José Allouche RH Une Gestion Eclatée
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Ressources Humaines
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José A L L O U C H E et B r u n o S I R E , éd.
R e s s o u r c e s H u m a i n e s
U n e g e s t i o n é c l a t é e
ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
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Les auteurs
AVANT-PROPOS
« La GRH éclatée »
ment leur rôle de manager et de gestionnaire de RH. C'est en cela que l'on
peut parler d'éclatement de la fonction. Il ne faut pourtant pas concevoir
cette évolution comme une dilution ou une menace de retour à la case
départ d'un simple rôle d'administration du personnel, mais comme un
repositionnement au cœur des préoccupations organisationnelles.
Avec l'accélération des changements organisationnels et structurels des
grands groupes, les PRH pourraient être amenés à consacrer de plus en
plus de temps à ce nouveau rôle de partenaire d'affaires, ainsi qu'à devenir
ce que Dave Ulrich nomme le « Champion des employés » 1. Ils peuvent
être aidés en cela par la reconfiguration des activités RH, rendue de plus
en plus attrayante en raison des possibilités offertes par les nouvelles tech-
nologies de l'information et les gains qui en découlent tant au niveau des
coûts que de la qualité.
Le second sens, que le thème de « la GRH éclatée » suggère, est celui
de la contingence des pratiques de GRH. La complexité des relations
socio-économiques, dans un espace de plus en plus ouvert aux échanges
internationaux, amène les directions des ressources humaines, pour tenir
compte des spécificités locales, à largement décentraliser la fonction, au
risque d'une perte de cohérence globale. Pour éviter ce risque, bon nom-
bre d'organisations ont recours aux principes du fédéralisme dont la
science politique a clairement défini les règles de fonctionnement. Les
adeptes des logiques de subsidiarité et du « agir localement, penser
globalement » sont de plus en plus nombreux.
La prise en compte des contingences locales, qui résulte de tels modes
de fonctionnement, pose en filigrane la question de l'opportunité de
recherches qui se donnent pour objectif la généralisation dans la mesure
où, implicitement, elles voudraient refléter un certain universalisme des
outils et des stratégies de GRH. De nombreux travaux, par le biais d'ana-
lyses contextualistes, accréditent l'idée d'une prééminence de la contin-
gence sur l'universalisme des pratique. Si tel est le cas on devrait constater
un éclatement, une divergence, des pratiques en fonction des contextes
organisationnels et stratégiques. Cependant quelques-unes des contribu-
tions de cet ouvrage montrent que les choses ne sont pas aussi nettes. Cer-
taines pratiques apparaissent comme efficaces quel que soit le contexte
organisationnel. Il en va ainsi, par exemple, de l'individualisation ou de
certaines formes de rémunération.
Cette même prise en compte des contingences invite également les
observateurs que nous sommes à nous interroger sur le bon niveau de
comparaison et d'analyse lorsque nos recherches intègrent une dimension
internationale. Faut-il s'en tenir au secteur d'activité avec ses contingences
économiques et commerciales particulières, ou est-il plus pertinent d'envi-
sager des comparaisons par pays en raison des contingences culturelles et
réglementaires propres à chacun d'eux ? Geert Hofstede, qui fut un temps
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE 1
Examinons à présent les continuités logiques que l'on peut établir entre
configurations organisationnelles et modèles de GRH, en complétant et
en amplifiant le travail entrepris à cet égard par Begin (1993).
