCE.
54
République du Cameroun, Document de strategie pour la croissance et l’emploi, p. 15.
55
Au cours du Conseil Ministériel qu’il préside le 09 décembre 2014, Paul Biya annonce la mise en œuvre du Plan
d’urgence triennal 2015-2017 pour l’accélération de la croissance économique (PLANUT). Ce vaste programme
d’investissements vise à accélérer la mise en œuvre du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi
(DSCE). Sa finalité est donc de renforcer les performances de l’économie nationale et d’améliorer les conditions
de vie des populations camerounaises. Il se décline en un programme triennal d’investissements dans les secteurs
P a g e | 17
L’année 2017 représente donc la fin initialement prévue du Plan d’urgence triennal
(PLANUT). Plusieurs grands travaux ont été menées : 2e pont sur le Wouri à Douala ; bitumage
de routes ; achat d’avions pour la compagnie aérienne CAMAIR-Co ; achat de nouvelles
locomotives pour le compte de la CAMRAIL, port en eau profonde de Kribi entre autres. Mais
de nombreux problèmes demeurent, dont les plus saillants sont les multiples accidents de la
circulation et l’accident ferroviaire d’Éséka en 2016, les atermoiements de la CAMAIR-Co,
pour ne citer que ces exemples-là.
Ces limites chronologiques pourraient sembler grandes, de 1884 à 2017, cela fait
exactement 133 ans. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les politiques publiques
concernent d’abord les idées. Ce sont donc elles qui intéressent en premier cette analyse. Vu
sous l’angle des idées, cela fait quatre (4) périodes bien distinctes : la première est celle de la
colonisation allemande (1884-1916) ; la deuxième est celle de la colonisation franco-anglaise
(1916-1960/61) ; la troisième, celle du régime Ahidjo, marquée par le libéralisme planifié
(1960-1982) ; et enfin celle du régime Biya, marquée d’abord par le libéralisme planifié (1982-
1985), et par le libéralisme communautaire depuis 1985. Chacune de ces périodes a eu un mode
de construction des politiques publiques, lié à la conjoncture et aux acteurs et qui a influencé la
période suivante. Nous faisons nôtres, ces propos de Fernand Braudel :
Qu’on se place en 1558 ou en l’an de grâce 1958, il s’agit, pour qui veut saisir le monde, de définir une
hiérarchie de forces, de courants, de mouvements particuliers, puis de ressaisir une constellation
d’ensemble. À chaque instant de cette recherche, il faudra distinguer entre mouvements longs et poussées
brèves, celles-ci prises dès leurs sources immédiates, ceux-là dans la lancée d’un temps lointain. Le
monde de 1558, si maussade à l’heure française, n’est pas né au seuil de cette année sans charme. Et pas
davantage, toujours à l’heure française, notre difficile année 1958. Chaque « actualité » rassemble des
mouvements d’origine, de rythme différent : le temps d’aujourd’hui date à la fois d’hier, d’avant-hier, de
jadis.56
Cette étude se situe donc dans la logique de la longue durée. En effet, il est difficile de
faire l’étude historique d’une politique publique sans aborder la situation qui l’a précédée. Cette
particularité n’épargne pas les politiques publiques des transports. Pour comprendre la situation
actuelle des transports au Cameroun, nous ne saurions mettre de côté les politiques précédentes.
tels que l’aménagement urbain, l’habitat, la santé, l’agriculture, l’élevage, les infrastructures routières, l’eau,
l’énergie et la sécurité. Source : https://www.spm.gov.cm/site/?q=fr/content/rapport-general-sur-la-mise-en-
%C5%93uvre-du-plan-d%E2%80%99urgence-triennal-2015-2017, consulté le 30/05/2020 à 19h29.
56
F. Braudel, « Histoire et Sciences sociales : La longue durée », Annales. Economies, sociétés, civilisations, 13ᵉ
année, n° 4, 1958, p. 735.
P a g e | 18
V. Problématique
En ce qui concerne les transports, ces politiques sont très dépensières. Il est donc
nécessaire d’évaluer, dans une perspective de bilan, ce que coûte l’investissement, le travail,
57
Lire G. Austin, « Développement économique et legs coloniaux en Afrique », International Development Policy
| Revue internationale de politique de développement, n°1, 2010, pp. 11-36.
58
Y. Surel, L’État et le livre, Paris, L’Harmattan, 1997, cité par P. Muller, « L’analyse cognitive des politiques
publiques : vers une sociologie politique de l’action publique », Revue française de science politique, 50ᵉ année,
n°2, 2000, p. 190.
P a g e | 19
l’énergie, l’information mise à disposition. Cependant, les politiques publiques ne sont pas
faites au hasard, sans finalité, sans que l’on en attende un mieux, sur tel ou tel critère de qualité
de la vie publique, qui relève de cette politique. Il apparaît donc nécessaire, à côté des systèmes
d’évaluation quantitatifs, de mesures et de contrôles, d’envisager que les politiques publiques
puissent être aussi évaluées à l’aune des critères qualitatifs, ce qui correspond aux résultats, aux
bénéfices, au mieux-être, à l’atteinte des objectifs de qualité de vie auxquels ces politiques sont
censées répondre. Certains concepts doivent donc être pris en compte dans l’évaluation d’une
politique publique : sa pertinence, son efficacité, son efficience, sa cohérence, sa capacité à
répondre aux besoins qui l’ont fait naître.59
Nous avons donc plusieurs types d’évaluation : celle qui se situe au niveau des moyens.
C’est-à-dire, s’assurer que les moyens prévus ont été mis en place dans l’espace et dans le
temps. Les formes traditionnelles de contrôle, telles que les contrôles financiers, sont le plus
souvent de cette nature. Nous avons aussi l’évaluation des réalisations, qui s’efforce d’apprécier
les résultats immédiats de l’activité productrice d’administration dans le cadre de la politique.
L’évaluation d’efficience quant à elle, s’attache à mesurer l’efficience, au sens économique du
terme de la politique appliquée, c’est-à-dire à mettre en rapport les effets de la politique avec
les efforts consentis pour les obtenir.
59
A. Fouquet, « L’évaluation des politiques publiques. Concepts et enjeux », in Trosa S. (éd.), Évaluer les
politiques publiques pour améliorer l’action publique : Une perspective internationale, Institut de la gestion
publique et du développement économique, Vincennes, 2009, p. 21.
P a g e | 20
Ces questions nous amènent à émettre quelques hypothèses qui nous servent de base de
travail.
La base même de la science est une hypothèse ; la croyance au déterminisme ne peut être appuyée sur des
preuves décisives. Quand nous étendons à un objet nouveau des faits observés antérieurement sur des
objets semblables,...nous faisons une hypothèse. De même en admettant la continuité de tous les
phénomènes naturels, la proportionnalité de la cause à l’effet pour de petits changements des conditions
actuelles, etc.60
Ainsi, l’hypothèse peut être considérée comme un énoncé ou une supposition de départ
dans un travail scientifique ou comme proposition de réponse à une question de recherche.
Les transports au Cameroun sont dans un état de délabrement qui impacte sur son
économie. On observe entre autres problèmes : le manque de routes et le mauvais entretien de
celles existantes, des routes meurtrières, le manque ou le mauvais état des infrastructures
aéroportuaires, les difficultés dans le transit des marchandises le long des corridors routiers qui
relient le Cameroun aux autres pays de l’Afrique Centrale, la mauvaise qualité des transports
ferroviaires et les atermoiements de la compagnie aérienne CAMAIR-Co. Notre hypothèse
principale est que la situation actuelle des transports au Cameroun, est le résultat de politiques
publiques qui ont été mal pensées depuis 1884.
60
H. Le Chatelier, De la méthode dans les sciences expérimentales, Paris, Dunod, 1936, p. 41.
P a g e | 21
En effet, durant la période coloniale, la gestion politique est marquée par une
exploitation économique du territoire, les transports ont principalement servi aux intérêts des
métropoles occidentales. Entre 1884 et 1916, les Allemands s’illustrèrent par une agriculture
capitaliste et par les investissements des factoreries. L’objectif premier fut le maximum de
profits pour des dépenses minimes, ce d’autant plus que les entrepises privées furent à l’origine
de la conquête coloniale allemande. Nous pensons donc que la politique des transports
allemande s’inspira de cette logique d’exploitation du territoire, de ses hommes et de ses biens.
Au moment des indépendances, le Cameroun est fragmenté tant sur le plan politique (un
Cameroun oriental francophone et un Cameroun occidental anglophone), que sur le plan
économique, puisque les efforts économiques en général et les transports en particulier,
s’adaptèrent aux intérêts des Occidentaux, répartis sur une infime partie du territoire. Les
transports eurent en conséquence pour mission d’aider à l’unification des populations et à
l’avancée économique du pays.
Il apparaît que, plus de 67 ans après, ces objectifs n’ont pas été atteints. Les freins à ces
ambitions ont certainement été : un héritage colonial dont le Cameroun ne s’est pas défait, la
crise économique, le carcan de la dette, les fluctuations des prix des matières premières, une
économie tournée vers l’importation, la mauvaise gouvernance et une corruption accrue. Au
final, les besoins des populations en transports rapides, confortables et moins chers restent
insatisfaits.
P a g e | 22
Cette étude analyse les politiques publiques des transports au Cameroun depuis 1884. Il
s’agit de retracer l’évolution structurelle, infrastructurelle et administrative du secteur des
transports au Cameroun. Des travaux antérieurs ont inspiré la conduite de cette étude. Il s’agit
d’ouvrages, d’articles scientifiques, et de productions académiques (mémoires et thèses). Nous
en présentons quelques-uns en fonction de l’ancrage chronologique de leurs sujets, et non de
leur année de publication ou de soutenance, pour ce qui est des productions académiques.
En 1916, l’administrateur des colonies d’origine française Lucien Famechon fait une
Étude politique, géographique, économique et administrative de la colonie allemande du
Cameroun au début de 1914. Il dresse un bilan du passage des Allemands dans ce pays, en
s’inspirant des ouvrages de Von Passarge, de Seidel, d’Esch entre autres. Il fait un état des lieux
des voies de communication construites durant cette première période de la colonisation
européenne. Afin de profiter des richesses du territoire, la première mission des Allemands était
de « relier les principaux centres du pays soit à la côte, soit aux rivières navigables par un
puissant réseau de routes et de voies navigables ».61
La démarche de Famechon est aussi celle de Rudin62, qui étudie le passage des
Allemands au Cameroun. Dans son ouvrage Germans in Cameroon, il fait lui aussi un bilan
économique et politique de la gestion du territoire durant cette période. Il va plus loin que
Famechon, en dressant un état des lieux numérique des transports, le nombre de routes, leur
tracé, les voies navigables, les conflits nés entre agriculteurs et commerçants par rapport à la
main d’œuvre affectée au portage, la construction des voies ferrées et les motivations politiques
qui ont sous-tendu la mise en œuvre de ce projet.
61
L. Famechon, Étude politique, géographique, économique et administrative de la colonie allemande du
Cameroun au début de 1914, Brazzaville, 1916, p. 52.
62
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938.
P a g e | 23
(1884-1914) »63. Ce mémoire de DEA en science politique accorde une grande place à l’histoire
coloniale du Cameroun et nous permet de comprendre la mise en place de la politique agricole
sous la colonisation allemande. Cette étude attire notre attention pour deux raisons : tout
d’abord, elle aborde la question des politiques publiques, thème central de notre étude ; mais
en plus, elle nous permet de faire un lien entre les investissements allemands dans les transports
et la nécessité d’écouler les produits issus des grandes plantations.
Ce qui ressort de la lecture de ces travaux est que les Allemands furent les pionniers des
transports modernes au Cameroun, palliant aux insuffisances du portage, moyen de transport
qui reste tout de même dans l’histoire comme le « point de départ de l’économie coloniale ».66
63
S. C. Tagne Kommegne, « L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l’État au
Cameroun (1884-1914) », Diplôme d'Étude Approfondie en Science Politique, Université de Yaoundé II-Soa,
2006, en ligne URL : http://www.memoireonline.com/12/09/2981/Limposition-des-cultures-de-rente-dans-le-
processus-de-formation-de-letat-au-cameroun-1884-19.html, consulté le 28/03/2017.
64
A. Owona, La naissance du Cameroun, 1884-1914, L’Harmattan, 1996, 229 p. Avant cet ouvrage, l’auteur a
publié un article qui est une sorte de résumé de cette publication : A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-
1914) », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973, pp. 16-36.
65
Ph.-B. Essomba, « La guerre des voies de communication au Cameroun, 1914-1916 », Guerres mondiales et
conflits contemporains, vol. 248, no. 4, 2012, pp. 7-26.
66
A. F. Dikoumé, « Du portage comme point de départ de l’économie coloniale au Cameroun », Annales de la
Faculté des lettres et sciences humaines, Vol. 1, N° 2, 1985, pp. 3-25.
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Le portage, écrit-il, fut avec le chemin de fer, le principal moyen de transport sous le protectorat allemand.
Il fut surtout utile pour les planteurs et les commerçants qui en usèrent et en abusèrent aussi parfois. Il
permettait aussi aux administrateurs d’effectuer leurs tournées à l’intérieur du pays. 67
Cet article de Dikoumé n’est qu’une infime partie de ses deux thèses de doctorat. La
première, soutenue en 1982, aborde « les transports au Cameroun de 1884 à 1975 ».68 Mais
c’est surtout la seconde, soutenue en 2006 qui attire un peu plus notre attention. Dans cette
thèse, il aborde « les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de
1922 à 1960 : mutations économiques et sociales ».69 Il entame sa thèse en rappelant les travaux
publics effectués durant la période coloniale allemande. Ces réalisations étaient destinées à
l’économie de traite, mais eurent un impact considérable sur la population de certaines villes
dont elles changèrent les habitudes. Les Français à leur suite, poursuivent cette œuvre en deux
phases : dans l’entre-deux-guerres tout d’abord, leurs efforts se concentrent surtout sur le
« Cameroun utile ». Ensuite après la Deuxième Guerre mondiale, le FIDES permet une amorce
de modernisation de l’équipement. Ainsi, les recherches d’Albert F. Dikoumé mettent une
emphase sur les périodes allemande et française.
Lorsque les Français et les Anglais reprirent le territoire du Cameroun. Ils s’attelèrent,
surtout du côté des Français, à mettre en place un réseau des transports plus élaboré. Catherine-
Suzanne Mpandjo Sombe aborde ainsi les « transports aériens au Cameroun sous administration
française, de 1934 à 1957 ». Dans son analyse, elle rappelle que dans la volonté d’étendre leur
influence à tout le territoire, les Français furent confrontés aux limites des transports de surface
(routes et chemins de fers). Plusieurs régions restaient inaccessibles et ne participaient pas à la
vie économique et administrative du pays. « L’aviation se présentait alors comme le meilleur
moyen d’assurer le désenclavement de ces régions, puisque l’avion procède par points de
67
Ibid, p. 7.
68
A. F. Dikoumé, « Les transports au Cameroun de 1884 à 1975 », Thèse de Doctorat en Histoire, Ecoles des
hautes études en sciences sociales, Paris, 1982.
69
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de 1922 à 1960 :
mutations économiques et sociales », thèse de doctorat en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006.
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jonction avec le sol. »70 Toujours dans le domaine des transports aériens, Côme Yannick Noah
Essomba aborde les actions de l’État pour réguler le secteur de l’aviation civile.71
Virginie Bikié quant à elle, étudie les transports ferroviaires durant la domination
française. D’après elle, ce sous-secteur des transports connait une relative évolution durant la
période française. Cependant, ce progrès ne s’écarte pas de l’objectif premier qui est d’exploiter
les régions et divers centres dont l’importance économique est évidente.72
Avec la période française, apparaît le concept de « mise en valeur ». Ainsi, les voies
ferrées ont largement contribué au développement des villes agricoles qu’elles desservent. C’est
le cas de Njombé dans la Région du Moungo, dont Iglas Flore Djamen Tchokoute fait la
monographie entre 1909 et 1961.73 Son travail permet de constater que la « mise en valeur » de
cette ville au sol volcanique et fertile, a favorisé l’installation de nombreux étrangers qui ont
créé de vastes plantations de cultures vivrières et de rente. Ce qui a permis à la région de
bénéficier d’un important réseau de communication, d’une gare ferroviaire, d’un centre
commercial, d’une structure de recherche agricole entre autres. André Taning, lui aussi, traite
de l’urbanisation induite par les transports dans son étude sur « La mort de la gare ferroviaire
de Nkongsamba. Déclin et problématique d’un développement local ». L’auteur revient sur les
belles années du tronçon de chemin de fer Mbanga-Nkongsamba, pour examiner les
conséquences socioéconomiques de la fermeture de cette voie de communication.74
Il faut tout de même rappeler que les investissements français au Cameroun étaient
soutenus par le Fonds d’investissement pour le développement économique et social (FIDES),
organisme français, créé en 1946, qui était chargé d’encourager le développement économique
et social des Territoires d’Outre-mer (TOM) de l’Union française. Pour en comprendre les
méandres, Martin-René Atangana fait une analyse de cette période qui s’étend de 1946 à 1957,
dans deux ouvrages distincts qui se complètent.75 Le FIDES consiste en une planification des
70
C.-S. Mpandjo Sombe, « Les transports aériens au Cameroun sous administration française, de 1934 à 1957 »,
Mémoire de Maîtrise d’Histoire, Université de Yaoundé, 1989, p. 20.
71
C. Y. Noah Essomba, « L’aviation civile au Cameroun : centre des mutations politiques et économiques
nationales et internationales (1932-2006) », Mémoire de Master II en Histoire, Université de Douala, 2011.
72
V. Bikié, « Le réseau ferroviaire du Cameroun, 1920-1990 », Mémoire de maîtrise d’Histoire, Université de
Yaoundé, 1991.
73
I. F. Djamen Tchokoute Njombé, « Monographie d’une ville agricole desservie par le chemin de fer du Nord :
cas de l’agglomération de Njombé dans la Région du Moungo (1909 à 1961), Mémoire de master II en Histoire,
Université de Douala, 2012.
74
A. Taning, « La mort de la gare ferroviaire de Nkongsamba. Déclin et problématique d’un développement
local », Mémoire de DEA de Géographie, Université de Dschang, 2005.
75
De cet auteur, il est intéressant de parcourir les deux ouvrages suivants :
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Notons qu’entre 1946 et 1956, la France a réalisé 17% de ses investissements Outre-
mer au Cameroun. Pourtant, « ces importants investissements n’ont […] pas empêché la
dégradation progressive de l’image de la France au Cameroun de 1946 et 1956. Ils ont même
été l’une des principales causes de la montée du nationalisme camerounais qui a abouti, à partir
de 1955, à la rébellion et à un véritable état de guerre. »76 La thèse de doctorat que présente
Martin René Atangana étudie les relations entre l’État colonial français et la société
camerounaise.77 Elle montre le rôle joué par le Cameroun dans la dynamique du capitalisme
français, mais aussi le rôle joué par ce capitalisme dans l’évolution du Cameroun, dans celle
des relations franco-camerounaises, et dans la dégradation de l’image de la France au Cameroun
entre 1946 et 1956, la principale décennie du FIDES.
C’est cette période du FIDES qui intéresse Véronique F. L. Fotsing Nkoutchouga dans
son étude sur les transports routiers au Cameroun de 1945 à 1960. Certes, l’étudiante de
l’Université de Yaoundé s’intéresse à deux régions, celle de l’Ouest et celle du Littoral, son
travail semble pertinent en ceci qu’il informe sur les investissements routiers français dans ce
qui a été qualifié de « croissant fertile » par les colons.78
Le croissant fertile est justement la zone d’étude de Pierre Billard, qui aborde La
circulation dans le Sud Cameroun.79 Dans son œuvre, il analyse les moyens de transport (le
chemin de fer et son trafic ; les routes et les ponts avec leur circulation) ; les ports, les voies
navigables et leur trafic ; les transports aériens ; la circulation de l’argent et de la pensée ; la
M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun : au lendemain de la seconde guerre mondiale (1946-
1956), Publications de la Sorbonne, 1998.
- French Investment in Colonial Cameroon: The FIDES Era (1946-1957), Peter Lang, 2009.
76
M. R. Atangana, « Les relations financières entre le Cameroun et la France et l'image de la France au Cameroun
(1946-1956) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°32-33, 1993, p. 47.
77
M. R. Atangana, « Les relations financières entre le Cameroun et la France et l'image de la France au Cameroun
entre 1946 et 1956 », Thèse de en Histoire (nouveau régime), Université de Paris I, Panthéon Sorbonne, 1994.
78
V. F. L. Fotsing Nkoutchouga, « Les transports routiers au Cameroun de 1945 à 190 : cas de l’Ouest et du
Littoral », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1992.
79
P. Billard, La circulation dans le Sud Cameroun, Imprimerie des Beaux-Arts, 1961.
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La thèse de Walter Gam Nkwi82 puis l’ouvrage qui en est issu, présentent une toute autre
histoire de la colonisation anglaise, dont les réalisations ont impulsé la mobilité des populations.
Pour l’auteur, la mobilité physique des personnes d’un endroit à l’autre en tant qu’individus ou
en tant que groupe est essentiellement horizontale, potentiellement illimitée, et généralement
motivée par le désir et l’ambition de profiter de nouvelles opportunités d’avancement personnel
ou collectif. Cette mobilité est à la base des communautés de Grasslanders au « Cameroun
anglophone » et au-delà. Dans cette étude de Kom, le deuxième plus grand royaume des prairies
de Bamenda, des histoires de vie et de riches fichiers d’archives éclairent l’histoire de la
mobilité en relation avec le développement des technologies de la communication. Entre 1928,
lorsque l’école primaire St. Anthony, Njinikom, Kom a été ouverte et 1998, lorsque la route
reliant Kom et Bamenda a été goudronnée, le nombre de personnes voyageant de Kom et de
retour a augmenté régulièrement. Cette mobilité spatiale a été grandement facilitée et accélérée
par les technologies de transport et de communication « modernes » comme les routes et les
véhicules.
Il faut tout de même noter que la construction des routes ne s’est pas faite sans heurts
durant la période coloniale. L’avis d’un technicien des routes est fort instructif à ce propos.
Stéphane Prévitali83, terrassier, arrive au Cameroun en 1953 pour le compte de son entreprise
des travaux publics, Razel Frères. Il fait face aux difficultés de la construction de la route : les
80
V. J. Ngoh, “The Political Evolution of Cameroon, 1884-1961”, Thesis for the Master of Arts in History,
Portland State University, 1979, p. 79.
81
Ibid., p. 79.
82
W. G. Nkwi, Kfaang and its technologies: towards a social history of mobility in Kom, Cameroon, 1928-1998,
Leiden, African Studies Centre, 2011.
83
S. Prévitali, Le Cameroun par les ponts et par les routes: la naissance d'une nation vue par un terrassier (1953-
1963), KARTHALA Editions, 1988.
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vicissitudes du travail en forêt, la chaleur et la poussière, les maladies, les parasites, une vie
rythmée par l’avance inexorable du chantier et l’arrivée du courrier de France. Dans le sillage
de l’indépendance, il découvre les rapports complexes entre Blancs et Noirs, sous l’influence
de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et des émeutes sanglantes qui se produisent,
notamment à Douala.
Une fois l’indépendance acquise, il fallait que le nouvel État améliore le réseau des voies
de communication, qui s’était concentré principalement dans la zone utile pour les colons. Les
ouvrages d’Hubert Ngabmen84 étudient les transports au Cameroun après l’indépendance.
L’auteur parcourt dans leur ensemble, les transports routiers depuis 1965, avec la mise en œuvre
du second plan quinquennal, jusqu’en 2001. Cependant, son ouvrage en deux tomes, élude les
autres types de transports, et surtout, fait la part belle aux infrastructures, moins qu’aux
politiques qui ont présidé à leur mise en place.
84
H. Ngabmen, Les transports routiers au Cameroun, vol I (1999) et vol II (2002), Yaoundé, Alpha Print.
85
A. Nguelieutou, « L’évolution de l’action publique au Cameroun…», 2008.
86
J. Keutcheu, « Voies de communication et construction de l’État au Cameroun », Thèse de Doctorat de science
politique, Université de Yaoundé II, 2010.
- « L’espace public camerounais à l’épreuve de la construction des réseaux routiers de communication »,
Polis/R.C.S.P. /C.P.S.R., Vol. 15, n° 1&2, 2008., en ligne, URL :
www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol15n1-2/keutcheu.pdf, consulté le 22/03/2017 à 22h35.
- « La formation d’un espace public camerounais à l’épreuve de la construction des réseaux routiers de
communication », CODESRIA, Afrique et Développement, Vol. XXXV, No. 3, 2010, p. 179-205.
87
J. Keutcheu, « L’espace public camerounais à l’épreuve de la… », 2008, p. 3.
88
L. Feudjio Nguetsop, « Gestion du réseau routier au Cameroun et développement du linéaire », mémoire de
Master en Analyse et Évaluation des Projets, Université Rennes 1 et Université de Yaoundé II, 2008.
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l’extension du réseau structurant et celle des routes frontalières et de désenclavement entre 2006
et 2008. De là, il ressort que l’insuffisance des ressources financières, la mauvaise planification
et programmation, les études, le suivi et l’exécution des travaux mal menées, sont les causes de
l’inefficacité de la gestion du réseau routier Camerounais et de la non atteinte des objectifs
d’extension de son linéaire. Ce qui constitue déjà un pan important de la présente étude.
Nous avons aussi consulté des productions scientifiques n’ayant pas de lien avec le
Cameroun, mais qui aborde les politiques publiques des transports. L’objectif était de
comprendre comment le sujet était abordé ailleurs afin de nous inspirer de la méthodologie.
Ainsi, la thèse de doctorat de Juan Pablo Bocarejo analyse les politiques liées à la
mobilité de quatre agglomérations, Paris, Londres, Bogota et Santiago, afin d’établir d’une part
les éléments clés qui ont permis l’application de politiques autour de l’utilisation de la voiture.
D’autre part, il tente d’évaluer l’impact réel de ces politiques, principalement sur la mobilité, et
spécifiquement sur l’objectif que cette mobilité devienne « plus soutenable »89. Nous retrouvons
ces préoccupations dans la thèse d’Aurélie Mercier, qui, elle, évalue les politiques des transports
en ce qui concerne le tramway dans la ville de Strasbourg.90
89
J. P. Bocarejo, « Évaluation économique de l’impact des politiques publiques liées à la mobilité, les cas de Paris,
Londres, Bogota et Santiago », Thèse de Doctorat nouveau régime, Doctorat de Transport, Université Paris Est,
2008, p. 11.
90
A. Mercier, « Accessibilité et évaluation des politiques de transport en milieu urbain : le cas du Tramway
strasbourgeois », thèse de Doctorat de Sciences Économiques option économie des transports, Université Lumière
Lyon II, 2008, 310p.
91
V. Kaufmann et al, Coordonner transports et urbanisme, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires
romandes, Collection “Science Technique Société”, 2003.
92
COST (European Cooperation in Science and Technology) is a funding organisation for research and innovation
networks. The actions help connect research initiatives across Europe and beyond and enable researchers and
innovators to grow their ideas in any science and technology field by sharing them with their peers.
P a g e | 30
Nous ne saurions citer tous les travaux sur ce sujet94, ceux qui précèdent nous
permettent de mieux préciser l’originalité de notre étude. En effet, nous abordons les transports
terrestres (routiers et ferroviaires), et les transports non-terrestres (aériens, fluviaux et
maritimes). Il ne s’agit pas pour nous de faire une étude dans la globalité et l’entièreté de ces
transports. Cela nous amènerait à en étudier les pratiques, les métiers, la logistique etc.95 Notre
but est d’aborder les politiques qui, depuis 1884, ont sous-tendues la mise en place de ces
transports. Les politiques publiques sont un enchaînement de décisions ou d’activités résultant
d’interactions structurées et répétées entre différents acteurs, publics et privés, impliqués à
divers titres dans l’émergence, la formulation et la résolution d’un problème défini
politiquement comme public.96 Cela implique que nous nous situons dans ce travail, à la
sociogenèse des politiques publiques. Nous nous efforçons d’analyser non seulement les « trois
I » de l’action publique à savoir : les « intérêts », les « idées » et les « institutions »97, mais aussi
les résultats.
93
94
M. Wiel, La transition urbaine, Mardaga, Sprimont, 1999.
Au sujet des politiques publiques lire entre autres :
- Direction générale de la coopération internationale et du développement, « Étude comparée des politiques
d’aménagement du territoire et de développement régional dans les pays du sud », Ministère des Affaires
Étrangères, France.
- P. Hassenteufel et al, « Politiques publiques », in C. Belot et al (éd.), Science politique de l’Union
européenne, Paris, Economica, 2008, p. 81-105.
- W. Parsons, Public policy, Edward Elgar, Cheltenham, 1996.
- J. Weiss et al, « Public information campaigns as policy instruments », Journal of policy analysis and
management, 13-1, 1994, p. 82-119.
- O. Giraud et al (éd), Politiques publiques et démocratie, La Découverte, 2008.
95
À ce propos, il est intéressant de lire l’ouvrage de Mefiro Oumarou, Transports, espace et logistique, Cameroun,
L’Harmattan, 2012.
96
C. Larrue, et al, Analyse et pilotage des politiques publiques, éd. Somedia Buchverlag, 2005, p. 45.
97
Lire B. Palier et al, « Les « trois I » et l'analyse de l'État en action », Revue française de science politique, vol.
55, 2005, p. 7-32.
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Pour la période coloniale allemande, nous avons eu recours aux archives coloniales
allemandes numérisées, disponibles notamment à l’Institut Goethe de Yaoundé. L’exploitation
des documents s’est effectuée suivant une double démarche : l’une manuelle ayant permis
l’accès aux actes originaux et l’autre numérique qui a débouché sur l’obtention des actes
digitalisés en ligne. La réalisation de ce travail a nécessité la mise à notre disposition de
différents outils de recherche : un répertoire numérique du Fonds Allemand comportant les
côtes des dossiers parfois avec liens électroniques permettant l’accès aux actes digitalisés.98
Nous avons également eu recours aux sites web importants qui traitent de l’histoire coloniale
allemande. L’analyse des données collectées a consisté en une étude du contenu. Il s’est agi de
procéder à la transcription, la traduction des textes, et à leur confrontation avec d’autres
sources : documents publiés, traditions orales, images et données de terrains.
98
Les archives numérisées de l’ère coloniale allemande sont disponible en ligne sur. URL :
https://invenio.bundesarchiv.de/basys2-invenio/login.xhtml, dernière date de consultation : 27/04/2020 à 03h29.
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mondiale99 et la Bibliothèque Nationale de France, à travers Gallica100, nous ont offert une
littérature abondante sur la période de colonisation française et sur les années Ahidjo et Biya
jusqu’en 1987. Plus précisément, nous avons bénéficié des Rapports Annuels de l’État Français
à la SDN et à l’ONU ; des Journaux Officiels de la République Française ; des Journaux
Officiels des Territoires du Cameroun ; des Journaux Officiels de la République Fédérale du
Cameroun ; des Journaux Officiels de la République Unie du Cameroun ; et des Journaux
Officiels de la République du Cameroun. Pour analyser efficacement les politiques publiques,
les premières ressources sont les lois, les décrets, toutes les décisions administratives pouvant
influencer d’une manière ou d’une autre l’orientation du secteur étudié. Ces différentes archives
sont le réservoir historique de tous ces documents.
Dans les ministères concernés de près ou de loin par les transports, nous avons pu obtenir
des documents stratégiques qui orientent ce domaine au Cameroun. Ainsi, le MINFI nous a
servi pour le volet financier ; le MINEPAT, en sa qualité de planificateur du développement
nous a permis d’avoir les Plans mis en place pour le développement du Cameroun et leur état
d’avancement actuel ; le MINT, en qualité de ministère sectoriel des transports, nous a permis
d’obtenir un ensemble de statistiques sur la sécurité routière entre autres. Ce volet est aussi
revenu dans les documents que nous avons reçus de la Délégation Générale à la Sureté
Nationale.
Les mémoires et des thèses ont quant à eux, été exploités dans les bibliothèques de la
Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines (FALSH) de l’Université de Yaoundé I, à la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l’Université de Douala, au Cercle
d’Histoire-Géographie de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines (FALSH) de
l’Université de Yaoundé I, ainsi qu’à l’Université de Yaoundé II. Ces documents traitent
essentiellement de la question des transports au Cameroun.
99
Les archives numérisées de la Banque Mondiale sont disponibles sur le site :
https://databank.banquemondiale.org/databases/archives, disponible en libre accès. Dernière consultation :
14/02/2021 à 20h58.
100
Bibliothèque en ligne, URL : https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/content/accueil-fr?mode=desktop, dernière
consultation le 14/02/2021 à 03h50.
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Même si les entretiens comme méthode d’évaluation des politiques publiques ont encore
du mal à s’imposer101, ceux que nous avons effectués étaient semi-directifs. Cela s’est fait grâce
à un dictaphone électronique, intégré au téléphone portable, dont les données ont été retranscris
sur papier.
L’entretien semi-directif était le moyen le plus efficace quand nous rencontrions un sujet
immergé dans une activité liée au transport. Certains acteurs de ce domaine exerçant dans
l’informel, ont du mal à faire confiance aux personnes qui posent des questions de manière
générale, et aux inconnus en particulier. Dans ce cas de méfiance, un entretien avec papier aurait
pu rebiffer le sujet et le faire rentre dans une coquille mentale peu propice aux informations de
qualité. Ici, nous n’avons pas perdu de vue cette recommandation de Blanchet et al. :
L’entretien est une rencontre. S’entretenir avec quelqu’un est, davantage encore que questionner, une
expérience, un événement singulier, que l’on peut maîtriser, coder, standardiser, professionnaliser, gérer,
refroidir à souhait, mais qui comporte toujours un certain nombre d’inconnues (et donc de risques)
inhérentes au fait qu’il s’agit d’un processus interlocutoire, et non pas simplement d’un prélèvement
d’information.102
Après la collecte des données, il a été question de faire des synthèses de nos sources
pour procéder à une structuration de ce travail. À cette étape, s’est ajoutée une analyse critique
des différentes informations.
101
Lire P. Bongrand et al, « L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ? »,
Revue française de science politique, vol. 55, n°1, 2005, p. 73-111.
102
A. Blanchet et al., L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992, p. 128.
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chaque type de transports (terrestres, aériens, maritimes et fluviaux). Cela nous aurait entrainé
dans un travail quasiment interminable dans la durée et dans les moyens financiers, ce d’autant
plus que le secteur des transports est en constante mutation. Il fallait donc opter pour une étude
fondée soit sur les politiques, soit sur les infrastructures, ou alors sur les métiers, mais pas les
trois à la fois. Si les infrastructures et les métiers ont bien souvent été des objets d’étude pour
les historiens et pour les techniciens des transports, il nous semblait que l’étude des politiques
des transports demeurait un champ quasiment vierge au Cameroun. Pourtant, les idées pour une
mise en place des infrastructures et la création des métiers venaient bien de quelque part. Ainsi,
nous avions un objet d’étude.
La dernière étape était celle du choix des bornes chronologiques. Nous hésitions entre
1985, année de lancement du libéralisme communautaire, matrice politique du Cameroun
jusqu’à présent ; et 1960, avec la mise en place du libéralisme planifié d’Ahmadou Ahidjo.
Notre première option ne nous permettait pas d’avoir une matière suffisante pour une thèse sur
les politiques publiques des transports. En effet, comme nous le verrons dans ce travail, cette
période a été marquée essentiellement par des politiques de redressement. Le secteur des
transports a été quasiment à l’arrêt. Il fallait restructurer à cause de la crise économique. Or, les
programmes d’ajustement structurels qui marquent cette période, avaient déjà fait l’objet de
plusieurs études. 1960 nous posait problème parce que, pour comprendre la politique
d’Ahmadou Ahidjo, il fallait examiner le passé récent du Cameroun, marqué par la colonisation.
L’état dans lequel était le pays dont il a hérité devait permettre de mieux appréhender sa
politique. Ainsi, il fallait entamer le travail avec la période coloniale. Notre sujet a donc
plusieurs fois subi des changements, à tel point que nous nous sommes retrouvé avec trois
résumés, trois introductions générales et autant de copies de thèses.
De plus, nous avons éprouvé quelques difficultés à obtenir des documents d’archives.
Dans les locaux des Archives nationales à Yaoundé, les documents étaient parfois absents
(volés selon les explications de certains employés des lieux), parfois détruits en partie. De plus,
les documents de l’époque allemande, les plus rares et les moins bien conservés, étaient en
allemand, une langue que nous ne maîtrisons pas du tout. Nous avons ici fait recours, soit à un
traducteur en ligne, pour des raisons financières, soit à des études antérieures à la nôtre, en
français ou en anglais.
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Toutes ces difficultés ont certainement influencé ce travail. Néanmoins, nous avons
tenté, dans la mesure de notre investissement, de présenter un travail digne d’intérêt et
susceptible de contribuer à l’histoire du Cameroun.
X. Structuration du travail
Une fois l’analyse des données achevée, il a fallu procéder à la synthèse des documents
pour rédiger le travail qui se présente en trois parties, subdivisées en neuf chapitres.
La première partie est consacrée aux « politiques publiques des transports sous la
colonisation au Cameroun ».
Le premier chapitre, intitulé « les politiques des transports sous le Protectorat allemand
(1884-1916) », s’attèle à étudier la politique coloniale allemande des transports au Cameroun.
Nous avons cependant jugé opportun d’aborder, dans un premier temps dans ce chapitre, les
transports au Cameroun avant 1884, début du protectorat. Par la suite, il nous apparaît que la
politique allemande des transports s’inspire grandement des raisons qui ont poussé ce pays vers
103
« L’Opération Épervier est une vaste opération judiciaire initiée dans le cadre de la lutte anti-corruption au
Cameroun. Cette opération a été lancée par le gouvernement du Premier ministre Ephraïm Inoni en 2006, sous la
pression des bailleurs de fonds internationaux ».
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_%C3%89pervier_(Cameroun), consulté le 25/05/2020 à
02h27.
P a g e | 36
l’impérialisme. Tous les types de transports pendant cette période n’ont eu qu’un objectif, servir
aux intérêts commerciaux des Allemands. C’est principalement cet aspect qui fait leur faiblesse.
Dans le chapitre II, nous étudions « la politique des transports par les Plans au Cameroun
sous mandat et sous tutelle français (1916-1960) ». À la suite des deux guerres mondiales, c’est
principalement la partie orientale confiée à la France qui a connu une certaine évolution dans
le domaine des transports. On assiste à la mise en place des premiers plans de développement,
sous la houlette de la France. Si elle avait une volonté affirmée de développer le Cameroun, il
ne faut pas non plus perdre de vue que ce pays a été administré de la même façon que les autres
colonies françaises. Or, une colonie a pour vocation première d’aider plutôt la métropole à se
développer. La France a eu une politique des transports quasiment schizophrène, aux prises
entre exploitation du territoire et développement de celui-ci. Au final, c’est l’aménagement du
territoire qui en a pâti.
Notre tâche est donc d’analyser cette politique du statu quo dont les conséquences ont
été néfastes dans l’implémentation de la politique économique de l’État indépendant du
Cameroun.
le principal outil des politiques publiques de cette période : les Plans Quinquennaux. Le chapitre
va du 1er Plan en 1960, à la fin du libéralisme planifié en 1985.
La Partie III analyse « Les outils de la gestion économique et administrative face aux
défis sécuritaires et sociaux des transports au Cameroun entre 2000 et 2017 ».
Le chapitre VIII, « un état des lieux, nouveaux intervenants institutionnels et les défis
des transports au Cameroun », évalue l’efficacité des différents outils administratifs mis en
place dans la gestion des transports. Ainsi, nous y parcourons les différents problèmes qui
continuent de miner le secteur des transports au Cameroun, malgré les efforts des politiques
(polities) et des mesures qu’ils mettent en place (policies).
Nous terminons ce travail en abordant en chapitre IX, « les déterminants des coûts et
prix des transports routiers : un défi social permanent pour les politiques publiques au
Cameroun ». Le réseau routier camerounais est jalonné de problèmes : manque d’entretien,
P a g e | 38
corruption, absence de signalisation, entre autres problèmes qui augmentent les coûts
d’exploitation des véhicules et impactent sur les prix des transports.
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PARTIE I :
CHAPITRE I :
Jusqu’à ces dernières décades, écrit-il, peu de pays au monde étaient aussi dépourvus de voies de
communication, aussi pauvres en moyens de transport que l’Afrique Centrale. Sur la carte du globe, à
la fin même du XIXe siècle, dans le réseau aux mailles toujours plus serrées des relations mondiales,
cette vaste et puissante masse continentale n’apparaissait encore qu’en blanc : c’était une lacune vide
dans l’organisme mondial. Mais ce qui la caractérisait surtout, [c’] était surtout l’absence quasi totale
de voies de communication primitives, de moyens de transport indigènes1.
Ainsi, l’Afrique Centrale semblait, avant l’arrivée des colons, réfractaire à toute forme
de développement des infrastructures de communication. Il est vrai qu’à l’arrivée des
Européens (commerçants d’abord et missionnaires ensuite), cette « Afrique Centrale » dont
parle Weulersse, et le Cameroun en particulier, avaient quelques « voies de communication
primitives » qui reliaient les cités déjà existantes2. Ainsi, des pistes existaient, quoique
difficilement praticables du fait des guerres entre populations locales, et servaient à relier des
villages ou à faciliter les activités commerciales :
Le commerce était promu par la construction de routes et en 1911 du chemin de fer Douala-Nkongsamba.
Les routes reliaient Douala à Foumban par Bangangté et Bana ; le pays bamiléké à Bamenda, et
l’Adamaoua par Dschang et Bamenda. Le réseau des routes principales ne différait pas fondamentalement
de celui du temps précolonial3.
1
J. Weulersse, « L'évolution des voies de communication et des moyens de transport en Afrique Centrale, Annales
de Géographie, tome 40, n°227, 1931, p. 544.
2
Lire A. Tassou, « Évolution historique des villes du Nord-Cameroun (XIXe – XXe siècles) : des cités
traditionnelles aux villes modernes. Les cas de Maroua, Garoua, Ngaoundéré, Mokolo, Guider et Meiganga »,
Thèse de doctorat/Ph.D d’Histoire, Université de Ngaoundéré, 2005.
3
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest du Cameroun 1880 – 1990. Jeux et enjeux », Thèse de
Doctorat en sciences économiques, Université de Neuchâtel, 1995, p. 52.
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De cet extrait, nous retenons que les premières routes commerciales s’étaient
simplement adaptées aux routes existantes avant l’arrivée des Européens. Il faut également
rappeler qu’avant le début du protectorat allemand en 1884, les Européens commerçaient déjà
avec les populations de la côte. Zenker nous dresse ce tableau :
Des sentiers très nombreux, et souvent inextricables conduisent de hameau en hameau ou bien aux
plantations de plantains situées en plein milieu de la forêt. Les sentiers de la savane sont à chaque saison
sèche agrandis par la fauche et le brûlis, parce que les feuilles et tiges de certaines herbes sont coupantes
et causent beaucoup de blessures. Les sentiers restent le plus souvent sur le plateau, coupant ici et là une
gouttière d’érosion, suivant le cours d’eau, puis grimpant de nouveau pour escalader un autre plateau. Les
ponts, c’est-à-dire des œuvres d’art telles les ponts suspendus de certaines régions de la côte, n’existent
pas ; c’est tout au plus un arbre abattu qui forme un passage précaire. 4
Dans la partie septentrionale du territoire, il apparaît que « vers la fin du XIVe siècle,
les marchands ambulants haoussa, à la tête des caravanes constituées de porteurs et d’ânes
surchargés, partent de leur foyer d’origine en direction de l’Est. » 5 Ils rejoignaient le fleuve
Bénoué dont ils remontaient la rive droite jusqu’à Yola où ils sont rejoints par les commerçants
Kanouri (Béri Béri), venus du grand centre commercial bornouan, Ngazargamo. De l’entrepôt
de Yola, ces marchands s’infiltraient dans le Nord-Cameroun en remontant le cours supérieur
de la Bénoué d’une part, et ceux du Deo et du Faro d’autre part. Ce faisant, ils prenaient
progressivement contact avec les peuples préétablis dans cette région (Fali, Guiziga, Tikar, etc.)
et avec lesquels ils entretenaient des relations commerciales. Ils échangeaient les produits tels
que le sel, le textile traditionnel et le fer en barres contre les peaux des bêtes, l’ivoire et les
esclaves.6
Parlant des Haoussa, Famechon les présente comme « les plus habiles commerçants de
toute l’Afrique centrale. […] Ils sont en outre colporteurs dans toute la région centrale du pays
où ils ont essaimé par petits groupes, et ils sont maîtres du trafic indigène de Mora dans le bassin
4
Ph. Laburthe-Tolra, « Yaoundé d’aprés Zenker (1895) », Annales de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines de l’Université de Yaoundé, 1970, n°2, p. 39.
5
Souley Mane, « Migration et commerce au Cameroun : le cas des Haoussa (XIXe-XXe siècles), Syllabus Review
3 (1), Human & Social Science Series, 2012, p. 246.
6
Ibid.
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du Tchad à la Kadei, affluent de la Sangha, et vers l’Ouest jusqu’au Mbam »7. L’on peut, de
nos jours, témoigner du dynamisme de ces migrations à travers l’existence dans plusieurs villes
du Cameroun de “quartiers Haoussa”. En effet, leur migration s’est poursuivi vers Yaoundé et
ensuite, ces marchands ambulants haoussa se sont dispersés, à partir de cette ville, vers d’autres
localités (Mbalmayo, Eséka, Sangmélima, Ebolowa, Douala…)8 et même au-delà du
Cameroun, en direction de la Guinée Équatoriale et du Gabon actuels. Ceux de l’axe de l’Est
atteignent la République Centrafricaine.9
Le commerce a été l’une des spécialités des Kanouri et des Haoussa. Sa pratique dans
le Grand-Nord et même dans le Sud du pays, serait antérieure à l’implantation des Foulbé dans
la région. Le commerce était pratiqué par des marchands Kanouri, en rapport avec les chefs
Baare dès le XVIIe siècle, d’après Eldridge Mohammadou.10
C’est avec les la conquête peule que le commerce s’intensifie. Nous tenons de Lacroix,
qu’avant 1800 et le djihad peul, des courants commerciaux existaient, mais de façon
embryonnaire.11 Ainsi, on pourrait croire que c’est la domination politique peule qui a fait
évoluer la situation, à travers le commerce, activité florissante dans le lamidat de Ngaoundéré
au XIXe siècle.
Les agents économiques, au service de l’aristocratie peule, furent les marchands hausa, bornouan, choa
et même parfois arabes d’Égypte ou de Tripoli qui sillonnaient le pays en caravanes ou s’établissaient à
demeure dans les principaux centres. Ainsi lors de son expédition dans l’Adamaoua en 1893, Cholet
affirme avoir rencontré une forte caravane revenant du sud avec 175 grosses dents d’éléphant et 22
charges de kola près du camp du zaourou Koundé, qui le reçut entouré de cinq cavaliers couverts de
cuirasse courte. À l’époque, le lamido de Ngaoundéré envoyait une colonne annuelle forte de 3 000
personnes environ, dans les pays tributaires de l’est. Il s’agit dans tous les cas, d’un phénomène important
de brassage humain, susceptible de favoriser l’entente et d’accélérer le processus d’acculturation 12.
Ce qui attire notre attention dans cet extrait, ce sont les différentes références aux
transports : les caravanes (les 3000 personnes qui vont dans les pays tributaires, on peut
7
L. Famechon, Étude politique…, pp. 33-34.
8
Aujourd’hui encore, les populations du Grand-Sud (entendez les Régions administratives actuelles du Centre, du
Sud, et de l’Est), désignent toutes les populations venues du Grand-Nord par le vocable « Haoussa ». Certainement
parce que c’étaient les premiers de cette aire géographique avec lesquels ils ont été en contact. De plus, il continue
d’exister dans les milieux non-scientifiques, l’idée que tous les originaires du Grand-Nord seraient musulmans.
9
Souley Mane, « Migration et commerce au Cameroun… », p. 251.
10
E. Mohammadou, « Nouvelles perspectives de recherche sur l’histoire du Cameroun central au tournant du
XVIIIe siècle (c. 1750-1850) : l’invasion Baare-Tchamba », in Ngaoundéré Anthropos, vol. IV, 1999, p. 84.
11
P. F. Lacroix, « Matériaux pour servir à l’histoire des Peul de l’Adamaoua », Études Camerounaises, n° 37-38,
Yaoundé, 1953, p. 33.
12
T. M. Bah, « Le facteur peul et les relations interethniques dans l’Adamaoua au XIXe siècle », in Jean Boutrais
(éd.), Peuples et cultures de l’Adamaoua (Cameroun), actes du colloque de Ngaoundéré, éditions
ORSTOM/ANTHROPOS, 1992, p. 78.
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supposer qu’en plus des soldats, il y avait des porteurs), et surtout des chevaux. André
Gondolo13 nous permet de comprendre que Ngaoundéré centralisait toutes les voies
commerciales en provenance de l’actuelle région de l’Est du Cameroun, en passant par
Meiganga. De même, une voie commerciale provenant du sud-est partait de Tibati pour Yola
au Nigéria en passant par Banyo et Kontcha. Une autre voie venait de Kundé (dans l’actuel
RCA), traversait Meiganga avant d’aboutir à Ngaoundéré.14
Dans la plupart des centres commerciaux qu’étaient entre autres Ngaoundéré, Garoua et
Maroua, les laamiibe avaient fait tracer des ruelles susceptibles de faciliter les
communications.17 Ce qui contribuait aussi à l’embellissement de ces cités. En fait, dans le
développement des transports dans les cités du Nord-Cameroun, il faut voir l’apport des
commerçants Haussa et Kanouri, et plus tard, l’impact du djihad peul.
Le trafic des esclaves était aux mains de commerçants bornouan et haoussa dont on signale la présence
dans la ville [de Ngaoundéré] dès l’époque de Ardo Issa (1853-1877). Ils suivaient les expéditions
guerrières ou rachetaient aux familles des guerriers Peul les esclaves qu’ils ramenaient. La vente des
esclaves ne constituait toutefois pas la totalité du courant commercial. Un important trafic portait sur les
défenses d’ivoire, le beurre de karité, les noix de cola et une teinture rouge à base de certains joncs qui
était exportée jusqu'en Tripolitaine. Là encore, Bornouan et Haoussa tenaient l’essentiel du commerce18.
Dans la partie côtière du territoire, les rois duala avaient acquis l’habitude de la traite
des esclaves et entretenaient des relations d’affaires avec l’hinterland, où étaient produits les
13
A. Gondolo, « Ngaoundéré ou l’évolution d’une cité peule », thèse de doctorat en géographie, Université de
Rouen, 1978, p. 79-80.
14
Ibid.
15
T. M. Bah, « Le facteur peul et les relations… », 1992, p. 77.
16
Ibid.
17
Lire A. Tassou, « Évolution historique des villes… », 2005.
18
A. Gondolo, « Évolution économique de la ville de N'Gaoundéré (Cameroun) », Cahiers d’outre-mer, n° 126 -
32e année, avril-juin 1979, p. 181
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biens d’exportation. Leur rôle était celui d’intermédiaires.19 Les porteurs étaient essentiels à
leurs activités commerciales :
Le transport des produits vendus par les populations de la côte se faisait soit dans des pirogues quand il
leur fallait remonter les fleuves Wouri et Mungo, soit par portage. Les chefs duala et leurs alliés avaient
acquis de nombreux esclaves pendant la traite. Ils disposaient donc d’une main d’œuvre importante, ce
qui était avantageux. […] Les porteurs d’origine servile étaient assez bien traités, et certains finissaient
par s’intégrer à la famille qui les utilisait. Parfois même, ces porteurs jouissaient d’une grande confiance
de la part de leurs maîtres, qui les mettaient à la tête de leurs caravanes commerciales, place généralement
réservée aux enfants des marchands. Ceux qui ne disposaient que de peu ou pas du tout d’esclaves
devaient compter soit sur l’aide des membres de leur famille, soit sur des porteurs recrutés sur contrat.20
Malgré les conflits réguliers entre les populations de l’intérieur, les relations
commerciales existaient. Les Banen commerçaient avec les Bafia, les Lemandé, les Bassa entre
autres. Les transports des produits de ces échanges se faisaient à dos d’hommes, sur des axes
réguliers qui reliaient les aires d’habitation.21 Parmi les routes de portage qui existaient vers le
milieu du XIXe siècle, nous pouvons citer celle située entre Wum, Ibi et Katséna ; celle sur
l’axe Bum, Takum, Wukabari, Ibi.22
19
A. F. Dikoumé, « Du portage… », 1985, p. 5.
20
Ibid.
21
Ibid., p. 6.
22
Ibid.
23
A. Wirz, « La « Rivière de Cameroun »… », 1973, p. 182.
24
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest du Cameroun… », 1995, p. 46.
25
À propos de la « cour d’équité », lire entre autres :
- Wirz, « La « Rivière de Cameroun »… », 1973, pp. 183-184 ;
- R. A. Austen, “Tradition, Invention and History: The Case of the Ngondo (Cameroon)”, Cahiers d'études
africaines, vol. 32, n°126, 1992. pp. 285-309 ;
- Ph. Laburthe-Tolra, « Christianisme et ouverture au monde. Le cas du Cameroun (1845-1915) », Revue française
d’histoire d’Outre-Mer, tome 75, n°279, 2e trimestre, 1988, pp. 207-221 ;
- R. A. Austen, “The Metamorphoses of Middlemen: The Duala, Europeans, and the Cameroon Hinterland, Ca.
1800 - Ca. 1960.” The International Journal of African Historical Studies, vol. 16, no 1, 1983, pp. 1–24.
P a g e | 46
partir de 1800, des commerçants anglais se mirent à installer des factoreries sur la côte. En
1880, il y avait six factoreries anglaises et deux allemandes.
L’installation des planteurs allemands fut préparée par le développement du commerce « légal », celui de
l’huile de palme, au cours de la seconde moitié du XIX e siècle. C’est à partir de 1868 que la maison
Woermann ramassa l’huile sur la côte du Cameroun et c’est en 1869 que la firme John Holt installa une
factorerie à terre, à Bimbia, au pied du volcan. L’idée se répandit alors qu’il valait mieux produire ce
qu’on importait en raison des prix pratiqués par les courtiers locaux et des incessants palabres entre les
côtiers, les subrécargues des navires puis les agents de factoreries.26
26
M. Michel, « Les plantations allemandes du mont Cameroun (1885-1914) », Revue française d’histoire d’Outre-
mer, tome 57, n° 207, 2e trimestre, 1970, p. 184.
Wirz et Champaud définissent le « Hulk » comme un « voilier désarmé » (A. Wirz, « La « Rivière de
Cameroun »… », 1973, p. 183 ; et J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’Ouest, Paris,
Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, n°98,
1983, p. 53).
27
« Dès 1868 la Maison Woermann de Hambourg, avait installé un comptoir à Cameroun. En 1875, la Maison
Jantzen et Thormahlen, également de Hambourg, participait à Cameroun, elle aussi, à la traite de l’ivoire et de
l’huile de palme. » (A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-1914) », 1973, p. 19).
28
Ibid, p. 18.
P a g e | 47
de multiples comptoirs et la firme Woermann était même propriétaire d’une ligne de bateau à
vapeur entre l’Allemagne et la côte ouest-africaine. C’est aux Anglais que les deux firmes
devaient se fier pour recevoir de l’aide militaire contre les Africains en cas de besoin, une aide
qu’ils recevaient en général29. Cependant, une annexion du Cameroun par l’Allemagne leur
permettait de briser le monopole des duala dans le commerce avec l’arrière-pays et acheter à
meilleur prix. Durant la deuxième moitié du XIXème siècle, les rois duala envoyèrent plusieurs
lettres à la reine d’Angleterre, et au premier ministre, demandant également le protectorat
anglais30.
Photo n°2 : La factorerie de la compagnie C. Woermann aux abords du fleuve « Cameroun ». La scène
des négociations qui ont conduit à l’acquisition du Kamerun.
29
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 46.
30
L. Harding, « Le Cameroun par les sources : Le début de la servitude. Le Cameroun sous domination allemande.
Une présentation sur la base de sources écrites », 2017, en ligne, URL :
https://www.academia.edu/35394629/Le_Cameroun_par_les_sources_Le_d%C3%A9but_de_la_servitude._Le_
Cameroun_sous_domination_allemande, consulté le 15/10/2019.
31
Le premier bateau à vapeur Woermann baptisé Aline, est construit et mis au service de l’Afrique de l’Ouest. En
1884, cinq navires assurent déjà la liaison entre Hambourg et le Cameroun. Bien avant cette date, en 1881, La
société C. Woermann crée la première filiale sur le continent à Douala (voir photos 1 et 2).
P a g e | 48
démonstration de la force militaire allemande qui rassura le peuple duala qui avait peur des
représailles anglaises.32
Pour comprendre la politique des transports que les allemands adoptèrent durant la
période de leur protectorat au Cameroun, il est nécessaire d’étudier les fondements de leur
politique coloniale. Cette section nous permet d’aborder la naissance de l’impérialisme
allemand, conséquence de la révolution industrielle et du krach économique de 1873 qui s’en
suivit, et les formes et voies de communication privilégiées par ceux-ci. Il faut d’ores et déjà
mettre à leur crédit le fait d’avoir donné le premier coup de pioche du système des transports
au Cameroun.
Grâce à la révolution industrielle, le quart de siècle qui suit 1848 connut une poussée
développementaliste accélérée. Ce fut l’époque de la grande multiplication des voies ferrées
(accroissement de cinq en Allemagne, de onze en France, de près de trois en Grande-Bretagne
et de près de cinq en Belgique), de la hausse vertigineuse dans la consommation de charbon, de
puissance-vapeur, d’acier, de coton, etc., à mesure que l’Europe et l’Amérique du Nord
appliquaient la technologie britannique à leurs économies.33
32
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 46.
33
P. Gourévitch, « Étude comparative des réactions des Grandes Puissances face à la crise économique de 1873 à
1896 », Études internationales, 6 (2), 1975, p. 189.
P a g e | 49
production. La révolution industrielle provoqua une chute agricole tout en créant une dépression
industrielle particulière : les prix baissèrent mais non la production et ses coûts. L’année 1873
marqua le début de la grande dépression.
La chute aiguë de la bourse de Vienne en 1873 apparut de prime abord, comme une
baisse classique du cycle des affaires, comme en 185734 ; cependant, les prix continuèrent à
baisser, mais la production poursuivit son ascension. Bien que de nouvelles industries virent le
jour (acier, chimie, électricité, construction navale), le rendement du capital diminua et, comme
en agriculture, la concurrence se fit de plus en plus forte. Partout, les hommes d’affaires se
sentirent en période de crise et nombreux furent ceux qui entreprirent de la résoudre d’une
manière ou d’une autre35. Parmi les réponses apportées pour résorber la crise, nous pouvons
citer le protectionnisme et l’impérialisme.
En effet, à la fin des années 1870, l’empire allemand abandonna le libre échange pour
freiner les importations. Elle fut la première à introduire des tarifs douaniers protecteurs, suivie
par le reste de l’Europe, à l’exception du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark.36 La
France commença à modifier sa politique commerciale en 1881 et entra définitivement dans le
groupe des pays protectionnistes avec le tarif de Méline en 1892.37
34
Lire T. Aimar, et al., « Le cycle économique : une synthèse », Revue française d’économie, volume xxiv(4),
2009, p. 3-65.
35
P. Gourévitch, « Étude comparative des réactions… », 1975, p. 189.
36
R. Aldenhoff-Hübinger, « Deux pays, deux politiques agricoles : Le protectionnisme en France et Allemagne
(1880-1914) », Histoire & Sociétés Rurales, vol. 23(1), 2005, p. 68.
37
« La loi Méline de 1892 fait passer le taux moyen de protection douanière de 8,2 % entre 1889 et 1891 à 11,4 %
sur la période 1893 et 1895. Le tarif moyen sur les importations agricoles passe de 3,3 % sur la période 1881/1884
à 21,3 % sur entre 1893 et 1895. » Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_M%C3%A9line, consulté le
26/10/2019 à 04h05.
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européennes, de peur qu’une autre puissance ne pût la devancer. Il est donc intéressant de
rappeler ces mots de Jules Ferry :
La politique coloniale est fille de la politique industrielle. Pour les États riches, où les capitaux abondent
et s’accumulent rapidement, où le régime manufacturier est en voie de croissance continue [...], où la
culture de la terre elle-même est condamnée à s'industrialiser, l’exportation est un facteur essentiel de la
prospérité publique, et le champ d’emplois des capitaux, comme la demande du travail, se mesure à
l’étendue du marché étranger.38
Une autre industrie se développa durant cette période et encouragea la naissance des
colonies de plantations telle que celle du Kamerun : l’industrie du caoutchouc.
Le caoutchouc séché fut initialement importé en Europe en petites quantités dans des
expéditions du Nouveau Monde. À partir de 1770, de petits cubes furent vendus comme
gommes. En 1823, des imperméables Macintosh enduits d’une solution de caoutchouc-benzène
arrivèrent sur le marché en Angleterre. Cependant, ceux-ci ne se vendirent pas bien car ils
devenaient collants dans la chaleur et raides dans le froid. Charles Goodyear trouva la solution
à ce problème aux États-Unis en 1839 avec la « vulcanisation ». Il découvrit que le caoutchouc
devenait résistant à la température en ajoutant du soufre et que, selon la quantité de soufre, le
caoutchouc se transformait en caoutchouc dur ou souple élastique.39
Les premières usines de caoutchouc ouvrirent dans les années 1850 en Allemagne. En
1856, ce fut le Phoenix Gummiwerke à Hambourg-Harburg, et à partir de 1860 une usine du
français Hutchinson à Mannheim a commencé à fabriquer des chaussures imperméables à base
de caoutchouc. De nombreuses autres suivirent dans toute l’Allemagne. En 1895, il y eut 339
usines de caoutchouc en Allemagne avec 12 500 employés, dont 45 grandes entreprises de plus
de 50 employés.40 Elles produisaient une large gamme de produits allant des peignes aux textiles
imperméables, des tubes, des sangles, des bandes, des articles médicaux, des tétines pour bébés,
des tire-lait entre autres.41 Dans les années suivantes, cependant, l’industrie du caoutchouc
38
J. Ferry, 1890, Le Tonkin et la mère-patrie. Témoignages et documents, Paris, Victor-Havard, p. 40
39
Sur l’histoire de du caoutchouc, lire J.-Cl. Maillard, « “Cahuchu” (le bois qui pleure) la “success-story” d’Hevea
brasiliensis », Les Cahiers d’Outre-Mer, numéro thématique : Les plantes américaines à la conquête du monde,
Nos 179-180, 1992, pp. 423-440. En ligne, URL : https://www.persee.fr/docAsPDF/caoum_0373-
5834_1992_num_45_179_3456.pdf, consulté le 03/02/2021 à 00h46.
40
G. Rettenmaier, « Avec du sang et du fer sur du caoutchouch », Die tageszeitung JungerWelt, Édition du 2
décembre 2020, page 12, sujet « Matière première et impérialisme », en ligne : URL :
https://www.jungewelt.de/artikel/391707.rohstoff-und-imperialismus-mit-blut-und-eisen-zum-gummi.html,
consulté le 01er/02/2021 à 01h30. L’article original est en allemand, nous nous sommes servis de Google
translation comme logiciel de traduction.
41
Ibid.
P a g e | 51
42
Ibid.
43
H. U. Wehler, Bismarck und der Imperialismus, Köln, Berlin: Kiepenheuer und Witschp, 1969, p. 423, cité par
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 43.
44
G. Valbert est le pseudonyme qu’utilise Victor Cherbuliez dans la Revue des Deux Mondes. Né à Genève, il est
naturalisé français en 1880 et entre dès l’année suivante à l’Académie française. Auteur de nombreux romans, il
publie aussi des ouvrages de critiques. Source : https://www.nietzsche-en-france.fr/publications-sur-
nietzsche/valbert/, consulté le 26/05/2020 à 03h46.
45
G. Valbert, « La politique coloniale allemande », Revue des Deux Mondes (1829-1971), Troisième période, Vol.
66, No. 1 (1er novembre 1884), p. 199.
46
Ibid.
P a g e | 52
commerce de l’Allemagne prirent un essor considérable. Dès 1870, le nouvel Empire multiplia
ses usines, ses fabriques, ses manufactures de toutes espèces.47
C’est donc soumis aux principes économiques et à la pression de ses industriels que
l’Allemagne s’engagea dans l’aventure coloniale. Sa politique des transports fut justement à
l’image de ce mouvement, ancré dans l’agriculture et le commerce. Ces lignes de W. H. Solf,
ancien Secrétaire d’État au Ministère des affaires étrangères et à l’Office impérial des colonies
en Allemagne, en donnent un aperçu :
Notre empire colonial devant nous approvisionner en matières premières et rendre plus puissante notre
situation dans le monde économique en se mettant au service de notre commerce et de notre marine
marchande, il ne suffit pas que nous utilisions la seule force productive du capital ; il faut aussi que nous
développions celle du travail. […] Mais ce n’est pas seulement la transformation de l’homme qui doit être
la base de la colonisation, c’est aussi la transformation de la nature. Et il est aussi difficile de mettre ses
dons en œuvre que ceux de l’homme. Il faut déboiser les forêts vierges, dessécher les marécages, faire
des routes, construire des chemins de fer. Tels sont, en peu de mots, quelques-uns des travaux qui
incombent aux peuples colonisateurs s’ils veulent tirer profit de leurs colonies. 50
47
Lire J.-L. De Lanessan, L’Empire germanique sous la direction de Bismarck et de Guillaume II, Paris, Librairie
Félix Alcan, 1915. En ligne, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112788x.pdf, consulté le 03/02/2021 à
02h34.
48
Ibid.
49
La Deutsche Kolonialgesellschaft (DKG), que l’on peut traduire en français par la Société coloniale allemande,
a été créée en 1887 par la fusion de la Gesellschaft für Deutsche Kolonisation (1884) et de la Deutschen
Kolonialverein (1882). Cette société, grâce à ses départements nationaux et à l’étranger, était la plus grande et la
plus influente association de ce genre dans l’empire allemand et la République de Weimar. L’une des subdivisions
de la DKG étaient le Kolonialwirtschaftliches Komitee (Comité économique colonial) (1896). Ce dernier avait
notamment pour objectifs : la promotion de la production de matières premières dans les colonies dans l’intérêt de
l’industrie nationale et de la nutrition populaire ; l’augmentation des ventes de produits industriels nationaux, en
particulier ceux de l’industrie des machines dans les colonies ; le développement du trafic avec et dans les colonies,
en particulier le réseau ferroviaire.
Source : en ligne, URL : http://www.ub.bildarchiv-dkg.uni-frankfurt.de/Bildprojekt/DKG/DKG.htm, consulté le
27 octobre 2019 à 15h52.
50
W. H. Solf, Politique coloniale. Mon testament politique, Berlin, Reimar Hobbing, 1919, pp. 26-27
P a g e | 53
très avantageuses, cela en appuyant sur le levier patriotique.51 Ce furent donc surtout des intérêts
particuliers qui dirigèrent la politique coloniale et par ricochet, la politique des transports,
puisque la tendance principale dans la politique coloniale était d’offrir aux intérêts économiques
des conditions favorables à leurs entreprises coloniales, c’est-à-dire d’abord la pacification, des
infrastructures, l’administration coloniale et cela sans participation financière de la part des
acteurs privés.52 Ceux-ci cherchaient au Cameroun des débouchés pour leur surproduction, une
amélioration de leurs conditions d’approvisionnement et cela à des coûts aussi faibles que
possible.
Quels que furent les motifs pour lesquels Bismarck engagea l’empire dans l’aventure
coloniale, une constance demeura : les potentialités d’enrichissement qu’offraient les côtes
camerounaises pour les hommes d’affaires allemands furent l’une des raisons principales de
cette annexion. Deux textes nous permettent de mieux comprendre les choix coloniaux
allemands :
Texte 1 :
L’élément le plus important de la colonisation est son bénéfice pratique. Nous devons une fois pour toutes
maintenir le principe que nos colonies doivent ouvrir des débouchés nouveaux pour le commerce
allemand et l’industrie allemande. Le capital allemand n’a pas pour tâche de servir les efforts humanitaires
et religieux, certes louables, mais souvent très peu pratiques et même nuisibles. Un état ne doit pas céder
à de telles aspirations, sinon il risque de déclencher des guerres sanguinaires et de pousser le pays à la
ruine.53
Texte 2 :
Colonisation, qu’il s’agisse de colonies de plantation ou de colonies de peuplement, veut dire la mise en
exploitation du sol, de ses trésors, de la flore, de la faune et surtout des hommes au profit de l’économie
de la nation colonisante. Celle-ci, en revanche, est obligée à transférer sa culture supérieure, ses concepts
moraux, ses méthodes plus efficaces. Avec tout cela seront installés une autorité nouvelle, une langue
nouvelle, un droit nouveau et avant tout une foi nouvelle, des concepts de morale nouveaux, l’école, qui
dans leur ensemble jetteraient même un Européen dans le désarroi. Mais c’est l’indigène qui est l’objet le
plus important de la colonisation, particulièrement dans toutes nos colonies de plantation. Puisque, Dieu
merci, l’esclavage est aboli et la main d’œuvre adaptée ne peut être trouvée que par voie de contrat dans
d’autres colonies ou dans nos propres possessions et puisque la prestation manuelle des indigènes
constitué l’actif le plus important, une tâche d’importance capitale se présente.
Autrefois, la colonisation était basée sur des moyens de destruction alors qu’aujourd’hui on peut coloniser
avec des moyens de conservation. Le missionnaire en fait partie, aussi bien que le médecin, le chemin de
fer, la machine, autrement dit les sciences supérieures, tant théoriques qu’appliquées, dans tous les
domaines.54
51
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 45.
52
Ibid.
53
S. Passarge, Adamawa. Rapport de l’expédition du comité allemand pour le Cameroun au cours des années
1893-1894, Paris, Karthala, 2010 (1895), p. 527.
54
B. Dernburg, Zielpunkte des deutschen Kolonialwesens, Berlin, Vorträge, 1907, p. 5-10 (Traduction : L.
Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 15).
P a g e | 54
Le Cameroun était donc considéré par les Allemands comme débouché et marché de
production, il ne pouvait réaliser cette double vocation en l’absence d’un système de
communications régulier et relativement peu onéreux, entre les lieux de production et les lieux
de consommation. La circulation des biens était au centre des intérêts économiques et politiques
du protectorat. Mais en attendant qu’une solution définitive fût trouvée à ce grave problème,
l’évacuation des produits de l’arrière-pays sur la côté, continuait à se faire à dos d’hommes. Les
inconvénients de ce mode de transport rendaient encore plus sérieux du fait de la précarité des
routes capables d’assurer, en toutes saisons, le passage des caravanes. En menant dès les
premières années du protectorat, une campagne intense en faveur de la construction des routes,
le gouvernement cherchait donc avant tout le moyen de faciliter le déplacement des porteurs.
Les dimensions d’une si grande entreprise ne pouvaient être étreintes par les faibles moyens
financiers dont disposait l’Administration locale ; celle-ci dut mettre à profit toutes les
occasions qui s’offraient à elle, pour hâter et étendre la construction des routes.
Les objectifs de l’économie coloniale au Cameroun comme dans les autres colonies,
étaient donc orientés vers l’approvisionnement des métropoles en biens d’exportation d’ordre
agricole ou minier, et vers la création de nouveaux débouchés pour les produits industriels ou
autres des métropoles. Les produits destinés à l’exportation ne devaient pas être traités sur place,
l’établissement d’une industrie manufacturière n’étant pas prévu. De même, une modernisation
de l’agriculture, des cultures et des méthodes de traitement des sols, et en général une
amélioration des conditions de vie de la population n’entraient pas dans la politique économique
du pouvoir colonial. Par conséquent, deux économies parallèles se sont constituées : d’une part,
l’économie coloniale, orientée vers les besoins ou demandes du colonisateur ou du marché
mondial et profitant d’investissements continus ; d’autre part, l’économie locale, destinée à
procurer des biens de consommation locale, n’était pas censée profiter d’investissements. Au
contraire, la main-d’œuvre et des sols lui étaient retirés.55
55
Lire L. Famechon, Étude politique…, 1916, p. 135-152.
P a g e | 55
main-d’œuvre abondante, mal payée et sans droits, était mise à sa disposition pour les travaux
de construction, le portage, les services ou le travail des plantations.56
À cause des conditions climatiques, le [Kamerun], à l’exception de quelques parties du plateau, ne pourra
pas devenir une colonie de peuplement. Pour les Européens sa valeur économique consiste principalement
dans sa fonction de débouché et de producteur. Or les importations et les exportations exigeront à côté
des capacités naturelles de production une liaison entre les sites de production et les sites de
consommation. C’est pourquoi le problème de l’infrastructure et du trafic est au premier plan des intérêts
économiques.57
Le but visé par chaque infrastructure des transports était défini et détaillé par
l’administration coloniale et les représentants des acteurs économiques sur place, à savoir par
le Gouverneur et son Conseil (Gouvernementsrat en allemand) ainsi que par des représentants
des sociétés de concessions, des sociétés de plantation, des maisons de commerce et des
entrepreneurs ou planteurs individuels européens.58 Ces constructions devaient servir le
fonctionnement et l’amélioration du commerce extérieur et l’administration de la colonie. Elles
n’étaient pas orientées vers les besoins ou souhaits de la population locale.
56
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 94.
57
Ibid.
58
Ibid.
P a g e | 56
apportaient les nouvelles. Les Allemands espéraient trouver là un pouvoir d’achat pour les
surcapacités industrielles de l’Allemagne. De plus, ils voulaient se procurer la main d’œuvre
dont les besoins ne faisaient que s’accroitre, en mesure que la colonie s’agrandissait, et
empêcher les flux commerciaux depuis l’arrière-pays camerounais vers le Calabar anglais et le
Gabon français.
Traders were most eager to have the Government break through the native monopoly and gain access to
the wider markets and less expensive products of the interior. The Woermann firm and that of Jantzen &
Thormahlen both petitioned to this end; and the Colonial Society in its annual session urged the
Government to take the steps necessary for getting control of the hinterland. A fear that the French and
the English approaching the interior from the Congo and from the Niger might get the Cameroons'
hinterland trade and cut off all expansion eastward was among the reasons advanced for prompt action.
The program would have called for explorations, for soldiers to protect whites against native monopolists,
for the construction of roads, and for the erection of garrisons to protect trade. 59
Early budgets had very few items, the grants being made in lump sums that permitted a large measure of
freedom in their expenditure. It was a necessary device at a time when the complete lack of colonial
experience made impossible any itemization of appropriations. The first regular budget provided for a
59
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, pp. 144-145.
60
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 48
61
Ibid.
62
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de 1922 à 1960 :
mutations économiques et sociales », thèse de doctorat en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006, p. 36.
P a g e | 57
joint grant to all three colonies in West Africa, Togo, the Cameroons, and South-West Africa, without
itemizing expenditures for the individual colonies. Later, separate budgets for each colony were made
out, although colonial budgets were parts of the Foreign Office budget until 1907. With the passing of
time a stricter allocation of funds was required by detailed specification. 63
Le financement de cette administration coloniale se faisait d’abord par des crédits assez modestes de
l’Allemagne, et par les recettes fiscales internes. À partir de 1885, des impôts étaient prélevés sur
l’exportation d’huile de palme et de palmistes, à partir de 1887 remplacé par un impôt sur l’importation
de certains biens. À partir de 1900, un impôt général à l’importation était prélevé, et entre 1899 et 1913
également sur l’exportation de caoutchouc. À partir de 1903, l’administration coloniale introduisit un
impôt pour les camerounais sous forme d’impôt de capitation, au début seulement auprès des Doualas,
ensuite à partir de 1907 dans tout le sud du pays. Ce délai s’explique par l’opposition majeure des Doualas
envers cet impôt. En partie le recouvrement des impôts de capitation était délégué aux chefs qui recevaient
jusque 10% de la somme collectée. Malgré l’opposition initiale, les recettes collectées ont rapidement
atteint des proportions importantes. Suite à cette introduction de l’impôt de capitation, le financement de
l’administration reposa de plus en plus sur la population locale plutôt que sur les activités européennes.65
Il faut aussi noter que certaines dépenses extraordinaires étaient financées grâce à un
fonds africain, dont les objectifs étaient le financement des études scientifiques, l’exploration
et l’amélioration des conditions de navigation dans certaines rivières du Kamerun.66
63
H. R. Rudin, Germans in Cameroons…, 1938, p. 144.
64
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 58.
65
M. Fark-Grüninger, « La transition économique…», 1995, p. 47.
66
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 59.
P a g e | 58
Les Allemands purent tout de même agir sur le territoire. Les transports routiers furent
principalement marqués par le portage. Préexistant à la colonisation, il connut une grande
augmentation durant cette période. Au portage furent associées des routes pour les
déplacements de véhicules roulants. Cependant, le climat tropical qui caractérise le Cameroun
n’offrait pas une praticabilité en tout temps de ces routes. L’entretien en était donc coûteux.
67
H. R. Rudin, Germans in Cameroons…, 1938, p. 423.
68
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 60.
69
Ibid. p. 61.
70
Ibid.
71
Ibid. p. 62.
P a g e | 59
Dès lors, les colons pensèrent aux voies ferrées pour l’évacuation des denrées issues des grandes
plantations. Là aussi, l’œuvre fut freinée par les coûts élevés. Les voies fluviales apparaissaient
alors comme une des alternatives les moins coûteuses. À la fin du protectorat en 1916, ces
différentes voies, routières, ferroviaires et fluviales, constituaient quasiment une chaîne de relai,
de telle sorte qu’à une route, se substituait un fleuve, qui lui-même rejoignait une route donnant
accès au rail et finalement à la mer.
Article 1 : Seules des personnes adultes, saines et capables de travailler peuvent être engagées comme
porteurs.
La charge maximum à porter par porteur ne doit pas dépasser les 30 kilos. De plus, 5 kilos de nourriture
ou de produits de troc pour l’achat de ravitaillement peuvent être ajoutés.
Par dix porteurs, un porteur de remplacement doit être engagé.
§ 2 Chaque caravane (groupe de deux ou plus porteurs) doit être dotée d’un guide, nommé expressément
par l’employeur ou son agent.
Au départ d’un porteur ou d’une caravane l’employeur ou son agent doivent les munir d’une carte datée
et signée contenant :
- le nom de l’employeur ;
- le nom du guide de la caravane ou du porteur, le nombre des porteurs et leur appartenance tribale ;
- le nombre de charges ;
- le jour du départ ;
72
Nous empruntons cette expression à A. F. Dikoumé, « Le portage… », 1985.
73
Ibid., p. 8.
74
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 101.
75
Ibid. Lire aussi L. Famechon, Étude politique…, 1916, pp. 125-132.
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- la destination ;
- les stations à passer ;
- le nombre des jours de ravitaillement.
…
§ 4 Les caravanes doivent se signaler en groupe aux stations et postes.
§ 5 Les expéditeurs et guides des caravanes de porteurs doivent munir celles-ci, selon les circonstances,
d’argent liquide, de produis de la terre ou de troc en quantité suffisante. Le gouverneur peut, après
consultation avec l’administration locale, fixer un montant du ravitaillement pour certains districts. …
§ 6 Les localités proches des routes caravanières sont obligées à livrer aux caravanes le ravitaillement
fixé par l’administration ou au prix de l’usage local. Si elles en sont incapables, elles doivent se procurer
une attestation des autorités de leur district….
Ces autorités doivent en informer les firmes au plus tôt.
§ 7 Des porteurs individuels ne sont pas autorisés à passer la nuit dans les localités, si celles-ci sont dotées
d’auberges. Dans les autres localités les chefs doivent si possible procurer un abri. Une somme de 5
Pfennig par porteur et par nuit doit être versée au chef.
…
Article 10 : Pour atteindre leur lieu de destination ou les postes de passage prescrits, il est interdit aux
porteurs de mettre plus de temps que celui fixé et annoncé par le gouvernement. Pour les trajets non
encore fixés, un total de trois, au maximum quatre heures de marche en moyenne, est prévu. Après cinq
jours de marche un jour de repos est admis….
Ce décret fixait aussi le nombre de jours de marche pour chaque trajet. En voici
quelques-uns au départ de Bamenda :
Les commanditaires passaient deux types de contrats avec les porteurs : « ceux qui
s’engageaient pour six mois seulement avaient un salaire de six marks par mois, ceux qui
P a g e | 61
optaient pour huit ou douze mois gagnaient respectivement huit et neuf marks par mois. »76
Albert François Dikoumé nous fait savoir que les porteurs recevaient la moitié de leur salaire
pendant que courait leur contrat et le reste à son expiration.77
Pour justifier cette pratique, les employeurs arguaient souvent qu’ils agissaient ainsi, non seulement afin
de protéger leurs propres intérêts en empêchant l’autre partie de s’enfuir avant l’expiration du contrat,
mais aussi ajoutaient-ils cyniquement, parce qu’ils voulaient protéger leurs porteurs contre leurs propres
excès et la rapacité des chefs traditionnels qui n’hésitaient pas à confisquer leurs revenus. C’était une
excuse bien facile qui arrangeait les traitants. Elle leur permettait non seulement de faire chanter les
porteurs en agitant l’épouvantail du retour au village sans pécule, mais ils réalisaient aussi des économies
en renvoyant leurs salariés pour des vétilles quelques jours avant l’expiration du contrat. […] Les porteurs
étaient en grande partie payés en produits importés. L’administration coloniale essaya, mais en vain, de
faire accepter aux employeurs d’intéresser leurs employés en espèces. 78
En effet, l’arrêté du 17 avril 1907 fixait les modalités de payement de ces travailleurs.
Ainsi, « tout employeur [était] tenu de payer en argent liquide le salaire intégral de ses serviteurs
ou travailleurs. Il [pouvait] leur fournir des vivres en nature, mais non leur avancer des
marchandises à crédit, à valoir sur leur salaire à venir. »79 Les peines encourues par les
contrevenants étaient : une amende de 150 à 1000 marks pour les européens ; et la prison pour
les indigènes, selon le code de l’indigénat.80
Il faut pourtant préciser que les abus sur le salaire n’étaient qu’une partie de ce que
subissaient les porteurs. Dans l’Ordonnance sur le travail du 24 mai 1909, il était recommandé
aux employeurs de prendre soin de la santé des porteurs. Ainsi, les ouvriers devaient être logés,
nourris et soignés gratuitement.81 La suite de l’Ordonnance se voulait plus précise quant à la
prise en charge sanitaire des ouvriers :
Tout employeur qui [avait] à son service plus de 50 ouvriers [devait] construire une salle d’infirmerie
pour les malades et une salle d’isolement pour les contagieux. […] En outre, l’entretien d’un infirmier
noir [était] imposé aux employeurs de 100 à 500 travailleurs, et un médecin ou au moins un infirmier
blanc à ceux dont le personnel [dépassait] cet effectif. 82
Plus intéressés par les bénéfices pécuniaires que par le sort de leurs employés, l’essentiel
des lois édictées par les gouverneurs ne furent jamais respectées. Les conditions de vie
76
A. F. Dikoumé, « Le portage… », 1985, p. 8.
77
Ibid.
