Fractures Ouvertes de Jambe
Fractures Ouvertes de Jambe
Fractures Ouvertes de Jambe
Les fractures de jambes ouvertes sont les plus fréquentes des fractures ouvertes des os longs. Elles sont en
général graves et surviennent le plus souvent après un accident de la voie publique. La classification de
Cauchoix modifiée par Gustilo a une valeur pronostique, mais elle nécessite une réévaluation au cours du
temps. La contamination initiale de la plaie peut être considérée comme une constante lors de fractures
ouvertes. Les germes les plus fréquents sont commensaux ou résidents provenant de la propre flore
cutanée du patient. La prise en charge initiale comporte une antibioprophylaxie, une prophylaxie
antitétanique et la prévention de la maladie thromboembolique. Après la détersion et le parage cutané,
l’ostéosynthèse est de règle. La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le traitement des
fractures ouvertes de jambe, car elle favorise la consolidation osseuse et diminue les complications
secondaires. Les syndromes de loges ne sont pas rares lors des fractures ouvertes et le choix de
l’aponévrotomie ne doit pas empêcher la réalisation secondaire d’un lambeau. Les retards de
consolidation et les pseudarthroses sont des complications fréquentes lors de fractures ouvertes. Le
traitement chirurgical repose sur la taille d’une hypothétique perte de substance osseuse et l’éventuelle
présence d’une infection. Les systèmes de pansements aspiratifs constituent une alternative
thérapeutique intéressante en cas de pertes de substance infectées chroniques, mais leur indication
s’étend aussi en traumatologie de première intention.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Fracture ouverte de jambe ; Infection osseuse ; Fixateur externe ; Enclouage centromédullaire ;
Lambeau de couverture ; Retard de consolidation ; Pseudarthrose septique
Appareil locomoteur 1
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de prise en charge de ces lésions. Il publiait un cas clinique cutanée associée à une nécrose des tissus mous adjacents
original : « Observation sur la guérison d’une fracture de la favorise la pénétration des bactéries, leur croissance et la
jambe droite, avec déperdition considérable du tibia ». Cette possibilité d’atteinte du tissu osseux sous-jacent. Les classifica-
observation résumait la problématique persistante du traitement tions pronostiques des fractures ouvertes, prenant en compte
des fractures ouvertes : difficulté de prise en charge initiale, l’étendue de la lésion cutanée initiale et l’attrition des parties
pauvreté du choix de l’immobilisation immédiate, et absence de molles, reflètent le risque secondaire d’ostéite. Les bactéries ont
traitement lors de complications infectieuses et osseuses. En deux origines : une contamination primaire exogène survenant
dépit de ces deux guérisons historiques, il faudra attendre le XXe immédiatement après la fracture, et une contamination secon-
siècle pour voir une amélioration considérable dans la prise en daire tardive impliquant le plus fréquemment des germes
charge des fractures ouvertes de jambe, notamment grâce au sélectionnés par les pratiques thérapeutiques. De fait, il est
développement de l’ostéosynthèse et à la découverte des illusoire de parler d’ostéites postchirurgicales vraies, car elles
antibiotiques. Au cours de ces 20 dernières années, le traitement surviennent le plus souvent sur un terrain osseux altéré, déjà
des fractures ouvertes de jambe a progressé grâce à une attitude contaminé et impropre à sa défense. Ainsi, le taux d’infection
chirurgicale systématisée et à la diffusion des techniques de des fractures ouvertes tous stades et toutes causes confondus
couverture par lambeaux. reste important, variant selon les études de 13 % à 50 % [6].
2 Appareil locomoteur
Macrophage
Dissémination
Microcolonie
Biofilm
Canal
Antibiotique
Figure 1. Bactéries rassemblées en biofilm. Les macrophages ne pénètrent pas la structure, bonne diffusion des antibiotiques.
généralement admis, ne constitue pas une barrière physique à toute hospitalisation ainsi que la limitation des traitements
la diffusion des antibiotiques [13], mais s’oppose à la pénétration antibiotiques expliquent ces différences [15].
des macrophages (Fig. 1) [14, 15]. De plus, les bactéries présentes
dans le biofilm voient certaines de leurs propriétés modi- Autres bactéries
fiées [12] : D’autres bactéries sont productrices de biofilm et responsables
• elles échangent avec plus de facilité que les bactéries planc- d’infections osseuses secondaires : certains streptocoques et
toniques le matériel génétique favorisant la dégradation des entérocoques, Pseudomonas aeuruginosa et des bactéries anaéro-
antibiotiques ; bies (corynebactéries, Bacteroides sp.) [12].
