HDR PH Vergne
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net/publication/308202125
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1 author:
Philippe Vergne
CNRS - Univ Lyon - INSA Lyon
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SEE PROFILE
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A molecular approach to the ultimate friction response of confined fluids View project
All content following this page was uploaded by Philippe Vergne on 17 September 2016.
Présenté par
Philippe VERGNE
Ingénieur I.N.S.A. Lyon
Docteur-Ingénieur, spécialité Mécanique
Chargé de Recherche au C.N.R.S.
2. CONTEXTE – PROBLEMATIQUE..............................................................10
2.1 GRANDEURS TYPIQUES ET TENDANCES ................................................................................... 11
2.1.1 Grandeurs typiques ........................................................................................................ 11
2.1.2 Synthèse et tendances..................................................................................................... 13
2.2 CHOIX ENTRE 2 APPROCHES .................................................................................................... 14
2.3 CONSÉQUENCES ...................................................................................................................... 16
3. DEMARCHE D’ANALYSE SCIENTIFIQUE ...............................................18
3.1 ANALYSE DES CONDITIONS RÉELLES DE CONTACT .................................................................. 19
3.2 CARACTÉRISATION DU LUBRIFIANT ........................................................................................ 20
3.2.1 Lubrification en film complet........................................................................................ 20
3.2.2 Lubrification mixte ........................................................................................................ 21
3.3 VALIDATION ........................................................................................................................... 23
BIBLIOGRAPHIE ...........................................................................................179
Avant tout, le chemin parcouru et le temps passé ne doivent pas m’empêcher d’avoir une pensée
pour deux personnes, toutes deux disparues aujourd’hui, qui m’ont accueilli et surtout qui ont su me
communiquer leur passion à travers des approches de la recherche et des personnalités très
différentes : Maurice GODET, fondateur et directeur du laboratoire lors de mon arrivée et Daniel
BERTHE, qui fut un directeur de recherche comme j’en souhaite à tout futur jeune chercheur.
Bo, jag känner mig hedrad över att du kan komma till denna disputation. När du är här så får vi ju
ett trevligt tillfälle att fortsätta våra diskussioner från förr, dels från den tid du skrev boken och
sedan också från COST GRIT mötena.
C’est avec une attention toute particulière que je remercie Philippe CASSAGNAU, Professeur à
l’Université Claude Bernard Lyon I, pour avoir accepté de participer à ce jury. Dans un
environnement de mécaniciens, le domaine scientifique qu’il représente, la Chimie des Matériaux,
constitue un volet indispensable de la démarche pluridisciplinaire que nous souhaitons poursuivre.
Mes remerciements vont également à Louis FLAMAND et Ton LUBRECHT, tous deux
Professeurs à l’INSA de Lyon ; le premier pour sa bienveillance et sa confiance qui m’ont permis
d’encadrer des doctorants inscrits sous sa responsabilité administrative ; le second pour avoir
accepté, dans le domaine de la lubrification élastohydrodynamique qui lui est cher, le jeu des
confrontations entre démarche expérimentale et approche numérique, si enrichissant pour l’une
comme pour l’autre.
Je remercie finalement tous ceux qui ont contribué à donner une identité forte au LMC, ceux qui
n’ont pas hésité à donner de leur temps et d’eux-mêmes pour que tous nos petits problèmes trouvent
des solutions, tout en maintenant une convivialité remarquable. Je ne cite pas de noms, ils se
reconnaîtront. Dans ce contexte, nous savons tous combien l’absence de Georges TOURLONIAS
risque d’être préjudiciable à la pérennité de cet état d’esprit, quand bien même le LMC deviendra
une composante essentielle du LaMCoS, Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Solides, qui
devrait jouir d’une bonne dynamique à l’issue de sa création.
Quoi qu’il en soit, l’apparition et la contribution, dans l’ordre chronologique, de Michel QUERRY
(correcteur infatigable depuis 1992), de Marie-Hélène MEURISSE (depuis 1995) et de Guy
BAYADA (depuis 1997) doivent être soulignées ici, tant pour leur apport lorsqu’ils ont rejoint
l’équipe que pour les ouvertures et les travaux communs qui se sont mis en place depuis.
En dernier lieu, je voudrais citer la participation d’étudiants que j’ai pu encadrer, que ce soit à
l’occasion de stages en laboratoire dans le cadre du DEA de Mécanique, ou bien des doctorants
dont nous avons guidé les premiers pas dans le domaine délicat de la recherche expérimentale.
Sans les citer tous évidemment, les contributions qui ont le plus marqué notre activité concernent
les DEA de Valentine BESSAT qui fut la première à se risquer à l’utilisation d’un rhéomètre et de
Grégory BLETTNER qui, non content de faire le pari d’étudier le comportement rhéologique des
graisses, contribua significativement à faire connaître les travaux du LMC dans ce domaine, initiant
par-là même une thématique qui se poursuit aujourd’hui.
Myriam KAMEL a choisi de s’arrêter avant la soutenance de sa thèse : il faut reconnaître que
l’imposant travail bibliographique qu’elle a mené ainsi que l’étude expérimentale très fine réalisée
sur les émulsions de laminage ont sûrement compté dans notre implication dans le CPR «Contact
Métal/Outil/Lubrifiant », et par-là même dans nos travaux sur le laminage à froid des métaux.
La rédaction de ce mémoire a certes été pour moi une opportunité de mieux faire connaître mon
activité auprès de la communauté scientifique et de nos tutelles, mais il me semble tout aussi utile
d’expliquer la façon dont, personnellement, j’en ai vécu la genèse. En me limitant à l’exposé de la
problématique, j’exprimerais mon appréciation sur cette (longue !) période de gestation comme la
recherche de difficiles compromis entre :
- le besoin effectif de faire le point sur quelques aspects particuliers de mon travail et un
engagement sur une synthèse plus vaste,
- la nécessité de répondre à une pression institutionnelle (semble-t-il instaurée uniquement par
l’usage) et celle qui consiste à assumer ses responsabilités auprès de ses collaborateurs et des
partenaires externes,
- le fait d’accepter de consacrer le temps et l’énergie nécessaires à cette entreprise et assumer
l’animation au quotidien d’une équipe de recherche,
- accepter l’idée que l’intérêt individuel d’une personne puisse (certes pendant une durée limitée)
devenir prioritaire et souhaiter le développement harmonieux d’un groupe.
Ce témoignage peut être perçu comme un aveu de défiance vis-à-vis des institutions universitaires.
Je préférerais qu’il soit considéré comme un message en direction des futurs candidats à l’HDR, en
fait vers ceux qui auront le courage de me lire.
Sommaire
1 PRESENTATION DU DOCUMENT.......................................................................................... 8
2 CONTEXTE – PROBLEMATIQUE......................................................................................... 10
2.1 Grandeurs typiques et tendances............................................................................................ 11
2.1.1 Grandeurs typiques......................................................................................................... 11
2.1.2 Synthèse et tendances..................................................................................................... 13
2.2 Choix entre 2 approches......................................................................................................... 14
2.3 Conséquences......................................................................................................................... 16
Première Partie 7
PREMIERE PARTIE :
INTRODUCTION, CONTEXTE,
DEMARCHE
1 PRESENTATION DU DOCUMENT
Ce mémoire est intitulé : “Comportement rhéologique des lubrifiants et lubrification : approches
expérimentales”. Le travail exposé concerne avant tout l’étude des lubrifiants (ou troisièmes corps)
fluides, par opposition aux troisièmes corps solides qu’ils soient produits in situ (par usure) ou
introduits volontairement dans le contact. Le lubrifiant est un matériau délicat à aborder car c’est un
fluide non modèle car industriel, pas toujours connu, peu reproductible ou peu constant dans sa
composition comme dans ses propriétés.
Première Partie 8
Par étude des lubrifiants fluides, il faut entendre d’abord étude de leur comportement rhéologique.
Historiquement, mon travail a débuté par l’analyse du comportement des lubrifiants sous hautes
pressions, de manière à simuler l’influence de ce paramètre si typique de la lubrification. Cette
activité n’a pas été abandonnée : au contraire, le développement de nouveaux outils expérimentaux,
la recherche de modèles de comportement de plus en plus précis, l’émergence de nouveaux types de
lubrifiants sont autant de raisons qui nous incitent à maintenir cette activité. Ceci constitue le
premier chapitre de cette deuxième partie.
L’intérêt de disposer de données rhéologiques sous hautes pressions nous permet de valider à la fois
les modèles rhéologiques retenus et certains formalismes utilisés pour prédire les épaisseurs de film
lubrifiant en régime élastohydrodynamique. Ceci est possible grâce au développement de
techniques de tribométrie qui offrent un moyen d’étude des conditions réelles de contact et
notamment l’accès à la mesure des épaisseurs de film dans un contact lubrifié. Tous ces points sont
présentés dans le deuxième chapitre.
Ensuite, une base de connaissances sous hautes pressions étant établie, c’est vers l’étude
rhéologique plus classique que nous nous sommes tournés. Cette évolution est naturelle puisqu’elle
a permis d’introduire deux autres paramètres importants : la température et surtout le cisaillement,
sous la forme d’une contrainte ou d’un taux de cisaillement imposés. En parallèle, nous avons repris
à notre compte une préoccupation assez classique en rhéologie : chercher des corrélations entre
structure et comportement, passer du micro au macroscopique. De ce point de vue, l’analyse
chimique et physique des lubrifiants fluides devait nous offrir des opportunités de mettre en
évidence ces corrélations.
L’ensemble des techniques abordées dans ce mémoire (rhéologie haute pression, tribométrie,
rhéologie plus conventionnelle, analyses chimique et physique) a été ensuite appliqué dans des
situations où il n’est plus possible d’assurer la présence d’un film lubrifiant complet et homogène.
C’est le cas du régime de lubrification mixte qui sera évoquée notamment dans le cas des
suspensions dans le chapitre trois et dans le cas des graisses chapitre quatre, et de la lubrification
limite qui sera traitée dans le chapitre cinq.
Une troisième partie vient clore ce mémoire. Outre un bilan des résultats obtenus, une plus large
part sera consacrée à la présentation de résultats récents ainsi qu’aux perspectives qui s’y rattachent.
Après la liste des références bibliographiques mentionnées dans le texte suivent trois annexes.
L’annexe 1 présente, de manière succincte, les principales caractéristiques des dispositifs
expérimentaux dont j’ai assuré le développement et la mise en place.
L’annexe 2 regroupe les propriétés physiques et chimiques des lubrifiants étudiés au cours de nos
travaux, classés par familles chimiques.
L’annexe 3 est de nature administrative : j’y ai synthétisé mon activité d’encadrement de la
recherche et reporté l’essentiel de mes publications.
Première Partie 9
2 CONTEXTE – PROBLEMATIQUE
L’activité de recherche synthétisée dans ce mémoire concerne la lubrification en général, l’étude du
comportement rhéologique du lubrifiant dans les contacts lubrifiés en particulier.
Il s’agit d’une approche mécanique située aux frontières de la lubrification, elle-même une branche
de la tribologie. Elle est néanmoins totalement motivée par des problématiques issues de la
lubrification. Notre approche se distingue de la rhéologie expérimentale conventionnelle par
l’importance prépondérante des paramètres pression et température et par la nécessité de composer
avec des matériaux industriels de structure et/ou de composition complexes.
Cette activité est justifiée par le besoin d’une meilleure connaissance du rôle joué par ce véritable
matériau de construction qu’est le lubrifiant, ceci afin d’aborder le côté prédictif, notamment dans
les cas où les sollicitations qui s’appliquent sont extrêmes et donc le comportement du lubrifiant
difficile à appréhender.
Par ailleurs, s’agissant de travaux concernant la lubrification, l’existence d’un film lubrifiant
séparant les surfaces des corps solides est admise, que le film soit complet ou presque, que son
épaisseur soit grande ou non en regard de la taille des molécules qui le composent. Le paramètre
tribologique “épaisseur du film” est donc de première importance dans nos travaux qui visent aussi
à en montrer l’existence, expérimentalement par mesure directe ou numériquement par le biais de
modèles (nourris de données rhéologiques entre autres) et à en comprendre la formation.
L’autre paramètre tribologique d’importance est le frottement : sur un plan conceptuel, il fait appel
à des notions plus complexes qui mettent en jeu des grandeurs souvent couplées, voir Berthe
(1990). Il a semblé logique d’aborder ce paramètre une fois les problématiques liées à la génération
du film bien avancées. La dernière partie de ce mémoire, dédiée aux perspectives de nos travaux,
présente ce nouvel axe de recherches.
D’autre part, notre activité de recherche est encouragée par une forte demande industrielle qui doit
faire face simultanément à :
- une sévérité accrue des conditions de fonctionnement des mécanismes,
- une pression de plus en plus importante pour prendre en compte des contraintes
environnementales,
- un manque avéré de données exploitables sur les réponses possibles du lubrifiant vis-à-vis des
sollicitations qu’il subit.
Ces deux points sont évoqués ci-après : les grandeurs typiques qui caractérisent un contact lubrifié
et leurs évolutions récentes sont évoquées dans un premier paragraphe. Dans un second temps, deux
approches qui proposent des grandeurs utilisables sur les lubrifiants sont comparées.
Première Partie 10
2.1 GRANDEURS TYPIQUES ET TENDANCES
La deuxième caractéristique d’un contact fortement chargé réside dans l’extrême exiguïté
laissée au film lubrifiant pour séparer les massifs. En effet, les épaisseurs de film se situent
dans une plage allant du micromètre environ (10-6 m) à quelques nanomètres (10-9 m), soit
l’équivalent de quelques couches moléculaires.
Une première conséquence importante de la ténuité de ce paramètre se manifeste dans le cas
des lubrifiants multiphasiques dont la phase dispersée comprend des éléments de taille
submicronique 1 . La géométrie du contact peut en fait être assimilée à un goulot d’étranglement
puisque, dans la zone d’entrée, l’épaisseur est de l’ordre du millimètre alors qu’elle est divisée
par 10+3 à 10+6 lorsque l’on atteint le début de la zone haute pression. De ce point de vue, le
contact peut agir comme un filtre mécanique qui laissera préférentiellement passer les
éléments de petite taille ou de taille inférieure à l’épaisseur minimale du contact (tri par taille).
Une deuxième conséquence favorise la présence de certaines espèces au détriment d’autres,
sous l’action du confinement (sélection par nature chimique). Cette fonction de filtrage
moléculaire est principalement réalisée par deux actions qui peuvent se manifester
1
La notion de lubrifiant multiphasique sera reprise dans la suite du document. Ici, nous faisons directement
allusion à deux classes de lubrifiants à structure complexe : les émulsions (par exemple huile dans eau)
extrêmement utilisées dans les domaines de l’usinage par outil coupant et de la mise en forme des métaux
(laminage notamment) ainsi que les graisses lubrifiantes qui, par exemple, lubrifient plus de 70% des
roulements à billes en service dans le monde.
On peut, par extension, assimiler la majorité des lubrifiants industriels à des fluides multiphasiques, ne serait
ce que vis à vis des additifs qu’ils véhiculent.
Première Partie 11
simultanément ou non : la formation d’un film adsorbé solidaire des solides et/ou la démixtion
d’une fraction par rapport à la base du lubrifiant, selon leur affinité relative avec les surfaces.
Contrairement au filtre mécanique précédent qui est actif sur toute la plage des épaisseurs
possibles, ces phénomènes sont visibles aux plus faibles épaisseurs, typiquement en dessous
d’une valeur qui équivaut à 20 fois environ la taille des molécules concernées.
Ensuite il faut évoquer le paramètre vitesse. Les vitesses rencontrées à la périphérie des corps
solides peuvent se situer à n’importe quel niveau de ce que l’on pourrait appeler l’échelle
mécanique des vitesses, typiquement de moins de 10-3 m/s jusqu’à plusieurs centaines de m/s.
Dans ces conditions, le temps de passage des molécules dans le contact varie dans une plage
allant de la fraction de seconde à quelques microsecondes, ce qui ne peut pas être sans
conséquence sur son comportement. La figure 1 sert de support à la description qui va suivre.
u2 Champ de pression
Lubrifiant
Epaisseur de film
hc
u1
Zone 3
Zone 1
Zone 5
Zone 2 Zone 4
Le lubrifiant est d’abord amené vers l’entrée du contact (zone 1, figure 1), souvent en quantité
surabondante par rapport au besoin réel. Dans ces conditions, il en résulte un écoulement
inverse (ou latéral) qui interagit avec l’écoulement principal, créant ainsi une zone dite de
recirculation où le lubrifiant est cisaillé pendant un temps relativement long avant de pénétrer
dans le contact. Là, après une période marquée par un intense cisaillement, le fluide subit un
très important gradient de pression (zone 2) avant de traverser la zone haute pression du
contact (zone 3) où, en première approximation, on peut considérer la pression constante. Puis
il est évacué vers les zones de rupture du film puis de sortie du contact, respectivement zones 4
et 5. Dans ces 5 zones, le lubrifiant est cisaillé selon un taux de cisaillement moyen qui dépend
des vitesses d’entraînement des 2 corps solides formant le contact, des conditions d’adhérence
aux parois et de l’épaisseur du fluide séparant les surfaces. Compte tenu des très faibles
épaisseurs mises en jeu et sans préjuger de l’allure réelle du champ de vitesse au travers du
film, on en déduit que le lubrifiant est très sévèrement sollicité en cisaillement avant et au
cours de son passage dans le contact. Avec des réserves liées à la diversité des situations, on
peut mentionner des vitesses de cisaillement comprises entre 10+4 et 10+7 s-1.
La température est le dernier paramètre qui doit être abordé dans cette présentation générale
des paramètres importants caractérisant les contacts fortement chargés. Là encore, il est
Première Partie 12
difficile de s’avancer sur un ordre de grandeur représentatif, vu la grande variété des cas
rencontrés : la lubrification fluide peut couvrir une majorité d’applications, que ce soit vers les
basses températures ou vers les plus hautes.
La température a une grande influence sur les paramètres rhéologiques du lubrifiant qui
diminuent lorsqu’elle augmente. Il ne faut pas perdre de vue que la température peut évoluer
dans le contact, principalement sous l’effet du cisaillement intense appliqué au lubrifiant dans
la zone d’entrée. Pour des raisons liées à l’absence d’expérimentation fine et dynamique ainsi
qu’à la difficulté de mener une modélisation thermique complète, il est difficile de donner une
idée précise de l’évolution de la température dans un contact fortement chargé. Dans le cas où
un film complet séparerait les surfaces, des variations de quelques dizaines de degrés sont
plausibles. Dans le cas contraire, les élévations locales de température sont bien plus
importantes : elles peuvent même être voulues, comme dans le cas de la tribochimie, pour
activer la réaction de certains additifs avec la surface afin de protéger cette dernière.
Cette revue des conditions de fonctionnement des mécanismes fortement chargés ne mentionne
pas les actions qui se manifestent à l’encontre du lubrifiant en dehors du contact. Cet aspect ne
doit pas être ignoré car le lubrifiant situé à la périphérie des zones les plus sollicitées sur le
plan tribologique peut contribuer de façon très significative à la réalimentation en lubrifiant du
contact et donc à la durée de vie du mécanisme. Deux situations se présentent :
- le contact est suffisamment alimenté en lubrifiant et celui-ci subit à la périphérie des
sollicitations de type environnementales (température, présence de polluants ou de réactifs
liquides ou solides, actions mécaniques par centrifugation ou par gravité),
- le fonctionnement est du type sous-alimenté et s’ajoute à l’intérêt porté aux sollicitations
précédentes le fait que la réalimentation du contact en soit directement tributaire. Par
ailleurs, cette situation se rencontre le plus souvent en présence d’un lubrifiant
multiphasique dont la structure et/ou la composition évoluent au cours du temps.
La réalimentation en lubrifiant d’un contact sous-alimenté n’est pas un problème bien maîtrisé
de nos jours. Cependant, on sait que des très faibles volumes disposés en couches très fines
dans et autour des zones de contacts interviennent. La mobilité de ces couches, leur faculté à
rester à proximité des zones les plus sollicitées et la quantité de lubrifiant disponible sont
gouvernées par des mécanismes d’origine physico-chimique.
Ainsi, à l’intérêt d’étudier la réponse rhéologique « en volume » du lubrifiant discuté
jusqu’alors, se superpose celui de prendre en compte son comportement « en surface ».
Ainsi, le volume actif de lubrifiant dans le contact est très faible, typiquement proche de 10-5
mm3 soit encore 10 picolitre. Par contre, les sollicitations qu’il endure sont très élevées : par un
calcul simple, on peut estimer la densité d’énergie dissipée qui peut approcher 10+13 W/m3 ou
encore 10+4 W/mm3 .
Finalement, il ne faut pas perdre de vue les actions qui se manifestent sur le lubrifiant à la
périphérie du contact. Elles peuvent être de différentes natures, environnementales,
mécaniques, évolutives et donc difficiles à prévoir : leurs conséquences le seront également.
Première Partie 13
Compte tenu des progrès permanents réalisés dans la formulation de nouvelles molécules, on
constate que le domaine couvert par la lubrification fluide progresse continuellement vers des
domaines jusque-là traditionnellement réservés au frottement sec : vers les basses températures
(de -80 à -100°C dans certaines applications spatiales ou cryogéniques) ou vers les hautes
(250°C en milieu ouvert, 300 voire 350°C en milieu confiné).
Les progrès de la métallurgie associés à une meilleure qualité de fabrication permettent
d’atteindre des niveaux de pression de contact bien au-delà de 1 GPa : 2 GPa dans le cas du
laminage de l’acier inoxydable, plus de 3 GPa dans les roulements à billes pour applications
automobiles. Les lubrifiants ont aussi permis d’importants progrès dans les mini et les micro-
mécanismes, en dépit des très faibles vitesses que l’on y rencontre : c’est particulièrement vrai
dans le cas des actuateurs ou pointeurs d’antenne en mécanique spatiale, où des vitesses bien
inférieures au mm/s sont fréquentes.
Cependant, des données physiques sont nécessaires pour nourrir ces modèles ou ces codes de
calcul. Ce besoin s’avère en fait être un des principaux facteurs limitant le développement de
simulations numériques fines. En effet, assez peu d’informations sont disponibles pour faire face
à cette demande et deux approches s’opposent.
Il existe, comme dans tous les domaines à finalité industrielle, des caractéristiques normalisées :
elles sont, en ce qui concerne les lubrifiants, issues du domaine pétrolier et datent pour la plupart
de plusieurs dizaines d’années. Dans le meilleur des cas, elles peuvent apporter des informations
qualitatives sur le comportement chimique et/ou physico-chimique du lubrifiant (résistance à
l’oxydation, compatibilité avec d’autres matériaux…) voire tribologiques (résistance à l’usure,
frottement en régime mixte…) mais dans des situations expérimentales assez éloignées de
l’application visée. Par contre, pour ce qui est des propriétés physiques et/ou rhéologiques qui
Première Partie 14
gouvernent l’écoulement du lubrifiant dans et en dehors du contact et que l’on souhaiterait
connaître avec précision, très peu d’informations sont accessibles. Tout au plus on peut citer1 :
- la viscosité cinématique,
- l’indice de viscosité (V.I. pour Viscosity Index) qui définit de façon relative l’effet de la
température sur la viscosité cinématique,
- le point d’écoulement (Pour Point),
- la masse volumique, la compressibilité,
- la tension superficielle, la mouillabilité,
- la chaleur spécifique, la conductivité thermique.
Il faut toutefois souligner qu’au mieux seules les 2 ou 3 premières grandeurs sont disponibles
pour les applications courantes. Dans le cas des graisses, aucune de ces informations n’est
accessible, du fait de leur structure particulière : seule la pénétration2 , le point de goutte et le
ressuage 3 sont donnés, c’est à dire aucune caractéristique mécanique ou physique.
Ainsi il se confirme que peu de données pertinentes sont accessibles par le biais des tests
normalisés, en fait aucune en ce qui concerne l’effet de la pression et du cisaillement, paramètres
qui varient dans de fortes proportions au sein d’un contact lubrifié.
Finalement, dans ce contexte, il apparaît que le seul lieu où l’on permettra à l’ensemble des
sollicitations tribologiques de se manifester simultanément et de façon réaliste est le contact lui-
même.
Il peut s’avérer intéressant de développer des méthodes physiques d’investigation dans le contact,
pour quantifier certains paramètres qui conditionnent son comportement tribologique. Cette
approche in-situ viendrait également renforcer les caractérisations rhéologiques proprement dites,
en précisant les domaines couverts, en pression et en température par exemple. Certaines
techniques utilisées peuvent aussi, grâce à leur bonne résolution spatiale, contribuer à la
description locale de la réponse du lubrifiant dans les différentes zones du contact (zone d’entrée,
centrale, d’épaisseur minimale…).
De plus, à partir d’un contact réel, il n’est pas raisonnable d’envisager remonter aux propriétés
rhéologiques du lubrifiant à partir de mesures globales comme le frottement, compte tenu des
1
Les recueils de normes (voir par exemple “Annual Book of ASTM Standards, Section 5, volumes 05.01-05.03”)
précisent la signification et les protocoles mis en œuvre pour chaque grandeur. Ils mentionnent partiellement les
équivalences internationales, par exemple entre ASTM, DIN, IP et NF.
2
La pénétration, donnée en 1/10ème de mm, correspond à l’interpénétration d’un cône normalisé dans un volume donné
de graisse lors de la chute du premier.
3
Les valeurs de point de goutte et de ressuage correspondent respectivement à la température à partir de laquelle la
graisse libère une première goutte fluide et au pourcentage de liquide éjecté hors de la graisse lorsqu’une pression est
appliquée à cette dernière.
Première Partie 15
variations des paramètres qui caractérisent le contact. Durant les années 1970-1980, le débat a
animé la communauté sur le bien fondé de telles démarches et si, ponctuellement des modèles ont
été tirés de courbes de frottement puis appliqués, cela a toujours été dans des conditions proches
de celles où ils ont été établis. La généralisation de ces modèles s’est en effet avérée très limitée,
à cause d’une part de l’emploi de lois de comportement empiriques (proposées à partir
d’ajustements numériques sur des courbes de frottement) et d’autre part par l’omission du rôle
joué par certains paramètres qui gouvernent le comportement du lubrifiant (compressibilité, effet
du temps, aspects thermiques etc.). On peut raisonnablement espérer que le développement de
méthodes locales d’investigation dans le contact pourront apporter des éléments de réponse.
A l’issue de ce qui vient d’être présenté, il est évident que nous nous situons dans la logique de la
deuxième approche, plus rigoureuse sur le plan scientifique mais plus ambitieuse et plus difficile
à mener aussi, comme vont le montrer les paragraphes suivants qui exposent d’abord les
conséquences de ce choix puis la démarche qui en découle.
2.3 CONSEQUENCES
Les différents régimes de lubrification imposent des analyses rhéologiques adaptées : les besoins
et donc les outils employés ne seront pas toujours les mêmes. De plus, les concepts existants et
les formalismes associés ne se situent pas tous au même niveau de développement.
Impliqués dans des travaux portant sur la lubrification, nous nous sommes concentrés sur l’étude
du comportement du lubrifiant dans les régimes de lubrification hydrodynamique et
élastohydrodynamique ainsi qu’en régime mixte classique. Le régime limite peut nous intéresser
dans la mesure où le comportement du lubrifiant au voisinage des zones de contact influe sur la
nature du régime de fonctionnement et sur la durée de vie du mécanisme (étude de la
réalimentation). A priori nous excluons la tribochimie de notre champ d’investigation, les aspects
mécaniques étant dans ce cas marginaux en comparaison des autres aspects, chimiques et
interactions fortes entre premiers corps notamment.
Il importe que l'on puisse prédire les conditions de fonctionnement avec la plus grande confiance
et ce d'autant plus que les mécanismes sont sollicités à des niveaux proches des limites
supportables par les surfaces, les solides et par le lubrifiant lui-même. En limitant notre intérêt au
dernier point, le lubrifiant, il apparaît trois secteurs où les efforts de recherche doivent porter en
priorité.
- D'abord et avant de nous intéresser au comportement du lubrifiant, il convient d’établir
avec certitude le niveau réel des paramètres mis en jeu et des sollicitations qui lui sont
appliquées.
1
On fait un constat assez édifiant en consultant les index des Rheology Abstracts édités par la British Society of
Rheology (BSR). En prenant en compte les volumes parus en 1998 et 1999, on note seulement 16 fois la citation des
mots-clés « lubricants + … » et 27 fois la mention « lubrication + … » sur plus de 5000 articles référencés à partir de
150 revues et journaux qui traitent directement ou indirectement de rhéologie.
Première Partie 16
- Ensuite, il est possible de définir puis réaliser les caractérisations appropriées pour
connaître les réponses réelles du lubrifiant à ces sollicitations. Le progrès passe aussi
par la compréhension puis par la maîtrise des mécanismes d’alimentation, en toutes
circonstances et notamment en présence de fluides multiphasiques comme les graisses,
les émulsions, les suspensions...
- Le développement de modèles numériques capables de simuler l'ensemble des
conditions de contact permettra de prédire le domaine opérationnel d'un mécanisme. Il
importe que cette étape se réalise après les deux précédentes, autrement dit en toute
connaissance de la physique qui régit les phénomènes mis en jeu.
Dans l'organisation de nos travaux, seuls les deux premiers points sont pris en considération et
s'inscrivent dans notre démarche. Le dernier point est notamment abordé par d'autres chercheurs
du laboratoire.
Ainsi, après avoir successivement introduit la problématique de notre domaine, les paramètres
importants et leurs ordres de grandeur, montré les différentes approches possibles, nous pouvons
exposer maintenant la démarche scientifique que nous avons élaborée et mise en application, et
qui fait l’objet du chapitre suivant.
Première Partie 17
3 DEMARCHE D’ANALYSE SCIENTIFIQUE
- Alimentation
- Régime
- Sollicitations
- Comportement, structure
Caractérisation Modèle
expérimentale +
rhéologique Rhéologie et Caractéristiques
du lubrifiant physique comportement dans + physico-chimiques
et hors du contact
3. Validation
- Comparaison num/exp
- Passage Micro-Macro
- Mesures sur mécanisme
Première Partie 18
La démarche mise en place se décompose en trois phases principales qui sont illustrées dans
l’organigramme présenté page précédente. Ces différentes étapes ne sont pas indépendantes et
concernent :
- L’analyse et la recherche des conditions réelles de fonctionnement des contacts lubrifiés,
- La caractérisation du lubrifiant conformément aux conditions mises en lumière au point
précédent,
- Finalement une phase de validation.
Le choix de ces trois phases, leur contenu et les réponses qu’elles apportent sont développés dans
les paragraphes suivants.
L’étude des conditions d’alimentation en lubrifiant constitue la première étape de l’analyse. Deux
situations peuvent se présenter, dont dépend la nature des travaux qui pourront être entrepris.
- Les facteurs favorables à une lubrification en film complet sont réunis et c’est le
comportement rhéologique « en volume » du lubrifiant, dans des conditions de sollicitation
telles que celles s’exerçant dans la zone pertinente du contact qui nous intéressera. Notre but
sera de proposer une loi de comportement, basée sur des concepts physiques et qui pourra
ensuite être introduite dans une simulation du contact étudié.
- Dans le cas contraire, nous nous focaliserons plutôt sur les liens entre comportement
rhéologique, composition chimique et structure physique, sur le caractère évolutif du
comportement rhéologique en fonction des sollicitations qui agissent dans et en dehors du
contact. L’objectif sera alors de limiter la désalimentation en lubrifiant et de comprendre ses
mécanismes, ou mieux encore de favoriser et d’optimiser la réalimentation du contact.
Le premier cas concerne les régimes de lubrification hydro ou élastohydrodynamique, le second
les régimes mixte ou limite. Les objectifs ne sont pas les mêmes, les outils que nous proposons de
mettre en œuvre non plus : ces différences sont dues notamment à l’existence ou à l’absence de
formalismes décrivant les phénomènes mis en jeu.
Dans certaines situations, la détermination des conditions réelles ou des valeurs prises par les
paramètres physiques et tribologiques du contact peut devenir une recherche en soi, en l’absence
de données pertinentes ou bien en cas d’impossibilité d’accorder une crédibilité suffisante aux
prédictions numériques.
Le paramètre épaisseur jouant un rôle crucial dans notre analyse fonctionnelle du contact lubrifié,
c’est autour de cette grandeur que sont concentrés initialement nos travaux et même dans certains
cas, c’est par son étude expérimentale qu’ils pourront débuter pour ensuite être orientés vers une
étape plus adéquate.
