Pratique de La Mobilite

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La mobilité professionnelle des salariés : déterminants et impact sur la

performance organisationnelle

Ilyess ELOUAER, Doctorant


CREPA-DRM,
UMR CNRS 7088
Université Paris Dauphine
15, Bd de la Saussaye, 92200 Neuilly sur Seine(France)
[email protected]

Résumé :
Il est, de nos jours, convenu que l’organisation est de plus en plus exposée au risque de départ
de ses salariés. En effet, ces derniers sont devenus maîtres de leurs trajectoires
professionnelles et développent par conséquent divers modèles de mobilité. L’impact d’un tel
événement sur la performance de l’organisation semble être difficile à évaluer. Pour y faire
face, l’organisation est tenue de stimuler et d’impliquer ses salariés.
Ce papier est sous-tendu par deux objectifs. Le premier est d’identifier les déterminants du
phénomène de mobilité en mettant l’accent sur le concept d’implication organisationnelle. Le
lien que l’on peut nouer entre celle-ci et une démarche de gestion des compétences constitue
également un axe de développement que nous explorerons. Le second objectif est d’examiner
l’impact de la mobilité professionnelle sur la performance organisationnelle et ce, en
distinguant entre flexibilité qualitative et quantitative.
Pour ce faire, nous commençons, dans une première partie, par une définition du concept de
mobilité professionnelle et de ses différentes formes. Nous exposons également, les
principales approches théoriques ayant essayé d’expliquer le déroulement de ce processus et
nous traçons une liste plus au moins exhaustive de ses déterminants. Il s’agit généralement de
variables personnelles, organisationnelles et sectorielles. Dans une seconde partie, nous nous
intéressons aux conséquences de la mobilité professionnelle sur la performance
organisationnelle. Au terme de ce travail, nous montrons que la mise en place d’une politique
ressources humaines cohérente et efficace basée sur la gestion des compétences peut
impliquer les salariés dans la vie organisationnelle et renforcer leur engagement pour mieux
contribuer à la performance de l’organisation.
Ce papier s’achève par la présentation de notre cadre conceptuel synthétisant l’ensemble des
relations identifiées à partir de la revue de la littérature et ce, dans la perspective d’une
poursuite empirique de nos travaux.

Mots clés :
Mobilité professionnelle, Implication, Gestion des compétences, Performance
organisationnelle.

1
Introduction
L’organisation est de plus en plus exposée, de nos jours, au risque de départ de ses salariés.
En effet, ces derniers deviennent de plus en plus maîtres de leurs carrières. Le courant de
pensée né suite à cette réflexion est celui des « carrières nomades » qui intègre dans sa
conception la notion de compétences en tant que facteur de détermination des trajectoires
individuelles (Cadin et al., 2000).

L’impact d’un tel événement sur l’organisation semble être difficile à mesurer, puisqu’il se
traduit aussi bien par des effets positifs que négatifs. En outre, d’autres concepts lui sont
rattachés comme ceux d’implication organisationnelle, de performance organisationnelle et de
gestion des compétences. Selon Herrbach et al. (2006), les notions d’identification et
d’implication organisationnelles expliquent la motivation derrière les actes et les gestes de
chaque personne au sein de l’organisation ainsi que sa façon de se conduire. D’autres
recherches telles que celles de Arthur (1994), MacDuffie (1995) et Shaw et al. (1997)
soulignent la contribution des ressources humaines à la performance économique et financière
de l’entreprise. Cependant, ces travaux n’ont pas abouti à élaborer une méthodologie de
recherche servant à spécifier la nature de cette relation (Gilbert et Charpentier, 2004).

La GRH a donc, initié une certaine redéfinition de ses aspects, ses moyens et ses objectifs
compte tenu de l’évolution de son environnement afin de mieux assumer le nouveau rôle
stratégique qui lui est attribuée (Batal, 1997). Elle est notamment appelée, aujourd’hui, à
jouer un rôle essentiel dans la valorisation et la mobilisation des richesses à travers la
capitalisation et l’exploitation des compétences et des connaissances (Meftah et Elouaer,
2006) et ce, en se dotant d’un bon système de gestion des compétences. Celui-ci est défini par
Jarnias (2003) comme étant la mise en place des pratiques GRH centrées sur les salariés et
ayant comme finalité de les impliquer dans la vie organisationnelle et de faciliter, par
conséquent, leur processus de socialisation.
Cet article est sous-tendu par trois objectifs. Le premier est d’identifier les déterminants et les
conséquences de ce phénomène de mobilité, ce qui nécessite d’explorer la littérature qui s’est
constituée autour de ce sujet. En effet, nous avons identifié huit approches théoriques qui
permettent de mieux définir la mobilité, décrire son processus et déterminer les raisons
derrière son déroulement. Le second objectif est de mettre le point sur un autre facteur
important et explicatif du départ des salariés à savoir l’implication organisationnelle, qui,
selon Serge Perrot (2001), sert à expliquer le succès ou l’échec de la première entrée
organisationnelle des jeunes salariés et justifie par la suite toute décision de mobilité pouvant
en découler. Le lien que l’on peut nouer entre l’implication organisationnelle et une démarche
de gestion des compétences constitue également un axe de développement dans cette
deuxième partie. Le troisième objectif est d’examiner l’impact de la mobilité professionnelle
sur la performance organisationnelle et ce, en mettant l’accent sur le concept de flexibilité
quantitative. Ce dernier semble être le plus représentatif de l’approche que nous adoptons de
la mobilité. Nous présentons, à la fin de ce papier, notre modèle théorique déduit à partir de
notre revue de la littérature.

2
1. La mobilité des salariés : Approches et déterminants
1.1. Définitions et types de mobilité

Pendant toute sa durée de vie, l’organisation reste exposée à de forts mouvements d’entrée et
de sorties de ses salariés. Une large littérature s’est constituée autour de ce sujet donnant lieu
à de multiples définitions de la mobilité, que nous pouvons intégrer dans trois types de
dimensions : la dimension organisationnelle, la dimension sociologique et la dimension
économique. La dimension organisationnelle considère la mobilité comme une succession
d’emplois ou un changement d’affectation dans une structure organisationnelle [Vatteville
(2003) ; Vardi (1980)]. La dimension sociologique conçoit la mobilité comme le mouvement
d’une personne au sein d’un groupe social auquel elle appartient (Archambeau, 2002). Pour
leur part, les économistes distinguent entre deux autres concepts à savoir la réallocation des
salariés1 et le roulement des travailleurs2 (Van der Linden, 1999).

Plusieurs typologies de la mobilité sont mises en évidence par la littérature. Ainsi, la mobilité
est parfois assimilée à un ensemble de mouvements verticaux (par rapport à la hiérarchie) ou
horizontaux (changement de postes sans évoluer dans la hiérarchie). Pour Deffayet et Van
Heems (1995), il y a lieu d’identifier la mobilité géographique nationale ou internationale.
D’autres auteurs, tel que Louis (1980) relèvent une autre forme de mobilité, à savoir les
transitions de carrière ou la mobilité promotionnelle. Selon Nicholson et West (1989), ces
transitions apparaissent comme des changements au niveau des rôles attribués à la personne
ou au niveau du contexte de travail. Toutefois, elles peuvent s’exercer au sein de la même
entreprise, entre l’entreprise mère et ses filiales ou bien vers une autre entreprise. Dans ce
cas, il semblerait difficile de distinguer entre la mobilité intra-organisationnelle et inter-
organisationnelle (Roger et Ventolini, 2005). Pour sa part, Abraham (2004) propose de
distinguer entre la mobilité de court terme qui a trait aux changements de postes à l’intérieur
de l’organisation et la mobilité de longue durée qui consiste en une succession d’emplois à
l’extérieur de l’organisation. Burzlaff et Le Padellec (2001) considèrent, par ailleurs, que la
mobilité peut être choisie par les salariés (départ en retraite, démission, congé individuel de
formation, recherche d’un meilleur salaire ou d’une carrière plus prometteuse) et s’apparente
dans ce cas à un moyen de développement des compétences (capacités personnelles et
professionnelles) et d’employabilité. Elle peut être également subie (licenciement, réduction
d’activité, réorganisations), définitive (le salarié quitte l’entreprise sans retour), ou provisoire
(si elle constitue une étape dans une carrière au sein de la même entreprise). Il en résulte que
le taux de mobilité varie selon la conjoncture économique : faible en période de récession, et
élevé en période de développement. A cet égard et pour maîtriser la mobilité des salariés,
Burzlaff et Le Padellec (2001) proposent que l’organisation intègre ce phénomène dans sa
stratégie de gestion des compétences car les aptitudes personnelles et professionnelles

1
« Le niveau de réallocation des travailleurs à un moment donné se définit comme étant le nombre de personnes
(d'une zone géographique donnée) qui, entre deux périodes différentes, soit changent d'employeur soit transitent
de l'emploi vers le non- emploi ou bien le contraire ». (Van der Linden, 1999, p.112)
2
« Le roulement des travailleurs correspond au nombre d’entrées et de départs de main d'œuvre au cours d'une
période donnée sur un territoire donné. Par entrée, il faut entendre l’embauche d’un travailleur. La notion de
départ englobe tous les motifs de cessation d’une relation contractuelle entre un employeur et un travailleur ».
(Van der Linden, 1999, p.113)

3
développées dans le cadre du travail constituent un capital de valeur et les coûts de leur
remplacement s’avèrent parfois très élevés.