• les bactéries qui sont situées dans les régions profondes sous-
oxygénées du biofilm ont un métabolisme ralenti, se proté- Facteurs de risque de la contamination
geant ainsi des antibiotiques agissant en phase de multi-
plication bactérienne ; Gagey et al. [18] ont montré que certains facteurs favorisent la
• lorsque les bactéries sont en conglomérats, certains gènes survenue d’une infection :
sont surexprimés, notamment ceux qui renforcent l’imper- • une contamination initiale importante ;
méabilité aux antibiotiques de l’enveloppe bactérienne. • une contusion étendue des parties molles ;
Récemment, Bosse et al. ont montré que les bactéries pou- • une fracture instable après ostéosynthèse ;
vaient survivre en étant protégées du système immunitaire dans • la présence de germes contaminants dans les prélèvements
le cytoplasme des ostéoblastes ou des ostéocytes. Si elle se faits en salle d’urgence et en fin d’intervention.
confirme, cette découverte explique la grande difficulté du
traitement des ostéites chroniques [16].
Ainsi, toute infection non contrôlée immédiatement par une ■ Examens cliniques
thérapeutique efficace peut passer à la chronicité avec peu de
chances de guérison par une antibiothérapie habituelle. Le
et paracliniques
traitement des ostéites n’est pas qu’un fait chirurgical et il ne La prise en charge initiale s’appuie sur trois temps essentiels :
doit pas être dévolu uniquement aux orthopédistes ; la prise en l’interrogatoire, l’examen clinique et le bilan radiographique.
charge thérapeutique des infections osseuses doit être pluridis-
ciplinaire et nécessite une étroite collaboration entre chirur- Interrogatoire
giens, bactériologistes et infectiologues.
L’interrogatoire précise le type de mécanisme : s’agit-il d’un
mécanisme à basse ou à haute énergie ? Les mécanismes à haute
Bactéries énergie (accident de la voie publique, plaie par balles, plaie
pénétrante de dehors en dedans, chute d’un lieu élevé) ont un
Staphylocoque coagulase positif risque plus important de lésions extensives des parties molles.
C’est la bactérie la plus fréquemment mise en cause dans les Il existe une distinction pronostique entre les fractures ouvertes
infections osseuses (environ dans un quart des cas) et la de dedans en dehors, et les fractures ouvertes de dehors en
prévalence du staphylocoque résistant à la méthicilline (SARM) dedans. Les premières sont le plus souvent à trait simple,
continue de progresser en Europe depuis 15 ans [6, 17]. l’ouverture reste punctiforme, l’attrition tégumentaire est
Mais le SARM ne doit pas être regardé exclusivement comme minime et la contamination bactérienne initiale est faible.
responsable d’infection nosocomiale, car la majorité des facteurs Les fractures de dehors en dedans correspondent le plus
de risque sont prédéterminés avant l’admission hospitalière, et souvent à des traumatismes graves entraînant des lésions de la
l’on estime que 20 % des personnes saines sont porteuses de ces peau et des parties molles. La contamination amenée par l’agent
bactéries dans leurs narines de façon permanente, et 60 % de vulnérant est alors importante, favorisée par :
façon intermittente [15]. • les nécroses tégumentaires secondaires ;
Cependant, la fréquence du SARM reste stable en France, • l’état général du patient avant le traumatisme ;
autour de 30 % depuis quelques années, mais en Suède et en • le délai éventuel entre l’accident et la prise en charge
Finlande ce taux est inférieur à 1 %. médicale.
Il semble probable que la recherche et le traitement systé- Les circonstances de l’accident sont précisées, à la recherche
matique des porteurs sains dans les pays nordiques avant d’un contexte traumatique particulier (accident agricole,
Appareil locomoteur 3
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“ Points essentiels
• La contamination initiale de la plaie peut être
considérée comme une constante lors de fractures
ouvertes.
• Les germes le plus souvent en cause sont des germes
commensaux ou résidents provenant de la propre flore
cutanée du patient.
• Rapidement, les bactéries acquièrent des
caractéristiques variants (VMC) et produisent une matrice
de polysaccharides bioprotectrice, le biofilm ou
glycocalix. Figure 2. Fracture ouverte III B de Gustilo.
• Ainsi, toute infection non contrôlée immédiatement par
une thérapeutique efficace peut passer à la chronicité avec
peu de chances de guérison par une antibiothérapie Figure 3. Fracture ouverte III C
habituelle. de Gustilo.
• Le SARM ne doit pas être regardé exclusivement
comme une infection nosocomiale, car la majorité des
facteurs de risque sont prédéterminés avant l’admission à
l’hôpital.
• L’importance de la contamination initiale et une
contusion étendue des parties molles sont des facteurs
favorisant l’infection.
Bilan clinique
L’examen de la plaie est fait par le médecin urgentiste lors du
conditionnement du patient en préhospitalier, puis par le
chirurgien traumatologue et le médecin urgentiste à l’accueil
dans le service d’urgence. Une fois le bilan clinique établi, un
premier pansement est réalisé après une détersion a minima. employées dans la littérature, les classifications de Cauchoix et
Tscherne a montré que le risque septique diminue si la plaie est al., de Gustilo et al., et celle de Association pour l’ostéosynthèse
couverte par un pansement antiseptique non défait de manière (AO). À la fin du bilan aux urgences, le chirurgien peut avoir
itérative [19] . Des photographies numériques peuvent être une idée de la classification ; cependant, celle-ci ne peut être
réalisées dès l’arrivée du patient aux urgences : celles-ci permet- définitive qu’après le parage effectué en salle d’opération.
tront à l’équipe chirurgicale de suivre l’évolution de la plaie
(Fig. 2, 3).