Compte tenu des résultats obtenus par l’équipe, qui a contribuée à une maîtrise suffisante de la
problématique liée à la génération du film lubrifiant, il apparaît maintenant que de nouvelles
investigations appelant d’autres moyens s’avèrent nécessaires pour aborder l’autre grandeur
tribologique importante, le frottement. En tout premier lieu, la connaissance précise du champ de
pression qui s’exerce au niveau des surfaces des corps solides qui composent le contact ainsi que
Première Partie 19
la pression subie réellement par le fluide (ou pression effective 1 ) semble incontournable. Cette
thématique, en voie de développement actuellement, sera évoquée dans la partie dédiée aux
perspectives de nos travaux, où des cartographies de pression obtenues in situ seront présentées.
A l’issue de cette première phase et pour un problème donné, des tendances très claires au niveau
du régime de lubrification et du comportement du lubrifiant pourront être établies. Ces notions,
couplées éventuellement à l’observation des zones sollicitées (pistes de contact, surfaces en
contact avec le lubrifiant…), permettent aussi d’orienter la suite des recherches.
Dans le cadre de la lubrification en film complet, notre activité concerne uniquement les
lubrifiants liquides. La démarche est essentiellement expérimentale. Nous nous intéressons à
l’influence de la pression (P), de la température (T) et du taux de cisaillement (δγ/δ t) sur la
1
Le film lubrifiant constituant une couche intercalaire entre les surfaces des solides, le champ de pression qui se
manifeste sur ces dernières se retrouve bien sûr à leur interface. Par contre, en suivant les concepts développés par Fein
(1967), Harrison et Trachman (1972), Paul et al. (1975-1979) et repris dans des modélisation plus récentes du contact
EHD par Heyes et Montrose (1980-1983) et finalement par Bezot et al. (1986-1988), on note que le caractère instantané
de la réponse du lubrifiant peut être fortement remis en question.
Au contraire, un effet de temps permet d’expliquer l’écart relevé entre les constatations expérimentales de frottement et
les valeurs issues de modèles numériques, basés sur l’absence d’effet transitoire entre l’application de la pression et la
réponse du lubrifiant. Ainsi, au moyen d’un comportement viscoélastique en compression, il est possible de mieux
modéliser le frottement et d’introduire la notion de pression effective dans le lubrifiant, pression qui correspond à celle
qui devrait être appliquée en statique et qui permettrait d’atteindre un même niveau de propriétés rhéologiques,
obtenues après un temps suffisamment long.
Première Partie 20
viscosité dynamique. Les outils utilisés sont des rhéomètres fonctionnant à pression ambiante
(T et δγ/δ t variables) et un viscosimètre haute pression à chute corps (P et T variables).
Notre objectif sera ensuite de présenter les résultats sous la forme d’un modèle rhéologique
complet, c’est à dire dans une relation qui prenne en compte l’influence des 3 paramètres P, T
et δγ/δ t. Ce modèle devra non seulement décrire correctement l’ensemble des situations
expérimentales testées, mais aussi autoriser une extrapolation satisfaisante au-delà. Ces deux
exigences passent en fait par l’adoption de lois de comportement physiques, donc basées sur
des concepts et sur des variables physiques qui représentent fidèlement les phénomènes mis en
jeu. La viscosité varie énormément avec la pression et la température, selon des
lois exponentielles en première approche. Cela renforce le besoin de construire des lois de
comportement sur des bases rigoureuses et de s’éloigner des formules empiriques dont le
caractère prédictif ne saurait être assuré.
Ces relations seront ensuite utilisées dans des modèles de lubrification, analytiques ou
numériques. Dans le premier cas, il s’agira d’introduire les paramètres requis pour prédire par
exemple des épaisseurs au centre ou minimales dans un contact EHD, à partir des modèles
évoqués précédemment.
Dans le second cas, la loi de comportement pourra être directement intégrée dans un logiciel
pour estimer le frottement et l’épaisseur du film générés dans un contact fonctionnant en
régime thermo-hydrodynamique ou élasto-thermo-hydrodynamique, ce qui dépasse notre
propre activité et concerne des chercheurs actifs dans d’autres équipes du laboratoire.
Dans ces circonstances, nos travaux sont résolument tournés vers l’étude de l’alimentation en
lubrifiant du contact, au travers de 3 types d’analyses fortement couplées, comme le suggère la
figure ci après.
Première Partie 21
Comportement Rhéologique
dans et hors contact
CONTROLE DE LA
REALIMENTATI ON
Caractéristiques Caractérisation
Physico-Chimiques Tribologique
La caractérisation ou la simulation tribologique reste, à nos yeux, une étape importante puisque
seule capable de reproduire simultanément les sollicitations appliquées au lubrifiant. La notion
de simulation est employée ici dans le seul but de rappeler que l’étude peut être conduite dans
une situation expérimentale modèle, c’est à dire en simplifiant l’environnement du contact et
en choisissant a priori les paramètres à faire varier. Certains auteurs parlent de tribométrie.
Dans le contact, le lubrifiant peut se transformer, parfois de manière irréversible, et ensuite être
soit entraîné à nouveau dans le contact, soit maintenu dans son voisinage. Ce sont ces
mécanismes de circulation et de distribution du lubrifiant qui gouvernent les conditions
d’alimentation. Nous pouvons les analyser par le biais de visualisations du contact et
Première Partie 22
éventuellement par la mesure des épaisseurs de film. Il est également possible de forcer les
conditions d’alimentation (surabondante ou insuffisante) et d’étudier le passage d’une situation
à l’autre.
Ensuite, nous pouvons déduire des informations qualitatives sur la nature et/ou la composition
des phases qui lubrifient effectivement le contact dans des conditions données :
- soit par identification des paramètres rhéologiques au moyen de modèles de type EHD, puis
par comparaison avec les valeurs trouvées sur les différents constituants possibles,
- soit par confrontation directe avec les résultats obtenus avec les produits de base lorsque
ceux ci peuvent être étudiés.
Il nous semble plus délicat en revanche de pouvoir identifier précisément les mécanismes qui
conduisent à la transformation du lubrifiant initial : l’analyse risque d’être limitée au constat
phénoménologique.
Quoiqu’il en soit, les données obtenues à l’issue des analyses physico-chimiques et
rhéologiques constituent autant de points d’appui et d’arguments pour expliciter ce qui se
passe dans et au voisinage du contact, ce qui démontre l’intérêt de mettre en œuvre les trois
approches.
3.3 VALIDATION
Le premier type de validation auquel on pense consiste à confronter résultats expérimentaux et
numériques. Notre activité étant totalement tournée vers des approches expérimentales, il nous
faut puiser dans l’arsenal des modèles analytiques existants (principalement EHD) ou bien tisser
un réseau de collaborations avec des équipes ayant développé des codes numériques appropriés.
Dans ces conditions, des grandeurs locales, comme l’épaisseur de film ou la pression dans le
contact, et d’autres plus globales comme le frottement pourront être quantitativement comparées.
Ce scénario ne s’applique évidemment qu’à des situations où un film complet est censé séparer
les surfaces des premiers corps. Lorsque le régime de lubrification ne s’y prêtera pas, il
conviendra alors de s’orienter dans la seule voie possible de validation : l’expérimentation
tribologique, qui pourra être menée au niveau d’un contact ou bien d’un mécanisme. Sur le plan
expérimental, il sera, comparativement au cas précédent, bien plus difficile à la fois de maîtriser
toutes les conditions et d’extraire des grandeurs locales. En régime mixte ou limite, la phase de
validation sera en conséquence limitée à des comparaisons qualitatives voire à des réponses en
tout ou rien, ce qui en limitera la portée.
Première Partie 23
Première Partie 24
DEUXIEME PARTIE :
Cette deuxième partie est scindée en 5 chapitres qui synthétisent les résultats obtenus au cours de
mes propres travaux ou à l’occasion de ceux que j’ai encadrés.
Le premier chapitre rend compte de l’étude du comportement des lubrifiants sous haute pression.
Historiquement c’est par cette activité que je me suis impliqué dans des travaux expérimentaux dans
le domaine des lubrifiants et de la lubrification.
Dans les troisième et quatrième chapitres nous aborderons la lubrification mixte, respectivement
dans le cadre de suspensions puis de graisses lubrifiantes. Ce sera l’occasion de montrer le bien
fondé de la démarche d’analyse exposée dans la première partie de ce mémoire.
Finalement, le cinquième et dernier chapitre de cette deuxième partie sera l’occasion d’aborder la
lubrification limite, par le biais de travaux de caractérisation de lubrifiants en films très minces.
2ème Partie 25
Deuxième Partie – Chapitre 1
Sommaire
Harrison (1976) attribue à Barus (1893), comme beaucoup d’auteurs par la suite, la loi empirique
exponentielle qui s’appuie sur un paramètre, α exprimé en GPa-1, et appelé depuis coefficient de
piézoviscosité :
µ
= exp (α ⋅ P ) à T donnée
µ0
avec
µ la viscosité (en Pa.s) à P et T,
µ 0 la viscosité (en Pa.s) à 0.1 MPa et T,
P la pression (en GPa).
Dans ce contexte, hormis les grandeurs mécaniques, cinématiques, les paramètres élastiques des
solides, la principale inconnue du calcul reste le coefficient de piézoviscosité du lubrifiant, sa
viscosité dynamique à pression ambiante étant en général plutôt bien connue.
C’est donc dans ce contexte qu’ont été développés différents dispositifs, dont le plus utilisé est un
viscosimètre haute pression à chute de corps, encore en service et présenté plus en détails dans
l’annexe 1.
Dans ce dispositif, on se sert de la gravité pour faire tomber sans guide, dans une enceinte haute
pression, un mobile cylindrique de masse volumique supérieure à celle du fluide étudié. Une
relation analytique (voir Lohrenz et al 1960) lie la viscosité du fluide à la vitesse de chute du
mobile au moyen des grandeurs géométriques qui caractérisent l'écoulement, de l'accélération de
la pesanteur et des masses volumiques respectives du fluide et du matériau du mobile. La mesure
est réalisée par retournements successifs.
Un capteur émetteur/récepteur ultrasonore génère des trains d’ondes longitudinales qui sont
réfléchies dans un premier temps par le corps chutant avant de revenir frapper la partie sensible
de la sonde. La mesure du temps de parcours donne la position du mobile. Cette technique permet
de suivre en continu la chute du mobile et donc sa vitesse dans l’enceinte. En contrepartie, il nous
1
Au moment où la décision de construire un premier dispositif au LMC a été prise, on pouvait dénombrer 2 appareils
en fin de vie en France, l’un chez Esso à Mont Saint Aignan dont l’exploitation a été stoppée au milieu des années 80,
l’autre à Pau qui offrait des performances réduites en pression, température et viscosité, ce qui en limitait l’usage à
l’étude de fractions pétrolières légères, voir Ducoulombier et al (1985 et 1986). En fait, il apparaît que très peu
d’appareils semblables ont fonctionné régulièrement, y compris au niveau international.
Historiquement, on peut dire que c’est l’équipe de la Shell à Thornton (UK) qui a relancé le domaine au début des
années 60, voir Galvin et al (1963, 1967, 1973), mais cette activité n’a pas été maintenue. Juste un peu plus tard et
probablement en toute concurrence, le groupe de Ward Winer à Atlanta (USA) s’est lancé dans la caractérisation sous
haute pression des lubrifiants, voir Novak et Winer (1968) ainsi que Jones, Johnson et Winer (1974). Contrairement à
l’équipe anglaise, ce groupe continua d’être actif dans cette thématique, ce qui souligne non seulement l’étendue du
travail qu’il y avait à accomplir mais aussi la difficulté à répondre aux questions posées par la lubrification EHD.
Une activité importante dans le domaine de la rhéologie sous haute pression des lubrifiants a été menée en Suède, en
particulier à Lulea, sous l’impulsion de Bo Jacobson qui s’est plus attaché à étudier et à interpréter les effets liés à la
compressibilité et à l’application de fortes contraintes (voir Jacobson 1972, 1974, 1985, également Höglund et Jacobson
1985).
Depuis la mise en service de ce dispositif, notre équipe a été constamment sollicitée pour étudier
le comportement sous haute pression de lubrifiants, utilisés dans des secteurs d’activité les plus
variés. Par ordre d’importance et en commençant par le plus important, ce sont d’abord les
domaines de la mise en forme des matériaux (laminage à froid, à chaud, compactage
isostatique…) et des mécanismes spatiaux. Ensuite, on trouve pour l’essentiel les secteurs
traditionnels de la pétrochimie et de la mécanique, tels que la transformation de l’énergie, la
motorisation aéronautique et le secteur automobile. Nos différentes investigations nous ont donc
conduit à étudier sous haute pression une grande variété de lubrifiants fluides : des bases et des
produits formulés, des fluides d’origines minérales ou synthétiques, des émulsions…
De façon classique lorsque l’on se livre à ce type d’exercice (Briant et al 1989, Ayel et Ganier
1992, Stepina et Vesely 1992, Shubkin 1993), nous commencerons par les huiles d’origine
minérale qui ont été longtemps les lubrifiants les plus utilisés : bases paraffiniques, naphténiques
puis fractions légères seront abordées. Nous poursuivrons en balayant les catégories les plus
courantes de fluides synthétiques : hydrocarbures synthétiques, esters, silicones et
perfluoropolyéthers. Finalement, nous rapporterons des résultats issus de lubrifiants formulés,
huiles additivées et émulsions. Un certain nombre de composés ont été volontairement exclus de
cette synthèse : l’intérêt des résultats obtenus sur ces fluides comme leur caractère très spécifique
ne rendent pas leur présence indispensable dans cette synthèse. Il s’agit notamment de bases
minérales mixtes (Vergne et al (1985,1987)), de polyphényléther (Bezot et al ASME 1986), de
bases pour émulsions huile dans l’eau (Vergne 1997).
Dans le but de mieux distinguer les effets impartis à la pression, à la nature des fluides et à la
température, nous proposons d’abord les résultats exprimés sous forme de variations de la
viscosité relative, en fait la grandeur réellement mesurée sur notre dispositif. Les viscosités
absolues sont reportées ensuite, pour donner une idée réaliste des niveaux atteints dans les
différentes conditions expérimentales étudiées. Finalement, le lecteur pourra trouver en annexe 2
des données complémentaires sur les lubrifiants étudiés, repérés sur les figures par leur nom
raccourci ( pour des questions de présentation) et par la température à laquelle ils ont été étudiés.
103
Viscosité relative
102
200N 21°C
200N 40°C
200N 60°C
200N 80°C
600N 24°C
101
600N 40°C
600N 60°C
Q414 55°C
Q414 85°C
CPRI 50°C
CPRI 80°C
CPRI 110°C
CPRI 150°C
100
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 4 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des bases minérales paraffiniques
Le deuxième enseignement que l’on peut tirer de la figure 4 concerne l’allure des variations de
la viscosité relative en fonction de la pression, plus particulièrement leur courbure. En effet,
dans un système d’axes tel que celui retenu figure 4, une dépendance exponentielle de la
viscosité avec la pression doit se traduire par une droite dont la pente n’est ni plus ni moins que
le coefficient de piézoviscosité. Nos résultats sur les bases paraffiniques présentent au contraire
une courbure plus ou moins marquée selon la température et la pression. Il est donc montré que
la viscosité de ces lubrifiants ne suit pas de variation exponentielle avec la pression, paramètre
dont l’influence chute lorsque la température s’élève.
Par ailleurs, on note une bonne similitude des tendances sur certaines bases : 200N, Q414 et
CPRI dans la gamme 50-60°C, 200N et Q414 à 80-85°C voire CPRI à 80°C. Ces tendances ne
se retrouvent pas forcément dans la figure 5 dans laquelle on prend aussi en compte la viscosité
dynamique initiale.
Par exemple, pour les lubrifiants 200N et Q414 très proches à 80°C, l’écart noté à 60°C peut
s’expliquer par la différence de 5°C entre les 2 déterminations. Par contre, à 80°C le fluide
10 1
10 0
Viscosité (Pa.s)
10 -1
µ 600N 24°C
µ 600N 40°C
µ 600N 60°C
10 -2
µ Q414 55°C
µ Q414 85°C
µ 200N 21.3°C µ CPRI 50°C
µ 200N 40°C µ CPRI 80°C
µ 200N 60°C µ CPRI 110°C
µ 200N 80°C µ CPRI 150°C
10 -3
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 5 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des bases minérales paraffiniques.
Les résultats présentés figure 6 montrent un comportement assez différent par rapport aux
tendances reportées précédemment. D’une part, dans le système d’axes choisi figure 6, les
valeurs obtenues s’inscrivent plutôt bien sur des droites, suggérant une augmentation
exponentielle de la viscosité avec la pression. Ensuite, les pentes sont plus importantes que pour
les bases paraffiniques. En conséquence, les viscosités relatives des bases naphténiques
couvrent un domaine plus grand (4 décades sur 500 MPa contre 3 sur 600 MPa).
10 4
10 3
Viscosité relative
10 2
R620-15 26°C
R620-15 40°C
R620-15 60°C
R620-15 80°C
10 1 750P 21°C
750P 40°C
750P 60°C
1300P 40°C
1300P 60°C
1300P 80°C
10 0
0 100 200 300 400 500
Pression (MPa)
Figure 6 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des bases minérales naphténiques
D’autre part et à l’exception du R620-15, il ne nous a pas été possible, à température identique,
de réaliser des mesures de viscosité à des pressions plus importantes que dans les bases
paraffiniques, ces dernières ayant des pressions de transition plus élevées (Vergne 1985, 1987).
Ceci ne peut plus être attribué qu’aux seules fractions qui cristallisent puisque les bases
naphténiques présentent des points d’écoulement plus bas. Deux raisons peuvent expliquer ces
différences : d’abord le poids moléculaire plus élevé des bases naphténiques et surtout leur
viscosité et leur piézoviscosité beaucoup plus importantes.
Comme la figure 5, la figure 7 présente des résultats s’étalant sur plus de 4 ordres de grandeur,
mais avec les bases naphténiques nous nous sommes limités à 80°C contre 150°C
précédemment. Dans le cas des bases naphténiques, les pentes sont sensiblement plus
importantes ce qui se traduit par des valeurs de coefficients de piézoviscosité plus grandes, voir
tableau ci-dessous. Dans ce dernier, nous avons volontairement omis de prendre en compte les
données issues de l’huile R620-15, d’origine nord-américaine et de composition et donc de
comportement atypiques (voir annexe 2) par rapport aux bases naphténiques rencontrées en
Europe.
10 2
10 1
Viscosité (Pa.s)
10 0
R620-15 26°C
R620-15 40°C
10 -1 R620-15 60°C
R620-15 80°C
750P 21°C
750P 40°C
750P 60°C
1300P 40°C
1300P 60°C
10 -2 1300P 80°C
Pression (MPa)
Figure 7 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des bases minérales naphténiques.
102
Viscosité relative
101
KEN 30°C
KEN 50°C
KEN 70°C
NOR 30°C
NOR 50°C
NOR 70°C
CPRP 25°C
CPRP 41°C
CPRP 70°C
CPRP 100°C
100
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 8 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des fractions légères minérales.
On trouve également un lien fort avec la structure moléculaire des fluides lorsque l’on
s’intéresse aux pressions maximales atteintes. Le fluide NOR limite le plus, à 30 et 50°C, le
domaine expérimental : la cristallisation des paraffines (à l’ambiante, le point d’écoulement
de nC 20 est de 37°C, Briant et al, 1989) est facilitée par l’absence d’autres composés. Le
produit KEN, composé de fractions plus lourdes et incluant des cycles naphténiques et/ou
aromatiques, donne des pressions maximales assez proches mais des pentes plus grandes. Le
lubrifiant CPRP est quant à lui très certainement formulé à partir de fractions très légères vu
sa viscosité à 25°C et pression ambiante. Il contient des chaînes cycliques en grand nombre
puisque nous avons atteint 450 et 600 MPa à respectivement 25 et 41°C.
Par rapport aux cas précédents, il est plus délicat de faire ressortir des valeurs typiques de
coefficients de piézoviscosité et c’est la raison pour laquelle des valeurs sont reportées sans
mention de température dans le tableau ci-dessous. Le paramètre d’entrée est donc la
viscosité à pression ambiante, comme pour les bases paraffiniques.
1
Par multi-composants, on sous-entend que les 3 principales familles d’hydrocarbures d’origine minérale sont
présentes. Si on considère un fluide totalement paraffinique du type NOR, il faut réduire ces valeurs de α200 d’au moins
1 GPa-1, pour des viscosités inférieures à 0.002 Pa.s.
Viscosité (Pa.s)
10-2
KEN 30°C
KEN 50°C
KEN 70°C
NOR 30°C
NOR 50°C
NOR 70°C
CPRP 25°C
CPRP 41°C
10-3 CPRP 70°C
CPRP 100°C
Pression (MPa)
Figure 9 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des fractions légères minérales.
Comme le confirme la figure 9 (valeurs comprises entre 10-3 et 10-1 Pa.s), viscosité dynamique
et coefficient de piézoviscosité sont très faibles pour cette classe de lubrifiants, ce qui ne leur
confère pas à priori un important pouvoir lubrifiant. La présence de chaînes ramifiées, même en
faible proportion comme dans le cas de CPRP et KEN, est très perceptible et renforce la
viscosité et la piézoviscosité. On peut remarquer aussi que les valeurs reportées dans le tableau
3 prolongent assez bien celles qui figurent dans la table consacrée aux bases paraffiniques.
PAO6 20°C
PAO6 40°C
N186 25°C
N186 50°C
N186 75°C
N186 100°C
PENNZ -24°C
PENNZ -9°C
PENNZ 13°C
101
PENNZ 40°C
PENNZ 63°C
SHC 60°C
SHC 100°C
SHC 150°C
THT 60°C
THT 100°C
THT 150°C
XT 60°C
XT 100°C
XT 150°C
100
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 10 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des hydrocarbures de synthèse.
101
PAO6 20°C
Viscosité (Pa.s)
PAO6 40°C
N186 25°C
N186 50°C
100 N186 75°C
N186 100°C
PENNZ -24°C
PENNZ -9°C
PENNZ 13°C
PENNZ 40°C
10-1 PENNZ 63°C
SHC 60°C
SHC 100°C
SHC 150°C
THT 60°C
THT 100°C
10-2 THT 150°C
XT 60°C
XT 100°C
XT 150°C
Pression (MPa)
Figure 11 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des hydrocarbures de synthèse.
La figure 11 tente de clarifier les tendances et de bien montrer l’influence de la structure des
lubrifiants. De façon fortuite mais intéressante pour la suite, on peut noter que les
hydrocarbures de synthèses dont nous présentons les résultats peuvent se classer en trois
classes, selon leur viscosité cinématique à 100°C (annexe 2).
Pour PAO6 et SHC, on trouve de 6 centistokes environ, pour PENNZ et N186 15 cSt, puis pour
THT et XT ν=40 cSt. Cette partition correspond également à la structure moléculaire de ces 6
fluides.
En effet, PAO6 et SHC sont des polyalphaoléfines plutôt linéaires de bas poids moléculaires.
PENNZ et N186 présentent des molécules planes basées typiquement sur une structure centrale
de 4-5 liaisons C-C ou C=C. THT et surtout XT contiennent des polyalphaoléfines de plus
fortes masses (informations principalement obtenues par chromatographie, Bessat 1991).
103
102
Viscosité relative
101
DOS 20°C
DOS 25°C
MOJ 0°C
MOJ 40°C
MOJ 82°C
MOJ 124°C
MOJ 164°C
100
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 12 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des esters synthétiques.
Dans la famille des esters synthétiques, les deux fluides que nous avons eu l’occasion de tester
constituent presque une caricature tant vis-à-vis de leur composition que vis à vis du contexte
qui a amené leur étude. Le DOS est un diester synthétique pur de type I, de polydispersité très
faible : il est utilisé notamment dans les balances hydrostatiques haute pression (P > 200 MPa)
qui servent de références dans le domaine de la métrologie. Nous avons, pour ce domaine,
établi les données rhéologiques requises pour calculer la section effective de tels systèmes, qui
constitue la principale source d’incertitudes (Vergne , 1990). Le MOJ est un lubrifiant employé
dans la lubrification des turboréacteurs et répond à la norme MIL L 23699 (diester de type II, 5
101
100
Viscosité (Pa.s)
10-1
DOS 20°C
10-2 DOS 25°C
MOJ 0°C
MOJ 40°C
MOJ 82°C
MOJ 124°C
MOJ 164°C
10-3
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 13 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des esters synthétiques.
La figure 12 illustre la très faible sensibilité des esters de polyols avec la température,
confirmée par les valeurs α 200 reportées dans le tableau 5 : entre 0 et 164°C, le coefficient de
piézoviscosité chute, mais de manière mesurée. De plus, par comparaison avec les
hydrocarbures synthétiques, on note qu’à température constante, ce type d’ester possède un
coefficient de piézoviscosité plus faible.
Une autre particularité de cette famille de lubrifiants réside dans son faible niveau de viscosité,
voir figure 13. Ce point est lié à leur utilisation : la limitation des couples résistants, que ce soit
à froid lors du démarrage ou à chaud en fonctionnement stabilisé, impose de réduire au
maximum les frottements visqueux, que ce soit dans le but de garantir un rendement maximal
que pour limiter l’autoéchauffement et ne pas encourir des épaisseurs de film trop fortes.
Il est par ailleurs significatif de constater que même un lubrifiant aussi couramment employé
dans un organe dont le bon fonctionnement garantit le transport de dizaines de milliers de
personnes chaque jour n’ait pu faire l’objet d’une caractérisation complète avant nos travaux
(Vergne et Nélias, 1996).
103
102
Viscosité relative
DCS 60°C
1 DCS 100°C
10 DCS 150°C
RP8 24°C
RP8 60°C
RP8 100°C
RP8 150°C
RP10 24°C
RP7 24°C
GEV 21°C
GEV 29°C
100
0 100 200 300 400
Pression (MPa)
Figure 14 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des fluides silicones.
Les fluides dont nous avons étudié le comportement sont représentatifs de cette variété de
structures : les données normalisées reportées dans l’annexe 2 montrent par ailleurs que ces
dernières sont assez peu influencées par la diversité des structures moléculaires. Ces lubrifiants
ont été étudiés dans le cadre de recherches sur la lubrification d’instruments de bord et sur le
compactage isostatique de poudres. On trouve, figure 14, pour les variations de la viscosité
relative en fonction de la pression :
- un méthylphényl-polysiloxane DCS de poids moléculaire moyen,
- un chlorométhylphényl-polysiloxane RP8, étudié de 24 à 150°C (symboles pleins figures
14 et 15),
- puis testés à température ambiante uniquement :
- un deuxième méthylphényl-polysiloxane RP10, de plus faible masse que DCS,
- un simple PDMS RP7,
On note d’abord que l’augmentation de la viscosité avec la pression est quasiment exponentielle
lorsque la température est voisine de 25°C (voire 60 et même 100°C pour DCS), à l’exception
du PDMS RP7 à 24°C. Seules les variations mesurées à 150°C (et à 100°C pour RP8)
présentent une courbure franche. Les valeurs déduites de α 200 restent confinées dans une plage
assez étroite compte tenu du domaine de températures étudiées, entre 17.5 et 12 GPa-1. Ceci
confirme, sous un autre éclairage, la bonne stabilité des propriétés physiques de cette classe de
lubrifiants vis à vis de la température.
102
DCS 60°C
DCS 100°C
DCS 150°C
RP8 24°C
RP8 60°C
RP8 100°C
101 RP8 150°C
RP10 24°C
RP7 24°C
GEV 21°C
Viscosité (Pa.s)
GEV 29°C
100
10-1
10-2
0 100 200 300 400
Pression (MPa)
Figure 15 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des fluides silicones.
Viscosité relative
102
814Z 25°C
814Z 50°C
814Z 75°C
814Z 100°C
101 Z25 -24°C
Z25 -9°C
Z25 13°C
Z25 40°C
Z25 63°C
KAD 40°C
KAD 63°C
KAD 90°C
100
0 100 200 300 400 500 600
Pression (MPa)
Figure 16 : viscosité relative en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des perfluoropolyéthers.
Les 3 lubrifiants dont nous avons évalué le comportement sous hautes pressions présentent des
structures assez différentes (voir annexe 2) :
- le fluide Z25 est un perfluoropolyéther linéaire, d’une assez grande polydispersité (masses
comprises entre quelques milliers et plusieurs dizaines de milliers),
- le 814Z est aussi un perfluoropolyéther linéaire dont les masses sont centrées sur 4000,
dont on ne connaît pas précisément la répartition des tailles si ce n’est qu’il constitue
vraisemblablement une version resserrée du Z25, en terme de polydispersité,
- le KAD possède quant à lui des ramifications sous la forme de groupements CF3, la
distribution en masse est centrée sur 6000, avec une polydispersité assez faible pour un
polymère (autour de 1.05).
Ces fluides ont fait l’objet de caractérisations poussées au sein de l’équipe et du LMC, dans le
cadre de collaborations avec le CNES et des partenaires industriels sur la lubrification fluide de
mécanismes spatiaux. Comme pour l’hydrocarbure de synthèse PENNZ, intéressant pour ces
applications, des investigations sous températures négatives ont été entreprises sous haute
pression (Prat et al 1994), en l’absence de résultats disponibles. Dans ce travail, nous avions
également discuté la notion de point d’écoulement, qui n’est pas apparue fortement corrélée
avec des grandeurs rhéologiques. Par exemple, dans KAD, des seuils d’écoulement ont été mis
en évidence dès –5°C alors que le point d’écoulement est donné à –30°C.
L’effet de structure est bien visible figure 16 : le PFPE KAD, bien que testé à plus hautes
températures1 , donne les pentes les plus fortes. On remarque ensuite que les résultats trouvés
1
La raison pour laquelle le PFPE KAD a été étudié à plus haute température que les autres fluides fluorés est liée à la
technique de détection mise en œuvre dans le viscosimètre haute pression. Dans ce dispositif, on utilise la propagation
d’ondes ultrasonores pour connaître la vitesse de chute du mobile dans l’enceinte haute pression. Les facteurs
favorables à une bonne propagation des trains d’onde sont principalement la présence de chaînes linéaires, de faibles
viscosité et densité, facteurs qui ne conviennent pas pour KAD. En augmentant la température, on joue au moins sur un
des facteurs (la viscosité) pour améliorer la propagation, même si le domaine expérimental balayé reste étriqué.
102
Viscosité absolue (Pa.s)
101
100
814Z 25°C
814Z 50°C
814Z 75°C
814Z 100°C
Z25 -24°c
Z25 -9°C
10-1 Z25 13°C
Z25 40°C
Z25 63°C
KAD 40°C
KAD 63°C
KAD 90°C
10-2
Pression (MPa)
Figure 17 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour
différentes températures dans des perfluoropolyéthers.
Les conséquences des longueurs de chaînes et des structures différentes sont bien visibles figure
17. Le 814Z montre, et c’était l’objectif de sa production, une viscosité à pression ambiante
bien plus faible que celle du Z25, ce qui le rend particulièrement intéressant aux faibles
températures. Sa piézoviscosité s’élève quelque peu par rapport à celle du Z25 sans que cette
évolution apparaisse rédhibitoire. Le tableau 6 donne des valeurs typiques de α 200 pour ce type
de lubrifiant.
Le PFPE KAD présente à la fois la viscosité et la piézoviscosité les plus importantes : il peut
être considéré comme un témoin des PFPE manufacturés il y a quelques dizaines d’années. En
tant que lubrifiants fluides, ces PFPE ont été supplantés depuis par les perfluoropolyéthers
linéaires.
Temp. °C 0 25 50 75 100
α 200 (GPa -1) 19.8 ±0.4 17.9 ±0.5 16.2 ±0.5 15 ±0.6 14 ±0.9
Tableau 6 : valeurs typiques du coefficient de piézoviscosité α 200 pour des
PFPE linéaires.
102
Viscosité (mPa.s)
101 CPRP 25 °C
CPRP+Ad 25 °C
CPRP 41°C
CPRP+Ad 41°C
NOR 50°C
NOR+5%Ad 50°C
NOR+10%Ad 50°C
NOR 70°C
NOR+5%Ad 70°C
NOR+10%Ad 70°C
KEN 50°C
KEN+5%Ad 50°C
100 KEN+10%Ad 50°C
KEN 70°C
KEN+5%Ad 70°C
KEN+10%Ad 70°C
Deux comportements se distinguent, même si on constate pour ces cas précis, que la présence
d’additifs influe peu sur la viscosité et sur le coefficient de piézoviscosité des bases additivées.
