En L'an de Mon 30-E ...

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En l’an de mon trentiesme eage, En l’an de mon trentième âge,

Que toutes mes hontes i’eus beues Que toutes les hontes j’eus bues,
Ne du tout fol, ne du tout sage, Ni du tout fou, ni du tout sage,
Non obstant maintes peines eues, Nonobstant (malgré) maintes peines eues,
Lesquelles i’ay toutes receues Lesquelles j’ai toutes reçues
Sous la main Thibault d’Aussigny*… Sous la main Thibault d’Auvigny…
S’euesque il est, seignant les rues, Si évêque il est, saignant les rues,
Qu’il soit le myen ie le reny : Qu’il soit le mien, je le renie :
Mon seigneur n’est ne mon euesque, Mon seigneur n’est, ni mon évêque,
Soubz luy ne tiens s’il n’est en friche; Sous lui ne tiens, s’il n’est en friche (= de
Foy ne luy doy ne hommage auecque, lui dépend s’il n’est pas cultivé);
Ie ne suis son serf ne sa bische. …. Foi ni lui dois, ni hommage avec,
------- (* évêque d’Orléans) ------ Je ne suis ni son serf (кріпак), ni sa biche
(лань).
Voici un extrait de la Ballade des pendus :
Freres humains qui après nous viuez, Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cuers contre nous endurciz, N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car se pitié de nous pouurez* avez, Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz. Dieu en aura plutôt de vous merci.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six : Vous nous voyez ici attachés, cinq, six:
Quant de la chair, que trop aurons nourrie, Quant à la chair, que nous trop avons
Elle est pieça deuorée & pourrie, nourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et Elle est pièce* dévorée et pourrie,
pouldre. Et nous, les os, devenons cendre et
(*pouurez = pauvres). poudre.
(*= depuis longtemps)

• Les romans en prose. Au début du XIV-e s., ils prolongent l’héritage de


l’époque féodale en décrivant les exploits des chevaliers, tels la Queste du Graal et
Lancelot. Bientôt l’épopée héroïque d’autrefois se transforme en poème héroïco-
comique, tel est, par exemple, Li Roman de Baudouin de Sebourc, III-e roy de
Jherusalem, poème du XIV-e s.
• Parmi les ouvrages en prose, il importe de citer les grandes chroniques
évoquant les événements de l’époque, celles de Jean Froissart (1337-1411). Il décrit
« des grans merveilles et des biaus faits d’armes avenus par les grans guerres de
France et d’Engleterre ». La langue des chroniques, tout en se rangeant du côté du
français contient nombre de picardismes. (La province de Picardie se trouve au nord
de Paris).
• Le Théâtre. Le genre dramatique fleurit et connaît plusieurs variétés :
- le théâtre religieux est représenté par les mystères, de longs drames qui
racontent la vie et la passion du Christ, la vie des saints, de la Vierge, etc.
- le genre dramatique sérieux crée des œuvres moralisantes (Moralité du bien
avisé; Condamnation des banquets);
- le théâtre comique et satirique connaît une grande vogue au XV-e s. : il
ridiculiser tourne en dérision (висміювати) les clercs, les moines, les médecins, les épouses y
sont souvent des personnages négatifs. Citons la célèbre Farce du meistre Pierre
Pathelin (vers 1464) à laquelle le français doit certaines locutions et mots en usage
jusqu’à nos jours : revenons à nos moutons; attendez-moi sous l’orme (avocat sous
l’orme) (= після дощику в четвер; orme - в’яз); patelin (= insinuant et flatteur,
вкрадливий, хитрий), patelinage (хитрування) et pateliner (хитрувати). C’est
encore en 1469 qu’apparaît déjà le verbe patheliner = faire semblant d’être malade.

Nous venons de citer, parmi les plus célèbres, quelques œuvres littéraires de
différents domaines, dont les titres eux-mêmes et certaines citations peuvent servir
d’exemples linguistiques du moyen français :

« … gracieux gallans, gens d’esperit,


ung peu estourdiz … »;
« Queste du Graal »;
« Li Roman de Baudouin de Sebourc, III-
e roy de Jherusalem »;
«…des grans merveilles et des biaus faits
d’armes avenus par les grans guerres de
France et d’Engleterre »;
« Farce du meistre Pierre Pathelin ».

3.Les particularités phoniques du moyen français.

Le vocalisme.
• L’apport capital du moyen français, c’est la tendance à la formation d’un
accent tout particulier, appelé accent de groupe ou accent rythmique qui mène à la
soudure de plusieurs éléments comme s’ils formaient un mot unique phonique.
L’accentuation du groupe est pareille à celle du mot en ce sens que c’est la dernière
syllabe du groupe qui porte l’accent à moins qu’elle ne se termine par un e affaibli
[ə]. Tout comme dans un mot, il existe donc dans un groupe accentuel une syllabe
postonique : porte [‘pɔrtə], prends-le [‘prãn lə].
• Les formes de l’ancien français, dues à l’existence des enclitiques* tels
que, par exemple, jol (jo le), nes (ne les), sin (si ne), etc. ne sont plus employées. Ces
combinaisons sont dissoutes et forment désormais deux mots, ce qui explique la
désaccentuation des pronoms sujets et compléments, des conjonctions et des
particules. Ex. : Je le verray : qui ne le voult mie de loing abandonner.

