Cours Post-Universitaire de Radioprotection
Cours Post-Universitaire de Radioprotection
Cours Post-Universitaire de Radioprotection
Cours post-universitaire
de radioprotection
Volume 1
3 1-05
Cours post-universitaire
de radioprotection
Volume 1
L'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) a joué un rôle tout particulier, tant
par le nombre des enseignants impliqués que par la coordination scientifique de plusieurs parties du
cours et la validation des textes présentés dans cet ouvrage.
C'est l'ensemble de ces conférences qui est présenté dans ces deux volumes. Le
secrétariat, tout en reconnaissant que la formation et l'enseignement dans le domaine de la
radioprotection et de la sûreté nucléaire relève de la responsabilité des autorités nationales, espère que
le matériel ainsi publié sera largement utilisé par les Etats Membres, comme base de leurs
programmes d'enseignement et de formation dans ce domaine. Il est également conscient que des
améliorations seront nécessaires pour que l'ensemble de ce cours soit parfaitement conforme au
syllabus adopté par la Conférence générale, et veillera tout particulièrement à sa mise à jour.
Une telle évolution requiert une capacité accrue d'analyse et de maîtrise des risques, en
fonctionnement normal et accidentel, associés aux diverses sources d'exposition radiologique. Dans
un souci d'exhaustivité, tout le cycle de leur vie doit être pris en compte, de la conception jusqu'au
démantèlement.
L'objectif majeur de ce cours est de promouvoir la mise en oeuvre des normes de base
internationales de radioprotection et de sûreté nucléaire harmonisées.
La question est d'actualité car ces nonnes ont fait l'objet d'un travail de révision qui a
mobilisé au cours des trois dernières années des centaines d'experts du monde entier. Elles
prennent en compte les derniers développements scientifiques mis en évidence dans le cadre du
Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements (UNSCEAR) et les
recommandations générales de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR).
Les nouvelles normes de radioprotection et de sûreté des sources ont été approuvées par les
organisations internationales concernées en 1994 et 1995. Six organisations internationales ont
participé à leur élaboration, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
(FAO), l'Agence ntemationale de l'énergie atomique (IAEA), le Bureau international du travail
(BIT), l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (AEN/OCDE), l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et l'Organisation
mondiale de la santé (OMS).
Le présent cours, par les connaissances multidisciplinaires qu'il apporte sur les effets des
rayonnements, sur la doctrine de protection, sur les risques associés aux sources, et sur les moyens
de protection, devrait contribuer à la diffusion de cette culture de radioprotection au sein d'une
communauté que nous espérons nombreuse.
NOTIONS FONDAMENTALES
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CONFERENCE INAUGURALE
H. Jammet
J'ai été très honoré que l'on me demande de présenter la conférence inaugurale de ce cours
international de radioprotection. C'est en effet le premier cours organisé par l'Agence Internationale
de l'Energie Atomique dans l'une des langues officielles des Nations Unies. Conformément aux
décisions prises par la Conférence Générale de l'AIEA, il coïncide avec l'approbation des nouvelles
normes fondamentales de radioprotection (Basic Safety Standards, BSS).
INTRODUCTION
Les rayonnements ionisants ont posé des problèmes de protection depuis le début du siècle.
Les activités les utilisant ont été, au début, des activités de recherche. Puis, se sont développées des
applications essentiellement médicales. A partir de la deuxième guerre mondiale sont apparues, des
utilisations militaires, des utilisations industrielles et énergétiques.
A. Périodes successives
Ces activités ont évolué et les problèmes de protection qui se sont posés ont évolué
parallèlement. Schématiquement on peut dire qu'il y a eu quatre périodes qui correspondent aux
quatre quarts du 20ème siècle:
- le premier quart a été celui de la protection inexistante, et bien qu'il y ait eu très peu de
personnes utilisant les rayonnements, on a connu une hécatombe de pionniers;
- le deuxième quart de siècle a été celui de la mise sur pied de la protection dans le domaine
professionnel. Il était normal que ceux qui subissaient des dommages, et qui étaient
essentiellement des radiologistes, aient pensé, en 1928, à créer un organisme qui s'occuperait de
les protéger: la Commission internationale de protection radiologique (CIPR);
- le troisième quart de siècle a été celui de la mise sur pied de la protection dans le domaine
public, consécutive au développement de l'énergie atomique. Sa première utilisation a été
militaire et les Nations-Unies ont décidé en 1955 de créer, pour étudier les problèmes posés par
les essais nucléaires, un Comité scientifique spécialisé (UNSCEAR). L'utilisation pacifique
énergétique ou industrielle a suivi rapidement, ce qui a amené les Nations-Unies à créer, à la fin
des années 1950, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA);
- le quart de siècle actuel est celui du développement de la protection dans les domaines
professionnel, médical et public, dans un esprit nouveau par rapport à la philosophie habituelle
de la protection en général. Les organismes compétents des Nations Unies (Agence internationale
de l'énergie atomique, Organisation mondiale de la santé, Organisation internationale du travail
et Organisation pour l'agriculture et l'alimentation) et l'Agence pour l'énergie nucléaire de
l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, ont joint leurs efforts pour
établir en décembre 1993, les normes fondamentales de protection (Basic Safety Standards, BSS)
sur lesquelles va porter ce premier cours international de l'AIEA.
B. Acteurs principaux
II apparaît donc qu'un grand nombre d'acteurs internationaux sont intervenus au cours du
temps dans l'élaboration progressive de la protection radiologique.
- Les deux premiers organismes ont été créés par la Société internationale de radiologie en 1928, et
sont non gouvernementaux, constitués de personnalités choisies en fonction de leurs compétences
dans un domaine qui est réellement multidisciplinaire. Le premier est la Commission
internationale des unités et mesures radiologiques (ICRU), chargée d'établir un système cohérent
de grandeurs et d'unités ainsi que de méthodes de mesure appropriées. Le deuxième est la
Commission internationale de protection radiologique (CIPR), chargée d'élaborer un système
cohérent de protection radiologique ainsi que ses applications pratiques dans les différents
domaines d'utilisation des rayonnements ionisants.
- L'Assemblée générale des Nations Unies a décidé en 1955, de créer le Comité scientifique des
Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). Cet organisme
très important a deux missions:
- établir le bilan annuel des expositions de l'humanité à toutes les sources naturelles
ou artificielles;
- faire un rapport périodique sur l'évaluation des connaissances relatives aux effets
des rayonnements ionisants.
C'est un organisme gouvernemental où sont représentés les meilleurs spécialistes mondiaux
appartenant à 21 pays sélectionnés par l'Assemblée Générale.
- l'Organisation internationale du travail (ILO), par l'établissement, au début des années 1960,
d'une convention et d'une recommandation sur la protection radiologique des travailleurs;
- l'Organisation mondiale de la santé (OMS), par la publication de guides concernant la radiologie
médicale et la médecine nucléaire;
- l'Organisation de l'alimentation et de l'agriculture (FAO), par la prise en considération de la
contamination radioactive dans le Codex Alimentarius.
Deux agences ont effectué des travaux très importants sur les applications pratiques des
principes généraux de protection radiologique:
C. Compétences et Missions
- les bases scientifiques, physiques et biologiques sont fournies par le Comité scientifique des
Nations-Unies (UNSCEAR);
- la doctrine et les principes généraux de la protection radiologique ont été établis progressivement
par la Commission internationale de protection radiologique dont les recommandations
successives ont toujours servi de base commune aux organisations internationales et aux états
membres;
- les applications pratiques dans les différents domaines d'utilisation des rayonnements ionisants
ont été élaborées essentiellement par les organisations et les agences internationales.
L'évolution des connaissances doit être envisagée pour les nuisances radiologiques et
radioactives, et les effets de ces nuisances sur l'homme.
Pour les nuisances radiologiques, on constate que les premières observations ont porté sur les
expositions accidentelles. Ensuite, on a pris successivement conscience:
Le premier était celui de la nature des nuisances. On s'est aperçu rapidement que les
rayonnements ionisants constituaient toute une gamme énergétique de rayonnements
électromagnétiques et de rayonnements particulaires. On s'est demandé ensuite de quelle façon se
comportaient ces rayonnements, et quels équivalents d'irradiation on pouvait établir entre eux.
Le deuxième problème était celui des modalités d'exposition. Sur le plan spatial existaient des
modalités différentes, entre des expositions à des sources externes et à des sources internes
consécutives à des incorporations de substances radioactives, des expositions globales et partielles,
des expositions homogènes et hétérogènes.
A côté de ces modalités de répartition spatiale, existaient des modalités d'exposition dans le
temps: les expositions accidentelles étaient généralement instantanées; au point de vue professionnel,
il y avait des expositions chroniques étalées; les expositions médicales étaient de courte durée, mais
répétées.
Quand le Comité des Nations Unies s'est occupé des problèmes concernant les essais d'armes
nucléaires, une autre modalité d'exposition est apparue: un événement engageait une certaine
exposition pour l'avenir. Ainsi a été créée la notion d'engagement d'exposition.
1.1.3. Distribution des expositions
Le troisième problème était celui de la distribution des expositions. Tout au début, les
expositions accidentelles étaient des cas particuliers; ensuite les expositions professionnelles
concernaient un petit nombre d'individus; puis, on s'est mis à réfléchir à ce que pouvait être
l'exposition des patients soumis à la radiologique médicale, du public soumis aux retombées
radioactives, ou aux rejets radioactifs de l'industrie nucléaire. Il fallait estimer quelle pouvait être la
distribution des expositions. Alors a commencé un travail statistique sur des groupes d'individus ou
des populations. Dans les études statistiques on essaie d'avoir des caractéristiques qui puissent
représenter le mieux possible la distribution. On a fait ce qui était le plus simple: considérer la
somme des expositions individuelles, ce qui a conduit à la notion de dose collective.
Envisageons maintenant l'évolution des connaissances en ce qui concerne les effets des
rayonnements ionisants. Les premières constatations ont été des effets accidentels immédiats: des
brûlures radiologiques. Mais certaines de ces lésions se transformaient en effets prolongés ou
retardés. Puis on a vu qu'il y avait des effets particuliers, c'est à dire que des organes étaient
beaucoup plus radio sensibles: l'oeil ou les glandes génitales. Ensuite, on s'est aperçu que des
cancers pouvaient être créés par les rayonnements ionisants. Finalement on a étudié d'une façon très
sérieuse la cancérogenèse radio-induite, soit expérimentalement, soit épidémiologiquement. Quant
aux effets génétiques des rayonnements, découverts en 1927, on ne peut pas, comme pour la
cancérogenèse, avoir des informations directes sur l'homme d'une façon commode, mais seulement
indirectes à partir de l'expérimentation.
Ce n'est que plus tard qu'on a essayé d'aborder le quantitatif, c'est à dire d'établir des
relations de causalité entre les expositions et les troubles qui apparaissent. Dans cette étude,
l'évolution des connaissances a été suffisamment rapide pour qu'actuellement ce soit dans le
domaine des rayonnements ionisants qu'on en sache le plus sur les relations de causalité entre les
nuisances et leurs effets; surtout quand on étudie des effets tels que la cancérogenèse et la
mutagenèse. Ceci pour deux raisons:
- parce que les rayonnements ionisants se mesurent avec une précision et une sensibilité bien plus
grandes que les autres nuisances et,
- parce que ce sont des outils commodes pour les chercheurs qui étudient la cancérologie et la
génétique.
Finalement, il est apparu que les effets devaient se classer en deux grandes catégories:
- l'une était celle des effets pour lesquels les relations de causalité étaient déterminées; on savait
qu'une irradiation donnée entraînait un certain dommage pour une certaine dose. Ces effets à
relations déterministes se caractérisent par le fait que le type et l'importance du dommage sont
liés à la dose. En irradiant une peau au-dessous d'une certaine valeur, il ne se passe rien; au-
dessus d'un certain seuil on a un érythème; en augmentant la dose on a une épidermite, puis une
dermite, enfin une nécrose.
- l'autre catégorie était celle des effets tels que l'induction des cancers et des mutations génétiques,
pour lesquels les phénomènes étaient caractérisés par des relations stochastiques ou probabilistes.
L'importance de l'effet n'était pas liée à la dose, mais c'est sa probabilité d'apparition qui
dépendait de la dose. Ces effets stochastiques étaient reliés à l'irradiation par des lois de causalité
qui n'étaient pas simples. Même aux faibles expositions, on pouvait avoir des conséquences. En
particulier, une relation pouvait se manifester à des niveaux très bas sans qu'on en ait la preuve
absolue. Par conséquent, sur le plan de la protection, pour les effets stochastiques, l'hypothèse de
la proportionnalité entre l'exposition et ses conséquences et l'hypothèse de l'absence de seuil
allaient dans le sens de la prudence.
2. EVOLUTION DE LA DOCTRINE
Si on veut avoir une doctrine cohérente, encore faut-il que les concepts utilisés soient clairs et
bien définis. Ces concepts sont liés, les uns à l'exposition aux rayonnements, les autres à leurs
effets.
Initialement, on s'est occupé des doses locales, c'est à dire de l'énergie qui était absorbée
dans les tissus à un endroit donné. On l'a appelée la dose absorbée. On est arrivé peu à peu à
d'autres concepts pour tenir compte des réalités complexes:
En ce qui concerne les effets, les concepts ont évolué également. Le terme effet couvre les
conséquences de l'irradiation qui peuvent être bonnes, mauvaises ou indifférentes du point de vue
biologique. En protection, ce qui nous intéresse, ce sont les effets qui ont des conséquences
néfastes, par conséquent les dommages.
Initialement, lorsque les dommages connus étaient des effets immédiats à seuil élevé, les
critères d'acceptabilité étaient faciles à définir: il suffisait de limiter les expositions au-dessous des
seuils. Mais, à partir du moment où l'on savait que les rayonnements pouvaient induire des cancers
ou des mutations génétiques, les critères d'acceptabilité changeaient du fait de l'absence possible de
seuils. Finalement le problème de l'acceptabilité se pose en fonction de la différence entre les effets
déterministes et les effets stochastiques.
Pour les effets déterministes, il y a des seuils: au-dessous du seuil la probabilité d'apparition
du dommage est nulle, et de ce fait on peut avoir une acceptabilité absolue, puisqu'il n'y a aucun
dommage possible. Pour les effets stochastiques le risque ne peut pas être nul, et par conséquent, on
ne peut avoir qu'une acceptabilité relative.
2.3. Méthodes d'application des concepts et des critères: les approches méthodologiques
Comment va-t-on appliquer ces concepts et ces critères d'acceptabilité sur le plan pratique?
Historiquement, les premiers accidents portaient sur des personnes: on avait donc à traiter des
cas particuliers. Ensuite, on a eu à s'occuper de quelques travailleurs, puis de certains groupes du
public. En conséquence, la méthode utilisée a été l'approche individuelle qui consistait à mettre
chacun dans des conditions acceptables. Pour tel travailleur ou pour tel membre du public, on ne
devait pas avoir une exposition supérieure à une certaine valeur d'exposition individuelle. Ainsi sont
nées les recommandations initiales où des valeurs étaient fixées pour des cas particuliers et pour des
catégories de travailleurs. Ensuite, quand on s'est trouvé confronté à des problèmes de groupes et de
populations, on a cherché quels étaient les plus exposés. On résolvait le problème pour eux, et a
fortiori il était résolu pour les autres.
Cela explique tout un processus qui s'est développé au cours du temps et qui était la recherche
de ce qui était critique. On recherchait quels étaient les individus les plus exposés dans une
population et cela formait le groupe critique. On examinait la voie de contamination prépondérante
et c'était la voie critique. On déterminait quel était le nucléide qui intervenait le plus et c'était le
nucléide critique. Enfin, pour un individu on recherchait quel était l'organe le plus irradié et cela
devenait l'organe critique.
Nous avons vu que les connaissances avaient évolué, que tous les concepts nécessaires à une
nouvelle doctrine avaient été mis en place, que les critères d'acceptabilité avaient été choisis et que
les approches méthodologiques avaient été complétées. Cela a abouti au point de vue doctrinal à des
systèmes de protection successifs.
C'est un système basé essentiellement sur la limitation des expositions caractérisée par une
terminologie qui est celle des doses maximales admissibles. Ces doses maximales admissibles sont
des limites d'exposition individuelle. De ces limites on déduit des limites dérivées qui concernent le
milieu, par exemple des concentrations maximales admissibles dans l'air, dans l'eau de boisson, etc.
D'abord toute exposition inutile doit être proscrite; cela devient un principe de justification.
Ceci veut dire que toute exposition, qu'il s'agisse d'un travailleur ou du public, doit être justifiée
par les avantages que l'on retire de l'activité en cause. Il s'agit de la justification de l'activité: par
exemple, exploiter un réacteur nucléaire, pratiquer des radiographies médicales. La justification de
l'activité implique que l'on prenne en considération le détriment éventuel et les avantages que l'on
retire de l'opération qui est effectuée. En conséquence cela implique que l'on fasse un bilan entre les
avantages et les inconvénients. C'est ce qu'on appelle une analyse coût-avantage. Les analyses coût-
avantage prennent en compte des problèmes qui débordent largement la protection radiologique, qui
ne constitue que l'un des paramètres à introduire parmi bien d'autres, techniques, économiques,
sociaux, politiques, etc. Le bénéfice net doit être positif.
Le deuxième principe qui est mis en avant est capital: c'est le principe d'optimisation.
Précédemment, quand on minimisait, on prenait, par prudence, des facteurs de sécurité pour être
au-dessous des limites et ceci était fait d'une façon arbitraire. Avec le troisième système, on établit
comme principe que l'on doit rechercher quelle est la protection optimale, compte tenu des
considérations économiques et sociales. Les méthodes employées ne sont pas de comparer les
avantages avec les inconvénients, mais l'efficacité d'une protection avec le coût du détriment
correspondant. Si vous voulez baisser le coût du détriment, et par conséquent le détriment lui-
même, vous allez être obligés d'augmenter l'efficacité de la protection. Mais il arrive un moment où
vous ne gagnez plus rien, et même on peut démontrer qu'on perd. Cette analyse différentielle coût-
efficacité, basée sur l'étude des variations concomitantes de l'efficacité de la protection et de la
valeur du détriment, permet d'arriver à un optimum correspondant à la somme minimale des coûts
de la protection et du détriment. Le bénéfice net doit être maximum.
Si ce système est basé sur l'optimisation, c'est à dire la recherche de la protection optimale,
qu'est devenue la limitation des doses ? Elle n'a pas disparu, mais elle arrive après. La limitation
existe toujours, basée sur les critères d'acceptabilité, mais elle est devenue la garantie individuelle.
Pour éviter cela, on introduit la limitation, c'est à dire les limites individuelles qui jouent
comme une garantie pour chaque personne, travailleur ou membre du public. Par ailleurs, la
distribution des avantages et des inconvénients, pour une activité donnée, ne coïncide pas sur le plan
individuel. Les travailleurs qui font marcher les réacteurs sont exposés, alors que les avantages sont
pour tous ceux qui se servent de l'électricité et qui, eux, ne sont pas exposés professionnellement. Si
vous considérez le public, les mêmes réacteurs vont polluer le milieu et il n'y aura pas coïncidence
entre ceux qui vont utiliser l'électricité et ceux qui vont recevoir les effluents. Ce système de
protection permet de résoudre tous les problèmes de justification et d'optimisation par l'approche
collective, et de limitation par l'approche individuelle.
Le système précédent demandait que l'on assure une bonne protection, le troisième système
recommande que l'on assure la meilleure protection possible. L'un est la recherche du bien, l'autre
la recherche du mieux. Sur le plan de la philosophie de la protection c'est un progrès considérable.
Le nom même du système est changé: le système de limitation des doses est remplacé par le
système de protection radiologique. Ce changement de nom exprime la volonté de ne pas réduire la
protection à la seule limitation des expositions, alors que l'objectif à poursuivre doit également être
de vérifier les expositions réelles et nécessite la mise en oeuvre d'une bonne surveillance des
nuisances et de leurs conséquences. C'est une façon d'affirmer que des réglementations très strictes
ne constituent pas l'assurance d'une protection de qualité.
- toutes les sources. Autrement dit, le système de protection doit s'intéresser non seulement à
l'irradiation artificielle, mais également à l'irradiation naturelle, ce qui est une façon de rappeler
que nous baignons dans la radioactivité;
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- toutes les expositions. Il faudra donc envisager à la fois les situations normales et les situations
pouvant conduire à des expositions potentielles Ou accidentelles, ce qui revient à rappeler que la
sûreté et la protection forment un ensemble;
- tous les détriments. Les risques ne sont pas seulement ceux des cancers mortels; il faut ajouter les
cancers curables et les affections génétiques, sur la totalité des générations.
Jusqu'à présent les études de radioprotection prenaient en compte principalement les effets
sanitaires (approche unidimensionnelle), alors qu'il convient de tenir compte plus explicitement des
aspects techniques, économiques et sociaux (approche multidimensionnelle). Les décisions doivent
être prises en fonction d'au moins quatre considérations: sanitaires, techniques, économiques et
sociales.
Ce système apporte une clarification qui était absolument nécessaire en ce qui concerne les
situations, les expositions et les actions à envisager dans la pratique de la protection radiologique.
Dans un premier stade, l'application se limitait à la protection des travailleurs dans les
domaines de la recherche et de la médecine. Dans le stade suivant, la protection du public a été
introduite dans la pratique courante. Dans ces deux cas étaient pratiquement exclues l'exposition aux
sources naturelles et l'exposition médicale liée au radiodiagnostic et à la radiothérapie. II a fallu
attendre le nouveau système de protection pour que l'application soit étendue à l'ensemble des
situations et des expositions.
Une application correcte doit se baser sur une distinction fondamentale entre les sources,
l'environnement et les personnes:
- les sources, qu'elles soient naturelles ou artificielles, sont à la base de Y émission des
rayonnements ou de la radioactivité;
- l'environnement, qu'il soit professionnel ou public, est le lieu de transmission des sources aux
personnes, par des champs de rayonnements ou de radioactivité;
- les personnes sont les individus qui subissent les expositions et qui comprennent, soit les
travailleurs, soit les membres du public, soit les patients.
3.1.2. Situations
II est essentiel de faire une distinction entre les diverses situations possibles regroupées en
deux catégories fondamentales:
- les situations prévisibles qui correspondent soit à des expositions habituelles liées à des
opérations normales, soit à des expositions potentielles liées à l'éventualité d'accidents;
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- les situations existantes qui correspondent soit à des expositions naturelles chroniques, soit à des
expositions accidentelles temporaires.
3.1.3. Expositions
Une autre classification importante est de prendre en considération les personnes exposées.
On considère trois catégories:
Une clarification essentielle porte sur les actions de protection effectuées. On distingue
fondamentalement :
- les actions de prévention qui concernent les expositions habituelles et les expositions potentielles;
- les actions d'intervention qui concernent les expositions naturelles et les expositions
accidentelles.
Le mot norme peut être pris dans deux sens différents selon qu'il comporte l'ensemble de la
protection radiologique ou qu'il se réfère aux valeurs fixées pour réduire les expositions. Si l'on
s'en tient à cette signification restreinte, on doit clairement distinguer trois types de normes: les
limites, les contraintes et les niveaux.
Le concept de limite de dose individuelle est strictement lié aux personnes. Les limites doivent
tenir compte de l'ensemble des sources auxquelles chaque personne peut être exposée (travailleur ou
membre du public).
Le concept de contrainte de dose ou de risque est strictement lié aux sources. Les contraintes
doivent tenir compte du retour d'expérience d'une bonne protection radiologique et constituent des
bornes supérieures pour l'optimisation.
Le concept de niveau de référence est caractérisé par sa souplesse qui permet de l'utiliser soit
pour les sources, soit pour l'environnement, soit pour les personnes. Il est tout particulièrement utile
pour protéger les patients en radiologie médicale, pour préciser les champs d'application du système
de protection ainsi que pour fournir une gamme appropriée pour l'intervention en cas d'accident.
Les aspects réglementaires sont extrêmement complexes et sont classés en deux grandes
catégories selon qu'ils sont généraux ou particuliers.
La réglementation générale porte sur le champ d'application, les modalités d'application et les
principes généraux du système de protection. A partir du moment où l'exposition naturelle
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universellement répandue est prise en considération, il est nécessaire de fixer des barrières pour les
champs d'application du système de protection. C'est ainsi que sont considérées hors du champ
d'application les exclusions, les exemptions et les interdictions. Lorsque le système d'application est
mis en oeuvre, les modalités administratives prévoient en général: notification, enregistrement,
autorisation, licence. Les principes généraux de justification, de limitation et d'optimisation sont
repris dans les règlements concernant l'ensemble des utilisations des rayonnements ionisants.
Les réglementations détaillées portent dans des domaines particuliers dont les principaux sont
relatifs à: l'exposition professionnelle, l'exposition médicale, l'exposition du public, l'exposition
naturelle et les expositions potentielle et accidentelle liées aux accidents radiologiques ou nucléaires.
Elle s'effectue par l'organisation d'une surveillance portant sur les sources, sur les nuisances
radiologiques ou radioactives et leurs effets sur les personnes.
4. CONCLUSION
Cette conférence inaugurale avait pour but de vous montrer comment la protection
radiologique avait évolué au cours du siècle, depuis la découverte des rayonnements X par Roentgen
et de la radioactivité par Becquerel il y a pratiquement cent ans.
- les connaissances concernant les rayonnements ionisants et leurs effets dommageables sur
l'homme;
- la doctrine basée sur des principes généraux enrichissant progressivement les systèmes de
protection successifs;
13
- l'application pratique s'étendant finalement à la totalité des sources naturelles ou artificielles, à
l'ensemble des expositions professionnelles, médicales et publiques ainsi qu'à tous les détriments
liés aux opérations normales ou aux événements accidentels.
- les Commissions internationales sur les unités et mesures et sur la protection radiologique (ICRU
et ICRP);
- le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants
(UNSCEAR);
- les organismes concernés des Nations Unies: OIT, OMS, OAA;
- les agences internationales spécialisées: AIEA, AEN/OCDE.
Leurs efforts ont abouti, en septembre 1994, à l'approbation consensuelle des nouvelles
normes fondamentales de radioprotection et de sûreté des sources radioactives (Basic Safety
Standards, BSS), dont la base doctrinale est la Publication 60 des recommandations générales de la
CIPR.
Le cours que vous allez suivre va donc porter essentiellement sur les normes fondamentales
de radioprotection de l'AIEA, co-signées par l'OIT, l'OMS, l'OAA et l'AEN/OCDE. Vous pourrez
constater que la protection radiologique est un exemple d'action contre les nuisances du monde
moderne en raison de ses réalisations, de son caractère multidisciplinaire et de son apport à la
protection en général. La radioprotection a su profiter du fait que les nuisances radiologiques et
radioactives peuvent être mesurées avec une extrême précision. Leurs effets immédiats et tardifs
(cancers et maladies héréditaires) sont bien mieux connus que pour les autres nuisances physiques,
chimiques et biologiques. La doctrine multidimensionnelle répond par ses préoccupations sanitaires,
techniques, économiques et sociales aux exigences du monde moderne. L'application pratique
s'étend à la totalité des sources, à l'ensemble des expositions et à l'intégralité des détriments.
L'UNSCEAR vient de relancer un grand débat sur les effets des faibles doses et leur
interprétation scientifiquement rigoureuse, impliquant, en plus de l'épidémiologie, de très
nombreuses disciplines telles que la biologie moléculaire, la radiobiologie, la radiopathologie, la
génétique et la cancérologie. En outre, les effets d'adaptation des organismes aux rayonnements ont
été considérés comme devant être sérieusement étudiés. Les progrès considérables concernant le
génome humain feront vraisemblablement apparaître des différences importantes relatives à la
résistance ou à la sensibilité pour l'induction des différents types de cancers ou de maladies
héréditaires. En outre, les progrès considérables dans la guérison des cancers pourraient modifier
l'équilibre du détriment.
La CIPR, après avoir publié en 1991 ses recommandations générales (Publication 60), vient
de les compléter en mars 1994 par la Publication 65 sur les problèmes posés par le radon dans les
habitations et les lieux de travail. Ses comités 3 et 4 ont entamé de futures publications concernant
notamment la protection des travailleurs, la protection des patients et les expositions potentielles
liées à la sûreté des sources.
Les autres organismes internationaux des Nations Unies ou de l'OCDE dès l'adoption des
normes fondamentales de protection (BSS) développeront vraisemblablement des programmes de
publications spécifiques.
14
ses réalisations profitent en retour aux différentes disciplines qu'elle avait sollicitées. Elle peut donc
servir d'exemple d'action contre les nuisances du monde moderne.
Sur un plan philosophique général, les sociétés humaines évoluent actuellement avec une
rapidité considérable. La science comme la réglementation doivent considérer qu'un risque
acceptable doit aussi être accepté. Ainsi vont se développer inéluctablement des problèmes d'éthique
en vue de proposer à l'homme des solutions faisant l'objet du consensus le plus large.
Vraisemblablement la "règle" à respecter devra être complétée par des objectifs de "comportement"
raisonnable. Cela nécessitera le développement d'une culture appropriée en protection radiologique
dont ce cours est un premier exemple.
XTPÂGEISll
J
15
CHAPITRE 1. PHYSIQUE NUCLEAIRE
A. de Chateau-Thierry
1.1.1. Généralités
1.1.1.1. Constitution
Quel que soit son état - solide, liquide ou gazeux - la matière est un assemblage d'atomes.
Un atome est constitué d'un noyau très dense, de très petite dimension (environ 10'13 cm),
contenant Z protons électriquement chargés et N neutrons, sans charge, autour duquel sont répartis
Z électrons formant l'enveloppe électronique de l'atome.
Les constituants du noyau (protons et neutrons) sont appelés des nucléons. Leurs masses sont
très voisines ( - 1,67 . 10"27 kg).
La masse de l'électron étant environ 1840 fois plus faible que celle d'un nucléon, toute la
masse de l'atome est pratiquement concentrée dans le noyau. L'atome est un ensemble
électriquement neutre. Les protons et les électrons ont des charges de même grandeur (e = 1,6 x
1O19 C) mais de signe opposé. La charge +Ze du noyau est donc exactement compensée par celle
des Z électrons (-Ze).
1.1.1.2. Nomenclature
1.1.1.2.1. COMPOSITION
X
Exemple: \C
1.1.1.2.2. ELEMENT
Tous les atomes ayant le même numéro atomique Z ont les mêmes propriétés chimiques: Z
caractérise l'élément.
17
Dans la nature, les numéros atomiques des éléments prennent toutes les valeurs entières
comprises entre Z = 1 (hydrogène) et Z = 92 (uranium), à deux exceptions près: les éléments
Z = 43 (technétium) et Z = 61 (prométhéum) n'existent pas naturellement. Ils ont été créés
artificiellement. Les 325 nucléides naturels appartiennent donc à 90 éléments.
1.1.1.2.3. ISOTONES
e
Exemple: 23 V 2 4 Cr 26^
1.1.1.2.4. ISOTOPES
Les atomes de même Z peuvent avoir un nombre de neutrons différent. On appelle isotopes
les différents nucléides appartenant à un même élément. Dans la nature, la composition isotopique
d'un élément est pratiquement constante. Par exemple, l'abondance isotopique du silicium est:
90 00 "if)
Néanmoins de faibles différences ont été observées selon l'origine géologique de l'élément.
1.1.1.2.5. ISOBARES
Les noyaux de même nombre de masse A sont dits isobares. Ayant des numéros atomiques
différents, ils appartiennent à des éléments différents.
7 - 1 40 A 40T.T 40-,
Exemple: lgA 19 K 20 Ca
L'équivalence entre la masse et l'énergie a été proposée en 1905 par Einstein, dans sa théorie
de la relativité restreinte: à toute masse niQ correspond une énergie E. La relation d'équivalence
s'écrit:
E = mpc 2 ! (1.1)
Il en résulte qu'une particule au repos possède une énergie: son énergie de masse au repos.
18
- Conservation de la charge
De même, on retrouve dans le système final le nombre de nucléons présents dans le système
initial.
- Conservation de l'énergie
L'énergie existe sous diverses formes: énergie cinétique, potentielle et rayonnante. Elle ne
peut pas être produite à partir de rien et ne peut pas être détruite. E existe uniquement des
transformations d'une forme d'énergie en d'autres formes d'énergie.
v
avec P = - , v étant la vitesse de la particule.
- Conservation de l'impulsion
Au cours d'une interaction, l'impulsion totale d'un système est conservée. Des expressions
(1.2) et (1.3), on déduit l'importante relation entre l'énergie et l'impulsion:
En 1905, la conception purement ondulatoire de la lumière est battue en brèche par une idée
révolutionnaire de Einstein: II émet l'hypothèse qu'à toute onde électromagnétique doit être associée
un corpuscule, appelé photon, d'énergie quantifiée:
E = hv (1.5)
C'est avec cette hypothèse des quanta de lumière qu'il donne l'explication théorique de l'effet
photoélectrique (qui lui vaudra le prix Nobel en 1922).
Pour le photon, mo c2 = 0.
19
De l'expression (1.4), on déduit: E = p c (1.6)
E hv
d'où: p = - = (1.7)
c c
hv
II en résulte que les quanta de lumière ont une impulsion dans la direction de la
c
propagation de la lumière.
Par analogie avec ce qui vient d'être dit à propos de la lumière, Louis de Broglie, en 1924,
fait l'hypothèse qu'à toute particule doit être associée une onde.
X = ± = -±- (1.8)
v
p mv '
En 1927, Davisson et Germer confirment expérimentalement cette hypothèse, en montrant
que les électrons sont diffractés de la même façon que les ondes, avec la longueur d'onde de
de Broglie.
1.1.1.3.2. UNITES
- Longueur
En physique nucléaire, la longueur caractéristique est le femtométre (1 fin = 1O15 m), plus
souvent appelé fermi, en l'honneur du physicien italien Enrico Fermi.
Le rayon des noyaux varie de ~ 1 fin pour les protons, à — 7 fm pour les noyaux les plus
lourds.
- Temps
L'échelle des temps des phénomènes nucléaires est extraordinairement étendue: il y a des
processus dont les durées caractéristiques sont aussi courtes que 10"20 s (c'est le cas de nombreuses
réactions nucléaires), alors que d'autres, tels que certaines désintégrations radioactives, ne se
produisent qu'au bout de milliards d'années.
Dans la pratique, on utilise l'unité de temps la mieux adaptée au problème traité (seconde,
minute, heure, jour, année).
- Energie
L'unité d'énergie est l'électronvolt (eV): c'est l'énergie acquise par une charge élémentaire e
soumise à une différence de potentiel de 1 volt.
1 eV = 1,602 . 10"19 J
Les énergies mises en jeu en physique nucléaire sont très supérieures à l'électronvolt. Elles
s'expriment à l'aide de ses multiples, le keV et le MeV:
20
-Masse
Les masses des atomes et des noyaux sont extrêmement petites. On a coutume de les
comparer à une masse de référence: l'unité de masse atomique u, qui vaut le douzième de la masse
de l'atome de carbone (^C).
Dans la pratique, par suite de l'équivalence masse-énergie, on n'utilise non pas les masses,
mais leur équivalence énergétique:
l u = 931,502 MeV/c2
(u) (MeV/c2)
Electron 5,485 . 10"4 0,511
Proton 1,00727 938,28
Neutron 1,00866 939,57
Alpha 4,00150 3727,41
Notre compréhension actuelle de l'atome a véritablement débuté dans les années 1911-1913.
A la suite des expériences de Geiger et Marsden, mettant en évidence la diffusion à grand angle des
particules alpha par les atomes, Rutherford, en 1911, démontre que la charge positive de l'atome
doit être concentrée dans un noyau extrêmement petit, très compact, représentant pratiquement toute
la masse de l'atome. La diffusion s'explique alors par la force coulombienne répulsive entre l'alpha
et le noyau, tous deux chargés positivement.
Rutherford décrit l'atome comme un système planétaire dans lequel les électrons en
mouvement gravitent autour du noyau à des distances relativement grandes par rapport à son
diamètre. La somme des charges négatives des électrons équilibre exactement la charge positive du
noyau.
L'hypothèse la plus simple est de considérer que les électrons décrivent des orbites circulaires
autour du noyau. L'équation du mouvement s'obtient en écrivant que la force d'attraction
coulombienne qu'exerce le noyau sur l'électron, est égale à la force centrifuge:
Ze2 m v2
(1.9)
r2
Considérons un électron en mouvement sur une orbite circulaire de rayon r: Les lois
électrodynamiques de Maxwell prévoient qu'une charge, soumise à une accélération, rayonne de
l'énergie sous forme d'un rayonnement électromagnétique. Par conséquent, l'orbite de l'électron ne
21
serait pas stable et aurait la forme d'une spirale se rapprochant du noyau, jusqu'à se trouver en son
contact. Dans ces conditions, aucun atome ne pourrait exister et la physique classique est mise en
défaut.
Pour expliquer la stabilité des orbites électroniques, Bohr renonce à la théorie électrodynamique de
Maxwell et introduit arbitrairement des conditions de quantification.
- Postulats de Bohr
1. Un électron, dans un atome, décrit une orbite circulaire autour du noyau, sous l'influence de
l'attraction coulombienne entre l'électron et le noyau.
2. Le moment angulaire orbital de l'électron L = m v r, ne peut varier que de manière discrète.
Il est quantifié. Seules sont permises les orbites pour lesquelles: 2nL = nh avec n = 1,2,
3,...
3. Sur une orbite permise, l'électron, bien que constamment accéléré, ne rayonne pas d'énergie et
son énergie totale reste constante.
4. Un rayonnement électromagnétique est émis seulement si un électron saute d'une orbite
d'énergie totale Ej sur une autre orbite permise, d'énergie totale inférieure Ef . L'énergie
rayonnée est: Ej - Ef .
Plutôt que de parler d'orbite, on construit un modèle en couches de l'atome (fig. 1.1).
L'énergie totale de l'électron sur une couche est la somme de son énergie cinétique et de son
énergie potentielle. Cette dernière est choisie nulle pour un électron situé à très grande distance du
noyau (électron libre). Elle est négative quand l'électron subit la force coulombienne d'attraction du
noyau (électron lié).
EQ = E c + Ep (1.10)
1 .- Ze2
avec: Ec = x m v et
Ep =
4
d'où: En = T Z2 (1.11)
2 2
2 nh
22
t»r • £ . - £ .
r\s\/\s>
Emituon/oc-uciui ion
«•4
n = 1 correspond à la couche K
n = 2 correspond à la couche L
n = 3 correspond à la couche M
- Atome d'hydrogène
Appliquée à l'atome d'hydrogène (Z = 1), la théorie de Bohr prédit avec succès les états
d'énergie et les longueurs d'onde de son spectre d'émission (fig. 1.2).
L'atome d'hydrogène est dans son état fondamental: c'est un état stable qui correspond à
l'énergie minimum du système lié proton-électron (énergie de liaison maximum).
Pour n = 2, 3,... l'électron est dans un état excité. C'est un état instable qui ne persiste que
pendant une durée très brève ( — 10" s). Le retour vers le niveau fondamental s'effectue avec une
libération d'énergie (Ej - Ef).
Supposons l'électron excité sur la couche L, l'énergie libérée apparaît sous forme d'un
rayonnement électromagnétique d'énergie (E^ -
23
,E
électron libre
EŒ-0
états liés de e-
_ n«2
J m,=-l, -1 +1, . . . , + /
2 2
ou bien:
1 1
m=-j, -
- n est le nombre quantique principal. D peut prendre toutes les valeurs entières positives.
- / est le nombre quantique azimutal. Il peut prendre toutes les valeurs entières de 0 à n - 1.
- j est le moment cinétique total de l'atome. Il ne peut prendre que les deux valeurs indiquées.
- m est la projection de j sur une direction privilégiée. Il peut prendre les 2/ + 1 valeurs
comprises entre - j et + j .
24
l. l .2.2.2. PRINCIPE D'EXCLUSION DE PAULI
En 1925, W. Pauli énonce le principe suivant: deux électrons dans l'atome ne peuvent exister
dans le même état, c'est à dire que les quatre nombres quantiques qui définissent leur état
dynamique ne peuvent être identiques. Le principe d'exclusion de Pauli gouverne le remplissage des
couches électroniques et permet de construire tous les atomes.
Les électrons ayant la même valeur de n sont dans la même couche. Une couche se subdivise
en sous-couches, suivant les valeurs de /:
couche L: n = 2: / = 0 ;m = 0 s = ±x 2 états
/ = 1 ; m = 0,± 1 s = ±2 6 états
couche M: n = 3: / = 0 ;m = 0 s = ±~ 2 états
s = ± 6 états
/ = 1 ; m = 0,± 1 5
s = ±
/ = 2 ; m = 0,±l,±2 2 10états
s = r ± 6 états
/ = 1 ; m = 0,± 1 2
s = ±
/ = 2 ; m = 0,±l,±2 2 10 états
14 états
/ = 3 ; m = 0,±l,±2,±3 s = ±^
Chaque couche ne peut contenir qu'un nombre maximum donné d'électrons égal à 2 n2, soit:
L'énergie de liaison varie de quelques eV à quelques dizaines d'eV pour les électrons les
moins liés des différents atomes, à —150 keV pour les électrons les plus liés (électrons K) des
atomes les plus lourds.
25
Dans l'état fondamental, l'atome a une énergie totale minimum, les électrons occupent les
niveaux d'énergie les plus bas possibles, compte tenu du principe d'exclusion ; l'énergie de liaison
est alors maximum.
1.1.3. Noyau
En première approximation, le noyau peut être assimilé à une petite sphère, dont le rayon est
donné par l'expression:
4 T, 4 3
Son volume V est alors: V = ^TIR = rjtR A (1-13)
On peut en déduire que le nombre n de nucléons par unité de volume nucléaire est constant:
(114)
""v - ^
1.1.3.2. Etats d'énergie
B
La figure 1.3 représente la variation de l'énergie de liaison moyenne par nucléon -r , en
26
On peut obtenir de deux façons différentes une libération d'énergie:
- soit en scindant les noyaux les plus lourds en fragments de masse moyenne, c'est le
phénomène de fission;
- soit en assemblant deux noyaux légers en un noyau plus lourd, c'est le phénomène
de fusion.
9r
Yr
8 •
7 -
i 1
ii- M
4 -
3 -
FIG. 1.3. Energie moyenne de liaison A/B en MeV par nucléon pour les noyaux naturels en
fonction du nombre de masse (d'après Evans).
Prenons l'exemple du deuterium {R . Son noyau est constitué d'un proton et d'un neutron,
liés entre eux avec une énergie de 2,23 MeV.
Le neutron n'ayant pas de charge, il n'y a pas d'attraction coulombienne entre le neutron et le
proton. L'énergie potentielle gravitationnelle entre ces deux nucléons est complètement négligeable
(elle est inférieure d'un facteur ~1036 à l'énergie de liaison observée).
Si l'on considère un noyau plus lourd contenant plusieurs protons, la force coulombienne
entre ces particules de même charge est répulsive et s'oppose à la formation du noyau. Les forces
classiques étant inadéquates; on en déduit qu'il existe, à l'intérieur du noyau, un autre type
d'interaction liant les nucléons: l'interaction nucléaire forte.
- Elles sont attractives et très intenses, ce qui explique les fortes énergies de liaison des nucléons;
- Elles sont à courte portée (~ 1 fin), la portée étant la distance au delà de laquelle une interaction
devient négligeable ; en cela, elles se différencient des forces coulombiennes qui sont dites à
longue portée (variation en -j );
27
- Elles sont indépendantes de la charge, ce qui signifie que les forces d'attraction nucléaire n-n,
p-p, n-p sont pratiquement identiques;
- Elles sont saturées. Dans un noyau contenant plusieurs nucléons, un nucléon n'interagit qu'avec
un nombre limité de nucléons voisins. Si chaque nucléon exerçait la même attraction sur chacun
des autres nucléons du noyau, il y aurait - liaisons attractives et, lorsque A > > 1, -r-
varierait sensiblement comme A, ce qui n'est pas le cas.
En résumé, dans l'étude du comportement du noyau, on doit prendre en compte les forces
nucléaires attractives à courte portée et les forces coulombiennes répulsives entre protons.
En l'absence d'une théorie exacte de la structure nucléaire, les physiciens ont mis au point des
modèles fondés sur différents groupes d'hypothèses simplificatrices, chacun de ces modèles rendant
compte d'un certain nombre de résultats expérimentaux. Citons les deux extrêmes:
Par analogie avec la répartition des électrons dans l'atome, chaque nucléon a un mouvement
bien caractérisé dans un potentiel nucléaire central moyen et n'a qu'une très faible interaction avec
les autres nucléons. Ce modèle explique la très grande stabilité des noyaux, qui ont un nombre
donné de neutrons et de protons, appelés nombres magiques (2, 8, 20, 28, 50, 82 protons, 2, 8, 20,
28, 50, 82, 126 neutrons). Ceci rappelle la stabilité particulière des configurations électroniques à
couches fermées (gaz rares).
Le point de vue est tout à fait opposé au précédent. Dans ce modèle, on compare le noyau à
une goutte liquide dans laquelle les nucléons jouent le rôle des molécules. L'émission de particules
par le noyau est analogue à 1'evaporation de molécules de la surface d'un liquide. Ce modèle, qui
ignore le mouvement individuel des nucléons, rend bien compte de la variation de -r en fonction
de A.
Le cortège électronique d'un atome initialement dans son état fondamental peut être perturbé
à la suite, par exemple, d'une collision avec un projectile. L'atome se trouve alors dans un état
excité. C'est un état instable de durée de vie généralement très brève (ÎO"8 à 10 15 s). Après quoi,
l'atome se désexcite.
Considérons un atome dans son état fondamental, bombardé par un projectile p (fig. 1.4).
Supposons qu'à la suite de l'interaction, un électron de la couche K soit éjecté: l'atome devient
ionisé et une vacance électronique est créée sur la couche K.
28
L'atome évoluant toujours vers un état d'énergie minimum, cette vacance est très rapidement
comblée par un électron moins lié, le plus souvent un électron de la couche L, la vacance sur la
couche L étant elle-même comblée par un électron moins lié (couche M, N, etc). Le cortège
électronique se réarrange ainsi de proche en proche. Ce réarrangement donne lieu à l'émission de
rayonnement qui emporte la totalité de l'énergie libérée. En toute rigueur, par application du
principe de conservation de l'impulsion, on devrait tenir compte de l'énergie emportée par l'atome
qui recule au moment de l'émission mais cette énergie est complètement négligeable.
M
L ' • / '
M
L M
L
K
K
Une transition L-*K libère une énergie égale à OÙ Eg est l'énergie de liaison sur la
couche K et EL l'énergie de liaison sur la couche L.
La désexcitation peut s'effectuer par l'un ou l'autre des deux processus suivants: l'émission X
et l'effet Auger.
1.1.4.1.1. EMISSIONX
L'émission X est un processus radiatif découvert par Rôntgen en 1895: l'énergie est émise
sous forme d'un rayonnement électromagnétique X d'énergie:
hv = EJJ-EL
Les énergies de liaison des électrons caractérisant les éléments, on parle d'émission d'X
caractéristique: X K , X L , X M , si la vacance a été créée sur la couche K, L ou M.
En fait, à l'exception de la couche K, toutes les couches ont plusieurs sous-couches. Ceci
entraîne l'existence d'un grand nombre de transitions possibles.
29
Ces transitions, qui sont quantifiées, obéissent à des règles de sélection. Sur la figure 1.5 sont
représentées les transitions les plus fréquemment observées, avec la dénomination des raies X
correspondantes. Le domaine d'énergie des rayons X s'étend jusqu'à environ 120 keV.
n 1 J
vu- 3 7/î
3 S/2
2 S/ï
Nw 2
1 3/2
1
0 ira
2 S/2
2 3/î
M 1 VZ
0 VJ
1 1/2
V2
0 V2
K 3 1/2
Al = : 1
Ko Kg
Aj = o.n
3,= K - L , KOi= K - M ,
Ka = K-N,+(K
K
3,- ">-i 1 ^ = L,- M. <-3,= L. - M ,
Ka,= K - M,
Découvert par Pierre Auger en 1925, ce processus est non radiatif. L'énergie disponible est
directement transférée, sans émission X, à un électron du cortège électronique qui est éjecté de
l'atome avec une énergie cinétique égale à l'énergie libérée diminuée de son énergie de liaison.
C'est un processus d'auto-ionisation de l'atome.
A la suite d'une transition L -> K, on obtient, par exemple, des électrons d'énergie:
30
nombre d'Xs
nombre de vacances créées sur la couche s
(s = K, L, M, .)
La figure 1.6 représente la variation de coK en fonction du numéro atomique Z ainsi que le
rendement Auger:
aK = 1-© K
L'effet Auger est prédominant pour les éléments légers ; l'émission X pour les éléments
lourds. Pour le gallium (Z = 31), la probabilité d'émission X est égale à celle de l'émission Auger
(aK = WR)
FIG. 1.6. Rendement de fluorescence et Auger en fonction du numéro atomique pour la couche K.
1.1.4.2.1. EMISSION y
C'est Villard qui, le premier, a montré que les radionucléides émettent des rayonnements
pénétrants qui ne sont pas déviés par un champ électrique ou un champ magnétique. On les a
appelés rayons y. Ce sont des rayonnements électromagnétiques de même nature que les rayons X
ou que la lumière visible. L'appellation rayons y exprime seulement la différence d'origine: ils sont
émis lors du réarrangement de la structure nucléaire.
Soit une transition entre deux niveaux d'énergie Ej et Ef d'un noyau (A,Z). Appliquons à
cette transition les principes de conservation de l'énergie et de l'impulsion:
31
Ei - Ef = Ey + ER
et
0 = Py + PR
On a: py = ^ (1.16)
et pR = MRVR (1.17)
D'une façon générale, Ej^ < < Ey et on peut écrire avec une très bonne approximation:
Ey = Ej - Ef
Ee- = E - B
32
Iec
a =
< ¥
La conversion interne pouvant concerner des électrons de différentes couches, on associe à
chaque couche un coefficient de conversion, par exemple:
IecK IecT
d'où: a, = a K + a L 4- a M + ...
- augmentent comme Z 3 ; la conversion interne est plus importante pour les noyaux lourds que
pour les noyaux légers ;
- décroissent rapidement quand l'énergie de la transition augmente ;
- décroissent en fonction du nombre quantique principal comme -5 (la conversion sur la couche K
est favorisée).
1.1.4.2.3. ISOMERES
La vie moyenne des niveaux excités est fréquemment de l'ordre de 1CH2 à 10'15 s. On observe
pour certains niveaux des vies moyennes considérablement plus longues qui se comptent en
secondes, en heures ou en jours. On appelle isomère nucléaire, ou état métastable, tous les niveaux
pour lesquels on a mesuré la vie moyenne: un état de vie moyenne 1 fis est un isomère. On indique
cet état par la lettre m.
- , 110m.
Exemple: 47 Ag
1.1.5. Les noyaux stables
Parmi toutes les possibilités de grouper des protons et des neutrons pour former des noyaux,
seules certaines configurations sont stables. On connaît actuellement plus de 2000 noyaux; il n'y en
a que 274 qui soient stables.
N
1.1.5.1. Stabilité en fonction du rapport •=
On peut placer ces noyaux stables sur un graphique dont les axes de coordonnée figurent, en
abscisse, le nombre de protons et, en ordonnée, le nombre de neutrons (fig. 1.7).
Pour les éléments légers, les noyaux stables ont un nombre de neutrons égal au nombre de
protons (N = Z).
Pour les éléments plus lourds, le nombre de neutrons est en excès sur le nombre de protons et
plus A augmente, plus l'excès augmente.
Pour un nombre de protons donné (Z constant), N n'est pas rigoureusement fixé et peut varier
de plusieurs unités: il y a plusieurs isotopes stables. De même, pour N constant, Z peut varier de
plusieurs unités: il y a plusieurs isotones stables.
33
130
120
no
• sUbtm
© rm&o»cur
too
5 10 J5 20 25 30 3S 40 45 50 55 60 65 7 75
Comme nous venons de le voir, seuls les noyaux les plus légers ont tendance à avoir un
nombre égal de protons et de neutrons. Lorsque Z augmente, des forces disruptives, dues à la
répulsion coulombienne entre protons (répulsion qui existe entre charges de même signe),
empêcheraient la formation de nucléides stables si des forces attractives supplémentaires n'étaient
pas introduites dans la structure nucléaire.
Ces forces attractives supplémentaires sont des forces nucléaires à courte portée, fournies par
les neutrons, dont le nombre N dépasse Z de plus en plus lorsque Z croît (fig. 1.8).
34
Or, comment s'exprime, en première approximation, l'énergie coulombienne répulsive du
noyau ? On montre que l'énergie électrostatique W d'une charge Q, distribuée à l'intérieur d'une
Q2
sphère de rayon R, est proportionnelle à -5- . Si donc on considère que la charge nucléaire est
distribuée uniformément à l'intérieur du volume nucléaire, l'énergie coulombienne du noyau est:
Wcoul = (1.20)
R
— = A^
A'3
Par conséquent, il semble bien que le rôle principal de l'excès de neutrons (N - Z) soit de
neutraliser l'énergie de répulsion coulombienne.
50
40
F
• A impair
I J
y
•
9 A pair
• •
t* 30 - -
i
i20 - -
o •• •
t •••••«'
» J
10 • • -
f ••fm'mm • •
J r0BO8»
f
o t J
80 220 160 200 240
FIG. 1.8. Excès de neutrons (N-Z) en fonction du nombre de masse pour les nucléides stables
(d'après Evans).
35
1.1.5.3. Abondance des noyaux stables en fonction du nombre de protons et de neutrons
Le tableau ci-après donne la distribution de fréquence observée pour les noyaux stables en
fonction du caractère pair (P) ou impair (I) du nombre de neutrons, du nombre de protons et de
nombre de masse.
i i P 50
i P i 55
P i i 4
P P P 165
- La comparaison des règles de stabilité pour les isotopes et les isotones montre que les neutrons
ont un comportement dans les noyaux sensiblement identique à celui des protons. Il y a toute
raison de considérer les neutrons et les protons comme deux formes d'une même particule, le
nucléon.
- Des nombres pairs de nucléons identiques sont plus stables que des nombres impairs. Les "pair-
pair" représentent 60% des noyaux stables.
- Une stabilité exceptionnelle est associée à certains nombres pairs de nucléons, particulièrement
20, 28, 50, 82. Comme nous l'avons dit, ces nombres, dits magiques, identifient quelques unes
des configurations en couches fermées de nucléons identiques. Il y a, par exemple, 10 isotopes
stables de retain (Z = 50).
- Les quatre nucléides de Z et N impairs appartiennent à des éléments légers. Leur nombre de
protons est égal à leur nombre de neutrons. Ce sont: le deuterium ^H , le bore 5 B , le lithium
3Li et l'azote 7 N .
1.2. RADIOACTIVITE
1.2.1. Définition
Pendant un petit intervalle de temps dt, compris entre t et t + dt, un certain nombre de ces
noyaux se sont désintégrés et ont changé de nature.
36
En appelant dN la variation du nombre d'atomes pendant l'intervalle de temps dt, on peut
exprimer la probabilité de transformation à l'aide de la relation:
ff = -Xdt (1.21)
1.2.2.1. Période
La période T est le temps au bout duquel la moitié des NQ atomes se sont désintégrés.
Soit
w0 - \ <
d'où:
exp(-Xt) = \ (1.24)
In 2 0,693
T=—— ou T= -4 (1.25)
À h
2
Exemples: £Po T = 2,96 ÎO"7 s.
La vie d'un atome particulier est comprise entre 0 et oo. Mais la vie d'un certain nombre
d'atomes peut-être définie. Considérons NQ atomes présents à l'origine t = 0. A l'instant t, il
reste:
Entre t et t + dt, dN(t) atomes se désintègrent (dN(t) = X N(t) dt); ces dN(t) atomes ont eu
une vie égale à t.
37
t + dt
dN(t)
Par définition, la vie moyenne x des NQ atomes est la somme des durées de vie de tous les
atomes divisée par le nombre NQ d'atomes:
exp(-A.t)tdt (1.29)
o
T= ^ (1.30)
Comme:
la vie moyenne correspond au temps au bout duquel le nombre d'atomes a décru d'un facteur 1/e.
1.2.3.1. Classification
- Désintégration fi~
- Désintégration P +
Le noyau (A,Z) se transforme spontanément en un noyau (A, Z-l) avec émission d'un
positon, appelé P + . Le positon est l'antiparticule de l'électron: il en diffère seulement par le signe
de sa charge, qui est positif.
