L'Énigme de L'Autisme: Nouvel
L'Énigme de L'Autisme: Nouvel
L'Énigme de L'Autisme: Nouvel
L'ÉNIGME
DE L'AUTISME
NOUVEL
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L'Énigme de l'autisme
Deuxième édition
Traduit de l’anglais par Ana Gerschenfeld
Traduction revue et augmentée par Stéphane Roques
« Elle était si jolie - avec ses yeux noisette, ses longs cils et
ses sourcils finement ciselés, ses boucles blondes, et cette
expression si douce, si distante. J'espérais, contre toute
attente, que cela finirait par s’arranger, qu'il s’agissait sim
plement d'un démarrage tardif. » Ce passage, extrait d’une
lettre écrite par une mère, évoque l'une des nombreuses
énigmes posées par ce trouble qu'on appelle autisme. De
fait, le portrait type de l'enfant atteint d’autisme est surpre
nant. Tous ceux qui ont l'habitude de côtoyer des enfants
souffrant de troubles graves du développement savent
qu’ils ont l’air handicapé. D'un autre côté, le plus souvent,
un jeune enfant autiste frappe l'observateur par sa beauté
obsédante et quelque peu étrange. On a du mal à imaginer
que derrière ce visage de poupée se cache une anomalie
neurologique subtile mais dévastatrice.
Quelle est cette anomalie ? Comment expliquer ses nom
breuses caractéristiques paradoxales ? Voilà les questions
auxquelles je tenterai d'apporter une réponse tout au long
de ce livre. Je commencerai par dissiper quelques malen
tendus particulièrement tenaces. Le premier d'entre eux
consiste à croire que l'autisme est un trouble infantile : on
entend souvent parler d'enfants autistes, beaucoup moins
d’adultes autistes. Il est de fait que l’autisme se remarque
dès l’enfance, mais ce n’est pas un trouble infantile ; c’est
un trouble du développement.
L’autisme ne doit pas être vu en instantané. Puisqu’il s’agit
d'un trouble qui affecte l’ensemble du développement men
tal, les symptômes varient nécessairement beaucoup avec
l’âge. Certaines caractéristiques n’apparaissent que tardive
ment ; d'autres disparaissent avec le temps. En fait, les
changements peuvent être considérables. L’autisme affecte
le développement, et en retour, le développement affecte
l'autisme. Pour illustrer cela, je vais brosser un tableau de
la vie d’un autiste. Le cas de Peter est fictif. J'ai rassemblé
des faits ordinaires issus de cas multiples pour mettre
l’accent sur des observations fréquentes1. L'histoire de
Peter a pour but de s’inscrire au cœur de ce que nous
connaissons sous le nom de spectre autistique.
Peter
Peter est l'enfant choyé d’une famille londonienne bien
intégrée. Au cours de sa première année de vie, Peter n'était
pas différent des autres enfants de son âge. Il pleurait
quand il avait faim et riait quand on le chatouillait. Sur les
photographies, on voit un bel enfant, en bonne santé et heu
reux. Il y avait des signes subtils de problèmes, mais per
sonne n'y prêtait attention. Il ne levait pas la tête quand on
l'appelait par son prénom. Il ne montrait pas les choses du
doigt et ne regardait pas celles qu'on lui désignait. Il ne prê
tait aucune attention aux personnes qui lui adressaient la
parole. Mais il pouvait se montrer totalement absorbé par
l’examen minutieux d’un bloc de construction. Quand sa
mère s'approchait pour le prendre dans ses bras, il ne ten
dait jamais les mains. « Quel ingrat il fait », disaient ses
parents sur le ton de la plaisanterie, en le voyant se détour
ner quand ils l’étreignaient.
Au début, tout le monde crut simplement que Peter se
suffisait à lui-même, avait une volonté de fer et mettait du
temps à apprendre à parler. Était-il sourd ? La surdité pou
vait expliquer qu'il ait toujours l’air de vivre dans un monde
à part et fasse si peu partie de celui des autres. U apparut
pourtant que Peter n’était pas sourd du tout, et même qu'il
était particulièrement sensible à certains sons. Il ne man
quait jamais de courir à la fenêtre en entendant le bruit fami
lier d'un moteur d’autobus.
La sœur aînée de Peter était très différente. Dès l'âge de
18 mois, elle adorait jouer à « faire les courses », « prendre le
thé », « mettre la poupée au lit ». Peter ne faisait jamais rien
de semblable. Il avait une importante collection de petites
voitures, mais la seule chose qui l’intéressait était de les ali
gner à la queue leu leu dans une disposition bien précise et
d'observer de près leurs roues tourner. Il réagissait à peine à
la présence d'autres enfants quand ils essayaient de jouer
avec lui. À bien des égards il semblait en retard comparé aux
enfants de son âge, et pourtant il montrait certains signes de
précocité dans ses centres d'intérêt. Il adorait la musique et
écoutait sans arrêt Les Quatre Saisons de Vivaldi, qu’il fre
donnait à la perfection. Sa toilette et son coucher obéissaient
à des habitudes précisément ordonnées, sans quoi il fallait
reprendre la procédure depuis le début.
Peter se mit à parler tardivement. Mais le langage
n’ouvrit pas les portes de la communication, comme tout le
monde l'avait espéré. Curieusement, il répétait souvent ce
que disaient les autres et pouvait répéter la même phrase
interminablement. Souvent, la famille avait l'impression
qu’un mur invisible l’empêchait d'entrer en contact avec lui.
Malgré toutes les tentatives, il ne se joignit jamais aux autres
enfants pour jouer avec eux. La plupart du temps, il semblait
regarder les gens sans les voir. On le voyait souvent agiter les
mains en posant sur elles un regard oblique. Parfois, dans la
rue ou dans un magasin, il poussait un cri aigu et sautait fré
nétiquement sur place sans raison apparente. Peter était égo
centrique, obstiné et se montrait intransigeant envers les
désirs des autres. Sa famille le surnommait « le petit tyran ».
Elle tolérait ce qu'on ne pouvait changer, mais lui apprendre
les tâches de la vie quotidienne telles que s'habiller, manger et
faire sa toilette entraînait une lutte longue et pénible.
Quand Peter eut 3 ans, son autisme fut diagnostiqué. Il
obtint de mauvais résultats aux tests psychologiques qui por
taient sur le langage, et réussit très bien un test consistant à
assembler des formes géométriques. Peter était capable de
reconstituer un puzzle en plaçant le dessin face au sol. Sa
mère ne pouvait s’empêcher de penser qu'il était peut-être un
enfant exceptionnellement doué, qui se désintéressait simple
ment des choses banales de la vie quotidienne.
Peter fut beaucoup plus facile à vivre après qu’il eut inté
gré une école spécialisée. Il apprit facilement à lire et à
écrire, et se faisait un plaisir de nommer tous les tons de tou
tes les couleurs. Il savait ce qu'était un dodécaèdre, mais ne
semblait pas comprendre des mots aussi courants que « pen
ser » ou « deviner ». Il était incapable de jouer à cache-
cache : il finissait toujours par quitter sa cachette.
En grandissant, Peter accomplit d'énormes progrès dans
son école. Il apprit à nager et s’intéressa aux travaux manuels.
Il continua à écouter de la musique classique et de la pop. Sa
sœur fut la première à se rendre compte qu’il avait mémorisé
les numéros et les destinations de toutes les lignes d’autobus
londoniennes. Personne ne savait comment il y était parvenu
ni pourquoi il l’avait fait. Il commença à collectionner les
autobus - à la grande joie de tous ceux qui, jusque-là, s’étaient
toujours demandé ce qu’ils pourraient bien lui offrir. Sa cham
bre fut bientôt remplie de modèles miniatures et de posters.
Bizarrement, sa visite au musée des transports le laissa indif
férent, et peu après, il perdit tout intérêt pour les autobus.
Désormais, amis et voisins disaient souvent de Peter
qu’il était devenu très « sociable ». Il n'était pas du tout
timide, et demandait fréquemment leur nom et leur adresse
aux gens qu'il rencontrait chez lui ou à son école. « Dulwich,
disait-il par exemple, ça, c'est le 12. » Et si les mêmes visi
teurs revenaient, le même dialogue s'engageait. Bien qu'il fût
souvent trop bavard, à sa manière quelque peu répétitive
(« aujourd'hui on est lundi, hier on était dimanche, demain
on est mardi et on va chez Mamie »), il était souvent étrange
ment difficile d'obtenir de lui une information importante.
Par exemple, s'il se faisait très mal en tombant, il n’en parlait
à personne, et sa mère découvrait avec horreur des taches de
sang sur ses vêtements quand elle les mettait en machine.
Peter avait une compréhension des choses extrêmement
littérale. Un jour, sa mère ayant affirmé que sa sœur avait
fondu en larmes, il regarda par terre avec angoisse à la
recherche d'une flaque. Toutefois, il apprenait consciencieu
sement le sens de ces « expressions idiotes », et adorait les
utiliser, même quand le contexte ne s'y prêtait pas totale
ment. Peter n’aimait pas qu'on le taquine. Ça le vexait. Un
jour, il considéra une caissière de supermarché comme son
amie parce qu’elle lui avait souri en le voyant passer. À l’évi
dence, il ne comprenait pas ce qu’était un ami, bien que l'on
eût tout fait pour le lui expliquer. Parfois, il avait des accès
de frustration et de tristesse qu'il vivait mal.
Après avoir quitté l'école, Peter aida sa mère sur son lieu
de travail. Il eut l’occasion d'intégrer un groupe d'entraîne
ment aux habiletés sociales, à la clinique, dont il devint un
inconditionnel. Il y rencontra des gens pareils à lui, ce qui lui
fit du bien. Il aimait regarder la télévision et s’asseoir devant le
poste entouré d'autres personnes. Quand il y avait un film bur
lesque, il riait avec les autres. Quant aux feuilletons à l'eau de
rose que sa mère regardait avec lui, il n’en comprenait pas les
intrigues. Cependant, il connaissait le nom de tous les person
nages et celui de tous les acteurs qui les interprétaient.
Peter est aujourd'hui trentenaire et mène une vie simple.
Il passe de nombreuses heures devant son ordinateur, à jouer
et à recopier scrupuleusement le texte des catalogues de
musique qu’il lit. Il fait du jardinage et participe aux tâches
ménagères. Il tient à ses petites habitudes. Chaque jour, il va
à la piscine du quartier, après quoi il marche autour de la
pelouse. Peter est toujours aussi naïf et ne comprend pas les
choses de ce monde. U ne comprend ni le mensonge, ni la tri
cherie. Sa voix est restée sonore et étrange, sa démarche
compassée et sans grâce.
La famille de Peter sait que certains autistes ne savent
presque rien faire, sont difficiles à vivre, et demeurent nauti
ques à jamais. Elle est consciente du chemin parcouru
depuis l’époque où il « regardait les gens sans les voir » et ne
disait pas un mot. L’idée que Peter soit pour toujours diffé
rent et pour toujours autiste ne s’est fait jour que progressi
vement chez ses parents, mais ils ont fini par l’accepter.
Depuis qu’ils ont pris leur retraite, ils apprécient la compa
gnie fidèle de Peter. Avec ceux de leurs amis qui partagent
leur vision des choses et sont dans une situation similaire, ils
rient souvent des aspects drolatiques qu’implique parfois
l’autisme dans la vie. Ils se racontent des anecdotes et des
souvenirs de situations redoutées qu’ils avaient l’habitude de
vivre avec angoisse. Ils s'émerveillent devant ce que l'expé
rience de l’autisme peut avoir d’enrichissant et d'intéressant
pour une famille. Grâce à l'aide ponctuelle de professionnels
dévoués, ils parviennent à affronter les inévitables soucis et
souffrances. Une amie de la famille a déclaré un jour qu’elle
enviait l’autisme de Peter : il était tout simplement lui-même,
jamais soucieux de ce que les autres pensent de lui.
Les parents de Peter sont naturellement inquiets de
savoir ce qui adviendra quand ils ne pourront plus s'occuper
de lui. Ils craignent qu'au milieu de gens indifférents, il ne
finisse par être abandonné ou exploité. Ils travaillent donc,
en concertation avec les pouvoirs publics et d'autres parents,
à la création d’une équipe d'aide à domicile au sein de
laquelle un personnel qualifié effectuerait un travail de sur
veillance. L'avenir est incertain mais, heureusement, Peter ne
s'en inquiète pas.
Le syndrome d’Asperger
L'article de Kanner est devenu le plus cité de toute l’his
toire de la littérature sur l'autisme ; celui d'Asperger, écrit en
allemand et publié pendant la Seconde Guerre mondiale, fut
d’abord négligé. On pensait alors qu'Asperger décrivait un
type d'enfant différent, qui ne devait pas être confondu avec
celui décrit par Kanner. Peu à peu, les similarités sont appa
rues ; toutefois, la définition qu'avait Asperger de l’autisme
était beaucoup plus large que celle de Kanner. Asperger
incluait des cas montrant les conséquences de lésions céré
brales incontestables sur leurs capacités intellectuelles limi
tées, et d'autres montrant une grande intelligence, dont les
symptômes étaient si subtils qu'ils se fondaient dans une
apparence de normalité.
L'appellation toujours controversée de « syndrome
d’Asperger » s'est révélée cliniquement utile dans l’identifica
tion de cas qui auraient, sans cela, été considérés comme
trop légers pour être diagnostiqués comme autistes. Ce
n'était pas là l'intention d’Asperger, mais l’existence de cette
catégorie à part est une façon de reconnaître qu'il a contri
bué à identifier l'autisme dans des cas presque normaux21.
L'appellation « syndrome de Kanner » ne s'est curieusement
pas imposée dans le langage courant. Elle serait pourtant
utile pour faire référence à quelqu'un comme Peter.
La reconnaissance du syndrome d’Asperger a marqué un
grand tournant dans la pratique diagnostique de ces derniè
res années. Les personnes atteintes du syndrome d'Asperger
sont à la fois différentes des autres autistes, tout en leur res
semblant. La différence primordiale dans leur définition est
qu'ils ne montrent aucun retard, enfants, dans l’apprentis
sage du langage, pas plus que dans d’autres aspects de leur
développement intellectuel. Pourtant, en grandissant, ils ne
sont pas très différents, dans leurs altérations sociales et
leurs obsessions, d’un grand nombre de ceux qui ont souffert
de tels retards mais que l'on a considérés comme atteints
d'autisme « de haut niveau22 ».
Le diagnostic de syndrome d'Asperger tend à être plus
tardif que celui d'autisme et tend à être formulé au sortir de
l'enfance, à l’adolescence, voire à l’âge adulte. Cela implique
des symptômes moins perceptibles, que l'on peut ne pas
remarquer aux premiers stades du développement. Toutefois,
les effets de ces symptômes ne sont pas nécessairement
négligeables et deviennent plus évidents avec l’âge. En réa
lité, les difficultés rencontrées par les individus souffrant du
syndrome d'Asperger peuvent être intolérables23. Leur déficit
de communication sociale est particulièrement flagrant dans
leur rapport à autrui, et s'accroît, avec l’âge, au même
rythme que leurs attentes et leurs demandes. Leurs préoccu
pations et leurs centres d’intérêt deviennent plus visibles
hors de la maison. Il arrive que des parents attendent plu
sieurs années avant de demander de l’aide, pour peu que leur
enfant montre des signes d’intelligence précoce. Des parents
ont rapporté que leur « petit professeur » était indifférent
aux autres enfants, et ne parlait qu'aux adultes, avec qui il
employait un vocabulaire étendu. Ces observations nous font
croire que ni l’acquisition du langage ni le développement
social n’ont suivi un cours normal.
Les experts sont partagés sur l’opportunité de voir dans
le syndrome d’Asperger et l’autisme deux catégories diagnos
tiques distinctes24. Toutefois, un consensus existe autour de
l'idée que tous deux sont des variantes d'un même trouble
sous-jacent du développement, et dont l’autisme serait une
forme plus sévère, décelable dès la petite enfance. En prati
que, de nombreux cliniciens utilisent cette appellation pour
les individus qui parlent normalement et dont le comporte
ment social est plutôt décalé que distant. Dans cette catégo
rie, on trouve des individus dont l’intelligence est très varia
ble. Dans les cas d'intelligence supérieure, une brillante
carrière universitaire est possible. C'est déroutant. Il faut se
rappeler qu'être très intelligent change considérablement la
façon dont un trouble se manifeste, et peut masquer les pro
blèmes. A l'opposé, une intelligence limitée, voire un retard
mental restreignent le potentiel de compensation.
Frère Junipère
Les Fioretti de saint François d’Assise, écrit au xin° siècle,
est un recueil de légendes du temps de saint François, qui
vécut dans l'Italie du XIIe siècle. Ces légendes ont une valeur
historique puisqu'elles découlent des traditions orales de la
première et de la deuxième génération de franciscains. Mais
elles sont surtout l’un des trésors de la littérature mondiale.
Quatorze des légendes de ce recueil sont consacrées à des
histoires étranges et charmantes à propos d'un certain frère
Junipère. Ces histoires deviennent aussitôt moins étranges,
et prennent même tout leur sens, si l’on part du principe
qu’elles s'inspirent de la vie d'un autiste, un des premiers
compagnons de saint François.
Voici un passage intéressant, extrait de la première de
ces légendes, dans sa traduction française1:
Comment frère Junipère coupa le pied à un porc, uniquement
pour le donner à un malade
Un des disciples les plus aimés et des premiers compa
gnons de saint François fut frère Junipère, homme de pro
fonde humilité, de grande ferveur et charité ; saint François
dit un jour, en parlant de lui avec ses saints compagnons :
« Celui-là serait un bon frère Mineur, qui aurait vaincu,
autant que frère Junipère, et.soi-même et le monde. »
Une fois, à Sainte-Marie-des-Anges, alors qu’il visitait,
comme embrasé de divine charité, un frère malade, il lui
demanda avec beaucoup de compassion : « Puis-je te ren
dre quelque service ? » Le malade répondit : « Ce me serait
d’une bien grande consolation que tu puisses me faire avoir
un pied de porc. » Frère Junipère dit aussitôt : « Laisse-moi
faire, je vais t'avoir cela incontinent. » Il s’en va et prend un
couteau, un couteau de cuisine, je pense ; et, en ferveur
d’esprit, il va par le bois, où il y avait quelques porcs qui
paissaient ; il se jeta sur l’un d’eux, lui coupa le pied et
s’enfuit, laissant le porc avec le pied tranché ; il s'en
retourne, lave, accommode et cuit ce pied ; et, avec beau
coup de charité, il porte au malade ledit pied, bien et très
soigneusement apprêté. Et ce malade de le manger avec
grande avidité, à l’extrême joie et consolation de frère
Junipère, qui, pour donner fête à ce malade, remimait, avec
un vif plaisir, les assauts qu’il avait menés contre ce porc.
Entre-temps, le gardien des porcs, qui vit ce frère couper le
pied, s’en alla raconter à son maître, avec grande amer
tume, cette histoire en toutes ses phases. Informé du fait,
celui-ci vint au couvent des frères, en les traitant d’hypocri
tes, de petits voleurs, de faussaires, de malandrins, de
méchantes gens, parce qu’ils avaient coupé le pied à son
porc. Il faisait un tel bruit que saint François arriva avec
tous les frères, excusa ses frères très humblement, allégua
son ignorance du fait et, pour apaiser l’homme, lui promit
de l’indemniser de tout son dommage. Mais l’autre néan
moins ne se contenta pas de cela ; il quitta les frères,
furieux, en grande colère, avec force vilenies et menaces,
répétant à satiété que c'était par malice qu’ils avaient coupé
le pied à son porc ; n’acceptant ni excuse ni promesse, il
partit complètement scandalisé.
Tous les autres frères en restèrent stupéfaits, et saint François,
plein de prudence, pensa et se dit dans son cœur : « Ce frère
Junipère n’aurait-il pas fait cela par un zèle indiscret ? » Il fit
donc appeler à lui en secret frère Junipère et lui demanda :
« Aurais-tu coupé dans le bois le pied à un porc ? » Et frère
Junipère, non pas comme quelqu’un qui aurait commis une
faute, mais en homme qui paraissait avoir fait un grand acte
de charité, lui répondit, plein d'allégresse, en disant : « Mon
doux père, il est parfaitement vrai que j’ai coupé un pied
audit porc, et si tu veux, mon père, en savoir la raison,
écoute avec indulgence : J’allai visiter tel frère, qui est
malade... » Et il lui raconte toutes les phases de l’aventure,
puis il ajoute : « Je te dis donc que, considérant la consola
tion que notre frère a eue et le réconfort qu’il a reçu dudit
pied, si j'avais tranché les pieds à cent porcs comme à un, je
crois certainement que Dieu l’aurait tenu pour bon. » Saint
François, avec toute l’ardeur de la justice et un grand cha
grin, lui répondit : « Ô frère Junipère, pourquoi as-tu causé
un si grand scandale ? Ce n’est pas sans raison que cet
homme se plaint et est ainsi courroucé contre nous ; et peut-
être est-il maintenant dans la ville où il nous diffame pour
une telle faute, et il a bien raison. Aussi je t’ordonne, au nom
de la sainte obéissance, de courir après lui jusqu’à ce que tu
le rejoignes, et jette-toi étendu à terre devant lui, dis-lui ta
faute et promets-lui de lui donner une satisfaction telle et de
telle sorte qu'il n'ait plus matière à se plaindre de nous, car
ceci a certainement beaucoup dépassé les bornes. » Frère
Junipère fut très surpris par lesdites paroles, car il s’étonnait
que l’on pût en quoi que ce soit se fâcher d’un acte aussi cha
ritable : il lui paraissait, en effet, que ces choses temporelles
étaient sans valeur, si ce n’est lorsqu’elles étaient charitable
ment partagées avec le prochain. Il répondit : « Sois assuré,
mon père, que je vais immédiatement le payer et lui donner
satisfaction. Mais pourquoi faut-il qu’il soit si courroucé,
puisque ce porc, auquel j’ai coupé le pied, était plutôt à Dieu
qu’à lui, et que j’en ai fait une si grande charité ? »
Il part donc en courant et rejoint cet homme, qui était dans
une colère démesurée et chez qui il n’était resté aucune
patience ; il lui raconte comment et pour quelle raison il a
coupé le pied audit porc, et cela avec toute la ferveur,
l’exultation et l’allégresse de quelqu’un qui lui aurait rendu
un grand service, pour lequel il aurait dû être bien récom
pensé par lui. L’autre, plein de colère et dominé par la
fureur, dit à frère Junipère beaucoup de vilenies, le traitant
d’écervelé, de fou, de petit voleur, de détestable malandrin.
Frère Junipère s’étonnait beaucoup de ces vilaines paroles,
encore que, grâce à Dieu, il se délectât d’être injurié, et
croyant que cet homme ne l’avait pas bien compris, car il
lui paraissait y avoir là matière de joie et non de rancœur,
il répéta ladite histoire, se jeta à son cou, le serra dans ses
bras, le baisa, lui dit que cela n’avait été fait que par cha
rité, l’invitant à en faire autant avec le reste de l’animal, et
l’en suppliant, et ce avec tant de charité, de simplicité et
d’humilité que cet homme, ayant fait un retour sur lui-
même, se jeta à terre, tout en larmes, et, se repentant des
injures qu’il avait faites et dites à ces saints frères, il va,
prend ce porc, le tue, et le porte tout cuit, avec beaucoup
de dévotion et de grands gémissements, à Sainte-Marie-
des-Anges, et le donne à manger à ces saints frères, en
réparation des injures qu’il leur avait dites et faites.
Saint François, considérant la simplicité et la patience dans
l’adversité dudit saint frère Junipère, dit à ses compagnons
et aux autres personnes présentes : « Mes frères, Dieu
veuille que de tels Genévriers*, j’en aie une grande forêt ! »
Si frère Junipère était atteint d’un trouble autistique, il
n’en avait pas moins une personnalité admirable. Il est si dif
férent de Peter, le garçon présenté dans le premier chapitre,
qu’on a du mal à croire qu’il puisse exister un lien quelcon-
Juniperus signifie genévrier (NdT).
que entre eux. Et pourtant, il y a des points communs. Peter,
malgré sa maîtrise du langage, fait montre d’une compréhen
sion parfaitement littérale des choses, tout comme frère
Junipère. Ni l'un ni l'autre ne montrent dans leurs actes
qu'ils sont sensibles aux pensées ou aux sentiments d’autrui.
L'histoire du pied de cochon tourne entièrement autour du
fait que frère Junipère ne comprend pas que les autres puis
sent désapprouver sa façon d’agir. Ne pas se soucier des opi
nions d'autrui sur les choses et les événements de la vie est
un signe majeur d'« isolement autistique ».
Il existe d'autres histoires qui témoignent de l’honnêteté et
de l’humilité de frère Junipère, ainsi que de son incapacité à
juger des conséquences de ses actes pour autrui. Par exemple,
il se fit sévèrement réprimander par son père général après
avoir fait quelque chose de particulièrement fou (il avait fait
en une seule fois la cuisine pour quinze jours - sans compren
dre que la plus grosse partie s’en trouverait gâchée). Loin de
s'en désoler, comme on aurait pu s’y attendre, frère Junipère
ne s'arrêta qu’à une chose : la voix du général s’était enrouée
tandis qu’il le sermonnait. Que fit-il ? Il se donna beaucoup de
mal pour lui procurer de la bouillie au beurre. U essaya de
l’offrir au général en colère, pour apaiser sa gorge. Comme
nous étions maintenant au beau milieu de la nuit, le général
refusa de se lever. Frère Junipère finit par accepter son refus,
mais il demanda alors au général de venir lui tenir la chan
delle pour lui permettre de manger la bouillie lui-même !