En tenant compte de la réalité complexe de la mobilité professionnelle et de la multiplicité de


ses formes, le présent article considère la mobilité comme un changement d’organisation
accompagné d’un changement d’employeur, qu’elle soit volontaire (par exemple motivée par
la recherche d’un emploi mieux rémunéré) ou involontaire (par exemple un licenciement pour
faute grave). L’intérêt de cette prise en compte réside dans le fait qu’elle nous permet
d’exclure de notre champ de réflexion les mouvements des individus entre la firme mère et
ses filiales ou encore le transfert des salariés dans le cas des fusions –acquisitions, de la sous-
traitance ou des restructurations. En l’occurrence, la mobilité que nous traitons, peut être
verticale et caractériser ainsi, les évolutions hiérarchiques des individus à travers les
organisations, ce qui permettra de la concevoir comme une progression de carrière. Elle peut,
en outre, s’envisager comme une mobilité horizontale se manifestant par un passage d’une
fonction ou d’un métier à un autre, en dehors de l’organisation. Elle peut, aussi, concerner les
individus qui occupent la même fonction à un même niveau hiérarchique à condition qu’ils
changent de lieu d’exercice de leur activité (une nouvelle organisation, un nouveau service,
une nouvelle région ou encore un nouveau pays). Par ailleurs, la mobilité que nous
considérons peut être perçue comme un outil d’arbitrage entre les objectifs économiques de
l’organisation et les attentes individuelles ou encore, comme un moyen de reconversion face à
une situation professionnelle inattendue. Elle pourrait être également un moyen de saisir une
opportunité ou une réponse aux différentes formes d’exclusion interne (indésirabilité de la
part de la nouvelle direction générale, inadaptabilité aux outils technologiques, mauvaise
appréciation des compétences, etc. …).

1.2. Les différentes approches théoriques de la mobilité


Plusieurs travaux ont tenté d’élaborer des modèles de mobilité des salariés. Malgré leur
diversité, ces approches présentent un point commun, dans la mesure où elles tentent de
définir le concept de mobilité, de décrire son processus et d’identifier les déterminants d’un
tel événement. Un bon nombre de ces modèles développés trouvent leurs fondements
théoriques dans le modèle de décision de March et Simon (1958) selon lequel, le départ des
salariés de l’organisation est dû principalement au manque d’incitations offertes en son sein.
Ce modèle revendique, donc, une égalité entre les contributions des individus et les revenus
destinées à récompenser leurs efforts afin que ces derniers ressentent la motivation nécessaire
pour rester dans leurs emplois actuels.

Par ailleurs, les travaux de White (1971) et Sorensen (1977) relatifs à la théorie de la chaîne
d’offre d’emploi appréhendent le marché du travail comme un système de mobilité
interconnecté et composé de nombreuses chaînes d’offre d’emploi. L’offre d’emploi
résulterait soit de la création d’un nouveau poste de travail, soit du départ d’un individu de
son poste. La chaîne prend fin lorsque le poste est occupé, détruit ou absorbé par une autre
fonction interne. Cependant, les recherches développées sur la chaîne d’offre d’emploi
présentent des lacunes concernant le type de mobilité engendrée (Archambeau, 2002) qui ont
mené Stewman et Konda (1983) et Stewman (1986) à décomposer la chaîne d’offre d’emploi
en une série de promotions, dégradations, permutations, etc…

Selon la théorie des coûts de transaction de Williamson (1979), si un poste se libère au sein de
l’organisation et que celle-ci décide de ne plus avoir recours au marché du travail pour
recruter son personnel en raison des coûts qu’elle pourrait encourir, une chaîne de promotion
se constituera en son sein et le poste sera rapidement occupé. Cependant, si l’organisation

4
décide de faire confiance au marché du travail pour embaucher son salarié, elle lancera un
appel d’offre pour occuper ce poste vacant. Cet appel d’offre intéressera de premiers
demandeurs d’emploi aussi bien que les salariés déjà en place et sera par conséquent à
l’origine d’une chaîne de mobilité au sein de l’économie.

La théorie du capital humain de Becker (1962) considère la mobilité comme un événement


dont la réalisation dépend de l’évaluation des gains nets tirés de l’emploi actuellement occupé
par rapport aux gains futurs estimés du nouvel emploi. Ainsi, le capital humain est
appréhendé comme une ressource individuelle et un facteur de différenciation influençant le
nombre d’opportunités rencontrées par l’individu sur le marché du travail. Cette théorie
présente, cependant, une contradiction (Archambeau, 2002), dans la mesure où les employés
ayant un niveau élevé d’aptitudes et de capacités tendent vers la spécialisation et cherchent à
s’investir davantage dans leur travail que les employés ayant peu de capital humain.

En s’intéressant à l’étude du processus de mobilité, Stigler (1961) considère que l’individu


préfère entrer en chômage volontaire pour investir ses ressources à la recherche d’un autre
emploi lui permettant de s’offrir un salaire supérieur au « salaire de réserve3 ». Par ailleurs, le
niveau de formation joue un rôle important sur le niveau de productivité, ce qui affecte la
décision de mobilité et la période de recherche d’emploi. Notons que cette théorie pose
l’hypothèse d’un manque d’informations concernant les emplois disponibles et la flexibilité
des salaires sur le marché du travail (Archambeau, 2002).

Selon Jovanovic (1979), les travailleurs et les entreprises sont hétérogènes. Ensemble, ils
recherchent une meilleure adéquation sur le marché du travail4. Cependant, une mauvaise
adéquation entre l’employé et le poste occupé, peut résulter d’une information imparfaite et
engendrer, par conséquent, sa mobilité. Enfin, la théorie de la dualité du marché du travail
représente une référence dans le domaine de la recherche sur la mobilité professionnelle. Elle
suppose la coexistence de deux sortes de marchés au sein de l’économie : un marché primaire
pour les emplois qualifiés et un marché secondaire pour les emplois jugés « précaires ». Dans
chaque marché, les firmes et les individus se comportent différemment selon les
caractéristiques des emplois disponibles. Le marché secondaire est le plus affecté par les
discriminations pratiquées par les firmes sur certaines catégories de la population (les noirs,
les femmes, et d’autres minorités, les jeunes et les travailleurs âgés) qui se trouve exclue de ce
marché (Nackenoff, 1983). Il en résulte que les travailleurs y développent des modèles
d’instabilité relativement supérieures à ceux du marché primaire.

1.3. Les déterminants de la mobilité


Les déterminants de la mobilité peuvent être regroupés en trois grandes catégories selon qu’ils
s’apparentent à des caractéristiques sectorielles, organisationnelles ou individuelles. En effet,
ils peuvent, notamment, être liés à des mouvements sectoriels de restructurations et de fusion-
acquisition, ou à la réorganisation et au changement de direction au sein de l’organisation ou
encore au contexte personnel et familial de l’individu. D’autres facteurs, tels que les valeurs et
les normes véhiculées au sein de l’organisation et dans l’environnement jouent un rôle dans la
détermination du processus de mobilité. Le schéma 1 présente notre synthèse de ces
déterminants de la mobilité.