78
Ibid.
79
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 125.
80
Ibid.
81
Ibid, p. 128.
82
Ibid.
P a g e | 62
générales des porteurs demeuraient précaires. Les risques de santé dans un environnement
inconnu, loin du village d’origine et de la famille, n’étaient pas pris en considération.
Une catégorie de la population semble encore moins bien lotie que les ouvriers agricoles : celle des
porteurs. Le portage constitue réellement le fléau social des premières années de la colonisation. À
l’époque où les voies de communications sont encore embryonnaires, seules existent les pistes
piétonnières, d’où un va-et-vient incessant de colonnes interminables de porteurs entre la côte et
l’intérieur du pays. Hommes, femmes et enfants sont réquisitionnés à cet effet, sans égard à leur
constitution physique ni leur état de santé, ce qui provoque le quasi-dépeuplement de nombreux villages
de la zone forestière du Cameroun, par suite de l’éloignement forcé de la main-d’œuvre et par une baisse
de la fécondité due aux séparations des couples, mais aussi par une mortalité très élevée. De plus, les
populations des régions traversées se plaignent souvent des comportements des porteurs étrangers à la
région et le portage a été considéré comme un vecteur important des maladies vénériennes, ce qui est tout
à fait comparable au rôle attribué aux transporteurs modernes en la matière. 83
Être porteur était un métier difficile. Il fallait traverser des milieux hostiles. Le portage
vidait les villages et semait la famine.84 Compte-tenu de l’importance économique des
transports, il fallait malgré tout encourager les populations à s’engager dans le portage. Ainsi,
les porteurs de l’armée et de la police par exemple, étaient exonérés de l’impôt de capitation,
tout autant que les ouvriers recrutés par l’administration et affectés aux travaux de construction
des chemins de fer.85 Face à la nécessité d’une exploitation intensive des ressources du
territoire, le portage s’avéra bien vite inapproprié.
Les porteurs parcouraient de longues distances avec des charges lourdes pour eux, et
moindres au regard des besoins des commerçants et des exploitants de plantations. De plus, la
précarité des pistes, impraticables en toute saison, rallongeait la durée du parcours. N’ayant pas
toujours la nourriture nécessaire à leur subsistance, les porteurs se livraient à des pillages dans
les plantations le long de leur route. Ce qui générait des pertes pour l’employeur, obligé de
payer les dégâts causés par ses employés. Enfin, les dépenses liées au portage devenaient de
plus en plus lourdes, de sorte que les « bénéfices commerciaux devaient nécessairement
diminuer en proportion de l’éloignement des régions productrices par rapport à la côte ».86 Il
faut ajouter à ces contraintes que, certains produits tels que le bois n’étaient pas exploités car
83
P. Gubry, « Contribution à l’histoire de la mortalité au Cameroun (1890-1914). L’apport de Kuszinsky », in J.
Némo (éd), Populations du Sud et santé : parcours et horizon : hommage à Pierre Cantrelle, Paris : ORSTOM,
1995, p. 164-165.
84
Les premières années [de la colonisation allemande] on s’était contenté du portage. Ce fut un véritable fléau
pour le pays, car cette corvée se pratiquait dans des conditions inhumaines et les pistes de caravanes furent de tout
temps jalonnées de cadavres. La guerre trouvera le portage aussi vivace qu'au début, malgré le développement du
réseau routier. Entre Yaoundé et Kribi, en 1913, près de 80 000 porteurs s’épuisaient pour relier l’arrière-pays à la
côte. À Lolodorf quotidiennement, on voyait passer mille porteurs chargés du caoutchouc des forêts de
Yokadouma. (Source : E. Mveng, Histoire du Cameroun, Yaoundé, CEPER, 1963, p. 322).
85
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 182.
86
F. Etoga Eily, Sur les chemins…, 1971, p. 268.
P a g e | 63
ne pouvant pas être acheminés vers la côte. Une autre constance en rajoutait aux inconvénients
du portage, les abus des entreprises, qui donnaient aux porteurs des charges plus lourdes que ce
qu’autorisait la réglementation.87 Dès lors se posa la nécessité de construire des voies de
communication plus modernes, dans une zone où l’exploitation économique était basée sur le
commerce et les plantations.
À mesure que les grandes factoreries s’installaient, et que les plantations grandissaient
en superficie, le problème de main-d’œuvre se posait, marqué par une concurrence entre les
sociétés commerciales et les plantations. Les premières avaient besoin de porteurs pour apporter
le caoutchouc de la forêt vers la côte, et en emporter les marchandises européennes. Les
secondes par contre, souhaitaient conserver une main d’œuvre permanente. Engelbert Mveng
estime par exemple que pour la région de Mungo, il fallait 20 à 50 000 porteurs pour le trafic
commercial et les grandes concessions, et 5 à 10 000 manœuvres dans les plantations de Tiko,
Kumba, Mbanga et Njombé.88 Cette situation poussa l’administration allemande à mettre en
chantier un programme de voies de communication plus efficaces que le traditionnel portage.
La création des nouvelles plantations et l’augmentation du commerce met à jour un nouveau problème
entre les commerçants et les planteurs. La rude concurrence qu’ils se livrent favorise les commerçants par
des conditions de travail exécrables dans les plantations. Beaucoup de travailleurs les abandonnent pour
chercher des emplois dans le secteur du transport des marchandises vers la côte. Occasionnellement, ces
deux groupes rivaux coopèrent pour soutirer au gouvernement les travailleurs du chemin de fer. 89
87
J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’ouest, Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, N° 98, Paris, 1983, p. 63.
88
Ibid.
89
F. Eyelom, « Origines et circonstances immédiates du partage du Cameroun entre la France et l’Angleterre
pendant la Première Guerre mondiale », Thèse de doctorat PhD en Histoire, Université de Montréal, 1997, p. 80.
90
Lire J. Flonneau, « L’Empire allemand (1871-1918) », in Flonneau J., Le Reich allemand : De Bismarck à Hitler,
1848-1945, Paris: Armand Colin, pp. 11-91.
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In 1901-2 financiers and others interested in the construction of a railroad in the Cameroons got their
preliminary concession from the Government, having the promise of a permanent one after a route with
all necessary details had been given official approval. Their plan called for the construction of a line
from Victoria into the hinterland of Mt. Cameroon. It was abandoned in 1901 because of a wish not to
compete with the narrow-gauge railroad being built by the large Victoria Plantation Company. In 1904
the actual survey of a second route was begun in the colony. It was to be constructed from Bonaberi, the
native village across the Cameroon River from Douala, and was to run north-east into the Manenguba
hills. The actual survey discovered that the railroad would cost a good deal because swamps, ravines,
and hills necessitated numerous bridges and devious routings. The backers of the project were unwilling
to run the risk that so expensive a railway should fail and they therefore asked the Government to
guarantee the investment of the Kamerun Eisenbahngesellschaft against loss […]. On May 4th, 1906,
however, the bill guaranteeing the investment against loss was passed. 93
91
F. Eyelom, « Origines et circonstances immédiates du partage du Cameroun… », 1997, p. 74.
92
Ibid.
93
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, p. 239.
94
L. Famechon donne des dates différentes. Il situe la création de la compagnie des chemins de fer le 19 juin 1906.
Ce fut, d’après lui, le 6 mars 1907 que la construction de la ligne Douala-Mt Manengouba fut confiée à la société
allemande de construction et d’exploitation des chemins de fer coloniaux pour la somme forfaitaire de 16 640 000
marks. La convention fut approuvée par le Chancelier le 6 mars 1907, et donnait un délai de quatre ans pour
l’achèvement du chantier. La ligne fut livrée en totalité à l’exploitation le 1 er avril 1911, avec 40 jours de retard
(L. Famechon, Étude politique…, 1914, pp. 58-59).
95
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 66.
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Photo n° 3 : Travaux de terrassement réalisés en 1910 dans la région de Ndunge sur la voie ferrée du Nord
96
J. Champaud, Villes et campagnes..., 1983, p. 64.
97
Ibid.
P a g e | 66
Bien que les Allemands eussent en projet un prolongement de la voie vers le Nord (d’où
le nom de ce tronçon), ils reculèrent devant les difficultés techniques de la montée sur le plateau
en direction de Dschang.98
Philippe-Blaise Essomba101 nous explique pourquoi Douala fut finalement choisie par
le ministre des colonies Dernburg :
- Douala disposait d’un meilleur port que celui de Kribi, qui n’était qu’un port de
chalandage, avec un ensablement plus accentué ;
- Douala offrait plus de facilités de transporter les soldats vers l’intérieur du pays ;
- Douala était plus proche du bassin agricole du Moungo ;
Il faut pourtant préciser que le choix de Douala n’était pas qu’économique, il était aussi
politique, comme le précise le gouverneur Théodore Seitz :
Du point de vue politique la construction du chemin de fer Douala-Yaoundé me semblait encore plus
importante. Quoiqu’on puisse atteindre Douala et Yaoundé dans de bonnes conditions en 7 ou 8 jours
(depuis que la route Edéa - Yaoundé est ouverte et qu’on évite le trajet par mer de Douala à Kribi), une
communication directe et indépendante d’influence extérieure entre Douala et Yaoundé est devenue un
besoin irréfutable à cause de l’importance croissante de Yaoundé. On comprenait très bien pourquoi les
firmes qui avaient leurs biens installés à Kribi et dans d’autres places de la côte, disaient que la
construction d’un chemin de fer Douala-Yaoundé entraverait beaucoup leurs intérêts économiques,
puisqu’un tel chemin de fer attirerait nécessairement une grande partie du commerce de la circonscription
de Yaoundé et de son arrière-pays vers Douala. Le gouverneur, cependant, jugea cette question d’un autre
98
Ibid., p. 65.
99
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 63.
100
Ibid., p. 64.
101
Ph.-B. Essomba, « Routes et transports au Cameroun à l’époque allemande de 1884 à 1914 », Mémoire de
Maîtrise, Université de Strasbourg, 1982, p. 60.
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point de vue. Si le commerce de Yaoundé s’orienta vers Kribi et non vers Edéa plus proche, c’est parce
que les premières expéditions étaient parties de Kribi... Mais tôt ou tard (les firmes du Sud auraient dû le
prévoir), le commerce de Yaoundé allait trouver un chemin naturel d’Édéa vers Douala. Le moment
politique fut décisif pour moi : Yaoundé s’étant développé comme centre politique, c’est à partir de là
seulement que le Sud pouvait être gouverné. Kribi d’ailleurs n’avait qu’un rôle secondaire. La
communication ferroviaire entre Douala et Yaoundé permettait ainsi au Gouvernement de faire intervenir,
en toute occasion, une force considérable dans le centre le plus important du Sud.102
Il faut préciser que les Allemands projetaient la construction de deux grandes voies de
pénétration, qui auraient assuré l’exploitation de l’arrière-pays et étendu leur action jusqu’aux
possessions voisines. L’une dirigée vers le Nord, jusqu’aux territoires du Tchad, aurait soustrait
ces régions à l’influence de la Nigeria anglaise ; l’autre poussée vers l’Est et le Sud-Est,
jusqu’aux artères fluviales du bassin du Congo, en aurait accaparé une partie du trafic.105 Il
semble que, peu avant 1914, le prolongement de la Nordbahn, trop excentré et qui présentait
de sérieuses difficultés d’exécution pour la traversée de hautes régions montagneuses, avait été
abandonné au moins au-delà du Bamoun ; l’accès au Tchad était alors décidé par un
102
Théodor Seitz, cité par R. Gouellain, Douala, ville et histoire, Instltut d’ethnologie, Musée de l’homme, Paris,
1975, pp. 122-123.
103
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 68.
104
Ibid., pp. 68-69.
105
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun.
Pour l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 113.
P a g e | 68
embranchement greffé sur la ligne de l’Est et contournant vers l’Est le plateau central du
Cameroun pour déboucher ensuite au Nord dans les plaines de la Bénoué.106 La ligne de l’Est
restait la voie principale, qui dans l’esprit de ses promoteurs aurait constitué l’amorce d’un,
grand transafricain Douala-Dar-es-Salam107.
La première phase de ce vaste programme était en voie de réalisation par la construction du premier
tronçon du « Mittelandbahn » : Douala-M'Balmayo, kilomètre 284, tête d’un bief navigable supérieur,
250 kilomètres de longueur. En 1914, la ligne était en exploitation jusqu’à Eséka, kilomètre 173, et en
construction sur les vingt kilomètres suivants ; son achèvement était prévu pour le milieu de 1916.
Renonçant à poursuivre la ligne vers le Sud-Est, les Allemands entreprenaient, en même temps en
direction de Yaoundé, Leng-Deng, les études de la future grande ligne de l’Est dont l’exécution passait
en première urgence.108
106
Ibid.
107
Ibid.
Lucien Famechon évoque aussi ces projets : « En ce qui concerne les chemins de fer, écrit-il, le programme
d’ensemble, publié parmi les documents officieux du journal officiel des Colonies de Berlin, est extrêmement
étendu et prévoyait la construction de 3000 kilomètres de voies ferrées à 1 mètre d’écartement. » (L. Famechon,
Étude politique…, 1914, p. 56).
108
Rapport annuel du gouvernement français…, 1923, pp. 113-114.
109
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 67.
110
Le gouverneur Théodor Seitz note à ce propos que : « l’amélioration des voies de communication était restée
en retard par rapport au développement du Protectorat, d’une façon presque fatale pour l’avenir du pays et de sa
population. Tout le réseau routier ne consistait qu’en pistes indigènes qui furent de temps à autre nettoyées sous la
pression de l’administration locale. Celles qui ressemblaient un peu à des routes n’étaient que le chemin de Victoria
à Bouéa (qui fut de temps en temps emprunté en voiture par des gens téméraires) et quelques tronçons de la route
Kribi-Yaoundé ». Cité par R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, pp. 120-121.
111
V. Goloubinoff, « Du protectorat allemand au mandat français. Le Cameroun en 1917-1918, vu par Frédéric
Gadmer, photographe militaire », ECPAD – pôle des archives – fonds première guerre mondiale, décembre 2013,
p. 10.
P a g e | 69
Un effort vraiment remarquable avait été fait par les Allemands pour doter le Cameroun d’un réseau
routier comme je crois qu’il en existe peu dans nos colonies de l’Afrique tropicale. J’ai été frappé de la
somme de travail que représente l’établissement de voies de communication. 112
Ces routes avaient deux visées dépendantes l’une de l’autre : l’exploitation économique
et la soumission des populations du territoire à l’autorité allemande, bien souvent appelée
« pacification », vocable qui cache mal les exactions qui ont été commises par les militaires
allemands.113 Si l’Allemagne voulait consolider son autorité et sa domination économique au-
delà des régions côtières, il fallait rompre le monopole du commerce intermédiaire des Duala,
des Bakoko et de leurs voisins, et ensuite occuper l’intérieur et le Nord de la colonie. Cela
passait par la construction de routes.
Une série d’expéditions fut organisée pour prendre contact avec les différents peuples
et leurs chefs. Or ces expéditions avaient besoin de protection militaire si elles n’étaient pas dès
leur départ des tentatives militaires de conquête. Après plusieurs expéditions dispersées,
menées par des explorateurs ou des militaires, une approche systématique s’imposait. Une telle
stratégie fut développée par le nouveau Gouverneur Von Puttkamer114, dès son arrivée en 1895.
De concert avec le Dr Von Brauchitsch et le Lieutenant Hans Dominik il mit sur pied un plan
de conquête pour le Nord et l’intérieur du territoire. Leur préoccupation était donc la
« pacification », la soumission des peuples et de leurs chefs et la suppression du monopole
commercial exercé par les Duala et les peuples de l’intérieur, surtout par les Bakoko, le long du
fleuve Sanaga.115
Une expédition punitive contre les Bakoko s’imposait, pour explorer et pacifier le protectorat dans cette
région et pour créer une liaison entre Edéa et Yaoundé. Ensuite la soumission des tribus pillardes Wute
et de leurs voisins, des Balinga, Bati et d’autres devait être lancée, et une pénétration graduelle du sud de
112
J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’ouest, Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, N° 98, Paris, 1983, p. 75.
113
J. Champaud nous parle de cette orientation politique des routes : « la situation du pays bamiléké est assez
particulière dans cet ensemble, il bénéficie d’une façon générale d’un bon réseau de pistes qui a été développé
notamment à l’occasion des opérations de pacification », (Ibid., p. 110).
114
Au Kamerun, Jesko Von Puttkamer, quatrième gouverneur, est considéré comme l’un des plus brutaux de la
colonie. En effet, le régime d’oppression militaire développé par Puttkamer est marqué par une succession de
scandales atroces. Reconnu en Allemagne comme un joueur et un débauché avant sa nomination, il est choisi en
raison de ses liens familiaux avec Bismarck. L’argent du budget destiné à la construction des routes est utilisé pour
construire des villas aux concubines africaines des officiers allemands et de Puttkamer. Le gouverneur admet que
ses officiers ont le droit de mutiler tous les natifs soupçonnés d’avoir des rapports avec les femmes natives
réservées et entretenues par les officiers. Le gouverneur touche, sous forme de dividendes d’actions, les
commissions sur les entreprises commerciales privées qu’il favorise. (Source : F. Eyelom, « Origines et
circonstances immédiates du partage du Cameroun… », 1997, pp. 75-76).
115
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 39. Les expéditions allemandes ont été décrites dans
de nombreuses publications, parmi lesquelles : E. Mveng, Histoire du Cameroun. Tome II, Yaoundé, CEPER,
1985; V. J. Ngoh, Cameroon, 1884-1985. A Hundred Years of History, Yaoundé, Navi-Group Publications, 1987;
M. Z. Njeuma (éd.), Histoire du Cameroun (XIXe s. – début XXe s.), Paris, L’Harmattan, 1989.
P a g e | 70
l’Adamaoua. Au Nord la première tâche était la réouverture de la route de Bali, le renouvellement des
contacts avec Garega de Bali et l’établissement de l’ordre à la frontière anglaise au nord de Rio del Rey
et au nord de la rivière Cross […]. M. von Brauchitsch avait rapporté de nombreuses nouvelles
préoccupantes des régions insurgées : il n’existait pas de liaison commerciale dans l’arrière-pays d’Edéa,
et les chefs bakoko auraient déclaré unanimement, devant des assemblées de leurs peuples que tout blanc
qui oserait mettre ses pieds dans leur pays serait tué et mangé. Les bakoko étaient bien armés et prêts à la
guerre. Dans ces circonstances il était évident qu’une intervention sévère s’imposait pour enfin mettre un
point de départ à la conquête de la colonie.116
La politique des routes fut définie et détaillée par l’administration coloniale et les
représentants des acteurs économiques sur place, à savoir par le Gouverneur et son Conseil,
ainsi que par des représentants des sociétés de concessions, des sociétés de plantations, des
maisons de commerce et des entrepreneurs ou planteurs individuels européens. Ces
constructions devaient servir le fonctionnement et l’amélioration du commerce extérieur et de
l’administration de la colonie.
Aux abords des villes ou des campements d’étape et même en pleine brousse, les routes
étaient pourvues de caniveaux et de systèmes de drainage, parfois bordées de végétation
décorative ou d’arbres destinés à ombrager le passant. Ainsi, au départ des Allemands, le
Cameroun possédait près de 400 km de routes praticables et bien entretenues.118 À propos des
routes allemandes, Nlende Nzume nous donne cette précision :
The first motorable road, which was built by the Germans, ran parallel to the boundary from Douala
through Mbanga, Loum, Manjo, Nkongsamba, and Melong to the Western Province. This was the sole
motorable road that transported persons and goods from Northern Nigeria through Northern Cameroon,
the Western, and Littoral Provinces to the coast. The road was in the French administered zone but was
used by both the British and the French administered peoples. It really was the only way by which people
could move from the Victoria and Kumba Divisions to the Bamenda Division. The French maintained this
116
Source : Jesko von Puttkamer, Gouverneursjahre in Kamerun, Berlin, éd. G. Stilke, 1912, p. 42-43. Traduction
de Leonhard Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, pp. 40-41. Le livre de Puttkamer est disponible
en version PDF téléchargeable en ligne, URL : https://brema.suub.uni-bremen.de/dsdk/content/titleinfo/1853099,
consulté le 03/02/2021 à 08h55.
117
A. Owona, « La naissance du Cameroun… », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973, p. 19.
118
Great Britain, Foreign Office, Cameroon, H.M. Stationery office, London, 1920, p. 31.
P a g e | 71
major road and tightened their control on the heavy flow of goods especially that which was directed to
the seaport in Douala.119
Photo n° 4 : Matab sur la route de Banyo à Foumban, Photo n° 5 : Lolodorf. Route de Kribi à Yaoundé,
construite par les Allemands. Photo prise le 24 juin construite par les Allemands. Photo prise le 29 juin 1917
1918.
Les Allemands se sont principalement établis dans les régions côtières. C’est donc dans
cette zone que l’on retrouve les principales routes construites par cette administration. Elles
connectent les points suivants120 :
- Victoria-Bibundi
- Victoria-Bombe
- Kampo-Kribi-Longyi (cette route parcours le long de la côte et devrait continuer à
l’intérieur du territoire afin de se rattacher, à la route d’Edéa pour Yaoundé.)
- Kribi-Bipindi-Lolodorf-Yaoundé
- Kribi-Ebolowa
- Ebolowa-Kribi
- Kribi-Edéa
- Buéa-Tiko
- Bamenda-Nsop-Ribao-Banjo
- Edéa-Babimbi
- Baré-Bana
119
A. Nlende Nzume, “British and French administration of peoples on the southern borderlands of Cameroon.
The case of the Anglo-French inter-Cameroons boundary, 1916-1961”, Thesis submitted for the degree of Ph.D.,
University of London School of Oriental and African Studies (SOAS), 2004, p. 127.
120
Ibid.
P a g e | 72
Nous pouvons constater que, comme promis par le Dr Solf, Kribi recevait plusieurs
routes. La plus importante de ces routes était celle qui la reliait à Yaoundé par Lolodorf, longue
de 286 kilomètres selon Lucien Famechon121, avec un embranchement vers Ebolowa. Toutes
ces routes étaient utilisées par des automobiles une grande partie de l’année. Une compagnie
des transports avait même été créée en 1912, la Süd-Kameruner Last-Automobil-Gesellshaft.122
La période coloniale peut être considérée comme une période de soumission des
hommes et des ressources naturelles du Kamerun aux besoins des colonisateurs et de leurs
économies. Cette soumission comprenait à la fois, la destruction des systèmes politiques, la
dérision de la culture des peuples, de leurs valeurs, leurs langues, leurs conceptions et pratiques
religieuses et leur droit coutumier, le démantèlement de leur ordre social et surtout
l’exploitation économique.
Cent quarante kilomètres de chemin de fer à voie étroite, dont quarante pour la W.A.P.V. et plus de vingt
pour la D.K.A., étaient en exploitation lorsque la [Première guerre mondiale] éclata. Des aménagements
portuaires, amorces des « ports » actuels, avaient été réalisés : la W.A.P.V. avait un warf à Bota, un autre
121
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 69.
122
Foreign Office, Cameroon, 1920, p. 30.
123
E. Mveng, Histoire du Cameroun, Tome II, Yaoundé, CEPER, 1985, p. 78.
124
C’est aussi l’année 1912 que propose R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 121.
125
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, p. 243.
P a g e | 73
sur le Moungo dans la Prinz Alfred Pflanzung, une jetée à Victoria et l’Afrikanische Frucht Kie, un warf
à Tiko. Les premières installations d’une industrie de traitement des produits agricoles s’étaient
multipliées à partir des années 1910-1911 : la W.A.P.V. s’était dotée depuis 1910 d’un équipement à peu
près complet pour la transformation des amandes de palme ; la plupart des sociétés possédaient des
séchoirs et des installations de fermentation du cacao, il est vrai rudimentaires ; d’autres installations pour
la fabrication du caoutchouc existaient sur les plantations Woermann, D.K.A. et W.A.P.V. Enfin on peut
ajouter des ateliers (mécanique, menuiserie), des bâtiments (117 pour la W.A.P.V.), des factoreries, les
sociétés se livrant aussi au commerce dans la région de Victoria et même au-delà puisque la W.A.P.V.
avait 15 comptoirs sur 30 dans le reste du Cameroun. Véritable puissance, la W.A.P.V. avait d'ailleurs sa
propre flotte et son propre drapeau. En 1914 elle était la plus importante société cacaoyère du monde.
L’Afrikanische Frucht, société de moindre envergure, mit cependant en service les deux bananiers de la
côte de Guinée en 1913126.
En ce qui concerne les routes particulièrement, le réseau routier était loin d’avoir atteint
un degré de développement à la mesure des besoins du protectorat. Dans la région de l’Est par
exemple, la masse de la production commerciale, notamment du caoutchouc, était encore
évacuée à tête d’hommes à travers les petits sentiers de la forêt127. La raison d’une telle politique
des transports routiers semble, d’après Etoga Eily128, résider dans un choix délibéré du
gouvernement allemand. Face à de nombreuses solutions de transports, l’intensification des
routes n’a pas été considérée comme la solution idoine au problème des voies de
communication.
II. Les transports fluviaux : un relai économique aux coûts élevés des routes et des
rails
Ce choix politique se justifiait par deux raisons : tout d’abord, la détérioration rapide
des routes ; ensuite, les nombreux ponts à construire, ce qui en rendait le coût extrêmement
élevé. La solution la moins couteuse considérée, était donc les voies navigables :
126
M. Michel, « Les plantations allemandes … », 1970, p. 206.
127
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement. Essai d’histoire des faits économiques du Cameroun, Centre
d’édition et de production de manuels et d’auxiliaires de l’enseignement, Yaoundé, Cameroun, 1971, p. 264.
128
Ibid, p. 265.
P a g e | 74
Une commission d’experts fut ainsi envoyée au Cameroun en vue d’y procéder à une étude d’ensemble
sur les voies de communication et, plus particulièrement, les voies d’eau. Cette commission put établir
que le Nyong était navigable jusqu’à une hauteur de 75 km en amont du Dja, ces deux fleuves pouvaient
reliés une route, et assurer de ce fait une conjonction route-fleuve, à partir de Kribi jusqu’à la frontière
orientale du Territoire. Le Dja, qui est une branche du fleuve Congo, était en effet navigable sur environ
150 km.129
Les Allemands désiraient en priorité porter leurs efforts sur trois fleuves : le Nyong et
la Sangha au Sud du territoire, et la Bénoué au Nord.130 D’autres voies fluviales avaient été
ajoutées à cette liste : la Sanaga, le Wouri, le Muni, et le Ndian. Le Nord et le Sud-Est du
Territoire quant à eux, étaient reliés aux colonies non allemandes grâces aux voies fluviales
telles que les combinaisons Niger-Bénoué, Congo-Sangha.
Les projets allemands sont restés au stade des intentions car le développement des transports fluviaux tels
qu’ils le projetaient n’a pas pu se réaliser. En effet, il aurait fallu consacrer des sommes substantielles au
Nyong et à la Sangha, et y détacher un nombre important de travailleurs. Jusqu’en 1914, les Allemands
n’étaient pas encore prêts. Il leur était difficile de mener de front la construction de plusieurs
infrastructures de transports. Ils n’aménagèrent véritablement aucun fleuve. 131
Au final, l’objectif premier des transports, quel qu’était leur mode, était de permettre
l’évacuation des produits vers les principaux ports du Territoire. Et les quelques voies fluviales
préexistantes à la colonisation, continuèrent d’être utilisées à cette fin.
129
Ibid, p. 224.
130
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 80.
131
Ibid, p. 81.
P a g e | 75
L’activité maritime de la colonie fut réalisée par des bateaux à vapeur sous pavillon
allemand et anglais ; en 1911 leur nombre total s’est élevé à 536 bateaux, avec un tonnage de
1 551 058 tonneaux, dont 170 bateaux avec un tonnage de 492 990 tonneaux au port de Douala,
et 191 bateaux avec un tonnage de 533.898 tonneaux au port de Victoria.
Des 396 bateaux commerciaux, avec un tonnage de 1 495 058 tonneaux, mouillant aux
ports de la colonie en 1911 la plupart naviguait sous pavillon allemand : 224 bateaux avec un
tonnage de 1 126 206 tonneaux ; 154 bateaux avec un tonnage de 368 852 tonneaux sous
pavillon étranger, surtout britannique, la société d’armement Elder Dempster.
Le port de Douala joua un rôle particulier parce que la ville fut le point de départ de la
colonisation du Kamerun et la première capitale de la colonie. Avant la colonisation, les bateaux
arrivant à Douala devaient mouiller à la rade, en pleine mer, à cause de bancs de sable. Les
P a g e | 76
autorités coloniales draguèrent ces bancs et construisirent un port avec embarcadère pour
l’accostage au nouveau centre commercial de la ville, devenue capitale de la colonie. Le port
fut aménagé et doté d’un bassin flottant de sorte qu’il devint le centre de communication entre
la métropole et la colonie, et il géra la plus grande partie des importations de la colonie, surtout
de matériels pour la construction des deux lignes de chemin de fer partant de Douala et pour
d’autres projets de construction.
Le port de Kribi fut élargi pour gérer les exportations du sud de la colonie. Avant
l’intervention par le colonisateur, les produits d’exportation de l’intérieur du territoire, le
caoutchouc, l’huile de palme, l’ivoire et d’autres marchandises étaient acheminés par des
intermédiaires africains vers la côte. Sous le régime colonial les intermédiaires africains furent
évincés et le port de Kribi devint le centre du commerce extérieur du sud, dépassant nettement
les chiffres des exportations de Douala.132 Le produit le plus important était le caoutchouc.
À côté des ports de Douala et de Kribi d’autres ports furent construits à Victoria, Rio
del Rey, Kampo et la baie de Mouni et à Garoua. 133
Conclusion
D’autre part, nous avons pu faire le lien entre la politique coloniale de l’Allemagne au
Cameroun et sa politique des transports. L’objectif durant cette période ne fut pas
fondamentalement l’aménagement du territoire, mais la création des voies de desserte des
produits agricoles de l’hinterland vers la côte. Dès lors, une priorité fut accordée aux voies de
132
Deutsches Koloniallexikon, 1920, Heinrich Schnee, Berlin, traduction de Leonhard Harding.
133
Lire L. Famechon, Étude politique…, pp. 52-56.
P a g e | 77
communication les moins couteuses ; même si le chemin de fer dérogea à cette règle, tant en
argent qu’en nombre de vies humaines. Les routes quant à elles, étaient difficiles à entretenir
et praticables surtout en saison sèche. Ce qui ne plaidait pas en faveur de leur création.
Lorsqu’intervint donc la grande Guerre en 1914, le Cameroun souffre d’une inégale répartition
des voies de communication. Malgré tout, les nouvelles voies de communication, d’abord au
service de l’impérialisme allemand, devinrent bientôt un enjeu géostratégique, à la fois pour la
pénétration militaire et le passage des troupes allemandes et alliées.134 La maîtrise de ces voies
devint l’objectif à atteindre par tous et s’inscrit à contre-courant d’une volonté du progrès.
Après l’occupation de Douala par les troupes alliées, les Allemands détruisirent ou tentèrent de
détruire tous les ouvrages d’art sur les lignes de chemin de fer. La rupture de certaines parties
du matériel roulant fut provoquée au moyen d’explosifs.135
Photo n° 8 : Pont sur la Dibamba (entre Douala et Edéa) détruit par les Allemands durant la Grande Guerre
puis reconstruit par les Français
Source : http://pedagogie.lyceesaviodouala.org/histoire-geographie/app_grande-guerre/pages/page_4a.htm,
consulté le 30/12/2019 à 06 h30
134
Lire Ph. B. Essomba, « La guerre des voies de communication au Cameroun, 1914-1916 », Guerres mondiales
et conflits contemporains, n° 248(4), 2012, p. 7-26.
135
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 445.
P a g e | 78
Le 27 août, excursion en chemin de fer jusqu’à So-Dibanga, presque sur le front des opérations. Dans sa
retraite, en septembre 1914, l’adversaire avait fait sauter derrière lui la station de T. S. F. de Douala, et
tous les ouvrages d’art de la voie ferrée, mais avec beaucoup de précipitation. Sous la direction du
capitaine Chardy, la compagnie du génie français avait réparé les ponts et rétabli la circulation, en utilisant
les magnifiques arbres qui poussaient à côté, et l’outillage des usines de Douala. Tout le monde admira,
en passant, ce travail remarquable, et on adressa au capitaine Chardy, qui était présent, pour lui et ses
auxiliaires, le tribut d’éloges qu'ils avaient mérité. L’utilisation de cette voie ferrée pourrait rendre les
plus grands services, au cours des prochaines opérations136.
136
Général de division Aymerich, La conquête du Cameroun, 1er août 1914 - 20 février 1916, Paris, Payot, 1933,
p. 113.
137
Un Décauville est un chemin de fer à voie étroite, avec des rails et traverses métalliques et un matériel
d’exploitation (locomotive et wagons) adapté. Les Décauville pouvaient servir de voies provisoires en attendant
la construction de voies définitives.
138
Capitaine Chardy, Journal des marches et opérations de la section des chemins de fer de campagne Cameroun
du 6 septembre 1914 au 20 avril 1916, consultable en ligne, URL : http://pedagogie.lyceesaviodouala.org/histoire-
geographie/app_grande-
guerre/journaux_transcris_en_pdf/2_journal_section_chemin_de_fer_6_9_1914_au_20_04_1916.pdf, consulté le
30/12/2019 à 06h09
P a g e | 79
CHAPITRE II :
LES TRANSPORTS DANS LA POLITIQUE DE « MISE EN
VALEUR » DU CAMEROUN SOUS MANDAT ET SOUS
TUTELLE FRANÇAIS ENTRE 1916 ET 1960
P a g e | 80
Ce fut le 14 mars 1916 que le Général Joseph Aymerich reçut le télégramme ministériel
qui le désigna Commissaire du gouvernement de la République Française, pour administrer le
territoire du Cameroun.1 Cet acte marqua le début officiel de l’administration française au
Cameroun. Entre 1922 et 1945, le pays fut confié, sous mandat de la SDN, à la France et
l’Angleterre, et à partir de 1946, sous tutelle de l’ONU. Ce statut lui valut d’être considéré et
administré de manière un peu différente des autres territoires colonisés d’Afrique. Avec la
notion de mandat et de tutelle, les puissances coloniales semblèrent, en dépit de nombreuses
contradictions, ne plus agir comme propriétaires des colonies, mais comme administrateurs au
nom de la communauté internationale.
Il faut se rappeler que, sous le protectorat allemand, le portage était encore l’un des
principaux moyens de transport. Pourtant, dans l’exploitation d’un pays, un tel mode de
déplacement des marchandises comporte d’énormes inconvénients. Il fallait donc, de toute
nécessité, au portage d’allure primitive et traditionnelle, substituer le portage mécanique. Pour
cela, une politique à la fois routière et ferroviaire fut engagée, dans la continuation de l’œuvre
allemande. Ces deux politiques devaient être concomitantes, de manière à se compléter et à
faciliter au mieux, le transport rapide et à moindres coûts des produits sur l’ensemble du pays.
1
J. Aymerich, La conquête du Cameroun…, 1933, p. 200.
2
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 411.
3
Ibid.
P a g e | 81
Ensuite, nous étudions la politique coloniale de la France pendant la période qu’a duré le
Mandat, qui est la période de l’entre-deux-guerres. Il s’agit de comprendre pourquoi les plans
élaborés à ce moment-là ont été, soit abandonnés, soit appliqués de manière timide, du fait des
batailles partisanes en France. Enfin, nous examinons les années de Tutelle de l’ONU, marquées
principalement par les Plans FIDES, premières véritables ébauches de la politique de
planification qu’adopta plus tard, le Cameroun indépendant.
À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification. J’entends la tempête. On me parle de
progrès, de “réalisations”, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je
parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées,
de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités
supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de
chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à
l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes
arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions
d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement,
l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.4
Pour François Pacquement par exemple, la « mise en valeur coloniale » est « l’activité
de l’administration coloniale qui visait à améliorer les richesses produites dans les colonies et
qui a pu contribuer à améliorer les conditions de vie des populations. »5 On peut lire dans cette
définition, une certaine idée positive de la colonisation. Mais nous retenons aussi dans cette
définition, l’idée de l’existence du développement avant la colonisation. De fait, l’on ne peut
4
A. Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 2004, pp. 23-24.
5
F. Pacquement, « Belles histoires de l’aide, introduction thématique », Afrique Contemporaine, n° 236, 2010, p.
44
P a g e | 82
« mettre en valeur » que ce qui a déjà une valeur préalable. C’est cette idée que défend Jean-
Pierre Chauveau, pour qui un problème mémoriel s’est installé dans la conception de la « mise
en valeur ». Considérée comme le développement des colonies, c’est-à-dire l’étape cruciale de
l’histoire des Africains qui les aurait fait passer de la sauvagerie à la civilisation, l’expression
amène à occulter le fait que l’idée même de développement n’était pas nouvelle dans ces
colonies :
Ce qu’oublient souvent les théories du développement, même les plus ouvertes à la légitime spécificité
des « développés », c’est que le développement fait déjà partie de l’expérience historique de ces
populations. Au moins dans la plupart des régions de l’Afrique occidentale, notamment francophone, la
« mise en valeur » coloniale qui a suivi la sujétion politique a généralisé l’intervention extérieure. On est
en droit de penser que celle-ci, constituant la toile de fond de l’existence des populations, a été en quelque
sorte intériorisée par elles non seulement pour « s’adapter » la situation nouvelle […], mais encore pour
se reproduire dans sa spécificité.6
Dès lors on peut comprendre qu’à force de répéter la synonymie supposée entre
colonisation, développement, civilisation et mise en valeur, que l’on en soit arrivé à voter la loi
française du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en
faveur des Français rapatriés. En son article 4, cette loi propose que :
6
J.-P. Chauveau, « Le développement approprié : mise en valeur coloniale et autonomie locale : perspective
historique sur deux exemples ouest-africains », in J.-P. Chauveau et al. (éd.), Histoire, histoires... Premiers
jalons. (3), 1986, p. 143. En ligne, URL : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-
doc/pleins_textes/pleins_textes_7/b_fdi_03_03/24148.pdf, consulté le 11/02/2021 à 03h25.
7
« La loi du 23 février 2005 : texte et réactions », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 94-
95 | 2005, URL : http://journals.openedition.org/chrhc/1077, consulté le 10 février 2021 à 02h50.
8
Ibid.
P a g e | 83
This dichotomy of interpretations, although convenient, was artificial. In practice, the distinction between
the two was blurred, and advocates of one interpretation could reinforce their arguments by appealing
to elements of the other. For instance, calls for improved colonial conditions during the 1930s sometimes
came from British manufacturers, concerned at the threat allegedly posed to their export interests by
cheap colonial labour in the Far East. Similarly, metropolitan desires for increased productivity in the
Colonial Empire were sometimes expressed in calls for improved health and dietary standards […]. On
the other hand, the majority of those who adopted the 'welfarist' stance on development also accepted
uncritically the free-trading precept of comparative advantage, and therefore shared the belief in a
complementary economic relationship between Britain and the colonies.9
À l’analyse, on peut bien comprendre cette manière de penser, fruit de plusieurs années
de propagande colonialiste. Jusqu’aux décolonisations, images et discours de glorification sont
les alliés puissants qui ont servi de socle sur lequel la France a légitimé son action coloniale.
En effet, le concept de « mise en valeur » a évolué au fil des années coloniales, depuis la création
de la Compagnie des Indes orientales par Colbert en 1664. Il exprime, au départ, uniquement
l’exploitation économique de la colonie au profit de la puissance colonisatrice, sans tenir
compte des besoins de la colonie. Dans ces projets de « mise en valeur », l’objectif premier
pour les Occidentaux, est de gagner le maximum de profits sur l’investissement qu’est la
colonie. C’est aux lendemains de la Première Guerre mondiale que le concept a véritablement
évolué dans les faits, sans toutefois perdre de vue la recherche, par la puissance colonisatrice,
du maximum de profits en sa faveur.
Au début du XIXe siècle, la politique coloniale française est surtout marquée par le
« pacte colonial ». Ce système de gouvernement imposé par les métropoles à leurs colonies,
contient comme principes essentiels les cinq points suivants :
9
L. Butler, « The ambiguities of British colonial development policy, 1938-48 », in Gorst A., Johnman L., and
Lucas W. S., Contemporary British History 1931-61. Policy and the Limits of Policy, Pinter, London, 1991, pp.
119-120.
P a g e | 84
L’objet de ces colonies est de faire le commerce à de meilleures conditions qu'on ne le fait avec des
peuples voisins, avec lesquels tous les avantages sont réciproques. On a établi que la métropole seule
pourrait négocier dans la colonie, et cela avec une grande raison, parce que le but de l’établissement a été
l’extension du commerce, et non la fondation d’une ville ou d’un nouvel empire. 11
Quelques années auparavant, c’est aussi l’avis de MVDF, rédacteur qui signe l’article
« Colonies »12 dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : celles-ci n’étant établies que
pour l’utilité de la métropole, il s’ensuit :
10
G. Pervillé, « Qu’est-ce que la colonisation ? », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, n° 22-3, 1975, p.
325.
11
Ch. de Secondat baron de Montesquieu, L’Esprit des lois : suivi de La Défense de l’esprit des lois, Libraire-
Editeur, 1844, p. 257.
12
D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des
métiers, Volume 3, Briasson, 1753, pp. 648-651.
13
Ibid., p. 650.
14
Ibid.
P a g e | 85
Plus loin encore : « Si la colonie entretient un commerce avec les étrangers ou si l’on y
consomme les marchandises étrangères, le montant de ce commerce et de ces marchandises est
un vol fait à la métropole ».15
Rappelons que la loi du 11 janvier 1892 sur le régime douanier français, établissait un
double tarif autonome : tarif général ou de droit commun, et tarif minimum ou tarif de faveur,
ce dernier étant réservé aux États qui avaient signé avec la France une convention commerciale
particulière. Ce régime douanier, idée du député protectionniste Méline, visait à n’accorder le
tarif minimum qu’aux États qui assuraient à la France des avantages équivalents : en fait celle-
ci conclut des conventions commerciales avec toute l’Europe, et la clause de la nation la plus
favorisée figura dans la plupart de ces conventions sous la forme inconditionnelle.16
Dans ce débat où les intérêts politiques et économiques étaient liés, il n’avait été que
très peu tenu compte des colonies ; celles-ci étaient purement et simplement assimilées à la
métropole (c’est-à-dire entourées des mêmes barrières). Cette orientation nouvelle de la
politique économique de la France avait des répercussions importantes dans ses relations avec
ses territoires d’Outre-mer. Ceux-ci, jouissant depuis 1866 d’une relative liberté de fixer les
taxes douanières et de commercer avec l’étranger.17
15
Ibid.
16
P. Reynaud, « Les relations commerciales franco-allemandes depuis la Guerre jusqu’au 1er Janvier 1935 », thèse
de doctorat en droit, Université de Lyon, Lyon, Imprimerie du « Salut public », pp. 17-18. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9803696n.r=M%C3%A9line%2011%20janvier%201892?rk=21459;2#,
consulté le 08/02/2021 à 14h26.
17
A. Hongla, « Les Députés coloniaux et l'adoption du par la France en 1892 », Outre-Mers. Revue d’histoire, n°
241, 1978, p. 520.
La Loi sur la marine marchande du 19 mai 1866 autorisait l’importation des navires étrangers, moyennant un
simple droit de 2 fr. par tonneau de jauge, qui ne pouvait être considéré que comme un droit de statistique. Les
surtaxes de pavillon étaient complètement supprimées. N’étaient maintenues que les taxes locales de tonnage
perçues pour faire face aux dépenses d’amélioration des ports. Le nouveau régime était étendu aux colonies et à
l’Algérie. (Source : L. L. Beaurin-Gressier, « Le régime fiscal de la navigation maritime », Journal de la société
statistique de Paris, tome 34, 1893, p. 125, En ligne, URL :
http://www.numdam.org/item?id=JSFS_1893 34 115_0, consulté le 11/02/2021 à 04h44.
18
Tous les Comptes rendus de l’Exposition coloniale de Marseille sont en ligne dans le site de la Bibliothèque
Nationale de France, URL : https://gallica.bnf.fr/, consulté le 06/02/2021 à 5h30.
P a g e | 86
Ces protestations trouvèrent un soutien encore plus unanime au Congrès des anciennes
colonies de Paris en 1909. Ce dernier revendiquait ouvertement une autonomie tarifaire, ou du
moins la réciprocité, car le système existant était jugé pire que l’ancien Pacte Colonial.
Le Congrès des anciennes colonies de Paris résuma ainsi les idées phares de 1906 :
Le Congrès colonial de Marseille déclare que le meilleur régime douanier à adopter serait celui qui :
3° Décrétera l'autonomie de chaque colonie ou groupe de colonies au point de vue économique et réglera
le régime douanier de chaque colonie ou groupe de colonies, au mieux de leurs intérêts, en tenant compte
des formes et conditions essentielles ci-après : a) Revendication par la colonie des mesures et taxes qu'elle
juge les plus favorables au développement de sa richesse ; b) Octroi de ces mesures par la Métropole,
sous réserve de ses intérêts généraux, par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration
publique ; c) Fixation d'une durée convenable pour le régime ainsi établi, de façon à permettre aux
mesures prises de sortir pleinement à effet, et aux intéressés d'en tirer le meilleur parti ;
4° Permettra aux petites colonies, par le groupement en gouvernements généraux, de se soustraire aux
influences purement locales dans la revendication des mesures et taxes les plus favorables au
développement de leur richesse.19
Dès la fin de la Première Guerre mondiale, fut entreprise une étude méthodique des
possibilités de la production agricole des territoires sous contrôle français, colonies anciennes
et pays récemment soustraits à l’administration allemande (le Togo et le Cameroun). La
mission fut confiée à Henri Cosnier, un ancien député, dès la fin 1918. La mission Cosnier,
placée sous le patronage du ministre de l’agriculture, bénéficia aussi de l’appui de plusieurs
autres ministres : Victor Boret, ministre du ravitaillement, confronté aux grands besoins de la
métropole en oléagineux ; Clementel, ministre du commerce et de l’industrie, très préoccupé
par la situation critique des industries cotonnières métropolitaines ; Henry Simon, ministre des
19
M. A. Milhe-Poutingon, Congrès des Anciennes colonies, Tenu à Paris du 11 au 16 octobre 1909, Compte-
Rendu des travaux, Paris, Au Siège du Comité d’organisation du Congrès, 1910, p. 278. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5833424g.r=congr%C3%A8s%20des%20anciennes%20colonies%20de%2
0paris?rk=64378;0, consulté le 07/02/2021 à 15h12.
P a g e | 87
L’Afrique est encore à l’âge du comptoir. Le troc est d’hier. Et, en compensation des richesses
considérables, que notre commerce en a tiré, nous n’avons presque rien laissé au producteur […] Notre
commerce n’a jamais porté attention aux productions agricoles et forestières, si ce n’est en vue du bénéfice
immédiat qu’il pensait en tirer. Ceci explique son désintéressement à peu près complet des progrès de
l’agriculture et l’exploitation abusive de maints produits de cueillette. 20
Malgré les propositions de son rapport, la Mission Cosnier demeura sans effet.21
Cependant, ce que nous retenons de ce travail est l’évolution significative dans la représentation
des colonies. Ce rapport fut une voix supplémentaire qui vint s’ajouter à l’ensemble des
revendications pour une valorisation des colonies, qui tint compte de leur propre
développement. Ces idées furent défendues par Albert Sarraut quelques années plus tard.
B. L’instabilité politique en France entre 1919 et 1946 et son impact sur les
politiques publiques des transports au Cameroun sous Mandat
Tous les choix économiques en France et donc dans ses colonies, après la Ière Guerre
mondiale, se sont joués autour des incertitudes politiques de l’époque. Rappelons que durant la
Guerre, la France est dirigée par un Gouvernement d’unité nationale appelé « l’Union Sacrée ».
Au lendemain de ce conflit de quatre ans, en 1919, des élections législatives sont organisées,
elles ont lieu les 16 et 30 novembre. Durant la campagne électorale, le thème central est le
20
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, Volume V : Le temps des stations
et de la mise en valeur (1918 – 1940 / 1945), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), Rome, 2005a, p. 8.
21
Ibid.
P a g e | 88
L’année 1919 est dominée par la peur du bolchevisme, alimentée par les tentatives de révolution
communiste en Allemagne et en Hongrie, et en France par les grandes grèves de mai-juin 1919.
Clemenceau tente de calmer l’agitation en faisant voter deux lois importantes : la loi du 25 mars 1919,
qui reconnaît officiellement les conventions collectives conclues entre les représentants des syndicats
d’employeurs et les représentants des syndicats d’employés ; et la loi du 23 avril 1919, qui ramène la
durée de la journée de travail à huit heures (pendant six jours par semaine). Mais la hausse continuelle
des prix, la généralisation du travail à la chaîne, l’influence de la révolution bolchevique déstabilise le
monde ouvrier. L’opinion s’inquiète du péril rouge, de « l’homme au couteau entre les dents » évoqué
par une habile propagande.23
Ces élections sont marquées par une très large victoire du « Bloc national », une
coalition de la droite et du centre, dont 44% des députés sont d’anciens combattants : on parle
d’une « Chambre bleu horizon », en référence au bleu des uniformes de guerre.24 Un
gouvernement réunissant la droite et les radicaux se forme. La gauche, de son côté, est divisée.
Pour les vainqueurs, il ne fait aucun doute que ce coût énorme de la guerre doit être réglé par les vaincus :
« L’Allemagne paiera », affirme Klotz, ministre des Finances du gouvernement Clémenceau, « jusqu’au
dernier penny », renchérit Lloyd George poussé, lui aussi, par son opinion publique. Le président Wilson,
lui-même n’est pas hostile à ce principe de réparations financières imposées aux responsables du conflit.25
Or, l’Allemagne ne peut pas payer car elle est trop affaiblie économiquement. Pour punir
les Allemands, le Président du Conseil Raymond Poincaré décide d’envahir la Ruhr et de
s’emparer du charbon allemand. Refusant de dévaluer le Franc pour des raisons d’orgueil
national, le gouvernement est obligé d’augmenter les impôts en raison d’un déficit qui ne cesse
22
Lire M. Swennen, « Les mouvements anticommunistes dans les années 1920 », Courrier hebdomadaire du
CRISP, vol. 2059, no. 14, 2010, pp. 5-51.
23
J. Bouveresse, Chapitre IV. La déstabilisation générale (1914-1932), in Histoire des institutions de la vie
politique et de la société françaises de 1789 à 1945 [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de
Rouen et du Havre, 2012 (généré le 08 février 2021), URL : https://books.openedition.org/purh/5859?lang=fr,
consulté le 08/02/2021 à 08h52.
24
Tous les résultats de l’élection législative française de 1919, lire M. Dewavrin, « Quelques chiffres à propos des
élections législatives françaises de 1919 », Journal de la société statistique de Paris, tome 61, 1920, pp. 209-216,
en ligne, URL : http://www.numdam.org/article/JSFS_1920 61 209_0.pdf, consulté le 06/02/2021 à 10h55.
25
J. Guiffan, Histoire de l’Europe au XXe siècle : De 1918 à 1945 (de la fin de la Grande Guerre à l’écroulement
du nazisme), Éditions Complexe, 1994, p. 42.
P a g e | 89
d’augmenter.26 Les désaccords entre la droite et les radicaux se multipliant, ces derniers se
retirent du gouvernement et s’allient à la SFIO27 en 1923, séparée de sa branche révolutionnaire
lors du Congrès de Tours en 1920 : SFIO et Parti radical forment alors le « Cartel des Gauches ».
Ainsi, les élections de 1924 sont remportées par cette coalition de gauche. Un radical, Édouard
Herriot, devient président du conseil.
Dans les colonies, cette période de crise à la fois politique et économique est marquée
par la nomination d’Albert Sarraut comme ministre des Colonies le 20 janvier 1920. Il présente
un « programme général de mise en valeur des colonies » devant la Chambre des députés le 21
avril 1921. Dans un ouvrage paru en 192128, Sarraut vante les mérites de la colonisation et
justifie la mise en valeur des colonies par les nécessités de la défense nationale et du
redressement économique du pays. Rappelant la participation des soldats coloniaux à l’effort
de guerre, il remarque qu’elle a dépassé les espérances les plus optimistes : environ six cent
mille combattants indigènes ont été incorporés et deux cent mille travailleurs indigènes ont été
recrutés29. Cependant, poursuit-il, le rendement eût été beaucoup plus efficace si les forces
d’outre-mer avaient été d’avance bien préparées par l’amélioration de la race et de l’individu.
L’assistance médicale et l’hygiène publique sont des tâches de longue durée, qui doivent être
conduites méthodiquement et sans arrêt. Il en est de même de l’enseignement, qui marche de
pair avec elles. On ne fait pas en quelques mois des hommes beaux, forts et instruits30.
26
Ibid., pp. 44-52.
27
« La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est un parti politique socialiste français, qui a existé
sous ce nom de 1905 à 1969. En 1969, elle devient le Parti socialiste lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, où
elle s’associe avec l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche. » (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_fran%C3%A7aise_de_l%27Internationale_ouvri%C3%A8re, consulté le
30/12/2019 à 15h34).
28
A. Sarraut, La Mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1921.
29
Ibid, p. 58.
30
Ibid.
31
Journal Officiel de la République Française, n°54 du 13 avril 1921, p. 1555.
32
A. Sarraut, La Mise en valeur…, p. 23.
P a g e | 90
L’argument majeur d’Albert Sarraut en faveur de ces grands travaux est qu’ils peuvent
avoir des effets économiques, tant d’ailleurs au profit des colonies que de la métropole,
beaucoup plus importants en Afrique, sous équipée, qu’en Europe, déjà bien pourvue : « Alors
que les grands travaux métropolitains contribuent seulement à « l’augmentation » de la
production, les grands travaux coloniaux ont pour conséquence de « créer » la production »33.
Au-delà du programme « d’outillage économique », c’est un « plan de mise en valeur
d’ensemble » que propose Sarraut, qui estime que « les améliorations d’ordre moral,
intellectuel, politique et social sont étroitement liées aux réalisations d’ordre matériel »34.
Finalement, le projet de loi déposé par Albert Sarraut sur le bureau du Parlement
français, le 12 avril 1921, n’est même pas discuté.
Les députés et sénateurs sont sans doute quelque peu effrayés par les conséquences financières que
pourrait entraîner la mise en œuvre d’un tel ambitieux programme : une première crise frappe l’économie
française dès 1921 ; et l’Allemagne n’assure pas le remboursement des dommages de guerre prévus par
le traité de Versailles.35
Ainsi que nous l’avons souligné, ce projet a cependant largement inspiré la politique
coloniale et ses stratégies dans l’entre-deux guerres36. En AOF et AEF, un effort tout particulier
est mis sur les priorités retenues par le Plan Sarraut en matière d’équipement : installations
portuaires, voies navigables, chemins de fer, routes et piste. L’hypothèse est « que l’outillage
accroît fatalement la prospérité des régions traversées »37. Pour Joseph Chailley-Bert, « les
travaux publics sont, aux yeux des indigènes, la seule excuse de la colonisation, car nos lois ils
ne s’en soucient pas, nos fonctionnaires ils les dédaignent, nos réformes, ils les redoutent […].
Les colonies jeunes […] ont besoin d’une forte alimentation […] (qui, pour elles) est l’outillage
économique »38. Ainsi, nombre de propositions du Plan Sarraut se concrétisent, se réalisent, au
33
Ibid, p. 77.
34
Ibid, p. 83.
35
J. Suret-Canale, Afrique noire. L’ère coloniale 1900-1945, Paris, La culture et les hommes, Éditions sociales,
1964, p. 352, cité par R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 20.
36
M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun : au lendemain de la seconde guerre mondiale
(1946-1956), Publications de la Sorbonne, 1998, p. 101.
37
P. Lyautey, L’Empire colonial français, Paris, Les Éditions de France, 1931, cité par R. Tourte, Histoire de la
recherche agricole …, 2005a, p. 20.
38
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 20.
P a g e | 91
moins partiellement mais, pour l’essentiel, avec les moyens ordinaires du budget général et les
budgets locaux.39
Sur le plan international, en août 1924, le Cartel des Gauches accepte le plan Dawes, en
1924, qui réévalue à la baisse les réparations de guerre imposées à l’Allemagne. 40 En échange,
en 1925, le gouvernement fait évacuer la Ruhr qui était occupée depuis 1923 pour faire pression
sur l’Allemagne. Édouard Herriot reconnaît également symboliquement l’URSS à l’automne
1924. Ministre des Affaires étrangères de 1925 à 1932, et Prix Nobel de la Paix en 1926,
Aristide Briand se prononce en faveur d’une union fédérale européenne et en faveur de la paix,
notamment par le pacte Briand-Kellogg qui condamne le recours à la guerre est signé en 1928.41
Sur les questions économiques, cependant, le Cartel des Gauches est divisé. Herriot, peu
à l’aise dans le domaine, ne parvient pas à redresser la situation économique de la France,
endettée. La valeur du Franc s’effondre du fait d’une multiplication des prêts et des avances à
la Banque de France, toujours entre les mains des « 200 familles »42.
L’inflation, par conséquent, augmenta très fortement. Herriot brandit la menace d’un
impôt sur le capital qu’il ne créa jamais et provoqua une panique des milieux bancaires et
financiers. Face à ces difficultés, il fut obligé de démissionner, tout en dénonçant le « Mur
d’argent » qu’il considérait à l’origine de l’aggravation des difficultés financières du pays. 43
Une autre explication est tout de même évoquée :
Dans ce contexte particulier, la gauche va commettre une grosse erreur. Une loi de 1920 avait fixé à 41
milliards le plafond de la circulation des billets. Or, dès l’automne 1924, le gouvernement augmente la
masse de la monnaie fiduciaire. Le plafond est dépassé ; la situation est dissimulée par des truquages des
bilans hebdomadaires de la Banque de France. Mais les fuites de capitaux reprennent, la confiance
39
Ibid.
40
Ibid., p. 51.
41
« Le pacte Briand-Kellogg, ou pacte de Paris, est un traité signé par soixante-trois pays qui “condamnent le
recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique
nationale dans leurs relations mutuelles” ». Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_Briand-Kellogg, consulté
le 06/02/2021 à 11h41.
42
« Les deux cents familles constituent un mythe politique selon lequel un petit nombre de familles tiendrait en
main la majorité des leviers économiques de la France, contrôlant ainsi les destinées politiques du pays. Cette
théorie du complot trouve son origine dans les deux cents plus gros actionnaires (sur près de 40 000) qui
constituaient autrefois l'Assemblée générale de la Banque de France, avant que celle-ci ne soit nationalisée. »
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Deux_cents_familles, consulté le 06/02/2021 à 11h52.
43
Le mur d’argent (ou mur de l’argent) est une expression employée par afin d’expliquer les difficultés financières
rencontrées par son gouvernement (fuite des capitaux, dévaluation du franc, trésorerie publique quasi nulle, etc.),
par l’opposition concertée des banques et de la finance. Symbolisant l’hostilité des « grandes puissances d’argent »
envers les gouvernements de gauche, le « mur d’argent » dénoncé par le Cartel des gauches dans les années 1920
préfigure le mythe des « deux cents familles » stigmatisées durant le Front populaire en 1936. Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mur_d%27argent, consulté le 06/02/2021 à 11h59.
P a g e | 92
disparaît. Édouard Herriot démissionne en avril 1925, après avoir dénoncé le « mur d’argent » auquel il
se serait heurté. Cependant, la chute du franc s’accélère : en juillet 1926, le dollar vaut 49 Fr. Le président
Gaston Doumergue appelle Poincaré, qui forme un ministère d’union nationale, allant de la droite aux
radicaux. Son programme : la défense du franc. 44
Les importantes mesures fiscales que Poincaré initia, permirent à la France de redresser
ses comptes publics et de rembourser sa dette. Grâce à sa popularité et à de premiers résultats
encourageants, la droite, alliée au centre, remporta les élections législatives de 1928. Poincaré
combattit l’inflation et mit en place une politique d’austérité tout en voulant éviter l’erreur de
Churchill, qui était d’avoir rétabli la convertibilité de la Livre sterling à sa parité d’avant-guerre,
portant un coup fatal aux exportations et à l’économie britanniques. Malgré la réticence d’une
droite conservatrice, il établit finalement le Franc Poincaré en 1928, dévalué de 80% par rapport
au Franc Germinal. Il restaura ainsi la convertibilité du Franc en or et la confiance des
investisseurs, dopant la croissance du pays au moment où les États-Unis sombraient dans la
crise. Ainsi, en 1929, la France vit une période de prospérité.
C’est donc en pleine crise, que se tint du 3 décembre 1934 au 13 avril 1935, la
Conférence économique de la France métropolitaine et d’Outre-Mer. Elle confirma le besoin
44
J. Bouveresse, Chapitre IV. La déstabilisation générale (1914-1932)…, 2012.
P a g e | 93
[…] pas de savoir quels produits coloniaux peuvent remplacer les produits que la France importe de
l’étranger, mais comment réaliser la substitution des produits étranger par des produits coloniaux. Toutes
les déclarations faites par les organisateurs et les participants à la conférence économique impériale de
1934-1935 soulignent que son objet est de favoriser l’émergence d’une entité économique autosuffisante
ou quasi autosuffisante sur l’ensemble de l’Empire. Tel est le motif de sa convocation et le thème de tous
ses travaux. De ce fait, la Conférence constitue un moment historique privilégié qui permet de comprendre
les enjeux de l’édification d’une économie impériale cohérente 45.
En août 1936, Marius Moutet, ministre socialiste des Colonies, décida par une circulaire
de convoquer en Conférence les gouverneurs généraux pour discuter des grands problèmes que
pose l’administration des territoires d’Outremer.47 L’intérêt de la circulaire préparatoire à cette
Conférence est qu’elle nous éclaire à la fois sur la doctrine coloniale de la SFIO48 et sur la
politique économique proposée pour l’empire. Cette politique prolongea en effet le projet
élaboré pendant la crise par certains milieux d’affaires : allégement de la présence
administrative française, promotion des élites locales, financement public accru, élimination
des effets parasitaires du commerce de traite. La politique préconisée par la SFIO ne faisait
45
S. Saul, « Les pouvoirs publics métropolitains face à la Dépression : La Conférence économique de la France
métropolitaine et d'Outre-Mer (1934-1935) », in French Colonial History, Vol. 12, 2011, p. 168.
46
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français. Colonisateurs et colonisés, 1860-1960,
Paris, L’Agence de Coopération culturelle et technique, La Découverte, 1992, p. 130.
47
Lire J. Marseille, « La conférence des gouverneurs généraux des colonies (novembre 1936) », Le Mouvement
social, no 101 (Oct. - Dec.), 1977, p. 61-84.
48
« La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est un parti politique socialiste français, qui a existé
sous ce nom de 1905 à 1969. En 1969, elle devient le Parti socialiste lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, où
elle s’associe avec l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche. » (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_fran%C3%A7aise_de_l%27Internationale_ouvri%C3%A8re, consulté le
30/12/2019 à 15h34).
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qu’élargir le vaste projet d’une France impériale, bien loin de préparer les chemins du « self-
government » comme le souhaitait Léon Blum en 1927 :
« En ce qui nous concerne, déclarait-il à la Chambre le 11 juillet 1927, ce n’est pas dans le sens d’une
représentation plus large des indigènes au parlement français que nous voudrions qu’évolue cette
question. Je le dis sinon comme une opinion du parti, du moins comme une opinion partagée par la plupart
de mes camarades : nous désirons que la législation coloniale s’achemine de plus en plus vers
l’indépendance, vers le self-government, comme les dominions. » Une telle politique ne ferait d’ailleurs
que se conformer aux recommandations de l’Internationale socialiste qui s’est, à diverses reprises,
prononcée en faveur de l’accession des colonies à un régime de self-government49.
La Conférence de 1936 reprit, enfin, l’idée d’un Fonds colonial métropolitain déjà
exprimée par celle de 1934-1935. Le chiffre de 5 milliards de francs fut même repris, mais étalé
sur vingt-cinq ans. « La première demande, de 250 millions, traîn[a] jusqu’à la guerre, avant
d’être finalement rejetée par le Sénat en 1939 »52.
49
M. Semidei, « Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres (1919-1939) », Revue
française de science politique, 18ᵉ année, n°6, 1968, p. 1142.
50
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français…, 1992, p. 131.
51
Lire J. Marseille, « La conférence des gouverneurs … », 1977.
52
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français…, 1992, p. 132.
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Les emprunts coloniaux étaient le mécanisme qui permettait de mettre à la charge du colonisé les frais
d’équipement de l’empire. Le principe en est simple. Plutôt que d’inscrire au budget national le coût des
travaux à faire, les gouvernements métropolitains autorisent les autorités locales, c’est-à-dire
l’administration coloniale, à emprunter sur le marché financier métropolitain. Ensuite, les impôts locaux
devaient permettre d’assurer le service de la dette ainsi contractée par le territoire, sans consultation des
indigènes, sujets, mais non citoyens. Le bénéfice était immédiat pour les porteurs de titres. Les parlements
acceptaient volontiers le principe d’opérations qui n’accroissaient pas les charges des électeurs… C’est
ainsi également que la France équipa l’Indochine, l’Afrique noire, l’Afrique du Nord et notamment le
Maroc.56
53
Lire au sujet des emprunts de 1931, F. Bobrie « L’Investissement public en Afrique noire française entre 1924
et 1938. Contribution méthodologique », In Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 63, n°232-233, 3e et 4e
trimestres 1976, numéros thématiques : L’Afrique et la crise de 1930 (1924-1938) sous la direction de Catherine
Coquery-Vidrovitch, pp. 459-476.
54
C. Coquery-Vidrovitch, « L’Afrique coloniale française et la crise de 1930 : crise structurelle et genèse du
Rapport d’ensemble », In Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 63, n°232-233, 3e et 4e trimestres 1976,
numéros thématiques : L’Afrique et la crise de 1930 (1924-1938) sous la direction de Catherine Coquery-
Vidrovitch, p. 405.
55
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 22.
56
P. Guillaume et P. Delfaud, Nouvelle histoire économique, Tome 2, « Le XXe siècle », Paris, Armand Colin,
Collection U, 1976, p. 31. Cité par A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous administration
française de 1922 à 1960 : mutations économiques et sociales », Thèse de doctorat en Histoire, Université de
Yaoundé I, 2006, p. 3.
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Sous le protectorat allemand, l’activité agricole était la principale, voire la seule activité
économique importante du territoire. Mais avant l’arrivée des Français, les bénéfices de cette
production agricole allaient presque exclusivement aux européens, les indigènes n’y étaient pas
véritablement associés. Les changements imposés par le régime de Mandat, a fait en sorte que
la France assure à la fois la promotion économique de l’indigène et la mise en valeur du
Territoire, dans l’esprit du Plan Sarraut.
Pour réaliser ce double objectif, il fallut d’une part créer de nouveaux espaces et, d’autre
part, revaloriser systématiquement toutes les cultures dont l’avenir sur le marché mondial
pouvait apparaître prometteur à plus ou moins longue échéance59. Ainsi que le proposait le Plan
Sarraut, l’administration française s’efforça de faire coïncider ces objectifs avec la
spécialisation de chaque région naturelle dans la pratique d’une ou de plusieurs cultures riches,
afin d’apporter aux populations locales, des ressources durables et régulières. Parmi ces cultures
57
F. Bobrie « L’Investissement public en Afrique noire… », 1976, p. 463.
58
Ibid.
59
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 363.
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Ces huit cultures se partagèrent les quatre régions naturelles du Cameroun : le Littoral,
le Sud et le Centre furent les terres de prédilection du cacao et du palmier à huile ; l’Est, fut
consacré au caoutchouc, au café et au tabac ; enfin, l’Ouest se spécialisa dans la culture du café
et de banane, et le Nord, à l’arachide et au coton.
Mais le développement de ces cultures dut aller de pair avec le développement des
infrastructures de transport. Il fallut en effet permettre aux différentes régions ciblées de se
mettre en capacité d’évacuer les produits des plantations. De fait, leur coût sur le marché en
dépendait.
Malgré leur volonté de promouvoir les voies fluviales, bien moins coûteuses, les
Allemands se heurtèrent à leur insuffisance et celles-ci durent compléter le système ferroviaire
existant par des routes destinées à en constituer les affluents.
La route, au Cameroun comme dans toutes les colonies, est le complément indispensable de la voie ferrée,
et la médiocrité des voies navigables doit en faire, ici plus qu’ailleurs, l’un des objets essentiels de la mise
en valeur méthodique. L’administration allemande, pourtant, ne s’était pas particulièrement préoccupée
de doter le territoire d’un réseau routier véritable. Les nombreuses routes mentionnées par nos
prédécesseurs n’étaient en réalité que des pistes élargies où l’usage normal de l’automobile était chose
impossible. C’est donc pour la plus grande part à l’autorité française que revient le mérite d’avoir exécuté
un programme routier dont les résultats — routes anciennes et routes nouvelles — se chiffrent par un total
de 1.800 kilomètres de voies accessibles aux automobiles. 60
Relier aux voies d’évacuation (lignes ferrées et cours d’eau navigables), les régions de
l’intérieur du pays, riches en produits naturels, de manière à favoriser la participation
de ces régions au commerce, et l’élévation du niveau de vie des indigènes.
Substituer sur les voies de circulation commerciale, le portage mécanique au portage
humain, afin de réduire l’effort des populations pour le transport des produits.
60
Commissariat de la République Française au Cameroun, Guide de la colonisation au Cameroun, Librairie Émile
Larose, Paris, 1927, p. 37. Cet avis est pourtant en totale contradiction avec le rapport du Commissaire Fourneau
que nous évoquions plus haut dans ce travail. Cela peut aisément se comprendre si l’on prend en considération le
fait que, devenue puissance mandataire de la SDN au Cameroun, la France avait à cœur de justifier sa présence,
en surévaluant son impact dans le processus de « développement » de ce territoire.
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D’après Etoga Eily, l’application de ces principes a été marquée par l’établissement de
trois réseaux mêlant routes, fleuves et chemins de fer61 :
Le premier réseau, dit de l’Ouest, devait être raccordé au terminus de la voie ferrée du
Nord, pour desservir la région s’étendant jusqu’à la frontière avec le Nigéria.
Le second réseau était celui du Centre et de Sud, qui se raccordait tour à tour, au
terminus du chemin de fer du Centre, au port de Kribi, et enfin à la voie navigable du
Nyong. Ce réseau englobait à la fois les régions du Centre, de l’Est et du Sud-Cameroun.
Deux antennes se sont ensuite greffées à ce complexe routier : l’antenne du Nord, se
dirigeant vers les régions septentrionales ; et l’antenne de l’Est. Cette dernière devait
quant à elle, former une grande artère commerciale reliant l’Oubangui-Chari au
Cameroun ; raccordée au relief navigable du Nyong par le réseau du Centre, elle
permettait l’ouverture de la transversale Doumé-Lomié, exutoire naturel du caoutchouc
en provenance de l’Est du territoire.
Le troisième réseau, celui du Nord, comprenait les pistes automobilisables reliant les
uns aux autres, les territoires tributaires du Logone et du Tchad, La Bénoué et, grâce à
des transversales, la colonie française et le Nigéria.
61
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 438.
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Pour A. F. Dikoumé, les routes du Cameroun n’étaient pas seulement importantes pour
le territoire camerounais, mais aussi pour les territoires de l’AEF. En effet, le chemin de fer
Congo-Océan ne résolvait pas le problème de l’Oubangui et du Tchad, dépourvus de façade
maritime. Les routes du Cameroun représentaient donc les voies les plus courtes pour parvenir
à la mer.62
Même si Douala est le centre commercial grâce à son port, on peut observer que le nœud
routier le plus important est Yaoundé. De Yaoundé, se détachent deux routes qui se ramifient
elles-mêmes en plusieurs tronçons : route Yaoundé-Kribi et route Yaoundé-Yoko. Grâce à ces
deux voies, on peut aller de Yaoundé à :
- Kribi (186 kilomètres) : c’est l’ancienne route allemande, refaite sur la plus grande
partie de son parcours ; aux abords de Kribi seulement cette route présentait un aspect
définitif.
- Ebolowa et Sangmélima : cette route se détache de la précédente à Lolodorf.
- Makak : ce tronçon s’embranche à la route de Kribi, à Ngoumou. C’est encore la route
la plus passante du Cameroun ; elle a perdu une partie de son importance depuis que le
chemin de fer est arrivé à Yaoundé. De Yaoundé à Makak, on compte 104 kilomètres63.
- Yoko (258 kilomètres) : cette route amorce la grande ligne vers le Nord.
- Bafia et Dschang : c’est un embranchement de la route précédente ; il s’en détache à
Nachtigal, aussitôt passé le bac de la Sanaga. Jusqu’à Bafia (160 kilomètres de
Yaoundé) la route est commerciale64.
- Nanga-Eboko et au-delà : autre embranchement de la route de Yoko ; la bifurcation est
située au lieu-dit Bikélé Mongo, à 58 kilomètres de Yaoundé. Elle se déroule
actuellement sur 250 kilomètres à partir de Yaoundé ; Nanga-Eboko est à 160 kilomètres
de la capitale.
À côté du réseau qui a pour centre Yaoundé, diverses routes furent construites :
62
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 197.
63
Ibid, p. 39.
64
Ibid.
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- les routes qui relient Dschang au terminus du chemin de fer du Nord, Nkongsamba, et
notamment celle qui, passant par Bafang, traversait la rivière Nkam ;
- la route peu commerciale de Dschang à Foumbam ;
- la route Edéa-Dehane, qui se prolongea même au-delà d’Edéa,
- enfin la route Garoua-Maroua et les routes du Nord, qui étaient de bonnes pistes
utilisables en saison sèche65.
Le bilan de ces travaux, au 31 décembre 1925, était que le réseau routier du Cameroun
était de 2415 km, contre seulement 700 km au 31 décembre 1921.66 Les travaux se
poursuivirent de manière soutenue jusqu’en 1932, année à laquelle on assista à des
compressions budgétaires. Cependant, de nombreux travaux routiers continueront jusqu’au
début de la Guerre de 1939-1945. Ainsi,
En 1936, le réseau routier comprend 4 400 km de routes permanentes et 1 600 km de routes saisonnières.
De Yaoundé, plaque tournante, partent trois grandes artères reliant le Cameroun à la vie économique
internationale : 1° Yaoundé-Fort Lamy (1 650 km) dont une partie jusqu’à Garoua, constituée d’ouvrages
d’art définitifs est utilisable toute l’année ; 2° Yaoundé-Bangui (231 km dans le territoire) avec
embranchement sur le Moyen-Congo ; 3° Yaoundé-Ambam et Oyem, reliant toutes les régions du
Cameroun au Gabon. De Yaoundé part également une route rejoignant Dschang (500 km) riche région
habitée par plus de 500 000 indigènes. De Foumban, de Bafoussam, de Banganglé et de Bafang, les routes
s’entrecroisent pour aboutir à N’Kongsamba, tête de ligne du chemin de fer du Nord et se prolongent
même jusqu’à Wouri. Dans le Sud, région du cacao, rayonnent des tronçons vers Ambam, Sangmélima.
Enfin dans le Nord, de Maroua et de Garoua partent des pistes saisonnières sur Mora-Mokolo, Pouss,
Mendiff-Yagoua d’une part, et Demsa-Holma d’autre part. Réalisée par un effort continu et méthodique,
cette œuvre témoigne du génie colonisateur de la France.67
La lecture d’un tel bilan pousserait en effet à croire que tout était alors fait sur le plan
des transports routiers. Il faut tout de même relever que la qualité des routes souffrait très
souvent des affres de la nature. En effet, en saison des pluies, la plupart des routes nouvellement
construites étaient difficilement praticables. Cependant, nous devons reconnaitre l’influence
positive de l’extension du réseau routier sur le développement économique de l’ensemble du
territoire. Pour compléter ce réseau routier, le chemin de fer est développé tout comme sous le
protectorat allemand.
65
Ibid.
66
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 442.
67
Agence économique des colonies autonomes et du Cameroun, Cameroun, magazine trimestriel, 1937, p. 6. En
ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9734097w/f1.item.r=carte%20routi%C3%A8re%20du%20Cameroun%201
932, consulté le 15/02/2021 à 09h21.
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Les travaux de prolongement du Chemin de fer entrepris en 1922 ont été poursuivis activement en 1923 ;
ces travaux constituent la réalisation du projet jusqu’à Ottélé. Une modification à ce projet dirige la voie
métrique sur Yaoundé, et de Ottélé à Balmayo sur le Nyong une artère qui recevra au début une voie de
0.60, mais à laquelle on pourra substituer la voie métrique, vu les caractéristiques qui seront données à la
plateforme si les nécessités du trafic l’exigent.
Exécution des travaux. — Les travaux-exécutés au cours de l’année ont intéressé la région Njock-Makak
de beaucoup la plus accidentée de tout le tracé. L’avancement est forcément lent, dans ce pays bouleversé
où les tranchées de 16 mètres de hauteur succèdent très souvent à des remblais de même hauteur71.
D’après Etoga Eily, le prolongement du chemin de fer du Centre avait été inscrit dans
le Plan Sarraut.72 Il prévoyait le prolongement du chemin de fer du Centre jusqu’au Tchad, avec
Eséka-Yaoundé comme premier tronçon ; même si le Plan Sarraut n’est pas adopté, ce
programme de prolongement du chemin de fer est approuvé en 1922, par le Comité des Travaux
Publics.73 Il faut noter que ce programme diffère notablement dans ses objectifs, de celui
qu’avaient conçu les Allemands avant la guerre74. Ceux-ci projetaient la construction de deux
grandes voies de pénétration, qui auraient assuré l’exploitation de l’arrière-pays et étendu leur
action jusqu’aux possessions voisines ainsi que nous l’avons analysé plus haut. Cependant,
68
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 445.
69
« Daydé, ou Daydé & Pillé, était une entreprise française de constructions métalliques. Fondée par Henri Daydé,
cette entreprise a porté plusieurs noms : d'abord Daydé, puis brièvement Lebrun, Pillé & Daydé (1880), puis Daydé
& Pillé (1882), puis finalement à nouveau Daydé (1903). L'entreprise a fusionné en 1964 au sein de la Compagnie
française d'entreprises, devenue CFEM, et finalement intégrée dans Eiffel constructions métalliques ». (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dayd%C3%A9, consulté le 31/12/2019 à 15h58)
70
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p.446.
71
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1923, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1924, p. 119.
72
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 446.
73
Ibid.
74
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 113.
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voisins, non plus que de poursuivre la construction d’un transafricain est-ouest, ni même de pousser le
rail jusqu’au bassin du Congo, dont les magnifiques artères fluviales constituent des voies de transport
bien plus économiques75.
La suite des travaux de construction du chemin de fer ont été, là aussi, dictée par le
mobile économique d’évacuation des produits des plantations, non par un souci d’aménagement
du territoire. Sous l’administration allemande, le chemin de fer était donc censé continuer
jusqu’aux confins de l’Est. Les Français font remarquer qu’au-delà d’Abong-Mbang, la région
était surtout couverte par la haute forêt équatoriale, et ne renfermaient pas d’autres produits
exportables que l’hévéa.76 Ainsi, le prolongement initialement prévu vers l’Est est abandonné,
au profit des régions du Nord Cameroun et du bassin tchadien, « qui renferment plus de la
moitié de la population du Cameroun, formée par des races de civilisation déjà avancée, se
livrant à l’élevage et à la culture ».77
L’administration mandataire a donc mené des études afin de prolonger le chemin de fer
du Centre vers le Tchad. C’est sous le nom du Douala-Tchad que ce projet a été désigné. En
1930, une mission dirigée par le colonel du génie Milhau a donc suggéré de relier Douala à
Moundou, au Tchad, et présenté un projet en ce sens.78
Selon cette étude, le prolongement devait emprunter les vallées de la Sanaga, du Lom
et de la Mbéré, affluent du Logone. L’avantage de ce tracé était qu’il ne présentait aucune
difficulté de construction ; de plus, de Yaoundé à Baïbokum au sud-ouest du Tchad (940 km),
le terrassement n’allait pas être important. Compte tenu des facilités que la nature des lieux
semblait offrir, le coût du kilomètre de rail était appelé à diminuer de manière très sensible ; on
estimait alors qu’il ne dépasserait pas 12 millions de francs.79 L’objectif de ce projet était de
parcourir les localités telles qu’Obala, Nanga Eboko, productrices de cacao, de palmistes et de
bois ; ou encore Batouri, Bertoua, Bétaré-Oya (productrice d’or et de diamant) ; Meiganga avec
son bétail ; désenclaver les régions cotonnières de Moundou (Tchad), de Maroua et Fort-Lamy,
riches en arachides.
75
Ibid, p. 114.
76
Ibid.
77
Ibid.
78
P. Billard, « On construit des chemins de fer au Cameroun », Revue de géographie alpine, tome 54, n°4, 1966,
p. 615.
79
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 453.
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Finalement, le projet ne vit jamais le jour. En 1928 déjà, le rapport annuel du mandataire
soulignait que la route pouvait suffire à assurer les communications et les échanges, ce qui
rendait, selon les Français, le prolongement du chemin de fer, inutile.
Source : Agence économique des colonies autonomes et du Cameroun, Cameroun, magazine trimestriel, 1937, p. 6. En ligne,
URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9734097w/f1.item.r=carte%20routi%C3%A8re%20du%20Cameroun%201932,
consulté le 15/02/2021 à 09h21.
Il faut donc dire qu’à la fin du Mandat, le principal travail dans les chemins de fer avait
été le prolongement de Ndjock à Yaoundé. La crise économique d’abord en 1929, et la guerre
de 1939-1945 ensuite, eurent raison des efforts consentis par les Français dans le domaine des
voies de communication. Ces facteurs eurent même raison de l’entretien qui aurait pu être fait
80
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1928, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1929, p. 48.
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sur les voies existantes. Si les routes et le rail furent négligés, les voies fluviales quant à elles,
disparurent quasiment. Il faut tout de même noter les débuts des transports aériens.
Source : Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du
Cameroun pour l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 1
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La constitution de trois bases aéronautiques à Douala, Garoua et Yaoundé : elles [devaient] avoir des
dimensions suffisantes pour être accessibles aux plus gros appareils, être pourvues de hangars et de
centres de ravitaillement, et aussi être équipées en stations principales de météorologie. En dehors de
ces bases [devaient être] établis des terrains d’escale près des centres principaux ou dans les régions où
l’aéronautique [était] appelée à exécuter des missions d’intérêt économique. Enfin, entre ces escales,
des terrains de secours [permettraient] aux petits appareils monomoteurs de survoler le pays sans risque,
malgré l’absence, générale en Afrique, de prévisions météorologiques. 82
La création d’itinéraires aériens ainsi jalonnés de terrains a été décidée en premier lieu
selon l’axe Yaoundé/Fort-Foureau (Kousseri actuelle), sur laquelle viendraient plus tard se
greffer des ramifications desservant les régions où le vol est utile (en direction de Dschang
notamment) et en second lieu selon la route Douala-Bangui, la grande voie de pénétration vers
le centre africain83. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, les trois (3) premières routes
aériennes étaient : la route Sud-Nord (de Douala à Fort-Lamy84) par Yaoundé ; la route Ouest-
Est, de Douala à Bangui ; la route côtière, exploitée par la Compagnie des chargeurs réunis 85,
et reliait Dakar à Pointe-Noire par la Côte.