38
- Capture électronique
Le noyau (A,Z) se transforme en un noyau (A, Z-l) à la suite de la capture d'un électron de
l'atome par le noyau.
- Désintégration a
Le noyau (A,Z) se transforme en un noyau (A-4, Z-2) avec émission d'une particule alpha
(noyau d'hélium ^He).
- Fission spontanée
Le noyau se scinde en deux fragments lourds, les fragments de fission, avec émission de
neutrons (2 à 3 en général).
I Z »I3
«S 120
Zone 1. Située à gauche de la ligne de stabilité, les noyaux sont trop riches en neutrons.
Zone 2: Située à droite de la ligne de stabilité, les noyaux sont trop riches en protons.
Zone 3: Au dessus de la ligne de stabilité les noyaux sont trop riches en protons et en neutrons.
FIG. 1.9. Les désintégrations radioactives. Evolution vers la stabilité.
39
1.2.3.2. Désintégration (3"
Un nucléide (A,Z) dans son état fondamental se désintègre par émission p pour donner le
nucléide (A, Z + l ) , également dans son état fondamental. Pour toute désintégration de ce type,
l'énergie libérée est constante et égale à la différence d'énergie entre (A,Z) et (A, Z + l ) . Pourtant,
l'énergie des électrons émis n'est pas la même pour chaque processus individuel.
Une statistique faite sur un grand nombre de ces désintégrations peut être schématisée par la
figure 1.10, sur laquelle on porte en abscisse l'énergie E et en ordonnée le nombre d'électrons ayant
une énergie E.
Cette courbe, qui donne la répartition énergétique des électrons de désintégration, est appelée
spectre continu (3 . Elle est limitée à une valeur Em^: énergie maximum du spectre P . Le
±rinax
maximum d'intensité se situe vers E = . Cette répartition énergétique paraît être en
contradiction avec le principe de conservation de l'énergie puisque le noyau initial et le noyau final
sont dans des états énergétiques bien déterminés. On peut montrer d'ailleurs que, lorsqu'on connaît
la masse des noyaux M'(A, Z) et M'(A, Z+1), la relation:
Energie
(A, Z)
:max
(A, Z+1)
40
1.2.3.2.2. HYPOTHESE DU NEUTRINO (PAULI 1930)
L'existence d'un spectre continu dans la désintégration (3 a été mise en évidence par
J. Chadwick en 1914. De 1914 à 1930, les expérimentateurs ont tenté, en vain, d'expliquer ce
résultat, qui implique l'émission d'un autre rayonnement. En effet, s'il n'y avait, dans la
désintégration P~, que deux particules enjeu, l'électron et le noyau de recul (A, Z + l ) , ces deux
particules devraient avoir des impulsions de même grandeur et de direction opposée; et leurs
énergies cinétiques seraient dans le rapport inverse de leur masse. Par conséquent, puisque l'énergie
de la désintégration est constante, tous les (3 devraient avoir la même énergie.
210
Dans le cas du g3 Bi par exemple (fig. 1.11), on s'attend à détecter des P monoénergétiques et
non un spectre continu s'étendant de 0 à 1,16 MeV.
Des mesures calorimétriques (Ellis, Wooster, 1927) permirent d'éliminer l'hypothèse d'une
mauvaise détection des électrons censée expliquer le spectre continu ; d'autres expériences (Lise
Meitner 1930) montrèrent qu'on ne peut pas attribuer la forme du spectre à un partage statistique de
l'énergie entre le P et un y émis simultanément.
41
Le neutrino est une particule extrêmement pénétrante qui n'est pas ionisante et qui n'interagit
pas dans les détecteurs usuels. Elle est donc très difficile à mettre en évidence. Son existence a été
démontrée expérimentalement par Reines et Cowan en 1956: l'expérience consistait à détecter le
neutron et le positon émis lors de la capture d'un antineutrino par un proton.
p + P" + v (v antineutrino)
Nous avons supposé jusqu'ici que la transition p avait lieu entre les états fondamentaux des
noyaux (A, Z) et (A, Z + l ) ; dans de nombreux cas, le noyau final est laissé dans un de ses niveaux
excités.
Exemple
38
17 C1 (fig. 1.12). A chacun de ces niveaux correspond un spectre b, dont l'énergie maximum est
plus faible que celle qu'on peut obtenir entre niveaux fondamentaux.
Expérimentalement, on mesure la résultante des spectres partiels bl, b2, b3. Le noyau fils excité
retourne à l'état fondamental en se désexcitant par émission g ou conversion interne.
1 i
38,
FIG. 1.12 . Allure du spectre 17Cl.
42
1 . 2 . 3 . 2 . 5 . ENERGETIQUE DE LA DESINTEGRATION |3
Expérimentalement :
mv c2 » 0
< <
EM' ^max (^ u f*"1 de ^a ttès grande masse du noyau par rapport à celle de l'électron).
Si nous ajoutons aux deux membres la masse de Z électrons atomiques, nous avons
En négligeant la petite différence d'énergie de liaison des électrons atomiques dans les atomes
(A,Z) et (A,Z + 1), la relation entre les masses atomiques neutres s'écrit:
En utilisant la lettre Q pour indiquer les différences de masse atomique dans la désintégration,
on a:
le 2 = EQ (1.37)
43
L'énergie cinétique totale EQ est égale, avec une très bonne approximation, à la différence des
masses atomiques QR- entre les atomes isobares qui participent à la désintégration. On a coutume
de représenter ce résultat sous forme d'un diagramme énergie-masse atomique.
Le spectre continu (3' simple s'étend jusqu'à l'énergie maximum 2,865 ± 0,01 MeV
Après émission de la particule p, le noyau résiduel de 14Si est laissé dans un niveau excité
d'environ 1,78 MeV au dessus du niveau fondamental, puis il se désexcite.
T I
27.986 f-
27.985
Oiaoramme énergie^
| masse atomique \
1.2.3.3. Désintégration (3 +
Dans ce type de désintégration, qui implique l'émission d'un électron positif, un noyau de
charge Z se transforme en un noyau de charge Z-l.
p -> n + p + + v (v neutrino)
1.2.3.3.1. SPECTRE 3+
La désintégration P+ est aussi un processus à trois corps et donne lieu à l'émission d'un
spectre continu. Cependant, l'allure du spectre P+ est un peu différente de celle du spectre P" en
raison de l'interaction coulombienne entre le p et le noyau fils: interaction répulsive dans l'émission
p + et attractive dans l'émission p".
44
Cela se traduit par une déformation du spectre aux basses énergies: il y a moins de positons
de très basse énergie que d'électrons (fig. 1.14).
~2 (1.38)
=
+ EQ
(1.39)
D'où:
A
= Me2 - = 2 (1.40)
Pour que la désintégration P + soit énergétiquement possible, il faut que cette différence soit
au moins égale à 2moC2 = 1,022 MeV.
45
Puisque les masses de ces deux particules sont égales, nous pouvons tenir compte de
l'électron atomique et du positon en ajoutant 2VOQ aux produits de la réaction (fig. 1.15).
22,002
!l Na«
_ 22.001
3
01
•2" 22.000
o
C3
" V
Ig 21.999 , 1,277 MeV
21.998
Diagramme énergie-
masse atomique
1.2.3.4.1. MECANISME
p + e" n + v
capture K , ,, , , , n
Le rapport *
ccapture L est de l'ordre de 10.
L'hypothèse du neutrino est ici nécessaire, non seulement pour assurer la conservation du
moment angulaire total, mais aussi pour assurer la conservation de l'énergie.
De même que pour l'émission P, le noyau résiduel peut être laissé dans un état excité.
46
1.2.3.4.2. ENERGETIQUE DE LA DESINTEGRATION
E
+ 'c2 +m
y°2 + M' + (L41>
Expérimentalement, on mesure facilement Ey. L'énergie de recul a été mesurée dans quelques
cas, mais on ne peut pas mesurer directement l'énergie du neutrino.
L'énergie de désintégration:
(1.42)
Si on ajoute Z-l électrons aux deux membres de l'équation et si on néglige les différences
dans l'énergie de liaison des différents électrons atomiques,
(1.43)
FIG. 1.16. Désintégration du \ Be par capture électronique. Diagramme énergie - masse atomique.
L'équation précédente montre que la transition par capture électronique, permise chaque fois
que QQ£ > 0, peut se produire chaque fois que:
ZM > ZAM
47
L'émission p + concurrente n'est énergétiquement possible que lorsque:
ZM > +2
II peut donc y avoir des transitions par capture électronique entre des isobares dont la masse
est à peu près la même, alors que, pour ces mêmes isobares, l'émission p + est interdite du point de
vue énergétique.
Il peut y avoir des transitions par capture électronique vers n'importe quel niveau du domaine
indiqué, large de 2mQC2, mais pas de transition avec émission d'un positon.
^ 0,001
U
•g 0,0005 - !f
CM
——
Masse atomique
Diagramme énergie-
masse atomique
Elle est inférieure à la différence de masse minimum requise pour l'émission d'un positon, et
par suite, la transition ne peut se faire que par capture électronique.
Lorsque les deux processus sont en compétition, la capture électronique est favorisée par
rapport à l'émission P pour les atomes de Z élevés, où les électrons sont en moyenne plus près du
noyau.
Considérons une désintégration par capture électronique qui laisse le noyau fils dans son état
fondamental. Dans ce cas, le seul rayonnement émis du point de vue nucléaire est un neutrino que
l'on ne sait pas détecter et qui ne permet donc pas de mettre en évidence la transformation.
La signature de cette transformation résulte des processus atomiques secondaires qui font suite
à la capture. Prenons l'exemple d'une capture K: après cette capture, il y a une vacance
électronique sur la couche K et le cortège électronique de l'atome fils va se réarranger par émission
d'X caractéristiques ou par émission d'électrons Auger. C'est ainsi qu'Alvarez a découvert la
capture électronique, en observant les rayons X du titane ^Ti, lors de la désintégration du 23V •
48
1.2.3.5. Désintégration a
Rutherford et Royds, en 1909, montrent que cette particule est un noyau d'hélium 2 He:
l'expérience consiste à envoyer dans une enceinte préalablement vidée les particules a émises par
une source de radon. Au bout de six jours, une certaine quantité de gaz s'est accumulée dans
l'enceinte. L'analyse de ce gaz par spectrométrie atomique révèle la présence d'hélium.
Nombre de masse: A = 4
Nombre atomique: Z = 2
Charge: Ze = 2e
Masse: Ma = 4,00150 u
B
Energie de liaison par nucléon: = 7,07 MeV
A
g
L'énergie de liaison -r de la particule a est particulièrement grande par rapport à celle des
A
noyaux voisins (tableau ci-dessous).
49
Ecrivons qu'il y a conservation de l'énergie lors d'une transition entre l'état fondamental du
noyau émetteur et l'état fondamental du fils:
soit:
M',v
EM. = -j^Ea (1.49)
M'
Pour les émetteurs a, A étant de l'ordre de 200, le rapport -r-^ est de l'ordre de 2/100:
l'énergie cinétique du noyau fils est égale à environ les 2/100 de l'énergie cinétique de l'a. Ce qui,
pour une valeur typique E a = 5 MeV, donne EM. = 100 keV.
4
où 2 He est la masse atomique de l'atome d'hélium.
A A-4 4
Qa = JMC* - £_2Mc2 - ^He = Eo (1.52)
La désintégration a ne peut avoir lieu que si Q a est positif.
50
Cette condition qui est nécessaire n'est pas forcément suffisante et la grande majorité des
noyaux qui se désintègrent par désintégration a ont A > 200.
L'énergie des a varie dans des limites étroites entre 4 et 9 MeV. Les particules a émises par
un radionucléide ont en première approximation une énergie bien définie E a .
210 206
Exemple: 84 PO 82 Pb Ea = 5,3 MeV
Ce phénomène a été mis en évidence pour la première fois en 1929 par Rosenblum.
Les raies de structure fine sont caractérisées non seulement par leur énergie, mais aussi par
leur intensité relative.
Prenons l'exemple d'un noyau pair-pair (A pair, Z pair) (fig. 1.18): l'intensité décroît en
général rapidement au fur et à mesure que les niveaux atteints correspondent à une énergie
d'excitation plus élevée et seuls les niveaux voisins du niveau fondamental sont excités.
La période des émetteurs a varie dans de grandes limites: 10"^ s à 1010 ans.
t.
Comme on le voit sur le tableau ci-après, il y a une corrélation très forte entre la période de
désintégration et l'énergie d'émission a: plus l'énergie d'émission augmente, plus courte est la
période correspondante.
En considérant les deux cas extrêmes, on constate que pour une variation d'énergie
E T
—— « 2, le rapport inverse des périodes varie de façon fantastique: — « 1024.
51
Nucléide E a (MeV) Période T
6,89 0,16 s
8>
Ajoutons que dès 1911, Geiger et Nuttall avaient été frappés par cette corrélation très forte et
avaient établi des lois empiriques reliant énergie et période.
- Electrodynamique classique
Les physiciens qui ont essayé d'expliquer le mécanisme de l'émission a avant la découverte
de la mécanique quantique ont buté sur une difficulté: ils ne savaient comment concilier radioactivité
a et diffusion a .
- la particule a est préformée dans le noyau (Z e); quand celui-ci se désintègre, elle est libérée,
sans vitesse initiale, de la surface du noyau et repoussée sous l'action du champ coulombien créé
par le noyau résiduel (Z-2) e;
- une fois bien séparée de ce noyau, l'énergie cinétique totale gagnée par la particule a doit être
exactement égale à l'énergie potentielle électrostatique initiale (Z-2)e — où r représente la
distance à laquelle la particule a a été libérée initialement, le centre du noyau résiduel étant pris
pour origine.
En d'autre termes, disons que la particule a est émise du sommet d'une barrière de potentiel
qui s'étend jusqu'à une distance r du centre du noyau résiduel. Pour la mécanique classique r est
sensiblement égal au rayon du noyau résiduel et la désintégration a fournit une première estimation
de ce rayon (fig. 1.19).
52
30
1*
.1 20
;
\
"i • p • 1 i •
03 10 20 30 40 SO 60 70 80
r 00-*cm)
Les a émis par 2^8U ont une énergie de désintégration égale à 4,2 MeV.
Cette valeur représente aussi, comme nous l'avons dit, la distance qui sépare le sommet de la
barrière coulombienne du centre du noyau résiduel. Mais, les expériences de diffusion des particules
a par les noyaux viennent contredire ces résultats.
En effet, si on bombarde des noyaux d' 2 3 8 U par les a de 8,57 MeV du 2 1 2 Po, on constate
que ces a sont diffusés par le champ coulombien des noyaux cibles. Cela signifie que ce champ
purement coulombien s'étend à une distance r bien inférieure à la valeur déjà trouvée. D'après ces
expériences: r = 30.1CH3cm.
Mais les particules a de l'uranhim ne peuvent avoir été émises au sommet d'une barrière de
potentiel de 4,2 MeV à une distance de 61. ÎO' 1 ^ cm, si le potentiel coulombien s'étend jusqu'à
30.10"^ cm au moins.
- Mécanique quantique
La difficulté fut surmontée indépendamment en 1928 par Gamow d'une part, Gurney et
Condon d'autre part, grâce à la mécanique quantique. Leur hypothèse de départ est que la particule
a "pré-existe" à l'intérieur du noyau dans lequel elle est confinée par un potentiel nucléaire.
53
V
Hauteur de la barrière B » —5—
l
a b r
pour 0 < r < R , l'énergie potentielle a la forme d'un puits rectangulaire de profondeur constante.
Dans cette région, seules importent les forces nucléaires attractives à courte portée, bien
supérieures aux forces coulombiennes répulsives.
pour r > R , l'énergie potentielle ne comprend que l'énergie coulombienne répulsive Ze — , les
forces nucléaires étant maintenant totalement négligeables.
2e
Pour r = R , l'énergie potentielle est égale à l'énergie coulombienne Ze —.
B - ZeR
Dans le cas de l'uranium, on sait maintenant que le rayon du noyau résiduel est de l'ordre de
9,3 10~13 cm et que la hauteur de la barrière est d'environ 28 MeV.
La barrière est donc beaucoup plus haute que ne le prévoyait la mécanique classique et nous
comprenons encore moins comment une particule a de 4,2 MeV va pouvoir la franchir.
C'est l'étude par la mécanique quantique des interactions des particules chargées avec les
barrières de potentiel qui a permis d'expliquer que la particule a ne passait pas par dessus la
barrière de potentiel, mais la traversait comme si cette barrière avait une certaine transparence; c'est
ce que l'on appelle L'EFFET TUNNEL. Ainsi il existe une probabilité non nulle pour qu'une particule
a d'énergie E a < B puisse traverser la barrière de potentiel de hauteur B, pourvu que la largeur de
celle-ci soit finie.
On appelle coefficient de transmission Tj cette probabilité. Il est d'autant plus petit que
l'énergie de la particule est plus faible. On a en effet:
54
Pour les énergies d'émission a comprises entre 4 et 9 MeV, Tj varie dans des proportions
considérables de 10"15 à 1(H°. Par exemple, pour les a de 4,2 MeV de 238 U, T ^ I O ' 3 9 .
Ceci permet d'expliquer la période des émetteurs a.
La particule a étant supposée préformée dans le noyau, la probabilité par unité de temps pour
qu'elle sorte du noyau est:
x = iQe-y
e~y '• probabilité de transmission de la barrière
2
Exemple du ^°Po : Ea = 5,9 MeV Va = 1,59 . 1CP anx1
» . - j p r -«>»•••
On en déduit:
Les périodes des émetteurs a (T = — ) sont donc comprises entre 106 et 10~19 suivant
A.
les noyaux et suivant l'énergie des particules a, ce qui correspond bien aux valeurs observées.
La mécanique quantique a donc fourni une explication tout à fait satisfaisante du mécanisme
de l'émission a.
Nous avons vu que la désintégration a est énergétiquement possible dès que A > 140. Mais
on comprend maintenant qu'il ne suffit pas que Q a soit positif pour que l'on puisse observer le
phénomène.
Si l'énergie disponible est trop faible, la largeur du puits de potentiel que doit franchir l'a par
effet tunnel augmente tandis que la vitesse de la particule diminue.
Ceci explique pourquoi ce sont surtout les noyaux de A > 200, pour lesquels Q a est
suffisamment grand, qui sont émetteurs a.
Par exemple:
Le 29 Cu se désintègre, soit par émission (3~ ou (3+, soit par capture électronique (fig. 1.21).
55
Chaque voie de désintégration est caractérisée par sa probabilité partielle par unité de temps:
64
Pour le 29CU, ces rapports sont respectivement de 19%, 39%, 42%.
6
gCu
2
77
/ 42 %
' \
%/ / ' Capture
/ / électronique
\
/ 64--
Z n
30
1.2.4. Activité
La décroissance de l'activité suit la même loi que la décroissance du nombre de noyaux. Cette
relation est très importante car dans la pratique, l'activité d'un échantillon est une grandeur
directement mesurable.
56
1.2.4.1. Unité d'activité
L'unité d'activité est le becquerel (Bq) en hommage à Henri Becquerel qui a découvert la
radioactivité en 1896:
L'ancienne unité d'activité, le curie (Ci) est encore très couramment utilisée; c'est l'activité, à
1 % près, d'un gramme de ggTRa de période T = 1600 ans:
1 Ci = 3,7 1010 Bq
Les sources radioactives généralement utilisées dans les laboratoires ont des activités qui se
situent dans le domaine du micro au millicurie.
- En nombre d'atomes
dN
Hi- = i N(t) = 3,7 1010
3,710 10
d'où: N=
0,693
- En masse
Soit:
10
37 1
' 0,693 6,02 1023
Plus la période est longue, plus il faut un poids important d'échantillon actif pour avoir 1 Ci
d'activité.
Exemples:
57
1.2.4.3. Représentation graphique de l'activité par coordonnées semi-logarithmiques
L'activité totale est égale à la somme des activités partielles dues à chacun des radionucléides
présents dans la source.
A,(t) = Aloe-M
A 2\(\\l) —
"~ AÀ
2,0
A"^-9
c t
A to t(0 = A2(t)
58
Remarque:
Cette méthode de calcul est utile lorsque la valeur de la période est telle que l'on puisse
observer la décroissance de l'activité.
Si la période est trop longue, on ne peut plus mesurer une décroissance significative de
l'activité, qui est pratiquement constante.
Dans ce cas, on mesure l'activité (—)t = A.N(t) , et on détermine le nombre d'atomes N(t)
dt
par analyse chimique.
10,
8
T.
6
V "S.
\ -^_
\
1.0
V ,d
!
OJ
0.6
0.4
OJ
O2
\
10 IS 20 25 30 35
Temps
FIG. 1.23. Courbe de décroissance de l'activité d'un mélange ^Cu (12,7h) et 61Cu (3,4 h).
1 n (stable)
Soit la filiation:
dN, = - X, N, dt (1-53)
59
Ce qui, par intégration donne :
N
i(0 = N10 e-^it (1.54)
dN
2 2
^t = À, N 1 0 e (*-2-*-i) t (1.58)
Aj(t) = A2(t)
c'est à dire :
60
Calcul de tM:
d'où: = Xl e - (1.63)
soit:
soit finalement:
1 T, T,
Log 2 T,-T 2
1.2.4.4.3. CAS PARTICULIERS
X2:
Le père a une période courte par rapport à celle du fils (fig. 1.24).
Dans ce cas, le père décroît rapidement et, au bout d'un temps égal à 7 Tj, son activité initiale
a pratiquement disparu. L'activité du fils augmente, passe par un maximum puis décroît avec sa
propre période selon A2(t) « X^_ Nj 0 e~^2 t .
10-—
1
• T«'» - C l i n er
0* tctirtté à j-0 t 0 0
Période 30 h 8. •e
0A
1 -
T e !Jl
\ Pence initiale - ~
/
-
1
o - 1 -
131
FIG. 1.24. Décroissance de l'activité d'une source initialement pure de Te (t= 1,25 j) et
évolution de son produit de filiation131 I (T = 8,0 j) (d'après Evans).
61
Tj > T2 => X} < X2:
Le père a une période plus longue que celle du fils (fig. 1.25).
Au bout d'un temps assez long (7 T 2 ), e ~^2 t devient négligeable par rapport à e ~^i l et:
A2(t) « - \ Al(t)
2 ~" 1
A 2 (t) X2
On voit donc qu'au bout d'un certain temps le rapport des activités reste constant. On dit qu'il
y a équilibre de régime.
1,0 V 1 1 J » 1 1
03
^0,6
- / i\\*
^0,4
02
n
() 2 4 6 8 10 12 14 14
Temps (années)
FIG. 1.25. Activité d'une source de 228Th en fonction du temps et de son produit. Exemple d'un
équilibre de régime (d'après Evans).
X2:
Le père a une période extrêmement longue par rapport à celle du fils (fig. 1.26).
62
La décroissance du père est très lente:
et:
N,(0 - N1>0
A 2 (t) •j
A,(t)
L'activité du père et du fils sont pratiquement égales. Il se forme autant de noyaux fils qu'il
s'en détruit: on dit qu'il y a équilibre séculaire.
FIG. 1.26. Désintégration mTe =>132I=> mXe. Exemple d'un équilibre séculaire
(d'après Krone).
1.3.1. Généralités
A la différence des processus radioactifs qui sont spontanés, les réactions nucléaires sont des
transformations résultant de la collision de deux corps soumis à l'action des forces nucléaires: ce
sont des processus provoqués.
63
Ces réactions s'obtiennent par bombardement d'un noyau cible au repos par un projectile
généralement animé d'une grande vitesse (proton, neutron, deuton, triton, particule a, noyaux
légers), ou d'un rayonnement électromagnétique. Si le projectile est électriquement chargé, il doit,
en effet, posséder une énergie suffisante pour surmonter la barrière coulombienne du noyau cible.
X (a,b) Y
Exemple: la réaction
4
*He + 7 N => }H + "O
s'écrit:
14 V T . 17
7 N (a,p) 8 O
- de l'énergie totale;
- de l'impulsion;
- de la charge électrique;
- du nombre total de nucléons.
Ce sont des réactions du type X (a,b) Y où les particules incidentes et émergentes sont les
mêmes (b = a ; Y = X). La réaction est élastique (conservation de l'énergie cinétique) si Y et b
sont dans leur état fondamental ; inélastique si l'un ou l'autre sont dans un état excité. La diffusion
élastique est aussi appelée diffusion de Rutherford.
Ces réactions, extrêmement nombreuses, peuvent être classées en fonction du mécanisme qui
gouverne le processus.
Dans les réactions directes, le projectile n'interagit qu'avec un nombre très limité de nucléons
du noyau cible ; les autres n'étant en quelque sorte que des spectateurs passifs de l'interaction. De
telles réactions servent à étudier le modèle en couche du noyau.
64
A l'autre extrême, le modèle du noyau composé, proposé par Bohr, dans lequel les noyaux
projectile et cible partagent complètement l'énergie disponible et forment un noyau intermédiaire
dans un état excité de courte durée de vie ( < 10"17 s). Ce noyau éjecte soit un nucléon, un noyau
léger ou un rayonnement électromagnétique et se transforme ainsi en un nucléide nouveau souvent
radioactif et artificiel.
On peut aussi caractériser les réactions par la nature du projectile. Donnons quelques
exemples:
27 . . . . 3(L_
Cette réaction produite par les a du 8g iRa ou de ^ A m est utilisée comme source de neutrons.
12— , . . 13-
C
6 <d'P> 6 C
Réaction de transfert inverse de la précédente dite réaction de "pick-up": des nucléons sont
capturés par le projectile.
27 . . , . 28 O .
13A1 (p,y) 14Si
Réaction de capture radiative d'un proton, typique d'une réaction avec formation d'un noyau
composé.
65
107 . . 108 .
47 Aë (n,Y) 47 A
ê
II y a, dans ce cas, capture radiative d'un neutron. Le neutron est le projectile par excellence
des réactions nucléaires: n'étant pas chargé, il n'a pas à franchir la barrière de potentiel
coulombienne des noyaux.
14. T . . 13-
7 N (Y'P) 6 C
63- . . 62-
29 Cu (y,n) 29 Cu
Remarque:
Lorsque le projectile a une énergie suffisamment grande (E>70 MeV), une réaction nucléaire
peut donner lieu à l'émission de plusieurs particules secondaires ; on a, par exemple, des réactions
du type (n, 2n), (a, 2np), (y,2a).
A haute énergie, le noyau peut se partager en de nombreux fragments de plus faible masse, ce
sont les réactions de spallation.
Ce sont des réactions qui libèrent une quantité considérable d'énergie d'où leur importance du
point de vue de la production d'énergie nucléaire.
1.3.2.3.1. FISSION
1.3.2.3.2. FUSION
En faisant fusionner des noyaux légers en un noyau plus lourd, on augmente également
l'énergie de liaison par nucléon.
Exemples:
66
2
*H + H => *He + ,°n + 17,58 MeV
Les deux premières réactions libèrent respectivement 1 MeV et 0,8 MeV par nucléon, la
troisième 3,5 MeV par nucléon. Ceci s'explique par la grande stabilité de la particule a qui est le
premier des noyaux magiques.
M a c 2 + Ea + M x c 2 = M b c 2 + E b + M Y c 2 + EY (1.64)
(M x + M a ) c 2 - (M Y + M b ) c 2 = (Ey + E b ) - E a = Q (1.65)
Le Q de la réaction est la différence entre les masses du système initial et du système final.
C'est aussi la différence entre les énergies cinétiques du système final et celle du système initial.
- Q > 0: la réaction est exoénergétique; une partie de la masse initiale, transformée en énergie,
est transmise sous forme d'énergie cinétique à la particule émise et au noyau produit.
- Q = 0: la réaction est un choc élastique.
- Q < 0: La réaction est endoénergétique; l'énergie cinétique du projectile est convertie en masse
nucléaire ou énergie de liaison. La réaction n'est possible qu'au delà d'une énergie seuil.
Remarque:
Dans le cas où Y n'est pas produit dans son état fondamental mais un état excité d'énergie
d'excitation Ey*, M Y c2 doit être remplacé par M Y c2 + Ey* et Q par Q' où:
Q' = Q - EY*
La figure 1.27 schématise la réaction dans le système du laboratoire où le noyau cible est au
repos. On considère ici que les équations de la mécanique classique sont applicables et que les
particules sont non relativistes.
67
M., Y. Mx
——~———^—- •
A'
FIG. 1.27. Réaction nucléaire dans le système du laboratoire: (A) système initial (B) système final.
(L66)
Pa = Pb + P Y
soit:
On peut éliminer l'angle <(> en élevant au carré (1.69) et (1.70) et en les additionnant:
MY Ey = M a E a - 2 V M a E a M b E b cosO + M b E b (1.72)
/Ë" = c ± ^ c 2 + d (1.74)
68
Avec c = cose
M Y Q + E a (M Y - M a )
MY + M b
Si Q > 0: (réaction exoénergétique) le terme d est toujours positif. L'équation (1.74) a une
solution unique:
En = Q + (1.75)
Ma + M,
La réaction ne peut se produire que si E<, (0. Dans le cas d'une réaction endoénergétique on
en déduit l'énergie seuil E^:
Ma + M,
Es = - Q —- -
M
1.3.4.1. Définition
Toute réaction nucléaire, de même que toute interaction d'un rayonnement avec la matière,
engage un processus bien défini, qui a une certaine probabilité de se produire. On a l'habitude
d'introduire, par noyau cible et pour chaque type d'interaction, un paramètre appelle section
efficace, qui est proportionnel à la probabilité de l'interaction considérée.
Considérons une feuille mince d'épaisseur dx, constituée de N atomes par cm3 d'un même
nucléide. Supposons qu'un faisceau parallèle et monocinétique de particules identiques frappe cette
f particules par cm2 et par seconde.
feuille perpendiculairement, à raison de <>
69
Intéressons nous à un type donné (diffusion, absorption, etc.) d'interaction entre les particules
incidentes et les noyaux de la feuille. On constate que le nombre d'interactions dans cette feuille par
cm2 et par seconde est proportionnel à <>j et Ndx:
La section efficace représente la surface d'un disque imaginaire associé à chaque noyau pour
chaque type d'interaction: la réaction a lieu si la particule incidente passe à travers cette surface et
n'a pas lieu dans le cas contraire. Mais a ne doit pas être confondu avec l'aire géométrique du
noyau cible vu par le faisceau incident: elle peut être beaucoup plus grande (106) ou beaucoup plus
petite (10"6) que cette aire géométrique, selon les interactions.
Dans les réactions nucléaires, il arrive fréquemment que les particules émergentes ne soient
pas émises uniformément dans toutes les directions de l'espace. Le processus est anisotrope et
présente une distribution angulaire. Expérimentalement, on observe seulement des rayonnements
émis autour d'une direction 6, dans un petit angle solide dQ délimité par les dimensions du
détecteur.
da
On définit alors, à l'angle 9, une section efficace différentielle ^ à partir de la relation:
da
(1.76)
da
J Q s'exprime en barn par stéradian.
Pour obtenir la section efficace totale il faut intégrer sur toutes les directions de l'espace:
4*
70
1.3.4.3. Section efficace macroscopique Z
Une réaction nucléaire n'est pas seulement défraie par la nature de la particule incidente, de la
cible et du type de réaction, sa probabilité dépend aussi de l'énergie du projectile. On appelle
fonction d'excitation la relation entre la section efficace et l'énergie incidente. Ces fonctions
d'excitation peuvent être à variation lente ou au contraire augmenter brusquement pour des valeurs
précises de l'énergie: c'est le phénomène de résonance.
La figure 1.30 est un exemple de résonances obtenues dans la réaction " ^ S i lorsque
l'énergie des protons varie de 500 keV à 1400 keV.
Al"(p, 7) Si2 t
15.5
r 4
-5 3
i 2
FIG. 1.30. Résonances de capture dans la réaction ?3Al(p,y )™Si en fonction de l'énergie
des protons.
71
1.4. RADIOACTIVITE NATURELLE - RADIOACTIVITE ARTIFICIELLE
On peut imaginer que, lors de la formation de la terre et des autres planètes du système
solaire, il y a environ 4,5 109 ans, la plupart des nucléides étaient radioactifs.
Une majorité d'entre eux se sont désintégrés depuis pour donner des noyaux stables, mais
certains avaient des périodes de désintégration suffisamment longues pour que nous puissions
mesurer encore de nos jours leur radioactivité. Sur les 325 nucléides naturels, environ 50 sont
radioactifs.
- Une minorité provient de divers éléments de masse moyenne. Ce sont des nucléides dont la
période est comparable ou supérieure à l'âge de la terre.
Exemple:
- La grande majorité, plus de 40, se situent dans la zone (3) de la courbe de la figure (1.9). Ils
proviennent de trois substances mère: g^Th (T = 1,4 1010 ans), ^ U (T = 7,1 10s ans) ^ U
(T= 4,5 109 ans). Leurs produits de désintégration sont aussi instables et sont, soit émetteurs P, soit
émetteurs a. A partir de chaque substance mère s'est formée par filiation radioactive toute une
famille, dont le dernier élément est un isotope stable du plomb.
La désintégration a changeant le nombre de masse A de 4 unités et la désintégration p
conservant A, on peut ainsi construire quatre chaînes indépendantes, de nombre de masse 4n,
4n + 1, 4n + 2, 4n + 3, où n est un entier. Trois d'entre elles sont naturelles (figs. 1.31, 1.32 et
1.33).
FAMILLES NATURELLES
72
Remarques:
- La famille A = 4n + 1 n'existe pas dans la nature. Elle a complètement disparu parce que
237.
la substance mère, le 93 Np , a une période à peu près 2000 fois inférieure à l'âge de la
terre (T = 2,14 106 ans). Cette famille a été entièrement recréée artificiellement et se termine par
un isotope stable du bismuth: 83 Bi .
- Les noyaux radioactifs des trois familles naturelles ont une double dénomination: l'une est
historique et correspond au nom qui leur a été donné au moment de leur identification, bien avant la
découverte de la radioactivité artificielle et la production de nouveaux nucléides radioactifs lourds ;
l'autre est la dénomination courante actuelle.
71 Pb Bi Po At Em Ft Ra Ac Th Pa U Np Pu
81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94
•COBK
240
Th ( r-TiFT
232
-Aôii^a/
•228
M
224 2
s
220 I
TM
y
•216
OJtl
y
The IIThCll ThC'
•212
81 82 83 84 85 86 87 88 69 90 91 92 93 94
Les carrés en traits pleins représentent les noyaux que l'on trouve dans la nature. Les nucléides produits artificiellement
sont indiqués dans des carrés en pointillés. Les flèches en diagonales représentent une désintégration a; les flèches
horizontales indiquent une désintégration p. Dans les carrés sont indiqués les noms historiques. Exemple: ThX= 88 Ra.
73
P o M C m r r IU «c Tti Pi U Kt h Am Cn I t a
II B I! « B tt 11 H I) » II (! » « » «
Î07
81 K S3 «4 35 86 87 «8 59 90 91 92 93
74
1.4.2. Radioactivité artificielle
Comme nous l'avons déjà mentionné, c'est en 1934 qu'Irène et Frédéric Joliot-Curie ont
découvert la radioactivité artificielle, en montrant que des éléments légers, tels que l'aluminium,
après transmutation par des particules a, sont radioactifs et émettent des positons. A l'heure
actuelle, on connaît plus de 2000 radionucléides artificiels. Ils sont produits à partir des réactions
nucléaires avec transmutation et apparaissent au sein de la cible irradiée.
On considère une cible constituée par un élément chimique pur X, ne contenant qu'une seule
espèce nucléaire. On irradie cette cible en la bombardant par des projectiles, par exemple des
neutrons produits dans un réacteur nucléaire, ou des particules chargées (p, a, etc) délivrées par un
accélérateur de particules.
En intégrant, il vient:
Si la durée d'irradiation est longue devant la période T, le terme exponentiel tend vers zéro et
l'activité est approximativement constante:
75
Si la durée d'irradiation est courte devant la période, on peut développer le terme exponentiel:
A(t) = AœXt
7! 6,02 10,23
0
~A ~ A
D'où:
6,02 10,23
A{t) = -e-*/) Bq.g 1
1.63 1013
)
1.4.2.2. Transuraniens
Les transuraniens sont des éléments produits artificiellement, dont le numéro atomique est
supérieur à celui de l'uranium (Z=92).
Ce sont des radionucléîdes artificiels qui jouent un rôle important dans le cycle du
combustible nucléaire. Leur période étant généralement très longue, ils constituent la majeure partie
des déchets nucléaires, dont il convient d'assurer la gestion à long terme (voir tableau ci-après).
76
Elément Istope le plus stable Période
Np 237XT
93 Np 2,14 l ^ a n s
Es 275 jours
Fm 100 jours
Sta
Md 56 jours
No f> 58 min
Lr 260T 3 min
103 L r
suivi de:
92 U 93
+ p" + v T = 23,5 min.
Le neptunium formé est aussi un émetteur P~ qui donne naissance à un nouveau transuranien,
le plutonium:
239 239,
Np 94 Pu + P~ + v T = 2,35 jours
239,
Le 94 Pu est un radionucléide émetteur a de longue période (T = 24360 ans) qui est fissile
sous bombardement de neutrons lents ou de neutrons rapides. Ce qui explique son importance dans
le domaine de l'énergie nucléaire.
77
D'autres transuraniens ont été produits à l'aide de réactions nucléaires induites par des
neutrons ou des particules a.
Les noyaux formés, riches en neutrons, se désintégrent par une ou plusieurs transformations
(3~ en isobares de numéros atomiques plus élevés.
Exemple:
241
Formation de l'américium 95 Am par réaction (cc,n):
238 TT , 4 241- 1
92 U + 2<X => WPU + „!
suivi de:
241
94 Pu + p- + v T = 14,35 ans.
TI P6 Si M « En F, t , fc th h (j Np ft, *„
1 a 83 U 85 86 87 «8 «9 90 91 92 93 94 95
UXM*I
ZL"
233
225 5
221 j
-217
-213
US
-Î09
8! 8Î 83 84 8S 86 87 88 89 90 91 92 93 94 «
ftomàfe zto/n
FIG. 1.35. Famille du neptunium (4n+l). Seul le produit fini stable s2Bi se trouve dans la nature.
78
CHAPITRE 2. INTERACTION DES RAYONNEMENTS AVEC LA MATIERE
A. de Chateau-Thierry, J. Safîeh
2.1. INTRODUCTION
Ce chapitre passe en revue les diverses façons dont s'effectuent ces transferts d'énergie.
Dans cet exposé, nous nous intéresserons aux rayonnements dont il a été question dans
l'exposé de physique nucléaire. Leur énergie se situe, pour l'essentiel, dans une gamme allant de 0 à
10 MeV.
Ce sont des rayonnements ionisants que l'on classe habituellement en deux catégories.
Ils sont constitués de particules chargées qui délivrent directement à la matière leur énergie,
par le jeu des forces coulombiennes s'exerçant entre elles et les atomes du milieu. Les transferts
d'énergie dépendent des masses des particules en mouvement et il y a lieu de distinguer entre
particules chargées lourdes (protons, deutérons, alphas, ions lourds) et électrons (électrons,
positons).
Ils sont électriquement neutres et sont susceptibles de transférer une importante fraction ou la
totalité de leur énergie en une seule interaction à des particules chargées. Ce sont ces particules
secondaires qui ionisent le milieu.
2.2.1. Interaction des particules chargées lourdes (protons, deutérons, alphas, ions lourds)
Ces particules ont différentes origines: en radioactivité, ce sont les particules a émises par des
noyaux lourds dans la gamme d'énergie 4-9 MeV. Auprès des accélérateurs de particules, ce sont,
soit des ions accélérés (a, p, d, ions lourds), soit des particules chargées produites par réactions
nucléaires. L'énergie de ces particules ne dépassant pas quelques MeV/nucléon, on peut les
considérer comme non relativistes.
79
2.2.1.1. Nature de l'interaction
Une particule chargée, par exemple une particule a d'énergie E a , pénétrant dans un milieu,
interagit avec les atomes du milieu et se ralentit.
Les interactions avec les noyaux, que ce soit par l'intermédiaire des forces coulombiennes ou
des forces nucléaires, sont exceptionnelles (environ 108 fois moins fréquentes qu'avec les électrons)
et peuvent être négligées dans le processus de ralentissement.
A une particule chargée en mouvement est associé un champ électrique. Ce champ agit sur les
électrons atomiques qui se trouvent au voisinage de sa trajectoire.
- Si l'interaction est assez intense, le transfert d'énergie peut être suffisant (-10 eV) pour arracher
l'électron de l'atome auquel il était lié: c'est le phénomène d'ionisation. Il y a création d'une
paire d'ions: ion positif et électron dans le milieu.
- Si l'interaction est insuffisante pour créer une ionisation, il y a seulement excitation: l'électron
change d'état quantique. L'excitation le fait passer d'un état initial, d'énergie de liaison EQ, à un
état final moins lié, d'énergie E r La particule cède une énergie: AE = E o - Ej.
Pour les particules chargées lourdes, l'ionisation et l'excitation des atomes ou des molécules
sont pratiquement les seules causes du ralentissement. Elles s'accompagnent d'un changement d'état
des atomes concernés: ce sont des collisions inélastiques.
L'énergie AE transférée à l'électron lors d'une collision peut être comprise entre zéro et une
valeur AEj,^. Par application des principes de conservation de l'énergie et de la quantité de
mouvement, dans le cadre de l'approximation d'un électron au repos, on obtient l'expression
suivante:
4m
= 0Mi E (2 i)
La masse de la particule lourde étant très supérieure à celle de l'électron ( > 103), on peut
écrire:
AIW « ^ E , (2.2)
Pour une particule a d'énergie E a = 5 MeV, A E j ^ = 2,7 keV, ce qui est environ 2000 fois
inférieur.
En fait, les très faibles transferts d'énergie sont beaucoup plus probables que les transferts
d'énergie voisins de AE,,^ , parce que la probabilité de transfert varie comme l'inverse de (AE)2.
80
On peut en conclure que le ralentissement des particules chargées lourdes s'effectue au cours
d'un très grand nombre d'interactions à faible transfert d'énergie et que leurs trajectoires peuvent
être considérées comme rectilignes. Le ralentissement est un phénomène de nature statistique.
FIG. 2.1. Transfert d'énergie d'une particule chargée à un électron, b est le paramètre d'impact.
La perte d'énergie de la particule lourde pendant l'interaction doit être égale au gain d'énergie
cinétique de l'électron.
Choisissons un système de coordonnées (x, y) où l'axe des x est confondu avec la trajectoire
de la particule. La distance de plus courte approche, b, entre la particule et l'électron est appelée
paramètre d'impact de la collision.
On peut considérer que, lors de l'interaction, la vitesse de la particule n'est pratiquement pas
modifiée et les équations relatives au transfert d'impulsion à l'électron s'écrivent:
F x dt « 0 (2.3)
jF y dt « pe (2.4)
t : temps
81
La composante du moment sur l'axe des x s'annule parce que F x change de signe selon que la
particule est à gauche ou à droite du point A. Seule, la composante y du moment est non nulle.
At - ^ (2.5)
Fy « ^ (2.6)
(p )2 z2 e4
Ccin
~ 2mo ~ 2 m o b 2 v 2 u
-6;
Considérons une particule d'énergie cinétique E, tombant normalement sur une feuille mince
d'épaisseur Ax, contenant n atomes par cm3. On suppose que la feuille est constituée d'atomes
identiques.
Ax est assez grand pour que le nombre d'interactions soit grand par rapport à l'unité et
cependant, suffisamment petit pour que l'énergie totale perdue AE soit faible devant E.
82
Ce pouvoir d'arrêt linéique
dE
dx
On définit:
= - Q (2-10)
Cette expression fait intervenir la masse surfacique de l'écran. Pour un écran d'épaisseur x, la
masse surfacique:
m
= px
7
s'exprime en g/cm2. La masse surfacique est indépendante de l'état physique (solide, liquide,
gazeux) de l'écran.
* - 4i
où N est le nombre d'atomes par unité de volume du matériau.
S s'exprime en eV.atome-1.cm2, en abrégé eV.cm2. L'intérêt de S est qu'il ne dépend pas non
plus de l'état physique du milieu, mais seulement de sa nature. C'est une grandeur caractéristique de
l'espèce atomique constituant le milieu.
Une particule perd de l'énergie dans un milieu en une suite aléatoire de rencontres indépendantes
entre cette particule et les électrons du milieu. Dans un milieu contenant plus d'un élément, la perte
d'énergie de la particule est la somme des pertes dues à chacun des éléments, pondérée par leur
abondance respective.
Ce postulat d'additivité est connu sous le nom de règle de Bragg: dans un milieu de
composition AJB,,,
83
- Expression théorique du pouvoir de ralentissement
Elle repose sur l'étude de l'interaction coulombienne entre la particule incidente et les
électrons du milieu ralentisseur. Elle est connue sous le nom de formule de Bethe et s'écrit:
dE 4 7i e 4 z 2
NB (2.13)
dx
ou:
B = Z La - Ln(l- p 2 ) - p 2 (2.14)
II I
\ 1
22
7 \
20
1 \
18
f
J
IS
A nV
/
14
/
*
12
i
10
\
\
.•y
2 4 E 8
>
0
84
dE 1
Dans le domaine d'énergie s'étendant au delà de ~ 200 keV, -r- varie à peu près comme -5 ,
c'est à dire comme l'inverse de l'énergie de la particule: lorsque la vitesse de la particule diminue,
celle-ci passe davantage de temps au voisinage de l'électron et l'énergie transférée augmente.
Pour des particules chargées de même vitesse, le pouvoir de ralentissement varie comme z2:
par exemple, pour des particules a (Z = 2), il est quatre fois supérieur à celui des protons (Z = 1)
mais, compte tenu de leur masse, les a ont alors une énergie cinétique E a = 4 Ep. L'équation
(2.2) est applicable tant que la vitesse des particules chargées est grande comparée à la vitesse
A basse énergie (Ep < 200 keV ; E a < 1 MeV), la formule de Bethe cesse d'être directement
applicable parce que le phénomène d'échange de charge devient important. La particule se comporte
alors dans le milieu, non plus avec sa charge nominale ze, mais avec une charge zeff e < ze qui
décroît continûment quand la vitesse diminue. Il se produit en effet une succession de captures et
pertes d'électrons du milieu par la particule. En fin de ralentissement, lorsque la vitesse tend vers
zéro, la particule n'étant plus ionisante, achève de perdre son énergie par interactions élastiques
avec les atomes du milieu.
Pour appliquer la formule de Bethe, il faut remplacer ze par zeff e. Dans cette formule, le
produit NZ caractérise le milieu. Si l'on veut comparer le pouvoir de ralentissement de deux
éléments de Z voisins, il est préférable de s'affranchir de la densité atomique N (nombre d'atomes
par cm3). Dans les solides, les densités varient d'un élément à l'autre d'un facteur qui peut être
important (presque un ordre de grandeur).
Le tableau 2.1 montre les données relatives au sodium et à l'aluminium pour des ions H e + de
2 MeV. S varie d'environ 10%, du Na (Z = 11) à Al (Z = 13) ; par contre, le rapport des pouvoirs
d'arrêt linéiques varie d'un facteur 2,5, essentiellement à cause des différences de densité.
dE
TABLEAU 2.1. COMPARAISON DE — ET S POUR DES HELIONS DE 2 MeV DANS Na ET Al
dx
N S dE
dx
Z M (atomes/cm3) (eV cm2)
(eV/Â)
Na 11 22,99 2,65 IO22 39,6 10-!5 10,5
Al 13 26,98 6,02 1022 44,3 10-15 26,6
Al
1,18 1,17 2,27 1,12 2,53
Na
2.2.1.2.2. PARCOURS
Les particules chargées lourdes ont, dans la matière, une trajectoire pratiquement rectiligne.
On appelle parcours R la longueur de cette trajectoire. La relation entre le parcours et le pouvoir de
ralentissement est donnée par:
R •IEo
dx = (2.15)
85
Expérimentalement (fig. 2.3), on trace la courbe de transmission d'un faisceau parallèle de
particules monoénergétiques (p, d, t, a) en fonction de l'épaisseur x de l'écran absorbeur. On
détecte un nombre de particules pratiquement constant jusqu'à ce que l'épaisseur de l'écran atteigne
une valeur suffisante pour les arrêter complètement. Cependant, on remarque que les particules ne
sont pas toutes arrêtées par une même épaisseur d'écran: il y a une certaine dispersion des parcours,
due au processus aléatoire du ralentissement. Cette fluctuation est couramment appelée straggling.
Le parcours moyen est défini comme étant l'épaisseur de l'absorbeur qui diminue de moitié le
nombre de particules incidentes.
•J.
JDet
0.5
Source '
\
A
FIG. 2.3. Courbe de transmission des particules chargées en fonction de l'épaisseur de l'absorbeur.
L'écart relatif entre parcours moyen et parcours extrapolé est de l'ordre de 1% pour les
particules a. La figure 2.4 représente la variation du parcours moyen des a dans l'air en fonction de
l'énergie et la figure 2.5 le parcours de différentes particules dans le silicium (le silicium est l'un des
matériaux de base des détecteurs à semi-conducteurs).
Eaeixie(McV)
= Parcoan des = :
~ alpba dus = " E
^= Pair
Energie (MeV)
FIG. 2.4. Parcours des particules alpha dans l'air à 15°C et 760 mm Hg.
86
/// y
1000
silicil i m
///
/ {f
//
/
7/ / y
fc-O«C
i
"/
T
too
'4
/ /
TriK
/
/
l/ o
t I
y
j
/ '/
7 Atp
2 3
Ewrslc de b putinle (McV)
Connaissant le parcours d'une particule (Zj, M{) dans un milieu absorbeur, on peut en
déduire, dans ce même milieu, le parcours d'une autre particule (z^ M2) de même vitesse.
Le résultat comprend une approximation parce qu'il ne prend pas en compte les phénomènes
d'échange de charge qui sont importants en fin de parcours:
(2.16)
dE = M v dv (2.17)
et R
— f~M v dv
(2.18)
- J Z2f(v)
(2.20)
(2.21)
87
Cette relation montre que le parcours d'un proton est le même que celui d'un a de même
vitesse, donc d'énergie quatre fois plus élevée. A vitesse égale, les isotopes (par exemple: proton et
deutéron) ont des parcours proportionnels à leur masse.
Connaissant le parcours R, d'une particule dans un milieu, on peut calculer son parcours R,,
dans un autre milieu à l'aide de la relation semi-empirique de Bragg-Kleeman:
(2.22)
Exemple:
/AT
La règle de Bragg-Kleeman prend la forme: Ru = 3,2 .10"*
Pb
Au cours de son ralentissement, une particule chargée perd de l'énergie en ionisant le milieu
traversé. L'ionisation produite dans un intervalle d'épaisseur dx est directement proportionnelle au
dépôt d'énergie dans dx.
Soit AI le nombre de paires d'ions créées le long d'un élément Ax de la trajectoire. On appelle
ionisation spécifique le rapport:
Ax
J, - Îfeïd* (2.24)
Jt est le nombre total de paires d'ions créées par une particule d'énergie initiale Eg jusqu'à son
ralentissement complet, c'est à dire tout le long de son parcours R.
- Courbe de Bragg
Considérons un faisceau collimaté de particules d'énergie EQ émises par une source placée
dans l'air. On trace la variation de l'ionisation spécifique moyenne, due à l'ensemble des particules,
en fonction de la distance à la source. Cette courbe est appelée courbe de Bragg (fig. 2.6).
88
Elle est caractérisée par l'existence d'un maximum très accentué précédant une chute brutale,
montrant ainsi que le dépôt d'énergie est très localisé: dans le cas des particules alpha, le maximum
de l'ionisation spécifique dans l'air correspond à environ 6500 paires d'ions par millimètre.
10
8 y \
"à
*-*—
\
- ^
^ 4 i
•Si
1
-> i
0
2.5 US I 0.5
Centimètres
Des valeurs de -r- et -r-, on tire immédiatement celle de W = -r=- , c'est à dire celle de
l'énergie nécessaire pour former une paire d'ions. En principe W, qui est le quotient de deux
quantités dépendant de l'énergie, pourrait en dépendre aussi. Cependant, l'expérience montre que W
est quasi-indépendant de l'énergie de la particule et même de sa nature ; c'est une caractéristique du
milieu.
Le tableau 2.2 donne la valeur de W pour des gaz. On remarque que W est de l'ordre de
30 eV, quelle que soit la nature du gaz.
TABLEAU 2.2. VALEURS DE L'ENERGIE MOYENNE PAR PAIRE D'IONS DANS LES GAZ.
W(eV)
particules a protons
Gaz
E = 5.3 MeV E = 1 MeV
CH 4 29,1 30,0
N2 34,8 36,5
CO 2 34,2 34,5
Ar 26,3 26,5
Air 35,1 35,2
89
2.2.2. Interaction des électrons (e~, e + )
Rappelons que la masse de l'électron est 1836 fois inférieure à celle du proton. Cette
caractéristique empêche de transposer immédiatement les résultats obtenus avec les particules
chargées lourdes aux électrons. Il en résulte que les formules de la mécanique classique ne sont
applicables que dans le cas d'électrons de basse énergie (< 30 keV). Au delà, aux énergies usuelles
qui s'expriment en MeV, on doit tenir compte de corrections relativistes.
De plus, lors de leur interaction avec les électrons ou les noyaux du milieu traversé, les
phénomènes de diffusion sont importants et, de ce fait, la notion de parcours devient floue.
- Ayant la même masse que les électrons atomiques avec lesquels il interagit, l'électron est
fortement défléchi. La notion de trajectoire rectiligne n'est plus valable. La probabilité de
diffusion augmente avec le numéro atomique Z des atomes du milieu.
- Une fraction importante de l'énergie de l'électron peut être perdue en une seule collision: en
appliquant la formule (2.1), on trouve que l'énergie maximum transférée A E , ^ est égale à
l'énergie incidente Ej de l'électron. Mais, après la collision, les deux électrons sont
indiscernables. On considère que c'est l'électron incident qui emporte la plus grande énergie. Par
conséquent, l'énergie transférée est égale, non pas à E{ mais à -£.
Dans le champ coulombien d'un noyau de charge Ze, l'électron diffuse élastiquement mais
sans perte d'énergie appréciable, en raison de la grande différence des masses (rebondissement sur
un obstacle fixe). La probabilité de diffusion augmente en Z 2 et, pour un angle de diffusion donné,
elle est d'autant plus grande que l'énergie de l'électron est faible.
zZe2
y = Mr2
On montre que l'énergie rayonnée est proportionnelle à y2, c'est à dire inversement
proportionnelle au carré de la masse. Le phénomène, négligeable pour les particules lourdes, ne
l'est pas pour les électrons, compte tenu de leur faible masse.
90
La fraction de l'énergie de l'électron émise sous forme de rayonnement de freinage
(bremsstrahlung) augmente avec l'énergie de l'électron et est favorisée flans les milieux absorbeurs
de numéro atomique élevé (dépendance en Z 2 ).
Le spectre de photons émis est un spectre continu, dont l'énergie maximale est égale à
l'énergie cinétique des électrons. Cependant, l'énergie rayonnée par l'électron est surtout rayonnée
en photons de faible énergie.
électron atomique
électron incident
rayonnement de
freinage
dE
(2.25)
~dx dx dx
ou:
HP 9 ir (»4 M 7 /• m0v2E
dy m» v 2
V In - (ln2)(2VT T - 1 +
2 I 2 (1 -
+
8' (2.26)
et:
dE _ e 4 NEZ(Z+l)
dxr " 137 mo2 c2
2E
-t) (2.27)
dE
La figure 2.8 montre l'allure du pouvoir de ralentissement massique, - —r- , des électrons
dans le plomb en fonction de l'énergie.
On définit pour chaque élément une énergie critique Ec qui sépare la zone des basses
énergies, où l'ionisation et l'excitation sont les processus essentiels du ralentissement, de la zone des
hautes énergies, où le freinage l'emporte. Pour le plomb, Ec = 9,5 MeV.
91
Le rapport des pouvoirs de ralentissement est donné approximativement par:
dxJ. EZ
(2.28)
700
Quel que soit le matériau absorbeur, le pouvoir de ralentissement par freinage est négligeable
à des énergies inférieures au MeV.