Le bilan clinique, outre la recherche de lésions associées,
Cauchoix, Duparc, Boulez
s’attache à déceler des complications d’aval : vasculaires et Cette classification, communément appelée de Cauchoix, est
nerveuses (motrices et sensitives). On précise simplement : la essentiellement employée par les auteurs francophones ; c’est la
perception des pouls pédieux et tibial postérieur, la motricité plus ancienne [20, 21] . Elle a pour elle son ancienneté, sa
des orteils et la sensibilité du bord externe du pied, de la face simplicité et, depuis les modifications faites par Duparc et
plantaire, de la première commissure et de la face dorsale. Huten [22], la prise en compte de l’évolutivité des lésions. Elle
est basée sur l’ouverture cutanée :
Bilan radiographique • type 1 : lésion bénigne, ouverture punctiforme ou plaie peu
étendue sans décollement ni contusion dont la suture
Le bilan radiologique comporte deux incidences orthogonales
s’effectue habituellement sans tension ;
prenant toute la jambe et les articulations du genou et de la
• type 2 : lésion cutanée qui a un risque de nécrose secondaire
cheville, le membre inférieur lésé étant immobilisé dans une
élevé ; il peut s’agir d’une suture avec tension, de plaie
attelle radiotransparente. La présence de corps étranger ou
associée à un décollement ou une contusion, de plaie avec
d’images aériques au site de la plaie ou à distance témoigne de
des lambeaux de vitalité douteuse ;
l’atteinte des parties molles et peut orienter le parage chirurgical
• type 3 : lésion avec perte de substance cutanée en regard ou
initial. Les radiographies permettent aussi d’appréhender le
à proximité du foyer de fracture, la perte de substance
mécanisme lésionnel, les fractures comminutives avec des
pouvant être traumatique ou secondaire ; Duparc et Huten
segments osseux libres étant synonymes de dévascularisation
ont affiné la classification en incluant l’évolution lésionnelle :
osseuse et d’atteinte importante des parties molles.
3a, perte de substance limitée avec possibilité de réparation à
partir des tissus périphériques ; 3b, perte de substance
Classification étendue sans possibilité de réparation à partir des tissus
Au terme de ce bilan, on quantifie le risque évolutif des périphériques ou avec un risque infectieux important ;
fractures en utilisant une classification. Celles-ci sont nombreu- • type 4 : lésion de broiement avec ischémie distale du membre
ses et nous ne décrirons ici que les trois plus fréquemment lésé.
4 Appareil locomoteur
Tableau 1.
Classification de l’Association pour l’ostéosynthèse (AO) des lésions de la peau, des muscles et tendons, et des structures vasculonerveuses.
Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 Type 5
Peau (ouverte) Lésion de dedans Lésion de dehors Lésion > 5 cm Lésion extensive
en dehors en dedans < 5 cm Berges contuses Contusion
Abrasion ...
Muscle et tendon Pas de lésion Lésion Lésion importante Defect musculaire, Syndrome de loge
d’un compartiment de deux compartiments tendineux Crush syndrome ...
Lésion extensive ...
Neurovasculaire Pas de lésion Lésion nerveuse isolée Lésion vasculaire Lésion vasculaire Lésions combinées
segmentaire Amputation subtotale
ou totale
Appareil locomoteur 5
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Prophylaxie antitétanique
La prophylaxie antitétanique est obligatoire pour toute
fracture ouverte, sauf en cas d’immunisation datant de moins
de 5 ans dûment prouvée par le carnet de vaccinations. Dans le
cas d’une plaie très contaminée et d’une immunisation
ancienne (entre 5 et 10 ans), il est recommandé de refaire une
injection vaccinale. Pour une immunisation ancienne au-delà de
10 ans ou jamais effectuée, une immunothérapie (250 UI
d’immunoglobulines humaines spécifiques) et une vaccination
sont effectuées.
Prévention de la maladie
thromboembolique Figure 4. Détersion et parage cutané.
La prescription d’héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
en traumatologie du membre inférieur reste, en l’absence Le parage initial obéit aux règles de base suivantes :
d’étude prospective randomisée, le traitement de référence [36]. • toutes les fractures ouvertes nécessitent un parage chirurgical ;
Cette prescription doit être adaptée aux facteurs de risque du • tous les plans atteints doivent être explorés ;
patient et à la reprise de l’appui. En cas de chirurgie différée, • les extrémités osseuses doivent être systématiquement
une administration préopératoire est légitime, la dernière examinées lors de plaies de dehors en dedans à la recherche
injection d’HBPM devant précéder la chirurgie de plus de de corps étrangers (tissu, terre ...) ;
12 heures [36]. • tous les tissus dévascularisés ou nécrotiques doivent être
excisés ;
• en cas de doute sur la viabilité des tissus, un parage itératif
Lavage. Détersion doit être envisagé rapidement avec un chirurgien « recons-
Le premier nettoyage est fait en salle d’urgence sous couvert tructeur », orthopédiste ou plasticien.
d’une analgésie efficace, la plaie est ensuite isolée par un
pansement pour éviter toute contamination supplémentaire [37].