81
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun pour
l’année 1934, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1935, p. 44.
82
Ibid.
83
Ibid.
84
« Fondée par l’armée française en 1900 sous le nom de Fort-Lamy, la capitale tchadienne a été rebaptisée
Ndjamena (en arabe « nous nous sommes reposés ») en 1973. »
Source : https://www.universalis.fr/encyclopedie/n-djamena-fort-lamy/, consulté le 07/12/2021 à 22h53.
85
« Le service Dakar-Pointe Noire de la Compagnie “Aéromaritime” des Chargeurs Réunis, inauguré en mai 1937
et ouverte aux passagers à l’automne suivant, a continué à fonctionner pendant toute l'année 1938 avec une
régularité parfaite. » (Ibid., p. 44).
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Face aux lenteurs des voies de communication à l’intérieur du pays, l’aviation s’est
révélée très utile déjà à cette époque-là. Il était de surcroît nécessaire que les richesses de
certaines localités soient incluses dans le réseau d’infrastructures aériennes. Jusque-là, le
programme avait surtout intégré les régions de l’ouest, dotées de vastes plantations
européennes ; de l’Est où les mines d’or offraient de bonnes perspectives économiques ; et le
Nord, riche en coton, arachide et bétail86. L’aviation permettait néanmoins de suppléer
l’insuffisance de l’équipement routier et ferroviaire. Finalement, l’objectif de toutes ces
politiques étaient d’assurer le transit des produits de l’hinterland vers les différents ports.
86
L’avion servit au transport du bétail même pendant la période de Tutelle de l’ONU. J. C. Froelich rend justement
compte en 1954 des « expéditions de carcasses par avion-cargo vers Yaoundé, Douala, les ports d’A.E.F. et
Fernando-Po ». Ce moyen de transport, précise-t-il, fut surtout utilisé par les « éleveurs européens ». Source : J.
C. Froelich, « Ngaoundéré : la vie économique d’une cité peul », Études Camerounaises, Nos 43-44, 1954, p. 27.
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Sous le Mandat, les Français n’ont pas apporté des changements majeurs. Certes, entre
1926 et 1931, de nombreux travaux ont été entrepris au port de Douala, mais, sans évolution à
l’échelle de ce qui a été fait dans l’aviation, où il fallait partir de quasiment rien. Kribi a même
vu son port perdre en importance sous le Mandat, du fait du déplacement du commerce vers les
axes de chemin de fer et le développement parallèle des régions situées au nord du fleuve
Nyong. Ainsi, quasiment durant toute cette période, aucun investissement n’a été fait en faveur
de ce port. Pourtant, ce port aurait dû connaître un essor important : il était la principale porte
de sortie des bois et cacao produits dans la région d’Ebolowa entre autres. Au final, la période
de Tutelle devait marquer le déclin, pour un temps du moins, de ce port.
De par sa structure et ses objectifs, le Commissariat français de 1946 ressemblait aux institutions
américaines héritées du New Deal. Le « War Production Board » et le « Combined Production and
Resources Board », deux institutions où Monnet joua un rôle clef de 1941 à 1943, avaient en particulier
servi de modèle pour le Commissariat.87
Le Plan Monnet s’imposait avec un objectif de départ concret : rassurer les Américains
sur l’utilisation de l’aide qu’ils accordaient aux Français au terme des accords Blum-Byrnes.88
Ce n’est que plus tard que ses ambitions se sont étendues, ce qui en modifiait le fonctionnement.
87
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet : l’inspiration américaine », Revue Française d’Études
Américaines, N°68, mars 1996, p. 78.
88
« Que le Gouvernement des États-Unis a formellement adhéré à cet accord et à ces résumés (lettre Byrnes du 8
novembre 1945) ; qu’il a été précisé d’un commun accord, le 28 mai 1946 : a) Que la renonciation aux restrictions
d’importation était subordonnée à l’exécution du plan de reconstruction et de modernisation ». Source : JORF,
Avis et rapports du Conseil économique, année 1948, n°1, jeudi 29 janvier 1948, p. 7. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97646185/f7.image.r=les%20accords%20Blum%20Byrnes?rk=21459;2#,
consulté le 07/02/2021 à 23h46.
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En 1919, la Société des Nations, dont Monnet est l’un des animateurs, lui confie le poste
de secrétaire général adjoint. Durant la seconde guerre mondiale, les services rendus par lui à
la cause alliée le font designer comme membre du Conseil britannique des approvisionnements
de guerre. À la libération du territoire, il dirige les missions françaises d’achat aux États-Unis.
De Washington, M. Monnet prévoit qu’une fois le prêts-bails terminé, il deviendra nécessaire
de trouver de nouvelles formules qui permettent à la France d’utiliser de façon fructueuse l’aide
étrangère indispensable à la reconstruction et à la modernisation de son équipement. Afin de
répondre à ce besoin, un plan de modernisation et d’équipement formulant des propositions
concrètes pour les secteurs de base est alors élaboré sous sa direction.
Le 13 décembre 1945, dans un mémorandum adressé au Général de Gaulle, Jean Monnet proposait
l’élaboration d’un plan national. Ce plan avait deux objectifs principaux. Il devait permettre d’accélérer
la reconstruction de l’économie française tout en créant les conditions de sa modernisation. Le 3 janvier
1946, quelques jours avant de quitter le pouvoir, le Général de Gaulle acceptait le projet de Monnet et
créait par décret un « Commissariat Général du Plan ».89
89
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet…», 1996, p. 77.
P a g e | 109
première fois, prennent contact directement, hors de tout cloisonnement, de toute hiérarchie
administrative. Ensemble, ils fixent les objectifs du plan.
Le but [du plan Monnet] est triple ou quadruple : produire et moderniser, conception purement
conjoncturelle, dépasser de 25 % en 1950 la production record de 1929, et maintenir le « rang » […] de
la France en Europe, d’où la priorité donnée à l’industrie lourde. Cinq conditions sont nécessaires pour
cela : obtenir du charbon, améliorer les transports, encourager l’immigration, abaisser les coûts de
production, obtenir l’aide financière étrangère. Autre signe de pragmatisme, prévu pour quatre ans, pour
ne pas « faire soviétique », le plan Monnet sera prolongé jusqu’en 1952, de manière à ce que sa fin
coïncide avec celle du Plan Marshall. Il est rigoureusement exécutoire dans le secteur public, incitatif
dans le privé, il s’inscrit dans une logique d’hostilité au protectionnisme, responsable de la stagnation
économique jusque-là.92
Le Premier Plan est financé par un système dit de « contreparties » : l’aide Marshall et
des emprunts d’État financent le Fonds de Modernisation et d’Équipement (devenu le 30 juin
1955 le FDES, Fonds de Développement économique et social) qui à son tour engendre deux
flux d’argent, un court et direct qui va au secteur public, un autre, indirect, allant à des
intermédiaires publics (Crédit foncier, Crédit national, etc.) qui financent des sociétés privées.
90
Ibid., p. 82.
91
Ibid.
92
D. Lejeune, Années 50. France Janus, en Noir et Blanc ou en Couleurs ?, pp. 164-165. En ligne, URL :
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01504693v6/file/A50-Texte-converti.pdf, consulté le 15/02/2021 à 08h26.
P a g e | 110
Les destinataires français sont donc des producteurs, ce qui distingue la France de la Grande-
Bretagne et l’Italie, où l’aide Marshall sert essentiellement à rembourser la dette nationale.93
Monnet voulait que le Commissariat soit une unité petite et flexible et à sa création il ne
comptait que vingt membres permanents.94 Ce Commissariat, avec l’aide d’experts et
d’informations fournis par les ministères, définissait les tendances générales pour l’économie
dans son ensemble ainsi que par secteur (niveaux de production et de productivité, priorités
d’investissement, programmes de réorganisation). Les « commissions de modernisation »
étaient ensuite chargées d’élaborer des plans sectoriels précis par secteur. Chaque commission
réunissait les représentants des groupes concernés - patrons, syndicats, Ministères, et
Commissariat. La structure du Commissariat et sa position par rapport à l’administration
traditionnelle, bien que surprenantes en France à l'époque, n'étaient pourtant pas
idiosyncratiques. Il est clair en effet que le « War Production Board » américain a servi de
modèle pour le Commissariat. La ressemblance est frappante. Le « War Production Board »
était lui aussi en marge de l’administration américaine. Comme pour le Commissariat, cette
position marginale reflétait en réalité son rôle clef et la nature de sa fonction principale qui était
de coordonner les différentes administrations américaines. Le Comité du Plan devait définir,
dans les grandes lignes, les priorités économiques de la nation. Il devait aussi veiller au suivi et
à la coordination des programmes sectoriels préparés par vingt-quatre branches industrielles
Chaque branche comprenait des représentants patronaux, syndicaux et des membres de
l’administration. « La tâche principale de chaque chef de branche sera d’obtenir une utilisation
optimale des capacités industrielles de l'industrie qui lui a été confiée, pour la production de
matériel de guerre et civil de base.»95
93
Ibid., p. 165.
94
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet… », 1996, p. 81.
95
Ibid.
P a g e | 111
96
La loi du prêts-bails ou Lend-Lease Act est une « loi adoptée par le Congrès des États-Unis en mars 1941 et
appliquée jusqu’en août 1945, qui autorisait le président à vendre, céder, échanger, prêter le matériel de guerre et
toutes marchandises aux États dont la “défense était jugée vitale pour la défense des États-Unis”. » Source :
https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/loi_du_pr%C3%AAt-bail/139564, consulté le 03/01/2020 à 13h53.
97
M. Wall Irwin, « Les accords Blum-Byrnes. La modernisation de la France et la guerre froide», Vingtième Siècle,
revue d’histoire, n°13, janvier-mars, Dossier : Nouvelles lectures de la guerre froide, 1987, pp. 45-62.
98
Pour plus d’informations sur le Plan Monnet, lire Ph. Mioche, Le Plan Monnet : genèse et élaboration, 1941-
1947, Publications de la Sorbonne, 1987.
99
En ligne, URL :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000315341&categorieLien=cid,
consulté le 03/01/2020 à 13h56.
100
Voir copie du Journal Officiel de la République Française du 1er mai 1946 en annexe de la thèse.
P a g e | 112
Afin de faciliter la mise en œuvre et l’exécution des plans prévus par la loi du 30 avril
1946, le ministère de la France d’Outre-Mer crée auprès de la direction des Affaires
économiques, qu’assure l’inspecteur général Georges Peter, une sous-direction du Plan confiée
à l’administrateur Xavier Torré.102 Au cours des années 1950, Georges Peter et Xavier Torré
sont remplacés, respectivement, par Pierre Moussa, inspecteur des finances, et Marcel Combier,
administrateur.103 Le plan décennal ainsi arrêté pour les Territoires d’Outre-Mer, partie du Plan
Monnet global pour l’ensemble français, est théoriquement prévu pour la période 1947-1956.
En fait diverses raisons, dont au moins deux essentielles, ont modifié profondément le
calendrier :
une notable accélération des réalisations, rendue possible par la mise en œuvre du
Plan Marshall ;
l’impérieuse nécessité d’une évaluation en cours de route des résultats, d’un
infléchissement adéquat des orientations, d’un ajustement et d’un encadrement des
prévisions budgétaires alors requises.
101
La CCFOM devint Caisse centrale de Coopération économique (CCCE) le 12 janvier 1960 et fut chargée de
gérer le Fonds d’aide et de coopération, FAC.
102
Xavier-Antoine Torré a été Haut-Commissaire de la France au Cameroun de février 1958 à janvier 1960. Ainsi,
il a été le négociateur de l’indépendance du Cameroun. Lire à ce sujet D. Abwa, Commissaires et Hauts-
commissaires de la France au Cameroun (1916-1960), Presses universitaires de Yaoundé et Presses de l’UCAC,
2ème édition, 2000, pp. 407-418.
103
B. Voillier, « Les inspecteurs de la France d’outre-mer », in Clauzel J. (éd.), La France d’outre-mer (1930-
1960), Paris, éditions Karthala, 2003, p. 599.
P a g e | 113
Le plan décennal s’est trouvé scindé en deux phases à durées volontairement raccourcies
pour correspondre à des programmes budgétaires ou plans FIDES pluriannuels. Ainsi :
2. Les Plans FIDES au Cameroun sous Tutelle française entre 1946 et 1957
a. La politique des transports dans le Premier Plan FIDES entre 1947 et
1952
Le premier plan quadriennal est donc décliné du plan décennal d’origine, et prévu pour
la période 1947-1951, prolongé par une phase intermédiaire 1951-1952 d’achèvement et de
réorientation, avant le second plan 1953-1957. Ses réalisations découlent, pour l’Outre-mer, des
propositions faites à l’échelle de l’Union française par les Commissions du Plan national
retenues par l’État et du fruit des délibérations des représentations fédérales, et territoriales
ultramarines.
Une large priorité y a été accordée aux équipements de base et infrastructures, déjà
insuffisants avant 1940 et ayant fortement souffert du conflit mondial, notamment du fait de la
quasi-rupture économique, voire politique avec la métropole.
Plus de la moitié des crédits mobilisés au cours de ce premier plan, 70 % selon nombre d’experts, sur un
montant global estimé à 350 milliards de francs métropolitains d’époque (soit de l’ordre de 8 à 9 milliards
d’euros actuels) sont destinés aux équipements et infrastructures : installations portuaires, maritimes et
aériennes ; réseaux ferroviaires, fluviaux, routiers ; télécommunications ; production et distribution
d’énergie, etc…104
104
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, Volume VI : De l’empire colonial
à l’Afrique indépendante 1945-1960. La recherche prépare le développement, Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome, 2005b, p. 58.
105
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », Civilisations, Vol. 6, No 3, 1956, pp. 396-397.
106
Ibid, p. 397.
P a g e | 115
Dotée d’un potentiel économique important, mais elle aussi handicapée par la modicité des
voies de communication.
Source : E. Guernier et al (éd.), Cameroun-Togo, Paris, Éditions de l’Union française, 1951, p. 316.
P a g e | 116
Ainsi, à la fin du 1er Plan, le Cameroun devait disposer d’un outil solide,
quoiqu’insuffisant (en ce qui concerne l’axe Nord-Sud), permettant de consacrer un meilleur
transit des cultures de l’hinterland vers la cote. Au rang des réalisations de ce plan, nous
pouvons compter le pont sur le Wouri à voie ferrée, sous la houlette du Haut-commissaire Jean
Louis Marie André Soucadaux, point stratégique dans la guerre qu’il menait contre les
nationalistes de l’UPC.108 Ce pont a permis de faire des réseaux ferroviaires et routiers du
Cameroun un ensemble unique. Par ailleurs, le réseau ferroviaire a été entièrement reconstitué.
Et les travaux en vue de relier le Sud au Nord entamés. Enfin, la liaison permanente de Douala
avec les principaux centres économiques de l’Ouest a été assurée. Elle se prolonge par une série
de travaux en direction de Maroua.109
b. La politique des transports dans le Second Plan FIDES entre 1953 et 1957
Cette mise en avant du monde rural a été nécessaire parce que, après évaluation du Ier
plan, il est apparu que les travaux de celui-ci ne touchait pas les populations les plus éloignées
des villes. « La réalisation du barrage d’Edéa, le pont sur le Wouri, la rénovation du Chemin de
fer, ne paraissent pas aux villageois d’une évidente utilité. Ce sont là des entreprises hors de sa
107
Ibid, p. 398.
108
Lire D. Abwa, Commissaires et Hauts-commissaires…, 2000, p. 343-356
109
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, p. 398.
110
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole…, 2005b, p. 60.
P a g e | 117
portée et il ne réalise pas la mesure dans laquelle ces travaux contribuent à l’amélioration de
son bien-être ou simplement de son niveau de vie ».111
Afin que cohérence se dégage des travaux des différentes sous-commissions constituées
pour la préparation du plan, le Commissariat général au Plan institue une Commission d’étude
et de coordination des plans de modernisation et d’équipement dans les Territoires d’outre-mer
présidée par Roland Pré, futur Haut-commissaire de la France au Cameroun (2 décembre 1954
- 17 avril 1956).
111
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, p. 402.
112
Ibid, p. 404.
113
A. Valette, Les méthodes de planification régionale au Cameroun, Ministère du Plan et de l’aménagement du
territoire, ORSTOM, S.H. no 76, mars 1971, p. 2
114
Ibid.
P a g e | 118
de 23 milliards de francs sur un total de 36 milliards a été affecté à des projets d’infrastructure
et, à l’exception de la construction du barrage d’Edéa sur la Sanaga et d’un certain nombre de
centrales thermiques, la plus grande partie de ces dépenses d’investissement ont été consacrées
aux moyens de transports.115 Les installations portuaires ont fait l’objet d’une modernisation
très poussée au cours d’une période de six ans. Bien que le réseau des chemins de fer n’ait pas
bénéficié de nouvelles extensions, d’importantes améliorations y ont été apportées y compris la
diésélisation du matériel roulant, ce qui s’est traduit par une réduction des coûts et un
accroissement du trafic.116 En ce qui concerne les routes, environ 1170 kilomètres de routes
nouvelles ont été construites et l’on a procédé au bitumage de 580 kilomètres de routes
supplémentaires.117 Parmi les nombreux ouvrages d’art, il convient de citer la construction du
pont de Wouri d’une longueur totale de 1805 mètres.118
qui penche sur le dossier des aérodromes publics à ouvrir à la circulation aérienne.
Naissent alors les aérodromes de Foumban (1949), Kribi (1950), Bertoua, Maroua ville et
Maroua Salak, Kaélé, Ngaoundéré (1952), Eséka (1954).121
115
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n°
AF-15a, 08 avril 1964, p. 3. En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/215191468010902914/pdf/AF150V20ESW0French0Box46476B0P
UBLIC.pdf, consulté le 23/12/2018 à 02h03.
116
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, pp. 398-399.
117
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, 1964, p. 3.
118
Ibid.
119
Convention en ligne, URL : https://www.mcgill.ca/iasl/files/iasl/chicago1944a-fr.pdf, consulté le 10/01/2020 à
05h32
120
Lire le texte initial paru dans Journal Officiel en ligne, URL :
http://lexpol.cloud.pf/LexpolAfficheTexte.php?texte=268966, consulté le 10/01/2020 à 06h30
121
Cameroon civil aviation authority, « Les premiers “coups d’ailes” en Afrique et au Cameroun », en ligne, URL :
https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-historique-de-laviation-vivile/477-les-premiers-
coups-d-ailes-en-afrique-et-au-cameroun, consulté le 10/01/2020 à 10h35.
P a g e | 119
En même temps que ces aérodromes sont construits, la compagnie aérienne Air France
monopolise les liaisons internationales entre Douala et l’extérieur, il est créé en début de 1950
par René Meyer, une régie d’exploitation de lignes aériennes intérieures du Cameroun
dénommée “Régie Air Cameroun”. Sous les recommandations de Meyer, le Haut-commissaire
Soucadaux achète deux Beech 18 d’occasion, immatriculés F-BESN et F-BEDH au nom du
Haut-commissariat au Cameroun le 29 mars 1950. Un DC-3, immatriculé F-OIAD aménagé en
cargo, vient renforcer dette flotte, et transporte la viande du Tchad vers les villes du bord de
mer et, en retour, embarque de Douala des colis et des légumes vers le Nord.
122
Toutes ces informations sont à lire dans V. Ferry, Du trimoteur au quadrijet : le transport aérien en Afrique
noire francophone, 1940-1961, éditions Le gerfaut, 2006, p. 158-159.
P a g e | 120
Sous l’administration française, les transports connurent une réelle avancée, tant les
transports terrestres, que ceux aériens et maritimes. Mais cette œuvre n’est pas exempte de tout
reproche, surtout si l’on considère que le but ultime des Français était l’évacuation des produits
de la colonie. Il se posait à l’administration sous Mandat et sous Tutelle, l’impératif de rendre
des comptes à l’Assemblée de la SDN et de l’ONU. Dès lors, chaque réalisation infrastructurelle
devint l’objet d’une propagande coloniale dans le but de « mettre en valeur » c’est-à-dire
développer, non pas la colonie, mais de promouvoir l’œuvre « civilisatrice » de la France et
justifier sa présence au Cameroun.
La première, à l’intérieur d’un cercle de 300 kilomètres de rayons autour de Douala : zone de prospérité
contenant les principales productions autochtones, les plus nombreuses plantations européennes, la
plupart des entreprises et des centres commerciaux. À peu près délimitées par Foumban, Bafia, Yaoundé,
Ebolowa, peuplée d’un million et demi d’habitants, cette terre produit la quasi-totalité du café, du cacao,
de la banane, des palmistes et des bois du Cameroun. […] À l’autre extrémité du Cameroun, au Nord, une
seconde zone de 200 kilomètres autour du port fluvial de Garoua présente un très grand intérêt d’avenir,
du fait surtout de sa population (plus d’un million d’habitants). Sa production est modeste encore, mais
son potentiel est important.123
Le développement est donc centré sur deux parties du territoire, appelées « zones utiles »
ou « zones de prospérité »124.
L’une des conséquences de cette planification parcellaire est que plusieurs régions sont
restées parents pauvres des tentatives de développement. La région de l’Est en est une
illustration. Durant la colonisation française, elle ne représentait plus un intérêt sur le plan
économique. En effet, les Allemands avaient développé la culture de l’hévéa dans la zone, mais
sans développer les voies de communication. Etoga Eily nous fait savoir que : « récolté par la
Gesellschaft Sud-Kamerun, dans les circonscriptions de Lomié, Doumé, Ebolowa et même
Yaoundé, le caoutchouc sylvestre était expédié, soit par voie fluviale par la Sangha, puis le
Congo ; soit, pour les régions situées à l’extrême Ouest, acheminé par porteurs, vers le port de
123
E. Guernier et al (éd.), Cameroun-Togo, Paris, Éditions de l’Union française, 1951, p. 119.
124
Ibid., p. 120.
P a g e | 121
Kribi »125. Les deux cartes suivantes nous donnent un aperçu des zones utiles et des transports
en 1951 :
Carte 5 : Les « zones utiles » et principaux axes de
circulation du Cameroun en 1951 Carte 6 : Carte routière du Cameroun en 1951
Source : E. Guernier, Cameroun-Togo, Paris, Éditions Source : E. Guernier, Cameroun-Togo, Paris, Éditions de
de l’Union française, 1951, p. 120 l’Union française, 1951, p. 295.
À propos de la Région de l’Est, lire S. Ango Mengue, « La province de l’Est du Cameroun : étude de géographie
126
Selon Etoga Eily, déjà en 1912127, le caoutchouc sylvestre, exploité essentiellement par
les agriculteurs locaux, subit la concurrence des caoutchoucs des plantations128.
Ce fut une véritable catastrophe pour une région comme l’Est, qui ne tirait le plus clair de ses ressources
que du caoutchouc sylvestre ; ses cours étaient tombés en chute libre d’une année à l’autre. On peut
facilement s’en faire une idée en considérant qu’en 1920, le kilo de caoutchouc valait, sur le lieu de
cueillette 1 franc ; mais, dès le 1er semestre de l’année suivante, il ne rapportait plus que 0,50 franc avant
de descendre immédiatement au 2e semestre à 0,25 franc le kilo. Au début de l’année 1923, le kilo de
caoutchouc valait 0,15 franc seulement129.
En 1931, écrit-il, le caoutchouc était, de tous les produits, celui dont les cours avaient subi la plus forte
baisse. Sur le plan international, le caoutchouc africain ne trouvait en outre qu’une clientèle réduite. Aux
cours en vigueur à l’époque, la plupart des consommateurs européens lui préféraient celui des plantations
d’Extrême-Orient. Dès 1930, les commerçants engagés dans son exploitation dans l’Est-Cameroun
avaient subi de lourdes pertes. L’effritement continuel des cours mondiaux avait causé en retour la baisse
progressive des prix d’achat à l’indigène. Face à cette morosité, l’administration se désintéressa de ce
produit.130
Il faut croire que ce n’est pas seulement le produit qui a été abandonné par
l’administration coloniale française, mais la région de l’Est aussi. De fait, la plupart des maisons
de commerces ont fermé dès cette période et n’ont plus rouvert131. Le caoutchouc sylvestre
disparait peu à peu au profit de celui des plantations. « Ceux des producteurs qui s’y étaient
consacrés furent, pour la plupart, contraints de se reconvertir dans des secteurs qui comportaient
moins d’aléa. Bien des plantations de caoutchouc se videront progressivement pour faire place
à de grande forêt ».132
127
Idem.
128
À côté du caoutchouc sylvestre qui poussait naturellement en forêt et était l’apanage de la région de l’Est,
plusieurs plantations d’hévéas ont été créées par les Allemands dès 1914. Il s’agit entre autres : d’une plantation
dans la région de Kribi (environ 560 hectares) ; d’une plantation à la jonction Edéa-Kribi et la rivière Nyong (14
hectares) ; d’une plantation à 10 km de Lolodorf (10 hectares) ; une plantation à Ngoulemakong sur la route
Ebolowa-Yaoundé (25 hectares) ; la plantation de Dizangué (105 hectares). Lire H. Chamaulte, « L’Hévéaculture
au Cameroun », Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 1942, p. 251.
129
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 366.
130
A. Mbembe, La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-1960), Éditions Karthala, 1996, p. 169.
131
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 366.
132
Ibid., p. 370.
P a g e | 123
Cette politique des transports, adossée à la mise en valeur des « zones utiles » a aussi pour
conséquence un déséquilibre entre les transports et l’aménagement du territoire.
En effet, avec les Plans FIDES, une amorce d’aménagement du territoire fut faite.
Cependant, l’évaluation de l’efficience de ces Plans permet de ressortir trois remarques : tout
d’abord, l’effort porta essentiellement sur les grands travaux d’équipement qui étaient
indispensables, mais dont la continuation et l’entretien allaient être lourdes à supporter par la
suite pour la nouvelle administration. Ensuite, le secteur industriel fut moins présent des
préoccupations des bailleurs de fonds. Enfin, la répartition spatiale des opérations fit apparaître
une inégale répartition des investissements : « les départements qui forment l’actuelle région
administrative du Littoral reçoivent près de 53% des fonds, le Nord 19 %, l’actuel Centre Sud
17,5 %, l’Ouest 8,5 % et l’Est 2 %. Le rôle-clé de Douala se voit confirmé par une politique
d’investissements massifs en infrastructure (pont, route, rail, port) »133.
C’est avec la culture du coton que des voies de communications se mettent en place,
mais de manière lente et sans pouvoir permettre une réelle ouverture de la région.136
133
A. Valette, Les méthodes de planification…, 1971, p. 3.
134
L’expression « Nord-Cameroun » désigne l’ensemble de la région s’étendant de l’Adamaoua au lac Tchad. Il a
été constitué en une province au début des années cinquante, puis en trois (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) en
1983. On désigne aussi cette région sous les appellations « Grand-Nord » ou « Septentrion ».
135
R. Levrat, Culture commerciale et développement rural. L’exemple du coton au Nord-Cameroun depuis 1950,
Éditions L’harmattan, Paris, France, 1999, p. 12.
136
Lire C. Seignobos, « Du coton traditionnel au coton colonial, le coup de force du progrès (Nord-Cameroun) »,
Revue d’ethnoécologie [en ligne], 2019, n° 15, URL : http://journals.openedition.org/ethnoecologie/4067, consulté
le 23 décembre 2019 à 04h22.
P a g e | 124
Un autre problème est à relever dans l’action coloniale française, celui de la propagande.
En effet, les actions de la période française de Mandat et de Tutelle, sont surtout dirigées par la
volonté de présenter une image utilitaire de la colonisation, pour justifier la « mission
civilisatrice » de la France.
C’est dès le XIXe siècle que l’Occident crée, grâce à l’imagerie et les discours, « son »
Orient, dans lequel se confondent Maghreb et Levant, aux côtés d’une Afrique mystérieuse,
d’une Océanie paradisiaque et d’une Asie inquiétante.137 Écrivains, musiciens, peintres et
sculpteurs diffusent une image rêvée et idéalisée, constituant ainsi un courant nommé
orientalisme qui s’affirme dans le dernier tiers du XIXe siècle.138 C’est aussi une façon
d’« apprivoiser » l’exotisme et la France encourage les artistes à séjourner dans les colonies
grâce à des bourses de voyage (via la Société coloniale des artistes français) et des résidences
(la Villa Abd-el-Tif en Algérie).139
Après la phase des conquêtes coloniales, l’aventure en Afrique se concrétise entre les
deux guerres par des expéditions spectaculaires, notamment celles mises sur pied par André
Citroën : la traversée du Sahara en 1922-1923, la Croisière noire d’Oran à Madagascar en 1925,
et la Croisière jaune de Beyrouth à Pékin en 1931-1932. En métropole, le cinéma se fait le relais
de ces expéditions, à la suite de la photographie (le studio Lehnert et Landrock), de la presse
populaire (Le Journal des voyages, Le Tour du monde…) ou des romans d’aventure (Pierre
Mille, Henry Bordeaux, Louis Bertrand, les frères Tharaud…).140 Avec le temps, l’imagerie
coloniale tend à montrer les populations colonisées, hommes et femmes, de façon un peu moins
caricaturale, mais l’« indigène » reste source de projections fantasmées et de stéréotypes.
Déserts, Touaregs et Mauresques pour le Maghreb ; contrées sauvages et populations à
« civiliser » pour l’Afrique noire ; fumeries d’opium, culture du riz, congaïs (concubine
« indigène » d’un colon) et mandarins pour l’Indochine, vahinés et cannibales pour
137
Lire à ce sujet, N. Bancel et P. Blanchard, « De l’indigène à l’immigré, images, messages et réalités », Hommes
et Migrations, n°1207, mai-juin 1997, pp. 6-29. En ligne, URL : https://www.persee.fr/docAsPDF/homig_1142-
852x_1997_num_1207_1_2951.pdf, consulté le 26/03/2021 à 13h55.
138
Il est intéressant de lire à ce propos l’ouvrage d’Edward Saïd : L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident
(titre original en anglais : Orientalism), Editions Seuil. Paris, 1994.
Cet essai analyse la vision occidentale du Moyen-Orient telle qu’elle apparaissait au XIXe siècle dans l’art et la
littérature, et les implications de cette vision en termes de colonisation et d’impérialisme culturel jusqu’aux années
1970. Saïd y développe quatre thèses, à savoir la domination politique et culturelle de l’Orient par l’Occident, la
dépréciation de la langue arabe, la diabolisation de l’arabe et de l’islam, et la cause palestinienne (à noter que
l’auteur est américain d’origine palestinienne).
139
https://www.achac.com/colonisation-et-post-colonialisme/exposition/images-et-colonies-itinerante/le-
colonial/, consulté le 05/03/2021 à 09h45.
140
Ibid.
P a g e | 125
l’Océanie.141 Entre 1875 et 1935, ce sont d’ailleurs des centaines de milliers de cartes postales
« scènes et types » qui sont réalisées, représentant les indigènes photographiés sous l’angle de
leur altérité, et qui concourent ainsi à la vulgarisation d’images et à la diffusion des stéréotypes
auprès d’un large public métropolitain.
Dans le même mouvement, le discours colonial est désormais une affaire de propagande
d’État, ainsi qu’en témoigne la création de l’Agence générale des colonies142 au lendemain de
la Grande Guerre. Elle regroupe l’action des agences territoriales créées un quart de siècle plus
tôt et fédère le message officiel de la République coloniale porté par des ministres qui
revendiquent désormais l’action propagandiste. Albert Sarraut, alors ministre des Colonies,
estime ainsi en 1920 qu’il est « absolument indispensable qu’une propagande méthodique
sérieuse, constante par la parole et par l’image, le journal, la conférence, le film, l’exposition
puisse agir dans notre pays sur l’adulte et sur l’enfant. »143 C’est cette méthode qui est illustrée
dans ces écrits d’A. F. Dikoumé à propos de l’éducation à l’hygiène :
Tout était mis en œuvre pour diffuser les mots d’ordre : par le journal “Hygiène et alimentation”, par des
films éducatifs, avec des camions sillonnant les villages, par des conférences, par des brochures, des tracts
traduits en langues camerounaises. Le service mobile s’efforçait d’adapter sa propagande à divers
milieux : scolaires, adultes, urbains, ruraux. Elle faisait un travail de fond notamment dans les écoles. Les
enfants étant particulièrement malléables, et ayant une grande capacité d’assimilation, on essayait de faire
pénétrer les idées neuves par leur biais.144
Il faut remarquer que même les billets de banque émis durant cette période étaient une
expression de cette propagande coloniale. Les transports sont ainsi destinés soit à promouvoir
141
Ibid.
142
Le décret du 29 juin 1919 créa l’Agence générale des colonies. Elle groupa les organes communs à
l’administration centrale et aux colonies en deux sections : le service des renseignements, le service administratif.
Y furent associés, les agences économiques et les délégations administratives que créèrent, par arrêtés locaux, les
colonies. Par mesure d’économie l’Agence fut supprimée par décret du 17 mai 1934. Les agences territoriales
furent cependant maintenues. Sont créés par décret du 12 mars 1937, le Service intercolonial d’information et de
documentation et le Commissariat permanent pour la propagande coloniale et les expositions. Ils sont
respectivement chargés : de centraliser toutes les attributions exercées par les agences territoriales en matière de
presse, d'informations, de publicité et de documentation générale, d'assurer la coordination des services
économiques et commerciaux des agences territoriales. Réorganisée par la loi du 22 janvier 1941, l'Agence
économique des colonies, devenue ensuite Agence économique de la France d'outre-mer, fut supprimée en
novembre 1953. Le même décret instaure le Service d'information et de documentation qui a pour objet de
promovoir et de coordonner toutes les initiatives susceptibles d'assurer une meilleur connaissance mutuelle des
territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer et des autres pays de l'Union française.
À propos de l’Agence générale des colonies, lire S. Lemaire, « Propager : l’agence générale des colonies »,
Sandrine Lemaire (éd.), Culture coloniale 1871-1931, éd. Autrement, 2003, pp. 137-147.
143
O. Blamangin, « Une analyse du contenu de la Revue d’histoire des colonies françaises en 1913-1939. Cent ans
d’Histoire des Outre-Mers. SFHOM 1912-2012 », Société française d’histoire des outre-mers, 2013, p. 357.
144
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 571.
P a g e | 126
Source : J. C. Mafossi, « Genre et travail dans l’iconographie monétaire en circulation au Cameroun de 1945 à
2002 », Images du travail- Travail des images [En ligne], Dossier, n° 6-7. Femmes au travail : quelles
archives visuelles ?, Images du travail, Travail des images, URL : https://imagesdutravail.edel.univ-
poitiers.fr:443/imagesdutravail/index.php?id=2134, consulté le 08/03/2021 à 18h53.
Le billet de banque de 100 FCFA datant de 1957 présente au premier plan, un vieil
homme, vêtu à la manière traditionnelle de l’Afrique de l’Ouest. L’arrière-plan est fait de
véhicules chargés de biens en tout genre et de personnes en attente de les charger dans les grands
bateaux, certainement pour les envoyer en France. À l’analyse, on pourrait y voir la légitimation
du projet colonial : tel le sage qui regarde sans dire mot, l’Afrique doit rester observatrice de
P a g e | 127
l’exploitation de ses richesses. De plus, il apparait clairement que les transports sont au service
de la métropole, dans ce cas, il s’agit des transports routiers et maritimes.
Le billet de 500 FCFA présente quant à lui une forêt dans laquelle passe un train sur un
pont très haut. Cette opposition entre deux mondes, le traditionnel (forêt) et le moderne (train
et pont), montre le bien fondé supposé de la colonisation qui, même dans les forêts les plus
denses, apporte le développement. Là encore, les transports sont mis au service de la
propagande.
Mais cette propagande, orchestrée par la France, avait aussi d’autres objectifs plus
politiques et plus diplomatiques.
145
Comme on peut l’observer sur la carte 4, la route qui desservait la région de l’Est était « la route de l’AEF »,
une route qui n’était pas prévue dans les programmes de « mise en valeur » du Cameroun sous Mandat français.
D’après Marie-Sophie Momendeng, cette route naît entre 1924 et 1925, du « désir [des autorités mandataires]
d’avoir des rapports satisfaisants à présenter à la commission permanente des mandats à Genève ». À cette
raison, Momendeng note que les Français avaient à cœur de mieux contrôler les populations de cette région et
d’ouvrir une route donnant accès à la zone aurifère et à l’Oubangui-Chari, territoire dépourvu de port.
Lire M.-S. Momendeng, « La route de l’AEF et le développement socio-économique du Lom-et-Kadeï, de 1922
à 1965 », Mémoire de DIPES II en Histoire, École Normale Supérieure de Yaoundé, Université de Yaoundé I,
1998
146
D. Monière, Pour comprendre le nationalisme au Québec et ailleurs, Montréal, Presses de l’Université de
Montréal, 2001. En ligne, URL : http://books.openedition.org/pum/15552, consulté le 09/03/2021 à 00h35.
147
Lire N. Texier, « « L’ennemi intérieur » : l’armée et le Parti communiste français de la Libération aux débuts
de la guerre froide », Revue historique des armées [En ligne], n° 269, 2012, URL :
http://journals.openedition.org/rha/7576, consulté le 09 mars 2021 à 00h 45.
P a g e | 128
1933,148 et italiennes sur la Savoie, Nice et la Tunisie.149 Tout le discours propagandiste de ces
années charnières s’inscrit dans ce contexte. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre la
mise en scène derrière l’inauguration du pont sur le Wouri en 1955, dont un timbre postal est
édité pour l’occasion.
Photo n° 14 : Timbre postal édité à l’occasion de l’inauguration du pont sur le Wouri le 15 mai 1955
Source : http://www.histoire-et-philatelie.fr/pages/005_decolonisation/0401_les_territoires_sous_tutelle_1.html,
consulté le 03/01/2020 à 04h42.
Toute cette propagande autour des réalisations coloniales avait enfin pour objectif de
faire taire, ou du moins, de répondre aux critiques d’une certaine classe politique française. Il
est intéressant de lire ces propos du Dr Jean Grassard, sénateur du Cameroun de 1947 à 1955,
lors de la séance du 15 mars 1955. Face aux critiques selon lesquelles le Cameroun
bénéficierait, par rapport au Togo, d’une répartition particulièrement favorable au comité
directeur du FIDES en raison de certains appuis politiques et de sa rentabilité, le sénateur
répondait :
À ce sujet, je me permets de rappeler les admirables travaux qui ont été réalisés dans les territoires que je
représente avec mes collègues Okala et Arouna Njoya qui m’ont donné spécialement mandat pour vous
parler à ce propos. […] Le pont établi sur le Wouri et qui demain sera inauguré par une haute personnalité
de la République ne mérite-t-il pas toute notre admiration ? Avec ses 2 000 mètres de portée, c’est
148
Lire J.-D. Durand, « L’opinion mosellane face à la politique allemande. Janvier 1933 - Septembre 1939 »,
Thèse de Doctorat d'Histoire, Université de Metz, 1998. En ligne, URL : http://docnum.univ-
lorraine.fr/public/UPV-M/Theses/1998/Durand.Jean_Daniel.LMZ9801_2.pdf, consulté le 00/03/2021 à 01h00.
149
Lire G. Montalbano, « Les Italiens de Tunisie: la construction de l'italianité dans un contexte colonial français
(1896-1918) », Thèse de doctorat en Histoire moderne et contemporaine, Universités de Paris Sciences et Lettres
(ComUE) et de Sienne, 2018.
P a g e | 129
maintenant un des plus beaux ponts du monde, une des plus admirables réalisations de l'Union française
et qui fait honneur à nos techniciens. Du reste, ce pont est un des magnifiques exemples des réalisations
que le Cameroun a pu mener à bien. Il en a assuré la dépense en partie avec ses propres fonds et en partie
avec les fonds du FIDES. C’est bien exact, monsieur le rapporteur de la commission des finances ? Ce
pont n’est-il pas aussi le débouché terminal sur Douala du grand axe Nord qui, non seulement assure le
débouché des régions du Nord Cameroun, mais qui demain assurera les débouchés du Tchad et sera le
terminus de l'axe Nord Douala-Fort-Lamy […] dans un avenir plus ou moins prochain. 150
Déjà prévu dans le projet du Gross Duala allemand,151 le pont sur le Wouri devint une
nécessité impérieuse compte tenu des dysfonctionnements que son absence provoquait dans les
circuits économiques.152 Son inauguration le dimanche 15 mai 1955, fut présidée par le ministre
Pierre Henri Teitgen.
De plus, la presse française se livrait une véritable bataille à propos de la place de l’UPC
et des actions menées par l’administration coloniale. En effet, pour les commentateurs de
Marchés coloniaux et de Combat, l’UPC était composée « d’une poignée d’extrémistes formés
à l’école de Moscou [qui] s’efforcent, en entraînant des masses crédules, d’entraver l’œuvre de
la France ».153 L’Humanité, quant à lui, organe du Parti communiste français (PCF) prenait à
partie le ministre Henri Teitgen, après les évènements sanglants de Douala en 1955.154
C’est ette propagande, consistant à mettre en avant les sommes investis par le FIDES,
en occultant le fait que c’étaient des crédits que le Cameroun devait rembourser, que l’UPC
dénonçait avec véhémence. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU en 1952,
Um Nyobé, le secrétaire général de l’UPC, en faisait l’analyse.155
Dans les nombreuses tournées qu’il avait consacrées à la propagande en faveur de « l’Union française »
à la veille d’une mission de visite de l’ONU, M. Soucadaux, Haut-commissaire de la République
150
JORF, Débats parlementaires Conseil de la République, Compte rendu in extenso des séances questions écrites
et réponses des ministres a ces questions, séance du mardi 15 mars 1955 p. 737.
151
R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 132.
152
Lire A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, pp. 365-370.
153
M. Michel, « Une décolonisation confisquée ? Perspectives sur la décolonisation du Cameroun sous tutelle de
la France 1955-1960 », Revue française d’histoire d’Outre-mer, tome 86, n°324-325, 2e semestre 1999, p. 233.
154
Ibid.
Fondée en avril 1948, l’UPC prône la réunification du Cameroun et son indépendance de la France. Elle s’associe
au Parti communiste français, s’oppose farouchement à la colonisation, supporte les revendications syndicales et
les grèves qui se multiplient à partir de janvier 1955. Le gouverneur Roland Pré tente de briser son support
populaire en réformant l’administration locale, et fait élire des chefs de villages modérés, organise une alliance
des partis modérés et conservateurs, puis lance une politique de répression contre l’UPC. Des émeutes éclatent les
22 et 27 mai 1955 au Cameroun, et servent de prétexte au bannissement de l’UPC le 13 juillet. Dans la
clandestinité, Nyobé forme l’Armée de libération nationale du Kamerun (ALNK) qui recourt à la lutte armée et au
sabotage.
À propos des émeutes de 1955, lire entre autres : J. A. Anafak, « Le Mouvement Nationaliste au Cameroun sous
Tutelle Française relaté par la presse écrite de France (1945-1960) », Présence Africaine, Nouvelle Série, No.
187/188, 2013, pp 291-313 ; D. Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, 1884–1961, Yaoundé, Éditions
CLE, 2010 ;
155
M. R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 272.
P a g e | 130
Pour illustrer son propos, Um Nyobé présente deux situations : celle de l’entreprise des
travaux publics Razel Frères et de la Société Monod. La première, adjutatrice d’un marché de
construction de route de 80 km pour une somme de 1400 millions de francs français. Après
avoir renégocié le marché en cours d’exécution, la somme finalement dépensée dans le cadre
du crédit FIDES était de 2 milliards 800 millions de francs français. La seconde, gérée
entièrement par des non Camerounais, devait construire une route reliant la Région de la Sanaga
Maritime à la Région du Mbam. Le marché, conclu en 1950, était crédité d’une somme de 300
millions de francs français. Et en 1952, au moment de la rédaction de sa lettre, Um Nyobé faisait
le constat que le travail n’en était encore qu’au stade de la « reconnaissance ».157 Or, remarque-
t-il, « le franc subit une dévaluation de trimestre en trimestre et nous sommes certains qu’au
moment où il sera enfin temps de commencer les travaux de construction de la route, le crédit
de 300 millions de francs métropolitains aura été entièrement consommé. »158 Ainsi, face aux
accomplissements infrastructurelles que l’auteur de la lettre ne nie pas, il pose tout de même
une question : à qui profitent toutes ces réalisations ?159
Conclusion
Notre objectif n’est pas de passer en jugement les réalisations françaises au Cameroun
entre 1916 et 1960. Il faut remarquer que cette période a elle-même été marquée par la crise
économique de 1929, et surtout par la guerre de 1939-1945. Ce qui avait probablement freiné
les efforts de la France dans la construction du développement du Territoire. On peut donc au
moins estimer les réalisations qui avaient été menés pour la continuation de l’œuvre allemande,
tant pour les routes, les ports, que pour les voies ferrées. La France avait aussi suivi le
mouvement mondial de développement de l’aviation en construisant les premiers aérodromes
du Cameroun.
156
Ibid.
157
Ibid.
158
Ibid., p. 273.
159
Ibid.
P a g e | 131
C’est pourquoi, le port, les deux lignes de chemin de fer, les axes routiers qui les
doublaient furent les principaux bénéficiaires du premier plan. Le port en 1949 comme en 1931
ne présentait que 540 mètres de quais, plus 80 mètres construits à Bonaberi, soit cinq postes en
eau profonde. Comme il fallait prévoir, étant donné l’évolution du tonnage maritime, un trafic
minimum de l’ordre d’un million de tonnes pour 1960, l’effort principal porta donc sur Douala :
construction de quais, vastes remblaiements, construction de hangars (33 000 m2 de terre-pleins
couverts la même année au lieu de 15 000 avant), surélévation des chaussées maritimes, système
d’évacuation des eaux, furent en partie réalisés entre 1947 et 1952. Un pont de 1 800 m sur le
Wouri en 1955, reliant Bonaberi à la ville. Douala reçut de substantiels crédits. Les dépenses
furent moindres pour les chemins de fer, les routes, les aérodromes.161
Dans l’ensemble les crédits prévus pour l’infrastructure : port de Douala et grandes voies de
communication, représentèrent près de 80 %, soit plus de 14 milliards, du total des subventions et avances
allouées au titre du premier plan “FIDES”. 10 % furent affectés à la production, le reste à l’“action sociale”
et aux dépenses générales.162
Les travaux d’infrastructure ne furent entrepris que dans la zone dite du « Cameroun
utile ». L’objectif du second Plan fut l’accroissement de la production et de la productivité
agricole et industrielle.
Grâce au nouveau Plan, les productions [furent], par l’amélioration de la qualité et des rendements,
valorisées, et l’économie des régions du Sud-Cameroun, diversifiée : l’exploitation de nouvelles
ressources agricoles et le développement des activités industrielles entraient dans l’optique des
économistes. L’intégration au Cameroun productif des régions du Nord était aussi recherchée.
L’infrastructure qui restait à compléter ou à moderniser retenait également l’attention des planificateurs.
160
R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 275.
161
Ibid, p. 276.
162
Ibid.
P a g e | 132
Sur les 16 milliards de francs CFA alloués pour le second plan quadriennal, 36 % revinrent à la production,
43 % à l'infrastructure et le reste, dans sa presque totalité, aux dépenses sociales. 163
The Mandatary State should look upon its position as a great trust and honour, not as an office of profit
or a position of private advantage for it or its nationals. And in case of any flagrant and prolonged
abuse of this trust the population concerned should be able to appeal for redress to the League, who
should in a proper case assert its authority to the full, even to the extent of removing the mandate, and
entrusting it to some other State, if necessary.165
Nous pouvons donc déplorer le fait que cette recommandation n’ait jamais été suivie
d’effets. Les dépendants, en l’occurrence les Camerounais, avaient continué d’être traités
exclusivement selon les convenances des pays dominants. Leurs ressources avaient été
développées dans l’intérêt du capitalisme étranger et non dans celui des habitants du pays ; leurs
économies, productrices de matières premières avaient été soumis aux économies des États les
plus avancés.
Cela était aussi le cas avec les transports. Ils ont principalement servi à l’évacuation des
matières premières et à la sécurisation du territoire, avec en filigrane la protection des intérêts
français sur le territoire. Pendant la tutelle, les quelques réalisations d’envergure avaient
bénéficié d’une grande propagande, comme cela avait été le cas avec le pont sur le Wouri en
1955. Les résultats auraient donc dû être meilleurs, compte tenu des possibilités qu’offrait le
territoire. Les zones rurales demeuraient à l’écart du développement. Le paysan s’était
résolument tourné vers la production des matières premières dont la vente lui permettait de
163
Ibid.
164
M. R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 273.
165
J. C. Smuts, The League of Nations: a practical suggestion, New York: The Nation Press, 1919, pp. 21-22.
P a g e | 133
payer les impôts et de se procurer les produits manufacturés dont il avait besoin. Le système
des transports lui restait malheureusement défavorable.
Le Cameroun qui devient indépendant en 1960, hérite aussi d’une dette importante, pour
des dépenses qui avaient été effectuées dans l’intérêt de la puissance coloniale, et sans
consultation de la partie camerounaise. Le Cameroun a ainsi reçu de la part de la métropole via
le FIDES, des fonds évalués à plusieurs dizaines de millions de Francs Français pour le
financement de son plan d’aménagement du territoire et d’investissement dans le secteur des
infrastructures.
Le devis du projet, établi à la fin de 1954, comprend l’ensemble de l’usine (ligne et sous-station électrique,
série d’électrolyse, atelier de pâte d’anode, fonderie, services techniques et généraux), les cités, les
installations portuaires et ferroviaires et le fonds de roulement ; il s’élève à 8 milliards de francs CFA (16
milliards de FF de l'époque). De son côté, Enelcam investira 3,5 milliards de francs CFA pour l’extension
Edéa II. Le financement d’Alucam sera assuré par des augmentations de capital à hauteur de 10 milliards
de francs CFA et d’un prêt de la Caisse centrale d’un montant de 6 milliards de francs CFA sur 20 ans.
Le financement d’Enelcam (Edéa II) comprendra une augmentation de capital de 1,3 milliard de francs
CFA et un prêt de la Caisse centrale de 2,3 milliards de francs CFA sur quarante ans. 166
Le Cameroun indépendant fut donc non seulement endetté, mais doté d’un réseau de
transport très inégalement réparti. Dans cette économie de traite qu’était la colonisation, toutes
les voies de transports eurent pour but de drainer les produits vers les ports. Ces derniers
devaient en retour accueillir les produits finis. Au final, on peut remarquer des réalisations, mais
au profit de la France, plus que du Cameroun et des Camerounais.
L’industrialisation du Cameroun, souligne A. F. Dikoumé, malgré quelques réalisations, était donc assez
superficielle. Les crédits FIDES ne contribuèrent pas véritablement à favoriser son développement. Ils
permirent surtout aux entreprises françaises, et notamment des travaux publics, de réaliser de bonnes
affaires. Ces entreprises investirent très peu dans le territoire car elles rapatrièrent l’essentiel de leurs
gains. Le Plan ne contribua donc pas à initier un développement profond et durable du Cameroun. Il
favorisa plutôt l’exportation des capitaux publics par les capitaux privés. Comme le Plan comprenait une
contribution du territoire aui était de l’ordre de 45%, c’est la richesse du Cameroun qui s’évadait de cette
manière. Le Cameroun, avant de devenir indépendant, était donc déjà endetté au profit du grand capital
français, ce qui obérait ses chances de développement.167
Les dirigeants du Cameroun indépendant devaient donc faire face à l’endettement, à une
inégale répartition des transports, à un développement économique embryonnaire, à un pays
fragmenté par une colonisation bicéphale. Pour atteindre ces objectifs, la politique des
transports du libéralisme planifié, doctrine politique du premier président de la République du
Cameroun, devait tenir compte à la fois de l’aménagement du territoire et du développement
166
M. Laparra, Enelcam - Alucam : l’énergie hydroélectrique du Cameroun à la rencontre de l’aluminium », Outre-
mers, tome 89, n°334-335, 1er semestre 2002, p. 186.
167
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, pp. 244-245.
P a g e | 134
CHAPITRE III
LA POLITIQUE DES TRANSPORTS AU CAMEROUN
BRITANNIQUE : DES IDÉES INTÉRESSANTES POUR UNE
IMPLÉMENTATION EN DEMI-TEINTE ENTRE 1916 ET 1961
P a g e | 136
Les Britanniques divisèrent leur part du territoire camerounais en deux parties, le Nord
et le Sud, administrés séparément, mais en tant que partie intégrante du Nigeria. La partie Nord
du Cameroun britannique fut subdivisée et intégrée dans les trois provinces administratives du
nord du Nigéria, tandis que la partie Sud fut incluse et administrée par les provinces du sud du
Nigéria.1 Ces zones étaient respectivement appelées Northern Cameroons et Southern
Cameroons. Le Southern Cameroons fut rattachée à la Eastern Province du Nigeria, et divisée
en deux provinces : Bamenda et Cameroons en 1949.2 L’administration du Northern et du
Southern Cameroons en tant que partie intégrante du Nigeria par les colonisateurs britanniques
ne fut pas synonyme de fusion ou d’intégration sur le territoire nigérian, malgré le fait que ces
territoires furent administrés en tant que tels. L’administration du Cameroun méridional en tant
que partie du territoire nigérian conduisit à une négligence flagrante de son développement.
Comme le souligne Piet Konings :
While the French administered their mandate/trust territory as a separate unit, the British attached one
part of their territory, which came to be called Southern Cameroons, to the Eastern Provinces of Nigeria.
There is no doubt that the administration of Southern Cameroons as an appendage of Nigeria encouraged
the growth of nationalism and autonomist tendencies in the region, particularly because this
administrative construction led to the blatant neglect of the territory's development, as well as to a
dominant position of Igbo and Efik-Ibibio migrants in its economy. In response to Southern Cameroonian
pressures for self-government or more autonomy within the Nigerian political system, the British first
granted Southern Cameroons a quasi-regional status and a limited degree of self-government within the
Federation of Nigeria in 1954, and then full regional status in 1958.3
Ainsi, la forte domination économique des migrants Igbo et Efik-Ibibio provoqua une
augmentation progressive du nombre de migrants nationalistes et des militants autonomistes
appelant à l’autonomie de la région.4 Avant d’obtenir cette autonomie en 1958, plusieurs
politiques de développement furent mises en œuvre par les colons Anglais. Conceptualisée dès
1
Cour Internationale de Justice, Mémoire du Cameroun, Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigeria, Livre I, 16 mars 1995, p. 26, en ligne, URL : https://www.icj-cij.org/files/case-
related/94/8595.pdf, consulté le 01er juin 2020 à 12h18.
2
Lire à ce sujet : Verkijika G. Fanso, “Anglophone and francophone nationalisms in Cameroon”, Journal The
Round Table, The Commonwealth Journal of International Affairs, Volume 88, Issue 350, 1999, pp. 281-296 ; Ch.
Manga Fombad, “Cameroon: Introductory notes”, 2011, en ligne URL : https://nanopdf.com/download/1-
cameroon-introductory-notes-prof-charles-manga-fombad_pdf, consulté le 01er juin 2020 à 13h41.
3
P. Konings, “The Anglophone struggle for federalism in Cameroon”, in L. R. Basta and J. Ibrahim (eds),
Federalism and decentralization in Africa, Freiburg: Institut du Fédéralisme, 1999, pp. 291-292.
4
Pour de plus amples informations sur les migrations nigérianes au Cameroun et leurs conséquences, lire T. L.
Weiss, « Les migrations nigérianes dans le Sud-Ouest du Cameroun », Tome l, Thèse présentée pour l’obtention
du Doctorat de Géographie de l’Université de Paris-Sorbonne Paris IV, Juin 1996. Dans ce travail, Weiss se
propose d’analyser en profondeur les dimensions géographiques des migrations des Nigérians vers l’ancienne
Province du Sud-Ouest. Il étudie le cas particulier des Igbo, qu’il considère comme l’ethnie nigériane la plus
nombreuse au Cameroun. La thèse est disponible en ligne, URL : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-
doc/pleins_textes/divers17-09/010006580.pdf, consulté le 01er juin 2020 à 15h03.
P a g e | 137
1922 par le baron F. D. Lugard5, la politique coloniale anglaise des transports fut marquée par
de bonnes idées, mais une implémentation en demi-teinte. La mise en application des initiatives
fut influencée à la fois par les orientations capitalistes des colons Anglais et leur lutte contre les
nationalismes naissants dans la zone.
Ce qui nous intéresse dans la réflexion lugardienne8 des transports en Afrique tropicale,
c’est son plaidoyer pour un système de transport économique. Il y présente aussi les chemins
de fer comme un mode de transport à la fois économique et stratégique dans la prise en main
des colonies.
1. La nécessité d’un système de transport économique
Pour Lugard : « […] the material development of Africa may be summed up in the one
word “transport.”».9 L’implication de cette déclaration est qu’il était opportun et pertinent de
développer un système de transport moderne pour une meilleure exploitation économique. En
5
“Frederick Lugard, in full Frederick John Dealtry Lugard, Baron Lugard of Abinger, also called F. D. Lugard,
(born January 22, 1858, Fort St. George, Madras, India-died April 11, 1945, Abinger, Surrey, England),
administrator who played a major part in Britain’s colonial history between 1888 and 1945, serving in East Africa,
West Africa, and Hong Kong. His name is especially associated with Nigeria, where he served as high
commissioner (1900–06) and governor and governor-general (1912–19). He was knighted in 1901 and raised to
the peerage in 1928”.
Source : Encyclopædia Britanica, en ligne, URL: https://www.britannica.com/biography/Frederick-Lugard,
consulté le 01er juin 2020 à 14h30.
6
F. J. D. Lugard, The dual mandate in British Tropical Africa, Edinburgh and London, William Blackwood and
Sons, 1922.
7
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederick_Lugard, consulté le 01er juin 2020 à 15h50
8
F. J. D. Lugard, The dual mandate…, 1922, pp. 461-476.
9
Ibid., p. 5.
P a g e | 138
[…] the native producer can in such circumstances only obtain a very small profit (if he can sell at all),
and has therefore no money wherewith either to buy imports or to pay a tax, and can only pay it in kind,
which the Government, for like reasons, is unable to realise. With meagre imports (and therefore no
customs dues) and with no direct tax, the revenue must be so small that it can devote no funds to
development works. The vicious circle is completed by the excessive cost of the machinery of
administration—not in money alone but in human life,—for the cost of conveying food supplies and
building material is so great that officials are neither housed nor fed as the climate demands to maintain
health. These facts are now recognised as the axioms of African administration. If they had been accepted
10
Ibid. p. 6.
P a g e | 139
earlier, very many lives might have been saved, and also much of the taxpayer's money,—spent in grants-
in-aid which were no remedy.11
Dans l’esprit officiel anglais, les relations économiques entre les nations européennes et
leurs colonies devaient être régies par le principe de l’avantage comparatif, ce qui signifiait
qu’un pays devait se spécialiser dans la production de ce qu’il était le plus apte à produire. Dans
cette optique, les colonies étaient censées fournir des matières premières aux industries, ainsi
que des marchés pour les produits manufacturés anglais.
It is, however, now recognised that the construction of arterial railways and the development of
waterways, though involving subsidies or loans upon which the country may not for some time be able to
pay interest, is the truest economy, and the postponement of such works involves unjustifiable waste. For
the development of the African continent is impossible without railways, and has awaited their advent.12
Pour expliquer ce qu’il entend par « waste » (perte), Lugard rappelle que pendant que
Lord Selborne disait en public à Reading (Angleterre) en décembre 1898 que le retard dans le
démarrage du chemin de fer ougandais était responsable de la crise de Fachoda13, Leroy
Beaulieu14 soulignait dans le Journal des débats que le retard de la France dans la construction
du la ligne transsaharienne leur avait coûté la rebuffade de Fachoda. Selon Beaulieu, si cette
11
Ibid. p. 462.
12
Ibid.
13
Ibid. En 1898, la crise de Fachoda faillit déclencher une guerre entre la France et l’Angleterre. Les deux grandes
puissances coloniales souhaitent relier leurs colonies par le biais d’une grande ligne de chemin de fer : l’Angleterre,
du Caire au Cap ; la France, de Dakar à Djibouti. La ville de Fachoda, située à la jonction des deux lignes en projet,
devient alors l’enjeu majeur des deux armées. Le 18 septembre 1898, la mission française de Marchand et
l’expédition anglaise de Kitchener se retrouvent face à face sur le Haut Nil. Sommée de reculer la France s’incline
et doit reconnaître l’autorité britannique sur la totalité du bassin du Nil. Cette défaite entraîne un nouveau partage
des colonies africaines entre Anglais et Français. Source : France Inter, 18 septembre 1898 : la crise de Fachoda,
en ligne, URL : https://www.franceinter.fr/emissions/les-oubliettes-du-temps/les-oubliettes-du-temps-18-
septembre-2012, consulté le 01er juin 2020 à 17h37.
14
Paul Leroy-Beaulieu est un économiste et essayiste français né à Saumur (France) le 9 décembre 1843 et mort
à Paris (France) le 9 décembre 1916. En 1874, il publie un ouvrage tiré de ses travaux académiques sous le titre
De la colonisation chez les peuples modernes. Avec cet ouvrage, Leroy-Beaulieu devient l’un des porte-parole de
la colonisation, inspirant les discours de Jules Ferry, et invitant la Troisième République à une nouvelle expansion
coloniale.
P a g e | 140
ligne avait été construite, la France aurait pu prendre possession de Sokoto et de Kano au Nord
du Nigeria, en envoyant 60 000 hommes d’Algérie15.
Le type de transport prioritaire de l’avis de Lugard était le chemin de fer16, qui selon
lui :
- réduisait les dépenses administratives dans le transport des stocks, et permet aux
fonctionnaires d’atteindre leur travail à temps ;
- sauvait la vie et la santé des officiers ;
- réduisait le nombre et le coût des troupes nécessaires pour surveiller le pays en
augmentant leur mobilité ;
- rendait possible la fiscalité directe en offrant un marché pour les produits et en
augmentant la richesse de la population ;
- ouvrait de nouveaux marchés pour le commerce britannique ;
- mettait fin à la traite négrière ;
- libérait la main-d’œuvre engagée dans les transports pour un travail productif17.
Ainsi, « it has been calculated that one railway train of average capacity and engine-
power will do the work of 13,000 carriers at one-twentieth the cost. »18
Lugard estime que ces voies de communication sont un précurseur nécessaire des routes,
car, ni les transports mécaniques ni à traction animale ne peuvent être d’un grand service pour
le développement des régions intérieures, sauf pour alimenter un chemin de fer ou une voie
navigable.19
A railway should, of course, when possible, have some definite objective, as the Uganda railway had in
the Victoria Lake, to the shores of which (extending for 800 or 1000 miles) the produce of the surrounding
countries can be brought, and hence transported by water to the railway port. Or the objective may be a
mineralised area like the tin-fields, or the coal deposits of Nigeria or Gwelo, or the copper mines of
Katanga. Or the railway may connect some great centre like Khartum or Kano with the sea, or link two
navigable sections of a river with each other, as the Matadi line on the Congo, the Keyes-Bamako on the
Upper Niger, or the Sudan railway on the Nile.20
15
F. J. D. Lugard, The dual mandate…, 1922, p. 462.
16
Ibid., p. 463.
17
Comme nous l’avons étudié avec les colons Allemands, les factoreries ont été longtemps en concurrence avec
les plantations au sujet de la main d’œuvre. En effet, le portage employait une quantité importante d’hommes et
causait un déficit de main d’œuvre dans les plantations. Ainsi, la solution de Lugard est la construction des chemins
de fers afin de mettre à profit les anciens porteurs dans les champs.
18
Ibid., p. 463.
19
Ibid.
20
Ibid., pp. 463-464.
P a g e | 141
Les rails sont donc un impératif pour la mise en valeur de la colonie. Malgré leur coût,
les rails devaient être construits. Comme nous le rappelle Austen :
Despite the fixation on rivers of the nineteenth century European explorers and treaty makers, no major
breakthrough in the transport bottleneck of the African economy could be made without investment in
new land arteries. Given the technology available to Europeans at the end of the nineteenth century, it
was inevitable that this new transport system should take the form of railways, whose high cost, rigid
orientation, and capital-intensive structure would leave a lasting imprint on twentieth-century African
economies.21
Dans ce contexte, le colonialiste anglais s’était rendu compte que si ses objectifs
économiques en Afrique devaient être atteints, le système de communication et de transport
dans les colonies devait être amélioré. Cependant, la construction des rails coûtait cher. Il fallait
donc trouver les moyens de financer ces investissements. Les Colonial Development and
Welfare Acts arrivaient donc comme une solution à ce problème de financement.
Throughout the nineteenth century colonial development was a matter primarily for the colonies
themselves. They were required to finance their economic development from the proceeds of sales of their
export crops and whatever private international capital they could attract. They were not encouraged to
look to the imperial government for financial or economic assistance, nor did the imperial government in
21
R. A. Austen, African economic history. Internal Development and External Dependency, London, James
Currey, 1987, p. 126.
22
Lire - V. Dimier, « Le discours idéologique de la méthode coloniale chez les Français et les Britanniques de
l’entre-deux guerres à la décolonisation (1920-1960), Travaux et documents, n° 58-59, CEAN, Institut d'Études
politiques de Bordeaux, 1998, disponible en ligne, URL :
http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/sites/lam/files/td58-59.pdf, consulté le 02/06/2020, 09h30.
- E. R. Wicker, “Colonial Development and Welfare, 1929-1957: The Evolution of a Policy”, Social and
Economic Studies, Vol. 7, No. 4, 1958), pp. 170-192.
23
Lire G. Cassell, “The Myopic Hand at Work: Colonial Development Policy in Montserrat”, University of the
West Indies, 2003, en ligne,
URL : https://www.open.uwi.edu/sites/default/files/bnccde/montserrat/conference/papers/cassellg.html, consulté
le 02/06/2020 à 09h50.
P a g e | 142
turn actively formulate any programs for colonial development. Colonial assistance was only given in
cases of national emergency, and was purely of a temporary nature. 24
Plusieurs secrétaires d’État au Colonial Office se sont efforcés de changer les mentalités,
car ils se sont pleinement rendu compte qu’une assistance impériale était nécessaire pour
développer les colonies. Joseph Chamberlain, qui fut secrétaire d’État de juin 1895 à octobre
1903, réussit à faire adopter la Colonial Loans Act en 189925. Malgré ses efforts, les espoirs de
L. S. Amery pour une politique de développement colonial ne se réalisèrent pas pendant son
mandat qui courut de novembre 1924 à juin 1929.26 Il a été félicité par le gouvernement
travailliste qui, lorsqu’il a pris le pouvoir, a adopté la politique du manifeste conservateur de
1929 et a présenté le projet de loi sur le développement colonial à la Chambre des communes
en 1929.27 Il a été adopté et est devenu le Colonial Development Act de 1929.
La Colonial Development Act (CDA) fut l’une des premières lois adoptée par le nouveau
gouvernement de 1929.29 Il fournit, pour la première fois, des fonds pour le développement des
territoires coloniaux. Il créa un fonds dans lequel le Parlement a voté chaque année les sommes
estimées nécessaires à un maximum annuel de 1 million de Livres. Des avances furent faites
par le Trésor, le concours du secrétaire d’État aux Colonies et sur la recommandation du Comité
consultatif sur le développement colonial, qui créa par la loi pour examiner les demandes
d’assistance et prit la place des prêts d’Afrique de l’Est.
La loi stipulait que les avances devaient être accordées par voie de prêt ou de subvention
aux gouvernements afin de « promouvoir le commerce et le développement industriel de
24
G. C. Abbott, “A Re-examination of the 1929 Colonial Development Act”, The Economic History Review, 23,
1971, p. 68, cité par G. Cassell, “The Myopic Hand at Work…”, 2003.
25
E. R. Wicker, “Colonial Development and Welfare…”, p. 172.
26
G. Cassell, “The Myopic Hand at Work…”, 2003.
27
Ibid.
28
Voir l’Acte dans son intégralité en Annexe de cette thèse.
29
Les élections générales britanniques de 1929 se sont déroulées le 30 mai. Il s'agit de la première élection où
toutes les femmes de plus de 21 ans peuvent voter, en vertu du Representation of the People (Equal Franchise)
Act 1928 (en), ce qui lui a valu le surnom de Flapper Election (« élection garçonne »). Bien qu’il ait reçu moins
de suffrages que le Parti conservateur de Stanley Baldwin, le Parti travailliste de Ramsay MacDonald emporte
davantage de sièges à la Chambre des communes. Toutefois, il ne dispose pas de la majorité absolue : il n’a que
287 sièges sur les 308 nécessaires. Avec ses 59 sièges, le Parti libéral de David Lloyd George occupe donc une
position clef : son soutien est indispensable aux travaillistes s'ils souhaitent gouverner. Après les élections,
MacDonald devient pour la deuxième fois Premier ministre.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_g%C3%A9n%C3%A9rales_britanniques_de_1929,
consulté le 02/06/2020 à 10h42.
P a g e | 143
The 1929 Colonial Development Act was the first real attempt to formalize the Chamberlain ad hoc
approach to colonial development. Colonial assistance was now given only after a systematic
examination of all schemes and projects put forward by colonial governments. The act introduced a
greater degree of self-consciousness and systematization. It also created the machinery for the
examination of all projects.31
Rappelons qu’en 1929, un Colonial Development Advisory Committee (CDAC) est créé.
Ce comité regroupe des membres provenant initialement des entreprises, des finances et des
syndicats. Entre 1929 et en 1940, il s’est réuni 125 fois et a publié 11 rapports. Il a recommandé
une aide d’un montant total de 8,88 millions de livres (5,6 millions de subventions) pour un
total des dépenses de 19,3 millions de livres sterling. 30% pour les projets de transport, soit
£2 658 290. Ainsi, les transports tiennent la place prioritaire dans les projets proposés.32
Le déclenchement d’émeutes dans divers pays des îles de l’Océan Indien conduisent à
la nomination de la Commission royale des Indes occidentales, sous la présidence de Lord
Moyne, en août 1938. Dans l’attente de son rapport, le Gouvernement Anglais reconsidère sa
politique en matière de développement colonial en général. Des conclusions de principe sont
tirées avant le début de la guerre en septembre 1939, mais leur publication est retardée jusqu’à
la fin du rapport Moyne.33
30
G. Fischer, « Le parti travailliste et la doctrine de la porte ouverte », Politique étrangère, n°4, 1968, p. 389.
31
G. C. Abbott, “A Re-examination of the 1929 Colonial Development Act”, 1971, cité par G. Cassell, “The
Myopic Hand at Work…”, 2003.
32
Overseas Development Institute, Colonial Development, a factual survey of the origins and history of British
aid to developing countries, Piccadilly London, England, The Overseas Development Institute Ltd, p. 16.
33
Ibid, p. 21.
P a g e | 144
They propose to introduce legislation to replace the Colonial Development Fund, which is limited to a
maximum of £1,000,000 a year, by new arrangements providing in a new Vote in the Estimates for
assistance to Colonial Governments, up to a maximum of £5,000,000 a year for ten years. This assistance
will be available not only for schemes involving capital expenditure necessary for Colonial development
in the widest sense but also for helping to meet recurrent expenditure in the Colonies on certain services
such as agriculture, education, health and housing. 35
Cette loi habilitait le secrétaire d’État à mettre en place des programmes à toutes fins
susceptibles de favoriser le développement de toutes les colonies ou le bien-être de leurs
peuples. Elle fournit jusqu’à 5 millions de livres sterling par an sous forme de subvention ou de
prêt, avec une provision distincte pouvant atteindre 500 000 livres sterling pour la recherche,
pour la période de dix ans, entre 1940 et 1950.37
La loi a d’abord été moins utilisée que prévu. Dans une dépêche circulaire du 10
septembre 1940, les gouvernements coloniaux ont été informés qu’en dehors des propositions
directement liées à l’effort de guerre, l’assistance prévue par la loi était peu probable à moins
34
Disponible en ligne, URL :
https://warwick.ac.uk/fac/arts/history/students/modules/hi2e8/syllabus/radicalism/policy_on_colonial_developm
ent welfare.pdf, dernière consultation le 02/06/2020 à 11h54.
35
Statement of Policy on Colonial Development and Welfare, Paragraphe 7, p. 5-6.
36
Ibid., paragraphe 3, p. 4.
37
Ibid., paragraphe 5, p. 5.
P a g e | 145
que les projets ne puissent être exécutés entièrement avec des ressources locales (hommes et
matériaux) et sans nuire à l’effort de guerre. Ces exigences contribuèrent à décourager les
demandes de fonds. En 1942, le Gouvernement subit de nombreuses critiques de la part du
parlement et de la presse. En effet, très peu des 5 millions de livres sterling par an avaient été
alloués.
Le nouveau Colonial Development and Welfare Act est adoptée en 25 avril 1945. Il
prolonge la période d’assistance de cinq ans jusqu’en mars 1956 et fournit une somme totale de
120 millions de livres sterling pour les dix années 1946-1956, dont 20 millions de livres reportés
sur les engagements pris en vertu de la loi de 1940. Il a également corrigé un grave défaut de la
loi de 1940. En effet, en vertu de cette loi, tout l’argent qui avait été alloué mais qui n’avait pas
été dépensé au bout d’un an était caduque et ne pouvait pas être reporté. La loi de 1945
permettait que l’argent soit retiré à tout moment, jusqu’à un plafond de £ 7,5 millions par an.
Le CDW de 1945 a été le premier d’une série d’amendements à l’Acte de 1940, qui a
augmenté le montant de l’assistance et étendu la période pour laquelle il était disponible.
Chaque acte successif a également augmenté les montants maximaux qui devaient être fournis
au cours d’une année. Ainsi, après l’amendement de 1945, ont suivi ceux de 1949, 1950, 1955,
1959 et 1963. Il faut tout de même noter que les autres amendements n’ont pas apporté de
changement majeur dans les CDW, jusqu’à la loi de 1959, qui a introduit les prêts et supprimé
les limites annuelles. Malgré tout, la portée de ces plans n’a pas eu de réel impact dans le
développement des colonies.
Even the vaunted Colonial Development and Welfare funding proved to be a disappointment. The total
allocation of £120 million for development seemed impressive at first sight, but when distributed among
P a g e | 146
a colonial population of over sixty million, and over a period of ten years, its true significance was modest.
Even these sums were not fully expended. By 1951 only about £40 million had actually been spent,
approximately one-sixth of the net colonial contribution to sterling in loans by colonial governments to
London and the sterling balances amassed by the state marketing boards which purchased colonial
produce under monopolistic conditions, generally on terms advantageous to the British consumer.38
Nous l’avons souligné plus haut, le Cameroun britannique était considéré et dirigé par
les Anglais comme partie intégrante du Nigeria. Ainsi, il est pris en considération dans les
différents plans de mise en valeur décidés par les Anglais. Le tableau suivant nous donne une
illustration de cette considération dans les Plans de développement de 1956.
Source: Overseas Development Institute, Colonial Development, a factual survey of the origins and history of
British aid to developing countries, Piccadilly London, England, The Overseas Development Institute Ltd, p. 64.
38
L. Butler, « The ambiguities of British colonial development policy, 1938-48 », 1991, p. 126.
39
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », treizième session du Conseil de
tutelle (28 janvier - 25 mars 1954), supplément n° 4, New-York, 1954, p. 40.
40
Ibid.
P a g e | 147
l’exploitation du domaine de Likomba par le Séquestre nigérian des biens ennemis, et une
contribution de 150 000 livres du United Kingdom Colonial Development and Welfare Fund41.
Notre objectif dans cette section, est de faire un bilan des infrastructures laissées par les
Anglais à la fin de la colonisation. Nous abordons ainsi les différents sous-secteurs des
transports. Pour ce qui est des transports ferroviaires, notons que les Anglais n’ont pas apporté
de modifications aux réalisations laissées par les Allemands dans ce domaine. Pour les
transports aériens, aucune réalisation n’est à noter de ce côté-là non plus.
41
Ibid.
42
Ibid., p. 24.
43
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », dix-septième session du Conseil
de tutelle (7 février - 6 avril 1956), supplément n° 3, New-York, 1956, p. 28.
44
Pour le Cameroun méridional, l’année 1954 représente un tournant majeur. Si la Constitution Clifford de 1923
ne prévoyait pas de représentation du Cameroun méridional au conseil législatif du Nigeria, la Constitution
Macpherson de 1951 avait séparé le Nigeria en trois grandes régions : septentrionale, occidentale et orientale, et
inclus le Cameroun méridional au sein du Nigeria oriental. Suite à une forte mobilisation en faveur de la séparation
du territoire de la région orientale du Nigeria, galvanisée par la crise politique de 1953 à l’assemblée régionale, la
Constitution Lyttelton de 1954 confère au Cameroun méridional un statut quasi-fédéral. Le territoire est désormais
doté de son propre gouvernement, de sa propre assemblée et de son propre conseil exécutif, même s’il demeure lié
au système administratif du Nigeria, dont il n’est pas totalement séparé. Source : M. Torrent, « Des partages
coloniaux aux frontières culturelles : (ré-)unifications et marginalisations au Cameroun méridional (1954-1961) »,
Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain [En ligne], 10 | 2013, URL :
http://journals.openedition.org/mimmoc/1360, consulté le 27 avril 2019, à 02h35, p.2.
P a g e | 148
I have the honour to inform you that my council of Ministers has recently had under review the adequacy
of present plans for the improvement of the Federal Trunk Road A4 which runs from Victoria to Bamenda.
This road which is the spinal cord of all land communications in the Southern part of the Cameroons
Trust Territory must be given priority (...) the opening of a all-season artery from Bamenda to the Eastern
Region boundary and to the coastal ports of Victoria and Tiko is undoubtedly the prime necessity among
all others at the present time ( ...) The road will be equally valuable in facilitating the movements of
country’s produce from the food-surplus space of the Bamenda Highlands towards the densely populated
Eastern Region.45
The Division is very backward in road communication: it is its most pressing problem. Many people
remain locked behind mountains, their economic urges stymied at the outset for lack of an outlet to
markets. They are deprived of the civilising influences and advantages which roads bring in their wake,
so many of them, the most valuable of them all, the youth, leave home for the excitement of the south, a
permanent loss to the economic productivity of this area 46.
45
File Rc 1956/2 Cameroons Road Programme Policy (National Archives of Buea); also see CO 583/248/11
Cameroon Re-port on Road Communication (PRO), cité par W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities:
An Historical Ethnography of Kom, Cameroon, C. 1800-2008, Cape Town, Langaa RPCIG, 2015, p. 54.
46
File NW/Fa. 1950/1, Tours and visit of Senior Officers to the Bamenda Province. Re-Touring Notes (Bamenda
Provincial Archives). Cité par W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities, 2015, p. 56.
47
Pour de plus amples informations sur les routes construites dans la Province de Bamenda sous administration
anglaise, lire W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities: An Historical Ethnography of Kom, Cameroon,
C. 1800-2008, Cape Town, Langaa RPCIG, 2015. Dans cet ouvrage, l’auteur consacre son Chapitre IV aux
« Roads, mobility and kfaang, c. 1928 – 1998 ». Il revient sur la construction des axes routiers qui ont relié la ville
de Bamenda et les villages environnants. Ce qui est intéressant dans ce travail est que l’auteur met une emphase
sur le rôle des chefs dans la construction des routes.
P a g e | 149
ensure that there were no absentees and any such absentees were fined from £1 to £2:15s by
the Fon and the traditional council. »48
Photo n° 15 : Population construisant une route. Source: Cameroon under United Kingdom
Administration, 1948 Report/ Road construction in Kom, Wum Division (NAB).
L’isolement géographique est caractérisé par la déficience des infrastructures de transport. Les deux zones
les plus peuplées du Southern Cameroons, les plateaux et les grassfields de la région de Bamenda au Nord
et de la côte autour de Victoria et l’ancienne capitale du Kamerun allemand, Buea, sont séparées par des
48
Ibid., p. 57.
P a g e | 150
territoires montagneux, couverts de forêts et peu peuplés. Par conséquent, l’établissement de moyens de
communication et de transport est extrêmement difficile et ce, jusqu’à ce jour 49.
La seule route est celle qui lie Victoria et Buea à Kumba et puis à Mamfe sur le Cross
River, passant entre les Monts Rumpi et les Monts Bakossi. Cette route est impraticable en
saison des pluies. Kumba est relié au Cameroun francophone et à la région du Moungo par une
route peu utilisée qui passe non loin de Tombel, vers Loum. Depuis Marnfe, une route se dirige
vers le Nord-Est en direction de Bamenda, escaladant l’escarpement de la forêt vers le plateau.
Cette route est habituellement fermée en saison de pluie, ce qui provoque l'absence de voies de
communication dans une partie très importante du Cameroun britannique pendant plusieurs
mois de l'année. Vers la fin du mandat, Bamenda est lié à Nkambe par la ring road, une route
circulaire qui traverse la partie septentrionale du Cameroun britannique. Aucune route ne lie le
Southern Cameroon au Northern Cameroon. La seu1e voie de communication entre le
Cameroun britannique et le Nigéria d’un côté ainsi que le Cameroun francophone de l’autre
côté est alors le transport maritime vers Douala ou Calabar. Le transport local et interprovincial
est, de ce fait, organisé autour de colonnes de porteurs couvrant de longues distances. Cette
isolation sur le plan des transports marque alors profondément la vie sociale, politique et
économique du Cameroun britannique.50
D’après Walter Gam Nkwi, la création du port de Victoria est l’œuvre d’Alfred Saker51.
En effet, explique-t-il, Saker et sa mission se sont tout d’abord installés sur l’île de Fernando
Po (actuelle Guinée Equatoriale) en janvier 184252. Lorsqu’en mai 1858, les jésuites espagnols
arrivent sur l’île, ils proclament le catholicisme comme religion principale53. Sous la pression
des missionnaires catholiques, Alfred Saker décide de s’installer avec ses partisans en face de
l’île de Fernando Po, dans la région appelée Bimbia. « The foundation of Victoria was traced
to the London Baptist Missionaries who were led by Alfred Saker. On 23 August 1858 Alfred
Saker signed a treaty with King William of Bimbia who claimed to have had unlimited powers
over the land arranging for its purchase at the cost of £1,800. »54
49
Rappelons que la thèse de doctorat de Weiss date de 1996.
50
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 218-219.
51
W. Gam Nkwi, « Salt Wata Modernity: The Port City of Victoria (Cameroon), ca. 1920’s-1980 », CORIOLIS,
Volume 6, Number 2, 2016, p. 36.
52
Ibid.
53
Ibid.
54
Ibid., p. 35.
P a g e | 151
55
Ibid., p. 36.
56
W. Gam Nkwi, « Rivers and ports in transport history of Cameroon, 1916-1961 », OGIRISI: a New Journal of
African Studies, Vol 13, 2017, p. 204.
57
Rappelons qu’en mars et décembre 1885, l’Allemagne signe avec la Grande-Bretagne et la France des accords
sur la délimitation des frontières. Les Britanniques abandonnent ainsi leurs visées sur le Mont Cameroun jusqu’à
Calabar, la frontière avec les possessions françaises sera marquée par la rivière Campo au Sud. La station de
mission britannique de Victoria est vendue aux Allemands. Après la cession de Victoria par les Britanniques, les
sociétés Woennann, Jantzen et Thoermahlen commencent à aménager des plantations sur les pentes basses du
Mont Cameroun. Source : T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 202-203.