Émerveillé par tant de piété et de simplicité, le général céda. Il
quitta sa cellule et partagea le repas avec frère Junipère.
Pareille leçon d’humilité fut donnée aux citoyens de Rome
venus accueillir un frère Junipère en pèlerinage. Frère Junipère
ne vit même pas la procession, en revanche son intérêt fut
éveillé par une balançoire. Des heures plus tard, après que la
foule éberluée se fut dispersée, il arrêta de se balancer (de ce
mouvement si typiquement répétitif) et reprit son périple.
Frère Junipère donnait tout ce qu’il avait en sa possession,
y compris, fréquemment, ses propres vêtements. Une fois il
cilla jusqu’à couper les clochettes de la nappe d'autel pour les
donner à une miséreuse. Ce faisant, il prenait au pied de la let
tre les vertus franciscaines de pauvreté et de charité, portées à
un degré de démesure embarrassant. Les frères devaient cons
tamment le surveiller, et lui interdirent formellement de don
ner ses vêtements. Il fut néanmoins reconnu comme le plus
pur exemple de l’esprit franciscain, ce qui lui valut d’être tenu
en haute estime. On ne peut s’empêcher de penser que si sa
conduite servit de modèle aux autres frères, ils y virent aussi
une certaine dose d’absurdité. Il leur arrivait de se moquer de
lui, le « jouet de Dieu », comme l’appelait sainte Claire, autre
célèbre compagne de route de saint François.
Ce que le cas de frère Junipère met en avant est l’un des
nombreux aspects étonnants de l’autisme, à savoir une can
deur absolue. Si son humilité avait résulté d’un mode de vie
délibérément choisi, il n’en aurait pas découlé des excès
aussi étranges et ridicules. Après tout, les autres frères fran
ciscains, également réputés pour leur sainteté, n’agissaient
jamais de la sorte. On trouve aussi, dans les Fioretti, d’autres
légendes sur les premiers compagnons de saint François.
Mais aucune ne ressemble à celle de frère Junipère !
Sherlock Holmes
Dans les romans policiers classiques, les détectives ne
sont pas seulement distants, excentriques et bizarres, ils
nous rappellent aussi les autistes extrêmement intelligents.
Ils font preuve d’une bizarrerie comportementale digne des
autistes les plus doués. Cette bizarrerie leur confère un grand
pouvoir d'observation et de déduction, débarrassé des senti
ments humains ordinaires. L'absence de sensibilité à l'égard
d'autrui et la capacité de poursuivre une idée fixe, font partie
du tableau. Il est évident que les personnes occupées à résou
dre une énigme (comme les détectives ou les scientifiques)
ont tendance à oublier les raffinements de la vie sociale. Leur
esprit ne peut se laisser perturber par les petites choses de la
vie quotidienne. En revanche, le professeur ou le détective de
génie s'intéressent à des choses apparemment insignifiantes
pour le commun des mortels. Ce n'est en général que vers la
fin de l'histoire que « l’importance des petits détails » devient
évidente. C’est précisément pour cette raison que les génies
de ce genre sont capables de résoudre un problème à partir
d’indices a priori négligeables. Habituellement, les indices
sont trompeurs pour la plupart des gens. Les lecteurs de
romans policiers se laissent duper par la nature de leurs pré
jugés émotionnels et sociaux, qui leur montrent des événe
ments et des faits sous un éclairage particulier non conforme
à la réalité. Conan Doyle nous a donné en la personne de
Sherlock Holmes l’archétype du détective privé. Il a aussi
créé un Monsieur Tout-le-Monde, chaleureux et plein de pré
jugés, en la personne du Dr Watson. Dans le monde des
sciences aussi, un authentique génie peut voir une informa
tion sous un éclairage différent de celui sous lequel les autres
sont habitués à la percevoir.
Sherlock Holmes est la preuve qu’un esprit brillant mais
détaché peut à la fois cultiver sa singularité et être utile à la
société. Il existe une autre caractéristique de l’autisme que de
nombreux personnages fictifs géniaux possèdent, à savoir
une passion particulière bien circonscrite. On pense à la
Petite Monographie des cendres de 140 variétés de tabac de
pipe, cigare et cigarette de Sherlock Holmes. On pense aussi à
cette autre figure classique du détective privé, le Nero Wolfe
de Rex Stout, à son obsession des orchidées et à l’immua
bilité de ses habitudes quotidiennes. Des caractéristiques
franchement obsessionnelles sont tout aussi évidentes chez
l’Hercule Poirot d’Agatha Christie, qui exige que tout soit
propre et carré. Il adore, par exemple, les crêpes de forme
carrée, qu’il préfère aux rondes, et c’est grâce à la position
parfaitement symétrique du point d’impact d’une balle qu’il
devient possible de prouver qu’il a tué quelqu'un.
Miss Marple, autre figure immortelle du détective chez
Agatha Christie, est en tout point à l’opposé et ne présente
aucune des caractéristiques de l’autisme : elle résout les
affaires grâce à son intuition, en s'immergeant dans le
contexte sans recourir à la déduction analytique. Par exem
ple, elle sent que quelque chose ne va pas à l’hôtel Bertram
(dans le roman éponyme) bien avant d’en savoir la raison. À
l’inverse, le détective détaché est imperméable à l’atmo
sphère. C’est en effet cette atmosphère qui pousse tout le
monde, excepté lui, à soupçonner la mauvaise persônne. Le
détective détaché est objectif, incorruptible et d'une Certaine
façon, il prend tout au pied de la lettre. Quand tout le monde
croit que R-A-C-H-E sont les premières lettres d'un prénom
féminin, Sherlock Holmes, lui, sait que cela signifie « ven
geance » en allemand et agit en se fondant sur ce simple
indice. « Élémentaire », conclut généralement le détective,
devant un Watson stupéfait.
Le terme « intelligence autistique » a été inventé par
Asperger. Il pensait que l'intelligence autistique avait ses pro
pres caractéristiques, opposées à celles de l’apprentissage et
du savoir-faire conventionnels. Il y voyait un ingrédient
indispensable à toute grande création artistique et scientifi
que. À travers la littérature de fiction, la figure attachante du
« professeur fou » ou ses variantes fournit une multitude
d'exemples qui illustreraient parfaitement les idées d'Asperger,
La saisissante biographie du grand mathématicien Erdôs3
fait mention de ses nombreuses excentricités ; elles ne sont
pas sans rappeler l’autisme. Pourtant, personne n’a envisagé
la possibilité qu’il fût autiste.
L'enfant substitué
Les Coucous de Midwich, roman de science-fiction de
John Wyndham, aborde le thème d'un enfant « différent »
introduit au sein d’une famille à l’insu de celle-ci4. Ce thème
de la substitution pourrait, bien sûr, s'appliquer aussi bien à
un enfant handicapé qu'à un enfant doué. Dans ce récit, des
extraterrestres font naître, sans que personne ne le sache, des
enfants beaux et intelligents dans un petit village anglais. Les
parents, abasourdis et dépassés par la situation, finiront par
se voir obligés de se séparer de leurs enfants non humains.
Comme leurs instincts maternels sont aussi forts que ceux de
n'importe quel parent, l'expérience se révèle traumatisante.
Cette histoire n’est pas sans rappeler à certains parents
d'autistes leur expérience personnelle. Elle symbolise la
nature « autre » de ces enfants si difficiles à comprendre.
Même les aspects a priori positifs de la maladie, comme les
remarquables dons parfois observés chez un autiste, sem
blent loin d'être normaux dès qu'ils sont vus comme les
signes d'une intelligence « autre ».
Le robot
Le thème de l’automate intelligent mais sans âme n'est
pas si éloigné que cela de la figure du détective génial. Il a
assurément donné lieu à quelques-uns des mythes modernes
les plus puissants. J’ai la conviction que l’existence de
l'autisme a nourri ce thème dans des proportions non négli
geables. Mais ce n’est pas seulement pour cela qu’il est inté
ressant de s'y attarder. J'ai choisi ce thème parce qu'il nous
permet non seulement de voir comment l’isolement autisti-
que est habituellement perçu, mais aussi de juger des réac
tions suscitées par ce phénomène.
N'obéissant qu’à des principes logiques, les robots ne
sont pas concernés par tout ce qui touche aux relations
humaines ordinaires. Ils participent pourtant de façon fasci
nante à ces relations. Les premiers robots de la science-
fiction ne connaissaient pas l’amour, la haine, la curiosité, la
jalousie, ou la vengeance, et il leur était impossible de com
prendre ces sentiments. On voyait tout de suite qu'il s'agis
sait de machines. Mais il est plus difficile de classer les nou
veaux robots qui, comme R2D2 dans La Guerre des étoiles,
ont été programmés pour éprouver des sentiments, dans la
catégorie des machines. Comme les autistes, les premiers
modèles de robots n'ont pas le sens de l'humour, et ont
une compréhension des choses totalement littérale. Pourtant
- malgré leur carapace métallique - on a tendance à oublier
que ce sont des machines. Le plus souvent, les gens traitent
les robots comme s'ils étaient eux aussi doués de malice.
Cela se comprend si l’on part du principe que l’être humain
ressent le besoin impérieux et compulsif d’attribuer des états
d'âme.
En tant que métaphore de l'autisme, la figure du robot est
pertinente à plus d’un titre. Les Daleks, robots exterminateurs
en forme de cône de la série télé britannique Dr Who ont donné
leur nom à l'élocution mécanique (« une voix de Dalek ») que
l'on attribue souvent aux autistes. La démarche compassée de
certains autistes adultes est bien rendue par ces humanoïdes
au corps métallique. Les robots accomplissent des tâches spéci
fiques sans se préoccuper des aspects plus généraux ; ils le font
avec précision et, surtout, selon un protocole invariable. Ce
comportement machinal nous rappelle plusieurs caractéristi
ques du comportement autistique : répétitivité, stéréotypie de
mouvements, absence d’expressions émotionnelles, pas de
recherche spontanée pour partager des joies.
U y a tant de qualités humaines dans une machine intel
ligente, et pourtant il lui manque cette part indéfinissable et
essentielle d’humanité. L'une des premières - et des meilleu
res - variations sur ce thème, se trouve dans Le Marchand de
sable et L’Automate qu’a écrits E. T. A. Hoffmann au début du
xixesiècle5. Hoffmann fut parmi les premiers à décrire, dans
ses romans gothiques, la relation paradoxale qui existe entre
le rationnel et l'épouvante. Ce paradoxe touche la corde sensi
ble chez tous ceux qui sont mal à l'aise face aux machines
modernes, tel un ordinateur. Frankenstein, le chef-d'œuvre de
Mary Shelley, traite également de la présence paradoxale de
l'irrationnel dans le rationnel. Le mythe de Frankenstein, lui
aussi, présente des ressemblances profondes avec certains
aspects de l'autisme et mériterait d'être vu sous cet angle. Je
me contenterai ici de mentionner l'innocence du monstre et
le net contraste entre ses aptitudes et ses déficiences.
Le thème troublant de l'homme-machine est particuliè
rement vivace dans la littérature et le cinéma contemporains.
Il existe plusieurs variations fascinantes, celles par exemple
de Philip K. Dick, dont Les Androïdes rêvent-ils de moutons
électriques6 ? est devenu un film hollywoodien à succès, Blade
Runner. Ici, le thème s’attache directement à dessiner la
frontière ténue au-delà de laquelle il devient difficile de dis
tinguer l’humain de l'androïde. Une fois de plus, cela soulève
une question susceptible d’être examinée au moyen de
méthodes scientifiques : y a-t-il un continuum ou une diffé
rence radicale ? En va-t-il de même quand on essaie de dis
tinguer les individus autistes de ceux qui ne le sont pas ?
M. Spock et le commandeur Data, dans Star Trek, propo
sent une variation particulièrement intéressante sur le thème
du robot. Leur constitution mentale n’est pas humaine dans
la mesure où tous leurs actes sont gouvernés par la logique
plutôt que par les sentiments. Ils sont indifférents au désor
dre et au tumulte des relations humaines ordinaires, d’où
leur absence de préjugés. Cela leur donne clarté et objectivité
de raisonnement. En ce sens, ces personnages ressemblent à
Sherlock Holmes.
La métaphore du robot englobe symboliquement la
coexistence des accomplissements physiques et intellectuels
des personnes atteintes d’autisme et, en un contraste saisis
sant, l’évident déficit émotionnel qui régit leurs relations
sociales. Le mythe permet à la représentation de ce contraste
d'être étonnamment constructive : le détachement affectif peut
être vu comme un atout voire un attrait. La frontière entre
l'homme et la machine est toujours plus intangible. À l'évi
dence, pour essayer de comprendre les robots ou les autistes,
nous devons considérer qu'ils participent de la condition
humaine. Le cas d'Elisa est célèbre. Il peut nous en apprendre
beaucoup sur les incompréhensions auxquelles nous pour
rions être confrontés en abordant ces problèmes déroutants.
Elisa
La question de l’humanité essentielle de l’être humain ne
se pose pas seulement dans la littérature, mais aussi dans les
études sur l'intelligence artificielle. Elisa est un programme
d'analyse du langage si astucieusement conçu qu'il est possi
ble d’avoir une conversation avec lui en utilisant un terminal
informatique. Le programme crée l'illusion qu’il comprend
parfaitement les idées de ses interlocuteurs.
Le dialogue suivant est extrait d’un livre écrit par l’inven
teur d’Elisa, Joseph Weizenbaum7 :
humain — Je suis souvent déprimé.
elisa — Je suis désolée d’apprendre que vous êtes
déprimé.
humain — C’est vrai. Je suis malheureux.
elisa — Vous croyez que venir ici vous aidera à ne plus
être malheureux ?
humain — Ce qui est sûr, c’est que j'ai besoin d’aide.
elisa — En quoi est-ce important pour vous, d’obtenir
de l’aide ?
humain — J'apprendrais peut-être à mieux m’entendre
avec ma mère.
elisa — Parlez-moi de votre famille.
humain — C’est ma mère qui s’occupe de moi.
elisa — Qui d'autre dans votre famille s'occupe de
vous ?
humain — Mon père.
elisa — Votre père.
humain — Vous êtes un peu comme mon père.
elisa — En quoi trouvez-vous que je lui ressemble ?
humain — Vous n'êtes pas très agressive, mais je crois
que vous ne voulez pas que je m’en aperçoive.
elisa — Qu’est-ce qui vous fait croire que je ne suis pas
agressive ?
humain — Vous ne vous disputez pas avec moi.
elisa — Pourquoi pensez-vous que je ne me dispute pas
avec vous ?
Peu à peu, la conversation devient digne d’une séance de
psychothérapie. Rien d'étonnant à ce que de nombreux inter
locuteurs d'Elisa aient tenu à lui parler en privé. De toute
évidence, ils pensaient être parvenus à une forme de commu
nication utile.
Le programme Elisa est devenu légendaire et a notam
ment été utilisé dans le roman de David Lodge, Un tout petit
monde, pour décrire le développement d’une relation théra
peutique entre l’homme et la machine. Elisa nous montre à
quel point les humains ont du mal à distinguer la machine
de l'humain dès qu’ils entrent en communication. Quand il
communique, l'être humain attribue constamment des idées,
des intentions et des sentiments à la machine. Pareille attri
bution semble inévitable dans le cadre d'une communication
bilatérale. Cela se produit même quand un seul des deux par
tenaires (humain, pas robot) attribue des états dame à
l'autre ! Mais ce n'en est pas moins une illusion. En réalité, la
communication bilatérale est inexistante dans les situations
de ce genre ; il n’y a qu’un programme intelligent qui relève
les mots clés et les réutilise dans des phrases neutres qui, en
apparence, appellent une réponse.
Les personnes qui ont l’usage de la parole mais échouent
à communiquer ressemblent-elles un peu à Elisa ? Cette hypo
thèse mériterait sans doute d’être vérifiée au moyen de métho
des scientifiques - mais cela reste à faire. Si la ressemblance
se confirmait, cela aurait une conséquence plutôt surpre
nante : en tant qu’interlocuteur ou thérapeute d'individus
autistes, on ne pourrait s’empêcher de leur attribuer des inten
tions, même si eux ne nous en attribuaient aucune et même si
nous n’avions aucune raison de leur en attribuer. Il me semble
que c'est à peu près le cas dans la psychothérapie tradition
nelle appliquée aux autistes. Cette méthode deviendrait alors
discutable, et de fait certains patients ont exprimé leur répro
bation à l'égard de la psychothérapie, qu’ils ont trouvée ineffi
cace. Étant donné l’isolement idéologique de la psychothéra
pie, il n’est guère étonnant qu’un mythe ait particulièrement
attiré l’attention des thérapeutes. Il s'agit d'une variation sur le
thème d’un vieux conte de fées : « La mère réfrigérateur. »
Le dilemme de la mère
Blanche-Neige a été empoisonnée par sa marâtre, et la
Belle au bois dormant ensorcelée par la fée qu'on avait
oublié d’inviter. L’une des contributions modernes au thème
de la marâtre malveillante est la figure de la mère cérébrale
et affectivement détachée, qui se montre par ailleurs cons
ciencieuse dans ses devoirs maternels. Le « crime » de cette
mère est bien plus subtil que celui de la marâtre tradition
nelle. Elle élève son enfant selon les règles, en s'en remettant
aux spécialistes, plutôt qu'en se fiant à son instinct. Ce faisant,
elle oublie les prérogatives du cœur sur l'intellect. Et, tou
jours selon les spécialistes, cela peut donner un enfant
autiste, affectivement atrophié.
Cette caricature de la mauvaise mère rejoint celle de la
femme active, et particulièrement la figure de l’intellectuelle.
Un enfant anormalement détaché - un enfant incapable
d’affection - est une juste punition pour la femme qui néglige
d'être une épouse et une mère à plein temps !
L’expression insidieuse « mère réfrigérateur » résume
l’essence de ce mythe. Léo Kanner ne put s'empêcher de
l’appliquer à l'autisme. Mais ce n’est rien d'autre qu'un mythe
dans lequel il ne faut pas voir de relation de cause à effet
avec l'autisme, ou de piste pour une éventuelle guérison.
Malheureusement, ce mythe malveillant n’a pas encore par
tout disparu, et a le pouvoir de susciter culpabilité et récri
minations. Les mères se retrouvent dans une situation sans
issue. Elles peuvent s'attirer les reproches parce quelles se
montrent trop protectrices et gâtent leurs enfants. Cela peut
sembler être le cas, par exemple, quand elles cèdent ou font
un marché devant un caprice, D'un autre côté, quand les
mères utilisent des méthodes comportementales basées sur
la stricte application des règles, les voix de la censure ne
manquent pas non plus de s’élever.
L’autisme trouve sa source dans le cerveau, ce point de
vue est aujourd'hui communément admis. Il n'est pas causé
par des antagonismes psychodynamiques entre la mère et
l'enfant. Au mépris des preuves biologiques, la croyance erro
née que l'autisme peut être guéri en résolvant des antagonis
mes profondément refoulés perdure. Elle perdure au même
titre que la croyance voulant qu'on peut mourir parce qu'on a
le « cœur brisé » ou que l’on peut tomber malade parce qu’on
a le « mauvais œil ». L’autisme est présent au sein de toutes les
familles et de toutes les cultures, et pas seulement dans les
familles à problèmes qui n'ont pas résolu leurs conflits émo
tionnels. Les familles à problèmes génèrent peut-être des
enfants à problèmes, mais il y a un monde entre un enfant
émotionnellement perturbé et un enfant autiste. Il n’y a pas de
raison de penser que les parents d'autistes aiment moins leurs
enfants, ou font moins d’efforts pour s'occuper d'eux et les éle
ver. La preuve visible en est que beaucoup d’entre eux font au
contraire plus d'efforts et se dépensent sans compter.
La preuve incontestée des causes génétiques de l’autisme
marque un tournant dans l'histoire. Les intuitions cliniques
de Kanner et Asperger à propos des parents souvent intellec
tuels et détachés des enfants qu'ils examinaient n'étaient pas
erronées. Des études reposant sur une solide validation ont
démontré que les pères comme les mères pouvaient avoir un
certain nombre de traits communs avec leur progéniture,
souvent à un degré très atténué8. Bien sûr, cela ne signifie
pas qu'il faille en rejeter la responsabilité sur les interactions
précoces avec les parents. S'il y a quelqu’un sur qui rejeter
cette responsabilité, c'est sur l’indifférente Mère Nature.
Comme pour tous les troubles du développement, il est
nécessaire de tenir compte des facteurs biologiques et envi
ronnementaux. Il faut qu'il y ait interaction de ces facteurs,
ou influence mutuelle, sans quoi aucun développement n'est
possible. En matière d’éducation des enfants, une pédagogie
active et adaptée ne rendra jamais un enfant handicapé à la
normalité, mais contribuera à exploiter son potentiel. U est
évident qu'un environnement éducatif ou psychologique
appauvri empêche une telle exploitation. Mais ce truisme ne
nous aide pas à mieux comprendre l'autisme, puisqu'il vaut
pour tous les enfants.
L'enchantement de l’autisme est une chose que les mères
vivent forcément quand leur enfant connaît un développe
ment inattendu et différent. Cela contrebalance, sans l’atté
nuer, le fardeau de l’autisme. C’est un lourd fardeau qui
demande du courage. D'autant plus que nous ignorons ce qui
est le mieux pour l’enfant.
Mythes et traitements
Puisqu'il est avéré qu’aucune méthode n’a encore permis
de guérir l’autisme, chaque hypothèse de traitement est un
saut dans l’inconnu. U en va de même pour toutes les patho
logies incurables. Mais qui peut s'y résoudre quand le pro
blème vous touche personnellement ? La raison ne prévaut
pas toujours, et l'espoir est puissant. Chaque annonce d'un
nouveau traitement efficace nourrit l’espoir de parents qui ne
veulent rien moins qu'une guérison complète.
Les impatients ont tendance à trouver l'approche scienti
fique des traitements incroyablement prudente, voire carré
ment lâche et mesquine. Ils lisent un article consacré à un
médicament, un régime ou un programme pédagogique,
dont les résultats ont entraîné des améliorations si specta
culaires que l'autisme semblait avoir été vaincu. De fait, les
parents concernés passent à la télé pour en louer les effets.
Le lendemain, un scientifique est interrogé et déclare qu'à
moins d'une étude systématique, aucune conclusion sur
l'efficacité du traitement ne peut être tirée, et mentionne par
la même occasion les effets secondaires indésirables suscep
tibles de se manifester. Le rôle de ces experts trouble-fête est
de nous avertir qu’il faut effectuer des essais complémentai
res toujours mieux contrôlés.
Les raisons d'être sceptique ne manquent pas. Tout
d'abord, les effets des traitements les plus récents se sont
révélés moins efficaces sur la durée, et ne se sont parfois
jamais reproduits. Ces effets peuvent être purement et sim
plement liés à l’enthousiasme forcené de ceux qui ont été les
premiers à utiliser le nouveau traitement. C'est pourquoi il
faut s'interroger sur la meilleure façon de mener une étude.
Par exemple, si le groupe soumis à un nouveau traitement a
été choisi sur la base du volontariat plutôt que de manière
aléatoire, l’étude est potentiellement biaisée. De plus, si les
chercheurs ont retenu des impressions subjectives d'amélio
ration, sachant quels patients étaient traités, on introduit
une fois de plus un biais qui rend la composition des groupes
discutable. Finalement, la croyance en l'efficacité d’un traite
ment est un puissant facteur d’amélioration. Le célèbre effet
placebo le démontre. Les améliorations constatées après
l'administration d'un placebo et d’un traitement thérapeuti
que sont souvent très semblables. Dans le cas des traitements
comportementaux, l’examen des enfants montre qu'à durée
de traitement égale à celle des enfants traités par médication,
il y a aussi amélioration. Il est remarquable de constater que
dans les cas de troubles du développement, la tendance à
l'amélioration est la norme.
Les effets du biais choisi et des attentes qui en découlent
étant très puissants, les critères des essais thérapeutiques ont
été affinés. L’un de ces affinements consiste à combiner dif
férents types de traitements, y compris l'absence de traite
ment, chez chaque patient, puis d’observer les changements.
Un autre consiste à effectuer des essais randomisés, sans que
le chercheur ni le patient ne sachent quel type de traitement
est administré. Le degré de fiabilité que l’on peut attribuer
aux résultats d'un essai randomisé auprès d'un échantillon
de patients choisis au hasard est très élevé. Ces études sont
toutefois difficiles à mettre en œuvre. Une fois réalisées, leurs
résultats atteignent rarement les objectifs quelles s’étaient
fixés, révélant notre degré d’ignorance dans toute sa triste
réalité. Le scepticisme à l’égard des nouveaux traitements et
autres médications miracles doit plus que jamais être de
rigueur.