Parage de la peau et des parties molles
La préparation cutanée peut être réalisée en salle de préanesthé- Le parage concerne les tissus cutané et sous-cutané, les fascias
sie ; elle comprend un savonnage avec rinçage et séchage des et les muscles. La fréquence des complications résultant de
zones saines au-dessus et au-dessous de la plaie. La jambe est l’atteinte des parties molles rend ce parage obligatoire lors de
ensuite isolée dans un pansement stérile. Le premier temps fractures ouvertes type 2 ou 3 de Cauchoix. Le parage semble
chirurgical débute en salle opératoire au moment de la déter- plus discutable pour le type 1 de Cauchoix car les tissus restent
sion (brossage), qui doit être atraumatique et réalisée par le sains dans les mécanismes à basse énergie. Yang et Eisler [41],
chirurgien, le patient étant anesthésié. La plaie est ensuite isolée dans une étude rétrospective portant sur 40 fractures ouvertes
dans un nouveau champ stérile. Il faut respecter la peau de tibia, ne décèlent aucune complication sans parage. Cepen-
contuse et, si un fragment osseux est extériorisé, un brossage dant, en l’absence d’étude complémentaire, nous préconisons
soigneux des extrémités sans dépérioster l’os adjacent est un parage systématique pour le type 1 pour les deux raisons
effectué. L’éventuelle dépilation reste affaire d’école dans sa suivantes :
réalisation et dans son type ; elle est actuellement remise en • le stade initial de la fracture peut nécessiter une réévaluation
cause car son absence n’augmente pas le risque infectieux [38]. en fonction de l’évolution clinique ;
Après ce premier lavage chirurgical, les champs stériles sont • les publications originales de Gustilo concernant le type
mis en place et l’équipe procède à un lavage au sérum physio- 1 n’ont pas montré d’augmentation de la morbidité liée au
logique du site opératoire. Le lavage avec des solutés contenant parage initial.
des antibiotiques n’offre pas d’avantage et augmente le risque Le parage cutané des segments jambiers doit être longitudinal
de cicatrisation cutanée. La principale action de ce lavage et si possible en ellipse. Il doit être complet mais économe, la
abondant est la détersion mécanique, au moins 9 litres dans les résection s’arrêtant dès que l’on arrive sur une zone vascularisée.
fractures ouvertes type Cauchoix 2, et 12 litres dans les types En cas de doute, il faut éviter les incisons transversales et
Cauchoix 3 ou Gustilo 3abc. Par ailleurs, ce lavage doit être demander l’avis d’un chirurgien reconstructeur. Lors de lésions
doux et les systèmes utilisant un jet pulsé utilisés avec de dégantage avec interruption de la vascularisation cutanée, la
parcimonie [39]. peau doit être si possible conservée, dégraissée, puis reposée
comme une greffe sur les muscles. Toute la graisse dévitalisée ou
douteuse doit être excisée ; les fascias et les muscles sont
Parage explorés et réséqués au besoin. Les muscles restants doivent être
bien vascularisés et la levée du garrot s’impose en cas de doute
Généralités sur leur vitalité. Cette appréciation musculaire n’est pas toujours
Le parage initial de la plaie est essentiel. Il comporte l’abla- facile et c’est souvent l’expérience clinique reposant sur la
tion des tissus contaminés, dévitalisés ou morts (Fig. 4). Ce coloration, la contractilité et la palpation musculaire qui permet
temps est aussi important que l’antibiothérapie et l’ostéosyn- de prendre une décision chirurgicale.
thèse, car la persistance des tissus morts favorise la contamina-
tion bactérienne exogène par des germes commensaux ou Tissu osseux
environnementaux [40]. Ce parage s’effectue avec ou sans garrot Tous les fragments libres et dévascularisés doivent être
pneumatique selon les habitudes chirurgicales des équipes. théoriquement excisés. Toutefois, devant une perte osseuse
6 Appareil locomoteur
Traitement orthopédique
On oppose à la méthode traditionnelle de Boelher, où l’on
bloque genou et cheville, la méthode de Sarmiento qui libère les
articulations. L’utilisation d’une traction continue sur attelle de
Boppe ne constitue de nos jours qu’un traitement d’attente
avant la chirurgie. Toutes les méthodes orthopédiques nécessi-
tent une anticoagulation préventive qui doit être adaptée au
patient et à la durée de son immobilisation. Ces immobilisa-
tions sont contraignantes pour le patient et rendent difficile la
surveillance des plaies. Ces méthodes n’ont pratiquement
aucune place dans le traitement des fractures ouvertes de jambe
dans notre pays.
Plâtre cruropédieux
Figure 6. Fixateur externe monoplan.