58
W. Gam Nkwi, « Rivers and ports…», 2017, p. 206.
59
La ville de Victoria a changé de nom le 16 mai 1982 pour devenir Limbe.
60
Les Archives de la Mission de Bâle, propriétaires de l’image, ne précise pas la date à laquelle la photo a été
prise. Cependant, nous avons pu retracer l’histoire du navire. Ainsi, le « Pionier » était un navire frigorifique
P a g e | 152
Outre Victoria, il y avait également le port de Tiko. Ce dernier était un port en eau
profonde de taille considérable construit par un Allemand. Le partenaire commercial le plus
important de ce port était Allemagne. Il y avait un service hebdomadaire entre ce port et le port
principal de Douala.
Le constat que nous pouvons faire est que la zone du Cameroun tenue par les Anglais
avait été négligée sur le plan du développement. Les colons se sont contentés soit de faire
entretenir les routes qui existaient déjà par les populations, soit de simplement abandonner les
zones les moins utiles. La mission de visite des Nations Unies dans les Territoires sous tutelle
du Cameroun sous administration britannique et du Cameroun sous administration française de
1955 souligne :
[…] l’importance capitale que présente pour le développement général du Territoire un réseau routier
approprié et amélioré. Presque toutes les communications reçues par la Mission contenaient des plaintes
concernant le manque de bonnes routes, et, à en juger par sa propre expérience, la Mission considère
que ces plaintes sont parfaitement justifiées. Il faut souligner que, par suite du manque de routes, la
présente Mission, de même que les deux missions précédentes, n’a pas été en mesure de visiter la région
de Tigon-Ndoro-Kentu et le plateau de Mambila dont le potentiel économique a été mentionné plus haut
dans le rapport.61
La même mission fait savoir que les autorités coloniales n’ignorent pas la situation
générale62, puisque les rapports précédents des Nations Unies avaient déjà attiré leur attention
sur ce problème d’infrastructures63. L’ONU observe aussi que très peu de machines avaient
allemand, utilisé comme transporteur de troupes et coulé par un sous-marin britannique en septembre 1940. Le
navire a été lancé le 2 novembre 1933 et livré le 30 décembre 1933 à la compagnie maritime hambourgeoise F.
Laeisz. Le pionnier a été utilisé par l’African Fruit Company (AFC), une filiale de la compagnie maritime F.
Laeisz, dans le transport de fruits entre Hambourg et les ports d’Afrique de l’Ouest. Cela impliquait principalement
le transport de bananes à partir du port de Tiko. Sources : https://de.wikipedia.org/wiki/Pionier_(Schiff,_1934),
consulté le 04/06/2020 à 13h38 ; B. A. Teboh, « Science, technology and the african woman during (British)
colonization, 1916-1960 », in Toyin Falola et E. Brownell, Landscape, Environment and Technology in Colonial
and Postcolonial Africa, Routledge, 2013, pp. 87-119.
61
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », dix-septième session du Conseil
de tutelle (7 février - 6 avril 1956), supplément n° 3, New-York, 1956, p. 25.
62
Ibid.
63
Le rapport de mars 1954 nous renseigne qu’ : « en 1951, la longueur totale des routes utilisables par les
automobiles atteignait 2.367 km, contre 2.199 en 1950. Sur ce total, 1.529 km sont utilisables par tous les temps.
La construction et l'entretien des routes se heurtent à différents obstacles tels que les inondations pendant la saison
des pluies, la nature accidentée du terrain, l'absence de pierres convenables et le manque de main-d'œuvre dans
certaines régions. La Mission estime qu'il faudrait donner la toute priorité aux projets de construction et
d'amélioration des routes ; c'est également l'avis de 1’Administration. » Source : Nations Unies, « Rapport sur le
Cameroun sous administration britannique », treizième session du Conseil de tutelle (28 janvier - 25 mars 1954),
supplément n° 4, New-York, 1954, p. 24.
P a g e | 153
jusque-là été utilisées pour la construction des routes dans le Territoire, et que l’on utilisait
encore beaucoup la main d’œuvre manuelle et un outillage mal approprié64. À la suite de cette
mission d’inspection, le ministre fédéral des travaux publics à Lagos fait savoir qu’un crédit de
848.000 livres sterling à prélever sur le budget fédéral était prévu pour l’amélioration de la
route de Kumba-Mamfé65. Les dépenses étaient ainsi réparties :
- Matériaux...................................... £306.000
- Main-d’œuvre ............................... £362.000
- Équipement… ................................ £180.000
- 1952-53……………………..£15.967
- 1953-54……………………..£102.239
- 1954-55……………………..£81.000
L’administration britannique prévoyait un autre crédit de 400 000 livres sterling pour
l’amélioration de la grande route de la catégorie A, Mubi-Uba-Bama entre 1955 et 1956 ; la
construction d’une grande route de catégorie A, allant de Nkambé à Sugu via Serti et Juntari,
afin de relier le Cameroun méridional au Cameroun septentrional : et une route allant de
Kamine, dans la division de Nkambé, à Takum, dans la province de la Bénoué au Nigéria.
64
Ibid.
65
Ibid.
66
Ibid, p. 25.
67
Ibid, p. 26.
P a g e | 154
Pour ce qui est des routes construites et entretenues par les autorités traditionnelles,
aucune dépense chiffrée n’avait été programmée.
De belles idées donc qui ne furent pas suivies d’effets. Pour Victor Juluis Ngoh :
The British Government constructed no efficient communication network in the British Cameroons. The
roads were still as they had been under the Germans; air transport and air railway lines were neglected.
The first road connecting the grassfield to the forest zone (from Kumba to Mamfe) was completed in
1947.68
Une autre source nous conforte dans ce point de vue. En effet, pour l’Encyclopædia
Britannica en ligne,
Greater agricultural development took place in French Cameroun. Limited industrial and infrastructural
growth also occurred, largely after World War II. At independence, French Cameroun had a much higher
gross national product per capita, higher education levels, better health care, and better infrastructure
than British Cameroons.69
The increase in net subsidies was more pronounced in French colonies, where they represent more than
20 % of total expenditure in AOF in 1949, and more than 30 % in 1952, while they are always below 10
% in British colonies. This was likely a manifestation of the different ways in which France and Britain
envisioned the future of their African empire after World War II (self-government versus assimilation).70
68
V. J. Ngoh, “The Political Evolution of Cameroon, 1884-1961”, Thesis for the Master of Arts in History,
Portland State University, 1979, p. 79.
69
Source : https://www.britannica.com/place/Cameroon/British-Cameroons-1916-61-and-French-Cameroun-
1916-60, consulté le 16/10/2019.
70
D. Cogneau et al, African states and development in historical perspective: Colonial public finances in British
and French West, Paris school of economy, Working paper n° 2018/29, 2018, pp. 25-26.
P a g e | 155
choses changèrent au Nord-Ouest »71. De fait, depuis que le territoire était entré en leur
possession en 1916, les Anglais avaient agi comme s’ils n’en voulaient pas.
Tout au long de la période qui va jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, nous renseigne Weiss, la vie
économique, sociale et politique du Cameroun britannique est relativement peu mouvementée.
Administrativement uni au Nigéria, le Cameroun britannique est souvent considéré par l’administration
coloniale comme un « fardeau » pour son budget colonial.72
En 1919, le Traité de Versailles dans son article 297 (b), autorise les gouvernements
alliés, qui avaient reçu pleins pouvoir sur les anciennes colonies allemandes, de conserver ou
de liquider toutes les propriétés allemandes :
b) Sous réserve des dispositions contraires qui pourraient résulter du présent traité, les puissances alliées
ou associées se réservent le droit de retenir et de liquider tous les biens, droits et intérêts appartenant, à la
date de la mise en vigueur du présent traité, à des ressortissants allemands ou des sociétés contrôlées par
eux sur leur territoire, dans leurs colonies, possessions et pays de protectorat, y compris les territoires qui
leur ont été cédés en vertu du présent traité. La liquidation aura lieu conformément aux lois de l’État allié
ou associé intéressé, et le propriétaire allemand ne pourra disposer de ces biens, droits et intérêts, ni les
greffer d’aucune charge, sans le consentement de cet État.73
Déjà pacifié par les divers colonisateurs au tournant du siècle, la tradition politique
préétablie dans le Northern Cameroons facilite la volonté des populations d’accepter les
changements qu’entraîne l’application de l’indirect rule anglais et ce d’autant que
l’administration n’envisage pas de restructurer la vie sociale et politique.75
71
Fark-Grüninger M., « La transition économique à l’Ouest du Cameroun 1880 – 1990. Jeux et enjeux », Thèse
de Doctorat en sciences économiques, Université de Neuchâtel, 1995, p. 69.
72
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 218.
73
Traité de Versailles, article 297 (b), 1919. En ligne, URL :
https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Versailles_1919/10, consulté le 06/06/2020 à 11h01.
74
Ces trois domaines sont à l’origine de l’actuelle PAMOL (Cameroun) Limited, créé en 1936. La PAMOL est
une filiale de la United Africa Company (UAC). Elle est propriétaire de Bwinga depuis 1895 et achète les domaines
de Bai et de Ndian en 1925 et 1932 à des exploitants Allemands. En 1950, elle a acquiert en outre le domaine de
Lobe. Lire G. Courade, « Les plantations d’Unilever au Cameroun (plantations Pamol du Cameroun Limited) ou
la croissance d’une firme multinationale dans une région marginale », Travaux et Documents de I’I.S.H., n°1 et
Cahiers de l’ONAREST, vol. 1, no 2, pp. 10-126.
75
Ibid., p. 248.
P a g e | 156
Au Southem Cameroons, les Britanniques se sont trouvés face à une très grande variété
de groupes, clans, ethnies et autres divisions traditionnelles, partiellement en raison de la
décomposition du tissu ethnique et social traditionnel imposé par les plantations et
l’immigration déjà importante. L’administration a très tôt reconnu qu’il ne serait pas possible
d’administrer le Southem Cameroons de la même manière que le Northern Cameroons. Le
gouverneur britannique du Southern Cameroons écrit en 1920 :
Il s’est révélé impossible d’appliquer les principes [d’administration] de la Province du Nord [Northem
Cameroons] à la Province du Sud païenne [Southem Cameroons]. On ne peut s’attendre à un succès de la
part d’un personnel administratif non adapté, même s’il s’agit d’Igbo ou d’Ibibio ... Le païen du
Cameroun, comme le païen du Nigéria, est très jaloux de son indépendance et refuse de reconnaître
l’autorité au-delà de sa propre communauté…76
Pour tenter de résoudre ces problèmes sociaux, les Native Authorities sont constituées
dès 1922. Ils sont composés selon la région, d’un chef seul ou d’un conseil de notables.77 Dans
un territoire où régnait une constellation de peuples et de pouvoirs, le choix des Natives
Authorities par l’administration britannique était toujours source de conflits entre les chefferies,
car le choix de l’administration ne correspondait pas toujours à la réalité, ce qui entraînait des
coûts importants pour contrecarrer les ambitions des chefs non choisis.78 Les Native Authorities
n’étaient pas simplement récepteurs d’ordre, elles étaient responsables de la police, de la justice,
du développement local (routes, santé)79. Leur rôle pour le développement s’est accru après la
deuxième guerre mondiale, les dépenses pour les travaux publics, pour l’éducation et la santé
sous leur contrôle sont devenues plus importantes. Mais les grands investissements restaient
de la compétence de l’administration centrale.
Malgré cela, ils subirent également une perte d’autorité progressive, à cause de l’exclusion des notables
du pouvoir et d’abus de pouvoir assez fréquents surtout dans la collecte des impôts, tolérés par une
administration britannique manquant trop de personnel pour pouvoir les contrôler. Celle-ci tenta de les
supporter en les rémunérant, pour qu’ils puissent subvenir aux dépenses nécessaires à leur rang. La
politique de l’indirect rule créa une certaine tension entre les intérêts économiques européens et la
protection des institutions africaines. En général, la Grande Bretagne opta pour la protection de
l’économie traditionnelle. Ceci a entraîné une certaine stagnation économique. 80
76
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 220.
77
L’indirect rule impliquait l’utilisation de chefs locaux pour mettre en œuvre les politiques coloniales. Les chefs
et les sous-chefs nommés en tant qu’autorités autochtones étaient habilités à percevoir des recettes fiscales sur leur
territoire pour les dépenses des administrateurs coloniaux ou sur leur avis (Lire Lugard, The dual mandate…, 1922,
p. 194-211). Le fait que ce même pouvoir soit également conféré à certains sous-chefs menaçait de déclencher de
nouvelles luttes pour l’autonomie. En effet, les sous-chefs voyaient en cette décision de leur confier la collecte des
recettes fiscales comme un acte de reconnaissance politique. (Lire Nantang Ben Jua, « Indirect Rule in Colonial
and Post-Colonial Cameroon », Paideuma, n° 41, 1995, p. 40).
78
Fark-Grüninger M., « La transition économique…», 1995, p. 66.
79
Ibid.
80
Ibid, p. 67.
P a g e | 157
Ainsi, que ce soit au niveau purement économique que dans la pratique de la politique
de l’Indirect rule, les Anglais ont manqué à leurs obligations de développement du territoire à
eux confié par le mandat de la SDN (1922-1946) et par la tutelle de l’ONU (1946-1961). En
fait, en vendant les plantations allemandes, les Anglais ont quasiment tourné le dos aux
Cameroun, laissant faire les populations locales. On peut donc aisément comprendre que les
revendications politiques y aient pris naissance bien assez tôt, dès 1920. Au final, les bonnes
intentions affichées par les politiques mises décidées par le gouvernement anglais n’ont eu que
peu d’effet dans le Cameroun britannique.
Conclusion
Cependant, à la décharge des colons Anglais et Français, nous dirions que la dynamique
économique du Kamerun allemand comparée au relatif déclin de l’activité en particulier au
Cameroun britannique, s’explique aussi par le fait que l’Allemagne avait très peu de colonies
par rapport à la France et à la Grande-Bretagne.82 Cette situation lui permettait de concentrer
ses efforts de manière plus soutenue que la France et la Grande Bretagne, du fait de la taille de
81
Lire entre autres : L. I. Sah, « Activités allemandes et germanophilie au Cameroun (1936-1939) », Revue
française d'histoire d'outre-mer, tome 69, n°255, 2e trimestre 1982, pp. 129-144 ; S. Michels, A.-P. Temgoua
(éds), La politique de la mémoire coloniale en Allemagne et au Cameroun : actes du colloque à Yaoundé, octobre
2003, Münster, Lit Verlag, 2005 ; Zourmba Ousmanou, « La conservation et la valorisation des vestiges du
protectorat allemand dans la ville de Douala (Cameroun) », mémoire de Master de Géographie, Università degli
studi di Padova, 2017.
82
L’empire colonial allemand comprenait les territoires suivants : Togo : 87 516 km² ; Cameroun : 496 938 km²
jusqu’au traité de 1911 avec la France (« Vieux Cameroun ») et 750 000 km² ensuite ; Sud-ouest africain :
838 370 km² ; Est africain : 995 000 km² ; Tsing-Tao (actuellement une ville de la province du Shandong en
Chine) : 551 km² ; archipel des Samoa : 2 600 km² ; Terre de l’empereur Guillaume (Papouasie-Nouvelle-Guinée) :
179 000 km² ; archipel Bismarck (appartenant aujourd’hui à la Papouasie-Nouvelle-Guinée) : 61 000 km² ;
ensemble des archipels du Pacifique (Carolines, Mariannes, Palau, Marshall) : 2 475 km2. Source : R. Porte, « La
défense des colonies allemandes avant 1914 entre mythe et réalités », Revue historique des armées, n°271, 2013.
P a g e | 158
leurs empires coloniaux83. Selon une formule célèbre, le Cameroun anglophone, négligé par les
Britanniques, n’a jamais été plus que « la colonie d’une colonie »84, en l’occurrence le Nigéria
sous domination britannique.
Cette négligence est exploitée par certains politiciens favorables à la réunification durant
la campagne électorale de 1960-61. En effet, les tenants de la réunification, John Ngu Foncha
le premier, mettent en avant une identité camerounaise presque immémoriale, un Grand
Cameroun qu’il est du devoir des Camerounais méridionaux de retrouver85. Le KNDP86 de
Foncha oppose une double critique : des Nigérians, et particulièrement des populations igbo,
apparentés dans plusieurs discours à des envahisseurs, exploiteurs, quasi-colonisateurs87 ; et des
Britanniques, accusés d’avoir sciemment maintenu le Cameroun méridional à la marge de leurs
stratégies de développement colonial, négligé, plus encore qu’exploité, d’une certaine
manière88.
Mais la critique du « fait colonial » au Cameroun méridional conduit parfois à une valorisation, implicite
du moins, du « fait colonial » français. « Cela fait quarante ans », déclarent certains, « que nous sommes
avec le Nigeria sous administration britannique. Nous n’avons pas de routes, pas d’écoles secondaires
publiques, rien. Il est grand temps de tenter notre chance de l’autre côté de la frontière » La colonisation
à la française à l’est du fleuve Mungo est ainsi présentée comme porteuse d’avantages dont les
83
L’Empire colonial britannique est le plus étendu du monde au XIXe siècle avec environ 33 millions de km2 pour
environ le quart de la population mondiale totale d'alors, c’est-à-dire 500 millions d'habitants (source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Empire_britannique#:~:text=L'Empire%20colonial%20britannique%20est,di
re%20500%20millions%20d'habitants, consulté le 06/06/2020 à 23h18). Quant au second empire colonial
français, il a été au cours de la seconde moitié du 19e siècle et au 20e siècle, le deuxième plus vaste du monde,
derrière l’Empire colonial britannique. Présent sur tous les continents, il s’étendait, à son apogée, de 1919 à 1939,
sur 12.347.000 km². En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient ainsi
la superficie de près de 13 millions de km², soit près d’1/10 de la surface de la Terre, abritant une population de
110 millions d’habitants à la veille de la Seconde guerre mondiale, soit 5 % de la population mondiale de l’époque
(source : http://www.souvenirfrancais-issy.com/2017/03/l-empire-colonial-francais.html, consulté le 06/06/2020
à 23h24).
84
J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, (2ème
édition), 1985, p. 109.
85
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 233.
86
Le Gouverneur général du Nigéria, Sir John MacPherson annonce dès son arrivée en 1948 que le Southern
Cameroons serait prêt à accepter de nouveaux changements constitutionnels. En 1949, sont créés la Cameroons
National Federation (CNF) et le Kamerun United National Congress (KUNC), le dernier par Endeley. Ces deux
groupes appuient les revendications en faveur d’une autonomie accrue du Southern Cameroons et de la
réunification avec le Cameroun francophone. La CNF et le KUNC fusionnent finalement en juin 1953 pour former
le premier parti politique local du Southern Cameroons, le Kamerun National Congress (KNC), sous la direction
d’Endeley, Foncha, Mbile et Solomon Tandeng Muna. Aux élections de décembre 1953 et de novembre-décembre
1954, le KNC gagne six sièges réservés aux Camerounais dans la nouvelle chambre fédérale à Lagos et douze des
treize sièges dans l’Assemblée du Southern Cameroons, créée en application de la Constitution Lyttleton. Les
revendications d’Endeley concernant le statut particulier du Southern Cameroons ont été satisfaites. Pourtant, il
s’éloigne progressivement de sa demande initiale de réunification avec le Cameroun francophone. Ce revirement
dans la position d’Endeley provoque une crise ouverte dans le KNC qui se solde par la création du Kamerun
National Democratic Party (KNDP) en 1955 par John Ngu Foncha. Le KNDP continue à plaider en faveur de la
réunification et fait alliance avec l’UPC.
87
M. Torrent, « Des partages coloniaux aux frontières culturelles… », 2013, p. 8.
88
Ibid.
P a g e | 159
Camerounais méridionaux pourraient bénéficier a posteriori, dans le cadre d’une unification avec la
République du Cameroun indépendante.89
89
Ibid.
P a g e | 160
PARTIE II
LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN DE L’INDÉPENDANCE AUX PROGRAMMES
D’AJUSTEMENT STRUCTUREL ENTRE 1960 ET 2000
P a g e | 161
CHAPITRE IV
Pour cela, la priorité accordée à l’agriculture par les pouvoirs publics se concrétisa par
la création et la mise en place de filières, unités ou entreprises destinées à l’exécution de la
politique agricole décidée par le gouvernement. L’agriculture, globalement performante,
favorisa alors un début d’industrialisation qui remplaça les importations massives, sources
d’érosion des devises. Par ailleurs, le secteur agricole, quoique non entièrement étatisé, fut
1
E. Mveng, Histoire du Cameroun, 1985, p. 257.
2
Ibid, p. 258.
P a g e | 163
fortement soumis au contrôle du pouvoir public à travers une régulation et une planification,
mises en œuvre notamment à travers les plans quinquennaux. Dans cette logique, le système
des transports dut faciliter l’implémentation de cette politique agricole.
Ce chapitre aborde les grandes lignes du libéralisme planifié, politique que le président
Ahidjo mit en place dès son accession au pouvoir en mai 1960, et examine la place qu’y tinrent
les transports. Aussi définirons-nous la planification du développement et les fondements
idéologiques du libéralisme planifié. Toute politique publique étant fille de la conjoncture
économique, nous étudions aussi la situation économique du Cameroun durant ces années
(1960-1985). La deuxième articulation permet d’aborder la politique des transports sous les
plans quinquennaux, documents cadres du développement du Cameroun postindépendance.
Nous analysons enfin, dans une troisième articulation, les limites des politiques des transports
sous le libéralisme planifié.
3
Parti démocratique de Guinée, La planification économique, Imprimerie Nationale, Conakry, 1960, p. 297.
P a g e | 164
Todaro et Smith la définissent comme « une tentative délibérée des pouvoirs publics de
coordonner la prise de décisions économiques à long terme et d’influer sur le niveau de
croissance des principaux variables socioéconomiques d’une nation, afin de réaliser un
ensemble d’objectifs de développement déterminés à l’avance ».5 Il existe une multiplicité de
planification en fonction du contexte sociopolitique. Nous pouvons citer entre autres : la
planification de la reconstruction en temps de guerre et d’après-guerre, la planification urbaine
et rurale, la planification du plein emploi, la planification anticyclique, et la planification du
développement.
4
I. Peaucelle, « Les théories de la planification et la régulation des systèmes économiques », PSE Working Papers
n° 2005/29, p. 1.
5
M. Todaro et al, Economic development, ninth edition, United States, Pearson-Addison Wesley, 2006, cité par
Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, La planification au service du développement de
l’Afrique. Enseignements, indications et messages à tirer des expériences passées et présentes, Addis Abeba,
Éthiopie, édition CEA, 2016, p. 3.
P a g e | 165
arranging that future actions for attaining objectives follow fixed paths or, where this is
impossible, setting limits to the consequences which may arise from such action.»6
Par ailleurs, une distinction est établie entre l’utilisation de la planification en tant que
mécanisme de stabilisation et celle de la planification en tant qu’outil de la transformation
socioéconomique. La planification de stabilisation, souvent visée en tant que planification
anticyclique, tend à stimuler la croissance dans des périodes de récession ou de ralentissement
de la croissance. À la différence de la planification anticyclique, la planification du
développement va au-delà de la simple promotion de la croissance, en favorisant le progrès
économique et social et en levant les contraintes qui font obstacle à ces progrès. Cela exige
souvent la mise en œuvre de réformes institutionnelles et structurelles. La distinction entre la
planification anticyclique et la planification du développement a été bien résumée par le Vice-
Président du Conseil consultatif suprême indonésien en ces termes :
Countries such as Indonesia should be fully aware of the difference in nature between planning as a
feature of society, where the “target” is to build a new society, and the planning of development projects,
where the “target” is a specific item of development. The second objective of planning should be
subservient to the first which is primary.9
6
A. Waterston, Development Planning: Lessons of Experience, The Economic Development Institute, The
International Bank for Reconstruction and Development, The Johns Hopkins Press, Baltimore Maryland, 1969, p.
9.
7
UNECA, La planification au service du développement de l’Afrique. Enseignements, indications et messages à
tirer des expériences passées et présentes, Addis Abeba, Éthiopie, Commission économique des Nations Unies
pour l’Afrique, 2015, p. 2.
8
Ibid.
9
A. Waterston, Development Planning…, 1969, p. 17.
P a g e | 166
La planification anticyclique est souvent entreprise dans des sociétés plus développées,
où les institutions et les marchés fonctionnent raisonnablement bien.10 En revanche, des
mesures de transformation sont requises dans les pays en développement, où les
dysfonctionnements institutionnels et du marché sont omniprésents, l’épargne est faible, les
infrastructures sont insuffisantes et où les investissements étrangers sont concentrés dans les
secteurs extractifs qui apportent peu d’avantages à la majorité de la population. Les programmes
d’ajustement structurel imposés aux pays africains au début des années 80 peuvent être
considérés comme un exemple de l’application des mesures de planification anticyclique pour
s’attaquer aux problèmes structurels des pays en développement.11
10
UNECA, La planification au service du développement de l’Afrique…, 2015, p. 2.
11
Ibid., p. 3.
12
Lire A. Valette, Les méthodes de planification…, 1971 ;
- « Moyens et limites d’une planification régionale dans un pays en voie de développement : L’expérience
camerounaise », Paris, ORSTOM, (39), p. 199-221, Travaux et Documents de l’ORSTOM :
Différenciation Régionale et Régionalisation en Afrique Francophone et à Madagascar, Journées de
Travail de Yaoundé, Yaoundé/Cameroun, 1974.
13
R. Robert, « Développement régional au Québec : un bilan de 30 ans », dans Serge Côté et al, La pratique du
développement régional, Rimouski, Association des étudiants et diplômés en développement régional [AEDDR]
P a g e | 167
Le Plan permet l’intervention de l’État dans la définition des objectifs à atteindre et dans l’encadrement
de l’action des entreprises et des institutions d’intérêt public en constituant un dispositif de contrôle de la
conformité des comportements de ces unités économiques et sociales au regard de ce que le gouvernement
démocratique attend d’eux.14
Le libéralisme planifié plaça l’État au centre de la prise des décisions. En effet, c’est lui
qui définit les axes économiques stratégiques, géra les ressources naturelles et encadra les
investissements étrangers pour les diriger dans des secteurs géographiques ou économiques
spécifiques. L’État se substitua à une initiative privée supposée défaillante dans certains
secteurs, jugés prioritaires par le pouvoir politique.15 L’investissement privé camerounais fut
donc encouragé dans tous les secteurs, car le développement économique se devait d’être
endogène.16 On assista alors à la mise en œuvre d’un nationalisme économique c’est-à-dire, la
mise en place d’un cadre dans lequel « toute personne ou groupe de personnes [pouvaient]
prendre des décisions essentielles à condition qu’elles soient orientées vers le mieux-être
général, soit à la faveur d’incitations dont les directives du gouvernement [étaient] assorties,
soit par l’effet du sens civique »17.
C’est dire que le but visé est en un mot, de construire un Cameroun nouveau. Dans la réalisation de cette
haute et légitime ambition, la planification est une nécessité, car dans un contexte de pénurie de ressources
financières et techniques qui caractérise un pays jeune comme le Cameroun, il est impératif d’utiliser
rationnellement les moyens disponibles.
Mais, ainsi que je l’ai déclaré, cette planification se conçoit et s’exécute dans le cadre de quatre principes
essentiels : le libéralisme planifié, le développement autocentré, la justice sociale et l’équilibre.
15
J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 45.
16
Lire P. Dessouane et al, « Cameroun : du développement autocentré au national libéralisme », Politique
africaine, n° 22, 1986, pp. 111-119.
17
UNC, L’unité, édition spéciale, XXe anniversaire de l’accession au pouvoir d’Ahmadou Ahidjo, Éditions
LAMARO, 1978, p. 23.
18
Ibid.
P a g e | 169
Le libéralisme planifié marque notre conviction que d’une part, l’initiative privée demeure le meilleur
moteur du développement et d’autre part, qu’il appartient à l’État, responsable de l’intérêt général, de
mobiliser, de coordonner et d’orienter les efforts pour le progrès.
Le développement autocentré, qui pour nous signifie d’abord le développement du peuple par le peuple,
répond à la nécessité de mobiliser toutes les ressources et toutes les énergies nationales en vue du
développement, car nous sommes profondément convaincus qu’il n’est de développement authentique
que celui qui repose sur l’effort productif et créateur du peuple.
La justice sociale implique que l’amélioration du niveau de vie résultant de l’effort productif et créateur
du peuple, bénéficie à tous les Camerounais et se traduise par une redistribution équitable des fruits de la
croissance entre les différentes catégories sociales
Le principe d’équilibre enfin se justifie par la variété et la diversité de notre pays. Cet équilibre doit être
organisé entre les différents secteurs d’activité, entre la ville et la campagne, entre les générations. De
cette manière, les inégalités naturelles, historiques ou sociales seront atténuées et les fruits du
développement pourront ainsi être mieux répartis à l’ensemble de la population.19
19
Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1976-1981), 1976.
20
P. Chauleur, « Un “libéralisme planifié” pour associer le secteur privé aux efforts de développement », Le Monde
diplomatique, 1976, en ligne, URL : https://www.monde-diplomatique.fr/1976/08/CHAULEUR/33871, consulté
le 16/07/2018 à 19h28.
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condition humaine ; comme un moyen, puisque des hommes mieux alimentés, en meilleure
santé et plus instruits devaient être les instruments les plus efficaces de la croissance
économique.
Nous pouvons donc constater que, suivant la rhétorique officielle, le libéralisme planifié
considérait l’initiative privée comme le meilleur moteur de développement, et l’État comme
responsable de l’intérêt général, devant mobiliser, coordonner et orienter les efforts pour le
progrès. Rappelons qu’à leurs accessions aux indépendances, les États d’Afrique subsaharienne
accèdent à la souveraineté politique avec une structure économique conçue pour servir les
besoins exclusifs des puissances coloniales : « les accords de coopération consécutifs à
l’indépendance assurent un débouché important à l’activité économique et commerciale de
l’ancienne Puissance coloniale, par le jeu des préférences commerciales et des franchises
douanières ».21
Colonisés par des nations capitalistes qui ont préservé des positions clés de la vie
économique interne tout en freinant leur développement autocentré, la plupart des États
africains se trouvent au début des années 1960, dans une situation de non maîtrise de leur propre
développement. La conséquence à cet état de chose est que les hommes portés au pouvoir dans
ces jeunes années des États africains, ont à cœur de garantir le pouvoir économique des
anciennes métropoles dans un contexte de lutte d’influence à l’échelon mondial.22 En fait, les
politiques de développement appliquées, à l’instar du libéralisme planifié, sont le reflet de
l’influence de deux théories contradictoires qui dominent les débats au cours des décennies
1950 à 1970 : la théorie de la modernisation (production, libre échange et marché prônés par
Adam Smith et revisité par Rostow), et la théorie de la dépendance (influence marxiste).
21
A. Bourgi, La politique française de coopération en Afrique. Le cas du Sénégal, Paris, Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence et Nouvelles éditions africaines, 1979, p. 16. Sur le même sujet, lire également G. Fischer,
« La décolonisation et le rôle des Traités et des Constitutions », Annuaire français de droit international, volume
8, 1962, pp. 805-836 ; H. Ben Hamouda, Houda, et K. Ramondy, « Mémoires et constructions nationales en
Afrique », Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. 117-118, no3, 2015, pp. 4-9.
22
Il est nécessaire de comprendre les politiques économiques des États africains dans les années 1960, à l’aune de
la Guerre Froide. Lire à cet effet, G. Le Voguer, « Décolonisation et guerre froide : les équivoques de la politique
étrangère américaine (1946-1973) », ILCEA, n°30, 2018 ; Zaki Laidi, « Les deux grandes puissances et l’Afrique
(1960-1977) », Thèse de Doctorat d’État en Sciences politiques, Institut d’études politiques de Paris, 1983, 625p.
P a g e | 171
Modernization theory essentially regarded development as a linear process in which societies (which
were assumed to be nation-states) pass through similar stages of development in the process of achieving
modernity. In this theory, the relationship between the ‘advanced’ West and ‘backward’ Rest was
regarded as either irrelevant or benign. ‘Backward’ societies either developed in isolation from ‘the
West’ (and more specifically the western-led international economy), or contact with the latter was
assumed to aid the development of the former. Underdevelopment theory, on the other hand, was far more
critical of such contact. It argued that the development of the West rested on the exploitation, or
underdevelopment of the Rest. Third World contact with the West was therefore not conducive to
development, which could only take place through delinking from the western-led world economy.23
À cet égard, on peut dire que la théorie de la modernisation fournit une explication
« interne » des problèmes de développement du tiers monde.29 Walt Whitman Rostow estime
qu’« à considérer le degré de développement de l’économie, on peut dire de toutes les sociétés
23
R. Kiely, « Globalization and Poverty, and the Poverty of Globalization Theory », Current Sociology, vol. 53,
no 6, 2005, p. 902.
24
Lire O. Galland et Y. Lemel, « Tradition-modernité : un clivage persistant des sociétés européennes », Revue
française de sociologie, vol. 47, no. 4, 2006, pp. 687-724.
25
Lire S. Ghosn, « Le rôle de la Psychologie dans les dynamiques de la production, des inégalités et de la
redistribution », Thèse de doctorat en sciences économiques, Université Paris-Dauphine, présentée et soutenue
publiquement le 22 septembre 2014.
26
Lire F. Sandron, « Croissance économique et croissance démographique : théories, situations, politiques », in
Charbit Y. (éd.), Le monde en développement : démographie et enjeux socio-économiques, Paris : La
Documentation Française, 2002, p. 15-41. Rappelons qu’en 1944, l’économiste et démographe français Alfred
Sauvy publie La population. Dans cet ouvrage d’initiation aux questions démographiques, Sauvy montre que la
prévision démographique ou plus exactement l’élaboration de perspectives de population, permet de dessiner
l’avenir le plus vraisemblable, compte tenu des évolutions en cours. Si celui-ci ne semble pas satisfaisant eu égard
au bien-être collectif, des actions correctrices sont alors à envisager : des politiques de population, visant la natalité,
la mortalité et/ou les migrations doivent dans ce cas être mises en place. Une certaine proximité du pouvoir, un
natalisme revendiqué et des opinions tranchées sur les questions de population font de la démographie telle que
l’envisage Sauvy une science politique plus que sociale, d’autant plus qu’il ne cesse de militer pour des
interventions publiques. Lire : J. Veron, « La démographie selon Alfred Sauvy au fil des rééditions de La
Population », Revue Quetelet, Vol. 3, n° 1, octobre 2015, pp. 7-49.
27
Lire A. Zagainova, « La corruption institutionnalisée : un nouveau concept issu de l’analyse du monde
émergent », Thèse de doctorat en sciences économiques, Université de Grenoble, 2012.
28
Lire G. Foladori et R. D. Wise, « Le capitalisme contemporain. Le développement dans le contexte de la
mondialisation néolibérale », in H. Veltmeyer et N. Ary Tanimoune (éds), Des outils pour le changement. Une
approche critique en études du développement, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2015, pp. 61-65.
29
S. H. K. Yeh, Modernisation et valeurs culturelles de diverses sociétés d’Asie et du Pacifique, UNESCO, 1989,
p.2.
P a g e | 172
qu’elles passent par l’une des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, les conditions
préalables au démarrage (ou décollage), le démarrage (ou décollage), le progrès vers la maturité,
et l’ère de la consommation ».30 Sur le plan socio-psychologique, elle explique l’essor de
l’Occident par la très grande exigence des Occidentaux, en particulier des protestants, en
matière de rationalité et de réussite.31 Ainsi, les possibilités de développement d’une société
dépendraient, au moins partiellement, du profil psychologique de ses membres.
La théorie de la modernisation a exercé une forte influence sur les plans nationaux de
développement de nombreux pays du tiers monde, ainsi que sur l’aide au développement
fournie par des organismes internationaux, notamment diverses institutions du système des
Nations Unies. Elle se heurte toutefois à un certain nombre de critiques. On peut faire valoir
que cette théorie a tendance à proposer comme objectif du développement une image idéalisée
de la société occidentale contemporaine, d’autant que les sociétés occidentales elles-mêmes
sont en pleine évolution. De façon analogue, vouloir imposer le modèle « capitalisme-
démocratie » en en donnant comme exemple l’expérience occidentale ou américaine crée une
impression d’ethnocentrisme excessif dans la mesure où toute variation par rapport au modèle
occidental est considérée comme une déviation qui doit être corrigée. De plus, quel sort
réserver, dans cet élan de modernisation, aux cultures spécifiques du Tiers-Monde qui semblent
faire obstacle à la modernisation ?
30
W.W Rostow, The Stages of Economic Growth, Cambridge University Press. Traduction française, les étapes
de la croissance économique, 1960 (1963), Éditions du Seuil, p. 13.
31
Lire Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Librairie Plon, 1964. L’ouvrage est
disponible en téléchargement libre à l’adresse :
http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/ethique_protestante/Ethique.html, consulté le 07/06/2020 à 13h52.
32
Le méliorisme est la « doctrine selon laquelle le monde tend à s'améliorer ou peut être amélioré par l’effort de
l’Homme; plus généralement tendance à s’améliorer ». Source : Centre national de ressources textuelles et
lexicales, en ligne, URL : https://www.cnrtl.fr/definition/m%C3%A9liorisme, consulté le 07/06/2020 à 13h58.
P a g e | 173
Les théoriciens de la dépendance quant à eux, ont les mêmes préoccupations que les
tenants de la modernisation, et souhaitent, comme eux, promouvoir le développement du Tiers-
Monde ; mais ils proposent un modèle théorique différent et expliquent le stade de
développement du tiers monde par des facteurs non pas « internes » mais « externes ».
En résumé, ils affirment que le retard économique des pays du Tiers-Monde est dû non
pas au caractère traditionnel de leurs institutions et de leurs valeurs, mais au fait qu’ils sont
exploités par les pays capitalistes avancés.33 Leur situation à la « périphérie » n’est pas le
résultat d’une évolution naturelle ; bien au contraire, c’est le produit historique de plusieurs
siècles de domination coloniale.34
Par conséquent, dans les pays qui composent aujourd’hui le tiers monde, il n’y a pas non-développement,
mais bien sous-développement dû aux nations du « centre ». C’est le « centre » qui maintient le tiers
monde dans son sous-développement, grâce à un système qui restructure l’économie de la périphérie en
privilégiant la monoculture d’exportation, l’extraction des minéraux et matières premières, et en éliminant
les industries autochtones - de sorte que l’excédent dégagé par l’économie puisse être systématiquement
transféré de la périphérie vers le centre.35
Notons tout de même que la théorie de la dépendance a elle aussi une structure
essentiellement bipolaire : elle oppose le « centre » à la « périphérie ». Les pays industrialisés,
en majorité occidentaux, constituent le centre et les pays du tiers monde la périphérie. La thèse
qu’elle soutient est que le centre exploite la périphérie dans son propre intérêt. Ce sont le
colonialisme en tant que phase historique et l’utilisation des excédents produits par la périphérie
qui ont entraîné le sous-développement des pays de la périphérie, selon un processus qu’André
Gunder Frank appelle le « développement du sous-développement »36. Tant que le centre
exercera sa domination, il est peu probable que les pays de la périphérie ne puissent jamais
connaître un développement autonome. C’est ce qui explique que les théoriciens de la
dépendance sont dans l’ensemble pessimistes quant à l’avenir du Tiers-Monde, estimant qu’il
continuera d’être « à la traîne » du centre, et que de ce fait les inégalités iront s’accroissant dans
le monde.
33
Lire J. Dessau et G. Destanne de Bernis, « Le sous-développement est aujourd’hui considéré comme le produit
du système mondial capitaliste », Le Monde Diplomatique, décembre 1973, p.13, en ligne URL :
https://www.monde-diplomatique.fr/1971/12/DESSAU/30660, consulté le 22/01/2021 à 14h30.
34
Lire P. A. Carlos, « La théorie de la dépendance : bilan critique », Revue française de science politique, 27ᵉ
année, n° 4-5, 1977, pp. 601-629.
35
S. H. K. Yeh, Modernisation et valeurs…, UNESCO, 1989, p. 2.
36
A. G. Frank, « Le développement du sous-développement » Cahiers Vilfredo Pareto, T. 6, no 16/17, 1968, pp.
69-81
P a g e | 174
Le libéralisme planifié, mis en place par Ahmadou Ahidjo, est donc la parfaite
combinaison théorique de ces modes de pensées. Il doit pouvoir juguler l’immense retard du
Cameroun. J. Dessau et G. Destanne de Bernis résument les grandes pensées des deux
théories :
Le retard étant dû essentiellement à l’insuffisance du capital (avec une offre de travail illimitée, A. Lewis),
l’augmentation de l’investissement est la condition du « décollage » (Rostow). Dans un pays à faible
revenu, et donc à marcher étroit, une industrie ne peut se développer isolément. Il faut pouvoir mettre en
place presque en même temps ces industries dans toutes les branches des biens de consommation afin que
chacune trouve des débouchés dans la main-d’œuvre de toutes les autres : cette croissance balancée est la
transposition des modèles néoclassiques d’équilibre. Encore le capital privé – à qui l’activité productive
est réservée – ne sera-t-il attiré (ou retenu) que si l’État assure la construction de l’infrastructure
nécessaire.37
Dans les faits, dès 1960, le Cameroun opta pour une politique de développement
privilégiant l’émergence d’un secteur industriel constitué essentiellement d’entreprises
publiques et parapubliques, au détriment des unités industrielles assises sur la productivité
locale. L’objectif déclaré d’indépendance économique prolongeant l’indépendance politique,
conduisit à l’exaltation du rôle du chef de l’État comme acteur privilégié de la politique
dirigiste-volontariste tant à l’extérieur38 qu’à l’intérieur39. Une telle orientation politique
légitima la mise en place d’un secteur public fort, nécessitant le rôle actif de l’État dans
l’économie, appuyé sur une administration, des entreprises publiques puissantes et un appareil
réglementaire complexe.40
37
J. Dessau et G. Destanne de Bernis, « Le sous-développement … », 1973, p.13.
38
Y. A. Chouala, La politique extérieure du Cameroun. Doctrine, acteurs, processus et dynamique régionales,
Paris, Karthala, 2014, pp. 29 et 73.
39
Lire A. Eyinga, Introduction à la politique camerounaise, Paris, L’Harmattan, 1984.
40
J. Nzomo Tcheunta, « Le processus de retrait de l’État de la production des biens et services au Cameroun.
Premier bilan et perspectives », Thèse de doctorat en Sciences économiques, Université de Yaoundé II, 2000, p.
25.
41
Ibid., p. 5.
P a g e | 175
La politique camerounaise des transports sous le libéralisme planifié fut donc dictée par
la préoccupation de desservir suffisamment tout le territoire en vue de répondre aux besoins
nationaux en matière de transports et de communications. Cette recherche de desserte
économique du pays justifia l’action entreprise pour entretenir tous les axes de communications,
quelle que fut leur importance.
Ainsi, les transports avaient un rôle à la fois social, économique et politique. Il s’agissait
certes d’évacuer la production, de faciliter la circulation de personnes et des biens ; mais
également, il fallait que ces infrastructures de transport jouent une fonction d’ouverture des
populations, non seulement au monde moderne, mais également aux autres pays. C’est à l’aune
de ces objectifs qu’il faut comprendre l’image de ce billet de banque de 1962, représentant la
combinaison entre transport et agriculture. Il n’est pas anodin de retrouver, à travers les dessins
de ce billet, les codes de la propagande coloniale, puisque l’excroissance de l’Agence générale
42
A.-M. Mboudou, « Le financement du développement au Cameroun », Thèse de Doctorat de 3e Cycle en
Sciences économiques, Université de Yaoundé, 1982, p. 3.
P a g e | 176
Source : J. C. Mafossi, « Genre et travail dans l’iconographie monétaire en circulation au Cameroun de 1945 à
2002 », Images du travail- Travail des images [En ligne], Dossier, n° 6-7. Femmes au travail : quelles
archives visuelles ?, Images du travail, Travail des images, URL : https://imagesdutravail.edel.univ-
poitiers.fr:443/imagesdutravail/index.php?id=2134, consulté le 08/03/2021 à 18h53.
Dans un tel contexte de territorialisation, les voies de communication tels que les routes se révèlent
comme les instruments d’une cybernétique spatialisée au sein de l’État, mais aussi des instruments de
mise en contact de l’individu avec son environnement immédiat et étendu. Elles participent à
l’opérationnalisation du principe de publicité, donc au processus de construction de sens, le sens de l’État
sur un espace territorialisé et labellisé Cameroun. Elles participent au processus d’imposition de
l’ « esprits d’État » sur ledit espace (Bourdieu, 1993 : 49-62). De fait, la construction des routes participe
de la mise en place de structures d’encadrement politique des populations camerounaises et, ce faisant,
« produit du territoire » selon l’expression d’Alliès (1980). C’est notamment à travers la route que le sens
de l’État, maître d’ouvrage, se construit dans des localités telles que Mokolo, Mora et Kousseri à
l’Extrême-nord, Tibati, Tignère, Meiganga et Toubouro dans l’Adamaoua, Belabo, Garoua-Boulaï et
Batouri à l’Est, Nkambé, Kumbo et Wum dans le Nord-ouest.43
L’insuffisance et le coût élevé des transports dans les pays sous-développés en général,
ont été souvent mis en lumière.44 En effet, les difficultés sont multiples : le relief sinueux, les
distances et la dispersion des populations et des ressources, toutes choses qui nécessitent de
coûteux investissements et alourdissent les conditions d’exploitation. Le climat, comme nous
l’avons vu durant la période coloniale, restreint la navigabilité des cours d’eau en saison sèche
et rend certaines routes, souvent la majorité, impraticables en saison des pluies. La conséquence
est que les trafics sont faibles, déséquilibrés dans le temps, pour les trafics agricoles surtout, et
dans l’espace, pour les trafics miniers principalement. Ainsi, le progrès des transports reste
étroitement limité aux quelques zones privilégiées, notamment côtières, où l’accroissement de
la mobilité et un certain développement vont de pair. Le développement d’un réseau des
transports fiables nécessite la disponibilité d’énormes moyens financiers. Nous nous proposons
donc d’analyser la situation économique du Cameroun dès 1960, parce que celle-ci a déterminé
les investissements opérés durant cette période.
43
J. Keutcheu, « L’espace public camerounais à l’épreuve de la… », 2008, p. 6.
44
Lire A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports… », 1971.
P a g e | 178
La période allant de 1965 à 1977 fut donc marquée par une croissance maintenue par
une meilleure absorption interne, notamment la consommation privée et publique.47 Bien que
très dépendant des produits primaires (cacao, café, etc.), le dynamisme économique de la
période reposa sur un tissu économique assez diversifié et une main d’œuvre relativement bien
adaptée aux besoins.
La période allant de 1977 à 1981, marquée par une croissance qui s’accéléra (+13% en
moyenne) à la suite de la découverte du pétrole et de sa mise en exploitation immédiate.48 Le
secteur extractif fit montre d’une explosion fulgurante avec un rebond de +44% par an en
volume, induisant un effet d’entraînement pour les autres secteurs dont la croissance se situa
autour de 10%.49 L’effet du boom pétrolier amène l’État à perdre toute vigilance dans la maîtrise
des dépenses publiques, notamment les dépenses d’investissement public qui accusent un
déficit de 3% du PIB en 1981 (autour de 25% sur la moyenne de 19,5% entre 1976 et 1984).50
45
Lire entre autres D. Mokam, « Les associations régionales et le nationalisme camerounais 1945-1961 », Thèse
d’Histoire, Université de Yaoundé I, 2006 ; A. Mbembé, La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-
1960), Paris, Karthala, 1996 ; et D. Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, 1884–1961, Yaoundé, Éditions
CLE, 2010.
46
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais 1965-1990 : de la croissance équilibrée à la crise
structurelle », in Courade G., Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Éditions Karthala, 1994, p.
52.
47
Ibid., p. 54.
48
Ibid., p. 55.
49
Ibid.
50
Ibid. p. 56.
P a g e | 179
Tout au long de la décennie du décollage (1977-1985), le PIB réel par tête augmente
rapidement, plaçant le pays dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la classification
de la Banque mondiale.53 Le rythme élevé de la croissance se traduisit par une amélioration
sensible des niveaux de vie, que l’on peut mesurer indirectement à travers l’élévation de la
consommation privée par tête.54
Du fait du lien intrinsèque entre la situation économique d’un pays et la mise en place
d’une politique des transports, ce sous-chapitre précédent s’est donné pour objectif d’examiner
l’évolution économique du Cameroun de 1960 à 1985. Nous étions alors dans la politique du
libéralisme planifié. Cette matrice du développement au Cameroun dicta aussi la mise en place
des transports, à travers les 5 Plans quinquennaux qui constituèrent les feuilles de route
économique du Cameroun durant ces 35 premières années de vie du nouvel État.
51
Ibid. p. 57.
52
Ibid.
53
J. J. Aerts et al., L’économie camerounaise : un espoir évanoui, Paris : Karthala, 2000, p. 16.
54
Ibid., p. 17.
P a g e | 180
CDWF (Cameroun Occidental). Ces Plans, principalement le FIDES, posèrent les jalons d’une
organisation économique et infrastructurelle du pays. Les Plans quinquennaux du Cameroun
indépendant continuèrent cette œuvre de planification économique. Nous nous intéressons ici à
la place des transports dans chacun de ces plans.
55
Nous pouvons considérer l’année 1961 comme année de mise en exécution du premier Plan quinquennal. En
effet, adopté en décembre 1960, ce ne fut véritablement qu’en 1961 que son exécution débuta. De plus, avec la
réunification en 1961, le Plan connut une modification en 1962. Ainsi, ce premier Plan n’eut de quinquennal que
son titre officiel. Dans les faits, il fut, selon notre analyse, un autre plan quadriennal.
56
Ministère des Finances et du Plan, Le Premier Plan Quinquennal du Cameroun, Yaoundé, MINFIP, 1960, p.
18.
P a g e | 181
précédente, le taux de croissance annuelle du PIB réel se situa sans doute aux alentours de 4%.57
Les dépenses effectives au titre de l’investissement public furent en moyenne de 3,7 milliards
de FCFA par an jusqu’en 1963.58 Pendant l’exercice suivant, 1963/64, les sommes provenant
de l’aide extérieure et consacrées à l’investissement s’élevèrent à 3 milliards de FCFA, tandis
que les ressources locales financèrent l’investissement d’un peu plus de 2 milliards de FCFA.
Cela fait un total de 5 milliards de FCFA, alors que la moyenne prévue pour la période
d’application du Plan était de 7 milliards de FCFA par an.59
57
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n° AF-48b,
1966, En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/578391468010859198/pdf/AF480ESW0French0Box46525B0PUBLI
C.pdf, consulté le 23 décembre 2018, p. 23.
58
Ibid.
59
Ibid, p. 24.
60
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration de l’élaboration des stratégies de
développement au Cameroun : cas des stratégies ministérielles de développement », Doctorat en développement
régional, Université du Québec à Chicoutimi et université du Québec à Rimouski, 2009, p. 137.
P a g e | 182
En bref, un constat se dégage : ce Plan fut globalement financé par des apports financiers
extérieurs, plus spécifiquement par le Trésor français. En jetant un regard concis sur la nature
des dépenses telle que présentée par le 1er Plan, il ressort que les investissements administratifs
(bureaux, logements, magasins) et les investissements de longue durée concernant des
opérations diffuses comprenant une forte proportion de dépenses de personnel et de
fonctionnement furent financés uniquement par le budget de l’État du Cameroun, c’est-à-dire
par les ressources intérieures et propres au pays. Le budget d’investissement public représentait
56% du coût total des interventions qui constituèrent le Premier Plan quinquennal de
développement économique et social du Cameroun.62
En 1959, la part de l’industrie du transport dans le produit intérieur brut n’était estimée
qu’à 3%.63 Mais, se fonder sur ce chiffre ne donne pas une idée précise du rôle que jouèrent les
transports dans une économie à vocation exportatrice, reposant sur la production agricole d’une
population éparse dans un pays présentant, en plus de longues distances, de très grands obstacles
physiques aux voies de communication. Ainsi, les transports durent tenir une très grande place
dans l’effort de développement du Cameroun. Le premier Plan de développement affecta à ce
secteur 47% environ du montant total de l’investissement public prévu. En fait, les sommes
dépensées pour les transports avaient représenté, pendant les trois exercices financiers compris
entre 1960 et 1963, 41% du total des dépenses publiques. Le programme des transports était
dominé par la nécessité économique et politique d’établir des liaisons entre les diverses régions
61
Ministère des Finances et du Plan, Le Premier Plan…, 1960, p. 19.
62
Ibid.
63
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n°
AF-15a, 08 avril 1964. En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/215191468010902914/pdf/AF150V20ESW0French0Box46476B0P
UBLIC.pdf, consulté le 23/12/2018, p.1.
P a g e | 183
du pays. Il s’agissait avant tout de relier le Nord et le Sud du Cameroun oriental et de rattacher
l’un à l’autre les deux Cameroun, occidental et oriental.
Le réseau routier était encore loin de répondre aux besoins immédiats de l’économie
camerounaise. D’importantes lacunes subsistaient encore dans le réseau de routes praticables
par tous les temps, seule une très faible portion étant bitumée. Outre la nécessité de constituer
un réseau d’importance minimum, il se posait un besoin croissant de consolider et d’étendre
davantage les moyens de transports routiers, et notamment les routes secondaires, sur une
échelle correspondant aux dimensions du pays, à sa population et aux ressources naturelles
disponibles.64 Ainsi, le programme routier du Gouvernement fut conçu en fonction des objectifs
suivants :
- Tenir compte de la possibilité de développer une entité économique centrée sur Kribi
et prévoir au besoin les possibilités d’un aménagement du site portuaire ;
- Le développement des échanges intérieurs à travers l’aménagement des routes
secondaires et des pistes de collecte.
À ces objectifs assignés aux routes par les politiques de l’époque, une autre
préoccupation ne saurait être négligée, la nécessité d’établir un moyen de communication peu
coûteux et à la fois rapide et confortable, entre le Cameroun occidental et oriental. Étant donné
que ces deux régions étaient séparées par une barrière linguistique et par des caractéristiques
différentes sur le plan de l’organisation sociale et de l’éducation, le besoin d’établir un courant
de compréhension et d’échange d’idées rapide et permanent, ainsi que des moyens de
communication améliorés, était considéré comme un facteur particulièrement important pour
l’intégration et la collaboration effective des deux économies et des populations. Le bilan qu’en
64
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, pp. 1-2.
P a g e | 184
fait la BIRD en 1964 nous permet de comprendre la nécessité d’un investissement accru dans
les routes au Cameroun occidental :
Le réseau routier du Cameroun occidental compte 1 600 km de routes en mauvais état et insuffisamment
développées. Le kilométrage de routes bitumées représente à peine 6% du total. Le reste est constitué de
pistes de terre dont les conditions sont, par endroit, lamentables. La plupart des routes praticables par tous
les temps se trouvent dans la région du littoral où les routes sont relativement bonnes, mais le nord et
l’Ouest ne possèdent pas de telles voies de communication avec le sud, sinon en empruntant le réseau
routier de la région orientale du Cameroun. Le réseau comprend une route circulaire dans le Sud reliant
Bota, Victoria, Buea et Kumba, avec des embranchements sur Tiko et Kombone. À partir de Kumba, un
axe principal se dirige vers le nord en direction de Mamfé ; une seconde route principale part vers le nord
et l’est du Cameroun oriental vers Bafoussam et Bamenda. Mamfé et Bamenda sont reliées par un axe
transversal qui se prolonge en direction de l’ouest jusqu’au Nigéria. Les communications sont dans un
sens, meilleures avec le Nigéria qu’avec les autres régions de la Fédération. 65
Le premier Plan partit donc du constat que l’état général des routes du Cameroun
oriental fut supérieur aux conditions existantes au Cameroun occidental. L’aménagement du
réseau routier du Cameroun oriental bénéficia en effet d’investissements considérables de la
part du FIDES puis du FAC67, et des subventions et prêts octroyés par le FED et l’AID.68 Le 1er
Plan prévut l’amélioration du réseau et l’achèvement de 150 kilomètres supplémentaires de
route bitumée en 1964, et l’amélioration et la reconstruction de quelque 1200 kilomètres de
routes principales. La BIRD nous rappelle que ce ne fut qu’à la fin de la colonisation que les
routes du Cameroun occidental devinrent une priorité en matière d’investissements, « près de
600 millions de FCFA ayant été fournis par les fonds C. D. et W. du Royaume Uni ».69
L’objectif visé par la politique du 1er Plan fut de doter le pays d’une infrastructure solide
de routes bien construites, dont les frais d’entretien courants ne seraient pas importants. Il faut
rappeler que les obstacles à la construction des routes ne manquèrent pas : les saisons des pluies
65
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, pp. 5-6.
66
Ibid, p. 7.
67
Par le Décret n°59-462 du 27 mars 1959 relatif à l’aide et à la coopération entre la République et les autres États
membres de la communauté, le FIDES devient le Fonds d’Aide à la Coopération. Source : JORF du samedi 28
Mars 1959, pp. 3700-3701.
68
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 6.
69
Ibid.
P a g e | 185
et leurs impondérables, les régions montagneuses couvertes de forêts, les rivières profondes, la
difficulté de l’entretien du matériel consacré aux travaux de construction.
Les travaux dans les chemins de fer représentaient de véritables viviers d’emplois et des
gages de développement sûrs pour le nouveau gouvernement en place depuis 1960. Ainsi,
toujours en 1964, était lancé le chantier du Transcamerounais, censé s’étirer jusqu’au Tchad et
en RCA. Sur son passage, il devait faire naître une cimenterie à Garoua-Figuil, permettre la
création d’une unité agricole et industrielle de production sucrière dans la région de Nanga-
Eboko, et un complexe textile sur la zone de production cotonnière.70 Face aux présidents
François Tombalbaye du Tchad et David Dacko de RCA, voici en quels termes le président
Ahidjo présentait les motivations politiques de ce projet :
70
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration du chantier du Transcamerounais à Yaoundé, ACAP n° 252du 3/11/1964,
p. 476.
71
Ibid.
P a g e | 186
Mes chères concitoyennes et mes chers concitoyens, disait Ahidjo, dans quelques instants, nous allons
procéder à l’inauguration des travaux de construction de la ligne de chemin de fer Mbanga-Kumba. Geste
symbolique sans doute, mais s’il est de symbole qui revêt une profonde signification, c’est bien celui-là.
Il annonce des millions de coups de pioches camerounais qui dans les mois à venir, vont se succéder pour
frayer le chemin aux rubans de bois et d’acier qui, à travers les plaines, vallées, collines et rivières, reliera
le Cameroun occidental au Cameroun oriental par un moyen de transport moderne, efficace et
économique.74
La route, elle aussi, devait contribuer à ces efforts de réunification du pays. En 1965, le
Cameroun était doté d’environ 33 000 km de routes.75 Cependant, bien que le gros des
transports intérieurs se fit par route, plusieurs régions n’étaient pas encore reliées entre elles ni
par route ni par voie ferrée. La construction de nouvelles routes était surtout financée à l’aide
de ressources étrangères, avec, là encore, au centre des préoccupations, la nécessité de
développer le pays et la volonté impérieuse du président Ahidjo de réunifier le Cameroun dans
les faits. C’est ce qui ressort de ses propos lors du lancement des travaux de la route Douala-
Tiko en 1965 :
Mais cette route qui nous apportera tant sur le plan économique, représente encore beaucoup plus pour
nous car elle est le symbole de la réunification, de l’unité retrouvée. Nous ne voyons pas seulement en
72
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 5.
73
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration des travaux du chemin de fer Mbanga-Kumba, ACAP n° 75 des 29/30 et
31/3/1964, p. 451.
74
Ibid.
75
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 6.
P a g e | 187
elle un instrument important de développement économique, nous y voyons aussi et surtout l’artère, au
sens propre du terme, qui inaugurera les deux États fédérés, qui sera le symbole de l’unité de notre nation.
Et je trouve bon que ce premier coup de pioche coïncide avec le quatrième anniversaire de notre
réunification, car il ne pouvait y avoir manifestation plus évidente de la volonté de tous les Camerounais
si longtemps séparés, de construire ensemble un Cameroun uni et prospère.76
Deux maîtres-mots ressortent donc de la politique des transports dans l’exécution du Ier
Plan : réunification et développement économique.
Pour la réalisation de cette double ambition, un seul Plan n’aurait pas suffi. De 1960 à
1965, les institutions d’assistance mirent à la disposition du Cameroun, pour l’extension et
l’amélioration de son réseau routier, environ 6,6 milliards de FCFA ; mais sur ce total, 2,8
milliards de FCFA étaient destinés à des travaux qui, à la fin du Plan, n’étaient pas encore
terminés. Le second Plan se devait de continuer cette politique d’investissement dans le secteur
des transports.
76
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration du chantier de la route Douala-Tiko, ACAP n° 231 des 10 et 11/10/1965,
p. 525.
P a g e | 188
Il est aussi important de rappeler que, comme mesure indispensable destinée à améliorer
l’élaboration et l’exécution du Deuxième Plan quinquennal de développement économique
social du Cameroun, les autorités politiques et administratives du pays renforcèrent et
améliorèrent la coordination entre les ministères et les services et dotèrent le ministère chargé
du Plan, de moyens budgétaires, humains et matériels. Ainsi, son champ d’intervention avait
été élargi et couvrait tous les aspects du développement, dont les investissements publics, le
développement régional et local, l’utilisation et la coordination des politiques de
développement des ressources humaines à l’échelle nationale.78
77
MINFIP, Loi n° 66/LF/14 du 30 aout 1966 portant approbation du Deuxième Plan Quinquennal de
développement économique et social, 1966.
78
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 154.
P a g e | 189
Dans ces objectifs, les transports tenaient naturellement une place de choix. Si le premier
Plan de développement avait affecté à ce secteur 47% environ du montant total de
l’investissement public prévu, il faut dire que les sommes dépensées pour les transports ont
représenté, pendant les trois exercices financiers compris entre 1960 et 1963, 41% du total des
dépenses publiques. De l’estimation provisoire des dépenses publiques d’investissement à
prévoir pendant la période d’application du deuxième Plan quinquennal, il ressortait que le
Cameroun comptait dépenser pour l’infrastructure, 38 milliards de FCFA, soit 45% du total
visé pour l’investissement public. Comme pour les années antérieures, la majeure partie des
investissements dans l’infrastructure devait être financée au moyen de l’aide extérieure.
Pour ce qui est de la construction des routes, le principal projet concernait l’achèvement
de celle devant relier le terminus ferroviaire de Ngaoundéré aux régions septentrionales du pays
et au Tchad. Les deux principaux tronçons de route à améliorer, pour assurer cette liaison
79
Ibid.
80
Ibid.
81
Ibid.
P a g e | 190
Par ailleurs, vous le savez également, se poursuivent heureusement les travaux d’élaboration du 3 e Plan
quinquennal qui fixera, pour les cinq prochaines années qui suivront son adoption par l’Assemblée
nationale, les objectifs nationaux dans les domaines économique, social et culturel. Au niveau régional,
comme à celui de la nation, le peuple a été largement associé à la définition de ces objectifs conformément
aux principes démocratique et de justice sociale qui demeurent des caractéristiques essentielles de notre
régime.83
82
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 169.
83
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1968 - 1973, 3e édition, Message du président
Ahidjo à la Nation, ACAP n° 4/1/1971, p. 228.
84
La planification descendante (top-down) et la méthode ascendante (buttom-up) sont deux des approches de
planification les plus courantes :
P a g e | 192
garantissait aussi le caractère réaliste des objectifs retenus et la priorisation pragmatique des
opérations stratégiques relevant du secteur public.
Ainsi, en plus des caractéristiques propres qui firent les forces du Plan de développement
précédent, relevons les spécificités complémentaires du Troisième Plan de développement :
- Dans la planification descendante, les premiers objectifs sont définis et les moyens de les atteindre sont
déterminés par l’administration. Ils sont progressivement déplacés vers les niveaux inférieurs de la hiérarchie
organisationnelle à développer et à préciser. Il s’agit d’une approche divergente.
- Avec la méthode de planification ascendante, des objectifs relativement étroits sont initialement fixés aux
niveaux inférieurs de la hiérarchie organisationnelle. Ils sont ensuite progressivement intégrés dans le cadre
des objectifs et de la stratégie globale à des niveaux supérieurs. Il s’agit donc d’une approche convergente.
Comment fonctionne la procédure à contre-courant?
- Préparation descendante : le sommet de l’État fixe des objectifs.
- Les niveaux de hiérarchie suivants, les ministères et leurs démembrements, utilisent les directives définies
comme orientation et créent des sous-objectifs et des sous-plans pour leurs départements respectifs à partir des
objectifs de niveau supérieur.
- Réponse ascendante: le niveau hiérarchique le plus bas coordonne les sous-plans étape par étape et les résume.
- Le sommet de l’État approuve les objectifs et les plans pour le pays.
Source : « Top-down and Bottom-up planning », en ligne, URL: https://www.jedox.com/en/solutions/top-down-
bottom-up-planning/, consulté le 01/02/2020 à 06h41.
P a g e | 193
Même si la priorité était accordée à l’agriculture, les transports avaient tout de même
leur place dans ce Plan. Ainsi, le bilan par sous-secteurs des transports était le suivant à la fin
du Plan :
En plus de ces routes bitumées, plusieurs routes en latérite avaient été réalisées. Avec la
liaison Kumba-Mamfé et la route Djoum-Mintom-Alati, on comptait 300 km de route en
latérite.
85
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 173.
86
Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1976-1981), presses d’AGRACAM, 1977, p. 48.
87
Ibid.
88
Ibid.
P a g e | 194
Kousseri. La REGIFERCAM exploitait donc à cette date, un réseau de 1168 km. Les
investissements, juste pour ce tronçon, s’élevaient à 17 milliards de FCFA.89
89
Ibid, p. 49.
90
Ibid.
91
Ibid (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo, président de la République unie du Cameroun).
P a g e | 195
Le tableau suivant nous permet de voir les investissements prévus dans le domaine des
transports au cours du IVe Plan.
Tableau n° 3 : Répartition des investissements dans le domaine des transports, IVe Plan quinquennal
Source : Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et
culturel (1976-1981), presses d’AGRACAM, 1977, p. 136.
92
Ibid, p. 129.
P a g e | 197
Dans le domaine des chemins de fer, était prévu la rectification de la ligne Yaoundé-
Douala, la modernisation et le renforcement des installations de la REGIFERCAM. Pour les
routes et les ponts, étaient programmés la construction et le développement pour assurer les
liaisons internationales, les liaisons rail-route et les liaisons permanentes.
Ce Plan avait prévu de consacrer près de 23% des investissements nationaux aux
infrastructures de communication, finalement c’est une proportion de 20,7% qui leur avait été
consacrée, pour un taux de réalisation de 73%.94 L’aéronautique civile était le secteur qui connût
le taux de réalisation le plus élevé à 144%.95 Les investissements avaient portés sur les aéroports
de Douala, Yaoundé et Garoua. Ainsi, prévu à 7,1%, des investissements, c’est plutôt 14% qui
y avaient été consacrés. Le tableau suivant revient sur les prévisions et les réalisations au cours
du IV e Plan :
93
Ibid (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo, président de la République unie du Cameroun).
94
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel (1981-
1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 209.
95
Ibid.
P a g e | 198
En effet, élaborer une politique de développement qui embrasse tous les aspects de la vie nationale, c’est
poser la nécessité d’agir dans le cadre d’une coordination globale pour organiser le soutien mutuel entre
tous les secteurs, affecter les ressources, déployer les moyens en fonction des objectifs fixés et,
96
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 188.
P a g e | 199
finalement, ajuster ces objectifs selon les capacités disponibles. L’instrument d’une telle coordination
réside dans la planification.97
97
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal…, 1981 (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo,
président de la République unie du Cameroun).
98
Ibid.
99
Ibid.
P a g e | 200
100
Ibid.
P a g e | 201
étudierons ce dernier dans le chapitre suivant, ainsi que ses implications dans le domaine des
transports. Mais, dans la suite immédiate de ce travail, nous présentons la situation des
transports à la fin du libéralisme planifié.
II. Un état des lieux des transports à la fin des plans quinquennaux en 1985
101
Ministère de l’Économie et du Plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM 1981, p. 214.
P a g e | 206
Source : Neba A. S., Modern Geography of the Republic of Cameroon, Second Edition, New Jersey, Camden,
1987.
P a g e | 207
Le décret n° 79/93 du 21 mars 1979 portant nomenclature routière faisait état d’un
réseau routier classé estimé à 28 681 km. Les différents décrets de 1979 avaient défini les
catégories de routes suivantes, constituant le « réseau routier classé »: autoroutes, routes
nationales, routes provinciales, routes départementales, routes rurales et voies urbaines.102 Ces
routes étaient ainsi réparties :
Tableau n° 5 : État des lieux des routes au Cameroun selon le classement de 1979
Source : Décret n°79/94 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes nationales et le décret
n°79/95 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes provinciales.
102
En plus du décret n°79/93 du 21 mars 1979 portant nomenclature routière, deux autres décrets ont été signés le
même jour : décret n°79/94 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes nationales et le décret
n°79/95 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes provinciales.
103
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 212.
104
Ibid.
P a g e | 208
rurales, voirie urbaine). Très peu était les routes en bon état en toute saison. Comme
conséquences de cette situation, nous pouvons citer :
En ce qui concernait la planification, les déficiences étaient dans les études routières,
qui ne permettaient pas de disposer d’éléments fiables pour fonder la définition de priorités
pour la construction des routes et des ouvrages d’art. Malgré les mesures prises dès le VIe Plan
en matière d’entretien routier, et poursuivis dans le Ve Plan (formation du personnel de la
direction des routes ; programme d’entretien et de réfection des routes ; promotion des petites
et moyennes entreprises nationales de travaux publiques ; installations des stations de
pesage…), beaucoup restait à faire, et les financements, surtout étrangers, se faisaient de plus
en plus rares.
Nous ferons le bilan des transports aériens en nous fondant sur deux aspects : les
infrastructures aéronautiques et les compagnies aériennes. Pour ce qui est des infrastructures
105
Ibid, p. 212.
P a g e | 209
aéronautiques, en 1986 le Cameroun comptait plusieurs pistes adaptées pour les atterrissages
d’avions.
Les aéroports internationaux étaient :
- Celui de Douala :
Ouvert à la circulation aérienne publique en 1949. En 1981, les installations
aéroportuaires étaient transférées du « bois des singes » au site actuel. Ainsi, l’aéroport
pouvait désormais accueillir des avions gros porteurs type B 747. Cet aéroport
comprenait à date : une piste de 2850 x 45 m en béton bitumineux, équipée d’un balisage
lumineux avec rampe d’approche ; une aérogare avec des jetées passerelles
télescopiques dimensionnées pour traiter un maximum d’un million et demi de
passagers par an ; un bloc de huit niveaux abritant les services nécessaires à la sécurité
de la circulation aérienne et les services connexes ; des équipements et aides à la
navigation aérienne.106
- Celui de Garoua :
Il avait connu de grands travaux en vue de son internationalisation dès 1978. L’objectif
politique qui avait motivé ces travaux était la volonté « de doter le Cameroun d’une
seconde porte d’entrée et de sortie et de combler le manque d’infrastructure reliant la
partie septentrionale au Sud du pays. »107 Il comprenait des installations comparables à
ceux de Douala.
- Celui de Yaoundé :
Construit non loin de la ville en 1949 à Mvan pour accueillir essentiellement des DC 3.
Dès 1978, l’avancée de la ville vers cette piste et la nécessité de doter la capitale d’un
véritable aéroport international, avait amené les autorités à diligenter entre 1978 et 1982,
des études pour la construction d’un nouvel aéroport. Ainsi, Nsimalen, à 25 km au sud
de la ville de Yaoundé, avait « été choisi comme meilleur du point de vue de l’ensemble
des critères de comparaison, notamment les contraintes liées à l’environnement (bruit,
urbanisme) et les possibilités d’extension future »108.
106
A. D. Kamajou, L’aviation civile au Cameroun : état des lieux et perspectives, Alpha Print, 2001, pp. 21-22
107
Ibid, p. 23.
108
Ibid, p. 26.
P a g e | 210
- Koutaba, créé en 1952. En 1985, la construction d’une aérogare avait été entreprise,
mais les travaux furent arrêtés faute de financement. Le montant des travaux fut évalué
à 850 millions de FCFA, ces travaux furent interrompus alors qu’ils en étaient à un taux
de réalisation de 80%.109
- Maroua-Salak, créé en 1952, des travaux furent entrepris pour son réaménagement afin
qu’il put accueillir des avions B 737. C’est en 1986 que débutèrent justement ces
travaux.
- Ngaoundéré, lui aussi créé en 1952, il reçut les avions de type B 737, avec une aérogare
passager.
- Bamenda, dont la modernisation commença en 1983 et s’acheva en 1986.
- Bafoussam, fut doté d’installations similaires à celui de Bamenda. Sa modernisation
était en cours depuis 1985.
Les autres aérodromes secondaires, étaient destinés aux services à courtes distance, à la
formation aéronautique, aux sports aériens et au tourisme. Ils étaient dans la plupart, dotés de
pistes d’atterrissage non bitumées, limitées aux avions légers et servant essentiellement au
ravitaillement des exploitants agricoles et forestiers. En 1986, le Cameroun comptait plus d’une
quarantaine d’aérodromes secondaires, répartis dans toutes les provinces.
Pour ce qui est des compagnies aériennes, deux types d’initiatives étaient mises en
place : des initiatives privées qui assuraient les vols sur les lignes intérieures principalement ;
et les initiatives internationales.
Pour ce qui est des initiatives privées, en plus de la société privée Air Cameroun qui
desservait déjà quelques lignes intérieures, ainsi que quelques pays voisins du Cameroun depuis
1953, le Cameroun occidental comptait la « Cameroon Air Transport » (CAT), est créée en
1963110. Cette deuxième compagnie aérienne avait son siège à Bota111. La CAT fut fondée par
la Southern-West Cameroons Development Agency112. La compagnie assurait les liaisons
109
Ibid, p. 27.
110
http://camerounliberty.net/afrique/le-cameroun-sous-le-fdralisme-avait-deux-compagnies-ariennes-le-cas-de-
la-cameroon-air-transport-en-1965?true=3917, consulté le 05/02/2020 à 11h 55.
111
https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/business/Airline-Companies-created-in-Cameroon-
since-1944-351550, consulté le 05/02/2020 à 11h52.
112
C’est par la Law No. 11 of 1956 que nait la Southern Cameroons Development Agency (SCDA). L’objectif de
l’Agence était de manière centrale, d’améliorer la qualité de vie des habitants du Southern Cameroon. Dans ce
sens, il a envisagé un plan pour instaurer un partenariat pour le développement des plantations d’hévéa, de
bananier, de palmier à huile et aussi pour créer un ranch de bétail et de produits laitiers dans la région de Bamenda.
L’Agence visait également à améliorer l’état des infrastructures et la puissance industrielle du territoire. Surtout,
P a g e | 211
depuis les exploitations agricoles de l’ouest camerounais vers des parties du territoire
dépourvues d’infrastructures routière ou ferroviaire. D’autres lignes régulières avaient aussi été
établies entre Yaoundé, Bamenda, Mamfé, Douala et Ebolowa, Port Harcourt au Nigéria. La
CAT fut contrainte à la liquidation en 1972 et fut associée à la CAMAIR113.
Quant aux initiatives internationales, rappelons qu’entre 1958 et 1962, tous les
territoires français d’Afrique Occidentale et Centrale accèdent à l’indépendance. Face à
l’augmentation du trafic aérien dans ces différents territoires les nouveaux dirigeants africains
devaient choisir entre laisser l’exploitation des airs aux entreprises étrangères et la prise en main
son objectif principal était de réorganiser des initiatives agricoles à grande échelle axées sur l’exportation.
L’Agence devait également formuler et exécuter des projets pour le bénéfice économique et la prospérité des
producteurs et des zones de production, former les habitants à la mise en place de schémas de développement
économique, réaliser des études de faisabilité adéquates des projets de développement et autres schémas pouvant
être créés sur le territoire. Elle envisageait également d’octroyer des bourses pour former des entrepreneurs locaux
aux fins de la mise en œuvre des programmes proposés par la loi sur l’Agence. C’est en 1957 que l’Agence
commence officiellement ses travaux. Source : N. Kahjum Takor et K. N. Yufenyuy, “The Southern-West
Cameroon(s) Development Agency, 1956-1973: Historical Evidence of Hope and Despair in Economic
Development”, International Journal of History and Cultural Studies (IJHCS), Volume 4, Issue 3, 2018, pp. 42-
53.
113
http://www.sakerpride.com/almanac2.html, consulté le 05/20/2020 à 16h45.
P a g e | 212
de leur propre destin dans le domaine du transport aérien. Tous optèrent pour la deuxième
solution, mais les voies suivies pour atteindre cet objectif furent différentes.
En Afrique de l’Ouest anglophone, l’option fut faite en faveur de la création par chaque
État de sa propre compagnie nationale de transport aérien. Les pays de l’ex AOF (moins la
Guinée qui préféra créer sa propre compagnie nationale, Air Guinée), et de l’ex AEF devaient
quant à eux, pencher pour l’idée de mettre sur pied une compagnie multinationale privilégiée
qui assurerait les liaisons internationales entre les différents États membres et recevrait de
chacun d’eux les droits d’exploitation aérienne qui lui sont dévolus. Ainsi, les chefs d’État et
de gouvernement de onze États francophones d’Afrique centrale et occidentale se réunissent à
Yaoundé, le 28 mars 1961. De cette réunion naissait l’idée de la création de la compagnie
multinationale Air Afrique.
Air Afrique est née du traité de Yaoundé signé entre onze États. Des douze chefs d’États
et de Gouvernement présents à Yaoundé, onze ont effectivement signé le texte portant création
d’Air Afrique : Fulbert Youlou (Congo), David Dacko (République Centrafricaine), Ahmadou
Ahidjo (Cameroun), Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Léon Mba (Gabon), Hubert
Maga (Dahomey, actuellement Bénin), Maurice Yaméogo (Haute-Volta, actuellement Burkina
Faso), Moktar Ould Dada (Mauritanie), Hamani Diori (Niger), Mamadou Dia (Premier
Ministre, Sénégal), François Tombalbaye (Tchad).114
114
Le Togo douzième État membre, n’a adhéré au Traité de Yaoundé qu’en 1964.
P a g e | 213
Le capital initial d’Air Afrique était fixé à 1500 millions de francs CFA répartis en 50
000 actions de 10 000 francs CFA chacune, souscrites à raison de115 :
33 000 (66 %) actions par les États qui se les partagent à parts égales (soit 3 000
actions par États) ;
115
Ibid, p. 134.
P a g e | 214
17 000 (34 %) par la Société française Air Afrique116 (Société de Transports Aériens
en Afrique, SODETRAF).
Le Cameroun a quitté Air Afrique pour créer sa propre société des transports aériens. Retenons tout de
suite que dans le portefeuille des trafics aériens que détenait Air Afrique, le Cameroun à lui seul détenait
plus de 25%. C’est dire plus du quart du trafic, donc de recettes perçues dans les douze États. Le Cameroun
le savait depuis le début, mais ce n’est pas cela qui l’a décidé à quitter Air Afrique. C’est le mauvais
fonctionnement de cet instrument prodigieux qui, tout au long de ses dix années d’âge, a dévié du chemin
tracé par le traité de Yaoundé. En effet, dès le premier Conseil d’Administration des 26 et 27 juin 1961,
un président a été élu en la personne de Cheik Fall, un des administrateurs du Sénégal, conformément aux
statuts, et Loury de la SODETRAF Directeur Général qui a démissionné par la suite. Cheik Fall, par ses
manigances en a profité pour s’arroger le titre de Président Directeur Général (PDG) 117.
En 1969, sur décision du Chef de l’État, des études pour la création d’une compagnie
de transport aérien d’intérêt national avaient été menées.118 Celles-ci incluaient une
participation d’Air Afrique, conformément à l’article 3 du Traité de Yaoundé. Mais, le 2 février
1971, le ministre des transports, Vincent Efon, reçoit la presse pour expliquer le retrait du
Cameroun d’Air Afrique. Un projet de loi est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale
fédérale lors de sa session budgétaire de mai 1971. La loi sera promulguée le 4 juin 1971 par le
président de la République fédérale, conformément à la Constitution du 1er septembre 1961 et
consacre la naissance de la Cameroon Airlines.119
Dès lors, les événements se déroulent plus vite que prévu, et le 26 juillet 1971,
l’Assemblée générale constitutive des actionnaires se réunit à Yaoundé. Cette assemblée qui
regroupe les représentants du gouvernement camerounais et ceux de la compagnie nationale
française de transport aérien, Air France, décide de fixer à 1 milliard 500 millions de francs
116
Par le protocole annexe au Traité, la SODETRAF accepta de céder le nom Air Afrique à la compagnie
multinationale africaine. Par la suite, la Société de Transports Aériens en Afrique (SODETRAF) est devenue
Société pour le Développement du Transport Aérien en Afrique, conservant ainsi les mêmes initiales. La
compagnie aérienne, Union des Transports Aériens, contrôle 75 % des actions de la SODETRAF.
117
CCAA, « L'aviation civile arrive au Cameroun en 1934 », interview de Gilles Njamkepo, premier camerounais
ingénieur de l’aviation civile, et premier camerounais directeur de l’aéronautique civile fédérale (mars 1961 – juin
1972). En ligne : https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-historique-de-laviation-
vivile/487-l-aviation-civile-arrive-au-cameroun-en-1934, consulté le 13 avril 2019 à 22h15.
118
Ibid.
119
Ibid.
P a g e | 215
CFA le capital social de Cameroon Airlines, divisé en 30 000 actions de 50 000 francs CFA
chacune. Cameroon Airlines est créée.120
Et le gouvernement camerounais ne lésina pas sur les moyens, notamment pour financer
les bâtiments qui abritèrent le siège de la nouvelle compagnie. L’acquisition et l’aménagement
du bâtiment coûtèrent 220 millions de francs CFA. Ainsi que le 1er novembre 1971, eut lieu le
baptême de l’air et le début de l’exploitation de la société camerounaise de transport aérien.
Dans un premier temps les missions qui lui furent assignées consistèrent en l’exploitation des
droits de trafic aérien internationaux du Cameroun, et assurer le transport aérien civil des
passagers, du fret et de la poste.
En 1986, la flotte de la compagnie était composée des appareils suivants : 1 Boeing 707
(acheté en 1972), 2 Boeing 737 et un Twin Otter (achetés en 1974), un 3e Boeing 737 (acheté
en 1977) et 3 DC- 4.121 En 1981, elle avait fait l’acquisition d’un Boeing 747- Combi. La
CAMAIR fut nominée dans le prestigieux classement IATA au 6ème rang mondial en juin 1983,
mieux que son parrain et mentor Air France, alors classé 18ème.122
120
Ibid.
121
A. D. Kamajou, L’aviation civile au Cameroun…, 2001, p. 58.
L’auteur nous fait savoir qu’avant 1981, année d’acquisition du B 747 Combi, les vols de la CAMAIR à destination
de l’Europe et des pays africains étaient assurés par UTA et Air Afrique (p. 59).