Pour les bases NOR et CPRP, l’apport d’additifs fait croître la viscosité initiale et l’écart est
maintenu lorsque la pression augmente. Par contre lorsque la température augmente, les
viscosités sont plus proches comme on le voit avec NOR à 70°C, en comparant avec 50°C.
L’effet de concentration est donc plus visible à basse température.
Pour les lubrifiants formulés à partir de KEN, on note d’abord que les viscosités sont très
proches à 50°C, et ce quelle que soit la pression. Les courbes ont tendance à se croiser ce qui
laisse penser, lorsque la pression ou la température augmente (l’écart est plus important à
70°C), à des effets antagonistes sur la viscosité lors d’ajout d’additifs.
En conclusion sur ce premier jeu de résultats, on remarque que la présence d’additifs
organiques (‘gras’) modifie peu les propriétés volumiques des bases minérales légères. En tout
état de cause on s’attend à ce que ces composés se manifestent plus en lubrification limite ou
mixte, lorsque notamment leurs interactions avec les surfaces peuvent relayer l’absence d’un
film fluide complet (Molimard 1999).
H2O 85°C
10-2
10-3
Pression (MPa)
Figure 19 : viscosité absolue en fonction de la pression et pour 2 températures
dans des émulsions d’huile dans l’eau et ses principaux constituants.
1
Ce pouvoir hydrodynamique peut s’exprimer, en anticipant quelque peu sur la suite du texte, par le produit de la
viscosité dynamique (à laquelle on peut appliquer un exposant de 0.67 en accord avec Hamrock et Dowson, 1977) avec
le coefficient de piézoviscosité (auquel on attribue un exposant de 0.53).
Déjà Harrison (1976) relève l’insuffisance des lois exponentielles lorsque le domaine de
pression est suffisamment étendu. Il s’appuie sur les données expérimentales reportées dans
l’ASME Pressure-Viscosity Report (1953) et souligne qu’à forte pression, soit typiquement à
partir de 0.4 GPa, des écarts significatifs avec la loi de Barus sont relevés. A basse température,
la viscosité mesurée peut augmenter plus fortement qu’une loi exponentielle et le contraire peut
se produire aux plus hautes températures, ce qui a aussi été vu dans nos résultats.
Il semble que ce fut McEwen (1952) suivi par Chu et Cameron (1962) qui introduisirent une
alternative en proposant une loi en puissance du type :
µ = µ 0 . (1 + k.P )
n
avec ( )
n et k en GPa −1 les 2 paramètres à déterminer
Des valeurs de n comprises entre 6 et 11 ont été reportées. Cette plage est tout à fait typique des
valeurs trouvées pour les bases minérales paraffiniques, probablement considérées comme
lubrifiants de référence à l’époque où leurs travaux ont été publiés. Pour les bases naphténiques,
n prend des valeurs bien plus importantes, de 15 à plus de 100 (Vergne 1987). Quant à k, les
valeurs que nous avons pu établir couvrent une plage comprise entre 1 et 6 (en GPa-1). Nous
constatons que même si cette loi reproduit assez fidèlement les valeurs expérimentales (Vergne
1991, Prat 1994), elle présente trois défauts majeurs :
- elle reste malgré tout empirique (on note des variations incohérentes de n et de k avec la
température) et insuffisamment sûre, par exemple aux basses et aux hautes températures,
Roelands s’est intéressé aux relations viscosité-pression-température dans les huiles minérales,
en s’appuyant sur des considérations moléculaires et structurales comme la longueur des
chaînes et leur degré de ramification. Les lubrifiants considérés étaient des bases d’origine
minérale testées dans un domaine relativement modeste de pressions et de températures (25-
90°C, jusqu’à 100 MPa, Roelands 1963). La loi proposée par Roelands (1966) et finalement
assez fréquemment utilisée s’écrit :
log (µ ) + 4, 2 = [log (µ 0 ) + 4,2][
. 1+ 5,1.P]z
avec z compris entre 0,3 et 1,5.
Cette dernière relation a été longtemps considérée comme fiable, sur des domaines couvrant
quelques 150°C et jusqu’à 300-500 MPa. Ceci correspond bien aux conditions de Larsson et al
(2000) qui s’appuient notamment sur cette loi pour représenter le comportement de lubrifiants
d’origines diverses. On peut néanmoins remarquer que les variations qu’ils donnent du
coefficient de piézoviscosité avec la pression, calculées à partir de la relation de Roelands, sont
loin de reproduire la réalité expérimentale. Des incohérences sont trouvées chez des auteurs qui
ont conduit le même calcul (Hsiao et al, 1992). D’autres réserves ont été émises concernant
cette loi : son usage sur de larges plages de température qui conduit à surestimer la viscosité et
la piézoviscosité (Vergne et Nélias, 1996), son incapacité à reproduire l’inflexion annonçant la
transition vitreuse du lubrifiant (Bair et Winer, 2000)…
Finalement, aucun des modèles décrits précédemment n’est vraiment satisfaisant pour
représenter nos résultats expérimentaux. Un certain nombre de critiques et/ou de limites
évoquées ci-dessus ont été trouvées. De plus, il faut également tenir compte de l’utilisation de
ces modèles : introduits dans des codes de calculs, ils peuvent très rapidement être appliqués en
dehors des domaines où ils ont été qualifiés. En ce qui concerne le calcul d’épaisseurs de film,
on peut considérer qu’aucune avancée n’est proposée par ces quelques modèles. C’est la nature
même des variations viscosité-pression qui pose problème. Quelques articles (Jones 1993,
Molimard 1999) s’étonnent des écarts importants trouvés entre coefficients de piézoviscosité
d’origines différentes : déduits de mesures d’épaisseur de film, obtenus à partir de mesures
directes mais sur des plages de pression assez diverses… Nous présentons dans la section
suivante le seul modèle qui nous a paru performant tant pour représenter fidèlement nos
résultats expérimentaux que pour offrir une certaine robustesse d’utilisation, y compris pour le
calcul d’épaisseurs de film lubrifiant.
µ(T ) − C1 .(T − Tg )
log =
µ
g C2 + (T − Tg )
avec :
µg la viscosité à Tg ,
C1 et C2 deux constantes.
Harrison (1976) remarque d’ailleurs que cette relation est tout à fait équivalente à celle dite du
volume libre,
ln = B' / (T − Tg )
µ
A'
qui se déduit elle-même de la formule attribuée à Doolittle (1951), à partir de laquelle les
auteurs ont postulé l’équation WLF (Couarraze et Grossiord, 1991) :
µ vg vg 1
ln = B. =
v f a g .(T − Tg )
en écrivant
A vf
avec :
A’ et B’, A et B deux jeux de constantes,
a g le coefficient d’expansion thermique à T g ,
v g et v f respectivement le volume occupé par les molécules dans leur
configuration d’empilement maximum (correspondant à T g ) et le volume libre.
Ainsi le modèle WLF peut se justifier sur un plan physique, au moyen du concept de volume
libre, volume disponible au sein du fluide permettant les transferts de molécules qui
accompagnent l’écoulement. Lorsque le volume libre tend vers zéro, cet espace n’est plus
disponible pour autoriser la mobilité des molécules et la viscosité tend vers une valeur infinie,
par convention 10+12 Pa.s.
D’après les auteurs, les paramètres C1 et C2 devraient être des constantes universelles, égales
respectivement à 17.4 et 51.6 : Ferry (1961) montre ultérieurement que ces paramètres sont
respectivement compris dans les intervalles 6-34 pour le premier et 20-130 pour le second.
Yasutomi, Bair et Winer (1984) ont repris à leur compte les concepts développés par William,
Landel et Ferry et les ont étendus aux relations viscosité-pression-température. Ils modifient
donc la loi WLF comme suit :
µ − C1.(T − Tg ( P )).F (P )
log =
µ
g
C2 + (T − Tg ( P )).F ( P )
avec :
Yasutomi et al (1984) montrent la grande robustesse de leur modèle, capable de décrire les
relations viscosité-pression-température sur de très grandes plages de pression et de
température. Contrairement à William et al qui, suite à leurs travaux sur les polymères,
proposent de limiter l’usage de leur loi à T compris entre Tg et Tg+100°C, Yasutomi et al, plus
pragmatiques, suggèrent que le champ d’application de leur relation puisse s’étendre à
Tg+300°C, en abandonnant le concept d’universalité des paramètres C1 et C2 et en choisissant
une température de référence et une viscosité associée moins contraignantes (10+7 Pa.s pour
cette dernière).
Il reste une dernière exigence à satisfaire pour que ce modèle soit retenu : pouvoir en extraire
un paramètre représentatif qui sera introduit dans les modèles EHD. Pour faire face à la
variation du coefficient de piézoviscosité avec la pression, Blok (1963) a proposé de le
remplacer par α*, appelé "reciprocal asymptotic isoviscous pressure" soit "pression inverse
asymptotique isovisqueuse" et défini comme suit :
∞
1 µ
= ∫ 0 dP
α *
0
µP
avec :
µ0 la viscosité à pression ambiante,
µP la viscosité à la pression P.
En pratique, Blok montre que cette formule est valide si la borne maximale d’intégration est au
moins trois fois supérieure à 1/α*. Dans la mesure où les résultats expérimentaux de viscosité
sont représentés par la relation WLF modifiée par Yasutomi et al, le problème du domaine
d’intégration ne se pose pas. En effet, il est possible d’intégrer sur un domaine très large,
puisque le modèle est valide quasiment 1 jusqu’à la pression de transition du fluide ou jusqu’à la
pression qui correspond à la viscosité de référence choisie.
Par ailleurs, des travaux récents comme ceux de Bair (1993), mais aussi de notre équipe
(Molimard 1999, Marchetti 2000) ont montré, pour des lubrifiants de tous types, que α*
permettait une bien meilleure prévision des épaisseurs de film générées dans des contacts
élastohydrodynamiques.
1
Quasiment seulement car on est amené à extrapoler au moyen d’un modèle, certes réputé robuste, des valeurs de
l’ordre de 10+7 -10+12 Pa.s à partir de données établies généralement dans la fourchette 10-3 -10+3 Pa.s. Dans ces
conditions, tout écart minime voire indécelable ou considéré comme négligeable vis à vis des aléas expérimentaux peut
s’amplifier et prendre des proportions plus significatives lorsque l’extrapolation est poussée très loin du domaine
expérimental.
Nous nous appuyons sur 2 bases minérales (CPRI, CPRP cette dernière étant un kérosène)
l’huile de base pour émulsions TIN et sur 4 fluides synthétiques : MOJ un diester, Z25 un
perfluoropolyéther, N186 et PENNZ qui peuvent être assimilées à des polyalphaoléfines. Les
valeurs des paramètres de la loi WLF modifiée sont reportées dans l’annexe 2.
Dans un premier temps, nous nous sommes attachés à montrer l’aptitude de cette loi à
représenter nos résultats expérimentaux ainsi qu’à les extrapoler vers de plus fortes pressions.
100
10- 1
10- 2
10- 3
Pression (MPa)
Figure 20 : viscosités mesurées et calculées par la loi WLF
modifiée pour des bases non synthétiques.
Les figures 20 et 21, respectivement pour les 2 groupes de lubrifiants définis précédemment,
montrent bien l’intérêt d’utiliser la loi WLF modifiée. En effet, quel que soit le fluide considéré,
quel que soit le niveau de température retenu, l’accord entre valeurs mesurées (représentées par
des symboles) et calculées (tracées en traits continus) est très faible. Pour chaque fluide étudié,
nous n’avons jamais obtenu d’écarts absolus dont la moyenne soit supérieure à 10 %, ce qui est
remarquable lorsqu’on sait qu’à pression ambiante, mesurer la viscosité d’un fluide à 1% près
est déjà très délicat. Pour le diester MOJ par exemple, l’écart maximal sur tout le domaine
expérimental était de 10% alors que la moyenne des écarts absolus était inférieure à 3 %.
Par un choix arbitraire, les valeurs calculées ont été prolongées jusqu’à 1 GPa, valeur qui est
typique des contacts fortement chargés. Ainsi, on constate que hormis les cas où la température
est négative, la viscosité des bases synthétiques atteint au maximum 10+1 -10+2 Pa.s, alors que
106
PENNZ -24°C
Z25 -9°C
105 Z25 40°C
N186 50°C
N186 100°C
104 MOJ 124°C
MOJ 164°C
WLF
103
Viscosité (Pa.s)
102
101
100
10-1
10-2
10-3
0 200 400 600 800 1000
Pression (MPa)
Figure 21 : viscosités mesurées et calculées par la loi WLF
modifiée pour des fluides synthétiques.
On note également, figures 20 et 21, que la diversité des comportements sous haute pression est
bien respectée par le modèle viscosité-pression-température retenu. La viscosité de certains
lubrifiants présente une courbure prononcée, pour d’autres non. La partie extrapolée se présente
aussi sous diverses formes, alors qu’avec une loi en puissance tous les fluides donneraient plus
ou moins rapidement une tendance asymptotique proche de l’horizontale. En aucun cas, on
n’obtient non plus une droite, telle que le prévoit une loi exponentielle.
1
log(µ(en Pa.s))
-1
-2
-3
3
MOJ
Z25
N186
2 PENNZ
1
log(µ(en Pa.s))
-1
-2
-3
On remarque ensuite que les lubrifiants d’origine minérale n’ont pas permis, notamment pour
des raisons de cristallisations partielles de paraffines, d’appréhender des niveaux de viscosité
supérieurs à 1 Pa.s.
La figure 23 nous conforte bien dans l’idée que PENNZ et N186 sont des fluides de structures
moléculaires et donc de caractéristiques très voisines : la superposition des résultats issus des 2
lubrifiants donne une et une seule courbe maîtresse.
La nature fluorée et la structure particulière de perfluoropolyéther linéaire Z25 se retrouvent
dans le fait que la courbe maîtresse symbolisant son comportement rhéologique est plus
ramassée selon l’axe des viscosités, ce qui est le témoignage d’une faible sensibilité vis à vis de
la température.
35
CPRI α*
CPRI α tg
30 CPRI α 100
CPRI α 200
Coeff. de piézo-viscosité (GPa )
-1
CPRP α*
CPRP α tg
25 CPRP α 100
CPRP α 200
20
15
10
5
0 50 100 150 200
Température (°C)
Figure 24 : variations des coefficients de piézoviscosité en
fonction de la température dans des bases non synthétiques.
20
15
10
5
0 50 100 150 200
Température (°C)
Figure 25 : variations des coefficients de piézoviscosité en
fonction de la température dans des fluides synthétiques.
Le dernier point traité à partir du modèle WLF modifié concerne la recherche du coefficient de
viscosité. Les figures 24 et 25 résument les différentes alternatives en proposant les variations
de α*, αtg, α100 et α 200 en fonction de la température respectivement pour 2 bases minérales et 2
fluides de synthèse : ces 4 coefficients ont été calculés à partir de la viscosité donnée par le
modèle WLF modifié et α tg correspond à la valeur initiale calculée pour un incrément de 10
MPa à la partir de la pression ambiante.
Pour tous les fluides étudiés, on remarque que α tg est bien supérieur à α* et ce, quelle que soit
la température : l’écart est de 5 à 7 GPa-1 au moins en faveur de α tg. On en déduit que même si
la zone d’entrée d’un contact lubrifié chargé n’est pas le siège d’une pression importante, il faut
considérer que cette dernière est significative sinon α* ne pourrait pas convenir pour le calcul
des épaisseurs de film.
On note ensuite que α* se situe entre les valeurs de α 100 et α200 , plus précisément supérieur ou
égal à α 100 vers les basses températures et inférieur ou égal à α 200 dans le domaine des hautes
températures. Dans le domaine balayé lors de nos expériences, l’écart entre α* d’un côté et α 100
et α 200 de l’autre est plus faible que celui constaté avec α tg, tout au plus 2 à 4 GPa-1.
La figure 26 ci-après synthétise les variations de α* avec la température pour 6 des 7 lubrifiants
présentés dans cette section : les valeurs obtenues avec l’huile synthétique N186 sont
confondues avec celles données par l’autre fluide de synthèse PENNZ. L’allure des courbes est
quasiment identique d’un fluide à l’autre, à l’exception de celle représentant la base minérale
CPRI qui, lorsque la température diminue, augmente sensiblement plus que les autres. Pour
finir, il faut souligner que nous ne disposons pas de loi physique permettant de prévoir les
variations de α* avec la température : en général, on utilise une relation polynomiale tout à fait
empirique s’il n’est pas possible de réaliser directement l’intégration de µ0 / µP à température
donnée.
-1
Z25
PENNZ
20
15
10
5
0 40 80 120 160 200
Température (°C)
Figure 26 : variations du coefficient α* en fonction de la température.
1.4 COMPARAISONS
La comparaison directe de résultats expérimentaux de cette nature bute sur plusieurs difficultés.
En dehors des aléas expérimentaux, il y a d’abord et avant tout la diversité des lubrifiants et
surtout la reproductibilité somme toute assez approximative dans leur élaboration. Même des
fluides aussi sophistiqués et coûteux comme les PFPE linéaires présentent une variabilité de leurs
propriétés facilement perceptible, issue par exemple de fluctuations dans la répartition de leur
masse moléculaire.
De plus, la mesure de viscosité étant déjà délicate à pression ambiante, on peut s’attendre à une
difficulté accrue lorsque l’on travaille sous hautes pressions : tous les matériaux qui composent
les cellules d’essais se déforment très sensiblement, ce qui n’est pas sans conséquences sur les
jeux, les propriétés physiques sur les matériaux qui composent la partie sensible des capteurs…
Derniers points qui limitent les comparaisons ; le très faible nombre de laboratoires équipés,
comme cela a déjà été mentionné et le fait que la majeure partie de ces laboratoires aient
longtemps utilisé les unités anglo-saxonnes, notamment les degrés Fahrenheit, les psi…
101
100
0 100 200 300 400 500
Pression (MPa)
Figure 27 : comparaison de résultats obtenus sur le di-2-éthyl-hexyl sébacate.
Parmi les fluides que nous avons étudiés sous hautes pressions, le diester DOS (di-2-éthly-hexyl
sébacate) constitue un des rares cas où nous avons pu établir des bases fiables de comparaison.
Ce fluide a été en effet référencé dans le cadre de l’étude conduite par l’ASME (1953),
notamment à 25°C qui correspond à une des températures étudiées dans notre cas. Nous
disposons donc à la fois des données expérimentales et corrélées par un modèle, nommées
respectivement ASME 25°C brut et ASME 25°C calc. figure 27. D’autres données publiées par
une équipe japonaise (Izuchi 1986) sont également disponibles à une température très proche de
20°C. Il faut cependant souligner que pour les travaux réalisés dans le cadre du rapport ASME
comme pour ceux obtenus par l’équipe japonaise, le nom commercial cité pour le fluide n’est pas
le même que celui de notre échantillon. Une des conséquences que l’on peut imputer à cette
multiplicité de fournisseurs réside dans le fait que les viscosités à pression ambiante ne sont pas
identiques, d’où le choix fait figure 27 de ne reporter que des variations de viscosité relative avec
la pression.
A 20°C, les valeurs se confondent jusqu’à environ 250 MPa, puis l’écart entre nos résultats et
ceux de Izuchi croît selon une tendance inverse à celle à laquelle on se serait attendu : bien
qu’obtenues à une température légèrement supérieure, les valeurs reportées par l’équipe japonaise
deviennent sensiblement plus importantes que les nôtres.
A 25°C, nos résultats sont systématiquement supérieurs à ceux reportés dans le rapport ASME,
avec un écart qui s’amplifie progressivement, mais de manière limitée.
Finalement, ces comparaisons ne permettent pas de statuer définitivement sur la qualité des
résultats obtenus : fluides élaborés par des fournisseurs différents, écarts opposés aux 2
températures qu’il nous a été permis de comparer…, tout juste pouvons nous souligner le bon
agrément qualitatif entre ces différents travaux.
L’huile de base pour émulsions TIN a été également étudiée par Bair (Bair 1993). Les conditions
expérimentales étaient différentes des nôtres, mais il nous reste la possibilité de comparer les
En ce qui concerne le Z25, PFPE linéaire, nous pouvons, via la publication des paramètres de la
loi WLF modifiée, comparer α*. Pour situer des marges de variation sur les propriétés de ce type
de lubrifiant, notre expérience fait apparaître pour ce fluide des fluctuations de viscosité de +/-
15% autour de valeurs moyennes, établies à 0 et 60°C. L’échantillon utilisé par Bair et Winer
(1996) correspondait à un des lots de plus faible viscosité alors que celui que nous avons utilisé
pour les tests sous haute pression était à l’opposé un des plus visqueux. La comparaison des
résultats basée sur α* réduit les conséquences dues à la variabilité des échantillons, comme
l’indique le tableau ci dessous qui montre un très bon accord.
1.5 CONCLUSION
Tout le travail entrepris dans le domaine de la caractérisation sous haute pression des lubrifiants a
permis d’en évaluer une grande variété, dans un triple souci d’élargir la connaissance du
comportement de ces fluides dans ces conditions, de permettre une mise en forme des résultats
robuste et compatible avec les moyens de calcul et formalismes actuels et de répondre aux
nouvelles exigences posées par des contacts et des mécanismes sollicités de plus en plus
sévèrement.
Ces expériences nous ont permis de publier de nombreux résultats originaux, repris depuis par
d’autres équipes : caractérisation des changements de phase et piézoviscosité dans les bases
minérales, influence de la structure sur le comportement sous haute pression des huiles silicones
et des hydrocarbures de synthèse, étude sous températures négatives de bases synthétiques pour
applications spatiales, effets de la pression, de la température et de la composition sur des bases
et des émulsions de laminage… Cette activité est toujours vivante puisque des travaux sont en
cours, notamment pour étudier le comportement de mélanges huiles plus polymères destinés à la
lubrification des moteurs et boîtes de vitesses pour l’industrie automobile.
En s’appuyant sur un dispositif éprouvé, qui a bénéficié depuis sa mise en service de nombreuses
améliorations, nous sommes détenteurs à la fois d’un savoir-faire et de connaissances
pratiquement sans équivalent. Ces compétences doivent également aux opportunités qui nous ont
permis de nous ouvrir à des techniques et donc à des connaissances complémentaires aux moyens
mis en œuvre sous haute pression : rhéologie conventionnelle, analyses chimiques et physico-
chimiques, caractérisation structurale des lubrifiants, … Toutes ces méthodes résultent en fait
d’une demande issue d’autres régimes de lubrification - mixte ou limite - qui prennent place
notamment en présence de fluides complexes comme les graisses, les suspensions, les émulsions,
les mélanges huiles plus polymères… Ces points font l’objet des prochains chapitres.
2.1 Introduction....................................................................................................................... 62
2.2 Développement des outils expérimentaux ........................................................................ 63
2.2.1 Expression du besoin tribologique ................................................................................ 63
2.2.2 Situation par rapport aux moyens existants .................................................................. 64
2.2.3 Présentation de Jerotrib et de Pâris ............................................................................... 65
2.2.3.1 Tribomètre Jerotrib ................................................................................................... 65
2.2.3.2 Principe de mesure et Pâris ....................................................................................... 67
2.2.3.3 Validation.................................................................................................................. 68
2.3 Etude de bases minérales de laminage ............................................................................... 73
2.3.1 Résultats en roulement pur............................................................................................ 74
2.3.2 Résultats en roulement avec glissement........................................................................ 76
2.4 Comportement de fluides de synthèse .............................................................................. 78
2.4.1 Etude en roulement pur................................................................................................. 79
2.4.2 Etude en roulement avec glissement ............................................................................. 83
2.5 Conclusions ....................................................................................................................... 85
2.1 INTRODUCTION
Ce chapitre est consacré d’une part à la présentation d’outils expérimentaux développés au sein
de l'équipe et destinés à la mesure d’épaisseurs de films dans des contacts lubrifiés. D’autre part,
différents types de résultats seront présentés et analysés : d’abord des comparaisons avec d’autres
techniques sur des fluides de référence valideront nos outils. Puis le comportement d’autres
lubrifiants sera ensuite discuté.
L’épaisseur du film est considérée ici comme le paramètre d’entrée de l’analyse locale que nous
souhaitons mener. Le développement de moyens d’investigation autorisera ensuite l’accès aux
autres grandeurs ou sollicitations tribologiques réelles, par exemple la pression, le frottement ou
la température, qui seront abordées dans les perspectives de ce mémoire.
Ce volet de notre activité s’inscrit comme une contribution logique, sur les plans scientifiques et
intellectuels, au chapitre précédent. En effet, ayant caractérisé le comportement rhéologique du
lubrifiant d’une part et disposant des modèles numériques de la lubrification EHD d’autre part,
tous les éléments seront réunis pour que nous soyons en mesure de confronter épaisseurs
calculées et mesurées. A partir de ces comparaisons, il sera possible soit de discuter la justesse
des relations de l’EHD, soit la pertinence des paramètres rhéologiques choisis.
Par ailleurs, les techniques utilisées jusqu’alors pour établir le comportement rhéologique des
lubrifiants ont toujours buté sur l’impossibilité d’atteindre des taux de cisaillement suffisamment
élevés, représentatifs de ceux que l’on trouve dans les contacts réels. Cette limite pourra être
repoussée en utilisant le contact lubrifié comme cellule d’essai à forts taux de cisaillement.
L’analyse, tant sur les plans rhéologiques que tribologiques, de lubrifiants présentant un
comportement non-newtonien pourra donc être entreprise.
Finalement, en poussant les performances des outils développés à l'extrême, il nous sera possible
d’aborder la lubrification limite et de nous intéresser au régime de lubrification en film mince
(LFM), qui fera l’objet du chapitre 5 de cette deuxième partie.
Le plan de ce chapitre suit un déroulement chronologique qui peut être résumé par les étapes
suivantes :
- exposé du besoin sur le plan tribologique,
- traduction de ce besoin en performances recherchées,
- situation de ces performances par rapport aux moyens expérimentaux existant,
- présentation des outils et des techniques développés,
- validation des moyens mis au point par inter comparaisons,
- étude de bases minérales de laminage, puis de lubrifiants de synthèse.
Les résultats présentés dans les deux dernières étapes sont issus des travaux de Jérôme Molimard
en ce qui concerne l'étude de bases minérales, de Mario Marchetti (boursier CNES-Alcatel) sur le
comportement tribologique de fluides pour applications spatiales et d’Isabelle Jubault (allocataire
MENESR) qui a abordé d’autres investigations locales du contact lubrifié.
Les modèles numériques de la lubrification EHD mettent notamment en jeu des paramètres
rhéologiques du lubrifiant (viscosité et piézoviscosité), les vitesses des surfaces des premiers
corps et la charge appliquée au contact. Ainsi, il paraît évident que les facteurs à faire varier
dans un dispositif permettant la mesure d’épaisseurs de film sont les vitesses des deux
surfaces et la charge appliquée. Compte tenu de la grande sensibilité des paramètres
rhéologiques à la température, cette dernière grandeur vient s’ajouter aux facteurs évoqués
précédemment. Une régulation thermique rigoureuse du dispositif permet de s’affranchir
d’effets parasites indésirables, ayant pour origine une dissipation thermique non voulue et
donc perturbatrice. Finalement, dans la perspective de conduire une étude locale in situ, c’est
à dire être en mesure de déterminer l’épaisseur en tout point du contact dynamique, il est
nécessaire de disposer de moyens expérimentaux quantitatifs adaptés à cette contrainte.
La synthèse des exigences pour mettre en œuvre une mesure d’épaisseur de film dans les
contacts fortement chargés, en accord avec nos objectifs scientifiques, se résume ainsi :
1) pouvoir imposer la charge appliquée, les vitesses des surfaces, la température du fluide,
2) assurer l’écoulement isotherme du lubrifiant,
3) développer une technique de mesure couvrant la gamme des épaisseurs concernées,
4) accéder à l’épaisseur en tout point du contact.
1
Ce Contrat de Programme de Recherche a associé le CNRS, l'IRSID (Usinor), Pechiney Recherche, et a impliqué un
groupement de laboratoires implantés à l'Université Paris Sud (LMS), au Collège de France (LPMC), à l’ECL (LTDS),
à l’INSA de Lyon (LMC), à l’INPT (IMF), à l’ENSMP (Cemef) et au CNRS (SCA).
Le choix du premier ne souffre a priori pas de discussion dans la mesure où la plupart des
méthodes d’investigation in situ potentielles ou déjà opérationnelles font appel à des
techniques optiques, travaillant en général dans le visible ou le proche visible. En effet, ces
techniques nécessitant l’accès optique au contact donc l’utilisation d’une éprouvette
transparente, notre choix ne pouvait que se porter sur une configuration de type bille/disque
(ou bille/plan), classique en lubrification. La configuration du contact permet de simuler un
grand nombre de situations réelles, que ce soit au niveau des vitesses des surfaces, de la
charge appliquée et des rayons de courbure.
Cette architecture met en jeu une éprouvette transparente, le disque (ou plan), incontournable
pour l’accès optique. Si la conception mécanique du dispositif est bien réalisée, tout le demi-
espace supérieur du tribomètre est libre ce qui permet d’implanter les éléments constituant le
système de mesure.
Le choix d’une technique adaptée pour la mesure des épaisseurs de film a par contre fait
l’objet d’un choix moins évident, compte tenu d’une part du très grand nombre de principes
qui pouvaient être mis en œuvre et d’autre part à cause de nos exigences très élevées en
termes de gamme de mesure et de résolution.
Jérôme Molimard (1999) a présenté une revue bibliographique détaillée des techniques
employées pour la mesure des hauteurs de film : méthodes électriques (résistive, capacitive, à
tension de décharge, mesure d’impédance) et méthodes optiques (rayonnement X,
fluorescence, spectrométrie infrarouge et Raman, interférométrie) y sont décrites.
Pour l’interférométrie, après le rappel des principes et des premières utilisations historiques en
lubrification, Jérôme Molimard présente les derniers développements associés à cette
technique : par exemple l’utilisation d’une cale optiq ue, la discrimination des teintes par
spectrométrie ou par photodétecteur, l’introduction des techniques d’analyse d’images.
Il conclut par une synthèse, reprise partiellement dans le tableau 9, sur les performances
respectives des différentes méthodes appliquées en tribologie, et compare notamment leur
résolution en épaisseur, leur gamme de mesure et leur résolution spatiale.
Sur le plan des conditions de contact, on peut considérer que ce dispositif (ou simulateur)
permet de travailler dans des conditions modèles par rapport aux contacts réels puisque :
- la nature chimique des surfaces est différente (de l’acier 100C6 pour la bille ; du verre, du
saphir et, le plus souvent, du chrome 1 pour le disque),
- la microgéométrie des surfaces est représentative d’un poli optique de grande qualité
(rugosité résiduelle de quelques nanomètres pour chacune des éprouvettes),
- les rayons de courbures sont fixés une fois pour toutes ; il conviendra de s’appuyer sur les
formalismes existants pour transposer nos résultats à d’autres cas,
- le plus grand nombre de paramètres est maintenu constant dans le contact (glissement
relatif, température), notamment pour découpler et étudier séparément leur influence.
1
L’utilisation d’un mince revêtement de chrome ( 20 nm environ) permet d’augmenter le contraste des franges
d’interférences et facilite donc l’acquisition et le traitement des images.
Tous ces points ont été pris en compte pour choisir un principe de mesure et développer un
logiciel (nommé Pâris) de traitement des interférogrammes, dont 2 cas typiques sont reportés
figure 29 :
- à grande vitesse donc à grande épaisseur, on reconnaît la forme classique avec la zone de
constriction placée vers le bas, les zones d’épaisseur minimale sur les flancs du contact et
la zone centrale de couleur et donc de hauteur à peu près uniformes,
- à plus faible vitesse, la discrimination visuelle des différentes zones du contact est plus
difficile, y associer une teinte donc une épaisseur encore plus délicat. Sur ce plan, le
traitement numérique des interférogrammes offre des possibilités bien supérieures à ce
que l'observation humaine peut apporter.