Dans une configuration entrepreneuriale, un modèle arbitraire de
GRH n'est pas surprenant dans la mesure où la toute-puissance du leader
charismatique y fonde l'absence de recours à des critères formalisés. Dans
une configuration bureaucratique, c'est sans aucun doute un modèle
objectivant qu'on est davantage susceptible de rencontrer : la présence
d'analystes en charge de la standardisation des procédés ou des résultats y
est à l'origine de la définition de critères imposés indistinctement à tous les
membres de l'organisation. Dans une configuration missionnaire, la pré-
gnance de la mission, créant l'apparence d'une forte décentralisation de la
prise de décision, oblitère la question de la GRH, si bien que celle-ci appa-
raît sur un mode implicite, sans désigner d'acteur particulier, résultat
d'une auto-référence permanente aux valeurs (modèle valoriel). Dans une
configuration professionnelle, la définition collective de normes à la suite
de débats contradictoires apparaît comme le seul principe acceptable de
coexistence entre des experts jouissant par ailleurs d'une très grande auto-
nomie opérationnelle (modèle conventionnaliste). Dans une adhocratie
enfin, on peut s'attendre à retrouver un modèle de GRH plus individuali-
sant, avec son mélange caractéristique de différenciation - en vue de satis-
faire les aspirations d'autonomie professionnelle des opérateurs qualifiés
- et d'intégration (culture d'entreprise, formation, etc.) - portée davan-
tage par les responsables hiérarchiques et destinée à lutter contre les ten-
dances centrifuges inhérentes à ce type de configuration.
Les diverses relations qui viennent d'être établies ne procèdent pas de
la simple spéculation. L'analogie ne peut prétendre au statut d'explication
scientifique qu'en démasquant un lien de parenté étroit, une « charnière »,
entre les variables rapprochées (De Coster, 1978). Cette parenté nous
paraît concrétisée à travers la question de l'acteur dominant dans chaque
configuration organisationnelle. Nous avons montré ailleurs (Nizet et
Pichault, 1995) qu'une configuration était marquée par de multiples inter-
actions entre facteurs politiques et paramètres organisationnels, les pre-
miers étant à l'origine du choix des seconds, mais ce choix conditionnant
en retour la distribution du pouvoir et, par conséquent, la nature des rap-
ports de force susceptibles de s'y développer. C'est à travers un tel va-et-
vient qu'une configuration reste stable, pendant des périodes plus ou
moins longues, avant de connaître des mutations structurelles plus ou
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2. La GRH f a c e à la d i v e r s i t é d e s f a c t e u r s d e c o n t i n g e n c e
3. L'éclatement expliqué ?
D'après la discussion qui précède, nous sommes donc en mesure de ren-
dre compte de l'éclatement actuel des pratiques de GRH, en esquissant
une explication basée sur la cooccurrence de multiples facteurs contin-
gents. Il faut toutefois rappeler que de telles relations sont formulées à
titre purement exploratoire : d'une part, elles posent évidemment la ques-
tion de la validité des études auxquelles nous nous sommes référés ;
d'autre part, elles sont aussi dépendantes du travail interprétatif auquel
nous nous sommes livrés, dans la plupart des cas, pour mettre les résultats
de ces études en correspondance avec notre typologie des modèles de
GRH. Les principales relations synthétisées ci-dessous doivent dès lors
être envisagées avec toute la prudence nécessaire.
L'adoption d'un modèle arbitraire semble favorisée par :
- la présence d'une structure entrepreneuriale ;
- une faible prégnance de la législation sociale sur le marché du travail ;
- une forte instabilité du marché des biens et services ;
- une stratégie d'affaires orientée vers la flexibilité.
Les tendances à l'objectivation paraissent liées à :
- la présence d'une structure bureaucratique ;
- une forte prégnance de la législation sociale sur le marché du travail ;
- une situation de déclin des activités ;
- une forte stabilité du marché des biens et services ;
- un contexte culturel valorisant la distance à l'autorité et l'évitement
de l'incertitude ;
- une stratégie d'affaires orientée vers le leadership des coûts et/ou la
flexibilité ;
- une stratégie de groupe privilégiant la focalisation.
L'apparition d'un modèle conventionnaliste pourrait davantage repo-
ser sur :
- la présence d'une structure professionnelle ;
- une faible prégnance de la législation sociale sur le marché du travail ;
- une forte stabilité du marché des biens et services ;
- un contexte culturel valorisant la prise de risque.