Mais ce n'est pas tout. Les parents peuvent faire la diffé
rence en comprenant la nature de l’autisme telle quelle
s'exprime chez leur enfant. Grâce à cette compréhension, ils
développent des stratégies ingénieuses. Comme les parents
d'enfants handicapés physiques, ils consultent des spécia
listes, intègrent des groupes de soutien, et font appel au
volontariat associatif. Cela leur permet d'apporter une aide
patiente et attentionnée afin d'atténuer les frustrations de
leur fils ou de leur fille. C'est en acceptant son individualité
et la chronicité de sa maladie qu’ils peuvent amener leur
enfant aux meilleurs résultats possibles. Comme de nom
breux parents en ont témoigné, les résultats dépassent sou
vent toutes les attentes. Les enseignants jouent aussi un rôle
crucial. Grâce à une formation professionnelle, ils appren
nent à comprendre la nature de l'autisme. Ils peuvent donc
aider leurs élèves à développer leur potentiel et à accomplir
des progrès dont ils seront fiers. U faut se rappeler que le
miracle de Helen Keller n'est pas venu de la guérison de sa
cécité et de sa surdité, mais d’un enseignement patient et
ingénieux.
Au cours de l’histoire récente de l’autisme, plusieurs
modes se sont succédé. L’une d’elles, qui fut célèbre au cours
de la dernière décennie sous le nom de « communication
facilitée » (CF) a suscité une forte polémique9. Elle postule
que les autistes ont un potentiel de communication inex
ploité et une compréhension sophistiquée qui ne peuvent
être transmis par les systèmes de sortie normaux. Cette idée
fait écho au « syndrome de l’enfermement », qui peut surve
nir après une grave attaque cérébrale. Elle part du principe
qu’un facilitateur peut libérer le potentiel de communication
en débloquant le système de sortie. Le stimulus consiste à
guider subtilement le poignet, le bras ou l’épaule de l’enfant
pendant que ses doigts sont maintenus au-dessus d’un cla
vier. Il en découle un flux de paroles plus ou moins claires.
Mais proviennent-elles du cerveau des autistes ?
Il est permis d’être sceptique à la lecture des résultats
obtenus avec la CF. De nombreuses expériences menées
selon un protocole approprié ont montré que c’est le facilita
teur qui génère indirectement le contenu du message, même
s’il ne s’en rend pas du tout compte. Malheureusement, le
contenu de certains messages s’est révélé très sensible. De
faux souvenirs d’abus sexuels furent rapportés à la police,
avec de graves conséquences.
La capacité humaine à prendre ses désirs pour des réali
tés est stupéfiante et ne doit jamais être sous-estimée lorsque
sont annoncés de nouveaux traitements « curatifs ». Les
mythes peuvent enrichir et approfondir notre expérience,
mais ils peuvent aussi empêcher le développement des théo
ries scientifiques. Contrairement aux œuvres littéraires,
l’intelligence scientifique ne peut se saisir d’un seul aspect de
l’autisme et ignorer les autres. U est tentant, à partir d’un ou
deux phénomènes extraordinaires, d’élaborer un conte mer
veilleux. Mais pour atteindre à la vérité, il faut aller au-delà
de l’enchantement.
L eçons de l’h isto ire
DES P R E M I E R S D É V E L O P P E M E N S
PH YSIQ UES ET MORAUX
Dü
J E U N E S A U V A G E D E L ’A V E Y R O N ..
A P A R I S ,
Chez G ou jo * fila , Imprimeur-Libraire , rue Tarante,
N°. 737 .
wmnr'nrvTTvnt .111 ■ '"« vt , 11,1n ji ’ciiUMS
V E N D i M I A I R E AN X. (lS o t).
« Les cris les plus aigus, les sons [...] les plus harmonieux
ne font aucune impression sur son oreille [...] et [il] ne
manifeste aucune perception du bruit que l’on fait auprès
de lui ; mais que l’on ouvre un placard renfermant ses ali
ments préférés ; que l'on casse, derrière lui, une noix, dont
il est très friand, [...] et il se retourne pour s’en saisir6. »
U est étonnant de constater, dans la plupart des comptes
rendus sur des enfants autistes, qu'ils ont été tenus pour
sourds à un moment donné, alors qu'ils sont extrêmement
sensibles à certains sons.
PR E U V E S D E L ’A B SE N C E D’IMAGINATION LUDIQUE
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1 8 3 2.
Illustration 3.4 - Page de titre de Exemple d ’un crime
contre l’âme d ’u n homme, d’Anselm von Feuerbach.
Avec l’aimable autorisation de la British Library.
P R E L I M ïN A R t O R V A T I O N S,
A N D AH A C C O U N T D » S O M E
By J O H N H O W A R D , F.R.S.
*«:! t i m f n u t *«* i » w — '
W BOHH iu u ii im u , a»o miDJII)
»»WH»»T Tint 1» WA»T, IIP OMOMU-OIOOM*.
. .ï'i'cu'-.., "'i' '.-J:•••.AMJùÉMaiw'-
and sold » y T.
Y a-t-il
u n e ép id ém ie d ’a u tism e ?
Pourquoi y a-t-il
tant de garçons autistes ?
La prédominance des garçons autistes sur les filles (4/1
en moyenne), est désormais bien établie, et dans le cas du
syndrome d’Asperger, le rapport atteint même 15/1. Plus le
niveau d’aptitudes est faible, moins les garçons prédominent.
Le petit nombre de filles présentes à un haut niveau d’aptitu
des pourrait constituer un indice de l’origine biologique de
l’autisme. Est-il possible que les personnes du sexe féminin
soient porteuses d’une protection contre l’autisme ? Ou que
l’appartenance au sexe masculin confère un certain degré de
vulnérabilité ? L’excès de testostérone aux premiers stades du
développement fœtal constitue-t-il un facteur de risque ?
Étant donné que la prédominance des garçons à un haut
niveau d’aptitudes reste inexpliquée, il faut se demander si
les filles ont moins de chances d’être détectées. La triade des
déficiences combinée à un bon niveau d’expression orale et
un haut niveau d’aptitudes pourrait être plus efficacement
camouflée chez les filles. Les filles ont la réputation d’avoir
une plus grande facilité de parole et d’être plus dociles que
les garçons en milieu scolaire, et compensent peut-être
mieux à l’école. Une façon de s’en assurer serait le recours à
des tests suffisamment sensibles pour démasquer les cas les
mieux camouflés.
Une étude de Cathy Lord et de ses collègues qui avait
pour sujet les différences selon le sexe se fonde sur un échan
tillon de 384 garçons et 91 filles âgés de 3 à 8 ans9. Cet
échantillon fut identifié à la clinique universitaire de Caro
line du Nord à Chapel Hill, et incluait de nombreux enfants
atteints d'un retard mental plus ou moins grave. Tous les
enfants furent examinés entre 1975 et 1980, et soumis à des
tests psychologiques et à des entretiens très détaillés, prenant
en compte le développement de chacun d'entre eux. La pro
portion des garçons par rapport aux filles fut de 5/1 chez les
enfants les plus aptes, contre seulement 3/1 chez les moins
aptes.
Les filles avaient en moyenne un QI non verbal de 40,
contre 44 pour les garçons - ces deux QI étant, bien sûr, très
faibles. Or, bien quelles ne diffèrent que de quelques points,
ces moyennes dénotent tout de même un décalage significa
tif, puisqu’elles sont calculées sur des groupes de taille assez
considérable. De même, les filles réussissaient moins bien les
tests d'évaluation des aptitudes concernant des tâches sim
ples de la vie quotidienne, ainsi que les tests verbaux ou per
ceptuels. Pour presque toutes les aptitudes testées, les filles
autistes étaient en moyenne plus faibles que les garçons
autistes. Cependant, en ce qui concerne le manque d’esprit
ludique ou la pauvreté affective, ou encore l'incapacité d'éta
blir des relations avec autrui, les filles étaient comparables
aux garçons. Ce résultat indique qu’il serait erroné de consi
dérer les filles de cette étude comme plus « autistes » que les
garçons ; simplement, les filles semblent avoir des problèmes
additionnels plus graves. Une étude plus récente a confirmé
que la différence entre sexes était liée aux résultats des tests
de QI plutôt qu'au degré de gravité de l'autisme10. Cette
découverte est importante, car elle incite à penser que ces
caractéristiques, qui constituent des aspects essentiels de
l'autisme, sont relativement indépendantes des aptitudes
intellectuelles et des compétences acquises.
Un nombre croissant de cas
pour une sensibilisation croissante
Si l’autisme a toujours été aussi fréquent qu’aujourd’hui,
qu’est-il advenu de tous les enfants qui ne furent pas dia
gnostiqués dans les années 1960 et avant ? Une étude de
Loma Wing et de ses collègues nous apporte un élément de
réponse. Cette étude décrit la fermeture, en 1980, d'un hôpi
tal pour handicapés mentaux, comme il en existait autrefois.
L’hôpital dut placer ses derniers résidents dans différentes
structures d’accueil, ce qui fut l’occasion de les évaluer indi
viduellement et en détail. Cette évaluation révéla que 339 des
893 résidents étaient atteints de troubles autistiques, dont
134 présentant les symptômes de l’autisme classique. Mais
tous les anciens résidents, et la plupart des nouveaux, étaient
passés au travers de ce diagnostic".
Si cet exemple est un reflet fidèle de l'évolution des pra
tiques diagnostiques, alors, à mesure qu’a augmenté le
nombre de troubles autistiques diagnostiqués, celui des
maladies mentales non identifiées a forcément diminué.
Les données statistiques de la California Health and
Human Services Agency12 nous apportent une preuve de ce
changement puisqu'elles montrent que l’incidence des trou
bles autistiques est passée de 5,78 pour 10 000 en 1987 à
14,89 en 1994. Le taux, pour ces mêmes années, de diagnos
tics des maladies mentales de cause inconnue est passé de
28,76 à 19,52. Cette diminution compense presque parfaite
ment l’augmentation du nombre de cas d'autisme. Voilà
pour la soi-disant « épidémie ».
Bien sûr, on ne peut totalement exclure qu'il y ait eu une
réelle augmentation, contrairement à ce que pensent la plu
part des experts. Il nous sera impossible de le savoir avec
certitude tant que nous nous appuierons sur une définition
comportementale de l'autisme et ses délimitations arbitrai
res. Tout serait différent si l'on parvenait à identifier un mar
queur génétique ou biologique. En attendant, il faut affiner
la définition cognitive de l’autisme et mieux cerner les zones
du cerveau d'où il provient.
Autisme et schizophrénie
En dépit du fait que la schizophrénie et l’autisme soient
des entités faciles à distinguer du point de vue diagnostique, le
comportement de certains adultes autistiques ressemble, en
surface, à celui d’un certain type de patients schizophrènes.
Après tout, Bleuler inventa le terme « autistique » pour qualifier
les déficiences sociales et les troubles de la pensée chez ceux de
ses patients qu'il avait baptisés « schizophrènes ». fl existe cer
tainement des similarités entre ces symptômes dits négatifs. Par
exemple, les chercheurs canadiens Konstantareas et Hewitt ont
comparé un groupe d’hommes autistes à un groupe de schi
zophrènes, en utilisant des échelles de notation fiables, adap
tées aux symptômes spécifiques14. De nombreux membres des
deux groupes faisaient un usage limité voire nul de la parole et
des expressions du visage, et manifestaient peu d'intérêt pour la
communication et les interactions sociales, fl n’est pas rare de
voir s’opérer un amalgame entre la schizophrénie et l'autisme
quand un individu est examiné pour la première fois à l'âge
adulte et que l’histoire de son développement n'est pas connue.
Un tel amalgame ne peut se produire chez le jeune enfant,
car alors c’est l’autisme qui est immédiatement diagnostiqué.
Selon Kraepelin, qui fut le premier psychiatre à décrire le
trouble aujourd'hui connu sous le nom de schizophrénie, sur
un échantillon de plus de 1 000 cas, 94 % ont été diagnosti
qués schizophrènes après l’âge de 15 ans. Cela contraste forte
ment avec l'âge auquel se déclare l'autisme. L’âge auquel une
maladie se manifeste pour la première fois est d’une impor
tance cruciale. Un trouble qui affecte le cours normal du déve
loppement dès la naissance, voire avant, n'est plus le même
quand il affecte un organisme parvenu à maturité. Être sourd
de naissance, par exemple, entraîne des changements dans le
cerveau et l'esprit qui ont des conséquences sur divers aspects
du développement, tel l’apprentissage du langage. Us sont dif
férents des changements qui surviennent quand on devient
sourd après l’acquisition du langage.
Mais qu'en est-il des enfants qui deviennent schizophrè
nes avant la puberté ? Us présentent presque toujours des
symptômes semblables à ceux des adultes schizophrènes et se
distinguent aisément des enfants autistes. Ce fait fut établi par
l’une des premières études statistiques menées en Grande-
Bretagne, publiée en 197115 et corroborée par une étude
menée à New York en 198416. Kolvin et ses collègues, dans la
première publication, notaient que le plus jeune enfant de leur
échantillon de 24 individus diagnostiqués schizophrènes avait
6 ans et 7 mois. Pour 80 % de l'échantillon, la maladie s'était
déclarée après lage de 8 ans et demi. À cet âge-là, le dévelop
pement cognitif et linguistique est presque achevé. Les bases
sur lesquelles s'édifieront les compétences de l’âge adulte sont
en place, bien que les performances soient encore susceptibles
de s'améliorer avec l'expérience. La schizophrénie infantile
peut donc être assimilée à la schizophrénie de l’adulte. Il n'y a
aucune raison de la confondre avec l’autisme infantile.
Mais si les patients qui présentent des symptômes schi
zophréniques négatifs ressemblent aux autistes, ceux qui
présentent des symptômes positifs ne leur ressemblent pas.
Les symptômes positifs les plus caractéristiques de la schizo
phrénie consistent à entendre des voix et à croire que l'envi
ronnement est porteur d’importants messages à caractère
personnel. Certains patients sont capables de faire part à
autrui de leurs expériences subjectives. Or, les récits des indi
vidus autistes qui ont pu raconter leurs expériences sont très
différents de ceux des patients schizophrènes. Il est toutefois
possible que des symptômes positifs de la schizophrénie
surviennent chez un autiste, des croyances paranoïdes ont
même été décrites dans certains de ces rares cas.
Des analogies cachées continuent de se faire jour. La
schizophrénie se caractérise de plus en plus comme un trou
ble du développement accompagné de signes précoces que
l'instinct aide à reconnaître. En fait, ces signes trahissent un
dysfonctionnement du lobe frontal17. On les trouve égale
ment dans les cas d'autisme.
L ectu re m e n tale
et cécité m e n ta le
' 01% p t n n Hi U î h . Q w d
Il wtran, ]i b lil matnnl,
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Illustration 5.2 -
Le test des Smarties.
Le crayon dans la boîte de Smarties.
Des bandes dessinées
pour physiciens, behavioristes
et psychologues
Le behaviorisme est une forme de science psychologique
qui tente d'expliquer le comportement sans recourir à des
états mentaux, qu'ils soient conscients ou pas. Pour ceux qui
étudient le behaviorisme, tout comme pour ceux qui étudient
la physique, la mentalisation est inutile. Pour la psychologie
courante, en revanche, les comportements s’expliquent pres
que toujours par des états mentaux. Les enfants autistes
sont-ils behavioristes ? Pensent-ils comme des physiciens ?
Afin d'étayer cette hypothèse, Simon Baron-Cohen, Alan
Leslie et moi-même avons réalisé une expérience à l'aide de
bandes dessinées, du type de celles que l’on peut voir sur l'illus
tration 5.312. Les participants étaient les mêmes que lors de
l’expérience Sally-Anne. Leur tâche était double. Tout d’abord,
le premier dessin étant déjà en place, les enfants devaient
ordonner les autres de manière à construire une histoire.
Ensuite, ils devaient raconter l'histoire avec leurs propres mots.
La façon dont les enfants disposaient les dessins nous per
mettait de déterminer, même en l'absence de mots, jusqu a
quel point ils avaient compris l’histoire qu'ils étaient censés
reconstituer. Cependant, les mots nous permettaient de perce
voir plus directement ce que l’enfant avait compris à chaque
histoire. Plus spécifiquement, si la mentalisation posait effecti
vement un problème aux enfants autistes, alors leurs perfor
mances ne devraient être mauvaises que pour les histoires que
l’on pourrait qualifier de « mentalistes », mais pas pour celles
de type purement mécaniste ou behavioriste. C’est précisé
ment ce que nous avons constaté. Les histoires relatant un
événement purement mécanique furent en effet parfaitement
comprises par tous nos enfants autistes : tous rangèrent les
dessins dans le bon ordre. De plus, ils utilisèrent un langage
approprié pour raconter l’histoire, avec des phrases de ce
type : « Le ballon a éclaté parce qu’il a été percé par la bran
che, » ou encore : « C’est l’arbre qui l'a fait éclater. »
Une histoire de type mécaniste
Fausses photographies
L'idée traditionnelle selon laquelle c’est un ensemble de
déductions conscientes et logiques qui gouvernent notre
compréhension des situations à la fois sociales et non
sociales est peut-être encore exacte. Toutes les tâches dont
nous avons discuté jusqu’ici nous laissent du temps pour
réfléchir aux réponses. Elles ne convainquent pas les scep
tiques qu'un mécanisme intuitif particulier entre en jeu. Un
test ingénieux nous a offert l’occasion d’établir une compa
raison critique entre une fausse croyance et une fausse des
cription de la réalité. Si une croyance peut cesser d’être
valable, il en va de même pour la description d'une scène
sur une photo. Du point de vue de la mentalisation, ces
deux opérations devraient faire appel à des mécanismes dis
tincts, mais du point de vue traditionnel, il est possible de
résoudre les deux par des opérations mentales similaires.
Autrement dit, ces tests devraient obtenir un même taux de
réussite dans leur exécution. Alan Leslie et Laila Thaiss ont
conçu un test proche de l’expérience Sally-Anne, au cours
de laquelle un objet est déplacé d'un endroit à un autre.
Dans le cas qui suit, l'expérimentateur n'a pas interrogé
l'enfant sur ce que pense Sally (ce quelle croit à tort), mais
sur le contenu d’une photographie (une description
inexacte de la réalité). S'il s’avérait que la mentalisation est
déclenchée par la question portant sur la croyance de Sally,
mais pas par celle portant sur le contenu de la photogra
phie, cela signifierait que les mécanismes engagés dans la
compréhension intuitive de ces deux situations sont diffé
rents. C'est ce qui se confirma13.
Dans l’illustration 5.414, on peut voir un chat assis sur
une chaise se faire prendre en photo. La photo, sur laquelle
nous voyons le chat assis sur la chaise, est mise de côté, hors
de portée de vue. Comparer cette situation à celle de Sally
quittant la pièce et se dérobant à la vue, tandis qu'elle garde
l’image mentale de la bille dans son panier. Ensuite, l’expéri
mentateur change le chat de place. Comparer cette situation
à celle d’Anne changeant la bille de place. À présent, l’expéri
mentateur demande : « Où se trouve le chat sur la photo ? »
Comparer cette situation à celle de l'expérimentateur deman
dant à Sally où se trouve la bille. Sally n'a pas vu qu’on l’a
changée de place, et son image mentale reste conforme à la
configuration d’origine. Les éléments physiques sur la photo
sont également conformes à la configuration d'origine. Mais
les similitudes s’arrêtent là.
Comme l’hypothèse de mentalisation le laissait prévoir,
les résultats furent très différents d’une tâche à l'autre. Les
enfants autistes, âgés en moyenne d’une douzaine d’années,
comprirent parfaitement le test de la photographie mais
échouèrent lors du test Sally-Anne. À l’inverse, les enfants
d’environ 4 ans dont le développement était normal compri
rent mieux le test Sally-Anne que celui de la photo. La diffi-
Le sabotage et la tromperie
La question reste posée de savoir si la mentalisation
est intrinsèquement une tâche plus difficile pour les
enfants autistes et plus susceptible d’être mal comprise. La
procédure scientifique exige que le point de vue tradition
nel, selon lequel la prise de conscience provient d’un méca
nisme de déduction polyvalent, plutôt que d’un mécanisme
de mentalisation spécifique, ne soit pas abandonné si faci
lement. On peut imaginer que l’échec dans les tâches qui
concernent les fausses croyances est dû à ce que les
enfants ne jouent pas le jeu et ne comprennent pas, de
manière générale, ce que l’expérimentateur attend d’eux.
Un paradigme visant à prendre en compte cette objection
fut créé par Beate Sodian, qui était alors post-doctorante,
et qui vint à Londres pour travailler avec moi sur l’expé
rience suivante16.
Au cours de cette expérience, l’enfant participait à un
jeu de compétition mettant aux prises deux poupées, un
lapin amical et un loup voleur. L’enfant avait pour mission
de conserver une récompense, en l’occurrence un bonbon, à
l’abri dans un coffret. Quand le lapin récupérait le bonbon,
on donnait deux bonbons à l’enfant en lui disant qu’il faut
toujours venir en aide au lapin amical. Quand le loup récu
pérait le bonbon, on n’en donnait aucun à l'enfant en lui
disant qu’il ne faut jamais venir en aide au loup voleur.
Après quelques essais, nous constatâmes que les enfants
n'avaient aucune difficulté à dire qui était leur ami et qui
était leur ennemi. Ils aimaient également être récompensés
et jouaient pour gagner.
L'ingéniosité de l'idée de Beate Sodian réside dans la
comparaison de deux configurations. Nous les baptisâmes
sabotage (illustration 5.5) et tromperie (illustration 5.6). En
configuration sabotage, un cadenas et sa clef étaient placés
à côté du coffret et l'enfant pouvait fermer le coffret à clef
pour empêcher le voleur de s'emparer du bonbon. Bien sûr,
pour parvenir à une bonne maîtrise des règles, on effectuait
plusieurs essais, dans la moitié desquels l'enfant n’était pas
censé fermer le coffret à clef, parce que c'était l'ami qui
arrivait. Tous les enfants, autistes ou pas, accomplissaient
cette tâche convenablement. Mais en configuration trompe
rie, il n’y avait pas de cadenas, et l’enfant devait utiliser ses
capacités mentales pour empêcher le voleur de s'emparer
du bonbon. Nous lui facilitâmes la tâche en lui proposant
de mentir. De loin, le loup dit : « Le coffret est-il ouvert ou
fermé ? Je ne me donnerai pas la peine de venir de si loin si
le coffret est fermé à clef. » Les enfants non autistes répon
dirent avec jubilation : « Le coffret est fermé à clef. » Les
autistes eurent les pires difficultés à mentir de la sorte.
Contrairement aux autres enfants, ils n’arrivaient pas à
empêcher le voleur de s’emparer du bonbon par la manipu
lation mentale, même s'ils y parvenaient sans difficulté par
la manipulation physique.
Cette expérience confirma que l’incapacité d'attribuer
des états mentaux à autrui ne peut s'expliquer par un man
que de compréhension globale ou par un manque d'envie de
se prêter au jeu. L'échec de l’enfant autiste est bien un
échec spécifique.
Études récentes sur la mentalisation
Depuis 1985, un grand nombre d’expériences se sont
penchées sur l’incapacité de mentaliser chez les individus
autistes. Les résultats n’ont pas toujours été aussi tranchés
que lors des premières expériences, et ont même parfois été
contradictoires.
Francesca Happé, qui a été ma principale collaboratrice
ces dix dernières années, a passé en revue un ensemble de
données et découvert qu’une écrasante majorité d’enfants au
développement normal a réussi le test classique de la fausse
croyance avant lage de 5 ans, et qu’une majorité d’enfants
handicapés mentaux l’a réussi avant d’avoir 5 ans d’âge men
tal. En revanche, une majorité d’enfants atteints de troubles
autistiques, quelle que soit leur intelligence, n’a pas réussi le
test avant d’atteindre 10 ans d’âge mental, et ne l’a souvent
même pas réussi à cet âge17. Cela équivaut à un retard de
développement de cinq ans. Les résultats de l’enquête de
Happé sont illustrés par le diagramme 5.7.
Manifestement, il ne faut pas voir dans les difficultés de
mentalisation propres à l’autisme une incapacité totale à être
conscient des états mentaux. Ces difficultés se révèlent plutôt
dans les cas d’un grave retard de développement. Cela va de
pair avec l’idée que le mécanisme de mentalisation permet
tant un apprentissage rapide est manquant. Un apprentis
sage plus lent, étalé sur cinq ans, est en revanche possible.
Cela signifie qu’il existe plusieurs façons d’obtenir de bons
résultats aux tests de mentalisation. La capacité de mentali
sation intuitive n’est pas forcément nécessaire. On peut com
prendre la notion d’état mental au moyen des règles explici
tes de la logique. Toute la question est de savoir si cet
apprentissage compensatoire débouche sur les mêmes capa
cités. C’est peu probable, puisque la conscience des états
mentaux qui résulte d’un apprentissage compensatoire reste
fragile et quelle est source de nombreuses erreurs. Happé a
imaginé des histoires courtes qui ne pouvaient être comprises
Illustration 5.5 - Le sabotage.
LATROMPERIE
s>*
AMI VOLEUR
L’évolution de la mentalisation
Les travaux que j’ai décrits partent du principe que le
cerveau dispose d’un mécanisme inné d’identification des
états mentaux d’autrui. L’intuition que les autres ont un
esprit, et que les états mentaux sont différents des états phy
siques, est après tout un instinct. Cela va contre l’idée que
l’instinct social nécessite des années d’apprentissage et
requiert une pensée consciente. Il n’y a que dans le cas de
l’autisme, où cet instinct est peut-être manquant, que cette
idée puisse être cohérente. La nature élémentaire et obliga
toire de la mentalisation, aussi bien dans la vraie vie que
devant une peinture, à la vision d’un film ou à la lecture d’un
livre, est la marque d'un système cérébral précâblé. Les orga
nismes vivants ont besoin de tels systèmes pour s'adapter au
monde.