Les bases physiques de la méthode, la justification des choix, la comparaison avec d’autres
principes, l’estimation des risques d’erreurs encourus et des incertitudes sont décrites en
détails dans la thèse de Jérôme Molimard (1999). Les réponses apportées point à point aux
critères énoncés précédemment ont été les suivantes :
Par ailleurs, le système optique adopté offre une résolution spatiale meilleure que 1 µm et
une possibilité d’acquisition dynamique suffisante pour capturer des images de bonne qualité
(obturateur réglable jusqu’à 1/5000 s). La méthode proposée s’appuie sur un étalonnage
réalisé à partir d’un contact statique lubrifié faiblement chargé : il s’agit, dans l’espace libre
occupé par le fluide qui borde la zone de contact, de relier les 3 composantes RVB de la
lumière aux hauteurs de film obtenues par un calcul de déformation élastique. Cette relation
est biunivoque : pour chaque hauteur, il n’existe qu’un seul triplet d’intensités RVB. Ainsi, le
dépouillement des interférogrammes est mené en recherchant, dans la table d’étalonnage, la
hauteur qui correspond aux 3 intensités caractéristiques de chaque point du contact. Pour
chaque couleur, un certain nombre de hauteurs possibles sont trouvées : l’intersection de ces
ensembles de solutions donne la hauteur de film lubrifiant au point considéré.
Ce processus peut être appliqué à l’ensemble des points situés dans la zone de contact (au
centre, en sortie, dans la zone d’épaisseur minimale…) permettant une cartographie complète
des épaisseurs avec une excellente résolution spatiale, ce qui constitue un avantage certain en
vue de l’analyse locale que nous souhaitons réaliser.
C’est donc une méthode d’évaluation d’épaisseurs de films lubrifiants tout à fait originale qui
a été mise au point et présentée au congrès Leeds-Lyon de 1998 (Molimard 1999). Par
rapport aux techniques concurrentes présentées dans le tableau 9, nous avons introduit
plusieurs nouveautés tant au niveau du processus d’étalonnage qu’au traitement direct des
plans de couleur RVB acquis par la caméra.
Une équipe de l’Université de Brno (République Tchèque) est venue travailler au LMC en
début d’année 1999 pour confronter sa propre technique, assez proche de la nôtre dans les
grands principes, ce qui a permis de comparer des résultats issus rigoureusement des mêmes
conditions d’essais. La confrontation des points de vue et des cultures différentes des
partenaires a permis à chacun de progresser. Les résultats qui vont être présentés ont été
obtenus après cette période et bénéficient donc des derniers raffinements mis au point.
2.2.3.3 Validation
Pour montrer la robustesse de la méthode et la valider, Jérôme Molimard a testé de
nombreuses configurations de contacts, secs dans un premier temps puis lubrifiés. Des
comparaisons ont été établies avec des modèles élastiques pour les premiers, avec des
modèles élastohydrodynamiques complets (travaux de A.A. Lubrecht) sur des profils
longitudinaux et transversaux pour les seconds. Ces comparaisons ont toutes débouché sur un
très bon accord entre valeurs mesurées et calculées.
Il semblait plus intéressant ici de rapporter des comparaisons établies avec nos collègues
tchèques d’abord (voir Hartl, Molimard et al, 2000), ainsi qu’avec le laboratoire de tribologie
d’Imperial College ensuite. Par ailleurs, cette partie consacrée à la validation de notre
méthode a été construite de manière à montrer une progression dans les moyens mis en
œuvre pour mesurer et comparer des épaisseurs de films lubrifiants :
- comparaison d’épaisseurs mesurées par 2 procédés, avec ou sans cale optique,
- tentative vers de très faibles épaisseurs et comparaison au moyen des modèles EHD,
- présentation de cartographies d’épaisseur du contact complet,
- confrontation avec la technique UTI, puis discussion sur des corrélations avec le
comportement rhéologique du lubrifiant.
Les propriétés des fluides étudiés sont présentées en détails dans les références déjà
mentionnées. Il s’agit du DOP (dioctylphtalate, un ester de synthèse), de l’hexadécane (un
alcane linéaire, C16 H34 ) et du squalane (alcane à chaîne ramifiée, C30 H62 ). Ces trois fluides,
de haute pureté, ont été sélectionnés parce que leurs propriétés physiques et rhéologiques
étaient connues et qu’ils avaient déjà fait l’objet d’études tribologiques, ce qui a permis de
cadrer a priori les expériences que nous pouvions réaliser.
1000
100
film thickness, nm
hc-LMC/INSA (SL)
hc-LMC/INSA (no SL)
hc-BUT (no SL)
hc-BUT (SL)
10 hmin-BUT (SL)
hmin-LMC/INSA (no SL)
hmin-LMC/INSA (SL)
hmin-BUT (no SL)
1
0.01 0.1 1 10
rolling speed, m/s
La figure 30 compare les épaisseurs mesurées au moyen de 2 techniques qui font appel à la
colorimétrie différentielle : celle développée à Brno qui s’appuie sur un étalonnage réalisé en
lumière monochromatique et une représentation L*a*b* de la lumière et la nôtre. Par contre,
les interférogrammes dynamiques qui ont servi à l’estimation des hauteurs sont les mêmes.
La comparaison ne concerne que le traitement des interférogrammes, donc ni le tribomètre ni
le capteur CCD de la caméra n’interviennent et ne peuvent être évalués ici.
Les résultats se superposent sur tout le domaine étudié (de 10 à 600 nm), tant pour les
épaisseurs au centre du contact que pour les épaisseurs minimales, ce qui est remarquable car
une dispersion due à la localisation du lieu d’épaisseur minimale inconnue a priori est
inévitablement introduite dans cette comparaison.
De plus, dans cette figure, on a superposé des valeurs obtenues avec et sans cale optique : il
s’agit d’une mince couche de silice (100 nm) déposée sur le chrome du disque et qui permet
d’obtenir un meilleur rapport signal/bruit aux faibles épaisseurs. On note d’abord que les
valeurs obtenues avec la cale optique se superposent puis prolongent les résultats obtenus
sans. On remarque ensuite qu’aux faibles épaisseurs, le très bon accord entre les deux
méthodes reste valable, pour l’épaisseur au centre et pour l’épaisseur minimale.
100
film thickness, nm
10
0.1
0.001 0.01 0.1 1 10
rolling speed, m/s
Les résultats, reportés figure 31, démontrent la capacité de notre méthode à mesurer des
épaisseurs très faibles. Contrairement aux travaux qui nous ont servi de référence, nous avons
aussi reporté l’épaisseur minimale (jusqu’à 2 nm). Ceci souligne l’intérêt d’un processus qui
permet le traitement de toute la surface du contact par opposition à une analyse ponctuelle,
plus simple à mettre en œuvre pour la recherche de l’épaisseur au centre, mais délicate en ce
qui concerne l’épaisseur minimale dont la localisation est difficile. Il faut rappeler que
l’épaisseur minimale constitue un critère vis-à-vis de l’endommagement possible du contact,
ce qui renforce l’intérêt d’en réaliser la mesure.
Par rapport à la figure précédente, deux droites ont été ajoutées : elles représentent les
épaisseurs calculées au moyen des relations d’Hamrock et Dowson (1977). Les paramètres
d’entrée sont les caractéristiques élastiques des solides, leurs rayons de courbure, la charge
normale, les vitesses des surfaces en contact et 2 caractéristiques rhéologiques du lubrifiant :
la viscosité et le coefficient de piézoviscosité, tous deux déterminés à la température qui
règne dans la zone d’entrée du contact. Si la viscosité a été mesurée, par contre le coefficient
de piézoviscosité a été tiré de la littérature (Ducoulombier et al, 1986). A 25°C, ces auteurs
trouvent 12.8 GPa-1, alors qu’une régression sur nos mesures d’épaisseurs au centre donne
1
Suggérée seulement car il faut imposer des charges, donc des pressions de contact plus importantes, pour observer un
élargissement de toute la zone de réduction d’épaisseur.
La dernière confrontation que nous présentons pour valider nos outils a été menée
simultanément au LMC et au laboratoire de tribologie d’Imperial College à Londres, où des
expériences ont été réalisées sur le même échantillon (le squalane), mais avec un autre
tribomètre et une méthode de mesure des épaisseurs différente : la technique UTI, pour Ultra
Thin Interferometry (Johnston 1991), qui requiert l’usage d’un spectromètre. En parallèle,
l’équipe de Brno a pu traiter les interférogrammes que nous avions acquis sur notre dispositif.
Ce sont donc 3 méthodes d’évaluation des hauteurs de film lubrifiant obtenues sur 2
tribomètres bille/disque qui sont comparées figure 33. Seule l’épaisseur au centre est reportée
puisque la méthode UTI ne permet pas d’accéder facilement à l’épaisseur minimale.
A partir des résultats sur le squalane, il est possible de pousser l’analyse en recherchant, par
au moyen de régressions basées sur la relation d’Hamrock et Dowson (1977), la valeur des
paramètres rhéologiques qui conduisent aux épaisseurs mesurées. Cette recherche a
finalement abouti à la définition de 3 domaines, voir figure 34 :
- le domaine des hautes vitesses (> 1 m/s) où les droites donnant la hauteur en fonction de
la vitesse s’infléchissent, tendance attribuée à la présence d’effets thermiques,
La viscosité dynamique trouvée par régression s’est avérée proche de la valeur mesurée à
l’aide d’un rhéomètre, respectivement 26 contre 28 mPa.s à 25°C. Le coefficient de
piézoviscosité déduit dans ces conditions vaut 16.6 GPa-1, alors que les valeurs tirées
d’approches similaires trouvées dans la littérature se situent sur une plage allant de 15.7 à
17.1 GPa-1. Les valeurs trouvées au moyen de régressions sur les relations d’Hamrock et
Dowson donnent donc des valeurs tout à fait réalistes, pour des vitesses comprises entre 0.01
et 1 m/s, soit des épaisseurs comprises entre 10 et 300 nm.
Les phénomènes mis en jeu dans le domaine des très faibles épaisseurs (inférieures à 10 nm)
n’obéissent plus à la mécanique classique des films minces. Le comportement du lubrifiant
dans ces conditions est fortement influencé par des effets physico-chimiques qui se
manifestent dans un régime de lubrification appelé régime limite. Cette extension du régime
de lubrification élastohydrodynamique fera l’objet du chapitre 5.
1000
100
film thickness, nm
10
0.1
0.0001 0.001 0.01 0.1 1 10
rolling speed, m/s
C’est donc pour répondre à ces deux besoins de caractérisation que nous avons d’une part
entrepris une étude rhéologique intensive des fluides concernés. D’autre part, nous avons étudié
leur aptitude à générer un film lubrifiant, dans des conditions simulant soit de fortes épaisseurs
(représentatives des "vallées"), soit de plus faibles (celles agissant sur les "plateaux"). Par
ailleurs, dans le souci de reproduire au mieux les conditions tribologiques du laminage, l’étude de
l’influence du glissement a été réalisée.
D’une manière générale, on note un bon accord entre résultats expérimentaux et valeurs
calculées, mais il convient de formuler les remarques suivantes :
- Pour la base CPRI, on note d’abord sa capacité à former un film lubrifiant jusqu’à des
épaisseurs situées en deçà de nos capacités expérimentales. Les tendances montrées par hc
et hmin suivent bien les prédictions du modèle, à ceci près que l’analyse par régression des
valeurs expérimentales montre que α*, issu des caractérisations rhéologiques, serait sous
estimé. Selon les approches et suivant le domaine d’épaisseurs considéré, on déduit des
mesures d’épaisseur une valeur comprise entre 19 GPa-1 (Hartl et al, 2001) et 22 GPa-1
(Molimard et al, 2001), contre 17.3 GPa-1 dans le tableau 10.
- Avec le fluide CPRP à 25°C, un bon accord sur α* est trouvé (10.3 pour 10.7 GPa-1) en
considérant uniquement le domaine des vitesses supérieures à 0.3 m/s. Par contre, en deçà
de cette vitesse, on observe un écart entre mesure et calcul.
1000
100
Epaisseur (nm)
10
hc mesurée
hmin mesurée
1 hc H&D
hmin H&D
0,1
0,001 0,01 0,1 1
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 35 : épaisseurs au centre et minimales mesurées et calculées avec l’huile
CPRI en roulement pur, à 50°C et 0.5 GPa.
1000
h c mesurée
h min mesurée
h c H&D
100
h min H&D
Epaisseur (nm)
10
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 36 : épaisseurs au centre et minimales mesurées et calculées avec l’huile
CPRP en roulement pur, à 25°C et 0.5 GPa.
h c mesurée
h min mesurée
100 h c H&D
h min H&D
Epaisseurs (nm)
10
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 37 : épaisseurs au centre et minimales mesurées et calculées avec l’huile
CPRP en roulement pur, à 40°C et 0.5 GPa.
En conclusion de cette partie et dans les limites de validité des modèles de la lubrification
élastohydrodynamique, les hauteurs de film expérimentales sont proches des hauteurs de film
évaluées par ces modèles, utilisés avec les valeurs de viscosité et de piézoviscosité mesurées.
La détermination d’une piézoviscosité effective à partir des essais de tribométrie semble
délicate compte tenu de la sensibilité de ce paramètre aux différentes incertitudes et de la
qualité des approximations numériques utilisées.
Sur cette base de résultats, Molimard (1999) a aussi montré que des modèles plus récents
proposés respectivement par Nijenbanning et al (1994) et Chevalier (1996) étaient mieux
adaptés pour prédire les épaisseurs au centre et minimale.
1000
hc 1.6 m/s
hmin 1.6 m/s
hc 0.56 m/s
hmin 0.56 m/s
hc 0.056 m/s
hmin 0.056 m/s
Epaisseur (nm)
100
10
Les valeurs obtenues mettent en lumière deux aspects à prendre en compte dans l’analyse de
ce type de résultats.
D’abord, si l’épaisseur reste constante, c’est que le fluide présente un comportement
newtonien. Sa viscosité est insensible au taux de cisaillement présent dans la zone d’entrée du
contact et qui varie dans ces conditions entre 10+5 et 10+7 s-1. Pour ce qui est de l’huile
minérale CPRI, des tests rhéologiques menés à 25, 50 et 75°C avec des taux de cisaillement
atteignant 10+5 s-1 prédisaient partiellement ce comportement.
Ensuite, la notion de glissement est généralement associée au phénomène d’auto-
échauffement du lubrifiant, responsable d’une diminution de l’épaisseur du film souvent
reportée dans la littérature. Nos résultats prouvent que cette analyse n’est pas rigoureuse : en
effet, si physiquement un auto échauffement du fluide est vraisemblable et donc inévitable, il
est quand même possible d’en réduire les conséquences par une conception adaptée du
dispositif. Sur Jerotrib, la température du bac emprisonnant l’huile et les deux éprouvettes est
rigoureusement imposée et contrôlée, mais c’est également vrai pour la température des deux
broches supportant les éprouvettes. Ainsi, non seulement les différentes pièces sont soumises
à une température uniforme, ce qui assure un guidage de haute qualité quelle que soit sa
valeur, mais par conduction les deux surfaces en contact sont amenées à une température très
proche de celle de l’huile, ce qui limite considérablement les flux et donc les gradients.
Dans cette problématique, l’alimentation du contact joue un rôle également et il convient de
mettre en jeu un volume adapté de lubrifiant, qui résulte d’un compromis entre deux risques ;
désalimenter le contact par des effets inertiels si ce volume devient insuffisant ou provoquer
un échauffement excessif par la sur alimentation de la zone d’entrée si le volume entraîné est
trop important.
Les aspects développés ci-dessus mettent en lumière l’intérêt de la démarche mise en œuvre :
d’une part la corrélation forte entre grandeurs rhéologiques et tribologiques au moyen d’outils
numériques qui permettent aussi une validation des techniques d’investigation ; d’autre part
l’intérêt de développer et de disposer d’outils expérimentaux qui permettent de découpler les
paramètres importants, d’analyser des réponses et de proposer ou de valider des modèles.
Dans le détail, on remarque que hc et hmin suivent des tendances presque parallèles et que les
résultats sont conformes aux phénomènes physiques mis en jeu. Rappelons que les modèles
EHD ne prédisent pas de variation d’épaisseur en fonction du taux de glissement tant que les
autres paramètres du contact sont maintenus constants et notamment la vitesse
d’entraînement. A faibles comme à fortes vitesses, cette prédiction est bien vérifiée.
Les trois lubrifiants retenus dans ce chapitre illustrent bien les arguments développés ci-dessus.
Les huiles synthétiques PENNZ et Z25 sont les deux seuls fluides de base utilisés pour la
lubrification de mécanismes de satellites. Malgré un rôle critique qu’ils jouent vis-à-vis du
fonctionnement de mécanismes aussi essentiels pour la vie propre des satellites (gyroscopes,
senseurs de terre, roues inertielles) que pour l’instrumentation à l’origine de leurs missions
(mécanismes de pointage, de guidage, de focalisation ), leur comportement en film mince a été
assez peu étudié. Ceci est d’autant plus étonnant que leur structure chimique très spécifique peut
conduire à des comportements tribologiques particuliers, notamment aux basses vitesses qui sont
typiques de leur domaine d’application en instrumentation. Dans l’équipe et en collaboration
étroite avec le CNES, ces deux fluides ont été intensément étudiés en s’appuyant sur des analyses
chimiques et physico-chimiques, rhéologiques, migratoires et donc tribologiques en film mince.
Le 5P4E est, quant à lui, un cas à part. Développé à la fin années 50 pour la lubrification des
pompes à vide, ce fluide va s’imposer comme lubrifiant de référence dans les travaux de
recherche ayant comme objectif de faire le lien entre grandeurs rhéologiques et tribologiques. De
nombreuses équipes ont donc utilisé le 5P4E comme fluide modèle pour approcher et tenter de
modéliser le comportement du lubrifiant dans le contact. La raison de ce choix se situe dans la
très forte influence de la pression sur son comportement rhéologique : par exemple, à 25°C, le
coefficient de piézoviscosité du 5P4E est de l’ordre de 46 GPa-1, ce qui représente une valeur au
moins double de celles rencontrées habituellement. Ainsi en rhéologie haute pression, il n’est pas
nécessaire d’imposer des pressions très importantes (< 0.7GPa) pour atteindre des niveaux de
contrainte ou de viscosité très élevés. On évite ainsi les difficultés liées au développement
d'équipements supportant des pressions supérieures. Les données reportées en annexe 2 montrent
que les propriétés du 5P4E sont également très sensibles à la température.
1000
100
Epaisseur (nm)
10 hc mesurée
hmin mesurée
hc H&D
hmin H&D
1 hc Moes
hmin Chevalier
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 39 : épaisseurs de film mesurées et calculées avec le lubrifiant PENNZ, à
60°C et 0.5 GPa.
Pour le fluide PENNZ, on note que l’épaisseur au centre suit une tendance très proche de
celles données par les deux modèles de Moes et Hamrock - Dowson, et ce, jusqu’à des
épaisseurs très faibles, de l’ordre de quelques nanomètres. Les modèles utilisés comme les
paramètres rhéologiques introduits (µ = 0.04 Pa.s et α* = 14.6 GPa-1) sont donc aptes à
décrire les variations de l’épaisseur au centre en fonction de la vitesse d’entraînement. Une
régression sur les résultats obtenus entre quelques mm/s et 1 m/s fait apparaître un exposant
égal à 0.65 (Marchetti 2000) contre 0.67 d’après Hamrock et Dowson.
En ce qui concerne les épaisseurs minimales, on note tout d’abord que les 2 modèles utilisés
n’indiquent pas les mêmes tendances : plus précisément, Hamrock et Dowson prédisent un
rapport hc/hmin presque constant alors que le modèle de Chevalier (1996) prédit que hmin chute
plus vite que hc lorsque la vitesse d’entraînement diminue. Ceci paraît d’ailleurs en bon
accord avec nos résultats expérimentaux, pour des épaisseurs minimales jusqu’à 10 nm
environ. Au-delà, d’une part on sort du domaine dans lequel le modèle a été établi et d’autre
part, on note un net infléchissement des résultats, puis l’impossibilité de mesurer une
épaisseur minimale détectable par notre technique.
1000
100
Epaisseur (nm)
hc mesurée
hmin mesurée
10
hc H&D
hmin H&D
hc Moes
hmin Chevalier
1
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 40 : épaisseurs de film mesurées et calculées avec le Z25, à 60°C et 0.5 GPa.
Le cas du Z25 présenté figure 40 est différent. On remarque tout d’abord l’incapacité des
modèles à prédire les variations de hc comme de hmin , en fonction de la vitesse d’entraînement.
Une régression sur l’ensemble des hauteurs au centre fait apparaître un exposant égal à 0.59,
donc assez éloigné de 0.67, valeur donnée par Hamrock et Dowson. Ceci est la manifestation
d’un comportement rhéologique fluidifiant du Z25 dans la zone d’entrée du contact.
En complément des travaux déjà réalisés au sein de l’équipe, nous nous sommes associés à
Scott Bair (Georgia Tech, Atlanta) pour, d’une part, faire indépendamment la preuve en
rhéométrie haute pression du comportement non-newtonien du Z25 (illustré figure 41) et,
d’autre part, établir et introduire un modèle rhéologique complet pour calculer des épaisseurs
au centre (Bair, Vergne, Marchetti, 2002). La relation WLF a été couplée à la loi de Carreau
pour donner un modèle généralisé de viscosité fonction de la pression, de la température et de
la contrainte de cisaillement. Les premiers résultats obtenus en termes d’épaisseurs au centre
en roulement pur sont satisfaisants (voir l'origine des courbes de la figure reportée dans la
troisième partie, dédiée aux conclusions et perspectives).
Dans la figure 41, le comportement non-newtonien du Z25 se distingue par la variation de sa
viscosité généralisée en fonction de la contrainte de cisaillement appliquée, ce qui n’est pas le
cas pour le fluide PENNZ.
Ces confrontations ne remettent en cause ni l’intérêt et l’utilité des mesures rhéologiques sous
haute pression, ni la pertinence de α* (pour le Z25, 17.9 GPa-1 à 60°C). La difficulté
supplémentaire vient dans la caractérisation du lubrifiant dans un domaine de contraintes où il
peut montrer un comportement fluidifiant, domaine plus facilement accessible sous pression.
Par contre, comme le souligne Jones (1993), la démarche qui consiste à déduire α des
mesures d’épaisseurs de film s’avère ici complètement défaillante : par exemple pour le Z25 à
60°C, Jones cite une valeur trouvée par Spikes proche de 8 GPa-1, ce qui est très éloigné de la
valeur réelle.
Ce qui a été observé pour les épaisseurs au centre s’applique aussi aux épaisseurs minimales.
Les modèles newtoniens sont donc pris en défaut. Ce qui paraît plus surprenant est observé
aux plus faibles vitesses ( < 7 mm/s) où l’on note une chute plus importante de l’épaisseur
minimale, accompagnée également d’une légère surépaisseur sur hc. Plusieurs hypothèses ont
été envisagées par Mario Marchetti sans qu’il ait pu en dégager et en justifier une plus
vraisemblable que les autres.
Les expériences menées sur le 5P4E présentent la particularité d’avoir été justifiées et
réalisées dans le souci de préparer l’analyse in situ du champ de pression dans les contacts
lubrifiés, objectif de la thèse d’Isabelle Jubault (2002). La pression dans le contact étant
directement dépendante de la charge appliquée, c’est sur l’influence de ce dernier paramètre
que nous nous sommes focalisés. Ainsi, deux paramètres (la vitesse et la charge) pouvant
varier indépendamment au cours d’un essai, nous avons reporté séparément les épaisseurs au
centre (figure 42) et les épaisseurs minimales (figure 43).
Les expériences se sont déroulées à 50°C pour d’une part s’affranchir un peu de l’énorme
dépendance des propriétés rhéologiques du 5P4E avec la température lorsque cette dernière
est proche de l’ambiante. D’autre part, ce choix était imposé par notre volonté de couvrir un
domaine de vitesses, donc d’épaisseurs, compatible avec l’étendue de mesure de
l’interférométrie en lumière blanche ( h < 800 nm). Les données rhéologiques introduites dans
les modèles ont été mesurées (la viscosité dynamique) ou tirées de la littérature (α* d’après
Yasutomi et al, 1984).
500
400 hc exp.8.4N
Epaisseur (nm)
hc exp.17N
hc exp.53N
300
hc exp.124N
hc exp.237N
H&D 8.4N
100
0,1 1
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 42 : effets de la vitesse d’entraînement et de la charge appliquée sur
l’épaisseur au centre dans le 5P4E à 50°C.
600
500
400
300
Epaisseur (nm)
Les épaisseurs au centre mesurées sont très proches des valeurs calculées au moyen de la loi
d’Hamrock et Dowson, pour des charges variant d’un facteur 30 qui donnent des pressions de
Hertz comprises entre 0.6 et 1.8 GPa. Ce bon accord confirme la justesse des paramètres
rhéologiques retenus et montre que le 5P4E se comporte, dans nos conditions, comme un
fluide newtonien dans la zone d’entrée du contact. Par contre, le modèle de Moes ne rend pas
correctement compte de l’effet de la charge appliquée.
400
hc PENNZ 0.45 m/s
hmin PENNZ 0.45 m/s
hc Z25 0.4 m/s
hmin Z25 0.4 m/s
300
hc Z25 0.09 m/s
Epaisseur (nm)
200
100
0
0 40 80 120 160 200
Taux de glissement (%)
Figure 44 : épaisseurs de films en roulement avec glissement dans les fluides Z25 et
PENNZ, à 60°C et 0.5 GPa.
Le Z25 a d’abord été testé dans des conditions telles que l’épaisseur au centre générée en
roulement pur soit proche de celle mesurée avec le fluide précédent, ce qui correspond à une
vitesse de 0.09 m/s. Les valeurs reportées (4 mesures par condition) montrent qu’avec le Z25,
l’épaisseur au centre diminue continûment lorsque le taux de glissement augmente. Compte
tenu des propriétés respectives du Z25 et du PENNZ, on ne peut pas attribuer cette variation
d’épaisseur à des effets thermiques car ceux ci auraient dû alors se manifester de façon
beaucoup plus évidente dans le cas précédent. Sachant qu’en roulement pur un comportement
fluidifiant du Z25 a déjà été mis en évidence, on ne peut que penser qu’un comportement du
même type est à l’origine des nos observations.
Pour étayer cette hypothèse, d’autres expériences ont été conduites, à une vitesse
d’entraînement plus importante de 0.4 m/s. Les résultats issus des 2 conditions (0.09 et 0.4
m/s, 60°C, 0.5 GPa) ont été traités de manière à calculer la viscosité effective à l’origine des
hauteurs au centre mesurées, en affectant un coefficient de 0.59 au lieu de 0.67 dans la
relation d’Hamrock et Dowson. Ces viscosités effectives ont été ensuite reliées au taux de
cisaillement qui règne dans le convergent (Marchetti, 2000), en s’appuyant sur des travaux
antérieurs en EHD. Les résultats obtenus sont reportés figure 45. On leur a adjoint des valeurs
de viscosité mesurées à pression ambiante à l’aide d’une cellule d’essais rhéologiques à forts
taux de cisaillement (présentée annexe 1) et à des températures qui encadrent 60°C.
0,30
Z25 60°C 0.4m/s
Données rhéologiques Z25 60°C 0.09m/s
Z25 50°C
0,25
Z25 75°C
PENNZ 60°C 0.45m/s
PENNZ 50°C
0,20 PENNZ 75°C
Viscosité (Pa.s)
0,15
0,10
0,05
Données tribogiques
0,00
10 2 10 3 104 105 10 6 10 7
-1
Taux de cisaillement (s )
Figure 45 : viscosités mesurées et déduites de mesures d’épaisseur de film.
Il est d’abord remarquable que les valeurs des viscosités effectives du Z25 déduites des deux
vitesses d’entraînement se superposent très correctement. En effet, les expériences en
roulement avec glissement sont bien plus délicates à mener que celles en roulement pur. Les
matériels et notamment les surfaces des éprouvettes sont fortement sollicitées et lorsque le
Dans le cas du fluide PENNZ, on trouve à 60°C une viscosité effective constante et égale à
celle interpolée entre 50 et 70°C, à partir des mesures rhéologiques menées à pression
ambiante.
Des essais similaires ont été menés avec le 5P4E, toujours avec le souci d’étudier en parallèle
l’effet de la charge imposée. Les résultats, obtenus récemment, font actuellement l’objet d’une
analyse détaillée par Isabelle Jubault.
2.5 CONCLUSIONS
Quelques repères chronologiques pour introduire nos conclusions :
- Le démarrage effectif de l’étude de Jerotrib et de la mise en œuvre des principes de mesure
associés a eu lieu au début de l’année 1995.
- Début 2002, rédaction dans ce mémoire d’une première synthèse des résultats marquants
obtenus, y compris ceux présentés en perspectives.
Durant ces 7 années, c’est une équipe composée de doctorants, d’ingénieurs et de chercheurs, qui
a collaboré pour développer des outils innovants et performants. Ces derniers ont été présentés au
cours de l’année 1999, à l’occasion de la thèse de Jérôme Molimard et de la publication de nos
premiers articles sur le sujet. Depuis, des améliorations sans cesse apportées ont permis non
seulement d’atteindre les objectifs ambitieux que nous nous étions fixés, mais d’aller au-delà au
point que nous envisageons maintenant d’autres thèmes de recherche à aborder.
Les analyses que nous avons présentées dans ce chapitre s’appuient sur des résultats numériques
issus de plusieurs modèles de la lubrification EHD. Compte tenu des gammes balayées, les
simulations expérimentales ont couvert des plages plus étendues que les domaines de validité des
modèles de l’EHD, eux-mêmes constituant des approximations de solutions numériques
complètes. Ainsi, il convient de rester mesuré quant aux conclusions tirées des confrontations
entre résultats expérimentaux et valeurs calculées, parfois extrapolées.
Le premier objectif que nous nous étions fixé concernait le lien entre comportements rhéologique
et tribologique, centré sur le paramètre épaisseur de film. A l’issue de cette première synthèse, on
retient que si la viscosité dynamique du fluide à la température qui règne à l’entrée du contact
intervient conformément aux prédictions, la situation est plus confuse pour le coefficient de
piézoviscosité. Dans une majorité de cas, on trouve que α* permet une approche satisfaisante des
épaisseurs générées. Cependant des écarts subsistent et laissent penser que d’autres phénomènes
physiques (la compressibilité du lubrifiant) pourraient jouer un rôle.
A contrario, la déduction d’un coefficient de piézoviscosité effectif à partir d’une courbe
expérimentale épaisseurs – vitesses n’offre pas de garanties suffisantes pour appliquer ensuite ce
coefficient à d’autres situations.
La possibilité d’accéder en toutes circonstances à l’épaisseur minimale s’est révélée d’un grand
intérêt. Dans un premier temps, la connaissance simultanée de l’épaisseur au centre et de
l’épaisseur minimale permet d’appréhender le couplage élastohydrodynamique et donc d’entrer
de plein pied dans les mécanismes mis en jeu dans la lubrification en film mince.
Ensuite, comme nous l’avons déjà dit, ce paramètre peut et doit être considéré comme critique
vis-à-vis de l’endommagement potentiel des surfaces car il est lié à la pression maximale.
Enfin, la possibilité de cartographier l’épaisseur du film sur toute la surface du contact présente
un intérêt scientifique évident lorsqu’il s’agit d’étudier le comportement des lubrifiants en films
très minces. Jusqu’alors, les travaux se sont toujours appuyés sur l’épaisseur au centre, donc sur
une surface d’analyse assez restreinte et peu représentative des sollicitations les plus sévères.
Les résultats obtenus avec le Z25 ont permis d’aborder l’étude tribologique de lubrifiants
présentant un comportement non newtonien. Les valeurs mesurées en roulement avec glissement
sont venues confirmer les tendances suggérées à l’issue des expériences conduites en roulement
pur. Des caractérisations rhéologiques indépendantes, menées en collaboration avec Scott Bair,
sont depuis venues confirmer le comportement fluidifiant du Z25.
Pour clore ce chapitre, il convient d’évoquer les perspectives suscitées par les travaux qui
viennent d’être reportés.
§ En premier lieu, l’étude des lubrifiants additivés et plus particulièrement leur comportement
en films très minces (épaisseurs < 50 nm), bien que partiellement abordé dans le chapitre 5,
constitue une priorité dans des domaines tels que la tribologie du laminage, la lubrification à
la graisse, le comportement des additifs polymères…
§ A la suite de ses travaux expérimentaux, Jérôme Molimard a proposé une méthode de calcul
du champ de pression dans un contact lubrifié à partir de la connaissance du champ
d’épaisseur (Molimard et al 2000). Cette méthode originale s’appuie sur des techniques de
transformées de Fourrier rapides (FFT) qui limitent considérablement les temps de calcul.
Nous verrons que cette approche peut s’avérer extrêmement utile dans la mesure où elle nous
permet d’accéder à la pression locale dans le domaine des faibles épaisseurs, domaine
impossible à étudier avec les outils expérimentaux que nous mettons en œuvre.