3
C’est une limite de salaire en deçà de laquelle le chercheur d’emploi refuserait tout poste. Ce salaire dépend des
différentes caractéristiques de l’individu (compétences, âge, situation financière…)
4
L’employé cherche la bonne entreprise en matière de rémunération et d’évolution de carrière et l’entreprise
cherche le meilleur employé en termes de productivité et d’implication

5
1.3.1. Les déterminants sectoriels :
Haveman et Cohen (1994) suggèrent que la création des organisations et leurs décès, aussi
bien que les fusions et les restructurations sont une source importante de changement d'emploi
au sein du secteur. Ce déterminant, de type sectoriel, trouve ses origines dans la théorie de
March et Simon (1958), selon laquelle l’individu ne prend la décision de mobilité qu’après
avoir identifié une nouvelle opportunité qui lui est offerte et qui lui convient mieux en termes
de rémunération et de perspectives de carrière. Or, la création de nouvelles organisations
s’accompagne souvent par l’apparition de nouveaux postes de travail suscitant l’intérêt des
demandeurs d’emploi potentiels et des travailleurs déjà en place. Ce déterminant est
également mis en évidence par la théorie de la recherche d’emploi dans le sens où la création
de nouvelles organisations est à l’origine de l’entrée en chômage volontaire de certains
travailleurs actifs, dans l’objectif de trouver un emploi plus adéquat en termes d’avantages
accordés.
D’autres caractéristiques industrielles telles que la taille du secteur, la spécialité dominante
dans la branche, le type de technologie utilisée, les barrières à l’entrée ou à la sortie sont
mises en évidence par Carroll & Mayer (1986) et Hachen (1990). Par ailleurs, Stinchcombe
(1979) montre que les différences intersectorielles produisent une variabilité dans les modèles
de mobilité distingués. Ces travaux s’inspirent de la théorie de la dualité du marché du travail
qui montre que les différences intra et intersectorielles concernant les actes de discrimination
et la déqualification des travailleurs génèrent des mouvements de mobilité verticale du secteur
secondaire vers le secteur primaire. En outre, la théorie de l’adéquation de Jovanovic (1979)
considère que le positionnement de l’individu sur un marché du travail secondaire où il subit
une déqualification par rapport à son niveau de compétences et à la carrière qu’il envisage de
réaliser constitue une forte raison de sa mobilité.

1.3.2. Les déterminants organisationnels :


Les facteurs organisationnels constituent également un important déterminant de la mobilité.
Etant un indicateur de la complexité de l’organisation et de sa différenciation, la taille
influence selon Granovetter (1986) la situation du travailleur sur le marché du travail. En
outre, plus la taille de l’organisation est grande, plus les incitations qu’elle offre sont
nombreuses (promotion, primes, évolution de carrières..). Pour Caroll et Mayer (1986) et
Diprete (1993) l’émergence d’un marché du travail interne a un effet positif sur le taux de
mobilité intra –firme. Toutefois, il est de nature à diminuer la mobilité inter- organisationnelle
qui dépend fortement de la taille de l’organisation, du nombre des opportunités internes crées,
du type de technologie utilisée et de la complexité organisationnelle. Le déterminant de la
taille a également été signalé par la théorie de March et Simon (1958) qui montre que
l’individu est opportuniste ; lorsqu’il ne trouve pas sa fin au sein de son organisation, il la
quitte pour rejoindre une autre. Ceci est le cas, notamment, lorsqu’il travaille dans une petite
structure qui ne lui permet pas d’évoluer, d’avoir le pouvoir nécessaire pour exercer ses
responsabilités ou d’augmenter sa rémunération. En revanche, une organisation de grande
taille offre des incitations multiples ce qui constitue un facteur de rétention de son personnel
par un renforcement de leur degré d’implication et d’engagement.
Les choix stratégiques de l’organisation représentent également un autre motif de mobilité. La
théorie des coûts de transaction fait partie des théories prenant en considération de ce facteur
(Williamson, 1979). En effet, elle considère que le recours au marché du travail externe reste
soumis à la seule décision de l’organisation qui décide soit d’internaliser le processus de
recrutement soit de l’externaliser et ainsi, de stimuler les travailleurs des autres firmes.

6
1.3.3. Les déterminants individuels
Les déterminants de type individuel de la mobilité s’inscrivent dans le cadre de la théorie du
capital humain de Becker (1964) qui montre que le capital humain de l’individu représenté à
la fois par ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes personnelles influence la prise
d’une décision de mobilité et le passage d’un emploi à un autre. L’individu se baserait, en
effet, sur ses attributs spécifiques pour s’offrir sur le marché du travail une position
confortable par rapport aux offreurs d’emplois et demander les avantages qu’il exige en
termes de rémunération et d’évolution de carrière. March et Simon (1958) montrent dans ce
sens, que les opportunités s’offrant aux individus sont fonction de leur profession et de leur
position sur le marché du travail. Cependant, tirer profit de ces opportunités dépend des
ressources mises à leur disposition, à savoir : l’éducation, la formation professionnelle et
l’expérience. Plus seront importantes les ressources de l’individu, plus le seront les
opportunités offertes. D’autres auteurs considèrent une autre série de caractéristiques
individuelles à savoir le genre et l’appartenance ethnique. A ce titre, Reskin et Roo (1992)
mettent en évidence une certaine attractivité de l’individu. Le meilleur emploi va, ainsi, au
meilleur employé. D’autres caractéristiques basées sur le sexe et la race sont signalées et
rendent compte d’une certaine discrimination sur le marché du travail. Selon Treiman (1985),
femmes et hommes n’ont pas les mêmes modèles de mobilité ainsi que le même schéma
d’évolution de carrière. Cette discrimination limiterait la mobilité des femmes sur le marché
du travail et nous semble être une atteinte à la structure d’opportunité énoncée précédemment
par March et Simon (1958).

Les différentes recherches développées sur les transitions de carrière ont attribué aussi une
place importante aux caractéristiques des secteurs, des professions et des régions pour
analyser et évaluer la mobilité (Cadin et al., 2000). Faisant partie des travaux qui ont tenté
d’élaborer un nouveau cadre pour conceptualiser les carrières, Arthur et Rousseau (1996),
Peiperl et Baruch (1997) et Capelli (1999) considèrent que des communautés de pratiques
informelles se développent entre les individus, à travers lesquelles s’échangent des flux
d’informations qui leur créent diverses opportunités à l’extérieur de l’organisation. Toutefois,
Dany et Livian (2002) nient que la mobilité soit un fait planifié dans un plan de carrière. Ils
mentionnent, au contraire, l’existence de la « mobilité de conversion » et soutiennent l’idée
que les carrières sont hasardeuses. L’opportunisme des acteurs, en tant que déterminant de la
mobilité est identifiable également dans la théorie de March et Simon (1958) et les modèles
d’adéquation de Jovanovic (1979) où les individus quittent les organisations qui ne leur
offrent pas de bonnes perspectives de carrière pour saisir les opportunités qui se présentent à
eux sur le marché du travail ou encore optent pour la mobilité pour sortir d’une situation de
déclassement sur le marché de l’emploi.

D’après Dupray et Hanchane (2000), les conséquences de la formation professionnelle sur


l’individu, notamment en matière de responsabilité, d’évolution de carrière et de salaire
influencent de manière significative la décision de mobilité. D’autres auteurs tels que
Acemoglu et al., (1998) et Barron et al., (1986) ont également essayé de déterminer l’effet de
la formation professionnelle sur la mobilité des travailleurs et ce, en mobilisant la théorie du
capital humain de Becker (1964) et la distinction entre formation générale et formation
spécifique. En effet, le capital humain de l’individu représente une ressource qui lui est
spécifique et qui conditionne son accès au marché du travail. Pour l’individu, plus le niveau
d’éducation et de formation est élevé, plus il aura la chance de retrouver facilement un autre
emploi à la suite d’un départ volontaire ou involontaire. Ce changement lui permet d’accéder
à un statut social et à une amélioration de son niveau de vie et de ses revenus. Par ailleurs,
l’investissement en formation générale et spécifique représente un moyen essentiel et