122
CCAA, « L'aviation civile arrive au Cameroun en 1934 ».
P a g e | 216
- l’Unité de traitements agricoles par voies aérienne (UTAVA), créée le 30 août 1985
avec pour siège Garoua. Elle était chargée d’appliquer la politique du gouvernement en
matière de traitements agricoles par voie aérienne ; d’organiser toutes campagne
nationale de lutte aérienne contre les déprédateurs des cultures ; d’assurer l’encadrement
pratique des paysans et la formation des cadres et techniciens en matière d’aviation
agricole ; et de coordonner toutes les activités de protection des cultures.123
123
Ibid, p. 64.
P a g e | 217
Les investissements dans la construction des chemins de fer au Cameroun entre 1961 et
1986 avaient bénéficié de l’héritage colonial. La ligne de l’Ouest (Douala-Nkongsamba) avait
été construite par l’administration Allemande de 1902 à 1911. Cette voie traversait les riches
terres volcaniques qui constituaient la mamelle nourricière de Douala.
Pierre Billard nous permet d’avoir une idée assez précise de la situation des transports
ferroviaires en 1966 au Cameroun :
De Douala, capitale économique du Cameroun réunifié, partent deux lignes à voie métrique : celle de
Douala-Nkongsamba (172 km) qui dessert l’Ouest ; elle transporte des bananes, du café et du bois. La
ligne dite du centre, Douala-Yaoundé (307 km) via Edéa et Eséka, exporte beaucoup de bois et de cacao
ainsi que des lingots d’aluminium. Sur cette artère se greffe une antenne un peu plus récente entre Otélé
et Mbalmayo (37 km) qui amène à la ligne principale bois et cacao. Ces lignes sont malgré tout anciennes
: les Allemands en avaient construit plus de la moitié. Elles comportent bien des imperfections :
nombreuses rampes et courbes de faible rayon, médiocre capacité des gares. Sans doute des efforts parfois
remarquables avaient-ils été entrepris entre 1946 et 1960 : Diésélisation, groupement des ateliers à Bassa,
pont rail-route sur le Wouri. Mais avec la construction du Transcamerounais (autre version du Douala
Tchad), il devenait urgent d’améliorer la partie ancienne, sous peine de voir certains secteurs devenir des
goulots d’étranglement pour le trafic127.
124
Ibid, p. 65.
125
Ibid, p. 66.
126
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 210.
127
P. Billard, « On construit des chemins … », 1966, p. 611-612.
P a g e | 218
francophone du Cameroun. La ligne du Transcamerounais, dont le nom n’est pas sans rappeler
la Union Pacific des États Unis ou encore le Transsibérien de l’Union Soviétique, relie les
parties méridionale et septentrionale du pays. Elle ouvrit la voie aux échanges entre l’intérieur
et la ville portuaire de Douala. Cette ligne comporte deux grandes sections connues sous
l’appellation de Transcam I et Transcam II.
La réalisation des terrassements et la pose des voies (à écartement d’un mètre) a nécessité de considérables
déplacements de matériaux lourds dans un terrain souvent difficile : Belabo est à 600 mètres d’altitude et
Ngaoundéré à 1100 mètres. Il a fallu manipuler 22 millions de mètres cubes de terre et de roches pour les
terrassements, 460 000 mètres cubes de ballast, 42 000 tonnes de rails, plus d’un million de traverses,
85 000 mètres cubes de béton, 34 kilomètres de buses métalliques. Pour franchir les nombreuses rivières
il a fallu construire 79 ponts.
Plus de trois mille Camerounais ont travaillé sur les chantiers du chemin de fer, emmenant leurs familles
avec eux soit 10 000 personnes au total. Des écoles, des dispensaires, des maisons ont été construits le
128
Fonds Européen de Développement, « Cameroun, 1960-1975 », Rapport Commission des Communautés
Européennes, novembre, Ed. S.A. Van In, Lier, 1975, p. 14.
P a g e | 219
long de la voie pour le personnel et les familles. Belabo qui était au départ un hameau d’une vingtaine
d’habitants est devenu une petite ville de 3000 âmes. À Ngaoundal, base de l’entreprise qui a réalisé les
travaux, est née une petite ville de 5000 habitants avec maisons en dur, une église, une école 129.
Cette ligne a donc été construite par lots et a été mise graduellement en service. Les
tronçons ont été respectivement ouverts au trafic commercial ainsi qu’il suit :
129
Ibid.
130
République du Cameroun, « Évaluation environnementale de la mise en concession des chemins de fer du
Cameroun », Buursink/RCM, International consultants in environmental management, novembre 1998, p. 7.
131
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 220.
P a g e | 220
132
Les données contenues dans cette section ont été obtenues du « Rapport d’évaluation du sixième projet routier
de la République du Cameroun », Banque Mondiale, Rapport No. 537l-CH du 7 mai 1985.
133
C’est aussi le 10 juillet 1963 que le Cameroun devient membre du Fonds monétaire international (FMI). En
effet, pour devenir membre de la Banque Mondiale, en vertu des Statuts de la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD), un pays doit d’abord adhérer au FMI. Les adhésions à l’Association
internationale de développement (AID), à Société financière internationale (SFI) et Agence multilatérale de
garantie des investissements (AMGI), et à la Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI) sont conditionnelles à l’adhésion à la BIRD. Le Cameroun adhère à l’IDA le 10 avril
1964 ; à l’IFC le 1er octobre 1974 ; à la MIGA le 10 juillet 1963 ; et à la CIRDI le 2 février 1967. En ligne, URL :
http://www.banquemondiale.org/fr/about/leadership/members consulté le 06/08/2018.
Le Groupe de la Banque mondiale est composé de cinq institutions :
La BIRD prête aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres solvables.
L’AID accorde des prêts ou des crédits sans intérêt et des dons aux pays les plus pauvres de la planète.
Ensemble, la BIRD et AID forment la Banque mondiale.
La SFI finance des prêts, des fonds propres et des services-conseil pour stimuler l'investissement privé
dans les pays en développement.
L’AMGI offre aux investisseurs des garanties contre les pertes associées aux risques non commerciaux
dans les pays en développement.
Le CIRDI offre des mécanismes internationaux de conciliation et d'arbitrage des différends liés aux
investissements.
En ligne, URL : http://www.banquemondiale.org/fr/about consulté le 06/08/2018.
P a g e | 221
En février 1985, La BIRD et l’AID avaient déjà prêté au Cameroun environ 349 millions
de dollars au titre du secteur des transports : 70,5 millions US pour des projets ferroviaires, 49
millions pour des projets portuaires et 218,5 millions US pour des projets de construction et
d’entretien routiers, ainsi que 11 millions pour un projet de pistes de desserte. En plus de ces
sommes, le sixième projet routier devait coûter 125 millions de Dollars US, crédit que la
Banque débloqua dès juin 1986. Le secteur des transports absorba donc la part la plus large (43
%) des engagements de la Banque Mondiale au Cameroun. Nous pouvons citer ici quelques-
uns de ces projets :
- Premier projet ferroviaire (Prêt 687-CM, 5,2 millions de dollars US, 1970)
- Premier projet routier (Prêt 663-Credit l80-M, 21,0 millions de dollars US, 1970)
- Premier projet du port de Douala (Crédit 229-CM, 1,5 million de dollars US, 1971)
- Deuxième projet routier (Prêt 935/Crédit 429-CM, 63 millions de dollars US, 1974)
- Deuxième projet ferroviaire (Prêt l038-CM, 16,0 millions de dollars US, 1974)
- Troisième projet ferroviaire (Crédit S-4 CM, 2,3 millions de dollars US, 1976)
- Deuxième projet du port de Douala (Prêt 1321/Crédit 657-CM, 25,0 millions de
dollars US, 1976)
- Premier projet de coopération technique (Crédit 673-CM, 4,5 millions de dollars US,
1977)
- Premier projet de pistes de desserte (Prêt 1494-CM/Crédit 749-CM, 11,1 millions de
dollars US, 1977)
- Troisième projet routier (Prêt lSlS-CM, 16,5 millions de dollars US, 1978)
- Quatrième projet routier (Prêt 1723/Crédit 926-CM. 48,0 millions de dollars US,
1979)
- Quatrième projet ferroviaire (Prêt 1734/Crédit 936-CM, 47,0 millions de dollars US,
1979)
- Cinquième projet routier (Prêt 2180-CM, 70,0 millions de dollars US, 1982)
- Troisième projet du port de Douala (Prêt 2259-CM, 22,5 millions de dollars US,
1983)
P a g e | 222
134
U. C. représente l’unité de compte européenne. Elle était définie par rapport à un « panier » de toutes les
monnaies de la communauté. Le cours de chacune des monnaies de la communauté par rapport à l’u. c. était calculé
chaque jour par la communauté. Au 23/04/1975, au moment de la rédaction du rapport, 1 UC valait 1,30 Dollar
US et 278,5 FCFA.
P a g e | 223
manifestait par le fait que les recettes avaient fortement augmenté, les dépenses suivent aussi.
Ainsi, jusqu’en 1981, les administrations publiques enregistrent toujours un léger déficit
(environ 3 % du PIB en 1981).135 Tout au long de la décennie du décollage (1977-1985), le
Cameroun se classe dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la classification de la
Banque Mondiale.136 Et c’est l’investissement public qui tenait la plus grande part dans le
programme de dépenses budgétaires, et se faisaient de manière parfois incontrôlée.
Dans un article qui pose une évaluation de la politique du libéralisme planifié, Jean-
Claude Willame fait le constat que ce qui semblait être le « miracle camerounais »,
reposait en fait sur des bases fragiles, à savoir sur des transferts massifs et peu judicieux de technologie
dans une économie qui, du fait du boom pétrolier, fut abruptement projetée d’un stade de croissance lente
et peu intégrée à un rythme de surchauffe économique artificiel et producteur de nombreux déséquilibres.
On doit noter d’emblée que, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays africains, le manque de
planification efficiente a induit bon nombre de ces transferts malencontreux : le « libéralisme planifié »,
leitmotiv officiel du mode de développement camerounais, était supposé substituer l’État à une initiative
privée défaillante. En fait, la planification camerounaise ne fut souvent rien d’autre qu’une liste de projets
d’investissement public désirables au lieu d’être un exercice rigoureux et intégré. 137
Dans la même logique, Philippe Dessouane et Patrick Verre constatent que les différents
investissements mis en place par les Plans quinquennaux du libéralisme planifié se sont avérés
des échecs. Passant en revue les différentes sociétés étatiques qui n’ont pas satisfait les espoirs
placés en elles, les auteurs en arrivent à la conclusion que :
Le libéralisme planifié s’est avéré un étatisme sans stratégie qui, engouffrant les revenus pétroliers dans
des intrants importés et une assistance technique étrangère, a tourné le dos au développement autocentré
prôné par le discours officiel, tout en se subordonnant une couche d’affairistes intéressés à de nouveaux
flux d’importations et en se ralliant une technobureaucratie à côté d’une fonction publique contrôlée. 138
135
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 56.
136
F. Roubaud, Cameroun : évolution économique rétrospective et perspectives macroéconomiques à l’horizon de
1995, Paris, DIAL, 1991, p. 1.
137
J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 45.
138
P. Dessouane et al, « Cameroun : du développement autocentré… », 1986, p. 111.
P a g e | 224
Douala est devenue explosive ; le crime et la pauvreté augmentent, tandis que le logement est
devenu très difficile pour les nouveaux venus. »
Dans le domaine des transports, le bilan est tout aussi mitigé. En effet, certains projets
majeurs n’ont jamais vu le jour sous cette politique : le prolongement de la ligne de chemin de
fer vers le Tchad et vers la RCA ; le non-entretien des routes ; la construction d’un port en eau
profonde à Kribi entre autres.
Ainsi, en dépit de grands efforts déployés pour construire et remettre en état des routes
bitumées, la situation générale du réseau routier s’était dégradée, en raison de l’insuffisance des
normes de construction initiales, de la précarité de l’entretien et de l’augmentation du trafic.141
Les routes empierrées et les chemins de terre qui constituaient 92% du réseau classé, étaient
fréquemment impraticables pendant la saison des pluies. Pendant la saison sèche, le mauvais
139
Banque Mondiale, « Cameroun, Quatrième projet ferroviaire, rapport d’évaluation », Rapport N o 2353-CM.,
1979, p. 7.
140
Ibid.
141
Ibid, p. 3.
P a g e | 225
état de leur surface (tôle ondulée, pierres, profonds nids-de-poule) provoque une usure
excessive des véhicules.142
Le Cameroun avait tout aussi brillé par ce nous appellerons des « dépenses d’orgueil ».
En effet, plusieurs projets d’envergure avaient été menés en dehors des plans. Si nous avons
relevé les insuffisances de ces derniers, de telles dépenses n’étaient pas pour aider les finances
publiques. Nous prendrons ici l’exemple de la création de la CAMAIR. Il apparaît que le
président Ahidjo décide de sa création en 1971, sous prétexte que le PDG d’Air Afrique faisait
courir des informations mensongères au sujet du Cameroun.
Une de ces résolutions [à la suite du Comité ad hoc d’avril 1970] avait proposé de séparer les fonctions
du Président du Conseil d’Administration de celles de Directeur général. Du coup, Cheik Fall s’était
retrouvé uniquement Président du conseil d’administration. C’est à partir de ce moment-là que Cheik Fall
avait fait courir des informations mensongères suivant lesquelles le Cameroun avait insisté pour la
séparation des fonctions du Président du conseil d’administration de celles du Directeur général.
Conclusion
La trop grande centralité des années de la politique de libéralisme planifié (1960 - 1985)
ont eu pour conséquence leur non efficience. En effet, la figure du président Ahidjo était quasi
omniprésente dans toutes les décisions, et ne permettait pas une remise en question du modèle
économique mis en place. Malgré tout, nous devons de reconnaitre à cette politique d’avoir
posé les jalons d’un État et des structures viables. Lorsque le régime change de chef le 6
novembre 1982, les finances de l’État sont encore soutenables, avec une dette acceptable.143
Dès lors, il convient de se demander si le dérèglement du système économique qui apparait
entre 1982 et 1986, fut le fait de la politique du libéralisme planifié comme semblait l’indiquer
142
Ibid.
143
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, pp. 52-72.
P a g e | 226
En effet, après une année de récession en 1982, date de changement de régime, le PIB
repart à un taux annuel moyen de 8 % jusqu’en 1985. Cette fois, le pétrole n’est plus le secteur
moteur, les services ont pris le relais et l’investissement perd aussi son dynamisme, tandis que
la consommation des administrations continue à croître. En fait, la croissance se tourne de plus
en plus vers l’extérieur et la balance des biens et des services passe à 44 % entre 1982 et 1985
contre à peine 3 % entre 1977 et 1981. Le pétrole avait pris une place prépondérante dans les
exportations du Cameroun durant la période, les termes de l’échange vont en suivre les
variations de prix. Il faut dire que les premiers indices de dérapage apparaissent du côté des
finances publiques avec une véritable explosion des dépenses salariales qui pèse sur l’avenir.
« On peut penser rétrospectivement que les autorités ont commis une erreur d’appréciation en
augmentant des dépenses par nature très rigides comme le sont les dépenses de salaires alors
que l’amélioration des recettes s’appuyait sur des variables très volatiles comme le prix du
pétrole et le taux du change franc CFA/dollar US. »144
144
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 57.
145
Lire B. Palier, Gouverner la Sécurité sociale. Les réformes du système français de protection sociale depuis
1945, Paris, PUF, 2002 ; B. Palier, « Gouverner le changement des politiques de protection sociale », in Favre, P.,
Hayward, J. et Schemeil, Y. (dir.), Être gouverné. Études en l’honneur de Jean Leca, Paris, Presses de Sciences
Po, 2003, p. 163-179.
146
B. Palier et al, « L’explication du changement dans l’analyse des politiques publiques : identification, causes et
mécanismes », in B. Palier et al., Quand les politiques changent: temporalités et niveaux de l’action publique,
Paris, L’Harmattan, coll. Logiques politiques, 2010.
P a g e | 227
Dès lors, il est nécessaire de comprendre comment, dès 1985, le Cameroun est passé
d’un pays avec des dispositions économiques appréciables, à un pays en crise.
P a g e | 228
CHAPITRE V :
LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS À
L’ÉPREUVE DE LA CRISE ÉCONOMIQUE AU CAMEROUN
ENTRE 1985 ET 1995
P a g e | 229
Le Cameroun, sous la direction d’Ahidjo, avait fait le choix d’un « modèle économique
agricole » en vue d’assurer l’autosubsistance des Camerounais et dans le but que les revenus
agricoles rapportent des devises pour financer l’industrialisation et le développement
socioéconomique. Pour cela, la priorité accordée à l’agriculture par les pouvoirs publics se
concrétisait par la création et la mise en place de filières, unités ou entreprises destinées à
l’exécution de la politique agricole décidée par le gouvernement, et par le développement des
voies de communication, éléments essentiels pour l’évacuation des produits des plantations.
L’agriculture, globalement performante, favorisait alors un début d’industrialisation qui
remplaçait les importations massives, sources d’érosion des devises. Le régime d’Ahmadou
d’Ahidjo parlait alors de « libéralisme planifié » et de « développement autocentré » pour
souligner, d’une part la coexistence et la collaboration des secteurs libres et privés dans le cadre
d’une régulation étatique, et, d’autre part, l’option d’un développement endogène, c’est-à-dire
« mobilisant en priorité les ressources propres du Cameroun ».1 À la fin du pouvoir d’Ahmadou
Ahidjo en 1982, le Cameroun était globalement dans une situation économique et financière
correcte et cela malgré les deux crises pétrolières des années 1970.2
Quand Paul Biya arrive au pouvoir, le cinquième plan quinquennal (1981-1986) est en
cours d’exécution. Vers la fin de celui-ci en 1985, Biya réaffirme l’option préférentielle pour
le modèle économique agricole.3 Néanmoins, à partir de cette année-là, le constat est fait des
dérèglements de ce modèle, à cause d’une économie camerounaise fondée sur un régime de
croissance économique entretenu par des revenus pétroliers incertains.4 Il fallait donc changer
d’orientation économique. De plus, dans la même période, certaines pesanteurs de politique
intérieur finissent de précipiter la fin du « libéralisme planifié », et la survenue du « libéralisme
communautaire » en 1985, marqueur d’un changement de régime politique au Cameroun.
1
C. Ambomo, « Analyse d’un discours politique… », 2013, pp. 37-38.
2
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994.
3
Rapport de politique générale du président Paul Biya au 4e Congrès ordinaire de l’UNC (Bamenda, 22 mars
1985).
4
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994.
P a g e | 230
économiques, quelle évaluation pouvons-nous finalement faire de ces dix premières années du
« libéralisme communautaire » dans le domaine des transports ?
Après 22 ans à la tête de l’État, le président Ahmadou Ahidjo décida, à l’âge de 58 ans,
de démissionner pour des raisons de santé. Ce fut le 4 novembre 1982, par une déclaration
radiodiffusée dans le journal national du soir, qu’il informa la nation de sa décision, cédant ainsi
sa place à son successeur constitutionnel, Paul Biya, premier ministre depuis le 30 juin 1975.
En effet, dans cette même intervention radiodiffusée, il invita « toutes les Camerounaises et
tous les Camerounais à accorder sans réserve leur confiance et apport et leur concours à son
successeur constitutionnel, M. Paul Biya »5, ajoutant que ce dernier méritait la confiance de
tous à l’intérieur et à l’extérieur.6 Ce fut donc quelques jours plus tard, le 6 novembre 1982, que
Paul Biya, soutenu par Ahidjo, accéda à la magistrature suprême. Seulement, trois ans après
cette prise de pouvoir pacifique, le nouveau président prit acte de changer l’orientation politique
suivie par le pays jusque-là. Le Cameroun passa alors du libéralisme planifié au libéralisme
communautaire. Nous nous intéressons ici aux circonstances qui menèrent à ce changement de
paradigme, aux fondements idéologiques du libéralisme communautaire, et à la place qu’y
occupèrent les transports.
Paul Biya avait 49 ans lorsqu’il accédait à la charge suprême. Il était un pur produit du
régime Ahidjo avec lequel il collaborait depuis 20 ans. Lors de la prestation de serment, le
nouveau président camerounais indiquait qu’il plaçait sa magistrature sous le « double signe de
l’engagement et de la fidélité »7 et que son serment, « expression de la fidélité »8, s’inscrivait
« dans le droit fil de celui que, le 5 mai 1980, le président Ahmadou Ahidjo, après tant d’autres
serments, avait prêté »9. Il précisait aussi son engagement à continuer l’œuvre de son
prédécesseur.10
5
Discours de démission radiodiffusé du président Ahmadou Ahidjo, le 4 novembre 1982.
6
Ibid.
7
Discours de prestation de serment du président Paul Biya, le 6 novembre 1982.
8
Ibid.
9
Ibid.
10
Ibid.
P a g e | 231
Quant à la fidélité, d’ordre politique, elle était celle à un homme, Ahmadou Ahidjo, celle
à un peuple, le peuple camerounais, celle aux options de l’UNC, parti unique à ce moment de
l’histoire politique du Cameroun. Ces options étaient entre autres : « l’indépendance et l’unité
nationale, la paix, le développement économique, social et culturel à travers [les] choix de
libéralisme planifié, de développement autocentré, de justice sociale et de maîtrise »11.
« La continuité dans le changement »12 semblait être le credo de Paul Biya qui, tout en
déclarant sa fidélité totale à son prédécesseur, réaffirmait sa volonté de changement pour la
population camerounaise. Lors de son discours de première prestation de serment, il énonçait
ainsi un programme de société qui posait d’une part, les jalons d’une moralisation de la vie
publique et d’autre part, le développement de tous les secteurs comme l’éducation, la santé, les
transports, l’urbanisme, etc. En structurant son discours autour des valeurs et du bien-être
social, le nouveau président adaptait son discours aux préoccupations sociales des
Camerounais. D’où la nécessité pour lui de réaffirmer constamment son engagement à servir la
Nation et sa fidélité à la politique économique de son prédécesseur. Lors de son discours devant
l’Assemblée nationale le 17 juin 1983, il disait à ce propos :
Quant à la continuité de notre politique économique, financière, monétaire et sociale, elle se manifeste à
travers le projet de budget pour l’exercice 1983-1984 par le respect de son contenu à l’égard de nos
options traditionnelles et fondamentales qui nous ont permis jusqu’à présent de faire face à la crise, de
maintenir nos grands équilibres et d’enregistrer une croissance soutenue. Il s’agit :
- du libéralisme planifié qui concilie l’initiative privée avec les impératifs de l’intérêt général et permet une
plus grande maîtrise de notre développement ;
- du développement autocentré et auto-entretenu et équilibré qui fait reposer nos actions en priorité sur nos
propres moyens et les oriente vers la satisfaction de nos besoins sur l’ensemble du territoire national ;
- de la révolution verte qui enfin consacre la priorité à l’agriculture dans notre stratégie de développement.13
La démission d’Ahidjo et l’accession de Paul Biya au pouvoir de manière pacifique,
auguraient des lendemains harmonieux au Cameroun. Pourtant, cette idylle politique
commença à connaître quelques fissures, ce d’autant plus que Paul Biya voulut s’affranchir de
son mentor.14 Ainsi, le 18 juin 1983, quelques jours après la fin de sa tournée de prise de contact
à travers le pays, Paul Biya procéda à un remaniement du gouvernement, et limogea
principalement d’anciens collaborateurs et fidèles de son prédécesseur : Victor Ayissi Mvodo,
ministre d’État chargé de l’Administration territoriale ; Sadou Daoudou, secrétaire général de
11
Ibid.
12
Ibid.
13
Paul Biya, discours prononcé devant l’assemblée nationale, le 17 juin 1983. Source : C. Ambomo, « Analyse
d’un discours politique… », 2013, p. 393.
14
Lire J.-F. Bayart, « La société politique camerounaise (1982-1986) », Politique africaine, n° 22, pp. 5-35.
P a g e | 232
Le film des événements, dès lors, s’accéléra. Le 22 août [1983], M. Biya annonçait solennellement au
pays la découverte d’un complot. Quelques jours plus tard, M. Ahidjo, installé en France depuis le mois
de juillet, engageait une virulente polémique sur les ondes de RFI. Entre temps, un mouvement, sinon
populaire, du moins estudiantin et « élitaire », avait apporté son soutien au chef de 1’État et le pressait de
se porter candidat à la présidence de l’Union nationale camerounaise, que M. Ahidjo avait conservée et
dont il dut démissionner afin d’éviter l’humiliation d’un limogeage. 15
Notre parti a déjà à maintes reprises affirmé son attachement au libéralisme planifié. La liberté
d’entreprendre, si elle doit être canalisée par un plan assumant l’intérêt général, vu, à n’en pas douter,
dans le sens de la stimulation de l’initiative et de la créativité. Mais la liberté d’entreprendre doit s’exercer
dans un contexte éthique que l’État est chargé de faire respecter. L’État doit être non seulement une force
d’impulsion conduisant la construction nationale et le développement mais encore une force de régulation
capable de maintenir les équilibres nécessaires entre les groupes et les régions et de sauvegarder la justice
entre les catégories sociales.
Car, en effet, le but ultime, je l’ai dit, c’est de construire une société fondée sur la solidarité aussi bien
dans l’effort et les sacrifices que dans les avantages. Seule une telle société est fidèle aux traditions et aux
cultures africaines […].
S’il faut qualifier cette société nouvelle, qui doit favoriser le plein épanouissement de l’homme
camerounais, je la qualifierais de société de libéralisme communautaire parce que, imprégnée de l’esprit
libéral, elle se réchauffe également au foyer ardent du communautarisme africain. J’ai parlé de création
originale “made in Carneroon”. Il nous appartiendra, il appartiendra à notre parti, de continuer, par la
réflexion et l’action à préciser toujours davantage le projet de société ainsi évoqué. 17
15
Ibid, p. 5.
16
Paul Biya, Message des vœux du nouvel an à la Nation et d’ouverture de la campagne électorale, 30 décembre
1983.
17
Paul Biya, rapport de politique générale au 4e Congrès ordinaire de l’UNC, Bamenda, 22 mars 1985.
P a g e | 233
Pour intéresser les populations à l’exploitation agricole et enrayer l’exode rural qui a privé beaucoup de
nos campagnes de leurs jeunes énergies parties à l’aventure dans les villes, il est impérieux de mettre en
œuvre un programme systématique de désenclavement des campagnes par la construction d’un réseau
routier bitumé, dense et de bonne qualité. Car sans route, les agriculteurs qui rencontrent déjà bien des
18
P. Biya, Pour le libéralisme communautaire, Ed. Pierre-Marcel Favre, Lausanne, Suisse, 1987.
19
Ibid, p. 140.
20
Ibid, p. 141.
21
Ibid.
22
Ibid, pp. 141-142-143
23
Ibid, p. 143.
24
Ibid.
P a g e | 234
difficultés pour écouler leurs produits ne sauraient raisonnablement envisager d’étendre leurs
exploitations, c’est-à-dire d’augmenter leur production.25
La première focale fut donc mise sur des transports au service de l’agriculture. En plus,
les transports devaient permettre aux Camerounais de connaître le Cameroun et aider au
tourisme de masse.26 Malheureusement, ces idées se heurtèrent à une crise économique dont les
premiers signes se firent sentir dès 1986.
Durant les trois (3) premières années du régime Biya (1982-1985), le Cameroun
enregistrait des performances économiques encourageantes, malgré un léger ralentissement.
Les perspectives étaient mêmes plutôt encourageantes :
Ainsi, sur le plan économique, en dépit de la crise mondiale persistante, caractérisée par la stagnation,
l’inflation, les désordres monétaires, la chute vertigineuse des prix des matières premières et la montée
du protectionnisme, notre économie aura poursuivi son rythme de croissance. […] De même
l’augmentation et l’équilibre du budget 1982-1983, la revalorisation des salaires, le taux de croissance
maintenu à 6 % environ, constituent-ils des signes évidents de la bonne santé de notre économie. […]
S’agissant des infrastructures, il y a tout lieu de se féliciter de l’état d’avancement satisfaisant de nos
programmes des grands axes, notamment le réalignement du chemin de fer Douala-Yaoundé, et la
25
Ibid, p. 142.
26
Ibid, p. 145.
P a g e | 235
réalisation des axes lourds Yaoundé-Bafoussam dont le premier tronçon Yaoundé-Bafia est entré en
service la semaine dernière.27
Les années 1985 et 1986 marquèrent la fin de la période faste pour l’économie
camerounaise et le début de la récession. Entre 1984/85 et 1985/86, les termes de l’échange
s’effondrèrent, entraînant le pays dans une crise économique profonde. En monnaie nationale,
le prix du pétrole perdit 42,1 %. Ce fut la conséquence d’un double mouvement d’appréciation
de taux de change nominal F CFA/US $28 et de la chute des prix du pétrole exprimés en dollars
sur le marché mondial.29
Ce choc externe, subi par le Cameroun provoqua une série de répercussions en chaîne,
néfastes pour l’économie du pays à cause d’une part, du fait que le pays est price taker32 sur
27
Paul Biya, Message des vœux de nouvel an à la Nation, le 31 décembre 1982.
28
Le « taux de change nominal » est le taux auquel un individu peut échanger la monnaie d’un pays contre celle
d’un autre (prix relatif de deux monnaies). Or, si le taux de change du F CFA par rapport au Dollar augmente, cela
signifie que le Dollar « se déprécie » (car il en faut plus pour faire 1 FCFA) et que le FCFA « s’apprécie ». Dans
le cas du contre-choc pétrolier de 1986, le Dollar se déprécie face au FCFA. Tous les échanges des matières
premières, dont le pétrole, sont pourtant effectués en Dollar.
29
« Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et l’envolée du prix du baril, la surproduction de pétrole due au
ralentissement de l’économie a entrainé une baisse brutale du prix du brut dans la première moitié des années
1980. Cette période, souvent qualifiée de « Contre-choc pétrolier » a vu le prix du baril de pétrole atteindre un
minimum de 10 dollars en 1986. Cette baisse est le résultat d'un accord politique entre les États-Unis et l'Arabie
saoudite, visant à augmenter la production de pétrole, en vue de satisfaire les besoins occidentaux en énergie.
D'autres considérations géopolitiques étaient également prises en compte : la baisse des prix du pétrole entraînerait
avec elle la diminution des revenus de l’Union soviétique, à l’époque fortement exportatrice de pétrole,
l’empêchant d’entretenir les pays satellites du bloc communiste. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Contre-
choc_p%C3%A9trolier, consulté le 31/01/2019 à 15h48).
30
« En économie internationale, les termes de l’échange désignent le pouvoir d’achat de biens et services importés
qu’un pays détient grâce à ses exportations. L’indice des termes de l’échange le plus courant mesure le rapport
entre les prix des exportations et les prix des importations. Une augmentation de cet indice correspond à une
amélioration des termes de l’échange : par exemple, un pays vend plus cher ses exportations pour un prix à
l’importation constant. Inversement, une diminution de l’indice correspond à une dégradation des termes de
l’échange. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Termes_de_l%27%C3%A9change, consulté le 31/01/2019 16h04).
31
Pour les différentes données statistiques citées dans cette sous-partie, lire F. Roubaud, Cameroun : évolution
économique…, 1991.
32
Un « preneur de prix » (en anglais price taker) est un agent économique qui accepte les prix qui apparaissent
sur le marché concurrentiel, sans intervenir dans leur fixation.
P a g e | 236
l’ensemble de ses produits d’exportation, et d’autre part, de la gestion du taux de change, réglé
par les conventions régissant la zone franc. L’impact de la baisse des recettes d’exportation se
fit immédiatement sentir sur la balance courante, et avec un an de décalage sur les finances
publiques. En 1985/86, la balance commerciale se réduisit mais resta positive, alors que la
balance courante connut son premier déficit depuis 1982 (-217 milliards de FCFA). Malgré un
apport net de capitaux à court terme rapatriés de l’étranger, la balance de base devint
irrémédiablement négative dès 1986/87, entraînant le pays dans le cercle vicieux de
l’endettement externe, malgré l’effort d’ajustement des finances publiques.
Du côté des finances publiques en effet, le gouvernement réussit donc à limiter l’impact
de la perte des termes de l’échange en 85/86, grâce au rapatriement de comptes pétroliers hors
budget, placés à l’étranger. Mais cette manne s’épuisa rapidement, et un déficit de 7,5 % du
PIB apparut en 1986/87. En 1989/90 le déficit public ne put être résorbé (7,4% PIB), malgré
des politiques sévères de restriction budgétaire mises en œuvre à partir de l’exercice 1987/88.
Les principaux rouages de l’économie camerounaise furent déréglés par ces chocs
externes, entraînant une récession brutale dans la plupart des secteurs productifs. En particulier,
on observa une quasi-faillite du système bancaire « formel » très dépendant des créances
accordées au secteur public, qui accumula sur la période un important montant d’arriérés de
paiements. Ce qui, en retour, plaça l’économie en situation d’illiquidité.33
33
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 18.
34
N. A. Ndikeu Njoya, « Corruption et croissance économique au Cameroun : de l’effet direct et des effets indirects
à travers la répartition des dépenses publiques », Thèse de Doctorat en Économies et finances, Université Rennes
1 et Université de Yaoundé II, 2017, p. 101.
P a g e | 237
économique car durant la première moitié des années 80 diverses performances économiques
parviennent à masquer les faiblesses de l’économie et des finances camerounaise. »35
Dans son acception la plus large, l’ajustement d’une économie nationale désigne la nécessité de corriger
ses déséquilibres financiers et monétaires externes et internes qui entretiennent généralement un fort
endettement extérieur, c’est-à-dire le déficit de la balance des comptes courants, le déficit du budget de
l’État et l’inflation. À ce titre, l’ajustement est une nécessité évidente qui s’impose à tout pays et à tout
35
C. Ambomo, « Analyse d’un discours politique… », 2013, p. 37.
P a g e | 238
État dont les dépenses sont supérieures aux gains, et pas seulement dans le Tiers Monde. D’ailleurs, si les
politiques d’ajustement se sont généralisées dans le Tiers Monde au cours des années 1980, nombre de
pays socialistes fortement endettés en ont aussi fait l’expérience. De même, l’histoire récente a montré
que les pays de capitalisme avancé connaissent eux aussi la contrainte de l’équilibre extérieur. Seuls les
États-Unis font exception, dans la mesure où le dollar est la monnaie internationale par excellence et que
rien ne les oblige dans les conditions actuelles à rééquilibrer leur balance des paiements et leur budget.
C’est pourquoi les États-Unis qui sont le pays le plus endetté au monde échappent à la nécessité de
l’ajustement structurel.36
Après un début d’application limité, les PAS prirent un essor particulier au début des
années 1990. En effet, l’effondrement de l’URSS et la chute du Mur de Berlin conférèrent aux
Institutions Financières Internationales (IFI) le statut de « parrain » de la transition vers le
marché. La thérapie de choc, issue du Consensus de Washington, fut partout imposée au début
des années 1990, comme un « mal nécessaire » pour réussir la transition vers le marché.
1. Austérité budgétaire : l’équilibre budgétaire doit être atteint à moyen terme. Des déficits
budgétaires trop importants sont source d’inflation, de crises de la balance des
paiements et de volatilité des capitaux. Le retour à l’équilibre budgétaire vise à limiter
l’endettement de l’État afin que le remboursement de la dette publique interne ne se
substitue pas à celui de la dette publique externe.
2. Action sur les dépenses publiques par une réduction des subventions : la recherche de
l’équilibre budgétaire et le désengagement de l’État commandent de réduire les
dépenses publiques plutôt que d’accroître la pression fiscale. Il convient alors, selon
Williamson, de réduire les subventions afin de réorienter les dépenses publiques vers
l’éducation, la santé et les investissements d’infrastructure.
3. Action sur les taux d’intérêt par l’intermédiaire d’une politique monétaire orthodoxe :
les taux d’intérêt doivent être déterminés par le marché et les taux réels doivent être
positifs et modérés afin de pouvoir attirer les capitaux internationaux, nécessaires au
financement du développement, sans compromettre l’investissement et le
remboursement de la dette publique.
36
F. Yachir, « L’Ajustement structurel dans le Tiers Monde », Afrique et Développement, Vol. 16, no1, 1991, pp.
165-166.
37
J. Williamson, « What Washington means by policy reform », in Williamson J. (éd.), Latin America adjustment:
how much has happened ? Washington, Institute for International Economics, 1990, en ligne, URL :
https://piie.com/commentary/speeches-papers/what-washington-means-policy-reform, consulté le 1er/02/2019 à
17h13.
P a g e | 239
Ces mesures, adoptées officiellement en 1985 avec le plan Baker39, visent en outre à
restaurer l’équilibre budgétaire et réduire l’investissement public, donc le poids de
l’État. Pourtant, Williamson ne semble pas totalement convaincu et considère que dans
certains cas (transports publics ou gestion de l’eau par exemple) de telles privatisations
sont inappropriées.
38
Ibid.
39
Le « Plan Baker », du nom du secrétaire américain au Trésor, a été lancé en octobre 1985 à Séoul, il consistait
à renforcer le financement bancaire des pays fortement endettés. Cette initiative ne concernait en fait que les dettes
bilatérales des pays lourdement endettés et donc n’impliquait à première vue, que les créanciers publics. Le plan
comporte trois volets principaux à savoir : l’application de l’économie de l’offre ; renforcer la coopération avec le
FMI et la Banque mondiale ; accroître les crédits bancaires à destination des pays fortement endettés (J. B.
Rakotomalala, « Le FMI et la crise financière internationale…», 2004, p. 72).
P a g e | 240
Selon les experts du FMI, le poids de la dette et des autres charges récurrentes de cet
État étaient de grandes contraintes au développement du pays. La collaboration avec cette
institution de Bretton Woods avait permis aux dirigeants du pays d’appliquer une politique
d’ajustement afin d’obtenir les crédits qui permettaient aux États sous ajustement structurel, de
mener à terme des réformes négociées entre le gouvernement et cette institution. Ces crédits
étaient appelés « facilités d’ajustement structurel et [concernaient] les prêts d’ajustement
P a g e | 241
structurel et les prêts d’ajustement sectoriel »40. Ces réformes étaient déclinées en programmes
économiques. Cinq points avaient été ciblés dans le but de consolider la nouvelle mission de
prévention des crises financières41.
Il s’agissait de :
C’est dans cette logique que s’inscrivaient les réformes suivantes appliquées au
Cameroun dès l’avènement des PAS :
40
FMI, « Rapport annuel 1998 », 1998, en ligne, URL : https://www.imf.org/~/media/Websites/IMF/imported-
flagship-issues/external/pubs/ft/ar/98/f/pdf/_file04fpdf.ashx, consulté le 01/02/2019 à 18h23.
41
Ibid, p. 53.
P a g e | 242
démocratique, forçaient le gouvernement à adopter des reformes structurelles, sous l’égide, des
IBW.
La DSDRE mentionnait en six (6) volets la stratégie de reprise économique adoptée par
le gouvernement : la stabilisation des finances publiques ; la rationalisation de la gestion du
secteur public et parapublic ; la restructuration du secteur bancaire ; la relance des activités
économiques ; l’attention à apporter à la dimension sociale de l’ajustement et, l’ajustement
externe.
Les actions envisagées dans ce volet consistaient à : maitriser les dépenses de l’État,
restructurer les dépenses budgétaires, rationaliser le choix des investissements publics,
restructurer et augmenter les recettes budgétaires. L’objectif était de réduire le déficit à des
proportions raisonnables et acceptables. Ainsi, le gouvernement avait entrepris, pour stabiliser
les finances publiques, de geler des salaires et des effets financiers relatifs aux avancements
dans la fonction publique ; de baisser les éléments de rémunération de certaines catégories des
personnels de l’État ; et de créer de nouvelles taxes dès 1991.
42
République du Cameroun, Déclaration de stratégie de développement et de relance économique, Yaoundé,
Imprimerie nationale, 1988.
43
Lire République du Cameroun, Note de synthèse de la mission de réhabilitation des entreprises du secteur public
et parapublic. Rapport provisoire, Yaoundé, Imprimerie nationale, 1988.
P a g e | 244
Ajustement externe
La stratégie consistait à abandonner la politique protectionniste d’import-substitution
adoptée par le Cameroun depuis 1960. La libéralisation devait s’appliquer tant au niveau
national qu’au niveau sons-régional. Au niveau national, le commerce extérieur camerounais
devait être libéralisé à travers le Programme général des échanges (PGE), tandis qu’au niveau
sons-régional, la libéralisation devait être menée dans le cadre du Programme régional de
réforme (PRR) de l’UDEAC.
400 employés, et le LABOGENIE avec 530 employés, dont la mission était de contrôler les
normes et les standards des routes.44
Source: The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report no P-6559-CM)
on a proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport
sector technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 6.
Financial and operational management is poor and lacks transparency. Fraud is widespread. The
company is overstaffed by about 800 employees. CAMAIR operates one B-747, and three short haul
carriers (B-737) for regional and domestic flights. […] Several attempts to restructure the company failed
because the Government interfered with management, in particular with respect to staffing decision. The
company maintains the presidential fleet without being paid for the service, and civil servants use
CAMAIR without the Government paying for all tickets.45
Les dettes extérieures de ces entreprises finissaient d’en dresser le tableau financier
désastreux. Pour ce qui est de la REGIFERCAM, sa dette à long terme s’élevait à environ 75
million de Dollars US au 30 juin 1994 ; en 1993/94, la CAMAIR avait une dette extérieure
estimée à 78 millions de Dollars US, avec des arriérés de près de 55 millions de Dollars US46.
44
The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report n o P-6559-CM) on a
proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport sector
technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 6.
45
Ibid.
46
Ibid.
P a g e | 246
La SOTUC, avec 229 bus (107 à Yaoundé et 122 à Douala), n’avait plus fait de profit
depuis 1988. En 1994, seule la moitié des bus étaient opérationnels, et ce nombre ne cessait de
diminuer du fait du manque d’entretien. Durant l’année budgétaire 1993, la SOTUC avait
enregistré des pertes de 7 millions de Dollars US. Au 30 juin 1993, sa valeur négative était
estimée à 56 millions de Dollars US, pour un capital de 12 millions de Dollars US. Ses arriérés
auprès des banques, des employés, des fournisseurs, de la Trésorerie, de la sécurité sociale,
s’élevait à 45 millions de Dollars US.47 Là encore, la politique gouvernementale n’est pas
exempte de reproche :
The Government’s policy of maintaining a high number of staff, insisting on operating uneconomic routes,
and setting preferential tariffs for certain segments of the population has been the principal cause of
SOTUC’s failure. It would have cost the State about US$7 million annually to continue operating SOTUC
over the next few years. A performance contract signed under the SAL was never implemented. In 1994,
because salaries had not been paid for more than one year, the company had been de facto taken over by
its employees who ran the buses for their own account. 48
Le bilan des initiatives des institutions financières de Bretton Woods est le constat d’un
échec de ces réformes libérales recommandées dès 1989 au Cameroun. Les PAS sont
notamment taxés de négligence dans les domaines humains, sociaux, culturels et
environnementaux. Au lieu de rattraper le retard de modernité et de développement accusé par
les pays sous ajustement structurel, les mesures de stabilité économique et structurelles ont
plutôt ensemencé la pauvreté et la misère dans les pays ayant sollicité le concours du FMI et de
la Banque Mondiale.49 En effet, les solutions préconisées ne cadraient pas avec les réalités
sociales, culturelles et environnementales des pays sous ajustement. Des solutions exogènes,
identiques, clés en main et passe-partout, basées sur les vertus du marché, sur l’apologie de
l’initiative privée et sur la fin de l’État interventionniste avec la remise en cause de celui-ci dans
l’économie furent appliquées à tous les pays du Sud sous ajustement structurel. Malgré tout, les
47
Ibid.
48
Ibid.
49
Lire A. Valette, « L’évaluation des programmes d’ajustement structurel (PAS) : quelques repères sur les outils
et méthodes », in G. Courade, Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Éditions Karthala, 1994,
pp. 138-147.
P a g e | 247
institutions financières internationales soutiennent avec acharnement depuis les années 1980,
l’idée que la mise en œuvre des politiques économiques libérales du consensus de Washington
améliore la situation économique et sociale des pays concernés.
Xavier Sala-i-Martin affirme que la pauvreté et les inégalités ont été largement réduites
au cours de la décennie 1990, mais doit cependant reconnaître que les résultats positifs
enregistrés en matière de pauvreté se limitent à l’Asie et que la pauvreté n’a pas diminué en
Amérique latine et a même explosé en Afrique :
Asia is a great success, especially after 1980. Latin America reduced poverty substantially in the 1970s
but progress stopped in the 1980s and 1990s. The worst performer was Africa, where poverty rates
increased substantially over the last thirty years: the number of $1/day poor in Africa increased by 175
million between 1970 and 1998, and the number of $2/day poor increased by 227. Africa hosted 11% of
the world’s poor in 1960. It hosted 66% of them in 1998.50
Dans le même sens, William Easterly conclut que les politiques menées dans les années
1980 et 1990 ont conduit à la stagnation des pays en développement. Le titre de son rapport est
fort évocateur à propos : « The Lost Decades: Developing Countries’ Stagnation in Spite of
Policy Reform 1980-1998 »51. Dans son analyse de la mondialisation, Branko Milanovic note
pour sa part que, durant les deux dernières décennies (entre 1980 et 2000), la croissance a ralenti
et les inégalités entre pays, qui avaient été légèrement réduites dans les années 1960-1970, ont
très nettement augmenté. Il constate même que les PED qui ont le mieux réussi, notamment la
Chine, sont souvent ceux qui se sont écartés des prescriptions des IFI.52
François Bourguignon et Christian Morrisson, considèrent que les inégalités entre pays
sont restées stables au cours du dernier demi-siècle, mais que l’accroissement de la pauvreté
dans certaines régions du globe demeure très préoccupant.
In the long run, however, the increase in inequality across countries was the leading- factor in the
evolution of the world distribution of income. The burst of world income inequality now seems to be over.
There is comparatively little difference between the world distribution today and in 1950. This does not
mean that the distribution has become stable or that a convergence analogous to that witnessed among
European countries and their offshoots in the early 20th century is beginning to take place on a world
50
X. Sala-i-Martin, « The World Distribution of Income », NBER Working Paper Series, n°8933, 2002, en ligne,
URL: http://papers.nber.org/papers/w8933.pdf, consulté le 06/02/2019 à 18h56.
51
W. Easterly, « The Lost Decades: Explaining Developing Countries’ Stagnation in Spite of Policy Reform 1980-
1998 », Journal of Economic Growth, vol.6, n°2, 2001. En ligne URL:
http://siteresources.worldbank.org/DEC/Resources/27272_The_Lost_Decades.pdf, consulté le 06/02/2019 à
19h15.
52
B. Milanovic, « The Two Faces of Globalization: Against Globalization as We Know it », World Development,
vol. 31, n°4, 2003, pp. 667-683. En ligne, URL: https://www.gc.cuny.edu/CUNY_GC/media/CUNY-Graduate-
Center/PDF/Centers/LIS/Milanovic/papers/2003/world_devt.pdf, consulté le 06/02/2019 à 20h24.
P a g e | 248
scale. On the contrary. The increasing concentration of world poverty in some regions of the world is
worrying.53
Nous pouvons donc résumer les critiques émises à l’endroit des PAS sous trois angles54 :
Il est désormais admis par tous que l’impératif du développement est une priorité au même titre que
l’impératif de paix. L’un ne va pas sans l’autre.
Comment, dès lors, ne pas s’alarmer de la stagnation, voire de la régression des économies des pays du
Tiers-Monde et, en particulier, des pays d’Afrique ?
Tandis que les pays du Nord retrouvent peu à peu le chemin de la croissance, qu’ils contiennent
l’inflation, ceux du Sud continuent de ployer sous le poids de la dette, de pâtir de la détérioration
persistante des termes de l’échange et constatent que les transferts de ressources se font à leur détriment.
Rien d’étonnant alors que nos pays se débattent dans une grande pauvreté en dépit des sacrifices consentis.
Il convient alors de poser la question :
La mondialisation des économies, l’organisation du commerce mondial, l’aide au développement, telles
qu’elles sont envisagées actuellement, prennent-elles suffisamment en compte les problèmes de
l’Afrique ?
53
F. Bourguignon et al, « Inequality Among World Citizens: 1820-1992 », The American Economic Review, vol.
92, n°4, 2002, p. 742.
54
Ces différentes critiques sont développées par J. E. Stiglitz, La Grande Desillusion, Paris, Fayard, 2002.
P a g e | 249
Certaines prévisions, à cet égard, ne prêtent guère à l’optimisme. Il ne s’agit pas, ici, d’instruire un
quelconque procès contre le monde industrialisé qui connaît lui-même des difficultés et qui consacre des
ressources importantes à l’aide au Tiers-Monde.
Il s’agit plutôt de prendre conscience de la catastrophe économique et sociale qui menace l’Afrique, de
l’urgence qu’il y a d’intervenir, de l’importance des moyens qu’il convient de mettre en œuvre. C’est
aussi une question d’approche, plus humaine, moins technocratique.
La prise en compte de ces critiques a abouti à l’annexion des filets sociaux aux PAS et
les conditionnalités ordonnées par le FMI ont inclus des aspects sociaux appelés Facilités pour
la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Un nouveau concept imposé de l’extérieur
vit également le jour dans certains pays sous ajustement structurel dont le Cameroun. Il s’agit
du concept de Document stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).
À ces critiques générales sur les PAS, notons qu’au Cameroun, deux autres problèmes
s’ajoutèrent, et contribuèrent à l’échec des différentes mesures prises dans le sens du
redressement économiques sous les PAS. Il s’agit notamment des problèmes de bureaucratie et
du processus de privatisation, qui ne définirent pas entièrement les rôles des différentes parties.
Conclusion
Les dix premières années du libéralisme communautaire, entre 1985 et 1995, furent
quasiment des années noires sur le plan économique. Durant cette période, marquée par la crise
économique, les transports furent à l’arrêt. Malgré les projets initiés par les différents
programmes sectoriels des transports, le remboursement de la dette absorba l’essentiel des
ressources du pays. Sans grandes possibilités d’investissements, le Cameroun vécut sous
perfusion du FMI et de la Banque mondiale.
Il faut rappeler que, si les causes exogènes à la crise économique sont nombreuses, les
causes endogènes ne sont pas négligeables. Elles vont de la hausse des salaires non contrôlée
dans la fonction publique, au mauvais usage des crédits alloués au pays. En effet, c’est bien
l’endettement du Cameroun qui lui valut de passer de pays à revenus intermédiaires, à pays très
pauvre très endetté au début des années 2000.
Cette période ne connut donc pas de réelles avancées sur le plan des transports, au
contraire : sans moyens financiers, les routes tombèrent en désuétude faute d’entretien ; des
routes nouvelles ne furent pas construites. De fait, presque tout le secteur fut à l’arrêt. Peu à
peu, l’État se désengagea de ses responsabilités d’antan. Ainsi s’ouvrit l’ère des privatisations
et des libéralisations, qui ne laissèrent pas le sous-secteur des transports indemne.
P a g e | 250
CHAPITRE VI :
LE PROJET SECTORIEL DES TRANSPORTS (PST), LA
PRIVATISATION ET LA LIBÉRALISATION DES
TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 1995 ET 2000
P a g e | 251
Entre 1988 et 2000, les investissements dans le domaine des transports étaient quasiment
nuls. Le pays se préoccupait de se départir des dépenses superflues et des entreprises
budgétivores, comme l’étaient l’essentiel de celles des transports. Dans cette section, nous
revenons donc sur le cadre politique qui a permis de mettre en place ces décisions : le projet
sectoriel des transports (PST) en 1995.
Le PST faisait partie intégrante des PAS, et avait pour objectif d’amener l’État à cesser
d’être un État-providence, lui qui était à la fois entrepreneur, marchand, organisateur et
régulateur. Ainsi, il devait s’occuper uniquement des fonctions régaliennes. Le PST lancé en
1995, visait les principaux secteurs suivants : les transports routiers (le transport urbain et le
transport en transit), le transport ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime. Ainsi,
le FMI et le gouvernement camerounais avaient entrepris une batterie de réformes sur la base
du constat des insuffisances du sous-secteur économique des transports.
En effet, le secteur des transports [souffrait] d’une faible performance des institutions, d’une politique
privilégiant les investissements à 1’entretien et d’une allocation des ressources inadéquate. L’absence de
ces reformes [constituait] une contrainte majeure pour le programme de relance. De plus, les principaux
modes de transport [présentaient] une faible efficacité et des couts élevés résultant : d’un entretien
insuffisant des infrastructures et des équipements et d’une détérioration des performances techniques et
financières des entreprises publiques du secteur, ce qui [constituait] un obstacle majeur à la compétitivité
de l’économie et un lourd fardeau pour les finances publiques. 1
La stratégie mise en place par le gouvernement, avait pour objectif d’assurer une
meilleure efficacité et un développement durable et cohérent du secteur des transports afin que
1
FMI, « Republic of Cameroon, Transport sector project », Rapport N°15550-CM, 1996, p. 50.
P a g e | 252
2
Ibid.
3
Ibid.
P a g e | 253
Comme mentionné ci-dessus, le rôle du MINTP devait être redéfini. Celui-ci devait
maintenant s’occuper de programmer, gérer et superviser les travaux d’entretien des routes,
dont la plupart seraient confiés à des entrepreneurs privés. À la suite de la révision du code
national des marchés publics en 1995, le MINTP était devenu autonome dans les décisions de
passation de marchés de travaux d’entretien. Le MINT devait aussi se consacrer à la mise sur
pied d’une stratégie sectorielle, la formulation des politiques et la réglementation des transports.
Une restructuration de MINT devait donc intervenir dans le cadre du projet d’accompagnement
de la privatisation des transports.
Trois aspects des transports routiers sont mis en exergue : l’amélioration du réseau
routier, le transport urbain et le transport en transit.
En 1995, lorsque le PST fut lancé, le réseau routier camerounais était long d’environ 50 000
km, répartis selon le tableau ci-après.
P a g e | 254
Source : Ministère des Travaux publics, Génie Civil Magazine, Revue Trimestrielle, édition spéciale (hors-série),
1995, p. 7.
Les objectifs du PST étaient de promouvoir le transport routier dans un cadre libéral
pour faciliter les échanges ; réduire les coûts et les tracasseries de tous ordres ; assurer un
meilleur entretien des routes ; améliorer la compétitivité de l’économie et accompagner le
développement.4
La stratégie des responsables du PST pour réaliser ces objectifs se résumait ainsi :
Les actions menées dans le cadre des reformes du PST dans le transport routier furent
nombreuses. Nous pouvons en citer quelques-unes :
4
CEA-ONU, Impact des politiques de réforme dans le secteur des transports. Cas de quelques pays en Afrique,
Division de la Coopération et de l’intégration Régionales, Addis-Abeba, Éthiopie, 1999, p. 12.
5
Ibid.
P a g e | 255
- Mise en place d’une banque de données, relavant par exemple le nombre d’accidents de
la route et leur impact économique.
- Mise en place de systèmes de pesage pour des engins et camions afin de prévenir le
mauvais usage des routes.
- Formation et sensibilisation des usagers de la route concernant en particulier la sécurité
routière.
- Création d’un fonds routier censé financer l’entretien des routes du pays et faciliter
l’exécution du Programme d’urgence d’entretien routier (PUER). Ce programme
comprend des axes routiers importants qui nécessitent soit la réhabilitation, soit
l’entretien, soit la revalorisation. Les types de travaux réalisés ou en cours de réalisation,
et les sources de financement, le tableau en page suivante en donne un aperçu.6
- Identification des centres spécialisés de visites techniques des véhicules
- Mise en place de systèmes de barrières de pluie.
Le tableau suivant donne plus de précisions quant aux types de travaux réalisés, ou en
cours de réalisation et les sources de financement en 1995 :
6
Ibid, p. 15.
P a g e | 256
Source : CEA-ONU, Impact des politiques de réforme dans le secteur des transports…, 1999, p. 15.
P a g e | 257
L’impact de ces réformes du transport routier dans le processus d’amélioration des conditions
d’exploitation des routes et leur promotion, afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté,
s’évalue en fonction du PUER. Soulignons les éléments ci-après, relevés en 1999 :
1. Création directe d’emplois : on estimait que le PUER avait créé environ 2000
nouveaux emplois de manœuvres ou personnes non qualifiées pour un salaire
journalier moyen de 1800 FCFA. 7
3. Réduction des coûts d’exploitation des véhicules suite à l’amélioration de l’état des
routes et à un contrôle plus minutieux des véhicules, les coûts d’exploitation des
véhicules diminuent.9
- Assurer une plus grande accessibilité aux services sociaux (hôpitaux, écoles, etc.),
grâce aux déplacements à moindre coût et en sécurité ;
- assurer l’accessibilité aux zones et places d’emplois ;
- libéraliser les services de transport urbain afin, d’une part, d’accroitre l’offre globale
de transport collectif en permettant à des opérateurs privés d’exploiter les services des
transports collectifs urbains à l’aide de véhicules de moyenne et grande capacité, dans
7
Ibid., p. 16.
8
Ibid.
9
Ibid., p. 17.
P a g e | 258
des conditions assurant la viabilité et la durabilité de leur entreprise et, d’autre part, de
répondre à la demande de déplacement de la population aux revenus modestes et
limités.10
10
Ibid, p. 18.
11
Ibid, p. 20.
P a g e | 259
Ainsi les délais d’acheminement des marchandises en transit devraient s’en trouver
considérablement réduits et la sécurité assurée. Par voie de conséquence, le coût du transit lui-
même devait diminuer dans des proportions importantes. La procédure TIPAC pouvait être
considérée comme un accord entre d’une part, les administrations des douanes des six pays
concernés, et d’autre part les opérateurs du transport. Elle impliquait en particulier la
responsabilité directe du transporteur. En 1996, l’Acte N° 4/96-UDEAC-611-CE-31 définissait
un cadre juridique d’exploitation de transport multimodal inter-États de transport multimodal
de marchandises, dans l’optique de faciliter « la mise en œuvre de la procédure de Transit Inter-
États des Pays d’Afrique Centrale (TIPAC) et pour l’expansion ordonnée du commerce intra-
communautaire et international. »12
estimait que la CAMAIR employait effectivement 600 à 800 personnes, soit environ la moitié
de ses effectifs. Une liquidation pure et simple de la CAMAIR aurait été politiquement
inacceptable. Le gouvernement attachait une grande importance à la compagnie, en tant que
transporteur national, non seulement parce qu’il desservait des liaisons intérieures, mais aussi
parce qu’il plaçait le Cameroun sur la carte aux niveaux régional et international. Le
gouvernement considérait également que le Cameroun, pays de 12 millions d’habitants, avait
besoin d’un service aérien intérieur. Afin d’accroître l’efficacité de la fourniture de services de
transport aérien au Cameroun et de promouvoir la participation du secteur privé, le cadre
réglementaire devait donc être revu avant la privatisation.
Le gouvernement avait défini une nouvelle stratégie pour les opérations portuaires ainsi
qu’il suit :
P a g e | 261
1) Le dragage du canal d’accès serait sous-traité afin d’assurer une performance efficace
et durable de l’activité. Le gouvernement envisageait deux options pour sous-traiter
le dragage : a) sélectionner une entreprise sur la base d’appels d’offres
internationaux ; ou b) promouvoir la création d’une entreprise locale avec la
participation de partenaires privés et publics locaux et étrangers.
2) Les opérateurs portuaires devraient être davantage impliqués dans la gestion de
l’autorité portuaire et dans la définition des stratégies du secteur en redéfinissant les
relations entre les parties prenantes au sein de la communauté portuaire et en
augmentant la participation des utilisateurs du port au conseil d'administration du
Conseil autorité portuaire.
3) L’autorité portuaire serait restructurée afin de réduire les coûts d’exploitation et les
tarifs sur la base de la comptabilité analytique mise en œuvre. Un plan de
développement des ressources humaines devait être établi et mis en œuvre
parallèlement à la restructuration.
4) Le plan d’investissement devait être révisé afin de tenir compte des priorités
économiques et de la capacité de l’ONPC à le financer.
Les réformes envisagées dans le secteur des transports ont été résumées dans le tableau
suivant :
P a g e | 262
Tableau n° 10 : Les projets de réforme prévus par le Plan sectoriel des transports au
Cameroun en 1995
Les orientations stratégiques des entreprises publiques sont guidées par des choix
politiques du gouvernement. L’optimisation de la richesse n’étant pas un but à atteindre,
l’efficacité de la gestion est fonction du respect du budget.13 La privatisation se présente donc
comme un moyen de promouvoir l’efficience productive et l’effort managérial, dans un
contexte où la gestion publique perd de sa crédibilité. Elle suppose une amélioration de la
productivité, voire la profitabilité d’une activité en vue d’attirer les capitaux. Toutefois, elle
suppose également un glissement de la propriété nationale vers le secteur privé et de ce fait la
cessation du contrôle.14 Largement répandue dans le monde, la privatisation demeure un sujet
de tiraillement politique au Cameroun.
Bien que ce soit avec les PAS de 1989-1990, que le Cameroun a véritablement
enclenché le processus de privatisation, celui-ci ne date pas de cette période-là. Il est vrai
13
Lire C. Lambert, « La fonction contrôle de gestion… », 2005.
14
P. Nguihé Kanté, «Les contraintes de la privatisation des entreprises publiques et parapubliques au Cameroun »,
Revue internationale de droit économique, 4/2002 (t. XVI, 4)», 2002, p. 605.
P a g e | 264
cependant, que c’est au cours de cette période cependant que le cadre législatif et réglementaire
y afférant a été clairement défini, à partir de la loi n° 89/030 du 29 décembre 1989, autorisant
le président de la république à définir par ordonnances le régime de privatisation des entreprises
du secteur public et parapublic.15
Rappelons donc que, c’est la loi n° 63/25 du 19 juin 1963 autorisant l’émission publique
des bons et prévoyant la création d’une Société nationale d’investissement (SNI), dans le but
de suppléer, au lendemain de l’indépendance, la carence des investisseurs nationaux, qui l’avait
déjà envisagé.16 L’article 4 du décret n° 64/DF/486 du 16 décembre 1964 dispose que « la SNI
peut à tout moment rétrocéder tout ou partie des participations qu’elle détient […] »17.
Mieux, le décret n° 85/1177 du 28 août 1985 réorganisant la SNI est sans équivoque :
Les participations souscrites ou rachetées par la SNI sont assorties d’une clause de rétrocession en
faveur des personnes physiques ou morales de nationalité camerounaise. La rétrocession doit être
entièrement réalisée dans un délai maximum de 7 ans sauf pour les opérations où la présence de la
SNI est jugée indispensable par le gouvernement […].18
15
En droit constitutionnel français, selon l’article 49-3 de la Constitution française, l’ordonnance constitue une
mesure prise par le Gouvernement dans des matières relevant normalement du domaine de la Loi. Dans ce cas, le
Gouvernement est préalablement habilité à les prendre sur un vote du Parlement. L’article 49 alinéa 3, dit
d’« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous
couvert du rejet de la motion de censure que l’opposition se doit de déposer. Lire H. Alcaraz, « L’article 49, alinéa
3, de la Constitution du 4 octobre 1958: antidote ou “coup de force” », Revista catalana de dret públic, Nº 53,
2016, pp. 1-12,
16
P. Nguihé Kanté, « Les contraintes de la privatisation… », 2002, p. 606.
17
Ibid.
18
Ibid.
19
Ibid. Lire aussi J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 44-70.
20
Ces différentes étapes sont à lire en ligne, URL : http://www.minfi.gov.cm/index.php/services-
rattaches/commission-technique-des-privatisations-et-des-liquidations-ctpl/programme-de-privatisat, consulté le
02/02/2019.
P a g e | 265
La liste qui illustre la deuxième vague d’entreprises à privatiser est publiée par le décret
n° 94/125 du 14 Juillet 1994. Cette deuxième phase marque l’entrée en scène des grandes
entreprises de l’économie camerounaise dont la CDC, la SOCAPALM, la SODECOTON, la
REGIFERCAM, et la CAMAIR. À ce jour, seules la SODECOTON et la CAMAIR (devenue
CAMAIR-Co en 2006) parmi ces entreprises, n’ont pas encore été privatisées.
Je voudrais maintenant aborder avec vous le problème de l’avenir des entreprises publiques et des services
publics à caractère commercial.
Pour les premières, le gouvernement a adopté une politique de réhabilitation qui a abouti à la liquidation
ou à la dissolution d’une soixantaine d’entre elles ainsi qu’à l’inscription sur la liste des privatisations de
25 sociétés. Mais l’État reste encore impliqué dans près de 150 entreprises. La prise en charge de
l’endettement colossal du secteur public et des banques défaillantes a eu évidemment pour effet d’alourdir
considérablement la dette publique.
[…] Il en est de même des services publics à caractère commercial, tels que la distribution de l’eau et de
l’électricité, ou la gestion des réseaux téléphoniques. Le moins que l’on puisse dire est que les prestations
de services rendus aux usages actuellement sont loin de donner satisfaction. Il est temps par conséquent
d’appliquer les formules qui ont fait leur preuve dans les pays semblables au nôtre et de confier tout ou
partie de ces tâches à des professionnels sous la surveillance de l’autorité publique qui garantit le respect
de l’intérêt général.
[…] Pour ce qui est des entreprises du secteur public et parapublic, j’invite le Gouvernement à accélérer
le désengagement de l’État dans le respect de l’intérêt général. L’accent portera désormais sur la mise en
21
Ibid.
P a g e | 266
œuvre d’un processus de privatisation discernant pas à pas les modalités les meilleures de transfert de
responsabilité aux opérateurs du secteur privé.22
Une recension des entreprises des transports privatisées à ce jour peut donc être faite sur
la base des informations reçues de la CTPL, il s’agit de :
- la cession totale ou partielle d’actions détenues par l’État et les organismes publics ;
22
Paul Biya, discours à la Nation annonçant les mesures de relance économique, le 1er Juin 1995.
P a g e | 267
Il faut dire que l’entrée du Cameroun dans les PAS avec en l’occurrence l’adoption des
politiques de privatisation, qui constituent un changement notable de la politique économique
du pays, a nécessité des points de repère bien définis pour limiter autant que possible
d’éventuels égarements. Ces points de repères sont en l’occurrence un ensemble de textes qui
constituent une balise pour l’environnement juridique et institutionnel relatif aux privatisations.
En effet, pour ce qui est de l’environnement légal et institutionnel, il est constitué d’un
ensemble de textes et d’organes qui régissent l’activité de désengagement de l’État
camerounais. Quoique l’année 1990 puisse être considérée comme celle de l’adoption officielle
des programmes de privatisation par le Cameroun, il est à noter que l’organe chargé de la
politique de dérèglementation a été créé antérieurement, par le décret 86/656 du 03 juin 1986.
Il s’agit de la Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic
(MRESPP). La Commission Technique de privatisation et de liquidation (CTPL) est
l’organisme responsable de l'exécution du programme de privatisation du pays. Par la suite,
plusieurs décrets ont été adoptés pour clarifier le cadre initial. Il s’agit notamment du décret n°
90/1257 du 30 août 1990, portant application de l’ordonnance relative à la privatisation des
Entreprises publiques et parapubliques ; et du décret n° 95/056 du 29 mars 1995, portant
réorganisation de la Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et parapublic.
- Le Comité Interministériel (organe décisionnel) qui est présidé par le ministre des
finances.
- La Commission Technique de Privatisation et des Liquidations (organe technique)
qui a la charge de la supervision des études techniques et financières, du lancement
P a g e | 268
Dans le cadre de cette étude, nous avons donc recensé quelques-uns des textes qui ont
construit le processus de privatisation au Cameroun :
23
Ministère des finances du Cameroun, en ligne URL : http://www.minfi.gov.cm/index.php/procedures-au-
minfi/65-manuels-de, consulté le 06/02/2019.
P a g e | 269
Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le cadre législatif des privatisations
fait l’objet de plusieurs textes différents, portant à la fois sur les procédures de privatisation et
l’organisation des structures chargées de mener à bien ces opérations. Il apparaît alors une
multiplicité de textes aux dispositions contradictoires, les différentes approbations préalables à
obtenir pour chacune des étapes de la cession et le nombre important d’intervenants avec des
objectifs parfois incompréhensibles ont largement contribué à bloquer l’ensemble du processus
de privatisation, à retarder les transactions et à laisser le passif des plus importantes de ces
entreprises se détériorer gravement.24
24
Lire P. Nguihé Kanté, « Les contraintes de la privatisation… », 2002.
25
Décret n° 86/656 du 3 juin 1986 créant une Mission de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques
et réorganisée par le décret n° 95/056 du 29 mars 1995.
P a g e | 271
26
Ministère des finances, http://www.minfi.gov.cm/index.php/services-rattaches/commission-technique-des-
privatisations-et-des-liquidations-ctpl, consulté le 06/02/2019 à 02h00.
P a g e | 272
1. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL
27
Décret présidentiel n° 94/125 du 14 juillet 1994.
28
A. Blanc et al, La concession du chemin de fer du Cameroun : les paradoxes d’une réussite impopulaire,
Document de travail 44, Agence Française de Développement, 2007, p. 10.
29
Préambule de la convention de concession. La convention rappelle ici l’article 2 de l’ordonnance n° 90/004 du
22 juin 1990 relative à la privatisation des entreprises publiques et parapubliques.
P a g e | 273
La REGIFERCAM était tout naturellement considérée comme une des entreprises qui
devait suivre ce processus de passage vers la sphère privée30. En effet, la situation globale de
l’entreprise était désastreuse :
30
La REGIFERCAM s’est avérée progressivement incapable de satisfaire la demande des usagers (notamment
pour le fret, où les conditions et les délais de transport de marchandises devenaient inacceptables). Elle a fixé des
tarifs bien en dessous du seuil de rentabilité et a sous-investi dans la maintenance et le développement des réseaux
(particulièrement entre 1985 et 1995). Ainsi, à partir des années 1980, la gestion du réseau ferré est devenue
déficitaire, enregistrant une perte annuelle de l’ordre de 4 Mds FCFA entre 1995 et 1998.
31
Banque Mondiale, La Réforme des Chemins de Fer : Manuel pour l’Amélioration de la Performance du Secteur
Ferroviaire, Washington DC, Transport and ICT Global Practice, La Banque internationale pour la Reconstruction
et le développement/ Groupe Banque mondiale, 2017, p. 421.
P a g e | 274
option d’achat. Camrail obtint également le droit d’acheter et vendre son propre équipement, et
le gouvernement conserva le droit de premier refus sur toute vente de matériel roulant. La
CAMRAIL devait faire des investissements dans l’infrastructure par une délégation
gouvernementale, et accepta d’entreprendre un programme d’investissement d’environ 92
millions de Dollars US sur une période de cinq ans.
Le programme fut financé à 58% par des prêts de la Banque mondiale/IDA, les agences
de développement française et allemande et la Banque Européenne d’Investissement ; et 42%
furent financés par des injections de capitaux propres (17%) et des bénéfices non répartis (25%).
La réhabilitation de l’infrastructure, principalement au nord de Yaoundé, représentait environ
50% du programme et la réhabilitation, tandis que la réhabilitation du matériel roulant
représentait environ 25%.
Pour les services commerciaux, la société était libre d’établir des tarifs et de signer des
contrats avec les expéditeurs et les fournisseurs. Elle était cependant obligée de ne prendre en
charge que deux contrats existants, l’un pour l’aluminium et l’autre lié à la construction du
pipeline Tchad-Cameroun. Le gouvernement lui imposa aussi de fournir des services non
commerciaux spécifiques, principalement les services passagers «omnibus» de Douala à
Yaoundé, qui s'arrêtaient à toutes les stations (dont beaucoup n’étaient pas reliées à des routes
toutes saisons) et des services au nord de Douala pour des plantations. Pour ces services non
commerciaux, la CAMRAIL recevrait des compensations.
- un montant annuel fixe de FCFA 500 millions (862 000 $ US), augmenté selon les prix
industriels ;
32
Ibid, p. 423.
P a g e | 275
En 2008, le contrat de concession fut modifié et les mesures clés suivantes furent
introduites :
P a g e | 276
Le transport de voyageurs par rail est réputé non rentable dans la majorité des pays s’il
ne correspond pas à l’un des domaines de compétitivité spécifiques du rail, tel que le transport
de grande vitesse ou le transport périurbain. C’est notamment le point de vue des ministres en
charge des transports de l’Union africaine lorsqu’ils concluent que « le service voyageurs
présente dans la plupart des cas un déficit chronique qui nécessite une intervention financière
des États »34 Face à ce déficit, l’État camerounais, responsable des chemins de fer, a révisé le
statut juridique des transports dans le cadre de la privatisation, ce qui a ouvert la voie à la
participation du secteur privé. Cependant, les résultats de cette privatisation sont mitigés.
En effet, dans la majorité des cas, la privatisation n’a pas donné de résultats positifs
sur le continent. Au Cameroun, il ressort globalement que le trafic ferroviaire continue de
connaître un déclin en raison de la mauvaise gestion, de la vétusté de l’infrastructure et du
matériel, d’une concurrence déséquilibrée que subit ce trafic de la part d’entreprises privées de
33
RIFIF : Redevance d’Investissement et de Renouvellement des Investissements Ferroviaires (frais
d’investissement ferroviaire et Renouvellement). Elle est calculée annuellement sur la base de 50% du bénéfice
net avant impôts de l’année précédente.
34
Union africaine, Viabilité des entreprises ferroviaires : évaluation des processus de privatisation et de
restructuration, Première conférence de l’Union africaine des ministres africains en charge du transport
ferroviaire, Brazzaville, République du Congo, 10-14 avril 2006.
P a g e | 277
Sous la REGIFERCAM, les services voyageurs étaient de deux types : les services dits
commerciaux et les services omnibus (également appelés services conventionnés). L’activité
omnibus étant déficitaire, elle donnait droit au versement d’une subvention annuelle par l’État
en guise de dédommagement. Durant les années 1992-1997, le trafic-voyageurs omnibus
représentait en moyenne 300 millions de FCFA de chiffre d’affaires par an, et le trafic
commercial entre 3 milliards et 3,5 Milliards FCFA. La compensation du coût net des services
conventionnés faisait peser une charge importante sur le budget de l’État, de l’ordre de 3
milliards de FCFA par an.
Lorsque la concession ferroviaire vit le jour le 1er avril 1999, le gouvernement attribua
à la CAMRAIL le droit de recevoir les subventions associées aux services non-commerciaux.
Cependant, sans y faire référence textuellement dans le contrat de concession, la construction
des routes de substitution et la fermeture des dessertes omnibus semblaient bien avoir été
décidées, et servirent de cadre à l’offre de l’opérateur privé.36
Un retard dans les études du maître d’ouvrage, notamment en lien avec une
problématique de prise en charge par le budget de l’État de l’entretien des routes ainsi
construites, a repoussé le début des travaux, qui n’ont pris fin que courant 2005.37 Le projet de
35
Rappelons que la concession de la REGIFERCAM à la CAMRAIL demande à cette dernière d’entretenir le
réseau ferroviaire.
36
A. Blanc et al, La concession du chemin de fer du Cameroun…, pp. 20-21.
37
Ibid.
P a g e | 278
Une étude du coût global de l’activité voyageurs fut commandée par la CAMRAIL en
2002, avec pour but de réorganiser cette activité sur le plan opérationnel et organisationnel.
Cette étude conduisit les dirigeants de la CAMRAIL à créer en décembre 2002 une entité
séparée au sein de l’entreprise, MOBIRAIL, chargée spécialement de gérer l’activité voyageurs.
Les conclusions centrales de cette rationalisation comptable firent le constat d’un déficit de tous
les services voyageurs (qu’ils soient commerciaux ou non).39
De la même manière que le choix du PPP se fait parfois pour des raisons idéologiques
et non au regard d’études économiques, l’appréciation de ces projets de privatisation par le
public est, dans de nombreux cas, le résultat d’une perception biaisée de la privatisation. Ainsi,
l’idéologie dominante dans les pays en voie de développement est généralement négative à
l’égard des privatisations. Les commentaires repris par la presse laissent souvent entendre que
l’impact des privatisations serait négatif pour la grande majorité des usagers. L’exemple du rail
camerounais est représentatif de ce phénomène, la privatisation ayant déclenché une vague de
38
Ibid.
39
Ibid.
P a g e | 279
ressentiment parmi la population, tandis qu’une action de mobilisation opposait les cheminots
au nouveau concessionnaire.
Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 20. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
L’analyse de ce tableau nous permet de constater que, entre 2014 et 2017, la CAMRAIL
a enregistré au total huit déraillements sur le trafic voyageur. Pourtant, les plus grandes
perturbations viennent du trafic de marchandises. En effet, bien souvent ce sont ces
déraillements qui sont à l’origine des retards et autres annulations de voyages. En quatre années,
la CAMRAIL a enregistré 72 incidents liés au trafic marchandise. Une autre pesanteur
importante est le nombre de pannes des locomotives : 1557 pannes entre 2014 et 2017, soit une
moyenne de 389,25 pannes par an. Si ces chiffres nous semblent déjà énormes, ils semblent ne
pas correspondre aux différents pourcentages de satisfaction de la clientèle évoqués par la
compagnie. Peut-on vraiment penser qu’avec 448 pannes et 21 déraillements, la clientèle soit
satisfaite à 77% ? Taux qui, à notre analyse, semble bien grand lorsque l’on effectue un voyage
sur la ligne Yaoundé-Ngaoundéré.40
40
Le 14 mars 2017, nous avons effectué un voyage en train de Yaoundé à Ngaoundéré. Durant ce voyage, nous
avons pu constater le désamour grandissant entre la clientèle et la compagnie de transport ferroviaire. Notre constat
est que, pour bien des passagers, c’est faute de mieux que l’on emprunte le train. Les problèmes les plus évoqués
sont : la longue durée du voyage, l’inconfort des sièges, mauvais accueil des employés, la relation-client distante
(pas d’explications lors d’arrêts de longue durée en pleine brousse, ou lors d’arrêts prolongés dans des gars
intermédiaires etc.), l’insécurité (risque de se faire voler), les arnaques en tout genre. Enfin, une phrase a retenu
notre attention au cours de ce voyage, de la part d’un enseignant de lycée en poste à Ngaoundéré : Lorsque j’achète
mon billet, je ne peux pas savoir quand le train partira, ni quand il arrivera, c’est Dieu seul qui sait ».
P a g e | 281
2016 représente une année charnière dans l’histoire du rail au Cameroun en général, et
de la CAMRAIL en particulier. Le taux de satisfaction clientèle n’y est pas précisé. C’est en
effet l’année qui a enregistré le déraillement le plus meurtrier au Cameroun. Aurait-il été
indécent de demander le ressenti des clients après un tel évènement ? À la suite, l’année 2017
présente un taux de satisfaction bas à 46%. De fait, l’accident d’Eséka a eu de graves
répercussions dans l’entreprise CAMRAIL et sur la population.
Le déraillement du train Intercity N° 152 eut lieu le 21 octobre 2016 à 13 h 30, près de
la gare d’Éséka sur la ligne de Douala à Yaoundé. L’un des éléments déclencheurs de cette
catastrophe fut l’interruption du trafic entre Yaoundé et Douala sur la Route Nationale N° 3, à
cause de la rupture d’un aqueduc au niveau de Manyaï dans la Commune de Matomb dans la
Région du Centre. Sans autre possibilité de mobilité à moindre coût, la population se rua vers
les gares-voyageurs. Le train fut exceptionnellement doublé (seize voitures au lieu de neuf
habituellement) et un fourgon à bagages. L’accident fit 79 morts et 551 blessés : une quinzaine
de voitures se renversèrent, dont quatre basculèrent dans un ravin.
Photo n° 22 : Une vue des wagons du train accidenté dans le ravin à Eséka
Source : https://actucameroun.com/2017/05/23/cameroun-drame-ferroviaire-deseka-voici-le-rapport-et-les-
prescriptions-de-la-commission-yang/, consulté le 28/02/2021 à 13h58.
commission est placée sous la supervision du premier ministre. Selon l’article 5 de son décret
de création, la commission disposait d’un délai de trente (30) jours pour remettre son rapport
au chef de l’État.41 Finalement, ce fut le 23 mai 2017 que les premières conclusions furent
rendues publiques. Le communiqué du secrétaire général à la présidence42 qui en fit la synthèse,
donna les éléments suivants pour expliquer la survenue de la catastrophe.
La cause principale retenue est la « vitesse excessive » du Train Intercity n° 152, évaluée
à 96 km/h lors de son entrée dans la gare d’Eseka, alors que sur ladite portion, celle-ci est limitée
à 40 km/h. Les raisons de ce dépassement de vitesse sont dues, selon les experts, au non-respect,
par la CAMRAIL, de certaines règles de sécurité.
Rappelons que les wagons incriminés dans cette catastrophe furent achetés en 2014. En
effet, la CAMRAIL réceptionna un premier lot de 40 voitures-voyageurs construites par la
société chinoise CSR Nanjing Puzhen, suivant un contrat de marché signé le 23 juin 2011 à
Yaoundé, d’un montant de 11,7 milliards de FCFA.43 Comment comprendre alors que des
wagons âgés de moins de trois ans aient pu causer un tel accident ?
41
Le décret est téléchargeable en ligne, URL : https://www.prc.cm/fr/actualites/actes/decrets/1970-decret-n-2016-
424-du-25-octobre-2016-portant-creation-d-une-commission-d-enquete-sur-l-accident-ferroviaire-survenu-le-21-
octobre-2016-a-eseka, consulté le 01/03/2021 à 02h39.
42
Le communiqué du secrétaire général à la présidence est consultable en ligne, URL :
https://www.prc.cm/fr/actualites/communiques/2273-accident-ferroviaire-d-eseka-les-mesures-du-chef-de-l-etat,
consulté le 01/03/2021 à 02h36.
43
« Cameroun : Bolloré Africa Logistics réceptionne une commande de wagons chinois pour 18 millions d’euros »,
article en ligne, URL : https://www.agenceecofin.com/investissement/1601-16742-cameroun-bollore-africa-
logistics-receptionne-une-commande-de-wagons-chinois-pour-18-millions-d-euros, consulté le 01/03/2021 à
02h57.