§ Dernier point, en cours de réalisation dans le cadre d’une ACI1 menée avec plusieurs
laboratoires de tribologie : il s’agit d’aborder le frottement généré à l’interface d’un contact
lubrifié, à la fois par une approche globale et au moyen d’une analyse locale in situ. La
démarche envisagée consisterait à lier ces deux approches tribologiques au comportement
rhéologique réel du lubrifiant, dans le domaine des fortes contraintes cette fois.
1
ACI : Action Concertée Incitative « Surfaces et Interfaces » à l’initiative du MENRT et qui associe dans notre projet le
LTDS de l’ Ecole Centrale de Lyon, le GTSI de l’ Université Antilles Guyane et le LMC de l’INSA de Lyon.
Sommaire
Ces situations ont deux origines, indépendantes quant à leur nature mais qui peuvent présenter
des synergies : d’une part l’augmentation de la sévérité des conditions de contact, d’autre part la
structure et la composition du lubrifiant. En effet, ces régimes de lubrification sont fréquemment
associés à l’utilisation de lubrifiants multiphasiques dont la composition et la structure physique
évoluent durant le fonctionnement d’un mécanisme. Ces évolutions conduisent à une
modification profonde des conditions d’alimentation ou de réalimentation du contact en
lubrifiant, qui se manifeste par un fonctionnement en "régime appauvri". Ce régime est tributaire
non plus des propriétés volumiques du lubrifiant mais plutôt des interactions physico-chimiques
entre les surfaces et le lubrifiant encore présent, et des interactions plus directes entre les
surfaces, cette fois au niveau de leur micro géométrie. Ce dernier point se rattache plus au
domaine de la tribochimie, qui se situe au-delà de notre domaine de compétences.
Un certain nombre de mots clés ont été évoqué précédemment : lubrifiants multiphasiques,
alimentation et réalimentation du contact, régime appauvri, interactions physico-chimiques,
évolution du lubrifiant, structure et composition du lubrifiant. C’est à partir de ces notions et des
questions qu’elles nous posent en tant que tribologues que s’est mise en place la démarche
d’analyse présentée dans la première partie et que nous appliquerons dans la suite.
Chaque chapitre de cette partie est structuré de manière à présenter une progression dans les
approches, que ce soit au niveau du type de lubrifiant considéré, au niveau des techniques mises
en œuvre et de la finesse des analyses.
Ainsi, nous débuterons par la présentation de travaux réalisés sur des suspensions lubrifiantes,
utilisées dans le domaine spatial. Le problème de la réalimentation du contact et des relations
structure/composition/comportement rhéologique seront particulièrement analysés. Le
comportement tribologique sera abordé au travers de mesures de frottement seulement.
Nous nous intéresserons ensuite aux graisses, pour lesquelles les suspensions peuvent être
perçues comme des fluides modèles. Ces graisses seront analysées via des caractérisations
chimiques, structurales, physico-chimiques et enfin rhéologiques. Leur vieillissement sera étudié
en relation avec leurs propriétés initiales. Pour finir, l’étude tribologique sera conduite dans la
perspective de cerner les facteurs favorables à la formation d’un film stable et d’identifier la
nature de la phase effectivement lubrifiante.
Un des moyens employés pour réduire le risque d’endommagement a résidé dans l’utilisation de
suspensions lubrifiantes (appelées graisses synthétiques) : il s’agissait d’huiles fluorées épaissies
de polytétrafluoroéthylène (PTFE) et parfois de bisulfure de molybdène (MoS2 ). Ces suspensions
ont été conçues dès la fin des années 1960 pour limiter les fuites migratoires des lubrifiants (rôle
de barrière physique) et permettre aux épaississants de suppléer l’huile en cas de régime très
appauvri (action de lubrifiant relais). Leur tenue au vide, leur stabilité chimique et thermique en
ont fait des lubrifiants très utilisés qui présentent un seuil d’écoulement et un comportement
rhéologique fluidifiant. Aucune démarche particulière de caractérisation liée au problème de la
réalimentation ne transparaît dans la littérature pour ces produits, que ce soit par des approches
locales, globales ou matériaux.
Dès la fin des années 1980 le CNES, en partenariat avec le LMC, entreprend une évaluation des
lubrifiants déjà utilisés (principalement aux U.S.A.) ou potentiels pour promouvoir la
lubrification fluide dans les mécanismes de satellites. Les principaux résultats acquis à l’issue de
ces travaux se résument comme suit (Sicre 1992 et 1994) :
- les huiles et suspensions Krytox sont inutilisables à faible température car trop visqueuses,
leur choix initial se justifiant par leur faible taux de dégazage,
- l’huile Z25 possède des propriétés remarquables, alliant un point de congélation et une
pression de vapeur très bas, une stabilité thermique et une inertie chimique excellentes : le
principal problème lié à son utilisation, par ailleurs déjà bien effective, reste son
comportement en lubrification mixte où il peut se dégrader,
- l’huile PENNZ présente également des propriétés physiques excellentes, en retrait toutefois
du Z25 qui semble incontournable pour des applications à basses et à hautes températures : ce
lubrifiant ne se dégrade pas sous conditions sévères, il peut admettre l’adjonction d’additifs
mais, étant récent, il doit faire ses preuves dans le domaine,
Une étude abordant les aspects rhéologiques et migratoires des lubrifiants spatiaux semblait donc
pertinente. Pour cela, on devait tenir compte de l’environnement particulier : les fluides doivent
répondre aux exigences qu’entraîne un fonctionnement sous vide poussé pendant une durée de
vie de 10-15 ans sur une large plage de température (-30 à +80°C). C’est pourquoi une étude
tribologique orientée sur les problèmes de réalimentation s’avérait également nécessaire.
La 1ère lettre désigne La 2ème lettre désigne le Le nombre suivant Pour finir :
l’huile de base : type de PTFE utilisé : donne
Z pour Z25 V faible polymérisation la concentration -0 signifie sans MoS2
P pour PENNZ A poudre sèche volumique en PTFE -1 signifie 1% de MoS2
Exemples :
Z V 10,2 - 1
P V 8,8 - 0
Tableau 9 : nomenclature utilisée pour désigner les suspensions lubrifiantes
Il était admis que la rhéologie du lubrifiant joue un rôle important dans la réalimentation. Cette
fois l’étude rhéologique visait à déterminer l’influence de chaque constituant du lubrifiant à
travers les paramètres suivants : nature et viscosité de l’huile de base, nature, granulométrie et
concentration des épaississants. Les caractéristiques rhéologiques étudiés ont été :
- le seuil d’écoulement, ou contrainte représentative de la sollicitation à transmettre pour
imposer l’écoulement du matériau, très importante vis à vis de la réalimentation puisque
directement lié à la mobilité du lubrifiant mais aussi lors de la mise en mouvement du
mécanisme pour éviter le risque de blocage par collage des pièces (surtout à froid),
- la viscosité apparente, rapport de la contrainte au taux de cisaillement, qui donne une
approche qualitative de la force et/ou du couple résistant généré par le lubrifiant dans un
mécanisme,
Le lubrifiant est présent en très faible quantité dans un mécanisme, bien que celui-ci doive
fonctionner pendant une longue durée. Il est donc nécessaire d’en limiter les pertes au minimum.
Hormis la vaporisation, la cause majeure de ces pertes est due à la migration sur les surfaces,
principalement d’origine thermocapillaire. Un dispositif original a été développé pour étudier la
migration des huiles ou des suspensions. En sus des propriétés intrinsèques aux lubrifiants, il a
été possible de faire varier l’amplitude et l’orientation des rugosités ainsi que la nature chimique
des surfaces. L’action de films barrière a été également évaluée, puisque leur rôle est justement
de confiner le lubrifiant au voisinage des zones d’intérêt tribologique. Par opposition à l’analyse
rhéologique précédente, c’est une approche surfacique du comportement du lubrifiant vis à vis de
la réalimentation du contact qui a été menée.
Dernier volet de ce travail, des simulations tribologiques ont été conduites dans des conditions
similaires à celles appliquées antérieurement aux lubrifiants commerciaux. Deux aspects ont été
particulièrement étudiés : la recherche de corrélations entre les propriétés tribologiques et la
composition des lubrifiants, et le suivi de la réalimentation du contact en s’appuyant sur des
essais de visualisation, éventuellement en présence de films barrière.
1000 PVm-1
ZVn-1
ZAp-1
PAq-1
Seuil (Pa)
100
10
4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26
1000 PVx-1
ZVy-1
PVs-0
Seuil d'écoulement (Pa)
ZVt-0
100
10
6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
L’explication finalement proposée pour expliquer ces résultats tient dans une variation
supposée de l’épaississement géométrique avec la concentration (Vergne et Prat 1997). Ces
considérations géométriques sont basées sur le calcul des intervalles libres moyens entre
particules, déterminés à partir de la granulométrie réelle des épaississants. On considère par
ailleurs que la composante physico-chimique des interactions reste constante. Ce point a été
justifié lorsque d’autres scénarios ont été envisagés (Prat 1997).
Plaçons-nous dans le cas d’un modèle cubique centré pour décrire l’empilement des particules,
situation qui permet de tenir un raisonnement didactique qui peut s’appliquer à tout autre
modèle d’ordonnancement des particules. A faible concentration, la distance interparticulaire
permet aux particules de MoS2 de s’immiscer dans le réseau de PTFE V, qui confère d’ailleurs
aux produits PVs-0 et ZVt-0 une certaine rigidité, comme en témoignent leurs valeurs de seuil.
De ce fait, l’ajout de MoS2 doit plus être considéré comme un renforcement de la structure que
comme un épaississement. Lorsque la concentration en PTFE V augmente, la taille des
interstices est réduite et l’introduction de particules de MoS2 déforme certaines branches ou
liaisons du réseau qui s’en trouvent fragilisés, comme montré figure 50.
Figure 50 : insertion d’une particule de MoS2 dans un réseau cubique centré de PTFE V, à faible
concentration à gauche (rigidification) et à forte concentration à droite (déformation).
1000 PVx-1
ZVy-1
PTFE V + huile PVs-0
ZVt-0
Seuil PTFE +huile +MoS2
100
Concentration volumique 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18
Figure 51 : décomposition des forces entraînant une discontinuité dans l’ajout de MoS2 (à g.)
et représentation des valeurs de seuil en prenant en compte cette discontinuité (à d.).
1000
ZV15,3-1
ZA24,7-1
PV13.3-1
PA23-1
Viscosité apparente (Pa.s)
100
10
1
1 10 100 1000
-1 -1
Taux de cisaillement
Vitesse de cisaillement(s(s))
La figure 53 présente l’intérêt de comparer des résultats obtenus pour 2 couples de suspensions
de type PVx-1 et ZVy-1, de concentrations très proches. A faible vitesse de cisaillement, on
retrouve les tendances déjà dégagées à partir des mesures de seuil d’écoulement : les produits
PVx-1 montrent, à concentration en PTFE égale, une viscosité apparente plus élevée. Par
contre, aux plus forts taux de cisaillement, la tendance s’inverse et il apparaît bien que les
propriétés de l’huile de base interviennent, l’huile fluorée Z25 ayant une viscosité plus
importante à 20°C que l’hydrocarbure synthétique PENNZ.
PV8,2-1
ZV8.2-1
PV11,5-1
Viscosité apparente (Pa.s) ZV11,4-1
100
10
1
1 10 100 1000
Taux de cisaillement
Vitesse (s-1) -1
de cisaillement (s )
SEUIL en Pa
SUSPENSION -20°C 20°C 60°C
PV8.2-1 --- 80 76
PV8.8-0 85 70 67
Viscosité (PENNZ) 5.8 Pa.s 0.27 Pa.s 0.04 Pa.s
Tableau 10 : valeurs de seuils en fonction de la température.
Le seuil des suspensions est donc très peu lié à la viscosité de leur huile de base, ce qui
confirme l’hypothèse que seuls des effets géométriques et physico-chimiques sont à l’origine
de ces seuils. Que ce soit par rapport aux huiles de base ou aux produits commerciaux étudiés
préalablement, cette bonne stabilité des suspensions constitue un atout important en vue de
leur utilisation dans des mécanismes spatiaux, en accord avec les objectifs généraux de l’étude.
La gamme des taux de cisaillement étudiés ne correspond pas à celle que voit le lubrifiant dans
un contact réel (>106 s-1) : ces valeurs sont inaccessibles sur des rhéomètres classiques. Ceci
n’était cependant pas un handicap trop important pour l’étude de la réalimentation, puisque
dans le contact, on ne trouve pas un lubrifiant ayant gardé son intégrité mais seulement l’huile
de base et quelques particules. Les taux de cisaillement imposés sont plutôt caractéristiques de
zones peu chargées (interface bague-cage) et surtout des abords des contacts EHD (bords
d’une piste).
La sélection des lubrifiants sur un critère de viscosité apparente est très délicate puisque les
grandeurs mesurées dépendent de nombreux paramètres. On peut, par exemple, privilégier les
graisses à base d’huile perfluoropolyéther puisque les variations en fonction de la température
sont les plus faibles. Les graisses à base d’hydrocarbure de synthèse sont par contre plus rhéo-
fluidifiantes à température ambiante et susceptibles de générer un frottement plus faible.
En évitant les suspensions à seuil d’écoulement trop élevé, on disposait de nombreux produits
présentant des viscosités apparentes assez proches de celles qui, de part leur consistance semi-
fluide, avaient montré une bonne capacité à réalimenter les contacts. Une étape
complémentaire dans la compréhension de leur aptitude tribologique a été abordée au travers
de l’étude de leur comportement sous très faibles déformations.
Nous nous sommes concentrés sur la détermination de γc qui est reliée à τy par τy = G. γc,
relation vérifiée au seuil d’écoulement du matériau : γc est donc la valeur maximale de la
déformation élastique.
Le rapport G’/G’’ tend vers des valeurs asymptotiques qui dépendent respectivement de γm et
γc aux basses fréquences, et de γm, γc et n aux hautes fréquences ; γm étant l’amplitude de la
déformation appliquée. On peut ensuite atteindre les valeurs de γc, de G et donc de τy .
Nous avons réalisé des expériences en mode sinusoïdal d’amplitude γm = 12% pour ne pas
détériorer le matériau, conserver G’ et G’’ du même ordre de grandeur et exploiter une plage
de fréquences la plus large possible. Seuls quelques lubrifiants ont été testés dans des
conditions satisfaisantes, les limites du rhéomètre en couple et en fréquence ayant été atteintes.
Nous avons utilisé un autre appareil (RDA II) pour obtenir des résultats complémentaires.
L’exploitation du modèle n’a été effectuée dans sa totalité que sur deux lubrifiants, dont un
commercial. Par contre, nous avons déterminé γc pour 5 suspensions (tableau 12).
Les valeurs calculées de γc varient de 1 à 5% environ : elles sont compatibles avec les ordres
de grandeur reportés antérieurement sur des graisses, Froishteter (1989). Les seuils déduits par
le modèle sont plus faibles que ceux mesurés par un balayage en contrainte. Ceci est
compréhensible car durant les tests dynamiques, l’échantillon est soumis à des déformations
relativement importantes (12%) et ce, pendant un grand nombre de cycles. On a révélé par ces
mesures la tendance thixotropique des suspensions, Prat (1996).
Pour compléter ces résultats et mieux percevoir les interactions entre huiles de base et
épaississants, des essais de fluage ont été menés ultérieurement à l’aide d’un rhéomètre à
contrainte imposée, de haute résolution angulaire et de grande sensibilité en contrainte. γc est la
déformation élastique maximale réversible qui est enregistrée lors de l’application ou de la
suppression de la contrainte. Sa mesure est accessible pendant quelques centièmes de seconde
(voir figure 54). GE est le module de cisaillement avant écoulement. Sa valeur reste constante
quelle que soit la contrainte si celle-ci reste inférieure à τy ou encore si γ < γc.
Par rapport aux mesures dynamiques où le matériau s’écoule dans le domaine viscoélastique,
les échantillons sont beaucoup moins sollicités lors des paliers à faible contrainte des essais de
fluage. Les lubrifiants conservent mieux leur structure ce qui explique que les valeurs de GE
soient supérieures dans ce type d’essais.
En ce qui concerne les seuils, les informations tirées des essais de fluage traduisent le passage
entre les comportements purement élastique et viscoélastique, à une échelle temporelle de
quelques centièmes de secondes, la contribution visqueuse de la déformation étant négligeable.
Par contre, dans une mesure de seuil par balayage de contraintes, l’échelle de temps est de
l’ordre de la seconde et la première déformation enregistrée contient à la fois une partie
élastique et une contribution visqueuse, d’amplitudes comparables. Le produit γc.GE surestime
les valeurs de seuil déduites d’un balayage en contrainte car on utilise la valeur maximale de
GE, issue d’un palier où la contrainte appliquée est inférieure à la contrainte d’écoulement.
8 140
120
6 100
Contrainte (Pa)
Déformation (%)
80
4
60
γc 40
2
Déformation 20
Contrainte
0
0
149,950 150,000 150,050 150,100
Temps (s)
Figure 54 : illustration d’un essai de fluage sur une suspension
C’est logiquement à l’issue de cette étude rhéologique que le CNES, dès 1995 alors que P. Prat
soutiendra sa thèse en février 1997, impliquera notre équipe dans la mise en place et le suivi de
l’industrialisation de nouveaux lubrifiants pour mécanismes spatiaux. En dépit de difficultés
pratiques renouvelées (marché de très faible volume, législations très contraignantes sur
l’emploi des solvants fluorés…), la majorité des projets français actuels de mécanismes de
satellites envisage l’emploi de lubrifiants issus de nos travaux en lieu et place d’autres produits
commerciaux, voire d’autres solutions technologiques. Sur le plan européen, une tendance
similaire se met en place, après que l’ESTL (laboratoire de Tribologie de l’ESA) ait accepté de
tester ces nouveaux matériaux et d’en communiquer les performances.
C’est pour répondre à ces interrogations que nous avions conçu un dispositif expérimental
permettant d’étudier la migration thermocapillaire de lubrifiant sur des surfaces représentatives
de celles des mécanismes spatiaux. Ce type d’expérience a déjà été réalisé dans le passé, mais ni
dans les conditions que nous voulions imposer, ni avec les lubrifiants concernés. Le dispositif a
été nommé SIMILI, comme SImulateur pour la MIgration des LIquides. Des photos reportées en
annexe 1 donnent des indications sur l’allure générale de l’expérience et de quelques sous-
ensembles. Les figures 55 et 56 montrent le schéma de fonctionnement et le principe retenu pour
déposer des gouttes de façon contrôlée sous vide. Les détails expérimentaux concernant le
Ensuite, Philippe Prat (1997) explique comment la gravité peut jouer un rôle important sur la
dynamique d’étalement des gouttes. Pour s’en affranchir, on doit, dans le cas d’un écoulement
non forcé, garder un rayon de goutte sessile R(t) < Κ-1, où Κ-1 est la longueur capillaire définie
par la relation :
γ
Κ −1 =
ρg
avec γ la tension interfaciale du fluide, ρ sa densité et g l’accélération gravitationnelle.
Pour le Z25, Κ-1 est approximativement égal à 1 mm. Par ailleurs, l’état final de l’étalement
d’une goutte est un disque mince d’épaisseur e = 6.3 Å donnée par l’expression :
1 A
e=
2 πS
avec A la constante de Hamacker et S le coefficient de mouillage.
Ainsi, l’ordre de grandeur du volume d’une goutte qui s’étalerait toujours en régime capillaire
est le picolitre. Il ne nous était pas possible de rechercher cette voie au niveau expérimental
car, étant donné nos moyens d’observation, les gouttes devaient être visibles à l’œil nu. De
plus, générer des gouttes de cette taille sous vide est, pour le moins, problématique. Nous
étions donc réduits à déposer des gouttes dont le comportement serait influencé par la gravité,
ne serait ce que durant la période qui suit la dépose. Avec des capillaires en PTFE (∅ int= 0.3µm
et ∅ ext= 0.76µm), on peut déposer des gouttes de 2.1 µl pour le Z25 et 7.2 µl pour la PENNZ.
En tenant compte que nous devions combiner les deux huiles et mettre en jeu des volumes
comparables, nous avons déposé trois gouttes de Z25 pour une goutte de PENNZ.
Philippe Prat calcule alors à partir de quel instant la force induite par le gradient thermique
devient supérieure à la force menante due à la gravité. En comparant l’expression de cette
dernière à l’expression de la force due au gradient de température, on trouve, en première
approche, que les forces d’origine thermique deviennent prépondérantes dès que la goutte
présente un diamètre mouillé supérieur à 7.5 mm pour la PENNZ et 9 mm pour le Z25. En
supposant un mouillage total et un étalement non forcé, la relation qui donne la variation du
rayon de la goutte posée conduit à des temps d’étalement théoriques de 19s pour la PENNZ et
90s pour le Z25 (viscosités à 30 °C) pour atteindre ces diamètres.
Nos expériences durant au moins plusieurs heures, nous pouvons donc considérer que, d’un
point de vue théorique, la gravité n’aura pas d’influence majeure sur le comportement des
gouttes. Il s’agit d’une estimation qui ne tient pas compte de la transition entre régime
capillaire et régime gravitationnel ni de la rugosité des surfaces.
Nous observons une migration du fluide vers le côté de plus forte énergie de surface, le côté le
plus froid et ceci quel que soit l’état de surface. La migration contre le gradient thermique est
inexistante ou presque dans le cas des éprouvettes les plus rugueuses. D’autre part, les gouttes
atteignent le diamètre théorique critique de 9 mm pour les éprouvettes de faible rugosité avant
la première prise de vue alors que, pour les éprouvettes rugueuses, la goutte prend une forme
oblongue durant la même période. Enfin, durant toutes ces expériences, l’étalement latéral
demeure très faible. Tout ceci signifie que l’influence de la gravité peut être négligée par
rapport à celle du gradient thermique dans nos expériences.
Le calcul théorique de la migration d’une goutte induite par un gradient thermique est donné
par De Gennes (1990). L’équation finale décrivant la vitesse de la goutte est :
ηU 1 ∂γ ∂ (γ SV − γ SL )
3 = −
h0 2 ∂x ∂x
où h0 est la hauteur au centre de gravité de la goutte.
Le premier terme est la force menante qui tire la goutte dans la direction des tensions de
surface les plus élevées (zone froide) tandis que le second terme est la force d’interaction avec
le solide tirant la goutte vers la zone de plus basse énergie.
En se basant sur l’analyse de De Gennes (1985) sur les mécanismes de dissipation d’une
goutte attirée par un solide, Philippe Prat établit une relation donnant la vitesse de la ligne de
contact. Cette relation confirme la justification phénoménologique présentée ci dessus : dans
l’air, le gain de vitesse est obtenu par la modification des paramètres de mouillage.
Ces résultats ont pu être considérés comme originaux dans la mesure où dans les travaux
antérieurs, aucune variation de vitesse n’a été enregistrée entre le cas sous vide et celui sous
air. Ceci semble tout à fait logique car les films avaient tous été déposés sous air et la seule
variation possible des énergies de surface était γLV, à priori beaucoup plus stable.
La migration induite par le gradient thermique est accélérée par la rugosité longitudinale des
éprouvettes de finition L et R par rapport à P. Dans le cas des rugosités transverses, les
obstacles géométriques ralentissent la migration tout en favorisant un écoulement dans la
direction normale au gradient. Le flux transverse est toutefois resté faible.
Les rugosités ont tendance à agir comme des capillaires ouverts pour le fluide. L’équation de
Washburn donne la vitesse à laquelle un liquide entre dans un capillaire de rayon r quand la
force menante est la pression capillaire :
L2 r ⋅ γ LV cosθ
=
t 2η
En prenant un rayon moyen de capillaire r = Ra (rugosité de l’éprouvette), une viscosité η =
0.23 Pa.s (50 °C), un angle θ nul (mouillage total) et γ = 19 mN/m, on peut calculer pour
chacun des cas la distance parcourue au bout de 2 heures. On trouve respectivement, pour des
surfaces de type P, L et R, 3.5, 7 et 17mm contre 24.4, 25.9 et 30.6mm expérimentalement. Il
semble donc, à la lumière de cette comparaison, que si l’effet de la rugosité des surfaces est
indéniable, celui provoqué par le gradient thermique reste prépondérant.
Ceci peut s’admettre dans la mesure où nous n’observons pas dans nos expériences un dôme
central qui servirait de réservoir au pied macroscopique qui, lui, s’infiltrerait dans les
rugosités et s’étirerait jusqu’à des épaisseurs microscopiques. Il apparaît au contraire une
grosse goutte traînant un film microscopique derrière elle. La vitesse de la goutte semble
donc assez peu perturbée par la rugosité bien que nous ayons observé une très nette
canalisation de l’écoulement.
Effet d’un revêtement de MoS2 sur la Effet d’un revêtement de TiC sur la
migration du Z25, à T0 +1h30. migration du Z25, à T0 +30 min.
Efficacité d’un film barrière avec le Z25 à T0 +10h : éprouvette L à gauche, R à droite.
Figure 57 : effets de la morphologie et de la nature des surfaces lors des expériences de
migration thermocapillaire sous vide avec le Z25.
Nous avons réalisé des expériences avec des surfaces préalablement mouillées pour simuler
l’étalement de gouttes sur des surfaces où il subsistait des traces de lubrifiant. Un film de Z25
d’épaisseur moyenne de 1 µm a été déposé sur une éprouvette P et une éprouvette T. Dans les
deux cas (tableau 14, figure 57), cela a entraîné une augmentation significative des vitesses.
Par exemple, en quatre heures, la goutte de Z25 déposée sur l’éprouvette prémouillée P a
migré sur une distance double de celle observée sur l’éprouvette P sèche.
Ces observations sont concordantes avec celles concernant les expériences sous vide et dans
l’air : nous avons réduit le frottement en diminuant les interactions aux interfaces. Etendre
une interface fluide/solide demande plus d’énergie (adhésion huile/métal de haute énergie)
que d’établir la cohésion entre la goutte et le film. Mathématiquement, cela se justifie en
analysant les différents termes de l’équation la vitesse d’avancée (P. Prat 1997).
2
avec θ, l’angle de contact.
Si l’on vient créer un "trou" (du au passage d’une bille par exemple), celui ci se développera et
le film démouillera la surface. Cette situation a, semble-t-il, déjà été observée sur un satellite
(ERBE), pour lequel un traitement anti-usure au tricrésylphosphate (TCP) empêchait l’huile
Z25 de mouiller correctement les surfaces de roulements.
Nous allons évoquer les différentes causes possibles à ce phénomène, puis nous reporterons et
commenterons les cas où des expériences fiables ont pu être menées.
Nous avons cependant essayé, a posteriori, de caractériser nos surfaces d’acier polies et
nettoyées selon les procédures utilisées pour les expériences SIMILI. En appliquant plusieurs
méthodes, nous voulions déterminer la tension de surface des éprouvettes, en séparant ses
composantes polaires γ pSV et dispersives γ dSV .
p d
γ SV = γ SV + γ SV
Le principe réside en la mesure de l’angle de contact formé par des liquides caractéristiques
dont les composantes polaires et apolaires sont bien connues.
Effet d’un revêtement de TiC sur la Effet d’un revêtement de MoS2 sur la
migration de la PENNZ, à T0 + 30min. migration de la PENNZ, à T0 +1h30.
La dispersion des résultats selon les méthodes et les éprouvettes a été importante. Ceci
souligne la difficulté de caractériser la surface des métaux sur lesquels des pollutions
perturbent les mesures. Conservons comme résultats une tension de surface des éprouvettes
en acier de 35 à 59 mN/m selon les méthodes et une composante polaire de 3 à 27 mN/m.
Bien qu’il soit difficile de conclure sur le choix d’une technique, nous remarquons que la
tension de surface de nos éprouvettes contaminées par l’air environnant est faible, et donc
très en dessous des quelques milliers de mN/m, admis dans la littérature et obtenus au
voisinage du point de fusion de l’acier, ce qui du reste est peu significatif.
D’autre part, si la molécule de PENNZ devait se révéler fortement polaire, ce que nous
n’avons pas pu déterminer, il est possible que sa polarisabilité serait supérieure à celle de
l’acier, ou plus exactement à celle de la couche adsorbée. Dans ce cas précis, il n’y aurait pas
mouillage de l’acier.
Le test d’un revêtement de bisulfure de molybdène (MoS2 ) ne relevait pas du même objectif. Il
s’agissait plutôt de vérifier la possible pollution d’un mécanisme lubrifié à sec par ce
revêtement. La tension de surface du MoS2 dans son plan d’orientation préférentielle est
élevée, de l’ordre de 700 mN/m. La désorientation des cristallites introduit cependant une forte
baisse de cette tension de surface, de plusieurs centaines de mN/m. Néanmoins, les figures 57
et 58 montrent que le MoS2 est très bien mouillé par les deux huiles.
Remarquons que la texture du MoS2 peut favoriser cet étalement; selon l’épaisseur et la
méthode de dépôt, il existe une certaine porosité entre les cristallites. Aussi, la migration du
Z25 sur une surface revêtue de MoS2 mais ayant conservée une rugosité voisine des éprouvette
rectifiées longitudinalement est plus rapide que celle observée sur une éprouvette R en acier.
Nous notons également une vitesse de migration de la PENNZ plus élevée sur l’éprouvette
polie revêtue que celle du Z25 sur l’éprouvette longitudinale. Ceci est naturellement dû à une
viscosité plus faible et une variation de tension de surface plus élevée. Le risque de pollution
d’un mécanisme lubrifié par du MoS2 sera donc plus grand si une goutte d’huile vient en
contact avec ce revêtement qui est beaucoup plus oléophile que l’acier Z100CD17.
La migration est donc favorisée quand la rugosité augmente. Elle reste cependant très
inférieure à celle observée pour les huile seules. Un processus différent est activé ici. Il ne
Nous avons également observé que la vitesse de migration des gouttes est abaissée :
- dans le vide,
- quand la rugosité diminue,
- quand il n’existe pas de film déjà étalé sur la surface,
- à basse température et donc à viscosité plus élevée.
Tous ces phénomènes ont été expliqués par Philippe Prat, en accord avec la théorie de la
dynamique du mouillage.
L’application de films barrières de très faible énergie de surface a permis de vérifier que la
migration était stoppée même sous l’effet moteur d’un gradient thermique. Ces films barrières
sont donc un des atouts principaux pour endiguer la migration des fluides.
A l’inverse, l’utilisation de revêtements comme le TiC et le MoS2 a montré la possibilité
d’accélérer la migration du Z25. Dans le cas de la PENNZ, une migration très rapide a été
enregistrée. La nature chimique des surfaces apparaît donc comme un autre paramètre essentiel
pour contrôler la migration des lubrifiants.
Ainsi, l’emploi de revêtements TiC semble être bénéfique, à la fois pour le Z25 pour limiter les
dégradations tribologiques, mais également pour la PENNZ pour favoriser le mouillage des
billes et la réalimentation des contacts lubrifiés.
Enfin, le comportement des suspensions concorde avec les observations faites pour les huiles
de base. La migration est cependant beaucoup plus limitée car ces lubrifiants ne relâchent que
très peu de leur huile et pas de particules. De plus, la plus grande distance mesurée avec une
nouvelle suspension reste trois à quatre fois plus faible que celle enregistrée avec une
suspension commerciale semblable. Tous ces points positifs vont dans le sens d’une
désalimentation moindre des mécanismes avec ces nouveaux lubrifiants.
C’est pour tenter de répondre à ces interrogations que l’étude tribologique a été entreprise. Elle
s’inscrivait comme une suite logique aux deux premières parties. Après la caractérisation
rhéologique des lubrifiants et l’étude de leur comportement à l’interface avec divers solides, les
lubrifiants sont étudiés à un niveau de sollicitation de complexité supérieure, dans une simulation
tribologique.
Le contact est de type galet-plan. Le galet est un tonneau, de rayon principal Rx =12.4 mm et de
rayon transverse Rz=50 mm ou 500 mm selon les essais. Les éprouvettes planes supérieures
sont des prismes de dimension 106x19x14 mm, en acier à roulement Z100CD17, remplacé par
du verre pour les essais de visualisation.
La rugosité des éprouvettes en acier, plan ou tonneau, était de l’ordre de Ra=0.07 µm. Les
pressions de contact obtenues avec les galets de Rz=500 mm sont PHertz=0.46 GPa pour une
charge de 100 N et PHertz=1 GPa pour les galets de Rz=50 mm chargés à 200 N. La température
n’est pas régulée; elle se situe entre 36°C et 40°C au voisinage du contact.