7
pertinent à l’amélioration du capital humain et l’accroissement de la productivité. Cependant,
pour préserver son capital humain, l’organisation a intérêt à financer la formation spécifique
puisqu’elle en retirera une partie des gains. Si la formation est de nature générale, elle
favorisera la prise d’une décision de mobilité et participera à la fuite du capital humain. En
outre, la certification par un diplôme de la session de formation pourrait être un facteur
influençant la mobilité, par sa capacité à accroître la « visibilité de l’apport de la formation ».
D’autres auteurs se sont intéressés à l’étude de différentes alternatives extra-
organisationnelles qui se présentent aux individus et les ont reliées au niveau de l’activité
économique, au nombre des organisations « visibles » (celles offrant des emplois), et aux
caractéristiques personnelles (âge, genre, statut social, titularisation, et spécialité de
l’individu). Néanmoins, le nombre d’organisations visibles dépend également du réseau
personnel de l’individu, un facteur souvent négligé par les études sur la mobilité
professionnelle (Halaby, 1988). En effet, l’habilité à localiser de nouveaux emplois est en
partie fonction de l’hétérogénéité des contacts de la personne (March et Simon, 1958). Cet
argument a été par la suite approuvé par Granovetter (1974) qui suggère que les contacts
hétérogènes de l’individu ainsi que ses caractéristiques et ses aptitudes personnelles et
professionnelles accroissent le nombre des organisations visibles et influencent la décision de
mobilité. Ce préalable à la mobilité trouve ses racines dans la théorie de March et Simon
(1958). En effet, le capital social de l’individu augmente le nombre des organisations
auxquelles il peut accéder en faisant recours au pouvoir influent de ces contacts sur le marché
du travail. En d’autres termes, l’hétérogénéité des contacts de la personne lui permet
d’augmenter le nombre d’emplois qu’il est susceptible d’occuper et lui donne la chance
d’améliorer sa situation.
Par ailleurs, des recherches effectuées sur l’Allemagne fédérale par Janowitz (1958) font
apparaître une certaine relation entre le niveau de scolarisation et la mobilité. Plus le niveau
scolaire croît, plus la probabilité de mobilité ascendante croît et plus la probabilité de mobilité
descendante a tendance à décroître. L'enquête américaine de Blau et Duncan (1967) fait
apparaître, également, une relation d'intensité modérée entre le niveau de scolarisation et la
mobilité ascendante. En particulier, celle-ci a tendance à être plus élevée aux niveaux
scolaires supérieurs. Toutefois, Blau et Duncan (1967) identifient aussi un lien entre le statut
social des parents et le niveau de scolarisation atteint par leurs enfants pour expliquer le statut
du premier emploi obtenu. En d’autres termes, le niveau social de l’individu a des effets
directs et indirects sur son accomplissement social. En plus des motifs habituels5 explicatifs
de la mobilité, Cadin et al., (2000) citent les spécificités nationales telles que la culture, les
critères d’accès aux responsabilités dans le pays et le poids du diplôme et de l’expérience
dans l’évaluation du potentiel humain.

5
Licenciements, faillite ou difficultés financières de l’entrepreneur, l’externalisation, les motifs personnels, le
sentiment de blocage de la carrière, le désir d’autonomie, les démissions volontaires.

8
Schéma 1. SYNTHESE DE LA LITTERATURE SUR LES DETERMINANTS DU DEPART DES SALARIES

9
Outre les déterminants de la mobilité identifiés dans la section précédente, nous mettons le
point dans ce qui suit, sur un autre facteur important et explicatif de la mobilité des salariés, à
savoir, l’implication organisationnelle. Notre choix d’étudier cette variable séparément est
motivé par le rôle qui lui est attribué dans le déclanchement du processus de mobilité et par
son interaction avec les autres facteurs de mobilité. Nous montrons également comment ce
concept interagit avec les démarches de gestion des compétences adoptées récemment par les
organisations afin de limiter le départ des salariés dans le temps.

3. L’implication organisationnelle, un déterminant clé dans le processus de


mobilité des salariés :
3.1. Le concept multidimensionnel de l’implication organisationnelle
Meyer et Allen (1991) conçoivent l’implication comme un concept tridimensionnel,
correspondant à un état psychologique qui caractérise la relation du salarié à son organisation
et ayant des effets sur la décision de rester ou de ne plus rester membre de celle-ci. Trois
formes d’implication sont mises en évidence : l’implication affective (IA), l’implication de
continuation (IC) et l’implication normative (IN). Les salariés peuvent, ainsi, désirer rester au
sein de l’entreprise, parce qu’ils sont impliqués affectivement et éprouvent un attachement
émotionnel à son égard. Ce type d’implication se traduit par un désir de contribuer
spontanément au bon fonctionnement de l’organisation et constitue une source d’efficacité au
travail (Bentein et al., 2004). En revanche, les salariés qui éprouvent une implication de
continuation restent au sein de l’entreprise parce qu’ils sont contraints de le faire et expriment
un sentiment d’insatisfaction suivi par des comportements inappropriés au travail (faible
productivité, absentéisme, retard, etc…). Les salariés qui ressentent l’obligation morale de
rester dans l’entreprise expriment une attitude loyale à son égard. Il s’agit dans ce cas, d’une
implication normative se traduisant par une prédisposition à s’engager en faveur des objectifs
de l’organisation, en l’absence même d’un attachement émotionnel du salarié à l’égard de son
entreprise (Meyer et Allen, 1997).

Le modèle tridimensionnel de Meyer et Allen (1991) est contesté par plusieurs auteurs
(Bentein et al., 2004). McGee et Ford (1987) démontrent, en effet, que l’implication de
continuité comporte deux sous-volets corrélés mais différents : l’implication résultant de la
prise en compte des coûts que le salarié peut subir en cas de son départ de l’organisation et
l’implication provenant de l’absence d’autres opportunités d’emploi en dehors de
l’organisation. Le premier volet est relatif à des facteurs personnels et incite le salarié à un
comportement efficace au travail et à un certain attachement à son poste, du fait qu’il a
beaucoup investi dans son organisation. Etant fortement lié à la conjoncture économique, le
second volet renvoie plutôt à des facteurs externes et se traduit par des comportements
inefficaces au travail. Dans ce cas, c’est l’appréciation de la difficulté de changer d’entreprise
qui constitue le frein à la mobilité des salariés au sens de March et Simon (1958).
Le modèle tridimensionnel de l’implication peut être appliqué à d’autres cibles et présente par
conséquent un aspect multidimensionnel (Bentein et al., 2000). En effet, le salarié se trouve
également engagé envers son supérieur hiérarchique, son groupe de travail et les clients de
l’entreprise. Ainsi, la matrice obtenue (Cf. Schéma 2.), constitue un moyen efficace
permettant de prédire les attitudes et les comportements des employés comme l’intention de
partir de l’entreprise, ou encore l’efficacité au travail (Meyer et al., 1993).

10
Schéma 2. L'implication organisationnelle: un concept multidimensionnel

L'engagement émotionnel L'engagement normatif L'engagement de continuation


L'organisation
La profession
Le supérieur hiérarchique
Le groupe de travail
Les clients
Source : Meyer J. P. et Allen N. J., (1997), Commitment in the workplace. Theory, research, and application,
Newbury Park, CA : Sage.

Allen (1996) considère que les cellules de la matrice sont interdépendantes, étant donné que
certaines cibles à l’égard desquelles le salarié est engagé sont emboîtées dans d’autres
(Lawler, 1992). Toutefois, du fait que ces cibles sont opposées, cette interdépendance se
traduit, selon Reichers (1985 ; 1986) et Bentein et al., (2000) par un conflit entre les différents
types d’implication.
En tenant compte des travaux de Randall (1990), Cohen (1991) et Riketta (2002), il ressort
que la plupart des recherches empiriques qui se sont intéressées à l’étude du lien entre
l’implication organisationnelle et la performance au travail, résument le concept d’implication
en sa seule dimension affective et, ne mesurent qu’un seul type de performance. Comme le
précisent Bentein et al. (2004), une telle restriction ne permet pas de généraliser un lien de
corrélation identifié entre ces deux variables à l’ensemble des autres dimensions omises. Ces
auteurs proposent donc, d’examiner l’impact distinctif des trois composantes de l’implication
organisationnelle, y compris celui des deux sous-dimensions de l’implication de continuation.

3.2. Les antécédents de l’implication organisationnelle

L’objectif de cette section est de déterminer les principaux mécanismes sous-tendant les
différentes formes d’implication.

3.2.1. L’implication affective :


Parmi les leviers de l’implication affective, Einsenberger et al., (1990) citent le sentiment du
salarié d’être soutenu et considéré par l’entreprise alors que Ko et al., (1997) parlent de
soutien du groupe. Folger et Konovsky (1989) et Sweeny et McFarlin (1993) pour leur part,
mettent en évidence la perception de l’équité des procédures de prise de décision utilisées au
sein de l’entreprise. Les sentiments d’importance personnelle et de réalisation personnelle
constituent d’autres antécédents à l’implication affective (Wanous, 1992 ; Wanous et al,
1992), traduisant le degré d’attente des salariés quant à leurs pratiques professionnelles ainsi
que le degré de réalisation de leurs objectifs et leurs besoins par l’entreprise.

