CHTOUROU Halima N-02047356392
CHTOUROU Halima N-02047356392
CHTOUROU Halima N-02047356392
Candide, Voltaire
Voltaire, Candide
La poésie du
XIXème siècle au
XXIème siècle
• Œuvre intégrale : Les Fleurs du Mal
Parfum Exotique
Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière pour empêcher
qu’on ne pût entrer ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. M. de
Nemours en vint à bout néanmoins.
Sitôt qu’il fut dans le jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était Mme de
Clèves ; il vit beaucoup de lumières dans le cabinet : toutes les fenêtres en étaient
ouvertes, et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble
et une émotion qu’il est aisé de se représenter.
Il se rangea derrière une des fenêtres qui servait de porte, pour voir ce que faisait
Mme de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté,
qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue.
Il faisait chaud et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa gorge que ses cheveux
confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle,
où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans : elle en choisit quelques-uns,
et M. de Nemours remarqua que c’était des mêmes couleurs qu’il avait portées
au tournoi. Il vit qu’elle en faisait des nœuds à une canne des Indes, fort
extraordinaire, qu’il avait portée quelque temps, et qu’il avait donnée à sa sœur,
à qui Mme de Clèves l’avait prise, sans faire semblant de la reconnaître pour avoir
été à M. de Nemours.
Après qu’elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur qui
répandaient sur son visage les sentiments qu’elle avait dans le cœur, elle prit un
flambeau et s’en alla proche d’une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de
Metz, où était le portrait de M. de Nemours : elle s’assit, et se mit à regarder ce
portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.
On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir, au
milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait, la
voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient
du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté
ni imaginé par nul autre amant.
« Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher. Il y en a peu à qui
vous ne plaisiez, mon expérience me ferait croire qu'il n'y en a point à qui vous ne puissiez
plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé et je ne me tromperais pas souvent. Dans
cet état néanmoins, je n'aurais d'autre parti à prendre que celui de la souffrance, je ne sais
même si j'oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant, mais en fait-on à un mari,
quand on n'a qu'à lui reprocher de n'avoir plus d'amour ? Quand je pourrais m'accoutumer à
cette sorte de malheur, pourrais-je m'accoutumer à celui de croire voir toujours M. de Clèves
vous accuser de sa mort, me reprocher de vous avoir aimé, de vous avoir épousé et me faire
sentir la différence de son attachement au vôtre ? Il est impossible, continua-t-elle, de passer
par-dessus des raisons si fortes, il faut que je demeure dans l'état où je suis et dans les
résolutions que j'ai prises de n'en sortir jamais.
— Hé ! croyez-vous le pouvoir, madame ? s'écria M. de Nemours. Pensez-vous que
vos résolutions tiennent contre un homme qui vous adore et qui est assez heureux pour vous
plaire ? Il est plus difficile que vous ne pensez, madame, de résister à ce qui nous plaît et à
ce qui nous aime. Vous l'avez fait par une vertu austère, qui n'a presque point d'exemple,
mais cette vertu ne s'oppose plus à vos sentiments et j'espère que vous les suivrez malgré
vous.
— Je sais bien qu'il n'y a rien de plus difficile que ce que j'entreprends, répliqua
Mme de Clèves, je me défie de mes forces au milieu de mes raisons. Ce que je crois devoir
à la mémoire de M. de Clèves serait faible, s'il n'était soutenu par l'intérêt de mon repos, et
les raisons de mon repos ont besoin d'être soutenues de celles de mon devoir. Mais, quoique
je me défie de moi-même, je crois que je ne vaincrai jamais mes scrupules, et je n'espère pas
aussi de surmonter l'inclination que j'ai pour vous. Elle me rendra malheureuse et je me
priverai de votre vue, quelque violence qu'il m'en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir
que j'ai sur vous, de ne chercher aucune occasion de me voir. Je suis dans un état qui me fait
des crimes de tout ce qui pourrait être permis dans un autre temps, et la seule bienséance
interdit tout commerce entre nous.
M. de Nemours se jeta à ses pieds et s'abandonna à tous les divers mouvements dont il était
agité. Il lui fit voir, et par ses paroles, et par ses pleurs, la plus vive et la plus tendre passion
dont un cœur ait jamais été touché. Celui de Mme de Clèves n'était plus insensible et,
regardant ce prince avec des yeux un peu grossis par les larmes :
— Pourquoi faut-il, s'écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la mort de M. de
Clèves ? Que n'ai-je commencé à vous connaître depuis que je suis libre, ou pourquoi ne
vous ai-je pas connu devant que d'être engagée ? Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle par
un obstacle si invincible ? »