Du fait des déviations importantes de leur trajectoire (fig. 2.9) et de leur comportement
individuel très différent, même pour des électrons de même énergie, le concept de parcours est plus
flou que pour des particules chargées lourdes. La longueur totale de la trajectoire de l'électron dans
un milieu est beaucoup plus grande que la distance de pénétration sous la surface dans la direction
incidente.
On définit la portée comme étant la distance maximale parcourue dans la direction initiale
mais, dans la littérature, le terme parcours est aussi utilisé.
92
- Absorption d'électrons monoénergétiques
Une expérience d'atténuation effectuée avec des électrons monoénergétiques est représentée
sur la figure 2.10.
A la différence de ce qui a été vu pour des particules chargées lourdes, le nombre d'électrons
transmis diminue pour des épaisseurs très faibles de l'absorbeur à cause des phénomènes de
diffusion. La courbe d'absorption a une partie rectiligne que l'on extrapole pour obtenir le parcours
extrapolé R,. ou parcours pratique.
A même énergie, le parcours des électrons est plusieurs centaines de fois supérieur à celui des
particules alpha.
Sown
\J
-» X -
L'absorption des p résulte des absorptions relatives à toutes les énergies comprises dans le
spectre p. On constate que la courbe d'absorption a pratiquement une forme exponentielle. Ce
comportement n'est qu'une approximation et n'a pas de base fondamentale.
93
Le coefficient d'absorption n est pratiquement indépendant de la nature de l'absorbeur, mais il
est corrélé à l'énergie maximale E , ^ du spectre p.
A titre d'exemple, la figure 2.12 représente le parcours des électrons dans le silicium en
fonction de l'énergie.
1O 2 ) 1 1 11 I t i i i • \ i iti i i i i i m
i i i 11 ni yf i 1 1Jltt
y
Energie des particules ft
am -
O
••>
••>
y
y
••>
•Ml
•O
tm
• -
7 1y
9
F mm
mm
mm.
mm
«M
i i i util i » i mu i i » mit
0« ttOji 1mm 1«m lûem
2.2.2.3. Rétrodiffusion
Une couche mince d'un radionucléide émetteur (3 est déposée sur un support. Un certain
nombre d'électrons émis par la source en direction de ce support peuvent subir dans celui-ci une
diffusion suffisante pour les renvoyer en direction opposée au support: ce sont des électrons
rétrodiffusés.
94
La rétrodiffusion augmente quand l'énergie diminue et est favorisée dans les milieux de
numéro atomique élevé. C'est un phénomène qui peut être très gênant et fausser les mesures
d'activité d'une source (3.
On cherche à le minimiser en déposant les sources P sur des films minces d'un plastique très
résistant, le mylar, dont le numéro atomique moyen est voisin de 5.
— * " • - i • i
- Cu *
0.2 - -
AI
0.6 t i i m i i i iM •i i | i n i | :—TT
Au .
0.3 H
0.4 t - ,
r
c-O.31—
O.2I-
L
0.1 I— 1
• I •1 , 1
0.1
£ (M»V)
FIG. 2.13. Fraction {des électrons incidents rétrodiffusés sur divers matériaux.
L'interaction d'un positon dans la matière commence par une phase de ralentissement très
rapide (3 à 6 picosecondes) au cours de laquelle il perd son énergie par les mêmes processus que
l'électron et se comporte de façon similaire. Une fois thermalisé (énergie cinétique de quelques 10"2
eV), le positon continue sa pénétration dans la matière par une phase de diffusion au cours de
laquelle il passe la plupart du temps dans les régions interatomiques où il est repoussé par le
potentiel positif des noyaux. En fin de diffusion, au bout de quelques centaines de picosecondes, il
s'annihile avec un électron libre du milieu: la paire électron-positon disparaît. L'énergie
correspondante, soit: 2 ir^ c 2 = 1,022 MeV, apparaît sous forme de deux photons, émis dans des
directions opposées et emportant chacun une énergie de 511 keV.
95
2.2.2.5. Effet Cerenkov (fig. 2.14)
L'effet Cerenkov est une émission de rayonnements électromagnétiques, dans la bande des
longueurs d'onde visibles, par toute particule chargée traversant un diélectrique transparent d'indice
de réfraction n avec une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière - dans ce milieu.
La particule rapide agit sur le milieu traversé en créant, au voisinage de la trajectoire, une
polarisation électrique du milieu sous l'action du champ électrique qui se déplace avec la particule.
C'est un effet local et temporaire lié au passage de la particule. Quand celle-ci s'éloigne, les atomes
se dépolarisent en libérant l'énergie qui leur avait été fournie pour les polariser.
Trajectoire
^ ' ' delà particule
cos 0 = — (2.32)
nv
L'énergie seuil E s de l'effet Cerenkov est:
E s = m 0 c2 - 1 + J 1 + - \)
(2.33)
On voit donc que, dans la gamme des énergies de l'ordre du MeV, seuls les électrons peuvent
donner lieu à l'effet Cerenkov.
96
Exemples :
- dans un milieu d'indice n = 5 > ^s = 0 . 1 7 5 MeV pour les électrons et 1600 MeV pour les
particules a.
4
- dans l'eau n = 3 , E s = 0,265 MeV pour les électrons.
La figure 2.15 représente, en fonction de l'énergie des électrons, le nombre de photons
Cerenkov produits dans divers matériaux. L'énergie d'un photon lumineux se situant dans la gamme
d'énergie 1,5 - 3 eV, l'effet Cerenkov contribue peu au ralentissement de la particule.
FIG. 2. 15. Nombre de photons Cerenkov émis par électron en fonction de l'énergie dans la gamme
de longueur d'onde 300 - 600 nm.
Notons que les rayonnements électromagnétiques auxquels nous nous intéressons ici peuvent
être classés, suivant leur origine, en quatre catégories :
97
Le comportement des rayonnements électromagnétiques dans la matière est fondamentalement
différent de celui des particules chargées. En une seule interaction, le photon peut être
complètement absorbé et disparaître. Mais, à l'inverse, il est susceptible de traverser des quantités
importantes de matière, par exemple un centimètre d'épaisseur de plomb, sans interagir du tout, ce
qui est exclu pour les particules chargées qui, en pénétrant dans un milieu, cèdent immédiatement de
l'énergie à un grand nombre d'électrons du milieu.
Parmi les différents processus possibles d'interaction des photons avec les électrons atomiques
ou avec les noyaux, nous en étudierons trois qui, dans la gamme d'énergie envisagée ici, jouent un
rôle majeur. Ce sont :
- l'effet photoélectrique;
- l'effet de production de paire;
- l'effet Compton
II résulte de ces trois effets la mise en mouvement d'électrons ( e \ e + ) , particules secondaires
qui vont dissiper l'énergie qui leur a été transférée par le photon en ionisant et excitant la matière.
A énergie égale, et compte tenu des valeurs des sections efficaces des processus élémentaires
mis en jeu, les photons ont dans la matière un pouvoir de pénétration bien supérieur à celui des
particules chargées.
Le photon est absorbé et son énergie est cédée à un électron lié de l'atome, appelé
photoélectron, qui est éjecté avec une énergie cinétique :
Ecin = hv - E; (2.34)
En toute rigueur, l'énergie hv se partage entre l'électron et l'atome ionisé suivant le rapport
inverse des masses. Cependant, l'atome étant beaucoup plus lourd que l'électron, son énergie peut
être négligée.
L'effet photoélectrique ne peut pas se produire avec un électron libre car, dans ce cas, le
principe de conservation de l'impulsion ne serait pas satisfait.
L'effet photoélectrique concerne en priorité les électrons les plus liés, mais il ne peut se
produire avec les électrons d'une couche i que si :
hv > Eu
98
2.3. J.I. Distribution angulaire des photoélectrons (fig. 2.16)
Les photoélectrons sont émis dans toutes les directions de l'espace, mais avec une direction
préférentielle qui dépend de l'énergie hv du photon incident. Pour les photons de basse énergie, la
distribution est pratiquement symétrique par rapport à 8 = 90° , où G est l'angle entre la direction
du photon incident et celle de l'électron émis. Lorsque hv croît, 9 tend vers zéro.
i 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 < 1 1 1 1
60 -
- £ , = 2.76 Mev
1.30 Mev
50 0.511 Mev
1
tm
-1 0.367 Mev
0.0918 Mev
1 0.0202 Mev
40
h
run lié
30
7
S.
1 20 wvV' \ \ -
AAA \ \
at
V\\ \ \
Inl
w.
l0
\lHA
i —*— i •—-t i*~--5ii*..—i i i i"*T i.—T"*"-^^-!
0° 20* 40° 60° 80° 100° 120" 140° 160' 180°
Angle entre le photoélectron et le photon incident
La section efficace photoélectrique par atome, CJA , dépend fortement de l'énergie du photon et
du numéro atomique Z du milieu absorbeur. La dépendance est approximativement en E"3-5 Z4-5 :
l'effet photoélectrique est très favorisé dans les milieux de numéro atomique élevé et décroît très
vite quand l'énergie augmente.
La variation de la section efficace en fonction de l'énergie est représentée sur la figure 2.17
dans le cas du plomb. En plus de la très forte diminution de OA quand hv augmente, on observe sur
cette courbe des discontinuités qui se produisent lorsque hv atteint une valeur égale à l'énergie de
liaison des électrons sur une couche : la discontinuité traduit l'augmentation du nombre d'électrons
susceptibles de participer à l'effet photoélectrique.
Exemple :
Si hv < E K , le photon ne peut pas interagir par effet photoélectrique avec les électrons K
du plomb.
99
Au delà de la discontinuité K, lorsque hv augmente, c'est essentiellement avec les électrons K
(plus de 80%) que se produit l'effet photoélectrique.
S
2 '0- — \
• \
i.
s \\
a.
«
3
B1 \ \
\
\ \
v 10 ' _ \ \
I \ \
a. \
« \
w
\
\
S io'" \
Ion
\
U \
\
10 1 1 \
0.001 û 01 0 1 10
hv = 2 m 0 c 2 + Ee- + E e + (2.35)
100
L'équation (2.35) montre que la création de paire n'est possible que si l'énergie du photon est
au moins égale à une énergie seuil, qui est l'énergie nécessaire pour créer la paire. Soit :
La matérialisation ne peut se produire dans le vide parce que les principes de conservation de
l'énergie et de l'impulsion ne seraient pas alors simultanément satisfaits. Elle devient possible au
voisinage d'un noyau qui, lors du processus, récupère de l'impulsion et, en quantité complètement
négligeable, de l'énergie. La figure 2.18 montre la répartition de l'énergie cinétique disponible entre
l'électron et le positon en fonction de l'énergie du photon.
«i—i—i—i—i • i
£ . = 25.6 Mev Al
" Pb
17.2 Mev Al
Pb "•
10.2 Mev Al
Pb
7.7 Mev AI
Tb"
î.lMev
FIG. 2.18. Répartition de l'énergie cinétique disponible entre l'électron et positon en fonction de
l'énergie du photon incident.
C'est l'interaction d'un photon avec un électron peu lié du milieu absorbeur. Le photon est
diffusé (fig. 2.19) dans une direction 8 par rapport à la direction incidente et perd une fraction de
son énergie. Cette énergie est cédée à l'électron (électron Compton), qui recule dans une direction <>|
par rapport à la direction incidente.
101
Electron Compton
Photon incident
Energie = hv
Photon diffusé
Energie = hv'
y = et P = - v, vitesse de l'électron,
c, vitesse de la lumière.
102
2.3.3.1.1. PHOTON DIFFUSE
En éliminant l'angle <>| de ce système d'équations, l'énergie du photon diffusé est donnée par :
hv' = — (2.39)
1 + a(l - cos9)
où
a = mhv
oc
2 hv(MeV)
0,511
L'énergie du photon diffusé est maximale pour 6 « 0, où l'on a hv » hv' et minimale pour
0 = 180°, qui correspond au phénomène de rétrodiffusion. On a alors :
hv
hv' =
1 + 2a
Lorsque l'énergie du photon incident est grande (a > > 1) l'énergie du photon rétrodiffusé
tend vers une limite donnée par -—9— = 0,255 MeV.
Le photon diffusé par effet Compton a une longueur d'onde X' supérieure à la longueur
d'onde X du photon incident, parce que son énergie est moindre :
V X ( 1
~ = 7-v- = n^ "COse) (240)
Xc = 2,426 x 10-10 cm
Pour une diffusion sous un angle 9 donné, la différence des longueurs d'onde est
indépendante de l'énergie du photon incident.
L'énergie de l'électron Compton E e qui est égale à la différence d'énergie du photon incident
et du photon diffusé s'écrit :
= ftvad - cose)
e
1 + (l - cos6)
La figure 2.20 représente l'allure de la distribution en énergie des électrons Compton pour
différentes énergies du photon incident; l'énergie de l'électron E e varie de façon continue de E e « 0
pour 0 » 0 à une valeur maximale pour G = 180°:
103
Enux (2.42)
l + 2a
Cette valeur limite correspond à un choc frontal pour lequel <>| = 0. En effet, la relation
entre 0 et <>
j s'écrit :
g
cotg<|> = ( l + a ) t g —
16
14
= 0.51 Mev
1.20 Me v
r6Meyi
2.76 Mev
0
0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5
Energie des électrons Compton (MeV)
La distribution angulaire des photons diffusés dans l'angle solide dQ autour de la direction 9
par rapport à la direction du photon incident, est obtenue à partir de la section efficace différentielle
des
par électron : — - . La formule théorique de Klein-Nishina donnant cette section efficace, s'écrit :
dQ
dce
La figure 2.21 montre l'allure de en fonction de 9 pour différentes énergies du photon
dQ
incident.
104
Pour les énergies hv faibles, la diffusion dépend peu de l'angle 9. Par contre aux énergies
élevées, les photons sont diffusés préférentiellement vers l'avant.
La section efficace o e par électron est obtenue en intégrant l'équation (2.43) sur tous les
angles.
Dans la pratique, lorsqu'on se propose d'étudier l'interaction des photons dans la matière, on
utilise une section efficace Compton par atome c c :
FIG. 2.21. Distribution angulaire des photons Compton diffusés pour différentes énergies de
photons incidents.
La figure 2.22 montre l'importance relative des trois effets en fonction de l'énergie du photon
hv et du numéro atomique du milieu Z.
A haute énergie, c'est l'effet de production de paire qui est prédominant : il commence à le
devenir à partir de 5 MeV dans les matériaux de Z élevé.
Entre les deux, se situe un domaine où c'est l'effet Compton qui domine. Pour les milieux de
faible Z (carbone, air, eau, tissus humains), ce domaine est extrêmement large (de » 20 keV à « 30
MeV).
105
i 111111 n i i i i uni i i it I till I 1 1 1 IIII
120
le I'abMirbcur
-
100 / i
~ Effitt nhotolkrtriooe / \ Production de paire—
wjae / i
80 dominant
S 60 - / ^
*Y Effet Compton
« 40
: y ' dominant
V -
Z.
20 \ -
o —-ffillllN ! ! I 1M i l l t i l l
mu10 1 I*Y-H Hi.
0.01 0.05 0.1 0.5 1 5 50 100
Energie du photon incident
FIG 2.22. Importance relative des trois effets en fonction de l'énergie du photon incident hv et du
numéro atomique du milieu Z.
Tout photon ayant subi une interaction dans le matériau est éliminé : soit parce qu'il a été
absorbé par effet photoélectrique ou production de paire soit parce qu'il a été diffusé par effet
Compton.
dl = - 1 o T N dx (2.44)
où oj = a 9 + a c +CTp
106
M- = t ( photoélectrique) + a (Compton) + K ( production de paire)
Le coefficient X = - est le libre parcours moyen des photons dans l'écran : c'est la distance
moyenne parcourue dans l'écran avant que ne se produise une interaction. Dans les solides X varie
de quelques millimètres à des dizaines de centimètres.
px
La loi d'atténuation s'écrit alors : I = IQ e"p (2.46)
Les figures 2.23 et 2.24 représentent la variation de - dans l'eau et dans le plomb en
fonction de l'énergie des photons. Ces milieux sont représentatifs des milieux de Z faible et de Z
élevé. La comparaison des deux courbes fait bien apparaître la différence notable quant à l'étendue
de la zone de prépondérance de l'effet Compton qui est beaucoup plus restreinte dans les matériaux
de Z élevé.
107
» .
: . \
10' \
1
1
1
\ \ -i
\ PLOMB
1 r
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o
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i_i
: / \A ^
_i
2
XT \ 7
\
\ !
TO"
3
-
En établissant la loi d'atténuation, on a supposé que tout photon qui interagit dans l'écran
n'est pas enregistré. Dans la pratique, on ne se trouve généralement pas dans cette situation : en
l'absence d'une collimation sévère, des rayonnements secondaires et, en particulier, des
rayonnements diffusés issus de l'effet Compton peuvent pénétrer dans le détecteur. La loi
d'atténuation doit alors être modifiée et s'écrire :
1= IoBe^x (2-47>
B est le facteur d'accumulation en nombre (Buildup), et dépend :
2.4.1. Généralités
La première observation expérimentale du neutron date de 1932. J. Chadwick a pu mettre en
évidence la preuve de l'existence d'un nucléon neutre, obtenu en bombardant une cible de
béryllium avec des particules a :
108
Dans le noyau le neutron est lié aux autres nucléons par les forces nucléaires, il est
généralement stable. A l'état libre, il est instable et se désintègre en proton, électron et
antineutrino :
n -> p + e~ + û
Le neutron est donc radioactif à l'état libre et sa période est d'environ 11 minutes. Dans le
vide absolu, sa durée de vie moyenne x = 1/X = 1,44 T est d'environ 15 minutes.
Electriquement neutre, le neutron est un excellent projectile pour pénétrer dans les noyaux et
provoquer des réactions nucléaires. Il n'est pas dévié de sa trajectoire par les électrons du cortège
électronique et pénètre dans les noyaux sans être repoussé par la barrière coulombienne.
Compte tenu de la très faible proportion de volume occupée par le noyau, par rapport au
volume atomique (10~14), les chocs entre les neutrons et les noyaux sont peu probables. Aussi, et en
cas de collision avec un noyau, le neutron, sauf cas particuliers, perd peu d'énergie à chaque choc.
En conséquence, les neutrons comme les rayonnements gamma, sont beaucoup plus pénétrants que
les particules chargées, et ils peuvent traverser des épaisseurs importantes sans être arrêtés.
La neutralité électrique du neutron rend plus difficile la focalisation d'un faisceau de neutrons
incidents. De plus, son interaction avec les électrons du cortège électronique étant négligeable, il ne
produit pas d'ions primaires en pénétrant dans un détecteur, ce qui nécessite généralement le
passage par une réaction de transmutation permettant sa détection.
Cette situation s'explique par l'examen des caractéristiques ondulatoires des neutrons. En
effet, la longueur d'onde associée à un neutron est donnée par la relation suivante :
h h 2,86.10"12
nE VË
X : longueur d'onde en cm
Ainsi la longueur d'onde associée croît quand l'énergie du neutron diminue et devient
sensiblement égale aux dimensions atomiques pour les énergies thermiques.
Pour un neutron d'énergie cinétique égale à 0,025 eV, la longueur d'onde associée A. est égale
à 1,8 Â; longueur qui est du même ordre de grandeur que le diamètre atomique.
Un grand nombre de réactions nucléaires produisent des faisceaux de neutrons. Les neutrons,
à la différence des particules chargées, ne peuvent être accélérés, mais ils peuvent être ralentis par
chocs successifs sur des noyaux choisis pour cet effet. Ce processus de ralentissement est appelé la
modération, et les noyaux "ralentisseurs" constituent le modérateur.
109
Généralement, on définit trois types de neutrons :
- les neutrons rapides : neutrons dont l'énergie cinétique En est supérieure à 0,8 MeV;
- les neutrons épithermiques: 1 eV < En < 0,8 MeV;
- les neutrons thermiques : E^ < 1 eV.
Ce type de source utilise la réaction qui a été à l'origine de la découverte du neutron citée
précédemment.
Le 226 Ra a été très souvent utilisé comme émetteur a. Les neutrons émis dans ce cas ne sont
pas monocinétiques. L'énergie cinétique des neutrons la plus probable est d'environ 5 MeV et le
taux de production de neutrons est d'environ 10^ n/s par Ci de radium.
Le 226 Ra et ses descendants ont un taux d'émission de rayonnements y non négligeable. Pour
cette raison, et pour l'utilisation en laboratoire, le radium a été remplacé par le 2 1 0 Po (138 jours de
période) ou par l' 241 Am (458 ans de période). Ces sources produisent environ 2 à 3.10^ n/s par Ci
d'activité a.
C'est un processus de production de neutrons similaire aux réactions (a,n) décrites plus haut.
Sous l'action d'un photon y suffisamment énergétique, certains noyaux sont capables d'émettre des
neutrons :
Réaction avec le Be: y + ^Be -> ^Be + i n (énergie seuil Ey > 1,6 MeV).
2 1 1
Réaction avec le deuterium : y + ,H —» .H + in (énergie seuil Ey > 2,2 MeV).
L'émetteur y utilisé peut être le 24 Na ( Ey = 2,76 MeV), et mélangé à du béryllium, un taux
de production de 2.10^ n/s par Ci de Na est obtenu. L'antimoine 124 (émetteur y avec une période
de 60 jours) est préféré au 24 Na qui a une période courte de 15 heures.
110
FIG. 2.25. Energie des neutrons émis (suivant trois angles d'observation) en fonction de l'énergie
du "projectile" pour la réaction 3H(d,n)4He.
C'est l'instabilité de certains noyaux lourds qui peut les conduire naturellement à la fission.
C'est un phénomène de désintégration spontanée qui ne nécessite donc pas un apport externe
d'énergie et qui libère 2 à 4 neutrons.
Les réacteurs nucléaires sont les dispositifs qui peuvent fournir les flux neutroniques les plus
élevés. Les neutrons sont produits suite aux réactions de fission des noyaux combustibles, et leur
énergie s'étend jusqu'à 7 MeV.
Généralement, les neutrons sont thermalisés à l'aide d'un modérateur, mais il est possible
d'avoir, dans les canaux expérimentaux, des flux riches en neutrons rapides.
Les flux utilisables sont de l'ordre de quelques 10 1 4 n.cnr^.s" 1 et peuvent dépasser sur
certains réacteurs (Réacteur à Haut Flux de Grenoble) 1 0 ^ n.cm"2.s~l. Ces sources de neutrons
sont particulièrement utiles pour la recherche dans le domaine de l'électronucléaire, la physique du
solide; mais aussi la production de radionucléides par capture neutronique est facilitée par
l'utilisation d'un flux élevé.
111
2.4.4. Différents types d'interactions
Dans ce type d'interaction, la structure interne du noyau n'est pas altérée. Le neutron incident
est dévié de sa trajectoire initiale. L'interaction se réduit à un simple transfert d'énergie cinétique;
l'énergie cinétique se conserve ainsi que la quantité de mouvement.
Ce type d'interaction constitue le principal mécanisme de perte d'énergie du neutron dans les
domaines intermédiaire et rapide.
1_ , A v v 1-, . A y
o ii
-t- ZA —* o n -f- Z A
Si nous considérons que le neutron est diffusé selon un angle 0, et le noyau résiduel suivant
un angle 9 par rapport à la direction d'incidence du neutron, on démontre en écrivant les lois de
conservation de l'énergie cinétique et de la quantié de mouvement:
_ 4A
avec :
4A
Noyau 3 12 207 p .
!H \» 2 He "He C lo
a 1 0,89 0,75 0,64 0,28 0,22 0,02
La fraction d'énergie transférée au noyau de recul décroit rapidement avec la masse atomique.
Pour étudier la thennalisation des neutrons rapides (environ 2 MeV) issus des fissions dans un
réacteur nucléaire, on définit le paramètre de ralentissement %.
Ei
£, = Log Ej - Log E 2 = Log —
t2
112
(A-I)2 A-l
4=1+ Log( r)
2A
On peut alors déterminer le nombre de chocs nécessaires pour faire passer un neutron de
l'énergie initiale Ej à l'énergie finale Ef :
Et pour ralentir un neutron rapide issu d'une fission jusqu'à l'énergie thermique (0,025 eV) :
Le tableau ci-après montre bien l'intérêt du choix d'un élément léger pour ralentir les
neutrons. L'hydrogène est certainement le plus efficace, mais sa section efficace de capture pour les
neutrons thermiques est relativement élevée (330 mbarn). Sur certains réacteurs de recherche, on
préfère utiliser le deuterium qui capture, comparé à l'hydrogène, 600 fois moins de neutrons.
La diffusion inélastique s'effectue avec la formation d'un noyau intermédiaire appelé "noyau
composé". Le neutron incident tst absorbé par le noyau cible formant ainsi un noyau composé qui
se désintègre (10~17 s après) en émettant un neutron et en laissant le noyau résiduel dans un état
excité. Le noyau résiduel revient à l'état fondamental par l'émission d'un ou de plusieurs photons y.
A
Ôri-t- *
A+lAv *
Z zY*
A
ZA
Dans une réaction de diffusion inélastique la quantité de mouvement et l'énergie totale sont
conservées, mais l'énergie cinétique, par contre, n'est pas conservée. En effet, une partie de
l'énergie cinétique du neutron incident est transformée en énergie d'excitation du noyau résiduel.
113
La diffusion inélastique est donc une réaction à seuil. Le neutron doit posséder une énergie
cinétique suffisante pour exciter le noyau au moins jusqu'au premier niveau.
n + X ->• n1 + X*
Nous supposons que le noyau X est au repos dans le système du laboratoire et que :
M n c2 + En + M x c2 = M n - C 2 + E ^ + M x c2 + ^ + Wexc.
En = En' + Ex + Wexc.
A priori, nous pouvons penser que l'énergie cinétique minimale est donnée par la relation :
Dans ce cas, le neutron émis et le noyau résiduel se trouvent au repos après le choc. La
quantité de mouvement après le choc est alors nulle et le principe de conservation de l'impulsion
n'est pas respecté, car le neutron incident est animé d'une certaine énergie cinétique.
Nous pouvons par contre écrire l'équation traduisant la conservation de l'énergie totale dans
le système du centre de masse (cm):
w
(En)cm + (Ex)cm = (En')cm + (Ex)cm+ exc.
Dans ce sytème l'énergie cinétique minimale est obtenue quand le neutron émis et le noyau
résiduel sont au repos après le choc, dans le système de centre de masse. La quantité de mouvement
est nulle après le choc, ce qui n'est pas en contradiction avec le principe de conservation de
l'impulsion. Par la définition même du système de centre de masse, la quantité de mouvement, avant
et après le choc est égale à zéro.
uil ~ ^ e
114
Le tableau ci-dessous donne les énergies cinétiques seuils de diffusion élastique pour
différents noyaux.
C 4,4
0 6,1
Na 2,3
Al 0,85
Si 1,3
Ca 3,3
Cr 1,4
Fe 0,85
Ni 1,3
Zr 0,9
Pb 0,6
235u 0,01
238u 0,04
Dans le domaine des basses énergies, correspondant à des niveaux d'excitation nettement
séparés, la perte d'énergie du neutron ne peut prendre qu'un certain nombre de valeurs. On parle
alors de diffusion inélastique discrète.
Par contre, pour les énergies élevées, les niveaux d'excitation ne sont plus individualisés
(continuum), la perte d'énergie du neutron peut prendre toute valeur correspondante. On parle alors
de diffusion inélastique continue.
Signalons enfin que la section efficace de diffusion inélastique augmente généralement avec
l'énergie du neutron incident et avec la masse du noyau cible.
La capture radiative s'effectue également avec la formation d'un noyau composé par
l'absorption du neutron incident. Le noyau ainsi formé possède une énergie d'excitation élevée qui
est la somme de l'énergie cinétique du neutron incident et de son énergie de liaison dans le noyau
composé.
A+1AY * A+1AY
On + Z Z
Le retour du noyau composé à son état fondamental peut s'effectuer par l'émission d'un seul
photon très énergétique, ou progressivement, par passage par des niveaux d'excitation
intermédiaires, avec émission de plusieurs photons (cascade).
La capture radiative est de loin la réaction la plus importante des réactions d'absorption
susceptibles de faire disparaître le neutron. Cette réaction sera donc utilisée en radioprotection, mais
toute capture radiative est accompagnée d'émission de photons qui peuvent être assez énergétiques.
Généralement, les sections efficaces de captures radiatives varient, sauf exception aux
énergies suffisamment éloignées d'une résonance, en 1/v (v représente la vitesse du neutron
incident).
115
Le tableau ci-dessous présente les énergies de résonance E R pour les réactions (n , y) et les
sections efficaces correspondantes pour différents noyaux.
(y : 2,2 MeV)
on + +y
J»+ '
114
48Cd +y
l 236
92 U +y
on +
Dans ce type d'interaction, le noyau composé formé par l'absorption du neutron incident,
émet une particule chargée.
Ces réactions se produisent plus facilement avec les noyaux légers qui opposent à l'émission
d'une particule chargée une barrière coulombienne moins intense. Les neutrons qui provoquent ces
réactions possèdent généralement des énergies élevées, à l'exception des réactions (n , a ) sur le 10B
et le 6 Li et des réactions (n , p) sur l' 14 N et le 32 S, provoquées par les neutrons thermiques.
Exemples de réactions (n , a)
2,78 MeV
Dans 93% des cas, cette réaction laisse le 7 Li dans un état excité et le passage au niveau
fondamental se fait par l'émission d'un photon de 0,48 MeV. Cette réaction de transmutation est
fréquemment utilisée dans la conception des détecteurs neutroniques installés sur les réacteurs.
Exemples de réactions (n , p)
La section efficace relativement élevée (5330 barns) permet l'utilisation de cette réaction dans
le développement de détecteurs particulièrement sensibles aux neutrons.
116
2.4.4.5. Les réactions de captures type (n , 2n)
Ce phénomène de production de neutrons peut devenir important avec certains noyaux légers
ou lourds. Le tableau ci-dessous indique quelques énergies seuils, relativement faibles, pour les
réactions (n , 2n):
Noyau D Li Be Bi Th 238u
Es(MeV) 3,34 6,2 1,85 7,4 6,44 6
La fission est une réaction nucléaire particulière. Elle peut être provoquée, assez facilement,
par des neutrons d'énergie cinétique très faible (même nulle) sur certains noyaux lourds; mais
l'énergie libérée est très élevée, généralement de l'ordre de 200 MeV.
Sous certaines conditions, lorsqu'un neutron est absorbé par certains noyaux lourds, ces
derniers se cassent généralement en deux parties plus ou moins égales. Ces noyaux sont appelés
produits de fission. La réaction de fission est exoénergétique et est accompagnée par l'émission de
deux ou trois neutrons permettant ainsi la réaction en chaîne auto-entretenue.
Le tableau ci-dessous donne l'énergie cinétique seuil des neutrons, nécessaire pour produire
une réaction de fission:
On remarque que pour les noyaux d'uranium 233 et 235 et le plutonium 239 et 241, un
neutron d'énergie cinétique nulle peut provoquer la réaction de fission de ces noyaux. Ils constituent
donc des matériaux privilégiés pour l'obtention d'une réaction en chaîne auto-entretenue. Seul
l' 235 U existe dans la nature, et sa proportion isotopique est de 0,72%.
Le nombre moyen v de neutrons émis lors de la fission est variable en fonction de l'énergie
cinétique du neutron qui provoque la fission et de la nature de l'isotope fissile considéré.
Le tableau ci-dessous donne les valeurs de v pour la fission de différents noyaux, provoquée
par des neutrons thermiques. L'énergie moyenne E des neutrons émis est également indiquée.
ISOTOPE v E en MeV
233u 2,474 1,97
235TJ 2,41 2,00
239pu 2,862 2,06
241PU 2,922 2,02
117
La fission est rarement symétrique. On obtient, généralement, un fragment plus léger
regroupant 90 à 95 nucléons et un fragment plus lourd regroupant 140 à 145 nucléons.
La figure 2.26 donne le rendement de fission de l'uranium 235 provoquée par des neutrons
lents. Cette courbe indique la fréquence, en pourcentage, d'apparition d'un noyau en fonction du
nombre de masse.
FIG. 2. 26 - Rendement de fission (en %) de l'23^U en fonction du nombre de masse des produits
de fission.
Lors d'une réaction de fission, le nombre de nucléons est conservé. Nous retrouvons donc,
dans les fragments de fission (à 2 ou 3 neutrons près), la même proportion relative de protons et de
neutrons que dans le noyau lourd initial. Ainsi, les produits de fission possèdent un excédent
important de neutrons. Us vont donc être radioactifs de type p- et cette radioactivité leur permettra
de retrouver une architecture stable.
En moyenne l'énergie libérée par une réaction de fission est d'environ 200 MeV Cette
énergie se manifeste essentiellement sous la forme d'énergie cinétique et les fragments de fission
sont alors porteurs d'une assez grande énergie.
118
On peut facilement calculer que, pour produire une puissance de 1 watt, il faut provoquer
3,1.10*0 fissions/s. Dans un réacteur nucléaire d'une puissance électrique de 1000 MWe, le
rendement étant de 33%, il est nécessaire d'avoir environ 10^0 fissions/s.
On définit pour les neutrons un libre parcours moyen L. C'est la distance moyenne parcourue
par les neutrons dans un matériau donné avant de subir un certain type d'interaction.
L( : section efficace macroscopique totale du milieu (en cm~l). C'est le produit du nombre de
noyaux par cm^ par la section efficace microscopique (cm~2).
Lorsque plusieurs types d'interactions sont possibles, plusieurs libres parcours moyens partiels
leur sont associés; ils sont tous supérieurs au libre parcours total.
Dans le graphite, le libre parcours moyen de diffusion des neutrons thermiques est d'environ
2,6 cm et le libre parcours moyen d'absorption de 20 m. Le neutron subit, en moyenne, un choc
tous les 2,6 cm et pour chaque choc il a une chance sur mille d'être absorbé et 999 d'être diffusé. Il
est capturé en moyenne au bout de 1000 diffusions.
Dans l'eau lourde, le libre parcours moyen d'absorption est de 345 m, mais dans l'eau légère
il n'est plus que de 0,45 m.
Si 4>0(E) représente le flux de neutrons incidents d'énergie E, la loi d'atténuation est donnée
par l'expression suivante:
On définit, pour les neutrons thermiques, des épaisseurs 1/10. Ce sont les épaisseurs
nécessaires pour arrêter 9/10 du faisceau incident.
Pour les principaux matériaux neutrophages les épaisseurs 1/10 sont les suivantes :
- Cadmium : 0,02 cm
- Carbure de bore : 0,03 cm
- Graphite (4% de bore) : 1,0 cm
- Fer : 2,3 cm
119
Pour les neutrons rapides, compris entre 1 et 10 MeV, on détermine expérimentalement des
épaisseurs 1/10 :
Eau = 23 cm
Carbone = 29 cm
Aluminium = 19 cm
Fer = 15 cm
Plomb = 22 cm
Béton entre 20 et 30 cm , suivant la densité
BIBLIOGRAPHIE
KNOLL, G. F. Radiation Detection and Measurement, John Wiley, New York, 1989
MEYERHOF, W.E. Elements of Nuclear Physics, Me Graw Hill , New York, 1967
120
CHAPITRE 3. DETECTION DES RAYONNEMENTS
J.-Chr. Bodineau
Avant-propos
Ce chapitre concerne la détection des rayonnements ionisants émis par les sources
radioactives, les réacteurs nucléaires et les générateurs électriques de rayonnements
conventionnels. Les rayonnements directs de la physique des moyennes et hautes énergies (> > 10
MeV) ne sont pas pris en compte dans ce qui suit.
Les chapitres précédents ont précisé les différentes interactions des rayonnements avec la
matière. Ces interactions se traduisent finalement par un échange d'énergie avec les électrons du
milieu et conduisent à l'ionisation et l'excitation de ce dernier. Cet échange est direct dans le cas
des particules chargées (rayonnements directement ionisants) ou a lieu par l'intermédiaire du
déplacement de particules chargées dans le cas des photons ou des neutrons (rayonnements
indirectement ionisants).
Le tableau 3.1 récapitule les principaux phénomènes physiques impliqués au cours des
interactions. Ces différents phénomènes permettent de déterminer plusieurs familles de détecteurs,
regroupées dans le tableau 3.2. que nous allons étudier successivement.
Chaque événement (interaction d'un rayonnement dans le milieu détecteur) produit une
somme d'informations élémentaires (tableau 3.2) qui peut être exploitée soit directement, soit par
l'intermédiaire d'un dispositif de conversion ou de traitement. On recueille finalement un signal
d'information exploitable par un dispositif d'analyse qualitative et/ou quantitative. L'ensemble de
ces dispositifs constitue la chaîne de détection. Le signal peut, si le principe et la nature du
détecteur le permettent, contenir une ou plusieurs informations sur l'énergie, la date, la durée, la
position ou l'intensité de l'interaction ainsi que la nature ou la vitesse de la particule.
121
TABLEAU 3.1. PHENOMENES PHYSIQUES MIS EN JEU LORS DE LA DETECTION DES
RAYONNEMENTS IONISANTS.
Volume sensible
Fenêtre (milieu détecteur)
protection y
Rayonnement énergie Signal ; Traitement
cédée •; (mise en forme, ;
incident direct " ! transformation,...);
interaction
ou structure
Signal exploitable
On peut aussi ne pas s'intéresser à chaque interaction mais, plus simplement, chercher à
intégrer l'ensemble des énergies cédées au détecteur ou le nombre des interactions y ayant eu
lieu. Dans ce cas, qui recouvre notamment les mesures dosimétriques, tous les principes de
détection sont exploitables.
Dans tous les cas, il est nécessaire de définir un certain nombre de paramètres essentiels
permettant de caractériser les qualités d'un détecteur.
122
3.1.3. Paramètres caractérisant un détecteur
Si l'on veut mesurer des spectres en énergie, il est essentiel que ce signal soit, à des
fluctuations statistiques près, proportionnel à l'énergie cédée par le rayonnement dans le détecteur,
cette proportionnalité (ou linéarité) devant exister sur une gamme d'énergies suffisamment étendue.
123
Les sources de fluctuations provoquant la résolution trouvent leur origine dans:
>V dN/dH
Ymax ~
Résolution:
RsF.WJBLM/Ho
Ymax/2-
/
L A si
/F.W.
r\
J V_ H
Ho
Ce concept de résolution en énergie peut être formulé dans le même esprit lorsqu'il
s'applique en particulier à des mesures de temps ou de position. Il peut être étendu à la notion de
reproductibilité lorsque le détecteur est soumis à une série d'interactions intégrée (charge électrique
intégrée, coloration d'un matériau, etc).
Lorsque l'on détecte des particules chargées, compte tenu de leur parcours, il est parfois
possible de mettre en oeuvre des geometries de détection dans lesquelles pratiquement 100% des
rayonnements incidents interagissent dans le détecteur. Les impératifs expérimentaux et la nature
des rayonnements à mesurer nous éloignent bien souvent de cette situation idéale. C'est pourquoi il
est nécessaire de définir la notion à.'efficacité de détection. Selon que l'on considère comme
référence le nombre de rayonnements émis par la source ou le nombre de rayonnements ayant
pénétré le détecteur, on parle d'efficacité absolue Effabs (ou rendement) ou d'efficacité intrinsèque
124
Le nombre de rayonnements ayant pénétré le compteur est obtenu par le calcul de la
géométrie source-détecteur et à partir du nombre de rayonnements émis par la source. Dans le cas
des particules chargées il faut en plus tenir compte de leur absorption entre la source et le détecteur.
La géométrie source détecteur est caractérisée par l'angle solide* de détection. Il est souvent
très difficile à calculer, compte tenu de la forme des sources et des détecteurs utilisés dans les
mesures. Dans le cas d'une source de rayonnements ponctuelle située dans l'axe d'un détecteur
cylindrique, le calcul de l'angle solide Q se ramène à une formule simple (fig. 3.3).
Détecteur
Source
Pour caractériser cette inertie du détecteur on utilise le paramètre: temps mort. Ce paramètre
ne caractérisant pas l'ensemble de la chaîne de détection, on utilise plutôt le paramètre temps de
résolution qui s'y rapporte. Il est défini comme l'intervalle de temps minimum séparant deux
interactions pour que celles-ci soient enregistrées comme deux informations distinctes.
a
Attention, le calcul de l'angle solide n'est pas légitime dans certains cas, surtout en présence de faisceaux
collimatés.
125
On distingue deux modèles limites de temps de résolution t (fig. 3.4) entre lesquels se situent
les comportements des chaînes de détection usuelles:
- le temps de résolution de type "fixe": pendant la durée t le détecteur n'est pas affecté par toute
interaction consécutive à celle qui engendre la formation du signal. Le détecteur a donc une
réponse en fonction du taux d'informations qui tend vers une saturation (fig. 3.5). On peut
chiffrer le taux moyen d'informations recueillies, m, en fonction du taux moyen d'interactions
dans le détecteur, n, par:
n m
m =- ou encore: n — -
nx 1-7MT
ôtatdu A
détecteur!
TEMPS DE RESOLUTION RECONDUCTIBLE
occupé
libre
temps
ntorsctions dons
le détecteur
temps
étal du A
détecteur j
occupé j
libre -
temps
K
t&ux dVifocnutions
déliviéas(m)
* * /
_ __t/
1/T
TEMPS MORT
l/re
"H
s !
n-
1
1/T n«
2
(ajxdMwactians
dans to détecteur (n)
FIG. 3.5. Réponse de la chaine de détection en fonction du taux d'interactions selon la nature du
temps de résolution.
126
3.1.3.4. Mode de fonctionnement
Une grande partie des détecteurs que nous allons étudier dans la suite, délivrent un signal
électrique final. Les signaux délivrés peuvent être soit intégrés sur une longue période devant leur
durée (on recueille alors une charge totale que l'on mesure a posteriori), soit traités à mesure de
leurs apparitions. Dans ce dernier cas on peut utiliser deux modes de fonctionnement schématisés
sur la figure 3.6.
a
ceci n'est réalisé en toute rigueur que si C, c'est à dire finalement la structure du détecteur, est constante. Ceci
est en général parfaitement réalisé mais nécessite quelques précautions particulières avec certains détecteurs à
semi-conducteurs.
127
Fonctionnement en courant :
M \ RC « Te
V(t) = R.
Détecteur
FIG. 3.6. Modes de fonctionnement d'un détecteur (partie gauche) influence de la constante de
temps en mode de fonctionnement en impulsions (partie droite).
Plusieurs autres paramètres sont importants pour caractériser la qualité d'un détecteur et
l'adéquation de son choix à la situation de mesure. Il s'agit de:
- la réponse géométrique: l'angle d'incidence des rayonnements, s'il n'est pas appelé à être
constant (cas des mesures de terrain), ne doit avoir que peu d'influence sur la réponse du
détecteur; on cherchera en pratique à avoir des détecteurs aussi isotropes que possible.
- la stabilité de la réponse et de l'information dans le temps: un détecteur doit avoir une réponse
qui ne varie que très peu dans le temps. Pour les détecteurs, tels que les dosimètres, qui
enregistrent une somme globale d'informations élémentaires, il est essentiel que cette
information ne se perde pas progressivement (phénomène de "fading").
- Y équivalence au milieu dans lequel on souhaiterait véritablement faire la mesure: en dosimétrie
ou en radioprotection on utilise des détecteurs constitués de matériaux dont la composition est
proche de celle des tissus vivants.
- la transparence à son propre signal qui est notamment importante pour les scintillateurs qui
peuvent être soit peu transparents à leur propre lumière, soit perturbés par l'ajout de substances
en leur sein (scintillation liquide: phénomène de "quenching").
Plus généralement, un détecteur et sa chaîne de mesure associée, doivent avoir les mêmes
qualités que celles recherchées pour tout type de capteur physique: fidélité, justesse, rapidité, bon
rapport signal/bruit, insensibilité aux conditions extérieures (température, humidité, lumière,
champs électromagnétiques,.), etc.
128
3.2. DETECTEURS A IONISATION GAZEUX
Ces détecteurs sont parmi les plus anciens (electroscopes, électromètres, etc) et les plus
utilisés. La faible densité des gaz confère cependant à ces détecteurs une mauvaise efficacité aux
photons X et y; ils sont en général utilisés pour la détection des particules chargées ou la mesure des
flux importants de rayonnements gamma (dosimétrie, radioprotection).
Lorsqu'une particule chargée passe dans un gaz, elle ionise et excite les molécules tout au
long de sa trajectoire. Il en résulte notamment la formation de paires électron-ion (ou, plus
simplement; paires d'ions). L'énergie nécessaire pour former une paire d'ions dans un gaz est, en
première approximation, indépendante de la nature du gaz ainsi que de la nature et de l'énergie de
la particule ionisante: elle est de l'ordre de 35 eV. En collectant les charges créées par ionisation,
on peut dénombrer les interactions et remonter à l'énergie cédée dans le milieu détecteur gazeux,
donc faire de la spectrométrie.
On construit des détecteurs en disposant deux électrodes au sein d'un milieu gazeux que l'on
polarise, grâce à une alimentation de haute tension continue. La figure 3.7 schématise une telle
configuration. Bien que diverses geometries soient possibles, en général la géométrie retenue est
cylindrique, l'anode étant en position centrale. Les électrons produits par ionisation sont donc
collectés par cette dernière et les ions formés sont recueillis sur la cathode périphérique. On
observe donc une circulation de charges électriques dans le circuit ainsi constitué lorsque le
détecteur est soumis à des rayonnements ionisants.
Globalement les vitesses de migration des charges dans les gaz n'étant pas élevées, les
détecteurs à gaz présentent des temps de résolution assez importants; ils sont donc limités à la
mesure de faibles taux d'interactions. Le choix des gaz de remplissage s'oriente surtout vers ceux
qui n'ont pas d'affinité pour les électrons, évitant ainsi que ces derniers soient perdus pour le
signal: on utilise donc surtout des gaz rares (He, Ar, Xe, etc), si possible de numéro atomique élevé
pour une bonne efficacité aux photons y.
129
Lorsqu'on fait varier la différence de potentiel entre les deux électrodes, la charge collectée
varie comme l'indique la figure 3.8, sur laquelle on peut distinguer plusieurs régimes de
fonctionnement:
- Lorsque la tension inter-électrodes est petite, les ions et électrons sont peu accélérés et se
recombinent sous l'effet de l'agitation thermique; seule une partie des charges créées est
collectée. Cette fraction augmente avec la tension. Aucun détecteur ne fonctionne dans ces
conditions.
- Lorsque la valeur de la tension est suffisante pour que les recombinaisons n'aient plus lieu, toute
la charge créée par ionisation est collectée. Cette charge est indépendante de la tension appliquée
et directement proportionnelle à l'énergie cédée par le rayonnement dans le gaz. Cette plage de
tension est appelée régime d'ionisation primaire sous lequel fonctionnent les chambres
d'ionisation.
§
is «•
O 3
régime de
Geiger-Muller
regime
roportionnel
chambre <-
d'ionisation
2MeV
1 MeV
Lorsque le champ électrique au voisinage de l'anode est assez fort (w 106 V.m*1) pour
communiquer aux électrons d'ionisation primaire une énergie suffisante pour qu'ils ionisent à
leur tour les atomes du gaz de remplissage, il y a multiplication des charges par un coefficient
qui peut atteindre des valeurs de 105 à 106 (phénomène d'avalanche de Townsend). C'est le
régime proportionnel dans lequel fonctionnent les compteurs proportionnels.
130
Lorsque la tension inter-électrodes augmente encore, l'énergie communiquée aux électrons au
voisinage de l'anode est suffisante pour que certains des ions produits se retrouvent dans un état
excité. Ces ions excités retournent à leur état fondamental en émettant des photons ultraviolets
qui peuvent arracher par effet photoélectrique des électrons sur la cathode. La quantité de
charges collectée n'est plus rigoureusement proportionnelle à l'énergie primaire cédée dans le
gaz. C'est la région de proportionnalité limitée dans laquelle aucun détecteur ne fonctionne.
A partir d'une certaine valeur de tension, la décharge par l'intermédiaire des photons ultraviolets
se propage dans tout le volume du compteur. Le nombre d'ions formés n'est cependant pas
infini, grâce à un phénomène d'autorégulation qui arrête la décharge: les ionisations sont
localisées autour de l'anode où le champ est très élevé, il se forme une gaine d'ions qui ne se
déplace que lentement vers la cathode (tes ions n'atteignent la cathode qu'après 10"4 s), cette
gaine forme un écran électrostatique qui abaisse le potentiel inter-électrodes de sorte que de
nouvelles avalanches ne puissent pas se produire, donc la décharge prend fin. Les ions positifs
se neutralisent sur la cathode en émettant parfois des photons ultraviolets susceptibles de réinitier
une nouvelle décharge. Afin de limiter ces décharges parasites, on ajoute en général au gaz
détecteur des traces de vapeurs organiques qui neutralisent les ions par formation d'ions
polyatomiques, l'énergie excédentaire apparaissant sous forme de photons d'énergie insuffisante
pour créer de nouveaux électrons par effet photoélectrique. Ces ions polyatomiques se
neutralisent sur la cathode en formant une molécule qui se dissocie sans provoquer l'émission de
nouveaux électrons. De plus ces molécules absorbent bien les photons de fluorescence
ultraviolets. Les vapeurs polyatomiques se consomment: le détecteur s'use. C'est le régime de
Geiger-Mùller dans lequel chaque impulsion est indépendante de l'ionisation primaire: on ne
peut donc pas remonter à l'énergie cédée mais seulement effectuer des comptages. Une décharge
de Geiger est représentée sur la figure 3.9.
A des valeurs de tension plus élevées, on a une décharge permanente qui use très rapidement le
détecteur.
/S////////S/s///////////////////////////////////////
Photons UV
Anode
"Cathode
Comme nous l'avons vu plus haut, dans le régime d'ionisation primaire, les charges
collectées sont proportionnelles à l'énergie cédée par le rayonnement dans le gaz détecteur; les
chambres d'ionisation peuvent donc être utilisées en spectrométrie. L'absence d'avalanches
multiplicatrices confère une excellente stabilité au détecteur, cependant les faibles charges délivrées
nécessitent une électronique performante en aval des détecteurs.
131
Elles peuvent fonctionner en intégration de charges ou en mesure du courant moyen
d'ionisation, mode idéal pour mesurer des niveaux d'irradiation moyens, d'où leurs nombreux
emplois en tant que dosimètres et débitmètres. Dans ce dernier mode de fonctionnement, on utilise
notamment la chambre dosimétrique à cavité variable (chambre à extrapolation). La discrimination
des rayonnements est possible grâce à la chambre compensée qui comporte deux volumes de
détection identiques avec une anode centrale à la masse et deux parois portées à des tensions
opposées, chacune étant recouverte sur sa face interne d'un matériau différent (une sensibilisée aux
neutrons, l'autre pas). Le courant d'ionisation dû aux rayonnements y s'annule; il ne reste que le
courant dû aux neutrons. On utilise également des chambres à circulation pour détecter les gaz
radioactifs.
Les faibles courants à mesurer sous de faibles tensions de polarisation entraînent la nécessité
d'isolants très performants que l'on renforce par l'utilisation d'anneaux de garde. Entourant
l'isolant qui supporte l'électrode centrale, ces dispositifs évitent les courants de fuite et
homogénéisent le champ de collection des charges aux extrémités de la chambre.
Des chambres permettent d'intégrer, sans temps mort, la charge totale déposée par un flux de
rayonnements; elles sont surtout utilisées en dosimétrie (chambre "absolue" utilisant simplement
l'air atmosphérique librement entre des électrodes planes, chambre à cavité, électromètre à fil de
quartz utilisé comme stylodosimètre).
En mode impulsionnel, l'ajout d'une grille pour l'intégration de l'impulsion générée entre la
grille et l'anode est nécessaire pour obtenir une amplitude proportionnelle aux ions primaires
indépendamment de la position de leur création. En effet, afin de s'affranchir du long temps de
collection des ions on utilise souvent les chambres d'ionisation avec des constantes de temps très
courtes de façon à ne récupérer que le signal dû aux électrons. Comme les électrons sont collectés
avec une vitesse uniforme, l'impulsion électronique est fonction du heu d'interaction au sein du gaz
détecteur. Pour utiliser la chambre comme spectromètre, il est donc nécessaire d'éliminer cette
dépendance spatiale: on dispose une grille à proximité de l'anode à un potentiel intermédiaire qui
protège l'anode des mouvements de charge externe à la zone grille-anode. C'est la chambre à
grille, très utilisée en spectrométrie alpha où elle offre une excellente efficacité (on introduit la
source à l'intérieur du volume de détection). Dans certaines applications, on dispose jusqu'à 3
grilles.
Les faibles impulsions (quelques mV) nécessitent des préamplificateurs sophistiqués. Les
résolutions en énergie sont bonnes (environ 1% pour 1 MeV déposé). Les temps de collection, de 1
à 10 fis, ne permettent pas des taux de comptage élevés.
Plutôt consacrés à la mesure des rayonnements a, p, X de basse énergie et neutrons, ils sont
utilisés uniquement en mode impulsionnel. Comme dans les chambres d'ionisation, l'amplitude de
l'impulsion est proportionnelle à l'énergie cédée par le rayonnement dans le gaz, mais le facteur
d'amplification gazeux permet d'obtenir des impulsions de quelques centaines de mV, d'où une
électronique de traitement moins délicate.
La tension de fonctionnement peut se situer entre 1000 et 4000 volts selon la taille et le gaz
de remplissage. La nature et la pression du gaz sont très variées selon les applications. On préfère
les gaz rares (Ar, Kr, ou Xe) aux gaz moléculaires qui tendent à recapturer les électrons et à
réduire l'amplification gazeuse. On leur ajoute souvent des traces de vapeur organique pour réduire
les mouvements d'électrons par diffusions inélastiques et accroître la vitesse de déplacement des
132
charges dans le gaz. Pour augmenter l'efficacité aux rayonnements X, le gaz est souvent sous
pression (2 à 3 atmosphères). On peut même intégrer directement des gaz radioactifs, tels que 3 H 2
et 14 CO 2 a par exemple, dont on veut mesurer l'activité.
Les temps de collection des charges sont inférieurs à ceux des chambres d'ionisation; on peut
mesurer des taux de comptage plus élevés sans pertes significatives.
Comme les chambres d'ionisation, les compteurs proportionnels peuvent avoir différentes
configurations. Leur géométrie peut être cylindrique avec une fenêtre latérale, de grande surface,
ou sans fenêtre (géométrie 2% ou 4rc stéradians où on introduit directement la source dans le
détecteur). Ils peuvent être étanches ou à circulation de gaz.
Pour la détection des neutrons thermiques, on emploie souvent des gaz de remplissage tels
que He ou 10 BF 3 , ou des dépôts de bore interne sur la cathode. Il est facile de sélectionner les
3
fortes impulsions dues à l'ionisation intense des produits de la réaction nucléaire, des faibles
impulsions engendrées par les électrons mis en mouvement par les rayonnements y. Pour les
neutrons rapides, on utilise des compteurs contenant un composé riche en hydrogène et on détecte
alors les protons de recul, où-bien on entoure le compteurs de sphères de solides hydrogénés tels
que le polyethylene.
Une impulsion correspond à de l'ordre de 10 10 paires d'ions créées dans une décharge. Son
amplitude atteint donc aisément plusieurs volts. Des électroniques de traitement très simples,
notamment sans préamplificateur, sont suffisantes. C'est pourquoi on retrouve souvent ce type de
détecteur dans les boîtiers de détection de poche ou les petits radiamètres bon marché.
a
les mesures de datation par le carbone-14 étaient anciennement effectuées par cette technique.
133
La géométrie est cylindrique, avec ou sans fenêtre, les diamètres vont de 1 à quelques cm. La
figure 3.7 schématise la célèbre forme "cloche" que l'on retrouve très souvent notamment dans les
sondes de radioprotection de terrain. La réalisation de compteurs à circulation ou dans lesquels on
introduit le gaz radioactif à mesurer est très délicate à cause du dosage fin du mélange de gaz
nécessaire.
On recense plusieurs détecteurs dont le principe ou l'utilisation diffèrent des trois grandes
catégories développées ci-dessus. La plupart de ces détecteurs sont orientés vers la localisation des
interactions dans le but de reconstituer des trajectoires ou des images.
Les chambres à dards (ou "streamers") permettent d'appliquer la haute tension pendant
seulement quelques ns. L'étincelle n'a donc pas le temps de se former. Les décharges restent très
localisées le long de la trajectoire des électrons primaires que l'on peut ainsi caractériser.
