Saga Heineken p.23-30
Saga Heineken p.23-30
Saga Heineken p.23-30
Heineken
17 000 hectolitres
sous une
en 1873, 22,4 millions
en 2001 ! Heineken,
bonne étoile
première marque
internationale de bière, commercialisée dans plus de
170 pays, est également la première marque européenne.
Voyage au cœur de l’étoile de la bière.
T
rois générations, trois défis, pour un succès plané-
taire. Aujourd’hui, première marque internationale
de bière, Heineken est née sous une bonne étoile.
La marque doit à son créateur, Gerard Heineken, la
saga )
Ci-contre, de gauche à droite :
Gerard Adriaan Heineken, Henry Pierre Heineken,
Alfred Henry Heineken.
( saga
(1) On parle de fermentation haute quand le moult est fermenté à une température
d’environ 15°C et de fermentation basse à 8 ou 10°C (Pils).
(2) Fondateur de la brasserie moderne grâce à ses travaux sur la maîtrise de la levure
pour stabiliser la bière.
(3) Cf La Revue des marques n°37, janvier 2002, “la planète verte au secours de la
planète bleue”.
saga )
d’un “e” rieur.“ Des experts ont travaillé des journées entières
au microscope afin de déterminer l’inclinaison du “e”du logo.
Trop penché dans un sens, il a un air triste, et dans l’autre un
air idiot. Voyez-le, maintenant : il sourit”, résume alors celui
qu’on surnommera Freddy. Deuxième changement en 1954 :
la bouteille abandonne la couleur rouge pour le vert. Freddy
Heineken qui vient, la même année, de
L’Afrique, reprendre le contrôle de la société et
principal marché qu’il dirigera de 1964 à 1989, n’aura de
dans les années cesse de répéter que “le plus beau
1950 et 1960 coup de ma vie aura été de changer la
couleur de l’étiquette et de la bouteille
de Heineken. Le rouge est une couleur
dangereuse lorsqu’il s’agit de produits
alimentaires ou de boissons. En
revanche, le vert représente la sécuri-
té.” Avec son étoile… rouge (4),Heineken
Une marque mondiale part à la conquête du monde. Toujours
Troisième défi relevé par la troisième en trois temps : l’exportation, la licence
génération : faire de Heineken une et la filiale. La bière, produit pondéreux,
marque mondiale. Entré dans la société ne peut être exportée si elle ne dégage
en 1942, l’année où la famille perd son pas de marge. D’où l’impératif de la
contrôle, Alfred Henry Heineken, fils valeur ajoutée, point de passage obligé
d’Henry Pierre, s’initie au marketing, pour être présent à l’international. Afin
aux Etats-Unis, de 1946 à 1949. Avec lui, de conserver la même qualité gustative,
la petite entreprise hollandaise devient la fabrication, locale à partir de la
un groupe de dimension internationale. licence, reçoit de Hollande, par avion, la
Principes intangibles : un produit au levure “A”. Heineken détermine la com-
packaging et au goût identiques quel position et la qualité des matières pre-
que soit le pays. Son crédo :“je ne vends mières, le procédé de fabrication, le pac-
pas de la bière mais de la chaleur kaging et la politique de prix. Chaque
humaine et de la gaité”. Commer- mois, les brasseries agréées envoient
cialisée, durant l’entre-deux guerres, des échantillons contrôlés par un panel
principalement dans les pubs où la d’experts à Amsterdam (5).
notion de marque importe alors moins que dans les maga- Durant les années 50 et 60, l’Afrique de l’Ouest demeure le
sins, Heineken doit, au sortir de la deuxième guerre mondiale, principal marché d’Heineken qui exporte alors près de la
affronter un double défi : celui de la concurrence de nouvelles moitié de sa production. Afin de contourner les restrictions
boissons comme Coca-Cola et la naissance des magasins
(4) L’origine de l’étoile rouge viendrait des quatre éléments constitutifs de la bière : eau,
libre-service. Désormais, la bière Heineken doit être gérée feu, terre, air. (air+terre = culture du grain ; eau+feu = transformation du brassage et de
comme une marque avec une communication offensive et la cuisson ;eau+terre = croissance de la plante ;air+feu = fermentation ;eau+air = gémi-
nation en malterie). Certains souhaitaient combiner l’étoile avec une charrette de foin
une image uniforme et cohérente pour le consommateur. ou une minoterie. Pour d’autres, l’origine de l’étoile viendrait de la
Auparavant, les brasseurs qui commercialisaient Heineken Place de l’étoile, première adresse de la brasserie d’Amtersdam.
apposaient leur nom et le dessin de leur brasserie sur l’éti- Jusqu’en 1994, l’étiquette, en France, était blanche.
