Bitume

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LES LIANTS HYDROCARBONES

(adapté de « ROUTES », M. FAURE, Ed. ALEAS, 1997/98)

I - HISTOIRIQUE
Les liants hydrocarbonés, goudrons, bitumes et asphaltes naturels, bitumes extraits du pétrole ont
une longue histoire. Dans l'antiquité, les bitumes et asphaltes naturels étaient déjà utilisés pour le
jointoiement des briques et la réalisation d'étanchéités. Jusqu'au XVII ème siècle, le goudron de bois fut
le seul corps utilisé universellement pour la construction et pour le traitement des bateaux, ensuite
remplacé par le goudron extrait de la houille. Peu avant la Révolution de 1789 est érigée la première
usine à gaz, le goudron, jusque-là produit principal de la distillation de la houille, devient un sous produit
de la fabrication du gaz. Plus tard celui-ci sera lui-même détrôné au profit du coke destiné à l'industrie
métallurgique, puisque dans les cokeries modernes, l'objectif est de produire du coke, le gaz et le
goudron étant des sous-produits.

Au début du XXe siècle, on réalise les premiers chantiers de répandage de goudron sur des routes
pour lutter contre la poussière soulevée par les premiers véhicules automobiles.
Entre les années 30 et 40, on commence à produire du bitume à partir des pétroles bruts. C’est également
en cette période que l'on met au point les émulsions de bitume d’abord du type 'anionique' puis
'cationique.

A partir des années 1970, on assiste à un développement important de l'utilisation des bitumes
routiers issus de la distillation du pétrole. Utilisés dans toutes les couches des chaussées, le bitume qu'il
soit pur, ou sous forme d'émulsion, occupe aujourd’hui, une place prépondérante, et même sans
comparaison avec celle des autres liants.

II - GENESE DES LIANTS HYDROCARBONES


Un liant hydrocarboné est donc un liant organique constitué d'hydrocarbures, c'est-à-dire
essentiellement à base de carbone et d'hydrogène, auxquels s'ajoutent l'oxygène, le soufre, l'azote, ... en
faibles quantités.
On distingue encore dans cette famille trois sortes de produits:
♦ les goudrons, qui proviennent de la pyrogénation (à l'abri de l'air) de matières d'origine végétale:
houille, lignite, tourbe, bois, ... Les goudrons routiers sont essentiellement tirés de la houille;
♦ les liants naturels, que l'on trouve en l'état dans la nature, le plus souvent associés à des matières
minérales, et qui sont utilisés depuis des temps très anciens. Il s'agit des roches asphaltiques qui,
après broyage, donnent la poudre d'asphalte ainsi que des bitumes naturels (asphaltite, bitume de
Trinidad ou de Seleilitza, ...
♦ les bitumes, qui sont produits en raffinerie à partir de la distillation fractionnée de certains pétroles
bruts dits "bruts à bitume".

Pour des raisons principalement économiques mais aussi liées au comportement général de ces
matériaux ou à des considérations d'environnement (leur composition inclut des produits cancérigènes),
les goudrons de houille ne sont plus guère utilisés en technique routière. Dans la pratique courante,
lorsqu'on parle de liant hydrocarboné, il s'agit pratiquement toujours de bitume.

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III - LES GOUDRONS
Comme nous lavons vu au paragraphe précédent, les goudrons sont un sous produit provenant de
la distillation de la houille. On en obtenait des quantités importantes lorsque l'on utilisait la houille non
seulement dans les cokeries de haut fourneau mais aussi pour produire du gaz (les goudrons sont obtenus
à des températures supérieures à 1000 °C).
Bien que dans le langage courant on entend toujours parler de 'goudronnage' chaque fois que ton
effectue le revêtement d'une route, les goudrons ne sont que très peu utilisés dans les techniques
employées pour les travaux routiers, sauf cas particuliers (par exemple : enrobés anti-kérosène du fait
qu'ils ne se dissolvent pas dans des solvants d'origine pétrolière). Cette désaffection n'est pas seulement
liée aux caractéristiques du goudron, mais aussi au fait que la réduction de la production de goudron a
suivi le recul de l'utilisation de la houille.
Caractéristiques principales:
- densité à 25°C : 1, 16 à 1,27,
- non dissolution dans les produits d'origine pétrolière.
Par rapport aux bitumes
♦ meilleure adhésivité aux granulats, niais plus grande susceptibilité à la température rature
(durcissement à température basse et ramollissement aux températures élevées),
♦ vieillissement plus rapide.
Aujourd'hui, le goudron n'est plus utilisé qu’en mélange avec le bitume pour la technique des enduits
superficiels.