La capacité d'être conscient de ses propres pensées et de
celles d’autrui est d'une importance capitale pour l’interac
tion humaine, pour le meilleur comme pour le pire. Elle est
essentielle à la communication humaine, donc à la culture et
à la civilisation humaines. Quand nous parlons, nous nous
efforçons d'être compris de notre interlocuteur. Nous ne
ferions pas cela si nous n’étions pas conscients que nos idées
diffèrent des siennes. D'un autre côté, les comportements
sociaux qui consistent à se reproduire, à nourrir son enfant,
à lutter pour conserver son rang dans une hiérarchie, sont
indépendants de la mentalisation. On peut soutenir que la
mentalisation rend ces activités plus gratifiantes pour les
humains. L’aptitude à prendre en compte les pensées
d’autrui peut même contribuer à l'amélioration des actions
sociales de base. Néanmoins, on ne peut nier que la mentali
sation a également des conséquences négatives : en étant
capable de prendre en considération les états mentaux
d’autrui, l’être humain peut tromper ses semblables et les
persuader de croire et d'agir de façon répréhensible. C’est
pourquoi l'incapacité de mentalisation des autistes n'est pas
absolument catastrophique.
De nombreux animaux possèdent des mécanismes céré
braux qui ont un lointain rapport avec la mentalisation. Le
cerveau social est très vieux, et les précurseurs de la mentali
sation ne manquent pas23. Les systèmes permettant de recon
naître l'identité d'autrui et les relations avec autrui en termes
d’affinités ou de hiérarchie sociale, ne sont sans doute pas les
précurseurs les plus directs. Les systèmes commandant la
capacité à faire le tri dans les actes d'autrui et de compren
dre le but d'un agent, sont sans doute plus appropriés. Les
animaux sont capables de distinguer l'ami de l’ennemi, la
proie du prédateur. Pourtant, aucun de ces accomplisse
ments sociaux n’implique le processus de mentalisation.
Plusieurs chercheurs affirment que la mentalisation n’est
pas accessible aux primates les plus proches de l’homme, les
grands singes, dont nous savons qu’ils ont une vie sociale com
plexe. Il est peu probable qu'ils aient conscience des états
mentaux. Il est néanmoins possible qu’ils perçoivent dans une
certaine mesure les intentions et les désirs, et pas seulement le
but d’une action. Cette capacité permettrait d'expliquer les
rares cas de tromperie observés chez ces créatures.
La recherche des fondements physiologiques de notre
perception d’un comportement tendu vers un objectif précis
a récemment avancé grâce aux neuroscientifiques italiens
Giacomo Rizzolatti, Vittorio Gallese, et leurs collègues24. Ils
ont constaté que certains neurones du cerveau du singe
étaient actifs et produisaient des impulsions électriques
mesurables, non seulement quand le singe se saisit d’un objet
d’une certaine façon, mais aussi quand le singe voit
quelqu’un se saisir d’un objet de cette même façon. Ces cellu
les furent baptisées cellules miroir, pour des raisons éviden
tes. Elles sont extrêmement sensibles au type d’actes effec
tués, mais semblent indifférentes à l’identité de la personne
qui accomplit ces actes. Cette distinction n’est toutefois pas
forcément nécessaire à la perception des objectifs.
Le cerveau humain aussi possède des cellules miroir. On
peut raisonnablement penser quelles sont un précurseur de
la mentalisation. La mentalisation, toutefois, a aussi besoin
d’un composant qui distingue les intentions du moi de celles
d’autrui. De telles cellules ont été identifiées dans d’autres
parties du cerveau du singe. Par exemple, certains neurones
ne répondent qu'aux sons produits par le singe lui-même, et
d’autres cellules aux sons produits par les autres singes. On
peut penser que la découverte d'un lien entre ces cellules spé
cialisées et les cellules miroir pourrait constituer une étape
importante vers la construction d’un système de mentalisa
tion. Mais cela ne suffit pas. Le mécanisme de mentalisation
du cerveau humain est sensible aux états mentaux d'autrui,
et pas seulement à ses actes ou à ses paroles. Quelle est la
base neurale de ce mécanisme ? L’histoire complète de l’ori
gine évolutionniste de la capacité de mentalisation du cer
veau humain reste à découvrir.
L'hypothèse de la cécité mentale a d’énormes répercus
sions sur le diagnostic et le traitement de l’autisme. Elle peut
aussi fournir un cadre de travail pour une compréhension
plus approfondie des déficiences sociales et des déficiences
de la communication décelées chez les autistes. Une fois que
la déficience est reconnue, il doit être possible aux personnes
inaptes à la lecture mentale de réussir à s’adapter, tout
comme ça l’est aux daltoniens. Nous examinerons ces ques
tions dans les chapitres suivants.
CHAPITRE 6
L a so litu d e de l'a u tiste
L'attention conjointe
L'attention conjointe fait référence à un phénomène
assez commun. En règle générale, mère et enfant coordon
nent leur regard, et sans doute leur attention, vers un seul et
même objet. C'est lié au réflexe consistant à regarder dans la
même direction qu’une personne en présence de laquelle on
se trouve, ou de regarder dans la direction quelle montre du
doigt. Qu’y a-t-il là de si particulier ? Le plus étonnant est
que le bébé ne s'intéresse pas seulement à l’objet. Le bébé
s'intéresse à l'attitude d’autrui face à cet objet !
Fixer son attention sur le même objet qu’une autre per
sonne est une étape majeure du développement, qui offre à
l’enfant une multitude d'occasions d'apprendre5. Quand les
enfants regardent le même objet qu’une autre personne, ils ne
partagent pas seulement son intérêt, ils obtiennent aussi des
indices sur ses sentiments. Pourquoi maman a-t-elle l'air
inquiet en regardant cette jolie babiole en verre ? Parce
quelle a peur que le bébé la casse et se blesse. Avant de met
tre la main sur un bibelot un peu bizarre, les bébés de 8 mois
jettent volontairement un œil sur leur mère pour vérifier si
son visage exprime la peur ou le plaisir. De cette manière, les
bébés évitent le danger et apprennent par procuration. Grâce
à la mentalisation intuitive, apprendre des autres est chose
aisée : quand on regarde dans la même direction qu'une autre
personne ou qu'on regarde à l'endroit quelle montre du doigt,
il y a des chances qu'on y trouve quelque intérêt. Les enfants
normaux accumulent un savoir tacite continuellement actua
lisé grâce à leur volonté de partager des états mentaux avec
leurs semblables et leurs aînés. Ils s’appuient sur les autres
pour éviter de commettre des erreurs, tout comme ils
s'appuient sur les autres pour développer leur langage.
Les enfants normaux de 10 mois commencent à montrer
les choses en tendant un doigt potelé avant même de pronon
cer leurs premiers mots. Là encore, il s'agit d’une activité qui
implique la conscience des états mentaux d'autrui. Ils atti
rent l'attention d’autrui sur l'objet auquel ils pensent. Mais
pas dans le but d'obtenir cet objet. Ce qui est caractéristique
du pointage précoce chez l’enfant, c'est qu’il indique quelque
chose qui a du sens non seulement pour lui mais aussi pour
la personne avec qui il communique. L'interlocuteur répond
d’une phrase qui renforce la compréhension mutuelle, par
exemple : « Oui, tu as le même pingouin à la maison. » C'est
un exemple de communication authentique et immensément
gratifiante.
Au milieu des années 1980, Marian Sigman, Peter
Mundy et leurs collègues de UCLA, ainsi que Katherine
Loveland et Susan Landry de l’Université du Texas, ont fait
une découverte fondamentale en démontrant que le partage
de l'attention, dans le pointage, puis plus tard dans le lan
gage, n’existe pas chez les enfants autistes6. Par exemple,
quand ils ont observé des enfants autistes et non autistes en
compagnie de leur mère dans une pièce pleine de jouets, les
autistes montraient leurs jouets beaucoup moins souvent à
leur mère que ne le faisaient les non-autistes, pourtant attar
dés, et du même âge mental qu’eux7. Le manque d’attention
conjointe chez l’autiste est très prononcé durant les années
qui précèdent la scolarisation8. On ignore encore si cela évo
lue avec l'âge, et si oui, comment. Les enfants autistes savent
montrer un objet du doigt quand ils veulent l’obtenir, mais il
s'agit d'une autre forme de pointage - dite proto-impérative.
Ils peuvent indiquer leur volonté de voir un jouet être réparé,
montrant ainsi qu'ils sont conscients qu’on peut les aider,
mais ils n’indiquent pas à leur mère les jouets dont ils se sou
viennent ni ceux qui leur plaisent. On peut émettre l’hypo
thèse que les jeunes enfants autistes ne font pas la différence
entre leurs idées et celles des autres. La question de les par
tager ne se pose donc pas pour eux. C’est pourquoi la mère
d’un autiste doit multiplier les efforts pour entrer dans le
monde intérieur de son enfant.
La maturation a des effets visibles sur les proportions du
corps et l'accroissement de l'agilité de mouvements. Quoique
impalpable, la maturation du cerveau a des conséquences
profondes sur le comportement. L’environnement, l'appren
tissage mais aussi l'expérience ont laissé des marques et
influencent la nature et le rythme auquel le développement
s'effectue. Néanmoins, tôt ou tard, arrive le moment de quit
ter la petite enfance. Si tout va bien, un être humain diffé
rent, socialement mieux aguerri, se révèle. Parmi les systè
mes cérébraux qui franchissent un palier dans leur
développement à ce moment-là, on peut présumer que le
mécanisme de mentalisation, dont nous avons parlé dans le
chapitre précédent, est désormais tout à fait mûr pour fonc
tionner de manière quasiment continue.
Quelles sont les conséquences de cette maturité ? On
peut s’interroger sur ce qui joue le rôle de déclencheur : est-
ce l’explosion du langage, l’épanouissement de l’imagination
ludique, ou le développement des interactions avec l’entou
rage ? Tous ces accomplissements bénéficient du fait que les
enfants sont désormais capables d’attribuer des pensées et
des souhaits aux autres ainsi qu’à lui-même. Si leur méca
nisme de mentalisation fonctionne en mode automatique,
alors être attentifs aux intentions de leur interlocuteur les
met sur la bonne voie pour apprendre le sens des mots. Ils
peuvent aussi jouer à faire semblant avec les autres. Leurs
interactions sociales gagnent en force à mesure qu’ils com
prennent que ce qu’ils veulent et ce que les autres veulent
n’est pas toujours la même chose. Le moment venu, ce savoir
implicite leur donnera la force d’acquérir le sens de la négo
ciation et de la manipulation sociale. Sans un bon fonction
nement du mécanisme de mentalisation, les enfants autistes
passeraient à côté des changements révolutionnaires qui sur
viennent dans le domaine de l’intelligence sociale entre la
première et la deuxième année.
Le visage
L’un des multiples talents implicites de l’être humain est
sa capacité à mémoriser des milliers de visages. Il est impor
tant pour notre vie sociale de garder la mémoire des autres
et des informations utiles les concernant. Des expériences
ont montré que les autistes ont une moins bonne mémoire
des visages que des immeubles ou des paysages9. En un sens,
on peut se demander si les autistes ne souffrent pas de cécité
humaine comme ils souffrent de cécité mentale. L’hypothèse
n’a rien d’extravagant. Une étude neurophysiologique de
Robert Schultz et de ses collègues de Yale a démontré que la
partie du cerveau spécialisée dans la reconnaissance des
visages ne l’est pas chez les autistes. Nous avons donc ici une
base biologique expliquant le déficit de reconnaissance des
visages. Néanmoins, comme le fait remarquer Schultz, cette
absence de spécialisation du cerveau est peut-être elle-même
la conséquence de quelque autre phénomène. Par exemple,
comment cette spécialisation pourrait-elle se développer
puisque les jeunes enfants autistes ne regardent pas les
visages10 ? Bizarrement, les enfants atteints du syndrome de
Williams, une maladie génétique rare qui a des répercussions
sur le développement du cerveau, ont une excellente percep
tion des autres et sont très attirés par les contacts sociaux
dès leur plus jeune âge. Ils offrent une image inversée de
l’autisme11.
Les yeux
Sur un visage ce sont les yeux qui émettent les signaux
sociaux les plus importants. Un célèbre adage affirme que les
yeux sont le miroir de lame. Il y a des regards suppliants et
implorants, des regards triomphateurs, des regards furieux,
des regards foudroyants, des regards moqueurs, et des
regards séducteurs : l’éventail est aussi large que celui des
relations sociales. Ce sont les états mentaux partagés qui
nous permettent de donner du sens à ces regards. Si les états
mentaux n'existaient pas, le langage des yeux s'en trouverait
considérablement appauvri.
Dans le cas de l’autisme, l'incapacité à comprendre l'esprit
d’autrui est profondément liée à des anomalies dans l'utilisa
tion et l'interprétation du regard12. Cette idée fut d’abord
émise par Simon Baron-Cohen, qui en a fait la base d'un test
poussé de mentalisation. Un jeu de 36 photos d'acteurs et
d’actrices sur lesquelles nous ne voyons que leurs yeux est pré
senté à un sujet qui doit étudier leur expression puis choisir,
parmi quatre propositions (par exemple, sérieux, honteux,
apeuré, perplexe), celle qui la décrit le mieux. La lecture men
tale par le biais des yeux, dans ce test, est facile pour la plu
part des adultes normaux, mais difficile pour les individus
autistes, même ceux qui compensent bien par ailleurs13.
Observer de loin le regard des gens est un bon moyen de
deviner leurs intentions. C'est notre système nerveux qui com
mande cette capacité d’observation14. Les enfants et les adultes
normaux ont le réflexe de suivre le regard de ceux qui les
entourent. Des expériences ont démontré qu’un sujet regarde
plus vite dans une direction particulière quand quelqu'un
d'autre lance au préalable un rapide coup d’œil dans cette
direction. Il met plus de temps quand l’autre personne regarde
dans la direction opposée15. Il n'y a aucun doute sur le fait que
les sons qui nous environnent, et en particulier la parole, ont
un effet similaire sur notre sens de l'orientation. On peut
concevoir que les mécanismes de l’orientation normalement
innés puissent ne pas fonctionner chez les autistes.
Les chercheurs se sont aussi rendu compte que le regard
peut trahir les pensées d'un enfant. Des expériences ont démon
tré qu'un enfant normal regarde automatiquement au bon
endroit quand on lui raconte une histoire du même type que
celle du test Sally-Anne. Il n’en va pas de même avec les enfants
autistes. Le regard tend à être une mesure plus fiable de la
capacité de mentalisation que la réponse verbale standard, et
est encore plus révélateur des différences entre les enfants
autistes et les enfants non autistes handicapés mentaux16.
Si les enfants autistes ne sont pas capables de décoder
automatiquement la signification d'un regard, alors il est très
probable qu'ils ne remarquent pas ou qu’ils mésinterprètent
les messages muets que leur envoient leurs pairs et leurs édu
cateurs. Les éducateurs des enfants autistes s’assoient souvent
à côté d'eux et se tiennent même debout dans leur dos. Cette
approche indirecte tient compte du fait que les regards sont
souvent une source de malentendus, et ils les évitent donc soi
gneusement. Faut-il user des mêmes précautions avec les ges
tes des mains que nous faisons pour communiquer ?
Les mains
L’une des observations les plus poignantes relevées dans
presque toutes les descriptions de l’autisme infantile est l’uti
lisation, par l'enfant, d'un adulte ou de la main d’un adulte
comme d'un outil. U conduit l’adulte vers l'objet qu’il veut
obtenir et pose la main de l’adulte sur cet objet.
Un exemple classique nous en est donné dans le premier
rapport sur le « jeune sauvage de l'Aveyron », dont le cas a
été abordé dans le chapitre 3. Ce rapport fut rédigé en jan
vier 1800 par Constans Saint-Estève, le commissaire du can
ton où fut trouvé le garçon. « Quand il eut soif, il regarda de
droite et de gauche ; remarquant une cruche, sans faire le
moindre signe, il prit ma main dans la sienne et m’y condui
sit ; puis il tapota la cruche de sa main gauche, me deman
dant ainsi quelque chose à boire17. »
L'étrangeté et la pauvreté de la gestuelle des enfants
autistes ont fait l'objet de multiples études systématiques, à
la fois expérimentales et observationnelles. Dans le cadre de
sa thèse de doctorat, Tony Attwood a découvert l’existence
de certains gestes dont les enfants autistes sont adeptes18.
La caractéristique commune à tous ces gestes réside dans
leur but utilitaire. Autrement dit, ils ont pour but d’obtenir
de quelqu’un l'accomplissement d’une action. L’illustration
6.1 nous en montre quelques exemples. Les enfants autistes,
malgré leurs aptitudes intellectuelles très variées, réagirent
de façon adéquate et spontanée aux quatre gestes utilitaires
représentés sur l’illustration. Les gestes furent également
compris par des enfants normaux de 5 ans et par des enfants
trisomiques.
Sur la base de ce seul résultat, on pourrait en conclure
que lorsque les enfants autistes interagissent les uns avec les
autres, ils utilisent les mêmes gestes que n’importe qui. On
aurait tort. Car nous n'avons considéré jusqu'ici que les ges
tes utilitaires. Ces gestes ne sont utilisés que dans un mode
de communication que l’on peut qualifier de communication
simple. La communication simple existe, mais elle est totale
ment différente de la communication intentionnelle, au
cours de laquelle il est nécessaire d'évaluer l'information en
fonction de sa signification supposée. Le message utilitaire
« Va-t’en » est comparable au fait de presser un bouton. Son
seul but est de faire partir quelqu'un. Et de fait, il serait plus
simple d'avoir un bouton sous la main, comme dans le film
Bienvenue Mister Chance, dans lequel le héros autiste a tou
jours sur lui une télécommande qu’il braque sur les gens
dans la rue. Néanmoins, dans la vraie vie, les énoncés sim
ples, pour lesquels il suffit d’appuyer sur un bouton, sont
rares. Leur inflexibilité est souvent source de contrariété. Qui
n’a jamais été frustré par ces messages téléphoniques nous
demandant d’appuyer sur un chiffre donné pour nous faire
écouter un message donné qui ne répond jamais complète
ment à notre attente, ou par un distributeur de billets qui
nous refuse l’accès parce qu’on a mal tapé son code ?
Qu’est-ce qui nous pousse à préférer la communication
humaine intentionnelle à des interactions potentiellement effi-
JL
ÜL y y
Consolation Embarras
Illustration 6.2 - Gestes expressifs.
Les émotions
L'attachement
À l'origine, Kanner émit l’idée que les enfants autistes
naissaient « avec une inaptitude innée à établir l'habituel
contact affectif biologique avec autrui19 ». Cette hypothèse
reste séduisante parce quelle prend au sérieux la qualité
affective indéfinissable des relations personnelles normales,
qualité qui semble manquer aux autistes. D'aucuns considè
rent comme certaine l'absence de formation précoce d'un
lien et d'un attachement affectifs chez l’enfant autiste, et font
de ce manque la plus pure manifestation de leurs symptômes
de base. D’autres pensent qu’il faut voir dans leur impossibi
lité de créer des liens à un âge précoce la cause des problè
mes relationnels qu’ils rencontrent plus tard. Mais les
enfants autistes échouent-ils vraiment à nouer des liens avec
leur mère ? Examinons les éléments de réponse suivants.
L'un des paradigmes les plus féconds de la psychologie
clinique et du développement est ce qu'on appelle la « réac
tion face à un inconnu ». Dans ce paradigme, il y a d'abord
une période pendant laquelle la mère et l'enfant jouent libre
ment ensemble. Après quoi la mère s'absente pendant un
court laps de temps, laissant parfois un inconnu en présence
de l’enfant. Finalement, la mère revient. Au moment des
retrouvailles, les effets de l’attachement se traduisent par une
intensification notable des interactions spontanées de
l'enfant avec sa mère. Des réactions d'angoisse sont générale
ment observées quand la mère s'absente, autant que de plai
sir quand elle revient.
Le paradigme de la réaction face à un inconnu a été
appliqué auprès d'enfants autistes âgés de 2 à 5 ans. Les
résultats furent comparés à ceux d'enfants retardés non
autistes de même âge mental. Les enfants des deux groupes
réagissaient de la même manière quand on les laissait en
présence d’un inconnu et quand la mère revenait. Les résul
tats montrent une hausse significative des signes de réacti
vité sociale envoyés à la mère à l’instant des retrouvailles.
Cette étude fournit un peu plus la preuve d'une réactivité
sociale positive chez le jeune enfant autiste20. La conscience
des états mentaux n'est pas requise pour manifester des sen
timents d'attachement.
Une conversation
Ruth est une jolie jeune fille âgée de 17 ans, aux che
veux d’un blond cendré. Elle suit des cours à l'école pour
enfants autistes, où elle travaille bien. En lecture, elle a
quasiment atteint le niveau d'un adulte normal. Ruth ne
parle pas beaucoup spontanément, mais répond volontiers
aux questions qu'on lui pose. Elle a la voix plutôt rauque, et
elle accentue les consonnes qui se trouvent à la fin des
mots. Sa diction est étrangement inexpressive, peu modu
lée, mais elle fait des phrases impeccables du point de vue
grammatical. J'ai parlé avec elle à l’issue d'un certain nom
bre de tests de lecture.
uta frith — Ruth, tu as été très obligeante...
ruth — Oui.
UF — C’était très gentil de ta part... Je trouve que tu lis
extrêmement bien.
R — Oui.
UF — Tu as toujours aussi bien lu que ça ?
R — Oui, toujours.
uf — Tu te rappelles quand tu as appris à lire ?
R — Non.
CA près a v o ir te n té p lu s ie u r s fo is - en v a in - d e la faire
p a rle r d ’u n q u e lc o n q u e s o u v e n ir d ’e n fan ce, je ra m èn e la
c o n v e rsa tio n a u c o n te x te im m é d ia t. R u th v it d a n s u n
a p p a r te m e n t in d é p e n d a n t a v e c d 'a u tres élèves d u
p e n sio n n a t. )
uf — Maintenant, tu habites dans ce joli appartement, à
l’étage ?
R — Oui.
UF — C’est vraiment bien ?
R — Oui.
UF — Tu fais un peu la cuisine ?
R — Oui.
uf — Qu’est-ce que tu cuisines ?
R — De tout.
UF — Vraiment ? Quel est ton plat favori ?
R — Les bâtonnets de poisson.
UF — Ah, oui... Et tu les prépares toute seule ?
R — Presque.
uf — C’est très bien.
( U ne fo is d e p lu s, je n ’a i p a s ré u ssi à a m e n e r R u th à m e
fo u r n ir s p o n ta n é m e n t d es in fo rm a tio n s. T o u t ce q u e je
p e u x faire, c ’e s t o rie n te r m e s q u e s tio n s p o u r qu 'elle y
rép o n d e en to u te fra n ch ise. J a m a is, a u c o u rs d e la
c o n v e rsa tio n , elle n ’a te n té d e fa ire b o n n e o u m a u v a is e
im p re ssio n , p a r ex em p le en v a n ta n t o u en m in im is a n t ses
a p titu d e s p o u r la c u is in e o u la lectu re. O n p e u t m ê m e
d ire q u e lle se m b le n 'a v o ir a u c u n e a ttitu d e ex p lic ite à
l ’ég a rd d e se s ré u ssite s o u d e se s éch ecs.)
UF — Et qu’est-ce que tu fais pour passer le temps ?
R — Rien.
uf — Tu tricotes, peut-être ?
R — Oui.
uf — Ou alors, tu regardes la télévision ?
R — Oui.
uf — Qu’est-ce que tu aimes regarder ?
R — Top of the Pops.
{A près q u elq u e s q u e s tio n s in fru c tu e u se s à p r o p o s d e cette
é m is s io n q u i m ’é ta it in co n n u e, je ch a n g ea i d e su je t.)
uf — Et tu lis ?
CS o u s-e n te n d u « p o u r le p la is ir », m a is le m e ssa g e ne
p a s s a p r o b a b le m e n t p a s .)
R — Oui.
UF — Quel genre de choses ?... (pas d e rép o n se) Tu lis des
revues ?
R — Non. Je les regarde.
uf — Ah, oui... Parce qu’il y a beaucoup d’images ?
R — Oui.
(Il e st p ro b a b le q u e l ’e s p r it litté ra l d e R u th ne lu i p e rm e tte
p a s d e c o n c e v o ir q u e « regarder » u n m a g a zin e p u is s e être
a p p e lé de la lectu re.)
uf — Hmm. Et quel genre de revues est-ce que tu
regardes ?
R — Le programme radio et le programme télé.
uf — Ah oui, moi aussi je les regarde...
R — Au travail, maintenant.
(C et ex em p le illu stre b ie n la fa ç o n s o u d a in e d o n t
s ’a c h è v e n t les c o n v e r sa tio n s a v e c les in d iv id u s a u tiste s.
R u th n e c h e rc h a it p a s à se m o n tr e r in so len te, m a is la
p a u s e é ta n t fin ie, il é ta it te m p s d e rep ren d re le tra va il. U n
in d iv id u n o r m a l a u ra it, b ien sû r, a rro n d i les a n g les en
u tilis a n t d e s fo rm u le s d e p o lite sse . M a is R u th n e le fa it
p a s ; elle fo u r n it d e l ’in fo r m a tio n à l'éta t b ru t.)