L'utilisation de gaz liquéfiés permet d'obtenir une résolution intermédiaire entre les
scintillateurs et les semi-conducteurs. Les gaz doivent être de très haute pureté et la mise en oeuvre
des détecteurs est délicate. Des compteurs proportionnels à gaz scintillant sont également
réalisables; ils combinent un compteur proportionnel classique et un scintillateur dont nous allons
maintenant développer le principe.
Utilisés très tôt en détection des rayonnements, le rôle des scintillateurs s'est longtemps limité
à celui de simples écrans fluorescents tant que les tubes photomultiplicateurs ne sont pas
apparus. Le développement de ces derniers au début des années 1950 a alors permis une véritable
révolution spectroscopique, notamment pour les rayonnements gamma. La faiblesse des signaux
lumineux issus de la grande majorité des scintillateurs nécessite impérativement l'emploi d'un
appareil photosensible: le tube photomultiplicateur, cellule photoélectrique particulièrement
sophistiquée, qui non seulement dénombre les impulsions lumineuses mais mesure leur
intensité. L'ensemble scintillateur-photomultiplicateur constitue une sonde à scintillation (fig. 3.13).
134
3.3.1. Stimulateurs
Une particule chargée traversant un milieu va non seulement ioniser mais également exciter
les atomes et molécules de ce milieu, qui en retournant à leur état fondamental vont émettre des
photons lumineux (luminescence caractéristique du milieu). Le nombre d'excitations, donc le
nombre de photons de désexcitation, est proportionnel à l'énergie cédée par le rayonnement dans le
milieu. La luminescence peut être soit de nature fluorescente (prompte), soit phosphorescente, soit
encore fluorescente retardée. Seul le processus de désexcitation par fluorescence étant suffisamment
rapide pour être valablement exploité en spectrométrie, on recherche des matériaux scintillants
fluorescents.
Pour que le milieu soit transparent à sa propre lumière, l'énergie restituée sous forme
lumineuse doit être différente de l'énergie absorbée; elle est en général inférieure (fig. 3.10). Un
matériau scintillateur est donc caractérisé par une bande d'absorption et par une bande d'émission
plus ou moins décalée vers les faibles énergies. Afin d'observer le flash lumineux engendré par
l'interaction d'une particule dans le scintillateur, le photomultiplicateur doit avoir une bande
d'absorption qui doit correspondre le mieux possible avec le spectre d'émission du scintillateur. Si
tel n'est pas le cas, on est amené à satisfaire cette condition en introduisant des impuretés dans le
matériau scintillant; ces impuretés absorbent les photons émis par le scintillateur et réémettent des
photons d'énergie inférieure mieux absorbés par le photomultiplicateur (fig. 3.10).
A absorption
LUI emission
il
scintillateur
E(eV)'
A absorption
LU émission
i
impureté
E(eV)
A
LU absorption
cellule
photoélectrique
E(evy
une grande efficacité de conversion en lumière de l'énergie cinétique déposée par les
rayonnements;
une conversion linéaire sur une grande gamme d'énergies;
une grande transparence du milieu à la longueur d'onde des photons émis;
un très court temps de vie moyen de la luminescence induite;
une forme de matériau réalisable en grandes dimensions et facile à usiner;
135
- un numéro atomique et une densité élevée pour détection des rayonnements gamma;
- une lumière émise dans le domaine visible pour éviter le recours à des photomultiplicateurs
sophistiqués (cas des émissions ultraviolettes);
- un indice de réfraction proche du verre 1,5 pour faciliter le couplage avec le
photomultiplicateur.
Les caractéristiques des scintillateurs couramment utilisés sont récapitulés dans le tableau
3.3. Ces scintillateurs se présentent sous des formes organiques ou inorganiques: cristaux,
plastiques ou liquides, les verres et les gaz étant très peu utilisés dans la pratique courante.
Les cristaux intrinsèques sont très délicats à utiliser car ils génèrent des photons ultraviolets,
sont peu transparents à leur propre lumière à température ambiante (ils doivent être refroidis à la
température de l'azote liquide, 77 K). On leur préfère donc les cristaux extrinsèques qui n'offrent
pas tous ces inconvénients, bien qu'ils présentent une luminescence deux fois moindre et jusqu'à 5
fois plus lente que les cristaux intrinsèques à 77 K. Ils sont de plus souvent hygroscopiques et
doivent être sous une parfaite étanchéité assurée par une fenêtre de verre.
136
Les plus utilisés sont Nal et Csl activés au thallium. Ils sont caractérisés par un haut
rendement de fluorescence. Leur numéro atomique moyen élevé en fait de très bons détecteurs pour
les rayonnements gamma où ils sont parmi les plus efficaces: le scintillateur Nal(Tl) cylindrique de
3"x3" est utilisé comme référence pour chiffrer les efficacités relatives de nombreux détecteurs,
semi-conducteurs notamment. On peut en réaliser de très gros cristaux, leur taille étant en fait
limitée par le besoin de collecter la lumière.
Le sulfure de zinc, ZnS, est également très utilisé mais il absorbe une partie importante de la
lumière qu'il émet. On en constitue donc des écrans minces, à base de poudre, de façon à ce que la
lumière soit émise à proximité de la face émergente. Le ZnS est ainsi très utilisé pour la détection
des particules lourdes chargées (sondes de recherche de contamination a , notamment).
A
-exciton - exciton
0 £ Piégeage activateur excité
•s I A de
. . ^ ^ Proton de
y ^ scintillation
I
phonon — — activateur au repos
irradiation irradiation
J
bande de valence bande de valence
Fig.3.11. Mécanismes de scintillation dans les cristaux inorganiques intrinsèques (partie gauche) et
extrinsèques (schéma de droite).
Les transitions entre niveaux d'énergie moléculaire sont à l'origine de la fluorescence. Les
molécules organiques à noyau benzénique présentent des liaisons électroniques délocalisées où les
électrons n peuvent avoir des états d'énergie singulet ou triplet dans leur état fondamental ou excité
(les énergies d'excitation sont de 3 à 4 eV). A ces niveaux se superpose une structure fine
correspondant à la vibration des atomes autour de leur position d'équilibre dans la molécule. Le
mécanisme de scintillation est schématisé sur la figure 3.12.
Les matériaux solides les plus utilisés sont des cristaux tels que le stilbène, l'anthracène (qui
est le plus lumineux de tous les scintiUateurs organiques) ou des plastiques dont la composition
complexe reste souvent un secret de fabrication. Ils sont particulièrement faciles à usiner et
permettent des formes diverses, dont des films très minces.
Les scintillateurs liquides sont constitués d'un solvant aromatique (toluène ou dioxane) auquel
on ajoute des solutés de PPO et du POPOP en faibles concentrations (-0,5%), dont le rôle est de
générer la luminescence puis de décaler sa longueur d'onde ultraviolette vers des valeurs qui
permettent de sortir la lumière du récipient et de la mesurer.
137
Ces scintillateurs permettent notamment de résoudre les problèmes posés par la détection des
particules (3 de faible énergie (émissions de 3 H ou 14 C) par dissolution de la source dans le
scintillateur. Cette introduction de la source dans le scintillateur provoque une diminution
d'efficacité lumineuse, suivant la nature et la quantité de substance dissoute, par absorption de
lumière ou modification chimique du rendement de luminescence (phénomène de "quenching"
couleur ou chimique). Ils ne peuvent donc être utilisés que pour une seule mesure et leur efficacité
doit être déterminée à chaque fois.
Les scintillateurs organiques ont un numéro atomique faible. Ils sont donc peu sensibles aux
rayonnements y avec lesquels seules des interactions Compton ont lieu. Ils sont ainsi plus
spécialement utilisés pour la détection des particules chargées. Leur rapidité de décroissance
lumineuse en fait d'excellents détecteurs pour les mesures de temps. Leur faible temps mort associé
permet des mesures de fortes activités sans pertes de comptage importantes. La phase de
décroissance des impulsions lumineuses dépendant du transfert linéique d'énergie de la particule à
l'origine de la scintillation, permet de distinguer des interactions de mêmes énergies mais
provoquées par des particules distinctes.
Il est possible de les charger en plomb ou en gadolinium pour améliorer respectivement leur
efficacité de détection aux y et aux neutrons.
^Energie
potentielle
Niveau
excité
Niveau
fondamental
Photon de
scintillation
Niveaux de
vibration
irradiation Distance
interatomique^
3.3.2. Photomultiplicateurs
138
La photocathode est une mince couche de matériau photosensible semi-transparent déposé sur
la face interne de la fenêtre d'entrée du tube. Elle transforme les photons lumineux émis par le
scintillateur en photo-électrons. Le rendement de conversion photoélectrique, appelé rendement
quantique, varie de 10 à 30% selon l'épaisseur et la nature du matériau.
Le multiplicateur est composé de plusieurs dynodes et d'une anode sur laquelle est collecté le
courant amplifié. Un pont de résistances, en général câblé directement sur le socle du
photomultiplicateur, permet de répartir la haute tension de polarisation entre les différentes dynodes
de manière à créer une différence de potentiel capable d'accélérer les électrons sur leur trajectoire
entre deux dynodes (fig. 3.14). La haute tension de polarisation peut être négative ou positive selon
qu'elle est appliquée sur la photocathode ou sur l'anode.
Les dynodes sont recouvertes d'un matériau (Cs-Sb, Ag-Mg) dans lequel les électrons
incidents arrivent à expulser un assez grand nombre d'électrons: en pratique, pour des tensions de
100 à 200 V, c'est à dire des énergies d'électron incident de 100 à 200 eV, on obtient un coefficient
de multiplication ô de 3 à 6.
Les photoélectrons issus de la photocathode sont tout d'abord focalisés au moyen d'une
électrode cylindrique (optique d'entrée) sur la première dynode à laquelle ils arrachent des électrons
secondaires qui vont à leur tour être accélérés vers la deuxième dynode où ils vont arracher de
nouveaux électrons et ainsi de suite jusqu'à l'anode où est collecté le courant ainsi amplifié.
Pour une haute tension bien stable, le nombre d'électrons collectés sur l'anode est
proportionnel au nombre de photoélectrons extraits de la photocathode. Le nombre de
photoélectrons primaires étant proportionnel au nombre de photons lumineux créés dans le
scintillateur, lui-même proportionnel à l'énergie perdue par le rayonnement dans le scintillateur,
l'intensité du courant collecté sur l'anode est finalement proportionnelle à l'énergie perdue par le
rayonnement.
En mesurant l'impulsion de charge aux bornes d'une résistance, on obtient donc finalement
une impulsion de tension dont l'amplitude est proportionnelle à l'énergie cédée par le rayonnement
incident dans le scintillateur: on peut donc effectuer des comptages de rayonnements mais aussi
assurer leur spectrométrie.
139
L'utilisation correcte d'un photomultiplicateur suppose que le courant d'électrons à travers les
dynodes est négligeable devant le courant qui traverse parallèlement la chaîne de résistances; sinon
le gain n'est pas constant. On a intérêt à ne pas travailler avec des débits d'irradiation trop élevés ni
avec une haute tension trop grande (sauf pour les mesures de temps où on recherche un signal
suffisamment intense pour être directement exploitable sans amplification ultérieure).
- structure linéaire focalisante (celle représentée sur la figure 3.13): chaque dynode focalise les
électrons secondaires sur la dynode suivante. L'efficacité est bonne et les temps de transit très
petits («10 ns) mais le dispositif est plus sensible aux variations de potentiel.
- structure non focalisante: les dynodes se présentent sous la forme de stores vénitiens. Plus faciles
à construire mais un peu moins efficaces à cause des pertes d'électrons, leur temps de transit est
de l'ordre de 30 ns. Ils ne sont presque plus utilisés.
- multiplicateurs hybrides: les photo-électrons sont accélérés jusqu'à 40 keV puis frappent
directement une jonction PN polarisée en inverse qui délivre un signal intense. Ce système
performant est malheureusement fragile.
- multiplicateurs à galette de microcanaux: le multiplicateur d'électrons est constitué de plusieurs
milliers de tubes capillaires en verre dont la longueur est de l'ordre de 100 fois plus grande que
le diamètre intérieur (15 à 50 (im). La paroi interne de chacun de ces microcanaux est
recouverte d'un semi-conducteur. Une tension établie entre les deux extrémités des capillaires
produit un champ électrique longitudinal qui provoque la multiplication par choc des
photoélectrons injectés à l'entrée. Bien que leur gain soit limité du fait de la saturation des
canaux à des valeurs de 105 à 10 7 , leur temps de transit est remarquable (-100 ps).
PHOTOMULTIPLICATEUR
protection étanche
fenêtre étanche SCINTILLATEUR ^ à la lumière
à la lumière
Signal
iqni
réflecteur. V
de lumière
couplage
optique
Photocathod Anode
Dynodes
Electrodes focalisatrices
140
Photocathode Anode
Dynodes
Focus V V V V V V
A/VA/VW
6
+ HT
FIG. 3.14. Alimentation positive d'un tube photomultiplicateur.
Pour assurer une bonne collection des photons lumineux, les scintillateurs sont entourés d'un
réflecteur (A12O3, MgO, peinture blanche, etc) qui peut également servir d'étanchéité à la lumière.
On a parfois recours à des guides de lumière sophistiqués (en verre, Plexiglas, ou fibres
optiques) lorsque l'on a besoin d'éloigner le scintillateur du photomultiplicateur, notamment en
présence de champs magnétiques ou s'il n'y a pas suffisamment d'espace pour mettre la sonde à
scintillation complète. Les pertes de lumière peuvent alors aller jusqu'à un facteur 10 pour 1 m de
distance.
On utilise les sondes à scintillation dans de très nombreuses applications dans le domaine des
mesures nucléaires, qu'il serait trop long de passer en revue. Signalons simplement ici quelques
utilisations particulières des scintillateurs.
On sait réaliser des détecteurs Phoswich qui mettent en oeuvre deux scintillateurs, raccordés
à un même photomultiplicateur, dont les constantes de temps de décroissance lumineuse sont bien
différentes. Ils permettent de distinguer des rayonnements de nature différente (a et P notamment
dans les sondes mixtes de radioprotection).
141
Les scintillateurs, Nal(Tl) notamment, sont particulièrement bien appliqués à l'imagerie
médicale gamma où on peut utiliser:
- un gros scintillateur avec un seul photomultiplicateur et une très fine collimation que l'on
déplace dans un plan (scintigraphe)
- une grosse galette de scintillateur avec un réseau de photomultiplicateurs et de collimations
associées qui permettent de localiser le lieu d'interaction (gamma-caméra).
Ils équipent également les caméras 3D à temps de vol de positons et les scanners à rayons X.
Pour la détection des neutrons, les scintillateurs sont chargés au bore 10, au lithium 6, les
scintillateurs organiques pouvant être directement utilisés pour les neutrons rapides, par détection
des protons de recul.
Un écran fluorescent est un scintillateur de faible épaisseur disposé sur une grande
surface. La faible intensité lumineuse dégagée à chaque interaction ne permet son emploi que pour
visualiser des images engendrées par des flux importants de rayonnementsa. Hormis leur utilisation
universelle dans les tubes cathodiques, la principale application des écrans fluorescents est la
radioscopie, qu'elle soit directe, photographiée, télévisée, filmée ou au sein des amplificateurs de
brillance. La résolution spatiale (~l/tm) et l'efficacité sont du même ordre que les emulsions
photographiques.
Ces détecteurs sont d'un développement plus récent que les précédents. Leurs qualités, bonne
résolution en énergie notamment, leur ont permis de supplanter les détecteurs à gaz et à scintillation
dans de nombreuses applications. Leur densité due à leur état solide permet la détection des
rayonnements gamma avec une assez bonne efficacité.
On peut les assimiler à des petites chambres d'ionisation solides mais pour comprendre leur
fonctionnement, il est nécessaire de rappeler quelques caractéristiques des semi-conducteurs.
Les semi-conducteurs sont rigoureusement des isolants à la température du zéro absolu (leur
bande de valence est complètement remplie d'électrons et leur bande de conduction complètement
vide). La largeur de leur bande interdite (gap) est cependant beaucoup plus petite que celle d'un
véritable isolant. Pour le germanium E g a p = 0,67 eV et pour le silicium E g a p = 1,15 eV, à
température ambiante alors qu'un bon isolant E gap > 7 eV. Une élévation de température ne modifie
pas les propriétés de conduction des isolants mais elle a pour effet de rendre conducteur un
matériau semi-conducteur, l'agitation thermique communiquant une énergie suffisante à un certain
nombre d'électrons de la bande de valence pour sauter dans la bande de conduction.
a
les particules à très fon transfert linéique d'énergie tels que les a sont néanmoins détectables individuellement
(cf. Rutherford en 1908).
142
Ces électrons excités dans la bande de conduction vont laisser un nombre de trous équivalent
dans la bande de valence. Sous l'action d'un champ électrique les électrons de la bande de
conduction se déplacent vers le pôle positif et les trous de la bande de valence vers le pôle négatif
(fig. 3.15). La conduction par les électrons est dite de type n alors que la conduction par les trous
est dite de type p. Des cristaux supposés parfaits sont dits semi-conducteurs intrinsèques.
A température ambiante, les électrons sont 2 à 3 fois plus mobiles que les trous, qui se
déplacent d'une liaison covalente à l'autre. A 77 K, les différences s'estompent et les migrations des
charges sont de l'ordre de 104 cm^V" 1 ^" 1 , soit 10 fois plus qu'à la température ambiante.
En pratique, il est très difficile d'obtenir des cristaux réellement parfaits: il subsiste toujours
des défauts de structure et des impuretés en faible concentration (pour 10 22 atomes.cm' 3 de Ge ou
Si, il subsiste en général au moins 1011 impuretés.cm"3). Il est par contre facile de doper des
cristaux avec des impuretés déterminées qui permettent de modifier le type de conductivité des
cristaux. Par exemple, en ajoutant au silicium tétravalent des impuretés pentavalentes (P, As, Sb),
on créé un silicium semi-conducteur de type n (niveau donneur près de la bande de conduction dû à
l'électron surnuméraire, les électrons sont les porteurs majoritaires). De même si on introduit des
impuretés trivalentes (Al, B, Ga, In) il va manquer un électron de valence et apparition d'un trou
localisé qui va conférer au silicium ainsi dopé une conduction de type p (niveau accepteur près de la
bande de valence, les trous sont les porteurs majoritaires). De tels semi-conducteurs sont dit
extrinsèques.
c==
o=c i = 0
|
D=C = 0
1 ! e-
! 1 |
Bande de
valence
Si l'on accole deux semi-conducteurs extrinsèques, un étant de type p, l'autre étant de type n,
on constitue une jonction dans laquelle apparaît, au voisinage du contact, une région désertée par
les porteurs de charge, d'épaisseur de l'ordre de 10"4 cm. Il y règne un champ électrique de
quelques 100 V.nr 1 dû à l'apparition d'une tension de quelques dixièmes de volts entre les parties n
et p. En effet, la mise en contact de chaque semi-conducteur, initialement électriquement neutre, a
provoqué la diffusion des électrons majoritaires de la région n vers la région p et, réciproquement,
celle des trous majoritaires de la région p vers la région n. Dans la zone de contact, trous et
électrons se recombinent laissant derrière eux des ions positifs côté n et des ions négatifs côté p,
d'où l'apparition de la différence de potentiel observée (fig. 3.16). Cette zone désertée,
électriquement neutre, soumise à un fort champ électrique constitue ainsi une chambre d'ionisation
solide de très petite dimension.
143
Si l'on applique une différence de potentiel extérieure sur cette jonction, deux cas peuvent se
présenter:
- la polarisation est directe (pôle + côté p et pôle - côté n): on favorise le déplacement des
porteurs libres majoritaires vers la zone de jonction; ceux-ci se recombinent et laissent à leur
place des électrons et des trous créés par la tension extérieure; il circule donc un courant continu
d'électrons dans le circuit; la jonction est polarisée dans le sens passant.
- la polarisation est inverse (pôle -I- côté n et pôle - côté p): les électrons sont attirés par le pôle
positif, côté n et les trous par le pôle négatif, côté p. Ces déplacement vont accroître le volume
de la zone désertée et donc augmenter le volume de détection (fig. 3.16). Le passage du courant
n'est assuré que par les porteurs minoritaires.
La jonction PN se comporte donc comme une diode.
0O.0Q'
©0G2Q
©OOO*
QQQQ OO"0*0'
'OO.OO i 00.0*0
P.ÔOO ; © 0 0
QOOO OOS8E}
Q- OO0Q -©
O©3©
OOOO ©00"©
Figure 3.16. Jonction PN - zone désertée - Effet d'une polarisation en inverse.
L'énergie moyenne nécessaire pour produire une paire électron-trou est de 3,5 eV dans Si et
de 2,9 eV dans Ge, soit une énergie 10 fois plus faible que pour produire une paire d'ions dans un
gaz. On collecte donc 10 fois plus de charges pour une même énergie initialement cédée dans le
détecteur; la résolution en énergie, liée à la statistique Poissonienne sur le nombre de porteurs
d'information élémentaire (cf.3.1.3.1), sera donc environ 3 fois meilleure.
144
Un courant de fuite est engendré par les porteurs minoritaires; les variations de ce courant
entraînent une perte de résolution. On cherche donc à le minimiser en utilisant des cristaux aussi
purs que possible (d'où l'usage de Si et de Ge), ou en refroidissant les détecteurs, contrainte de
toute façon indispensable pour le germanium (E gap = 0,67 eV) alors que simplement souhaitable
pour le silicium (E gap = 1,1 eV).
Des impuretés non dopantes qui ont des niveaux d'énergie proches du milieu de la bande
interdite peuvent capturer des porteurs de charge, soit de façon permanente (recombinaison) soit de
façon temporaire (piégeage); on remédie à cet inconvénient par l'utilisation de cristaux très purs.
L'efficacité intrinsèque de détection est proche de 100% pour les particules chargées, mais
elle est assez faible pour les rayonnements gamma (Z Si = 14), pour lesquels on est obligé d'utiliser
le Germanium (7(^=32), avec ses contraintes.
II existe plusieurs types de jonctions qui diffèrent par leur mode de fabrication.
Trois types de jonction sont bien adaptés à la détection des particules chargées, où on ne
recherche pas de gros volumes et où on veut des fenêtres très minces.
Jonctions diffusées: elles sont préparées à partir d'un échantillon de Si ou de Ge, en général
de type p, à la surface duquel on laisse diffuser une impureté de type donneur (phosphore, par
exemple), pour réaliser une couche superficielle de type n. Il existe cependant une zone morte dont
l'épaisseur est celle de la zone de diffusion. Malgré la robustesse de ces détecteurs, cette épaisseur
gênante (environ 1 /xm) pour la détection des particules chargées a conduit à s'orienter plutôt vers
les détecteurs à barrière de surface.
Jonctions par implantations ioniques: on bombarde la surface du semi- conducteur par des
ions accélérés donneurs ou accepteurs dont on peut modifier la profondeur de pénétration en jouant
sur l'énergie cinétique incidente. Leur fenêtre d'entrée très mince en font de bons détecteurs,
concurrents des jonctions à barrière de surface.
Jonctions à barrière de surface: elles sont préparées à partir d'un échantillon de type n dont
on laisse s'oxyder la surface, créant ainsi une couche superficielle de type p protégée par une très
fine couche d'or, déposée sous vide, pour assurer le contact électrique et la protection aux photons
visibles. L'épaisseur totale de la fenêtre totale d'entrée équivaut à environ 0,5 fim de Si et en fait
les détecteurs les plus utilisés actuellement.
Pour la détection des rayonnements X et y, la zone désertée n'est pas suffisamment épaisse
(au maximum 2,5 mm) avec les types de jonction précédents. On a donc mis en oeuvre d'autres
techniques permettant de fabriquer des détecteurs de gros volumes.
Jonctions compensées au lithium (jonctions PIN): on envisage des détecteurs constitués d'un
cristal intrinsèque I épais placé en sandwich entre des couches de type p et n. Un cristal parfait
intrinsèque étant jusqu'il y a peu difficile à obtenir, on le remplace en créant artificiellement par
compensation une zone neutre dépeuplée de porteurs de charges mobiles en introduisant une
impureté de type donneur, telle que le lithium, susceptible de compenser l'influence des niveaux
145
accepteurs. Le lithium est utilisé en raison de son très haut coefficient de diffusion8; il ne se déplace
pas sur les sites du réseau mais se glisse dans les interstices et tend à former une paire avec les
impuretés de type p du matériau. On arrive à compenser les cristaux de Si et Ge et obtenir des
détecteurs de plusieurs dizaines de cm3. La jonction ainsi constituée, notée Si(Li) ou Ge(Li), est du
type PIN.
Les jonctions Si(Li) sont plutôt réservées à la détection des X alors que celles de Ge(Li) sont
utilisées pour les y. Ces détecteurs doivent absolument être refroidis en permanence pour éviter que
les ions Li fuient la zone de compensation et diffusent dans le cristal en quelques minutes à
température ambiante. Cette grosse contrainte de stockage est libérée par la récente apparition des
détecteurs hyper purs. Les détecteurs Si(Li) et Ge(Li) deviennent en pratique de moins en moins
utilisés au profit des détecteurs au germanium hyper pur.
Jonctions au Ge hyper pur: les progrès de la technique ont permis d'obtenir des cristaux de
germanium de haute pureté (GeHP) comportant moins de 10 10 atomes d'impuretés par cm 3 . Ces
cristaux sont légèrement de type p ou de type n, selon la nature des traces d'impuretés
résiduelles. Les jonctions détectrices sont réalisées en dopant une des faces du cristal quasi-
intrinsèque qui peut être réalisé dans de gros volumes. Elles n'ont plus besoin d'être refroidies
pendant leur stockage mais seulement pendant leur utilisation sous rayonnement, pour réduire le
bruit de fond thermique. Les technologies récentes permettent des dopages en surface sur de si fines
couches que les détecteurs au GeHP sont également utilisables pour les particules chargées.
Cryostat
Filtre
haute tension
liquide
Tamis
moléculaire
a
il est également possible d'utiliser l'irradiation neutronique qui transforme les noyaux de silicium en noyaux de
phosphore mais malheureusement créé d'autres défauts sous irradiation (déplacements d'atomes, etc.).
146
La formation du signal dans les jonaions est complexe car la capacité du déteaeur varie avec
l'épaisseur de la zone désertée et donc avec la tension de polarisation. Le signal réduisant lui-même
la tension à travers la jonaion, il y a instabilité dans les conditions d'obtention de l'impulsion. On
règle en général ce problème en extrayant le signal de la jonaion comme une impulsion de charge
qui n'affeae pas la tension de polarisation; on l'intègre dans un préamplificateur sensible à la
charge, basé sur l'utilisation d'un transistor à effet de champ.
La grande mobilité des électrons et des trous est à l'origine d'impulsions rapides, de durée
totale 100 ns environ.
Les jonaions de gros volumes peuvent être obtenues dans des structures coaxiales, planaires,
ou puits. La figure 3.18 donne les schémas des structures planaires et coaxiales pour des jonaions
au germanium hyper pur.
Disque de Ge-H
contact n-t
contact n+ contact p+
contact p+ contact n+
147
A part Si et Ge d'autres semi-conducteurs tels que CdTe, GaAs, GaSb, InSb ont été testés,
mais ils sont toujours en développement.
- leur possible dégradation sous rayonnements intenses; leur structure est fragile car le réseau
cristallin peut être facilement perturbé;
- leur excellente proportionnalité entre l'amplitude des signaux et l'énergie captée (relation
d'étalonnage en énergie parfaitement linéaire);
- la possibilité de faire varier le volume de détection en jouant sur la tension de polarisation, ce
qui est fort utile pour la détection des particules chargées où l'on peut l'adapter au parcours des
particules à mesurer;
- la valeur de la tension de polarisation qui peut aller de 50 V pour les détecteurs en surface à
5000 V pour les jonctions massives;
- la possibilité de réaliser des détecteurs à localisation en créant un contact résistif particulier;
et rappelons, qu'à l'exception des neutrons, tous les types de rayonnements peuvent être
dénombrés et analysés en énergie par les détecteurs à semi-conducteurs avec une excellente
résolution.
Hormis les trois grandes familles de détecteurs présentées ci-dessus, il existe beaucoup
d'autres détecteurs de rayonnements.
En raison de sa faible intensité lumineuse3, la lumière Cerenkov est détectable par des
photomultiplicateurs qui doivent être particulièrement efficaces.
Ces détecteurs sont les plus rapides de tous (la lumière est émise en quelques ps). La lumière
est, à la différence des scintillateurs, unidirectionnelle (elle est émise le long de la trajectoire de la
particule), la résolution n'est donc pas très bonne.
Pour que l'effet Cerenkov apparaisse dans des matériaux d'indice de réfraction d'environ
1,5, il faut des énergies d'au moins plusieurs dizaines de MeV pour les particules chargées, mais
quelques centaines de keV suffisent pour les électrons. La détection des rayonnements gamma de
haute énergie est donc envisageable mais il est difficile d'obtenir des milieux optiques assez
transparents et de numéro atomique suffisamment élevé pour avoir une bonne efficacité. On peut
rencontrer une émission lumineuse Cerenkov parasite dans les verres et quartz des faces d'entrée de
photomultiplicateurs qui vient perturber les spectres de détection des rayonnements y de haute
a
la célèbre lumière bleue visible dans les piscines des réacteurs, usines de retraitement, et installations
d'irradiation au cobalt est par contre suffisamment intense pour être directement perçue par l'oeil compte
tenu de l'énorme masse de milieu irradié. Des "détecteurs" aussi conséquents ne peuvent pas être envisagés
en pratique.
148
énergie. La mesure Cerenkov est une technique concurrente de la scintillation liquide pour la
détection des électrons énergétiques.
Les emulsions photographiques sont parmi les premiers détecteurs mis en oeuvre (Roentgen,
1895 et Becquerel, 1896). Ils continuent à jouer un très grand rôle en radiographie et en
dosimétrie.
Une emulsion photographique est formée de grains de bromure d'argent en suspension dans
une matrice de gélatine. Elle est déposée sous forme de film mince (épaisseur de 10 à 20 fim) sur
un support plastique. Les grains de AgBr contiennent de l'ordre de 1010 atomes et composent de
l'ordre de 40% de la masse totale de l'émulsion. La taille des grains définit la rapidité du film (de
0,3 nm pour les films lents jusqu'à 2 fim pour les films les plus rapides).
La structure en énergie d'un grain d'AgBr est donnée sur la figure 3.19. L'interaction d'un
rayonnement ionisant forme des paires électron-trou qui diffusent à travers tout le grain en se
recombinant très peu. Les électrons finissent par être piégés par des impuretés telles que l'or ou le
phosphore et les trous finissent par former des ions Ag + avec des atomes d'argent interstitiels qui
constituent Y image latente. Si un grain comporte plus de 4 ions Ag + , il peut être complètement
développé. Le "gain" est alors considérable, environ de 1010/4; la résolution spatiale est excellente,
puisqu'égale au diamètre du grain, c'est à dire de l'ordre du
bande de conduction 5s de Ag
Piégeage d'un
>y électron dans
— une impureté
2,6 eV
Piégeage d'un
i
irradiation e .
trou dans un
interstitiel d'Ag
bande de valence 4p de Br
FIG.3.19. Diagramme en énergie dans un grain de AgBr et action d'un rayonnement ionisant.
L'énergie nécessaire pour rendre un grain développable étant très faible (quelques dizaines
d'eV), elle peut être apportée par des effets extérieurs à l'irradiation (électricité statique, effets
mécaniques, etc): le film est donc particulièrement sensible aux artefacts et comporte un bruit de
fond non négligeable.
Le développement est effectué grâce à un révélateur chimique qui réduit les ions A g + en
argent métallique en affectant plus rapidement les grains ionisés. Au bout d'un temps adapté,
l'image latente est convertie en image visible formée de dépôts noirs d'argent métallique. Les
grains de AgBr non développés sont ensuite dissous par l'agent fixateur. L'agent de rinçage ôte
finalement toute trace de solution sur le film.
149
Les applications des emulsions photographiques en déteaion des rayonnements ionisants sont
très nombreuses. Elles se répartissent en deux catégories:
Afin d'améliorer la faible efficacité des films, ces protections contre la lumière sont souvent
équipées intérieurement d'écrans renforçateurs, fluorescents ou non, de numéro atomique élevé
pour la détection des photons, ou de plaques de convertisseurs pour la déteaion des neutronsa,
l'épaisseur idéale étant égale au parcours des particules chargées mises en mouvement (électrons
pour les photons et produits de réaction pour les neutrons). Les écrans renforçateurs, de même que
la taille des grains de 1'emulsion, dégradent la résolution spatiale des images obtenues, d'où la
recherche permanente d'un compromis entre sensibilité de films et qualité d'image obtenue.
La courbe caraaéristique d'un film est la densité optique de l'image révélée en fonaion de
l'exposition aux rayonnements. Elle se décompose en trois parties (fig. 3.20):
- à faible exposition, trop peu de grains sont transformés et le signal recueilli se confond avec le
fond du film;
- à l'opposé, lorsque le film est trop exposé, on obtient une concentration saturée en grains b ;
- seule la zone intermédiaire offre une réponse linéaire utilisable.
2 •
ZONE LINEAIRE
de pente Y (contraste)
Log( Exposition)
a
on peut également ajouter du bore ou du lithium dans l'émulsion elle-même.
b
au delà de cette zone de saturation, existe le phénomène de solarisation, pour les très hautes doses de
rayonnements qui dégradent la structure des grains d'argent.
150
L'efficacité des films en fonction de l'énergie des photons s'étale sur quasiment deux ordres
de grandeur, entre 10 et 1000 keV. Il est donc souvent nécessaire d'aplatir cette courbe de réponse
en énergie par l'adjonction d'écrans, tant dans les applications radiographiques que
dosimétriques. Dans ce dernier cas, les films sont généralement disposés dans des boîtiers
contenant des filtres de différentes natures et épaisseurs qui permettent également de remonter au
spectre d'irradiation photonique. Des convertisseurs au gadolinium et au cadmium permettent
d'évaluer l'exposition aux neutrons thermiques et les traces des protons de recul observés au
microscope permettent d'estimer la contribution des neutrons rapides.
Lorsqu'on cherche à mesurer individuellement les traces de particules, on utilise des films
d'épaisseur environ 500 fim constitués de grains de AgBr plus fins (de l'ordre de 0,2 /*m) pour
permettre un enregistrement fin de la totalité des trajectoires des particules lourdes: ce sont les
emulsions nucléaires. La concentration de AgBr en masse va dans ce cas de 50 à 85% (densité de
2 à 4 g.cnr 3 ). Le développement est particulièrement délicat à cause de l'épaisseur du film. Les
traces (traînées de grains quasi-continues) sont visibles au microscope optique et permettent
d'analyser très finement les trajectoires de particules puis de remonter aux caractéristiques
élémentaires de la particule et de son interaction (énergie, masse, charge, parcours, transfert
linéique d'énergie, etc).
Comme les emulsions nucléaires, ces détecteurs permettent d'avoir accès individuellement à
chaque interaction.
Le milieu détecteur est une feuille mince de diélectrique minéral (micas, verres, quartz, par
exemple) ou organique (polyethylene téréphtalate, polycarbonates, polyméthylméthacrylate,
acétates ou nitrates de cellulose).
Le long de sa trajectoire la particule produit des ionisations par choc mais crée aussi des
défauts cristallins (dans les minéraux) et moléculaires (dans les substances organiques). Au total, il
se crée une trace latente que l'on peut étudier par microscopie électronique. En attaquant
chimiquement ou électrochimiquement la surface du détecteur, on favorise la progression du réactif
chimique le long des traces latentes et on obtient ainsi des traces développées qui sont des canaux
cylindriques ou coniques qui sont plus faciles à étudier (microscopie optique) et à dénombrer (par
transmission optique, analyse d'image, ou comptage d'étincelles engendrées entre une ou deux
plaques de mylar aluminisé disposées de pan et d'autre du film détecteur développé).
Pour qu'une trace puisse se former, la résistivité du matériau doit être suffisamment élevée
(de l'ordre de 2000 Q.cm) ainsi que l'ionisation spécifique qui doit être supérieure à une valeur
caractéristique du matériau détecteur (les particules alpha ne sont pas mesurables au moyen de
matériaux minéraux et en général les protons de recul ne peuvent être détectés, quel que soit le
matériau). Enfin l'angle d'incidence des particules a une grande importance dans la mesure où il
existe un angle critique au développement du matériau.
151
3.5.4. Détecteurs à changement de phase
L'ionisation créée le long de la trajectoire d'une particule traversant un gaz dans un état de
retard à la condensation (vapeur saturée), provoque la formation de gouttelettes le long de cette
trajectoire qui se trouve ainsi matérialisée. C'est le principe des chambres à brouillard. Selon les
conditions d'obtention de la vapeur saturée, on parle de chambre de Wilson (détente adiabatique de
gaz) ou de chambre à diffusion continue (gradient de température constant).
Dans les chambres à bulles, l'ionisation le long de la trajectoire d'une particule à travers un
liquide en état de retard à l'ébullition (liquide surchauffé) favorise la formation d'un chapelet de
bulles.
Les ions produits par les rayonnements peuvent réagir chimiquement pour former de
nouveaux composés chimiques dont la quantité formée sera finalement fonction de l'énergie
globalement absorbée dans le milieu détecteur. Le rendement radiochimique G caractérise
quantitativement l'effet observé: il est défini comme le nombre de transformations chimiques pour
100 eV déposés. G varie classiquement de 0,1 à 20 mais peut valoir plusieurs centaines dans
certaines chaînes polymériques, que l'on utilisera donc avec profit.
De façon générale, ces détecteurs sont de faible efficacité; de grandes expositions sont
nécessaires pour obtenir une modification chimique macroscopique décelable. Leur usage reste
donc relativement confiné à la mesure des hautes doses tant en métrologie qu'en irradiation
industrielle.
Une grande quantité de réactions chimiques sont exploitables en milieu liquide ou solide. Les
effets se traduisent par:
152
Parmi les détecteurs chimiques classiques citons:
- le dosimètre de Fricke (sulfate ferreux en solution dans de l'acide sulfurique) où les ions Fe 2 *
sont oxydés en ions Fe34" qui présentent un pic d'absorption optique vers 305 nm. Le
changement de densité optique donne donc le nombre d'oxydations sous rayonnements donc la
dose de rayonnements;
- le processus de formation d'acide chlorhydrique au sein du chloroforme ou du polychlorure de
vinyl (PVC) mesuré par pH-métrie ou indicateur coloré;
- le processus de transformation sulfate cérique-sulfate céreux analysée électrochimiquement;
- le dosimètre à acide oxalique.
On utilise également beaucoup les polymères solides dans lesquels les produits de la
dégradation de la matrice polymérique sous rayonnement modifient les propriétés d'absorption
optique. Le polyméthyl-méthacrylate (PMMA de noms commerciaux: Lucite, Perspex, Plexiglas),
le polyethylene téréphtalate (noms commerciaux: Mylar, Melinex), le polystyrène, le triacetate de
cellulose (TAC), présentent une transformation optique dans l'ultraviolet, vers environ 300 nm.
Par rapport aux verres et minéraux, les plastiques et colorants ont des réponses aux
rayonnements assez fluctuantes d'un lot à l'autre. Ils sont utilisés en routine en irradiation
industrielle où l'on a souvent simplement besoin de savoir si un colis a été irradié à la bonne dose
ou non (détecteurs "go - no go").
a
la lyoluminescence et la chimie-luminescence de ces matériaux est également utilisée.
b
ceci est également vrai pour tous les détecteurs physiques que nous ne verrons pas dans ce cours (variations
de conductibilité (xérographie,SQUIDs), modifications du point d'ébullirion, dommages permanents dans
des jonctions, etc.)
153
bande de conduction bande de conduction bande de conduction
Piégeages,
, Piégeage
>L dans un 1 W^ J
^ \j\j\f^ >
Luniière
défaut coloré
> r"-AATU^ visfcle
''^Lectu-e par C^Lecture par
exdtatbnUV ! chauffage
rradoîk»: • ':•••:: ':.':': : : : ::: :::•:: :'• IIT3dKlDOr>v
La lecture est effectuée avec un photomultiplicateur adapté aux longueurs d'ondes émises (en
général de 350 à 600 nm) et couplé avec le système de chauffage (le plus souvent une sole
chauffant par effet Joule, mais aussi un arc électrique ou un pinceau laser8).
Leur gamme de mesure s'étale sur plusieurs ordres de grandeur, tout en conservant une
réponse linéaire. Ces détecteurs sont très utilisés en tant que dosimètres où ils se placent en très
sérieux concurrents des emulsions radiographiques. Ils peuvent être utilisés pour mesurer les
neutrons soit en les enveloppant de convertisseurs soit en incorporant des noyaux tels que 6 Li.
a
la stimulation optique par infrarouge est également possible; elle est proche du mécanisme de
radiothermoluminescence et fonctionne bien avec des détecteurs tels que SrS:Eu.
b
l'exoémission peut également être photostimulée mais cette utilisation est moins répandue.
154
3.5.7. Détecteurs radiophotoluminescents et détecteurs minéraux par coloration
Le rayonnement de fluorescence émis par certains verres et cristaux, contenant des traces
d'impuretés, illuminés en lumière ultraviolette présente des caractéristiques qui se trouvent
modifiées par irradiation. Soit cette photoluminescence est augmentée par création de nouveaux
défauts (on parle de radiophotoluminescence), soit elle décroît (on parle alors de déclin de
luminescence sous irradiation). L'intensité de la luminescence, mesurée à l'aide d'un
photomultiplicateur, traduit la concentration des centres induits sous rayonnement et permet de
remonter à la dose d'irradiation. Le détecteur peut être remis à zéro par chauffage.
C'est le cas, par exemple, des verres au phosphate activés à l'argent ou au borosilicate
activés au cobalt.
Les doses mesurables sont du même ordre que celles obtenues avec les détecteurs
radiothermoluminescents. Ces matériaux présentent également un accroissement de leur densité
optique pour des niveaux d'irradiation beaucoup plus élevés.
Les électrons mis en mouvement sous irradiation et piégés dans des défauts cristallins
(centres F notamment) modifient les propriétés optiques de certains matériaux minéraux qui
peuvent notamment se colorer. Cette coloration peut être éliminée par chauffage, permettant ainsi
de remettre le détecteur dans son état initial. Elle peut être mesurée soit par simple densitométrie
optique, soit par spectrophotométrie.
Parmi les matériaux possibles, en plus des verres ci-dessus, citons des sels tels que NaCl,
KC1. Ces détecteurs ne sont valables que pour la mesure des hautes doses de rayonnements.
Dans les domaines d'énergie qui nous intéressent ici seuls les neutrons sont capables de
provoquer des réactions nucléaires engendrant des noyaux radioactifs.
Un échantillon de matériau pur peut être exposé à un flux de neutrons pendant un temps
donné. La mesure du signal intégré que constitue la quantité de radioactivité induite permet alors
de remonter au nombre et/ou l'énergie des neutrons ayant interagi dans l'échantillon. Un tel
échantillon est un donc un détecteur à activation.
Ce type de détecteur est mieux adapté pour la mesure des neutrons de basse énergie, les
sections efficaces étant plus importantes dans ce domaine. Afin d'avoir des détecteurs de bonne
efficacité, on choisit des isotopes de haute section efficace neutronique, qui conduisent à des
radioactivités mesurables. Il convient cependant d'avoir des échantillons détecteurs très peu
massifs, soit pour éviter de perturber notablement les flux de neutrons à mesurer, soit pour
conserver une mesure facile à interpréter, évitant ainsi le phénomène d1 autoprotection.
On a recours à ce type de détecteurs sous la forme de solides en petites feuilles ou fils car ils
sont peu encombrants, insensibles aux autres rayonnements que neutroniques ainsi qu'aux
conditions de mesure (température, pression, etc). Ils sont particulièrement utilisés pour les
mesures de flux de réacteur.
Les matériaux choisis sont tels que le produit radioactif de la réaction soit de période
suffisamment longue pour être mesurable mais aussi suffisamment courte pour obtenir des aaivités
spécifiques suffisantes et pouvoir réutiliser le détecteur. Une période radioactive de l'ordre de
quelques heures est optimale. On préfère en général les produits émetteurs y car leur mesure est
plus facile à mettre en oeuvre (sélection de l'énergie, minimisation de l'autoabsorption dans la
source, etc).
155
Le tableau 3.4. donne les matériaux principalement utilisés dans la mesure des neutrons de
basse énergie où les réactions mises en jeu sont toutes des captures radiatives, les autres types de
réactions présentant un seuil en énergie qui se compte en MeV. On peut mettre à profit ces
réactions pour la mesure des neutrons de haute énergie. On expose alors une série de corps
présentant des seuils de réaction en énergie bien distincts. La mesure de la radioactivité induite
dans chaque corps permet de remonter à la fois à la forme du spectre et à la quantité de
neutrons. Ce type de détecteurs est utilisé notamment dans les mesures de criticité.
55 56
Manganèse Mn (100%) 13,2 ±0,1 Mn 2,58 heures
59 60mC0
Cobalt Co (100%) 16,9 ±1,5 10,4 minutes
6O
20,2 ± 1,9 Co 5,28 ans
63
Cuivre Cu(69,l%) 4,4 ± 0,2 ^Cu 12,87 heures
65
Cu (30,9%) 1,8 ±0,4 «Cu 5,14 minutes
Argent 107
Ag (51,35%) 45 ± 4 108 Ag 2,3 minutes
109
Ag (48,65%) 3,2 ± 0,4 110mAg 253 jours
U3
Indium In(4,23%) 56 ±12 H«*LQ 49 jours
2,0 ±0,6 11% 72 secondes
115 1I6m
In (95,77%) 160 ± 2 In 54,12 minutes
42 ± 1 "•In 14,1 secondes
164 165mj)y
Dysprosium Dy (28,18%) 2000 + 200 1,3 minute
800 ±100 1«5DV 140 minutes
197
Or Au (100%) 98,5 ± 0,4 »98Au 2,695 jours
Les détecteurs par activation peuvent également être recherchés dans des objets aussi
exotiques que possible après une irradiation neutronique accidentelle (bijoux, boucles de ceinture,
boutons, etc). Le principe de 1'activation est parfois associé aux détecteurs à impulsions exposés
plus haut de façon à réaliser des "compteurs à activation" où l'on mesure dans le détecteur lui-
même les signaux dus à la radioactivité engendrée. On utilise alors des produits de période très
courte (moins de une seconde à quelques secondes).
Une grande partie de l'énergie cédée par les rayonnements dans la matière est finalement
convertie en énergie calorifique. Il suffit donc de mesurer la quantité de chaleur pour connaître
directement l'énergie absorbée. Les mesures calorimétriques sont très précises, donc souvent
utilisées en métrologie, mais, la quantité de chaleur étant très petite, on ne peut mesurer que des
quantités de rayonnements très grandes.
Les calorimètres les plus simples sont constitués de boites de pétri de polystyrène remplies
d'eau et incorporant un thermocouple. On trouve également des calorimètres en graphite sphériques
pour les mesures de rayonnements provenant des sources isotropiques (irrradiation des aliments).
156
Les bolomètres, ou microcalorimètres cryogéniques, sont utilisés depuis de nombreuses
années pour mesurer les flux de rayonnements thermiques et infrarouges sur une cible dont on
apprécie l'élévation de température par une thermistance. Pendant longtemps leur application aux
rayonnements ionisants a été limitée aux flux intenses d'irradiations.
On a récemment montré que la sensibilité de ces détecteurs peut être accrue de plusieurs
ordres de grandeur si on les maintient à des températures plus basses que 1 K. Ces températures
permettent notamment de supprimer tout bruit de fond thermique et d'analyser individuellement
chaque interaction avec des résolutions de l'ordre de l'eV (soit un ordre de grandeur de mieux que
les semi-conducteurs). En pratique leur faible volume restreint leur utilisation aux rayonnements
peu pénétrants et leur mise en oeuvre aux très basses températures confine leur emploi aux
laboratoires de métrologie.
Les mesures en courant ne sont effectuées quasiment qu'avec les chambres d'ionisation pour
lesquelles les intensités à mesurer sont comprises entre 10"17 et 10~8 A. Ces faibles courants sont
difficiles à mesurer en continu avec des électromètres classiques. On utilise alors des montages
électrométriques qui permettent de transformer le faible courant en tension continue assez grande
pour être mesurée par un voltmètre classique. Un des systèmes les plus sensibles et les plus utilisés
est l'électromètre à condensateur vibrant, qui est fondé sur le principe que toute modification de
capacité, à charge constante, a pour conséquence une variation de tension.
Les mesures en impulsions sont de très loin les plus répandues. Un schéma recensant les
scénarios possibles de chaînes de détection fonctionnant en impulsions est donné sur la figure 3.22.
Les impulsions à traiter en électronique nucléaire ont une occurrence aléatoire, le phénomène
de radioactivité étant statistique: elles ne se suivent donc pas avec un fréquence donnée comme en
électronique conventionnelle. Elles sont souvent rapides (durée totale de l'ordre de 10 ns pour les
scintillateurs plastiques, de 100 ns pour les jonctions et de 100 fis pour les détecteurs gazeux) et
très proches; les systèmes électroniques utilisés doivent avoir une large bande passante. La forme
de l'impulsion de tension couramment rencontrée est donnée sur la figure 3.23 où on définit le
157
temps de montée de l'impulsion et on rappelle que le temps de décroissance ne dépend que de la
constante RC du circuit aux bornes duquel l'impulsion est engendrée.
FIG. 3.23. Impulsion de tension typiquement rencontrée dans les mesures nucléaires.
De façon générale, tous les éléments qui composent une chaîne de détection et qui
contribuent à la proportionnalité entre l'énergie cédée et l'impulsion finale doivent être
remarquablement stables et linéaires.
On ne s'intéressera ici aux éléments cités sur la figure 3.22 qu'en terme de fonction
électronique; nous ne rentrerons pas dans le détail de leur conception ou de leur réalisation.
L'alimentation de haute tension est un élément indispensable quel que soit le détecteur. Dans
le cas où on emploie des tensions peu élevées ou qui n'ont pas besoin d'être très stables,
notamment pour les compteurs Geiger-Mûller, on peut simplement employer une pile associée à un
vibrateur (solution adoptée dans les systèmes portables).
Dans la très grande majorité des cas on utilise des alimentations électroniques qui doivent
remplir les conditions suivantes:
- être réglables pour les tensions imposées par les déteaeurs (jusqu'à 5000 volts pour certaines
jonaions);
- pouvoir supporter sans chute de tension le courant débité par le déteaeur (1 à 15 mA selon les
déteaeurs);
- être stabilisées à hauteur de l'exigence des déteaeurs (1 % seulement pour un compteur Geiger-
Mûller mais 0,1 % pour les compteurs proportionnels et les photomultiplicateurs) ;
- ne pas présenter de dérive au cours du temps (stabilité de 10"4 à 10'5 par jour) ;
- avoir un bruit très faible.
158
3.6.2. Préamplificateur
- en tension;
- en charge;
- en courant.
Les préamplificateurs sensibles à la tension sont en général utilisés sauf pour les jonctions où
on leur préfère ceux sensibles à la charge.
Le préamplificateur voire l'amplificateur est inutile lorsqu'on utilise des compteurs Geiger-
Mûller, qui délivrent des impulsions de plusieurs volts.
3.6.3. Amplificateur
La mise en forme des impulsions est très importante pour améliorer les paramètres tels que
temps de résolution, résolution en énergie, rapport signal sur bruit, et pour pouvoir traiter les
signaux dans les modules électronique. Cette mise en forme s'effectue généralement à l'aide d'une
série de circuits intégrateurs (RC ou filtre passe-bas) et différentiateurs (CR ou filtre passe-haut)
qui peuvent notamment conduire à des mises en forme semi-gaussiennes. Les impulsions
engendrées peuvent être bipolaires, unipolaires, négatives ou positives.
Une bonne mise en forme de signaux permet de minimiser les empilements (superpositions
d'impulsions) à haut taux de comptage qui viennent perturber le dénombrement des impulsions
ainsi que la mesure de leur amplitude.
3.6.4. Discriminateur
Un discriminateur produit un signal logique si une impulsion dépasse une valeur de seuil
réglable. Il permet la construction de spectres d'amplitudes d'impulsions en mode "intégral". Il est
159
fondé sur le principe du monostable et sert souvent à éliminer la contribution du bruit de fond aux
mesures.
L'analyseur, ou sélecteur, monocanal est fondé sur le principe suivant (fig. 3.24): deux
discriminateurs bas associés à une fonction d'anticoïncidences permettent de ne prendre en compte
que les impulsions dont l'amplitude est comprise dans une fenêtre définie comme l'écart entre les
deux seuils de discrimination. Il engendre une impulsion logique lorsque l'amplitude de l'impulsion
analogique à l'entrée est comprise dans la fenêtre. En balayant avec une fenêtre constante
l'ensemble des valeurs du seuil bas, on peut reconstituer un spectre d'amplitudes d'impulsions
proportionnelles aux énergies cédées dans le détecteur.
> ^V
3
Seuil haut /
r\2 \ 1
Fenêtr
Seuil (bas)
, AV
>>-
t
Fig. 3.24. Illustration du principe de fonctionnement d'un analyseur monocanal
Au lieu d'échelles on peut intégrer les impulsions en temps grâce à des ictomètres linéaires
ou logarithmiques (on joue sur les valeurs de RC pour changer de gamme de mesure de débit).
Dans certaines applications de spectrométrie, pour que le sélecteur monocanal soit efficace et
intéressant, il faut que la largeur du canal (fenêtre de mesure) soit faible, sinon il risque de ne pas
pouvoir restituer correctement la forme des pics. De plus, si le taux d'impulsions est faible ou le
phénomène à mesurer peu durable, le sondage de l'ensemble du spectre peut demander beaucoup
trop de temps. On utilise alors des analyseurs multicanaux que l'on peut en théorie considérer
comme une somme de nombreux analyseurs monocanaux contigus bien qu'ils soient quasiment
toujours conçus sur un principe complètement différent. Un analyseur multicanaux comprend un
codeur analogique-numérique, une mémoire divisée en segments, aussi appelés canaux, et un écran
de visualisation. Ces éléments permettent respectivement de convertir les tensions électriques en
nombres, de classer ces nombres dans les canaux de mémoire, et de visualiser les contenus de
l'ensemble des canaux c'est à dire la représentation du spectre sur l'écran. Cette visualisation finale
s'effectue grâce à un système incorporé ou bien en liaison avec un micro-ordinateur. Cette dernière
solution, tendance actuelle, permet la mise en oeuvre de fonctions élaborées de travail sur les pics,
les étalonnages, calculs, identifications de nucléides, etc. La stabilisation de spectres par
surveillance des pics est également possible.
160
Les analyseurs multicanaux peuvent aussi fonctionner en multi-échelle (enregistrement
d'événements dans les canaux mémoire dont la largeur de chacun correspond à un intervalle de
temps donné).
On recherche des codeurs bonne linéarité et bonne rapidité (en général c'est l'opération de
codage qui prend le plus de temps dans la chaîne de détection). U existe deux grandes familles de
codeurs: à approximations successives (à poids) et à rampe (type Wilkinson qui nécessite horloges
de 100 MHz), le codeur à poids étant le plus rapide surtout si on a grand nombre de canaux.
Des câbles coaxiaux, blindés pour se protéger des perturbations électromagnétiques, sont
utilisés lors du transport des courants et impulsions. Si les signaux à transmettre sont très rapides,
on observe quelques déformations en ligne, mais relativement faibles. La vitesse de propagation de
signal est environ 2/3 de la vitesse de la lumière dans le vide. Le temps de transit est de 5 ns.nr *.
Ces câbles ont une capacité linéique de 50 à 100 pF.nr 1 et, en très grande majorité, une
impédance caractéristique de 50 ohms. Ils doivent supporter des tensions de quelques milliers de
volts. La transmission par les câbles nécessite d'adapter les impédances à chacune de leur
extrémité; d'où la nécessité de bouchons adaptateurs mais également d'atténuateurs, de séparateurs
et d'inverseurs.