La fracture est réduite sur un cadre rigide (Boehler, Trillat), le
genou étant légèrement fléchi ; l’alignement du foyer fracturaire
est obtenu grâce à une traction exercée par un étrier ou une méthode de choix pour la prise en charge des fractures ouvertes
broche transcalcanéenne. On réalise un plâtre cruropédieux de jambe (Fig. 5,6) ; ses principaux inconvénients sont les
fendu en son milieu pour une durée de 6 semaines, avec un difficultés de réduction fracturaire et les infections sur fiches.
relais par botte plâtrée pour 4 semaines. L’utilisation d’une fixation externe doit tenir compte dans le
positionnement des fiches d’éventuels lambeaux locorégionaux.
Méthode de Sarmiento
Les fiches sont idéalement mises sur la face antéromédiale du
Ce traitement permet une stabilisation hydraulique des tibia pour libérer les deux faces latérales de jambe et ne pas
fractures par le système musculaire. Pour Sarmiento, si ce compromettre le geste de couverture. La disposition en cadre ou
traitement est utilisé lors de fractures ouvertes de jambe, il faut l’utilisation du système Illizarov rendent difficile la mobilisation
accepter un certain raccourcissement et la durée d’immobilisa- des lambeaux et risquent d’exclure des territoires par ischémie
tion est plus longue que lors de fractures fermées. Cependant, due à des broches transfixiantes ; les systèmes monoplans
Sarmiento reste prudent et, pour les fractures ouvertes de dynamisables sont donc à utiliser préférentiellement.
jambe, il préconise le traitement par un enclouage centromé- Le choix thérapeutique reste une affaire d’école en l’absence
dullaire [42, 43]. de publication prospective comparative. Toutefois, les fixateurs
hybrides sont le plus souvent utilisés en cas de fractures
Traitement chirurgical métaphysodiaphysaire.
Clou centromédullaire. L’utilisation de l’enclouage centro-
Ostéosynthèse par plaque
médullaire pour le traitement des fractures ouvertes de jambe
C’est un traitement difficile à réaliser en cas de fracture date en France des années 1960 ; l’équipe de Merle d’Aubigné
ouverte de jambe, car l’abord osseux est malaisé et peu systé- publia dès 1974 des résultats encourageants dans cette indica-
matisé du fait de l’atteinte concomitante des parties molles. tion [47] . Sur 256 fractures ouvertes traitées par enclouage
Cette chirurgie est ambivalente car elle doit conserver la centromédulaire, ces auteurs rapportent un taux de pseudarth-
vascularisation des parties molles, du périoste et de l’os malgré rose de 4,7 % et d’infection de 6,5 %, versus 25 % et 20 % pour
un abord extensif. Dans ce contexte, le risque de nécrose les traitements à foyer ouvert. Avec la modification des clous et
cutanée reste majeur [44] et la littérature montre clairement que l’amélioration de l’ancillaire de pose, cette technique s’est
l’ostéosynthèse par plaque est inadéquate dans les fractures type généralisée et une méta-analyse récente a montré que
2 ou 3 de Gustilo compte tenu du risque important d’infection l’enclouage lors de fractures ouvertes diminue les risques
osseuse et d’échec de fixation [45]. d’interventions itératives, d’infections superficielles et de cals
vicieux (Fig. 7–9). Cependant, deux interrogations restent sans
Ostéosynthèse à foyer fermé
réponse dans la littérature [48] :
On désigne par le terme générique de foyer fermé l’absence • faut-il aléser le tibia avant de mettre le clou ?
d’ouverture cutanée liée à l’ostéosynthèse en dehors du parage • peut-on réaliser sans risque un traitement en deux temps
initial. successifs : fixation externe première en urgence puis relais
Fixateurs externes. Du fait de la localisation du tibia sous la précoce par enclouage tibial ?
peau et de l’absence de conflit avec une autre partie du corps,
c’est tout naturellement que le fixateur externe a trouvé à la
jambe son site d’élection. Utilisé dès 1832 par Malgaigne, ce fut ■ Lambeaux de couverture
le premier traitement chirurgical employé pour traiter les
fractures ouvertes de jambe bien avant l’apparition des ostéo-
synthèses par vis, cerclage, plaque et clou [46]. On distingue
Généralités
quatre types de fixateurs externes : les monoplans, les multi- La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le
plans, les circulaires et les hybrides. Ce traitement constitue la traitement des fractures ouvertes de jambe, car l’obtention
Appareil locomoteur 7
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8 Appareil locomoteur
Appareil locomoteur 9
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exploration avec parage itératif [31, 50, 58]. Le lambeau libre reste
donc indiqué dans les premiers jours après l’accident ou à
distance au stade de séquelles. Cependant, Vichard [31] propose
une démarche plus « incisive » : stabilisation interne et couver-
ture immédiate du foyer de fracture sur les arguments sui-
vants [50] :
• la fixation externe est moins efficace sur la consolidation
osseuse que la fixation interne ;
• des complications septiques peuvent survenir sur les fiches de
fixateur externe ;
• quand une articulation est pontée par le fixateur, la récupé-
ration fonctionnelle est plus difficile ;
• le fixateur externe peut perturber certains gestes plastiques.
Nature : lambeaux libres ou pédiculés ?