P a g e | 283
Dans ce document d’une vingtaine de pages, étayé par les données provenant de la boîte noire du convoi
ayant déraillé le 21 octobre 2016 à Eseka, un expert ferroviaire a analysé les débris des voitures, les
témoignages des acteurs et le déroulement des faits. Et ses conclusions sont édifiantes, en particulier à
l’encontre de la société ferroviaire CAMRAIL, qui connaissait selon lui l’existence de graves
dysfonctionnements dans 13 des 17 voitures formant le convoi (dont les huit ajoutées pour pallier l’afflux
de voyageurs sur le trajet du 21 octobre 2016). 44
Le rapport note que la CAMRAIL savait depuis 2014, année de l’achat des wagons
chinois, que ceux-ci étaient défectueux, puisque, comme le note le rapport d’expertise, « les
plaquettes de frein ne présentaient pas d’usure et n’étaient pas serrées sur leur disque de
freinage. […] Ces défauts de freinage sont liés à la conception même du système ».45 Ainsi,
La Camrail aurait également pris des mesures concernant les wagons chinois dès 2014,
alors que plusieurs défaillances avaient été constatées lors de leur utilisation. Des convois
composés de ce type de voitures avaient en effet « dérivé » et pris une vitesse excessive, en mai
2014 ou en juillet 2014.46 Pour résoudre le problème, les dirigeants de CAMRAIL décidèrent
de composer un mixage des convois afin de compenser les effets négatifs de ce système de
freinage. Il fallut donc encadrer les voitures chinoises avec d’autres de provenance différente,
notamment française et allemande.47
C’est d’ailleurs ainsi qu’elle procéda le 21 octobre, concernant le train qui allait dérailler à Eseka. Les
douze voitures de fabrication chinoise (de type CSR série 1300, de 44 à 45 tonnes chacune, et dont huit
avaient été ajoutées le jour même), étaient ainsi situées entre la locomotive « Dietrich » de conception
allemande, et les quatre voitures de queue « Soule » d’origine française. 48
44
Mathieu Olivier, « Cameroun : un rapport d’expertise conclut à une « responsabilité totale et entière » de Camrail
dans la catastrophe ferroviaire d’Eseka », Jeune Afrique, mis en ligne le 25 janvier 2017 à 15h21, URL :
https://www.jeuneafrique.com/395809/societe/cameroun-rapport-dexpertise-conclut-a-responsabilite-totale-
entiere-de-camrail-catastrophe-ferroviaire-deseka/, consulté le 01/03/2021 à 03h09.
45
Mathieu Olivier, « Cameroun : pourquoi Camrail a retiré ses wagons chinois de la circulation ? », Jeune Afrique,
mis en ligne le 23 février 2017 à 13h17, URL : https://www.jeuneafrique.com/406325/societe/cameroun-camrail-
a-retire-wagons-chinois-de-circulation/, consulté le 01/03/2021 à 03h17.
46
Ibid.
47
Ibid.
48
Ibid.
P a g e | 284
Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 22. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
49
Le transport de passagers est assuré par la CAMRAIL sur trois liaisons :
• La Ligne de l’Ouest, Douala - Kumba :
• Le TRANSCAM 1, Douala – Yaoundé :
> Des trains Omnibus desservent toutes les gares et arrêts. Ils aident au désenclavement des zones rurales et
permettent l’acheminement des produits vivriers vers les grandes villes.
> Des trains semi-directs, composés de rames classiques (voitures 1ère et 2ème classe, bar restaurant, fourgons
générateurs) desservent les grandes zones et chefs-lieux d’arrondissement.
> Des trains directs : Ils sont réalisés par une rame de 2 voitures 1ère classe et de 4 voitures Premium.
• Le TRANSCAM 2, Yaoundé – Ngaoundéré :
> Des trains omnibus desservant la zone de Belabo à Ngaoundéré, permettent aux populations riveraines de se
déplacer et d’acheminer leurs vivres vers les grands axes.
>> Des trains semi-directs de Yaoundé à Ngaoundéré.
Source : http://www.camrail.net/transp_voyageurs.html, consulté le 01/03/2021 à 07h30. La dernière mise à jour
de ces informations n’est pas précisée. Nous les utilisons afin de renseigner le lecteur sur les trois lignes de la
CAMRAIL encore fonctionnelles.
P a g e | 285
Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 22. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
Mais il est utile de préciser que l’accident d’Eséka vint trouver un contexte déjà marqué
par le mécontentement des populations suite à la fermeture (ou aux tentatives de fermeture) de
certains arrêts. Jusque-là principal moyen de mobilité d’une grande partie de la population, cette
dernière se trouva en incapacité d’acheminer ses productions, surtout vivrières. L’abandon du
tronçon Mbanga-Nkongsamba en est une illustration.
50
Pour comprendre la place prépondérante de ce tronçon de chemin de fer, il est intéressant de lire cet extrait :
« La “Kamerun Eisenbahn Gesellschaft” fut constituée en 1903, et le 11 avril 1911 on inaugura le tronçon
Bonabéri-Nkongsamba (160 km). Parmi les 24 gares qui jalonnaient la ligne et avaient été conçues principalement
pour desservir les grandes plantations du Mungo, plusieurs devinrent par la suite de petites villes : Mbanga, Penja,
Njombé, Loum, Manjo. C’est le chemin de fer qui donna naissance à la ville même de Nkongsamba. Celle-ci ne
devait être qu’une étape provisoire en direction du nord et un projet gouvernemental de 1914 prévoyait sa poursuite
au moins jusqu’à Foumban ». Source : J. Champaud, « Genèse et typologie des villes du Cameroun de l’Ouest »,
Cahiers de l’ORSTOM, Série sciences humaines, vol. LX, n° 3, 1972, p. 329.
51
D’après un cadre du ministère des transports, dans le cahier des charges de Camrail, le tronçon Mbanga-
Nkongsamba a été suspendu pour des raisons de sécurité. Les rails, posés en 1906, étaient tombés sous le coup de
l’usure. Entretien tenu à Yaoundé le 11 décembre 2019 à 13h.
P a g e | 286
interne aux CFC52. Depuis cette mise hors service, les populations se sentent orpheline de cet
outil qui a autrefois marqué la modernité :
De Mbanga à Nkongsamba, en passant par Nkapa, Loum, Ndoungué, … les populations qui ont connu la
belle époque du train ne veulent rien entendre comme raison de la privatisation de leur moyen de transport
privilégié. “Le train était tout pour nous. Un moyen de transport, une source de revenus et une histoire de
fierté”, déclare avachi, un sexagénaire à Penja. Ressaisi, il peut ajouter : “il nous aidait à nous déplacer
avec ou sans argent et à développer un petit commerce entre les localités riveraines et Douala. Depuis que
le train ne passe plus ici, on est mort”. Et pourtant, la route est là. Mais pour notre interlocuteur comme
pour bon nombre d’habitants à Penja, la route ne saurait remplacer les rails. Et pour cause. “Dans quelle
voiture pouvez-vous monter sans payer de Nkongsamba à Douala? Avec le train à l’époque, on pouvait
le faire en jonglant les contrôleurs. Et quand quelqu’un était coincé, il savait comment faire pour s’en
sortir”, poursuit-il. Le train dans ce tronçon n’a pas fait que l’affaire des petits commerçants de café,
d’huile de palme, de vivres frais, etc. “Lorsque je fréquentais à Ndoungué, nous empruntions le train à la
gare de Douala-Bassa sans payer un seul sou”, se souvient Salomon Ketcha, diplômé de l’enseignement
supérieur et vendeur d’ananas à Penja. Pour Adalbert Tchompdou, infirme de son état, l’incertitude est
totale depuis qu’“un groupe d’individus démontent ce qui restait encore de souvenirs du chemin de fer et
qui animait l’espoir et le rêve qu’un jour la voie sera rouverte”. 53
Les personnages emblématiques de ce lien entre l’économie locale et le train sont les
« bayam salam », ces femmes qui assurent le commerce des productions vivrières entre les
villages situés le long de la voie et les grands centres urbains. Achetant une partie de leur
cargaison au cours des haltes du train, elles se rendent jusque dans les grandes villes pour y
écouler cette marchandise. Au cours du voyage de retour, elles revendent parfois à ces mêmes
villages des biens industriels achetés en ville. Cette activité constituait une double contrainte
pour CAMRAIL : non seulement la durée des haltes était particulièrement longue pour
permettre le chargement de la marchandise, mais de plus, les colis chargés étaient abondamment
entassés dans les voitures de voyageurs (ce n’est plus le cas avec les mesures prises par le
concessionnaire). L’impact économique de ce commerce est assez difficile à mesurer. Il semble
néanmoins que l’offre de débouchés ainsi fournie, bien que marginale au niveau du pays, soit
52
Ministère des transports et Ministère des travaux publics, « Programme sectoriel des transports. Évaluation
environnementale de la mise en concession des chemins de fer du Cameroun », Rapport final, Buursink/RCM
International Consultants, novembre 1998, p. 5.
53
N. Ndjebet Massoussi, « Nkongsamba : Le train ne sifflera plus », Quotidien Le Messager, article en ligne,
URL : http://peuplesawa.com/fr/bnlogik.php?bnid=111&bnk=21&bnrub=1, consulté le 16/06/2020 à 04h13.
54
Lire G. Fleming, « Étude des routes de desserte des gares ferroviaires. Deuxième phase : Évaluation des besoins
en entretien et réhabilitation », volume II : Impacts environnementaux, République du Cameroun, ministère des
Transports, cellule de coordination du projet sectoriel des transports, août 1998.
P a g e | 287
essentielle pour les populations pauvres vivant tout le long de la voie ferrée. La question de
l’impact des privatisations sur les populations pauvres et sur la répartition des revenus est au
cœur de la problématique des PPP. Les études menées aujourd’hui ne permettent pas de
répondre catégoriquement à cette question : Estache soutient que les besoins des plus pauvres
ont été largement ignorés55 ; dans une étude portant sur 10 privatisations en Amérique latine,
McKenzie et Mookherijee rapportent que les privatisations ont un effet très faible sur les
inégalités, et qu’elles ont permis au mieux de réduire la pauvreté, et au pire de ne rien changer
à la situation56.
55
Lire A. Estache, « Réformes des services publics dans les pays en voie de développement : mythes et réalités »,
in Ponts et Chaussées Magazine, n° 10, 2006.
56
Lire D. McKenzie et al, “Paradox and Perceptions: Evidence from four Latin American Countries”, in J. Nellis
et al, Reality Check: the Distributional Impact of Privatization in Developing Countries, Center for Global
Development, Washington D.C, 2005.
P a g e | 288
Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 21. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
Ce qui précède nous amène à nous interroger sur le bien-fondé des privatisations dans
les transports, qui sont par nature des “services publics”. Il faut définir un service public selon
deux sens57 :
Au sens organique, le service public est une organisation formée d’agents et de moyens
matériels destinée à accomplir certaines dispositions, au sein d’une Administration (ex: le
service de la santé).
C’est donc au sens matériel du terme que nous concevons l’utilité des services de
transport à l’instar du chemin de fer, des transports urbains (SOTUC), des transports aériens et
des routes de bonne qualité. Ainsi, les services publics se caractérisent par le fait qu’ :
57
Ces définitions sont consultables en ligne. URL:
https://www.lemondepolitique.fr/cours/droit_public/service_public/notion.html, consulté le 01/03/2021 à 07h49.
P a g e | 290
ils doivent avant tout satisfaire l’intérêt général, et donc ne pas recourir aux exigences
de rentabilité ou rechercher le profit (à la différence des entreprises).
Le service public peut donc exister par l’intermédiaire d’une personne publique qui
prend en charge les moyens nécessaires pour garantir la mission d’intérêt général ; mais
l’intermédiaire peut également être un organisme privé. Dans les deux cas, l’État doit s’assurer
de la sauvegarde des intérêts de sa population. En effet, le service public, a-t-on coutume de le
dire, n’a pas vocation à être rentable.
La concession de la CAMRAIL laisse une place importante à l’État. Il n’est pas logique,
selon notre analyse, d’incriminer uniquement le Groupe Bolloré, actionnaire majoritaire de la
CAMRAIL, pour les manquements imputables en partie à l’État camerounais. C’est ce dernier
qui n’a pas su sauvegarder les intérêts de sa population. En rappel des directives de la
concession, l’État camerounais devait financer matériel roulant passagers à hauteur de 27
millions de dollars US. En effet, le volet du transport des passagers incombait au premier chef,
à l’État du Cameroun.
En 2018, la CAMRAIL estimait avoir « investi environ 100 milliards FCFA. Par
ailleurs, 50 milliards FCFA reversés au Trésor public au titre des impôts et taxes et plus de 11
milliards FCFA de retenues opérées à la source et reversées à l’État. »58 L’entreprise évoquait
ces chiffres pour justifier la demande formuler par sa hiérarchie d’une aide de l’État
camerounais.
Selon son directeur général, le Français Pascal Miny, cité vendredi dernier par Jeune Afrique, Camrail
« manque de trésorerie ». Mais il précise toutefois que l’entreprise n’est pas encore « en péril financier ».
Par conséquent, écrit le journal, le nouveau patron en est réduit à donner une seconde vie à onze véhicules
cinquantenaires, remisés depuis des lustres. « Encore faut-il trouver 1,2 milliard de FCFA pour cette
réhabilitation ». Le patron de Camrail espère « que le gouvernement débloquera les fonds nécessaires à
temps […] Pour profiter des possibilités commerciales qu’offre la prochaine Coupe d’Afrique des nations,
58
« Camrail au bord de l’asphyxie financière », EcoMatin, mis en ligne le 25 septembre 2018, URL :
https://ecomatin.net/transport-ferroviaire-camrail-veut-rehabiliter-11-vehicules-cinquantenaires/, consulté le
01/03/2021 à 08h12.
P a g e | 291
organisée au Cameroun dans moins d’un an, le Français de 59 ans comptait sur une partie des vingt-cinq
voitures voyageurs neuves en cours d’acquisition par l’État. Mais elles ne seront opérationnelles qu’après
la compétition ».59
Le 27 janvier 2019, Paul Biya habilita, dans deux décrets respectifs, le ministre de
l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Alamine Ousmane Mey, à
signer des conventions de crédit acheteur avec la Standard Chartered Bank, d’un montant
cumulé de 7,8 milliards FCFA, pour l’acquisition de quatre locomotives pour le compte de
Camrail. Lesdites locomotives seraient affectées au transport des voyageurs. Même si cette
décision fut prise en respect des engagements pris par l’État du Cameroun dans le cadre de la
convention signée en 1999 avec le groupe Bolloré, certains préalables semblent simplement
n’avoir pas été remplis avant une telle intervention.
Tout d’abord, l’audit de la concession de 1999 en passant par les avenants de 2005 et
2008, pour savoir si effectivement les tâches dédiées à la société CAMRAIL ont été bien
remplies. Ce fut l’une des prescriptions phares du rapport d’enquête commandé par le chef de
l’État à la suite de l’accident ferroviaire du 21 octobre 2016. Celui-ci proposait, entre autres,
des mesures visant à limiter les risques de survenue d’une telle catastrophe à l’avenir. Paul Biya
avait surtout, au terme de cette enquête, promis une plus grande implication de l’État dans le
secteur ferroviaire, en tant que garant de la sécurité des Camerounais. L’État du Cameroun
entendait donc ainsi reprendre la main dans le volet transport des personnes en termes de
contrôles, de procédures, de ressources humaines.
Pour respecter tous les engagements pris par le Cameroun dans le contrat de concession,
Paul Biya avait par ailleurs annoncé qu’une société de patrimoine serait créée pour gérer le
chemin de fer qui demeure le patrimoine de l’État. Cette entreprise était censée prendre la forme
de l’Autorité aéronautique civile du Cameroun ou l’Autorité portuaire nationale.60 Mais avant,
il était attendu une relecture du contrat avec le groupe Bolloré. Préalable pour lequel un avis
d’appel à manifestation d’intérêt pour la présélection des cabinets, entreprises ou groupements,
avait été lancé en 2015.61 Une initiative restée sans suite.
59
Ibid.
60
« Camrail: comment l’Etat s’apprête à injecter 7,8 milliards sans l’audit de la concession », mis en ligne le 30
janvier 2019, URL : https://ecomatin.net/camrail-letat-sapprete-a-injecter-78-milliards-sans-laudit-de-la-
concession/, consulté le 01/03/2021 à 08h26.
61
Ibid.
P a g e | 292
Ce serait par le grand Nord que la moto a essaimé l’espace camerounais comme moyen
de transport ou de déplacement des personnes et des biens par excellence.62 Cette intégration a
bénéficié à ses débuts de nombreux attributs : la baisse des prix des motos due à la contrebande,
la proximité et la porosité de la longue frontière avec le Nigeria, d’où elle étaient importés ou
assemblés. Au début des années 1980, Maroua, Garoua, Ngaoundéré, Yagoua, étaient les
premiers foyers des moto-taxis au Cameroun. Après le septentrion, la Province de l’Est à travers
les villes telles que Bertoua, Batouri, Yokadouma a constitué le deuxième foyer des moto-taxis
au Cameroun.63 Ce n’est que dans les années 1990 que l’emploi de la moto à titre onéreux est
62
Lire A. Sadou, « Le taxi moto et l’insécurité urbaine dans le Nord-Cameroun, le cas de la ville de Ngaoundéré »,
2005, en ligne, URL : https://www.ville-en-mouvement.com/sites/default/files/Sadou1_ngaoundere.pdf, consulté
le 29/01/2020 à 15h52.
63
C. Kaffo et al, « L’intégration des "motos-taxis" dans le transport public au Cameroun ou l’informel à la
remorque de l’État : une solution d’avenir au problème de mobilité et de l’emploi urbain en Afrique
subsaharienne », Colloque international sur le taxi organisé à Lisbonne les 20 et 21 septembre 2007. En ligne,
URL : https://www.ville-en-mouvement.com/fr/content/les-taxis-motos-et-linsecurite-urbaine-dans-le-nord-
cameroun-le-cas-de-la-ville-de, consulté le 29/01/2020 16h05.
P a g e | 293
intégré dans le transport public dans les provinces du centre du Cameroun constituant ainsi le
troisième foyer de diffusion de ce mode transport.64
La tranche d’âge des 15-30 ans constituait l’essentiel de la masse des demandeurs
d’emploi. Et, cette population ne cessait de croître, en raison de l’arrivée chaque année sur le
marché du travail, de diplômés de l’enseignement supérieur et d’un nombre au moins égal de
diplômés ou exclus de l’enseignement secondaire, généralement sans qualification
professionnelle.
64
C’est d’ailleurs en 1995 qu’intervient le premier texte dont l’objectif était de réguler l’exercice de cette activité.
Il s’agit du Décret n°95/650 du 16 novembre 1995 fixant les conditions et modalités d’exploitation des motocycles
à titre onéreux.
65
Pour une meilleure lecture de la situation de l’emploi au Cameroun entre 1983 et 1993, lire Roubaud F., 1994,
« Le marché du travail à Yaoundé, 1983-1993. La décennie perdue », Tiers-Monde, tome 35, n°140, p. 751-778.
P a g e | 294
C’est donc pour juguler la saturation du marché du travail formel que les populations
précarisées ont développé des stratégies de survie particulières en direction du secteur informel.
La situation s’était profondément dégradée au point que certains jeunes avaient développé des
stratagèmes visant à combiner école et travail pour emmagasiner une expérience même si les
perspectives en matière d’attente professionnelle demeuraient réduites. C’est suite à cet avenir
incertain que la précarisation de l’emploi a induit une tendance à la sédentarisation des jeunes
dans le secteur informel et au choix d’une activité à revenu immédiat dans les rues des
métropoles.
Le transport par moto est l’un des secteurs qui avait attiré ces jeunes sans emplois. La
conjoncture économique et politique difficile des années 90 a donc offert une plus-value à cette
activité comme réponse aux vagues de licenciements dans de nombreuses entreprises. Si les
licenciés des entreprises étaient au départ parmi les premiers et les plus nombreux à investir
dans l’activité de mototaxi, à la suite de la crise économique, elle était devenue un débouché
pour de nombreux chômeurs.
Le début de la décennie 1990 voit l’entrée de ce mode de transport dans les zones
urbaines, jadis réservé uniquement aux zones à faibles densités de population comme le grand
nord du Cameroun.66 Lors des troubles socio-politiques des années 1990 et grèves successives
des auto-taxis de ville, les motos sont devenues le moyen de transport le plus usité. C’est ainsi
qu’il fait son entrée dans les provinces de l’Ouest, du Nord-ouest, du Littoral et du Centre sous
l’emprise des « villes mortes ». La moto s’est présentée comme un moyen plus sûr de se déplacer
durant les opérations « villes mortes » en échappant à la vindicte populaire récurrente en ces temps
et moyen d’accès rapide aux quartiers enclavés. Avec la dégradation prononcée de la plupart des
artères de la ville aggravée par l’incinération des pneus sur la chaussée pendant les villes mortes et
la baisse progressive de l’offre de transport urbain, les moto-taxis ont investi jusqu’au centre-ville
et l’idée d’en faire un véritable métier s’est enracinée sans que l’administration ne puisse prendre
des dispositions pour la gestion quotidienne. Dès lors, le phénomène a pris une ampleur
difficilement maîtrisable.
C’est le contexte insurrectionnel à Douala dans les années 1990 qui donne véritablement naissance à
l’activité de moto-taxis. Au début des années 1990, l’opposition, comme moyen de pression sur les
pouvoirs publics, organise des opérations « villes mortes » dans tout le pays. Douala, la plus grande
agglomération et bastion de la protestation, est la plus touchée. Les taxis, comme toutes les automobiles,
sont interdits de circulation par une coalition de partis de l’opposition. Les propriétaires de motocyclettes
particulières ont alors l’idée de faire du transport de personnes. À la fin des « villes mortes », les moto-
66
Lire M. Paba Salé, « Petits métiers du transport à Maroua (Cameroun) », Cahiers d’outre-mer, n° 137, 1982, pp.
77-85;
P a g e | 295
taxis se replient dans des quartiers enclavés en périphérie, inaccessibles aux automobiles. Petit à petit,
aidées par la dégradation de la voirie urbaine qui cause beaucoup de casse aux transports publics
traditionnels, les motos vont gagner la ville entière.67
La période crise économique a aggravé les problèmes de mobilité des personnes, résultat
d’une croissance démographique ne s’accompagnant pas toujours de moyens pour satisfaire le
surplus de la demande. La forte sollicitation des moyens de transport en commun et l’étroitesse
des routes occasionnent des embouteillages interminables sur certains tronçons. Pour se
déplacer, les populations sont parfois obligées d’abandonner les auto-taxis pour emprunter une
moto qui a la possibilité de se faufiler entre les voitures, foulant au pied les règles élémentaires
du code de la route.
Source : https://fr.blastingnews.com/societe/2016/07/cameroun-le-slogan-pas-un-pas-sans-une-moto-est-en-
vogue-a-douala-001024441.html, consulté le 29/01/2020 à 11h28.
67
J. Keutcheu, « Le « fléau des motos-taxis » », Cahiers d’études africaines [En ligne], 219 | 2015, URL :
https://journals.openedition.org/etudesafricaines/18208, consulté le 29/01/2020 à 16h02.
P a g e | 296
Étant donné les avantages comparatifs dont dispose le transport par moto tant à l’intérieur
qu’à la périphérie des grandes métropoles, ce mode de transport semble effectivement constituer
une alternative viable à la précarisation de l’emploi et à la stagnation voire la baisse des revenus.
Toutefois, l’activité fait face à une insécurité totale ou à des goulots d’étranglement qu’il paraît
difficile de lever. Dans l’ensemble, le transport par moto évolue totalement en marge de la loi. Les
conducteurs sont très souvent sans permis de conduire, et ne respecte pas toujours les règles
élémentaires du code de la route.
Statistiques qualifiées de dramatiques par le corps médical, qui a présenté un rapport mercredi à la CUD
[Communauté urbaine de Douala]. Pavillon « Bend-skin » à l’hôpital Laquintinie à Douala. Beaucoup
s’imaginent l’ambiance qui peut régner ici. Des tas de blessés de suite d’accident de la circulation
occasionnés par les bends skin qui arrivent au quotidien. Même comme les principaux acteurs, les
médecins en l’occurrence, parlent d’une simple anecdote au sujet du nom donné à ce service. Toujours
est-t-il qu’en 2011, sur près de 16.000 cas admis au service d’urgences de l’hôpital Laquintinie, 2311 sont
des victimes d’accidents causés par des moto-taxis. C’est en substance l’information donnée mercredi
dernier lors d’une concertation à la Communauté urbaine de Douala (CUD) entre magistrats municipaux,
médecins et autres partenaires.68
Toutefois, rapidité et accessibilité aux zones les plus reculées sont autant d’atouts qui
font d’eux en ce moment les transporteurs urbains les plus prisés, sans oublier les prix qui sont
plus abordables que chez les chauffeurs de taxi de ville. Cependant, l’État se heurte à
l’impossibilité d’interdire cette activité, sans alternative viable à l’instar du métro ou du
tramway. D’abord le problème de déplacement va se poser cruellement, ensuite il faudra gérer
le chômage que cela va entraîner avec ces conséquences, et enfin il faudra d’énormes capitaux
pour investir dans ces nouveaux moyens de transport.
68
Cameroon Tribune, « 2311 accidentés de « Bend skin » en 2011 à l’hôpital Laquintinie », 12 mai 2012, en ligne,
URL : http://ct2015.cameroon-tribune.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=66551:2311-
accidentes-de-l-bend-skin-r-en-2011-a-lhopital-laquintinie&catid=4:societe&Itemid=3, consulté le 29/01/2020 à
17h30.
P a g e | 297
accidents qui lui sont imputés, elle est de plus en plus décriée. La question est simple : peut-on
encore aujourd’hui s’en passer ? Ainsi, l’usage de la moto à titre onéreux s’avère être un mal
nécessaire, au même titre que les véhicules de transports clandestins.
« Clandestins », ce qualificatif leur est attribué pour plusieurs raisons : ils fonctionnent
le plus souvent en toute illégalité, bien que tolérés par les pouvoirs publics ; ils ne sont pas
reconnus par l’administration camerounaise ; leurs promoteurs n’ont pas de licence de transport
collectif, ne sont pas regroupés dans un syndicat ; et les véhicules qu’ils exploitent ne sont pas
assurés contre les risques de la circulation : rien ne garantit la sécurité des marchandises et des
voyageurs. Toutes ces modalités en font des cibles privilégiées pour les forces de sécurité
routière. Pourtant, il faut y voir l’esprit d’initiative d’une population en proie au chômage et au
problème de mobilité.
Albert François Dikoumé69 situe l’apparition des transports clandestins au milieu des
années 1950. Déjà durant la colonisation, la crise économique,70 l’appât du gain facile et les
tracasseries des forces de l’ordre furent les raisons du développement de cette activité. Une
forte concurrence s’installa entre ceux qui étaient restés dans la légalité et ces clandestins, dont
le comportement ne manqua pas de faire contagion au sein des transporteurs.
Cette concurrence qui mettait à mal les finances de nombreux entrepreneurs, modifia le comportement
d’une frange relativement nombreuse des transporteurs. Certains après avoir acquis des camions ou des
cars, oubliaient ensuite de payer leurs traites et entraient dans la clandestinité. […] Des entrepreneurs
endettés jusqu’au cou, choisissaient de quitter la ville où ils étaient installés parfois depuis de longues
années pour aller s’établir dans une autre ville sous une fausse identité, acquise grâce à un jugement
supplétif. Ils acquéraient ce faisant, une nouvelle virginité qui leur permettait de repartir sur d’autres bases
qui étaient celles du transport clandestin. Mais pour se relancer, il leur fallait de nouveau s’endetter et le
manège recommençait jusqu’à ce que acculés, ils se retrouvent en prison. 71
Kengne Fodouop situe quant à lui, l’implantation des transports “clandestins” entre
Yaoundé et les régions voisines en 1975. Il nous en dresse ainsi le récit :
En mars 1975 donc, Monsieur E. racheta une vieille camionnette à une entreprise de Travaux Publics à
Yaoundé et la confia à un jeune chauffeur. Cette camionnette fut mise en service entre la capitale et Soa,
mais suivant les occasions, elle pouvait se rendre aussi à Nkolbisson, Afaneyoa et Oveng. Une telle
69
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 473.
70
Dans les années 1950, la colonie du Cameroun subit une forte crise économique due aux fuites des capitaux et
à deux dévaluations consécutives du FCFA, dont l’une le 18 octobre 1948 et l’autre le 20 septembre 1949. À la
suite de ces dévaluations, persista un fort climat de crainte d’une nouvelle dévaluation, qui plomba
considérablement des investissements privés déjà bien maigres. Lire à ce sujet M.-R. Atangana, Capitalisme et
nationalisme au Cameroun: au lendemain de la seconde guerre mondiale (1946-1956), Publications de la
Sorbonne, 1998, pp. 197-225.
71
Ibid.
P a g e | 298
initiative eut très vite des imitateurs, tant à Yaoundé que dans un certain nombre de localités voisines
comme Mbalmayo, Obala ou Mfou. Fin 1977, on comptait déjà 16 véhicules spécialisés dans les
transports « clandestins » autour de Yaoundé. À cette date, 5 lignes partaient de la capitale vers Soa,
Oveng, Afeneyoa, Mbankomo et Okola.72
Si les premiers véhicules de transports dits clandestins sont apparu pour relier les
grandes villes aux périphéries, dans le cadre des liaisons interurbaines, des taxis clandestins
sont eux-aussi apparus par la suite, afin d’assurer le transport intra-urbain. En effet, dès la fin
des années 1980, début des années 1990, la crise économique avait considérablement diminué
le pouvoir d’achat des cadres parfois au point de ruiner complètement leur standing de vie.
Plusieurs propriétaires de véhicules de tourisme se livraient au ramassage clandestin de
passagers urbains au même titre que les taxis patentés.
Les taxis clandestins appelé « clando » ont fait leur apparition dans toutes les villes du
pays et plus particulièrement à Douala et à Yaoundé. Notre analyse est que ces villes
regroupaient le plus de personnes, propriétaires de véhicules et licenciés soit de la fonction
publique, soit d’entreprises en faillite. De plus, ces villes comptaient parmi celles qui
s’étendaient le plus rapidement. Dans un contexte de fermeture de la SOTUC, les liaisons entre
le centre-ville et les nouveaux quartiers ne pouvaient pas seulement être assurées par les taxis
classiques, incapables de combler toute la demande. Ces « clandos » apparaissaient comme une
aide à la mobilité pour les populations les plus démunies et les plus éloignées dans les villages
suburbains.
Lorsque nous faisons avancer notre analyse, nous constatons que plusieurs modalités
ont fait proliférer les transports clandestins jusqu’à nos jours.
La première est leur caractère improvisé, ce qui ne donne ni le temps, ni les moyens de
faire établir tous les papiers nécessaires à l’exploitation d’un véhicule de transport. En effet,
l’enquête que nous avons menée auprès d’une trentaine de véhicules de transports faisant la
ligne Marché Mokolo (Yaoundé) - Okola, nous avons constaté la forte implication des agents
de la fonction publique. Ils le font très souvent comme activité secondaire génératrice de
revenus. Si cela est improviser, débourser presque 200 000 FCFA nécessaire à la mise en
circulation légale, semble assez difficile.
72
Kengne Fodouop, 1985, « Les transports « clandestins » autour de Yaoundé », Cahiers d’outre-mer, n° 150,
1985, p. 175.
P a g e | 299
Ils y sont, soit comme chauffeurs, soit comme propriétaires. Ainsi, un enseignant de
maçonnerie au Lycée technique de Nkolbisson, nous faisait savoir qu’il n’a que cinq heures de
cours par semaine. Et ses cours, il s’en est assuré selon ses dires, n’interviennent que le mardi.
Le reste de la semaine, il sort le matin faire le « ramassage » entre Mokolo et Leboudi. Ce qui
lui permet de pourvoir aux petites dépenses du quotidien.73 Lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes
chauffeurs, ces fonctionnaires confient leurs véhicules à des connaissances pour exploitation.
Les revenus journaliers oscillent entre 8 et 10 000 FCFA. Le contrat de base stipule que le
propriétaire, en remettant les clés du véhicule, donne au chauffeur 10 000 FCFA pour le
carburant. Tous les soirs, au moment de remettre la recette journalière, le chauffeur doit y
adjoindre les frais de carburant constitutif du capital de l’entreprise. Comme salaire, le
chauffeur exploite à son compte le véhicule pour une journée dans la semaine, le dimanche
étant consacré à la vidange du moteur.
De prime abord, cela pourrait sembler juteux. En effet, ce pourrait l’être si la moralité
des chauffeurs n’était pas tout le temps décriée par les propriétaires. Pour M. Akoa, propriétaire
de véhicule, « il est très difficile d’avoir un chauffeur honnête. Très souvent c’est la recette qui
est incomplète, ou les pannes multiples dans le véhicule. Finalement, tout ce qu’on gagne
disparaît dans l’entretien de la voiture, et celle-ci ne cesse de s’abimer et devient hors d’usage
en moins d’un an ».74
Le tronçon Mokolo-Okolo souffre d’abord des multiples postes de contrôle : à l’entrée d’Okola, vous
avez la gendarmerie, à Ngoya, il y a un poste mixte gendarmerie-police, à Leboudi, c’est la prévention
routière, moins de deux kilomètres après, c’est encore la gendarmerie. Et les jours où vous êtes vraiment
malchanceux, à Nkolbisson vous avez la police, de même qu’au Carrefour Cité-Verte. Tout cela sur 30
km. Nous n’avons pas les papiers, et ils le savent. À chaque poste, il faut payer entre 1000 F et 2000 F. À
cela il faut ajouter les embouteillages et le mauvais état de la route. Nous les chauffeurs, on ne s’en sort
pas !75
Les exploitants de clandos, même s’ils reconnaissent leur illégalité, se plaignent des
abus des forces de maintien de l’ordre (FMO). Pourtant, le gouvernement n’est pas resté sans
rien faire pour tenter de limiter ces abus sur les routes. La circulation des biens et des personnes
par route est ainsi régie par la Loi N° 96/07 du 8 avril 1996 sur la protection du réseau routier,
73
Entretien avec Monsieur D., environ 40 ans, enseignant, tenu le 27/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
74
Entretien avec Monsieur Akoa, 45 ans, agent contractuel au MINFI, tenu le 28/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
75
Entretien avec Monsieur Ekani, 38 ans, chauffeur de « clando », tenu le 28/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
P a g e | 300
qui habilite les autorités administratives à ériger des barrières temporaires lorsque les
circonstances le commandent.76
Le décret n°79/341 du 3 septembre 1979 modifié par le décret n°86/818 du 30 juin 1986 portant
réglementation de la circulation routière (code de la route) au Cameroun subordonne la mise en circulation
des véhicules automobiles à la production des pièces suivantes :
- un certificat d’assurance;
Par ailleurs :
- une carte de stationnement, sont exigés pour les véhicules de transport public des personnes ou des
marchandises.
Les infractions liées au défaut de présentation ou à la péremption de l’une des pièces ci-dessus ne sauraient
donner lieu au retrait du permis de conduire ou de toute autre pièce afférente à la mise en circulation du
véhicule ou pièces officielles. Par contre, ces infractions entraînent la mise immédiate du véhicule en
fourrière.
Pour mieux protéger le droit de circuler librement, des mesures visant à la bonne
organisation des points de contrôle policiers ont été adoptées. Dans un communiqué du 25
juillet 2005, le délégué général à la sécurité nationale a prescrit certaines mesures à ses
collaborateurs sur l’organisation et le fonctionnement des points de contrôle policiers et leur
comportement sur les routes. Il a notamment ordonné que les points de contrôle diurnes fixes
soient levés de manière à fluidifier la circulation et à renforcer la liberté de circulation des
citoyens. De même, il a autorisé les seuls officiers de police judiciaire à imposer des
contraventions aux usagers des routes et au besoin, à procéder au retrait de leurs documents
Voir aussi l’ordonnance N° 3962-A-MTPT du 23 juillet 1991 régissant l’interception et la confiscation des
76
véhicules, qui précise les cas dans lesquels le personnel du Ministère des transports est autorisé à arrêter les
véhicules privés. Le texte est consultable en ligne, URL : https://www.camerlex.com/mise-en-fourriere-de-
vehicules-automobiles-868/, consulté le 30/01/2020 à 16h30.
P a g e | 301
officiels. Des instructions similaires ont été données à la gendarmerie nationale. L’inspection
générale a adopté des actions énergiques pour juguler les abus commis sur les routes.
Le secteur des transports clandestins est à ce jour un véritable nid de corruption. Rendue
illégal par la Loi n° 2001/015 du 23 juillet 2001 régissant les professions de transporteur routier
et auxiliaire des transports routiers, les amendes à l’activité de clando sont les suivantes :
Article 15 :
(1) Sans préjudice de la suspension ou du retrait de la licence ou de l'autorisation, selon le cas, est puni
d'un emprisonnement de trois (3) à six (6) mois, et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq
millions (5 000 000) de francs CFA ou de l'une de ces deux (2) peines seulement, celui qui est reconnu
coupable d'exercice illégal de la profession de transporteur roulier ou d'auxiliaire des transports routiers.
(2) En cas de récidive, les peines visées à l'alinéa (1) ci-dessus peuvent être doublées.
Ces clandos sont l’unique moyen pour les zones rurales d’être relier aux grandes
agglomérations. Il faut dire que le type de véhicules qui s’y risquent n’est jamais en bon état.
Ces zones rurales sont bien souvent dotées de routes en terre. Nous l’avons vu plus haut, ces
routes non classées constituent plus de 70% du réseau routier camerounais. Il est donc
impossible d’avoir sur ces tronçons, des véhicules capables de passer la visite technique avec
succès. L’offre étant moindre et de mauvaise qualité, la surcharge s’impose alors à la fois
comme aide aux clients, et aussi comme moyen de pallier au manque à gagner que cause l’état
des routes (multiples pannes de véhicules) et les contrôles des FMO sur le trajet.
Pour véritablement mettre fin aux clandos, l’État doit, entre autres mesures, revaloriser
les salaires des fonctionnaires, afin que ceux-ci n’aient plus besoin d’activités secondaires ;
améliorer l’état des routes et en construire d’avantages ; créer de nouveaux moyens de
transports (bus à grande capacité, métro, tramway, développement des transports ferroviaires
dans les zones rurales…). La situation économique actuelle du Cameroun ne permet pas
d’envisager ces évolutions. Le clando a donc encore de beaux jours devant lui. Il est par
conséquent nécessaire d’alléger les charges obligatoires pour l’exploitation à titre onéreux des
véhicules.
P a g e | 302
Les intervenants institutionnels désignent les différents ministères qui sont impliquées
dans la gestion, le fonctionnement, la mise en place et l’entretien des transports au Cameroun.
Nous prenons aussi le soin de préciser quel est leur domaine d’intervention. Pour ce qui est des
années entre 1995 et 2000, nous nous appuyons principalement sur le Décret N° 97/205 du 07
décembre 1997 portant organisation du Gouvernement, modifié et complété par le décret n°
98/067 du 28 avril 1998. Notre objectif n’est pas de revenir sur le rôle du président de la
République qui, logiquement, est élu sur la base d’un programme et donc, d’une politique. Il
est celui qui choisit les hommes les mieux à même de l’accompagner dans l’implémentation de
cette politique, au premier rang desquels, le Premier ministre.
1. Le Premier ministre
Pour mieux comprendre son rôle, il est intéressant de se référer à l’article 1 er du décret
n °92/089 du 04 mai 1992, portant attributions du Premier ministre, modifié et complété par le
décret n° 95/145-Bis du 4 août 1995. Il stipule que :
Le premier ministre intervient donc dans la vie de tous les ministères en général, et dans
le sous-secteur des transports en particulier. C’est en cette qualité qu’il apparait à nos yeux
comme le premier maillon institutionnel dans la chaîne des transports au Cameroun, après le
président de la République et avant le ministre en charge des transports.
Rappelons que de 1957 à 1998, le ministère en charge des transports a tour à tour été :
Revenons à l’année 1988, à l’aune des PAS. C’est par le décret n° 88/772 du 16 mai
1988, que le président de la République organise le gouvernement. Le Chapitre II sur la
structure du gouvernement, établi en article 5, tiret 19, que les attributions du ministre des
travaux publics et des transports sont :
- D’émettre des avis techniques, en tant que de besoin, à la demande du ministère chargé
des marchés publics ou des administrations concernées ;
- De recruter, par voie d’appel d’offres, les observateurs indépendants, de veiller à la
bonne exécution de leur mission d’observation et d’exploiter leurs rapports ;
- De contribuer à la formation des acteurs du système de passation des marchés publics à
la demande des administrations concernées ;
- De diffuser l’information relative aux marchés publics auprès de tous les acteurs
concernés ;
- De procéder à la publication dans le journal des marchés publics, des avis d’appel
d’offres, des montants, délais et attributaires ;
- De transmettre aux autorités compétentes les cas de violation constatées des dispositions
réglementaires sur les marchés publics.
77
Décret n° 2001/048 DU 23 février 2001 portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence de
Régulation des Marchés Publics, article 3, alinéa 1.
P a g e | 306
Le Conseil National des Transports Routiers a été créé par le décret n°99-708-PM du 2
aout 1999. Ce décret est la concrétisation d’un organisme institué par la loi n° 90/030 du 10
août 1990 fixant les conditions de l’exercice de la profession de transporteur routier. Le CNTR
est un organe consultatif placé sous l’autorité du Ministre chargé des transports. Il est chargé
de donner son avis sur toutes les questions intéressant l’organisation, le fonctionnement et la
réglementation des transports routiers, ainsi que l’harmonisation des intérêts des transporteurs
routiers avec ceux des professionnels des autres modes de transport public. À ce titre, il fait des
propositions relatives :
Le Comité National de Sécurité Routière est régi par le Décret n° 99/724/PM du 25 août
1999 portant création du Comité national de Sécurité routière, modifié et complété par le décret
n°2004/0606/PM du 17 mars 2004. Placé sous l’autorité du Ministre chargé des transports, le
CNSR étudie et propose au ministre en charge des transports, toutes mesures susceptibles
d’optimiser les actions de prévention et de sécurité routières. À ce titre, il est notamment
chargé :
Le Fonds routier du Cameroun a été créé par la Loi n° 96/07 du 08 avril 1996 portant
protection du patrimoine national. Il est régi par le Décret n° 2005/239 du 24 juin 2005 portant
organisation et fixant les modalités de fonctionnement du Fonds Routier du Cameroun, modifié
et complété par le décret n°2012/173 du 29 mars 2012.
Il s’agit d’un établissement public administratif (EPA), placé sous la tutelle financière
du ministre chargé des finances et sous la tutelle technique du ministre chargé des routes. Ce
Fonds assure le financement, d’une part, des programmes de protection du patrimoine routier
national, ceux de prévention et de sécurité routières, d’entretien du réseau routier et, d’autre
part, des opérations de réhabilitation et d’aménagement des routes. Sa mission s’exerce par le
biais de deux guichets distincts et indépendants à savoir, le guichet « Entretien » et le guichet
« Investissement ».
5. Le péage routier
Toutes les dispositions relatives au péage routier sont définies par Décret n° 98/013 du
28 janvier 1998 fixant les modalités du péage sur certains axes bitumés du réseau routier
national. Le péage routier a pour principal objectif la collecte des fonds destinés principalement
P a g e | 308
6. Le pesage routier
En son article 11, la Loi n° 96/07 du 8 avril 1996 portant protection du patrimoine routier
national, modifiée et complétée par les Lois n° 98-011 du 14 juillet 1998 et n° 2004/021 du 22
juillet 2004, définit le pesage routier comme « une opération technique destinée à contrôler la
conformité des normes relatives aux poids total autorisé en charge et à la charge à l’essieu, pour
tout véhicule dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes. » Son but est donc, en
premier, de contribuer à la protection du patrimoine routier. C’est à la suite de cette loi que le
Décret n° 99/37/CAB/PM du 20 janvier 1999 fixe les modalités de fonctionnement des stations
de pesage routier.
Conclusion
La politique des transports au Cameroun entre 1995 et 2000 a été marquée par les
privatisations des entreprises des transports, et aussi de la libéralisation des différents secteurs
des transports. Il était question pour l’État de se désengager des différentes entreprises sous sa
tutelle. Entre 1982 et 1994, ces entreprises ont été de véritables gouffres à argent du fait de la
mauvaise gouvernance. Les gouvernants, durant les années de crise, avaient préféré donner la
78
Décret n°2012/173 du 29 mars 2012, modifiant et complétant le Décret n° 2005/239 du 24 juin 2005 portant
organisation et fixant les modalités de fonctionnement du Fonds Routier du Cameroun, article 25 alinéa 1.
P a g e | 309
En effet, cette situation, en particulier dans les zones rurales, avait considérablement
réduit les échanges et le commerce entre les villages et entre les zones rurales et provinciales.
Au niveau des villages, l’accès aux transports et aux infrastructures de marché pour le
commerce et les produits agricoles était une préoccupation majeure. De nombreux problèmes
de pauvreté, manque d’accès à la santé, à l’éducation et aux marchés, étaient aggravés par les
infrastructures limitées ou inexistantes (routes et ponts) qui coupaient de nombreux villages et
en rendent certains inaccessibles jusqu’à quatre mois durant la saison des pluies. Un mauvais
transport et des routes en mauvais état ou leur absence, sont un facteur clé de la pauvreté.
A respondent who sells foodstuffs in Maroua pointed out that 20 kg of plantains selling in Yaounde for
500 francs would cost 4,000 francs in Maroua, due principally to transportation costs. Traders in food
crops mentioned that even where the road is "good", "travel on those roads is a real nightmare" because
of the numerous road blocks, police harassment and customs check points. The absence of efficient
communication facilities in their regions in general means that the poor have to pay proportionally
higher rates for travel; and because of bad roads, transport rates are higher in rural areas. 80
Durant les PAS, les transports avaient été les parents pauvres des politiques
économiques. Avec la reprise économique dès les premières années 2000, une politique de
reprise des travaux dans le secteur des transports, grâce à l’IPPTE.
79
The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report no P-6559-CM) on a
proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport sector
technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 12.
80
The World Bank, Cameroon Diversity, Growth, and Poverty Reduction, Report No 13167-CM, April 4, 1995b,
p. 40.
P a g e | 310
PARTIE III
LES OUTILS DE LA GESTION ÉCONOMIQUE
ET ADMINISTRATIVE FACE AUX DÉFIS
SÉCURITAIRES ET SOCIAUX DES
TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET
2017
P a g e | 311
CHAPITRE VII :
LES OUTILS DE GESTION ÉCONOMIQUE ET
LES TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000
ET 2017
P a g e | 312
L’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) s’inscrivit dans le cadre
de la conversion de la dette, après que plusieurs initiatives1 furent sans grand succès. En raison
de l’impact limité de ces stratégies sur le niveau d’endettement des pays à faibles revenus ou à
revenus intermédiaires et lourdement endettés, le FMI et la Banque mondiale ont conjointement
proposé en septembre 1996 à Lyon, l’IPPTE, afin de s’assurer qu’aucun pays ne fût confronté
à une charge d’endettement qu’il ne pût gérer2. Ainsi, la communauté financière internationale,
y compris les institutions multilatérales et les autorités nationales, œuvrèrent pour ramener à un
niveau soutenable la charge de l’endettement extérieur des pays pauvres les plus lourdement
endettés.3 Ce fut en octobre 2000 que le Cameroun accéda au point de décision de l’IPPTE.
Cette initiative permit d’impulser une nouvelle dynamique dans les politiques publiques au
Cameroun, à travers les nouveaux outils de gestion économique qu’elle contribua à mettre en
place.
Ce chapitre a pour objectif de passer en revue ces outils de gestion économique, à partir
de l’IPPTE. Il s’agit notamment du Document de stratégie de réduction de la pauvreté au
Cameroun (DSRP) dès 2003, du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE)
dès 2009, et le Plan triennal d’urgence (2015-2017). Le chapitre s’achève par une évaluation
des forces et faiblesses de ces différentes politiques dans le domaine des transports.
1
Pour toutes les initiatives en faveur du désendettement, lire entre autres :
R. Vivien, « L’annulation de la dette du Tiers Monde », Courrier hebdomadaire du CRISP 2010/1 (n° 2046-
2047), p. 5-75 ; et S. Fambon, « Endettement du Cameroun. Problèmes et Solutions », Discussion Paper N o.
2002/49, UN University WIDER, mai 2002. En ligne, URL :
http://bibliotheque.pssfp.net/livres/ENDETETEMENT_DU_CAMEROUN_UN_UNIVERSITY.pdf, consulté le
07/08/2018 à 01h21.
2
En ligne, URL : https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm, consulté le 07/08/2018 à 01h32.
3
L’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE, ou en anglais HIPC – Heavily Indebted Poor Countries) avait
pour objectif :
« D’obliger les pays à faire face à “toutes leurs obligations présentes et futures en matière de service de la dette
extérieure, sans rééchelonnement de la dette ou accumulation d’arriérés et sans affaiblir la croissance” en ramenant
le niveau de leur dette publique externe à un niveau soutenable. Mais en raison du caractère encore trop limité de
ces nouveaux allègements de dette, l’initiative initiale a été renforcée en 1999, lors du sommet du G7 de Cologne.
La part d’effacement de la dette non APD pré-date butoir a été portée à 90 % pour les pays les plus pauvres et les
plus endettés (PPTE), sélectionnés par le FMI et la Banque mondiale. Pour la première fois, le FMI et la Banque
mondiale ont dû participer activement à cette initiative en allégeant une partie des dettes multilatérales des PPTE. »
(R. Vivien, « L’annulation de la dette du Tiers Monde », Courrier hebdomadaire du CRISP 2010/1 (n° 2046-
2047), pp. 31-32.)
P a g e | 313
Le ratio dette sur le PIB apprécie la dette extérieure par rapport au poids économique
du pays. Il fournit une idée du degré d’hypothèque que représente la dette extérieure sur la
richesse nationale. Le FMI considère qu’un pays est peu endetté lorsque ce ratio est inférieur à
P a g e | 314
30%. Au-delà de 50%, le pays est considéré comme fortement endetté. Ce ratio a fortement
augmenté depuis 1986, indiquant que le Cameroun est surendetté à partir de 1989.
Le ratio du service de la dette sur les exportations des biens et services prend en compte
non pas l’endettement lui-même mais sa charge. Il permet d’apprécier la capacité du pays à
honorer ses engagements extérieurs. Le seuil de 20% traduit une situation dangereuse. Ce ratio
a considérablement augmenté pour le Cameroun sur la période 1986-1998 et a connu par la
suite des seuils tolérables à partir de 1991, passant de 16,4% en 1992 à 21,2% en 1993, 17% en
1994, 15,3% en 1995 et 13,5% en 1996.
Le ratio de la dette globale sur les exportations des biens et services compare
l’endettement en devises avec le flux annuel de devises que procurent les exportations. On
considère généralement que lorsque ce ratio est inférieur à 165%, le pays n’a pas un niveau
d’endettement inquiétant. Ce ratio pour le Cameroun s’est considérablement envolé à partir de
1987. De 143,4% en 1986, il a atteint un pourcentage de 218,7 un an après et n’a cessé
d’augmenter. En 1996, il était évalué à 389,2%.
Le choc pétrolier qui s’est traduit par l’augmentation des prix du pétrole, a eu des
incidences néfastes sur le fonctionnement des pays en développement. Le recours à
l’endettement s’est alors imposé dans l’objectif d’accroître leurs débouchés et de redresser leurs
balances commerciales touchées par l’augmentation du prix du pétrole. C’est ainsi que les pays
industrialisés et les exportateurs ont multiplié les prêts aux pays en développement.
4
Le club de Londres est un groupe informel de créanciers privés (banques commerciales, fonds d'investissement)
qui s'occupe de dettes publiques. Bien qu'inspiré du club de Paris, il préfère rééchelonner les dettes. Sa première
rencontre eut lieu en 1976 à Londres, pour tenter de résoudre les problèmes de paiements du Zaïre. Le club de
Londres n'a aucun statut officiel, il regroupe un ensemble de "comités ad hoc", réunissant les principales banques
créditrices. Les rencontres se font à l'initiative du débiteur, lesquelles se font dans différents centres de finance
internationale. Le club n'existe que pendant les négociations. Une fois une entente signée, il se dissout.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Londres, consulté le 03/02/2020 à 03h27.
5
Le club de Paris est un groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées
et durables aux difficultés de paiement de pays endettés. Les créanciers du club de Paris leur accordent un
allègement de dette pour les aider à rétablir leur situation financière. Cet allègement de dette peut être obtenu par
un rééchelonnement ou, en cas de traitements concessionnels, une réduction des obligations du service de dettes
pendant une période définie (traitements de flux) ou une date fixée (traitements de stock). Ce forum a été créé
progressivement à partir de 1956, date de la première négociation entre l’Argentine et ses créanciers publics à
Paris. Il traite les dettes publiques, c’est-à-dire celles des gouvernements et celles du secteur privé garanties par le
secteur public. Les vingt-deux pays membres permanents du club de Paris sont : l’Allemagne, l’Australie,
l’Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Corée du Sud, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Fédération
de Russie, la Finlande, la France, l’Irlande, Israël, l’Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la
Suède et la Suisse.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Paris, consulté le 03/02/2020 à 03h31.
P a g e | 317
Pour toutes ces raisons, l’endettement extérieur du Cameroun constitue pour lui un lourd
fardeau et donc un frein pour son développement. C’est pour remédier à cette situation que le
Cameroun a été admis à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.
Le point de décision
Cette première étape de l’Initiative PPTE a été franchie par le Cameroun en octobre
2000, après avoir respecté un certain nombre de mesures conditionnelles. Ces mesures sont les
suivantes :
Il s’agit pour ce dernier point de la mise en place d’un système d’exécution budgétaire,
comptable et de trésorerie respectant la réglementation et les procédures nationales dans la
perspective de la simplification et de la transparence en vue de faciliter le suivi de l’exécution
des dépenses, notamment par la production des documents périodiques spécifiques. Toutes ces
mesures ont permis au Cameroun d’atteindre le point de décision de l’Initiative PPTE en
octobre 2000.
Le point d’achèvement
L’atteinte de cette seconde étape de l’IPPTE passe par la mise en œuvre d’un ensemble
de mesures encore appelées « déclencheurs » du point d’achèvement. Ces mesures sont relatives
au DSRP, aux réformes structurelles et macroéconomiques, à la gouvernance et la lutte contre
la corruption, aux secteurs sociaux.
Au niveau du DSRP, il est attendu que le DSRP final soit adopté, mis en œuvre de
manière satisfaisante et que la revue du premier rapport annuel soit acceptable.
comptes, la création du Conseil constitutionnel, l’Audit des marchés publics, le suivi de la mise
en œuvre des mesures de réformes pour la santé et l’éducation, la publication des résultats de
l’exercice de suivi de l’exécution du budget et la publication des résultats de l’enquête auprès
des usagers.
Dans l’optique d’améliorer leur contribution aux efforts de lutte contre la pauvreté
déployés sur plan international, le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale ont
adoptèrent, fin 1999, une nouvelle stratégie d’aide aux pays à faible revenu. Celle-ci s’articulait
pour l’essentiel en deux volets :
- les deux institutions devaient fonder les prêts concessionnels et les allègements de dettes
accordés aux pays à faible revenu sur des Documents de stratégie pour la réduction de
la pauvreté (DSRP) préparés par les pays eux-mêmes ;
- les prêts concessionnels du FMI devaient être apportés dans le cadre d’un mécanisme
de prêt révisé, la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC)6,
axé davantage sur la lutte contre la pauvreté.
Sur les 77 pays admis à bénéficier de la FRPC, 28 dont le Cameroun, élaborèrent des
DSRP intérimaires et 23 autres des DSRP définitifs. Ces derniers sont presque tous engagés
dans des programmes appuyés par la FRPC.
6
Du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000, le programme économique et financier du Cameroun s’appuyait sur le FASR.
Ce programme visait à consolider l’assainissement de la situation des finances publiques et à mettre en place les
conditions d’une croissance économique soutenue et d’un redressement tangible du niveau de vie des populations.
La conclusion et la bonne exécution de cet accord ont graduellement restauré la crédibilité du Cameroun au sein
de la communauté financière internationale. Le Gouvernement a engagé, le 1 er octobre 2000, l’exécution d’un
deuxième programme économique et financier triennal appuyé par le FMI au titre de la Facilité pour la Réduction
de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Ce second programme était, davantage que le précédent, conçu autour de
l’objectif de réduction de la pauvreté, et est entré en vigueur en avril 2003. (République du Cameroun, Document
de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, p. xi)
P a g e | 320
Suite au constat d’échec des différents programmes d’ajustement structurel entrepris par
le Cameroun avec l’aide du FMI et de la BM, les stratégies économiques furent changées. Ainsi,
en août 1997, après avoir exécuté de manière satisfaisante un programme de référence suivi par
les services du FMI durant tout l’exercice 1996/97, que le Gouvernement put, pour la toute
première fois, conclure avec cette institution, un accord au titre de la Facilité d’Ajustement
Structurel Renforcée (FASR).7 Le FMI accorda ainsi son appui au programme économique et
financier à moyen terme que les autorités camerounaises mirent en place pour couvrir la période
allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000.
7
La crise de l’endettement des années 1980 a d’abord touché les pays émergeants, ensuite les pays pauvres. Face
à cette crise qui sévit, la Banque Mondiale et le FMI adoptent une politique spécial. Jusqu’en 1986, le FMI fournit
un soutien aux pays les plus pauvres au travers de ses instruments traditionnels (accords de confirmation et facilités
élargies). Le recours aux accords de confirmation, dont la durée est de un an, est critiqué pour leur courte durée et
pour leurs conditions vues comme inadaptées aux pays endettés les plus pauvres. En réponse à ces critiques, le
FMI introduit une nouvelle facilité de crédit pour les pays les plus pauvres en mars 1986, appelée Facilité
d’Ajustement Structurel (FAS), afin de soutenir des programmes d’une durée de trois ans. Ce sont les pays éligibles
aux crédits de l’Agence Internationale de Développement (IDA, une filiale de la Banque mondiale) qui peuvent y
prétendre. Ces crédits sont remboursables sur dix ans et leur taux d’intérêt n’est que de 0,5%. Au milieu de 1987,
Le FMI introduit les FAS Renforcées (FASR), pour des montants cinq fois supérieurs à ceux des FAS, avec des
financements budgétaires de la France, du Japon et d’autres pays industrialisés (Rakotomalala J. B., « Le FMI et
la crise financière…», p. 72). Lire aussi à ce sujet : Lenain P., Le FMI, La Découverte, 2004.
Ainsi, au moment où le Cameroun entre dans le cycle des PAS, ce sont les FASR qui sont déjà appliquées.
8
République du Cameroun, Document de stratégie de réduction de la pauvreté, 2003, p. ix.
9
Ibid, p. I.
P a g e | 321
des pays pauvres très endettés. C’est grâce à la bonne exécution du premier programme
économique et financier triennal 1997-2000 que le pays a atteint cette étape de son évolution
vers le point d’achèvement de l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), et dont le
franchissement facilitera la mobilisation des ressources additionnelles indispensables pour
lutter efficacement contre la pauvreté endémique qui sévit actuellement au Cameroun et pour
contrer ses effets multiplicateurs négatifs sur la qualité de vie des populations.
L’année qui vient de s’écouler a également été une bonne année pour notre économie : notre taux de
croissance s’est maintenu à un niveau élevé, l’inflation est restée maîtrisée, l’investissement a repris, nos
avoirs extérieurs se sont améliorés ainsi que notre balance commerciale, bref, les perspectives sont
encourageantes.
De la même manière, notre programme à moyen terme s’est achevé dans des conditions satisfaisantes,
ce qui nous a permis de nous qualifier au bénéfice de l’annulation de la dette prévue par l’initiative
PPTE.10
L’élaboration du DSRP obéit à la mise en place des réformes ayant comme objectif
principal la réduction sensible de la pauvreté au moyen :
10
Paul Biya, Message des vœux de Nouvel An à la Nation, le 31 décembre 2000.
P a g e | 322
Les infrastructures de transport connurent à la fin des années 1980 et début 1990, une
forte détérioration marquée par l’arrêt de l’entretien routier, celui de la construction de
nouvelles routes, celui du dragage du chenal d’accès au port de Douala, la vétusté de la voie
ferrée entre autres. L’amélioration générale de l’état de ces infrastructures fit l’objet d’une forte
préoccupation de la part des populations lors des consultations participatives.
Le DSRP reprit donc l’essentiel des projets contenus dans le PST de 1996.
Plusieurs projets marquaient le PST sous le DSRP. En 2003, l’État s’était déjà
désengagé des chemins de fer en privatisant la REGIFERCAM. Les projets concernaient donc
principalement les transports dans les zones non urbaines. Ces dernières se caractérisaient par
un réseau routier rural et les transports fluviaux et lacustres.
11
DSCE, p. 37.
P a g e | 323
infrastructures routières, une stratégie sectorielle des transports et des travaux publics qui
permit de définir un réseau routier prioritaire sur lequel fut concentré l’essentiel des moyens
disponibles ; de recentrer les missions de l’État sur des tâches de planification, de
programmation et de contrôle ; de privatiser les travaux d’entretien routier qui sont désormais
confiés aux PME ; et rendre efficace les financements affectés à l’entretien et au développement
du réseau routier.
Quant au réseau de la zone CEMAC, il s’agissait d’un programme de routes qui devaient
relier le Cameroun aux pays voisins de la CEMAC, notamment la Guinée Équatoriale, Gabon,
le Tchad, la RCA et le Congo. Les principaux axes concernés sont : Ambam–Kyé-Ossi ;
Ambam–Eking ; Ngaoundéré–Touboro–Moundou (Tchad) ; Garoua–Demsa–Frontière
Nigeria ; Mora–Limani–Banki (Nigeria) ; Sangmélima–Djoum–Frontière Congo ; Kousséri–
Ndjamena (Tchad).
En l’an 2000, le gouvernement camerounais a adopté ce qu’on appelle aujourd’hui la Nouvelle Stratégie
d’Entretien et de Réhabilitation des Routes (NSERR). Celle-ci prévoit le transfert du patrimoine des
routes rurales aux Communes avec la participation des populations bénéficiaires à toutes les étapes de la
prise de décision, du financement et de l’entretien courant post-réhabilitation, ainsi qu’à leur protection
notamment par la gestion des barrières de pluies. Pour être plus efficace dans ce processus, la loi 2004/018
du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes a davantage renforcé la responsabilité des
communes dans leur devoir d’entretien des routes rurales. 12
12
J. F. Channon, « Routes rurales camerounaises: La synergie de décentralisation en marche, Quotidien Le
Messager, 28/11/2005, en ligne, URL : http://www.cameroon-info.net/article/routes-rurales-camerounaises-la-
synergie-de-decentralisation-en-marche-95175.html, consulté le 18/02/2021 à 06h24.
13
MINTP, Plan Directeur Routier du Cameroun, 2006, p. 3.
P a g e | 325
2) une projection de ressources financières à affecter aux routes pour les 20 ans à
venir, selon trois scénarii de développement et,
3) la préparation, en fonction des prévisions de la demande de transport et des
ressources financières, d’un Programme d’intervention sur 20 ans (2006-2025)
sur le réseau routier, pour chaque scénario.14
Le PDR avait permis de mettre sur pied de nouvelles bases de classification des routes
au Cameroun, ce qui permettait de modifier la classification datant de 197915.
14
Ibid.
15
Voir une partie du catalogue actuel des routes classées au Cameroun en Annexes de cette thèse. Le catalogue
complet est téléchargeable en ligne, URL :
http://www.fondsroutiercameroun.org/sites/default/files/fichiersarticles/catalogue_des_routes_du_cameroun.pdf,
consulté le 7 juillet 2019 à 05h42.
P a g e | 326
Pour ce qui est des transports fluviaux et lacustres, ils s’étaient développés dans les
régions où les fleuves et les lacs sont navigables. Le Cameroun possède de nombreux fleuves
et lacs où il est possible de promouvoir le transport fluvial et lacustre. Quelques rivières ou
parties de rivières sont navigables au Cameroun, de façon permanente ou selon la saison. On
trouve notamment les ports fluviaux suivants :
Ils constituent ainsi le moyen de communication le plus important pour la mobilité des
personnes de ces régions et le seul recours permettant d’assurer la mobilité de leurs biens. Mais
ce mode de transport est encore pénalisé par les mauvaises conditions d’accostage, de
chargement et déchargement, du manque de quais aménagés, qui provoquent souvent une
détérioration et une perte importante des marchandises.
mettait en œuvre aucun programme formel visant essentiellement la lutte contre la pauvreté.
C’est dire qu’en matière de croissance économique, les objectifs recherchés, à partir d’avril
2003, date de l’entrée en vigueur du programme FRPC, n’ont pas été atteints. Les estimations
récentes pour l’exercice 2008, affichant un taux de croissance de 3,1% maintiennent le profil
de croissance en dessous de celui projeté dans le DSRP.16
Il faut même surtout regretter le fait les projets en matière d’infrastructures des
transports soient demeurés sur papier. En effet, les ambitions en matière de routes rurales sont
restées lettres mortes. Ce n’est que le 26 février 2010, trois ans après la fin du DSRP, que le
décret n° 2010/0240/PM du premier ministre, vient fixer les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’État aux Communes en matière de création et d’entretien des
routes rurales non classées, ainsi que de la construction et de la gestion des bacs de
franchissement.
Le recours à des techniques à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour réduire les
coûts et promouvoir l’emploi, ainsi que la formation des populations à l’entretien des routes
n’ont pas été suivis d’effectivité. Tout aussi bien que les grands projets de routes
transnationales, l’aménagement des transports fluviaux et lacustres. Au final, le DSRP sur le
plan des transports n’a été qu’une longue liste de projets jamais suivis d’effets
16
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 29.
17
En février 2008, le Cameroun était au rang des pays qui ont été secoués par ce qui fut appelé par la presse, « les
émeutes de la faim ». Du 25 au 28 février 2008, nombre de jeunes Camerounais dans les villes de Yaoundé et
Douala, ont pris le risque de sortir dans la rue pour manifester leur mal-être : la vie chère principale, la contestation
de la modification de la constitution par le président de la République et le chômage des jeunes constituaient alors
les principales causes de cette révolte populaire.
P a g e | 328
nous intéressons aux objectifs et à la place des transports dans cette stratégie nouvelle de
développement.
Dans le contexte du Cameroun, la vision du développement à long terme représente ce que les
camerounais et leurs dirigeants souhaitent pour eux et les prochaines générations, à l’horizon de 25-30
ans. Il s’est agi de circonscrire dans un cadre stratégique, logique et cohérent, les aspirations profondes
des camerounais et les ambitions des dirigeants ; il a été également question de construire un consensus
autour d’un minimum de valeurs partagées et d’objectifs communs acceptés. L’horizon de 25-30 ans qui
a été choisi correspond au temps de doublement de la population du Cameroun. Au-delà de l’aspect
démographique, le choix de l’horizon a également été guidé par le souci de considérer une période
suffisante pour les changements structurels.19
Le DSCE devait donc couvrir les dix premières années de la vision à long terme (2010-
2020). Il était centré sur l’accélération de la croissance, la création d’emplois formels et la
réduction de la pauvreté. Il avait donc pour objectifs20 :
18
Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, « Cameroun, Vision 2035 »,
Document de travail, 2009, p. 1.
19
Ibid.
20
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 14.
P a g e | 329
21
Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, « Cameroun, Vision 2035 »,
2009, p. 38.
22
Ibid.
23
Ibid.
24
Ibid
P a g e | 330
Dans le sous-secteur routier, qui monopolise plus de 85% du transport national, les
principales réformes conduites depuis la mise en œuvre du programme sectoriel des transports
(PST) en 1996 ont conduit à des mesures importantes parmi lesquelles : la privatisation des
travaux et du contrôle des travaux routiers ; la mise en place d’un Fonds Routier pour le
financement et le paiement à bonne date des prestations ; la concentration des moyens
disponibles sur un réseau prioritaire, etc.
Les ports en eaux profondes de Kribi et Limbé seront ainsi construits tandis que le port
de Douala sera modernisé et verra sa capacité d’accueil renforcée. La stratégie de
développement des infrastructures de transport sera articulée autour de :
25
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 46.
P a g e | 331
Pour ce qui est de l’entretien routier, les opérations d’entretien routier devaient
concerner à la fois le réseau classé prioritaire, le réseau non prioritaire, de même que le réseau
des routes rurales. Elles devaient permettre d’améliorer nettement le niveau de service du réseau
routier, en s’assurant que 100% du réseau classé prioritaire était en bon état, ainsi qu’une
proportion importante (30%) du reste du réseau routier.27
26
Ibid, p. 57.
27
Ibid.
28
Ibid.
P a g e | 332
Étaient aussi prévu dans le DSCE : Le second pont sur le Wouri ; un programme de
bitumage des corridors, du réseau CEMAC, de la transafricaine, du réseau structurant, avec une
attention particulière pour le désenclavement des villes secondaires de l’aire métropolitaine de
Douala et de Yaoundé ; un programme autoroutier sur la boucle Yaoundé-Douala-Bafoussam-
Yaoundé, sur le tronçon Yaoundé-Nsimalen et sur la route Douala-Limbe. Ainsi, l’État
s’engageait à bitumer en moyenne 350 km de routes par an.
29
C’est en 2016 que cet inventaire a été effectué. Il est téléchargeable en ligne dans le site de l’Institut national de
la statistique, URL : http://slmp-550-104.slc.westdc.net/~stat54/nada/index.php/catalog/101/study-description,
consulté le 26/01/2020 à 22h30.
P a g e | 333
Dans son discours inaugural, le ministre dressait un bilan peu élogieux des années
DSCE : « le tout premier indicateur portait sur une croissance économique soutenue pendant
les 10 ans. Le souhait était d’atteindre une croissance moyenne de 5,5% sur la période de
planification. À ce jour [janvier 2019], nous n’avons pas atteint de manière totalement
satisfaisante ce taux de croissance. Le taux de croissance moyen de nos jours est de 4,5% ».30
Le DSCE n’est finalement demeuré qu’au stade de la phase 1, qui allait de 2010 à 2019.
Au cours de cette période, le Cameroun était censé voir sa croissance s’accélérer. Ce qui n’a
pas été le cas. De 2020 à 2027, le pays doit accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de
la tranche supérieur32. Ceci en mettant l’accent sur ses atouts immédiats : l’agriculture et
l’extraction minière, tout en veillant à une répartition moins inégalitaire des revenus. La phase
3 (2028-2035) est celle au cours de laquelle le Cameroun doit devenir un pays industrialisé.
Dans les infrastructures, le DSCE a été plombé en grande partie par le coût des travaux
publics au Cameroun. En 2003, l’on estimait le prix moyen du kilomètre de route bitumée au
Cameroun à environ 205 millions de francs CFA. Pourtant, ce même prix culminait à 100
30
S. Andzongo, « Le DSCE, document de référence du Cameroun pour l'émergence en 2035, sera remplacé le 1er
janvier 2020 », Investir au Cameroun, 2019, en ligne, URL :
https://www.investiraucameroun.com/index.php/gouvernance/2401-12042-le-dsce-document-de-reference-du-
cameroun-pour-lemergence-en-2035-sera-remplace-le-1er-janvier-2020, consulté le 26/01/2020 à 23h24.
31
Ibid.
32
En 2019, la Banque mondiale a actualisé ses seuils, comme elle le fait chaque année au début de son exercice
budgétaire (qui commence en juillet). Ces seuils restent inchangés pendant les 12 mois suivants, indépendamment
des éventuelles révisions ultérieures des estimations du RNB par habitant. Les seuils de revenu ont été relevés par
rapport à l'année 2018, en raison de l’accroissement de la valeur du DTS. Au 1er juillet 2019, les seuils de revenu
sur lesquels repose la classification des économies sont les suivants :
Seuil Juillet 2019/$ Juillet 2018/$
Pays à Revenu intermédiaire
1 026 - 3 995 996 - 3 895
de la tranche inférieure
Pays à Revenu intermédiaire
3 996 - 12 375 3 896 - 12 055
de la tranche supérieure
Pays à Revenu élevé > 12 375 > 12 055
Le Cameroun est aujourd’hui classé comme pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure. Sont dans ce groupe,
17 autres pays : Cap-Vert, République du Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Égypte, Ghana, Inde, Lesotho,
Mauritanie, Maroc, Nigeria, São Tomé-et-Principe, Sénégal, Soudan du Sud, Soudan, Swaziland, Zambie.
Sources : https://competitivite.ferdi.fr/pays/comparaison/cameroun-cmr/revenu-intermediaire-tranche-inferieure
http://blogs.worldbank.org/fr/opendata/nouvelle-classification-des-pays-en-fonction-de-leur-revenu-
actualisation-2019-2020, consultés le 29/01/2020 à 21h28.
P a g e | 334
millions de francs CFA en moyenne en Afrique, soit la moitié du prix pratiqué au Cameroun.33
Afin d’infléchir cette courbe, le gouvernement camerounais avait décidé de la construction de
4 centrales de concassage pour un montant global de 10 milliards de francs CFA. En effet, au
Cameroun les granulats représenteraient 25% du coût de construction d’une route.
C’est finalement en 2014, soit 11 ans après ce constat et le lancement des appels d’offre,
que les quatre marchés pour la fourniture, l’installation et la mise en service de centrales de
concassage dans les régions camerounaises du Centre, de l’Ouest, de l’Extrême-Nord et du Sud,
avaient été attribués aux entreprises Sermi Sarl, Socatraco Sarl et Sarem SA34.
33
https://www.investiraucameroun.com/btp/1709-4597-le-cout-du-km-de-route-bitumee-au-cameroun-est-le-
double-du-prix-moyen-en-afrique, consulté le 26/01/2020 à 03h26.
34
https://www.investiraucameroun.com/index.php/mines/2104-5248-cameroun-4-entreprises-se-partagent-10-
milliards-de-fcfa-pour-l-installation-de-centrales-de-concassage, consulté le 26/01/2020 à 04h50.
35
https://www.journalducameroun.com/projets-routiers-le-ministere-des-travaux-publics-reconnait-quils-
coutent-plus-chers-au-cameroun/, consulté le 26/01/2020 à 22h32.
36
MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au Cameroun, Édition
2015, 2015, p. 36 (Tableau 12) et p. 39 (Tableau 13).
P a g e | 335
Source : MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au
Cameroun, Édition 2015, 2015, p. 36.
Source : MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au
Cameroun, Édition 2015, 2015, p. 39.
P a g e | 336
Au-delà de ces coûts exorbitants tant en construction qu’en entretien, il faut aussi
déplorer le manque de symbiose entre aménagement du territoire et transports. En effet,
plusieurs ouvrages des transports souffrent de cette absence, à l’instar du second pont sur le
Wouri.
37
Agence française du développement, « Construction du deuxième pont sur le Wouri à Douala », en ligne :
https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/construction-du-deuxieme-pont-sur-le-wouri-douala, consulté le
29/01/2020 à 09h15.
P a g e | 337
En définitive, même si le DSCE partait d’une bonne idée, il a été plombé par un
ensemble de pesanteurs liées à la mal gouvernance qui semble avoir marquée la plupart des
plans depuis 1960 : improvisation des travaux, coûts très élevés, mauvaise qualité des ouvrages
réalisés, fait au départ pour aider au développement, il en est devenu un frein. Cette situation a
été la base de la décision du président Biya d’initier le Plan d’urgence triennal.
C’était au terme d’un conseil des ministres qu’il avait présidé le 9 décembre 2014 à
Yaoundé, que le président Paul Biya avait annoncé qu’au premier trimestre 2015, un plan
d’urgence triennal (2015-2017) serait lancé, pour un montant total de 925 milliards de francs
CFA, en vue de l’accélération de la croissance économique du pays et de l’améliorer des
conditions de vie des populations. Dans sa communication spéciale lors de ce conseil des
ministres, le chef de l’État faisait tout de même ces précisions :
Le plan d’urgence est un programme spécial de mesures et de projets visant les besoins immédiats des
populations. Étalé sur une durée de trois ans, il touche l’ensemble du territoire national. Je crois qu’il
est important de relever que ce plan est distinct de notre stratégie pour la croissance et l’emploi qui
demeure notre « charte » de développement. Il n’interfère pas non plus avec les feuilles de route des
départements ministériels qui doivent continuer d’être appliquées avec toute la diligence et la rigueur
nécessaires.
Toujours dans ce discours, il dénonçait quelques-uns des maux qui semblaient avoir
plombés l’action de l’État jusque-là : l’augmentation effrénée des dépenses en biens et en
services, l’accroissement excessif des missions notamment à l’étranger, la multiplication des
comités et des projets inappropriés, l’accroissement abusif des subventions. Le PLANUT
apparaissait donc comme un test d’efficacité pour le gouvernement. En effet, dans une période
de temps limitée, trois ans, avec les moyens financiers mis à leur disposition, chaque ministre
devait atteindre des objectifs précis. Deux maîtres-mots revenaient faisaient l’essentiel des
recommandations du président de la République : célérité et rigueur. Pour veiller à l’efficacité
du PLANUT, un Comité chargé de son suivi et de sa supervision était créé quelques semaines
plus tard, sous la supervision du Premier ministre.38
38
Décret N° 2014/575 du 19 décembre 2014 portant création, organisation et fonctionnement du Comité de suivi
de la mise en œuvre du Plan d’Urgence triennal pour l’accélération de la croissance économique.
P a g e | 338
L’état d’avancement des travaux peut être apprécié dans les tableaux suivants, le
premier présente les travaux de construction des routes, et le second, les études 40 :
Source : Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate
economic growth, “General report on the implementation of the three year emergency plan to
accelerate economic growth”, 2017, p. 10.
39
Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate economic growth,
“General report on the implementation of the three year emergency plan to accelerate economic growth”, 2017, p.
9.
40
Ibid, pp. 10-11
P a g e | 339
Source : Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate
economic growth, “General report on the implementation of the three year emergency plan to
accelerate economic growth”, 2017, p. 11.
Aujourd’hui, le PLANUT, prévu pour trois ans, semble être le principal outil de
politique économique. Le Premier ministre Dion Ngute, lors de son discours de présentation du
budget devant l’Assemblée nationale le 29 novembre 2019, faisait ainsi le bilan de ce plan. Tout
en reconnaissant ses débuts laborieux liés d’après lui à l’absence d’études techniques pour
plusieurs projets, et aux contraintes inhérentes à la mobilisation des financements, il affirmait
que le Plan avait désormais atteint sa vitesse de croisière : « à ce jour, les marchés déjà passés
s’élèvent au total à 817 milliards 614 millions 756 mille 464 francs CFA. »
Dans le secteur des transports c’est principalement le volet routier qui bénéficie des
investissements du PLANUT. Dion Ngute faisait savoir que 21 marchés avaient déjà été
attribués au titre de la tranche ferme, pour un montant d’environ 300 milliards de FCFA toutes
taxes comprises, à raison de 12 marchés de maîtrise d’œuvre et 9 marchés des travaux, dont un
avait été résilié pour défaillance grave constatée. En 2019 donc, l’état d’avancement des travaux
routiers se présente de la manière suivante toujours selon le Premier ministre :
- Maroua-Bogo : 45,63% (rappelons que le même marché était à 14,05% en 2017 soit une
progression de seulement 31,58% en deux ans)
Dans la pratique, on ne peut que constater l’échec du PLANUT, plombé lui aussi par les
multiples atermoiements de l’administration camerounaise. Nous reconnaissons le fait que les
travaux publics concernant les routes prennent du temps, celui des études d’abord, de la
réalisation ensuite, et de la livraison enfin. Cependant, le PLANUT, censé relever les
manquements du DSCE, est finalement tombé dans ses travers. Au final, il est nécessaire de se
poser la question suivante : le problème est-il dans la politique ou dans les politiques, c’est-à-
dire des hommes chargés de l’implémentation ?
Conclusion
S’agissant des contraintes internes [au développement durable] qui sont de notre responsabilité, nous nous
sommes efforcés de les desserrer pour donner plus de latitude à notre économie, plus d’espace à la liberté
d’entreprendre, plus de facilités aux acteurs de la vie économique. Pour y parvenir, nous avons dû lutter
contre des maux que j’ai souvent dénoncés : inertie à divers niveaux, complications administratives et
surtout corruption, laquelle reste répandue dans notre société.
Pour ce qui est de la corruption, l’opération épervier de 2006 a certainement été un des
leviers de lutte. S’il a entamé une certaine cure des mentalités, il faut dire que le mal est profond
et il plombe grandement les initiatives en faveur du développement. On se souvient alors que
le président Ahidjo, dans un rapport de politique général, dénonçait les mêmes tares en 1960
déjà :
J’ai parlé aussi de la tendance de plus en plus généralisée de détourner les deniers publics et ceux d’autrui.
Combien d’agents spéciaux, de gérants postaux, d’économes sont mis débet. Le secteur privé est aux
prises avec le même fléau. L’honnêteté est devenue un vain mot. On veut s’enrichir avec tous les siens à
la fois. Cela explique la vague classique qui s’observe à partir des cabinets ministériels, des interventions
parlementaires, des affectations dans les administrations publiques. L’intérêt général, le sens public
cèdent désormais le pas sur les attaches familiales, les relations particulières. Avec cet état de choses,
croyez-moi, l’impéritie s’installe dans les services, le rendement baisse dans le travail. Le préjudice causé
à notre jeune République est grand.41
Le mal est donc profond et historiquement imprégné dans les mentalités. Si nous avons
loué l’effort de l’opération épervier, il faut reconnaitre que celle-ci est de plus en plus décriée
dans la presse et dans l’opinion publique, qui y voit principalement « un cadre juridique pour
régler des comptes politiques »42. Le BIP et le budget programme mis en place respectivement
en 2012 et 2013, afin de mieux contrôler la dépense publique, n’ont fait qu’alourdir la chaîne.
Le nombre élevé d’intervenants semble être finalement autant de poche de dépenses et de
possibilité de corruption. Le système des transports, outil indispensable de développement, en
est donc de plus en plus plombé.
41
République Unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 1968, pp. 182-183.
42
C. A. Djoko, « Opération épervier ; un cadre juridique pour régler des comptes politiques », 2018, en ligne,
URL : https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/features/Op-ration-Epervier-un-cadre-juridique-
pour-r-gler-des-comptes-politiques-435532, consulté le 27/01/2020 à 21h21.
P a g e | 342
CHAPITRE VIII
A. État des lieux des infrastructures des transports au Cameroun entre 2000
et 2017
En 2006, le bilan que le Plan directeur des routes dresse du secteur des transports semble
très négatif. En effet, pour le sous-secteur du chemin de fer, note-t-il, il souffre d’insuffisances
infrastructurelles, de mauvaises connexions avec les autres modes de transport, de manque de
structures intermodales pour faire face à la concurrence de la route. Les ports quant à eux sont
présentés comme un système totalement déséquilibré car la quasi-totalité du trafic transite par
le port de Douala, dont la capacité est réduite par les accès par mer et par route, alors que les
autres ports en eaux profondes qui pourraient le soulager (Limbé et Kribi) ne sont qu’à l’état
d’étude. Enfin, le transport fluvial est presque nul à cause du manque d’infrastructures, enfin
les aéroports sont mal entretenus et insuffisamment exploités. Nous faisons ici un état des lieux
des infrastructures des transports. Cependant, nous n’aborderons pas dans ce sous-chapitre, les
transports routiers. En effet, le Chapitre IX de cette thèse dans lequel nous analysons les
déterminants des coûts et des prix des transports routiers au Cameroun, s’intéresse à l’état des
routes.
Depuis 1986, le bilan en ce qui concerne les infrastructures des transports aériens n’a
pas fondamentalement évolué.
P a g e | 344
12
Nous notons la mise en service en 1991 de l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen. La
Cameroon civil aviation authority nous en donne la fiche technique : il est situé dans une zone
couvrant une superficie de 12 404 kilomètres carrés, et « possède le plus grand potentiel de
croissance de trafic international de 15, 4 % par an, desservant, la capitale, siège des institutions
administratives et politiques »3. Il est doté d’une capacité d’accueil de 1 500 000 passagers
et 50 000 tonnes de fret par an, pour 14 postes de stationnement et une capacité exploitée de 17
%.4
Depuis le décret N° 99/127 du 15 juin 1999 portant création des organismes portuaires
Autonomes, le Cameroun dispose de quatre ports autonomes : le port d’estuaire de Douala, le
port maritime de Kribi, le port maritime de Limbe et le port fluvial de Garoua.