Des lubrifiants commerciaux avaient été caractérisés dans des conditions d’essai qui nous ont
servi de références (Reynaud 1994). Parmi les types d’essais qui avaient été réalisés, nous en
avons retenu deux pour lesquels des comportements suffisamment distincts se manifestaient
pour pouvoir différencier les lubrifiants : glissement pur et roulement avec glissement.
Parmi les graisses nouvellement élaborées, nous avons choisi d’en tester cinq. Une sélection
entre produits à base de PTFE A et PTFE V avec l’une ou l’autre des huiles de base devait
permettre d’établir une comparaison indicative avec les produits commerciaux et d’évaluer
l’influence des principaux paramètres identifiés.
Comme pour la campagne d’essais antérieure, une couche de 0.1 mm de graisse est déposée
sur toute la surface de l’éprouvette plane. Le galet reçoit une faible quantité de graisse pour
respecter un passé physico-chimique similaire pour les deux éprouvettes. Dans le cas des
huiles, nous n’en déposons que 15 µl, 10 µl sur l’éprouvette plane et 5 µl sur le galet.
La durée d’un essai est de 2000 cycles. Nous avons choisi d’appliquer un critère d’arrêt qui est
un coefficient de frottement supérieur à 0.5. Au niveau des résultats, nous pouvons extraire une
valeur moyenne du coefficient de frottement, mais également conserver les "bûches de
frottement" (voir figure 67) qui suivent l’évolution de la force tangentielle en fonction du
déplacement à chaque instant d’un cycle. Nous présentons dans le tableau 16 l’évolution du
coefficient de frottement moyen pour les cinq graisses que nous avons testées en glissement
pur ainsi qu’une comparaison avec des résultats obtenus sur des lubrifiants commerciaux.
La défaillance de la lubrification fluide dans le cas de l’huile PENNZ n’est pas due à une
décomposition de l’huile mais à la rupture du film. Ceci conduit à un contact acier-acier qui
se dégrade rapidement du fait de soudures froides. Ainsi, sur la figure 64, on observe la
surface très endommagée de l’éprouvette supérieure plane. Il est cependant impossible
d’affirmer que la rupture du film est liée au caractère non mouillant de l’huile. En effet,
l’huile PENNZ est aussi la plus fluide et génère le film le moins épais.
Ces essais soulignent la nécessité de prévoir des surfaces non réactives quand on utilise des
PFPE ou, dans le futur, d’employer des additifs qui puissent inhiber cette réaction. Quant aux
graisses PV et PA, les résultats montrent une capacité de réalimentation du contact suffisante
pour garder un coefficient de frottement stable dans des conditions sévères.
Le type de PTFE influe peu sur le comportement dans la zone de contact : la formation du
film solide avec le PTFE A ou le PTFE V est sensiblement équivalente. Bien qu’il soit
difficile de comparer les suspensions PA13.5-1 et PV8.2-1 car la concentration en particules
n’est pas la même, les coefficients de frottement obtenus étaient voisins ainsi que l’état de
surface des éprouvettes après essai.
Pour les graisses à base de PFPE, nous retrouvons également des zones où le PTFE est étalé
sur la surface. Cependant la présence de lubrifiant polymérisé après interaction avec les
fluorures métalliques occulte son efficacité. Dans un premier temps, la disparition de la
couche d’oxyde et la formation de matériaux de polymérisation entraînent une forte
augmentation du frottement. Par la suite, un équilibre est atteint entre l’étalement des
particules et la formation de ces composés. Cette couche mixte (ZV8.2-1, figure 65 c) joue
alors un rôle protecteur et permet au frottement de se stabiliser (tableau 16).
a) Particules de PTFE V étalées sur la piste b) Particules de PTFE et MoS2 étalées sur
de frottement (PV8.8-0, x1000) la piste de frottement (PV8.2-1, x1000)
Les coefficients de frottement sont moins élevés que dans le cas du glissement pur. Ce test est
moins sévère que le précédent : aucune éprouvette n’a subi de dégradation importante.
L’entraînement du lubrifiant par le galet qui tourne permet la formation d'un film solide plus
épais sur les pistes qui sont moins raclées qu’en glissement pur.
Dans le cas de PV8.8-0 par exemple, on observe qu'au minimum 80% de la surface de la piste
est recouvert par des «langues» de PTFE. Le régime de lubrification est un régime mixte où la
portance est assurée par ce revêtement solide mais également par l’huile présente dans les
interstices et sans doute sur ces bandes. Dans des conditions d’alimentation suffisantes,
Reynaud (1994) a mesuré pour les deux huiles de base des coefficients de frottement inférieurs
à 0.05 dans la zone centrale des éprouvettes. Il concluait à la présence d’un film EHD complet,
conformément aux calculs d’épaisseur valables pour cette partie des éprouvettes. Cependant, il
observait des dégradations en bout de course.
Nous avons pu observer des zones où le film de PTFE V semblait se décoller de la piste.
L'adhésion du film de PTFE à la surface des éprouvettes reste donc relativement faible. Le
coefficient de frottement est assez stable et peu élevé avec cette suspension PV8.8-0.
a b c d
e f
(N)
_
0
(mm)
Nous avons retrouvé, selon les vitesses, la forme classique en papillon. Devant le contact, le
ménisque d’entrée s’établit à une distance qui dépend de la vitesse. En augmentant celle ci,
nous augmentons la valeur du terme µU/γLV qui éloigne l’abscisse d’entrée de la zone de
contact. Ceci est bien observé pour les huiles et les graisses.
C’est pour des conditions de sous-alimentation sévère (figure 69 b) que nous observons plus
clairement le rôle des réservoirs primaires. Alors que le centre du contact (marqué par des
flèches) est asséché, les bords sont remplis par l’huile provenant des ménisques latéraux sous
l’action de la tension de surface et des conditions cinématiques.
La visualisation d’un essai où la moitié d’une éprouvette en verre a été revêtue d’un film
barrière en forme de U montre qu’au départ, la distribution de l’huile est contrôlée par la
répulsion chimique dans la zone où ce film existe. Dans la zone vierge, l’huile s’étale
librement. Après un nombre limité de cycles, la même empreinte du ménisque d’huile est
observée des deux côtés de l’éprouvette.
L’observation directe des éprouvettes en verre s’est révélée plus concluante. Deux éprouvettes
ont été préparées, une avec un film anti-migration en forme de L, l’autre en U.
Le film barrière est ici efficace dans le contrôle de la répartition d’huile sur l’éprouvette. Il
dicte sa forme au ménisque d’huile. Ainsi, nous notons le rétrécissement du ménisque alors
qu’il est contrôlé du côté du film barrière (éprouvette en U, figure 70 b). Du côté où il n’y en a
pas, le ménisque s’établit dans sa position naturelle (figure 70 a).
L’efficacité des films barrières s’est maintenue tout au long des essais, à savoir 30 minutes
pour l’éprouvette en L et 1 heure pour l’éprouvette en U. L’observation a posteriori des
éprouvettes confirme ces tendances. Quelques microgouttelettes sont cependant détectées sur
le film barrière dans le cas le plus défavorable, à savoir la configuration en U où l’écoulement
de l’huile est le plus dirigé.
L’efficacité du film barrière envers la PENNZ semble supérieure à celle envers le Z25. Le fait
que l’écoulement du Z25 ait pu être contrôlé seulement en début d’expérience montre une
évolution du comportement du film barrière vis-à-vis de ce fluide. La répulsion imposée par ce
film de basse tension superficielle est moins forte avec le PFPE. Sa tension interfaciale plus
faible du premier (21 mN/m contre 30.7 mN/m, à 20°C), explique cette différence. C’est
probablement la nature fluorée commune au lubrifiant et au film barrière qui peut expliquer
cette perte d’efficacité progressive du film.
Il semble donc dangereux, pour canaliser l’écoulement du Z25, d’utiliser des films barrières du
type de ceux testés ici. Si l’efficacité en statique sur de longues durées semble acquise,
l’écoulement dynamique au contact du Z25 sur de longues périodes montre leur inefficacité.
Dans le cas de la PENNZ, il est envisageable de contrôler son écoulement par le biais de ces
films barrières, pour autant il faudra parfaitement dominer la technique de dépose.
Sous des conditions sévères de glissement pur, les coefficients de frottement mesurés pour des
suspensions PA et PV sont restés plus faibles que ceux de leur huile de base, et ceci, sur des
durées plus longues. Dans des conditions moins sévères, les coefficients sont comparables et
restent dans le domaine de ceux de l’EHD, ce qui prouve la capacité de réalimentation des
suspensions, ou du moins du lubrifiant effectif. Pour les produits caractérisés, nous avons
toujours observé un important dépôt de particules de PTFE sur la piste et ceci quel qu'en soit le
type, A ou V. L'efficacité de ces couches a été montrée sur un nombre de cycles relativement
faible, elle reste à démontrer sur toute la durée de vie d’un mécanisme.
Pour les lubrifiants testés et dans les conditions de test adoptées, aucun bénéfice du point de
vue tribologique n’est ressorti de l’adjonction de 1% de MoS2 . L'intérêt d'utiliser du MoS2
avait été souligné lors de l'étude rhéologique, notamment dans l’obtention de déformations
élastiques critiques élevées. Nous y voyions un paramètre essentiel pour la lubrification sous
conditions vibratoires.
Les tests sous faibles oscillations en roulement/glissement ont montré la possibilité d’obtenir
de très faibles coefficients de frottement, sans toutefois permettre d'établir de corrélation claire
avec cette grandeur rhéologique. Par ailleurs, la visualisation de contacts glissants a surtout
montré une amplification des phénomènes de rupture de film aux abords de la zone de
constriction. Le lubrifiant situé au bord du contact semble expulsé par des bulles de cavitation,
ce qui souligne la nécessité d'en contrôler la quantité et la répartition.
Le concept de lubrifiant constitué d'huile PENNZ et de particules de PTFE est validé, même
pour des conditions de fonctionnement qui sont à priori bien plus sévères que celles que nous
pourrions rencontrer dans les mécanismes spatiaux.
Devant le peu de fluides commerciaux répondant aux exigences d'une application spatiale, nous
avons développé de nouvelles suspensions. Les caractérisations rhéologiques que nous avons
réalisées ont montré l'influence des différents composants des lubrifiants sur les paramètres
étudiés. En mettant en œuvre différentes sollicitations associées à différentes échelles de temps,
nous avons proposé des interprétations pour décrire les interactions mécaniques et physico-
chimiques qui régissent le comportement de ces fluides.
Des seuils stables en température, un fort effet fluidifiant, parfois assortis d'une composante
élastique marquée ont été mis en évidence. Ce sont ces propriétés qui devaient permettre aux
lubrifiants de réalimenter le contact, ou tout au moins, d'en limiter la désalimentation et donc
d'être rhéologiquement mieux adaptés.
En second lieu, nous avons caractérisé les interactions entre le lubrifiant et les surfaces soumises
à un gradient thermique, à l’origine de l’effet Marangoni qui constitue une des principales
sources de désalimentation. Le caractère non mouillant de la PENNZ sur l'acier Z100CD17 a été
Dans une troisième partie, nous avons étudié les phénomènes de réalimentation en passant à
l'échelle du contact. Nous associons ainsi le fluide et les surfaces dans un mécanisme
tribologique. Nous avons montré l'efficacité des suspensions même sous des conditions très
sévères, ce qui a permis d'affirmer que, dans un premier temps, la réalimentation se fait
correctement et que par la suite, les particules de PTFE apportent un relais efficace. L'adjonction
de 1% de MoS2 n'a, par contre, pas apporté d'amélioration durant ces essais.
Nous avons observé des mécanismes de réalimentation des suspensions lubrifiantes qui
présentent des similitudes avec ceux des graisses mais également avec ceux des huiles. Ces
suspensions ont donné des coefficients de frottement faibles.
Nous n'avons pas noté de défaillance des suspensions à base de PENNZ qui puisse être corrélée
avec ses problèmes de mouillage. Ceci montre que des problèmes liés à la réalimentation peuvent
être occultés lors de simulations pour lesquelles les conditions demeurent éloignées de la réalité
du mécanisme.
Ce travail de recherche a souligné les atouts des suspensions lubrifiantes, compromis présentant
certaines propriétés spécifiques aux huiles et d’autre relatives aux graisses, vis-à-vis d'une
application spatiale et des exigences tribologiques rencontrées dans ce milieu. Le LMC et plus
particulièrement l’équipe ML² ont, à cette occasion, été les initiateurs d’un saut technologique
pour convaincre le domaine concerné à adopter la lubrification fluide.
La réalisation de nouveaux lubrifiants, plusieurs fois évoquée dans ce mémoire, s’est entre-temps
déjà adaptée à de nouvelles contraintes. Des travaux ont aussi été entrepris pour valider ces
lubrifiants en situation plus représentative. Des essais sur roulements complets d’une part, et sur
un actuateur linéaire incluant une vis à rouleaux d’autre part ont été conduits. Si les premiers ont
surtout contribué à faire émerger des questionnements liés à la mise en œuvre de la lubrification
fluide (qui motiveront pour une part le travail de Mario Marchetti), la seconde étude apportera
des éléments très favorables à porter au crédit de nos suspensions. Le mécanisme comprenait une
vis à rouleaux et quatre roulements lubrifiés par une graisse PV-1. Après un fonctionnement de
plus de trois millions de cycles, aucune dégradation sur les surfaces des roulements ou de la vis à
rouleaux n'a été enregistrée lors de ce test sous vide secondaire, et ceci en dépit d'une pression de
Hertz proche de 2 GPa pour la vis. A l'inverse, un essai similaire avec une autre vis lubrifiée par
l’huile de base avait dû être arrêté rapidement, à cause de la migration de l’huile. Après
démontage pour observations, le mécanisme lubrifié avec la suspension PV-1 a été remonté et a
fonctionné à nouveau sous vide pendant plus de 10 millions de cycles sans incident.
Sommaire
A la même époque, j’ai été sollicité pour participer à l’animation d’un groupe de travail
européen sur le thème de la caractérisation rhéologique des graisses : le Rheology Working
Group de l’European Lubricating Grease Institute (ELGI, fondé en 1989), qui édite
Eurogrease, un bimensuel consacré aux graisses, et organise une conférence annuelle où j’ai
été régulièrement invité à présenter nos travaux (Vergne (1996), Vergne et Blettner (1998),
Vergne et al (2000)).
Ces actions ont débouché, entres autres, sur la mise en place de stages de formation à la
rhéologie et à la rhéomètrie des lubrifiants, au bénéfice d’entreprises soit impliquées dans la
fabrication de lubrifiants complexes, soit dans leur utilisation.
Mais le travail le plus significatif sur le plan de la compréhension des mécanismes mis en jeu
dans la lubrification à la graisse a été conduit par Isabelle Couronné, au cours de sa thèse
(Couronné 2000) dont les principaux résultats constitueront la base de ce chapitre. Allocataire
MENRT, Isabelle Couronné a été également encadrée par d’autres chercheurs, Denis Mazuyer
du LTDS en particulier, et ses travaux ont bénéficié du support de deux entreprises : SNR
Roulements et Condat Lubrifiants, respectivement fabricants de roulements à billes et de
graisses.
Les principaux objectifs qui lui avaient été assignés étaient les suivants :
- Etudier de nouvelles compositions de graisses et identifier les caractéristiques qui
contrôlent leur comportement.
- Rechercher les paramètres pertinents et les tests à mettre en œuvre pour qualifier les
graisses en vue d’une application donnée, pour remplacer des tests industriels longs et
coûteux.
- Sur un plan plus général, proposer la composition d’une graisse répondant au mieux aux
exigences de fonctionnement des roulements à billes.
Sur le plan des outils employés et de la méthodologie, on peut dire que ces travaux se sont
déroulés en plein accord avec la démarche explicitée dans la première partie de ce mémoire. En
effet, trois types d’analyses complémentaires ont été mises en œuvre : des analyses physico-
La composition des graisses étant un paramètre primordial dans cette étude, nous
commencerons par une présentation des lubrifiants étudiés et de leur nomenclature.
Les différentes structures de savon obtenues seront ensuite discutées en fonction de la
composition. L’étude, à température ambiante, du comportement rhéologique des graisses sera
synthétisée et corrélée à leur microstructure et à leur composition.
Ensuite, nous aborderons des investigations sur le ressuage : la capacité des graisses à libérer
des fluides ressués, leurs caractéristiques physico-chimiques et leur comportement rhéologique
seront tour à tour analysés.
L’étude tribologique sera enfin abordée sur deux plans : l’aptitude des graisses à générer un
film lubrifiant et l’analyse des épaisseurs de film mesurées dans diverses situations. La
synthèse des résultats sera conduite en liaison avec les tendances trouvées au moyen des
caractérisations évoquées précédemment.
pour les graisses (toutes les graisses contiennent de l’huile de cuisson HC)
savon de lithium → Li
savon d’aluminium complexe → Al
huile de base minérale → M
huile de base synthétique (ester) → S
présence d’AVI → A
présence de tackifiant → T
Exemples : LiMT : graisse à base de savon de lithium, d’huile minérale et de tackifiant.
AlS-Z : ensemble des graisses à base de savon d’aluminium, d’huile synthétique.
1
On parle d’huile de cuisson car c’est dans cette huile minérale qu’a été réalisée, à haute température, la réaction de
saponification pour fabriquer les deux concentrés de savon qui ont été utilisés.
LiM LiMAT
LiMA LiST
AlMT AlS
Figure 72 : microstructure des graisses. 3 µm
La discussion qui suit sur l’influence de la nature de l’huile de base et la présence des
polymères ne s’applique qu’aux graisses de type lithium.
- Les graisses à base d’huile synthétique ont une structure beaucoup plus homogène, plus
fine et moins enchevêtrée que celles à base d’huile minérale. Pour les premières, la taille
des fibres est beaucoup plus petite et leur distribution plus resserrée.
- La présence des additifs à base de polymères modifie le réseau des graisses LiM-Z ; la
comparaison entre LiM et LiMAT (ou LiMA) montre que leur ajout contribue à
augmenter le diamètre et la longueur des fibres. On ne peut se prononcer pour les graisses
LiS-Z car on ne disposait pas du produit LiS.
- Toutes les tentatives (marquage, cryogénie) menées pour visualiser la disposition des
polymères dans les graisses se sont soldées par autant d’échecs.
- Enfin, toujours au sujet des lubrifiants à base de savon de lithium, il faut souligner
qu’aucune graisse ne présente une structure proche de celle observée dans le concentré de
savon. Ceci atteste de l’importance considérable jouée par l’interaction entre l’huile de
base et le savon.
Ne sont mentionnés dans ce mémoire que les résultats obtenus à 25°C et ayant une corrélation
directe avec les observations réalisées lors des tests tribologiques.
1980 2050
2000
Seuil d'écoulement à 25°C (Pa)
1500
980
1000
850
660 650
580 540
500 370
290
0
LiM LiMT LiMA LiMAT LiST LiSA AlMT AlMA AlS AlSAT
On remarque ensuite le rôle important de la nature de l’huile. En effet, les graisses se divisent
en quatre groupes selon les associations savon – huile :
- Les graisses LiM-Z pour lesquelles le seuil est compris entre 300 et 600 Pa,
- Les graisses LiS-Z dont le seuil est voisin de 650 Pa,
- Les graisses AlM-Z dont le seuil est proche de 2000 Pa,
- Les graisses AlS-Z pour lesquelles le seuil varie entre 850 et 1000 Pa.
Les observations au MET avaient révélé que les graisses LiS-Z avaient une structure plus
homogène que les LiM-Z. On observe que cette homogénéité conduit à des seuils d’écoulement
plus élevés.
Aucune distinction n’avait pu être faite entre la microstructure de AlM-Z et celle de AlS-Z, du
fait de leur finesse. Les mesures de seuil montrent cependant qu’il existe réellement une
différence entre ces matériaux puisque les valeurs de seuil sont très différentes et dépendent de
la nature de l’huile. A l’inverse de ce qui a été noté avec les graisses à base de savon de
lithium, la structure semble être plus homogène avec l’huile minérale puisque les seuils sont
plus élevés.
L’influence des additifs est spécifique à chaque couple savon – huile : leur ajout augmente le
seuil dans LiM-Z, le diminue dans AlS-Z et semble avoir un effet plus limité dans LiS-Z et
AlM-Z. Ces variations montrent que les additifs interagissent aussi avec le savon et l’huile de
base.
Nous avons imposé à la graisse des paliers de contrainte de valeur croissante, pendant une
durée assez courte, 1 minute. La valeur des contraintes a été déterminée pour chaque graisse
par rapport à son seuil d’écoulement : ces contraintes correspondent à 10, 50, 90, 110, 150 et
200 % du seuil. La restructuration des matériaux a été suivie pendant 15 à 45 minutes après la
suppression de la sollicitation selon la graisse et la valeur de contrainte considérées.
100
(% déformation maximale)
Fragile
10
Retour élastique
1 Ductile
LiM
0,1 LiMA
AlS
0,01 AlSAT
0,001
0 50 100 150 200
Par analogie avec les réponses obtenues pour des matériaux solides, on peut qualifier ces deux
comportements de fragile et ductile. Les graisses plutôt fragiles subissent une déstructuration
brutale lorsqu’une contrainte suffisante est atteinte alors que cette transformation se fera
progressivement pour les graisses plutôt ductiles. La microstructure des matériaux joue un rôle
important : une microstructure composée d’éléments de taille identique, donc avec un seul
point de rupture, se déstructurera de façon brutalement (toutes les liaisons cèdent au même
moment) alors qu’une structure composée d’éléments de tailles largement distribuées évoluera
sur de plus grandes plages de réponses.
L’observation du retour élastique des graisses confirme bien ces tendances et, une fois de plus,
le rôle primordial de l’interaction savon – huile : les graisses LiM-Z qui possèdent une
structure hétérogène sont plutôt ductiles, alors que LiS-Z, AlM-Z et AlS-Z qui présentent une
structure homogène sont plutôt fragiles.
L’analyse des modules G’ et G’’ a été conduite dans le domaine viscoélastique linéaire. Les
tests réalisés à trois fréquences (1, 7 et 24 Hz) ont tout d’abord montré que ce domaine, pour
lequel les modules G’ et G’’ sont constants, était très étroit (quelques % en déformation). Ils
ont donné des résultats très proches en ce qui concerne G’ et la contrainte au cross – over τco :
tout au plus une légère augmentation avec la fréquence a été notée, ce qui nous a conduit à ne
reporter que des valeurs moyennes, dans le tableau 21 ci-dessous.
G’ moyen τ co moyen
(Pa) (Pa)
LiM 20000 150
LiMT 13000 350
LiMA 12000 460
LiMAT 12000 450
LiST 32000 610
LiSA 30000 770
AlMT 28000 1800
AlMA 31000 2550
AlS 12000 560
AlSAT 13000 510
Tableau 21 : valeurs moyennes de G’ et τco obtenues sous sollicitation dynamique.
La définition de la contrainte au cross – over peut faire penser qu’il s’agit d’un paramètre
assimilable au seuil d’écoulement et c’est pourquoi certains auteurs préconisent les essais en
mode dynamique dans ce but. Isabelle Couronné (2000) a comparé les deux approches et a
effectivement trouvé un accord raisonnable, sauf pour AlS et AlSAT dont les valeurs de seuil
étaient plus importantes. Cependant, la mesure de τco introduit inévitablement la prise en
considération d’une fréquence, donc d’un paramètre temporel qui, lorsqu’on le fait varier, rend
le résultat dépendent de ce facteur.
20 20,1
Ressuage (% massique)
15
10 8,3
6,1
4,8 4,8
5 4,1 3,9
3,5 3,0 2,8
0
LiM LiMT L i M A LiMAT LiST LiSA AlMT AlMA AlS AlSAT
Néanmoins, il faut tenir compte qu’il existe une limite supérieure à ne pas dépasser. En effet, si
une graisse relâche trop de fluide ou trop vite, elle ne sera plus en mesure d’alimenter le
contact durant la durée de vie prévue. Par ailleurs, il y aura progressivement séparation de
phases et donc dégradation des propriétés. Ces phénomènes peuvent également survenir lors du
stockage, une graisse étant capable de libérer spontanément de l’huile.
L’allure des résultats montre que, contrairement règles admises, le ressuage des graisses n’est
pas contrôlé par la structure du savon et que d’autres paramètres interviennent.
L’analyse des résultats nous permet de conclure sur l’influence de certains facteurs : en
excluant la valeur extrême de LiM, ces mesures mettent en avant l’importance de l’interaction
savon – huile à haute température (température de ressuage = 100°C) puisque chaque couple
savon – huile étudié se situe dans une plage de mesures distincte. On observe que, malgré des
microstructures complètement différentes, la nature du savon n’est pas le paramètre majeur
pour cette propriété, à l’inverse du point de goutte, autre caractéristique normalisée qui consiste
à rechercher la température à partir de laquelle une goutte de fluide se sépare de la graisse. La
différence essentielle entre les deux modes opératoires (point de goutte, ressuage), vient du fait
que l’on impose une pression, et donc une sollicitation mécanique lors du ressuage. Ceci
montre que l’interaction savon – huile est plus importante que la nature du savon dans la
réponse de la graisse soumise à une sollicitation mécanique à haute température.
La nature et les propriétés de la phase libérée par la graisse pour lubrifier le contact étant
toujours l’objet de questionnements, on s’est intéressé aux caractéristiques des produits
ressués, obtenus dans des conditions que l’on peut qualifier de modèles ou simplifiées, par
rapport aux sollicitations tribologiques.
Quatre techniques différentes ont été utilisées afin de déterminer la composition chimique des
produits ressués et d’étudier leur comportement mécanique :
- rhéologie : le but est de comparer la viscosité des produits ressués à celle des huiles de
base,
- spectrométrie d’émission par plasma (ICP) : il s’agit de détecter la présence d’atomes
métalliques (Li, Al) ainsi que d’atomes caractéristiques des additifs fonctionnels,
- spectroscopie infrarouge : on cherchera la présence de savon, d’AVI et de tackifiant,
- chromatographie par exclusion de taille : l’objectif est de rechercher la présence d’AVI et
de tackifiant.
Etant donné l’incertitude sur les mesures (typiquement quelques %), on considère que les
produits ressués issus des graisses LiM-Z ont la même viscosité que les huiles de base
correspondantes. Ces dernières pouvant contenir des polymères, cela signifie, pour les produits
issus des graisses contenant l’AVI et/ou le tackifiant, qu’ils contiennent soit ces deux additifs
La plupart des autres produits ont une viscosité supérieure à celle de leur huile de base : là
encore cette augmentation peut être attribuée à la présence d’AVI et/ou de tackifiant et/ou de
savon. L’observation a révélé que les produits issus des graisses à base d’huile synthétique sont
altérés (couleur foncée). Cette oxydation a pu modifier la distribution des tailles des molécules
de l’huile et, par conséquent, augmenter sensiblement sa viscosité.
On note le résultat particulier du produit issu de LiSA : malgré l’augmentation probable des
masses molaires de l’huile de base due à l’oxydation et à l’évaporation, la viscosité de ce
produit est inférieure à celle de l’huile de base. On peut penser que l’AVI ne se retrouve pas en
totalité dans le produit ressué.
On observe clairement la différence entre les deux types de savon : la quantité de lithium
retrouvée dans les produits issus des graisses Li-Z est négligeable alors que la quantité
d’aluminium retrouvée dans les produits issus des graisses Al est importante (entre 20 et 55%
de la teneur initiale). Cette technique permet de quantifier la teneur en atomes Li et Al mais
ne permet pas de dire sous quelle forme ils se trouvent : ils peuvent provenir du savon
cristallisé (sous forme de fibres ou d’éléments plus fins) ou du savon sous tout autre forme.
30
20
10
0
Produit Produit Produit Produit Produit Produit Produit Produit Produit Produit
issu de issu de issu de issu de issu de issu de issu de issu de issu de issu de
LiM LiMT LiMA LiMAT LiST LiSA AlMT AlMA AlS AlSAT
savon Li 0,5
CH2
LiMAT
AVI 0,2
0,1
0
1800 1700 1600 1500 1400
Nombre d'onde (cm-1)
L’analyse infrarouge a permis de comparer les spectres des produits ressués à ceux des
graisses initiales et a apporté les éléments suivants :
- L’oxydation des produits ressués est très faible malgré la température et la durée du test
de ressuage.
- Les pics caractéristiques des savons cristallisés permettent de confirmer les résultats
obtenus en spectrométrie ICP : la quantité de savon lithium présente dans les produits
0,29 Huile
Huile extraite de
LiMAT
0,285 Produit ressué
issu de LiMAT
Intensité
0,28
AVI
0,275
0,27
10 12 14 16 18 20 22
Grandes masses Temps de rétention (mn) Petites masses
A l’aide de quelques tests complémentaires qui ont servi à déterminer la viscosité intrinsèque
des mélanges huiles + polymères, il a été possible de calculer le rayon de giration moyen des
molécules d’AVI et de tackifiant dans le tétrahydrofurane, solvant utilisé en chromatographie.
Le fait que les molécules d’AVI puissent s’enchevêtrer dans l’huile synthétique explique
qu’elles ne se retrouvent pas dans le produit ressué issu de LiSA : les molécules d’AVI sont à
la fois liées aux fibres de savon et liées entre elles, elles forment une sorte de sous-structure
emprisonnée dans les pores du réseau, qui ne peut pas s’évacuer avec l’huile.
Avec le savon aluminium complexe, les molécules d’AVI serpentent entre les éléments de
base, mais comme elles sont de plus enchevêtrées entre elles, elles limitent le passage du savon
et des additifs fonctionnels dans les produits ressués.
Ces travaux ont également précisé la présence et la localisation additifs de type polymères et
plus particulièrement de l’AVI. On constate que celui-ci ne se retrouve pas dans tous les
produits ressués : ce comportement peut avoir des conséquences importantes sur la
lubrification d’un contact.
Les résultats ont aussi permis de progresser dans la compréhension des interactions entre les
différents éléments de la graisse : le comportement de l’AVI s’explique grâce à la taille et à
l’enchevêtrement de ses molécules, qui résultent de ses interactions avec les huiles de base,
comparés aux dimensions des éléments constitutifs de la microstructure.
L’objectif du travail réalisé par Isabelle Couronné était d'analyser le comportement de la graisse
dans un contact bille/plan, pour simuler le contact réel bille – bague d’un roulement à billes. Un
dispositif expérimental adapté, développé par Denis Mazuyer au LTDS, permet l’observation
directe du contact et la mesure de l’épaisseur du film lubrifiant.
Cette étude tribologique a été structurée de la manière suivante :
- Une première analyse nous permet d’abord de distinguer les principaux types de
comportement des graisses et de retenir celles qui seront étudiées de façon plus approfondie.
Ces résultats sont analysés et discutés en termes de structure et de composition des graisses.
- Pour les graisses retenues, nous mesurons ensuite, en fonction de la vitesse d’entraînement,
l’épaisseur du film lubrifiant et nous la comparons aux épaisseurs obtenues avec les huiles
de base et les produits ressués. Par identification, nous devrions être en mesure d’apprécier la
nature des phases lubrifiantes présentes dans le contact lubrifié à la graisse.
- Finalement, nous déterminons les sollicitations subies par la graisse aux abords du contact
pour proposer un schéma de la lubrification du contact bille/plan, en reliant le comportement
tribologique observé aux propriétés intrinsèques des graisses.
LiMAT
LiMVT
1000 LiSA
LiSV
AlMA
AlMV
Epaisseur de film (nm)
AlSAT
AlSVT
100
Contact bien alimenté
10
0,01 0,1 1
Vitesse d'entraînement (m/s)
Contact sous alimenté
Figure 80 : évolutions typiques des hauteurs de film avec la vitesse.
LiMAT LiSA
Graisses fibreuses
Graisses colloïdales
AlSAT AlMA
Régime observé Lubrification bien alimentée Lubrification sous alimentée
Figure 81 : aspect des films résiduels laissés sur les pistes après essais tribologiques.
A la lecture de ces commentaires, il est clair que l’interaction savon – huile joue encore un rôle
décisif, cette fois dans le domaine tribologique. Isabelle Couronné a tenté, sur une base bien
plus large de résultats que celle relatée dans ce mémoire, de corréler ces premières mesures
d’épaisseurs aux grandeurs normalisées ainsi qu’aux propriétés intrinsèques des graisses. Nous
en reprenons ici les principaux éléments :
Le ressuage n’est pas non plus, contrairement aux règles admises dans le domaine, un facteur
décisif. Par exemple, les graisses LiS-Z auraient dû, suivant ces règles, être plus performantes
que LiMT, LiMA et LiMAT. Il n’a pas non plus été possible de corréler ces premiers résultats
aux valeurs de stabilité mécanique, obtenues par mesures de la pénétration après cisaillement
au worker.