3.2.2. L’implication de continuation :


Bentein et al., (2000) énumèrent deux sortes d’antécédents à l’implication de continuation. Le
premier est relatif à la disponibilité perçue des alternatives d’emploi (Lee, 1992 et Meyer et
al., 1991). Celles-ci étant élevées en cas de conjoncture économique favorable, une
implication de continuation faible sera, alors, obtenue. Le second réfère aux investissements
en temps et en argent effectués par les salariés afin de s’adapter à leur entreprise ainsi que les
avantages qui en ont découlé (Meyer et Allen, 1990). Dans ce cas, la continuation est motivée
par la crainte de perdre les investissements engagés, notamment au niveau de la formation

11
spécifique qui leur a été dispensée et qu’ils ont participé à son financement. Ainsi, un taux de
formation spécifique élevé se traduit par un fort taux d’implication de continuation.

3.2.3. L’implication normative :


Wiener (1982) évoque les processus de socialisation émanant de la vie professionnelle ou
privée de l’employé comme étant une source principale de développement de cette forme
d’implication. Selon Bentein et al., (2000), ces processus déterminent les comportements et
les attitudes du salarié ou encore ses valeurs et sa culture. Tous ces éléments se conjuguent
pour faire naître chez le salarié un sentiment de reconnaissance des efforts fournis par ses
différentes cibles (Scholl, 1981).

3.3. Les conséquences de l’implication organisationnelle sur l’intention de départ

Meyer et Allen (1991) montrent que les trois types d’implication ne coexistent pas chez
l’individu avec le même degré et n’ont ni les mêmes causes, ni les mêmes effets. Toutefois,
plus l’implication des salariés est forte, moins l’intention de départ volontaire sera présente.
Ceci s’explique par le fait que davantage d’implication réduit le taux d’absentéisme,
augmente la performance individuelle et par conséquent la performance collective. Il produit
également une amélioration du bien être social à travers la réduction du niveau de stress et
l’augmentation de la motivation des membres (Meyer et Allen, 1997). Les retombées du
manque d’implication de la part des salariés ne se limitent pas à l’aspect quantitatif. Elles
comportent également un aspect qualitatif tels que les conflits inter-relationnels, les conflits
sociaux, le retrait des salariés de la vie sociale de l’organisation, etc…). Le Schéma 3
synthétise les différents effets du manque d’implication organisationnelle sur le départ des
salariés.

Schéma 3. Les Effets du Manque d'Implication


Organisationnelle

Implication Organisationnelle Faible

Réduction de la performance Augmentation des conflits


Absenteisme
individuelle sociaux

Réduction de la performance Retrait des salariés de la vie


collective sociale

Départ des salariés

Source: MEYER J., ALLEN N., (1991), « A three component conceptualization of organizational
commitment», Human resource Management Review, vol.1, p. 69-81

L’existence d’une corrélation négative entre l’implication organisationnelle et le départ des


salariés qu’il soit intentionnel ou réel est mise en évidence par plusieurs travaux tels que ceux
de Allen (1996), Meyer (1996) et Mathieu et Zajac (1990). Bentein et al., (2000) soulignent,

12
toutefois, l’importance de traiter l’impact du comportement des salariés au travail sur le
fonctionnement de l’entreprise et plus spécifiquement, l’impact de l’implication
organisationnelle sur l’efficacité au travail. L’implication affective incite, en effet, le salarié à
davantage de motivation et de spontanéité dans son travail associées au désir de contribuer au
bon fonctionnement de l’entreprise, d’où sa corrélation positive avec le taux de présence au
travail. Pour Angle et Lawson (1994) et Shore et al., (1995), l’implication affective est
également corrélée positivement avec la performance, alors que d’autres études comme celles
de Keller (1997) et Somers et Birnbaum (1998) montrent des corrélations non significatives
entre cette dimension de l’implication et l’efficacité au travail. Le lien négatif entre les deux
autres types d’implication et le départ des salariés a, par ailleurs, été vérifié, mais leur degré
de contribution à la prédiction des comportements et attitudes des salariés reste marginal
(Allen et Meyer, 1996). D’autres travaux comme ceux de Ashforth et Saks (1996) et de
Hackett et al., (1994) soulignent une faible corrélation positive entre l’implication normative
et l’efficacité au travail. Cette corrélation s’avère être parfois significativement négative. La
même interprétation s’applique également à la corrélation entre l’implication de continuité et
l’efficacité au travail. L’implication peut également engendrer des comportements extra-rôle,
qui ne sont pas nécessairement reconnus par le système formel de récompenses mais qui se
traduisent par un impact positif sur la performance organisationnelle, (Organ, 1988). Certains
auteurs tels que Mc Neely et Meglino (1994) et Williams et Anderson (1991) dénomment ces
comportements extra-rôle : la performance contextuelle.

3.4. Le lien entre la gestion des compétences et l’implication organisationnelle


Jarnias (2003) définit les compétences en faisant la distinction entre deux parties : l’une est
visible et concerne les capacités, les savoirs, les attitudes, le savoir-être et le rôle social et
l’autre est invisible et est liée à l’image de soi, aux traits de caractère, à la motivation, à la
passion et aux valeurs. Par ailleurs, la gestion des compétences est considérée par le même
auteur, comme étant la mise en place des pratiques GRH centrées sur les salariés et ayant
comme finalité de les impliquer dans la vie organisationnelle et de faciliter leur processus de
socialisation. Ces pratiques consistent à acquérir les compétences (spécifier les compétences
requises et repérer les compétences détenues), les stimuler (les évaluer sur la base des
référentiels de compétences et fixer les rémunérations en tenant compte de ces compétences)
et les réguler (développer des stratégies de gestion des compétences individuelles et
collectives afin de passer d’une gestion prévisionnelle des emplois à une gestion anticipée des
compétences) (Defélix, 2003). L’objectif majeur recherché à partir de la mise en place d’une
telle démarche reste l’atteinte d’une rentabilité économique élevée à moyen et à long terme.

Les travaux ayant étudié empiriquement le lien entre la gestion des compétences et
l’implication organisationnelle sont assez récents (Bentein et al, 2000). A cet égard, l’étude
empirique de Jarnias (2003) met en évidence une corrélation négative entre ces deux
variables, due notamment au mode de prise en considération des salariés. Durand (2000)
souligne également que leurs comportements et leurs attitudes ne semblent pas être pris en
compte. D’un point de vue général, Jarnias (2003) considère que la démarche de gestion des
compétences adoptée récemment par les différentes organisations a renforcé l’inhibition des
salariés et leur intention de départ au lieu de contribuer à accroître leur implication.
Pour sa part, Klarsfeld (2001) avance une seconde explication à la dissolution du lien entre
gestion des compétences et implication organisationnelle consistant dans le manque de
cohérence entre les discours managériaux et les pratiques GRH mises en œuvre par les
managers. En effet, ni les plans de formation mis en place, ni les politiques de rémunération
pratiquées ou encore les perspectives d’évolution des carrières tracées ne sont conformes à ce
qui a été annoncé auparavant et aux attentes des salariés. Sire et Tremblay (1999) suggèrent

13
que l’hétérogénéité du système de compétences constitue une raison à la faiblesse du lien
entre la démarche de gestion des compétences et l’implication au travail, alors que, Jarnias
(2003) constate que les activités destinées à l’acquisition des ressources humaines et à leurs
régulations sont souvent préférées à celles destinées à la stimulation du personnel.
Afin de remédier à ces problèmes de départ des salariés, Pichault et Nizet (2000) proposent à
l’organisation une individualisation de chacune de ses pratiques GRH afin d’accroître le degré
d’autonomie et d’implication de ses salariés. Klarsfeld (2001) prend l’exemple de
l’individualisation de la rémunération qui incitera, selon lui, le salarié à mieux investir dans
ses compétences en vue d’accroître sa rémunération et par conséquent de s’impliquer
davantage dans son travail et renforcer son attachement à l’organisation. Sire et Tremblay
(1999) qualifient ce système par le système de rémunération des compétences (SRC). Outre le
SRC, l’organisation peut impliquer son personnel en adoptant d’autres moyens de
développement des compétences comme la mise en place d’un plan de formation générale et
spécifique adapté aux besoins des salariés ou encore des systèmes d’évaluation qui
reconnaissent les efforts réalisés par les salariés. De plus, l’organisation peut exprimer sa
reconnaissance à l’égard de ses salariés par la mise en place d’autres formes d’incitations
comme l’élaboration d’un plan de promotion actif, en son sein, fixant les modalités et les
conditions d’accès aux différents postes de responsabilité et de contrôle.