Ulustration 7.1
Je et tu et toi et moi
Lorsqu'un enfant autiste dit « tu » au lieu de « je » et
« je » au lieu de « tu », cela surprend énormément. L'erreur
paraît si énorme qu'il n'est pas étonnant que l’on ait attribué
au phénomène une signification profonde. Il a notamment
servi à étayer des spéculations sur l’existence d'une confusion
profonde des identités chez l'enfant autiste. On a même été
jusqu'à dire que ces enfants évitaient délibérément d'utiliser
les pronoms je, moi/me, mon/ma/mes et mien. Mais les résul
tats d'un certain nombre d’enquêtes poussées ne laissent pas
de place au doute : ces spéculations extravagantes font partie
des mythes entourant l’autisme, et non de la réalité.
Ce qui se passe lorsqu'un enfant autiste inverse des pro
noms est à la fois simple et difficile à expliquer. La partie
simple de l’explication consiste à dire que, dans certains cas,
il s'agit de la répétition à retardement d’un énoncé associé à
une situation semblable10. Ainsi, l'enfant qui dit : « Est-ce que
tu veux un cookie ? » pour dire « Je veux un cookie » répète
la phrase qu'utilisent habituellement les adultes qui lui don
nent un cookie. Il a tout simplement appris à associer cette
phrase à l'événement.
La partie complexe de l'analyse des erreurs d'utilisation
des pronoms concerne ce que l'on appelle la fonction déicti
que des pronoms personnels. Cela signifie que leur utilisa
tion est r e la tiv e à des rôles : celui de locuteur et celui d'audi
teur. Même les enfants qui connaissent un développement
normal font communément des erreurs de ce genre, au
moins jusqu'à l’âge de 5 ans. Même les adultes confondent
parfois « enseigner » et « apprendre », « prêter » et « don
ner ». Mais quand un enfant fait une erreur, son interlocu
teur adulte n'en tient souvent pas compte, considérant a
p r io r i que l’enfant sait très bien qui est le locuteur et qui est
l'auditeur. De même, certains résultats expérimentaux mon
trent que les enfants autistes savent distinguer leur identité
physique de celle des autres. Ils utilisent presque toujours
correctement les noms. Cependant, ils ont tendance à utiliser
les noms propres longtemps après que leurs pairs non autis
tes ont commencé à utiliser les pronoms qui correspondent à
des référents préalablement établis et mutuellement compris.
Pour les mêmes raisons, certains enfants autistes ont des
difficultés avec des mots comme « ceci » et « cela », « ici » et
« là », « viens » et « va ». En principe, nous savons toujours
ce qu'un énoncé veut dire à la fois du point de vue du locu
teur et de celui de l’auditeur. Ainsi, il peut être recommandé
d'utiliser le verbe « venir » pour appuyer le point de vue
d’autrui et le verbe « aller » pour appuyer le sien propre,
même si les deux font référence à la même action. Bien sûr,
la question de savoir lequel de ces points de vue doit préva
loir dans chaque cas particulier est sujet à négociation. Les
individus autistes ont du mal avec ces points plus subtils
d’appréciation du rôle social. Par conséquent, il n'est guère
étonnant qu'ils mélangent ce qu'on appelle les termes déicti
ques, voire les pronoms personnels.
Le retard d'acquisition du langage, les difficultés dans
l'usage des pronoms et des mots déictiques, l'acquisition
d'idiosyncrasies de langage, et l'omniprésence de l’écholalie
sont tous des traits caractéristiques de l'autisme. On peut
voir en eux les conséquences d'une incapacité à mentaliser.
Le déficit linguistique spécifique est un tout autre problème.
U peut exister sans considération d'aptitudes générales et
affecte plus particulièrement la syntaxe et la phonétique. Un
tel déficit associé du langage spécifique peut aussi survenir
chez les autistes.
Le langage écrit
Une proportion importante d'enfants autistes apprend à
lire malgré leur retard de langage, et parfois même malgré
leur retard intellectuel global. Ils lisent à haute voix avec une
excellente élocution, et sont capables de compléter une
phrase en utilisant la forme grammaticale adéquate. Certains
enfants apprennent à reconnaître les mots écrits avant même
de savoir parler. Même les individus atteints du syndrome
d'Asperger qui s'expriment parfaitement préfèrent souvent se
servir de l’écrit pour communiquer. Ils affirment que se
retrouver face à quelqu'un pendant une conversation normale
est trop angoissant, qu'ils sont moins sous pression et par
viennent mieux à réfléchir quand ils écrivent ou qu’ils lisent.
Avec Maggie Snowling, ma collaboratrice de longue
date, j'ai mené des recherches sur les compétences phonéti
ques et grammaticales d'autistes peu intelligents qui étaient
néanmoins d’excellents lecteurs". Nous les avons comparés à
des enfants plus jeunes qui ont montré le même niveau de
compétence lors d'un test standardisé de compétences gram
maticales. Ces enfants ne se contentaient pas de bien lire, ils
étaient aussi capables d’effectuer des distinctions syntaxiques
très subtiles. Par exemple, lorsqu'ils lisaient à haute voix des
phrases telles que « Un bippis jaune me suffit » et « Sept
petits bippis avaient un bateau », ils prononçaient sans en
avoir conscience le mot bippis de manière différente selon
qu’il leur apparaissait au singulier ou au pluriel. Ils pronon
çaient la lettre s finale quand elle indiquait le pluriel, mais ne
la prononçaient pas dans le cas contraire. En anglais, cette
prononciation particulière du s au pluriel permet de distin
guer phonétiquement des mots tels que peas (NdT : pois) et
peace (NdT : paix).
Nous avons constaté que ces enfants, qui aiment lire, ne
lisaient pas pour comprendre le sens du texte. Quand nous
leur avons demandé de deviner les mots manquants d'une
histoire, ou encore de détecter les mots absurdes que nous y
avions insérés, ils échouèrent assez nettement en comparai
son des enfants du groupe témoin. Par exemple, s'ils lisaient
une histoire naturaliste, ils ne cillaient pas en arrivant à la
phrase suivante : « Le hérisson pouvait sentir l’odeur des
fleurs électriques. » D'autre part, ils ne savaient pas trop com
ment remplir l'espace laissé libre dans la phrase : « Là,
remontant à la surface dans la pénombre, se trouvait un
jeune... mâle » alors que le contexte ne laissait aucun doute
sur le fait que le mot manquant fût « castor ». Ils pouvaient
très bien insérer le mot « cheval ». Cela fonctionnait locale
ment, quand la phrase était prise isolément, mais pas du
point de vue de la logique globale de l’histoire.
Kristina Scheuffgen, étudiante de troisième cycle à l'Unité
de développement cognitif du MRC de Londres, a mené des
recherches plus approfondies sur cette idée. Se pourrait-il
qu'en lisant une histoire, les enfants autistes fassent plus
attention aux mots pris isolément qu'à l'histoire dans son
ensemble ? Ses recherches en arrivent à la conclusion que tel
est bien le cas. Après leur avoir fait lire une histoire, on
demanda aux enfants s'ils avaient constaté la présence d’une
phrase du test dans l'histoire. La phrase pouvait être exacte
ment identique à celle qu'ils avaient lue, ou contenir un chan
gement infime dans l'ordre des mots, par exemple : « Les
enfants nagèrent ensemble dans la grotte », et : « Les enfants
nagèrent dans la grotte ensemble. » Les autistes parvinrent
beaucoup mieux à en juger que les dyslexiques qui avaient
aussi lu l'histoire. L’une des raisons pour lesquelles il est si dif
ficile de communiquer avec les autistes est donc qu'ils ne par
viennent pas à traiter les idées aussi bien que les autres lec
teurs. Par conséquent, le sens sous-jacent leur échappe.
Le langage courant
Le langage chez les individus atteints du syndrome
d’Asperger est fluide, clair, et grammaticalement complexe.
C'est également vrai d'un certain nombre d'individus dia
gnostiqués autistes à cause d'un retard de langage en bas
âge, mais qui ont par la suite acquis une grande aisance ver
bale. Jusqu'ici, on ignore si les individus autistes considérés
comme aptes et ceux atteints du syndrome d'Asperger se dif
férencient dans le domaine des capacités sémantiques et
pragmatiques. Il est clair que, sans tenir compte de leur dia
gnostic, ces personnes peuvent parfaitement s’exprimer à
l'oral comme à l'écrit sur des sujets touchant à leur domaine
d’intérêt particulier. L'une des plus connues est Temple
Grandin. Cette femme aux qualités d'expression exception
nelles peut vraiment témoigner de son expérience :
« Je réussis bien dans ma profession. Je voyage à travers les
États-Unis, l’Europe, le Canada et l’Australie afin de conce
voir des installations destinées au maniement du bétail
dans les ranchs, les élevages industriels et les conserveries
de viande. Les expériences que j'ai vécues m'ont donné de
l’empathie pour les animaux qui passent dans ces installa
tions, et cela m'aide à mieux concevoir les équipements.
Par exemple, les enclos et les glissières que je conçois sont
ronds. Je les conçois ainsi parce que le bétail suit plus faci
lement une trajectoire courbe. Il y a deux raisons à cela :
d'abord, le bétail ne peut pas voir ce qu'il y a à l’autre bout
et avoir peur et, deuxièmement, les équipements courbes
exploitent la tendance naturelle de l'animal à décrire des
cercles. Le principe consiste à travailler avec le comporte
ment de l’animal, et non contre lui. Je pense que le même
principe s’applique aux enfants autistes - il faut travailler
avec eux et non contre eux12. »
Il n'y a plus grand-chose à ajouter, après une description
aussi lucide et compétente.
Ceux qui côtoient de près des autistes aptes s'exprimant
bien remarquent souvent que leur façon de parler n'est pas
tout à fait normale, sans arriver à mettre le doigt sur ce qui
ne va pas. En voici un exemple éloquent, extrait de l’une des
nombreuses lettres écrites par Jay (celui-là même qui
inventa l'expression « tranche d’âge des élèves-infirmières »)
à Margaret Dewey. Dans ce passage, il analyse avec une
perspicacité remarquable les problèmes que lui posent les
subtilités sémantiques des mots.
« Je me demande si la voix de Jack est toujours aussi pleur
nicharde. Ma voix n'est pas pleurnicharde, mais elle l'était
quand j'étais à H. Je vous le disais aussi en juin dernier. À
l’origine, ma sœur Wanda a utilisé le mot “pleurnicharde”
pour parler d’une voix nasillarde. Pourquoi ? Je ne sais pas.
Elle l'a fait deux mois après avoir fini le lycée. J’ai l’ai
copiée. Un enfant autiste utiliserait justement le mot pleur
nicharde pour parler d’une voix nasillarde. L’expression
"voix pleurnichardes” n'est pas utilisée en société. Elle est
plutôt brusque et insultante, comme le mot "nègre” pour
parler des gens de couleur. Quand on parle d’un garçon ou
d'une fille dont la voix est pleurnicharde, on dit toujours :
"la voix de ce garçon ou de cette fille est nasillarde”, ce qui
est également vrai. Je m’excuse d'utiliser voix pleurnichar
des dans cette lettre. J'aurais dû utiliser voix nasillardes à
la place. C'est que je n’arrive pas à arrêter de penser à voix
pleurnichardes. »
L'auteur s'intéresse énormément - pour ne pas dire de
façon obsessionnelle - au sens de l'expression « voix pleur
nicharde ». Pour lui, elle fait référence à une qualité senso
rielle précise, à un phénomène purement perceptuel ou
comportemental. Cependant, il est clair qu'elle signifie plus
que cela. Ce « plus » ne peut être compris que si l'on se
demande pourquoi quelqu'un en viendrait à utiliser une
telle expression. Peut-être le locuteur tient-il à se plaindre
de la qualité d’une telle voix ? Mais la réponse ne se trouve
dans aucun dictionnaire, car elle est du domaine des inten
tions. Jay en a correctement déduit que « pleurnicharde »
est un terme péjoratif, mais il ne sait ni quand ni comment
l’utiliser. En ce sens, ce sont les nuances sémantiques qui
lui échappent. D’ailleurs, ceux qui sont familiarisés avec le
langage des autistes s’exprimant bien se plaignent souvent
de leur tendance à tout voir en noir et blanc. Ainsi, le rap
prochement entre « voix pleurnicharde » et « nègre » est
étrangement excessif, tandis que la différence entre « pleur
nicharde » et « nasillarde » est presque inexistante en ter
mes d'acceptabilité sociale. Les différences et les ressem
blances ne sont pas catégorielles, puisqu’elles dépendent
vraiment des circonstances. Bien que Jay ait beaucoup
réfléchi à ce problème, il ne lui est pas venu à l'esprit que le
simple fait de parler de la qualité de la voix de quelqu'un
pouvait être socialement déplacé.
Nous savons tous intuitivement que les mêmes mots,
prononcés avec des intentions différentes, peuvent prendre
des significations différentes, mais les autistes ne semblent
pas avoir ce sens intuitif. Pour eux, le sens des mots ne
change pas, quel que soit le contexte. L’ironie en est un bon
exemple ; les mots restent les mêmes, mais le sens change du
tout au tout.
Tout le monde s'accorde à dire que l’ironie est difficile,
voire impossible à maîtriser pour les autistes. Ils ont forte
ment tendance à s’arrêter au sens littéral des mots quels que
soient le contexte et leur goût de la précision, quand ils défi
nissent un terme, transparaît parfois dans leur capacité à citer
à la perfection les définitions du dictionnaire. Mais pour ce
qui est des nuances liées au contexte, c'est une autre histoire.
Pourtant, l'aptitude à saisir des nuances n’est pas un privilège
réservé à quelques individus sophistiqués. Elle est commune à
tous les utilisateurs normaux du langage, même si elle varie
avec la pratique et la culture. La détection des nuances, y com
pris l’ironie et le sarcasme, dépend fortement de la capacité à
reconnaître les intentions et les attitudes d’autrui. Étant donné
ce que nous savons de leurs capacités limitées d’attribuer des
états mentaux à autrui, les autistes ont besoin de faire un
immense effort pour apprendre à reconnaître les subtilités et
les variations de sens que l'on trouve couramment dans les
attitudes et les intentions d’un locuteur.
Illustration 7.4
fait que l’enfant ne tient pas compte de la raison pour
laquelle on lui a posé la question. Sa mère voulait vraiment
le sel. Cette situation rappelle tout à fait l’incapacité des
autistes à fournir des réponses adéquates à des questions
similaires.
On trouve partout des descriptions des difficultés
qu’éprouvent les autistes pour saisir les remarques désinvoltes
ou les mots d’esprit, car leur compréhension est extrêmement
littérale. À ce propos, Margaret Dewey a mené une enquête
informelle aux États-Unis, en utilisant des dessins humoristi
ques extraits de la revue New Yorker. Elle a constaté que même
les autistes les plus aptes et les plus instruits ne parvenaient
pas à comprendre ces dessins, ni à les trouver drôles. Les
déclarations des autistes sont elles-mêmes parfois longues et
pédantes, et comportent souvent des expressions toutes faites.
Elles peuvent être perçues comme inadéquates, impolies, ou au
contraire obséquieuses. Ainsi, un jeune autiste qui téléphone
souvent à sa tante préférée, ne manque jamais de s’annoncer
en disant : « C’est M. C. Smith, ton neveu, à l’appareil. »
Voici un dernier exemple des vicissitudes de ces deux types
de communications, la communication littérale et la communi
cation normale, intentionnelle. Il est extrait de la délicieuse
comédie intitulée Bienvenue Mister Chance. Le héros de cette
histoire est un homme candide, mentalement handicapé et sans
nul doute autiste, incarné par Peter Sellers, qui devient le gou
rou d’un groupe de gens sophistiqués et crédules. Ils ne savent
rien de lui, mais sa simplicité et son ingénuité les emplit du
plus grand respect à son égard. Chacune de ses déclarations
(faites d’une voix lente et posée) est une vérité d’évidence, un
truisme. Malgré cela, elles sont reçues avec empressement,
richement interprétées et investies d’une signification profonde.
Quant au héros, il ne se rend absolument pas compte de l’effet
qu’il produit. Le sérieux de cette comédie des malentendus tient
à ce que la littéralité autistique agit comme un miroir pour ceux
qui mentalisent et interprètent le moindre message comme bon
leur semble. Ici, pour une fois, notre capacité de mentalisation
est montrée dans le but de tous nous tourner en ridicule.
CHAPITRE 8
L 'intelligence
et les ta le n ts ex cep tio n n els
Uta
bu éixuuba-
Les cubes
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, une
des forces les plus étudiées chez les autistes est l'excellence
de leurs résultats au test des cubes de Kohs. La principale
caractéristique commune à ce test et à celui des figures
cachées est que l'on doit y morceler une grande forme géo
métrique, une gestalt, en petites unités. La grande forme doit
être reproduite avec des petits cubes de construction. Les
dessins représentés sur chaque cube sont de fait analogues à
des figures cachées. Il faut les « trouver » pour reconstituer
le dessin d’ensemble. Le premier problème qui se pose au
sujet est donc de diviser le dessin d’ensemble en segments
adéquats. Cette activité n’a que peu de rapport avec l'idée
qu'on se fait généralement des aptitudes spatiales. Mais il se
pourrait qu’il ait beaucoup à voir avec la cohérence centrale
postulée dans les processus centraux de pensée de haut
niveau. Si les enfants autistes montrent les signes d’une fai
ble cohérence, ils devraient être moins portés à percevoir le
dessin comme un tout, et la première étape de la segmenta
tion mentale ne devrait pas leur poser problème.
Il se peut que les jeunes enfants normaux trouvent le test
des cubes difficile pour la même raison qui fait qu'ils ont du
mal à réussir le test des figures cachées. Leur système cogni
tif est prédisposé à opérer d'emblée avec un fort besoin de
cohérence centrale. Cela peut leur demander plusieurs
années avant d'arriver à contrôler une force cohésive centrale
de haut niveau. Il se peut que cela vaille aussi pour les
enfants retardés non autistes. À l’opposé, les enfants autistes
semblent manquer de cette force cohésive centrale et il se
pourrait qu’ils ne l'acquièrent jamais.
Si tel est le cas, alors il devrait être possible d'améliorer
les performances des jeunes enfants normaux et des enfants
retardés aux tests des cubes, tout simplement en faisant le
travail de segmentation à leur place. Or, pour abolir un fort
besoin central de cohésion, il suffit de mettre en évidence,
dans le dessin d’ensemble, les composants qui apparaissent
sur les cubes, par exemple en les dissociant (illustration 9.2).
Amitta Shah a introduit expérimentalement ce type de mani
pulation dans une série de nouveaux dessins destinés à être
reproduits par des enfants autistes et non autistes7.
Les résultats corroborent les prévisions. La segmenta
tion préalable du dessin a amélioré de façon spectaculaire les
performances des enfants non autistes, qu'ils soient normaux
ou retardés mentaux. En revanche, cela a peu influé sur la
performance des autistes aptes, qui étaient extrêmement
rapides, même en présence de dessins non segmentés.
La mémoire machinale
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les
autistes ont une mémoire machinale supérieure. Mais ce
qu'ils gardent en mémoire semble curieusement fragmenté.
Le grand écrivain Jorge Luis Borges nous a fourni une méta
phore puissante de la relation entre mémoire du détail et
expérience fragmentaire. Son récit « Funes ou la mémoire »,
est l'histoire fictive d’un garçon à la mémoire phénoménale,
conséquence d’une lésion du cerveau8. Ce garçon rebaptise
chaque nombre du système numéral d’un nom arbitraire. Il
lui faut représenter la succession d’événements totalement
différents dont il est témoin. La phrase suivante suffit à mon
trer comment le récit met en avant la souffrance qui découle
de cet état : « Ça le dérangeait que le chien de trois heures
quatorze (vu de profil) portât le même nom que le chien de
trois heures quinze (vu de face). » Funes avait la capacité,
assimilable à un fardeau, de représenter et d’emmagasiner
toutes ces expériences très légèrement différentes.
Un mnémoniste ayant réellement existé, S., étudié et
décrit par le grand neuropsychologue russe Alexandre Luria9,
ressemble de façon troublante au cas fictif de Borges.
S. avait la capacité de mémoriser de longues séquences d’évé
nements apparemment sans lien les uns avec les autres. Ce
don était si extraordinaire qu’il finit par se produire en
public. Quand Luria lui soumit un jour une suite de nombres
sur un morceau de papier, classés dans un ordre croissant, il
mémorisa les nombres comme s'ils étaient apparus dans le
désordre. Quand la question lui fut posée par la suite, il
déclara que sur le moment il ne s’était pas rendu compte que
les nombres étaient arrangés sous forme de séquence simple.
Cet exemple nous rappelle qu’une capacité de mémoire
plus limitée éprouve le besoin d'agréger des éléments isolés en
unités cohérentes plus larges. Les éléments isolés peuvent être
récupérés par la suite, si nécessaire. Par exemple, l’informati
cien de votre entreprise vous demande, pour des raisons de
sécurité, de choisir un mot de passe composé d'une suite aléa
toire de symboles. Il vous conseille d’éviter les dates ou les
noms faciles à se rappeler, dans la mesure où un tel mot de
passe pourrait aisément être percé à jour. Cette requête aug
mente le risque d’oubli, l'une des astuces pour contourner le
problème étant de créer des phrases ou des images facilement
mémorisâmes à partir d'une séquence aléatoire de symboles.
On peut choisir une phrase et retenir la première lettre de cha
que mot. « Prends la ligne 1 du métro à 8 heures » devient
« Pllldma8h ». On retient mieux la séquence aléatoire sous la
forme d'une phrase parce qu’une phrase est plus cohérente
qu'une bribe d'information dénuée de sens. Sans cohésion de
haut niveau de ce type, les bribes d’information resteraient à
l’état de bribes et risqueraient d'être oubliées.
La mémoire machinale supérieure qui se fonde sur de
petits éléments, et la mémoire ordinaire qui se fonde sur de
grandes unités cohérentes donnent une petite idée des avanta
ges et des inconvénients des deux stratégies, la fragmentaire et
la globale. Quand nous tentons de trouver la bonne clé dans
un trousseau où elles se ressemblent toutes, ou que nous
essayons de localiser une rue sur un plan, la stratégie frag
mentaire est utile. D'un autre côté, quand nous tentons de syn
thétiser une longue lecture, ou que nous essayons de compren
dre un message ambigu, c'est la stratégie globale qui est utile.
Détachement et cohérence :
une vue d'ensemble
Dans la première édition de cet ouvrage, je fus encoura
gée par John Morton, alors directeur de l’Unité de développe
ment cognitif du MRC de Londres, à exprimer mes idées sur
la cohérence centrale à la manière d'une théorie « adulte ».
Son exemple ayant conduit à l'émergence d’idées théoriques
originales qui générèrent de nouvelles recherches, John Morton
est sans aucun doute responsable de la place importante
qu'occupe cette partie dans le livre, qui a effectivement per
mis de générer de nouvelles données empiriques. En hom
mage aux dernières recherches qui ont remis ma théorie en
question, j'ai laissé la partie qui suit, dans laquelle je décris
mon hypothèse d’origine, presque inchangée.
Nous disposons à présent de données suffisantes pour
énoncer une hypothèse sur la nature du dysfonctionnement
intellectuel à propos de l'autisme. En effet, nous pouvons
dire qu’il existe normalement, dans le système cognitif, une
propension innée à rendre cohérents entre eux une gamme
aussi large que possible de stimuli différents, et à effectuer
des généralisations couvrant une gamme aussi large que pos
sible de contextes différents. C'est cette force qui engendre
les grands systèmes de pensée et c'est cette capacité d’assurer
la cohérence qui se trouve diminuée chez les enfants autistes.
Il s’ensuit que leurs systèmes de traitement de l'information,
ainsi que leur être tout entier, se caractérisent par un pro
fond détachement.
Techniquement, le terme « détachement » se réfère à une
qualité de pensée. Le détachement pourrait être dû soit à un
manque de cohérence globale, soit à une résistance à cette
cohérence. Mais le détachement autistique n’est pas un déta
chement délibéré, du type de celui qu’encourage une éduca
tion formelle, et qui va de pair avec l’objectivité scientifique.
En effet, le détachement délibéré présuppose la cohérence et
résulte d’une réflexion sur la cohérence. Dans le langage cou
rant, faire preuve de détachement signifie être objectif et ne
pas se laisser impressionner, ce qui implique également un
certain détachement social. Le fait que l’on retrouve ici le
détachement social n’est pas pure coïncidence. Cependant, les
causes du détachement autistique sont tout autres, car il est
irréfléchi et résulte d’un manque de cohérence.
L’hypothèse de l’existence d’une faiblesse au niveau de la
cohérence centrale permet de rendre compte des résultats
exceptionnels obtenus par les enfants autistes avec les cubes et
les figures cachées. Elle permet également d’expliquer les
exploits de mémorisation réalisés par ces enfants. Il nous reste
donc à voir jusqu’à quel point elle rend compte des échecs spé
cifiques enregistrés au cours du test de compréhension. Quant
aux mauvais résultats obtenus par les jeunes enfants non
autistes et par les individus non scolarisés aux tests des cubes
et des figures cachées, ils s’expliquent par une propension
naturelle de la pensée à engendrer de la cohérence au niveau
central, qu’ils n’ont pas encore appris à contrôler. Tant au
cours d’une simple conversation qu’en essayant de compren
dre des questions et d’y répondre, chacun de nous s’efforce
d’assurer une cohérence non pas locale, mais une cohérence
de haut niveau, globale, de l’information.