Finalement, parmi l’ensemble des paramètres rhéologiques étudiés, seul le module élastique
semble corréler les comportements observés puisque les valeurs de G’ correspondent au
classement des graisses établi à partir de ces premières mesures d’épaisseur.
1000 LiMT
0,67
Produit ressué
bled product of de LiMT
LiMT
Epaisseur de film (nm)
Base
Huile oil
de of LiMT
base de( LiMT
= HM )
100
-3,4
10
0,01 0,1 1
1000 0,67
Epaisseur de film (nm)
100
-2,4
LiMVT
LiMAT
Produit ressué
bled product de LiMAT
of LiMVT
Huile
Base de base
oil of de LiMAT
LiMVT ( = HMV
10 )
0,01 0,1 1
1000 AlS
0,67
Produit ressué
bled product ofdeAlSAlS
Epaisseur de film (nm)
Base de
Huile oil base
of AlSde( = HS )
AlS
100
-1
10
0,01 0,1 1
AlSVT
AlSAT -1
Produit ressuéofde
bled product AlSAT
AlSVT
Huile
Base de
oil base de AlSAT
of AlSVT ( = HSV )
10
0,01 0,1 1
Figure 82 : hauteurs de film mesurées avec les graisses comparées à celles de leurs
produits ressués et de leurs huiles de base.
Il est aussi intéressant de s’intéresser à l’épaisseur dans le domaine où elle chute. A partir
d’une certaine vitesse, ou vitesse de sous-alimentation, plusieurs effets conduisent à ce
comportement :
- Les forces centrifuges et inertielles qui écartent la phase lubrifiante du contact
deviennent importantes.
- La fréquence de passage de la bille augmente, ce qui laisse de moins en moins de temps
au lubrifiant de revenir vers le centre de la piste pour reformer une couche d’épaisseur
suffisante.
En conséquence, la quantité de lubrifiant qui quitte la zone de contact devient supérieure à
celle qui y entre. Le débit du lubrifiant à l’entrée du contact est alors insuffisant et l’épaisseur
du film chute rapidement. Guangteng et al (1992) notent, dans le cas d’huile, que l’épaisseur
du film est alors proportionnelle à la vitesse à la puissance –1. Damiens et al (2001)
considèrent que la valeur de l’exposant est liée au temps nécessaire au contact pour atteindre
un état d’équilibre, pour lequel l’épaisseur du film est stable. Dans le cas d’huiles, cet
équilibre est instantané et on obtient alors une pente de –1 ; dans le cas de graisses, le temps
nécessaire pour obtenir l’équilibre est plus long. Si les mesures d’épaisseurs de film ont lieu
avant que l’équilibre ne soit atteint, alors l’exposant qui lie l’épaisseur du film à la vitesse
sera inférieur à –1.
Dans notre cas, la décroissance de l’épaisseur du film suit une loi puissance d’exposant –1
pour AlS et AlSAT, ce qui montre que la durée des paliers de vitesse imposés aux graisses est
suffisante pour que l’épaisseur du film atteigne son état d’équilibre avec ces graisses.
L’exposant est bien inférieur pour LiMT et LiMAT, respectivement –3.4 et –2.4 : dans ces
cas, la durée des paliers s’est avérée insuffisante.
Ces constatations sont directement reliées au comportement rhéologique des graisses : AlS et
AlSAT ont un caractère fragile, en conséquence une fois la sollicitation imposée, la structure
atteint instantanément son état d’équilibre ; LiMT et LiMAT présentent un caractère ductile,
leur structure évolue dans le temps de manière plus progressive.
300 300
200 200
On observe tout d’abord qu’à faible vitesse (V < 0.05 m/s), l’épaisseur de film obtenue avec
la graisse atteint une valeur seuil (100 > h > 80 nm selon les graisses). Comme ce phénomène
ne se retrouve ni pour les produits ressués ni avec les huiles de base, on peut penser qu’il est
dû à la présence de savon dans le contact, phénomène déjà reporté par ailleurs.
Dans la zone bien alimentée, on remarque que les épaisseurs obtenues avec LiMT sont égales
à celles obtenues avec le produit ressué correspondant. Cela signifie que la phase lubrifiante
possède une viscosité égale à celle du produit ressué : elle est donc probablement constituée
de façon majoritaire d’huile minérale. On note également que le savon présent dans le contact
(paragraphe précédent) ne contribue pas dans cette zone à l’augmentation de l’épaisseur du
film, cette épaisseur étant principalement contrôlée par la phase fluide.
Pour les vitesses supérieures à la zone bien alimentée, on atteint le régime de sous-
alimentation des graisses. Le fait de ne pas observer ce phénomène pour les huiles de base et
les produits ressués confirme que celui-ci est relié à la capacité de retour du lubrifiant dans le
contact et à la morphologie du lubrifiant présent aux côtés de la piste. Dans le cas des huiles
et des produits ressués rien ne gêne physiquement le retour du lubrifiant dans le contact.
Le tableau 24 récapitule les informations rhéologiques tirées de l’analyse des hauteurs de film
générées par les différents lubrifiants et les compare aux valeurs mesurées sur rhéomètres.
4.6.3 Synthèse
• En ce qui concerne LiMT et le produit ressué associé, il ne fait aucun doute que l’huile de base
assure la lubrification du contact.
• Pour la graisse AlS, en dépit d’informations tronquées sur les propriétés des fluides ressués
(huile HS sensible à l’oxydation), on peut affirmer qu’une quantité significative de savon
d’aluminium contribue à la lubrification, dans le cas de la graisse et certainement aussi avec le
produit ressué.
• La situation se complique un peu avec AlSAT puisque, par rapport au cas précèdent, intervient
le comportement non-newtonien dû à l’AVI. Ainsi, on obtient des écarts plus importants entre
les valeurs mesurées avec un rhéomètre (sur le 1er plateau newtonien) et celles déduites des
hauteurs de film, qui résultent du cisaillement dans la zone d’entrée du contact. Compte tenu du
rôle de l’AVI dans les interactions savon – huile et des résultats de l’analyse des fluides ressués,
on peut penser que les composés présents dans le produit de ressuage sont représentatifs de la
phase lubrifiante lorsque la graisse est utilisée.
• Pour ces trois premières graisses, il faut souligner que le produit ressué est donc un bon
indicateur de la nature de la phase effectivement lubrifiante et de ses propriétés.
• Le cas de LiMAT ne permet plus ce parallèle, l’écart entre les viscosités apparentes de la graisse
et du produit ressué étant très important. Trois possibilités subsistent : soit le savon est présent
en quantité significative, soit l’AVI passe dans le contact à forte concentration, soit les deux
phénomènes se produisent simultanément.
Les deux principales avancées détaillées dans ce mémoire concernent le rôle primordial des
interactions savon – huile et la possibilité, dans certaines conditions, de considérer la phase
ressuée de la graisse comme représentative du lubrifiant effectif.
§ Le premier point s’étend aux graisses contenant des additifs, notamment des polymères, et
met en jeu les caractéristiques physico-chimiques (solubilité, mouillage…) des différentes
phases concernées.
§ Le second aspect développé apporte des éléments de réponse à un questionnement crucial
pour la lubrification à la graisse, lié à la nature, à la composition et aux propriétés du
lubrifiant effectif.
Considérés dans leur globalité, ces travaux s’inscrivent et justifient la démarche d’analyse
scientifique qui a été proposée dans la première partie et notamment la mise en œuvre du triplet
d’analyses tribologiques – rhéologiques – physico-chimiques, appliqué à la lubrification à la
graisse
Les résultats obtenus se sont souvent démarqués, voire ont contredit, les connaissances admises
dans le domaine. Ils ont été soumis dernièrement pour publications au journal Tribology
Transactions (Couronné et al 2001) : une autre forme de synthèse, présentée page suivante sous
forme de diagramme logique, y a été proposée.
1
Pas plus en lubrification à la graisse qu’en tribologie, l’extrapolation reste un exercice aisé. La complexité et la
multitude de compositions et de structures de ces lubrifiants nous obligent à rester prudent.
FILM THICKNESS
ANALYSIS
LUBRICATING PHASE
Base oil: LiMT
Base oil + soap: AlS
Base oil+V+soap: AlSVT TRIBOLOGICAL BEHAVIOR
Base oil+V+soap ? : LiMVT
Al-S + … Li-M + …
500 500
AlSVT LiMVT
400 400
Starved regime
Film thickness (nm)
Film thickness (nm)
300
rapidly reached 300
200 200
Starved regime
100 100 longer to be reached
0 0
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50 60
Time (mn) Time (mn)
Dans cette partie, nous allons nous intéresser aux cas où des films très minces sont capables de
séparer efficacement les surfaces des solides en contact, en manifestant des propriétés qu’ils ne
peuvent exprimer que dans ces conditions. C’est ainsi que nous définissons le régime de
lubrification limite et plus précisément le régime de Lubrification en Film Mince (LFM). Il se
situe entre le régime élastohydrodynamique où le lubrifiant intervient par le biais de ses
propriétés rhéologiques α* et µ (voir chapitre 2), et le régime mixte classique qui, lui, fait de plus
intervenir des interactions entre les aspérités des surfaces en contact. Le régime mixte, lorsqu’il
se caractérise par une discontinuité du film lubrifiant, n’entre pas dans nos préoccupations,
comme nous l’avons déjà mentionné dans la première partie.
Pour mener ces travaux, nous nous appuierons sur les outils Jerotrib, tribomètre bille/plan, et
Pâris, logiciel de dépouillement informatisé des interférogrammes, présentés dans le chapitre 2.
Sur le plan tribologique, la présence de ces couches très minces de lubrifiant peut être salutaire
pour la pérennité de mécanismes dont les conditions de fonctionnement ne permettent pas
d’établir un film épais, comme en lubrification élastohydrodynamique. Ces sont en fait des
situations extrêmement courantes dans les mécanismes lubrifiés, associées le plus souvent à
l’utilisation de lubrifiants multiphasiques (graisses, émulsions, …) qui évoluent au cours du
temps et durant leur passage dans le contact. Ces conditions conduisent à une alimentation en
lubrifiant insuffisante ou à des températures trop élevées, que l’on retrouve par exemple dans le
laminage à froid des produits plats, déjà évoqué. C’est précisément à l’occasion de travaux pour
cette application que Jérôme Molimard a été confronté à la lubrification limite, apparentée dans
son étude au régime de lubrification sur les "plateaux". La plupart des résultats reportés dans ce
chapitre lui sont dus.
Cette partie n’a pas pour vocation de développer et d’expliciter l’ensemble des mécanismes qui
interviennent en lubrification limite. Il s’agit au contraire de montrer comment se passe la ou les
transitions entre le film mince classique (qui obéit à l’équation de Reynolds avec ses hypothèses
classiques) et le film limite, caractérisé par d’autres propriétés que l’on tentera de cerner. Pour
cela, on utilisera d’une part des mesures d’épaisseurs de film dans des conditions susceptibles de
provoquer l’apparition du régime limite. D’autre part, les modèles de la lubrification
élastohydrodynamique seront employés pour identifier des paramètres caractéristiques de ce
D’autres résultats expérimentaux obtenus en roulement pur vont être utilisés pour illustrer notre
approche de la lubrification limite. Ils concernent deux lubrifiants dont les compositions précises
sont reportées dans l’annexe 1, auxquels nous ajouterons ultérieurement le DOP (figure 30,
chapitre 2) dans l’analyse finale :
CPRIA, soit l’huile de base CPRI additivée de trioléine (10%), d’acide stéarique (1%) et
d’additifs extrême pression,
CPRPA, réalisée à partir de la base minérale CPRP dans laquelle sont ajoutés 10% d’alcool
laurique et 1% d’acide isostéarique.
C’est la présence des additifs dans les lubrifiants formulés qui nous a poussé à étudier les bases à
des températures telles que la solubilité des premiers ne vienne pas perturber les mesures. Pour
d’évidentes nécessités de comparaisons, les huiles additivées ont été étudiées aux mêmes
températures. Les expériences ont été menées à l’aide d’une cale optique, de manière à se placer
dans les conditions les plus favorables pour la mesure des faibles épaisseurs.
Les résultats obtenus sur le lubrifiant CPRIA sont présentés figure 84. Si, pour ce lubrifiant, la
viscosité dynamique a été mesurée, le coefficient de piézoviscosité n’a pas été évalué et, dans les
calculs, nous avons utilisé le coefficient de l’huile de base.
Pour la base CPRI, nous avions trouvé un excellent accord entre les valeurs expérimentales et
celles calculées et ce, jusqu'aux épaisseurs les plus faibles (figure 35).
En dessous de 10-20 nm, le comportement du lubrifiant CPRIA diffère singulièrement et le
régime LFM se manifeste de la façon suivante. Les hauteurs au centre et surtout les épaisseurs
minimales deviennent progressivement égales puis constantes (de l’ordre de 5 nm). La notion
d’épaisseur minimale devient ici moins précise : pour le dépouillement des interférogrammes,
nous nous sommes attachés à rechercher la hauteur de film dans la zone du contact où l’épaisseur
minimale était censée se manifester.
Dans le domaine EHD, le comportement du lubrifiant additivé est très proche de celui de sa
base : étant légèrement plus visqueux, cela signifie que l’ajout d’additifs a fait un peu chuter le
coefficient de piézoviscosité, tendance trouvée par ailleurs sur des fluides similaires (Vergne
1993).
100
Epaisseur (nm)
10
hc H&D
hmin H&D
hc mesurée
1
hmin mesurée
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 84 : épaisseurs de film mesurées avec l’huile CPRIA, à 50°C et 0.5 GPa.
1000
hc H&D
hmin H&D
100 hc mesurée
hmin mesurée
Epaisseur (nm)
10
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 85 : épaisseurs de film mesurées avec l’huile CPRPA, à 25°C et 0.5 GPa.
L’huile de base minérale CPRP se caractérisait déjà par un comportement particulier. Lorsque les
additifs sont ajoutés, on note plusieurs changements (figures 85 et 86) :
- La hauteur de transition sur l’épaisseur au centre passe à 30-40 nm,
- L’épaisseur centrale continue à décroître lentement en dessus de ce seuil, elle est un peu plus
importante en présence d’additifs,
1000
hc H&D
hmin H&D
hc mesurée
100 hmin mesurée
Epaisseur (nm)
10
0,1
0,001 0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 86 : épaisseurs de film mesurées avec l’huile CPRPA, à 40°C et 0.5 GPa.
Cette description phénoménologique des résultats nécessite des investigations plus poussées.
Elles ont été conduites par Jérôme Molimard et vont être présentées dans les prochaines parties
du chapitre 5. Avant d’aborder cette phase, nous rappelons dans le tableau suivant les conditions
dans lesquelles des comportements de type LFM ont été observés.
5
4.5
average relative viscosity
4
3.5
3
2.5
2
1.5
1
0.5
0
0 20 40 60 80 100
film thickness, nm
a) squalane à 25°C.
Les résultats sont reportés figures 87 a) à d), sous la forme de variations de la viscosité relative,
µR, en fonction des hauteurs au centre mesurées.
- Pour le squalane, figure 87 a), la viscosité relative est proche de 1 jusqu’à une hauteur de 20
nm environ. En deçà, des fluctuations apparaissent pour finalement donner une nette
augmentation de la viscosité relative à partir de 10 nm, malgré une certaine dispersion due
aux incertitudes dans la mesure des épaisseurs.
- Pour les fluides à base de CPRI, les 2 courbes reportées figure 87 b) sont encore plus
parlantes. La viscosité relative reste sensiblement constante et égale à 1 pour l’huile de base.
Par contre, les résultats obtenus en présence d’additifs sont très différents puisque µR
augmente sensiblement dès 20 nm et continue de croître, même aux plus faibles épaisseurs.
- Le cas de l’huile CPRP est plus complexe.
- à 25°C, figure 87 c), on note que la viscosité relative croît sensiblement dès 20 nm,
- à 40°C, figure 87 d), c’est vers 40 nm que se produit l’augmentation de µR. Pour les 2
températures, on note la présence d’un plateau assez étroit vers 10 nm (µR ≈ 2), puis
ensuite à nouveau une augmentation de µR (très marquée à 40°C) lorsque hc diminue.
Les notions de viscosité apparente et de viscosité relative permettent donc de situer le type de
comportement d’un lubrifiant en régime de lubrification en film mince, comme le résume la
figure 88. En régime "LFM solide", la viscosité est constante puis croît brutalement alors qu'en
régime "LFM fluide", la viscosité varie entre deux valeurs finies, l'une étant la viscosité du
lubrifiant à forte épaisseur (viscosité volumique), l'autre la viscosité d'un produit différent passant
dans le contact (viscosité apparente limite) à faible épaisseur.
Viscosité apparente
Film LFM solide
Film LFM fluide
Viscosité volumique
Hauteur au centre
Figure 88 : représentation didactique des régimes LFM solide et LFM fluide à
l’aide de la viscosité apparente.
Nous avons appliqué cette approche aux lubrifiants industriels, ce qui permet une première
identification du type de régime LFM, solide ou fluide. Il faut cependant garder en mémoire que
les bases minérales testées comprennent un grand nombre d'espèces chimiques différentes,
contrairement aux fluides de synthèse. Cette remarque sur la diversité des composés s’applique
également à certaines classes d’additifs et notamment les alcools et les esters gras, justement très
employés dans le domaine de la mise en forme. Ainsi, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’à partir
de nos mesures d’épaisseurs, il soit possible de mettre en évidence des changements de
comportement très tranchés.
Néanmoins, pour pousser l’analyse plus loin, dans le but de relier la composition et la structure
des lubrifiants à leur comportement en film mince, il est possible de développer un modèle
d’identification. Ce modèle et les résultats qui en découlent sont présentés ci-après.
Ainsi, en relation avec les observations expérimentales, le régime LFM solide est associé à la
présence d’une couche immobile et donc à h’, et l’apparition d’un régime LFM fluide à la
manifestation d’une viscosité apparente µapp , qui génère une “épaisseur visqueuse” hvisqueux.
Ces phénomènes peuvent se produire simultanément ou séparément. Ils sont d’autant plus
facilement observables que l’épaisseur est faible, ce qui ne signifie pas qu’ils soient absents à
plus forte hauteur de film.
1 - Solides en présence.
2 - Couches de lubrifiant immobiles.
“Film immobile” de hauteur h'.
3 - Couche de lubrifiant fluide de
viscosité variable et de
piézoviscosité inconnue.
“Film visqueux” de viscosité
µapp (hvisqueux).
A partir de cette description, Jérôme Molimard propose un processus itératif d’analyse des
résultats épaisseurs – vitesses pour déterminer les trois paramètres inconnus :
- h’, l’épaisseur totale de la couche immobile,
- α déduit , le coefficient effectif de piézoviscosité du lubrifiant, déduit en régime LFM,
- µapp limite , la valeur limite (stabilisée) de la viscosité apparente.
Le processus est appliqué successivement sur des parties différentes du domaine expérimental,
selon les grandeurs recherchées. Il est interrompu lorsque des variations inférieures à 0.1 GPa-1
pour α déduit et inférieures à 0.1 nm pour h’ sont obtenues.
Modèle LFM
Lubrifiant Temp. α H&D µ mesurée α déduit µapp limite h’
(°C) (GPa-1) (mPa.s) (GPa-1) (mPa.s) (nm)
DOP 40 16.3 26 15.3 25.6 1.6
Squalane 25 16.7 28.1 15.4 26 1.7
CPRI 50 22.7 11.3 22.5 11.3 ≈0
CPRIA 50 15.8 12.4 14.6 12.4 3.0
CPRP 25 10.3 1.9 10.1 3.2 0.4
CPRPA 25 13 2.3 12.4 3.3 1.8
CPRP 40 12.5 1.4 12.2 2.4 1.3
CPRPA 40 13.8 1.7 13.2 2.7 1.7
Tableau 26 : paramètres calculés à partir du modèle d’identification et comparés
aux valeurs tirées de régressions (α H&D) et mesurées (µ).
Pour bien faire ressortir l’impact de ces paramètres, nous avons tracé, figures 90 et 91,
l’évolution de l’épaisseur du film visqueux (dû à µapp limite et α déduit ) et du film total généré par
les huiles CPRIA à 50°C et CPRPA à 25°C, en fonction de la vitesse d’entraînement. Ces
épaisseurs sont comparées à celles estimées au moyen de la relation d’Hamrock et Dowson, en
utilisant les deux jeux de paramètres rhéologiques mentionnés dans le tableau 26.
Le même processus appliqué aux valeurs trouvées pour l’huile CPRPA à 25°C (figure 91)
suggère deux commentaires complémentaires :
- En tenant compte de l’épaisseur h’ calculée par le modèle d’identification, on note que
dans la zone des faibles épaisseurs, la hauteur du film visqueux suit une tendance parallèle
à la prédiction calculée à partir des données rhéologiques classiques ; ceci confirme
l’existence d’un film immobile et donc une contribution du type LFM solide,
- En considérant l’ensemble des hauteurs du film visqueux, on observe que la prédiction
basée sur des données classiques est suivie à forte vitesse ; ensuite une zone de transition
montre que la pente n’est plus conforme à celle des modèles EHD puis, pour finir, les
hauteurs sont à nouveau en accord avec le modèle, mais cette fois en tenant compte des
paramètres identifiés par le processus itératif. Il s’agit donc pour ce fluide, d’un régime de
100
Epaisseur (nm)
10
hc H&D volumique
hc H&D LFM
hc totale
hc visqueuse
1000
hc H&D volumique
hc H&D LFM
hc totale
hc visqueuse
100
Epaisseur (nm)
10
1
0,01 0,1 1 10
Vitesse d'entraînement (m/s)
Figure 91 : épaisseurs mesurées et déduites du modèle LFM pour le lubrifiant
CPRPA à 25°C et 0.5 GPa.
Deux difficultés se présentent pour aborder cette corrélation. D’une part un décalage important
existe entre les situations expérimentales où l’analyse physico-chimique délivre des
informations quantitatives sur l’organisation des couches moléculaires et la situation dans
laquelle nos expériences se sont déroulées. En effet, le confinement dû au contact et le
cisaillement généré par l’écoulement du fluide ne sont pas reproduits dans l’étude
conventionnelle des couches minces fluides et doivent certainement en modifier l’aspect.
D’autre part, les fluides et additifs industriels étudiés comprennent chacun une grande variété
de composés, ce qui rend délicate la recherche d’une seule grandeur caractéristique associée à
un type de molécule. Formellement, on devrait en rechercher une distribution.
L’analyse est plus simple pour les lubrifiants DOP et squalane, d’une part parce que leur
structure est mieux connue et d’autre part parce que des résultats antérieurs existent dans la
littérature. Ainsi, en faisant l’hypothèse classique dans ce domaine que le film immobile est
composé de deux couches orientés dans le plan de l’écoulement, nous trouvons que chacune
d’elle serait monomoléculaire et d’épaisseur égale à la plus petite dimension caractéristique
reportée dans le tableau 27. Les travaux de Moore (1997) sur le DOP conduisent à la même
conclusion.
Le cas du lubrifiant CPRIA peut être traité en faisant le parallèle avec les travaux de Spikes et
Cann (1995) sur une formulation très proche : hexadécane plus acide stéarique. Ni
l’hexadécane pur, ni l’huile de base CPRI seule n’ont manifesté de comportement LFM
particulier. Par contre, la présence d’acide stéarique contribue à la formation d’un film
immobile, dont la demi-épaisseur estimée dans le contact est toutefois inférieure à la longueur
d’une molécule complète, évaluée au repos . Le choix de l’acide stéarique réside dans sa forte
potentialité à s’adsorber sur une surface, du fait de la présence de têtes polaires.
L’huile de base CPRP possède déjà des éléments qui lui confèrent un comportement LFM
complexe. On note la présence d’une couche immobile et la viscosité apparente limite est
supérieure à la viscosité mesurée. Ce comportement est amplifié en présence d’additifs et
Toutes ces interprétations peuvent souffrir d’un manque de certitudes expérimentales, que
seule la caractérisation chimique in situ serait capable de lever. Conscient de cette relative
faiblesse dans l’analyse, Jérôme Molimard (1999) évoque également les sources de désaccords
possibles sans qu’il ait été possible pour lui de les quantifier : changement de dimensions des
molécules due à l’orientation sous contraintes, homogénéité de la couche immobile pas
garantie (effet de rugosité chimique), effet symétrique sur les deux surfaces (de natures
différentes) discutable.
Les perspectives ouvertes par ces premiers travaux sont multiples car les applications concernées
sont très nombreuses et les situations tribologiques très variées. Elles sont plein accord avec
l’approche développée au sein de l’équipe ML2 et avec la démarche d’analyse présentée dans la
première partie du mémoire.
En premier lieu, il serait extrêmement intéressant de préciser la nature chimique exacte et,
pourquoi pas, l’organisation des films minces confinés. L’usage de techniques spectrométriques
(Raman, infrarouge) ou de la fluorescence pourrait s’avérer performant.
Ensuite, il semblerait pertinent de s’interroger sur les conditions (pression, température, surfaces,
cinématique) qui favorisent ou inhibent les mécanismes conduisant au régime LFM, solide ou
fluide, ainsi que sur les cinétiques de formation, voire de renouvellement. Pour l’instant, un
nombre restreint de conditions expérimentales a été balayé.
Il est cependant difficilement envisageable de conduire de nouvelles études sur des lubrifiants et
additifs industriels uniquement : l’utilisation de conditions modèles et donc de matériaux modèles
s’impose pour mieux exacerber ou minimiser les phénomènes et les couplages qui se manifestent.
Sommaire
CONCLUSION GENERALE et
PERSPECTIVES
1 CONCLUSION GENERALE
Dans ce mémoire, j’ai relaté les faits marquants qui ont ponctué, durant ces douze dernières années,
nos travaux expérimentaux portant sur l’étude de la lubrification et des lubrifiants. Cette synthèse
souligne et confirme, de mon point de vue, qu’il n’est pas envisageable d’aborder l’une - la
lubrification - sans étudier les autres - les lubrifiants - .
En effet, se focaliser sur la lubrification sans prendre en compte les caractéristiques physiques du
lubrifiant (sa rhéologie, sa structure) et sa complexité de fluide réel - car industriel - limite
l’approche au traitement de cas purement académiques, peu représentatifs et souvent déjà traités par
ailleurs.
D’un autre côté, concentrer nos recherches sur le lubrifiant uniquement nous priverait d’un intérêt
majeur : s’intéresser à la fonction à laquelle il est destiné, c’est à dire lubrifier.
Ces deux aspects, lubrifiants et lubrification, figurent également dans le nom de notre équipe de
recherche, intitulée “Modèles de Lubrification et Lubrifiants (ML2)”. C’est parce qu’elles sont
abordées conjointement que les trois approches, tribologique, rhéologique et physico-chimique se
Cinq thèmes de recherche ont été présentés, couvrant successivement le comportement sous haute
pression des lubrifiants fluides, l’analyse des mécanismes générateurs de film dans les contacts
chargés, le comportement de suspensions lubrifiantes puis de graisses pour roulements et,
finalement, la lubrification limite, au travers de l’étude du régime de lubrification en film très mince
ou régime LFM. Dans chacun de ces chapitres, des conclusions directes des travaux présentés ont
été formulées et sont reprises ici, sous une forme condensée. Un développement plus important sera
ensuite dédié aux perspectives :
- D’une part, je présenterai des actions en cours de réalisation qui donnent ou sont sur le point de
donner des résultats originaux.
- D’autre part, j’évoquerai des projets et des collaborations qui font notamment suite aux travaux
présentés dans les chapitres 4 et 5, et qui se mettront en place en 2002.
L’ensemble de ces perspectives s’inscrit dans la démarche et les objectifs exposés dans la première
partie et constitue mon projet de recherches, pour prochaines années.
L’étude du comportement sous haute pression des lubrifiants nous a permis de constituer une base
de connaissances significative dans le domaine de leurs caractéristiques physiques, de disposer de
modèles rhéologiques robustes et compatibles avec les modèles actuels, d’introduire dans ces
derniers des grandeurs caractérisées indépendamment, autorisant une démarche rigoureuse
d’identification des paramètres importants.
Les objectifs ambitieux que nous nous étions fixés dans le domaine de la caractérisation des films
minces, centrée sur le paramètre épaisseur de film, ont été dépassés. Les liens entre comportements
rhéologique et tribologique ont été discutés, surtout en ce concerne le coefficient de piézoviscosité.
Les écarts que l’on peut rencontrer laissent penser que des phénomènes physiques non pris en
compte actuellement pourraient jouer un rôle.
A la lumière de nos résultats expérimentaux, nous avons pu évaluer la justesse des prédictions
issues des différents modèles de la lubrification EHD.
La possibilité d’accéder en toutes circonstances à l’épaisseur minimale s’est révélée d’un grand
intérêt, surtout vis-à-vis de l’endommagement potentiel des surfaces et de l’analyse du
comportement des lubrifiants en films très minces, en régime LFM notamment.
Les travaux sur les suspensions ont constitué une approche originale de l'étude de la réalimentation,
centrée sur le lubrifiant et difficile du fait des conditions particulières rencontrées dans l’application
et qu’il a fallu reproduire.
En recherchant, par des approches complémentaires, les paramètres les plus influants, il a été
possible d’optimiser leur composition et de valider leur comportement, au sens de la réalimentation.
Ces fluides ont été développés au laboratoire : leur commercialisation est effective depuis 1998 et
on a pu noter depuis leur utilisation progressive dans les projets spatiaux français, puis européens.
2 PERSPECTIVES
Le thème rhéologie des lubrifiants et notamment sous haute pression est toujours actif puisque
des travaux sont en cours, notamment pour étudier le comportement d’huiles additivées de
polymères, destinées à la lubrification des moteurs et boîtes de vitesses pour l’industrie
automobile. Cette action est intéressante à plus d’un titre.
Ø L’ajout de polymères se généralise à tous les types de lubrifiant (c’était le cas des graisses
étudiées chapitre 4) et il revient sans cesse la question de leur comportement rhéologique,
dont les propriétés prises en compte sont, pour l’instant, celles de leurs composants de base.
Ø L’autre attrait réside dans les orientations futures de ce travail qui pourrait s’orienter vers des
aspects plus tribologiques, et notamment vers la lubrification du contact segment - chemise
où un troisième composant, cette fois gazeux, intervient.
Nous avons évoqué, dans le chapitre 2, une collaboration menée dans le cadre d’une ACI du
Ministère et intitulée "Etude quantitative in-situ des capacités de transfert de contraintes et de
dissipation d’énergie de phases confinées dans une interface tribologique : rôle de la pression et
du cisaillement". Dans ce projet, nous sommes engagés à poursuivre la caractérisation locale in-
situ du contact lubrifié, en particulier grâce au développement d’une technique originale.
Une première phase a débouché sur la possibilité d’établir une cartographie complète du champ
de pression dans un contact de type élastohydrodynamique, au moyen de la microspectrométrie
Raman. Cette technique est sensible à la pression, paramètre si important en lubrification. De
nombreux résultats ont déjà été obtenus.
Ø Dans un premier temps, l’approche expérimentale a été validée et des résultats ont été
comparés à ceux donnés par les modèles de la lubrification EHD (Jubault et al, 2002), sur des
plages restreintes de paramètres.
Ø Dans un second temps, en couplant Jerotrib avec un microspectromètre Raman (voir annexe),
nous avons pu étendre notre champ d’investigation à des vitesses, des charges et des
températures de contact couvrant des domaines bien plus étendus. Des mesures d’épaisseurs,
réalisées en parallèle ont permis, grâce à une technique de transformées de Fourrier, de
calculer des champs de pression à partir des cartographies d’épaisseur. Ces champs calculés
et les valeurs mesurées expérimentalement ont pu être comparés aux pressions issues des
modèles numériques développés par Lubrecht (Venner et Lubrecht 2000).
Ø C’est donc tout le couplage entre l’effet hydrodynamique dans le film et la déformation
élastique des surfaces qui est ainsi décortiqué, discuté et analysé en détails par Isabelle
Jubault dans sa thèse, qu’elle doit soutenir très prochainement.
Dernièrement, en collaboration avec l’équipe Contacts et Mécanismes du laboratoire, nous avons
appliqué avec succès cette technique à des contacts indentés, étudiés pour leurs conséquences sur
l’endommagement et la réduction de la durée de vie des mécanismes. Les premiers résultats
obtenus nous incitent à poursuivre cette action qui apporte des informations complémentaires aux
travaux menés jusque-là.