Shéma 4. L'IMPACT D'UNE DÉMACHE DE GESTION DES COMPÉTENCES INDIVIDUELLE


SUR LA RÉTENTION DES SALARIÉS

UNE DÉMARCHE DE GESTION DES COMPÉTENCES INDIVIDUELLE

UN SYSTÉME
UNE FORMATION UN SYSTÈME DE
D'ÉVALUATION DU UN PLAN DE PROMOTION
GÉNÉRALE ET SPÉCIFIQUE RÉMUNÉRATION DES
PERSONNEL QUI ACTIF
ADAPTÉE AUX BESOINS COMPÉTENCES (SRC)
RECONNAÎT LES EFFORTS
DES SALARIÉS
INDIVIDUELS

COHÉRENCE COHÉRENCE COHÉRENCE

ACCROISSEMENT DU ACCROISSEMENT DU
DEGRÉ D'IMPLICATION DEGRÉ DES COMPÉTENCES

RÉTENTION DES SALARIÉS

Source : PICHAULT F., NIZET J., (2000), Les pratiques de gestion des ressources humaines , Paris,
Editions du Seuil

L’efficacité de la démarche de gestion des compétences mise en place en matière de rétention


des salariés est également conditionnée par une connaissance de leurs attentes et de leurs
aspirations (l’engagement au travail et l’identification à l’organisation). Dans ce sens, Sire et
Tremblay (1999) proposent d’intégrer l’implication organisationnelle dans le cadre d’une
démarche de gestion des compétences tout en respectant les principes de cohérence (entre
discours et action), de réciprocité (l’implication est vue comme un échange entre l’ensemble

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des salariés) et d’appropriation (processus d’identification du sujet qui se retrouve dans une
action, dans un contexte) (Jarnias, 2003). Le schéma 4 présente les différents éléments sous-
tendant l’impact d’une démarche de gestion des compétences individuelle sur la rétention des
salariés.

4. Mobilité professionnelle et performance organisationnelle


Cette seconde section a pour premier objectif de montrer que la fonction Ressources
Humaines s’est structurée et organisée de façon à devenir stratégique et participer, par
conséquent, à la réalisation de la performance organisationnelle. Le second objectif est
d’étudier l’impact de la mobilité sur la performance des organisations. Pour ce faire, il s’avère
nécessaire de distinguer entre deux types de flexibilité, à savoir : la flexibilité qualitative et la
flexibilité quantitative. La nécessité de cette distinction réside dans le fait qu’elle évite à
l’organisation une confusion entre ces deux concepts dans l’appréhension des solutions
remédiant à leurs effets négatifs. Le présent article met principalement l’accent sur la
flexibilité quantitative en tant qu’un événement pouvant être causé soit par l’organisation, soit
découler d’une décision volontaire de la part du salarié. La flexibilité qualitative étant
obtenue, selon Everaere (1997), grâce à la stabilité des ressources humaines et représente, de
ce fait, une source primaire de confiance, d’implication organisationnelle, d’apprentissage et
de création d’un potentiel de compétence.

4.1. L’impact des pratiques RH sur la performance


Le capital humain de l’organisation apparaît comme une ressource stratégique dans la mesure
où les connaissances, les compétences et les aptitudes professionnelles qu’il représente sont
rares, imparfaitement imitables et non substituables (Penrose, 1959 ; Barney, 1991). D’autres
recherches font apparaître que la performance de l’organisation passe nécessairement par une
bonne gestion des ressources humaines et par une valorisation de son capital humain.
Bourbonnais et Gosselin (1988) considèrent, à cet égard, que les efforts des spécialistes en
GRH doivent être consacrés à l’identification d’opportunités de développement d’avantages
compétitifs. Teece (1998) et Drucker (1999) montrent respectivement que les connaissances
et les savoirs sont des variables à prendre en compte dans la réalisation de la stratégie de
l’entreprise et que la principale occupation des organisations d’aujourd’hui est l’entretien de
leur stock de capital humain et sa conservation. La GRH a, ainsi, initié une certaine
redéfinition de ses aspects, ses moyens et ses objectifs compte tenu de la complexification de
l’environnement de l’organisation.
Parmi les changements qu’elle subit aujourd’hui, l’on peut citer les changements
technologiques qui se traduisent par des effets indésirables, tels que l’isolement des employés,
l’augmentation de la dose de stress chez les salariés ainsi que la diminution de leur degré
d’implication au sein de l’organisation. Ceci contribue à leur départ de cette dernière, qu’il
soit volontaire ou involontaire. Les changements économiques représentent également une
menace pour l’organisation dans la mesure où elle doit aujourd’hui s’insérer de plus en plus
dans l’espace économique international et opter pour d’autres modes de fonctionnement tout
en recherchant la minimisation des coûts de production et la maximisation de la valeur
ajoutée. La GRH se trouve aussi confrontée aux changements socioculturels et politiques qui
modifient les valeurs associées auparavant au travail (le refus de l’autorité dans le cadre d’une
relation hiérarchique ou celle basée sur l’âge et l’expérience) et par une autre valorisation de
son contenu afin qu’il soit conforme aux nouvelles attentes individuelles et collectives en
matière de stabilité et de reconnaissance sociale.

15
Plusieurs approches ont tenté d’étudier l’impact des pratiques GRH sur la performance.
Delery et Doty (1996) identifient une typologie de trois approches pour expliquer ce lien à
savoir l’approche universaliste, l’approche de contingence et l’approche de configuration.
Besseyres Des Horts (1988) développe une approche différente mettant en évidence un autre
type d’interaction entre la stratégie de l’organisation et les pratiques GRH en tenant compte
des différents cycles de vie de l’organisation (création, développement, maturité et
transformation profonde). L’idée sous-jacente à ce raisonnement est que les compétences et
les connaissances requises de chaque salarié diffèrent selon la phase dans laquelle se situe
l’organisation. Par ailleurs, Batal (1997) met en évidence les nouvelles missions attribuées à
la GRH en soulignant qu’elles sont de deux types : la première est d’ordre économique et se
rattache directement aux objectifs de l’organisation. La GRH a, en effet, comme tâche de
fournir en quantité, en qualité, au bon moment et aux moindres coûts, les ressources humaines
dont l’organisation a besoin. La deuxième est d’ordre social et est liée aux facteurs de
motivation du personnel. La finalité recherchée étant la sérénité de l’organisation (Emery et
Gonin, 1999).

4.2. La performance organisationnelle et ses critères de mesure


Il existe un désaccord entre les auteurs quant à la définition de la performance
organisationnelle et son évaluation. Ceci est dû essentiellement à la pluralité des approches
qui se sont développées autour de ce sujet ainsi qu’à la diversité des individus et des groupes
qui appartiennent à l’organisation.
D’après Morin et al. (1994), la performance organisationnelle consiste à « prononcer un
jugement sur une organisation fondé sur un certain nombre de critères, qui sont des résultats
souhaités, désirables, recherchés »6. Cependant, Campbell (1977) évoque la difficulté de
donner une définition définitive à ce concept vu la variété des acteurs impliqués dans la vie
organisationnelle et la diversité des conceptions qu’ils développent au sujet de la
performance. Selon ces auteurs, la difficulté d’une telle définition découle essentiellement de
la multiplicité des critères de mesure qui lui sont associés. A cet égard, Jalette (1998) montre
qu’il existe autant de définitions de la performance organisationnelle que de critères de
mesure. Le choix de tels critères dépend fortement, selon Morin et al. (1994), du statut des
acteurs impliqués dans la vie de l’organisation, de leurs valeurs, de leurs normes de conduites
ainsi que de leurs besoins.

A travers une revue de la littérature sur la performance organisationnelle remontant aux


années 1974, Campbell (1977), identifie 30 critères de mesure. Néanmoins, ces critères
varient selon la nature de l’impact réalisé (Jalette, 1998). L’ont peut citer ceux qui portent sur
l’efficacité économique de l’organisation comme la productivité, la croissance et le profit et
ceux qui se rattachent aux besoins des salariés comme la satisfaction, le moral et la
motivation. D’autres critères sont relatifs à des pratiques ressources humaines tel que la
formation, la participation, la communication et le contrôle. Toutefois, des auteurs comme
Steers (1977) refusent que l’on considère l’absentéisme, le roulement et les accidents comme
de véritables critères de mesure de cette variable, compte tenu de leur caractère subjectif.
Afin de remédier à ces lacunes, des auteurs tel que Van de Ven (1980) proposent des règles à
suivre pour bien choisir les critères de mesure. Ainsi, les règles identifiées par Van de Ven
(1980) et présentées par Jalette (1998) sont au nombre de cinq :

6
MORIN E. M., SAVOIE A., BEAUDIN G. (1994), L’efficacité de l’organisation : théories, représentations et
mesures, Montréal, coll. HEC, Gaëtan Morin Editeur

16
1- La parcimonie : les critères ne doivent pas être trop nombreux.
2- L’opérationnalisation des critères : les critères doivent être observables et
opérationnels.
3- La discrimination : les critères doivent pouvoir apporter une réponse à tous les
niveaux de performance recherchés par l’organisation.
4- La validité et la fidélité : les critères doivent être fidèles, valides, peu coûteux et
faciles à obtenir et à mesurer.
5- La représentativité : les critères doivent être représentatifs de l’activité de
l’organisation.