Le développement d'un modèle valoriel est susceptible d'être influencé
par :
- la présence d'une structure missionnaire ;
- un contexte culturel valorisant la féminité ;
- une stratégie d'affaires orientée vers la qualité et/ou l'innovation.
Les tendances à l'individualisation sont potentiellement renforcées
par :
- la présence d'une structure adhocratique ;
- une faible disponibilité de la main-d'œuvre qualifiée sur le marché du
travail ;
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vigueur depuis les débuts de la société ; d'autre part, ils militent pour une
plus grande clarté des règles du jeu et surtout pour une uniformisation des
pratiques de GRH à l'intérieur de l'entreprise. Sur ce plan, ils sont
d'ailleurs rejoints par le dynamique responsable de la production, qui
estime intolérable l'indétermination actuelle des politiques menées à
l'égard du personnel.
Depuis la reprise, en 1992, par la Compagnie Européenne de Beurre, de
nouveaux acteurs sont entrés en scène : le directeur général, nommé par
l'actionnaire français, et le jeune directeur des ressources humaines. Ce
dernier, qui cherche à valoriser son poste récemment créé, organise de
multiples séminaires animés par des consultants externes sur le manage-
ment participatif, la flexibilité du temps de travail, la culture d'entreprise,
etc. Ses initiatives sont largement soutenues par le directeur général, sorti
d'une grande école de gestion française et soucieux de faire évoluer
l'entreprise vers une société « du troisième type », axée sur le management
de projet, les flux de communication transversale, la culture du client, la
souplesse de réaction aux sollicitations du marché, etc.
De nombreuses discussions ont lieu entre ces différents protagonistes.
Un premier groupe - l'ancienne équipe de direction et les nouveaux direc-
teurs - invoque la grande imprévisibilité de la demande sur le marché du
beurre, rendant à ses yeux inconcevable la codification étroite des politi-
ques de GRH. Toutefois, face à une concurrence accrue, les nouveaux
directeurs soulignent l'urgence de l'adoption d'une stratégie de qualité,
justifiant le recours au modèle individualisant, là où l'ancienne équipe se
contenterait plutôt du maintien du modèle arbitraire. Quant au deuxième
groupe - dont les porte-parole sont les représentants syndicaux -, il n'a de
cesse de rappeler que l'entreprise a quitté le stade entrepreneurial (auto-
matisation poussée, certification, insertion dans un groupe multinational)
et qu'il convient d'adopter en conséquence des politiques de GRH appro-
priées à ce nouveau contexte : position largement relayée par le responsa-
ble de la production.
La société est à l'heure actuelle traversée par un conflit social larvé
autour de la question de la flexibilité du temps de travail. Le DRH souhai-
terait pouvoir introduire des horaires variables en fonction des quantités à
produire mais les syndicats se montrent farouchement opposés à un sys-
tème qu'ils dénoncent comme purement arbitraire. Les positions sont très
cristallisées et risquent à tout moment de déboucher sur une action de
grève, redoutée tant par le directeur général que l'actionnaire français.
Ce cas permet de souligner à la fois l'intérêt et les limites d'une explica-
tion strictement contingente. En effet, la thèse de l'alignement supposerait
que le modèle de GRH, jusqu'à présent de nature essentiellement arbi-
traire, évolue vers une systématisation et une homogénéité plus grandes
des dispositifs en vigueur (modèle objectivant). On ne peut cependant que
constater le décalage existant entre, d'une part, une bureaucratisation pro-
gressive de la configuration entrepreneuriale de départ (automatisation,
certification qualité, insertion dans un groupe multinational) et, d'autre
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5. Discussion et conclusion
QUATRIÈME PARTIE
DES POLITIQUES DE R É M U N É R A T I O N
AUX MULTIPLES FACETTES