Le dernier véritable challenge que nous souhaitons aborder dans ces études in situ concerne le
frottement généré dans les interfaces lubrifiées : nous nous intéressons à sa mesure aussi bien
qu’à la compréhension et à la caractérisation du comportement du lubrifiant.
Ø A l’aide de la spectrométrie Raman, Isabelle Jubault a tenté une première approche en faisant
varier le taux de glissement, donc en introduisant du frottement. Ces travaux ont été réalisés
récemment et leur interprétation n’est pas achevée. La difficulté se situe à deux niveaux :
l’absence, à notre connaissance, de repères donnant la sensibilité de la diffusion Raman au
cisaillement et le fait que les contraintes générées par le frottement restent toujours faibles par
rapport aux pressions appliquées.
Ø Par ailleurs, le tribomètre Jerotrib est en cours d’évolution pour recevoir un dispositif
permettant la mesure de frottement, ce qui, dans l’idéal, permettrait d’obtenir simultanément
sa valeur globale et, par l’analyse Raman, sa distribution dans le contact.
p (GPa)
2,4
u e=0.62 m/s ue=0.62 m/s
1,2 u e=2 m/s ue=2 m/s
2,0
Hertz Hertz
1,0
1,6
0,8
1,2
0,6
0,8
0,4
0,2 0,4
0,0 0,0
-200 -150 -100 -50 0 50 100 x (µm) -300 -200 -100 0 100 200 300 x (µm)
Profils de pression mesurée par spectrométrie Raman à 50°C, 17 N (à gauche) et 237 N (à droite).
3,0
3
2,5
2 2,0
1,5
1 1,0
0,5
0 0,0
-2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5
Profils de pression mesurée (carrés) et calculées à 0.62 m/s, 50°C, 17 N à gauche et à 237 N droite.
Pressions établies par spectrométrie Raman à gauche, calcul FFT à partir des hauteurs de film à droite.
3
Pression (GPa)
Pour donner suite à nos investigations sur le thème des fluides complexes, deux thèses débutent
respectivement sur la lubrification à la graisse des roulements de roues automobiles et sur la
lubrification du laminage à froid de l’aluminium. Ces deux thèses impliquent les 2 laboratoires
lyonnais de tribologie, regroupés au sein de l’IET, l’Institut Européen de Tribologie.
Pour le premier sujet, il s’agit d’une collaboration entre Condat (Chasse sur Rhône), SNR
Roulements (Annecy), le LTDS (laboratoire d’accueil, Ecole Centrale de Lyon) et le LMC-ML2
(INSA de Lyon).
Le thème central est le suivi et la compréhension des modifications supportées par la graisse dans
un roulement. En effet, au cours de sa vie, la graisse subit de nombreuses transformations depuis
la phase initiale d’introduction jusqu’à l’apparition d’endommagements. Par ailleurs, les
différentes étapes de la vie d’un mécanisme se traduisent successivement par un fonctionnement
en film mince, par l’apparition d’un régime sous-alimenté puis par le fonctionnement en régime
mixte. Dans ce contexte, l'objectif de la recherche sera de :
- Simuler et comprendre les transformations structurales et physico-chimiques qui affectent
les comportements tribologique et rhéologique de la graisse.
- Caractériser le lubrifiant effectif et ses interactions avec les surfaces dans chacune des
étapes.
- Relier les 2 points précédents aux propriétés initiales des graisses.
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ZHU D., BIRESAW G., CLARK S.J., KASUN T.J., Elastohydrodynamic lubrication with O/W
emulsions, ASME Journal of Tribology, vol. 116, April 1994, p. 310-320.
ZISMAN W.A., Constitutional Effects on Adhesion and Abhesion, In : Adhesion and Cohesion.
Edité par P. Weiss, New York : Elsevier Publishing Compagny Inc., 1962, p. 176-208.
Bibliographie 188
ANNEXES
Sommaire des annexes
Annexes 189
1 Annexe 1 : PRINCIPAUX DISPOSITIFS DEVELOPPES
Il s'agit d'un viscosimètre à corps chutant : on utilise la gravité pour faire tomber un mobile de masse
volumique supérieure à celle du fluide étudié. Une relation analytique lie la viscosité du fluide à la vitesse de
chute du mobile au moyen des grandeurs géométriques qui caractérisent l'écoulement, de l'accélération de la
pesanteur et des masses volumiques respectives du fluide et du matériau du mobile.
Dans notre cas, on fait chuter un corps cylindrique (sans guide) dont une extrémité est hémisphérique pour
une bonne pénétration dans le liquide. L'autre est plane afin de réfléchir au mieux les ondes ultrasonores
générées par une sonde émettrice et réceptrice, placée dans la partie supérieure de l'appareil.
L'utilisation de cette sonde, qui constitue une des originalités du dispositif puisque l’on est capable de suivre
en continu la chute du mobile, a posé de nombreux problèmes de mise au point. Bien que constituée de
Annexes 190
matériaux possédant des propriétés thermo-élastiques très différentes, elle doit supporter les variations
importantes de température et surtout de pression, étant placée à l'intérieur de l'enceinte. Par contre, on
supprime ainsi toutes les pertes aux interfaces que nous subissions lorsque, comme dans le premier
viscosimètre, le capteur ultrasonore était placé à l'extérieur. Le gain en terme d'intensité ultrasonore est très
important.
Pour donner une échelle, la pièce principale qui constitue l'enceinte réalisée en acier refondu sous vide, fait
une longueur de 400 mm et l'alésage dans lequel se déplace le mobile a un diamètre de 16 mm.
La mesure est réalisée par retournements successifs : l'ensemble des opérations de commande et d'acquisition
est piloté par un calculateur. Hormis quelques usinages spécifiques, l'appareil a été entièrement conçu et
réalisé par notre équipe.
Domaines de travail :
Pression de 0.1 à 700 MPa
Température de –25 à +150°C
Fréquence de 0.5 à 5 MHz
Viscosité de 10-3 à 10+3 Pa.s
Incertitudes de mesure :
Pression de 0.1 à 0.25%
Température de 0.1 à 1°C
80 mm
Annexes 191
1.2 TRIBOMETRE JEROTRIB
La conception du tribomètre bille/plan a été initiée en 1995 afin de disposer d'un simulateur de contacts
lubrifiés. Son développement a été axé sur la mesure de l'épaisseur du film lubrifiant et donc sur l’accès
optique au contact. L'aspect frottement a donc volontairement été écarté, dans un premier temps.
L'architecture mécanique est simple, voir schéma ci-dessous. Le contact est localisé entre un disque
transparent tournant sur son axe vertical et une bille entraînée en rotation sur un axe horizontal. Le contact
est crée entre la face inférieure du disque et le dessus de la bille. Par différence de chemin optique entre les
ondes réfléchies par la face inférieure du disque et celles qui le sont par la bille, on construit un système de
franges d'interférences, dans notre cas en lumière blanche.
Les deux éprouvettes (bille et plan) sont directement reliées à deux moteurs brushless, eux-mêmes
commandés par deux unités d'asservissement indépendantes. Il est donc possible de piloter la vitesse de
chaque éprouvette séparément. La charge est imposée au moyen d'un système masse-ressort et d’une vis
micrométrique.
Le lubrifiant est soit déposé sous le disque, soit placé dans un réservoir. Les broches qui supportent les
éprouvettes, les éprouvettes elles-mêmes et le lubrifiant sont régulés en température.
Un microscope équipé d’une caméra vidéo couplée à une station d’imagerie permet l'observation, la
numérisation, le stockage et le traitement des interférogrammes tels que ceux présentés page suivante.
Il s'agit d'un dispositif de très grande précision car conçu pour la mesure de films minces jusqu'à quelques
nanomètres, soit quelques couches moléculaires. Hormis les usinages de haute précision, l'appareil a été
entièrement conçu et réalisé au laboratoire. Ses caractéristiques sont les suivantes :
Défaut géométrique sur chaque éprouvette < à 0.5 µm,
Etat de surface des éprouvettes < à 0.005 µm,
Vitesse de roulement au contact de 1 mm/s à 6 m/s,
Vitesse de glissement au contact de 0 à 100% de la vitesse de roulement,
Température du lubrifiant au contact de 15 à 100°C à ± 0.1°C,
Pression hertzienne maximum 0.5 GPa (verre), 2 GPa (saphir)
Epaisseurs mesurées de 2 nm à 800 nm.
Annexes 192
Photo du dispositif en fonctionnement.
Annexes 193
1.3 DISPOSITIF SIMILI
Suite à des travaux bibliographiques et à l’interprétation de tests tribologiques réalisées sous vide, un certain
nombre de paramètres dits « de surface » ont été identifiés comme intervenant sur la migration du lubrifiant
et donc sur la réalimentation d’un contact lubrifié en ambiance spatiale. On peut citer :
- la nature et la structure physique des lubrifiants,
- la rugosité, la texture et la nature chimique des surfaces,
- la présence de gradients thermiques,
- la valeur de la tension superficielle critique des solides en présence,
- l’ambiance particulière due au vide et à la gravité réduite.
En partenariat avec le CNES et Sodern, le moyen SiMiLi (pour Simulation de la Migration des Liquides) a
été conçu et mis au point par l’équipe avec pour objectifs :
- d’avoir une bonne simulation des conditions spatiales en ce qui concerne le niveau de vide, les volumes
de lubrifiant mis en jeu, les matériaux en présence,
- de pouvoir travailler indifféremment sur des huiles pures ou épaissies (suspensions).
Le dispositif permettant d’établir un gradient thermique dans des éprouvettes a été implanté dans une
enceinte à vide. Le niveau de vide (~ 10-7 mbar) est obtenu par une pompe turbo-moléculaire et est contrôlé
et analysé par une jauge Bayard-Alpert et un spectromètre de masse. Le gradient thermique est généré en
faisant circuler deux fluides caloporteurs dans les supports en acier reliés par des conduits flexibles à des
bains thermostatés (une source froide à 5 °C, une source chaude à 80 °C) situés en dehors de l’enceinte. Les
supports en acier sont isolés des parois de l’enceinte par des blocs isolants en structure composite. Le bon
contact thermique entre les éléments chauffants et les trois éprouvettes est assuré par des feuilles de cuivre,
recouvrant les extrémités des éprouvettes. Ainsi, une température constante dans l’épaisseur des éprouvettes
est maintenue, tandis que la linéarité du gradient thermique horizontal est contrôlée par quatre thermocouples
introduits dans des trous percés 2 mm sous la surface utile des éprouvettes.
Les gouttes sont déposées à l’aide de trois seringues manipulées à l'aide d'un actuateur linéaire
micrométrique. Ces seringues sont composées d’un réservoir en acier encapsulé par deux écrous. Ces écrous
retiennent, d’un côté, un cône en PTFE dans lequel est enserré le capillaire d’éjection du fluide et, de l’autre
côté, un joint, également en PTFE, transpercé par le piston poussant. Le déplacement de la vis micrométrique
permet de générer des gouttes au bout du capillaire dont la géométrie et la nature déterminent le volume
minimal de la goutte qui peut être obtenu. La goutte se détache quand la gravité a vaincu la cohésion du
fluide et l’adhésion à la paroi du capillaire. Le volume des gouttes est donc dépendant de la nature de chaque
huile. Après la dépose des gouttes qui s’effectue dans une position excentrée, on vient placer les éprouvettes
et leur équipage, monté sur des colonnes porteuses mobiles, au centre du hublot d’observation soudé dans le
couvercle. L’acquisition d’images se fait à l’aide d’un appareil photo programmable couplé éventuellement à
une binoculaire.
Les éprouvettes sont en acier à roulements Z100CD17 (AISI 440C). La surface utile aux essais est de 25x76
mm2. Quatre états de surface différents ont été testés :
- P : des surfaces polies manuellement de Ra ~ 0.035 µm et RT ~ 0.8 µm. Ces surfaces sont représentatives
des meilleurs états de surface utilisés dans le domaine spatial, à savoir les éléments roulants des
roulements.
- L : des surfaces rectifiées finement dans le sens longitudinal présentant une rugosité Ra ~ 0.16 µm et RT ~
1.4 µm. Cet état de surface est caractéristique de celui des pistes de roulement.
- T : des surfaces rectifiées finement dans le sens transversal (Ra ~ 0.23 µm et RT ~ 1.9 µm).
- R : des surfaces rectifiées longitudinalement avec un Ra de 1 µm environ et RT ~ 9 µm. Cet état de surface
est plus représentatif de ceux trouvés dans les engrenages.
Les mesures rugosimétriques ont été réalisées avec un profilomètre optique UBM. La résolution des
systèmes optiques est supérieure à celle des rugosimètres mécaniques qui est limitée par le rayon de la pointe
du palpeur. Toutes les acquisitions ont donc été réalisées dans les mêmes conditions.
Annexes 194
Nous nous sommes assurés que l’usinage des éprouvettes s’était effectué sans fluide pouvant contaminer les
surfaces. Enfin, le nettoyage adopté pour les pièces métalliques a fait l’objet de procédures adaptées.
Nous avons également utilisé des revêtements céramiques couramment rencontrés dans les applications
spatiales. Le carbure de Titane (TiC), recommandé avec l’emploi des huiles perfluoropolyéther, a été déposé
sur les éprouvettes par un procédé PVD. L’épaisseur du dépôt est de quelques microns. La rugosité finale
n’est pas orientée préférentiellement, elle présente un Ra ~ 0.5 µm et RT ~ 5 µm.
Enfin, le bisulfure de Molybdène (MoS2 ) est utilisé pour des applications de lubrification sèche. Pour évaluer
son éventuelle pollution par une migration de fluide qui proviendrait d’une source voisine, une éprouvette
polie et une éprouvette rectifiée longitudinalement ont été revêtues par une fine couche (0.5 µm) déposée par
PVD. La rugosité initiale est globalement conservée, les valeurs mesurées sont Ra ~ 0.046 µm et RT ~ 1.3 µm
pour l’éprouvette P et Ra ~ 0.26 µm et RT ~ 2.3 µm pour l’éprouvette de type L.
La photo ci-dessous à droite présente une vue générale du dispositif complet avec notamment les systèmes
de régulation thermique (au premier plan et sous le châssis), l'enceinte à vide, les 4 soufflets qui permettent
de translater l'ensemble porte-échantillons (photo en bas à gauche) et l'appareil photo placé au-dessus d'un
hublot transparent de diamètre utile de 140 mm. Un manipulateur permet, de l'extérieur, la dépose de gouttes
de volume calibré au moyen de pistons et de capillaires (photo en haut à gauche).
Annexes 195
1.4 CELLULE A GRANDS TAUX DE CISAILLEMENT
La plupart de rhéomètres permettent d'atteindre des vitesses de cisaillement allant jusqu'à quelques
milliers de s-1, très loin des valeurs rencontrées en lubrification (10+4 à 10+7 s-1). Compte tenu de
notre intérêt pour des caractérisations rhéologiques dans des conditions les plus proches de
l'application, nous avons entrepris le développement d'une cellule de mesure dite à grande vitesse de
cisaillement, en collaboration avec un constructeur de rhéomètres. Il faut souligner qu'un tel
système doit trouver des débouchés en dehors de notre discipline, par exemple dans le domaine des
laques et des peintures.
Il ne m'est pas possible d'expliquer comment nous avons pu résoudre les différents problèmes
évoqués ci-dessus. Rheometrics, qui a supporté la réalisation des pièces prototypes (une partie de
l'étude et les tests se déroulant au LMC) a souhaité breveter le dispositif mis au point en commun.
Les recherches d'antériorité n'ayant pas contrecarré cette intention, cela permettra de protéger le
dispositif des contrefaçons. Les noms des personnes de l'équipe ayant participé au développement
seront mentionnés en tant que co-inventeurs et le nom du laboratoire apparaîtront également.
La plupart des solutions retenues ont été validées sur une série de prototypes, qui nous a donné des
résultats très satisfaisants sur un lot de fluides étalons de viscosités comprises entre 5 et 1000
mPa.s. En particulier on a noté :
- une plage de réponse linéaire très étendue (4 décades, comme avec une cellule de mesure
conventionnelle) quel que soit le niveau de viscosité,
- les effets thermiques sont indécelables alors que la durée du cisaillement a été volontairement
exagérée,
- lorsque la viscosité de l'échantillon le permet, on atteint sans difficulté la vitesse de
cisaillement maximale soit 9 10+4 s-1.
Quelques courbes illustrant ces premiers résultats ainsi qu'une série de valeurs obtenues sur des
mélanges d'huile minérale et de polyéthylène sont présentées page suivante.
Annexes 196
Viscosité (Pa.s)
Fluide 1
10-1
Fluide 2
102
Huile de base
Base + 0.5% PE
Base +2% PE
Base + 3% PE
Taux de cisaillement (s-1)
1
10
102 103 104 105
Annexes 197
1.5 ANALYSE LOCALE IN-VIVO
La topographie du contact peut être obtenue au moyen du dispositif bille/plan décrit précédemment.
On s'intéresse aussi à la détermination locale des pressions voire des températures dans un contact
lubrifié : il faut souligner que cet équipement intéresse d'autres équipes travaillant notamment sur le
frottement sec et la caractérisation des écrans de surface.
L'étude tribométrique locale couplée à une technique telle que la spectrométrie Raman permet de
répondre à la majorité des questions posées dans l’exposé de notre problématique car elle peut :
- répondre au besoin d'expérimentation tribométrique en temps réel dans des interfaces
dynamiques,
- donner accès aux valeurs locales obtenues par couplage des informations mécaniques,
chimiques et électroniques,
- être compatible avec les tribomètres analytiques existants qui présentent un accès optique.
L'effet Raman, effet de diffusion de la lumière avec changement de longueur d'onde, fournit la
signature optique des corps à l'origine de cette émission, caractéristique de la composition et/ou la
structure de ces corps, de leur état de contrainte mécanique et de la température du milieu.
En maintenant constantes deux de ces caractéristiques, il est possible de mesurer l'évolution de la
troisième. En ce sens, la spectrométrie Raman apparaît dans notre contexte tribologique comme un
moyen d'investigation in vivo du contact, associé à une excellente définition spatiale.
Par rapport à l'usage général, nous nous proposons d'utiliser la spectrométrie Raman en technique
"inverse". L'une des difficultés sera d'appréhender une information sous la forme de faibles
modifications d'un spectre lumineux peu intense, compte tenu des très faibles quantités de matière
mises en cause. Le montage expérimental nécessite donc une instrumentation à hautes performances
notamment : - une grande dynamique temporelle,
- une grande résolution spectrale,
- un champ spectral permettant l'acquisition des raies Stokes et Anti-Stokes.
Cette action, dont j'ai la responsabilité depuis 1994, a été menée en partenariat avec nos collègues
de l'Ecole Centrale de Lyon (LTDS UMR 5513 et IFoS UMR 5621), dans le cadre de l'Institut
Européen de Tribologie. Ont participé au financement (pour un coût total de 1.3 MF HT) :
- La Région Rhône-Alpes, dans le cadre du plan Etat/Région,
- Le CNRS - SPI,
- Le Laboratoire de Mécanique des Contacts (UMR 5514),
- Le Laboratoire de Tribologie et Dynamique des Systèmes (UMR 5513),
- Le Laboratoire Ingénierie et Fonctionnalisation des Surfaces (UMR 5621),
- Le CPR "Contact Métal/Outil/Lubrifiant".
Sur le plan optique, il s'agit d'un double monochromateur de grande focale avec montage additif de
deux jeux de réseaux plans. Il est équipé d'un détecteur CCD de grande résolution ce qui doit
conduire à une résolution physique de mesure des raies proche de 0.1 cm-1 à 500 nm, soit une
"sensibilité en pression" de l’ordre de 30 MPa. Le décalage des raies pour des fluides soumis à une
pression hydrostatique est typiquement compris entre 2 et 4 cm-1/GPa.
Du point de vue de son architecture, l'équipement est doté d'un ensemble de microanalyse relié au
spectromètre et à la source lumineuse au moyen de fibres optiques (voir figure page suivante). La
résolution spatiale de l'appareillage est voisine du micromètre.
Cet ensemble, doté en plus d'un système de balayage de lignes, présente donc la flexibilité lui
permettant de travailler tour à tour sur une enceinte haute pression, sur un tribomètre bille/disque ou
plan/plan, sur des échantillons pour analyses...
Annexes 198
Spectromètre Raman couplé à un tribomètre : vue du laser et de l’injecteur de fibre (au fond) et
du microanalyseur (premier plan à gauche) relié au reste de l’équipement par fibres optiques.
Chronologie au 01/2002
L'appareil commandé en décembre 1997 a été réceptionné en septembre 1998. Après divers essais,
la source laser a été commandée en novembre 1998. L'optimisation des composants, l'installation
finale de l'équipement dans son environnement ont été réalisées au cours de l’année 1999.
Durant l’année 1999, il ne nous a pas été possible de recruter ni un DEA, ni un doctorant alors que
le sujet avait été retenu comme prioritaire par l’Ecole Doctorale, et ce, en dépit de l’ouverture
pratiquée au niveau des établissements (UJF Grenoble, Universités Paris 6-7-11, Université de
Rennes 1, Lyon 1).
Faute d’utilisateur à plein temps, l’installation a tout de même fonctionné mais dans un cadre assez
conventionnel, notamment pour réaliser des analyses de surface.
Durant les années 2000 et 2001, l’équipement a été utilisé de manière intensive à l’occasion d’une
collaboration avec J.L. Mansot, de l’Université Antilles-Guyanne. Le spectromètre a été associé à
un tribomètre bille/plan simplifié, pour une première approche et dans le but de mettre en évidence
les difficultés inhérentes à ce type couplage. Les premiers résultats ont confirmé la viabilité de la
méthode retenue et ont été publiés dans le journal de l’ASME. Des cartographies de pression ont été
établies dans des contacts lubrifiés fonctionnant à température ambiante et en roulement pur.
Grâce au succès rencontré fin 2000 par notre proposition dans le cadre de l’ACI Surfaces et
Interfaces , la configuration du spectromètre a été améliorée (changement de réseaux de diffraction,
installation d’un trou confocal ajustable) et il a été associé au dispositif Jerotrib. Celui-ci autorise un
contrôle très précis de l’ensemble des paramètres de contact et le couplage des 2 dispositifs nous
permet de mener des investigations in situ avec une grande résolution spatiale (de l’ordre du µm).
Depuis, l’installation a été utilisée intensivement par Isabelle Jubault pour réaliser des cartographies
de pression dans des situations de contact très diverses. Des comparaisons très satisfaisantes ont pu
être menées avec des solutions numériques. Des expériences ont été réalisées en roulement avec
glissement pour rechercher des informations sur la contrainte de cisaillement locale.
La description de l’ensemble des travaux effectués va constituer le mémoire de thèse d’Isabelle
Jubault, dont la soutenance est prévue d’ici la fin du premier semestre 2002.
Annexes 199
1.6 LAMINOIR OPTIQUE
Il s’agit d'un laminoir de laboratoire qui servira, dans le futur, de support à des travaux de recherche
sur la lubrification de ce procédé de mise en forme.
Ce dispositif est conçu pour laminer des bandes métalliques discontinues à vitesse constante, tout en
offrant des possibilités de visualisation et de mesure des différents paramètres significatifs. Il
permet l’observation du contact bande/cylindre dans sa partie centrale à travers un cylindre
transparent doté d’un système optique permettant la capture et le renvoi des images, ce qui constitue
une de ses originalités.
Par rapport au cas industriel, on note un rapport d’échelle de l’ordre de 1/20. Le choix du matériau
(modèle) est dicté par deux impératifs : faible contrainte d’écoulement et faible écrouissage, afin de
limiter les efforts. Les matériaux retenus sont le plomb et l’aluminium purs ou éventuellement alliés
(contraintes d’écoulement comprises entre 10 et 100 MPa).
Il a été étudié (durant l’année 1999) et réalisé comme un démonstrateur, c’est à dire un dispositif
démontrant la faisabilité des idées avancées par l’équipe lors de la préparation du CPR. Il s’agit en
particulier de la possibilité de visualiser la zone de contact au cours d’une opération de laminage,
donc durant la déformation plastique de la bande. Les perspectives d’utilisation à des fins de
recherche, proposées notamment dans le cadre d’un GDR finalement abandonné, sont très
ouvertes :
- étude de l’évolution de la micro-géométrie de la bande au cours du laminage,
- comportement du lubrifiant dans les vallées et sur les plateaux,
- épaisseurs de film générées dans l’emprise,
- recherche du champ de pression local…
Sur la bande
La largeur de bande est de 30 mm et sa longueur maximum de 1.5 m.
L’épaisseur maximale est de l’ordre de 3 mm, soit un rapport largeur/épaisseur supérieur ou égal à
10, pour considérer la déformation dans la zone centrale comme un problème bidimensionnel.
On peut atteindre des taux de réduction allant jusqu’à 30 % de l’épaisseur initiale, la limite étant
dictée par l’effort normal maximum admissible par les cylindres.
Annexes 200
Sur la cage
La cage (voir figures ci dessous) est la structure qui supporte les cylindres de laminage. Ces
derniers sont entraînés par un moteur et une chaîne cinématique adaptée permettant une vitesse de
rotation égale pour chacun d’entre eux. La vitesse d’entraînement de la bande (c'est-à-dire la vitesse
périphérique des cylindres), mesurée et maintenue contante durant l’opération de laminage, peut
varier entre 0.01 et 0.5 m/s. L’entrefer (distance entre les 2 cylindres) à vide est réglable entre 0 et 3
mm et connu à 0.01 mm près.
Les axes des cylindres doivent être maintenus de manière à ce qu’ils restent parallèles et dans un
plan vertical durant le laminage (prise en compte du cédage de la cage).
L’effort maximum de laminage avec des cylindres en silice est de l’ordre de 1000 daN, avec des
cylindres métalliques pleins, on peut atteindre 3000 daN.
Vue de face de la cage montrant l’entrée de la bande. Système d’entraînement et sortie du laminoir.
Annexes 201
Annexes 202
2 Annexe 2 : DONNEES SUR LES FLUIDES ETUDIES
Les résultats reportés dans ce tableau sont, pour la plupart, issus du travail de synthèse réalisé par V. Bessat
(Bessat 1991).
Les données suivies de * sont des valeurs typiques issues des recommandations spécifiées par la Chambre
Syndicale du Raffinage du Pétrole.
Le symbole ≈ précise qu’il s’agit de valeurs approchées.
1
Valeur déterminée à 50°C
2
Valeur déterminée à 25°C
Annexes 203
2.2 FLUIDES DE SYNTHESE
Dans cette partie, nous avons rassemblé toutes les données classiques connues sur les bases synthétiques que
nous avons étudiées.
Un renvoi numérique à une note de bas de page signale une condition expérimentale différente de celle
annoncée dans le titre de la colonne.
Toutes les autres valeurs ont donc été établies par nos soins.
HYDROCARBURES DE SYNTHESE
#
Valeur typique issue de la littérature ou donnée par le fabricant.
1
Valeur mesurée à 25°C
2
Valeur mesurée à 40°C
Annexes 204
Fluides de synthèse : SILICONES
1
Valeur mesurée à 25°C.
Annexes 205
2.3 LUBRIFIANTS FORMULES
Annexes 206
2.4 PARAMETRES UTILISES POUR LE MODELE WLF
Yasutomi, Bair et Winer (1984) ont repris à leur compte les concepts développés par William,
Landel et Ferry et les ont étendus aux relations viscosité-pression-température. Ils modifient donc la
loi WLF comme suit :
µ − C1.(T − Tg ( P )).F (P )
log =
µ
g C2 + (T − Tg ( P )).F ( P )
avec :
Tg (P ) = Tg (0) + A1. ln (1 + A2 .P)
F ( P ) = 1 − B1 .ln (1 + B2 .P )
A1, A2 , B1 , B2 , C1, C 2 6 constantes .
Annexes 207
Annexes 208
3 Annexe 3 : ACTIVITES D’ENCADREMENT ET DE
PUBLICATION
M. KAMEL, bourse CNRS cofinancée par l'IRSID (Maizières les Metz), « Transfert de
rugosité en laminage tandem entre cylindre et tôle fine. Incidence de la lubrification et
notamment des caractéristiques physiques du lubrifiant », début en novembre 1993, démission
le 31/12/1995.
J. MOLIMARD, bourse Cifre cofinancée par l'IRSID (Maizières les Metz) dans le cadre du
CPR Contact Métal/Outil/Lubrifiant (CNRS/IRSID/Pechiney), « Etude expérimentale du
régime de lubrification en film mince. Application aux fluides de laminage », début en mai
1996, soutenance le 21 décembre 1999, mention THF.
Annexes 209
F. WILTORD, bourse Cifre cofinancée par TotalFinaElf en collaboration avec Pechiney et le
LTDS (ECL), « Comportement tribologique de lubrifiants pour le laminage à froid de
l’aluminium », début en décembre 2001.
A. HAIAHEM, "Aire réelle et raideur d’un contact normal rugueux sec ou lubrifié", thèse de
Doctorat en Mécanique soutenue le 21 mars 1989 à l’INSA de Lyon.
P.O. LARSSON, "Lubricant Replenishment in the Vicinity of an EHD Contact", invité en tant
que External Opponent, thèse soutenue le 8 novembre 1996, Division of Machine Elements,
Lulea University of Technology (Suède).
G. Blettner a poursuivi son travail de DEA jusqu’en janvier 1998, dans le cadre du projet
européen COST 516 GRIT (Grease Research In Tribology). Il a simulé, caractérisé et analysé
le vieillissement d'un lot de graisses lubrifiantes à partir des variations de leur comportement
rhéologique. Des analyses physiques et chimiques ont permis, par la suite, d’expliquer les
résultats obtenus (2 publications à comité de lecture).
Annexes 210
directement les performances des étalons. Le logiciel couple la résolution de l’équation de
Reynolds dans le film autour du piston à un code éléments finis qui traite le problème élastique
dans les solides. Il a permis :
- de trouver un bon accord qualitatif avec les constatations expérimentales,
- de confirmer la justesse et la robustesse de l’approche développée, grâce à la confrontation de
nos résultats avec ceux donnés au niveau européen par d’autres organismes,
- de préciser le rôle joué par chacun des paramètres de l’étude et de mettre en évidence les
pistes à activer pour optimiser les étalons de pression, au niveau de la micro géométrie
notamment.
Ce travail a été mené en collaboration et avec le soutien financier du Laboratoire National
d’Essais et du Bureau National de Métrologie, dans le cadre d’un programme européen
Euromet.
3.2 PUBLICATIONS
3.2.1 Thèse
"Contribution à l'étude du contact E.H.D. : déformation des surfaces, caractérisation haute
pression des lubrifiants." Thèse de Docteur Ingénieur, spécialité Mécanique, soutenue le
21/02/1985 à l'I.N.S.A. de Lyon devant la commission d'examen :
- D. BERTHE, professeur, I.N.S.A. Lyon, Président,
- G. DALMAZ, professeur, Université Claude Bernard Lyon,
- J. DU PARQUET, Centre de Recherche C.F.R., Harfleur,
- M. GODET, professeur, I.N.S.A. Lyon,
- J.F. HUTTON, Consultant, U.K.,
- J.M. PIERRARD, professeur, I.M.G., Grenoble
- W.O. WINER, professeur, Georgia Institute of Technology, U.S.A..
Annexes 211
P. BEZOT, C. H-BEZOT, D. BERTHE, G. DALMAZ, P. VERGNE, "Viscoelastic parameters
of 5P4E as a function of pressure and temperature by light scattering technique", Journal of
Tribology, October 1986, vol. 108, p. 579-583.
P. VERGNE, D. BERTHE, "An elastic approach to rough contact with asperity interactions",
Wear, 1987, 177, p. 211-222.
D. BERTHE, P. VERGNE, "High pressure rheology for high pressure lubrication: a review ",
Journal of Rheology, November 1990, 34 (8), p. 1387-1414.
P. VERGNE, "Pressure viscosity behavior of various fluids", High Pressure Research, 1991,
vol. 8, p. 451-454.
P. VERGNE, "New high pressure viscosity measurements on the di 2 ethyl hexyl sebacate and
comparisons with previous data", High Temperatures-High Pressures Journal, 1990, vol. 22, p.
613-621.
P. VERGNE, "Candidate fluids for high pressure piston standards: state of the art and future
trends", Metrologia 1993/94, vol. 30 (6), p. 669-672.
P. PRAT, P. VERGNE, J. SICRE, "New results in high pressure and low temperature rheology
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