Lorsque ce besoin de cohérence centrale opère normale
ment, il oblige l’être humain à chercher avant tout à com
prendre le sens des choses. Par conséquent, nous pouvons
facilement séparer ce qui est logique de ce qui ne l’est pas.
Car le fait de nous occuper de choses absurdes est contraire
à notre nature. Malgré les traitements mentaux intenses que
cela demande, nous nous rappelons l'essentiel d'un message
plutôt que les mots exacts. Et nous nous en rappelons encore
mieux si nous pouvons l’insérer dans un contexte plus géné
ral. Ce besoin d’insérer l’information dans un contexte tou
jours plus général constitue une autre manifestation de la
force de cohésion centrale de haut niveau. Il faudra encore
effectuer beaucoup de recherches avant de pouvoir préciser
l'action de cette force.
La capacité de comprendre les choses, de voir de la logi
que et des structures partout, nous est très utile. Mais d'un
autre côté, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous en
servir. Par conséquent, cette capacité constitue à la fois un
prolongement et une limitation de notre capacité de traite
ment de l’information. N’oublions pas qu’en ce qui concerne
les contradictions internes à nos croyances, nous sommes
énormément limités. La cohérence globale n'est qu’un rêve
inaccessible, peut-être tout aussi inaccessible à l’individu
normal que l'absence de cohérence.
Pour mettre en évidence notre capacité de comprendre,
j’ai décrit ici des expériences portant sur la signification et la
structure de divers types de séquences. Ces expériences font
appel à un matériel très varié. Mais elles ont toutes un déno
minateur commun, à savoir le contraste existant entre des sti-
muli non reliés entre eux et des stimuli fortement connectés.
Dans un premier type d’expériences, nous avons comparé des
séquences de mots pris au hasard et des séquences de mots
liés entre eux (en vertu d'une signification sous-jacente). Dans
un deuxième type d'expériences, nous avons présenté des sons
dépourvus de sens, soit dans le désordre, soit dans un ordre
prévisible (en vertu de la structure sous-jacente de la
séquence). Quant au troisième type d’expériences, il était
fondé sur l’utilisation de formes soit isolées, soit insérées dans
un dessin plus vaste (et donc reliées au niveau de ce dessin
d'ensemble). Le fil qui nous guide à travers tous ces résultats
est le fait que les enfants autistes s’acquittent très bien de tou
tes les tâches où les stimuli doivent être isolés - ce qui favorise
le détachement -, et échouent dans celles où les stimuli doi
vent être reliés - ce qui favorise la cohérence. En revanche,
chez les jeunes enfants normaux et les enfants retardés, ainsi
que chez les enfants normaux plus âgés, mais non scolarisés,
provenant de milieux culturels différents, la situation est com
plètement inversée. Par conséquent, nous pouvons supposer
qu'il existe une force centrale de cohésion, et que cette force
constitue l’une des caractéristiques naturelles et utiles du sys
tème cognitif. Et nous pouvons également supposer que cette
force est nettement affaiblie chez les individus autistes.
Rétrospectivement, nous découvrons que les résultats
présentés au cours de ce chapitre permettent d'expliquer le
profil caractéristique des aptitudes propres à l'autisme au
moyen d’une hypothèse à la fois simple et puissante : la fré
quence d'une faible cohérence centrale. Cette hypothèse ne
se borne pas à redire sous une autre forme qu’il y a des pics
et des creux dans les résultats des tests. C’est bien l'ensemble
du profil des aptitudes qui devient intelligible si l'on consi
dère qu'il est dû aux préférences particulières d’une caracté
ristique dynamique des processus centraux de la pensée, opé
rant aux niveaux les plus élevés.
Idées nouvelles
Un modèle cognitif
La vue d’ensemble de 1989 est encore valable d'une cer
taine façon. Néanmoins, de nouveaux travaux l'ont enrichie et
ont commencé à la modifier. Les recherches de Francesca
Happé, en particulier, y ont apporté des changements. Happé
a démontré que les effets de la cohérence centrale ne peuvent
seulement être vus dans les tâches de haut niveau, comme cel
les consistant à extraire le sens d'une phrase, mais aussi dans
les tâches visuelles de bas niveau12. Elle a décrit le type de
cohérence centrale agissant sur le contexte visuel immédiat
qui crée les illusions d'optique. L’illusion d’Ebbinghaus (précé
demment attribuée à tort à Tichener) en est un exemple dont
l'illustration 9.3 nous donne un aperçu. Là, les cercles du
milieu dans les deux dessins sont de taille identique. Pourtant,
l’un est perçu comme étant plus grand que l'autre.
« Systémisation »
Simon Baron-Cohen et son groupe de Cambridge ont
fait état de conclusions similaires concernant les parents
d’individus autistes, en partant d'un principe légèrement
différent15. Il identifie un modèle de traitement de l'informa
tion qu'il baptise « systémisation », et qui repose sur une
compréhension intuitive du fonctionnement mécanique des
choses, et sur une préférence pour l'information relative au
monde physique plutôt que psychologique. De cette façon,
Baron-Cohen étudie un modèle particulier de traitement de
l’information, combiné à un contenu particulier d’informa
tions. Le modèle et le contenu de ces informations sont
adaptés non seulement aux autistes mais aussi aux gens nor
maux, et sans aucun doute aux « geeks » des temps moder
nes. Le genre d’informations qu’un « geek » pourrait systémi-
ser touche par exemple aux appareils photos numériques, à
leurs caractéristiques, leur disponibilité, et leur coût.
Baron-Cohen oppose la systémisation à l’empathie, qui
fait référence à l'attribution des états mentaux, et est identi
que à la mentalisation. À l’aide de tâches expérimentales qui
sollicitent ces deux types d'aptitudes, il a découvert que,
comme attendu, les individus autistes font preuve d’une
excellente capacité de systémisation mais d'une faible capa
cité d'empathie. Ces deux modèles cognitifs sont délimités
par les différences traditionnelles entre hommes et femmes,
et aussi entre les sciences et les humanités. En effet, Baron-
Cohen a découvert qu’il y a une prépondérance, chez les
pères d’enfants autistes, d’ingénieurs, d'informaticiens et de
scientifiques. Il recherche désormais activement les mar
queurs biologiques qui distinguent les systémiseurs16.
Y a-t-il contradiction entre une faible cohérence cen
trale, un modèle fragmentaire de traitement de l’information,
et la systémisation ? Le terme de systémisation implique un
rapport étroit avec la notion de structure. Toutefois, la systé
misation est compatible avec une faible cohérence centrale :
les systémiseurs accumulent l'information sous forme de
taxinomies autolimitées indépendantes les unes des autres.
Un exemple de taxinomie autolimitée indépendante serait la
structure du calendrier que le savant construit au coup par
coup, en commençant par les jours, puis les semaines, puis
les mois, puis les années. Tout comme les cristaux, ces peti
tes unités d'information peuvent se transformer en systèmes
à partir d'une seule graine dont les structures s’autoreprodui-
sent pour donner de grandes et belles constructions. De cette
façon, elles produisent automatiquement un système cohé
rent régi par des lois.
Le fascinant exemple d'Elly Park illustre la coexistence
d'une faible cohérence centrale et d’une forte cohérence
locale17. Elly était très attentive aux ombres parce quelles
étaient importantes et signifiaient beaucoup à ses yeux, et
quelles étaient révélatrices de son état d'esprit. Quand Elly
voyageait et changeait de fuseau horaire, elle s'inquiétait de
constater qu'à six heures du soir l’inclinaison de son ombre
n'était pas la même que chez elle. Elle n'arrivait pas à se
détendre avant que sa mère lui explique que lorsque sa mon
tre indiquait six heures, il n’était que cinq heures à l'endroit
où elles se trouvaient. Cet exemple démontre que le système
de pensée d’Elly qui reliait les ombres aux heures de la jour
née était régi par des lois précises et cohérentes. Cela la
gênait vraiment de constater des écarts inattendus. Néan
moins, son système était étroit et autonome. Par exemple, la
longueur des ombres d'autrui ne faisait pas partie de son sys
tème et ne présentait aucun intérêt pour elle. L’étendue du
système d'Elly n’était pas seulement limitée, mais aussi diffi
cile à partager avec autrui. Elly n’était pas capable de voir
son système pour ce qu'il était : un fragment d'un ensemble
plus large de réalités, qui a besoin de s'étendre et de se modi
fier. Cette capacité repose sur une forte cohérence centrale
croisée avec de grandes quantités d'information.
S en satio n s et ré p étitio n s
Le contrôle de l'attention
Les enfants autistes ont une attention particulière, pas
un défaut d'attention. Le problème n’est pas qu’ils sont dis
traits, mais plutôt qu’ils concentrent leur attention sur des
choses étranges, et que rien ne peut les détourner de leurs
intenses préoccupations. En même temps qu’ils ont le pou
voir de produire un gros effort d’attention, il leur manque la
fonction permettant de réguler la souplesse de leur attention.
Mais qu'est-ce qui permet de réguler l'attention ? Comment
savoir ce qui est assez important pour mériter notre atten
tion ? Il doit exister un composant exécutif de haut niveau
qui choisit, au sein de la masse de sensations entrantes, cel
les qui méritent notre attention. Des problèmes peuvent sur
venir si cette commande descendante n'est pas suffisamment
claire et décisive. Néanmoins, les difficultés dans le contrôle
de l'attention peuvent aussi être causées par un arrêt des pro
cessus ascendants, qui survient peut-être en raison d’une sur
charge de détails.
Il semble souvent que les enfants autistes soient incapa
bles de prêter correctement attention à des informations
présentées simultanément, et que, par conséquent, ils ne
choisissent qu'un aspect très étroit de ces informations.
C'est l’hypothèse dite de « sursélectivité du stimulus3 ». Cela
explique idéalement pourquoi les enfants autistes fixent sou
vent leur attention sur des détails minimes de leur environ
nement tout en ignorant des caractéristiques plus importan
tes. Par exemple, il leur arrive de se concentrer sur une
boucle d'oreille sans prêter aucune attention à la personne
qui la porte. Cela pourrait constituer un exemple de sur
charge d'information. Cependant, le contraire pourrait éga
lement être vrai : nous nous rappelons tous avoir un jour
remarqué, sur un plafond par exemple, des fissures jusque-
là passées inaperçues, ou encore des marques sur une sur
face quelconque. Mais en fait, cela nous arrive lorsque nous
nous ennuyons, c'est-à-dire plutôt à cause d'une « sous-
charge » d'information. Le cas d'un garçon autistique dont
la fascination pour les étoffes datait de l’époque où il avait
dû assister à des représentations scéniques dans son école
illustre bien cette idée. Comme ces spectacles - pièces de
théâtre ou discours - n'avaient pour lui aucun sens, il se
concentrait sur les ondulations du rideau, qui de plus deve
naient particulièrement fascinantes sous les lumières multi
colores des projecteurs.
Sur quoi faut-il porter notre attention ?
Quels sont les stimuli susceptibles de capter l’attention
d’un individu qui n’a aucune idée de ce qui mérite son atten
tion ? Que devient le rôle de l’attention dans un esprit qui fait
peu de cas de la cohérence centrale ? Weeks et Hobson ont
réalisé une expérience qui a démontré que les stimuli peuvent
avoir une importance différente selon qu’ils touchent des
enfants normaux ou autistes4. Ces chercheurs ont demandé à
des enfants de trier les portraits de diverses personnes. Le tri
pouvait se faire soit d’après l’expression du visage de la per
sonne représentée - gaie ou triste -, soit suivant quelle portât
ou non un chapeau. Au premier essai, les enfants autistes
avaient tendance à trier les portraits en fonction de la pré
sence ou de l’absence de chapeau, tandis que les enfants non
autistes les triaient d’abord en fonction de l’expression faciale.
Au deuxième essai, chacun des deux groupes triait les por
traits selon la caractéristique non encore utilisée. A l’évidence,
tous les enfants étaient capables de réaliser le tri des deux
façons, mais l’importance relative des deux caractéristiques
n’était pas la même dans les deux groupes.
Pourquoi leur attention était-elle captée par des caracté
ristiques différentes ? Peut-être un esprit au fonctionnement
normal est-il prédisposé par ses pôles d’intérêt et son expé
rience à donner la priorité à des stimuli sociaux tels que les
visages. Les chapeaux auraient une moindre importance,
parce qu’ils ne sont que des attributs provisoires. En revan
che, en vue de l’objectif à court terme qui consiste à classer
un petit ensemble de portraits, il se peut que le port du cha
peau constitue une caractéristique plus frappante. Les visa
ges ne semblent pas attirer spontanément l’attention des
enfants autistes. La preuve de ce que les enfants autistes
souffrent d’un manque d’attention spécifique à l’égard de sti
muli sociaux tels que les gens, mais pas à celui de stimuli
non sociaux tels que les objets, nous vient des recherches sur
l’autisme menées par Géraldine Dawson5.
L'un des thèmes récurrents des biographies d’individus
autistes est le fait que certains stimuli paraissent exercer sur
ces individus une fascination inexplicable, tandis que
d'autres, normalement considérés comme intéressants et
saillants, semblent les laisser indifférents. Par exemple, la
petite Elly, âgée de 12 ans (et dont nous avons parlé dans les
chapitres précédents) s'intéressait de façon obsessionnelle
aux couleurs, à la lumière et aux nombres.
« Le soir, lorsque Elly met la table, elle place un grand
verre à côté de son assiette. Il est vert - c'est sa couleur pré
férée - et divisé en huit niveaux égaux par des stries déco
ratives. C'est dans ce verre qu'elle verse son jus. Ce dernier
est également vert. La plupart du temps, elle remplit le
verre jusqu'au sixième ou septième niveau [...] le niveau
exact est déterminé par le type de journée selon le temps
qu’il fait et les phases de la Lune6. »
Temple Grandin, dans le récit autobiographique de son
enfance autistique, parle de cet intérêt pour des choses aux
quelles la plupart des gens ne prêtent quasiment aucune
attention.
« J’aimais aussi passer des heures assise à chantonner, tout
en faisant tournoyer des objets ou, à la plage, en faisant
couler du sable à travers mes doigts. Je me rappelle que
j’examinais intensément le sable, comme un chercheur
regardant un spécimen au microscope. Je me revois obser
vant, jusque dans les plus petits détails, comment s’écoulait
le sable, ou combien de temps pouvait tourner sur lui-même
le couvercle d'un pot suivant la vitesse à laquelle il avait été
lancé. Mon esprit était activement engagé dans ces activités.
Je me concentrais sur elles et oubliais tout le reste7. »
Ces deux récits de personnes très différentes nous prou
vent que des caractéristiques secondaires de notre environne
ment peuvent accaparer l’attention de l’autiste. Ils font aussi
référence au lien entre sensations, restrictions et répétitions.
Explication du caractère stéréotypé
des activités et des pensées
Les comportements répétitifs sont un des critères princi
paux du diagnostic de l’autisme. Us ne sont pourtant pas seu
lement associés à l'autisme. Les comportements répétitifs
sont depuis longtemps considérés comme l’une des compo
santes habituelles de la folie. En 1899, Kraepelin citait les
stéréotypies parmi les symptômes caractéristiques de ce qu’il
appelait la dementia praecox, connue plus tard sous le nom
de schizophrénie. Les mouvements stéréotypés sont fré
quents chez les patients souffrant de graves troubles neurolo
giques, en particulier ceux touchant le système cérébral qui
connecte les lobes frontaux à une structure plus profondé
ment enfouie dans le cerveau, et qu'on appelle striatum en
raison de son apparence striée.
Les stéréotypies ne concernent pas seulement les mouve
ments et les gestes, mais aussi la pensée, où elles sont, par
conséquent, invisibles. La définition et la classification des
actes et des pensées répétitifs reste peu satisfaisante, et des
appellations telles que stéréotypie, maniérisme, persévéra
tion, obsession ou compulsion sont souvent interchangea
bles. D'ailleurs, il se pourrait bien qu’il n'existe aucune base
solide permettant de les distinguer. Après tout, seule une
analyse introspective est susceptible de déterminer si un acte
répétitif est ou non une compulsion, et si les individus y
opposent une résistance.
Bien des gens ordinaires se livrent à des mouvements
répétitifs et à la rumination. Néanmoins, une étude a montré
que la seule présence d’autres personnes autour de soi fait
diminuer la quantité de mouvements répétitifs auxquels se
livrent les étudiants de premier cycle quand ils attendent
avec nervosité de passer un examen8. Chez les gens normaux,
un comportement stéréotypé est socialement indésirable
sans doute parce qu’il est le signe que l'on s'ennuie ou que
l’on fait preuve d'inattention. Dans le cas des autistes, la pré
sence d'autres personnes autour de soi a un effet moins inhi
bant sur les stéréotypies.
Mais pourquoi y a-t-il des actes répétitifs ? En fait, une
machine vivante comme le cerveau humain ne s'arrête
jamais. Elle réagit constamment à des stimuli. Et même
lorsqu'elle ne réagit pas, elle continue de tourner, tel un
moteur au point mort. Les déficiences cérébrales corres
pondent souvent à une incapacité de l’organisme de répon
dre rapidement et avec souplesse. Mais le moteur cérébral
continue de tourner. Souvent, cette activité n'a pas de but
précis, et semble se composer de boucles de comportement
sans cesse réitérées. De telles boucles existent également
chez les individus tout à fait normaux. Faire les cent pas,
tambouriner avec ses doigts, chantonner, se balancer, se
gratter, se ronger les ongles, ruminer des idées, sont autant
de stéréotypies inutiles, mais non pathologiques, qui font
partie du répertoire de tous les êtres humains. La liste en
est longue et comprend tous les fragments d’action (et de
pensée) possibles et imaginables. Le fait que des stéréo
typies surviennent dans des situations de stress a suscité
l’hypothèse selon laquelle les mouvements et les pensées
répétitifs feraient partie d’un mécanisme homéostatique qui
contrôle le niveau d'excitation. Mais les stéréotypies ne
réduisent pas nécessairement l'excitation9. Au contraire,
elles ont souvent tendance à l’exacerber. En tant que régu
lateurs d'états internes, les répétitions semblent donc extrê
mement inefficaces. On peut même dire quelles apparais
sent plutôt comme la conséquence d’un empressement à
passer à l'acte.
Du fait de leur observation chez les patients atteints de
troubles neurologiques et chez les animaux de laboratoire,
nous pouvons établir un rapport entre les répétitions et les
mécanismes du cerveau. C’est pourquoi ce domaine de
recherche a été productif quand il s’est agi d’établir des liens
entre symptômes autistiques et anomalies du cerveau10. La
neuroscientifique Ros Ridley, qui travaille à Cambridge,
dresse un pont entre les comportements stéréotypiques et la
persévération, dans la mesure où ils impliquent tous les deux
un comportement conditionné par les stimuli et une palette
comportementale restreinte11. Elle en conclut que le compor
tement stéréotypique est peut-être dû à un excès de dopa
mine dans le ganglion basal, tandis que la persévération est
peut-être due à un niveau inadéquat de dopamine, possible
ment causé par des lésions des lobes frontaux. Ces conclu
sions s'accordent remarquablement avec la théorie du dys
fonctionnement dopaminergique de Damasio et Maurer, la
première théorie neurologique de l'autisme, qu’ils ont propo
sée dès 197812. Étrangement, de nombreux troubles diffé
rents, y compris les troubles déficitaires de l'attention, le syn
drome de la Tourette et la schizophrénie, sont concernés à
des degrés divers par le système dopaminergique13. Le déficit
de dopamine pourrait aussi expliquer le fait, fréquemment
observé, qu’une personne puisse éprouver des difficultés à
initier une action, de même quelle pourrait expliquer le fait
d’interrompre une action en cours, phénomènes également
observés chez les patients atteints de la maladie de
Parkinson14.
Les personnes atteintes d’une lésion du lobe frontal
démontrent une persévération des attitudes qui n’est pas
sans rappeler celle des autistes. De plus, ils ont en commun
des troubles de l’attention de niveau supérieur, tels qu'une
incapacité à exécuter des actions complexes de leur propre
initiative. On raconte sur le compte des patients souffrant
de lésions des lobes frontaux des histoires très proches de
celles qui concernent les autistes. Ainsi, une patiente qui
avait obtenu d’excellents résultats aux tests de QI avait du
mal à se débrouiller toute seule. Quand elle faisait des cour
ses, elle remplissait systématiquement son panier de sa
nourriture favorite, même si elle en avait déjà un stock
entier chez elle. Quand elle faisait la cuisine, elle n'arrivait
pas à faire deux choses en même temps, même porter de
l’eau à ébullition tout en épluchant les pommes de terre. En
revanche, quand elle avait la liste des courses à la main ou
qu'elle suivait à la lettre les instructions de son livre de
recettes, elle s'en sortait bien.
Activités répétitives et rigidité
Les activités répétitives complexes sont encore plus
caractéristiques de l’autisme que les stéréotypies motrices et
mentales simples. Elles font intervenir des unités d’action
plus étendues et ne se limitent pas à de simples mouvements
de lèvres, balancements ou déambulations. Mais à défaut de
définition précise, seule l'évaluation clinique permet actuelle
ment de déterminer si un comportement répétitif est ou non
complexe. Il est généralement admis qu’une activité répéti
tive complexe doit être plus qu’un bref fragment d'action, et
quelle doit inclure de longues séquences de pensées ou de
fixations éventuellement complexes. Voici une liste d’exem
ples typiques, extraite d'une lettre écrite par la mère d'un
garçon autiste :
« Je ne sais pas exactement à quand remontent les obses
sions de John, mais je pense qu’il avait environ 3 ans
lorsqu’il commença à introduire tout ce qu'il avait sous la
main dans notre boîte aux lettres, dans celles des autres
- et même dans celles de la Poste. À ce comportement suc
céda rapidement une passion pour les sonnettes, qu'il
actionnait sans arrêt. Entre 4 et 7 ans, il s’intéressa surtout
aux « lampes métèques » - autrement dit, aux réverbères. Il
se postait à la fenêtre, à la tombée de la nuit, pour les voir
s’allumer tous ensemble. Au cours de sa quatrième année,
il se mit à s’intéresser énormément aux reflets renvoyés par
les vitres des fenêtres et les surfaces brillantes. Il adorait se
promener avec une loupe ou des jumelles. Placer de petites
chevilles de couleur dans les trous prévus à cet effet - ainsi
que dans n'importe quel trou semblable - constituait égale
ment une activité extrêmement absorbante. Puis, lorsqu’il
eut environ 6 ans, il commença à s’intéresser aux autobus.
Bien sûr, il avait sa collection d'autobus, mais si je ne com
mençais pas moi-même à jouer avec eux, il se bornait à les
manipuler. Une autre de ses occupations consistait à distin
guer les bus qui passaient. Il y avait un type de bus avec un
escalier au milieu et un toit blanc, et John s'énervait beau
coup si jamais l’escalier se trouvait devant et que le toit
était jaune. »
Ni le contenu, ni la qualité des centres d’intérêt particu
liers ou des activités répétitives particulières n’ont été systé
matiquement étudiés. Des aspects tels que la rigidité, la
persévération ou la résistance au changement demeurent lar
gement inexplorés. Mais nous disposons tout de même de
quelques indices. Ainsi, j'ai moi-même réalisé une expérience
afin d'étudier la façon dont les jeunes enfants créent des
formes15. Pour cela, j’avais remis à chaque enfant soit deux,
soit quatre tampons imbibés d’encres de plusieurs couleurs,
de sorte qu’il leur suffisait de les presser à leur guise sur un
ensemble de boîtes pour obtenir des empreintes. J’encoura
geai également les enfants à jouer librement avec un xylo
phone qui comportait soit deux, soit quatre barres.
Aujourd’hui, ces expériences pourraient très facilement être
mises en œuvre sous forme de jeux informatiques, mais dans
les années 1960, une telle idée aurait été considérée comme
de la pure science-fiction.
Les formes colorées et les airs de xylophone produits
par les enfants autistes n’avaient rien de joyeux ou de libre,
mais étaient extraordinairement rigides. Par exemple, les
enfants n'utilisaient que de l’encre rouge sur l'ensemble des
boîtes, ou ne tapaient que sur une barre du xylophone à la
fois. Au cours de ces études, j'observai aussi une autre
caractéristique remarquable. Quand on leur donnait un
xylophone à quatre barres, les autistes ne les utilisaient
presque jamais toutes les quatre. On retrouvait exactement
le même comportement restrictif avec les motifs colorés :
certains autistes n’utilisaient qu'une seule couleur, d’autres
seulement deux. Ce n’était pas le cas des enfants non autis
tes mentalement retardés, ni des jeunes enfants normaux
en âge préscolaire qui prirent part à l’expérience en se ser
vant de tout le matériel disponible sans la moindre restric
tion. Ce que suggèrent ces études, c'est que le comporte
ment spontané n’est pas aléatoire, mais possède une
structure finie qui lui est propre. Bien sûr, on remarque
souvent que les individus autistes ont un comportement
rigide et restrictif dans la vie de tous les jours. Par exemple,
ils sont connus pour remettre chaque objet de leur chambre
à sa place tous les jours, rituel qui ne peut être interrompu
sans déclencher de violentes colères. On rapporte le cas de
deux garçons qui ont, des années durant, exclusivement
mangé l’un des sandwichs au pain blanc, l'autre des pâtes
séchées.