Le port de Douala assure près de 95% du trafic portuaire national. Il se positionne ainsi
comme le principal port d’Afrique centrale et dessert les pays limitrophes enclavés tels que le
Tchad, la RCA (République centrafricaine) et le nord du Congo.5
D’une superficie de 70 ha, le port de Kribi dispose de deux magasins sous douane d’une
capacité de 8 500 m3. Les quais d’accostage offrent un tirant d’eau de 9 m avec une capacité
1
Cf. chapitre III : Politique publique des transports au Cameroun sous le Libéralisme Planifié (1960-1985).
2
Voir la Carte des aérodromes du Cameroun (2003) en Annexes de la thèse.
3
CCAA, « Aéroport International de Yaoundé-Nsimalen », 2015, en ligne, URL :
https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-aeroports-du-cameroun/400-aeroport-
international-de-yaounde-nsimalen, consulté le 27/01/2020 à 23h21.
4
Ibid.
5
Logistique-Conseil, « Présentation sommaire des ports autonomes et infrastructures portuaires du Cameroun »,
en ligne, URL : http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-maritime/Ports-autonomes-cameroun.htm,
consulté le 27/02/2020 à 19h23.
6
Ibid.
P a g e | 345
réelle de 70 navires par an. Essentiellement consacré à l’exportation du bois, ce port présente
aujourd’hui un fort potentiel de développement avec la construction du terminal pétrolier lié à
l’oléoduc Tchad–Cameroun. Les dispositions réglementaires sur l’organisation du port
autonome de Kribi sont définies par le décret n° 99/132 du 15 Juin 1999 portant organisation et
fonctionnement du Port Autonome de Kribi.7
Le port de Garoua quant à lui, dispose de deux quais avec une capacité de 15 barges par
an, de 6 magasins d’une superficie de 4 800 m² chacun et d’un terre-plein de 12 000 m². Sa
gestion a été confiée depuis 2004 à la Communauté urbaine de Garoua. Les dispositions
réglementaires sur l’organisation du port autonome de Garoua sont définies par le décret
n° 99/131 du 15 Juin 1999 portant organisation et fonctionnement du Port Autonome de
Garoua.9
Tout comme avec les infrastructures aéroportuaires, les infrastructures ferroviaires n’ont
pas évolué depuis 1986. Au contraire, il faut surtout regretter la dégradation des locomotives.
Le 11 juin 2013, à l’issue de la 16e session du Comité interministériel de renouvellement des
infrastructures ferroviaires (COMIFER) tenue à Yaoundé, sous la présidence du ministre des
Transports, Robert Nkili, la CAMRAIL concessionnaire du chemin de fer au Cameroun,
annonçait l’acquisition en cours de 50 voitures-voyageurs, et d’une dizaine d’autorails.
7
Ibid.
8
Ibid.
9
Ibid.
P a g e | 346
Cameroun, qui prévoyait sur la période 2009-2020, des investissements de 230 milliards de
francs CFA, dont 158 milliards à la charge du concessionnaire.10
À la fin des PAS, plusieurs réformes ont dues être entreprises par le gouvernement, afin
d’arrimer les institutions à la nouvelle donne des transports au Cameroun. Les rôles ont changés
(ministère des transports) et d’autres ministères se sont ajoutés (MINDDEVEL et MINMAP).
Il faut souligner qu’à l’entame des années 2000, la concrétisation de la décentralisation
annoncée dans la constitution de 1996, commence à prendre corps. Ainsi, le rôle des CTD dans
le domaine des transports prend une plus grande portée.
Il est chargé :
10
Investir au Cameroun, 2015, « Camrail réceptionnera cinq nouvelles locomotives sur la période juillet-septembre
2015 », en ligne, URL : https://www.investiraucameroun.com/entreprises/2007-6555-camrail-receptionnera-cinq-
nouvelles-locomotives-sur-la-periode-juillet-septembre-2015, consulté le 27/01/2020 à 17h35.
P a g e | 347
- Il exerce la tutelle sur les Ports Autonomes et sur tous les organismes publics ou
para publics relevant de son secteur de compétence, notamment : l’Autorité
Portuaire Nationale (APN) ; la société Aéroports du Cameroun (ADC) ;
l’Autorité Aéronautique « Cameroon Civil Aviation Authority » (CCAA) ; la
société Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR Co) ; le Conseil National des
Chargeurs du Cameroun (CNCC).
Les deux tableaux suivants présentent les ministres successifs en charge des transports,
ainsi que leurs ministres délégués et leurs secrétaires d’État.
Tableau n° 22 : Les secrétaires d’États et ministres délégués en charge des transports depuis
1991
II. Le MINDDEVEL
III. Le MINMAP
C’est pour ce qui est du volet de la promotion du développement local et régional, que
les CTD interviennent dans le domaine des transports. La communauté urbaine a compétence
dans les domaines suivants :
11
Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation au Cameroun, Article 2, alinéa 1.
P a g e | 351
Née en 2007 à la faveur de loi de finances de la même année, l’idée d’élaborer le budget
général du Cameroun par programme se concrétise réellement avec la loi de 2012 comptant
pour l’exercice de budgétaire de 2013. En effet, la loi n° 2007/006 du 26 décembre portant
régime financier de l’État imposait aux autorités publiques de présenter le projet de loi de
finances sous forme de programme. L’article 8 de cette loi définit le programme comme un «
ensemble d’actions à mettre en œuvre au sein d'une administration pour la réalisation d’un
objectif déterminé dans le cadre d'une fonction. » De fait, l’alinéa 2 de l’article 2 de cette loi
dispose : « la loi de finances présente l’ensemble des programmes concourant à la réalisation
des objectifs de développement économique, social et culturel du pays », l’article 10 alinéa 3
de la même loi précise que « la loi de finances fixe, pour le budget général, les programmes
concourant à la réalisation des objectifs assortis d’indicateurs, les montants des autorisations
d’engagement et de crédits de paiement. ».
La Banque a mené une étude sur la gestion des investissements publics et des revues de
dépenses dans les secteurs du transport et de l’énergie. Ces études ont fait ressortir les
faiblesses institutionnelles qui affectent la qualité de la dépense publique. Les besoins de
renforcement des capacités humaines et institutionnelles ont été évalués sur la base de ces
études et des rencontres avec les différentes structures13.
Les ordonnateurs :
Le comptable matières, est un agent public chargé du suivi des opérations d’acquisition,
de maniement et d’aliénation des biens meubles et immeubles acquis par l’État, les collectivités
territoriales décentralisées et les établissements publics. Il réceptionne par conséquent les
différentes fournitures et prestations réalisées à la suite de conventions conclues avec les
12
Groupe de la Banque africaine de développement, « Rapport d’évaluation de son projet d’appui à l’amélioration
de l’efficacité de la dépense publique (PAEDEP) au Cameroun », OSGE/GECL, 2016, p. iv.
13
Ibid.
P a g e | 355
fournisseurs, prestataires, cédants et donateurs, les conserve dans un local approprié afin de les
distribuer aux services bénéficiaires sur ordre de l’ordonnateur.
Le contrôleur financier est un agent du Ministère des finances placé auprès d’une ou de
plusieurs structures administratives afin de faciliter l’exécution de la dépense publique dans
l’optique de la déconcentration de la gestion financière de l’État. Le contrôleur financier veille
à la régularité et à la soutenabilité budgétaire des opérations d’engagement et
d’ordonnancement.
P a g e | 356
Cette chaîne de la dépense publique ne concerne que le ministère des finances. Les
lourdeurs administratives ne s’arrêtent pas là. Elles concernent aussi le nombre d’intervenants
dans la passation des marchés publics. Depuis 2012, le système de passation des marchés
publics au Cameroun est assuré par à la fois par l’Agence de Régulation des Marchés Publics
(ARMP), et le Ministère des Marché Publics (MINMAP), agissant à travers les Commissions
de Passation des Marchés Publics.
L’ARMP a été créée par le Décret n°2001/048 du 23 février 2001, et modifié par le
Décret n° 2012076 du 08 mars 2012 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret
n°2001/048 du 23 février 2001 portant création, organisation et Fonctionnement de l’ARMP.
Ce décret stipule qu’elle est chargée d’assurer la régulation du système de passation des
marchés publics et des conventions de délégation des services publics.
Le MINMAP quant à lui, a été créée par Décret n°2012075 du 08 Mars 2012 portant
organisation du Ministère des Marchés Publics (MINMAP). Il procède au lancement des appels
d’offres des marchés publics, en liaison avec les ministères ; procède à la passation des marchés
publics et en contrôle l’exécution sur le terrain, en liaison avec les départements ministériels et
les administrations concernés ; participe, le cas échéant, au montage financier des marchés
publics, en liaison avec les départements ministériels et les administrations concernés.
Précisons d’abord que, selon l’Article 2(a) du Décret n°2012/074 du 08 mars 2012
portant création organisation et fonctionnement des Commissions de Passation des Marchés
Publics :
Le marché public est un contrat écrit, passé conformément aux dispositions réglementaires,
par lequel un entrepreneur, un fournisseur, ou un prestataire de services s’engage envers l’État,
une collectivité territoriale décentralisée, un établissement public ou une entreprise du secteur
public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services, dans
un délai déterminé, moyennant un prix.
Le même décret précise que en son article 3 que Commissions de passation des marchés
sont des organes d’appui technique qui concourent au respect de la règlementation et
garantissent, notamment les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de
traitement des candidats et de transparence des procédures de passation des Marchés Publics.
Et en article 4, il est créé auprès du Ministre chargé des Marchés Publics, des
Administrations publiques, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements
publics et des entreprises du secteur public et parapublic, ainsi que les Projets, des Commissions
de Passation des Marchés dénommées comme suit :
En ce qui concerne les projets dans le secteur des transports, à ces commissions, on doit
aussi ajouter le rôle de planificateur du MINEPAT, l’approbation du Premier ministère avant
toute action de dépense, le rôle du MINFI que nous avons relevé plus haut, le rôle finalement
du MINTP comme exécutant des travaux, lui qui en dernier recours doit choisir les prestataires
des marchés. La chaîne est longue, lourde et cause de nombre de retards dans l’implémentation
des politiques.14 De plus, avec le budget programme, le bénéficiaire du marché doit lui-même
financer et se faire rembourser à la fin du marché. Si cela semble assurer une certaine
14
En plus de ces intervenants, la chaîne institutionnelle des transports au Cameroun compte aussi : le Ministère de
l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) qui est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre des
stratégies de gestion des infrastructures urbaines en liaison avec le Ministère des Travaux Publics (MINTP) en
milieu urbain ; et le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural est chargé de la promotion de la
politique d’hydraulique agricole (MINADER).
P a g e | 358
transparence dans l’exécution des marchés, cette pratique met aussi un frein aux velléités
d’investisseurs moins importants, et donne la part belle aux multinationales. Que la loi soit la
base du nouveau concept en matière de dépense publiques est une bonne chose, seulement les
véritables défis ne sont-ils pas ailleurs, par exemple, dans la capacité des gestionnaires, dans
leur inclination toujours croissante à la corruption ou à l’enrichissement personnel ?
Cependant, en dépit de cette place confortable que prend le BIP dans l’enveloppe
budgétaire nationale, son exécution sur le terrain n’a jamais été optimale. En témoignent les
retards et autres difficultés techniques observés sur certains grands chantiers (projets
autoroutiers, infrastructures de la CAN 2019, barrage de Mekin notamment), ainsi que les taux
d’exécution du BIP au cours de certains exercices budgétaires. Par exemple, à trois mois de la
fin de l’exercice 2014, les pointages officiels révélaient un taux d’exécution du BIP de
15
https://www.investiraucameroun.com/gestion-publique/2407-9180-cameroun-entre-2010-et-2017-le-budget-d-
investissement-public-a-atteint-son-plus-haut-niveau-depuis-au-moins-20-ans, consulté le 27/01/2020 à 23h35.
16
Ibid.
P a g e | 359
D’abord, la frilosité des gestionnaires de crédits, qui seraient de plus en plus prudents
dans les engagements sur les fonds publics, de peur d’être happés par les serres de l’opération
Épervier, opération judiciaire initiée dans le cadre de la lutte anti-corruption au Cameroun, par
le gouvernement du Premier ministre Éphraïm Inoni en 2006.
Ensuite, le fait pour entreprises de présenter des offres qui minimisent les coûts des
marchés, dans l’optique d’en être les moins disant et par conséquent les adjudicataires finaux.
Le stratagème dans ce cas consiste à gagner le marché, puis à demander des rallonges
budgétaires en cours du projet, lesquelles rallonges ne sont pas souvent acquises, situation
conduisant généralement à l’abandon des chantiers et donc, à des pertes financières de la part
de l’État.
Enfin, les multiples obstacles liés aux lenteurs administratives observées dans la
passation des marchés publics, lesquelles lenteurs se sont décuplées avec la création du
ministère des Marchés publics, qui concentre l’essentiel des passations des marchés de
l’ensemble du pays. Par ailleurs, les difficultés de trésorerie des entreprises, généralement
occasionnées par le payement tardif des prestations réalisées pour le compte de l’État, ce qui
contribue à ralentir l’engouement de certains prestataires.
Nous analysons le défi sécuritaire en fonction des différents types de transports. En effet,
les politiques publiques en matières de sécurité peuvent être soit majoritairement nationales,
comme dans le cas des transports terrestres ; soit majoritairement internationales comme dans
le cas des transports aériens ; ou les deux à la fois, comme dans les transports maritimes.
17
https://www.investiraucameroun.com/gestion-publique/2810-5777-le-bip-camerounais-execute-a-seulement-
36-a-3-mois-de-la-fin-de-l-exercice-budgetaire, consulté le 27/01/2020 à 19h35.
P a g e | 360
Il s’agit ici des transports routiers, dont le bilan des morts est assez alarmant ; et des
transports ferroviaires. Même si ceux-ci bénéficie d’un bilan moins inquiétant, ils sont tout de
même soumis à une certaine législation sécuritaire.
En 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Décennie d’action pour
la sécurité routière 2011-2020. L’objectif de cette décennie est de stabiliser et de réduire ce
nombre de décès liés aux accidents de la route. Des avancées ont été enregistrées au niveau
mondial avec l’inclusion de la sécurité routière dans les objectifs de développement durable
(ODD), avec la cible 3.6 visant à réduire de moitié le nombre d’accidentés de la route et de
décès d’ici à 2020, ainsi que la cible 11.2 visant à fournir d’ici à 2030 l’accès à des systèmes
de transport sûrs, abordables, accessibles et durables pour tous. En 2018, l’Assemblée générale
des Nations Unies a adopté la Résolution A/RES/72/271 sur l’amélioration de la sécurité
routière mondiale, dans laquelle elle encourage les États membres à prendre des mesures plus
fortes pour atteindre les ODD en matière de sécurité routière.
Le Cameroun a enregistré un total de 116 081 accidents sur la période 2008-2014, soit
en moyenne 16 583 accidents par an (près de 46 accidents par jour). La grande majorité de ces
accidents (81,25 %) sont survenus dans les milieux urbains, contre 18,75 % pour les zones
interurbaines. Dans l’ensemble, le nombre total d’accidents a diminué de 44 % entre 2008 et
2014, diminution qui s’explique essentiellement par la réduction de 50 % des accidents urbains
survenus entre 2013 et 2014.
18
CEA-ONU, « Évaluation de la performance en matière de sécurité routière (EPSR) Cameroun », Nations Unies,
New York et Genève, 2018, p. 26.
P a g e | 361
Source : CEA-ONU, « Évaluation de la performance en matière de sécurité routière (EPSR) Cameroun », Nations
Unies, New York et Genève, 2018, p. 26.
Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 45. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
P a g e | 362
Une constance se dégage de ces tableaux nonobstant leurs sources : les multiples efforts
engagés ont permis de réduire le nombre d’accidents, mais les taux de sévérité se sont accrus et
sont restés très élevés ; c’est ce qui explique la situation paradoxale où l’on a en même temps
une diminution du nombre d’accidents et une augmentation du nombre de personnes décédées.
Dans l’ensemble, les accidents en zones interurbaines de la période 2008-2014 sont dus
pour 3,64 % aux causes environnementales, pour 15,39 % aux causes mécaniques (liés au
mauvais état des véhicules), et pour 80,97 % aux causes humaines. Trois causes humaines
majeures sont à elles seules à l’origine de près de 70 % des cas d’accidents constatés dont :
l’inattention et la distraction des conducteurs (30,67 %), l’excès de vitesse (19,97 %) et le défaut
de maîtrise des conducteurs (18,53 %). Ces premières causes sont suivies par : les piétons
(causes humaines) : 3,60 % ; les dépassements dangereux : 3,15 % ; les pneus défectueux : 2,80
% ; les manœuvres dangereuses sur la chaussée : 2,34 % ; le mauvais état de la route : 2,20 %.
Les causes d’accidents liées à l’inattention et à la distraction des conducteurs, ainsi que celles
liées au défaut de maîtrise des conducteurs sont souvent associées à la consommation d’alcool
au volant.
Les préoccupations relatives à la sécurité routière ont été intégrées par le Gouvernement
du Cameroun qui a commandé une première étude (par un cabinet d’étude néerlandais) à partir
de 1983, jetant ainsi officiellement les bases de nouvelles activités en faveur de la sécurité
routière au Cameroun.
19
A. Nguelieutou, « L’évolution de l’action publique au Cameroun…», 2008.
P a g e | 364
longtemps observé le désordre dans les gares routières, la création anarchique et informelle des
professions auxiliaires au transport routier, le peu de contrôle des compagnies de transport
routier, qui ne sont pas restés sans conséquences sur les usagers : nombre de dommages et
accidents croissants entre autres.20
Ainsi, un plan d’action a été élaboré en 1994 à la demande du Ministère des transports
(par un cabinet norvégien). L’intérêt pour la sécurité routière s’est renforcé au fil des années, et
c’est ainsi qu’une Stratégie nationale de prévention et de sécurité routières (assortie d’un plan
d’actions prioritaires) a été élaborée par le Ministère des transports, laquelle a été validée par
l’ensemble des parties prenantes en 2009 pour servir de cadre de référence de la programmation
en matière de sécurité routière pour le pays.
L’objectif global retenu par la stratégie nationale de 2009 était d’améliorer durablement
la sécurité des usagers et des véhicules sur les routes du Cameroun, au moyen d’une réduction
de 30 % des accidents et des pertes subies sur la période 2009-2014. La Stratégie nationale de
prévention et de sécurité routières adoptée en 2009 au Cameroun a défini des objectifs en
parfaite cohérence avec ceux du Plan mondial de la Décennie d’action pour la sécurité routière
2011-2020, dont elle intègre les cinq piliers. Ces objectifs sont également en accord avec les
documents d’orientation stratégique en matière de sécurité routière aux niveaux régional et
national, et notamment : le Plan d’action africain de la Décennie d’action pour la sécurité
routière 2011-2020, les ODD des Nations Unies, la Vision Cameroun 2035, le Document de
stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) du Cameroun, et la Stratégie sectorielle des
transports, révisée en 2010.
Au Cameroun, la sécurité routière est régie par une abondante réglementation qui passe
par des lois, des décrets, les arrêtés et des circulaires, rassemblés dans un « Recueil des textes
en vigueur en matière de prévention et de sécurité routières au Cameroun »21. On distingue ainsi
les textes adoptés sur le plan national et la transposition des accords et règlements
internationaux.
20
En ligne, URL : http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-routier/SR-reglementation-nationale.htm,
consulté le 16/08/2018 à 16h35.
21
Ministère des transports, Recueil des textes en vigueur en matière de prévention et de sécurité routières au
Cameroun, CMM Sarl, Cameroun, 2012.
P a g e | 365
La réglementation nationale
La réglementation nationale des transports routiers est constituée des textes régissant :
la protection du patrimoine routier ; les pièces administratives des transports routiers ; le
transport routier des marchandises dangereuses ; la circulation et la sécurité routières. Ces textes
réglementaires ne sont pas toujours figés à une de ces orientations en particulier. Il arrive donc
que certains textes soient transversaux. Nous souhaitons, dans cette section, relever quelques-
uns de ces textes22.
L’article 2 de cette loi précise qu’elle a pour objectif de protéger le patrimoine routier
national, c’est-à-dire, l’ensemble des infrastructures routières urbaines, interurbaines et rurales
dont la construction et/ou l’entretien est ou sont assurés par l’État ou les collectivités publiques
locales. De manière générale, cette loi permet au Cameroun d’avoir une réglementation en ce
qui est du contrôle technique des véhicules, du pesage routier, des barrières de pluie et des
barrières ponctuelles.
La loi n° 96/07 du 08 Avril 1996 portant protection du patrimoine routier national, a été
modifiée et complétée par la loi n° 98/011 du 14 juillet 1998. La modification porte sur l’ajout
d’un article 22, qui crée le Fonds routier du Cameroun, dont le rôle est d’« assurer le
financement des programmes de protection du patrimoine routier national, ceux de prévention
et de sécurité routières, ainsi que d’entretien routier ».
La loi n° 96/07 du 08 Avril 1996 portant protection du patrimoine routier national subit
une nouvelle modification à travers la loi n° 2004/021 du 22 juillet 2004. Cette nouvelle
modification permet de préciser les sanctions en ce qui est du dépassement du poids des
véhicules en charge ou de la charge à l’essieu ; et aussi d’élargir les responsabilités du Fonds
routier à la prise en charge des « opérations de réhabilitation et d’aménagement des routes, dans
le cadre de deux guichets distincts et indépendants ». De plus, le statut du Fonds routier est ici
22
Face à la multitude de textes régissant les transports routiers, il est nécessaire de se référer au site internet du
Ministère des transports (http://www.mint.gov.cm). Lire aussi : Ministère des transports du Cameroun, Recueil
des textes en vigueur…, 2012.
P a g e | 366
précisé au sens de l’article 1er de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999, portant statut général
des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic classé comme un
établissement public de type particulier relativement à ses organes de gestion, à la rémunération
et aux avantages de son personnel, et aux règles de tenue de sa comptabilité.
La réglementation internationale
Sur le plan international, les transports routiers sont régis par des conventions et codes
communautaires, les actes uniformes de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation du
Droit des Affaires en Afrique), et des autres conventions ratifiées par les pays membres de
l’ONU (Organisation des Nations Unies). Parmi ces conventions, nous pouvons citer :
travers leurs territoires. Ainsi, cette convention stipule en son article 1er qu’elle
s’applique « aux transports routiers de marchandises effectués entre la République
du Tchad et la République du Cameroun ou en transit sur le territoire de l’un ou de
l’autre des États par des opérateurs nationaux au moyen des véhicules immatriculés
dans l’un ou l’autre des deux États contractants. » Les transporteurs, au sens de la
présente convention, sont tenus à l’obligation de se munir d’une vignette spéciale et
d’un sauf-conduit international, dont les modalités de production et de distribution
sont conjointement fixées par le Bureau National de Fret Tchadien (BNF) et le
Bureau de Gestion de Fret Terrestre Camerounais (BGFT).
- Acte uniforme OHADA, relatif aux contrats de transport de marchandises par route,
adopté le 22 mars 2003. Il « s’applique à tout contrat de transport de marchandises
par route lorsque le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour
la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un
État membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au
moins est membre de l’OHADA. L’Acte uniforme s’applique quels que soient le
domicile et la nationalité des parties au contrat de transport. »24 Sont exclus de cet
acte, le transport des marchandises dangereuses, funéraires, de déménagement ou
des transports effectués en vertu des conventions postales internationales25.
23
Code Communautaire routier de la CEMAC, Première partie : dispositions générales champ d’application, 2001.
24
Acte uniforme OHADA, relatif aux contrats de transport de marchandises par route, Chapitre 1 – Champ
d’application et définitions, Art.1er, alinéa 1.
25
Ibid, section 2.
26
CMR, article 1er, alinéa 1.
27
Ibid, alinéa 4.
P a g e | 369
28
En ligne, URL : http://tfig.unece.org/FR/contents/TIR-convention.htm, consulté le 16/08/2018 à 17h23.
P a g e | 370
- le ministère des finances, qui assure la mobilisation des financements prévus pour les
activités de sécurité routière, et la tutelle du Fonds routier ;
- le ministère de la communication, qui assure la tutelle des médias d’État et qui participe
à la sensibilisation des populations et à la diffusion des messages de sécurité routière ;
Ces structures de niveau ministériel sont accompagnées dans leurs missions par des
structures consultatives dont le CNSR rattaché au Ministère des transports et le Conseil national
de la route (CONAROUTE) rattaché au Premier Ministre, qui assistent l’État dans la
P a g e | 372
coordination des activités et donnent des avis motivés sur les questions relatives à l’organisation
et à la gestion de la sécurité routière.
Les assureurs jouent un grand rôle dans la prévention des risques d’accidents en
apportant une contribution importante au développement de celle-ci soit par des conseils aux
assurés sur la prévention des accidents grâce à une conduite.
En plus des assureurs, nous avons comme autres intervenants, Organismes de Visite
technique. Tout véhicule en circulation est périodiquement soumis à un contrôle technique.
Celui-ci porte sur les éléments dont la défectuosité est susceptible de dégrader les
infrastructures routières ou de porter atteinte à la sécurité des personnes, des biens et/ou de
l’environnement. Les modalités de déroulement du contrôle technique sont fixées par l’Arrêté
du Ministre chargé des transports n°011/A/MINT du 23 février 1998 portant réglementation de
la visite technique des véhicules.
Enfin, les auto-écoles : c’est l’Arrêté n° 0040 6/A/MINT/DTT du 28 avril 2000 qui
réglemente le permis de conduire et des auto-écoles au Cameroun. Il est adossé aux articles 41,
42, 43, 44, et 45 du décret n° 79/341 du 3 septembre 1979 portant réglementation de la
circulation routière, modifié et complété par le décret n°86/818 du 30 juin 1986. Cet arrêté fixe
donc :
- les modalités d’organisation et de tenue des fichiers des titulaires des permis de
conduire.
La législation des transports ferroviaires au Cameroun est régie à la fois par des règles
internationales et nationales.
P a g e | 373
Sur le plan national, les lois sont surtout portées sur la sécurité des chemins de fer. Ainsi,
nous avons la Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de
Fer, le Décret n°75/588 du 20 aout 1975 relatif à la Police et à la Sécurité des Chemins de fer.
La Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de Fer
est adoptée quelques mois avant l’inauguration du Transcamerounais le 10 décembre 1974.
Cette loi permet de circonscrire le domaine public ferroviaire. Ce dernier comprend :
L’Article 2 alinéa 2 de cette loi précise que « les emprises des gares, haltes et terrasses
des zones urbaines sont définies par décret. » C’est dans ce but qu’est signé le Décret n° 75/588
du 20 aout 1975 relatif à la Police et à la Sécurité des Chemins de fer.
29
Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de Fer, Article 1.
P a g e | 374
La législation des transports aériens est fortement influencée par les conventions
internationales, les protocoles de modification desdites conventions, et les accords inter-
transporteurs de l’IATA. Ainsi, depuis son accession à l’indépendance le 1er janvier 1960, le
Cameroun a signé de nombreuses conventions internationales dans le secteur de l’aviation
civile. De même, le pays a engagé sur le plan purement national, la mise en place d’un cadre
réglementaire. L’analyse de ce cadre réglementaire international permet de noter qu’à la base
de l’aviation civile dans le monde en général et au Cameroun en particulier, il y a la convention
de Chicago du 7 décembre 1944. Elle sert de constitution à l’OACI. Le Cameroun a ratifié cette
dernière le 15 janvier 196030.
30
En ligne, URL : https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-cadre-reglementaire consulté
le 16/08/2018 à 11h25.
P a g e | 375
À côté de cette convention de base, il existe sur le plan régional et sous régional trois
instruments juridiques qui contribuent également à règlementer le secteur de l’aviation civile
au Cameroun :
l’accord CEMAC de 1999. L'accord CEMAC quant à lui, signé le 18 août 1999 à
Bangui par les pays de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique
Centrale a une portée bien définie, à savoir : permettre une meilleure desserte de la
communauté, promouvoir les relations économiques et commerciales entre les États
membres de la Communauté, prévenir les mesures susceptibles de porter préjudice
au développement du transport aérien entre États ; encourager la mise en œuvre des
mesures préventives en matière de supervision de la sécurité des vols et favoriser la
coopération technique et commerciale entre les compagnies aériennes.
Code de l’aviation civile de la CEMAC, qui les règles applicables à l’aviation civile
au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale dans
chaque État membre en ce qui concerne les aéronefs, les aérodromes, la navigation
aérienne, le personnel et l’exercice des activités dans ce domaine. Les dispositions
du présent Code s’appliquent à tous les aéronefs civils. À moins de dispositions
contraires, les aéronefs militaires et les aéronefs appartenant à l'État et
exclusivement affectés à un service public ne sont soumis qu'à l'application des
règles relatives à la responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant. En ce qui est de
la souveraineté de l’espace aérien chaque État membre possède une souveraineté
pleine et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de sa partie terrestre et, pour l’État
membre côtier, sa partie maritime, et exerce sur celui-ci, sa juridiction
31
« La Décision de Yamoussoukro », Article 2, Portée de la décision.
P a g e | 376
L'objectif de cette Loi, qui se veut révolutionnaire, est de rendre le transport aérien
camerounais plus compétitif dans un environnement international marqué de plus en plus par
l'économie libérale et la lutte contre les menaces telles que le terrorisme, auxquelles est exposée
cette activité. La réforme de 1998 a donc fondamentalement changé l'aviation civile
camerounaise dans le sens de la moderniser au moyen de la libéralisation progressive des
services aériens, la mise en place d'une réglementation adéquate et une sécurisation accrue du
transport aérien.
- aux équipages et passagers de ces navires étrangers, sous les mêmes conditions
qu’à l’alinéa précédent ;
- aux gens de mer de nationalité d’un État membre ou résidant dans un État
membre, sans considération du lieu d’immatriculation ou d’affrètement du
navire à bord duquel ils sont employés,
- aux plateformes flottantes se trouvant dans les eaux sous juridiction nationale
d’un État membre ; en outre, lorsque cela est expressément prévu, certaines
dispositions des Livres IV, V et VII s’appliquent également aux plateformes
fixes se trouvant dans lesdites eaux.
La Loi n° 95/09 du 30 janvier 1995, fixant les conditions d’exercice des professions
maritimes et para-maritimes, quant à elle, organise le secteur professionnel du sous-secteur
maritime. Ainsi, elle considère comme professions maritimes, « toutes les activités maritimes
et fluviales dont l’exercice nécessite l’exploitation, en propriété et/ou en location, de navires »32
et comme professions para-maritimes ou auxiliaires des transports maritimes, « toutes les
activités qui concourent à la réalisation des opérations annexes au transport maritime »33.
À cette loi, nous pouvons adjoindre la Loi n° 2000/02 du 17 avril 2000 relative aux
espaces maritimes de la République du Cameroun. Elle a pour objet de fixer les limites des
32
Loi n° 95/09 du 30 janvier 1995, fixant les conditions d’exercice des professions maritimes et para-maritimes,
article 2 alinéa 1.
33
Ibid, alinéa 2.
P a g e | 378
En fait, les différentes lois en vigueur au Cameroun dans le domaine des transports
maritimes, sont soumises aux conventions internationales ratifiées par le Cameroun.
34
Cette loi fait référence à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, conclue
à Montego Bay (Jamaïque). Le Cameroun l’a ratifié le 19 novembre 1985.
35
Par la Loi n° 2017/001 du 18 avril 2017 votée à l’Assemblée Nationale, le Président de la République du
Cameroun a été autorisé à ratifier les Règles de Rotterdam ; ainsi, le Décret n° 2017/130 porte ratification de la
Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou
partiellement par mer.
36
Le Principal organe juridique du système des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international
est la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Il s’agit d’un organe
juridique à participation universelle spécialisé dans la réforme du droit commercial dans le monde. La CNUDCI
s’attache à moderniser et à harmoniser les règles du commerce international. Le commerce stimule la croissance,
améliore le niveau de vie et crée de nouveaux débouchés. Afin d’accroître ces débouchés dans le monde, la
CNUDCI élabore des règles modernes, équitables et harmonisées sur les opérations commerciales. Ses travaux
prennent la forme :
- De conventions, de lois types et de règles acceptables dans le monde entier
- De guides et de recommandations juridiques et législatifs revêtant une grande utilité pratique
- D’informations actualisées sur la jurisprudence et l’adoption de législations commerciales uniformes
- D’une assistance technique dans le cadre de projets de réforme du droit
- De séminaires régionaux et nationaux sur le droit commercial uniforme.
Source : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/about_us.html consulté le 17/08/2018 à 18h23.
37
En ligne, URL : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/transport_goods/2008rotterdam_rules.html
consulté le 16/08/2018 à 08h21.
38
Le connaissement est un ensemble de document, représentant le contrat de transport, transmis par le chargeur
au transporteur maritime. Ce contrat est une preuve de la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par
le transporteur. Il engage le transporteur à délivrer la marchandise contre la remise de ce document. C’est un titre
de propriété de la marchandise expédiée et de quittance de marchandises. C’est un effet de commerce et un titre
endossable. Ce document donne le droit au porteur de prendre possession des marchandises envoyées.
Source : http://www.assurance-credit-entreprise.fr/glossary/connaissement/ consulté le 17/08/2018 à 17h25.
P a g e | 379
La Haye-Visby, et la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer,
dite Règles de Hambourg (Hambourg, 31 mars 1978)39.
Les Règles de Rotterdam constituent un cadre juridique qui tient compte des
nombreuses nouveautés technologiques et commerciales qu’a connues le transport maritime
depuis l’adoption de ces conventions (La Haye et Hambourg), dont le développement de la
conteneurisation, l’aspiration à un transport de porte à porte en vertu d’un contrat unique et le
développement des documents électroniques de transport. La Convention fournit aux chargeurs
et transporteurs un régime universel contraignant et équilibré à l’appui de l’exécution des
contrats maritimes de transport où peuvent intervenir d’autres modes40.
Durant les années 1970, les pays en voies de développement et les principales nations
de chargeurs ont exercé de lourdes pressions au sein de la CNUDCI, en faveur d’une refonte
du système de responsabilité du transporteur maritime qu’ils jugeaient trop complaisant42. Cette
initiative aboutit, le 18 mars 1978, à la signature de la Convention des Nations Unies sur le
transport international de marchandise dite Règles de Hambourg. Plutôt que d’amender les
Règles de la Haye-Visby, les règles de Hambourg ont adopté une nouvelle approche de la
responsabilité du transporteur maritime, au profit des chargeurs.
Les Règles de Hambourg diffèrent de celles de La Haye sur les points suivants :
- Un champ d’application plus étendu (prise en compte des transports en pontée et des
transports d’animaux vivants).
39
Ibid.
40
Ibid.
41
Le Cameroun est partie prenante des Règles de Hambourg depuis le 1er août 1994.
42
P.-P. Gacon, « Les transports internationaux de marchandises par mer non soumis aux Règles de la Haye-
Visby », Mémoire de DESS de Droit Maritime et des Transports, Université de Droit, d’économie et des sciences
d’Aix-Marseille III, cité par le site internet http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-maritime/Regles-
hambourg-haye-visby.htm consulté par 17/08/2018 à 22h25.
P a g e | 380
- Une extension de la période couverte par le contrat de transport (de la prise en charge
à la livraison).
- Un système de responsabilité basé sur une présomption de faute du transporteur.
- L'introduction de la responsabilité du fait du retard.
- La suppression de tous les cas exceptés d'exonération du transporteur sauf le cas
d'incendie non fautif.
- La majoration des limites de réparation.
- Une augmentation du délai de prescription de l'action en responsabilité.
Les règles de responsabilité ont, elles aussi, été revisitées. Alors que les règles de La
Haye-Visby prévoient une responsabilité objective du transporteur maritime qui peut s'exonérer
en invoquant l’un des cas exceptés limitativement énumérés, les règles de Hambourg basent le
système de responsabilité sur une présomption de faute dont le transporteur peut apporter la
preuve contraire en démontrant que « lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les
mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'évènement et ses
conséquences »44.
Les règles de Hambourg sont entrées en vigueur le 1er novembre 1992 quand le nombre
de ratification fût atteint. Pourtant elles n’ont jamais eu le succès escompté. Aujourd’hui, 29
États, représentant moins de 1% de la flotte mondiale, en sont parties, dont sept sont enclavés.
Les États parties sont en majorité africains et méditerranéens. Les transporteurs ayant des lignes
régulières avec ses régions du globe sont donc quotidiennement confrontés à ses règles qui ont
valeur impérative.
43
Ibid.
44
Ibid.
P a g e | 381
Pour tenir compte des évolutions économiques et juridiques, ainsi que des impératifs
commerciaux auxquels les acteurs du commerce maritime sont confrontés, les règles d'York et
d'Anvers sont périodiquement révisées par le Comité maritime international (CMI). La dernière
révision (à notre disposition) a eu lieu le 1er juin 2004 lors de la Conférence du CMI à
Vancouver au Canada.
Conclusion
Ce chapitre nous a permis d’aborder les différentes évolutions des transports à la fin des
PAS au début des années 2000. Deux aspects ont retenus notre attention : la situation des
infrastructures de transports et les nouveaux intervenants nés des réformes instituées par lesdits
PAS. On constate alors que, malgré une certaine reprise économique, les transports ont du mal
à évoluer : problème de politiques ou problème de ressources humaines ? Les deux pourraient
en effet être mis en cause. Dans la dernière section de ce chapitre, nous voyons en effet que
dans les politiques mises en place pour accélérer le développement économique, et par voie de
conséquence, le développement des transports, bien trop de pesanteurs administratives
alourdissent la chaîne de la dépense publique et des projets par extension. Le nombre de
ministères, de services, ou encore de commissions impliqués dans le processus des projets, rend
inefficace leur implémentation. Face à leur incapacité à impulser le développement, le
Cameroun a dû partir du DSRP en 2003, au DSCE depuis 2009. Mais là encore, apparaît le
PLANUT en 2014 et ce, sans mettre fin au DSCE. Comme pour ne pas faciliter le processus, le
budget programme est institué. De fait, des politiques, il y en a en nombre impressionnant.
Cependant, leur maturation est toujours approximative et plombe les objectifs de leur mise en
place.
Mais nous l’avons déjà souligné plus haut dans ce travail, aucune politique n’est
mauvaise en soi. Très souvent, le problème vient de ceux en charge de leur mise en œuvre.
P a g e | 382
CHAPITRE IX :
LES DÉTERMINANTS DES COÛTS DES TRANSPORTS
ROUTIERS AU CAMEROUN
P a g e | 384
Pour impacter significativement sur les coûts et les prix des transports, il faut développer
le réseau des infrastructures. Des transports moins chers ne sont possibles qu’avec de meilleures
infrastructures. Depuis 2014, le Cameroun a mis sur pied une Stratégie de développement des
infrastructures. Si les résultats tardent à être visibles, nous devons déjà comprendre l’incidence
du manque de bonnes routes sur les coûts des transports au Cameroun.
Ce chapitre est consacré à l’analyse des déterminants des coûts et des prix des transports
routiers. Nous choisissons de nous appesantir sur ce sous-secteur des transports, du fait de son
importance sociale. En effet, dans les discours politiques, le lien entre territoire, transport et
développement semble évident. L’infrastructure de transport routière est souvent associée au
développement local ou régional.1 Or, dans ces mêmes discours, on associe rarement par
exemple la construction d’un hôpital ou d’une école au développement, alors même qu’ils y ont
un rôle décisif. On les ramène essentiellement à leur but fondamental, à savoir l’accès aux soins
et à l’éducation. On en oublie que le but fondamental de la route est le transport des personnes
et des marchandises. Cela pourrait se comprendre si on considère que l’accès aux autres
infrastructures (hôpital, école, etc.), dépend largement de l’efficacité des infrastructures de
transport routière. Par ailleurs, ces dernières permettent aussi un accès aux matières premières,
aux marchés, au travail et aident au développement des services de télécommunications.
1
Toutefois, de plus en plus de voix s’élèvent pour contredire ce lien qui semble évident entre route et
développement. Jean Marc Offner remarque que depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, la rhétorique de
l’«impact», de l’«effet induit» des transports sur l’urbanisation et l’aménagement n’a pas cessé d’accompagner le
développement des infrastructures de communication. Pourtant, fait-il remarquer, « les travaux empiriques
rigoureux ne concluent, au mieux, qu’à une amplification et une accélération de tendances préexistantes. Si le
mythe des effets structurants perdure, c’est en fait par l’usage politique qui en est fait dans les processus de décision
et les procédures d’évaluation ex ante des grands projets. » (J.-M. Offner, « Les « effets structurants » du transport :
mythe politique, mystification scientifique », Espace géographique, tome 22, n°3, 1993. pp. 233-242). Banister et
Berechman ne manquent pas de souligner les limites de ce lien de causalité « route = développement » en
déconstruisant les idées que les décideurs politiques et les aménageurs peuvent véhiculer sur les bienfaits de la
route (D. Banister et Y. Berechman, « Transport Investment and the Promotion of Economic Growth », Journal
of Transport Geography, n° 9, 2001, pp. 209-218).
P a g e | 385
notamment grâce à son coût modeste par rapport aux transports aérien et ferroviaire. Ainsi, de
nombreuses infrastructures routières sont nécessaires pour désenclaver les zones défavorisées
et accroître les échanges économiques. Les routes ont alors un double rôle à jouer en faveur du
développement économique et de la lutte contre la pauvreté. En outre, au-delà des enjeux de
développement local, l’un des principaux arguments pour le développement des infrastructures
de transport routières est leur participation active dans le processus de mondialisation ainsi que
leur rôle dans l’intégration régionale.
- Les routes urbaines ont une importance capitale dans la réduction du coût de la vie et la
fluidité des activités économiques.
- Les routes rurales quant à elles, permettent de désenclaver les zones de production en
améliorant l’écoulement des marchandises vers les villes, réduisant ainsi les coûts de
transport, améliorant l’accessibilité aux services de base (services de santé, les écoles),
et l’accès aux marchés des produits agricoles.
Un réseau routier bien construit et bien entretenu est donc essentiel à la croissance
économique et à la lutte contre la pauvreté. On pourrait même se risquer à poser la question :
2
Lire à cet effet, D. Sutherland et al., « Infrastructure Investment: Links to Growth and the Role of Public
Policies», OECD Economics Department Working Papers, No 686, OECD Publishing, 2009. En ligne, URL:
https://www.researchgate.net/publication/277615508_Infrastructure_Investment_Links_to_Growth_and_the_Rol
e_of_Public_Policies, consulté le 18/01/2021 à 03h00.
3
PNUD, Intégration régionale et développement humain : une voie pour l’Afrique, One United Nations Plaza
New York, NY 10017, États-Unis, 2011, p. 20
P a g e | 386
ne serait-il pas préférable d’investir dans les routes au lieu d’augmenter les salaires pour
améliorer les conditions de vie des populations ? En effet, l’augmentation des salaires
n’améliorent pas forcément les conditions de vie des travailleurs. Un mauvais réseau routier ou
un manque de routes a un effet néfaste sur l’activité économique et les conditions de vie des
populations. Aussi, un réseau routier mal entretenu, entraîne une augmentation du coût de
transport qui conduit à son tour à l’augmentation des prix des produits alimentaires. Ce dernier
est source d’inflation qui a pour conséquence la diminution du pouvoir d’achat des populations.
Il apparait donc qu’investir dans les routes pourrait avoir un impact positif sur les conditions de
vie des populations, plus que ne le ferait une augmentation des salaires. Lorsque le
gouvernement décide d’augmenter les salaires, l’effet induit peut ne pas être celui escompté :
l’augmentation des salaires entraine nécessairement celle de la consommation et partant des
importations, avec pour conséquence l’accompagnement du déficit de la balance commerciale
puis de la balance des paiements. Le pays est obligé d’emprunter pour régler ce déficit.
Nous consacrons ce chapitre aux transports routiers, d’une part au regard de leur
importance dans le processus de développement, et d’autre part pour leur rôle central dans le
rapprochement des hommes et la facilitation des échanges. Ces transports, du fait de leurs prix,
sont souvent un élément décisif dans la précarité de certaines populations. Or, les prix des
transports routiers ne sont que la conséquence des coûts dus aux politiques publiques. Ainsi, il
semble judicieux de faire un distinguo entre les concepts de coût et de prix.
Ces deux notions sont intimement liées, et il n’est pas toujours facile de les distinguer.
Le coût d’une chose (produit, service, activité, etc.), est la somme que coûte son obtention ou
sa réalisation. Le prix désigne quant à lui la valeur de la transaction (vente, échange, etc.) dont
cette chose fait l’objet. Il dépend non seulement du coût réel, mais aussi d’autres
facteurs comme la marge bénéficiaire, les conditions du marché, etc.4 Dans le cas présent, le
coût des transports est l’ensemble des dépenses effectuées par un prestataire afin de réaliser la
mise en circulation de son/ses véhicule(s). C’est ce coût qui détermine le prix à payer par
l’usager des transports.
Comme nous l’avons noté plus haut, le secteur des transports dans le Monde en
général, et au Cameroun en particulier, constitue l’un des plus influents de l’économie. Toute
4
Ministère de la Justice du Canada, « Coût, prix et frais : affaire de perspective », article en ligne, URL :
https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/redact-legis/juril/no31.html, consulté le 05/01/2021 à 05h28.
P a g e | 387
politique publique se doit donc de prendre en compte le volet des transports, quel que soit le
secteur d’activité concerné par un projet : santé, industrie, défense, urbanisme, agriculture,
éducation etc. Les coûts de ces transports doivent être prioritaires dans le montage des
politiques publiques et leur implémentation.
Le coût du transport de marchandises en Afrique est le plus élevé au monde, ce qui non seulement a une
incidence sur la hausse du coût de l’activité économique, dans la mesure où cela freine l’investissement
privé, mais constitue également un obstacle supplémentaire qui empêche les pays africains de tirer parti
de la croissance rapide du commerce mondial. Pour les nombreux pays africains dépourvus d’accès au
littoral, cela revient à dire que dans la réalité, malgré la libéralisation de leurs régimes commerciaux, ils
resteront enclavés.5
Dans ce chapitre nous tentons de répondre à la question suivante : comment les coûts
induits par les politiques publiques influencent-ils les prix des transports routiers au Cameroun ?
En effet, à l’exception des prix du transport en taxi, qui sont déterminés par le MINT, les prix
des autres types de transports sont décidés soit par les exploitants (chauffeurs généralement)
eux-mêmes de manière directe, à l’instar des « opep » ou « clando », des moto-taxis, et de
l’essentiel des transports routiers non-réglementés. Soit par les syndicats de ces exploitants.
Dans les deux cas du reste, ce sont les exploitants, non l’État, qui décident des prix. Cependant,
l’établissement de ces prix obéit à plusieurs coûts, dont l’État a le contrôle. Il s’agit : du coût
d’exploitation des véhicules (CEV), du coût du transport et, enfin, de la marge bénéficiaire.
Pour répondre à la question des déterminants des prix des transports routiers au Cameroun, nous
analysons donc la manière à laquelle ces prix sont établis, en étudiant les différents coûts qui
en constituent les principales variables dépendantes. Le schéma ci-après présente la
construction des prix des transports, en mettant en exergue ces différents coûts.
5
S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique. Étude des principaux corridors,
Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale, Washington DC, 2009, p.
xi.
P a g e | 388
On distingue généralement : les charges variables, qui n’existent que lorsque le véhicule
circule ; et les charges fixes, qui existent que le véhicule circule ou pas. Le tableau suivant
permet de distinguer ces différentes charges.
Dans ces différentes charges, les politiques publiques influencent de manière directe
certains aspects. Il s’agit notamment, des prix du carburant, des pneus et de la maintenance,
pour ce qui est des charges variables. Et de l’assurance et des impôts et taxes pour ce qui est
des charges fixes. Le reste des charges est bien souvent fonction des propriétaires de véhicules,
malgré une forte influence des syndicats des différents secteurs impliqués (transports de
marchandises par camion, transports urbains, transports interurbains). Nous étudions ici
l’impact des politiques publiques sur le coût final supporté par les usagers des transports, et/ou
des marchandises transportées.
Au rang des charges variables, nous avons celles liées au véhicule (le carburant, la
pneumatique et la maintenance), et celles liées au conducteur (salaire, déplacement). Des
différences existent entre les types de véhicules (moto, camion, bus, véhicule de petits moteurs
etc.) ; les distances couvertes ; les types de transports (marchandises uniquement, personnes
uniquement, personnes et marchandises). Dans notre analyse, nous abordons principalement les
charges dont les coûts sont influencés par les politiques publiques.
les gisements potentiels entre autres.6 Quant à la partie aval, l’on distingue la Société Nationale
de Raffinage (SONARA), qui approvisionne le marché national en produits pétroliers issus de
sa raffinerie ou des importations. La Société Camerounaise des Dépôts des Produits Pétroliers
(SCDP) pour sa part, est chargée du stockage des produits pétroliers, alors que la Caisse de
Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) s’occupe de la stabilisation des prix des
produits pétroliers.
Selon le Ministère des finances du Cameroun, le secteur pétrolier fait face de nos jours
à de nombreuses difficultés, aux rangs desquelles : un déficit de la production des produits finis
par la SONARA pour satisfaire les besoins du marché national7 ; mais aussi une insuffisance
des capacités de stockage susceptibles d’assurer une flexibilité de gestion des stocks
commerciaux et des stocks outils des marketeurs8, tout en assurant l’intégrité des stocks de
sécurité de l’État.9
Il faut souligner que l’absence de dépôts pétroliers dans certaines régions et localités,
constitue aussi un handicap à la couverture rationnelle et stratégique du territoire national en
produits pétroliers. Il s’agit notamment de :
6
Pour plus d’informations sur les missions de la SNH, se référer au site internet de la Société, URL :
https://www.snh.cm/index.php/fr/presentation-de-la-snh/profil, consulté le 12/01/2021 à 02h39.
7
Ntyam Ngana et al., Supply of petroleum products in enclaved urban areas: Case of Adamaoua Region, MPRA
Paper No. 64808, 2015, en ligne, URL : https://mpra.ub.uni-muenchen.de/64808/1/MPRA_paper_64808.pdf,
consulté le 18/02/2021 à 16h13.
8
Un marketeur est, dans le contexte de l’exploitation pétrolière, une personne ou une entreprise qui achète les
produits pétroliers auprès des structures de l’État, afin de les revendre aux populations.
9
Commission Technique de Réhabilitation des Entreprises du secteur public et parapublic (CTR), « Rapport sur
la situation des entreprises publiques et des établissements publics », Ministère des Finances de la République du
Cameroun, 2018, p. 58. Téléchargeable en ligne, URL : https://www.ctr.cm/rapports-dactivites/, consulté le
08/01/2021 à 03h35.
P a g e | 391
Enfin, La distribution nationale est assurée par plusieurs distributeurs entre autres :
Total, MRS, Tradex, Bocom, Camoco, Socaepe, Socamit, Petrolex, Algo, Delta Petroleum,
Blessing petroleum, First Oil, Green Oil, OLA, pour les produits liquides ; SCTM, CAMGAZ,
AZA, Africagaz, Kosan Crisplant exclusivement pour les GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié).
Afin de réguler ce secteur d’activité dans lequel interviennent plusieurs acteurs, l’État a
créé en 1974 la CSPH.10 De manière globale, cette structure a pour mission principale de
prendre en charge totalement ou partiellement les augmentations des prix des produits pétroliers
dans la mesure de ses possibilités financières. Au plan technique, elle procède par deux
mécanismes : la péréquation et la stabilisation. Alors que la stabilisation consiste à maîtriser les
prix intérieurs grâce aux prélèvements opérés sur les consommateurs en vue de constituer des
réserves susceptibles de faire face à des variations des prix à l’importation, la péréquation, elle,
consiste à garantir aux distributeurs des marges bénéficiaires dans les zones peu rentables
(enclavées et éloignées de la raffinerie) à travers par exemple la prise en charge des coûts de
transport.11
Une commission de révision mensuelle des prix présidée par la CSPH procède au calcul
des prix sur la base des paramètres susmentionnés, puis fait des propositions rationnelles au
Gouvernement. Ensuite, les prix arrêtés au cours d’un mois sont communiqués aux marketeurs
qui à leur tour affichent sur des panneaux dans les stations-services. Ces prix indicatifs servent
de base de calcul à la rémunération des différents intervenants dans la distribution des produits
pétroliers à partir de la raffinerie jusqu’à dans les stations-services en passant par le transport
10
La Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) estt créée par le décret n° 74/458 du 10 mai 1974,
au lendemain du premier choc pétrolier. Le 31 décembre 1980, par arrêté n° 43/MINEP/SG/SAC, la structure est
élargie par la mise en place des bureaux de la comptabilité et de la documentation. En janvier 1988, le décret
n°88/150 met en place un comité de direction. Une profonde réforme intervient en 1998 avec la réorganisation de
la Caisse par le décret n° 98/165 du 26 août 1998, pour en faire une structure moderne, autonome et dont le
fonctionnement obéit aux règles classiques de gestion des établissements publics. Le décret n° 2019/032 du 24
janvier 2019 portant réorganisation de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures est le dernier texte en
date qui régit cette entreprise.
11
https://www.csph.cm/index.php/fr/a-propos/historique, consulté le 18/02/2021 à 17h36.
P a g e | 392
C’est depuis le 1er juillet 2014 que les produits pétroliers ont subi une hausse
significative. En effet, le litre de super a augmenté de 14,2%, celui du gasoil de 15,4%, et le
gaz liquifié de + 8,3%. Exception notable, celui du pétrole lampant s’est maintenu à 350 F CFA.
Cette augmentation fait suite à la réduction de la subvention aux carburants versée par
l’État camerounais. Juste au premier trimestre 2014, soit avant la réforme, l’Etat avait déjà
dépensé 157 milliards de F CFA soit plus de 70% de l’enveloppe prévue à cet effet. Les pertes
cumulées selon le gouvernement s’élèvent à 1 357 milliards depuis 2008.12 Pour faire passer la
pilule auprès des conducteurs de véhicules et motos, le gouvernement réduit de moitié, l’impôt
libératoire, la taxe sur le stationnement et celle sur l’essieu.13
Pour arriver à ce prix, les produits doivent franchir plusieurs postes d’imposition, qui se
répartissent en deux composantes : non fiscales et fiscale.
- Le prix du produit ou prix parité import : les prix des produits, au moment où ils
sortent de la raffinerie, sont dérivés de la moyenne mensuelle des cours du Brent,
de la parité du dollar et des coûts du fret. Ils dépendent donc de la conjoncture
sur le plan international.
12
O. Mbadi, « Le Cameroun met fin au gel des prix des carburants », Mensuel Jeune Afrique, mis en ligne le 02
juillet 2014 à 09h15, URL : https://www.jeuneafrique.com/8616/economie/le-cameroun-met-fin-au-gel-des-prix-
des-carburants/, consulté le 20/02/2021 à 06h03.
13
L’ordonnance N° 2014/001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale sur les produits pétroliers
et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes et de marchandises, fixe les nouveaux prix à payer.
Voir copie de ladite ordonnance en annexe de cette thèse.
P a g e | 393
- Le passage dépôt : cette rétribution est versée à la SCDP pour couvrir les frais
d’amortissement et d’entretien des dépôts pétroliers. Le taux retenu est fixé en
couverture des charges d’exploitation de ladite société moyennant une
majoration de 12%, autre titre de la marge industrielle communément acceptée
au Cameroun.
- La péréquation transport : ce poste est géré par la CSPH. Il vise à supporter les
compensations des frais d’acheminement des carburants, des dépôts principaux
de la SCDP (Douala et Limbé) vers les cinq (05) autres dépôts de l’intérieur du
pays (Yaoundé, Garoua, Bafoussam, Belabo, Ngaoundéré) de façon à
harmoniser les prix à la sortie des dépôts. Ce poste varie ainsi d’un dépôt à un
autre suivant les distances séparant le dépôt de destination des deux dépôts
principaux.
La CSPH opère une répartition des charges liées au transport des produits raffinés entre
les différentes zones desservies par les marketeurs. Cette opération vise à assurer une offre de
services publics homogènes à travers le rétablissement d’un équilibre économique adéquat. Le
but est la résorption des déséquilibres sous l’angle des recettes mais également des charges.
P a g e | 394
Elle peut de ce fait être entendue comme un mécanisme de redistribution qui vise à réduire les
inégalités entre les localités. Elle se fait à deux niveaux. La péréquation inter-régionale : elle a
pour objectif d’harmoniser les prix de revient des produits pétroliers à la sortie des différents
dépôts secondaires, permettant ainsi de réduire les écarts de prix entre les zones
d’approvisionnement de la raffinerie et les collectivités territoriales éloignées. La péréquation
verticale, qui est opéré entre les produits aux fins d’assurer le maintien de l’équilibre financier
entre les centres de distribution.
- Les frais généraux : ils couvrent les charges d’exploitation des sociétés de
distribution telles qu’elles sont présentées dans les déclarations statistiques et
fiscales, déduction faite des charges découlant d’autres produits pétroliers (gaz,
lubrifiants, fioul, kérosène etc.).
- Les frais financiers : ils sont introduits dans la structure des prix des carburants
pour couvrir l’obligation de constituer en permanence des stock-outils
équivalents à 15 jours de consommation à laquelle l’État astreint les distributeurs
afin de se prémunir contre les pénuries.
- Les coulages : le caractère volatile des produits pétroliers implique des pertes,
ce poste correspond à la compensation des pertes d’exploitation subies, soit au
dépôt, soit au cours du transport desdits produits.
- La livraison ville : il s’agit ici des frais de transport engagés pour assurer
l’acheminement des produits, des dépôts vers les différents points de vente, sur
un rayon de 25 km autour dudit dépôt. Les différentes localités sont desservies
avec des prix variant en fonction des distances.
P a g e | 395
Les composantes fiscales sont au nombre de trois, à savoir les droits de douane, les
postes de Tva et la taxe spéciale sur les produits pétroliers.
- Les postes de TVA : il s’agit de la TVA sur produit, la TVA sur les prestations
de services, la TVA sur distribution
- La taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) : elle sert principalement au
financement de l’entretien routier au titre de la RUR (redevance d’usage routier)
en vertu du principe selon lequel il vient aux utilisateurs dudit réseau de
contribuer à son entretien.
Ce sont ces composantes qui conduisent au prix final que nous connaissons. Ainsi, nous
présentons quatre (4) tableaux qui illustrent les déterminants des prix des produits pétroliers au
Cameroun. D’abord la chaîne de transport des produits pétroliers de la SONARA aux stations-
services ; ensuite le tableau représentant la valeur des différents postes d’imposition sur les
produits pétroliers au dépôt de Douala durant le mois de janvier 2021. Lorsque ce pétrole quitte
les dépôts, il est acheminé vers les autres villes, ainsi s’ajoute le coût du transport qui dépend
de la distance séparant la ville de dépôt à la ville de livraison finale, tel que nous le montre le
troisième tableau. Dès lors, il nous semble intéressant d’observer la différence des prix des
produits pétroliers à la pompe, d’une localité à une autre dans la même région.
P a g e | 396
Tableau n° 27 : Le prix des différents postes d’imposition sur les produits pétroliers au dépôt
de Douala durant le mois de janvier 2021
Source : CSPH, Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1 er
au 31 janvier 2021, p. 2. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h28.
P a g e | 398
Tableau n° 28 : Coût indicatif de transport des produits pétroliers par localité (dépôt de
Douala), janvier 2021.
Source : CSPH , Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1er
au 31 janvier 2021, p. 3. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h44.
Tableau n° 29 : Prix des carburants applicables dans les localités desservies par le dépôt de
Douala (janvier 2021)
Source : CSPH , Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1er
au 31 janvier 2021, p. 4. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h58.
P a g e | 399
Les prix du carburant ont un impact considérable sur les prix des transports. En effet, le
Cameroun subit les fluctuations des prix à l’international. Par exemple le 21 avril 2020 à 14
heures, le baril de pétrole coûtait 15,5 dollars US soit 9 356,834 FCFA. La veille pourtant, ce
prix était à 7,02 dollars US (4237,22 FCFA), son plus bas niveau depuis 1986. Pour les pays
producteurs de pétrole, cette chute représente un manque à gagner pour les recettes budgétaires.
Au Cameroun, par exemple, le budget 2020 a été élaboré sur la base d’un cours du baril à 54,4
dollars (30 197,44 FCFA). Par contre, pour les pays importateurs, la situation est plutôt un
avantage, puisqu’elle entraîne des économies pour l’approvisionnement. Le problème est que
le Cameroun se trouve dans les deux cas de figure, à la fois producteur et importateur.
Il faut même préciser que, depuis l’incendie de la SONARA, intervenu le 31 mai 2019,
le Cameroun est importateur net de produits pétroliers. Avec la chute des cours du pétrole sur
le marché international, en principe, les prix des produits pétroliers devraient en être impactés.
En effet, officiellement, le secteur pétrolier aval a été libéralisé au Cameroun depuis le début
des années 2000. Les distributeurs pourraient donc en réalité appliquer les prix qu’ils veulent.
Bien plus, plutôt que de répercuter la chute du cours du baril sur les prix appliqués aux
consommateurs dans les stations-services, le gouvernement a préféré sécuriser les marges des
opérateurs de la filière.
La mise en vigueur dès ce mois de mars 2020 de la nouvelle grille des produits pétroliers, qui : accorde
une marge minimale de 47,88 FCFA/litre, sans incidence sur le niveau actuel des prix à la pompe ; accorde
aux importateurs, y compris la SONARA, une marge fixe de 16 FCFA/ litre, destinée à couvrir leur
rémunération ; revalorise les droits de passage au profit de la SDCP à hauteur de 2 FCFA/litre, l’ouverture
par le gouvernement, des négociations avec Afreximbank, au titre de la mobilisation de la tranche de 300
millions d’euros, destinées à l’importation des produits pétroliers par la Sonara. 14
L’espoir de voir les prix des hydrocarbures baisser à la pompe s’évanouit donc. On peut
dès lors comprendre les menaces de grèves à répétition des camionneurs, qui, en plus des
charges liées au carburant, doivent affronter les multiples postes de contrôle des FMO. Le
14
https://ecomatin.net/voici-pourquoi-les-prix-du-carburant-ne-baissent-pas-a-la-pompe/, consulté le 21/02/2021
à 04h51.
P a g e | 400
tableau suivant présente la répartition en pourcentage de ces charges sur les différents corridors
d’Afrique.
Dans les corridors étudiés, le coût du carburant est le principal coût variable. Trois autres
coûts variables : pneus, entretien et pots-de-vin sont tout aussi importants, même si leur part
varie suivant les corridors. On peut constater qu’en Afrique centrale, le carburant et les
lubrifiants représentent 38 à 60 % du total des coûts variables, et les pots-de-vin, 27 %, un
pourcentage parfois égal ou supérieur à celui des pneus.
Les politiques publiques touchent directement les charges fixes que sont les assurances,
notamment celles liées au véhicule et celles liées à la marchandise transportées dans le cas des
camions ; mais aussi les impôts et les taxes. D’autres charges interviennent, mais non
P a g e | 401
Dans le cadre de l’analyse des politiques publiques des transports, deux aspects nous
intéressent en ce qui concerne les assurances : d’une part, nous estimons utile de faire un bref
retour sur l’histoire des assurances au Cameroun. En effet, comment comprendre la situation
actuelle si l’on ne maîtrise pas le passé ? Cet aperçu nous permet de situer les prémisses
juridiques des assurances, afin de comprendre d’autre part, la législation actuelle des
assurances. Notre objectif n’est pas d’énoncer les prix des assurances, ce d’autant plus qu’ils
diffèrent d’un assureur à l’autre, mais de comprendre comment les politiques publiques
influencent, par les lois et conventions internationales, la détermination de ceux-ci.
L’assurance fait son apparition dans la plupart des pays de la zone franc durant la période coloniale. Les
premières opérations sont présentées par les comptoirs de certaines maisons de commerce, pour
prémunir les propriétaires de biens contre d’éventuelles avaries. Par la suite et à la faveur des
transactions commerciales qui se développaient, la métropole qui était soucieuse de sauvegarder ses
investissements, a incité les compagnies de son marché à s’implanter sur les territoires coloniaux où
celles-ci exerceront sous forme de succursales ou de simples agences15.
C’est aussi cette analyse qui ressort des travaux de Boris Degloire Souop Kamga16.
Dès l’amorce des indépendances dans les pays sous domination française au début des années
1960, la Direction des Assurances de France organise dès 1959 plusieurs assises visant à
imprégner les représentants des colonies en matière d’assurance. En effet, à la fin de la
colonisation, l’influence française demeure forte en Afrique subsaharienne. À l’exception de la
Guinée, du Mali et du Togo, la plupart des pays estiment judicieux d’instaurer une surveillance
du marché et harmoniser celui-ci à l’exemple de la France pour créer un marché de l’assurance
plus vaste.17 Ainsi, le 27 juillet 1962, ces États signent une convention avec la France et
15
N. Tankam, « Histoire des assurances au Cameroun », en ligne, URL : http://assureblog.com/histoire-des-
assurances-au-cameroun/, consulté le 13/01/2021 à 05h12.
16
B. D. Souop Kamga, « Le marché des assurances au Cameroun (Étude de marché) », Mémoire de Master
professionnel en Relation Internationale option Marketing International, Université de Yaoundé II, Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC), 2007. En ligne, URL :
https://www.memoireonline.com/07/08/1227/le-marche-des-assurances-au-cameroun-etude-de-marche.html,
consulté le 13/01/2021 à 04h22.
17
Swiss Re Corporate History, Histoire de l’assurance en France, Swiss Re Corporate Real Estate & Logistics/
P a g e | 402
Madagascar pour fonder la Conférence internationale des contrôles d’assurances (CICA). Les
États signataires de cette convention sont : le Bénin, le Burkina, le Cameroun, la Centrafrique,
le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo,
Madagascar et la France18.
C’est au cours de ces assises que les premiers textes réglementant cette activité en
Afrique francophone sont élaborés. Il faut préciser qu’avant cette date, les assurances en
Afrique française en général et au Cameroun en particulier, étaient régies par la loi française du
13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance19. Le 27 Novembre 1973, la France et
Madagascar se retire de la CICA. Son siège qui se trouvait initialement à Paris, est transféré à
Libreville au Gabon en 1976.
Au Cameroun, l’autonomie ainsi prise par les pays africains membres est à l’origine, en
1973, de la deuxième ordonnance prise en matière d’assurance par les législateurs nationaux,
après celle de mars 1962 qui jette les premières bases du droit camerounais des assurances.
L’ordonnance de 1973 contribue à accroitre les compétences des autorités publiques quant à la
surveillance du marché, étant entendu qu’elle stipule que toutes les sociétés d’assurances y
exerçant doivent désormais être de droit camerounais. Dans ce contexte de « camerounisation »
du secteur, les agences représentant les compagnies étrangères se conforment aux nouvelles
exigences réglementaires, pour être autorisées à exercer. Ces officines se regroupent pour
former des sociétés répondant aux nouvelles normes relatives à la taille financière minimale.
Par ailleurs, l’État marque sa présence au sein de ces sociétés par des prises de parts dans leur
capital. C’est ainsi qu’après la compagnie Assurances Mutuelles Agricoles du Cameroun
(AMACAM), d’autres sociétés d’assurances de droit camerounais voient le jour notamment :
la Société Camerounaise d’Assurances et de Réassurances (SOCAR), la Compagnie
Camerounaise d’Assurances et de Réassurances (CCAR), la Société Nouvelle d’Assurances du
Cameroun (SNAC) et la Guardian Royal Exchange Cameroun (GREACAM)20.
Cependant, la crise économique des années 80 a considérablement ralenti cet essor des
activités dans le domaine des assurances. Pour y remédier, les autorités ont commis un groupe
d’experts qui s’est réuni dès 1989 pour proposer des solutions visant à restructurer le secteur.
Le 10 juillet 1992 à Yaoundé, est signé le traité instituant la Conférence Interafricaine des
Marchés d’Assurances en abrégé CIMA. Ce nouveau cadre législatif qui régit le
fonctionnement du secteur dans les États signataires du traité, va au-delà d’une simple
harmonisation de la réglementation puisqu’il instaure une organisation intégrée de l’industrie
des assurances entre les pays membres21. Au Cameroun, le Traité CIMA est rentré en
application en février 199522.
Depuis 1995, le Cameroun est soumis au Code des Assurances de la CIMA. Ainsi, c’est
en son Livre II, portant sur « Les assurances obligatoires », que ledit Code présente en Titre I,
« L’assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorques ».24
Le Chapitre 1 de ce Livre II précise les personnes assujetties à ce type d’assurance. Il s’agit de :
Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’État, au sens du droit interne, dont la
responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux
personnes ou aux biens et causés par un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-
remorques, doit, pour faire circuler lesdits véhicules, être couverte par une assurance garantissant cette
responsabilité, dans les conditions fixées par le présent Code 25.
Le Code précise que les contrats d’assurance couvrent aussi la responsabilité civile de
toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l’exception
21
Historique de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), op. cit.
22
E. M. Goghoue Tchomte, « Le retrait d’agrément aux compagnies d’assurance dans la zone CIMA », Mémoire
de Master Université de Dschang, master II, 2010
23
Cette Loi est disponible en ligne, URL : https://www.camerlex.com/lassurance-automobile-2268/, consulté le
13/01/2021 à 18h34.
24
Le Code des Assurances de la CIMA est contenu en Annexe au Traité instituant la Conférence Interafricaine
des Marchés d’Assurances (CIMA) du 10 juillet 1992. Ce Code a été modifié notamment par :
- le règlement n°002/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
- le règlement n°003/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
- le règlement n°006/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
Le Code des Assurances de la CIMA est disponible en ligne. URL : http://www.droit-afrique.com/uploads/CIMA-
Code-assurances.pdf, consulté le 13/01/2021 à 17h53.
25
Code des Assurances de la CIMA, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 200.
P a g e | 404
En effet,
Les professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l’automobile sont tenus de s’assurer pour
leur propre responsabilité, celle des personnes travaillant dans leur exploitation, et celle des personnes
ayant la garde ou la conduite du véhicule, ainsi que celle des passagers. Cette obligation s’applique à la
responsabilité civile que les personnes mentionnées au précédent alinéa peuvent encourir du fait des
dommages causés aux tiers par les véhicules qui sont confiés au souscripteur du contrat en raison de ses
fonctions et ceux qui sont utilisés dans le cadre de l’activité professionnelle du souscripteur du contrat26.
Précision est aussi faite des prix des assurances. Dans son Article 212, le Code défini le
« Tarif minimal » des assurances. Ainsi, « les entreprises d’assurance déterminent librement
leurs tarifs en responsabilité civile automobile. Ceux-ci doivent être au moins égaux au tarif
minimal approuvé par la Commission de Contrôle pour chaque État membre. » Quelques
critères sont adossés à la détermination de ce tarif minimal : la zone géographique de
circulation, les caractéristiques et usage du véhicule, le statut socio-professionnel et
caractéristiques du conducteur habituel.
Au Cameroun, les différents types de garanties pouvant être inclus dans l’assurance
automobile, au-delà de la garantie « d’assurance au tiers » obligatoire27, le contrat peut garantir :
26
Code des Assurances de la CIMA, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 201.
27
La formule dite du « tiers simple » couvre les dommages subis par les tiers et vos passagers en cas d’un sinistre
dont vous êtes responsable. Elle ne prend pas en charge les dommages que vous pourriez subir lors d’un sinistre
responsable. C’est la garantie minimale et correspond souvent à la formule la moins chère, elle comprend :
- La responsabilité civile : si vous causez du tort à une personne, votre assurance prend en charge la réparation
de ce tort qu’il soit matériel ou corporel. Par exemple : Vous emboutissez une voiture de luxe qui a freiné
brusquement, l'assureur répare les dégâts quel que soit le montant.
- La défense et le recours anticipé permet à l’assuré quand il est victime d’un sinistre d’être indemnisé
rapidement sans attendre la procédure entre les assureurs. Cela s’applique lorsqu’un tiers est responsable de
l’accident.
P a g e | 405
Il est donc difficile de déterminer le prix final d’une assurance pour un véhicule29.
Plusieurs autres pièces sont exigibles à la fois au conducteur d’un véhicule, au véhicule
lui-même et le cas échéant, à la marchandise transportée. En annexe de cette thèse, nous
présentons le tableau de ces pièces exigibles. Les documents nécessaires à l’exploitation d’un
véhicule de transport sont indiqués dans le tableau suivant 30:
28
Dans le domaine des assurances et mutuelles souscrites à titre individuel, la prime est la somme que l’assuré
doit verser pour que l’assureur soit engagé par les garanties souscrites au contrat. Autrement dit, il s’agit du tarif
du contrat d’assurance, élément très difficile à comparer tant les garanties pour un même risque sont différentes
d’une compagnie à l’autre.
29
Certains assureurs donnent tout de même la possibilité de simuler le devis de son assurance en ligne. Il s’agit
notamment d’Activa. URL : https://www.activa-cameroun.com/index.php/fr/simulateur-devis/devis-assurance-
auto, consulté le 13/01/2021 à 19h51.
30
Pour les différents impôts exigés dans le cadre des transports en général au Cameroun, lire le Code général des
impôts, dont la version 2020 est en ligne. URL :
https://www.impots.cm/sites/default/files/documents/CGI%202020%20-%20dv.pdf, consulté le 14/01/2021 à
22h36.
P a g e | 406
rattachement ;
– Vignette automobile ;
– Police d’assurance ;
– Carte grise ;
– Impôt libératoire ;
– Fiche des tarifs officiels ;
– Couleur jaune ;
– Permis de conduire de la catégorie « B » ;
– Certificat de capacité, modèle « T » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Badge d’identification.
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
– Vignette automobile ;
Mototaxis (02 places assises
– Police d’assurance ;
maximum)
– Carte grise ;
– Impôt libératoire ;
– Permis de conduire de la catégorie « A » ;
– Carte Nationale d’Identité.
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Vignette automobile VT ;
– Police d’assurance ;
Véhicules (10 places assises – Carte grise ;
maximum) – Impôt libératoire ;
– Permis de conduire de la catégorie « B » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Couleur : vert, blanc et bande jaune.NB : Sous
réserve du parachèvement du dispositif juridique
régissant ce type de transport.
– Carte de transport public (carte bleue) ;
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
Véhicules (plus de 10 places : – Vignette automobile ;
cars et autocars) – Police d’assurance ;
– Carte grise ;
– Patente ;
– Licence Spéciale S4 ;
– Permis de conduire de la catégorie « D » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Couleur : vert, blanc et bande jaune.
P a g e | 407
Source : https://mintransports.net/en/pieces-exigibles-lors-des-controles-routiers-dans-le-cadre-de-la-lutte-
contre-le-transport-routier-clandestin/, consulté le 14/01/2021 à 03h52.
P a g e | 408
B. L’impact de la qualité des routes sur les coûts et les prix des transports
Dans le cadre de la mise en œuvre du Pilier II (Sécurité des routes et mobilité) du Plan
d’action africain de la décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, le Cameroun a
entrepris le bitumage progressif des routes. Selon le Ministère des travaux publics, le réseau
routier national en 2015 compte environ 121 424 kilomètres de routes, dont 21 973 kilomètres
de routes sur le réseau principal et près de 100 241 kilomètres de routes dans le réseau rural. Le
réseau principal compte 6 110 kilomètres de routes bitumées en 2017 (contre 4 061 kilomètres
en 2013) et 15 863 kilomètres de routes en terre. Les infrastructures routières existantes
desservent actuellement les dix régions et nombre de localités du Cameroun.
Malgré ces efforts d’amélioration des infrastructures routières pour la réduction des
accidents de la route, le diagnostic des routes camerounaises par rapport à la mise en œuvre du
Plan mondial et du Plan d’action africain de la Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-
P a g e | 409
2020 n’est pas reluisant. En effet, le réseau routier du pays souffre, parmi d’autres problèmes,
d’un déficit de signalisation et de traçage, de fissures, de nids de poule, d’une mauvaise
évacuation des eaux de pluies, d’absence de trottoirs et de pistes cyclables, et de désordre en ce
qui concerne le stationnement. De grandes insuffisances sont constatées s’agissant de l’état du
réseau. Citant une étude réalisée par le MINTP au premier semestre 2016, la CEA-ONU fait
état de grandes insuffisances constatées s’agissant l’état des routes : le réseau des routes
nationales n’est en bon état que sur 26 % de son linéaire. Les routes départementales sont les
plus dégradées, avec seulement 4,7 % du réseau en bon état. Quant aux routes régionales
(provinciales en 2016), leur état est équilibré avec 50,8 % du réseau en mauvais état et 49,2 %
du linéaire jugé acceptable, dont 10,2 % en bon état et 39 % dans un état moyen.31 Plusieurs
facteurs expliquent le mauvais état des routes au Cameroun : l’absence de cadre institutionnel,
la surcharge, la corruption, une gestion irrationnelle et approximative du réseau, un défaut
d’entretien, et la présence d’obstacles et de véhicules en panne sur les routes.32
31
Ibid.
32
Ibid.
33
Le service-level agreement (SLA) ou « entente de niveau de service » est un document qui définit la qualité de
service, prestation prescrite entre un fournisseur de service et un client. Autrement dit, il s'agit de clauses basées
sur un contrat définissant les objectifs précis attendus et le niveau de service que souhaite obtenir un client de la
P a g e | 410
La GENIS est une approche d’entretien routier qui tend à amplifier le rôle des
entreprises chargées de réaliser les travaux, le faisant passer de la simple exécution desdits
travaux à la gestion et à la préservation des investissements routiers.34 Ce qui suppose, de la
part du Maître d’Ouvrage (Ministère des Travaux publics) davantage de précision dans la nature
des prestations attendues et les indicateurs de résultats des contrats GENIS, les marchés des
travaux routiers entrant dans la logique d’une Gestion Axée sur les Résultats.
Il s’agit, pour les entreprises contractualisées d’œuvrer, dans le cadre de leur prestation,
au maintien d’un axe routier donné, dans un état de viabilité, de confort et de sécurité
compatible, avec les obligations du cahier de charges ; il ne s’agira plus de payer des prestations
par prix unitaire.35
Ainsi, les travaux types à exécuter sont groupés en services physiques et services non
physiques :
Les critères d’appréciation des niveaux de services sont essentiellement fondés sur les
paramètres appréciables que sont :
Parmi les exploitants des véhicules, les routes en mauvais état entraînent des coûts
variables élevés car elles diminuent le rendement énergétique ; dégradent les véhicules, et
génèrent des coûts d’entretien et d’exploitation plus importants ; réduisent la durée de vie des
pneus ; diminuent la capacité d’utilisation des véhicules qui circulent à une vitesse plus basse,
et réduisent la durée de vie des véhicules. Mais peut-on, dans le contexte camerounais, imputer
les coûts élevés d’entretien des véhicules uniquement à la mauvaise qualité des routes ?
L’état de la route affecte généralement quatre coûts variables : la durée de vie des
camions et des pneus, les dépenses liées à l’entretien et la consommation de carburant. Il existe
des stratégies que peuvent appliquer les camionneurs pour atténuer l’impact de l’état de la route
sur les coûts d’exploitation :
35
Ibid.
P a g e | 412
• Durée de vie des camions. Des routes en mauvais état risquent de réduire la durée de
vie des camions qui se dégradent plus rapidement. Même si tel est le cas, il est difficile de
déterminer la part de responsabilité des facteurs tels que : état sous-optimal de la route, stratégie
d’entretien inadaptée, pièces détachées et travaux de réparation de mauvaise qualité, surcharge,
etc.
• Durée de vie des pneus. Souvent, la principale cause de réduction de la durée de vie
des pneus est en rapport avec leur qualité pour réduire le prix d’achat.
• Coût d’entretien du véhicule. Les dépenses d’entretien induites par le mauvais état
de la route n’ont pas un impact significatif sur le coût d’exploitation total du véhicule. Il semble
que les dépenses liées à l’entretien soient limitées par la stratégie employée par les propriétaires
pour les vieilles voitures. Plus le véhicule est vieux, moins le propriétaire est enclin à
l’entretenir. Parfois, l’entretien préventif est retardé ou omis totalement. En outre, les vieux
véhicules sont synonymes de technologie simple, ce qui permet aux conducteurs et propriétaires
créatifs de bricoler leurs moteurs et d’improviser des réparations ou fabriquer des pièces
détachées pour limiter les dépenses d’entretien.
Conclusion
L’infrastructure au Cameroun s’améliore, mais elle le fait à partir d’une base faible. Les
routes de mauvaise qualité et la faiblesse des infrastructures de transport sont depuis longtemps
un problème pour le commerce camerounais et sont considérées comme les principales raisons
de son faible niveau de compétitivité. La route est un moyen de communication destiné à
l’usage de l’ensemble des populations, urbaines et rurales, qui en sont les bénéficiaires finaux.
Les bénéficiaires intermédiaires sont les opérateurs économiques (industriels, agriculteurs et
commerçants), les transporteurs de personnes et les transporteurs de marchandises.
L’accroissement du linéaire de routes désenclave le territoire et génère des activités susceptibles
P a g e | 413
de réduire la pauvreté des populations défavorisées, qui sont établies à 70% en milieu rural et
contribuent à plus de 86% au taux de pauvreté nationale.
- les travaux à haute intensité d’équipement (HIEQ), comportant les travaux d’entretien
mécanisé, les travaux de réhabilitation, d’aménagement ou de création de routes, génèrent la
distribution d’une masse salariale de l’ordre de 20% de leur chiffre d’affaires, et une
estimation donne 18 000 emplois/an créés en 2004.
- les travaux routiers génèrent également des revenus pour les sociétés de location d’engins
de génie civil, même s’il convient de mentionner que l’offre en matériels est très limitée avec
un acteur public (MATGENIE), qui bien qu’en pleine restructuration, connait encore des
difficultés. Pour ce qui est des acteurs privés, la qualité de service est d’autant affectée que
les matériels sont vieux et en très mauvais état.
- les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), portant sur les activités de cantonnage
sur les routes bitumées et certains travaux d’entretien des routes rurales, génèrent la
distribution d’une masse salariale comprise entre 40% et 60% de leur chiffre d’affaires, et
une estimation donne 3 000 emplois/an créés en 2004.
- la contribution des travaux d’entretien routier à l’augmentation ponctuelle des revenus des
populations en milieu rural est importante. En effet, les revenus des actifs dans ces zones
sont estimés en moyenne à 143 000 FCFA par an et personne (sur la base du calcul des
revenus moyens par ménage). Or, pour les travaux routiers, un manœuvre gagne
annuellement en moyenne 576 000 FCFA, ce qui représente un apport ponctuel
supplémentaire très sensiblement supérieur au revenu annuel des actifs ruraux.36
36
MINEPAT, Stratégie de développement des infrastructures du Cameroun. État des lieux et diagnostic, LC
/LC/PR/MINMAP/DGMAS-DMSPI/2012, novembre 2014, p. 26.