Les lambeaux locorégionaux ont prouvé leur efficacité et
Figure 14. Lambeau fasciocutané type cross-leg.
s’inscrivent dans une logique d’indication, partant du lambeau
le plus simple au plus difficile. Pour Le Nen et al. [50] , le
ces vaisseaux (2-2,7 mm), et la longueur suffisante de son lambeau libre doit être réservé aux fractures ouvertes du tiers
pédicule (8,4 cm en moyenne) accessible techniquement et inférieur, et pour les pertes de substance étendues ou circonfé-
prélevable à la demande. Par ailleurs, dans les pertes de sub- rentielles de jambe lorsqu’un lambeau locorégional n’est pas
stance avec lésions des axes vasculaires, le prélèvement dans le utilisable ou que la viabilité musculaire et/ou l’état cutané font
même temps de l’artère du dentelé antérieur peut le transformer courir un risque de nécrose (crush syndrome, délabrement
en lambeau porte-vaisseaux pour le pontage d’un axe vascu- majeur ...). D’autres auteurs ont, à l’inverse, recours d’emblée
laire [54]. Malgré la diffusion des transferts tissulaires libres, les aux lambeaux libres qui leur semblent moins agressifs pour la
lambeaux hétérojambiers musculaires ou fasciocutanés type zone périfracturaire déjà malmenée par l’accident [31, 59].
cross-leg gardent une place dans l’arsenal thérapeutique des
fractures ouvertes de jambe (Fig. 14) : Pansement aspiratif sous vide (vacuum
• échec d’une autre technique de couverture, notamment par assisted closure [VAC])
lambeau libre ;
Initialement utilisé pour de larges pertes de substance
• pertes de substance importantes, sur un état vasculaire du
infectées chroniques, chez des patients au terrain débilité
membre receveur contre-indiquant un lambeau libre de façon
contre-indiquant l’utilisation de lambeaux, les systèmes d’aspi-
absolue (aucun axe vasculaire intact) ou relative (axe jambier
ration à pression négative constituent désormais une méthode
unique) ;
thérapeutique intéressante en traumatologie de première
• resurfaçage de toute la coque talonnière lorsque les lambeaux
intention [60, 61] (Fig. 15).
régionaux sont insuffisants en taille [55].
L’efficacité des VAC semble liée à plusieurs facteurs [60] :
• la pression exercée par l’éponge aspire toutes les sécrétions
Stratégie interstitielles susceptibles de contenir des facteurs d’inhibition
de croissance des fibroblastes, des cellules vasculaires endo-
Date de couverture théliales et des kératinocytes ;
Le moment idéal de couverture reste largement débattu. • l’évacuation de ces fluides évite la formation de sécrétions
Celle-ci doit se faire au plus vite, pour diminuer le risque purulentes à la surface de la perte de substance, et donc la
d’échec des lambeaux, les complications septiques, et augmenter colonisation anaérobie et la diffusion bactérienne en profon-
le taux de consolidation [56, 57]. Mais les résultats sont identi- deur ;
ques entre couverture en urgence stricte et dans les 48 à • elles réalisent une protection antibactérienne, l’humidité dans
72 heures ; ce délai permet de dépister une éventuelle souf- le pansement préservant l’action des polynucléaires neutro-
france des parties molles et d’effectuer alors une deuxième philes ;
10 Appareil locomoteur
Figure 16. Fracture ouverte stade III A, enclouage initial. Plaie suintante Figure 18. Résultat clinique au huitième jour.
chronique.
Figure 19. Reprise par fixateur et pansement aspiratif sous vide avec
Figure 17. Pansement aspiratif sous vide avec compresse. compresse. Résultat clinique au quinzième jour.
Appareil locomoteur 11
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“ Points essentiels II
IIIa
23,5
27,2
IIIb 38
• La chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur
IIIb (avec perte osseuse) 74
dans le traitement des fractures ouvertes de jambe, car elle
favorise la consolidation osseuse et diminue les
complications secondaires.
• Le moment idéal de couverture se situe entre les Traitement
quarante-huitième et soixante-douzième heures ; ce délai Deux options thérapeutiques sont possibles :
permet de dépister une éventuelle souffrance des parties • l’aponévrotomie des quatre loges par une seule incision,
molles car une deuxième exploration est parfois décrite initialement par Kelly et Whitesides en 1967 [71] ; elle
nécessaire. comportait une fibulectomie ; Nghiem et Boland ont modifié
• Les lambeaux « locorégionaux » ont prouvé leur la technique en conservant la fibula [72] ;
efficacité ; lorsqu’ils ne sont pas utilisables, on peut avoir • l’aponévrotomie par une double incision cutanée décrite par
recours d’emblée aux lambeaux libres. Mubarak et Owen en 1977 [73].
Le choix de l’aponévrotomie lors de fractures ouvertes doit
• Actuellement, les systèmes d’aspiration à pression
prendre en compte les lésions éventuelles des parties molles et
négative constituent une alternative thérapeutique
un possible lambeau associé. Cependant, la souffrance muscu-
intéressante en traumatologie de première intention. laire homolatérale est le plus souvent une contre-indication à
l’utilisation de lambeaux locorégionaux et dans ce contexte on
préfère recourir aux lambeaux libres.