Le cerveau au repos
L’anatomie du cerveau est de toute évidence complexe,
et en raison de sa structure tridimensionnelle il est difficile
d’en visualiser certaines régions. L’illustration 11.1 nous en
donne un aperçu. Un grand ensemble de clichés anatomi
ques est consultable sur Internet, et j’ai moi-même utilisé les
sites suivants, que je remercie avec gratitude :
http://www.uni-ulm.de/uni/fak/medizin/auz/hirn.htm
http://www9.biostr.washington.edu/
http://medstat.med.utah.edu/kw/brain_atlas/mri/
http://ric.uthscsa.edu/projects/talairachdaemon.html
Cortex
Cervelet
Lobe temporal
Le cervelet
Le cervelet est une structure ancienne et importante de
la partie postérieure du cerveau, et d'une importance vitale
pour différentes fonctions motrices et cognitives. L'illustra
tion 11.2 montre une vue schématique et imaginaire de la
coupe sagittale médiane d’un cerveau. Margaret Bauman a
trouvé des anomalies des régions postérieures et inférieures
dans les deux hémisphères cérébelleux, associées à une réduc
tion significative du nombre de cellules14. Eric Courchesne, de
l'Université de Californie, à San Diego, après avoir utilisé des
scans structuraux permettant une mesure directe de sa taille
et de son volume, a constaté que la partie médiane, le ver-
mis, était plus petite chez les autistes15. Les conclusions de
Courchesne ont suscité une immense polémique, et plusieurs
études contradictoires en sont depuis arrivées à la conclusion
que le vermis du cervelet était soit anormalement petit, soit
anormalement grand16. Une situation que les études les plus
récentes n'ont pas permis d’éclaircir. Ainsi, un cervelet plus
grand que la normale pourrait être responsable de l’hyper
trophie du cerveau des autistes17. Néanmoins, deux études
distinctes ayant utilisé la morphométrie à base voxel, qui
permet de contrôler la taille du cerveau, ont toutes deux éta
bli des preuves d'une densité de matière grise bilatérale supé
rieure dans les lobes postérieurs du cervelet18. L'un des rôles
principaux du cervelet, en conjonction avec les lobes fron
taux, est le contrôle de l’attention, et plus particulièrement
de ses changements. Il est donc possible que les anomalies
cérébelleuses soient liées aux spécificités de l'attention chez
les autistes19.
L'amygdale
L'amygdale cérébelleuse fait partie de l'ancien cerveau
social, que l'homme a en commun avec de nombreux
animaux22. L'illustration 11.4 nous montre l'endroit où se
trouve l'amygdale gauche dans ce que l’on appelle la section
axiale d'un cerveau post mortem. Il est coupé à l'endroit indi
qué par une ligne verticale sur l’illustration 11.2.
L'amygdale est connectée à d’autres parties de ce sys
tème, telles que le cortex temporal supérieur et le cortex
frontal (en particulier les régions orbifrontaies). L’examen
post mortem de cette partie du cerveau des autistes a permis
Illustration 11.3 - Illustration tirée de Z ilbovicius et al. dans American
Journal of Psychiatre, 2000, 157, p. 1990.
Frontal
Inférieur
Le cerveau en action
Comment les études d'imagerie fonctionnelle identifient-
elles l’activité cérébrale qui est associée à un processus
cognitif particulier ? Après tout, le cerveau est actif tout le
temps. Nous y parvenons en comparant l'activité déployée
pendant l'exécution de deux tâches, qui sont identiques, en
tout point sauf un : la présence du processus cognitif qui
nous intéresse dans la tâche expérimentale, et l’absence de ce
processus dans la tâche comparative. Parfois, on y ajoute
une tâche de base, qui peut être conçue par opposition aux
tâches expérimentale et comparative. On en trouve un exem
ple dans l’encadré ci-après. Ce matériel a d'abord été utilisé
dans une étude de Fletcher pour identifier le système de
mentalisation31, et il inclut les Histoires étranges de Happé32.
Pendant le scannage, la tâche consiste à lire et comprendre
une histoire puis de répondre à une question. Mais une seule
de ces deux histoires réclame une capacité de mentalisation.
La tâche de base consiste en des phrases sans lien entre elles.
Celles-là aussi doivent être lues dans le but de répondre à
une question. Dans chacune des trois tâches, les volontaires
lisent en silence le texte qui apparaît sur un moniteur tout en
étant allongés dans le scanner pour la TEP, et répondent aux
questions. Chaque tâche consiste en quatre histoires lues le
temps de 12 phases de scannage. Seules les histoires nécessi
tant un effort de mentalisation faisaient appel au processus
cognitif critique qui nous intéressait. Nous partions du prin
cipe qu'il était impossible de répondre correctement aux
questions sans faire appel à la capacité d'attribution d’états
mentaux. Ni les autres histoires ni les phrases sans lien entre
elles ne requéraient cette condition.
Quand on utilise l’imagerie cérébrale pour étudier
l’autisme, le but est de découvrir une différence pendant la
tâche critique, et non pendant l'autre tâche ou la tâche de
base. En d’autres termes, le type d’activité associé à un pro
cessus cognitif (manifeste dans le cerveau, au même titre que
la différence entre la tâche expérimentale et la tâche témoin)
sera différent dans le groupe des autistes comparé au groupe
témoin.
U y a essentiellement deux approches pour choisir les
tâches les plus pertinentes dans le cadre d'une étude de
l'autisme basée sur l’imagerie fonctionnelle. L’une d’elles
consiste à identifier une région du cerveau intéressante (par
exemple, les amygdales) puis de sélectionner une tâche qui est
connue pour déclencher une activité dans cette région, chez
les volontaires normaux (par exemple, regarder des visages
apeurés). L’autre approche consiste à identifier un processus
cognitif intéressant (par exemple, la mentalisation) puis de
sélectionner des tâches (par exemple, les tâches relatives à la
« théorie de l'esprit ») qui ont établi avec succès un lien entre
ces processus et des régions circonscrites du cerveau.
Histoire induisant l'attribution d’états mentaux
Helen attendit Noël toute l’année, parce quelle savait qu’à
Noël elle pourrait dem ander un lapin à ses parents. Helen
voulait un lapin plus que tout au monde. Le jour de Noël
arriva enfin, et Helen courut ouvrir le grand paquet que ses
parents lui avaient offert. Elle était sûre qu’il contenait une
cage avec un lapereau. M ais quand elle l'ouvrit, entourée de
toute sa famille, elle découvrit que son cadeau n’était qu’une
vieille encyclopédie sans intérêt, dont Helen ne voulait pas
du tout ! Pourtant, quand les parents d’Helen lui dem andè
rent si son cadeau de Noël lui plaisait, elle répondit : « C’est
merveilleux, merci. C’est exactement ce que je voulais. » (La
question posée après la lecture de ce texte était : Pourquoi a-
t-elle répondu cela ?)
Sillon
paracingulaire
Stries
supplém entaires
40
20
-20
-40
60
40
20
-20
-40
Trois théories
Dans cet ouvrage, j’ai abordé trois théories, chacune
d’elles rendant compte d’un aspect du trouble autistique.
L’hypothèse de la cécité mentale est la première de ces trois
théories. Comme nous l’avons dit dans les chapitres 5 et 7,
elle tente de rendre compte des déficits sociaux et de com
munication propres à l'autisme, qui sont les caractéristiques
majeures de ce trouble. Que les déficits soient légers ou sévè
res, ils sont présents chez tous les individus diagnostiqués
autistes, sans considération d'âge et de compétence. D’après
cette théorie, l'attribution intuitive et automatique d'états
mentaux à autrui est manquante. Dans les cas les plus graves
il n'y a aucune compréhension des états mentaux. Dans les
cas les moins graves, le travail de compensation permet
l’acquisition d’une théorie de l'esprit, et de tels individus sont
capables d’attribuer et de manipuler des états mentaux.
Comme cette théorie de l’esprit n'est ni intuitive ni automati
que, son utilisation dans la vie quotidienne est parcimo
nieuse et par conséquent légèrement insuffisante pour per
mettre une communication sociale normale. L'apprentissage
compensatoire explique les progrès spectaculaires qui sur
viennent dans la compréhension des états mentaux après de
longues périodes d'apprentissage.
La deuxième théorie concerne les forces de l’esprit autisti-
que. Nous ne pouvons ignorer le fait que 10 % des autistes ont
des talents particuliers, estimation basse puisqu'elle ne tient
pas compte des capacités de mémoire machinale. De solides
preuves tirées des tests d'intelligence, comme nous l'avons dit
dans le chapitre 8, soulignent des pics de performance chez
tous les individus autistes sans considération d’âge et de com
pétence. L’une des raisons permettant d’expliquer ces pics et
ces talents nous est fournie par la théorie de la faible cohérence
centrale, abordée dans le chapitre 9. Cette théorie suggère que
les autistes ont une préférence pour un modèle de traitement
de l'information qui s’attache aux détails. Ce modèle est égale
ment présent chez les non-autistes et confère des avantages
dans le traitement supérieur du détail perceptuel.
La troisième théorie touche à l'absence d’un contrôle de
haut niveau de l’action et de l'attention chez de nombreux
autistes. Le chapitre 10 fait mention de ces problèmes.
L’absence de contrôle descendant implique un handicap
dans l'auto-organisation de tout comportement qui ne relève
pas d’une routine. L’altération des fonctions exécutives est à
l’origine des stéréotypies de comportement et des pôles
d'intérêt restreints. Les programmes éducatifs les plus effica
ces montrent qu’une faible capacité de contrôle peut être for
tifiée par des messages externes. Une structure imposée de
l’extérieur, qui finit par être parfaitement intégrée, conduit à
des progrès, avec le temps.
Les trois théories font référence à des symptômes impor
tants. La théorie de la cécité mentale est séduisante, parce
quelle permet de voir dans de nombreux problèmes liés à
l'interaction sociale et à la communication une conséquence
de l'incapacité à être pleinement conscient de ce que cela
signifie d'avoir un esprit et de penser, de savoir, de croire et
de ressentir différemment des autres. L'hypothèse de la cohé
rence centrale permet de comprendre un phénotype cognitif
plus étendu qui n’est pas caractérisé par un déficit. L’hypo
thèse de la fonction exécutive aide à comprendre la stéréo-
typie de comportement et propose une façon de traiter les
problèmes quotidiens des autistes. Ces trois théories sont
complémentaires, et mises ensemble, elles rendent compte
de la plupart des caractéristiques majeures de l’autisme.
Le moi absent
J'ai la conviction que les trois théories ont un point com
mun. Elles induisent des processus cognitifs de haut niveau
qui ont à voir avec la conscience de soi. L’un des traits com
muns aux théories de la cohérence centrale et de la fonction
exécutive est un manque d'équilibre entre le contrôle descen
dant, qui est faible, et le traitement ascendant de l'informa
tion, qui est fort. La théorie de la cécité mentale suggère
qu’un module isolé est défaillant, peut-être encore à cause
d'une incompatibilité entre le traitement ascendant et le ren
forcement descendant des signaux sociaux.
La mentalisation, dans les cas normaux, conduit inexo
rablement à la conscience de soi comme agent. Peut-être en
l'absence d’une telle conscience, un mécanisme de haut
niveau du contrôle descendant ne peut-il pas se mettre en
place. Quel est ce mécanisme de contrôle ? Le moi s’incame-
t-il au moment où il prend les choses à bras-le-corps ? Pour
nous aider à réfléchir à cette question, j'aimerais remettre au
goût du jour une image naïve rejetée par les philosophes
comme par les psychologues. Celle de l’homoncule, petit être
vivant à forme humaine qui réside dans le cerveau. L'ennui,
avec cette idée, c’est qu'on se découvre vite l'obligation
d’introduire un autre homoncule à l'intérieur du premier, et
ainsi de suite. Ça ne s'arrête jamais. Mais supposons qu'il y a
un homoncule là où ça s’arrête. Imaginons un homoncule
qui serait le dernier d’une série de poupées russes, le seul qui
ne s'ouvre pas.
L’idée de l'homoncule, même si elle a été vilipendée au
motif quelle est impraticable, n'a en fait jamais disparu. Les
chercheurs en neurosciences tiennent pour acquis l’existence
de mécanismes de l'attention en charge du contrôle descen
dant, requérant sans doute un agent qui a le contrôle. La plu
part des philosophes et des psychologues supposent qu'il
existe plusieurs sortes de moi, tous situés dans le cerveau,
chacun fonctionnant dans un but précis1. Par exemple, il y a
le moi de l'instant, le moi physique, le moi narratif, etc. Ima
ginons à présent que seul l'homoncule soit doué d'une cons
cience de soi.
En hommage au classique de la littérature pour enfants
écrit par Russell Hoban, Souris, père et fils, j'aimerais bapti
ser cet homoncule : « Le dernier moi visible. » Voici com
ment Hoban présente cette idée du « dernier visible » :
« Une boîte en fer [...] se trouvait près du père souris et de
son fils. Letiquette portait l’inscription "Bonzo” en lettres
blanches sur fond orange, et, dessous, on voyait l'image
d’un petit chien tacheté de noir et de blanc, dressé sur ses
pattes de derrière, vêtu d’un tablier et d’une toque de cuisi
nier. Il portait un plateau sur lequel trônait une autre boîte
de pâtée Bonzo, sur l’étiquette de laquelle un plus petit
chien tacheté de noir et de blanc portait un plateau sur
lequel trônait une autre boîte de pâtée Bonzo, sur l’éti
quette de laquelle un autre petit chien tacheté de noir et de
blanc, exactement le même mais en plus petit, dressé sur
ses pattes de derrière, portait un plateau avec une autre
boîte de pâtée Bonzo, et ainsi de suite jusqu’à ce que les
chiens deviennent trop petits pour que l’œil les distingue
encore2. »
En quoi le dernier moi visible est-il le point de conver
gence des trois théories ? Comment fait-il le lien entre l’attri
bution des états mentaux, la cohérence centrale et les fonc
tions exécutives ? Du fait de l'existence d’un mécanisme de
mentalisation dans le cerveau, l'homoncule peut devenir
conscient de lui-même. Du fait d’un besoin de cohérence cen
trale dans le cerveau, l’homoncule peut avoir accès à l’infor
mation intégrée, une ressource utile. Du fait des fonctions
exécutives, cet homoncule peut exercer et déléguer un
contrôle. Étant donné l’existence de ces trois composants, le
dernier moi visible peut prendre le dessus sur les autres moi.
Ce pouvoir volant, au sens métaphorique du terme, permet
d'avoir une vue aérienne des choses, alors que ce moi n'est
qu'un parmi beaucoup d'autres. C'est pourquoi ce moi par
vient facilement à se connecter aux derniers moi visibles et
conscients d'eux-mêmes chez autrui. Le dernier moi visible
n’est qu'un stratagème et une illusion, mais un stratagème
qui fonctionne. Peut-être les individus autistes ne disposent-
ils pas de ce stratagème.
Cette hypothèse n’est pas si étrange que cela. On peut
vivre sans ce dernier moi visible, mais cela devient alors, et
paradoxalement, synonyme d'égocentrisme aigu. Ce moi est
conscient qu'autrui dispose également d'un moi conscient.
Cela inclut nécessairement la conscience de l’existence même
de l'égocentrisme. Le pur égocentrique ne se rend pas
compte de cela. Je pars du principe que le pur égocentrique
a en son centre un moi qui n'est en définitive conscient ni de
lui-même, ni du moi d’autrui.
L'absence d’un moi conscient de sa propre existence
n'est pas catastrophique. Je pars du principe qu'il émerge
progressivement chez les grands enfants et les adolescents. Il
est présent quand les enfants ont la capacité de se voir du
point de vue métaphorique de l'oiseau en vol. Les adultes
non plus, normalement, n'y pensent pas. Néanmoins, grâce à
un moi tel que celui-là, nous pouvons, si nous le voulons,
réfléchir à notre statut social, à nos relations avec les autres
dans le contexte de notre histoire personnelle, dans le
contexte de l’histoire du genre humain, de « la Vie, l’Univers,
le Tout ».
Le dernier moi visible est souvent assoupi. Ce n’est pas
grave tant qu'il y a d’autres moi pour travailler dur et exercer
un pouvoir exécutif. Ainsi, il pourrait y avoir un moi tra
vailleur et discipliné qui arrive tardivement à maturité, et qui
serait responsable d'un comportement impulsif inhibant,
conduisant à un gain à court terme mais à une douleur à
long terme. Il n'y a aucune raison de croire que dans
l'autisme ce genre de moi ne puisse pas fonctionner correcte
ment. Il pourrait aussi y avoir des problèmes si le sens de
l’information reçue n'est pas suffisamment intégré à d’autres
sens, autrement dit si les autres moi n'ont pas le recul néces
saire pour prendre les bonnes décisions. En autisme, il se
pourrait bien que dans le cas où les moi qui ont un pouvoir
exécutif s'opposent les uns aux autres, les processus ascen
dants permettent d'obtenir un équilibre des forces. Cela
pourrait expliquer la création inattendue d’un talent excep
tionnel. Cela pourrait aussi être à l'origine de l’égocentrisme
pur. Cela non plus n’a rien de dramatique, dans la mesure où
les autistes sont entourés de gens qui sont là pour les aider.
D’après mon expérience, l’égocentrisme chez l'autiste est tel
lement transparent qu'on ne le traite pas de la même façon
que l’égocentrisme des gens normaux. Face à un autiste, la
réaction naturelle est de se demander pourquoi. Face à une
personne normale, c’est de s'indigner.
LA CO NN A ISSA N CE D E SO I
ET LA C O N SC IEN C E D E SO I
CHAPITRE 1
Qu’est-ce que l’autisme ?
1. Un grand nombre de comptes rendus biographiques sur des cas
individuels sont disponibles, leur premier diagnostic, leur développement
et l’impact de l’autisme sur la famille. Les plus particulièrement vivants et
instructifs sont les suivants : Park, C., The Siégé : The First Years o f an
Autistic Child, 2e éd., Boston, Atlantic-Little, Brown, 1987 ; Hart, C.,
W ithout Reason, New York, Harper & Row, 1989 ; Fling, R., Eating an Arti-
choke, Londres, Jessica Kingsley, 2000.
2. Kanner, L., « Autistic disturbances of affective contact », Nervous
Child, 1943, 2, pp. 217-250. Réimprimé dans Kanner L., Childhood Psycho
sis : Initial Studies an d New Insights, Washington, DC, V.H. Winston, 1973,
pp. 1-43.
3. Asperger, H„ « Die autistischen Psychopathen im Kindesalter »,
Archiv fü r Psychiatrie u nd Nervenkrankheiten, 1944, 117, pp. 76-136. Tra
duit en anglais par U. Frith dans Frith U., Autism an d Asperger Syndrom,
Cambridge, UK, Cambridge University Press, 1991, pp. 37-92.
4. Bleuler, E., Lehrbuch der Psychiatrie. Traduit en anglais par A. A.
Brill sous le titre Textbook o f Psychiatry, New York, Dover, 1951.
5. Kanner, 1943, p. 217.
6. Ibid., p. 242.
7. Ibid.
8. Ibid., p. 246.
9. Ibid., p. 245.
10. Ibid., p. 247.
11 .Ib id ., p. 250.
12. Asperger, traduit dans Frith, 1991, p. 37.
13. Ibid., p. 42.
14. Ibid.
15. Ibid., p. 43.
16. Ibid., p. 45.
17. Ibid., p. 47.
18. American Psychiatrie Association, Diagnostic an d Statistical
M anual o f Mental Disorders, 4e éd. revue et corrigée (DSM-IV-R ), Washing
ton DC, American Psychiatrie Association, 2000.
19. Organisation mondiale de la santé, The ICD-10 Classification o f
Mental an d Behavioral Disorders : Clinical Descriptions an d Diagnostic Gui-
delines, Genève, Organisation mondiale de la santé, 1992.
20. Kanner, L. et Eisenberg L., « Early infantile autism 1943-1955 »,
American Journal o f Orthopsychiatry, 26, 1956, pp. 55-65.
21. Wing, L., «The relationship between Asperger's syndrome and
Kanner’s autism », in U. Frith, Autism an d Asperger Syndrome, Cambridge,
UK, Cambridge University Press, 1991, pp. 93-121.
22. Gilchrist, A., Green, J., Cox, A., Burton, D., Rutter, M. et Le
Couteur, A., « Development and current functionning in adolescents with
Asperger syndrome : A comparative study », Journ al o f Child Psychology
an d Psychiatry, 2001, 42, pp. 227-240.
23. Sainsbury, C., M artian in the Playground : Understanding the
Schoobhild with Asperger's Syndrome, Bristol, UK, Lucky Duck Publishing,
2000 .
24. Klin, A., Volkmar, F. et Sparrow, S., Asperger Syndrome, New
York, Guilford Press, 2000.
25. Wemer, E., Dawson, G., Osterling, J. et Dinno, N., « Brief report.
Récognition of autism spectrum disorder before one year of âge : A rétros
pective study based on home videotapes », Jo u rn al o f Autism an d Develop-
m ental Disorders, 2000, 30, pp. 157-162.
26. Lovell, A., In a Sum m er G arment : The Expérience o f an Autistic
Child, Londres, Secker & Warburg, 1978. Publié en livre de poche sous le
titre Simple Sim on, Londres, Lion Publishers, 1983.
27. Une grande variété d’entretiens et de listes d’items à visée dia
gnostique est aujourd'hui disponible. Les plus fréquemment utilisés sont
les suivants : Lord, C., Rutter, M. et Le Couteur, A., « The autism diagnos
tic interview. Revised : A revised version of a diagnostic interview for care-
givers of individuals with possible pervasive developmental disorders »,
Jo urnal o f Autism an d Developmental Disorders, 1994, 24, pp. 659-685 ;
Lord, C., Risi, S., Lambrecht, L. et al., « The ADOS-G (Autism Diagnostic
Observation Schedule-Generic) : A standard measure of social and com
munication déficits associated with autism spectrum disorder », Jo u rn al o f
Autism and Developmental Disorders, 2000, 30, pp. 205-223 ; Berument,
S. K., Rutter, M., Lord, C. A., Pickles, A., et Bailey, A., « Autism screening
questionnaire : Diagnostic validity », British Jo u rn al o f Psychiatry, 1999,
175, pp. 444-451 ; Wing, L., Leekam, S. R., Libby, S. J., Gould, J. et
Larcombe, M., « The diagnostic interview for social and communication
disorders : Background, inter-rater reliability and clinical use », Jo u rn al of
Child Psychology an d Psychiatry, 2002, 43, pp. 307-325.
28. Knobloch, H. et Pasamanick, B., « Some etiological and prognos-
tic factors in early infantile autism and psychosis », Pediatrics, 1975, 55,
pp. 182-191.
29. Davidovitch, M., Glick, L., Holtzman, G., Tirosh, E. et Safir, M.,
« Developmental régression in autism : Maternai perception », Jo u rn al o f
Autism an d Developmental Disorders, 2000, 30, pp. 113-119.
30. Baird, G., Charman, T., Baron-Cohen, S. et al., « A screening ins
trument for autism at 18 months of âge : A 6-year follow-up study », Jo u r
nal o f the American Academy o f Child an d Adolescent Psychiatry, 2000, 39,
pp. 694-702.
31. Un certain nombre d'autobiographies d'individus aptes atteints de
troubles du spectre autistique existent. Parmi les plus instructives et fasci
nantes figurent les suivantes : Grandin, T., « How people with autism
think », in E. Schopler et G. B. Mesibov, Leam ing an d Cognition in Autism,
New York, Plénum Press, 1995, pp. 137-156. (Temple Grandin est une écri
vaine et conférencière prolifique et a publié plusieurs récits autobiographi
ques) ; Gerland, G., A Real Person. Life from the Outside, traduit du suédois
vers l’anglais par J. Tate, 1997, Londres, Souvenir Press. (Le récit unique
et perspicace de son expérience intérieure de l’enfance et l’adolescence à
l’âge adulte.)
CHAPITRE 2
L’enchantement de l’autisme
1. Les Fioretti de sain t François (traduit de l’italien), 3e éd., Paris, Les
Éditions Franciscaines, 1967.
2. Challice, N. et Dewey, H. W., « The blessed fools of Old Russia »,
Jahrbücher fü r Geschichte Osteuropas, 1971, NS 22, pp. 1-11.
3. Hoffman, P., The M an w ho Loved Only Numbers : The Story o f Paul
Erdôs a n d the Search for M athem atical Truth, New York, Hyperion Books-
Londres, Fourth Estate, 1999.
4. Wyndham, J., Les Coucous de Midwich (traduit de l'anglais), nouv.
éd., Paris, Denoël, « Présence du Futur », 1959.
5. Hoffmann, E. T. A., Contes fantastiques (traduit de l’allemand),
Paris, Marabout, 1979, Flammarion, 1979, 1980, 1982, Slatkine, 1979;
Intégrale des Contes et Récits d'Hoffmann, Paris, Phébus, « Verso », 1979-
1980 ; L’Homme a u Sable, Paris, Nathan, « Grands Textes », 1984.
6. Dick, P. K., Blade R unner (traduit de l’américain), Paris, J'ai Lu, 1984.
7. Weizenbaum, J., Computer Power an d H um an Reason : From Jud-
gement to Calculation, San Francisco, Freeman & Co., 1976.
8. Pickles, A., Starr, E., Kazak, S. et al., « Variable expression of the
autism broader phenotype : Findings from extended pedigrees », Jo u rn al o f
Child Psychology an d Psychiatry, 2000, 41, pp. 491-502.