*Un enclitique est un morphème grammatical non-accentué joint au terme qui le


précède pour ne former avec lui qu’un seul mot porteur de l’accent : jol → jo le.

• La monophtongaison des diphtongues ou, uo, eu aboutit à la formation


d’un phonème nouveau dans la série antérieure labialisée - [œ]. Les trois phonèmes e
de l’ancien français se répartissent en deux séries : [ę] ouvert et [ẹ] fermé, assurant un
certain équilibre dans le vocalisme français. Depuis le XIV-e s., il existe des
assonances et des rimes qui réunissent [ẹ] (< a) et [ę] (< ḝ) : hostel, tel, pel, nouvel.
Les deux premiers mots avaient originairement un [ẹ] issu de [a], les deux derniers un
[ę] issu de [ḝ]. Désormais il n’y a plus que l’opposition [ę] / [ẹ] comme suite à la
répartition des trois phonèmes e en deux phonèmes.

NB : Le petit point sous la graphie (la lettre) phonique indique que le phonème est
« fermé », le petit signe ressemblant à une virgule – que le phonème est « ouvert ».

• La formation des voyelles postérieures augmente sensiblement, d’une


part, à la suite de la monophtongaison, tel u < ou < o + l devant une consonne, et
d’autre part, en vertu de la positrion (loi de position), tel [ọ] qui a perdu du terrain en
ancien français vu l’évolution [ǫ] > [u], mais qui apparaît en revanche devant [z, v] et
après la chute du s : [ǫse] > [ọzə], [pǫvre] > [pọvrə], [ǫste] > [ọtə].
• Les diphtongues et les triphtongues, ayant été réduit en voyelles simples
ou en combinaison « constrictive + voyelle simple », il ne reste donc, dans le
vocalisme du moyen français, qu’une diphtongue aó (< au, lues séparées) et une
triphtongue eaó (< eau, lues séparées).
NB : bien que le vocalisme du moyen français offre déjà en grandes lignes les
traits pertinents (distinctifs) du vocalisme de la langue française (hormis la nasalité),
sa formation est encore loin d’être achevée. Si le système vocalique de l’ancien
français représente la première étape de l’évolution vocalique, celui du moyen
français constitue sa deuxième étape. La troisième étape, celle qui formera la
prononciation du français moderne, attendra les XVII-e – XVIII-e ss.
Le consonantisme.
Le consonantisme du moyen français se débarrasse des affriqués : [tʃ] ˃ [ʃ],
[dʒ] ˃ [ʒ], [ts] ˃ [s], [dz] ˃ [z] et des oclusives postlinguales labialisées [kw] ˃ [k],
[gw] ˃ [g]. Il s’enrichit de quatre constrictives, dont deux sont des prélinguales - [ʃ,ʒ]
et les deux autres – des bilabiales sonantes [ɥ, w].
À part la consonne sonante mouillée [l’] et la consonne expirée [h], le
consonantisme du moyen français est celui du français moderne. L’élimination de [l’]
qui passera plus tard à [j] ne créera pas de relations nouvelles dans le consonantisme,
la langue possédant ce dernier phonème depuis des siècles. Quant à la consonne [h],
elle se trouve seulement dans les emprunts, elle est d’un emploi restreint et tend à
disparaître.
Le développement des consonnes occlusives connaît des hauts et des bas.
D’une part, il augmente parce que les occlusives commencent à être employées en
position intervocalique grâce aux nombreux emprunts au latin (natif, édifice, débile,
répéter). Rappelons-nous que l’ancien français a éliminé les occlusives en position
intervocalique. Un mot comportant une occlusive intervocalique est donc un emprunt
aux langues anciennes ou modernes. D’autre part, le rendement des occlusives
sourdes commence à diminuer vers la fin du moyen âge à la suite de l’amuïssement
progressif des consonnes finales aimet ˃ ᾶime; lonc ˃ lõn.
L’accent de groupe mène aussi à la chute des consonnes finales devant une
autre consonne, à l’enchaînement, à la liaison, etc.
Le rendement des constrictives augmente sensiblement avec l’apparition des
nouveaux phonèmes [ʃ, ʒ] et à la suite des emprunts latins, surtout en position
intervocalique (fragile).
NB : Le développement du système phonique du moyen français connaît encore
d’autres tendances. Nous n’en avons évoquées ici que les plus importantes.

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