Les mesures de temps ne seront pas abordées ici à l'exception des mesures de coïncidences et
anticoïncidences. Les mesures de coïncidences permettent de sélectionner des informations
simultanées ou quasi simultanées. Un circuit de coïncidences délivre une impulsion logique si deux
impulsions détectées à l'entrée du circuit arrivent dans un intervalle de temps réglable (en ^s). Il
existe des circuits de coïncidences doubles, triples ou plus. Un circuit d'anticoïncidences ne
travaille que sur deux voies et ne délivre une information que si il y a une impulsion sur une voie
d'entrée et pas d'impulsion simultanément sur l'autre (le temps d'anti-coïncidences est réglable
également).
Les modules électroniques décrits plus haut tendent de plus en plus à se normaliser. Le
standard NIM (Nuclear Instrument Module) est actuellement le plus répandu (il existe également le
standard CAMAC (Computer Automated Measurement and Control). Les modules se présentent
sous forme de tiroirs de largeurs normalisées destinés à être insérés dans un châssis auto-alimenté
161
avec des tensions continues également standardisées. Ces châssis permettent notamment d'obtenir
plus facilement une masse de référence unique pour réduire le bruit. Les normes définissent
également des caractéristiques pour les impulsions tant logiques qu'analogiques.
Dans cette loi, 68% des valeurs sont comprises entre N - a et N + a et 95% des valeurs
sont comprises entre N-2a et N +2c , a étant l'écart-type, paramètre que l'on retient pour
chiffrer la dispersion autour de la moyenne.
Si l'on suppose que les causes de fluctuations de la mesure sont négligeables devant la
fluctuation Poissonienne du phénomène à mesurer, on pourra donc dire que pour un comptage de
valeur N, l'incertitude associée au niveau de confiance de 68% est V N . Au niveau de confiance de
95% un résultat de ce comptage N s'exprime: N ± 2 V N ~ . C'est cette valeur que l'on retiendra pour
encadrer les résultats de mesure courants et pour tracer les incertitudes graphiquement (barres
d'incertitudes).
Lorsque le résultat final n'est pas un comptage unique mais une combinaison de comptages
entre eux (ex: soustraction d'une valeur de bruit de fond) ou une combinaison de comptages et
d'autres paramètres ou résultats affectés également d'incertitude, on propage traditionnellement les
écarts-type a quadratiquement avec la formule suivante, dite de propagation des variances.
Cette formule n'est valable que si les variables dont on veut combiner les incertitudes sont
indépendantes et si les incertitudes ne sont pas trop élevées (écart-type relatif < 20%).
3.7.2. Spectrométrie
La mesure de l'aaivité d'une source radioactive n'est possible que si l'on a connaissance de
sa nature. Cette dernière peut être connue soit par séparation chimique, soit par spectrométrie des
amplitudes d'impulsions qui permettent de remonter aux énergies cédées (la spectrométrie
d'absorption n'étant pas assez évoluée dès que les sources présentent des émissions de nature
complexe).
162
correspondant à cette énergie (fig. 3.27). La résolution en énergie dépend du détecteur utilisé: la
figure 3.28 illustre clairement la supériorité des détecteurs à semi-conducteurs vis à vis des
scintillateurs.
E2 front Compton
vallée Compton
E3 raie d'échappement X caractéristique du
511 keV pic d^nnihilation (si source (3+)
E5 pic de rétro diffusion
E X1 et/ou Exj pics X de la source et/ou de l'environnement
511 K»v
163
SANS FOND CONTINU
, s -f..
r . . .
n° de canal (i)
Jk
/—*
U S-2*; — ,
3
T3
a
u
Nîl,
S
•H
's
o
U
n° de canal (i)
1173 1332
keV keV
FWHM
M(TI)
2"x2-
// \ \J^L _r^64keV
(U
-*"% / \ f \
u V 1 111
2.
_l W t
< J •y 1 y
z< < Ge(U)
V. \
o
17 cm 3
< 4 FWHM
- ^ ^ ~ 2,3 keV
w
X l
NUMERO DU CANAL
FIG. 3.28. Résolution comparée d'un déteaeur à scintillation NalÇTl) et d'un déteaeur à semi-
conduaeur Ge(Li) sur un speare gamma de source de cobalt 60.
164
3.7.3. Scintillation liquide
Nous avons évoqué plus haut les problèmes que posait le mélange d'une source et d'un
scintillateur (cf. 3.1.2). Le quenching couleur et/ou chimique, ainsi que l'éventuelle
chimiluminescence, selon leur importance, entraînent une dégradation spectrale, pour une même
activité présente (fig. 3.29). Il convient donc d'évaluer quantitativement le quenching par un
paramètre que l'on va mettre en relation avec l'efficacité résultante pour bâtir une courbe
étalon. Cette courbe permet de déterminer l'efficacité du scintillateur à un échantillon à mesurer, à
partir du degré de quenching de cet échantillon. Plusieurs paramètres d'évaluation sont possibles:
barycentre du spectre, point d'inflexion, standard interne, standard externe, ou rapport de canaux
(illustré sur la figure 3.29).
A nombre
d'impulsions
canal A ^
(voie de mesure)
FIG. 3. 29. Influence du quenching sur les speares bêta recueillis en scintillation liquide. Choix
des canaux pour le paramètre quantitatif du quenching: "rapport des canaux".
Nous avons également évoqué plus haut la difficulté d'extraire avec des photomultiplicateurs
des signaux proches du bruit (cf. 3.3.3). Un montage à deux photomultiplicateurs reliés par un
circuit de coïncidences est donné sur la figure 3.30.
165
Liquide scintillant
Source Radioactive
Alimentation
Haute Tension
Circuit de
coïncidences
Circuit de
sommation
AmpEficateurj
logarithmique
Porte linéaire
Signal à analyser
BIBLIOGRAPHIE
SIEGBAHN, K. Alpha, beta and gamma rays spectroscopy, North Holland Publishing Company,
Amsterdam (1965).
BLANC, D. L'Electronique nucléaire, Presses Universitaires de France, Paris (1971).
PAULIN, R. Détection des rayonnements, Enseignement aux utilisateurs de radioisotopes, Institut National
des Sciences et Techniques Nucléaires, Saclay (1985).
SIMONNET, G. , ORIA, M. Les mesures de radioactivité à l'aide des compteurs à scintillateur liquide
(3ème édition), Eyrolles, Paris (1986).
KNOLL, G.F. Radiation Detection and Measurement (second edition), John Wiley & sons, New York
(1989).
166
PARTIE 2
GRANDEURS ET UNITES
CHAPITRE 4. GRANDEURS ET UNITES DOSIMETRIQUES
J. Chavaudra
PREAMBULE
La définition précise des concepts et des grandeurs utilisés pour la quantification des
expositions aux rayonnements ionisants est primordiale pour la prévision des effets de ces
expositions. Elle permet un language commun et des données quantitatives sans équivoque.
Pour cette raison, le premier congrès international de radiologie (1925) a suscité la création
d'un organisme appelé International commission on radiological units (ICRU), devenu
ultérieurement International commission on radiological units and measurements. Cet organisme a
publié des recommandations diverses dans de nombreux rapports, dont le premier concernant les
grandeurs et unités radiologiques est daté de 1927, et le dernier très récent (ICRU 51, 1993).
4.1. INTRODUCTION
Les définitions présentées dans cette première partie sont les dernières publiées officiellement
par l'ICRU dans le rapport 33 (ICRU 33, 1980). Une révision de ce rapport est en cours et
certaines parties du texte revu ont fait l'objet de publications préliminaires dans ICRU News, la
revue biannuelle de l'ICRU (en particulier ICRU News 3, 1990, 3, 1992 et 2, 1993).
Dans cette première partie, les grandeurs présentées sont non stochastiques, ou considérées
comme telles, c'est-à-dire:
169
Les définitions officielles de l'ICRU ont fait l'objet d'une rédaction très précise en langue
anglaise, discutée parfois longuement par des groupes d'experts. Aussi, il nous a semblé utile de
toujours présenter cette définition anglaise comme référence, une traduction et des explications
éventuelles en français étant destinées à faire ressortir certains points particuliers.
De plus, les unités recommandées par l'ICRU sont des unités dérivées du Système
International d'Unités. L'ICRU a déconseillé l'utilisation des anciennes unités (par exemple curie,
rôntgen,..) après 1985.
(excluant l'énergie au repos) des particules qui sont présentes, émises, transmises ou reçues
dans le champ de rayonnement. L'énergie radiante s'exprime en joules (unité: J).
The particle number, N, is the number of particles that are present, emitted,
transferred or received.
Unit: 1
The radiant energy, R, is the energy (excluding rest energy) of particles that are
present, emitted, transferred or received.
Unit: J
N = dN/dt
170
4.2.4. Le flux énergétique
C'est le quotient de dR par dt, où dR est l'incrément d'énergie radiante pendant le temps dt:
R = dR/dt
•
The flux, N, is the quotient of dN by dt, where dN is the increment of the particle
number in the time interval dt, thus
N = dN/dt
Unit: s 1
•
The energy flux, R, is the quotient of dR by dt, where dR is the increment of radiant
energy in the time interval dt, thus
•
R = dR/dt
Unit: W
Ces grandeurs sont souvent utilisées dans une région déterminée du champ de radiations pour
décrire par exemple l'émission globale d'une source de rayonnements.
On peut, pour des populations de particules différentes ou pour des populations de particules
polyénergétiques, considérer des expressions différentielles des grandeurs ci-dessous, telles que:
R E = dR(E) / dE,
C'est le quotient de dN par da, où dN est le nombre de particules incidentes sur une sphère
de section diamétrale d'aire da:
0>= dN/da
C'est le quotient de dR par da, où dR est l'énergie radiante incidente sur une sphère de
section diamétrale d'aire da:
¥ = dR / da
171
La fluence énergétique s'exprime en joules par mètre carré (unité J m"2).
The fluence, <î>, is the quotient of dN by da, where dN is the number of particles
incident on a sphere of cross-sectional area da, thus
<D = dN/da
Unit: m"2
The energy fluence, \\J, is the quotient of dR by da, where dR is the radiant energy
incident on a sphere of cross-sectional area da, thus
i|/= dR/da
Unit: J.rn 2
L'utilisation d'une sphère pour définir la fluence est liée à la considération précédente
d'effets indépendants de la direction du rayonnement incident, et permet de supposer que l'aire de
la section diamétrale est perpendiculaire à la direction de chaque particule.
Une expression de la fluence par unité de temps a également été définie sous le nom de débit
de fluence.
C'est le quotient de dO par dt, où d<3> est l'incrément de la fluence des particules pendant le
temps dt:
<j>= dO /dt = d 2 N / d a d t
C'est le quotient de d ¥ par dt, où d*F est l'incrément de la fluence énergétique pendant le
temps dt:
y /dt = d 2 R/da dt
The fluence rate, <(>, is the quotient of dfy by dt, where d<|>is the increment of the particle
fluence in the time interval dt, thus
4» = d<(>/dt = d2N / da dt
Unit: m"V
The energy fluence rate, *F, is the quotient of d*F by dt, where d*F is the increment of the
energy fluence in the time interval dt, thus
¥=dSE7dt=d 2 R/dadt
Unit: W m'2
172
Comme pour les grandeurs précédentes, on peut considérer d'autres expressions
différentielles de la fluence, telle la fluence spectrique <!>£:
C'est le quotient de d<X> par dE, où dO est la fluence des particules d'énergie comprise entre
E et E + dE:
<&E = dO / dE = d 2 N / da dE
Elle s'exprime en particules par joule et par mètre carré (unité.J^.m" 2 ) dans le Système
International.3
Dans cette première partie, nous considérerons donc les grandeurs macroscopiques se
rapportant aux effets dans le milieu, pouvant être utilisées pour prévoir les conséquences d'une
irradiation, et qui dépendent des grandeurs qui caractérisent le champ de rayonnement au voisinage
d'un point.
Dans le cours de physique concernant les interactions des particules et du milieu, des
coefficients d'interaction ont été définis, exprimant pour certains d'entre eux la fraction de l'énergie
perdue par ces particules au cours des interactions.
Comme cela sera présenté dans la seconde partie, consacrée à la microdosimétrie, les effets
attendus d'une irradiation sont liés non seulement à l'énergie cédée par le rayonnement au milieu,
mais aussi à la manière dont cette énergie est délivrée dans l'espace.
Nous rappellerons donc ci-dessous les coefficients permettant d'expliciter les échanges
énergétiques intervenant dans les grandeurs dosimétriques, en introduction d'autres coefficients
explicitant la répartition spatiale de l'énergie cédée par le rayonnement.
4.3.1.1. Coefficients concernant les interactions des particules non chargées et de la matière et
dont dépendent les grandeurs dosimétriques (applicables en particulier aux photons)
£utr
4.3.1.1.1. COEFFICIENT MASSIQUE DE TRANSFERT D ' ÉNERGIE —
P
Ce coefficient, pour un matériau donné, relatif à des particules ionisantes non chargées, est le
quotient de dE^/EN par p dl. Dans cette relation, E est l'énergie de chaque particule (à l'exclusion
de l'énergie au repos), N le nombre de particules, et dEtr/EN est la fraction de l'énergie des
particules incidentes transférée sous forme d'énergie cinétique de particules chargées au cours
d'interactions se produisant à la traversée d'une distance dl dans le matériau de masse volumique p:
a
NB: II ne faudrait pas confondre le flux surfacique et le débit de fluence, qui s'expriment dans les mêmes
unités. Le flux surfacique ne peut devenir égal au débit de fluence que pour des particules ayant la même
direction, perpendiculaire au plan sur lequel on évalue le flux surfacique.
173
(itr _ 1 dEtr
~p~ ~ pËN ~dT
Ce coefficient s'exprime en m2, kg"1
The mass energy transfer coeeficient, n,r/p, of a material, for uncharged ionizing
particles of a given type and energy, is the quotient of dRt/R by pal, where dR^/R is the
fraction of incident radiant energy that is transformed to kinetic energy of charged particles, by
interactions in traversing a distance d/ in the material of density p, thus
ixlr 1 dR,tr
p pR dl
Unit: m 2 kg"1
Ce coefficient, pour un matériau donné, relatif à des particules ionisantes non chargées, est le
produit du coefficient massique de transfert d'énergie *— et de (1-g), où g est la fraction de
P
l'énergie des particules chargées secondaires perdues sous forme de rayonnement de freinage dans
ce matériau:
The mass energy absorption coefficient, Uo/p, of a matertial for uncharged ionizing particles of a
given type and energy is the product of the masse energy transfer coefficient, \ijp, and (1-g) where g is
the fraction of the energy of secondary charged particles that is lost to bremsstrahlung in the material,
thus
Unit: m2kg"!
4.3.1.2. Coefficients concernant les interactions des particules ionisantes chargées et de la matière,
dont dépendent les grandeurs dosimétriques
174
4.3.1.2.1. POUVOIR MASSIQUE TOTAL DE RALENTISSEMENT
S
Le pouvoir massique total de ralentissement — d'un matériau, relatif à des particules
P
chargées d'un certain type et d'une énergie donnée, est le quotient de dE par p dl, où dE est la
perte d'énergie d'une particule chargée au cours de la traversée d'une distance dl dans un matériau
de masse volumique p:
S = J_ dE
p p dl
The total mass stopping power, S/p, of a material for charged particles of a given type and energy is
the quotient of dE by p dl, where dE is the energy lost by a charged particle in traversing a distance dl in
the material of density p, thus
P P
Unit: J n
Avec les énergies pour lesquelles les interactions nucléaires peuvent être négligées, le
pouvoir massique total de ralentissement peut être exprimé par:
S _ 1 dE 1 dE
P"P(¥)CO1 V~dT)rad
(àE) fdE^
Dans cette expression, I -TT-J est le pouvoir linéique de ralentissement par collision et I -g- I .
- des échanges énergétiques de faible importance (quelques dizaines d'électrons volts) le long de la
trajectoire, conduisant à des grappes d'ionisations espacées de quelques dizaines à quelques
centaines de nanometres;
- des échanges plus importants, conduisant à la mise en mouvement d'électrons capables d'ioniser
eux-mêmes à distance de la trajectoire principale (rayons d).
Lorsque l'énergie des particules incidentes varie notablement, ou lorsque l'on considère des
particules différentes, la valeur du pouvoir de ralentissement linéique varie, donc également la
répartition des ionisations le long de la trajectoire, à une échelle spatiale correspondant aux
dimensions des macromolécules des tissus biologiques.
175
Il apparaît donc important de différencier les pertes d'énergie en fonction de la manière dont
elles sont réparties dans l'espace, donc de raffiner le concept de pouvoir de ralentissement.
4 . 3 . 1 . 3 . 1 . DEFINITION DU TLE
La définition du concept de transfert linéique d'énergie (anglais: TLE ; TEL ou LET), a été
proposée en 1952 par Zvikle et al et reprise par I'ICRU à partir de 1962 (ICRU 16, 1970-1980):
al
On peut aussi, pour plus de commodité, exprimer le TLE en eV.nr 1 ou keV. ftm "*.
- Ces pertes d'énergie restreintes sont quelquefois appelées "énergie transférée localement".
- Une notation simplifiée permet d'indiquer directement A en eV. Par exemple, Lioo signifie que
l'on a choisi une énergie seuil d'exclusion de 100 eV.
- L « = Sco!.
B.6. The linear energy transfer or restricted linear collision stopping power, LA, of a
material for charged particles is the quotient of dE by dl, where dE is the energy lost by a
charged particle in traversing a distance dl due to those collisions with electrons in which the
energy loss is less than A.
(dE
Unit: J m"1
Le TLE ne tient pas compte de la nature discontinue des transferts d'énergie, et des fluctuations
statistiques. Il exprime la perte d'énergie moyenne pour un grand nombre de particules.
A partir de la connaissance de l'énergie moyenne nécessaire pour produire une paire d'ions, on
peut également considérer le nombre linéique d'ionisations. Cette énergie moyenne a été définie
par I'ICRU:
L'énergie moyenne dépensée dans un gaz par paire d'ions formée, W, est le quotient
de E par N, où N est le nombre moyen de paires d'ions formées quand l'énergie
cinétique initiale E d'une particule chargée est complètement dissipée dans le gaz,
176
4.3.1.3.3. SPECTRE DE TLE
Compte tenu des commentaires précédents, il apparaît que cette grandeur, qui conduirait à
refaire disparaître les propriétés des différentes composantes du rayonnement, a peu de chances de
rendre compte de l'effet de l'irradiation, ou plutôt des différences d'effets observés avec différents
rayonnements, sauf dans des domaines correspondant à de faibles variations d'effets biologiques en
fonction du TLE ou pour des rayonnements à bande énergétique spectrale étroite.
De toute manière, l'utilisation biologique de ces spectres de TLE est encore du domaine de la
recherche, avec un nombre d'inconnues encore important.
Ces grandeurs représentent l'outil nécessaire pour corréler des mesures physiques aux effets
des irradiations.
La grandeur qui représente le mieux l'énergie déposée dans le milieu et qui est compatible
avec tous les rayonnements classiques, est la dose absorbée, dont la définition implique la définition
préalable d'une autre grandeur, l'énergie communiquée à la matière:
L'énergie communiquée à la matière par le rayonnement ionisant dans un volume donné, est
donnée par la relation:
£ =
Rin - Rout + 2Q,
dans laquelle:
- Rju est l'énergie radiante incidente dans le volume, c'est-à-dire la somme des énergies (excluant
les énergies au repos) de toutes les particules ionisantes chargées et non chargées pénétrant dans
le volume
- Rom est l'énergie radiante émergente du volume, c'est-à-dire la somme des énergies cinétiques
(excluant les énergies au repos) de toutes les particules ionisantes chargées et non chargées qui
quittent le volume
- ZQ est la somme de toutes les variations (diminution signe positif, augmentation signe négatif)
de l'énergie au repos correspondant à la massse des noyaux et des particules élémentaires dues à
toute transformation nucléaire se produisant dans le volume
177
Cette énergie communiquée à la matière est une grandeur aléatoire. L'espérance
mathématique de cette grandeur, l'énergie moyenne communiquée s est une grandeur non
aléatoire.
D
dm
La dose s'exprime en joules par kilogramme (unité J.kg"1) dont le nom spécial est le gray
(Gy).
The absorbed dose, D, is the quotient of de by dm, where de is the mean energy imparted by
ionizing radiation to matter of mass dm, thus
°4 dm
Unit: J kg"1
The special name for the unit of absorbed dose is gray (Gy).
La dose absorbée est donc définie pour un milieu donné. L'ancienne unité de dose absorbée,
le rad (cGy) ne doit plus maintenant être utilisée. L'ICRU a défini également le débit de dose
absorbée.
C'est le quotient de dD par dt, où dD est l'incrément de dose absorbée pendant le temps dt
Le nom particulier de l'unité de dose absorbée est le gray par seconde (Gy.s"1).
The absorbed dose rate, D, is the quotient of dD by dt, where dD is the increment of absorbed dose in
the time interval dt, thus
dD
D = —
dt
Unit: J kg's' 1
The special name for the unit of absorbed dose rate is gray per second (Gy s"1).
178
4.3.2.2. Le kerma
Le kerma est une grandeur intermédiaire entre les grandeurs radiometnques qui caractérisent
le champ de rayonnement et la dose absorbée, utilisée pour les particules non chargées (exemple
photons et neutrons).
4 . 3 . 2 . 2 . 1 . LE KERMA K
Le kerma est le quotient de dEtr par dm, où dEtr est la somme des énergies cinétiques
initiales de toutes les particules ionisantes chargées libérées par des particules ionisantes non
chargées dans une masse dm d'un matériau donné.
K=
dm
Le kerma s'exprime en J.kg' 1 . Le nom spécial de l'unité de kerma est le gray (Gy).
L'énergie transférée à la matière, quantifiée par le kerma, contient la partie de l'énergie des
particules chargées secondaires qui est perdue à distance sous forme de rayonnement de freinage, et
donc n'est plus égale à celle qui est prise en compte pour la dose absorbée. L'égalité entre kerma et
dose absorbée n'est obtenue en fait que dans des conditions particulières.
The Kerma, K, is the quotient of dEu by dm, where dEa is the sum of the initial kinetic
energies of all the ionizing charged particles liberated by uncharged ionizing particles in a mass dm of
specified material, thus
K =
dm
Unit: J kg"1
Le débit de kerma est le quotient de dK par dt, où dK est l'incrément du kerma pendant le
temps dt:
K
K
~ dt
Le débit de kerma s'exprime en J.kg"1.s"1. Le nom spécial qui lui est attribué est le gray par
seconde (Gy .s' 1 ).
179
•
The Kerma rate, K, is the quotient ofdKby dt, where dKis the increment of kenna in the time
interval dt thus
• dK
Unit: J kg 1 s'1
The special name for the unit of kerma rate is gray per second (Gy s"1)
Il en est résulté la définition d'une grandeur, l'exposition, dont la dernière expression est la
suivante(applicable aux photons seulement):
L'exposition X est le quotient de dQ par dm, où dQ est la valeur absolue de la charge totale
des ions d'un signe produite dans l'air quand tous les électrons (négatons et positons) libérés par les
photons dans l'air de masse dm sont complètement arrêtés dans l'air:
x ^
A
~dm
Dans le système international, l'exposition s'exprime en C.kg' 1 . Cette grandeur n'a pas reçu
de nom spécial en raison de son abandon (le premier nom spécial était le rôntgen, correspondant à
2,58 1(H C.kg"1).
Cette grandeur est déconseillée depuis 1985. Les raisons de cet abandon sont multiples. Les
principales sont les suivantes:
- cette grandeur, élaborée à partir de considérations expérimentales, se rapportant aux effets sur
l'air, n'est pas assez proche de la dose absorbée dans les tissus pour représenter de manière très
précise un paramètre de prévision des effets d'une irradiation dans des conditions diverses. Elle
a cependant longtemps présenté un intérêt pour les étalonnages, justement en raison de sa
définition;
- malheureusement, cette grandeur, pour des raisons historiques, a été optimalisée initialement
pour des faiscaux de photons de basse énergie et pose des problèmes de mesure lorsque l'énergie
est supérieure à quelques MeV ou inférieure à quelques keV;
- elle peut être aujourd'hui commodément remplacée par le kerma dans l'air pour les besoins de la
métrologie.
4.3.2.4. Une grandeur utile pour les sources radioactives, la constante de débitée kerma dans l'air
Cette grandeur est très utile pour certaines déterminations de la dose délivrée par une source
radioactive, émettant des photons, dans un milieu donné, à une distance donnée. Elle se rapporte à
une source ponctuelle:
180
La constante de débit de kerma dans l'air, Tj , d'un radionucléide émettant des photons, est
le quotient de l^Ks par A, où K5 est le débit de kerma dans l'air dû à des photons d'énergie
supérieure à 5, à une distance 1 d'une source ponctuelle de ce nucléide présentant une activité A.
Lorsque l'on utilise les normes d'unités spéciales gray et becquerel, l'expression m 2 .J. kg"1
devient m^.Gy.Bq'l.s" 1 .
L'utilisation de cette constante de débit de kerma dans l'air doit s'effectuer avec certaines
précautions:
BIBLIOGRAPHIE
[4] ALLISY, A., JENNINGS, W.A., KELLERER, A.H., MÛLLER, J.W. and ROSSI, H.H, Quantities
and Units for use in Radiation Protection. ICRU News, 2, 5-9 (1991).
[5] ALLISY, A., JENNINGS, W.A., KELLERER, A.H., MÙLLER, J.W. and ROSSI, H.H, Radiation
Quantities and Units. Interaction coefficients-Dosimetry. A Draft Report. ICRU News, 2, 5-
12 (1993).
[6] ALLISY, A., JENNINGS, W.A., KELLERER, A.H., MÛLLER, J.W. and Rossi, H.H. Radiation
Quantities and Units - Radiometry. A draft Report. ICRU News, 2, 5-9 (1992).
181
LECTURES UTILES
[1] ATTK, F.H. and ROESCH, W.C., Radiation Dosimetry volume 1, Fundamentals, 2e édition.
Academic Press éd. (1968).
[2] GREENING ,J.R. Fundamentals of Radiation Dosimetry, Medical Physics Handbooks n°6.
Adam Hilger Ltd. Bristol éd. (1981).
[5] BLANC, D. Les Rayonnements Ionisants. Détection, Spectrométrie, Dosimétrie. Masson éd.
(1990).
182
CHAPITRE 5. GRANDEURS ET UNITES DOSIMETRIQUES
J.P. Simoen
Les interactions d'un rayonnement ionisant avec la matière produisent des dépôts d'énergie
en "paquets" distribués de façon non-uniforme dans le volume irradié. Dans un milieu comportant
des structures de radio-sensibilités différentes, on peut donc s'attendre à des effets reliables non
seulement à l'énergie moyenne communiquée par unité de masse, c'est-à-dire la dose absorbée,
grandeur macroscopique, mais également aux valeurs des dépôts d'énergie, à leur nombre et à leur
distribution dans le temps et dans le volume traversé par le rayonnement. Cela signifie que, pour
une même dose absorbée, deux rayonnements différant par le nombre, la taille et la distribution des
dépôts d'énergie, peuvent produire des effets significativement différents.
Il a en effet été constaté que de nombreux phénomènes radio-induits, tels que l'émission
lumineuse dans les stimulateurs plastiques ou minéraux, les rendements radiochimiques, les
mutations génétiques ou les morts cellulaires, dépendaient de la distribution spatiale et temporelle
des transferts discontinus d'énergie entre les particules ionisantes et la matière irradiée. Ces
constatations ont conduit à introduire, en radiobiologie le concept d'Efficacité Biologique Relative
(EBR) et, en radioprotection, la notion de facteur de qualité (Q).
C'est l'objet de la microdosimétrie, branche de la dosimétrie qui s'est développée à partir des
années 50 pour étudier théoriquement et expérimentalement la distribution du dépôt d'énergie Hans
les milieux irradiés, résultant de la nature aléatoire des interactions rayonnements-matière. Pour ce
faire, des concepts et des grandeurs spécifiques sont considérés, en relation étroite avec ceux
relatifs à la dosimétrie macroscopique. Certaines des notions de base rappelées ci-après, avant la
présentation de grandeurs spécifiques, concernent les deux types de dosimétrie.
5.1.1.1. Interaction
Processus par lequel la direction de propagation et/ou l'énergie d'un rayonnement incident
sont modifiées. Il peut être suivi de l'émission d'un ou plusieurs rayonnements secondaires.
Une interaction donnée est caractérisée en terme de probabilité par sa section efficace (cross
section), spécifique du type et de l'énergie de la particule incidente, et de l'entité cible (électron,
noyau, atome, etc.).
183
5.1.1.2. Événement de dépôt d'énergie (energy deposition event)
Une grandeur est stochastique lorsqu'elle est sujette à des fluctuations statistiques comme,
par exemple, l'énergie communiquée massique z (specific energy imparted), définie (voir 5.1.5) par
le quotient s/m de l'énergie communiquée e par un rayonnement ionisant à une masse m de
matière, par cette masse. Une telle grandeur possède les propriétés suivantes:
- elle n'est définie que dans des domaines finis ; ses valeurs varient de façon discontinue dans le
temps et dans l'espace, et l'on ne considère généralement pas ses taux de variation;
- sa valeur ne peut pas être prédite ; toutefois, la probabilité de n'importe quelle valeur
particulière est déterminée par une distribution de probabilité;
- sa nature aléatoire ne préjuge pas l'exactitude avec laquelle des valeurs particulières peuvent être
déterminées.
Une grandeur est non-stochastique lorsqu'elle n'est pas sujette à des fluctuations statistiques,
comme par exemple, la dose absorbée. Une telle grandeur possède les propriétés suivantes:
- elle est définie comme fonction ponctuelle et, en général, est une fonction d'espace et de temps
continue et derivable ; on peut considérer son gradient et son débit (dans le temps);
- dans des conditions données on peut, en principe, calculer sa valeur;
- elle peut être estimée comme la moyenne de valeurs observées de la grandeur stochastique
associée. Dans le cas d'un champ non uniforme dans l'espace, on doit dériver de cette moyenne
les valeurs limites pour une masse tendant vers zéro, (dans une détermination expérimentale, les
incertitudes systématiques peuvent masquer les variations statistiques considérées ici, mais
celles-ci existent toujours).
La dose absorbée peut ainsi être définie comme la valeur limite quand la masse m tend vers
Si=£in-Sout+ (5-2)
e m est l'énergie de la particule ionisante incidente (en excluant l'énergie de masse au repos),
£
out e s t l a s o m m e des énergies de toutes les particules ionisantes qui quittent l'interaction (en
excluant l'énergie de masse au repos),
sQ rend compte des changements d'énergie au repos des noyaux et de toutes les particules
élémentaires concernées par l'interaction (Q > 0: réduction de massse au repos ; Q < 0:
accroissement de masse au repos).
184
unité: J (ej peut aussi être exprimé en eV)
EJ peut être considéré comme l'énergie déposée au point d'interaction, dénommé "point de
transfert d'énergie", c'est-à-dire le lieu où une particule ionisante perd de l'énergie cinétique. Les
incertitudes quantiques de cette localisation sont ignorées.
L'énergie communiquée, e, à la matière dans un volume donné est la somme de tous les
dépôts d'énergie dans le volume [3,6]:
= X ^i (5-3)
Les dépôts d'énergie dont il est fait la somme peuvent résulter d'un ou de plusieurs
événements (de dépôt d'énergie), par exemple dus à une ou plusieurs traces de particule,
statistiquement indépendantes.
Si l'énergie communiquée à la matière dans un volume donné n'est due qu'à un seul
événement (de dépôt d'énergie), elle est égale à la somme, dans le volume, des dépôts d'énergie
correspondant à l'événement, et est indépendante du niveau d'irradiation et de sa distribution
temporelle.
Si l'énergie communiquée à la matière dans un volume donné est due à plusieurs événements
(de dépôt d'énergie), elle peut s'exprimer comme la somme des énergies communiquées
individuelles correspondant à chaque événement.
Dans les mesures, on détermine usuellement le dépôt total d'énergie dans le volume spécifié,
sans identification des dépôts d'énergie individuels. Dans ce cas, on utilise une définition
équivalente de l'énergie communiquée [2].
s = R b - R out + 2 Q (5.4)
où
Rjn est l'énergie radiante de toutes les particules ionisantes chargées et non chargées qui
pénètrent dans le volume,
Rom est l'énergie radiante de toutes les particules ionisantes chargées et non chargées qui quittent
le volume,
S Q est la somme de tous les changements d'énergie de masse au repos des noyaux et des
particules élémentaires, qui se produisent dans le volume (Q > 0 : réduction de masse au
repos ; Q < 0 : accroissement de masse au repos).
185
y =z1/£ (5.5)
unité: J.m"1
^ = 4V/A (5.6)
où V est le volume, et A est l'aire de sa surface. Sauf lorsqu'on se réfère au cas usuel d'un volume
sphérique, la forme du volume ainsi que son orientation dans un champ non isotrope doivent être
spécifiées. Dans un champ non isotrope le segment de trace moyen diffère généralement de 4 V/A.
z = e/m (5.8)
L'énergie massique z peut être due à un ou plusieurs événements (de dépôts d'énergie). La
fonction de distribution, F(z), est la probabilité pour que l'énergie massique soit inférieure ou égale
à z. La densité de probabilité, f(z), est la dérivée de F(z):
dF (z)
f (z) = — (5.9)
dz
f(z) dépend du débit de dose absorbée et inclut une composante discrète (fonction delta de Dirac) à
z = 0 pour la probabilité de n'avoir aucun dépôt d'énergie.
186
pA
(5.11)
où A est l'aire de la surface du volume, et p est la masse volumique de la matière contenue dans le
volume (voir relations 5.5, 5.6, 5.8, avec m = pV).
Remarque:
z est une grandeur non-stochastique proche de la dose absorbée ; celle-ci peut en effet être définie
par:
lim z
D m->0
masse m considérée.
5.2.1. Généralités
Le transfert linéique d'énergie, TLE, (linear energy transfer, LET), symbolisé par L, est une
grandeur non-stochastique qui a été définie en première partie du cours sur les Grandeurs et Unités
[1,4,5].
Cette grandeur est similaire à l'énergie linéale, y, définie précédemment (voir 5.1.4) et
s'exprime avec la même unité (généralement: keV.ftnr1) ; mais ces deux grandeurs doivent être
distinguées pour les raisons suivantes:
- leurs natures sont différentes, l'une (y) est stochastique, l'autre (L) non;
- L est généralement soumis à un seuil d'énergie (A, énergie maximale cédée à l'électron cible du
milieu ; L A est plus précisément dénommé transfert linéique d'énergie restreint ou pouvoir de
187
- L est défini sur un élément différentiel (d^) de la trajectoire de la particule chargée ; sa
détermination doit donc se faire sur des distances qui doivent être courtes, par rapport au
parcours de la particule. Au contraire, y est définie sans condition de ce type, et conserve sa
signification, même lorsque £ est supérieure au parcours de la particule.
On peut également remarquer que y est mesurable, ce qui est difficilement le cas pour L qui,
par contre, peut être calculé [7,8].
H = Q.D (5.13)
où, au point considéré dans le tissu donné, D est la dose absorbée et Q est le facteur de qualité du
rayonnement considéré [5].
Les valeurs du facteur Q dépendent fortement des valeurs de L (l'eau est généralement
choisie comme milieu) [5,9] (voir cours suivant). Dans l'application de la relation [5.13], il
convient donc de choisir la valeur adéquate de Q, pondérée sur une distribution appropriée: la
distribution de la dose absorbée selon L. Cette nécessité est particulièrement justifiée lorsque le
rayonnement primaire incident génère dans le milieu des particules chargées de types et d'énergies
très différents, comme par exemple lors d'une irradiation par des neutrons.
5.2.2. Définition
(5,4,
Cette distribution est calculable (voir ci-après). Elle est aussi reliable à la distribution D y , en
fonction de l'énergie linéale [4] dont l'intérêt principal est qu'elle est plus aisément mesurable.
H = / L Q ( L ) D L dL (5.15)
5.2.3. Calculs
- on calcule pour chaque type de particules ionisantes chargées, la fluence spectrique <DE (O E dE
est la fluence de particules d'énergies comprises entre E et E -I- dE);
- connaissant, pour le milieu considéré, les valeurs de L en fonction de E et donc celles du
quotient dL/dE, on calcule:
188
(5.17)
- on peut ensuite considérer la distribution cumulée de la dose jusqu'à une valeur donnée du TEL:
D(L)=fDLdL (5.18)
o
qui représente la dose absorbée due aux TEL de valeur inférieure ou égale à la borne considérée.
Un exemple de distributions cumulées est présenté sur la figure 5.2 pour divers rayonnements
incidents (photons du ^ C o et neutrons de diverses énergies).
FIG. 5.2. Distributions cumulées (normalisées à la dose totale) de la dose absorbée en fonction du
TLE, dans l'eau, pour le rayonnement gamma du ^Co et pour des neutrons rapides (figure 10 de la
référence flj).
Les grandeurs dosimétriques kerma et dose absorbée peuvent être exprimées par le produit
d'un coefficient d'interaction et d'une grandeur radiométrique [10, 11].
(5.19)
189
En intégrant cette relation sur la distribution en énergie ("spectre") jusqu'à l'énergie
maximale E M , on obtient le kerma au point donné:
M
K =| — E O £ dE (5.20)
dans laquelle *F est la fluence énergétique des particules au point considéré dans le milieu:
Ex,
v
F=JE0> E dE (5.22)
0
et n^/p est la moyenne du coefficient massique de transfert d'énergie dans le milieu considéré,
estimée sur la distribution en énergie (E O £ ) de la fluence énergétique:
h.EO JE (5.23)
E
p
La relation (5.21) permet le calcul du rapport des kermas au niveau de l'interface entre deux
milieux m, m' (la fluence énergétique *F pouvant être considérée constante à l'interface):
< H
*„• ^ A \k) (5.24)
Rappelons que le kerma dans l'air, K ^ , est la grandeur considérée pour caractériser les
faisceaux de photons de référence utilisés pour l'étalonnage des ensembles dosimétriques.
En un point donné dans un milieu et pour un type donné de particules ionisantes chargées, la
dose absorbée due aux particules d'énergie comprise entre E et E + dE est:
— (E)-OE-dE (5.25)
P
où
Sçoj/p est le pouvoir de ralentissement massique par collision dans le milieu considéré (identique
au transfert linéique d'énergie L divisé par la masse volumique p),
OE est la fluence spectrique [6] des particules (chargées) au point considéré.
{LLO JE (5.26)
P
190
expression qui peut être considérée sous la forme simplifiée:
D =— O (5.27)
P
où
O est la fluence (en nombre) des particules chargées considérées, au point donné dans le milieu:
O=I0EM OE dE (5.28)
et Scol/p est la moyenne du pouvoir de ralentissement massique par collision dans le milieu,
estimée sur la distribution en énergie (<Î>E) de la fluence (en nombre) des particules:
La relation (5.27) permet le calcul du rapport des doses absorbées au niveau de l'interface entre
deux milieux m, m1 (la fluence <ï> pouvant être considérée comme constante à l'interface):
( §
n
" M
=s
"m
Dans un milieu irradié par des particules non chargées, le kerma représente en chaque point
l'énergie transférée à des particules secondaires chargées. Or, ces particules secondaires, qui sont
responsables de la dose absorbée, communiquent leur énergie tout au long de leurs trajectoires, sur
des distances qui sont souvent non négligeables. On a donc en chaque point du milieu un terme
"source", le kerma, et une dispersion des énergies communiquées, dans un volume entourant ce
point, de dimension qui dépend des parcours des particules secondaires chargées. Ce phénomène est
d'autant plus marqué que ces particules sont légères (exemple: électrons), et que les énergies qui
leur sont transférées initialement sont élevées. Il est donc, dans le cas général, impossible d'établir
une relation analytique rigoureuse et simple entre kerma et dose absorbée. Seuls des traitements
numériques sont devenus aisément accessibles grâce à l'évolution des moyens de calcul, en utilisant
des codes de simulation du transport des particules, en particulier du type "Monte Carlo".
191
Toutefois, il est un cas où kerma et dose absorbée en un même point du milieu sont égaux,
lorsque les trois conditions suivantes sont vérifiées [6]:
- l'énergie des particules non chargées primaires est très supérieure à l'énergie de liaison des
particules chargées libérées;
- la production de rayonnement de freinage (bremsstrahlung) est négligeable;
- les particules secondaires chargées sont en état d'équilibre. Un tel état est réalisé en un point si
la fluence des particules chargées est constante sur des distances égales à leur parcours maximal.
Lorsque les conditions ci-dessus ne sont que partiellement vérifiées, on utilise des termes
correctifs; la dose absorbée D et le kerma K en un même point sont alors reliés par:
D = K (1 - g) p (5.32)
où
g est la fraction de l'énergie des particules secondaires chargées qui est perdue par émission de
rayonnement de freinage (bremsstrahlung) [2],
Négligeable pour les photons de faible et moyenne énergie (RX traditionnels), dans l'eau la
correction représentée par le produit (1 - g) P n'est que de quelques °/0O pour les photons gamma
du 6°Co, et atteint plusieurs % pour des photons d'énergie proche de 10 MeV. Pour les neutrons
jusqu'à 15 MeV, la correction est généralement négligée. On voit donc que pour le domaine de la
radioprotection, considérer qu'il y a égalité entre kerma et dose absorbée constitue une
approximation acceptable, à la condition que les hypothèses a, b, c ci-dessus soient approchées. En
pratique, en irradiation externe, en se limitant à ne considérer que les points situés à des
profondeurs égales ou supérieures au parcours maximal des particules secondaires chargées, on
pourra prendre:
D«K (5.33)
REFERENCES
192
[6] ALLISY, A.., JENNINGS, W.A., KELLERER, A.M., MULLER, J.W., ROSSI, ELH.
Radiation Quantities and Units, Interaction coefficients, Dosimetry. A draft report, ICRU
News,2, (1983).
[7] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIATION UNITS AND MEASUREMENTS,
Stopping powers for Electrons and Positrons. ICRU Report 37 (1987).
[10] ATTDC, F.H., Introduction to Radiological Physics and Radiation Dosimetry. John Wiley &
Sons Ed., New York (1986).
[11] GREENING, J.R. Fundamentals of Radiation Dosimetry. Medical Physics Handbook 15,
2nd éd., Adam Hilger Ltd, Bristol, U.K. (1985).
193
CHAPITRE 6. GRANDEURS PARTICULIERES A LA RADIOPROTECTION
Mme. N. Pannentier
- Dose absorbée moyenne dans un tissu ou organe Dj pour les effets stochastiques.
La dose pondérée ainsi obtenue, s'appelle la dose équivalente Hj. Elle est égale à:
H T = DT, R . WR
où .DJV/J est la dose absorbée moyenne dans un organe ou tissu T due au rayonnement R.
Elles sont déduites approximativement des Efficacités Biologiques Relatives (EBR)a pour les
effets stochastiques à faible dose. Les valeurs de W R sont grosso-modo compatibles avec les
valeurs du facteur de qualité Q précédemment utilisées.
a
L'EBR est défini comme le rapport de la dose du rayonnement de référence sur la dose du
rayonnement à TEL élevé qui produit le même niveau d'effet.
195
TABLEAU 6.1. - FACTEURS DE PONDÉRATION W R
NATURE - ENERGIE WR
Photons (toutes les énergies) 1
Electrons, muons (toutes les énergies) 1
Neutrons < 10 keV 5
> 10 keV - 100 keV 10
> 100keV-2MeV 20
> 2 MeV - 20 MeV 10
> 20Mev 5
Protons > 2 MeV 5
Particules a, fragments de fission,
noyaux lourds 20
La CIPR reconnait que pour les neutrons, il peut être plus pratique d'utiliser une fonction
ajustée que des valeurs par bandes d'énergie. L'approximation ainsi calculée correspond à la
relation:
Pour les rayonnements, dont la nature ou l'énergie ne figurent pas dans le tableau, la CIPR
propose d'utiliser comme approximation de WR le facteur de qualité Q déterminé dans la sphère
définie par la Commission Internationale des Unités Radiologiques (ICRU) à 10 mm de profondeur:
Q=^/Q(L)D(L)dL
1
10-100 0,32L-2,2
>100 300/VL
196
Pour comprendre la signification et le choix des facteurs W j , il est nécessaire de rappeler les
bases utilisées pour la détermination des facteurs de risque par unité de dose.
Pour les rayonnements à faible TEL, la CIPR adopte un DDREF de 2, pour deux raisons:
- la première est basée sur le fait que le risque de leucémie par unité de dose à HIROSHIMA et
NAGASAKI est moitié moindre pour les populations ayant reçu moins de 0,5 Gy, que pour
celles qui ont reçu 1 à 2 Gy;
- la deuxième raison repose sur l'approche théorique de la relation dose-effet. Si, pour les
rayonnements de faible TEL, on admet que la relation est linéaire-quadratique, on peut montrer
à partir de résultats expérimentaux que pour des doses très inférieures à 1 Gy, le terme linéaire
est dominant et que dans cette gamme de dose l'effet par unité de dose est deux fois plus faible.
En fait, le facteur DDREF dépend de la qualité du rayonnement, de l'organe considéré, des
gammes de dose et du débit de dose. L'utilisation d'une valeur unique de ce facteur est très
simplificatrice, mais il n'existe pas de données suffisantes pour pousser plus loin l'analyse. La
CEPR n'applique pas ce facteur pour le calcul des risques dus aux rayonnements à fort TEL.
II prend en compte le risque de cancer non mortel en pondérant la probabilité de décès pour
ce type de cancer par des facteurs calculés, en posant comme hypothèse que plus le taux de décès
est élevé pour un type de cancer, pire est la qualité de vie de ceux qui survivent. Ce facteur
pondéré est ajouté aux facteurs de risque de décès et risque d'effets héréditaires. La somme est
ensuite pondérée pour tenir compte du nombre moyen d'années de vie perdues par cancer ou par
maladie héréditaire. Le détriment correspondant est appelé, dans la CIPR 60, "détriment agrégatif".
197
Le taux de détriment ainsi calculé est de:
Ils sont déterminés comme le facteur de risque global, mais organe par organe, en se basant
essentiellement sur la répartition des décès par cancer à Hiroshima et Nagasaki.
Les facteurs sont dérivés des coefficients précédents en en déterminant leur contribution
relative (Tableau 6.4)
Elle est utilisée pour l'évaluation de l'exposition aux rayonnements d'une population et
correspond donc à la sommation des doses individuelles de la population considérée. Cette grandeur
198
intervient dans le cadre de l'optimisation mais ne doit en aucun cas être utilisée pour le calcul du
nombre de cancers dans une population exposée.
TISSUS OU ORGANE
Gonades 0,20
Moelle osseuse 0,12
Colon 0,12
Poumon 0,12
Estomac 0,12
Vessie 0,05
Seins 0,05
Foie 0,05
Oesophage 0,05
Thyroïde 0,05
Peau 0,01
Surface osseuse 0,01
Autres 0,05(2X3)
- les surrénales, l'intestin grêle, les reins, le muscle, le pancréas, la rate, le thymus et
l'utérus. Ces organes peuvent être sélectivement irradiés et certains sont connus pour
présenter un risque de cancer. Si d'autres tissus ou organes non inclus dans cette
liste apparaissent comme présentant un risque significatif de cancer, ils peuvent être
inclus avec un Wj spécial, ou pris parmi la liste des autres organes qui peuvent
également inclure d'autres tissus ou organes irradiés sélectivement.
3) Au cas où, exceptionnellement, un des autres tissus ou organes recevrait une dose
équivalente supérieure à la plus élevée des doses équivalentes aux douze organes
énumérés, un facteur de pondération Wjde 0,025 lui sera appliqué et un facteur de
0,025 sera appliqué à la dose moyenne des autres organes.
199
CHAPITRE 7. GRANDEURS ET UNITES DOSIMETRIQUES
A. Allisy
Cette partie concerne les grandeurs opérationnelles pour la radioprotection selon ICRU.
Elle a fait l'objet très récemment (1993) de la publication d'un rapport ICRU (ICRU 51,
1993), sous la responsabilité de l'auteur du cours (Pr. A. Allisy). Il a donc paru opportun de
distribuer ce rapport ICRU comme base d'information écrite pour le cours.
201
PARTIE 3
RADIOBIOLOGIE
I leftBLANK
)|
J
CHAPITRE 8. EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR LES MOLECULES D'ADN
ET LES CHROMOSOMES
Ph. Voisin
INTRODUCTION
Les organismes vivants sont généralement très sensibles à l'action des rayonnements, et
particulièrement, des rayonnements ionisants. Pourtant, si l'on considère l'aspect purement physico-
chimique, pour une dose létale sur l'organisme humain de 10 Gray, délivrée en un temps très court
et uniformément, les dommages dus à l'effet direct des radiations (décomposition de l'eau) sont
hors de proportion et incapables à eux seuls d'expliquer cet effet létal [1]. En fait, la sensibilité
importante des organismes vivants est due à l'impact des rayonnements sur les structures hautement
organisées qui les composent, et dont les dommages deviennent rapidement létaux, sinon pour
l'organisme entier, du moins pour les cellules qui les supportent.
Lorsqu'un rayonnement frappe une cellule, il a deux points d'impact essentiels: la membrane
cytoplasmique et le noyau. Tout le noyau n'est pas nécessairement concerné par ce dépôt d'énergie.
Ce sont surtout les filaments d'Acide DésoxyriboNucléique ou ADN, supports de l'information
génétique de la cellule et de l'organisme, et intégrés dans la structure hautement organisée qu'est le
chromosome.
Il apparaît clairement que toute modification non contrôlée apportée à F ADN pourra avoir
des conséquences dramatiques, soit en affectant la survie de la cellule elle-même, soit en
introduisant des mutations dans le message génétique transmis au gré des divisions successives.
Après un rappel sur la structure de l'ADN et des chromosomes, nous décrirons les systèmes
mis en place par l'évolution pour assurer les fonctions essentielles de réparation et de replication de
l'ADN, en vue de la division cellulaire et donc de la survie de l'espèce. Dans un deuxième temps,
l'accent sera mis sur les dommages produits sur la molécule d'ADN par les rayonnements ionisants,
puis induits sur les chromosomes. Enfin les rapports entre ces lésions de l'ADN et la létalité
cellulaire seront abordés.
Une chaîne d'ADN est un long polymère non ramifié constitué de seulement quatre sous-
unités différentes. Ce sont les desoxyribonucléotides, qui contiennent les bases Adénine (A),
Cytosine (C), Guanine (G) et Thymine (T). Les nucléotides sont reliés par des ponts phosphodiester
qui unissent le carbone 5' d'un groupe désoxyribose au carbone 3' du suivant. Les quatre types de
base sont attachés à cette chaîne répétitive désoxyribose-phosphate, selon une structure hélicoïdale
constituée de deux brins, avec comme particularité que les bases sont à l'intérieur et les
désoxyriboses-phosphates à l'extérieur (fig. 8.1).
205
FIG. 8.1. A gauche: présentation schématique des différentes molécules (acide phosphorique,
désoxyribose et acides nucléiques) entrant dans la composition d'une chaîne d'ADN, avec leur
position respective. A droite: structure hélicoïdale dans l'espace de la double chaîne d'acide
désoxyribonucléique, qui est conservée même après duplication de l'ADN (d'après flj).
De fait, la conformation proposée par WATSON et CRICK exige que les bases de chacune
des chaînes soient très proches l'une de l'autre, et donc qu'elles soient appariées: une grosse base
purique (A ou G, avec chacune un double cycle) avec en face une petite base pyrimidique (C ou T,
avec chacune un simple cycle), maintenues par deux ou trois liaisons hydrogène. Bien que la
fréquence des bases de l'ADN varie beaucoup en fonction des différentes espèces, cette structure en
double hélice nécessite que quantitativement [A] = [T] et [C] = [G].
L'ADN est chimiquement assez inerte. L'information qu'il contient est exprimée
indirectement via d'autre molécules: l'ADN dirige la synthèse de molécules spécifiques d'ARN
(transcription) et de protéines (traduction) qui déterminent à leur tour les propriétés biophysiques et
biochimiques de la cellule.
L'ADN des eucaryotes est fortement lié à une masse égale d'histones. Les cinq types
d'histones sont divisés en deux groupes principaux (fig. 8.2):
206
FIG. 8.2. Schéma expliquant la structure en "collier de perles" de l'ADN, par
enroulement de la double hélice autour d'histones (H2A,H2B, H3 et H4) regroupés en nucléosomes.
L'ensemble est maintenu en place par le positionnement de l'histone Hl (d'après [3]).
- les histones nucléosomiques (H2A, H2B, H3 et H4), protéines fortement chargées positivement,
ce qui leur permet de se lier entre elles et à l'ADN sous la forme d'un nucléosome. Le
nucléosome qui donne à l'ADN une apparence de collier de perles en microscopie électronique,
est un octamère d'histones qui forme un noyau protéique autour duquel l'hélice bicaténaire est
enroulée deux fois environ. De plus, les nucléosomes sont empilés pour créer une fibre de
chromatine de 30 nm environ de diamètre dans laquelle l'ADN est plus fortement condensé
(fig. 8.3).
- l'histone H l qui semble responsable de l'empilement des nucléosomes dans la fibre de 30 nm.
Certaines régions de l'ADN ne possèdent pas de nucléosomes, même si elles sont longues de
centaines de paires de base de nucléotides. Ces sites sont donc hypersensibles aux nucléases. On
pense que la majorité de ces sites représentent des régions à partir desquelles un nucléosome a été
déplacé par des protéines de liaison à l'ADN spécifiques d'une séquence, impliquées dans la
régulation des gènes eucaryotes.
Ces protéines de liaison à l'ADN spécifiques d'une séquence semblent jouer de nombreux
rôles: repliement de la molécule d'ADN en domaines distincts, initiation de la replication de
l'ADN, régulation de la transcription des gènes, ...[2]
207
A l'interphase, certaines portions de la chromatine sont plus ou moins condensées. La
chromatine est moins condensée dans les régions présentant une activité transcriptionnelle. Cette
chromatine, appelée " chromatine active ", est biochimiquement distincte, puisque présentant des
modifications biochimiques et enzymatiques aptes à rendre l'ADN disponible à la transcription.
Dans la majorité des cellules, 90% de la chromatine reste très condensée durant l'interphase, et n'a
pas d'activité transcriptionnelle apparente. Il est également possible que cette condensation soit
utilisée par la cellule pour séparer les gènes codant des gènes non-codant.
FIG. 8.3. Schéma hypothétique des nombreux ordres de repliement de la chromatine pouvant
expliquer comment on peut passer d'une molécule d'ADN partiellement décondensée à l'interphase
à un chromosome complètement condensé lors de la division cellulaire (métaphase). La forme
particulière du chromosome métaphasique s'explique par la replication préalable de l'ADN au
cours de la phase de synthèse, les deux chromatines restant appariées par le centromere du
chromosome avant séparation (d'après [3]).
La division cellulaire impose que l'ADN soit répliqué avec précision avec comme modèle
l'ADN de la cellule mère. La replication est un processus au cours duquel l'ADN est copié par
appariement de bases complémentaires à la chaîne originelle. Cette replication nécessite
évidemmment la reconnaissance de chaque nucléotide de l'ADN par un nucléotide non polymérisé,
et donc que les deux brins de l'hélice soient séparés de façon à ce que les groupes donneurs et
accepteurs de liaison hydrogène soient accessibles pour l'appartement. Dès 1956, on a pu montrer
que l'ADN polymérase, un complexe multienzymatique, était responsable de la polymérisation de
groupements déoxyribonucléosides triphosphates. Puisque chacune des cellules filles hérite d'une
208
hélice formée d'un brin de l'ADN originel lié à une des copies faite par l'ADN polymérase, la
replication est dite semi-conservative [2].