9. Mostert, M. P., « Facilitated communication since 1995 : A review
of published studies », Journal o f Autism and Developmental Disorders,
2001, 31, pp. 287-313.
CHAPITRE 3
Leçons de l’histoire
1. Haslam, J., Observations on Madness an d Melancholy, Londres,
G. Hayden, 1809.
2. Lane, H., L'Enfant sauvage de l’A veyron (traduit de l’anglais [États-
Unis]), Payot, 1986.
3. Ibid., p. 39.
4. Ibid., p. 43.
5. Ibid., p. 42.
6. Ibid., p. 39.
7. Ibid., p. 43.
8. Ibid., p. 45.
9. Ibid., pp. 108-109.
10. Feuerbach, A. Ritter von, « Kaspar Hauser ou Exemple d’un
crime contre la vie de 1’âme d’un homme » ; « Mémoire sur Kaspar
Hauser » ; « Qui pouvait bien être Kaspar Hauser ? » ; « Trois extraits de
lettres » (traduit de l’allemand, préface de Françoise Dolto), Paris, Verti
ges, 1985.
11. Rutter, M., Andersen-Wood, L., Beckett, C. et al., « Quasi-autistic
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chiatry, 1999, 40, pp. 537-549.
12. Brown, R., Hobson, R. P., Lee, A. et Stevenson, J., « Are there
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13. Houston, R. et Frith, U., Autism in Histoiy : The Case o f Hugh
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14. Lucas, P., « John Howard and Asperger's syndrome : Psycho-
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CHAPITRE 4
Y a-t-il une épidémie d'autisme ?
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CHAPITRE 5
Lecture mentale et cécité mentale
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2. Rutter, M., « Cognitive déficits in the pathogenesis of autism »,
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3. Baron-Cohen, S., Tager-Flusberg, H. et Cohen, D., Understanding
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4. Baron-Cohen, S., M indblindness : An Essay on Autism an d Theory
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5. Leslie, A. M., « Pretense and représentation : The origins of theory
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6. Ibid., p. 412.
7. Frith, U., Morton, J. et Leslie, A. M., « The cognitive basis of a bio-
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8. Wimmer, H. et Pemer, J., « Beliefs about beliefs : Représentations
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9. Baron-Cohen, S., Leslie, A. M. et Frith, U., « Does the autistic child
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10. Leslie, A. M. et Frith, U., « Autistic children’s understanding of
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11. Perner, J., Frith, U., Leslie, A. M. et Leekam, S. R., « Exploration
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12. Baron-Cohen, S., Leslie, A. M. et Frith, U., « Mechanical beha-
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CHAPITRE 6
La solitude de l’autiste
1. Volkmar, F., Sparrow, S., Goudereau, D., Cichetti, D„ Paul, R. et
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2. Frith, U„ Siddons, F. et Happé, F., « Autism and theory of mind in
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3. Reddy, V., Hay, D., Murray, L. et Trevarthen, C., « Communication
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13. Baron-Cohen, S., Wheelwright, S., Hill, J., Raste, U., et Plumb, I.,
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26. Blair, R. J. R., « Brief report : Morality in the autistic child »,
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CHAPITRE 7
La difficulté de parler aux autres
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3. Lord, C. et Pickles, A., « Language level and nonverbal social-
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4. Tager-Flusberg, H., Calkins, S., Nolin, T., Baumberger, T., Ander
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8. Kanner, L., « Autistic disturbances of affective contact », Nervous
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Initial Studies an d New Insights, Washington, DC, V. H. Winston, 1973,
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9. Schuler, A. et Prizant, B. M., « Echolalia », in E. Schopler et
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12. Grandin, T. et Scariano, M., Emergence Labelled Autistic, Tun-
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15. Baltaxe, C. A. M. et Simmons, J. Q., « Prosodie development in
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16. Shriberg, L. D„ Paul, R., McSweeny, J. L., Klin, A. M., Cohen, D.
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17. Pemer, J., Frith, U., Leslie, A. et Leekam, S., « Explorations of the
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18. Sperber, D. et Wilson, D., Relevance, Com m unication an d Cogni-
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CHAPITRE 8
L'intelligence et les talents exceptionnels
1. Roeleveld, N., Zielhuis, G. A. et Gabreels, F., « The prevalence of
mental retardation : A critical view of recent literature », Developmental
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2. Zeaman, D. et House, B., « The rôles of attention in retardate dis
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3. Baird, G., Charman, T., Baron-Cohen, S. et a l , « A screening ins
trument for autism at 18 months of âge : A 6 year follow-up study », Jo u r
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pp. 694-702.
4. Asperger, H., « Die autistischen Psychopathen im Kindersalter »,
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5. Anderson, M., Intelligence and Development : A Cognitive Theory,
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intelligence», Journal o f Child Psychology a n d Psychiatry, 2001, 42,
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6. Fodor, J. A., The M odularity o f Mind, Cambridge, MA, MIT Press,
7. Scheuffgen, K., Happé, F., Anderson, M. et Frith, U., « High "ntel-
ligence" low "IQ" ? Speed of processing and measured IQ in children with
autism », Developmental Psychopathology , 2000, 12, pp. 83-90.
8. Goldstein, G., Beers, S. R., Siegel, D. J. et Minshew, N. J., « A com-
parison of WAIS-R profiles in adults with high-functioning autism or dif-
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9. Carraher T. N., Carraher D. W. et Schliemann A. D., « Mathematics
in the Street and schools », British Jo u rn al o f Developmental Psychology,
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10. Heimelin B. et O’Connor N., Psychological Experiments with
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11. Aumhammer-Frith U., « Emphasis and meaning in recall in nor
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13. Frith U., « Studies in pattern détection in normal and autistic
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14. Kanner, L., « Autistic disturbances of affective contact », Nervous
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23. Norris, D., « How to build a connectionist idiot (savant) », Cogni-
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25. Heaton, P., Pring, L. et Hermelin, B„ « Autism and pitch Proces
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CHAPITRE 9
Un monde fragmenté
1. Hermelin, B., Bright Splinters o f the Mind. A Personal Story o f
Research with Autistic Savants, Londres, Jessica Kingsley, 2001, p. 49.
2. Frith, U. et Hermelin, B., « The rôle of visual and motor eues for
normal, subnormal and autistic children », Jo u rn al o f Child Psychology and
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3. Perec G., La Vie mode d ’emploi, Paris, Hachette, 1978 et LGF, « Le
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5. Witkin, H. A., Oltman, P. K., Raskin, E. et Karp, S., Children's
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6. Witkin, H. A. et Goodenough, D. R., Cognitive Styles : Essence and
Origins, New York, International University Press, 1981.
7. Shah, A. et Frith, U., « Why do autistic children show superior per
formance on the block desing task ? », Jo u rn al o f Child Psychology an d Psy
chiatry, 1993, 34, pp. 1351-1364.
8. Borges J. L., « Funes ou la mémoire », in Fictions (traduit de
l’argentin), Paris, Gallimard, « Folio », 1974.
9. Luria, A. R., The M ind o f a M nem onist : A Little Book About a Vast
Memory, traduit en anglais par L. Solotaroff, Londres, Jonathan Cape,
Cambridge, MA, Harvard University Press, 1968.
10. Snowling, M. et Frith, U., « Compréhension in "hyperlexic" rea-
ders », Jo u rn al o f Experim ental Child Psychology, 1986, 42, pp. 392-415 ;
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11. Gerland, G., A Real Person, traduit du suédois en anglais par
J. Tate, Londres, Souvenir Press, 1997, p. 21.
12. Happé, F., « Studying weak central cohérence at low levels : Chil
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Psychology an d Psychiatry, 1996, 37, pp. 873-877.
13. Happé, F., « Autism : Cognitive déficit or cognitive style », Trends
in Cognitive Science, 1999, 3, pp. 216-222.
14. Happé, F., Briskman, J. et Frith, U., « Exploring the cognitive
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children with autism. I. Experimental Tests », Jou rn al o f Child Psychology
and Psychiatry, 2001, 42, pp. 299-307 ; Briskman, J., Happé, F. et Frith, U.,
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parents and siblings of children with autism : II Real-Life skills and préfé
rences », Journal o f Child Psychology an d Psychiatry, 2001, 42, pp. 309-316.
15. Baron-Cohen, S., « The extreme male brain theory of autism »,
Trends in Cognitive Sciences, 2002, 6 (6), pp. 248-254.
16. Ibid.
17. Park, D. et Youderian, P. « Light and Number : Ordering princi
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18. Mottron, L. et Burack, J., « Enhanced perceptual functioning in
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19. Plaisted, K., « Aspects of autism that theoiy of mind cannot
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20. O’Riordan, M. A., Plaisted, K. C., Driver, J. et Baron-Cohen, S„
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21. Milne, E., Swettenham, J., Hansen, P., Campbell, R., Jeffries, H.
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22. Klinger, L. G. et Dawson, G., « Prototype formation in autism »,
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23. Mottron, L., Peretz, I., Ménard, E., « Local and global processing
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24. Gustafsson, L., « Inadéquate cortical features maps : A neural cir
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25. Happé, F., « Social and non-social development in autism : Where
are the links ? », in J. A. Burack, T. Charman, N. Yirmiya et P. R. Zelazo,
The Development o f Autism : Perspectives from Theory an d Research,
Mahwah, NJ, Erlbaum, 2001, pp. 237-253.
26. Kanner, L., « Autistic disturbances of affective contact », Nervous
Child, 1943, 2, pp. 217-250.
CHAPITRE 10
Sensations et répétitions
1. Bemporad J. R., « Adult recollections of a formerly autistic child »,
Jo u rn al o f Autism an d Developmental Disorders, 1979, 9, pp. 179-198.
2. Gerland, G., A Real Person. Life from the Outside, traduit du sué
dois par J. Tate, Londres, Souvenir Press, 1997, pp. 11, 14-15.
3. Lovaas O. I., Koegel R. L. et Schreibman L., « Stimulus over-
selectivity in autism : A review of research », Psychological Bulletin, 1979,
86, pp. 1236-1254.
4. Weeks S. J. et Hobson R. P., « The salience of facial expression for
autistic children », Jo u rn al o f Child Psychology an d Psychiatry, 1987, 28,
pp. 137-152.
5. Dawson, G„ Meltzoff, A., Osterling, J„ Rinaldi, J. et Brown, E„
« Children with autism fait to orient to naturally-occuring social stimuli »,
Child Development, 1998, 68, pp. 1276-1285.
6. Park D. et Youderian P., « Light and number : Ordering principles
in the world of an autistic child », Jo u rn al o f Autism an d Chilhood Schi-
zophrenia, 1974, 4, pp. 313-323.
7. Grandin, T., « My expériences as an autistic child and review of
selected literature », Jo u rn al o f Orthom olecular Psychiatry, 1984, 13,
pp. 144-175.
8. Asendorpf J., « Nichtreaktive Stressmessung : Bewegungsstereo-
typien als Aktivierungsindikatoren », Zeitschrift fü r experimentelle und
angewandte Psychologie, 1980, 27, pp. 44-58.
9. Frith C. D. et Done D. J., « Stereotyped behaviour in madness and
in health », in S. F. Cooper et C. T. Dourish (éds), The Neurobiology o f
Behavioural Stereotypy, Oxford University Press, 1990, pp. 232-259.
10. Turner, M., « Annotation : Répétitive behaviour in autism. A
review of psychological research », Journal o f Child Psychology and Psy
chiatry, 1999, 40, pp. 839-849.
11. Ridley, R., «The psychology of perseverative and stereotyped
behaviour », Progress in Neurobiology, 1994, 44, pp. 221-231.
12. Damasio, A. R., et Maurer, R. G., « A neurological model for
childhood autism », Archives o f Neurology, 1978, 35, pp. 777-786.
13. Bradshaw, J. L. et Sheppard, D. M., « The neurodevelopmental
frontostriatal disorders : Evolutionaiy adaptiveness and anomalous latéra
lisation », Brain an d Language, 2000, 73, pp. 297-320.
14. Wing, L. et Shah, A., « Catatonia in autistic spectrum disorders »,
British Journal o f Psychiatry, 2000, 176, pp. 357-362.
15. Frith U., « Cognitive mechanisms in autism : Experiments with
color and tone sequence production », Journal o f Autism an d Childhood
Schizophrenia, 1972, 2, pp. 160-173.
16. Shallice, T., From Neuropsychology to Mental Structure, Cam
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17. Russell, J., Autism as an Executive Disorder, Oxford, Oxford Uni
versity Press, 1997.
18. Tumer, M., « Towards an executive dysfunction account of répé
titive behaviour in autism », in J. Russell (éd.), Autism as an Executive
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19. Rowe, A. D., Bullock, P. R„ Polkey, C. E. et Morris, R. G.,
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20. Fine, C., Lumsden, J. et Blair, R. J. R., « Dissociation between
“theory of mind” and executive functions in a patient with early left amyg-
dala damage », Brain, 2001, 124, pp. 287-298.
21. Pemer, J. et Lang, B., « Development of theory of mind and exe
cutive control », Trends in Cognitive Sciences, 1999, 3, pp. 337-344.
CHAPITRE 11
Le cerveau vu au moyen du scanner
1. Gillberg, C. et Coleman, M., The Biology o f the Autistic Syndromes,
Londres, MacKeith Press, 2000.
2. Green, D., Baird, G., Bamett, A. L. et al., « The severity and nature
of motor impairment in Asperger’s syndrome : A comparison with spécifie
developmental disorder of motor function », Jo u rn al o f Child Psychology
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3. Bauman, M. L. et Kemper, T. L„ « Neuroanatomic observations of
the brain of autism », in M. L. Bauman et T. L. Kemper (éds), The Neuro-
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pp. 119-145.
4. Bailey, A., Luthert, P., Dean, A. et al., « A clinicopathological study
of autism », Brain, 1998, 121, pp. 889-905.
5. Fombonne, E., Rogé, B., Claverie, J., Courty, S., Fremolle, J.,
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6. Lainhart, J. E., Piven, J., Wzorek, M. et al., « Macrocephaly in chil-
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patients with autistic disorder: An MRI study», Neurology, 2001, 57,
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7. Huttenlocher, P. R., « Dentritic synaptic development in human
cérébral cortex : Time course and critical periods », Developmental Neuro
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8. Huttenlocher, P. R. et Dabholkar, A. S., « Régional différences in
synaptogenesis in human cérébral cortex », Journal o f Comparative Neuro-
logy, 1997, 387, pp. 167-178.
9. Burkhalter, A., « Development of forward and feedback connec
tions between areas VI and V2 of human Visual cortex », Cérébral Cortex,
1993, 3, pp. 476-487.
10. Casey, B. J., Giedd, J. N. et Thomas, K. M., « Structural and func-
tional brain development and its relation to cognitive development », Bio-
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11. Griffith, E. M., Pennington, B. F., Wehner, E. A. et Rogers, S. J„
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12. Dawson, G., Munson, J., Estes, A. et al., « Neurocognitive function
and joint attention ability in young children with autism spectrum disor-
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13. Ashbumer, J. et Friston, K. J., « Voxel-based morphometiy - the
methods », Neuroimage, 2000, 11, pp. 805-821.
14. Bauman et Kemper, 1994.
15. Courchesne, E., Yeung-Courchesne, R., Press, G. A., Hesselink,
J. R. et Jemigan, T. L„ « Hypoplasia of cerebellar vermal lobule-Vi and
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16. Courchesne, E., Saitoh, O., Townsend, J. P. et al., «Cerebellar
hypoplasia and hyperplasia in infantile-autism », Lancet, 1994, 343, pp. 6-
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17. Hardan, A. Y., Minshew, N. J., Mallikarjuhn, M. et Keshavan,
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18. Abell, F., Krams, M., Ashbumer, J. et al., « The neuroanatomy of
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19. Townsend, J., Westerfield, M. Leaver, E. et al., « Event-related
brain response abnormalities in autism : Evidence for impaired cerebello-
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20. Bolton, P. F. et Griffith, P. D., « Association of tuberous sclerosis
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25. Prather, M. D., Lavenex, P., Mauldin-Jourdain, M. L. et a l,
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28. Howard, M. A., Cowell, P. E., Boucher, J. et a l , «Convergent
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29. Abell Krams, M„ Ashbumer, J. et a l , 1999 ; Salmond, C. H.,
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30. Abell Krams, M., Ashbumer, J. et a l , 1999.
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32. Happé, F., « An advanced test of theory of mind : Understanding
of story character’s thoughts and feelings by able autistic, mentally handi-
capped and normal children and adults », Journal o f Autistic and Develop
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33. Happé, F., Ehlers, S., Fletcher, P. et a l , « “Theory of mind” in the
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34. Baron-Cohen, S., Ring, H. A., Wheelwright, S. et a l , « Social intel
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animated shapes », Brain, 2002, 125, pp. 1-11.
36. Frith, U., « Mind blindness and the brain in autism », Neuron,
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37. Kampe, K., Frith, C. D„ Dolan, R. J. et Frith, U., « Attraction and
gaze - the reward value of social stimuli », N ature, 2001, 413, p. 589.
38. Gusnard, D. A., Akbudak, E., Shulman, G. L., et Raichle, M. E.,
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39. Douglas, R. J„ Koch, C., Mahowald, M., Martin, K. A. C. et Sua
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40. Lamme, V. A. F. et Roelfesma, P. R., « The distinct modes of
vision offered by feedforward and récurrent processing », Trends in Neuro
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41. Friston, K. J. et Büchel, C„ « Attentional modulation of effective
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42. Fink, G. R., Halligan, P. W., Marshall, J. C., Frith, C. D., Frac-
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48. Crichtley, H., Daly, E., Bullmore, E. et al., « The functional neuro-
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2212.
CHAPITRE 12
Un cerveau différent - Un esprit différent
1. Gallagher, S., « Philosophical conceptions of the self. Implications
for neuroscience », Trends in Cognitive Science, 2002, 4, pp. 14-21.
2. Hoban, R„ Souris, Père et fils, traduit de l’anglais par Valérie Mou-
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3. Frith, U. et Happé, F., « Theory of mind and self-consciousness :
What is it like to be autistic ? », M ind an d Language, 1999, 14, pp. 23-31.
4. Sainsbury, C., M artian in the Playground : Understanding the
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5. Lee, D. et Hobson, P., « On developing self-concepts : A controlled
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logy an d Psychiatry, 1998, 39, pp. 1131-1144.
6. Hurlburt, R., Happé, F. et Frith, U., « Sampling the form of inner
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7. Pemer, J., Understanding the Representational Mind, Cambridge,
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9. Sainsbury, 2000, p. 60.
10. Coleman, M. et Gillberg, C., The Biology o f the Autistic Syndromes,
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11. Sperber, D. et Wilson, D., Relevance, C om m unication an d Cogni-
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12. Rumsey, J. et Vitiello, B. (éds), « Treatments for people with
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13. Howlin, P., « Practitioner review : Psychological and educational
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Autism, Washington, DC, National Academy Press, 2001.
14. Panerai, S., Ferrante, L. et Zingale, M., « Benefits of the treatment
and éducation of autistic and communication handicapped children
(TEACCH) programme as compared with a non-specific approach », Jo u r
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15. Rogers, S. J., Hall, T„ Osaki, D„ Reaven, J., Herbison, J., « The
Denver Model : A comprehensive, integrated educational approach to
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16. Sheinkopf, S. J. et Siegel, B., « Home-based behavioural treat-
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17. Siegel, B„ The World o f the Autistic Child : Understanding and
Treating Autistic Spectrum Disorders, New York, Oxford University Press,
1996.
Rem erciem ents
CHAPITRE 3
Leçons de l'histoire
Le cas du jeune sauvage de l’A veyron................................ 64
Victor était-il autiste ? (67). Qu’advint-il de Victor ? (70).
Le mystère du jeune sauvage (71).
Le cas de Kaspar Hauser................................................... 75
Kaspar était-il autiste ? (81).
Le cas des orphelins roumains.......................................... 84
Le cas de Hugh Blair de Borgue ....................................... 87
Le cas de John Howard..................................................... 91
CHAPITRE 4
Y a-t-il une épidémie d'autisme ?
Études statistiques ............................................................. 96
L’autisme est-il un syndrome ? .......................................... 98
La triade des déficiences (100). Le spectre de l’autisme -
et au-delà (104).
Pourquoi y a-t-il tant de garçons autistes ? ....................... 106
Un nombre croissant de cas
pour une sensibilisation croissante ................................... 108
Autisme et autres troubles du développement ................... 109
Autisme et schizophrénie (110).
Les différentes causes de l’a utisme.................................... 112
Les facteurs génétiques (113). Les facteurs de risques
environnementaux (115).
Vivre avec un trouble d’origine inconnue.......................... 121
CHAPITRE 5
Lecture mentale et cécité mentale
L'hypothèse de la cécité mentale
dans l'autisme .................................................................... 126
L'origine de la théorie de l'esprit ....................................... 128
L'expérience Sally-Anne ..................................................... 131
Le crayon dans la boîte de Smarties ................................. 135
Des bandes dessinées pour physiciens,
behavioristes et psychologues ............................................ 137
Fausses photographies....................................................... 139
Le sabotage et la tromperie................................................ 142
Études récentes sur la mentalisation ................................. 144
L'évolution de la mentalisation......................................... 148
CHAPITRE 6
La solitude de l'autiste
Compétence et incompétence sociales................................ 154
Les réactivités sociales
lors d'un développement normal....................................... 156
L’attention conjointe (157).
Autisme et apprentissage de l’être social............................ 160
Ce que nous voyons chez les autres.................................. 162
Le visage (162). Les yeux (163). Les mains (164).
Les émotions .................................................................................... 168
L’attachement (168). Savoir reconnaître les expressions
émotionnelles (169). L’expression des émotions (171).
Les différentes significations de l’empathie (172).
Autisme contre psychopathie (174).
La communication des états mentaux
dans la vie quotidienne ................................................................ 177
CHAPITRE 7
La difficulté de parler aux autres
Une conversation ............................................................................ 179
Qu’est-ce qui ne va pas
dans le langage des autistes ? ...................................................... 182
Le retard d'acquisition du langage ............................................ 184
« Peter, Peter, pumpkin eater » (186). « Dis bonjour. Bob »
- « Dis bonjour, Bob » (188). Je et tu et toi et moi (190).
Le langage écrit ................................................................................ 192
Le langage courant.......................................................................... 194
Des usages de la parole dans la communication (197).
Communiquer l’information appropriée (199).
La communication intentionnelle............................................. 201
CHAPITRE 8
L'intelligence
et les talents exceptionnels
Autisme et retard mental.............................................................. 206
Le modèle d'intelligence d'Anderson.......................................... 207
Intelligence supérieure - faible QI (209).
Les pics et les creux de performance.............................. 212
Intelligence adaptée awc tests
et intelligence adaptée au monde ...................................... 215
La mémoire machinale et ce quelle révèle (217).
Les vifs éclats de l'esprit .................................................... 223
Comment expliquer le talent des savants (226).
CHAPITRE 9
Un monde fragmenté
L'énigme des puzzles.......................................................... 231
Les figures cachées............................................................. 233
Les cubes ............................................................................ 236
La mémoire machinale ...................................................... 238
Les éléments et leur contexte............................................. 240
Détachement et cohérence :
une vue d’ensemble............................................................ 243
Idées nouvelles ................................................................... 246
Un modèle cognitif (246). « Systémisation » (248). Un
traitement perceptuel optimisé (250). Les liens entre lec
ture mentale et cohérence centrale (253).
CHAPITRE 10
Sensations et répétitions
Les cinq sens...................................................................... 259
Le contrôle de l'attention ................................................... 260
Sur quoi faut-il porter notre attention ? (262).
Explication du caractère stéréotypé
des activités et des pensées ................................................ 264
Activités répétitives et rigidité.................... 267
Fragments de sensations et d’actions (269).
Les fonctions exécutives ............................................................... 271
Les liens entre le dysfonctionnement exécutif et les
autres théories de l’autisme (274).
CHAPITRE 11
Le cerveau vu au moyen du scanner
Qu'est-ce qui ne fonctionne pas dans le cerveau ? .............. 278
Un cerveau plus gros ..................................................................... 280
Quelles sont les conséquences d’un manque d’élagage ?
(281).
Techniques de neuro-imagerie :
les nouvelles perspectives.............................................................. 283
Le cerveau au repos ....................................................................... 286
Le cervelet (287). Les lobes temporaux (288). L’amygdale
(289).
Le cerveau en action ...................................................................... 293
Tester le système de mentalisation (296). Rudiments du
système de mentalisation (299). Activation réduite du
système de mentalisation chez les autistes (302). Tester
les fonctions exécutives (304). Tester la cohérence cen
trale (304). Tester la reconnaissance des visages (306).
Quelles conclusions peut-on en tirer ? (307).
CHAPITRE 12
Un cerveau différent - Un esprit différent
Des théories sensées
et moins sensées sur l'autisme ................................................... 309
Trois théories ................................................................................... 311
Une analyse unifiée........................................................................ 313
Le moi absent (313). Savoir pourquoi on sait (321). Des
idées improbables (322). Le moi, la communication, et le
contexte (325).
.................................................... 328
L es tr a ite m e n ts q u i m a r c h e n t
La lente acquisition des états mentaux (329). Renforcer
le contrôle descendant (331). L’apprentissage par asso
ciation (333). Le prix de la compensation (334). Cela
aide à comprendre la maladie (335).
Notes................................................................................................. 339
R em erciem ents.............................................................. 361