■ Complications
Syndrome de loge
Généralités “ Points essentiels
Contrairement à ce qu’il est communément admis, les
syndromes de loge ne sont pas rares lors de fractures ouvertes ;
• Les syndromes de loge ne sont pas rares lors de fractures
l’existence d’une lésion des fascias aponévrotiques ne protège ouvertes.
pas de cette redoutable complication. Sur 198 fractures ouvertes • Toute suspicion clinique nécessite un avis chirurgical et
dont 83 % étaient des Gustilo type 3, Blick et al. [65] ont mesuré le plus souvent une aponévrotomie de décharge.
dans 9 % des cas une pression intratissulaire résiduelle supé- • Le choix de l’aponévrotomie lors de fractures ouvertes
rieure à 30 mmHg. L’incidence des syndromes de loge est de ne doit pas empêcher la réalisation de lambeau
6 % pour DeLee et Stiehel (sur 104 fractures ouvertes) [66] et de secondaire.
1,2 % pour Mc Queen et Court-Brown [67] (série de 166 fractures • Cependant, la souffrance musculaire homolatérale est
ouvertes). Cependant, pour ces derniers, bien que l’incidence du en faveur de la réalisation de lambeaux libres.
syndrome de loge lors de fractures fermées (622 fractures
diaphysaires) soit supérieure à celle des fractures ouvertes, la
différence n’est pas statistiquement significative.
12 Appareil locomoteur
Tableau 5.
Incidence des complications infectieuses selon la classification de Gustilo.
Type Gustilo Pourcentage de sepsis
I 0-2
II 2-7
IIIa 7
IIIb 10-50
Examens complémentaires
Le bilan radiologique précise le type de pseudarthrose et
recherche les signes d’ostéite. Weber et Cech ont proposé une
classification radiologique des pseudarthroses basée sur la
réaction biologique. Ils distinguent trois types de pseudarthrose
(Fig. 20) [78] :
• hypertrophique : volumineux cal osseux en patte d’éléphant ;
• oligotrophique : absence de cal osseux (Fig. 21) ;
• hypotrophique : absence de cal osseux et atrophie des
extrémités osseuses.
Cette classification reflète l’état biologique sous-jacent et
conditionne le choix thérapeutique. Les aspects radiologiques
d’ostéite post-traumatique sont variés. Le plus fréquemment, il
s’agit de condensation des extrémités, clairsemées de zones
d’ostéolyse, d’appositions périostées à distance et d’aspect
d’ostéites nécrosantes avec délimitation de séquestres.
En présence d’infection, on note une augmentation de la
protéine C réactive et lors d’infection chronique une accéléra-
tion de la vitesse de sédimentation et une hyperleucocytose
avec polynucléose. Mais, attention, tous les signes biologiques
peuvent manquer.
Deux examens paracliniques sont importants avant d’envisa-
ger le traitement d’une pseudarthrose de jambe :
• l’artériographie ou l’angioscanner (moins invasif) (Fig. 22)
permettent d’adapter l’indication chirurgicale, si un tronc Stratégie thérapeutique
vasculaire est lésé ; La stratégie thérapeutique est complexe et non univoque.
• plus rarement demandée mais cependant indispensable Pour obtenir une consolidation osseuse, elle doit intégrer les
devant toute infection, la ponction-biopsie osseuse au trocart quatre difficultés suivantes : stabiliser le foyer, exciser un
par abord chirurgical direct ; les prélèvements peuvent être éventuel tissu infecté, lutter contre l’infection et réparer les
effectués lors du traitement de la pseudarthrose. parties molles. Ces étapes peuvent être séquentielles ou conco-
L’imagerie par résonance magnétique peut, dans certains cas, mitantes selon le problème local et le traitement choisi.
préciser l’activité du foyer et ses relations avec les parties molles Pour rester didactique, nous envisageons les trois tableaux
avoisinantes [79]. cliniques suivants.
Appareil locomoteur 13
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14-086-A-20 ¶ Fractures ouvertes de jambe
Greffe vascularisée
Perte osseuse < 2 cm
Espaceur ciment
GITP
(Masquelet) ?
Perte osseuse de 2 à 4 cm
Ilizarov
GITP et greffe spongieuse
14 Appareil locomoteur
Figure 24. Espaceur au ciment scléreuses et des séquestres osseux ; la possibilité de recouvre-
de Masquelet. ment permet de préserver le capital osseux en faisant une
résection limitée aux seules lésions osseuses manifestement
infectées ;
• le rétablissement d’une couverture saine de l’os lésé ;
• la consolidation osseuse.