Des analyses par autoradiographie après marquage à la thymidine tritiée, ont montré qu'une
zone de replication se présente sous la forme d'une fourche de replication se déplaçant le long de la
double hélice, séparée sous forme d'un Y (fig. 8.4).
enzymes de replication
î
L'ADN polymérase ne peut fonctionner que dans le sens 5'-3' alors que les deux chaînes
originelles sont antiparallèles. Deux copies de l'enzyme sont donc nécessaires au niveau de la
fourche, l'une sur la chaîne dite précoce et l'autre sur la chaîne dite tardive. L'ADN polymérase
agit de façon continue dans le sens 5'-3' pour l'une des chaînes d'ADN fille qui est donc dupliquée
plus rapidement, ce qui justifie son appellation de précoce. Au contraire la replication se fait par
fragments (les fragments d'Okazaki) sur la chaîne tardive, par retours arrières. L'hélice d'ADN est
ouverte sur la chaîne précoce par une enzyme présente également dans l'ADN polymérase, associée
avec une ADN hélicase qui se déplace le long de la chaîne tardive. Des protéines de déstabilisation
de l'hélice (single strand DNA binding proteins ou SSB) se lient de façon coopérative aux chaînes
d'ADN sans recouvrir les bases. Elles ne sont pas capables d'ouvrir directement les hélices d'ADN,
mais elles aident l'ADN hélicase à exposer les chaînes au niveau de la fourche de replication en
stabilisant la conformation monocaténaire non enroulée. En tète de chaque fragment d'Okazaki, la
molécule d'ADFN polymérase delta utilise une courte amorce d'ARN copiée par une ARN
primase. L'ADN hélicase et la primase sont associées pour former un primosome. Enfin, à l'issue
de la replication des fragments, une nucléase dégrade l'amorce d'ARN et une ligase relie les
fragments entre eux.
209
Faisant également partie de l'ADN polymérase, deux autres systèmes enzymatiques autorisent
la correction immédiate des erreurs de replication et des mésappariements.
Comme chez les bactéries, les fourches de replication fonctionnent par paire et constituent
une bulle de replication. Elles progressent dans des directions opposées à partir d'une origine
commune, et s'arrêtent en rencontrant une autre fourche de replication progressant en sens inverse.
Il ne peut y avoir en principe qu'une bulle de replication par boucle de chromatine. Les
bulles de replication progressent à environ 500 nucléotides à la seconde chez les bactéries et 50
nucléotides à la seconde chez les eucaryotes. Elles seraient activées par groupes autour de 20 à 80
origines simultanément, les unités de replication. Ainsi, de nouvelles unités de replication sont
successivement mises en place pendant toute la phase de synthèse (phase S), jusqu'à ce que l'ADN
ait été entièrement répliqué. Dans une unité de replication, l'intervalle qui sépare deux origines est
compris entre 30000 et 300000 paires de nucléotides.
Toutes les origines de replication ne sont pas activées simultanément. La chromatine très
condensée, dont fait partie l'hétérochromatine, se réplique tardivement au cours de la phase S. Les
gènes de la chromatide active se répliqueraient plutôt au début de la phase S, mais il faut distinguer
selon le type de gène impliqué. Les gènes " domestiques ", c'est à dire codant des fonctions
communes à l'ensemble des cellules seraient effectivement dupliqués au début de la phase S. Les
gènes codant pour l'activité spécifique du type cellulaire considéré seraient également dupliqués très
tôt dans la phase S, alors qu'ils seraient traités plus tardivement dans d'autres types cellulaires.
Bien que le concept établi par HOWARD ET PELC en 1951 [4] s'avère de plus en plus
arbitraire, le cycle cellulaire est classiquement séparé en 4 phases: Gl, S, G2 et M. Gl est la phase
préparant les cellules à la replication (G signifie gap en anglo-saxon, c'est à dire intervalle), S la
phase de replication du matériel génétique, G2 la phase préparant les cellules à la division et M
cette division comportant mitose et cytodiérèse. Chaque phase est caractérisée par le déroulement
de certains processus biochimiques, aboutissant à la duplication de la presque totalité des
constituants cellulaires. La synthèse de la grande majorité de ces constituants s'effectue en continu
pendant l'interphase (Gl, S et G2), alors que la duplication de l'ADN, des histones et d'autres
protéines ou enzymes impliquées dans la replication de l'ADN se concentre dans la phase S.
In vivo, la durée du cycle est variable selon le type cellulaire, l'état physiologique des
cellules, le rythme circadien. In vitro, la durée du cycle est également variable, en fonction de
l'environnement nutritif, du vieillissement, de la température et des traitements expérimentaux. Elle
est généralement de 24 heures pour les cellules de mammifères, avec des valeurs moyennes de 11,
8, 4 et 1 heures respectivement pour les phases G l , S, G2 et M. Les phases G2 et M, considérées
comme déterminantes dans la division sont de durée généralement constante. La phase Gl, au
contraire, a une durée variable, qui dépend de nombreux facteurs cellulaires et externes.
210
Deux types d'activité caractérisent le cycle de division cellulaire:
Pour une lignée cellulaire à croissance continue placée dans un environnement favorable, les
cellules parcourent les différentes phases du cycle de manière asynchrone, c'est à dire sans ordre
précis. C'est la prolifération. Exemple: les différentes lignées cellulaires intervenant dans
l'hématopoïese
Cependant, les cellules peuvent être amenées à quitter ce cycle, soit par:
- differentiation, lorsque les cellules s'arrêtent après un certain nombre de divisions, en atteignant
un état mature. Ex: le lymphocyte.
- quiescence, lorsque l'environnement n'apparaît plus propice à une croissance en continue
(fig. 8.5)
c <r .
\ s©
—^
yfa
Gi< »
FIG. 8.5. Schéma de principe du cycle cellulaire, rassemblant toutes les étapes que peut rencontrer
une cellule entrant ou quittant le cycle (d'après [4]).
8.1.6.1. Prolifération
La phase Gl peut être décomposée en G1A et GIB. G1A regroupe la majorité des cellules
post-mitotiques dont le taux en ARN et en protéines est nettement inférieur à celui présent dans les
cellules en phase S. Le métabolisme cellulaire consistera alors seulement à accumuler des
composants cellulaires (ARN, protéines, .) jusqu'à un niveau seuil. Au contraire, la phase G1B
contient des cellules dont le taux en ARN et en protéines est presque le même que celui des cellules
entrées dans la phase S.
211
En phase G2, un autre signal cytoplasmique retarde la mitose jusqu'au moment où l'ADN est
totalement dupliqué. Ainsi, lorsque l'ADN est irradié en phase G2, la mitose ne pourra se
déclencher que lorsque les lésions de l'ADN auront été réparées. De plus, la phase G2 semble être
la période préparatoire à la production d'un " facteur promoteur de la phase M " (MPF). Le
contenu en protéines nucléaires permet de distinguer entre les phases G2 précoces (G2A) et tardives
(G2B).
Le modèle classique fait parcourir à la cellule toutes les phases du cycle selon la séquence
G1A, G1B, S, G2 et M. Une certaine hétérogénéité peut cependant exister entre les cellules-filles
après division. Aussi, un autre modèle prenant en compte cette hétérogénéité, suggère qu'après
division, les cellules filles aboutiraient en phase G1A ou G1B selon leur taux en constituants
cellulaires. Le passage transitoire de G1A vers GIB aurait pour but de permettre aux cellules ayant
les plus faibles taux de constituants de réduire cette hétérogénéité.
8.1.6.2. Quiescence
La quiescence est une sortie du cycle principalement observée en phase G l , (G1Q) au niveau
du point de restriction, mais ce n'est pas une obligation. Ainsi, on peut observer des phases de
quiescence au cours de la phase S (SQ) et de la phase G2 (G2Q). Une caractéristique générale est
un taux d'ADN conforme à la phase du cycle concernée, mais un taux d'ARN et de protéines très
inférieurs à celui attendu.
8.1.6.3. Arrêt
Le large spectre des dommages à l'ADN dus aux rayonnements ionisants est la conséquence
finale de phénomènes physiques et physico-chimiques, chimiques et biologiques, se produisant sur
deux cibles principales (fig.8.6):
212
EFFET
DIRECT
FIG. 8. 6. A gauche, vue dans l'espace du trajet d'un rayonnement X ou gamma frappant une
double hélice d'ADN et la colonne d'eau de quelques nanometres d'épaisseur l'entourant
(d'après [1]). A droite, représentation schématique des effets directs et indirects de ce rayonnement,
aboutissant à la formation de ruptures simple brin sur l'ADN (d'après [5]).
Ces dommages peuvent être succintement classés en lésions simple brin, lésions doubles brins
et altérations des bases. Cette dernière catégorie couvre une multitude de différents dommages, qui
commencent seulement à être compris (fig. 8.7).
Une lésion simple brin est une rupture de la liaison désoxyribose-base ou encore phosphate-
désoxyribose au niveau d'une seule chaîne de l'ADN. Il y aurait alors décollement partiel du brin
lésé sur quelques nucléotides [5].
Une lésion double brin est la dégradation séparée des deux chaînes de l'ADN, à une distance
ne dépassant pas quelques nucléotides. Elle peut être produite soit par la même particule d'énergie
suffisante pour créer les deux lésions successivement, soit par deux particules passant l'une après
l'autre dans un délai suffisamment court pour que la deuxième lésion se produise avant que la
première ait été réparée.
La dégradation des bases risque de créer une distorsion de la structure native de l'ADN.
L'extension de cette distorsion, ainsi que les probabilités de réparation enzymatique de l'ADN,
dépendront aussi de la nature et de la séquences des bases dans laquelle cette lésion est localisée.
Les bases pyrimidiques sont généralement plus sensibles que les bases puriques. De
nombreux dérivés de la thymine peuvent être produits, après attaque de l'anneau de la base en
position 5 et 6 par un radical hydroxyl (fig. 8.7) [6].
213
<fAON (
HC
r-
H -.
FIG. 8.7. A gauche, vue synthétique des principales lésions de l'ADNsusceptibles d'être induites
par les rayonnements ionisants. Les lésions simple brin pourraient se faire préférentiellement par
rupture du désoxyribose en position 3' et 5' (à droite, en haut). Les dommages aux bases
affecteraient particulièrement l'anneau de la thymine en position 5 et 6 (à droite, en bas)
(d'après flj).
Les sites apuriques ou apyrimidiques, c'est à dire sans le noyau de la base correspondante,
sont des formes courantes de dommage à l'ADN. Ils sont le résultat d'une dépurination par
hydrolyse spontanée, estimée à un taux de 104 dépurinations par cellule par jour. L'irradiation
accroît sensiblement ce phénomène. En situation normale, 29 différents résidus peuvent être
dénombrés provenant de bases et de sucres, mais il y a plus de 100 produits de dégradation issus de
l'action des rayonnements ionisants sur les bases de l'ADN. Du fait que la spécificité des chaînes
disparaît au niveau de ces sites , on peut observer des modifications de l'appariement des bases: G -
C donnant A - T est la mutation spontanée que l'on rencontre le plus souvent, mais aussi A - T
donnant T - A que l'on rencontre moins souvent [6].
Différentes sortes de pontages (cross links) ont également été mis en évidence: liaisons
covalentes au sein d'une même chaîne ou entre les deux brins de l'hélice; liaisons covalentes ADN-
protéines de liaison à l'ADN; formation de dimères entre deux bases adjacentes, principalement des
dimères de thymine.
Les progrès dans la compréhension de ces phénomènes ont été ralentis par le manque de
techniques de résolution suffisante pour étudier la formation des lésions double brin après de faibles
doses de rayonnement. Actuellement des techniques très performantes, telles que HPLC
(Chromatogaphie Liquide Haute Performance), RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) et
électrophorèse en champ puisé, permettent d'étudier les lésions des acides nucléiques à différents
niveaux.
214
La fréquence relative des principales lésions créées par les rayonnements ionisants, tous
effets confondus, est rassemblée dans le tableau 8.1.
TABLEAU 8.1. FREQUENCE RELATIVE DES PRINCIPALES LESIONS CREEES PAR LES
RAYONNEMENTS IONISANTS (D'APRES [7]).
Le nombre de lésions simple brin croît linéairement avec la dose dans une gamme très vaste
de dose (0,2 à 60000 Gy) [5].
L'induction des lésions double brin dans les noyaux a été trouvée linéaire avec la dose à tous
les Transferts Linéiques d'Energie (TEL) étudiés, quelle que soit la technique analytique utilisée
[8]. Par ailleurs, des différences qualitatives et quantitatives dans la formation des lésions doubles
brins existent comme le TEL augmente (par exemple entre rayons gamma et neutrons de fission).
Ceci serait expliqué par la diminution de la capacité de la cellule à réparer des cassures, que ce soit
en condition d'aérobie ou d'anoxie, au fur et à mesure que le TEL augmente. De plus, pour des
doses moyennes et élevées, il semble que la quantité de doubles lésions formées serait pratiquement
indépendante de la position de la cellule dans le cycle [15],
Il est vraisemblable que la coupure franche des deux chaînes ne soit pas le seul phénomène
responsable de la formation de lésions double brin. En effet, on sait que les systèmes de réparation
de l'ADN sont très sensibles à l'état de la chaîne autour de n'importe quelle lésion. Un simple
dommage aux bases mal réparé pourrait aussi se transformer en cassure [9].
Les dommages directs aux bases résultent de la migration de charges, soit une perte
d'électrons (G° + pour la guanine), soit un gain d'électrons (C°~, T°~ pour la cytosine et la thymine
respectivement). La destruction de bases due aux effets indirects résulterait là encore du transfert de
charges provoqué par l'ionisation des 12 à 15 molécules d'eau de la couche d'hydratation la plus
proche des nucléotides et par l'action des radicaux hydroxyl générés, dans la couche d'eau
extérieure, plus lâchement liée. Par conséquent, cette eau influence fortement la répartition totale
des charges, la distance des dommages possibles depuis le site initial de dépôt d'énergie, et les
produits de dégradation en résultant. L'efficacité de l'oxygène et d'autres radiosensibilisateurs
semble diminuer lorsque le TEL augmente, par exemple pour les neutrons de fission. Ceci suggère
que, malgré l'augmentation du transfert d'électrons dans les lésions, ce transfert devient moins
important en rapport, que les lésions directes de l'ADN [6].
215
8.3. REPARATIONS DE L'ADN
Le mécanisme de base de la réparation de l'ADN implique trois étapes (fig. 8.8) [2]:
- la partie modifiée d'une chaîne d'ADN est reconnue et éliminée par des enzymes de réparation
de l'ADN appelées endonucléases, qui hydrolysent les liaisons phosphodiesters qui unissent les
nucléotides endommagés au reste de la molécule, laissant une brèche dans l'ADN. C'est
l'excision.
- une autre enzyme, l'ADN polymérase, se fixe à l'extrémité 3'- OH de la chaîne d'ADN coupée
et comble la brèche nucléotide après nucléotide en reconstituant l'information originale à partir
de la chaîne non modifiée. C'est la resynthèse.
- la coupure laissée dans la chaîne endommagée lorsque l'ADN polymérase a comblé la brèche est
soudée par une troisième enzyme, l'ADN ligase, qui complète le processus de reconstruction.
Bases Cytosine et Adénine désaminées, bases alkylées, bases avec cycles ouverts, bases dans
lesquelles une double liaison carbone - carbone a été accidentellement convertie en une simple
liaison carbone - carbone: un mécanisme de réparation voisin met en oeuvre différentes enzymes
de la famille des ADN glycosylases, qui reconnaissent chacune un seul type de base d'ADN
modifié et catalyse son élimination par hydrolyse [2] [8].
216
Par ailleurs, les cellules ont un mécanisme particulier de réparation des lésions volumineuses,
capable d'éliminer pratiquement n'importe quel type de lésion de l'ADN responsable d'un
changement important dans la double hélice. Les lésions concernées peuvent être:
Dans ces cas-là, un important complexe enzymatique parcourt l'ADN afin de trouver une
distorsion dans la double hélice plutôt qu'un changement de base particulier. Le squelette
phosphodiester du brin anormal est coupé des deux côtés de la distorsion et la portion entière de la
lésion reconstituée, suivant le mécanisme d'excision-resynthèse.
Si le dommage se produit sur une cellule en phase S, un autre mécanisme de réparation peut
entrer en jeu, appelé recombinaison post-réplicative. Ce mécanisme, montré chez les bactéries, est
hypothétique chez les mammifères (fig. 8.9). L'ADN-polymérase ne peut dupliquer une structure
endommagée et donc va laisser une brèche sur I'hélice-fille. Un échange se produit alors entre cette
brèche et la partie intacte correspondante de l'hélice-mère. Puis cette nouvelle brèche est comblée
par l'ADN polymérase qui prend comme modèle l'autre portion intacte de I'hélice-fille. Un
processus similaire, quoique plus complexe, pourrait être à l'origine de la réparation des lésions
double brin chez les bactéries et les eucaryotes. Il reste cependant vraisemblable que si la lésion est
trop étendue, la réparation ne pourra être complète.
L'importance du processus de réparation de l'ADN dans la survie des cellules a fait que se
sont développés des mécanismes leur permettant de synthétiser des enzymes de réparation en
réponse d'urgence à d'importantes lésions de l'ADN. Ce système, dit réponse S.O.S., a pu être
montré chez E. Coli, et son existence est soupçonnée chez les eucaryotes (fig. 8.9). Tout blocage
de la replication de l'ADN, dû à une lésion de la chaîne, se traduit par la libération d'une protéine,
RecA, qui favorise la transcription de plus de 15 gènes différents codant des protéines jouant un
rôle dans la réponse SOS. Comme on peut s'y attendre, l'augmentation du taux de réparation de
l'ADN augmente la survie cellulaire. D'autre part, les réparations étant moins fidèles, elles élèvent
le taux de mutation, mais aussi la probabilité d'apparition d'une cellule mutante mieux adaptée.
Maladie autosomale récessive, touchant également les deux sexes. Elle se caractérise par un
érythème intense des zones de peau découvertes accompagné de télangectasies (dilatations des
capillaires), de dégénérescence muqueuse, d'un retard mental et d'une prédisposition au cancer.
Dans la majorité des cas, le décès survient avant l'âge adulte, le pronostic étant lié à l'évolution
tumorale.
Les cellules semblent montrer une sensibilité normale aux rayonnements ionisants, mais une
sensibilité accrue aux U.V. Une altération du système d'excision-resynthèse a pu ainsi être mise en
évidence, au niveau de l'endonucléase, ce qui se traduit par la non-réparation des dimères
pyrimidiques. Par contre, les trois enzymes intervenant après l'endonucléase dans le système
d'excision-resynthèse fonctionnent normalement, ce qui explique la réparation normale des ruptures
de chaînes dues aux rayons X, par exemple.
217
Ltfem
t
A
= = = = = 3
CrtMindibnkhM
• - i I .= 3
V
A
= Con*lmmd«brfc*ai
pvrAON-potvméraa
= IcocMduMnfiktaian)
Une plus grande sensibilité aux rayonnements ionisants, aux U.V. et à certains produits
chimiques a été mise en évidence. L'étude des chromosomes a montré que les lésions provoquées à
n'importe quel moment du cycle ont pour conséquence un taux maximal d'aberrations
chromosomiques, donc sans réparation apparente.
Maladie de type autosomal récessif principalement, avec de rares cas dominants. Elle se
caractérise principalement par une ataxie cérébelleuse (désorganisation de certains mouvements
volontaires), de télangiectasies (dilatation des capillaires) surtout oculaires, d'infections respiratoires
et une prédisposition aux lymphopathies chroniques.
Les patients atteints de cette maladie sont 2 à 3 fois plus sensibles aux rayonnements ionisants
que les sujets normaux, avec une augmentation de la radiosensibilité de toutes les lignées
cellulaires. Alors qu'un défaut de réparation de l'ADN n'a pu être mis en évidence que sur certains
types cellulaires, toutes les cellules présentent:
218
- une synthèse d'ADN anormalement faible en phase S du cycle cellulaire;
- une phase prémitotique (G2) réduite.
Ces deux facteurs conjugués pourraient expliquer une diminution de la réparation des lésions
de l'ADN conduisant à un plus grand pourcentage de mort cellulaire.
L'effet des rayonnements ionisants au niveau de la double hélice d'ADN se définit sous
forme de lésions primaires. Les zones lésées vont être la plupart du temps restaurées, redonnant un
chromosome apparemment normal. Un échec de restauration peut cependant apparaître. D'autres
fois, se produira un remaniement intra- ou inter-chromosomique. Ce remaniement aura un aspect
dépendant du nombre de lésions primaires en cause, de leur situation, de la cinétique de réparation
et de l'organisation du génome à l'intérieur du noyau [10] [11].
Les deletions terminales se présentent comme des paires de fragments de chromatides sans
centromere.
Les fragments interstitiels apparaissant comme de petites sphères sont classées comme
"minutes". Les deletions intersitielles pius importantes, en forme d'anneaux sans centromere, sont
appelées anneaux acentriques. Les fragments accompagnant les échanges chromosomiques ne sont
pas classés dans les deletions.
FIG. 8. 10. Formation des anomalies de type chromosomique. Les dicentriques et anneaux
centriques sont considérés comme des anomalies "instables ", par rapport aux translocations et
inversions, considérées comme des anomalies "stables" (d'après [11]).
219
8.4.1.2. Echanges interchromosomiques
Si un seul centromere est impliqué dans un remaniement entre deux chromosomes, l'aspect
final du chromosome est peu différent de celui d'un chromosome normal et l'on a une translocation
réciproque. Dicentrique et translocation réciproque sont considérés comme ayant la même
fréquence de formation dans les cellules irradiées [12]. Cependant, pour être observable, cette
dernière anomalie nécessite une coloration spéciale, longue à mettre en oeuvre.
Les deux types d'inversion décrites ci-dessous se rencontrent avec la même fréquence
théorique que les anneaux centriques. Ils peuvent être dénombrés avec une coloration spécifique.
Les aberrations chromatidiques sont généralement classées de la même manière que les
aberrations chromosomiques. Elles en diffèrent par le fait que seul un brin de chromatide est pris en
compte dans la deletion ou le remaniement, puisqu'il n'y a pas duplication (fig. 8.11).
Les lésions simple brin ne semblent pas à l'origine d'aberrations chromosomiques, puisque
90% de ces lésions sont réparées en moins d'une heure, même pour de très fortes doses. De
nombreux travaux ont montré la part importante que prennent la non-réparation, la mauvaise
réparation ou la mauvaise replication des lésions double brin dans l'apparition des aberrations. Sans
réparation de la cassure, on aboutit après duplication à un double fragment. S'il y a réparation, il
peut y avoir échange de chromatides du même chromosome, ou d'un autre (ou plusieurs autres) en
fonction de leur positionnement relatif dans le noyau interphasique. Cet échange pourrait également
se produire par replication au cours de la phase S.
220
Il y a certainement d'autres manières de produire une cassure double de l'ADN. Parmi celles-
ci, la part prise par la non-réparation ou la mauvaise réparation des altérations des bases semble
devoir être réévaluée [9]. Elle nécessite l'interaction de bases endommagées dont les réparations
coïncideraient dans le temps et suffisamment proches l'une de l'autre au moment de la réparation,
pour qu'il y ait interaction.
Il- II
H 11 Deletion
Dicentrique
TYPE CHROMOSOMIQUE
a
TYPE CHROMATIDIQUE
Anneau centrique
FIG. 8. 11. Correspondance entre la formation des anomalies de type chromosomique et les
anomalies de type chromatidique (d'après [10]). Abréviations: AF=fragment acentrique;
C= centromere.
La proportion relative de ces différents types de lésions primaires dans la formation des
aberrations chromosomiques peut diverger en fonction de la qualité du rayonnement, et en
particulier de son TEL. Ainsi, pour les neutrons de fission, la plus grande part des aberrations
serait due aux doubles lésions. Au contraire, pour des rayonnements de plus faible TEL, tels que
les rayons X ou gamma, les dommages des bases deviendraient une importante composante des
aberrations chromosomiques [9].
Y = c + aD + bD' [12]
avec
221
On a tenté de relier l'approche mathématique de la courbe à une explication
physiopathologique de la formation des aberrations chromosomiques. La composante linéaire serait
due à la formation des aberrations par mauvaise réparation des doubles lésions. La composante
quadratique, quant à elle, serait le reflet de l'évolution conjointe de deux dommages différents: une
fraction linéaire, les double lésions; une fraction quadratique, les dommages des bases de
l'ADN [9].
Dans le sang circulant, les lymphocytes sont les seules cellules matures susceptibles de se
diviser. Cependant, à l'état normal, elles sont quasiment toutes dans un état quiescent, c'est-à-dire
que les anomalies chromosomiques qui ont été induites par une exposition aux rayonnements
resteront latentes tant que ces cellules ne rentreront pas en division. Par contre, les anomalies
chromosomiques peuvent être dénombrées en mettant ces cellules en division et en les observant
lors de leur première métaphase (fig. 8.12).
222
8.4.3.2. Validité de la méthode
« toe*»''
os-
FIG. 8.13. Courbes de référence reliant la dose à la fréquence de dicentriques par cellule, pour
différentes qualités de rayonnement et différents débits de dose. Ces courbes sont
obtenues sur des lymphocytes, après irradiation in vitro d'échantillons sanguins
(d'après [11]).
223
Un individu peut également être soumis à une irradiation continue durant plusieurs minutes à
plusieurs heures, parfois entrecoupée par des périodes - généralement plus longues - où la personne
n'est plus soumise aux rayonnements. L'expérience montre que la dose évaluée à partir du nombre
d'anomalies chromosomiques dans de tels cas est plus faible que celle qui serait obtenue si l'on
faisait la simple sommation des doses réellement reçues. Ceci résulte des mécanismes de réparation
des lésions de l'ADN qui agissent simultanément avec l'irradiation. Un exemple classique est
l'irradiation thérapeutique, où un patient peut recevoir une dose globale homogène théoriquement
létale dès lors que celle-ci est fractionnée ou étalée dans le temps.
Pour une irradiation autre que globale et homogène, la relation dose-effet ne donne qu'un
estimatif de dose répartie sur l'ensemble du corps. Des méthodes d'analyse complémentaires
(fonction "G", fonction "Qdr",) qui s'appuient sur des hypothèses physiologiques et des modèles
mathématiques, peuvent être utilisées pour tenter d'extrapoler une dose, mais les résultats restent
malheureusement approximatifs [12].
Les rayonnements ionisants ont deux points d'impact essentiels sur leur trajet dans la cellule:
la membrane cytoplasmique et l'ADN contenu dans le noyau et support de l'information génétique.
On ne peut ignorer les dommages créés par les rayonnements ionisants sur cette structure
hautement organisée et dynamique qu'est la membrane plasmique, et particulièrement sur les lipides
au travers de la péroxydation, phénomène de dégradation moléculaire auto-entretenu. Cette
dégradation peut être étendue aux protéines et aux fonctions enzymatiques essentielles de la cellule
qu'elles sous-tendent. A terme, si ce rôle de barrière et d'échange contrôlé qui est dévolu à la
membrane est supprimé, la mort cellulaire par nécrose est inéluctable.
Cependant, un certain nombre d'expériences ont montré que pour obtenir le même effet sur
la survie cellulaire, la dose imposée à la membrane doit être 100 fois supérieure à celle à l'ADN.
De plus, le rapport entre survie cellulaire et dose serait inversement proportionnel à la quantité
d'ADN présent dans le noyau, du virus aux mammifères [5].
Les altérations les plus probablement responsables de la létalité cellulaire sont les ruptures
double brin, ou certains types de ruptures double brin, parce que les cellules ayant une résistance
normale aux rayonnements ionisants semblent capables de réparer efficacement d'autres formes
d'altérations. Sous des conditions aérobies, le rapport entre les lésions double brin et le TEL pour
des cellules normalement radiorésistantes serait comparable au rapport existant entre le TEL et la
létalité cellulaire [8][15]. Ces lésions peuvent être divisées en deux grandes classes, selon qu'il n'y
a pas réparation (cassures) ou qu'il y a mauvaise réparation (échange) entre les brins de chromatide.
Des changements dans le rapport cassures sur échanges sont représentatifs des difficultés croissantes
de la cellule à réparer, car les échanges sont probablement les produits du hasard [8].
D'un autre côté, si l'on admet une relation linéaire entre le taux de double lésion et la
quantité d'énergie déposée, la courbe de survie des cellules correspondantes devrait être une simple
exponentielle dans le cas (hypothétique) de non-réparation. On montre, pour les mêmes cellules et
dans les mêmes conditions expérimentales, que les courbes de survie gardent une forme linéaire-
quadratique [8]. Ceci suggère que les lésions ne seraient pas directement létales. Elles seraient
réparées ultérieurement, ou les lésions non réparées n'induiraient pas immédiatement la mort
cellulaire. Comme explications possibles de ce phénomène, on peut avancer que 90% du génome
humain ne semble pas correspondre à des gènes actifs; que de nombreuses informations présentes
sur l'ADN ne sont pas vitales, que la même information étant conservée sur plusieurs
chromosomes, il y a possibilité pour la cellule de recouvrer tout ou partie de cette information [5].
224
Un modèle intéressant ce qui précède est celui du devenir des lymphocytes contenant une
aberration de type dicentrique. L'expérience montre effectivement la disparition de 50% des
dicentriques après la première division cellulaire. Lors de la métaphase, au moment de la séparation
des chromosomes dupliqués (anaphase, télophase), les deux centromeres peuvent partir du même
côté du fuseau achromatique, vers la même cellule-fille, ou être tirés de part et d'autre, bloquant la
division cellulaire. Une part de la disparition des dicentriques est donc liée à la mort de cellules ne
pouvant se diviser [10].
REFERENCES
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Merdignac G., Ratinaud M.-H. Eds, Medsi / McGraw Hill, Paris, p.78-87 (1988).
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[8] LETT, J.T. Damage to cellular DNA from paniculate radiations, the efficiency of its
processing and the radiosensitivity of mammalian cells. Radiât. Environ. Biophys. (Radiation
and Environmental Biophysics), 31, 257-277 (1992).
[9] PRESTON, R.J. Biological dosimetry: mechanistic concepts, in I reunion international sobre
dosimetria biologica, LISSE, Madrid, p.21-34 (1990).
[10] BENDER, M.A., AWA, A.A., BROOKS, A.L., EVANS, H.J., GROER, P., LlTTLEFIELD, L.G.,
PEREIRA, C , PRESTON, R.J., WACHHOLZ, B.W. Current status of cytogenetic procedures to
detect and quantify previous exposures to radiation, Mutation. Res. (Mutation Research),
196, 103-159 (1988).
[II] DOLOY, M.-T. Dosimétrie basée sur le dénombrement des anomalies chromosomiques
contenues dans les lymphocytes sanguins, Radioprotection, 26, suppl. n°l, 171-184 (1991).
225
[13] EDWARDS, A.A. Dosimetric and statistical aspects of cytogenetics, in I reunion international
sobre dosimetria biologica, LISSE Ed., Madrid, p.76-85 (1990).
[14] LLOYD , D.C. Biological dosimetry by cytogenetic methods, in I reunion international sobre
dosimetria biologica, LISSE, Madrid, p.60-73 (1990).
[15] WARD, J.F. DNA damage and repair. In Physical and chemical mechanisms in molecular
radiation biology, Glass W.A. and Vanna M.N. Eds, Plenum Press, New York, p.403-421
(1991).
226
CHAPITRE 9. EFFETS BIOLOGIQUES DES RAYONNEMENTS IONISANTS AU
NIVEAU CELLULAIRE
G. Lemaire
9.1. HISTORIQUE
Dès leur découverte à la fin du dix-neuvième siècle, on s'est aperçu rapidement des effets
néfastes des rayonnements ionisants au plan des individus, d'autant plus rapidement d'ailleurs que
l'on ne prenait, à cette époque, par ignorance, aucune précaution lors de leur utilisation.
Les premières lésions, cutanées, ont été décrites en 1896 par Leppin, Daniel et Stevens [1].
Cette même année verra la mise en évidence du premier radiocancer de la peau. Il faudra
alors attendre 1910 pour que P. Marie obtienne des radiocancers chez l'animal et 1966 pour que
Borek et Sachs transforment par irradiation "in vitro" des cellules en culture. Les radiobiologistes
qui travaillaient jusqu'ici sur des cellules procaryotes peuvent désormais étudier les cellules
eucaryotes dont les méthodes de culture se développent alors très vite.
9.2. INTRODUCTION
Nous savons que les processus d'ionisation et d'excitation transforment les atomes et les
molécules. Dans les cellules, quelques uns des changements initiaux peuvent avoir des
conséquences plus ou moins lointaines. Si les lésions créées au sein des cellules ne sont pas réparées
elles peuvent les empêcher de se diviser ou de se reproduire, elles peuvent aussi "transformer" la
cellule en lui conférant des aptitudes qu'elle n'avait pas jusqu'ici.
Nous nous bornerons ici à traiter de la survie cellulaire au sens radiobiologique du terme,
c'est à dire de la capacité des cellules à créer des clones (Colony Forming Units).
Tout le monde s'accorde à penser de nos jours que les lésions cellulaires sont à la base de la
radiopathologie prise au sens large du terme [3].
En effet si la fonction de la plupart des organes ou tissus des mammifères n'est pas affectée
par la perte d'une petite quantité de cellules, il n'en est pas de même quand les pertes sont
importantes et affectent le caractère fonctionnel de tel ou tel tissu. On conçoit dans ces conditions la
notion de seuil d'action pour les effets somatiques dus à la mortalité cellulaire et le fait que, pour
ces effets que l'on dénomme "déterministes", la gravité soit fonction de la dose.
227
9.3. ABSORPTION DES RAYONNEMENTS AU NIVEAU CELLULAIRE
Elles sont totalement étrangères à l'irradiation elle-même qui n'intervient que dans les deux
premières phases. L'ensemble de ces réactions est souvent dénommé "dark reactions" par les anglo-
saxons, car il n'y a plus d'apport énergétique. En fait ceci est un tableau "idyllique" de la
radiobiologie des phénomènes rapides car presque toujours l'exposition n'est pas suffisamment
aiguë pour que la dose soit délivrée en un seul puise extrêmement bref et bien souvent les réactions
biochimiques s'amorcent alors que l'exposition continue.
C'est bien sûr toujours le cas en exposition chronique comme le montre bien le tableau 9.1
qui donne quelques ordres de grandeur des temps nécessaires à certaines réactions physiologiques
qui ont lieu au sein de la cellule.
Néanmoins ces réactions sont, quant à elles, sensibles aux conditions de température et de
pression. Elles perdurent quelquefois plusieurs années voire plusieurs décennies.
Tous les êtres vivants sont constitués de cellules, entourées par une membrane et remplies
d'une solution aqueuse concentrée de substances chimiques.
Les formes de vie les plus simples sont des cellules isolées qui se propagent en se divisant en
deux (cellules procaryotes). Les organismes supérieurs (cellules eucaryotes: fig. 9.1 d'après [5]),
comme nous mêmes, sont semblables à des usines dans lesquelles des groupes de cellules
remplissent des fonctions spécialisées et sont reliés par des systèmes de communication complexes.
228
CELLULE ANIMALE CELLULE VÉGÉTALE d"mcafcJadav«gatala«Énat*
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LYSOSOMES PEROXYSOMES
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• •ruymai
0.2-0.5 *n
F/G. 9./. Cellule eucaryote: principaux organites d'après Biologie Moléculaire de la cellule
(Bruce Alberts)
229
TABLEAU 9.1. VITESSE DE QUELQUES PROCESSUS BIOLOGIQUES.
Les cellules eucaryotes contiennent beaucoup plus d'information génétique que les cellules
procaryotes. Une cellule humaine par exemple contient mille fois plus d'ADN que E. Coli et
100.000 fois plus que le phage Lambda.
Une autre différence importante entre cellules procaryotes et cellules eucaryotes vient du fait
que l'ADN des organismes supérieurs est associé à des protéines basiques appelées histories. Ces
protéines basiques servent à rendre l'ADN plus compact de sorte que des longueurs d'ADN de
plusieurs centimètres puissent être contenues dans quelques micromètres.
Une autre différence majeure provient du fait que les chromosomes des eucaryotes sont
limités par une membrane nucléaire qui n'existe pas chez les procaryotes. Une conséquence
importante en est que la transcription et la traduction de l'information génétique sont séparées chez
les eucaryotes, dans l'espace et dans le temps, alors qu'elles sont étroitement associées et couplées
chez les procaryotes.
Ainsi, toutes les cellules des mammifères possèdent un noyau (sauf les érythrocytes) séparé
du cytoplasme par une membrane, sauf au moment de la division cellulaire.
Les cellules ont des mitochondries pour leur production d'énergie, des ribosomes pour
synthétiser les protéines, un appareil de Golgi actif dans les cellules à fonction sécrétoire, un
réticulum endoplasmique qui fabrique les sécrétions, des lysosomes qui représentent l'appareil
digestif de la cellule. Le tout est entouré par une membrane lipoprotéique qui l'isole du milieu
extérieur.
Quelques heures après une irradiation à des doses très élevées, de l'ordre de 10 Gy, on
observe l'arrêt de toute fonction cellulaire et la cytolyse: la membrane nucléaire se lyse et
s'estompe, la cellule devient pycnotique et meurt comme le montre la figure 9.2.
Aux doses moins élevées, les cellules, après irradiation, semblent normales tant d'un point de
vue morphologique que fonctionnel. Ce n'est qu'au moment de la mitose que s'exprimeront les
lésions quand la cellule n'aura pu les réparer à temps:
230
- la cellule augmente de volume mais ne parvient pas à se diviser. Elle n'est plus capable de créer
un clone c'est à dire 2n cellules au bout de n divisions cellulaires;
- la cellule parvient à se diviser mais finira au bout de quelques divisions au résultat précédent,
c'est la "mort différée" au sens radiobiologique du terme.
Lorsque la cellule a franchi six divisions cellulaires c'est-à-dire qu'elle a créé un clone de 64
cellules, (fig. 9.3), elle est considérée comme normale d'un point de vue de la survie, elle peut
toutefois être anormale au plan chromosomique et avoir franchi le premier stade de la
transformation cellulaire. Cette mort différée explique certains aspects singuliers des irradiations in
vivo des tumeurs ou des tissus sains avoisinants.
La mort cellulaire peut être accidentelle ou génétiquement programmée. D'un point de vue
formel, "la mort programmée" doit être considérée comme un mécanisme indispensable à la survie.
Il est en effet paradoxal de constater que la mort cellulaire est impliquée de manière étroite à
la naissance et au développement des cellules. Elle intervient au niveau des lignées germinales et
aux différentes phases du développement embryonnaire.
Elle exerce aussi une fonction de régulation, "d'homéostasie", en relation avec les capacités
de renouvellement des tissus et est peut-être un des paramètres fondamentaux dans le contrôle de la
dimension et de la forme des tissus, organes et organismes normaux.
Malgré les innombrables aspects et étapes que présentent les cellules au cours de leur "mort",
on peut, de manière grossière, classer cette évolution vers la létalité en deux grandes catégories:
Elle intervient généralement quand la cellule est confrontée à des circonstances très
différentes de ses conditions physiologiques habituelles.
- hypoxie;
- inhibition des phénomènes de phosphorylation;
- glycolyse;
- hyperthermie;
- toxines;
- fortes doses de rayonnement ionisant.
231
Le principal trait morphologique qui caractérise la nécrose est l'apparition d'un œdème
cytoplasmique, une dilatation du réticulum endoplasmique, un œdème mitochondrial et une
condensation de la chromatine en "petites mottes".
Il existe un "point de non retour" à ces lésions au delà duquel elles deviennent irréversibles.
La structure cellulaire est alors complètement anéantie.
L'ensemble des phénomènes accompagnant la nécrose est illustré sur la Figure 9.2.
NORMAL
REVERSIBLE CHANGES
- Disaggregated polysomes
Focal chromatin
margi nation
Mild mitochondria)
swelling
IRREVERSIBLE CHANGES
High amplitude
mitochondrial swelling
Mitochondrial matrix
densities
Progressive dilatation of
endoplasmic réticulum
Lysosomal rupture
Plasma membrane
rupture
Nuclear dissolution
Loss of recognisable
organelles
9.5.2.2. L'apoptose
Cette mort programmée intervient dans le turnover physiologique des tissus composés
de cellules dont la durée de vie est limitée. Elle existe aussi durant l'embryogenèse, la
métamorphose, et l'atrophie des tissus d'origine endocrinienne.
Le développement normal d'un organe ou d'un système s'effectue non par modelage mais par
sculpture: dans un premier temps, des cellules sont produites en très grand nombre, en excès; dans
un deuxième temps la plupart de ces cellules meurent en fonction de critères particuliers requis pour
l'élaboration définitive de l'organe ou du système en question.
232
Les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins y sont également sujettes ainsi que les
cellules tumorales qui voient augmenter le nombre des cellules en apoptose chaque fois qu'elles
dégénèrent.
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10.5 _
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11.2
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9.4
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16.4
1O.S
9.8
20.8
10.2 10.1
22.6
•cz —T
a) en l'absence d'irradiation, la cellule se divise pour donner naissance à un clone. On a indiqué chaque fois la longueur du
cycle, laquelle est voisine de 10 heures
b) après irradiation (dans l'exemple choisi: 8 Gy), les cellules sont tuées, c'est à dire ont perdu leur capacité de
prolifération. Dans certains cas (en bas), on observe la pycnose et la lyse cellulaire (*) dès la première mitose. Dans
d'autres cas (en haut), les cellules filles peuvent encore se diviser plusieurs fois avant de se lyser. Dans quelques cas, on
observe une fusion cellulaire avant leur désintégration (I)
Cer pedigrees ont été obtenus par microcinématographie. Par cette technique, la culture des cellules est observée au
microscope inverse; on suit plus particulièrement le devenir et la descendance de quelques cellules. Des
microphotographies sont prise à intervalle régulier (toutes les 4 minutes par exemple) et le film ainsi obtenu permet de
mesure la durée du cycle des cellules des différentes générations et l'apparition de pycnose.
233
Les caractères morphologiques de cette "mort programmée" sont résumés dans la figure 9.4.
A l'examen microscopique ces cellules ont un cytoplasme très "coloré". Les jonctions
intercellulaires sont rompues ainsi que les différentes structures des membranes. L'ensemble de la
cellule semble "se contracter" et se fragmente. Tous ces fragments seront généralement phagocytés
par les macrophages.
Phagocytosis by adjacent
Extrusion from epithelial cell or tissue
tissue surface macrophage
234
9.5.3. Mort cellulaire et radiobiologie
Dans l'étude de la Survie Cellulaire telle que l'ont entreprise les radiobiologistes, le critère
retenu pour juger de "la survie" est la capacité de la cellule à former après irradiation un clone,
c'est à dire sa capacité à se diviser au moins six fois. Dans ces conditions on dit que la cellule a
survécu et établir des relations Dose-Effet revient à compter sur une boite de pétri ou un milieu de
culture le nombre de clones apparus après dilution correcte évidemment.
Ce critère n'a aucun point commun avec le "caractère fonctionnel" de la cellule qui, si elle
n'est plus capable de se diviser, peut néanmoins demeurer apte à remplir ses fonctions. Les outils
modernes de la "Biologie Moléculaire" permettent désormais de sonder la fonctionnalité des cellules
en permettant l'identification rapide et quantitative des protéines qu'elles synthétisent normalement.
Les rayonnements directement ou indirectement ionisants peuvent induire une grande variété
de modifications au sein des cellules.
La nature exacte des lésions occasionnées par le dépôt initial d'énergie puis par les
modifications biochimiques qui en résultent n'est pas encore entièrement élucidée.
Bien que le noyau cellulaire soit considéré comme le site fragile de la cellule par les
radiobiologistes, Goldfeder [7] a montré, pour certains types de cellules, le rôle important joué par
les mitochondries dans la radiosensibilité cellulaire.
En irradiant des cellules tumorales épithéliales riches en mitochondries, elle a montré qu'elles
étaient plus radiorésistantes que les cellules en "fuseau" qui possèdent moins de mitochondries. La
radiosensibilité était déterminée "in vivo" dans ces expériences.
Elle a montré qu'une différence semblable existait entre les cellules musculaires du coeur,
riches en mitochondries et radiorésistantes et les lymphocytes très radiosensibles et pratiquement
dépourvus de mitochondries.
Goldfeder fait l'hypothèse du rôle actif des mitochondries dans les processus de réparation. Si
elles sont nombreuses, il y a davantage de chances pour que certaines ne soient pas altérées. Notons
au passage que les mitochondries possèdent de I'ADN maternel, exactement 16569 paires de bases
[8].
Quant au rôle de la membrane cellulaire dans ces agressions, il est encore mal connu.
Cependant on connaît l'action nocive des radicaux libres à leur niveau. La membrane cellulaire est
en effet constituée d'une double couche de phospholipides, molécules disposant d'un pôle
hydrophile et d'un pôle hydrophobe et constituées de deux chaînes d'acides gras polyinsaturés dont
les pôles hydrophobes se font face, les pôles hydrophiles délimitant ainsi les surfaces interne et
externe de la membrane. Au milieu de ces deux couches de phospholipides se nichent les protéines
qui assureront le transport des metabolites et la transmission des informations.
Ce sont les chaînes d'acides gras insaturés qui sont au niveau de leurs doubles liaisons
extrêmement sensibles à l'agression radicalaire.
235
Les expérimentations les plus significatives et les plus récentes dans ce domaine ont été
réalisées sur des thymocytes, cellules parmi les plus radiosensibles de l'organisme des mammifères
et de l'homme en particulier où elles meurent (apoptose) même après les schémas d'irradiation
fractionnée que les radiothérapeutes ont mis au point pour sauvegarder au mieux les tissus sains.
Au sein de la cellule, la membrane apparaît bien comme une cible puisqu'elle règle les flux
ioniques qui traversent la cellule dont l'équilibre est fondamental à la survie de celle-ci.
S'il existe donc des effets au niveau du cytoplasme et de la membrane cellulaire, il est
cependant généralement admis que l'ADN du noyau cellulaire est impliqué dans la plupart des
effets cellulaires majeurs. Le rôle du noyau en qualité de "cible" a été démontré il y a quelques
décennies par irradiation alpha du seul noyau ou du cytoplasme. Une dose de 250 Gy délivrée au
cytoplasme n'a pas d'effet sur la prolifération de la cellule alors qu'une dose de 1,5 Gy délivrée au
noyau empêche la division de 50% des cellules (expériences réalisées avec de très fines aiguilles sur
lesquelles était déposé du polonium).
Des expériences semblables ont été effectuées avec le tritium: eau tritiée (répartition
homogène dans toute la cellule) ou thymidine tritiée (précurseur de l'ADN du noyau). Elles ont
confirmé les résultats précédents.
Dans le noyau, l'ADN apparaît donc comme la "cible critique" qu'il faut atteindre pour
engendrer des effets létaux. Une des découvertes les plus frappantes de ces dernières années, au
sujet de cette molécule d'ADN, est la mise en évidence de sa flexibilité conformationnelle. L'ADN
n'est plus considéré aujourd'hui comme une molécule statique mais plutôt comme une structure
dynamique dans laquelle différentes conformations sont en équilibre les unes avec les autres. Un
grand nombre d'observations semblent mettre aujourd'hui en évidence le rôle du "DNA packaging"
dans la radiosensibilité intrinsèque des cellules.
Nous n'aborderons pas la nature des lésions mais leur devenir. Seules quelques unes de ces
lésions persisteront car la plupart d'entre elles seront réparées par les enzymes cellulaires en
quelques minutes pour plus de 85% d'entre elles, une plus faible fraction réparant beaucoup plus
lentement (une heure). Cette vitesse avec laquelle les cellules réparent ne doit pas nous étonner. Les
enzymes sont de redoutables catalyseurs. Le tableau 9.1 illustre les aspects cinétiques de quelques
réactions physiologiques.
L'étude des relations Dose-Effet peut donc être conduite sur chacun de ces effets.
236
Rappelons toutefois que les relations Dose-Nombre d'aberrations chromosomiques par cellule
sont à la base de la dosimétrie biologique. Essentiellement effectuée jusqu'ici sur les dicentriques et
les anneaux, elle évolue maintenant avec l'étude des translocations qui ont l'avantage de perdurer
plus longtemps après l'exposition. La méthode "FISH", Fluorescence et hybridation in situ, permet
de les mettre en évidence de manière relativement facile. Cette méthode a été appliquée récemment
à 36 survivants d'Hiroshima et montre une très bonne corrélation linéaire entre la dose et le nombre
de translocations [10].
Comme nous l'avons dit précédemment, les relations dose-effet au niveau cellulaire
auxquelles nous nous intéresserons ici seront celles qui ont trait à la perte de la capacité de
replication. Leur étude est indispensable à la compréhension des phénomènes ainsi qu'à
l'établissement d'hypothèses que l'expérimentation sera chargée de vérifier.
Les différentes formes que peuvent revêtir les relations dose-effet pour la survie cellulaire
sont représentées sur la figure 9.5 (d'après l'ICRU n°30)
- la survie exponentielle;
- la survie avec épaulement.
9.5.4.1. La survie exponentielle
Les points expérimentaux sont décrits par une fonction exponentielle dont l'équation est du
type S(D) = e" a D dont la représentation graphique en coordonnées semi-logarithmique fait l'objet
de la figure 9.6 : courbe A.
237
9.5.4.2. La survie avec épaulement
Les courbes B et C de la figure 9.6, plus complexes ne sont pas entièrement linéarisées par
une transformation semi-logarithmique. Les cellules les plus évoluées répondent généralement de
cette façon.
0,37
•
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-2
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\l \ \ 5
o
m
\ \ \ 5
X
- \ A B C
I
Ces courbes ont leur concavité tournée vers le bas. On dit qu'elles présentent un
"épaulement" (shoulder) pour reprendre la terminologie anglo-saxonne.
Elles sont plus ou moins bien décrites par le produit de deux exponentielles ou la théorie de
la cible par les effets polytopiques ou polytraumatiques.
II peut y avoir n types de cellules en présence ou celles-ci peuvent se trouver dans des phases
différentes de leur cycle quand elles ne sont pas synchrones. Dans ce cas le schéma se complique.
Prenons à titre d'exemple le cas simple de deux populations a (a) et b (8) pour lesquelles on
rapporte la survie à l'ensemble A + B . La courbe de survie pourrait alors être représentée par une
somme de deux fonctions exponentielles: S(D) = e" a D + e-6D
238
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Les premières courbes de survie cellulaire des cellules eucaryotes ont été obtenues par Puck
et Marcus en 1956 [11]. Elles ont été à l'origine de la radiobiologie cellulaire quantitative.
Applicable aux tumeurs animales et humaines et à quelques cellules saines comme les
fibroblastes.
Les cellules sont incubées avant et après irradiation par des techniques voisines de celles
utilisées en bactériologie. Les milieux de culture sont spécifiques.
On irradie la tumeur "in vivo", c'est à dire sur l'animal vivant, puis on teste la viabilité des
cellules après avoir préparé une suspension de ces cellules à partir de la tumeur.
239
9.5.4.3.3. IRRADIATION "IN VIVO" ET VIABILITÉ "IN VIVO"
Comme précédemment la tumeur est irradiée sur l'animal. On prépare ensuite à partir de la
rumeur une suspension de cellules isolées que l'on injecte à un animal "receveur", et on compte les
colonies au niveau d'un organe comme le poumon ou la rate dans le cas des cellules souches
hématopoïétiques (MacCulloch et Till) [12].
Pour le cas particulier des cellules des cryptes intestinales, on tue les animaux irradiés au
bout de trois jours et demi et l'on dénombre alors le nombre de cryptes intestinales en régénération
(Withers et Elkind)[13].
Bien que nous n'ayons point parlé de leur nature, nous dirons quelques mots de leur
classification.
On les classe généralement en trois catégories en fonction de leur gravité au niveau cellulaire
et de leur devenir:
Elkind et Sutton [14] les ont mises en évidence en 1959. Ces auteurs ont montré que des
irradiations fractionnées, c'est à dire espacées dans le temps, induisaient un taux de survie
supérieur: les cellules réparaient une partie de leurs lésions entre les deux fractions de dose.
Leurs travaux ont ensuite été confirmés tant "in vitro" que "in vivo".
Par opposition aux précédentes, elles ne sont pas irréversibles. Dans les conditions normales
de la vie cellulaire, elles sont généralement réparées en quelques minutes, voire quelques heures
tout au plus, pour 80% d'entre elles par l'équipement enzymatique de la cellule si elle en est
équipée. Le taux de réparation est donc fonction de la "qualité de la cellule" et du temps dont la
cellule dispose et l'on connaît à côté de cellules qui réparent très bien, des mutants qui réparent très
mal, comme c'est le cas pour certaines souches de cellules CHO (EM9, xrs-5, xrs-6)
Ces lésions ne deviennent létales que dans la mesure où elles ne sont pas réparées ou qu'une
lésion supplémentaire est créée à leur niveau: la coalescence des lésions sublétales les rend létales.
On peut donc penser que les facteurs dose et débit de dose joueront un rôle essentiel dans leur
potentialité d'accumulation ou de coalescence. D y aura toujours une certaine compétition entre la
création des lésions et leur réparation.
L'importance des phénomènes de réparation cellulaire peut être exprimée en terme de "dose
additionnelle" nécessaire pour obtenir un taux de survie ou un effet biologique donné.
240
Si D conduit à une survie S, et si deux fois Di espacées de At conduisent à la même survie S,
il est commode de définir la dose additionnelle égale à 2Di - D.
Ce sont des lésions dont le devenir peut être influencé par l'environnement dans lequel on
mettra la cellule à la fin de l'irradiation.
Ainsi selon que l'on incubera tel virus, telle bactérie, ou telle cellule de mammifère dans
certaines conditions de culture, la survie sera différente et fonction de la qualité du milieu.
Les premières études des lésions PLD ont été effectuées "in vitro". On observe une
diminution du taux de survie cellulaire, après irradiation, si les cellules sont incubées pendant
plusieurs heures dans une solution hypertonique (NaCl 0,5 M) qui empêche leur division et inhibe
les phénomènes de réparation des lésions PLD, au lieu d'être immédiatement clonées dans un
milieu nutritif complet [15].
La réparation des lésions PLD a été aussi observée "in vivo" sur des cellules
parenchymateuses et de la moelle osseuse.
Un grand nombre de personnes s'accorde à penser que ce sont les radicaux OH C qui
entraînent le maximum de dégâts. Ce sentiment a au moins deux raisons profondes:
- La première résulte de notre connaissance des propriétés des radicaux OH° dont on sait qu'ils
sont les entités les plus oxydantes créées par radiolyse. Les études ont montré que ces radicaux
interagissent avec virtuellement tous les composants de la cellule: dans une solution molaire, le
libre parcours moyen des radicaux OH° est de 10 À. De plus on sait aussi que les agents
"sensibilisateurs" sont tous des oxydants puissants.
- La seconde résulte de l'utilisation de "capteurs de radicaux", scavengers des anglo-saxons, dans
les systèmes cellulaires "in vitro". Les travaux de Johansen et Howard-Flanders [16] et de
Sanner et Pihl [17] sur Escherichia Coli sont illustratifs à ce propos.
Cependant, un article récent de David Ewing [18], montre très clairement l'absence de
corrélation entre la concentration de "scavenger des radicaux OH°", la Dq et la pente de la courbe
de survie des cellules V79 du Hamster Chinois.
Dans les solutions cristallines à 77°K on a mis en évidence une action du radical OH° sur le
Carbone 6 des bases et aussi son interaction avec les groupements méthyl avec formation de radical
allyl.
241
Mais, in vivo, d'où viennent ces OH° ? Les phosphates de l'ADN sont-ils suffisamment
hydratés pour que la probabilité de leur création à ce niveau devienne importante ?
On sait que l'ADN contient des molécules d'eau qui ne peuvent être facilement remplacées
par des molécules organiques puisque environ 15% de l'eau liée est requise pour maintenir la
structure hélicoïdale de l'ADN.
II faut en moyenne dans l'air 33 eV pour créer une paire d'ions et ses six excitations
concomitantes. Sachant qu'un eV correspond à 96,4 kJ.mole-1, soit 23 kcal.mole-1, 33 eV
correspondent à 759 kcal ! Les énergies délivrées sont donc suffisantes pour induire toutes les
réactions chimiques possibles bien que dans l'eau il semble que l'énergie requise pour une
ionisation ne soit que de 20 eV. L'énergie moyenne de liaison est en effet de 110 kcal.mole-1.
La théorie du pic thermique, survivance de la très vieille théorie de Dessauer, dite des
microbrûlures, reflète donc la possibilité de fusion inertielle.
La cession d'énergie est aléatoire mais dépend tout de même de la densité du cortège
électronique, les atomes les plus lourds ont donc une probabilité plus grande d'être ionisés: dans
l'ordre décroissant donc P, O, N, C, H.
1 Gy crée ainsi 1,89 10l? paires d'ions par dl, donc 10-6 p a ir e d'ions par maille élémentaire
de l'ADN.
En admettant que l'ADN d'une cellule d'eucaryote fasse, déroulée, 2 m [19], il y aurait donc
environ 1000 coups au but par Gy de rayonnement à faible TLE, car le raisonnement ne tient plus
pour les rayonnements dont le TEL est très grand.