IV - LES LIANTS BITUMINEUX


Sont baptisés bitumineux tous les produits qui dérivent du pétrole, c'est-à-dire qui proviennent du
traitement (naturel ou industriel) du pétrole brut, considéré aussi comme une roche fossile. En effet, elle
résulte également d'une lente transformation à l'échelle géologique de dépôts lacustres ou marins.
La fabrication des liants bitumineux est fondée sur le principe de la distillation qui permet de séparer les
différentes fractions en fonction de leur point d'ébullition. Les produits de base sont soumis dans une ou
plusieurs colonnes à une élévation de terrpérature telle que les éléments les plus légers partent en tête de
colonne, puis se succèdent les fractions de plus en plus lourdes. La plupart des fractions ainsi obtenues
doivent également être raffinées pour obtenir les produits finis.
Cette opération, effectuée en usine reproduit en un temps très court la distillation qui s'est opérée
naturellement au cours des temps géologiques pour former les gisements de bitumes naturels ou
d’asphalte naturel.

Principe de fabrication des bitumes


Le pétrole subit d’abord une distillation à 350 °C dans une tour où sont éliminées les fractions légères,
chacune étant soutirée à son niveau respectif en fonction de sa température d'ébullition : gaz, essence,
kérosène, gasoil, fuel. Le résidu de cette première distillation est un bitume mou qui contient encore des
fuels et des huiles. Ce résidu est donc repris pour une nouvelle distillation qui s'effectue sous vide à une
température pouvant aller au maximum à 400 °C par laquelle on obtient en fond de cuve, ayant retiré les
fuels et les huiles, un bitume plus dur (résidu sous vide).
Une partie de celui-ci est encore traitée aux solvants pour récupérer le maximum de produits plus
‘nobles’ et ce qui en reste utilisé pour corriger la qualité d'autres bitumes.

Fig. 1 – Principe de fabrication des bitumes

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V - LES BITUMES
V.1- Constitution des bitumes
A la température ordinaire, les bitumes se présentent comme des liquides visqueux ou des solides
susceptibles de fluer sous leur propre poids. Il s'agit de mélanges très complexes d'hydrocarbures
aliphatiques, naphténiques et aromatiques constituant un milieu colloïdal où la partie la plus lourde (les
asphaltènes) est dispersée en micelles et agglomérats dans les huiles, l'ensemble huiles-résines entourant
les micelles étant appelé maltènes. La masse volumique des bitumes à 20 °C est voisine de 1 g/cm3 .

Fig. 2 - Composition des bitumes

V.2 - Mode d'action des bitumes


Les bitumes sont employés pour leurs propriétés agglomérantes et d'étanchéité. Pour qu'ils
puissent agglomérer entre eux les éléments d’un squelette granulaire, il faut qu'ils puissent enrober
celui-ci. Il faut donc commencer par abaisser leur viscosité en veillant à ce qu'ils aient sous cette forme
de bonnes propriétés, mouillantes (adhésivité).
Trois solutions sont alors offertes:
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- l'enrobage à chaud avec des bitumes purs,
- la fluidification par des huiles de pétrole ou de houille,
- la mise en émulsion dans l'eau.

Dans le premier cas, le composite mis en oeuvre atteint la cohésion souhaitée par simple
refroidissement. Dans le deuxième, il faut attendre l'évaporation de l'agent de fluidification. Enfin dans le
troisième cas, l'équilibre est atteint après rupture de l'émulsion et évacuation de l'eau, processus plus
rapide et plus écologique que le précédent.
Dans tous les cas il s'agit de processus physiques. Il n'entre pas de réaction chimique dans les
phénomènes qui président à l'obtention de la cohésion du composite après sa mise en place, de telle sorte
que certains d'entre eux sont réversibles. Cela peut être un point de vulnérabilité pour le composite
(ramollissement par élévation de température ou par répandage de solvant par exemple) et différencie le
mode d'action es liants hydrocarbonés de celui des liants hydrauliques qui est essentiellement à base de
réactions chimiques irréversibles.