P a g e | 414
- chaque véhicule opérationnel crée plus de deux emplois, ce qui représente environ 45 000
emplois directs annuels en ne considérant que la flotte des camions et autobus au Cameroun
(flotte évaluée à 22 400 véhicules pour l’année 2000).37
Par ailleurs, l’amélioration des infrastructures (notamment routières) crée des emplois
induits dans d’autres secteurs (commerce, agriculture, etc.), ce qui a été par le modèle MPA’A
2012/MINTP (développement du réseau routier sur la croissance économique et l’emploi au
Cameroun).38
Bien qu’il soit tentant d’attribuer la majorité des coûts élevés du commerce en
Cameroun à la mauvaise qualité des routes, nous avons constaté que ce n’est pas nécessairement
le principal déterminant des coûts de transport élevés. Au lieu de cela, la recherche révèle que
le fardeau élevé du carburant et de la corruption plombe grandement la circulation sur nos
routes. À cela il faut ajouter les réglementations (techniques et douanières) et les procédures
commerciales.
37
Ibid., pp. 26-27.
38
Ibid.
39
S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique…, 2009, p. 54.
P a g e | 415
CONCLUSION GÉNÉRALE
P a g e | 416
À l’entame de notre thèse sur « Les politiques publiques des transports au Cameroun de
1884 à 2017 », nous nous sommes posé une question : comment les politiques publiques, dans
le domaine des transports, ont-elles évolué, muté, ou se sont adaptées au gré des changements
socioéconomiques et politiques au Cameroun ? Nous souhaitions en effet analyser le contexte
historique qui a été à l’origine des diverses réponses politiques et le rôle des différents acteurs
dans la définition des politiques publiques des transports. Nous partions du constat de l’inégale
répartition, de la mauvaise qualité des infrastructures de transports dans notre pays et du coût
très élevé des prix des transports. Cet état de chose, nous l’avons souligné, est source de
pauvreté dans les localités les plus éloignées des centres urbains. Ces derniers sont eux-mêmes
impactés par les pénuries de denrées alimentaires en saison des pluies par exemple. Ainsi, la
mauvaise qualité des transports ne permet pas un ruissèlement des richesses du centre vers les
périphéries.
Au terme de notre thèse, le bilan que nous pouvons faire des politiques publiques des
transports au Cameroun depuis la période allemande jusqu’en 2017 est négatif. Cette conclusion
s’appuie sur un ensemble de pesanteurs politiques, sociales et historiques.
Il s’agit entre autres d’une inégale répartition des infrastructures des transports dont nous
venons de faire mention ; un entretien déplorable de celles existantes ; un processus
d’attribution des marchés des travaux publics qui prend du temps et coûtent extrêmement cher
au contribuable ; des travaux de construction des infrastructures qui coûtent plus chers au
Cameroun, que dans la plupart des pays d’Afrique ; un secteur marqué par la corruption ;
l’inadéquation entre les politiques des transports et celles de l’aménagement du territoire ; la
non-maîtrise par les exécutants (gouvernement) des outils des politiques décidées par le
président de la République ; une trop grande centralisation des décisions ; le trop grand nombre
d’intervenants dans ce secteur ; des sociétés parapubliques peu rentables ; le coût des
hydrocarbures trop élevé.
Pour que la situation soit telle que nous la décrivons, cela s’est construit dans le temps
et selon un ensemble de théories des politiques publiques inadaptées. De fait, le Cameroun n’a
jamais décidé d’une politique propre, et s’est toujours contenté de recycler, d’adapter ou
simplement de transférer des politiques déjà opérationnelles ailleurs. Or, une bonne politique
publique des transports doit s’adapter à la conjoncture économique du pays qui l’applique et en
P a g e | 417
fonction de ses réalités sociologiques. Au Cameroun, il faut même se poser la question de savoir
si nous n’avons jamais été propriétaires de notre propre économie ?
Dans notre chapitre I, nous avons rappelé les causes de l’impérialisme allemand. Du fait
de la crise de 1873, du manque de débouchés et de terres agricoles, l’Allemagne de Bismarck
est contrainte de s’impliquer dans la conquête coloniale. Sous la pression des opérateurs
économiques à l’instar de Woerman, les colonies sont transformées en territoires de profits. Il
fallait rentabiliser l’investissement. On comprend alors que les transports n’aient servi
principalement qu’à l’évacuation des produits de la colonie. Même quand cela semble être une
avancée majeure, à l’instar du chemin de fer, les intérêts des Allemands sont encore à la
manœuvre pour en dicter l’initiative et le tracée. C’est bien à cause de la concurrence au niveau
de la main d’œuvre entre les plantations (nécessité des planteurs) et les factoreries (nécessité
des porteurs), que le chemin de fer est construit afin de maximiser l’effort des travailleurs dans
les plantations et non plus sur les routes. Au final, les Allemands posent les premières bases de
l’inégale répartition actuelle des infrastructures de transports au Cameroun.
903
Lire P. Hugon, Analyse du sous-développement en Afrique Noire. L’exemple de l’économie du Cameroun,
travaux et recherches de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris, série « Afrique » n° 3, Paris,
Presses Universitaires de France, 1969.
P a g e | 418
la concentration des investissements tant privés que publics « sur les biens de production
destinés à l’exportation plutôt qu’au marché local »904.
Sauf qu’en même temps, la « mise en valeur » tant vantée par les colons et surtout Albert
Sarraut (1923)905, entendue comme théorie et praxéologie du développement en situation
coloniale, semblait davantage participer d’une idéologie et d’une stratégie hégémoniques au
service de la pérennité de la suprématie occidentale, et dont l’héritage postcolonial au
Cameroun explique en grande partie cette illusion de développement si caractéristique de
l’Afrique subsaharienne. Mais revenons plus en détail sur cette période post-germanique.
Pour les pays impérialistes en général, le gouvernement colonial en Afrique devait être
peu coûteux pour les contribuables européens. La doctrine britannique par exemple, voulait que
chaque colonie soit financièrement indépendante. Toute augmentation des dépenses du
gouvernement devait être financée par une augmentation des recettes906. Gareth Austin nous
cite en exemple le cas du Ghana dans les années 1920 quand « le gouverneur Guggisberg est
parvenu à financer la création […] d’un nouveau port et de nouvelles routes et voies de chemin
de fer, par des recettes douanières alimentées par la croissance des exportations de fèves de
cacao par la colonie »907 908.
Après leur repli pendant la dépression des années 1930 et tout particulièrement pendant
la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), les administrations coloniales sont entrées dans
l’après-guerre dotées d’un nouvel engagement public : être considérées comme favorisant
activement le développement des économies qu’elles présidaient. Il faut y voir les conséquences
de la guerre telles que la montée des nationalismes et la guerre froide. L’émergence des deux
superpuissances américaine et russe a nécessairement poussé les métropoles coloniales
d’Europe à revisiter leurs discours. Nous l’avons vu dans ce travail (chapitre II), l’inauguration
du pont sur le Wouri en 1955 par exemple a participé de cette propagande sur le développement
904
Touna Mama, L’économie camerounaise. Pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008, p. 221.
905
Lire le Chapitre II de cette thèse.
906
Lire Chapitre III de cette thèse.
907
G. Austin, « Développement économique et legs coloniaux en Afrique », International Development Policy/
Revue internationale de politique de développement, n°1, 2010, pp. 11-36.
908
À ce propos, lire l’article de Tahar Abb, “The Ten Year Plan in the Gold Coast”, mai 2019. Téléchargeable en
ligne à l’adresse :
https://www.researchgate.net/publication/333339199_The_Ten_Year_Plan_in_the_Gold_Coast, consulté le
08/06/2020 à 13h14.
P a g e | 419
des colonies (impression des timbres sur l’évènement notamment). L’inauguration du pont a
tout autant été un évènement de propagande. Mais peut-on totalement y voir une œuvre de
bienfaisance au profit d’un développement du territoire ?
soulignera entre autres avec force le poids élevé des remboursements des interventions du Fonds
d’intervention pour le développement économique et social (FIDES), principal financier du
développement économique et social des pays africains de la France d’Outre-mer. Alors que ce fonds
avait été constitué avec des sommes prélevées dans les pays africains, Paul Soppo Priso estimait que les
délais de remboursement et les intérêts exigés des pays africains n’étaient pas de nature à faire progresser
notre développement.910
Il faut dire que le FIDES fut, selon les mots de Martin-René Atangana, « un cadeau
empoisonné et non rentable ».911 Ainsi, le langage « développemental » s’est certes traduit par
une augmentation des dépenses de la France envers ses colonies, lesquelles en principe
provenaient partiellement du contribuable métropolitain, mais un bémol est toutefois à relever :
Dans le cas de la France, les recettes fiscales venues d’Afrique ont continué à excéder les dépenses
publiques en Afrique. En Afrique occidentale britannique, les nouveaux offices publics d’exportation ont
accumulé des surplus substantiels en maintenant une marge importante entre les prix auxquels ils
achetaient aux producteurs et ceux auxquels ils vendaient sur le marché mondial des produits agricoles.
Les surplus étaient gardés à Londres en titres du gouvernement britannique, une épargne forcée des
agriculteurs africains qui a aidé l’économie métropolitaine britannique à se relever de la pénurie de dollars
de l’après-guerre912.
909
Article du Quotidien Le Messager, en ligne, URL: https://www.bonaberi.com/article.php?aid=1006, consulté
le 08/06/2020 à 13h44.
910
Ibid.
911
M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 227.
912
Ibid.
P a g e | 420
durant cette période, nous assistions aux prémices de planification économique, méthode qui
n’a plus jamais quitté le Cameroun. Il faut se rappeler que, sous le protectorat allemand, le
portage était encore l’un des principaux moyens de transport, ce qui représentait un handicap
dans la mise en valeur du pays. Les Français s’étaient attelés à mettre en place une politique à
la fois routière et ferroviaire, dans la continuation de l’œuvre allemande. Ces deux types de
transports devaient être concomitants, de manière à se compléter et à faciliter au mieux, le
transport rapide et à moindres coûts des produits sur l’ensemble du pays.
Mettons tout de même au crédit de la France, qu’elle a initié les premiers pas de
l’aviation civile, en construisant les premiers aérodromes du Cameroun. Ainsi, sous
l’administration française, le réseau des transports du Cameroun avait connu d’importantes
améliorations et une forte expansion. Malgré tout, les premiers planificateurs du Cameroun
indépendant déploraient l’inégale répartition territoriale des transports et la modicité de leurs
infrastructures. Il faut dire que les Français avaient surtout concentré leurs efforts dans la
construction des transports utiles à l’exploitation économique du territoire. Dans l’évaluation
que nous avons faite de la politique des transports durant la période de domination française,
nous avons eu l’impression d’une sorte de schizophrénie. En effet, la France semblait partagée
entre, d’une part les exigences du mandat et de la tutelle ; et d’autre part, l’impératif de tirer le
maximum de ressources du territoire à eux confié par la SDN d’abord et l’ONU ensuite. Cet
état de chose était donc à l’origine de cette inégale répartition territoriale des transports. À
l’indépendance du Cameroun, ce sont ces inégalités qu’il fallait gommer, tout en tentant de
stabiliser le pays sur le plan politique et de l’unifier sur le plan social.
La planification africaine est en crise. D’ardente obligation au lendemain des indépendances, le plan est
devenu, dans de nombreux pays, une liturgie, une règle rythmant les actions administratives mais sans
réelle emprise sur des économies qui demeurent largement séculières : les procédures d’élaboration
paraissent limitées au niveau central et il y a peu de mobilisation des acteurs sociaux. Les planificateurs
manquent de systèmes d'informations fiables et les plans demeurent très formels. Dans la plupart des cas,
on observe de simples catalogues de projets souvent mal évalués et non hiérarchisés sans réel cadrage
macroéconomique. Il existe rarement des mécanismes institutionnels permettant de coordonner les
activités liées à la gestion financière à court terme aux politiques à long terme. Dans la pratique, la plupart
des investissements et des choix de projets se réalisent selon des orientations extérieures aux plans; ceux-
ci apparaissent ainsi comme des documents non intégrés dans un processus permanent de planification et
demeurent le plus souvent lettre morte.913
La mise en place des plans quinquennaux laisse percevoir une volonté politique
d’emprise interne sur le développement économique. À l’instar de nombreux pays en
développement, le Cameroun centralise sa stratégie d’industrialisation sur le marché intérieur
et tournée vers la demande domestique. Il met en outre un accent sur une production de
substitution aux importations, une protection douanière élevée et la création de nombreuses
entreprises publiques. Si les objectifs poursuivis par cette stratégie sont « grandement » atteints
jusqu’au lancement du Ve Plan en 1981 selon le discours officiel.914
913
P. Hugon et O. Sidrie, « La crise de la planification africaine. Diagnostic et remèdes », Tiers-Monde, tome 28,
n°110, 1987, p. 407.
914
Lire le discours prononcé par le président Ahmadou Ahidjo lors du lancement du Ve plan quinquennal en 1981
915
F. Eboko-Ekoka, « Une expérience de planification dans le Cameroun des années 1970-80 », in L’État,
l’ingénierie, le social. Les techniques économiques dans l’histoire, Septième Semaine de la recherche organisée
par le CRESC et la Chaire d’Études africaines comparées, École de gouvernance et d’économie, 14-16 décembre
2016, Rabbat-Maroc.
P a g e | 422
d’Afrique noire à Paris (CIAN)916, en deuxième position. Ce n’est qu’ensuite que le chef de
l’État du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, vient compléter la pyramide, encadré par un
Gouverneur/Haut-commissaire.
Sous l’égide de cette hiérarchisation, la sélection des grands travaux qui justifient la
planification au Cameroun en 1960 serait, si l’on s’en tient à cette analyse, commandée par la
superstructure pyramidale décisionnelle sus-évoquée qui, faisant triompher les intérêts de la
métropole. Avant l’indépendance, La France avait déjà posé les jalons de cette planification à
travers la priorité donnée aux constructions des routes et ponts sur les fleuves
Sanaga/Wouri/Moungo, du Transcamerounais, du barrage électrique sur la Sanaga à Edéa par
Électricité de France (EDF)917, les montages d’usines d’aluminium à Edéa (par Pechiney-
France) et de raffinerie de pétrole à Limbé (par ELF/Total).
Au final, la période du libéralisme planifié a été marquée par une trop grande centralité
des initiatives sur le plan économique avec pour conséquence leur non efficience. La figure du
916
A. Béguec, « Patronat et organisations patronales en France depuis 1945 », DESS Ingénierie documentaire,
Rapport de recherche bibliographique, Ecole nationale supérieur des sciences de l’information et des
bibliothèques, mars 2002.
917
Lire M. Laparra, « Enelcam - Alucam : l’énergie hydroélectrique.. », 2002, pp. 177-200.
918
J. Marseille, Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 2005,
p. 346.
P a g e | 423
président Ahidjo était quasi omniprésente dans toutes les décisions, et ne permettait pas une
remise en question du modèle économique en place. Malgré tout, nous nous devons de
reconnaître à cette politique d’avoir posé les jalons d’un État et des structures viables. Lorsque
le régime change de chef le 6 novembre 1982, les finances de l’État étaient encore soutenables,
avec une dette acceptable même si les indicateurs de la future crise économique étaient déjà
établis. Pourtant, les dérèglements du système économique mondial ont commencé à avoir leurs
impacts au Cameroun entre 1982 et 1986. Durant la même période on assistait au changement
de paradigme dans la gestion économique du Cameroun. On passait du libéralisme planifié au
libéralisme communautaire, sous fond de crise politique. Entre autres causes de la crise
économique et son corollaire de réformes dont le Cameroun a encore du mal à se sortir de
manière définitive aujourd’hui.
On pourrait tout aussi imputer cette crise en partie aux mauvaises performances
économiques du secteur public. Alors que le pays connaissait une croissance soutenue grâce à
la rente agricole, droits tirés des produits d’exportation entre 1960 et 1979, et au boom pétrolier
(1980), le secteur public s’est attelé à caporaliser les bénéfices de la croissance alors même que
les objectifs initiaux prévoyaient un transfert au secteur privé :
Lourdement déficitaires, les entreprises étatiques et para-étatiques doivent chaque année recevoir
d'incroyables subventions de l’État pour pouvoir continuer à fonctionner: 150 milliards de CFA en 1984
par exemple, soit la moitié des recettes pétrolières de l'État cette année-là et près du cinquième de ses
dépenses totales ! Entre la Présidence, qui gère une partie de l’argent du pétrole par le biais des comptes
919
Touna Mama, L’économie camerounaise…, p. 16.
920
Ch. M. Ngo Tong, « L’opérationnalisation de la stratégie de Croissance pro-pauvres au Cameroun », Revue
Interventions économiques, n°56, 2016, p. 3.
P a g e | 424
hors budget, la SNH (Société Nationale des Hydrocarbures) disposant d’une autre partie, les ressources
dégagées par l’ONCPB et par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, les fonds engagés par la SNI et
les ressources de fonctionnement normales gérées par le ministère des Finances, c’est à une véritable
prolifération institutionnelle qu’on a pu assister au cours de la décennie 1975-1985 : chaque ministère a,
en effet, cherché à compenser un pouvoir considérablement limité, en haut, par la centralisation extrême
exercée par la présidence et son secrétariat général (plus de 200 personnes) en créant, sous sa compétence,
un grand nombre d’organismes parapublics et d’agences de développement. Chacune de ces nouvelles
institutions a ainsi été l’objet de véritables bagarres entre ministères, pour savoir qui en aurait la tutelle.921
Pour faire face à cette crise économique, l’État crée la Mission de réhabilitation des
entreprises publiques et parapubliques. Cette mission, qui s’inscrit dans le cadre de l’élaboration
d’une stratégie de stabilisation, d’ajustement et de relance économique et de ses accords avec
les institutions de Breton Woods (premier PAS), aboutit à la mise en liquidation de 59
entreprises et à des restructurations/ réhabilitation des autres, moyennant l’établissement de
contrats de performance. La difficile atteinte des objectifs fixés dans le cadre de ce programme
oblige les autorités, après la dévaluation du francs CFA en 1994, à adopter un nouveau
programme de redressement économique soutenu par les institutions financières
internationales. Il s’agit de la Déclaration de politique générale du gouvernement relative aux
entreprises publiques. Pendant ce temps, les travaux dans le domaine des transports connaissent
un véritable ralentissement, si ce n’est un arrêt.
Le Cameroun entre alors dans une phase de mutation symbolisée par le retrait officiel
de l’État en vue de la croissance du secteur privé et une révision de sa stratégie globale de
développement. Le modèle dirigiste du « tout État » poursuivie depuis l’indépendance est remis
en question au bénéfice d’une ouverture vers l’économie de marché dite du « tout économique
» et nécessitant un recours aux technocrates.
921
S. Brunel, « Les difficultés du Cameroun : fin d'un modèle ou crise de croissance ? », L’information
géographique, volume 67, n°1, 2003, p. 137.
922
G. Amougou, « Esquisse d’histoire des politiques de développement au Cameroun : Un regard contextuel
CERDAP », Working Paper « Developmental State Strikes Back ? », 2/2018, p. 23.
923
Ibid.
P a g e | 425
Dans le chapitre VI, nous avons examiné les privations des entreprises, notamment dans
le domaine des transports, comme solution à la crise économique qui sévit. Nous avons fait le
constat que le cadre juridique qui le sous-tendait ces privatisations était en lui-même vicié. En
effet, la révision permanente du cadre institutionnel devant rythmer le processus de retrait de
l’État est un indicateur des titubations rencontrées dans sa mise en application, en même temps
qu’elle présage de l’effilochement continu du tissu socio-institutionnel. La vision hyper
politisée des réformes augure d’une ingérence continue des autorités gouvernantes sur le
processus amorcé. L’existence de plusieurs centres et niveaux de pouvoir ou de décisions qui
se contredisent, au déficit de diligence administrative.
Le chapitre VII nous a permis de comprendre le rôle de chacun de ces nouveaux acteurs
des politiques publiques des transports.
1987 est la date de déclaration de la crise par le président Paul Biya. Officiellement,
c’est la date à laquelle le Cameroun devient sévèrement endetté après avoir connu un
endettement plus ou moins modéré. L’objectif des PAS sera ainsi de « limiter les dégâts » en
recherchant la stabilisation des grands équilibres en vue de relancer l’économie. Dans la réalité,
les PAS ne parviennent pas à réduire la dette publique qui ne cesse de peser sur l’État.
L’ajustement signifiait donc que l’État devait réduire son train de vie au niveau de ses moyens
propres. Car le surendettement est la principale cause de la crise au Cameroun. Réduire de
manière considérable la dette constituait le but et la raison d’être de l’initiative Pays Pauvres et
Très Endettés (iPPTE), qui se proposait de la ramener à un niveau de soutenabilité. La difficulté
des États à atteindre les objectifs assignés au travers des PAS est ainsi à la base de la proposition
de l’initiative PPTE. Ainsi, les fonds reçus de l’iPPTE sont de ce fait conditionnés par
l’investissement dans la réalisation des projets et programmes de réduction de la pauvreté.
924
Le Comité a été créé par l’Arrêté n° 076 /PM du 06 juillet 2006 portant création, organisation et fonctionnement
d'un Secrétariat Technique de suivi et d'évaluation des résolutions et recommandations du Comité Interministériel
Élargi au Secteur Privé.
925
Lire le « Programme de S. E. Paul Biya », en ligne, URL : https://www.prc.cm/fr/le-president/programme-fr,
consulté le 09/06/2020 à 08h19.
P a g e | 427
Cependant, on peut bien y voir plus une continuité qu’une de rupture structurelle réelle :
l’accent mis sur une rhétorique d’obédience propagandiste, prééminence de l’institution public,
ouverture assez méfiante vis-à-vis des acteurs de la société civile, lenteurs administratives,
corruption etc. Aussi l’on relève un élan doctrinaire et idéologique qui semble oblitérer le fait
que le problème historique est d’abord d’ordre pratique-systémique. L’instruction du PLANUT
par le président Biya en 2014 n’est que l’illustration de ces manquements et de la prédilection
des effets d’annonce sans concrétisation. Pour un programme triennal censé avoir été achevé
en 2017, il faut constater qu’en 2020, il court toujours.
Malgré la relative reprise économique, le Cameroun a du mal à tirer les leçons de son
histoire économique. Dans le domaine des transports par exemple le premier défi est celui des
routes, de leur construction et de leur entretien. En dépit des financements importants dans ce
domaine, les activités de maintenance sont mal planifiées et ne parviennent pas à optimiser le
cycle de vie des actifs routiers. Ces carences dans l’entretien ont contribué à l’état relativement
mauvais du réseau routier du Cameroun.
La qualité des tronçons camerounais des corridors régionaux essentiels laisse également
à désirer, surtout comparée à celle des sections des pays voisins. Cette déficience empêche le
transport efficace des personnes et des biens à partir des pays enclavés. Le Cameroun a des
tronçons dans quatre corridors régionaux : Douala-Bangui, Douala-Ndjamena, Pointe Noire-
Brazzaville-Bangui et Nouakchott-Ndjamena.
A 2008 EU-financed study 6 evidenced that between 2004 and 2007, the accident rate on the Douala –
Yaoundé road was 35 times higher than on a similar road in Europe, with 60 deaths per 10,000 vehicles.
While human behavior is responsible for three quarters of the accidents, some infrastructure “black
spots” were also identified. Car crashes do not only cost lives and injuries; they also have an economic
cost that adds up to the high transport and transit costs along the corridor. It has been estimated that the
P a g e | 428
direct and indirect impact of deteriorated safety conditions in developing countries such as Cameroon
typically amount to about 1.5 percent of gross domestic product (GDP). 926
Au final, tout nous ramène aux politiques. Ce ne sont pas les routes en elles-mêmes le
problème, mais les politiques de leur construction, de leur entretien, et celles dédiées à leur
sécurisation. Cela met en évidence un problème que nous soulevions dans ce travail, celui des
lourdeurs administratives. Bien trop de structures administratives interviennent dans la chaîne
des transports au Cameroun. Dès la conception du projet jusqu’à la réalisation complète, on
dénombre au moins six ministères qui interviennent : MINMAP, MINTP, MINFI, MINEPAT,
Services PM, MINDUH. Les directions et commissions sont toutes aussi nombreuses et
gourmandes en budget. Du recrutement d’un cabinet pour expertiser la faisabilité d’un projet,
jusqu’à la livraison complète de ce projet, la chaîne est tellement longue que l’on peut aisément
comprendre le coût élevé des routes dans notre pays. Un toilettage administratif est donc
impératif.
Que ne gagnerions-nous pas à concentrer les travaux routiers dans un seul et unique
ministère : le MINTP ? Que ne gagnerions-nous pas à concentrer les efforts de construction des
routes au sein du MATGENIE. En effet, depuis 2015, cette entreprise fait maintenant plus, que
simplement de louer des engins. Elle est, aujourd’hui, une véritable entreprise de BTP. Plutôt
que de dépenser des sommes faramineuses à engager des cabinets, généralement étrangers, pour
la réalisation des tests de faisabilité des projets routiers, que le Gouvernement de la République
926
Banque Mondiale, « Project Paper on a Proposed Second Additional Financing and Restructuring Credit to the
Republic of Cameroon for the CEMAC Transport and Transit Facilitation Project», Rapport 59869-CM, Région
Afrique, Banque mondiale, Washington, DC. 31 mars 2011, p. 4.
927
CEA-ONU, « Évaluation de la performance…», 2018, p. 35.
P a g e | 429
Dans son rapport 2017, la CONAC classait, selon son indice de perception de la
corruption, les ministères les plus corrompus au Cameroun. Dans l’ordre, on retrouve le
MINMAP en tête de peloton avec une moyenne de 7,77/10, ce ministère est l’administration la
plus corrompue au Cameroun. Et, le secteur des marchés publics, celui où l’on registre le plus
d’actes de corruption. Au 2ème rang des ministères les plus corrompus, on retrouve le ministère
des Finances, notamment ses services centraux. Le ministère de la justice vient ensuite. Suivi
par la gendarmerie. Et en 5e position, le ministère des transports, avec une note de 6,34/10. Le
MINTRANS doit ce classement aux nombreux actes de corruption tant décriés au niveau de la
délivrance du permis de conduire. Pour aboutir à ce classement, la CONAC dit avoir fait une
enquête sur le terrain, en donnant la parole à un échantillon de 6 145 personnes disséminées
dans 360 arrondissements du Cameroun. Cet échantillon de personnes était interrogé sur leur
appréciation des efforts et des résultats obtenus après cinq années d’implémentation de la
stratégie nationale de lutte contre la corruption au Cameroun929. Ce qui attire notre attention et
qui nous semble d’autant plus inquiétant, est que 4/5e de ces ministères sont impliqués dans le
domaine des transports : le MINMAP, le MINFI, le MINTrans et la Gendarmerie.
Plus que tout, le Cameroun doit alléger sa bureaucratie. En effet, les lourdeurs
administratives sont un véritable fléau qui affecte les services publics au Cameroun. Pourtant,
la digitalisation pourrait être la solution idoine à ce problème et améliorer leurs services et
promouvoir la bonne gouvernance. Malgré les multiples réformes engagées pour
responsabiliser les agents de la fonction publique, la lenteur des procédures reste un phénomène
qui plombe les relations entre citoyens et administrations civils. Et parce que le laxisme est
928
http://www.mintp.cm/fr/news/50/43/Labogenie, consulté le 06/02/2020 à 3h28.
929
Le Quotidien EcoMatin, « Classement Conac 2018: le top 5 des ministères les plus corrompus », en ligne,
URL : https://ecomatin.net/classement-le-top-5-des-ministeres-les-plus-corrompus/, consulté le 06/02/2020 à
04h53.
P a g e | 430
présent à plusieurs niveaux, une tâche que l’on pourrait exécuter en quelques heures prend des
mois au Cameroun. Les administrations publiques au Cameroun pourraient pourtant connaître
un meilleur fonctionnement grâce à l’adoption de l’e-gouvernance qui s’avère être une solution
efficace pour combattre ces fléaux. Elle simplifierait grandement les procédures administratives
grâce à l’usage du numérique. Cela passe par une vulgarisation des services en ligne et la
création de centres d’accès tels que les sites internet.
L’histoire des politiques publiques au Cameroun nous donne à penser qu’il est trop
ambitieux, mais peu réaliste, avec beaucoup de problèmes de gouvernance, trop d’effets
d’annonce, une politisation à outrance. Même les techniciens préfèrent s’arrimer à la posture
politicienne pour préserver leurs postes. Le pouvoir central a pris trop de force. Aujourd’hui,
deux points de vue s’affrontent quant à la situation économique du Cameroun. Celui pour lequel
l’aide extérieure, la dette, l’ajustement structurel, l’initiative PPTE, sont considérés comme des
manifestations permanentes de la déchéance économique et du « cycle infernal » de dépendance
qui structurerait les relations du Cameroun avec l’extérieur. Ce serait pour cette tendance, la
cause de son sous-développement. Selon un autre point de vue, ce serait la nature postcoloniale
de l’État la principale explication de la permanence d’une infrastructure économique et sociale
embryonnaire et reposant sur des modèles importés d’industrialisation.
930
Circulaire N°0001/CAB/PRC du 20 juin 2018 relative à la préparation du budget de l’État pour l’exercice 2019.
P a g e | 431
Dans l’histoire, la gestion des affaires privées et des affaires publiques a rarement été séparée. Mais
l’extraction réalisée par 1’État en Afrique au détriment de la société n’a conduit à aucune forme de
consolidation économique et politique, faute d’investissement dans des activités productives locales.
Ainsi, la survie du groupe dirigeant complètement coupé de la société ne peut s’expliquer que par le
maintien d’une structure bureaucratique légitime appelée État, vivant comme un prédateur sur son
environnement. Or, paradoxalement, plus un État est convaincu de son impunité et moins il ressent le
besoin de négocier avec sa société.931
931
D. Darbon, « L'État prédateur », Politique africaine, no 39, 1990, p 44.
P a g e | 432
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
P a g e | 433
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Yaoundé le 28 septembre
Tchinda Mbouzikeu Henri Gendarmerie Nationale
2017
Délégation générale à la
Nimpa Jacques Yaoundé 14 mars 2019
sûreté nationale
27/10/2019 à Mokolo
Monsieur D., environ 40 ans Enseignant
(Yaoundé).
P a g e | 434
28/10/2019 à Mokolo
Sani Fred Moto-taximan
(Yaoundé)
28/10/2019 à Mokolo
Akoa, 45 ans agent contractuel au MINFI
(Yaoundé)
28/10/2019 à Mokolo
Ekani, 38 ans chauffeur de « clando »
(Yaoundé)
P a g e | 435
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- https://www.cairn.info/
- https://www.persee.fr/
- https://fr.wikipedia.org
- https://scholar.google.com/
P a g e | 467
8. Dictionnaire et encyclopédie
INDEX
P a g e | 469
Accident, 17, 278, 280, 281, Agence pour la sécurité Arrêté, 323, 365, 371
282, 284, 290, 295, 403, 426 aérienne en Afrique et de
Madagascar: ASECNA, XIII Association internationale de
Achenbaum, 11, 12, 440 développement: AID, XIII,
Agriculture, 3, 5, 48, 49, 54, 72, 219
Action publique, 6, 7, 8, 11, 87, 111, 114, 117, 162, 166,
12, Atangana, 25, 26, 90, 130, 132,
179, 193, 228, 230, 232,
28, 30, 225, 362, 435, 436, 296, 418, 434, 440, 455
233, 234, 332, 440
437, 439, 444, 448, 449,
450, 453 Ahidjo, XVI, XVII, 17, 18, 32, Automobile, 30, 97, 103, 368,
34, 36, 159, 163, 168, 174, 371
ADC: Aéroport du Cameroun,
185, 186, 187, 191, 200, Autorité Portuaire Nationale:
XIII, 346
213, 224, 228, 229, 230, APN, XIII, 307, 346
Administration, 19, 24, 25, 41, 231, 340, 381, 420, 421, 422
53, 55, 56, 57, 60, 61, 62, Banane, 75, 97, 114
Ahmadou Ahidjo, XVI, 34, 36,
63, 64, 67, 68, 70, 71, 73, Banque internationale pour la
162, 168, 175, 194, 197,
80, 81, 86, 93, 95, 96, 97, reconstruction et le
199, 200, 212, 228, 229,
101, 102, 103, 104, 105, développement: BIRD, XIII,
230, 465
110, 114, 119, 121, 122, 219, 462
123, 125, 129, 131, 136, Air Afrique, 212, 213, 214
137, 138, 139, 141, 146, Banque mondiale, 2, 3, 219,
147, 148, 151, 152, 153, Allemands, 15, 23, 46, 48, 53, 238, 244, 248, 271, 311,
155, 156, 157, 158, 159, 58, 69, 74, 151, 155 312, 313, 316, 318, 332,
162,174, 192, 213, 216, 217, Allemands, IX, X, XVI, 15, 18, 427, 462
219, 224, 239, 260, 289, 21, 22, 23, 31, 36, 51, 54,
293, 296, 339, 349, 351, Banque Mondiale, XVI, 2, 3,
56, 57, 58, 66, 67, 68, 69, 32, 179, 219, 220, 222, 223,
370, 419, 423, 428, 429, 70, 71, 72, 74, 77, 88, 97,
445, 456, 458, 461, 464 236, 245, 272, 319, 362,
101, 120, 122, 138, 140, 386, 426, 427, 460, 462, 465
Administration, 6, 54, 103, 147, 150, 151, 155, 157,
105, 149, 152, 213, 216, 216, 416 Bateaux, 75, 80
217, 224, 230, 284, 288, 444 Aménagement, 3, 9, 28, 29, 30, BIP, XIII, 340, 350, 357, 516
AEF, XIII, 90, 99, 122, 127, 36, 41, 54, 76, 102, 117,
Bismarck, 51, 52, 53, 63, 69,
212, 457 123, 134, 165, 183, 184,
76, 157, 416, 437, 445
193, 214, 219, 276, 295,
Aérien, aériennes, aérien, 306, 326, 327, 328, 330, Bitumées, bitumage, 184, 193,
aérienne: air, 9 331, 335, 349, 364, 370, 207, 210, 223, 343, 362
441, 451, 453, 461
Aérodromes, 118, 119, 131, Biya, XVI, XVII, 16, 17, 18,
210, 343, 374, 375, 419 Amendes, 57, 300 32, 36, 228, 229, 230, 231,
Afrique, XIII, 28, 41, 47, 69, 232, 233, 290, 336, 425,
Amérique, 48, 236, 246, 286
87, 90, 93, 94, 105, 114, 426, 429, 434, 438
118, 119, 163, 164, 166, Analyse, 4, 5, 7, 11, 12, 22, 28,
Blum, 94, 110, 454
178, 181, 182, 211, 212, 29, 30, 33, 35, 76, 180, 225,
213, 214, 215, 224, 233, 246, 250, 262, 267, 297, Budget, IX, 91, 181, 182, 189,
237, 246, 247, 248, 253, 369, 373, 442, 449, 450, 224, 230, 233, 235, 236,
257, 258, 291, 322, 333, 453, 457, 458 262, 276, 305, 315, 318,
343, 357, 365, 367, 374, 338, 340, 350, 351, 352,
Angleterre, 23, 45, 47, 50, 58,
427, 435, 436, 440, 441, 353, 354, 355, 356, 357,
63, 78, 80, 139, 143, 150,
444, 447, 450, 452, 454, 380, 429, 463
418, 456; Anglais, 15, 16,
460, 462, 463 45, 47 Cacao, 73, 97, 102, 107, 114,
Afrique Centrale, XIII, 20, 41, 162, 178, 216
AOF, 90, 154, 212
257, 258, 322, 367, 374, 454
P a g e | 470
café, 97, 114, 162, 178, 216 315, 316, 317, 318, 319, chemin de fer, XI, 9, 41, 48,
323, 325, 327, 328, 329, 53, 54, 64, 67, 72, 76, 77,
CAMAIR, XIII, 17, 211, 214, 332, 333, 340, 343, 346, 98, 99, 100, 101, 102, 103,
224, 243, 244, 251, 258, 348, 350, 351, 352, 355, 107, 183, 185, 186, 205,
264, 265, 303, 346 357, 358, 359, 360, 362, 208, 217, 218, 223, 233,
CAMAIR-Co, 17, 20, 264, 265 363, 364, 365, 366, 369, 251, 271, 274, 276, 278,
371, 373, 374, 375, 376, 303, 328, 342, 344, 373, 460
Cameroon: Cameroons, X, 377, 380, 381, 383, 385,
XIII, XVII, 2, 27, 64, 70, 72, 386, 387, 388, 389, 392, chemins de fer, 26, 52, 55, 62,
118, 119, 154, 206, 210, 394, 398, 400, 401, 402, 64, 67, 68, 73, 78, 90, 98,
211, 214, 216, 244, 250, 403, 407, 408, 411, 413, 102, 103, 118, 131, 137,
261, 265, 295, 303, 308, 415, 416, 417, 418, 419, 185, 193, 197, 216, 218,
343, 346, 427, 436, 438, 420, 421, 422, 423, 424, 223, 272, 274, 275, 285,
444, 455, 458, 461, 464 425, 426, 427, 428, 429, 303, 321, 372, 435, 442,
430, 434, 435, 436, 437, 445, 461
Cameroon Airlines: CAMAIR,
438, 439, 440, 441, 442, Circulaire, 365, 429
XIII, 214, 265, 346
443, 444, 445, 446, 447,
Cameroon Civil Aviation 448, 449, 450, 452, 453, Clandestins, clando, opep, 296
Authority: CCAA, XIII, 346 454, 455, 456, 457, 458,
clandos, 291, 297, 298, 300
459, 460, 461, 462, 463,
Cameroons Development 464, 465, 466, 478, 479, classes subalternes, 4, 5
Fund, 146, 147, 154, 513 480, 512, 513, 514, 515,
516, 517 Claude Thoenig, 6
Cameroun, XV, XVI, 2, 3, 4, 5,
8, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, camerounais, XV, 4, 7, 28, Club de Londres, 315
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 117, 162, 168, 176, 177,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, Club de Paris, 315
178, 182, 186, 187, 195,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 41, 199, 211, 213, 214, 222, CNCC, 243, 252, 265, 303,
42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 224, 225, 229, 230, 231, 346
53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 235, 241, 242, 243, 245,
60, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 250, 252, 258, 266, 275, CNSR, 305, 370, 515
69, 70, 72, 73, 74, 77, 78, 291, 300, 314, 318, 327,
coloniale, IV, 3, 5, 15, 19, 21,
80, 90, 95, 97, 99, 100, 101, 333, 358, 362, 375, 447,
22, 23, 24, 27, 31, 41, 48,
102, 103, 104, 105, 107, 451, 453, 457
51, 52, 56, 57, 58, 59, 61,
112, 114, 116, 117, 118,
CAMRAIL, VIII, 17, 272, 273, 63, 70, 81, 82, 83, 85, 87,
120, 121, 122, 123, 125,
276, 277, 278, 279, 280, 95, 120, 122, 124, 125, 129,
127, 130, 131, 132, 133,
281, 282, 283, 285, 287, 133, 137, 138, 139, 141,
134, 136, 146, 147, 148,
288, 289, 290, 515; 151, 155, 157, 170, 173,
149, 150, 151, 152, 153,
Cameroon railway company, 175, 400, 416, 417, 419,
154, 157, 158, 162, 166,
VI, IX, XIII, 17, 271, 274, 438, 439, 443, 453, 512, 513
174, 175, 176, 177, 178,
182, 183, 184, 186, 187, 276, 277, 344, 346, 515
colonie, XVI, 22, 36, 51, 55,
188, 189, 190, 191, 193, 56, 64, 67, 69, 70, 72, 73,
CAMSHIP, XIII, 243, 251,
194, 195, 198, 199, 200, 75, 76, 83, 84, 85, 86, 87,
259, 265, 303
201, 202, 203, 204, 205, 98, 120, 139, 141, 154, 158,
206, 207, 209, 210, 212, caoutchouc, 50, 51, 57, 62, 63, 296, 416, 417, 435; colonial,
213, 214, 216, 217, 218, 73, 75, 76, 97, 98, 120, 122, colonial, colon, IV, 3, 23,
219, 220, 221, 223, 224, 422 34, 35, 42, 48, 49, 50, 52,
225, 228, 229, 230, 232, 53, 54, 55, 72, 76, 90, 93,
233, 234, 235, 236, 239, CCFOM, 111, 112
94, 177, 180, 443, 512
240, 241, 243, 262, 263, CDA, 142
267, 271, 276, 281, 282, colonisation, XVI, 12, 17, 18,
284, 285, 292, 299, 300, CDW, 144, 145, 513 20, 22, 23, 27, 32, 34, 35,
301, 302, 303, 304, 306, 36, 41, 51, 52, 53, 55, 56,
307, 311, 312, 313, 314, CDWF, XVI, XVII, 180, 416, 58, 62, 72, 74, 75, 76, 81,
419
P a g e | 471
82, 84, 89, 90, 97, 98, 120, coton, 48, 80, 97, 106, 123, Deuxième Guerre mondiale,
124, 126, 127, 129, 133, 437 24, 105, 154
134, 137, 138, 139, 147,
158, 184, 186, 296, 400, coûts, VIII, 3, 48, 53, 59, 80, développement, V, VI, XI,
430, 435, 439, 462 118, 208, 239, 241, 253, XIV, 2, 3, 12, 16, 28, 30, 36,
256, 260, 326, 328, 329, 41, 44, 46, 52, 64, 73, 77,
commerçants, 15, 22, 24, 41, 333, 334, 335, 336, 339, 80, 89, 94, 96, 97, 98, 100,
42, 44, 45, 46, 52, 56, 62, 358, 381 101, 102, 103, 105, 106,
63, 66, 67, 72, 122, 285, 412 107, 111, 112, 114, 116,
crise économique, IV, V, XVI, 117, 120, 122, 123, 131,
commerce, 3, 15, 41, 42, 43, 18, 21, 34, 36, 37, 41, 48, 132, 133, 162, 163, 164,
44, 45, 46, 53, 55, 59, 73, 76, 87, 92, 93, 103, 131, 165, 166, 167, 168, 169,
76, 93, 94, 97, 107, 166, 198, 228, 232, 233, 234, 175, 176, 177, 178, 179,
193, 196, 220, 243, 247, 236, 241, 248, 263, 292, 180, 181, 182, 183, 185,
258, 266, 285, 308, 314, 293, 294, 296, 297, 401, 186, 187, 188, 189, 191,
377, 380, 452, 454, 461, 478 407, 422, 423, 424, 446, 192, 193, 194, 195, 196,
513, 514 197, 198, 199, 200, 205,
Commission Économique des
Nations Unies pour croissance, VI, XVI, 30, 50, 207, 216, 218, 219, 220,
l’Afrique: CEA, XIII 163, 164, 165, 169, 170, 221, 222, 223, 224, 225,
178, 179, 181, 187, 220, 228, 230, 231, 232, 235,
compagnies, 208, 210, 215, 221, 222, 225, 228, 230, 236, 237, 239, 241, 242,
258, 363, 374, 400, 401, 402 232, 233, 238, 246, 247, 245, 246, 247, 250, 251,
248, 251, 291, 294, 311, 253, 260, 272, 277, 286,
comptoirs, 47, 73, 400
315, 318, 319, 320, 325, 300, 312, 314, 315, 316,
CONAROUTE, 370 326, 327, 329, 332, 336, 320, 321, 322, 324, 325,
343, 352, 357, 363, 377, 326, 327, 328, 329, 330,
Conférence, 93, 94, 95, 106, 331, 335, 336, 339, 340,
434, 451, 452, 458, 516
111, 380, 452 342, 344, 345, 348, 349,
CTD: Collectivités territoriales 350, 351, 352, 353, 359,
construction, VIII, IX, XVI,
décentralisées, VI, XIV, 345, 362, 370, 371, 374, 378,
XVII, 3, 6, 8, 15, 17, 18, 22,
348, 349, 381, 516 380, 381, 435, 437, 438,
27, 28, 31, 41, 49, 51, 54,
440, 443, 451, 452, 454,
55, 56, 57, 62, 64, 66, 67, culture, 48, 50, 53, 72, 90, 97,
457, 458, 460, 461, 462,
68, 69, 70, 74, 76, 78, 96, 102, 123, 199
463, 464, 481, 514, 516
101, 102, 118, 128, 130,
131, 132, 136, 139, 140, décret, 59, 60, 86, 108, 116,
difficultés, 33, 34, 35, 66, 67,
141, 147, 148, 149, 152, 125, 207, 250, 262, 263,
177, 233, 248, 292, 294,
153, 158, 167, 174, 177, 264, 265, 266, 267, 268,
315, 350, 357, 358
184, 185, 186, 187, 189,193, 269, 270, 281, 299, 301,
197, 205, 208, 209, 210, 302, 303, 304, 305, 306, Dikoumé, II, 15, 16, 23, 24, 32,
216, 217, 218, 219, 220, 307, 326, 343, 344, 345, 45, 56, 57, 58, 59, 61, 64,
223, 231, 232, 273, 276, 348, 355, 356, 368, 371, 74, 95, 99, 125, 129, 133,
294, 303, 315, 321, 326, 372, 390, 408 134, 296, 443, 456
330, 333, 335, 337, 339, Décret, XI, 59, 118, 269, 271, DKG, 52
344, 345, 364, 370, 381, 292, 301, 304, 305, 306,
383, 386, 387, 393, 415, 307, 336, 355, 356, 365, Douala, IX, X, XI, 15, 17, 25,
419, 421, 426, 427, 442, 372, 377, 480 28, 32, 41, 43, 45, 47, 54,
447, 456, 457, 512 64, 65, 66, 67, 68, 70, 72,
défi, 329, 358 75, 76, 77, 78, 96, 99, 101,
convention, 259, 271, 277, 344,
102, 105, 106, 107, 113,
365, 366, 368, 373, 374 dette, XII, 21, 92, 95, 109, 110,
114, 116, 119, 120, 123,
119, 133, 144, 224, 236,
corruption, 21, 35, 38, 171, 129, 131, 150, 152, 157,
237, 239, 241, 244, 247,
241, 272, 300, 317, 340, 176, 185, 186, 187, 193,
248, 264, 308, 311, 312,
357, 358, 381, 408, 413, 194, 197, 208, 209, 211,
313, 314, 315, 318, 319,
415, 425, 426, 428, 430, 459 216, 217, 220, 223, 233,
320, 422, 425, 429, 453, 516
243, 245, 251, 273, 280,
P a g e | 472
283, 284, 285, 291, 293, 152, 184, 189, 197, 205, 257, 258, 275, 312, 314,
294, 295, 297, 321, 322, 207, 208, 218, 219, 220, 315, 347, 359, 366, 367,
326, 329, 331, 333, 335, 223, 245, 248, 250, 251, 374, 379, 384, 400, 402,
339, 342, 343, 366, 391, 252, 253, 254, 257, 276, 419, 425, 464
392, 394, 396, 397, 399, 285, 298, 301, 302, 303,
409, 426, 436, 438, 449, 306, 307, 308, 321, 322, Etoga Eily, 73, 77, 80, 96, 98,
456, 458, 459 323, 326, 328, 329, 330, 100, 101, 102, 120, 122, 435
334, 335, 345, 349, 364, étude, 3, 4, 5, 7, 10, 12, 13, 14,
DSCE, VI, VIII, XVI, 8, 16, 370, 392, 393, 394, 399,
37, 311, 321, 326, 327, 328, 17, 18, 19, 22, 23, 25, 26,
407, 408, 409, 410, 411, 27, 29, 30, 31, 34, 74, 86,
329, 330, 331, 332, 336, 412, 415, 426, 427, 428,
339, 357, 363, 380, 516 102, 114, 117, 121, 164,
432, 434, 442, 464 165, 224, 267, 277, 285,
DSDRE, 241, 242, 243 esclaves, 42, 44, 45 286, 323, 338, 339, 342,
349, 353, 362, 369, 370,
DSRP, VI, XVI, 16, 37, 248, Eséka, X, 43, 68, 99, 101, 113, 408, 449, 455, 512
311, 312, 316, 317, 318, 118, 216, 217, 278, 280,
319, 320, 321, 322, 325, 283, 284 Europe, 29, 48, 49, 50, 51, 72,
326, 339, 380, 516 85, 88, 90, 109, 138, 214,
Essomba, 23, 25, 66, 77, 444, 417, 426
duala, 15, 18, 44, 45, 47, 48 456, 458
européens, 15, 55, 96
Duala, 15, 47, 64 État, VI, VIII, XVI, 5, 7, 8, 9,
13, 14, 18, 22, 23, 25, 26, Européens, 41, 42, 45, 55
économie, XIV, XVI, 2, 9, 11,
15, 16, 20, 21, 23, 24, 29, 28, 30, 32, 36, 52, 63, 109, évaluation, VI, 10, 13, 19, 58,
49, 53, 54, 59, 72, 90, 92, 112, 114, 119, 125, 132, 243, 325, 331, 383, 416,
93, 94, 95, 108, 109, 110, 142, 144, 148, 155, 158, 419, 425, 445, 516; évaluer,
112, 125, 132, 133, 156, 162, 166, 167, 168, 169, 8, 9, 29, 33, 112, 116, 123,
167, 169, 171, 173, 174, 170, 174, 177, 178, 179, 205, 219, 222, 223, 229,
175, 178, 179, 182, 183, 180, 181, 182, 188, 191, 245, 262, 270, 275, 311,
193, 196, 197, 198, 199, 192, 193, 198, 207, 212, 325, 327, 331, 337, 348,
207, 216, 218, 222, 228, 213, 216, 218, 222, 224, 350, 352, 353, 445, 447,
232, 233, 234, 235, 236, 229, 230, 231, 233, 236, 453, 457, 460
238, 241, 243, 245, 250, 237, 238, 239, 240, 241,
251, 253, 263, 264, 285, 242, 245, 247, 248, 250, expansion, 48, 55, 56, 117,
291, 314, 320, 327, 328, 251, 264, 266, 267, 271, 131, 139, 219, 258, 292, 419
329, 331, 340, 353, 362, 274, 275, 276, 277, 278,
exploitation, 2, 15, 16, 36, 53,
370, 375, 378, 385, 386, 281, 289, 290, 291, 292,
67, 68, 72, 73, 101, 119,
416, 417, 418, 419, 420, 295, 300, 301, 303, 307,
132, 177, 178, 179, 188,
422, 423, 424, 425, 430, 313, 314, 315, 321, 322,
193, 211, 212, 214, 232,
434, 436, 440, 441, 442, 326, 331, 333, 336, 337,
256, 258, 259, 260, 271,
443, 444, 450, 457, 512 342, 345, 346, 347, 348,
274, 291, 292, 297, 298,
350, 351, 353, 354, 355,
emploi, VI, XVI, 105, 164, 300, 328, 365, 376, 410
356, 358, 362, 364, 367,
188, 199, 291, 292, 293, 370, 372, 374, 376, 379, exportation, 45, 50, 54, 57, 59,
295, 300, 311, 326, 327, 386, 389, 390, 391, 392, 76, 94, 97, 114, 133, 148,
329, 336, 357, 363, 515, 516 393, 401, 402, 403, 420, 162, 173, 180, 185, 211,
421, 422, 423, 424, 425, 234, 235, 312, 344, 417,
employeurs, 61, 88
429, 430, 434, 439, 442, 418, 422
emprunt, 95, 96 443, 444, 450, 451, 457,
458, 459, 463, 516 faiblesses, 222, 236, 311, 353
endettement, dette, 168, 235,
236, 237, 248, 264, 311, États, IX, XIII, 2, 14, 48, 50, Faivre d’Arcier, 456
312, 313, 314, 315, 316 85, 88, 92, 107, 108, 110,
Famechon, 22, 42, 43, 54, 59,
113, 132, 163, 170, 175,
entretien, VIII, 2, 20, 33, 37, 61, 62, 64, 66, 67, 68, 72,
184, 187, 188, 212, 213,
51, 58, 61, 103, 113, 123, 76, 435
217, 234, 237, 239, 247,
P a g e | 473
Fark-Grüninger, 41, 45, 47, 48, 125, 127, 129, 131, 132, 444, 446, 447, 448, 449,
51, 53, 56, 57, 154, 156, 456 133, 139, 151, 154, 157, 453, 454, 478
158, 214, 231, 315, 319,
FASR, 318, 319 400, 401, 416, 418, 419, IFI, 246, 247, 312
FED, 184, 186, 312 421, 434, 436, 437, 440, importation, 21, 57, 85, 107,
441, 448, 451, 452, 454, 234, 268, 390, 398
fédéralisme, fédéral, 23, 435, 455, 456, 460, 461, 462,
457 463, 464, 465, 481, 513 indépendance, XVI, 20, 27, 28,
36, 94, 112, 123, 127, 129,
ferroviaires, VI, 20, 25, 30, 59, gaz, 10, 390, 391, 393, 421 156, 159, 162, 163, 167,
63, 64, 95, 101, 114, 116, 169, 170, 174, 177, 178,
133, 147, 185, 196, 200, Germans in the Cameroons,
15, 22, 56, 64, 72, 439 179, 211, 221, 230, 263,
216, 220, 259, 272, 275, 312, 317, 373, 419, 421, 423
285, 300, 302, 303, 328, gouvernance, XVI, 2, 21, 167,
344, 345, 346, 359, 371, 225, 241, 245, 307, 316, indépendances, 21, 113, 167,
512, 513, 514, 516 317, 320, 321, 326, 328, 170, 175, 176, 213, 400,
330, 332, 336, 408, 420, 419, 420, 450
FIDES, IV, XVI, XVII, 24, 25,
26, 81, 93, 109, 110, 111, 425, 428, 429, 444, 452 Indirect rule, 156
112, 113, 116, 117, 122, gouvernement, 14, 35, 36, 46,
123, 129, 130, 131, 133, industrialisation, 48, 94, 162,
47, 54, 57, 58, 59, 60, 63, 181, 193, 228
163, 179, 184, 416, 418, 67, 68, 73, 80, 83, 84, 88,
419, 434, 513 89, 91, 94, 101, 103, 104, informel, 4, 10, 33, 239, 291,
financement, VIII, XI, 2, 56, 105, 108, 130, 137, 141, 293, 315
57, 93, 95, 111, 112, 117, 142, 143, 144, 146, 147,
infrastructure, 2, 3, 55, 70, 94,
133, 141, 175, 181, 182, 157, 162, 165, 166, 167,
95, 105, 117, 118, 123, 131,
186, 190, 192, 193, 210, 168, 176, 180, 181, 185,
132, 138, 154, 174, 184,
218, 221, 237, 238, 241, 186, 199, 212, 214, 215,
189, 209, 223, 237, 259,
254, 255, 271, 275, 287, 228, 230, 235, 239, 242,
272, 273, 275, 383, 384,
306, 323, 329, 364, 394, 250, 256, 257, 258, 259,
411, 426, 429, 460
400, 419, 457, 481, 483, 484 260, 262, 263, 264, 268,
269, 270, 272, 273, 275, infrastructures, VI, VIII, 2, 3,
firme, 46, 47, 57, 155, 443 276, 287, 289, 291, 298, 16, 28, 30, 33, 41, 53, 72,
301, 302, 303, 304, 305, 73, 78, 89, 96, 97, 106, 114,
fleuve, IX, 42, 46, 47, 59, 74,
318, 319, 323, 325, 327, 116, 117, 132, 166, 175,
107, 217, 343
333, 336, 339, 345, 348, 176, 181, 193, 195, 197,
fluvial, 59, 216, 321, 325, 328, 358, 385, 391, 398, 415, 200, 208, 218, 233, 241,
342, 343 417, 418, 422, 423, 424, 250, 251, 276, 302, 308,
425, 448, 464 319, 321, 326, 328, 329,
FMI, XIV, XVI, 219, 236, 238, 330, 331, 332, 333, 334,
239, 240, 245, 247, 248, Grand-Nord, 43, 44, 123
342, 343, 344, 349, 350,
250, 261, 271, 301, 311, 352, 357, 362, 364, 369,
Guerre, X, 23, 64, 67, 68, 77,
312, 313, 316, 318, 319, 371, 380, 464, 516
100, 101, 105, 110, 165
362, 461
Hambourg, 46, 47, 378, 379 institutions, 7, 9, 11, 30, 37,
Français: France, X, 15, 16, 68, 162, 166, 167, 187, 192,
77, 93, 94, 96, 102, 103, Harding, 47, 53, 55, 59, 60, 69, 219, 236, 241, 245, 250,
107, 132, 435 70, 76, 446 257, 269, 301, 311, 312,
France, IV, XI, 14, 21, 23, 26, hinterland, 15, 44, 56, 64, 66, 318, 343, 345, 348, 368,
28, 30, 32, 36, 48, 49, 58, 70, 76, 106, 116 369, 514
63, 78, 80, 83, 85, 87, 88, intervenants, VI, 37, 219, 269,
89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, histoire, 2, 4, 11, 23, 35, 42,
43, 46, 62, 73, 110, 128, 301, 304, 305, 340, 342,
96, 97, 100, 101, 107, 108, 345, 350, 355, 371, 380,
109, 110, 111, 112, 117, 212, 230, 237, 435, 439,
381, 515, 516
118, 119, 120, 123, 124,
P a g e | 474
investissement, VIII, XIII, 357, 364, 365, 372, 375, Ministère des Transports, XIV
XIV, 23, 29, 54, 93, 116, 376, 377
117, 123, 162, 164, 166, Ministère des Travaux Publics,
168, 177, 181, 182, 184, main-d’œuvre, 54, 55, 62, 63, XIV
188, 189, 192, 193, 194, 65, 72, 140, 174
ministères, 32, 35, 110, 188,
195, 196, 197, 200, 216, mandat, XVI, 16, 36, 67, 68, 192, 218, 301, 302, 345,
218, 219, 222, 237, 238, 80, 96, 101, 103, 104, 105, 355, 370, 380, 381, 423,
241, 242, 248, 250, 251, 129, 132, 142, 148, 150, 427, 428
271, 305, 338, 344, 345, 154, 156, 257, 419, 438,
352, 353, 409 461, 464 mise en valeur, IV, 25, 72, 80,
81, 82, 83, 86, 87, 89, 90,
IPPTE, 16, 308, 311, 312, 316, Mandat, IV, X, 78, 96, 103, 96, 97, 120, 123, 127, 141,
320, 339, 342, 425, 516 105, 107, 513 143, 146, 167, 181, 221,
Jantzen & Thormählen, 46 383, 417, 419, 440, 513
marché, X, 2, 49, 50, 54, 96,
Jones, 8, 303, 348, 436, 442 97, 166, 234, 237, 245, 251, modes de locomotion, 10
271, 292, 293, 294, 308,
Kamerun, IX, XI, XVI, XVII, 338, 339, 356, 358, 374, Monnet, IV, 107, 108, 109,
15, 31, 47, 48, 50, 51, 55, 381, 442 110, 111, 112, 438, 444, 513
57, 58, 59, 63, 64, 67, 68, moto-taxis, VI, X, 291, 293,
69, 70, 120, 129, 149, 157, marchés publics, XIII, 252,
304, 317, 348, 355, 358 294, 295, 515
158, 284, 478, 512
MATGENIE, XIV, 243, 256, Moutet, 93, 94
krach économique: crash, 48
303 Muller, 8, 14, 438, 449
Kribi, 71, 74, 75, 76, 98, 99,
107, 118, 183, 193, 197, matières premières, 21, 49, 52, Mveng, 62, 72, 162, 438
216, 223, 329, 342, 343 72, 83, 84, 132, 133, 138,
139, 169, 173, 233, 234, Nachtigal, 15, 47, 99
LABOGENIE, XIV, 244, 256 328, 383
Nation, 132, 191, 230, 231,
Les politiques publiques des mémoires, 22, 32, 78 234, 265, 320, 439
transports, 18, 37, 415
mer: maritime, 9, 44, 46, 59, Nordbahn, XI, 23, 64, 65, 66,
Libéralisation, privatisation, 75, 89, 111, 112, 113, 116, 67
238 117, 119, 123, 293, 297,
Northern Cameroons, 136,
342, 376, 377, 378, 379,
libéralisme communautaire, V, 155, 156
446, 448, 450, 454, 478, 481
XVI, 34, 37, 200, 225, 228,
objectifs, VI, VIII, 8, 9, 28, 52,
229, 231, 232, 434, 514 Ministère de l’économie et de
54, 95, 96, 101, 114, 164,
la planification: MINEP,
libéralisme planifié, XVI, 17, 166, 167, 177, 180, 183,
XIV
18, 36, 134, 167, 168, 169, 185, 188, 189, 191, 192,
170, 174, 421, 514 Ministère de l’économie et des 195, 198, 199, 222, 232,
finances: MINEFI, XIV 239, 253, 256, 269, 271,
Libéralisme planifié, V, XVI, 319, 320, 326, 327, 331,
34, 36, 162, 163, 167, 168, Ministère de l’Économie, de la 332, 335, 336, 349, 351,
169, 175, 177, 179, 194, Programmation et de 359, 363, 374, 380, 381, 516
200, 201, 205, 216, 221, l’Aménagement du
222, 224, 225, 228, 229, Territoire: MINEPAT, XIV obstacles, 3, 182, 184, 353,
230, 231, 232, 248, 454, 514 358, 408
Ministère des finances: MINFI,
locomotion, 10, 285 XIV, 267, 270, 354 ONPC, 193, 243, 252, 260, 303
loi, Loi, Lois, 49, 89, 90, 110, Ministère des marchés publics, ONU, 16, 21, 27, 32, 36, 80,
111, 112, 214, 263, 267, XIV 81, 106, 120, 130, 132, 152,
268, 295, 301, 304, 305, 156, 253, 255, 359, 360,
307, 348, 349, 351, 354, Ministère des mines, de l’eau et 365, 408, 419, 427, 462
de l’énergie, XIV
P a g e | 475
Ordonnance, XII, 61, 66, 265, Plan d’urgence triennal: policy, XVII, 6, 7, 8, 11, 12,
510 PLANUT, XV, XVI, 37, 336 13, 14, 30, 83, 144, 146,
237, 245, 437, 438, 440,
Outre-Mer, 63, 69, 93, 111, plan économique: plan social, 443, 444, 445, 452, 454, 462
112, 118, 435, 445, 452 16, 89, 186, 233, 248
politics, 6, 7, 8, 13, 442, 446,
ouvrages, 28, 77, 117, 118, plan économique, 5 448
208, 328, 335, 336, 372
plan quadriennal, Plan politique, IV, V, VI, XVI, 3, 4,
ouvriers, 61, 62 quinquennaux, 180 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16,
Owona, 4, 15, 23, 46, 70, 194, plan quadriennal, Plans 17, 18, 19, 20, 21, 22, 27,
286, 287, 361, 373, 438, 450 quinquennaux, 113 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35,
36, 37, 41, 43, 48, 49, 50,
palmier à huile, 97 plan quinquennal, 28, 162, 180, 51, 52, 54, 55, 59, 61, 62,
228, 235, 420, 514 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70,
PAS: Programmes d'ajustement
72, 73, 76, 80, 81, 82, 83,
structurel, V, VI, XVI, 16, Plan quinquennal, VIII, 169,
85, 86, 87, 88, 89, 90, 91,
233, 236, 239, 240, 243, 180, 182, 187, 188, 189,
92, 93, 94, 97, 101, 105,
245, 247, 248, 250, 262, 191, 193, 194, 195, 196,
106, 111, 113, 114, 116,
266, 301, 302, 308, 316, 197, 198, 199, 200, 205,
120, 123, 124, 127, 128,
345, 380, 453, 514, 515 207, 216, 218
129, 134, 137, 138, 139,
passé, 12, 16, 34, 99, 213, 224, plan social, 5 141, 142, 143, 144, 147,
226, 228, 356 150, 152, 154, 155, 156,
planificateurs, 132, 199 157, 158, 159, 162, 163,
patrimoine, 219, 302, 306, 307, 167, 168, 169, 170, 171,
323, 330, 364, 365 planification, V, 29, 81, 94,
173, 174, 175, 176, 177,
117, 123, 163, 164, 165,
179, 182, 184, 185, 187,
Paul Biya, 200, 228, 229, 230, 166, 167, 168, 169, 177,
189, 191,197, 198, 200, 205,
231, 232, 234, 247, 264, 180, 181, 188, 191, 192,
208, 209, 215, 218, 221,
265, 320, 336, 340, 455 194, 195, 196, 199, 205,
222, 223, 224, 225, 228,
208, 218, 222, 223, 251,
pauvreté, VI, XVI, 2, 3, 5, 16, 229, 230, 231, 232, 234,
322, 327, 328, 331, 332,
223, 242, 243, 245, 246, 236, 237, 239, 240, 243,
370, 439, 441, 451, 453,
247, 248, 250, 251, 256, 245, 247, 250, 251, 262,
462, 514
286, 308, 311, 316, 318, 264, 266, 268, 292, 293,
319, 320, 321, 326, 327, plans quinquennaux, V, XVI, 301, 305, 307, 308, 314,
332, 357, 384, 412, 415, 8, 162, 163, 179, 205, 514 319, 323, 325, 327, 336,
424, 425, 516 338, 339, 340, 345, 348,
Plans, Plan, plan, plans, V, XI, 349, 350, 356, 359, 368,
pays, 62 37, 81, 94, 117, 123, 163, 370, 371, 373, 375, 380,
179, 180, 195, 199, 222, 383, 386, 415, 417, 419,
PDR: Plan directeur routier, 236, 239, 362, 481, 513, 514 420, 422, 423, 424, 425,
323, 324, 330
430, 435, 436, 438, 439,
plantations, 23, 25, 42, 46, 50,
permis de conduire, 295, 299, 440, 441, 442, 443, 446,
54, 56, 59, 62, 63, 67, 70,
368, 369, 371 449, 450, 451, 452, 453,
72, 73, 97, 102, 106, 120,
455, 456, 457, 512, 513,
pétrole, 10, 178, 221, 225, 234, 122, 140, 151, 154, 155,
514, 515, 516
236, 313, 314, 332, 390, 156, 157, 210, 273, 284,
391, 394, 396, 397, 398, 323, 416, 443, 448 politique publique, 3, 6, 7, 8, 9,
421, 422 12, 14, 17, 19, 20, 36, 37,
PLANUT, VIII, XV, XVI, 16,
163, 225, 386, 415
pétrolier, pétrole, 178, 221, 17, 336, 337, 338, 339, 380,
222, 234, 236, 312, 313, 426 politiques, 3; politique, V, VI,
314, 344 XVI, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11,
poids, 59, 238, 239, 247, 307,
12, 13, 14, 16, 19, 22, 23,
PIB, 3, 178, 179, 180, 222, 312, 364
28, 29, 30, 33, 34, 35, 37,
225, 235, 312, 325, 362 49, 54, 72, 80, 81, 96, 106,
P a g e | 476
123, 163, 166, 180, 183, 107, 131, 133, 143, 148, 257, 276, 285, 333, 344,
185, 188, 191, 195, 198, 151, 192, 193, 197, 203, 351, 352, 353, 358, 460
199, 218, 225, 235, 237, 243, 302, 303, 325, 328,
239, 240, 241, 246, 247, 329, 342, 343, 384, 446 protectorat, IV, XI, 15, 16, 24,
250, 251, 252, 253, 255, 35, 41, 42, 46, 47, 48, 54,
262,266, 293, 308, 311, 317, pouvoirs publics, 2, 93, 162, 57, 58, 59, 68, 69, 71, 73,
319, 320, 326, 336, 339, 164, 223, 228, 293, 296, 452 80, 96, 100, 107, 155, 157,
340, 342, 343, 350, 356, 419, 459, 461, 479, 512
PPTE, VI, 37, 311, 312, 316,
358, 380, 381, 415, 437, 317, 320, 516 PST, V, VI, XV, 250, 252, 253,
438, 440, 442, 445, 447, 256, 257, 258, 259, 321,
449, 450, 451, 453, 454, pré-coloniale, 22 329, 515
456, 457, 458, 461, 463,
Premier Ministre, 212, 269, rails, 18, 67, 73, 78, 141, 217,
514, 516
301, 370 284, 285
politiques publiques, IV, V,
Première Guerre mondiale, 23, Razel, 27, 130
XVI, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
63, 64, 68, 83, 86, 101, 127,
11, 12, 13, 14, 16, 17, 18,
456 réalisations, VIII, 90, 112, 113,
19, 20, 22, 23, 28, 29, 30,
116, 130, 133, 197, 198
32, 33, 34, 35, 36, 37, 87, prévention, 240, 298, 305, 306,
96, 107, 123, 163, 167, 191, 345, 362, 363, 364, 368, réformes, 11, 90, 165, 225,
225, 239, 311, 350, 358, 369, 371, 463 239, 240, 243, 245, 250,
385, 386, 388, 399, 400, 252, 256, 258, 260, 262,
404, 415, 425, 429, 430, Privatisation, VI, 238, 262, 265, 301, 317, 318, 319,
437, 438, 440, 442, 445, 266, 268, 515 320, 329, 342, 345, 380, 438
447, 449, 450, 451, 453,
prix, 15, 35, 46, 47, 48, 49, 60, REGIFERCAM, VI, XI, XV,
454, 456, 458, 513, 514, 517
80, 183, 188, 225, 233, 234, 194, 197, 243, 244, 251,
polity, 7, 13, 448 291, 295, 314, 332, 333, 264, 265, 271, 272, 276,
356, 410, 462 303, 321, 480, 515
population, 4, 13, 20, 24, 51,
54, 55, 56, 57, 62, 68, 102, programme, IX, 7, 8, 9, 29, 68, République, XV, 3, 43, 52, 68,
117, 120, 132, 140, 146, 89, 90, 94, 97, 101, 106, 97, 98, 111, 118, 181, 182,
157, 166, 167, 169, 171, 116, 117, 162, 164, 180, 183, 184, 185, 186, 187,
182, 183, 189, 191, 222, 182, 183, 185, 189, 199, 191, 194, 197, 199, 212,
230, 245, 257, 278, 280, 205, 208, 222, 223, 230, 213, 214, 218, 219, 224,
284, 289, 292, 293, 296, 232, 236, 241, 242, 250, 231, 239, 242, 267, 269,
300, 327, 383, 446 251, 252, 254, 263, 264, 275, 285, 301, 302, 318,
266, 271, 278, 301, 316, 319, 322, 326, 327, 329,
Port, XI, XV, 211, 343, 344, 317, 318, 319, 320, 322, 332, 336, 340, 343, 348,
409 325, 326, 329, 331, 336, 351, 365, 366, 376, 377,
340, 350, 351, 352, 356, 435, 460, 462, 463, 464, 466
Port Autonome de Douala:
380, 463
PAD, XV, 343
réseau, VIII, XI, XII, XVI, 3,
programmes, 7, 13, 34, 36, 37, 22, 24, 25, 28, 37, 41, 52,
portage, 10, 15, 16, 22, 23, 24,
82, 95, 110, 112, 127, 144, 62, 67, 68, 69, 73, 97, 98,
31, 42, 45, 55, 58, 59, 61,
166, 167, 192, 195, 211, 99, 100, 103, 105, 106, 113,
62, 63, 80, 97, 138, 140,
228, 233, 235, 236, 240, 116, 117, 123, 131, 133,
419, 443, 512
245, 248, 266, 271, 302, 152, 157, 175, 177, 183,
portage, porteurs: dos 305, 306, 318, 319, 322, 184, 185, 187, 190, 194,
d'homme, 16, 42 327, 328, 349, 351, 364, 196, 197, 202, 204, 205,
368, 413, 416, 424, 425, 206, 207, 208, 219, 223,
porteurs, 42, 44, 45, 54, 59, 60, 453, 514
61, 62, 63, 68, 72, 95, 120, 232, 251, 252, 253, 272,
140, 150, 209, 416 projet, 64, 66, 89, 90, 93, 95, 276, 298, 300, 306, 321,
101, 102, 103, 162, 185, 322, 323, 324, 328, 329,
ports, XII, 2, 13, 26, 51, 55, 72, 189, 195, 214, 219, 220, 330, 331, 335, 368, 369,
74, 75, 76, 84, 85, 90, 106, 223, 230, 231, 250, 252, 370, 383, 384, 393, 394,
P a g e | 477
396, 397, 407, 408, 413, secteur, V, 2, 9, 16, 22, 25, 32, taxes, XII, 57, 84, 85, 86, 240,
419, 426, 456, 457, 515 34, 37, 63, 109, 110, 123, 242, 257, 289, 338, 388,
133, 162, 166, 169, 174, 391, 399, 510
réseau routier, VIII, 28, 69, 73, 178, 179, 180, 182, 187,
97, 100, 105, 116, 175, 183, 188, 189, 192, 193, 195, Tchad, XI, 67, 98, 101, 102,
184, 187, 207, 223, 232, 196, 197, 200, 205, 207, 119, 123, 185, 189, 212,
251, 252, 253, 298, 300, 219, 220, 225, 235, 236, 216, 220, 223, 224, 322,
306, 321, 322, 323, 324, 239, 240, 241, 242, 243, 343, 344, 365, 409
328, 330, 368, 369, 370, 248, 250, 251, 253, 256,
457, 515 temps, II, XI, 2, 3, 4, 8, 9, 12,
257, 258, 259, 260, 262, 17, 19, 26, 35, 41, 54, 58,
richesses, 15, 16, 89, 105, 106, 263, 264, 266, 267, 268, 59, 60, 62, 68, 75, 87, 93,
111, 117, 239 269, 270, 275, 290, 293, 94, 101, 107, 116, 119, 124,
300, 301, 302, 303, 304, 130, 139, 140, 152, 158,
route, VII, IX, X, 9, 27, 56, 59, 305, 308, 315, 319, 320, 164, 165, 166, 170, 174,
62, 64, 66, 68, 70, 71, 74, 321, 325, 328, 329, 330, 177, 183, 184, 189, 214,
97, 99, 100, 103, 105, 112, 333, 334, 337, 338, 340, 231, 264, 278, 288, 289,
122, 123, 127, 130, 137, 342, 346, 348, 350, 353, 293, 297, 298, 312, 327,
148, 149, 153, 176, 177, 356, 362, 365, 368, 373, 330, 336, 339, 361, 381,
179, 183, 184, 186, 187, 374, 376, 381, 383, 385, 415, 417, 423, 424, 435,
189, 193, 197, 199, 207, 388, 389, 390, 398, 401, 440, 442, 485, 486
208, 216, 217, 223, 232, 402, 407, 415, 422, 423,
254, 257, 278, 285, 294, 425, 428, 454, 460, 464, 514 territoire, XVI, 3, 7, 9, 13, 15,
295, 298, 299, 322, 331, 28, 29, 30, 36, 41, 68, 71,
332, 333, 336, 339, 342, secteurs, 3, 7, 16, 94, 108, 122, 73, 76, 78, 96, 97, 98, 100,
359, 360, 361, 362, 366, 147, 166, 168, 169, 175, 102, 105, 117, 123, 132,
367, 368, 369, 370, 383, 178, 179, 193, 195, 198, 133, 175, 177, 188, 189,
384, 407, 408, 410, 411, 200, 216, 228, 230, 235, 195, 197, 211, 219, 230,
427, 457, 517 241, 245, 250, 264, 265, 327, 328, 329, 331, 335,
293, 307, 317, 353, 362, 336, 337, 358, 366, 367,
Route, XI, 176, 207, 208, 366, 370, 388, 413, 419 370, 456, 461
409
sécurité routière, 254, 296, 305, thèse, II, XVI, 10, 11, 14, 16,
routier, VIII, XI, XV, 59, 97, 345, 346, 359, 362, 363, 24, 26, 27, 29, 33, 34, 36,
98, 99, 100, 104, 106, 183, 368, 369, 370, 371, 462, 515 44, 56, 85, 111, 136, 142,
184, 207, 208, 219, 220, 149, 173, 200, 324, 342,
251, 253, 254, 256, 257, SFIO, 89, 93
343, 391, 404, 415, 417,
259, 276, 300, 302, 305, sociohistoire, 4, 5, 11 430, 457
306, 307, 321, 322, 323,
329, 330, 334, 338, 349, Solf, 52, 67, 72, 439 Thoenig, 6, 13, 437, 438, 453
362, 363, 364, 365, 366,
367, 370, 409, 410, 460, SOTUC, XV, 243, 245, 251, Tiers-Monde, 171, 172, 173,
464, 515 257, 291, 292, 297, 303 247, 248, 292, 420, 441, 446
Rudin, 15, 22, 56, 57, 58, 64, sous-développement, 5 traite, XVI, 7, 24, 25, 44, 45,
72, 439, 479 46, 93, 133, 140, 212, 315,
Southem Cameroons, 155, 156 416
Sanaga, X, 69, 74, 78, 99, 102, Sud, 26, 43, 67, 74, 100, 120,
118, 130, 421 Traité, 15, 212, 213, 214, 440
122, 132, 136, 151, 156,
Sarraut, 87, 89, 90, 96, 101, 157, 384, 389, 428, 434, 459 traite des esclaves, 44
125, 417 Sud, Est, Ouest, Nord, Centre, Transcam, 217
SCDP, XV, 265 XV, 43, 62, 67, 68, 74, 97,
98, 105, 116, 123, 178, 183, Transcamerounais, VIII, 176,
SDN, 16, 21, 27, 32, 36, 78, 184, 189, 193, 209, 245, 183, 185, 186, 193, 208,
80, 97, 120, 127, 132, 156, 247, 315, 332, 333, 339, 216, 217, 221, 223, 303,
418, 419 437, 444, 446 372, 421
P a g e | 478
transport, VI, IX, X, XVII, 2, 275, 279, 283, 284, 285, unification: unifié, unité, unie,
3, 5, 6, 9, 10, 16, 21, 23, 24, 288, 291, 294, 296, 297, 177, 377, 378
26, 27, 29, 33, 41, 42, 45, 299, 300, 301, 302, 303,
54, 59, 63, 72, 73, 80, 94, 305, 307, 308, 311, 312, Union nationale du Cameroun:
96, 97, 102, 106, 119, 133, 321, 322, 325, 326, 327, UNC, XV
137, 138, 140, 141, 143, 328, 329, 335, 338, 339, urbanisme, 3, 29, 111, 188,
149, 150, 151, 154, 175, 340, 342, 343, 345, 346, 192, 200, 209, 230, 370,
182, 186, 193, 210, 211, 347, 348, 349, 350, 356, 436, 451
212, 213, 214, 216, 219, 358, 359, 360, 362, 363,
223, 224, 244, 250, 251, 364, 365, 366, 367, 368, Victoria, 60, 64, 67, 68, 70, 71,
252, 253, 256, 257, 258, 369, 370, 371, 373, 375, 73, 75, 76, 107, 140, 148,
259, 272, 275, 276, 277, 376, 377, 378, 379, 380, 149, 150, 151, 152, 157,
278, 279, 283, 285, 288, 381, 383, 385, 386, 387, 184, 193, 216, 446
289, 290, 291, 292, 293, 388, 398, 400, 404, 407,
voies de communication, 5, 15,
294, 295, 296, 297, 299, 408, 413, 415, 416, 418,
20, 22, 23, 28, 41, 48, 51,
305, 308, 321, 324, 325, 419, 423, 424, 425, 426,
56, 63, 68, 69, 73, 74, 77,
328, 329, 342, 345, 349, 427, 428, 436, 438, 447,
80, 103, 106, 107, 113, 114,
350, 352, 353, 359, 361, 456, 457, 458, 461, 462,
120, 131, 140, 150, 176,
362, 364, 365, 366, 367, 463, 465, 479, 485, 486,
177, 182, 184, 228, 381,
368, 369, 370, 374, 375, 512, 513, 514, 515, 516, 517
412, 444, 454
376, 377, 378, 379, 380,
383, 384, 385, 386, 387, travail, II, 4, 5, 11, 13, 30, 34,
voies de communications, 9,
390, 391, 392, 393, 394, 35, 50, 55, 59, 69, 103, 117,
10, 62, 90, 123, 176
395, 397, 399, 404, 405, 164, 201, 219, 232, 271,
406, 407, 411, 413, 419, 292, 293, 327, 340, 350, voies fluviales, XII, 18, 59, 74,
426, 436, 441, 446, 449, 380, 415, 460, 462 97, 104, 203
450, 454, 457, 462, 463, travaux, VIII, 17, 22, 28, 29, voies maritimes, 18
464, 513, 515 30, 55, 65, 89, 90, 93, 94,
96, 100, 101, 102, 103, 107, Von Puttkamer, 69
transports, IV, V, VI, VII, VIII,
IX, XI, XII, XV, XVI, 2, 3, 116, 117, 123, 185, 186,
Woermann, IX, 46, 47, 51, 52,
4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 187, 191, 193, 197, 208,
56, 57, 73
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 209, 210, 217, 218, 219,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 243, 251, 252, 254, 255, Wouri, X, 17, 45, 74, 100, 113,
30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 256, 276, 302, 303, 308, 116, 118, 128, 129, 131,
37, 41, 43, 44, 45, 48, 51, 321, 322, 323, 329, 331, 133, 216, 217, 325, 331,
52, 53, 55, 57, 58, 59, 62, 332, 333, 334, 335, 336, 335, 343, 417, 421, 455
63, 64, 66, 72, 73, 74, 76, 337, 338, 339, 347, 356,
78, 81, 87, 96, 97, 100, 101, 370, 377, 381, 409, 410, 456
104, 105, 106, 109, 113, travaux publics, VIII, 24, 27,
116, 117, 119, 120, 123, 28, 56, 57, 58, 64, 74, 81,
125, 127, 131, 132, 133, 89, 90, 94, 95, 99, 125, 129,
134, 137, 138, 140, 143, 130, 133, 134, 152, 156,
147, 150, 152, 159, 162, 219, 243, 255, 285, 296,
163, 167, 175, 176, 177, 302, 303, 321, 322, 323,
179, 180, 182, 183, 185, 332, 333, 334, 337, 339,
186, 187, 189, 190, 191, 347, 370, 407, 415, 456, 465
193, 194, 196, 198, 200,
205, 206, 207, 208, 213, tutelle, XI, XVI, 27, 36, 80,
214, 216, 218, 219, 220, 129, 146, 147, 152, 156,
221, 223, 229, 230, 232, 419, 423, 429, 448, 461
233, 236, 238, 241, 243,
Tutelle, 16, 128, 132, 133, 162,
244, 245, 248, 250, 251,
252, 253, 255, 256, 257, 179, 219, 243, 271, 303,
306, 307, 346, 370
260, 261, 262, 265, 270,
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ANNEXES
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Source : Wirz A., 1973, « La « Rivière de Cameroun » : commerce pré-colonial et contrôle du pouvoir
en société lignagère », Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 60, n°219, 2e trimestre, p. 173.
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ANNEXE III : Décret créant la Régie d’Exploitation des Chemins de Fer du Cameroun
(REGIFERCAM)
ANNEXE VII : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports
en temps de guerre.
ANNEXE VII : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports en
temps de guerre. Source JOCF,du 04 juin 1952 (suite et fin).
P a g e | 489
Source : https://www.prc.cm/fr/multimedia/documents/3258-decret-n-2014-575-du-19-12-2014-comite-de-
suivi-du-pla-d-urgence, consulté le 25/02/2021 à 21h43.
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ANNEXE XIII : Ordonnance n° 2014 /001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale sur les
Produits Pétroliers (TSPP) et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes et de
marchandises
Source : https://www.prc.cm/fr/multimedia/documents/2553-ordonnance-n-2014-001-du-07-07-2014-reduction-
taxes, consulté le 20/02/2021 à 06h24.
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DÉDICACE ................................................................................................................................ I
REMERCIEMENTS ............................................................................................................... II
SOMMAIRE ........................................................................................................................... IV
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET ANNEXES ............................................................... VIII
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES.......................................................... XIII
RÉSUMÉ .............................................................................................................................. XVI
ABSTRACT ....................................................................................................................... XVII