Parties molles. Quel que soit le tableau clinique infectieux,
il faut prendre en compte l’état des parties molles. Dès 1946,
Stark [81] recommandait l’utilisation de lambeaux musculaires
pédiculés dans le traitement chirurgical des complications
osseuses septiques postfracturaires. Devant une pseudarthrose
infectée, les lambeaux musculaires s’imposent d’emblée par leur
ostéotactisme qui permet une prévention plus efficace des
récidives infectieuses que les lambeaux fasciocutanés [82-84]. Le
lambeau musculaire apporte sa vascularisation propre alors
qu’un lambeau fasciocutané n’est pris en charge que par la
périphérie. Si un lambeau libre est indiqué, le branchement à
distance est impératif, loin de toute inflammation et de sclérose
des tissus pour diminuer le risque d’échec.
Stabilisation osseuse et assèchement de l’infection. Le
premier temps chirurgical comporte la résection limitée des
lésions osseuses manifestement infectées. La stabilisation est
ensuite dévolue à un fixateur externe monoplan qui évite de
transfixier les masses musculaires et donc de compromettre la
mobilisation d’un éventuel lambeau. La consolidation peut être
obtenue par une greffe osseuse de spongieux autologue après un
espaceur au ciment. Dans certains cas, le traitement par une
greffe intertibiopéronière peut tarir une éventuelle fistule en
permettant la consolidation et la remise en charge ; la GITP doit
être réalisée par une voie d’abord rétropéronière passant à
distance du foyer infectieux pour ne pas infecter le greffon.
« Les foyers d’ostéite brûlent au feu de la régénération » écri-
vait Ilizarov (in [85]). Cependant, pour Merloz [85] : « L’utilisation
autologue, une greffe osseuse vascularisée ou un transport
osseux par fixateur externe type Ilizarov pour obtenir une d’un fixateur externe type Ilizarov pour éliminer les foyers
consolidation. septiques n’est plus d’actualité et lorsqu’il existe des foyers
septiques évidents avec des séquestres volumineux et des plages
Retard de consolidation et pseudarthrose septiques (Fig. 25) d’os ostéitique ou nécrotique il faut procéder à une résection
Pour Masquelet, la prise en charge séquentielle des pseu- large et à ciel ouvert des tissus infectés avant de réaliser la
darthroses septiques de jambe est bien codifiée (assèchement, reconstruction. » En revanche, la consolidation peut être
recouvrement, puis consolidation). Elle découle des quatre obtenue par un fixateur externe type Ilizarov mis en place après
éléments à traiter suivants [80] : l’excision osseuse. Dans ce cas de figure, le fixateur permet de
• l’immobilisation correcte du foyer de pseudarthrose ; réaliser un transport osseux. Sous nos latitudes, le traitement
• la lutte contre l’infection : mise à plat chirurgicale, assèche- par Papineau est abandonné, mais il reste une alternative
ment ou débridement-parage, excision des parties molles possible pour lutter contre l’infection.
< 4 cm
GITP
> 4 cm
Double GITP
Appareil locomoteur 15
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14-086-A-20 ¶ Fractures ouvertes de jambe
“ Points essentiels
parage chirurgical, l’ostéosynthèse est de règle, avec une
préférence pour les ostéosynthèses à foyer fermé. L’importance
de la contamination initiale et une contusion étendue des
• Les retards de consolidation et les pseudarthroses sont parties molles sont des facteurs favorisant l’infection osseuse. La
des complications fréquentes des fractures ouvertes. chirurgie des lambeaux constitue un atout majeur dans le
• En l’absence d’infection et de perte de substance traitement des fractures ouvertes de jambe, car elle favorise la
consolidation osseuse et diminue les complications secondaires.
osseuse, le traitement chirurgical est simple, reposant sur
Les retards de consolidation et les pseudarthroses sont des
une décortication osseuse et une reprise minimaliste de
complications fréquentes. En l’absence d’infection et de perte de
l’ostéosynthèse initiale. substance osseuse, le traitement chirurgical est simple, reposant
• La prise en charge d’un retard de consolidation ou sur une décortication osseuse et une reprise minimaliste de
d’une pseudarthrose avec perte de substance osseuse l’ostéosynthèse initiale. Les sepsis évolutifs ou majeurs s’accom-
repose sur la taille du defect osseux : pagnant d’un retard de consolidation et d’une pseudarthrose
C en dessous de 10 cm, la GITP simple ou double est restent un défi chirurgical. Le traitement repose sur un
une option chirurgicale gagnante ; débridement-parage comportant une excision des parties molles
C au-dessus de 10 cm, c’est la place du fixateur externe scléreuses et des séquestres osseux, puis un recouvrement par
type Ilizarov ou d’une greffe massive d’os spongieux lambeau. La consolidation osseuse peut être obtenue par une
autologue après un espaceur au ciment. greffe osseuse spongieuse autologue après un espaceur au
ciment.
• Les sepsis évolutifs ou majeurs s’accompagnant d’un
retard de consolidation et d’une pseudarthrose restent un
challenge chirurgical. Le traitement repose sur un .
16 Appareil locomoteur
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Service d’orthopédie et traumatologie, CHU Cavale Blanche, avenue Tanguy-Prigent, 29200 Brest, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dubrana F., Genestet M., Moineau G., Gérard R., Le Nen D., Lefèvre C. Fractures ouvertes de jambe. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-086-A-20, 2007.
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