V.3 - Caractérisation des bitumes purs


Pour classer les bitumes purs selon leur consistance, on utilise essentiellement deux essais de
laboratoire.
V 3. 1 - La pénétrabilité à 25 °C (Pen25) (Norme NFT 66 004).
L'essai consiste à mesurer l'enfoncement en dixième de mm d'une aiguille normalisée chargée à
100 g dans un godet de bitume placé dans un bain thermostaté à 25 °C pendant une durée de 5 secondes

Fig. 3 - Essai de pénétrabilité

L'enfoncement de l'aiguille est d’autant plus important que le bitume est mou. On classe les bitumes avec
des 'fourchettes' d'enfoncement. Pour un bitume 20/30 (le plus dur), l'enfoncement de l'aiguille doit être
compris entre 2 et 3 mm, alors que cette valeur est comprise entre 18 et 22 mm pour le bitume le plus
mou (180/220).

V.3.2 - La température bille et anneau TBA (Norme NFT 66 008).


L'essai consiste à mesurer la température à laquelle une bille s'enfonce à travers le bitume
remplissant le cercle intérieur d'un anneau de laiton placé dans un bain thermostaté. On monte
progressivement la température jusqu'au point où la bille passe à travers l'anneau.
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Fig. 4 - Essai TBA

V.3.3 - Catégories de bitumes

Consistance Dur Mou


Appellation 20/30 40/50 60/70 80/100 180/220
Pen25 °C 20 à 30 35 à 50 50 à 70 70 à 100 180 à 220
TBA °C 55 à 63°C 50 à 56°C 45 à 51°C 42 à 48°C 34 à 43°C

On utilise également la notion d'Indice de Pénétrabilité (IP) pour caractériser les variations de
consistance en fonction de la température. On peut déterminer IP de deux façons:
- soit à partir de Pen25 (pénétrabilité à 25°C) et de TBA en considérant que cette température correspond
à une pénétrabilité de l'ordre de 800 (IP de Pfeiffer)
- soit en effectuant des mesures de pénétrabilité à différentes températures (en général entre 10 et 35°C
(IP dit LCPC))

V 3.4 - Autres essais sur les bitumes purs


Il existe un grand nombre d'autres essais utilisés pour caractériser les bitumes. Parmi les plus
connus, on citera:
- Le point de Frass : il s'agit de la température de fragilité: on dépose un film de bitume d’une épaisseur
normalisée sur une petite lamelle d'acier on plie la lamelle température décroissante jusqu'à rupture du
film. Sur des bitumes purs et "neufs" le point de Frass varie entre -20'C et 0°C
-La teneur en asphaltènes: elle sert de point de repère pour caractériser le vieillissement du bitume. (On
mesure la proportion de bitume non soluble dans l’heptane).
- L'essai de vieillissement RTFOT (Rolling Thin Film Oven Test): cet essai a pour objectif de mesurer le
vieillissement du bitume lors des opérations de fabrication et de mise en oeuvre des enrobés à chaud .Il
est pratiqué sur un film mince de bitume à la température de 163°C en présence d’air. La nonne NFT 66
032 précise le pourcentage de pénétrabilité restante et la différence maximale TBA après et avant essai.

V.4 - Propriétés des bitumes


Les propriétés spécifiques d'un liant sont à la fois de lier (phénomène d'adhésion) et de maintenir
réunis les granules au sein du composite (propriétés rhéologiques du liant).

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V4.1 - Propriétés rhéologiques du bitume
Les bitumes sont des matériaux dits visco-élastiques, c'est-à-dire qu'ils réagissent, soit de façon
élastique, soit de façon visqueuse selon les conditions de sollicitations. En fait, ils sont sensibles:
♦ à la température
♦ au temps de charge.
Ce comportement particulier est très bien illustré par les essais de mesure de module. Outre l'influence de
la température et du temps de charge, le module du bitume dépend également:
♦ de sa consistance (caractérisée par sa catégorie). C’est ainsi que pour des mêmes conditions de
température et de temps de charge, un bitume dur type 20/30 sera beaucoup plus rigide qu'un bitume
mou du type 180/220,
♦ de sa susceptibilité thermique (c'est-à-dire sa sensibilité à la température) caractérisée par l'indice de
pénétrabilité IP

Fig. 6 - Variation du module d'un bitume moyennement susceptible (IP= 0, TBA=56°C)


en fonction de la température et du temps de charge.