Cependant, même ces coups au but ne devraient pas être suffisants pour créer une cassure
double puisque l'absorption d'énergie par les rayonnements gamma du 60co s'effectue dans des
microrégions (spurs) dont le diamètre moyen n'est que de 2 Â contenant une énergie de 30-120 eV,
soit 1 à 4 paires d'ions, soit 2 à 8 radicaux.
En fait, la création d'entités extrêmement réactives donc labiles comme les radicaux libres ne
fait que catalyser une oxydation de l'ADN qui est d'un point de vue thermodynamique possible.
Toutes les altérations sont donc possibles et tout est joué dans la microseconde qui suit
l'exposition !
N'oublions pas que les altérations naturelles sont nombreuses (dilemme de Erwin
Schroedinger, 1945):
- 5 000 bases puriques voient leur liaison N-glycosyl desoxyribose se casser (dépurination) chaque
jour dans chaque cellule;
- 100 cytosines se transforment en uracile par génome et par jour.
242
Les questions précédentes montrent le vide de nos connaissances dans la transmission de
l'énergie au milieu. Y a-t-il des transferts d'énergie à distance comme on en rencontre dans
certaines grosses molécules comme V hémocyanine ?
Certains auteurs abordent le problème de manière théorique en simulant les réactions par
calcul à partir de la libération d'électrons Auger à partir de bases dans lesquelles ont été
incorporées de l'125i5 émetteur d'électrons Auger dont le très court rayon d'action est bien connu.
Dans le modèle de Terrisol et Pomplun [20], les cassures simples directes résultent d'une
ionisation dans le rayon des forces de Van Der Waals d'un sucre ou d'un phosphate. Une cassure
indirecte est le résultat de la réaction d'un désoxyribose-monophosphate qui donne un sous-produit
qui n'est plus susceptible de réagir ultérieurement. Les cassures doubles sont comptées comme la
conjonction de deux cassures simples (de brins opposés) distantes de moins de 20 paires de bases.
Ces simulations sont réalisées avec ou sans inhibiteur de radicaux. Les résultats obtenus jusqu'ici ne
sont pas en désaccord avec ceux de Charlton et Humm [21] qui ne prennent quant à eux que l'étape
purement physique, c'est à dire que l'action directe.
Pour les ions lourds le problème est différent, il devient purement balistique. D'ailleurs la
notion de dose est remplacée par celle , plus physique, de section efficace d'interaction a qui
apparaît comme la projection des cibles d'intérêt pondérée par l'efficacité biologique du
phénomène. L'effet direct reprend ses droits, c'est le cas pour les rayons alpha du Po dont le TEL
est égal à 136 keV.10-6m. (13,6 eV par À).
Il ne faut pas écarter non plus l'idée que la libération de telles énergies dans des sites très
petits puisse conduire à la formation locale d'une onde de choc qui serait le vecteur de l'énergie
dissipée et responsable des dégâts dans le rayon d'action de cette onde de choc.
Dès 1902, deux français, Bergonié et Tribondeau [2] avaient énoncé la loi générale de la
radiosensibilité cellulaire:
"Les cellules sont d'autant plus radiosensibles que leur devenir caryocinétique est plus
lointain, que leurs morphologie et fonction sont moins définitivement fixées, que leur activité
mitotique est plus grande".
243
Dans le domaine de la survie cellulaire telle qu'elle a été préalablement définie, l'ICRU
retient quatre modèles principaux de la survie cellulaire:
n: nombre de cibles
Remarquons tout de suite que ces quatre équations ne font qu'ajuster au mieux les points
expérimentaux. Elles ne préjugent en rien, du moins de manière formelle, des mécanismes sous-
jacents, ni de la nature des lésions qui conduiront à la mortalité cellulaire. Aucun modèle à ce jour
n'est "explicatif. Aurait-on d'ailleurs la prétention d'expliquer des phénomènes aussi complexes
avec un ou deux paramètres ?
Ces modèles permettent cependant de quantifier les résultats expérimentaux. Les paramètres
les plus souvent donnés dans les publications sont les suivants:
Dq/Do = log(n)
a = I/D10
le rapport a/B s'exprime en gray. Au moment où a = 6 D les phénomènes quadratiques égalent les
phénomènes linéaires.
244
Toutes ces équations descriptives de la survie cellulaire ne sont pas aussi innocentes qu'il y
paraît. Elles impliquent des postulats de base fort différents, en effet:
- l'équation 9.2 présente une pente nulle à l'origine. Elle considère donc que toutes les lésions
sont réparables. Certains modèles plus complexes, faisant intervenir les caractères cinétiques de
la réparation cellulaire arrivent aux mêmes conclusions.
- les trois autres représentations mathématiques ont toutes une pente finie à l'origine. Elles
admettent donc des lésions létales d'entrée de jeu. Il y est donc reconnu l'absence de tout seuil
pour les lésions au niveau cellulaire. La différence est très importante.
- la pente de l'équation 9.4 est toujours décroissante.
Le tableau 9.2 donne, à titre d'exemple, pour quelques types de cellules, les valeurs
numériques des paramètres qui caractérisent la radiosensibilité cellulaire.
245
10
n
N »
v
e i v '
i
-'- 1 %
o
LU
o
s
X
\
37
Dans les populations cellulaires apparemment homogènes il est souvent possible d'isoler des
mutants stables de radiosensibilité différente. Quelle est donc l'origine de cette radiosensibilité ?
L'ARN ou l'ADN des cellules procaryotes (bactéries ou virus) ou eucaryotes (toutes les
autres) est généralement disposé dans une enveloppe composée de protéines spéciales, les histones.
Cette gaine proteique joue un rôle protecteur actif et passif dans le maintien de la structure
tridimensionnelle des acides nucléiques. C'est l'idée première de la "théorie de l'attelle".
Siegel et Tolmach aux USA ont mis en évidence ce phénomène sur le virus de la mosaïque
du tabac dont certains mutants, dépourvus de cette gaine proteique, sont particulièrement
radiosensibles.
En décortiquant la gaine proteique des virus résistants, ils les ont rendus aussi radiosensibles
que les virus naturellement dépourvus. La gaine proteique joue donc un véritable rôle de tuteur
pour le brin monocaténaire d'ARN. (Fig. 9.9, d'après [5; page 125])
Kaplan [24], dans les années 60, a montré que les cellules se répartissaient en quatre familles
en fonction de la Dio, c'est à dire de la dose un coup au sens de la théorie de la cible. L'ensemble
de ces familles est résumé sur la figure 9.10.
La pente des courbes représentant ces différentes familles est corrélée au contenu en ARN ou
ADN des cellules incriminées.
246
- monocaténaire;
- bicaténaire.
La différence de radiosensibilité entre 2 et 3 est encore mal expliquée. Il existe différentes
hypothèses:
- redondance de l'ADN de 3;
- meilleure protection protéique de 3;
- mécanismes de réparation plus élaborés.
La différence entre 3 et 4 s'explique essentiellement par la ploïdie des cellules de 4 qui
disposent de plusieurs jeux de leur information génétique.
Ce facteur est bien connu des radiothérapeutes car il est quelquefois à la base de la
radiorésistance de certaines tumeurs humaines. Les expériences de Latarjet sur la levure
Saccharomyces Cerevisiae l'illustrent parfaitement (fig. 9.11).
Comme on le constate aisément, la pente des courbes de survie respectivement des cellules
haploïdes et diploïdes n'est pas la même aux fortes doses, ce qui rejette l'idée toute simple d'une
survie de type deux coups mais avec même Do. Dans ce cas la théorie prévoit que les deux courbes
doivent devenir parallèles aux fortes doses. La ploïdie cause donc une augmentation supplémentaire
"intrinsèque" de la radiorésistance de la levure. Il s'agit vraisemblablement d'une plus grande
efficacité des enzymes de réparation des cellules plus évoluées que sont les cellules diploïdes.
Ces hypothèses ont été confirmées par les expériences réalisées par Berry sur des cellules
leucémiques de souris. Parmi les cellules survivantes, il isole une lignée plus radiorésistante qui se
trouve être tétraploïde. Leurs courbes de survie respectives sont quant à elles parallèles aux fortes
doses et conduisent à un facteur de réduction de dose compris entre 1,2 et 1,4 .
Au delà de cette tétraploïdie, les cellules redeviennent plus radiosensibles du fait, sans doute,
de l'excessive complication que revêt alors la mitose.
Par contre si l'on fait pousser les phages T2 et T2u dans un milieu contenant des analogues
structurels de leurs bases pyrimidiques, par exemple du bromouracile, ils ne perdent pas leur
pouvoir infectieux et deviennent alors également radiosensibles
247
*«*:.r *. \-ïi.'.'_- ; . " W ' / ; . -*; ;. ,~*
5 0 ntTi
248
0.1 1
RAOIOSENSIBILITE ( O 0 «n Gy )
249
FIG. 9. 12. Le gène U chez le phage T2.
Si l'on croise maintenant les phages T2 et T2u en infectant simultanément les bactéries avec
ces deux phages, on constate que T2u devient aussi radiorésistant que T2- Ce dernier apporte donc
"quelque chose" à T2u- En fait il induit dans T2a la synthèse d'une enzyme capable de détruire
certains des produits radioformés et ainsi d'induire la réversion de TARN vers son état initial. On a
montré que l'action s'effectuait essentiellement au niveau de la thymine.
Beaucoup d'autres expérimentations ont depuis confirmé ces premières hypothèses du rôle
fondamental de la réparation cellulaire. Les études réalisées sur E. Coli B et B/r sont aussi
démonstratives. En effet, après l'irradiation, les lésions sont les mêmes chez B et B/r, mais la
survie va alors dépendre de la façon dont les bactéries vont ensuite gérer leurs lésions. Portées dans
un milieu à 43,5 degrés C, elles réparent de manière équivalente et ont donc même radiosensibilité.
Ces résultats sont évidemment applicables aux cellules de mammifères dont on connaît un
certain nombre de mutants extrêmement radiosensibles pour des raisons équivalentes.
Un certain nombre d'auteurs ont montré qu'après des irradiations à des doses de 5 Gy, les
cellules augmentaient de manière considérable leur activité de réparation par excision (excision
repair activity)[25].
Chez l'homme, nombre d'auteurs pensent que les gènes de réparation de I'ADN, seraient
pour certains, situés sur le chromosome 8. Des expérimentations réalisées sur des fibroblastes de
souris "SCID" (cellules de souris souffrant d'une immuno-déficience importante car elles n'ont ni
thymocytes, ni cellules de type B) que l'on avait fusionné avec des fibroblastes humains normaux
ont montré que toutes les lignées radiorésistantes contenaient après sélection forcée (exposition
répétée aux rayons X) le chromosome 8 comme le montre la figure 9.13, d'après [26].
L'analyse du gène en cause est en cours de réalisation par Masahiro Itoh and coll. [26].
250
Dans le cadre de la réparation par "excision repair" huit gènes ont été clones chez l'homme
dont l'absence ou le dysfonctionnement sont à l'origine de maladies humaines (Xeroderma
Pigmendosum, syndrome de Cockayne, trichothiodystrophie) [37]
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Dès les premières heures de la Radiobiologie, on s'est rendu compte que la notion de "dose
absorbée" n'était pas suffisante pour décrire convenablement les effets biologiques. La notion
d'efficacité biologique relative (EBR) a été créée pour lever cette ambiguïté. Remarquons que cette
notion est un aveu implicite de la méconnaissance encore actuelle des mécanismes d'action
primaires malgré certains succès de la "microdosimétrie".
CELLULES HUMAINES
Swrvi« «n fenctiwt du T t L
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3.4.iiM«V M.Ut
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c : u M«V 34.1
E « ', . „ » . ! MO kVp"
FIG. 9. 14. Survie des cellules humaines en fonction du TLE (d'après Field).
251
Il est évident qu'au fur et à mesure que le TLE augmente, l'épaulement de la courbe de
survie disparaît, l'équation représentative de celle-ci tendant vers une relation exponentielle. Dès
lors que le TLE dépasse 60 keV par micron, la survie est exponentielle.
Cette augmentation de l'efficacité biologique des rayonnements passe par un maximum pour
un TLE de 100 keV par micron comme le montre clairement la figure 9.15.
Cette augmentation de l'efficacité des rayonnements avec le TLE peut résulter de différents
facteurs:
Une des caractéristiques de l'effet EBR est manifeste avec les neutrons: après irradiation par
les neutrons la composante rapide de réparation des lésions est considérablement réduite. Après
2h30, 25% des doubles cassures demeurent alors qu'après une exposition aux rayonnements gamma
du 60co, il n'en demeure pratiquement plus après ce même laps de temps.
Remarque
a) De récents travaux de Nagasawa [27] semblent désormais montrer que de très faibles doses
de rayonnements alpha (5,6 mGy), laissant 97% des cellules survivantes, entraîneraient chez celles-
ci une "instabilité chromosomique".
Ces travaux, effectués sur des cellules CHO et CHO mutantes particulièrement radiosensibles
(xrs-6C), montrent que la courbe de survie aux rayons alpha des cellules CHO présente un
"épaulement" contrairement aux xrs-6C.
252
Dans une lettre à Nature, M.A. Kadhim de Chilton (UK) [28] expose des résultats similaires
obtenus sur des cellules de la lignée hématopoïétique irradiées par les rayonnements alpha du
238pu.
Si ces travaux étaient confirmés, il pourrait en résulter un nouveau regard sur les effets
carcinogénétiques des faibles doses de rayonnement alpha, notamment au niveau des "hot
particles".
La plupart des modèles descriptifs de la survie cellulaire des cellules de mammifères ont une
composante quadratique en dose qui semble traduire le fait que certaines lésions létales résultent de
la coalescence de sublésions voisines.
Il est clair que la probabilité de cette coalescence dépend essentiellement de trois facteurs:
Pour que deux lésions puissent fusionner, il faut qu'elles soient suffisamment rapprochées
mais aussi que la dernière créée le soit avant que la première n'ait été réparée. Les rôles du débit de
dose et du fractionnement s'expliquent ainsi parfaitement.
Aux très faibles débits de dose tout ce qui est réparable est réparé, ce qui a fait dire que
l'exposition aux très faibles débits de dose gamma ressemblait en quelque sorte aux irradiations par
les neutrons car ne demeurent en effet dans ces conditions que les lésions létales d'entrée de jeu.
D'autres hypothèses peuvent être formulées pour expliquer ce facteur débit de dose. Ainsi les
modèles dits de "réparation" postulent des systèmes de réparation non saturés, saturés ou
saturables. Un processus de réparation est dit "non saturé" lorsque les complexes de réparation
cellulaire sont en nombre suffisant devant le nombre des lésions et leur répartition dans l'espace.
Au fur et à mesure que le nombre de lésions augmente par le jeu du débit ou de la dose, ce système
atteint la saturation. Il existe donc un seuil au delà duquel le système est saturé. Pour réparer ses
lésions, la cellule aura donc besoin de davantage de temps quand elle aura atteint la saturation, alors
que précédemment, le temps de réparation était pratiquement invariable.. C'est le cas des cellules
9L d'une tumeur du cerveau du rat (Wheeler [29]) dont le seuil de saturation est d'environ 6 Gy.
Reddy [30], utilisant des cellules V79 du hamster a montré que ces cellules fonctionnaient sur
le mode saturé comme le montre la figure 9.17. Celle-ci exprime le pourcentage de survie en
fonction de la dose et du temps alloué pour la réparation aux cellules V79.
253
INACTIVATIQN;
10 a. HF19 humor»
(Cox r Mosson»
o V79 ivamster
(Thocker et a l . )
O T1 humor»
(Bore*v*sen et aH )
101 -
TRANSFORMATION:
Homster embryo -
x ColumbKS
1QT>? » BALB mouse
• Horvord
1O_T>J mouse:
« Columbia
* Argonne
• Berkeley
f MUTATION (HGPPT'):
J A MPI 9 humor»
_H <Cox » Massor»)
I o V79 homster
t (Tracker et al.)
2 10 100 1000
LINEAR ENERGY TRANSFER <keV
254
On connaît des mutants de cellules CHO-K1, xrs-5 et xrs-6 dont le potentiel enzymatique est
déficient en enzymes de réparation de l'ADN et dont, de ce fait, la radiosensibilité est très grande.
Ces cellules ne montrent bien sûr aucun effet de "débit" comme le montrent les trois figures
9.18-9.19-9.20 empruntées à une communication de Hatsumi Nagasawa [31].
100
ZGy
'I
•8
>9
LU •10 H
12
Lo
LU
a
LU
O
LU
u
tr
O
CL
0,001
• • • *
50 100
REPARATION
( temps alloué }
(mn)
255
LOW-DOSE-RATE 7RAY EFFECTS ON CHO CELLS
1.00
CHO K-1
0.001 -
1.00
CHO K-1
<l5.3cGy/hr)
UcGyihr M.A
6.0 cGy/hf 3 .Û
ACUTEOOSE
0.001 J 1
200 400 600 800 1000 1200 1400
DOSE (cGy)
Low-dose-rate {'"d y rays at 2.7-15.3 cGy/h) survival curves for CHO K-lc cells a
radiosensitive xn-Sc and xrs-6c mutant cells liquid held in IL" medium. {•). CHO K-lc («or!
and (A or Al. xrs-6c. Dashed lines represent acute dose rate. "Co 7-ray dau shown in Fig. 1.
256
1.00 < 1 t i r i -
g •
y
/o
o
CC 0-10
u.
a
{ \
CHOK-1 (1000cGyt -
* "
xrs-6(100cGy)
' * A. -A
0.01 \ "
>rs-6 (200 eGy) ~-
\ 1 i i i ' "
0 4 8 12 16 20 24
TIME AFTER IRRADIATION (hr)
Potentially lethal damage repair experiment for CHO K- le cells and for the ndioseosthe « v 6 c
m u u n t ceils liquid held in IL" medium and exposed for indicated doses of *°Co y rays at an acute dose
rate of 75 cGy/min.
"dans chacune de nos cellules existent des chorégraphes moléculaires qui programment un
menuet dans lequel les chromosomes naissent dans l'obscurité, s'alignent deux à deux avec leurs
partenaires, se séparent, se rejoignent pour ensuite à nouveau se disperser et fondre dans la nuit. Ce
menuet s'appelle le cycle cellulaire".
Autrefois basées sur des considérations, les cytologistes modernes définissent les phases du
cycle en fonction du métabolisme des acides nucléiques comme le montre la figure 9.21.
En phase G i , des signaux extracellulaires peuvent sortir les cellules du cycle pour les rendre
"quiescentes" (phase Go) ou, inversement, activer les cellules quiescentes pour les réintroduire dans
le cycle cellulaire (en Gi).
Les cellules montrent une différence importante de radiosensibilité tout au long de leur cycle:
257
LES DIFFERENTES PHASES DU CYCLE CELLULAIRE
COMPARTIMENT R COMPARTIMENT
Mitose
DOSE ABSORBEE / Gy
258
D'une manière générale les cellules sont plus radiorésistantes en phase Go que durant leur
cycle. Il existe cependant un certain nombre d'exceptions notamment pour les cellules germinales
de la souris CBA. Les cellules souches spermatogoniales, A s , sont plus radiosensibles durant la
phase Go (Do= 1 Gy) que durant leur phase de grande activité mitotique (Do = 2,4 Gy).
Les raisons de cette différence de radiosensibilité au cours du cycle cellulaire ne sont pas
claires. Un grand nombre d'hypothèses sont avancées:
Une publication toute récente de Hofer K.G. et coll.[32], utilisant ce que les radiobiologistes
appelaient autrefois l'effet "suicide", avance l'hypothèse, du moins pour les cellules CHO qu'ils
ont utilisées, d'une duplication de la cible au cours de la phase S rendant les cellules en G2 plus
radiorésistantes du fait qu'elles possèdent deux cibles et non plus une seule. En Gi, la survie des
CHO soumis aux désintégrations de l'125i, est exponentielle ( n = l , Do=38-41 désintégrations de
125i p a r cellule); en G2, la courbe de survie présente un épaulement (n=2, Do=78-84
désintégrations de 125i par cellule).
Par conséquent le test CFU réalisé sur les cellules CHO en phase Gi est représentatif de la
survie de cellules uniques (single cells), tandis qu'en fin de S et en G2 où la cible a été dupliquée,
le test CFU donne bien évidemment des valeurs de la survie très supérieure comme le montre la
figure 9.23.
On sait que les cellules exposées dans un milieu de culture pauvre en éléments nutritifs sont
plus radiorésistantes.
La radiosensibilité des cellules diffère aussi selon que les cellules sont irradiées séparément
ou en sphéroïdes comme le montre la figure 9.24.
Ceci traduit les échanges cellulaires qui se produisent au niveau des tissus. H y a solidarité
entre les cellules.
Ces échanges entre cellules ont été bien mis en évidence par R.A. Weinberg [33] qui a
démontré le contrôle par les cellules normales des cellules transformées et portant l'oncogène ras.
En l'absence de cellules normales, ces cellules transformées prolifèrent en toute liberté alors qu'en
leur présence, elles sont inhibées.
259
0.01
=0 100 150 200
DECAYS/CELL
Survivai response of CHO cells as a function of cell
cycle position at the time of '~3I decay accumulation.
Asvnchronous CHO ceils were unirilarlv labelled with
125
IUdR for 12 h. synchronized by mitotic cell selection.
rcplated. and harvested I. 3. 5. 7 and 9h after plating
for accumulation of"lJ'I decays at — I96"C The experi-
ment was repeated twice tor all time points and four
times lor (he critical ! and 9 h time points ,data for
repeat experiments noc shown i.
CELLULES ISOLEES
en
fin de S 1.0
JRVP*/ANTE
1.0
début de G,
0.1
—*
CO
UJ
»
_i
0.01 0.01
1 CEL
2o .001 0.001
PROPOR1
6 12 18 0 6
DOSE {Gy] b
260
9.6.2.9. L'effet oxygène
La présence d'oxygène dans le milieu est un facteur important mis très tôt en évidence par les
radiobiologistes. C'tst Holtusen qui le premier a montré le rôle de l'oxygène sur la survie d'oeufs
d'ascaris.
En effet l'oxygène moléculaire est doublement impliqué dans la chimie bioradicalaire. Si son
activation est à l'origine des radicaux libres "de novo", sa présence est un facteur d'aggravation
considérable des réactions radicalaires en cours.
L'oxygène est une molécule originale qui comporte deux électrons célibataires et est
néanmoins stable, ne réagissant pas spontanément avec les molécules non radicalaires. En revanche
l'oxygène présente une affinité très élevée pour les radicaux libres avec lesquels il apparie l'un de
ses électrons formant le radical peroxy ROO°. Cet appariement interdit la recombinaison immédiate
des radicaux libres R° formés par rupture de covalence et les radicaux peroxy ROO° formés avec
l'oxygène sont à l'origine de cascades de réactions radicalaires. C'est donc essentiellement en
empêchant la recombinaison des radicaux libres néoformés que l'oxygène exerce sa toxicité.
Deux grands radiobiologistes, Bacq et Alexander ont travaillé beaucoup sur cette question au
début du siècle. Depuis, les espoirs engendrés par ces travaux ont été quelque peu déçus.
On appelle radioprotecteur toute substance qui, administrée avant l'exposition, diminue les
effets de celle-ci. La figure 9.27 illustre cette action radioprotectrice sur des cellules V79 dans le
milieu de culture desquelles on a ajouté de la cystéamine.
A noter que cette radioprotection est aussi opérante, mais généralement à moindre degré,
avec des rayonnements ionisants à fort TEL comme le sont les neutrons: figure 9.28.
On en trouve dans des groupes chimiques n'ayant entre eux aucune relation claire:
261
to :
He La C£LL SURVIVAL
<
o 0-1
FIG.9. 25. Courbes de survie des cellules Hela avec ou sans oxygène.
ç -
I
u. HYPOXIA
> 0-1
ç:
«5.
J L
300 600 750 900 1200 1500 «30
COSE r R ADS
262
Parmi ceux-ci, les plus importants sont la cystéine, la bêta-mercaptoéthylamine ou
cystéamine, la cystamine. On a noté chez E. Coli un facteur de réduction de dose pouvant atteindre
12!
A noter que cette action radioprotectrice s'exerce aussi au niveau de l'organisme entier
comme le montre la figure 9.29.
- Les nitriles qui libèrent du cyanure dans l'organisme. Cependant ces produits sont par ailleurs
pourvus d'une telle toxicité qu'ils sont difficiles d'emploi.
- Certains agents chélateurs comme le diéthyldithiocarbamate et les thiocarbamates de manière
générale.
- Certaines amines biologiques, vitamines, hormones. Parmi ces composés on trouve la sérotonine
ou la forme active de la vitamine B6-
- Certains porteurs de fonction OH comme le glycérol, le propylène-glycol, l'éthanol, le fructose.
- Des substances anoxémiantes dont la p-aminopropiophénone.
- Les œstrogènes.
Le tableau 9.3 et la figure 9.30 résument les principales données connues sur les
radioprotecteurs les plus couramment utilisés (aminothiols).
Le mécanisme d'action de ces substances est mal connu. D'une manière générale on pense
qu'ils ont une action anoxémiante et qu'ils agissent au niveau de l'étape radicalaire. En effet, on
pense que les radicaux hydroxyl sont à l'origine de nombreuses lésions cellulaires létales. Deux
hypothèses sont généralement avancées:
10°
îo-V
1 N\ ^Nvi V79
N. (cyst#*min«j
rvie
10-*-
3
L-V79 \ a X
Vhyperthcrmi«)V X A
J
io- - \V79 o\
a 1 MEF *
• IMR90J MEF {cysteamin*)
L
r CHO
•
l
•
0 10 20 30 4O
Oose (Gy)
263
TABLEAU 9.3. RADIOPROTECTEURS - TOXICITE ET EFFETS
10
10
e
3
O.O1 O,01
0 6 10 1 * Gy
0 12 20 28 Gy
Neutrons
«»• très
1OO fission rapides
II 1
0,01 J 1.
0 4 in
TEMOINS
264
Des études récentes ont montré que certaines interleukines humaines (IL-1 ou IL-1 alpha)
protégeaient les cellules des cryptes intestinales de la souris exposées aux rayons X. Cette
protection était effective quand les interleukines étaient données avant ou après l'irradiation, l'effet
maximal étant obtenu quand elle était administrée 13 et 25 heures avant l'irradiation à la dose de
6,3 10"6 g.kg-1. On sait que cette cytokine induit la production de substances radioprotectrices
comme les prostaglandines, la céruloplasmine et les métallothionines qui sont de bons capteurs de
radicaux libres. Ces résultats, s'ils étaient confirmés, pourraient avoir des retombées importantes en
clinique pour protéger l'intestin des patients avant les irradiations hémicorporelles.
David Ewing et H.L.Walton [18] ont récemment montré qu'il n'existait pas de corrélation
entre la concentration intracellulaire des radioprotecteurs supposés être de bons capteurs de
radicaux OH° et la production de ceux-ci. Pourtant les radioprotecteurs utilisés dans leur étude
agissent à la fois sur la dose semi-seuil Dq et a qui décroissent en présence de radioprotecteurs.
Bien que ces résultats récents puissent signifier que les radicaux OH° ne causent pas de
dommage létal, il est plus vraisemblable de penser que ces radioprotecteurs agissent de multiples
façons encore incomprises de nos jours.
Le tableau 9.4 donne les valeurs numériques des vitesses de réaction avec OH° des
radioprotecteurs utilisés.
Malgré de nombreux travaux, les facteurs qui contrôlent la radiosensibilité des tumeurs
humaines sont peu connus. Nous avons vu que la fourchette de radiosensibilité des différentes
souches de cellules humaines est relativement étroite alors que celle des cellules tumorales est bien
plus grande.
Les cellules des sarcomes de tissus mous sont très radiosensibles " in vitro " alors que les
cellules des carcinomes squameux sont très radiorésistantes. Les raisons de ces différences ne sont
pas connues.
Des mutations survenant sur différents oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs
apparaissent dans différents types de cancers humains.
Deux observations ont suggéré un rôle possible de ces gènes dans la radiosensibilité. D'abord
certains fibroblastes humains diploïdes transformés par le viras SV-40 sont plus radiorésistants que
265
les souches non transformées. Il apparaît d'après un certain nombre de données expérimentales que
le complexe SV40T/p53 pourrait jouer un rôle important dans le phénotype radioresistant (Ling-nah
Su and coll.[34]). De plus on sait que la transfection de cellules de rongeurs par le gène ras rend
ces cellules transfectées plus radiorésistantes.
Il semble donc que l'expression de certains gènes et notamment de la protéine p-53 influence
la radiosensibilité des cellules normales. En ce qui concerne les cellules tumorales l'explication est
plus difficile. Il se peut toutefois que du fait que les cellules tumorales aient subi un grand nombre
de mutations qui leur ont permis d'échapper à la régulation des facteurs de croissance, elles soient
devenues réfractaires à l'expression de la protéine p-53.
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En abcisses, jours après l'irradiation. En ordonnées, pourcentage des souris survivantes. Les souris pèsent 20 g. On voit
que seuls sont protégés les animaux injectés de cyanure (0,1 mg intrapéritonéal) avant l'irradiation (BACQ et HERVE)
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jour» après irraMdoa
Survie de trois séries de 10 souris d'une race plus résistante, après 1.100 R de rayons X sur tout le corps. Les souris des 2
séries en expérience ont reçu par sonde stomacale 4 mg de cystamine (2 HC1) par 10 g de poids, 30 ou 60 minutes avant
l'irradiation. Les animaux témoins forment la 3ème série (BACQ)
266
Compound Structural Formula
COOH
i
Cysteine 1MH2CHCH2SH
MEA NH2CH2CH2SH
AET
WR-2721 NH2CH2CH2CH2|
WR-3689
9.7. CONCLUSION
Parvenu au terme de cette revue sommaire des effets biologiques des rayonnements ionisants
au niveau cellulaire pour le seul critère "survie cellulaire" (reproductive death des anglosaxons), on
en mesure mieux leur nature mais aussi le chemin qui reste à parcourir pour en élucider les
mécanismes sous-jacents.
Action directe, action indirecte ? Il est encore difficile de trancher à l'heure actuelle. La
notion d'EBR, ce coefficient sans dimension, qui corrige les effets dus à la nature de la particule
par rapport à un rayonnement de référence, montre bien, s'il en était besoin, le manque de
connaissances sur la transmission de l'énergie des rayonnements au milieu.
Quant à la nature des lésions, elle est hypothétique. On ignore encore, au sein de la cellule,
la ou les cibles exactes qu'il faut inactiver pour la rendre incapable de se diviser. Si l'atteinte de
l'ADN est indiscutable, il n'en demeure pas moins vrai que le rôle joué par la membrane nucléaire
n'est pas encore élucidé.
Des publications récentes faisant état de la survie de cellules dont le noyau a été traversé par
des ions lourds dont le TEL est extrêmement élevé posent le problème des mécanismes de
réparation par la cellule de tels délabrements du support de son information génétique à moins que
les cellules survivantes n'aient été traversées que par les rayons Aô (issus des trajectoires
principales des ions lourds).
267
La connaissance de la corrélation TEL-effet biologique est en effet de grand intérêt,
notamment dans l'estimation du risque d'exposition aux descendants du radon des cellules à risque
du poumon comme vient de le souligner récemment D.J. Brenner [35].
La dose absorbée apparaît aussi, de plus en plus, comme un paramètre insuffisant pour
prévoir les effets biologiques au niveau cellulaire. Il est indispensable de l'assortir du facteur débit
de dose et du niveau de dose puisque il est clair que la cellule répare d'autant mieux ses lésions
qu'elles sont en nombre réduit.
Dans ces conditions, il devient très hasardeux d'extrapoler des résultats acquis à de fortes
doses et de forts débits aux faibles doses et aux faibles débits comme on l'a fait jusqu'ici pour
estimer les risques à moins de prendre à chaque étape une attitude conservatrice comme l'a toujours
fait la Commission Internationale de Protection Radiologique.
S'il ne peut exister un seuil à l'action physique des rayonnements ionisants au niveau
cellulaire, compte tenu de l'ampleur des énergies imparties au milieu, il est raisonnable de penser
aussi que les processus de réparation cellulaire, bien qu'ils soient très performants ne peuvent
jamais être fiables à 100%, justifiant de la sorte les relations linéaires entre les effets et la dose aux
très faibles doses et débits de dose.
Il faut cependant tenir compte de l'environnement cellulaire demeuré intact à ces niveaux de
dose et de débit, dont on sait qu'il est capable d'inhiber, voire de détruire, les cellules lésées
comme l'a montré Weinberg pour les cellules transformées par l'oncogène ras.ÇR- A.
Weinberg)[33].
Cette complexité des effets biologiques "in vitro" et "in vivo" sur des cellules isolées ne doit
pas nous faire oublier en effet que les cellules des mammifères vivent en communauté et qu'elles se
transmettent des signaux. La relégation des cellules en phase Go ou leur retour actif dans le cycle
cellulaire en Gi est le fait de signaux extracellulaires, ce n'est qu'engagée sur cette voie, que la
cellule accomplira un cycle complet. Un certain nombre d'expérimentations tendent à prouver que
les radiations ionisantes induisent la transmission de signaux impliquant notamment dans les tissus
1'activation d'une protéine kinase C et tout un programme d'événements génétiques qui contribue
vraisemblablement aux effets biologiques (R. R. Weichselbaum and coll. [36]).
Tous ces facteurs devraient être pris en compte dans l'estimation des risques que les
rayonnements ionisants nous font encourir et que notre société a besoin de connaître. De plus, le
problème de l'hyperradiosensibilité de certaines fractions de la population, s'il était confirmé,
devrait avoir des conséquences importantes au plan de la Radioprotection.
Le développement rapide de la Biologie Moléculaire et les outils puissants qu'elle met déjà
entre les mains des chercheurs devrait permettre à la radiobiologie de passer du stade des études des
effets de tout ou rien (survie cellulaire) au stade d'une radiobiologie fonctionnelle capable de
réaliser au niveau cellulaire un bilan des dommages causés par les rayonnements ionisants et de leur
évolution dans le temps, bilan indispensable à la compréhension des phénomènes mis en cause. Les
modèles mathématiques descriptifs utilisés jusqu'ici pourront alors être nourris de paramètres plus
représentatifs du métabolisme cellulaire et permettre alors des extrapolations aux domaines où
l'expérimentation est extrêmement difficile, voire impossible, comme celui des très faibles doses de
rayonnement ionisant.
268
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MEXT PÂGE(S)
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271
CHAPITRE 10. EFFETS DES RAYONNEMENTS SUR LES TISSUS SAINS
J-M. Cosset
INTRODUCTION
Les chapitres précédents ont traité des effets des rayonnements ionisants au niveau des
cellules. La mort cellulaire au cours ou au décours de la mitose (voire après quelques divisions),
"reproductive death" des anglo-saxons, est habituellement considérée comme le phénomène
principal responsable de la disparition des cellules après irradiation. Des données récentes suggèrent
que l'apoptose pourrait également jouer un rôle pour certains contingents cellulaires très
spécifiques.
10.1. GENERALITES
Si, selon les données classiques, on ne retient que la mort cellulaire post-mitotique après
irradiation, on voit que seules sont sensibles à l'action des rayonnements, les cellules souches et les
cellules en voie de maturation (qui se divisent) alors que les cellules différenciées (qui ne se divisent
plus) sont théoriquement totalement "radiorésistantes", au moins dans les domaines de dose usuels
de la radiothérapie.
Par ailleurs, la rapidité d'expression clinique des lésions va dépendre étroitement de la durée
de vie des cellules différenciées. Ainsi, pour reprendre l'exemple de la moelle osseuse, après une
irradiation corporelle totale détruisant la totalité des cellules-souches médullaires, la leucopénie et la
thrombopénie vont apparaître très rapidement (car les leucocytes et les plaquettes ne vivent que
273
quelques jours), alors que l'anémie sera notée beaucoup plus tardivement (car les hématies vivent
en moyenne 120 jours).
Les tissus non compartimentaux ont un comportement tout à fait différent. Après une
agression quelconque ayant amputé une partie de l'organe ou du tissu, les cellules "fonctionnelles"
sont susceptibles d'entrer en mitose pour compenser le déficit cellulaire; elles prennent donc alors
le caractère de cellules-souches. A l'état normal, les morts cellulaires programmées sont
compensées très régulièrement par l'entrée en mitose des cellules fonctionnelles voisines. En cas
d'irradiation, les cellules qui vont entrer progressivement en mitose subiront la "mort post-
mitotique". Les cellules fonctionnelles qui se diviseront pour les remplacer mourront également en
post-mitose. En règle générale, le déficit cellulaire ne va s'aggraver que lentement, du fait de la
cinétique de remplacement cellulaire, le plus souvent lente, de ce type de tissu. Par contre, il
arrivera un moment où le déficit cellulaire sera jugé "inacceptable" par l'organe, qui semble
envoyer alors un signal à toutes les cellules fonctionnelles pour qu'elles se divisent. Il s'ensuit la
mort brutale d'un grand nombre de cellules en post-mitose; c'est le phénomène dit "d'avalanche"
pouvant aller jusqu'à la destruction complète de l'organe en cause [1].
II est connu depuis le début de l'utilisation des rayons X, dans les premières années du siècle,
que certains effets des rayonnements sont particulièrement précoces (parfois quelques heures ou
jours), alors que d'autres sont très tardifs (se manifestant après plusieurs mois voire années).
Si l'on excepte les effets précoces de nécrose massive liée à des irradiations accidentelles à
doses très élevées, les effets dits précoces sont en général l'apanage de tissus compartimentaux dont
la durée de vie des cellules différenciées est brève. On a déjà vu comment la brièveté de la durée
de vie des leucocytes et des plaquettes démasquait rapidement le déficit des cellules-souches
médullaires. De même, la durée de vie de 3 semaines environ des cellules différenciées de
l'épiderme démasque au terme de ce délai le déficit des cellules souches de la couche basale
épidermique.
Les effets tardifs ont une physiopathologie beaucoup plus complexe. Dans certains (rares)
cas, il peut s'agir de tissus compartimentaux dont la durée de vie des cellules différenciées est très
longue. En fait, assez souvent, il s'agit de tissus non compartimentaux qui n'exprimeront une lésion
clinique qu'au moment du phénomène d'avalanche, des mois ou des années après l'irradiation.
Mais les lésions tissulaires tardives sont souvent la résultante de phénomènes plus complexes
et le rôle de la vascularisation et des tissus dits "de soutien" parait capital. Un exemple caricatural
est fourni par le système nerveux central. Les neurones ne se divisent pas. Ils sont donc, en théorie,
totalement "résistants" à la mort post-mitotique radio-induite. Or, on sait bien, et ceci depuis des
décennies, que l'irradiation peut être susceptible d'induire des lésions neurologiques sévères. Ces
lésions neuronales sont en fait secondaires à la mort post-mitotique tardive des cellules de
l'endothélium capillaire (conduisant à des altérations de la micro-vascularisation), et de cellules
gliales, tissu de soutien du parenchyme nerveux "noble".
Ces lésions vasculaires ont parfois été considérées comme les responsables uniques des
complications tardives. Si cela était vrai, les doses-seuil pour les complications tardives seraient
identiques pour tous les organes. Ceci est loin d'être le cas (cf. infra). Ce simple fait souligne que
les complications tardives de l'irradiation au niveau des tissus sains sont le plus souvent la résultante
de phénomènes complexes associant lésions des cellules endothéliales capillaires, lésions des
cellules des tissus de soutien et lésions exprimées tardivement des cellules "nobles" de l'organe.
274
Cette physiopathologie explique bien pourquoi certains tissus ou organes peuvent tout à la
fois présenter des lésions aiguës précoces et des lésions tardives, dont l'importance et la gravité ne
sont pas obligatoirement proportionnelles. En effet, un organe peut à la fois comporter un tissu
compartimentai (epithelium hiérarchisé par exemple) qui présentera des lésions aiguës précoces, et
des composantes non compartimentales (tunique musculaire par exemple) responsables de lésions
tardives. Ainsi le tube digestif, sous irradiation à forte dose, peut présenter successivement des
lésions aiguès de mucite, et secondairement, des mois plus tard, une sténose circonférentielle liée à
l'installation d'une fibrose radique, alors qu'à ce moment, l'épithélium se sera totalement réparé.
Le simple bon sens permet de comprendre qu'il sera souvent possible d'irradier au-delà de la
dose-seuil une fraction très limitée de certains organes. La gravité des cancers justifie la plupart du
temps ce qui revient à une amputation fonctionnelle partielle d'un organe donné. Il n'est pas
choquant, dans un contexte cancérologique grave, d'être contraint de proposer, par exemple, la
"destruction" d'un lobe pulmonaire, d'un lobe hépatique ou une partie d'un rein. Le point principal
sera ici, bien entendu, de s'assurer qu'il restera suffisamment de tissu fonctionnel pour ne pas
compromettre la qualité de vie d'un cancéreux guéri.
Par contre, il est des cas où cette règle de l'"acceptabilité" de la destruction radiothérapique
d'un faible pourcentage d'un organe ne s'applique pas. C'est le cas des organes dits "en ligne",
dont l'exemple type est la moelle épinière; une lésion transverse de la moelle épinière, même
extrêmement limitée, mènera à une paraplégie (ou à une quadriplégie) inacceptable quel que soit le
contexte. De même, une sténose même très limitée de l'intestin grêle pourra conduire à une
occlusion aiguë, voire à une perforation. Le facteur volume est donc un paramètre capital, mais qui
doit être modulé selon l'organe en cause, l'irradiation au delà du seuil de tolérance d'un très petit
volume pouvant avoir dans certaines conditions des conséquences dramatiques, totalement
inacceptables.
En radiothérapie, la presque totalité des irradiations est délivrée en plusieurs fractions (ou
séances). Le schéma classique prévoit 5 séances de 1,8 Gy à 2 Gy par semaine (jusqu'à une dose
totale qui peut varier selon le cancer en cause de 20 à 70 Gy).
Durant cette irradiation de 2 à 7 semaines, certains tissus sont capables de corriger, dans une
certaine mesure, le déficit cellulaire radio-induit; c'est le phénomène de repopulation.
Les tissus compartimentaux responsables des lésions aiguës précoces, prolifèrent en général
plus rapidement que la plupart des tissus non compartimentaux. Par ailleurs, certains de ces tissus à
renouvellement rapide (en particulier la peau) paraissent capables, en 1 à 2 semaines, d'accélérer
leur cinétique de prolifération sous l'agression radiothérapique, et donc d'accélérer leur
repopulation. Ces tissus ou organes sont donc protégés efficacement par une augmentation de
l'étalement de l'irradiation, qui leur laisse le loisir de repeupler [2].
A l'inverse, les tissus (souvent non compartimentaux) à renouvellement lent, sont, par
définition même, relativement peu sensibles aux variations de l'étalement.
275
est capable de "repopulation" et est protégée par une augmentation de l'étalement. Ceci avait
d'ailleurs été constaté empiriquement dans les années 70, où l'introduction plus ou moins
systématique d'interruptions de l'irradiation (dans le but, louable, de protéger les tissus sains) s'était
soldée par une dégradation significative des résultats en terme de contrôle tumoral.
De plus, il semble bien que la tumeur, comme certains tissus sains à renouvellement rapide,
soit capable d'accélérer sa cinétique de prolifération sous irradiation. Certaines données, même si
elles restent discutées, suggèrent une telle accélération, 3 semaines environ après le début de la
radiothérapie [3].
Les tissus à renouvellement rapide (souvent compartimentaux, on l'a vu) responsables des
complications précoces, présentent des courbes de survie dont l'épaulement initial est faible, voire
presque nul. Pour ces tissus, le rapport alpha/beta du modèle linéaire quadratique [4] est, en règle,
élevé (supérieur à 10 Gy). Il a été montré que la conséquence directe de ces caractéristiques était
que ces tissus sont peu sensibles à la variation de la dose par fraction.
Les choses sont très différentes pour les tissus responsables des complications tardives de
l'irradiation. La courbe de survie montre, en règle, un épaulement initial marqué. Le rapport
alpha/beta est bas (entre 2 et 5 Gy, le plus souvent [4]). Ces tissus sont très sensibles aux variations
de la dose par fraction.
Pour quelles raisons les tissus diffèrent-ils dans leur sensibilité au fractionnement ?
- les cellules des tissus à renouvellement rapide responsables des lésions aiguès, entreraient dans
le cycle rapidement, avant que les processus de réparation des lésions potentiellement létales
aient pu jouer complètement leur rôle. Ceci pourrait expliquer l'absence (ou le caractère
modeste) de l'épaulement, et le peu de sensibilité au fractionnement.
A l'inverse, les cellules des tissus à renouvellement lent n'entreraient que plus tardivement dans
le cycle, permettant une "réparation" efficace des lésions potentiellement létales. Dans ce cas,
l'épaulement de la courbe de survie est marqué et la sensibilité aux variations de la dose par
fraction, importante.
276
- Une seconde hypothèse est basée sur la démonstration qu'une hétérogénéité de la radiosensibilité
des cellules au sein d'une population entraîne un biais tel que la valeur du rapport alpha/beta est
augmentée [5]. Les tissus responsables des réactions aiguès paraissent, au niveau cellulaire, plus
hétérogènes que ceux responsables des réactions tardives. Ce point pourrait expliquer les
différences globales de rapport alpha/beta et de sensibilité au fractionnement entre les deux types
de tissus.
En ce qui concerne les tumeurs, la connaissance de leur sensibilité au fractionnement reste
embryonnaire. Le rapport alpha/beta pour les épithéliomas parait plutôt élevé (10-15 Gy), suggérant
donc une faible sensibilité à la variation de la dose par séance. Mais à l'autre extrême, des rapports
alpha/beta très bas, de l'ordre de 2 Gy, ont été rapportés pour certains mélanomes [4]. Les
adénocarcinomes paraissent avoir des rapports alpha/beta plutôt "intermédiaires", mais ceci
demande encore a être confirmé.
10.1.6. L'hypoxie
II est connu depuis le début du siècle que les cellules hypoxiques sont environ 3 fois plus
radiorésistantes que les cellules bien oxygénées [6].
Ce point est d'une importance somme toute mineure pour les tissus et organes sains, quels
qu'ils soient, car l'immense majorité des cellules qui les composent est bien oxygénée. On estime à
moins de 1 pour 1000 le taux de cellules hypoxiques dans un organe sain.
Les choses sont très différentes pour les tumeurs. Peut-être parce que les tissus de soutien et
la vascularisation ne parviennent pas à "suivre" la prolifération tumorale, de larges secteurs de
tumeurs se retrouvent éloignés des capillaires et donc hypoxiques. Ce contingent de cellules
hypoxiques a longtemps été considéré par les radiothérapeutes comme le paramètre majeur
responsable de la non-radiocurabilité de certaines tumeurs. Même si les idées ont un peu évolué
depuis, même si on a réalisé que l'irradiation fractionnée, détruisant sélectivement et
progressivement les couches de cellules bien oxygénées, permettaient aux cellules hypoxiques de se
rapprocher progressivement des capillaires et donc de se "réoxygéner", il n'en demeure pas moins
que les taux élevés (jusqu'à 80-90%) de cellules hypoxiques dans certaines tumeurs malignes,
restent probablement un facteur limitant à l'efficacité antitumorale de la radiothérapie [6].
II n'est pas question ici d'envisager une revue exhaustive de l'ensemble des tissus ou organes
susceptibles d'être irradiés. Nous nous concentrerons sur les principaux, et surtout sur ceux qui
posent problème en radiothérapie.
Pour chaque tissu ou organe considéré, nous traiterons successivement des lésions précoces et
des lésions tardives. Nous indiquerons les doses-seuil classiques et rappellerons, en tentant de les
chiffrer, les sensibilités à l'étalement et/ou au fractionnement.
10.2.1. La peau
Historiquement, la peau fut le premier témoin des effets biologiques des radiations ionisantes.
Elle est susceptible de présenter des réactions aiguës et des réactions tardives.
277
Ces réactions aiguës sont de plusieurs types [7]:
- Epilation simple et transitoire, observée après des doses de l'ordre de 4-5 Gy;
- Erythème, pouvant apparaître en quelques heures, et laissant la place à une pigmentation
cutanée, après des doses de l'ordre de 6 à 12 Gy;
- Radiodermite sèche, associant erythème et desquamation partielle de Fépiderme, après des doses
de 12 à 15 Gy;
- Radiodermite exsudative; elle correspond à la disparition complète de l'épiderme et à la mise à
nu du derme. Au 10-15ème jour, apparaissent des phlyctènes qui convergent. Cette réaction
s'accompagne de douleurs locales aiguës. Le phlyctène disparaît pour découvrir le derme sous
jacent, rouge et exsudatif. Ces lésions sont observées après 15 à 20 Gy, en dose unique. A ces
doses, une cicatrisation reste possible, avec peu de séquelles locales. Au-delà de 20 Gy,
l'épiderme reformé reste mince et fragile, avec un aspect atrophié;
- La radionécrose cutanée survient après des doses supérieures à 25-30 Gy. Dans les cas
défavorables, le recours à la chirurgie "de propreté", (enlevant largement les tissus nécrotiques),
et à la couverture par greffe, est incontournable.
Les réactions précoces de l'épiderme (modèle de tissu compartimentai) sont très sensibles à
l'étalement de l'irradiation. Ceci avait été montré dès les années 20-30, en particulier par H.
COUTARD à la Fondation Curie [8].
Les réactions précoces de la peau sont par contre peu sensibles au fractionnement. Les
variations de la dose par séance (dans un domaine raisonnable) ont peu d'impact sur ce type de
lésion. Le rapport alpha/beta trouvé expérimentalement et cliniquement est élevé, presque toujours
supérieur à 10 Gy [4, 5]. (Tableau 10.1).
On doit noter que l'amélioration des techniques de radiothérapie, et surtout l'arrivée des
photons de haute énergie (qui sous-dosent très largement les tissus superficiels) ont quasiment fait
disparaître, de nos jours, les complications cutanées aiguès sévères de la radiothérapie.
Les complications cutanées tardives sont liées à des troubles portant sur les trois tuniques,
hypoderme, derme, épidémie (alors que les complications aiguès étaient essentiellement liées aux
réactions de l'épiderme).
- Atrophie cutanée;
- Sclérose cutanéo-sous-cutanée;
- Troubles de la pigmentation (hypo ou hyperpigmentation);
- Télangiectasies, etc.
Ces lésions peuvent survenir soit au décours d'une irradiation aiguë à forte dose (dose unique
de l'ordre de 20 - 25 Gy), soit après des irradiations chroniques à faible débit de dose n'ayant
jamais entraîné de réactions aiguës (cas des pionniers de la radiologie).
Ces complications tardives sont peu sensibles à l'étalement de l'irradiation (du moins dans le
domaine des variations habituelles de l'étalement en radiothérapie).
278
Elles sont par contre très sensibles aux variations de la dose par fraction. Les rapports
alpha/beta trouvés expérimentalement ou dérivés des séries cliniques retrouvent des valeurs de
l'ordre de 3 Gy (voir (Tableau 10.1).
279
10.2.2. Le poumon
Leur physiopathologie est plus univoque; il s'agit de l'installation progressive d'une fibrose
interstitielle, menant, au delà d'une dose classique de 20 Gy (en étalement-fractionnement
conventionnel), à la destruction fonctionnelle du parenchyme pulmonaire irradié.
Les conséquences vont être extrêmement différentes selon qu'il s'agit d'une irradiation
localisée ou d'une irradiation pulmonaire bilatérale totale.
Au dessous de 20 Gy, les lésions sont, en règle, mineures, et restent quasiment muettes tant
sur le plan clinique que sur le plan fonctionnel.
Au delà de 20 Gy, le territoire pulmonaire irradié va être progressivement remplacé par une
zone de fibrose ayant perdu tout caractère fonctionnel. Cette éventualité est fréquente en
radiothérapie, où les doses nécessaires pour stériliser les tumeurs varient en général de 35-40 Gy
(pour les hématosarcomes) à 60-70 Gy (pour les épithéliomas ou adénocarcinomes).
Cette région irradiée reste susceptible d'héberger des surinfections plus ou moins sévères
pendant des mois voire des années. L'une des complications classiques au sein de blocs de fibrose
importants reste la surinfection aspergillaire.
En radiothérapie, les doses atteintes dans ces volumes limités sont si supérieures à la dose-
seuil (cf. plus haut) que des variations du fractionnement n'ont que peu de chance de pouvoir
réduire significativement la toxicité tardive.
280
10.2.2.2.2. COMPLICATIONS TARDIVES APRÈS IRRADIATION PULMONAIRE TOTALE
Ce type d'irradiation est rare en radiothérapie; il n'intéresse que les irradiations corporelles
totales avant greffe de moelle osseuse, ou quelques exceptionnels cancers extrêmement
radiosensibles (exemple du séminome). En situation accidentelle, on peut bien entendu être amené à
traiter un sujet ayant subi une telle irradiation.
Ici encore, le seuil "classique" est de 20 Gy, mais rappelons que cette valeur correspond à un
fractionnement étalement de 5 x 2 Gy par semaine.
Il est capital d'insister ici sur la sensibilité des réactions tardives pulmonaires à la variation de
la dose par fraction (ou au débit de dose). Les données expérimentales (nombreuses) retrouvent un
rapport alpha/beta, en règle, de l'ordre de 3 Gy. Les rapports alpha/beta dérivés des études
cliniques sont à peine plus élevés; voir tableau 10.2. [4, 5 ] /
Rapport alpha/beta
(intervalle de confiance)
- Données expérimentales
WARA (1973) 2,1 Gy (0,2-5,2)
HORNSEY (1975) 2,5 Gy (2,0 - 3,2)
HELD (1976) 4,3 Gy (3,8 - 4,9)
PARKINS (1985) 3,0 Gy (2,4 - 3,6)
VEGESNA (1985) 3,7 Gy (3,2 - 4,3)
TRAVIS (1987) 3,7 Gy (2,8 - 4,5)
Me CHESNEY (1989) 3-4Gy
VAN RONGEN (1993) 2,3 Gy
- Données cliniques
KATZ (1983) 4,2 Gy
OVERGAARD (1984) 4,7 Gy
COX (1987) < 3,8 Gy
VAN DYK (1989) 3,3 Gy
DUBRAY (1991) 3,07 Gy
On a vu que le SNC est particulier par le fait que les radiolésions induites dépendent en fait
quasi uniquement des altérations du tissu de soutien (les cellules gliales) et de la
microvascularisation. Ces deux types de tissus sont à renouvellement lent.
281
Le SNC ne présente donc pas de réaction "aiguë" proprement dite, (si l'on excepte les
réactions d'oedème induites en début d'irradiation thérapeutique fractionnée ou en cas d'irradiation
accidentelle aigûe dépassant 2-3 Gy). Les lésions neurologiques sont donc tardives, survenant en
règle plusieurs mois après l'irradiation.
Le facteur volume est ici capital. Au niveau de l'encéphale, les conséquences cliniques vont
dépendre étroitement de la zone où peut se constituer un infarctus ou une radionécrose. Certaines
régions encéphaliques sont en fait relativement "muettes" et tolèrent des destructions parfois
impressionnantes, alors que des lésions extrêmement limitées dans d'autres zones peuvent entraîner
des déficits neurologiques gravissimes.
Au niveau de la moelle épinière, organe "en ligne" , une lésion transverse même très limitée
en hauteur signifiera une section médullaire, entraînant para ou même quadriplégie selon sa
localisation (cf. plus haut).
Rapport alpha/beta
(intervalle de confiance)
- Données expérimentales
VAN DER KOGEL (cervicale) (1979) 2,5 Gy (- 0,7 - 7,7)
VAN DER KOGEL (lombaire) (1979) 4,1 Gy (2,2-6,5)
HORNSEY (lombaire) (1981) 5,2 Gy (2,0 - 10,2)
ANG (cervicale) (1987) 3,4 Gy (2,7 - 4,3)
SCALLIET (1989) 1,6 Gy
WONG (1992) 2,41 Gy
LAVEY (1993) (0,7 - 0,5)
- Données cliniques
ABBATUCCI (1978) < 7,0 Gy
DISCHE (1981) < 3,3 Gy
282
10.2.4. Le tube digestif
Une denudation partielle ou complète des villosités peut survenir après une dose unique de 5
à 10 Gy, ou après une irradiation fractionnée classique de l'ordre de 25 à 30 Gy [7].