(5) Les politiques nationales peuvent parfois
quette. Signes du changement : la bouteille change de forme contraindre le groupe à enfreindre certains
en 1945, un département des ventes est créé en 1951 et le mar- de ses principes. Ainsi, en Angleterre où, pour
des raisons de taxes sur les alcools, Heineken
keting acquiert ses lettres de noblesse. Sur le plan de l’identité
vend, depuis 1951, une bière avec un degré
visuelle, les lettres en majuscule sont abandonnées au profit d’alcool plus faible. Cette exception se corrige
progressivement depuis 1985 puisque
Whitbread avec qui Heineken a signé un
accord de licence, importe la Heineken ven-
due dans le monde entier.
( saga
“ le plus
beau coup de ma vie
aura été de changer la
couleur de l’étiquette et de la
bouteille de Heineken. Le rouge est
une couleur dangereuse lorsqu’il
aux importations adop-
s’agit de produits alimentaires ou tées par certains pays et
de boissons. En revanche, le le coût élevé de la créa-
tion d’usines sur place,
vert représente la sécurité. “ Heineken développe la licen-
ce. Ponctuelle, les premières
Freddy Heineken
années, elle se multiplie après l’ac-
quisition de Amstel, en 1968, qui utili-
sait cette méthode d’exportation depuis plus
longtemps. Aujourd’hui, Heineken a planté ses couleurs dans plus de cin-
quante Etats (6) dans lesquels il faut distinguer les marchés matures, à
forte concentration capitalistique, où il est très difficile de s’introduire, des
marchés en développement où Heineken peut soit créer la demande,
comme au Vietnam, soit la dynamiser comme en Pologne. Ce n’est qu’au
début des années 70 que le brasseur joue la carte européenne (7). Un
continent longtemps négligé (sa part de marché ne dépasse pas alors 3%)
en raison du coût des investissements plus lourds qu’en Afrique et en
Asie. La décolonisation et les risques de nationalisation imposent un
(6) Angleterre (1969), Sierra Leone (1972), Trinidad (1972), Jamaïque (1972), Norvège (1975), Suède
(1975), Sainte Lucia (1976), Tahiti (1976), Haiti (1977), Irlande (1978), Italie (1979), France (1980), Maroc
(1980), Grèce (1981), Corée du sud (1981, Licence arrêtée en 1987 car son associé voulait également
vendre Budweiser sous licence), Japon (en 1983 avec Kirin), Espagne (1988), Brésil (1990), Hongrie
(1991), Vietnam (1992), Allemagne (1992) Chine (1993), Pologne, Cambodge et Bulgarie (1994), Ghana,
Viêt-Nam, Thaïlande…
(7) Heineken était déjà présent en Europe avec des participations financières : la Brasserie Léopold à
Bruxelles acquise en 1927 et vendue à Stella Artois car jugée peu rentable ; 8% dans le capital de l’ita-
lien Cisalpina en 1960.
saga )
De gauche à droite :
campagnes de Publicis 2000 - 2001 - 2002 - 2002
L’exception française
“Le nom de Heineken est un don du ciel. C’est un nom de bière
avec une consonnance légèrement germanique et un sem-
changement de stratégie. Première étape : la Grèce où blant de diminutif qui appelle l’affection”, résumait Freddy
Heineken détient une position importante grâce à l’acquisi- Heineken. Traduction par le slogan publicitaire des années
tion de Amstel. En 1972, le groupe rachète la société française soixante : “Friendly people drink Heineken”. C’est en Hollande
Albra (Alsacienne de Brasserie et ses principales marques que Heineken inaugure, le 1er janvier 1968, la première publi-
Mützig et Ancre) et, deux ans plus tard, l’italien Dreher. cité télévisée. En France, où la consommation de bière est une
Distribuée, en France, dans le circuit CHR par Moët & Chandon, des plus faibles en Europe - 34 litres/hab/an contre 137 en
depuis les années soixante, Heineken crée une filiale en 1976 Allemagne -, Heineken va utiliser le grand écran (9) jusqu’en
qui devient Heineken France quand l’Alsacienne de 1992, loi Evin oblige ! (10) Avec son agence historique,
Brasserie prend ce nouveau nom en 1980. Publicis (11), la marque va séduire bon nombre de
Heineken France fusionne avec Brasseries réalisateurs parmi lesquels Robert Enrico en
Pelforth et Union de Brasseries dans 1976 (signature “ Heineken,j’aime sa finesse “),
Française de Brasserie, en 1986 et devient Bertrand Blier (1977), Alain Franchet (1982 et
Brasseries Heineken (8) en 1993. Sur fond 1990), Jean-Baptiste Mondino (1986). C’est
de construction européenne, des bras- en 1982 que l’on entend pour la première
seurs européens se constituent. Le groupe fois la célèbre phrase : “Heineken dédie ce
Heineken joue alors la carte de la produc- film à tous ceux que la bière fait rêver.”