4.3. L’impact de la Flexibilité quantitative sur la performance organisationnelle


La flexibilité quantitative de l’emploi est assimilée souvent à l’ajustement mécanique des
heures travaillées (Rahali, 2004). Cette forme de flexibilité, se justifiant par la recherche
d’économies d’échelle, se manifeste à travers les licenciements économiques, les contrats à
durée déterminée, les préretraites, le recours au travail temporaire, le recours à la sous-
traitance et le partenariat et à travers d’autres formes d’emplois jugés atypiques. Ces formes
d’emploi s’avèrent être une solution aux changements que subit l’environnement et qui se
traduisent souvent par une accentuation du niveau d’insécurité et d’instabilité. La flexibilité
quantitative de l’emploi apparaît, donc, comme un mode d’adaptation à la conjoncture, aux
tendances lourdes du marché, et aux évolutions sociologiques et technologiques.

4.3.1. Les effets positifs de la flexibilité quantitative sur la performance organisationnelle :


La flexibilité quantitative a des effets positifs sur l’entreprise. Selon Staw (1980),
l’accroissement de la performance en est un. A cet égard, lorsqu’une personne part de
l’organisation, elle perd son expérience passée dans le poste occupé ainsi que ses
compétences développées sous l’effet de l’accumulation de l’apprentissage à travers le temps.
La personne qui la remplacerait serait, toutefois, d’une forte motivation et posséderait des
atouts considérables (énergie, optimisme, enthousiasme) lui permettant d’accomplir sa
nouvelle tâche avec le succès souhaité par ses supérieurs. Par ailleurs, un climat social
caractérisé par l’existence de conflits entre les membres de l’organisation, s’enrichissant de
leurs différences en termes de valeurs et de croyances, engendrerait le départ de certains
d’entre eux. Staw (1980) souligne, cependant, que le départ de certains salariés s’avère,
parfois bénéfique pour l’organisation car il incite les autres à se concentrer sur leurs tâches et
leurs missions respectives, au lieu de perdre leur temps dans les conflits. Dans ce sens, Guest
(1962) montre que le départ d’un mauvais salarié augmente le degré d’implication de ses
collègues étant donné qu’il était source de problèmes et de conflits au sein de son
organisation. Si cet individu occupait, en outre, un poste important, il serait dans l’intérêt des
autres de redoubler leurs efforts pour pouvoir le remplacer et avoir ses mêmes avantages. Le
départ de ce salarié s’accompagnera, ainsi, par une forte motivation chez les autres membres.
La flexibilité quantitative s’avère de ce fait, un moyen de résoudre les problèmes liés à
l’échec du recrutement. Par ailleurs, Staw (1980) souligne que la titularisation d’un salarié
pourrait avoir un impact positif sur la performance de l’organisation dans le sens où ce statut
de titulaire constitue une source d’attachement à l’organisation et de productivité individuelle.
La flexibilité quantitative permet également à l’organisation de s’adapter à son environnement
en affectant au mieux les ressources dont elle dispose.

17
4.3.2. Les effets négatifs de la flexibilité quantitative sur la performance
organisationnelle :
Pour Staw (1980) le départ des salariés devient un mal dont les organisations doivent
empêcher la réalisation. Il engendre des effets négatifs considérables sur les performances de
celles-ci, comme la faible productivité, le manque d’harmonisation entre les salariés, la perte
d’innovation, le stress au travail suite à l’augmentation de la charge de travail individuelle, et
le démantèlement des liens sociaux au sein des entreprises. A cet égard, Drucker (1999)
propose aux organisations d’intensifier leurs efforts destinés à l’attraction, l’entretien et la
rétention de leur personnel.
D’autres approches se sont développées pour expliquer l’impact de la flexibilité quantitative
sur la performance des organisations et ce, en se focalisant sur des caractéristiques
individuelles comme la motivation personnelle de quitter l’organisation. Roussel (2000)
attribue à ce concept un rôle important dans la compréhension de ce phénomène et
l’explication de ses déterminants. La prédiction des conséquences d’un tel comportement
humain sur le fonctionnement de l’organisation constitue un autre élément stimulant les
recherches conduites par cet auteur. L’idée qu’il soutient est que la performance
organisationnelle dépend fortement de la performance collective, déterminée elle même par
les performances individuelles. En conséquence, la motivation d’un salarié de quitter
l’organisation engendrerait un déséquilibre au niveau des contributions des acteurs en
générant un vide difficile à combler par le reste du personnel. Ceci aurait comme résultat
d’entraver les contributions des autres et par là même, celle de l’organisation.
Parmi les autres effets les plus importants de la mobilité pour l’organisation, l’on relève les
efforts et les dépenses gaspillés dans la recherche d’un remplaçant. Lorsque des personnes
quittent l’organisation, d’autres devraient être embauchées et soumises à tout le processus de
recrutement (présélection, sélection, évaluation, formation, intégration, etc.), ce qui induit des
coûts de remplacement élevés. Kasarda (1973) propose, de prévoir ce type de comportement
et de pratiquer des mesures de rétention du personnel en faisant essentiellement recours à des
spécialistes en recrutement. Il est, en outre, nécessaire d’intégrer cette fonction au cœur des
préoccupations de l’organisation, notamment en la structurant et en intensifiant son poids
interne. D’après cet auteur, le choix de l’internalisation ou de l’externalisation se fait en se
basant essentiellement sur la variabilité du taux de mobilité. Crozier (1964) considère
également que le départ d’une personne « clé » de l’organisation engendre souvent un vide au
niveau du poste qu’elle occupait auparavant et se traduit par un effet négatif sur la
productivité des autres membres qui lui sont rattachés par des liens opérationnels et
hiérarchiques. L’impact d’un tel événement sera de grande ampleur, dans le cas des
organisations spécialisées et des structures par projets. Par ailleurs, lorsqu’une personne est
recrutée pour remplacer une autre venant de partir, la première a besoin de temps pour
s’adapter au nouveau poste ainsi qu’au nouveau climat organisationnel et se familiariser avec
les nouvelles valeurs régnant au sein de l’organisation. Le phénomène décrit ici est celui de la
socialisation organisationnelle qui nécessite la mobilisation d’un plan de formation adéquat
(Van Maanen et Schein, 1979 ; Louis, 1980 ; Feldman, 1976). La longueur de la période de
formation dépend des caractéristiques du poste à pourvoir, à savoir les compétences requises
pour l’occuper et sa position hiérarchique. Généralement, elle nécessite la mobilisation de
certaines dépenses liées à la formation générale et spécifique dispensées aux salariés, en plus
du temps consacré par les membres présents de l’organisation afin d’assurer l’intégration de
leur nouveau collègue.