V.4.2 - Mouillabilité - adhésivité


Les propriétés agglomérantes du bitume sont liées à sa faculté de mouiller les granulats qu'il est
chargé d'enrober. Les choses se passent généralement assez bien à chaud (> 160°C) avec des granulats
propres mais il peut en être autrement à froid (< 100°C): l'eau, partenaire pratiquement omniprésent sur
les chantiers, possède un meilleur pouvoir mouillant vis à vis des granulats que les bitumes. Il faut donc
trouver des solutions pour inverser cette tendance, aussi bien pour l'enrobage (rechercher l'adhésivité
active du liant d'enrobage) que pour la résistance au désenrobage (adhésivité passive). Pour cette raison,
on peut être amené avec certains types de granulats à utiliser des "dopes" d'adhésivité.

VI - LES EMULSIONS DE BITUME


Une émulsion est une dispersion intime de deux corps insolubles l'un dans l'autre. Les émulsions
de bitume sont donc des systèmes hétérogènes constitués par la dispersion de fines particules d'un
liquide, en l'occurrence le bitume, dans un autre liquide ici l'eau, l'ensemble étant stabilisé par un

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émulsifiant. Ce dernier est généralement de type cationique c'est-à-dire composé d'un cation organique
obtenu par neutralisation d'une amine grasse par l'acide chlorhydrique.
Au contact des granules et plus généralement des surfaces minérales, ce système perd sa stabilité.
L'émulsion rompt et le bitume se dépose sur la surface minérale. Ce phénomène est plus ou moins rapide
selon la formulation de l'émulsion utilisée. Le gros intérêt des émulsions est de permettre l'utilisation du
bitume à température ambiante (aux environs de 50°C l'émulsion a la consistance de l'eau). Une émulsion
est qualifiée par:
♦ son type: en général cationique (acide), quelque fois anionique (basique),
♦ son pourcentage de bitume: il varie entre 50 et 70%,
♦ la catégorie du bitume de base,
♦ sa vitesse de rupture (rapide, semi-rapide, lente, surstabilisée),
♦ sa pseudo-viscosité à 25°C,
♦ son adhésivité vis-à-vis différents types de granulats.
Exemple: Emulsion cationique à 65% de bitume 180/220, à rupture rapide.

Utilisation des émulsions de bitume


♦ Enduits superficiels : Technique de couche de surface
♦ Couches d'accrochage : Utilisées pour coller les différentes couches d'une chaussée entre elles
(Emulsion à rupture rapide)
♦ Graves-émulsion : Mélange à froid de granulats 0/14 (ou 0/20) enrobés avec environ 6% à 7%
d'émulsion à 65% pour constituer des couches de base ou de liaison de chaussées peu circulées
♦ Coulis enrobés à froid: Couche de roulement constituée par un mélange de granulais 0/6 ou 0/10
enrobés avec de l'émulsion et coulés à froid en épaisseur de 8 à 10 mm
♦ Stabilisation, petit entretien

VII - LES BITUMES FLUXES ET BITUMES FLUIDIFIES


Il s'agit de bitumes purs que l'on a 'ramollis' par ajout de fluxants, comme des huiles de houilles
(bitumes fluxés) ou des coupes pétrolières comme le kérosène (bitumes fluidifiés dans le but de pouvoir
répandre le liant à des températures plus faibles que celles nécessaires avec les bitumes purs qui
rappelons le, sont comprises entre 150 et 180°C.

VIII - LES BITUMES MODIFIES


Pour faire face à l'augmentation du trafic Poids Lourds en quantité et en agressivité, l'industrie
routière a développé au cours de ces vingt dernières années de nouveaux liants obtenus par un mélange
de bitume pur et d'additifs issus de l'industrie chimique, essentiellement des élastomères et des
plastomères.
Les deux additifs les plus couramment utilisés sont:
- le SBS (Styrène - Butadiène - Styrène)
- l'EVA (Ethylène - Vinyle - Acétate).
On sait également modifier les caractéristiques des bitumes par l'addition de produits connus: la
poudrette de caoutchouc récupérée lors du rechapage des pneumatiques de poids lourds, les fibres
minérales, ou encore des déchets de câbles électriques polypropylène).
L’objectif de ces ajouts d'additifs est de rendre le bitume moins fragile et cassant à basse température
(-10 à –20°C), et au contraire plus rigide à température élevée (50 à 60°C).

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