tion locale dans les principaux marchés Révolution pour une marque de bière,
européens avec une présence sur les diffé- Heineken met en scène des hommes et… des
rents segments. Cible retenue : le sud de femmes dans des lieux branchés. “Comme les
l’Europe où la consommation de bière est plus boissons alcoolisées, Heineken quittera les écrans en
faible que dans le nord. Ce n’est qu’en 1993 que Heineken est fin d’année. Aussi Heineken dédie ces images à tous ceux qui
importée en Allemagne, patrie de la bière ! Aujourd’hui, le ont aimé ses films. Heineken, la bière qui a un nom”, concluait
groupe est le premier brasseur européen. le dernier film publicitaire en 1992. Le slogan “Heineken, la
bière qui fait aimer la bière”, lancé en 1980 par Publicis, est
remplacé en 1996 par “L’esprit bière”. La célèbre musique “Every
Kind of people” signée Robert Palmer, qui identifie la marque
( saga
(8) En France, Brasseries Heineken détient 31 marques dont “33” Export, Murphy’s, Amstel,
Buckler, Panach’, Pelforth, George Killian’s, la Dry, Affligem, Record, Mützig, Porter 33, Ancre
et Pélican. (22% du marché français). Trois sites de production : Mons-en-Baroeul dans le
Nord, Schiltigheim en Alsace et Marseille. En 2000, Heineken détient des participations
dans 110 brasseries implantées dans 57 pays ayant brassé 97,9 millions d’hectolitres de
bières (dont 21,6 millions pour la marque Heineken).
(9) De 1968 à 1992, Heineken n’a été présent que deux mois en publicité télévisée.
(10) Depuis 1971, Brasseries Heineken soutient l’Ireb, l’Institut de recherche sur les boissons
alcoolisées qui a mis au point le test de mesure de la Gamma GT pour dépister l’abus
d’alcool par prise de sang. Brasseries Heineken est l’un des membres fondateurs de
Entreprise et Prévention en 1990 ; l’entreprise signe en 1997 le Code d’éthique des
Brasseurs de France.
(11) De 1990 à 1992 le budget publicitaire est chez J.Walter Thompson pour cause d’ali-
gnement international.
(12) Heineken distingue quatre types de points de vente : les points de vente “habitude”,
(le café traditionnel, proximité), les points de vente “pratique”(café de gare, brasserie sur
lieu de passage), les points de vente “détente” (restauration, pub, concept bar), et diver-
tissement (discothèque, bar ambiance, parc d’attraction).
saga )
résistance et praticité. “La marque est la première clé d’entrée du consommateur sur le
marché de la bière, le format, la deuxième et le prix, la troisième. Si, depuis trente ans, la
consommation de bière, surtout la bière de table, a baissé, elle s’est néanmoins orientée,
comme le vin,vers la qualité.L’offre se caractérise par des produits
ayant plus de statut et de goût. Aujourd’hui, notre enjeu est
double : croître en volume et en valeur pour attirer des nou-
veaux consommateurs et offrir une bière Heineken tou-
Bouteille 100%
aluminium jours plus premium. Ce qui se concrétise par le lancement
dessinée de nouveaux formats, l’élargissement de la distribution
en 2002 et toujours plus d’innovation et de qualité”, résume
par Ora-ïto Pascal Peltier. Grâce aux formats spécifiques, Heineken
peut ainsi différencier son offre selon les circuits de
commercialisation et proposer ainsi des moments
bière uniques.
Heineken se singularise par des lancements
spécifiques. C’est, en 1998, la bouteille sérigra-
phiée de 33cl et la “long neck” de 33 cl (à desti-
nation du CHD), la boite
50 cl galbée aux formes féminines
et la boîte 33 cl profilée reprenant la
sihouette du fût (13). La même année, un nouveau
système d’ouverture, plus large, facilite l’ouverture et la
dégustation. Pour célébrer le passage à l’an 2000, une boîte 33 cl.
“Millenium” représente en 1999 le planisphère avec le passage vers le 3ème
millénaire heure par heure. 1999 toujours avec un packaging événemen-
tiel, un jéroboam de trois litres et les duos de boites de 25 cl “pour toi/pour
moi” vendues lors de la Saint Valentin. Pour la première fois, l’étoile se
transforme en cœur ! Pour répondre au nomadisme, Heineken propose, en
2000, le “basket pack”, six bouteilles de 33 cl faciles à emporter grâce à une
poignée. Raison Pure signe, la même année, un nouveau packaging.
Initiative emblématique sur le marché de la bière en 2002 : la bouteille
Verre premium 33 cl., 100% aluminium, matériau noble et moderne, dessinée par Ora-ïto
2002 aux formes et destinée aux bars de nuit et discothèques. Preuve que l’on peut être
galbées, réalisé
plus que centenaire et néanmoins apte à anticiper les futurs modes de
par le designer
Martin Szekely consommation. ■