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Outre les effets négatifs de la mobilité des salariés sur la performance de l’organisation, Staw
(1980) montre que le départ de certains membres de l’organisation pour des raisons liées à la
nature du poste occupé et aux conditions de travail, a un impact négatif sur les comportements
et les attitudes des autres membres dans la mesure où ils s’interrogeront sur leur motivation de
rester attachés à leur organisation et de ne pas suivre leurs prédécesseurs. Ce sentiment se
traduira par une chaîne de départ successive et une forte démoralisation chez les membres
surtout s’ils travaillent souvent d’une façon collective. Hall (1977) considère, dans ce sens,
que l’une des priorités de l’organisation est de développer des pratiques de rétention du
personnel et d’accroître leur implication en offrant des plans de rémunération et de promotion
satisfaisants. D’autre part, étant donné la relative progressivité du processus de socialisation
organisationnelle, le salarié intérimaire ne peut être immédiatement efficace faute
d’ajustement de ses repères spatiaux, techniques, organisationnels (connaître l’ensemble des
règles et des valeurs qui règnent au sein de l’entreprise (connaître les lignes et les liens
hiérarchiques), socioculturels (connaître les tensions et les affinités qui existent entre les
salariés ainsi que les canaux d’informations et les sources de leur approvisionnement) et
économiques (connaître les normes de fonctionnement et de qualité qu’il faut respecter). Les
accidents de travail constituent d’autres conséquences négatives attribuables à la flexibilité
quantitative. Ils trouvent leur source dans l’inadaptation des remplaçants à l’appareil
productif. Généralement mal formés, ils ne sont pas habitués aux nouveaux contextes dans
lesquels ils se trouvent impliqués. Ces problèmes sont dus également à la sous-estimation par
l’entreprise du risque de confier à des intérimaires de telles tâches. Il en découle des
problèmes de qualité liés à l’insatisfaction et au turnover. Cette insatisfaction est due
essentiellement à l’imprévisibilité des horaires imposés aux salariés aux dépens de la vie
privée de chacun. Ceci se traduit par une faible implication de leur part et conséquemment des
problèmes de cohésion sociale. En effet, compte tenu du caractère différencié de la situation
contractuelle de chaque salarié, des stratégies individuelles contradictoires naissent et se
traduisent par un phénomène de compétition implicite ce qui nuit à l’efficacité collective.
Ceci se traduit également par des difficultés de valorisation des compétences.
Selon Everaere (1999), les compétences sont individuelles et spécifiques à chaque personne
puisqu’il s’agit d’une rencontre hypothétique entre un individu et une situation de travail.
Elles changent en fonction de la situation réelle du travail, d’où la nécessité pour
l’organisation d’adapter les paramètres indispensables pour assurer l’adéquation de ces
compétences par rapport à celle-ci. D’autres efforts doivent être fournis par l’organisation
afin d’ajuster les compétences et les faire évoluer. L’objectif étant de ne pas créer des écarts
entre celles-ci et le poste de travail et de conserver l’intérêt de la personne pour ce poste. A
cet égard, Everaere (1999), propose que l’organisation adopte une gestion de proximité afin
de favoriser l’apprentissage interne et, par conséquent, d’effectuer un diagnostic rigoureux
des besoins en politiques ressources humaines (recherche de cohérence et d’efficacité).
Néanmoins, cette mission devient pénible en raison de la spécificité des compétences
individuelles et s’alourdit davantage par la flexibilité quantitative qui bouleverse la gestion
individuelle et collective des compétences et porte atteinte à la compétitivité des
organisations.

5. Un modèle synthétique sur les déterminants de la mobilité


professionnelle et son impact sur la performance organisationnelle
L’objectif de cette section est de concevoir un modèle récapitulatif de l’ensemble des relations
identifiées à partir de notre revue de la littérature. Nous montrons, ainsi, à travers le Schéma

19
5, que les déterminants du départ des salariés sont d’ordres individuels, organisationnels et
sectoriels. Cependant, d’autres facteurs participent à la génération de ce processus dont la
performance individuelle. On distingue, en outre, le rôle de l’implication organisationnelle
résultant de l’interaction entre ses trois composantes à savoir l’implication affective (IA),
l’implication normative (IN) et l’implication de continuation (IC).
La performance individuelle est de nature à influencer aussi bien positivement que
négativement le départ de salariés. Si la performance du salarié augmente sans être
accompagnée par une augmentation des incitations qui lui sont accordées par l’organisation,
ce dernier aura tendance à la quitter. Dans le cas contraire, une reconnaissance de la part de
l’organisation des efforts fournis par son salarié, se traduit par le développement de son
sentiment d’appartenance et de son attachement organisationnel. Pareillement, la performance
individuelle augmente avec l’accroissement du stock du capital humain possédé par
l’organisation, constitué simultanément par les connaissances du salarié, ses aptitudes et ses
compétences. Outre le capital humain, la performance individuelle tire profit de l’interaction
entre la stratégie globale poursuivie par l’organisation et la stratégie ressources humaines
adoptée. Elle agit, également, de façon positive sur la performance organisationnelle qui se
base essentiellement sur la contribution individuelle des membres de l’entité.
L’implication organisationnelle a un impact significatif sur la mobilité des salariés mais,
celui-ci est négatif, car plus d’implication de la part des salariés dans leur travail diminue le
taux de leur départ. Elle s’envisagerait comme étant intégrée dans une démarche de gestion
des compétences pratiquée dans le cadre d’une politique de flexibilité qualitative choisie par
la Direction des ressources humaines. Cette interaction porte ses fruits dans la mesure où elle
se traduit par de nombreux effets positifs sur la performance organisationnelle. Cependant, la
flexibilité quantitative paraît nuisible à la performance de l’organisation non seulement parce
qu’elle s’accompagne d’une réduction des effectifs au moment où l’entreprise a besoin de tout
son personnel mais également parce qu’elle a des effets négatifs considérables notamment en
termes de coûts. Les performances financières et sociales de l’organisation participent
également, à la rétention du personnel contre le risque de départ et renforcent par conséquent
son sentiment d’appartenance.

20
Schéma 5 . DETERMINANTS DU DEPART DES SALARIES ET IMPACT SUR LA
PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE

Implication
Implication Implication
de
Affective Normative
Continuation

Caractéristiques Implication
Effets positifs
individuelles organisationnelle

Caractéristiques Départ des Performance


organisationnelles salariés organisationnelle

Caractéristiques Effets
sectorielles négatifs
Gestion des
compétences
Connaissances Stratégie RH
Fléxibilité
quantitative
Capital Performance Performance
Compétences
humain individuelle collective

Aptitudes du Stratégie
pers onnel globale

21
Il apparaît également à travers le schéma 5 que les effets des déterminants de la mobilité des
salariés (caractéristiques individuelles, caractéristiques organisationnelles et caractéristiques
sectorielles) sur la variable à expliquer (départ des salariés) peuvent être envisagés
simultanément dans la mesure où chaque déterminant n’agit pas séparément sur la variable à
expliquer mais de façon concomitante avec d’autres facteurs. Ces variables explicatives
peuvent être inter-reliées et produisent, ainsi, de effets interférant sur leurs liens avec la
variable à expliquer et ce, soit en les renforçant, soit en les diminuant. Il est également
possible de tester l’effet de l’implication organisationnelle sur la variable départ des salariés,
en remarquant, toutefois, que la variable implication organisationnelle est une variable
dépendante et est expliquée, selon le modèle, par les variables : implication affective,
implication normative et implication de continuation. Le départ des salariés et l’implication
organisationnelle deviennent deux variables indépendantes quand il s’agit de tester leurs
effets sur la performance organisationnelle.

Conclusion
Le présent article s’insère dans le cadre de l’étude du phénomène de départ volontaire des
salariés. Dans un premier temps, nous avons défini ce concept et identifié ses différentes
approches ainsi que ses déterminants. Ces derniers sont d’ordres individuels, organisationnels
et sectoriels. Ensuite, nous avons traité le concept d’implication organisationnelle en tant
qu’un facteur spécifique agissant sur la prise de décision de mobilité et sur lequel
l’organisation pourrait agir pour limiter son impact. Nous avons, pour cela, montré que cette
variable interagit avec la démarche de gestion des compétences adoptée par la direction des
ressources humaines et constitue par conséquent un frein au départ volontaire des individus.
Dans un second temps, nous avons spécifié la relation entre la gestion des ressources
humaines et la performance organisationnelle. En effet, cette dernière s’atteint et s’enrichit
par le bon usage des pratiques GRH, au service de la performance individuelle et collective.
Parmi ces pratiques, l’on peut citer l’investissement en formation générale et spécifique, le
développement des formes d’incitations internes comme la rémunération et la mise en place
d’un système de promotion ainsi que le renforcement du degré d’attachement et
d’engagement vis-à-vis de l’organisation. Cependant, la mesure de la performance
organisationnelle reste plus au moins ambigüe compte tenue de la multiplicité des critères
disponibles.
Dans un troisième temps, nous avons montré que la mobilité des salariés se résumant
uniquement en son volet quantitatif, se traduit aussi bien par des effets négatifs que par des
effets positifs.
A l’issue de notre revue de la littérature, nous avons présenté notre modèle conceptuel de la
mobilité intégrant toutes les relations que nous avions pu identifier entre nos variables
d’intérêt et présentant une idée sur le déroulement de son processus. Il s’avère, toutefois,
nécessaire d’explorer empiriquement ce modèle afin de confirmer sa validité. Ainsi, nous
envisageons dans une étape ultérieure, de mener cette étude sur le marché du travail tunisien
afin de comprendre les mécanismes de son fonctionnement ainsi que le comportement de ses
acteurs.

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