Ces lésions sont très sensibles à l'étalement; en effet, il faut environ (seulement) 36 à 48
heures pour qu'une cellule formée au fond d'une crypte (où se trouvent les cellules-souches) se
retrouve au sommet d'une villosité. Cette cinétique de prolifération très rapide, probablement
susceptible de s'accélérer encore en cas d'agression, explique que la muqueuse soit très
efficacement protégée par une augmentation de l'étalement de l'irradiation, qui lui laisse le loisir de
"repeupler" les villosités.
Par contre, ces lésions aiguës sont peu sensibles au fractionnement. Les rapports alpha/beta
publiés sont plutôt élevés (tableau 10.4) [4, 5].
Le paramètre volume joue bien entendu un certain rôle, les réactions cliniques aiguës étant
grossièrement proportionnelle au volume de muqueuse irradié.
Elles sont essentiellement liées à l'installation progressive (en plusieurs mois) d'une fibrose
qui a la caractéristique d'être circonférentielle et retractile. Ces lésions peuvent donc mener à une
sténose du tube digestif. Ce dernier étant un bon exemple d'organe "en ligne" (cf supra), une
sténose majeure, même très limitée en volume, peut avoir des conséquences cliniques redoutables:
syndrome dit de "Koenig" (épisodes de subocclusion, suivi de débâcle diarrhéique), ou occlusion
complète, elle-même susceptible de se compliquer de perforation intestinale et de péritonite aiguë...
Ces troubles graves ne commencent à apparaître qu'après des doses importantes (de l'ordre
de 55-60 Gy en étalement/fractionnement classique).
Ces réactions tardives sont, comme à l'accoutumée, peu sensibles à l'étalement. Elles sont
par contre très sensibles au fractionnement, avec des rapports alpha/beta en règle plutôt bas, encore
que quelques chiffres légèrement discordants aient été rapportés (tableau 10.4) [4, 5].
283
TABLEAU 10.4. SENSIBILITE AU FRACTIONNEMENT DU TUBE DIGESTIF -
ESTIMATIONS DU RAPPORT ALPHA/BETA (REFERENCES DETAILLEES EN [5])
Rapport alpha/beta
(intervalle de confiance)
EFFETS PRECOCES
- Données expérimentales
WITHERS (1975) 7,1 Gy (6,8-7,5)
TUCKER (1983) 8,4 Gy (8,3 - 8,5)
TERRY (1984) 15,8 Gy (8,7 - 28,7)
GASINSKA (1993) 19,9 Gy (15,2 - 27,0)
EFFETS TARDIFS
- Données expérimentales
TERRY (sténose) (1984) 3 Gy (large CI)
" (perforation) (1984) 5 Gy (large CI)
BREITER (1986) 5,6 Gy (1,2- 11,5)
DEWIT (1987) 4,4 Gy (1,7 -7,7)
VAN DER KOGEL (1988) 4,1 Gy (1,5 -7,7)
BREITER (estomac) (1993) 5,3 Gy (0,4- 13,1)
- Données cliniques
BENNETT (1978) < 6Gy
SINGH (1978) < 8Gy
EDSMYR (1985) > 2,2 Gy
DEORE (1991) < 7Gy
284
Le paramètre volume est capital à considérer en matière d'irradiation de la moelle osseuse. Il
est compréhensible qu'une irradiation portant sur 70 à 80% du capital médullaire entraîne de façon
quasi constante des troubles hématologiques sévères, alors que l'irradiation d'un très faible
pourcentage de moelle osseuse (quelques%) n'aura strictement aucune conséquence hématologique.
Or la distribution de la moelle osseuse au sein du squelette varie de façon très notable suivant l'âge
de l'individu irradié et suivant les segments squelettiques en cause. Ainsi, la moelle osseuse est
présente dans presque tous les os du nourrisson. Chez l'adulte de 40 ans, par contre, 50% de la
moelle osseuse se concentre dans le bassin et le rachis lombaire. Les os du thorax (sternum, côtes,
vertèbres essentiellement) contiennent environ 30% de la moelle, le reste se répartissant dans les
autres segments du squelette. Chez le sujet âgé, la quasi totalité de la moelle osseuse se situe dans le
bassin et le rachis lombaire. La plus grande prudence doit donc être de règle lors de l'irradiation de
tels volumes chez un sujet de plus de 60 ans [7].
Comme la plupart des tissus à renouvellement rapide, la moelle osseuse est très sensible à
l'étalement de l'irradiation; l'augmentation de cet étalement permet une repopulation rapide en
cellules souches.
Classiquement, la moelle osseuse a été longtemps considérée comme à peu près totalement
insensible aux variations de la dose par fraction. Des données plus récentes [9] paraissent indiquer
que certains sous-groupes de cellules médullaires présente une sensibilité, certes faible mais
indéniable, au fractionnement (et au débit de dose).
10.2.6. Le rein
Les lésions rénales radiques sont toutes liées à des tissus à renouvellement lent (néphrons,
endothélium vasculaire essentiellement). Il n'existe donc pas (au moins dans le domaine des doses
habituellement en cause) de lésions rénales aiguès, précoces.
En clinique, après une irradiation de la totalité des deux reins dépassant la dose-seuil
classique de 20 Gy (en étalement/fractionnement classique), on peut observer, quelques mois plus
tard, une néphropathie radique associant insuffisance rénale, hypertension artérielle et protéinurie.
Cette néphropathie d'allure "aiguë" peut soit évoluer vers la destruction de l'organe, soit passer à
un tableau d'insuffisance rénale chronique plus ou moins grave...
Un peu à part, peut s'observer un tableau d'hypertension artérielle pure, même après
irradiation d'un volume rénal limité. Ce type d'hypertension peut être lié à une sténose (radique)
d'une artère rénale. La levée de cet obstacle peut permettre, si elle peut être effectuée suffisamment
vite, à la fois la correction de l'hypertension et la conservation d'une fonction rénale normale.
Enfin, une insuffisance rénale chronique peut s'installer à bas bruit, sans nécessairement de
phase aiguë comme décrite ci-dessus.
Le facteur volume reste bien entendu important. L'organisme peut survivre à une
"néphrectomie fonctionnelle" (totale ou partielle) d'un seul rein, si l'organe contro latéral est sain.
En général s'observe une hypertrophie compensatrice de l'organe restant.
En cas de destruction partielle d'un rein (par exemple du pôle supérieur du rein gauche lors
de l'irradiation des ganglions lombo-aortiques et de la rate pour Maladie de Hodgkin), c'est la
partie non irradiée du même rein qui va faire l'objet d'une hypertrophie compensatrice.
Le rôle de l'étalement, comme pour les tissus à renouvellement lent, parait mineur.
285
TABLEAU 10.5. SENSIBILITE AU FRACTIONNEMENT DU REIN - ESTIMATIONS DU
RAPPORT ALPHA/BETA (REFERENCES DETAILLEES EN [5]).
WILLIAMS (1984)
fréquence des mictions 1,6 Gy
clairance à l'EDTA 4,1 Gy
JORDAN (1985)
Evaluation à 6 mois 0,17 Gy
12 mois 1,4 Gy
La sensibilité majeure des gonades à l'irradiation est connue depuis le début de l'utilisation
thérapeutique des rayons X.
La lignée germinale, constituée par les spermatogonies et les cellules différenciées qui en
dérivent, est extrêmement sensible à l'irradiation.
- De 0,10 à 0,50 Gy: oligospermie transitoire avec rétablissement rapide d'une spermatogenèse
normale;
- De 1 à 3 Gy: azoospermie (disparition complète des spermatozoïdes) avec rétablissement lent de
la spermatogenèse parfois sous une forme oligospermique;
- De 4 à 6 Gy: azoospermie précoce, avec possibilité de récupération, en général seulement
partielle;
- Au delà de 6 Gy: azoospennie définitive.
Le volume joue bien sûr un rôle capital. La protection efficace d'un testicule (parfois difficile
sur le plan de la technique de radiothérapie) permet de sauvegarder la lignée germinale du testicule
protégé.
Le fractionnement de l'irradiation (ou la diminution du débit de dose) joue ici dans un sens
strictement inverse de celui vu précédemment pour les organes à renouvellement lent. Claudius
REGAUD avait montré dès 1927 qu'une même dose entraînait davantage de dégâts dans les tubes
séminifères quand elle était donnée en 4 fractions que dans elle était donnée en une seule
séance [5].
286
La radiosensibilité de l'autre composante tissulaire du testicule, les cellules de Leydig, est
très inférieure à celle des cellules germinales. Il faut atteindre des doses cumulées de 30 à 40 Gy
pour voir chuter la testostéronémie.
Ils sont classiquement considérés comme plus "radiorésistants" que les testicules. En fait,
cette sensibilité des ovocytes dépend beaucoup de l'âge. Une ménopause définitive peut être induite
par une dose de l'ordre de 1 Gy seulement chez les femmes de 40 ans, alors que 80% des femmes
de moins de 30 ans conservent leurs menstruations après des doses de l'ordre de 4 Gy. Il faut
délivrer de 6 à 8 Gy pour être certain d'obtenir une castration définitive (cas des cancers du sein à
qui l'on propose parfois une castration radiothérapique).
Le rôle du volume reste évident, un seul ovaire protégé suffisant à assurer normalement les
menstruations et pouvant permettre une grossesse ultérieure.
La sensibilité des ovocytes au fractionnement, probablement faible, est mal connue [7].
10.2.8. Le cristallin
D s'agit de l'un des organes les plus radiosensibles, ce qui justifie qu'un court chapitre lui soit
consacré.
A l'heure actuelle, les techniques continuent à se développer. Les faisceaux sont de mieux en
mieux adaptés à la tumeur (grâce en particulier aux progrès de l'imagerie médicale). Les avancées
de la dosimétrie ordinateur (dans certains cas en 3 dimensions) permettent l'utilisation de plusieurs
faisceaux complexes. L'arrivée des collimateurs multilames, associés à cette nouvelle dosimétrie, va
permettre une radiothérapie de plus en plus "conformationnelle". A l'extrême, certaines techniques
de pointe, pour des indications très spécifiques, permettent maintenant de traiter la tumeur, en
n'irradiant que très peu les tissus voisins; citons la curiethérapie moderne, les techniques
stéréotaxiques et l'utilisation des protons.
287
10.3.2. Les conséquences radiobiologiques
On a vu que les effets précoces étaient peu sensibles aux variations du fractionnement, alors
que les effets tardifs pour leur part, étaient au contraire très sensibles à la variation de la dose par
fraction.
Ces phénomènes doivent être modulés par les caractéristiques biologiques des tumeurs
malignes que l'on cherche à éradiquer.
Dans un premier temps, les données à notre disposition semblaient indiquer que les cancers
se comportaient comme les tissus sains à renouvellement rapide, et étaient peu sensibles au
fractionnement (cf supra).
Une manière d'augmenter l'index thérapeutique serait donc de diminuer la dose par fraction,
sans augmenter l'étalement (d'où l'utilisation d'un bifractionnement quotidien), et d'augmenter
(légèrement) la dose totale.
Un essai OERTC récent [10] pour les cancers ORL parait bien confirmer la validité de cette
approche. Par contre, cette faible sensibilité au fractionnement des tumeurs malignes n'est
probablement pas une constante, et les travaux se poursuivent pour pouvoir apprécier pour chaque
tumeur radiosensibilité intrinsèque, sensibilité au fractionnement et cinétique de prolifération [11].
10.4. CONCLUSION
La connaissance précise des effets des rayonnements sur les tissus sains revêt une importance
capitale en radiothérapie et en radioprotection.
Pour chaque organe, sont maintenant bien connues et quantifiées, les influences de la dose,
de l'étalement et du fractionnement de l'irradiation ainsi que l'importance du facteur "volume".
REFERENCES
[1] TUBIANA, M., DUTREEX, J., WAMBERSIE A. Introduction to radiobiology. Taylor and
Francis, London (1990)
[2] BLEEHEN, N.M. Radiobiology in Radiotherapy. Springer-Verlag, London (1988)
[3] STEEL , G. Basic clinical radiobiology. E. Arnold, London (1993).
[4] THAMES, H.D., HENDRY, J.H. Fractionation in radiotherapy. Taylor and Francis, London
(1987)
[5] COSSET, J.M., DUBRAY, B., MAHER, M., GIRINSKY, T., MALAISE, E.P.
Fractionation sensitivity of mamalian tissues; an update on experimental and clinical data.
(Advances in Radiation Biology) (1994). A paraître.
[6] MALAISE, E.P., GUICHARD, M., SIEMANN, D.W. Chemical modifiers of cancer
treatment.. Pergamon Press, New-York (1989).
288
[7] RUBIN P. CASARETT G.W. Clinical radiation pathology. Sanders, Philadelphia (1968).
[8] DEL REGATO, J.A. Radiological oncologists; the unfolding of a medical speciality,
(Radiology Centenial). Boston (1993).
[9] COSSET, J.M., SOCIE, G., DUBRAY, B., GDRINSKY, T., FOURQUET, A.,
GLUCKMAN, E. Single dose versus fractionated total body irradiation before bone marrow
transplantation: radiobiological and clinical considerations. Int. J. Radiât. Oncol. Biol. Phys.
(1994) in press.
[10] HORIOT, J.C., LE FUR, R., N'GUYEN, T., CHENAL, C , SCHRAUB, S., ALFONSI,
S., GARDANI, G., VAN DEN BOGAERT, W., DANCZAK, S., BOLLA, M., VAN
GLABEKKE, M., DE PAUW, M. Hyperfractionation versus conventional fractionation in
oropharyngeal carcinoma: final analysis of a randomized trial of the EORTC cooperative
group of radiotherapy. Radiother. Oncol., 25, 4, 231-241 (1992).
[11] COSSET, J.M., PETERS, L.J., GIRINSKY, T., GUICHARD, M., ESCHWEGE, F.,
MORNEX, F., MALAISE, E.P. Les tests prédictifs de radiocurabilité; vers une
radiothérapie sur mesure ?, Bull. Canc/Radiother.,77, 83-94 (1990)
289
CHAPITRE 11. EFFETS DES FORTES DOSES CHEZ L'HOMME
Le syndrome aigu d'irradiation (SAI) est la combinaison de syndromes apparaissant après une
irradiation globale. Ceux-ci se développent par étapes successives sur des périodes de temps
s'échelonnant de plusieurs heures à plusieurs jours. Ils sont constitués par l'ensemble des
manifestations cliniques et biologiques en relations avec les lésions morphologiques ou des atteintes
fonctionnelles des différents organes exposés aux rayonnements ionisants. L'importance de ce
syndrome dépend, non seulement de la dose totale absorbée, de l'intensité et de la durée de
l'irradiation, mais aussi de la distribution de celle-ci dans l'organisme.
En général, une dose délivrée sur une partie de l'organisme est moins dommageable que la
même dose délivrée sur son ensemble. De même, une dose étalée dans le temps l'est moins que la
même dose délivrée instantanément.
Après une irradiation globale aiguë, les dommages organiques les plus significatifs du S AI
concernent essentiellement la moelle osseuse, le tractus gastro-intestinal, le système nerveux
central, le système cardiovasculaire, l'appareil pulmonaire, les gonades et la peau. Les symptômes
et les signes biologiques résultant de l'atteinte de ces organes constituent le syndrome aigu
d'irradiation.
La moelle osseuse est la plus radiosensîble, suivie par le système gastrointestinal. Le système
nerveux central se caractérise par une radiorésistance organique et une grande radiosensibilité sur le
plan fonctionnel. Cette variabilité de la radiosensibilité explique les signes et les symptômes qui
apparaissent en trois phases successives: un syndrome initial se développant dans les premières
heures après l'exposition, une phase de rémission relativement asymptomatique et une phase de
manifestation clinique et biologique (phase d'état de la maladie). La mort ou la guérison survient
dans les huit semaines après exposition en fonction de la dose délivrée et de la susceptibilité
individuelle. Des séquelles peuvent se développer ultérieurement à moyen ou à long terme.
Pour une dose sublétale ou létale, les signes et les symptômes pris chacun isolément ne sont
pas spécifiques des dommages radioinduits, alors que ces mêmes symptômes pris collectivement
sont hautement caractéristiques du SAL
11.2.1.1. La fatigue
Après une irradiation quelle que soit la dose reçue, le premier signe qui apparaît est la
fatigue. Elle est décrite par les irradiés comme une sensation d'épuisement, verbalement traduite
291
par l'expression "être lessivé". Cette fatigue peut évoluer jusqu'à l'apathie sévère et la prostration si
la dose est élevée.
Les troubles du sommeil sont associés à cette fatigabilité et se traduisent par une somnolence
diurne et des insomnies nocturnes.
Cependant, certains effets paradoxaux peuvent être observés chez quelques sujets. Ils sont
généralement transitoires, survenant immédiatement après irradiation. Us se manifestent par des
phases brèves d'agitation et des réactions d'hyperesthésie. Celles-ci peuvent s'expliquer par le fait
qu'il se développe durant les 24 premières heures suivant l'irradiation une hyperexcitabilité
nerveuse, mise en évidence au niveau des courbes d'excitabilité neuromusculaire, sans modification
de la composante musculaire.
A la dose de 1,5 Gy, 30% des sujets irradiés présenteraient déjà une sensation de fatigue
alors que celle-ci attendrait 90% des sujets pour une dose voisine de la DL50/30. En tout état de
cause, ce symptôme ne représente pas un critère pronostique fiable.
11.2.1.2. L'anorexie
Un jugement analogue peut être porté en ce qui concerne un second symptôme: l'anorexie.
Celle-ci apparaît également pour des doses infralétales et de façon précoce. Elle toucherait
plus de 50% des sujets à partir d'une dose de 1,5 Gy, et 100% des sujets à partir de la DL50/30.
L'anorexie se développe dans les 2 heures suivant l'exposition. Elle est accompagnée par
deux autres troubles, la sécheresse buccale et une sensation de goût métallique pouvant persister
une semaine et qui contribuerait à maintenir le dégoût des aliments.
Pour des doses infralétales, ces troubles persistent 24 heures. Au-delà de la DL50 tous les
sujets sont atteints. Pour les doses entraînant un syndrome gastro-intestinal, l'anorexie réapparaît à
partir du 4ème jour suivant l'irradiation lors du développement de la phase d'état.
L'anorexie est un signe précurseur de la "détresse" gastro-intestinale qui s'installe dans les
deux premières heures après l'exposition et elle va se caractériser par des nausées alternant avec un
état apathique et somnolent, accompagnées de fatigue et de malaises. Elles vont être suivies par des
épisodes de retching et de vomissement et à des doses plus élevées par de la diarrhée.
Les effets prodromiques de l'irradiation sur la physiologie gastro-intestinale sont parmi les
plus spectaculaires. Les deux premiers troubles: nausées et vomissements ont une étiologie
commune.
292
On considère généralement que chez l'homme le vomissement apparaît pour des doses
inférieures au gray, ce qui en fait le mammifère le plus sensible pour ce symptôme. Chez le
primate, le vomissement n'apparaît pas en dessous d'une irradiation globale gamma à la dose de
3 Gy. Ce vomissement apparaît dans les 2 heures suivant l'irradiation, cesse au-delà de la
3ème heure et ne réapparaît que lors de la phase d'état du syndrome gastrointestinal pour une
exposition correspondant à celui-ci.
Chez l'homme par contre, des accès pourraient se poursuivre durant les 24 premières heures.
Les agents responsables seraient donc humoraux avec, en tête: rhistamine libérée lors de la
dégranulation des mastocytes immédiatement après irradiation.
Leur efficacité sur le vomissement radioinduit est douteuse, exception faite pour ceux qui
entraînent un puissant effet dépresseur sur le système nerveux central.
Deux molécules présentent par contre une réelle efficacité, sans avoir d'effet au niveau de la
vigilance:
L'étiologie de la diarrhée associée aux signes prodromiques est mal connue. Elle pourrait être
secondaire aux changements de motilité de l'intestin grêle sous la stimulation d'agents
neuro-humoraux relargués précocement après irradiation. C'est ainsi que l'histamine libérée
quelques minutes après celle-ci est un puissant stimulant des sécrétions du grêle.
Lors d'une radiothérapie sur champ abdominal entre 7,5 Gy et 10 Gy, 10% des sujets
développent une diarrhée précoce, celle-ci s'accompagnant d'une fatigue pouvant être liée à la fuite
liquidienne.
293
11.2.1.5. Les faites hydroélectriques
Les fuites hydroélectriques et les troubles associés, céphalées, soif, déshydratation, crampes
musculaires apparaissent pour les gammes de doses correspondant aux diarrhées.
Ils auraient pour principale conséquence une diminution des aptitudes physiques et en
particulier seraient responsables de l'incapacitation précoce transitoire.
Aux doses supralétales, l'inaptitude à maintenir la pression artérielle peut être la cause de la
mort (choc circulatoire), ce fut le cas chez l'homme lors d'accidents de criticité pour des doses de
45 et 88 Gy.
Pour des doses bien inférieures chez des patients subissant des radiotherapies
hémicorporelles, la mort a été attribuée à des infarcissements myocardiques en relation avec un
épisode aigu hypotensif durant la 1ère heure suivant l'exposition.
L'hypotension apparaît vers la dose de 10 Gy, elle est d'autant plus sévère que cette dose
augmente. A cette dose seuil, on observe parallèlement une chute immédiate des résistances
périphériques et de la pression artérielle accompagnée d'une élévation du débit cardiaque liée à une
tachycardie compensatrice. A des doses plus élevées, la fréquence cardiaque ne compense plus et le
débit cardiaque chute.
Lors de travaux expérimentaux chez le chien et le primate, une hypertension initiale très
transitoire a pu être observée à des doses très élevées ( > 100 Gy). Elle est suivie très rapidement
par une hypotension, une tachycardie. Durant cette période, on observe une importante élévation du
débit sanguin dans le territoire splanchnique.
- une hypotension immédiate liée à une importante vasodilatation artérielle, et une séquestration
sanguine dans des territoires veineux, ceci étant associé à une chute du débit cardiaque et une
tachycardie;
- 30 minutes après irradiation l'hypotension résulterait essentiellement du pool veineux avec
diminution de la précharge cardiaque alors que la résistance totale périphérique se situe alors aux
valeurs avant l'irradiation.
Ces perturbations cardio-vasculaires sont liées aux troubles fonctionnels des systèmes nerveux
central et végétatif, et à des médiateurs circulants avec comme candidats possibles: rhistamine, les
peptides vaso actifs, la bradykinine, les prostaglandines, l'EDRF (NO).
Lorsque la pression artérielle chute de 50%, le débit sanguin cérébral ne chute que de 30%
car cette circulation est protégée et l'autorégulation est très efficace. Par contre, lorsque la pression
artérielle chute de 75%, les débits sanguins cérébraux régionaux chutent immédiatement de 75%
dans l'hypothalamus, l'hippocampe, le cortex visuel, et une telle diminution du débit sanguin
cérébral s'accompagne de symptômes et de signes d'ischémie cérébrale.
294
A des doses élevées supérieures à 20 Gy, la chute du débit sanguin cérébral est entretenue et
aggravée par le développement d'un oedème cérébral cytotoxique avec élévation de la pression
intracrânienne. Cet oedème cytotoxique apparaît lorsque le débit sanguin cérébral régional descend
en dessous de 20 ml/100 g/min.
Là encore et sans entrer dans les détails des mécanismes étiopathogéniques des troubles du
débit sanguin cérébral, l'histamine serait un des facteurs de la perméabilisation précoce de la
barrière hématoméningée et du développement de l'oedème cérébral.
Ces troubles circulatoires sont responsables d'une aggravation de plusieurs symptômes pris en
compte dans le syndrome initial: Les CEPHALEES, Les VERTIGES et à des doses élevées les
troubles confusionnels et la désorientation.
11.2.1.7. L'hyperthermie
La fièvre est également un paramètre fiable, car elle se développe précocement aux doses
supralétales. Cette fièvre s'accompagne de sudation, de céphalées intenses et des troubles cités
précédemment.
Parmi les différents symptômes pris en compte dans les syndromes initiaux, un signe est
souvent négligé alors qu'il présente une information importante: il s'agit de l'ERYTHEME
PRECOCE qui est un des signes du processus inflammatoire radio-induit. Cet érythème apparaît en
irradiation globale gamma pour des doses égales et supérieures à 6 Gy, et apparaît entre 4 et 24
heures après exposition; elle peut persister 2 semaines.
295
FATIGUES
100 %, importante
8,5-11
100 %, importante
11-15
100 %, importante
15-30
100 %, importante
30-45
ANOREXIE
90 - 100 %
3-5,5
100%
5,5 - 8,5
100%
30-45
296
NAUSEES
30 - 70 %. faible à modérée
1.5-3
70 - 90 %, modérée
3-5.5
90-100%
5,5-8.5
sévère modérée
100%
8.5-11
sévère modérée à sévère
100 %. sévère
11 - 15
*
100 %, sévère avec reprise à J5 jusqu'au décès
15-30
< >
-
100 %, sévère jusqu'au décès
30-45
< >
VOMISSEMENTS
20 - 30 %, faible à modérée
1,5-3
50-80 %, modérée
3-5.5
80-00 % 60-100 %
5.5 - 8,5
sévère modérée modérée
100% 100%
8,5-11
sévère modérée à sévère modérée à sévère
100%, importante 100%
11-15
modérée à sévère
100 %, importante 100% sévère
15-30
100 %, importante
30-45
297
DIARRHEE - CRAMPES INTESTINALES
1.5-3
3-5.5
10 %, modérée à sévère
5.5 - 8.5
1,5-3
3-5.5
50 %, faible à modérée
5,5 - 8,5
80 %, modérée
8,5-11
298
FIEVRE
1.5-3
3-5.5
5.5 - 8,5
8,5-11
30 -45%. modérée
11-15
45 - 80 %, modérée à importante
15-30
HYPOTENSION
1.5-3
3-5.5
5,5 - 8,5
? 100%
8,5-11
importante
80 % et modérée 100%
11-15
importante
100 % et modérée à importante
15-30
100 % et importante
30-45
299
VERTIGES
1,5-3
3-5,5
5,5 - 8,5
100 %, importante
8,5-11
100 %, importante
11-15
PROSTRATION
1,5-3
3-5,5
5,5-8,5
8,5-11
70%
11-15
modérée à sévère
80%
15-30
sévère
100 %, sévère
30-45
300
11.2.2. La période de latence ou phase de rémission
La période de latence qui suit le syndrome initial est relativement asymptomatique. Elle peut
s'étendre jusqu'au 20ème jour après l'exposition. Cette phase de rémission traduit le délai entre le
dommage cellulaire initial radioinduit et son expression clinique qui est sous la dépendance du
renouvellement cellulaire de l'organe affecté. L'activité mitotique de chaque tissu interfère avec sa
radiosensibiiité. Chaque organe exprime une radiosensibiiité différente pour la même dose, et cette
radiosensibiiité détermine le type et la sévérité des manifestations du syndrome aigu d'irradiation et
la durée de la période de latence. Le nombre de cellules souches survivantes dans les tissus actifs au
plan mitotique détermine la date d'apparition de la phase d'état puisque ces cellules sont les seules
cellules capables d'autorenouvellement dans les tissus affectés.
Une des causes principales de la mort après une irradiation globale est donc l'hémorragie et
l'infection. La neutropénie joue le rôle le plus important dans la pathogénie de ces infections avec
comme facteurs additifs, la chute de la production des anticorps et les lésions des différentes
barrières protectrices (peau, intestin et poumons).
301
Les granulocytes présentent un décours caractéristique après irradiation. On observe au cours
du syndrome initial un pic transitoire du nombre des granulocytes secondaire à une mobilisation des
cellules des sites médullaires ou extramédullaires bientôt suivi les jours suivants par une chute qui
atteint un premier minimum au 5ème-10ème jour après l'irradiation; le niveau de la dépression
dépend de la dose et pour les doses les plus élevées où la survie est encore possible, il apparaît une
période prolongée de neutropénie qui devient complète pour les doses supérieures à 5 Gy. Au
lOème jour après une irradiation globale de 2 à 5 Gy, on observe une remontée abortive du nombre
de granulocytes provoquée par la maturation accélérée de certains progéniteurs médullaires bientôt
suivie par une seconde chute aux environs du 25-30ème jour due à l'absence de récupération de la
population des cellules souches. L'absence de cette remontée abortive signe une dose supérieure à 5
Gy. La période du 15ème au 30ème jour est cruciale eu égard à la fièvre et aux infections létales
qui se développent durant cette période. Lorsqu'une régénération de la moelle osseuse est observée,
ce sont les granulocytes qui sont les premières cellules périphériques à réapparaître après le début
de l'irradiation.
Les plaquettes ont une durée de vie de 9 à 12 jours et sont un élément cellulaire critique de
l'hémostase. Le profil évolutif des plaquettes est grossièrement semblable à celui des granulocytes
bien qu'il ne soit pas observé de remontée abortive. Après irradiation, on observe une chute des
plaquettes qui devient maximal au lOème jour. A 6 Gy le niveau minimal observé est inférieur à
30.000/ml. L'importance de la chute dépend de la dose et est à l'origine de purpura et d'épisodes
de saignements. Les hémorragies apparaissent lorsque les niveaux sont inférieurs à 30.000/ml. Elles
sont à l'origine d'une anémie. Il existe ainsi une synergie potentiellement létale entre la neutropénie
et la thrombocytopénie. Le profil de récupération plaquettaire est semblable à celui des
granulocytes.
Les hématies ne sont pas un facteur limitant de la survie après irradiation bien que la
production des hématies soit réduite ou perdue après irradiation. Les paramètres cliniques de ces
cellules (hématocrite, hémoglobine) après irradiation diminuent graduellement en fonction du turn-
over des cellules normales qui est de 12 jours. Le retour à la normale du nombre des hématies
s'effectue après celui des granulocytes et des plaquettes.
302
Il en résulte une rupture de la muqueuse et une ulcération de l'intestin entraînant un passage
des bactéries dans la circulation sanguine. Ces bactéries induisent fièvre et infection en raison du
déficit en granulocytes par atteinte de la moelle osseuse. Aux doses de 3 à 8 Gy, des atteintes
temporaires des jonctions entre cellules épithéliales de la muqueuse permettent le passage
d'endotoxine bactérienne dans le torrent circulatoire. Quand la dose augmente, la couche épithéliale
est fortement atteinte. Pour les doses de 7 à 10 Gy, la septicémie est plus importante que la
déshydratation et entraîne la mort en 2 à 3 semaines. A des doses d'environ 10 à 15 Gy, la
denudation de la muqueuse, particulièrement celle de l'intestin grêle, exacerbe la perte des fluides
et des electrolytes. Au-dessus de 12 Gy environ, la mortalité précoce apparaît en raison de la
déshydratation et du déséquilibre de la balance en electrolytes provoqués par l'ulcération extensive
de la muqueuse intestinale. Ces phénomènes se développent sur quelques jours et se caractérisent
par des crampes et des douleurs abdominales, des diarrhées devenant de plus en plus fréquentes et
sévères, suivies par un choc et la mort.
Le syndrome neurovasculaire est le moins bien connu des trois syndromes. Il se caractérise
par la rapidité d'apparition de la mort (inférieure à 2 jours) avant que ne puisse s'exprimer l'atteinte
des systèmes gastrointestinal et hématopoïétique. Il est difficile de définir précisément ce syndrome
en raison du peu de données humaines aux très hauts niveaux de dose qui sont nécessaires pour
produire ce syndrome et en raison des incertitudes sur les causes réelles du décès. Ce type de mort
sous rayonnement fut originellement désigné comme syndrome du système nerveux central en
raison des signes et symptômes neurologiques présents, comme la désorientation, la perte de la
coordination musculaire, la détresse respiratoire, les crises convulsives et le coma. L'évidence
histologique de dommages micro-vasculaires et d'un oedème cérébral (comme la hernie des
amygdales cérébelleuses) laisse imaginer que l'origine de ces morts précoces est due à
l'effondrement des fonctions du système nerveux central par l'oedème. Certains auteurs ont préféré
dénommer ce syndrome, syndrome par choc cardiovasculaire en raison de 1'extravasation massive
de sérum et d'electrolytes dans les tissus entraînant des problèmes circulatoires extrêmes, un
oedème, une augmentation de la pression intracrânienne et une anoxie cérébrale. Le seuil
d'apparition de ce syndrome est également mal connu. On pense généralement qu'une dose de 50
Gy est nécessaire pour qu'apparaisse un syndrome neurovasculaire et qu'une dose de 100 Gy
entraîne des dommages directs sur le système nerveux.
Plusieurs atteintes associées ont été observées au niveau de la muqueuse orale après une
irradiation globale. Les lésions apparaissent sur les amygdales, le pharynx, les cavités nasales et la
langue dans un délai qui varie de quelques jours à 5 semaines, avec une moyenne de 20 à 25 jours.
A la dose de 10 Gy, la phase de latence est seulement de quelques jours et l'oedème peut
s'étendre aussi loin que le larynx. Les symptômes d'accompagnement sont le gonflement et la
douleur au niveau des gencives et de la gorge.
Aux doses de 5 à 10 Gy une hypérémie des cavités orales et nasales est observée. Au 4-5ème
jour apparaît un oedème du palais et du pharynx postérieur. Ces phénomènes sont suivis de
saignement, d'ulcération et de nécrose. La guérison est lente et accélérée par l'antibiothérapie. Les
zones lymphoïdes sont généralement les plus touchées et sont les dernières à cicatriser. Les
manifestations oropharyngées furent très importantes au cours de l'accident de Tchernobyl et ont
été retrouvées chez un grand nombre d'irradiés. Des anomalies minimes ont été observées du 8ème
au 25ème jour avec une sensibilité des gencives, un oedème et une desquamation de la langue et des
joues. Certains patients ont présenté une forme plus sévère qui a débuté au 3ème jour après la
303
surexposition pour atteindre son acmé au lOème jour avec des érosions et des ulcérations de la
muqueuse orale et des douleurs intenses auxquelles était associée une parotidite radique prononcée.
Il faut noter qu'il existe par ailleurs, en radiothérapie, une entité séparée, connue comme la
pneumonie radique. Elle est observée environ 1 à 3 mois après irradiation. Cette pneumonie peut
être considérée comme une réaction inflammatoire pouvant entraîner une fibrose pulmonaire
chronique. Elle se caractérise par l'accumulation d'un exsudât riche en fibrine dans les alvéoles, un
épaississement du septum alvéolaire par du matériel fibrillaire et une prolifération cellulaire.
Bien que ce cours reprenne une démarche classique concernant la description du syndrome
aigu d'irradiation, avec une tentative de relier les effets à la dose, il est clair que cette démarche se
heurte au problème de l'importante variabilité interindividuelle observée, pour une dose
déterminée, chez la majorité des paramètres décrits.
Dans le cas d'une irradiation corporelle globale, les réactions biologiques (exemple:
l'inflammation) prennent une part active dans l'évolution physiopathologique du syndrome
d'irradiation. En d'autres termes, le sujet irradié est (comme pour d'autres pathologies), pour une
part, acteur dans l'évolution de sa maladie, indépendamment de l'agent ayant initié l'agression.
De ce fait, les effets des rayonnements sur l'organisme entier appartiennent à un système
complexe comprenant deux classes de phénomènes principaux:
304
- Les phénomènes ne dépendant pas directement du rayonnement. Il s'agit de réactions
biologiques non spécifiques, intrinsèques au système irradié, soit au niveau cellulaire, soit pour
l'essentiel liées aux interactions entre organes (ex: médiateurs circulants). Ceux-ci représentent
les facteurs prépondérants de la variabilité interindividuelle au niveau des transformations
intégrées.
La complexité de ces phénomènes est liée au fait qu'ils interagissent les uns sur les autres par
des boucles physiopathologiques en cascades et en réseaux.
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305
EFFETS DES RA YONNIMENTS SUR L'ORGANISME ENTIER
= SYSTEME COMPLEXE
(définition d'un cadre conceptuel et théorique adéquat)
ÎACTI-URS PR!-:i>ONDP.RANTS
DM LA VAR1AMII.ITF. 1NTI1RINDIVIDUHLLH
AU NIVMAU Ï)\IS TRANSFORMATIONS INTKGRIiliS
TKANSIOKMATIONS
- radiodépendantes
- radioindépendantes
DOMMA(iliS
RIÎSTAURATION
BIOLOGIQUES
MORT SURVIH
306
CHAPITRE 12. EFFETS STOCHASTIQUES
Mme. A. Flury-Herard
INTRODUCTION
Les effets tardifs des rayonnements ionisants sont dominés par deux pathologies: les cancers
et les effets héréditaires. Dans ces deux domaines, la responsabilité des rayonnements ionisants
comme agent causal est toujours difficile à établir car rien ne distingue les pathologies induites des
pathologies équivalentes spontanées dont l'incidence naturelle est élevée. De plus, le temps de
latence se mesure en années et leur apparition semble se faire au hasard au sein de la population
irradiée. Le lien entre l'irradiation et ces effets appelés stochastiques repose d'un point de vue
macroscopique sur la constatation, pour l'effet cancérogène uniquement, d'une relation entre
l'augmentation du nombre de cancers dans un groupe irradié et l'augmentation de la dose; ceci
conduit à évaluer ces effets en terme d'excès de risque par rapport à celui d'un groupe considéré
comme témoin. Il repose d'un point de vue mécanistique sur la constatation de similitudes entre les
lésions précoces induites par les rayonnements sur l'ADN et les lésions chromosomiques et
génomiques identifiées dans ces affections qu'elles apparaissent spontanées ou induites. Après avoir
évoqué la nature des lésions induites sur l'ADN dans la perspective de leur rôle pathologique, nous
traiterons successivement des effets sur les cellules somatiques et sur les cellules germinales.
En effet, les rayonnements ionisants ont pour cible privilégiée l'ADN cellulaire y induisant
des lésions secondairement corrigées par les systèmes de réparation. Une réparation insuffisante
peut être à l'origine d'effets déterministes par mortalité ou dysfonctionnement cellulaire qui, en
touchant de multiples cellules souches d'un même tissu, se traduit par des pathologies cliniques
associées, précoces (syndrome aigu d'irradiation, brûlures, épilation) ou tardives (cataractes, fibrose)
dont la caractéristique essentielle est de suivre une relation dose-effet dotée d'un seuil, tant en ce qui
concerne leur fréquence d'apparition que leur gravité.
Mais une réparation incomplète est plus directement responsable de modifications acquises du
matériel génétique, transmissibles à la descendance de la cellule mutée lors des divisions
cellulaires: les mutations. Ces modifications irréversibles sont multiples tant par leur nature
(deletions de taille variable, transversions, adduits survenant en un point quelconque du génome)
que par leurs conséquences liées à la localisation de la lésion; la molécule d'ADN est constituée de
3 milliards de paires de base dont les fonctions sont diverses: participant directement ou modulant
la traduction des gènes, appartenant à des régions non codantes dont les rôles sont probablement
multiples mais encore mal connus. Une mutation peut donc se manifester par l'absence de
traduction, par une modification de TARN messager, de la protéine ou de la régulation, ou être
silencieuse, qu'il s'agisse d'une région apparemment non codante ou d'un gène non exprimé dans la
cellule mutée.
L'analyse des effets des mutations est délicate puisque, qu'elles soient ou non radioinduites,
d'une part le spectre des lésions est a priori indépendant d'une cellule à l'autre et d'autre part,
l'identification des modifications fonctionnelles ne se fera que si la population cellulaire ayant une
mutation commune est suffisamment importante pour que cela donne lieu à manifestation clinique,
c'est à dire si la cellule mutée initiale a bénéficié de conditions de sélections favorables. En
307
pratique, on conçoit cependant que la mutation d'une seule cellule somatique puisse être à l'origine
de cancers et celle d'une cellule germinale à l'origine d'affections héréditaires.
Bien que la spécificité de l'origine radioinduite ne puisse être actuellement affirmée, l'effet
cancérogène des rayonnements ionisants est affirmé par des études épidémiologiques et confirmé
par la pathologie expérimentale qui met en évidence le rôle de cancérogène direct des rayonnements
agissant éventuellement en synergie avec d'autres toxiques. L'analyse de l'induction de maladies
génétiques est beaucoup plus délicate, car si les mécanismes ne font aucun doute, les doses
nécessaires pour induire une augmentation perceptible de la fréquence des maladies génétiques sont
telles qu'elles entraînent des conséquences somatiques bien plus graves.
Bien que la recherche des événements déterminant la survenue de cancers soit une
préoccupation majeure tant en ce qui concerne la cancérogénèse en général que la
radiocancérogénèse, les résultats obtenus ne permettent pas encore de faire une synthèse
satisfaisante et définitive. Ceci tient à la complexité de la maladie cancéreuse considérée par tous
comme une maladie multifactorielle dont les facteurs tenant au mode de vie, à l'environnement et
au polymorphisme génétique sont loin d'être tous caractérisés et ordonnés. Ceci tient également, et
ce fait constaté découle pour partie du précédent, des limites des modèles de cancérogénèse.
Cependant, malgré leurs imperfections ces modèles apportent des informations de deux ordres: sur
les événements marquants du processus cancérogène et sur la modulation du risque en fonction des
conditions liées à l'exposition et à l'hôte.
Les études visant à mettre en évidence le rôle cancérogène d'un agent reposent sur
l'utilisation de modèles faisant appel aux cellules en culture, à l'exposition de populations animales
et à l'analyse de lésions humaines.
Les cellules normales de mammifères ne peuvent être maintenues en culture que pendant une
durée limitée par leur senescence. L'addition d'agents mutagènes permet dans certaines conditions
d'immortaliser les cellules et dans un deuxième temps de les rendre tumorigènes, c'est à dire
capables de former des tumeurs lorsqu'elles sont injectées à des souris athymiques: jusqu'à présent,
l'irradiation seule est impuissante à immortaliser des cellules humaines et à les rendre tumorigènes.
En revanche, les cellules de rongeurs sont beaucoup plus facilement immortalisables et
transformables permettant l'analyse des effets d'un cancérogène ou de différents agents dont on
teste les effets conjoints [1,2].
Les études expérimentales permettent de soumettre une population animale à une exposition
et une surveillance dont les différents paramètres sont contrôlables. En ce sens, c'est un support de
l'épidémiologie dont la limite est celle de l'extrapolation. L'exposition étant chronologiquement et
quantitativement connue, différentes observations ont permis de confirmer le processus multiétapes
et la cocancérogénèse [3]. Plus récemment, des animaux génétiquement manipulés sont à la base de
la confirmation in vivo des fonctions de gènes tels que gènes de réparation, oncogènes ou gènes
suppresseurs de tumeur [4].
Les tumeurs humaines permettent l'étude génétique des tumeurs malignes, mettant en relief la
diversité selon l'origine tissulaire et l'analyse de populations ayant une prédisposition à la
cancérogénèse ce qui a permis de montrer l'importance de certains processus de réparation ou
d'identifier des gènes dont le déficit favorise la cancérogénèse [5].
308
12.2.1.2. Processus en plusieurs étapes
Parallèlement, sur la base des études in vitro, s'est identifié le concept d'immortalisation-
transformation dont l'aboutissement est l'acquisition du pouvoir tumorigène. Ces deux concepts
convergent vers l'interprétation visant à mettre en parallèle immortalité et initiation, transformation
et promotion en une hypothèse génétique de la cancérogénèse qu'étayent les observations sur le rôle
de gènes spécifiques: les oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur.
Les modifications génétiques dans les tumeurs malignes ont été initialement abordées par la
mise en évidence dans des tumeurs hématologiques et sarcomes, d'aberrations chromosomiques
systématiques caractérisées par un petit nombre de remaniements, spécifiques du type tumoral, qu'il
s'agisse de remaniements équilibrés: par exemple la translocation (11;22) du sarcome d'Ewing ou
déséquilibrés: par exemple la deletion 5q dans les syndromes myélodysplasiques. L'analyse des
cancers épithéliaux, plus récente, a montré l'existence de modifications chromosomiques multiples
et complexes conduisant à des remaniements récurrents mais qui n'ont pas la spécificité des
précédentes. Les régions chromosomiques ainsi ciblées ont servi de base à l'identification par les
techniques de biologie moléculaire de gènes intervenant dans le processus cancérogène, mettant en
lumière deux catégories de gènes, oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur.
Les oncogènes résultent de l'expression altérée de gènes normaux, les proto oncogènes.
Schématiquement, ceux-ci favorisent la prolifération cellulaire et appartiennent aux classes des
récepteurs de facteurs de croissance, des facteurs de transduction du signal ou des facteurs de
transcription [9,10].
L'expression altérée après mutation ponctuelle, translocation et juxtaposition avec une autre
séquence d'ADN, insertion ou amplification génique, a pour résultat une activation échappant au
contrôle cellulaire; le proto oncogène activé en oncogène agit comme un gène dominant pouvant
être directement responsable de la prolifération anarchique des cellules. Dans certaines tumeurs
hématologiques comme la leucémie myéloïde chronique (LMC) ou le lymphome de Burkitt,
1'activation d'oncogènes a pu être spécifiquement considérée comme un événement causal, primaire
ou très précoce. En effet la translocation équilibrée entre les chromosomes 9 et 22 dans le premier
cas touche deux gènes, ABL et BCR, qui se trouvent recombinés en un gène de fusion doté
d'activité oncogène [11]. Dans le lymphome de Burkitt, la translocation active le proto oncogène
MYC en le plaçant sous le contrôle des systèmes de régulation d'un gène des immunoglobulines.
En fait, même dans les cas les plus simples, il n'existe pas une seule mutation mais plusieurs et il
est difficile de reconnaître lesquelles sont les causes et lesquelles sont les conséquences du processus
cancéreux [12]. Un point est toutefois très important: il est démontré que l'activation de certains
oncogènes est suffisante pour enclencher le processus de cancérisation. L'une des preuves est
l'obtention précoce de tumeurs chez les souris transgéniques.
309
Ces souris sont ainsi nommées car on leur a transféré un gène d'une autre origine dans un de
leurs chromosomes. On peut ainsi introduire dans un oeuf fécondé un oncogène que l'on place sous
la dépendance d'un promoteur, qui, sollicité, oblige à son tour l'oncogène à s'exprimer. Cet oeuf
est réimplanté chez la mère qui donne naissance à un souriceau porteur constitutionnel de
l'oncogène. L'oncogène, dont l'intégration n'a pas nécessairement modifié le développement du
foetus, est responsable à lui seul, de l'apparition précoce de tumeurs malignes limitées aux tissus
exprimant le promoteur. Cependant, in vitro, ce caractère dominant est souvent impuissant à lui
seul à induire un processus tumorigène; en revanche certains oncogènes agissent en coopération, le
premier immortalisant et le second transformant les cellules préalablement immortalisées [13,14].
D'autres gènes suppresseurs ont été identifiés [16,18] et l'on s'accorde à penser que leur rôle
physiologique est de contrôler la prolifération et/ou de réguler les programmes de differentiation
cellulaire. Un rôle majeur des produits des gènes RB, WT, p53 est la commande du cycle
cellulaire, soit par régulation transcriptionnelle, soit par liaison à l'ADN (p53). Dans le cas des
gènes FAP, APC, MCC, situés sur le 5q et liés à la tumorigenèse colique, on a émis l'hypothèse
qu'ils pourraient agir conjointement pour contrôler la prolifération de l'épithélium colique [19].
Cependant, il s'agit de schémas, en particulier pour p53 dont on a montré qu'il pouvait également
agir en coopération avec des oncogènes comme RAS dans la transformation de cellules de rongeurs
[20].
310
12.2.1.4. Facteurs radiobiologiques influençant la cancérogénèse
La quantification du risque après irradiation fait intervenir des facteurs dépendant des
conditions de l'exposition et des facteurs liés à l'hôte. L'identification et la caractérisation des
paramètres modulables s'appuient sur la cancérogénèse expérimentale. Le modèle choisi doit
répondre à plusieurs contraintes: espèce comparable à l'espèce humaine pour la physiologie, la
nature et la chronologie d'apparition des tumeurs malignes spontanées, sensible à l'induction de
tumeurs par l'irradiation mais dont l'espérance de vie est suffisamment brève pour que le suivi de la
cohorte irradiée jusqu'à son extinction soit compatible avec l'obtention de résultats dans des délais
raisonnables . Le choix de l'espèce s'est porté sur le rat, mammifère d'élevage aisé, ayant une
espérance de vie d'environ trois ans et dont la quasi totalité des tumeurs épithéliales survient dans le
dernier tiers de la vie. Les données obtenues permettent une comparaison des effets des différentes
modalités d'exposition.
- Variation selon la dose: l'irradiation augmente globalement l'incidence des tumeurs et, à débit
de dose égal, le temps de latence est d'autant plus réduit que la dose est élevée [3]. La forme de
la courbe dose-effet varie avec le type de cancer. Le plus souvent, pour les rayons X et gamma,
elle correspond à une relation linéaire quadratique avec des effets faibles,voire une incertitude
quant à la réalité de l'effet, pour les doses inférieures à 1 Gy.
- Variation selon le débit de dose: à dose égale, le risque de cancer est deux à dix fois plus faible
pour les irradiations à faible débit de dose par comparaison avec un fort débit de dose. Dans une
étude sur des rats Sprague-Dawley,on a pu montrer qu'à dose cumulée égale de 3 Gy en
irradiation gamma, l'incidence des carcinomes diminue d'un facteur 5 quand le débit de dose est
réduit d'un facteur 60 [25] .
- Variation selon l'âge. L'âge à l'exposition module la fréquence et les types tumoraux: l'irradiation
du foetus met en évidence une radiosensibilité des organes reproducteurs et du système nerveux
central par rapport à l'irradiation du jeune rat adulte [26].
- Variation selon le type de rayonnement: les études animales confirment les tests in vitro sur
cellules de rongeurs montrant une différence d'efficacité de transformation selon le TLE. Les
rayonnements à transfert d'énergie élevée (particules alpha, neutrons) sont, à dose égale, cinq à
vingt fois plus cancérogènes que les rayonnements de faible TLE.
- Variation en fonction de l'addition de produits cocancérogènes: certains produits chimiques
agissent comme promoteur, augmentant le risque cancérogène. Ainsi le tabac agit en synergie
avec le radon dans la cancérogénèse pulmonaire, leur action, combinée dans un ordre déterminé
(exposition au radon puis au tabac), provoque une augmentation de l'incidence selon un risque
multiplicatif s'accompagnant d'une réduction du temps de latence [3].
Mais il faut se garder d'oublier que le risque de cancer est variable selon les espèces, les
races animales et les tissus étudiés et que le modèle le plus sûr de la cancérogenèse humaine reste
l'homme.
12.2.2. Epidémiologie
L'épidémiologie a fourni les données les plus convaincantes sur la réalité des effets
cancérogènes des rayonnements ionisants. La responsabilité des rayonnements dans la survenue
d'un cancer n'étant jamais une certitude, l'effet cancérogène est évalué par un excès de risque par
rapport à une population choisie comme référence. La qualité de la quantification du risque en
fonction de la dose dans un groupe exposé est fonction des biais multiples inhérant à toute étude
clinique [27].
311
12.2.2.1. Moyens d'étude
Les sources de données proviennent essentiellement de trois types d'exposition: l'enquête sur
les survivants de Hiroshima et Nagasaki, caractérisés par une exposition à fort débit de dose,
parfaitement définie dans le temps; les expositions médicales (radiodiagnostic ou radiothérapie) qui
fournissent des données complémentaires de par la variété des conditions d'exposition (tissu, dose,
débit de dose) et des groupes irradiés (âge, sexe, pathologie); les expositions professionnelles
comme la surveillance des mineurs d'uranium dont l'intérêt réside dans la mise en évidence d'un
excès de tumeurs sur des tissus cibles soumis à une exposition chronique. Un dernier mode
d'exposition concerne l'étude des populations exposées à une irradiation naturelle à des niveaux
variés et l'effet des retombées des essais nucléaires atmosphériques. Cependant, les résultats
obtenus dans ce dernier type d'étude ne permettent pas d'améliorer la quantification du risque dans
cette gamme de dose.
12.2.2.2.1. PRINCIPES
Dans les études cas-témoins, l'intérêt réside dans le plus petit nombre de sujets: les
informations proviennent de sujets qui ont réellement développé l'affection et les témoins sont
appariés selon l'âge, le sexe et d'autres facteurs relevants. L'interprétation des résultats dépend de
la représentativité de la cohorte témoin dans la population. Ce type d'étude est utile pour
différencier le rôle de différents mutagènes (en particulier en association avec le tabac) [28].
12.2.2.2.2. PARAMETRES
Quatre paramètres majeurs sont analysés: la fréquence des tumeurs, le temps de latence, les
types histologiques, le sexe et l'âge à l'exposition. Ces éléments sont analysables séparément mais
la quantification du risque doit tenir compte des biais qui sont autant de facteurs d'incertitude sur
son estimation.
Le plus important est celui portant sur l'estimation des doses car la dosimétrie est faite
rétrospectivement à partir de modélisations physiques et de données biologiques et cliniques;
l'estimation qui en résulte n'est pas homogène et varie selon l'accessibilité de l'organe aux données.
Un autre paramètre capital porte sur la validité de la comparabilité des populations exposées
et témoins. Par exemple, à dose élevée, une partie de la population exposée décède des effets
précoces de l'irradiation , la population survivante exposée est une sous-population sélectionnée de
la population initiale et le risque ultérieur de décès par cancer peut être sous-estimé dans cette
gamme de dose élevée. De manière analogue, la plupart des enquêtes en milieu professionnel
concluent à un risque global de décès par cancer inférieur à celui qui est attendu dans la population.
Ceci est dû en partie à ce que la population de travailleurs est une sous-population sélectionnée sur
son bon état de santé. Cet effet est connu sous le nom de "effet du travailleur sain".
312
La comparabilité des populations exposées et témoins est également dépendante de la qualité
des diagnostics, de la prise en compte des cancers non mortels, de facteurs de risque tels que
ethnie, facteurs démographiques , alimentaires inhérant à la population. Enfin, il faut considérer
les biais liés aux études de cohorte comme les informations sur les perdus de vue ou la qualité des
registres pour les études d'incidence [27].
L'étude fondamentale, qui est à la base des données quantifiées, est celle du suivi de la
population d'Hiroshima et Nagasaki car c'est un groupe important, la surveillance est longue,
l'échantillonage représente les deux sexes et tous les âges, l'éventail de doses est large par
irradiation globale gamma (Nagasaki) ou gamma-neutrons (Hiroshima) à débit de dose élevé. La
cohorte comporte 93000 survivants et 27000 témoins. C'est la Life Span Study, appelée LSS dans
la suite du texte.
Les autres enquêtes comprennent des études concernant d'une part le traitement de maladies
malignes: cancer du col utérin, du sein, cancers survenant dans l'enfance; d'autre part le traitement
de maladies bénignes de l'enfant (teignes du cuir chevelu, gros thymus, hémangiome), d'affections
gynécologiques de la femme jeune, de spondylaithrites ankylosantes ou d'examens diagnostiques
(fluoroscopies répétées) [27].
Ce type d'études regroupe des expositions prénatales par des rayons X et les femmes
enceintes irradiées à Hiroshima-Nagasaki; les expositions professionnelles des travailleurs du
nucléaire au Royaume -Uni, aux USA et en Russie; des expositions environnementales autour de
sites militaires (Techa River dans l'Oural); des expositions à l'iode (étude diagnostique,
thyrotoxicoses, retombées sur les iles Marshall ou en Utah).
Les enquêtes concernent les mineurs d'uranium, les peintres de cadrans luminescents, les
patients ayant subi un examen radiologique au thorotrast.
12.2.2.4. Résultats
12.2.2.4.1. LES METHODES DE CALCUL
- Le risque absolu (RA) est égal à la différence entre le nombre de cas observés dans la
population exposée et le nombre de cas attendus dans la population témoin. Il est rapporté à un
nombre de personnes exposées (par exemple 10000) pendant une année au risque (1 Sv).
- Le risque relatif (RR) est égal au rapport entre le nombre de cas observés et le nombre de cas
attendus . L'excès de risque relatif est égal à 1 moins le risque relatif.
Quelques enquêtes sont remarquables par leur apport spécifique sur les caractères
d'identification du risque radioinduit.
Les ostéosarcomes sont des cancers de l'enfant et de l'adolescent dont la fréquence décroit
après l'âge de 15 ans et de diagnostic exceptionnel après 40 ans. Les peintres de cadrans
luminescents employaient un produit contenant du radium, et affinaient les pinceaux à la bouche.
313
C'est la localisation inhabituelle (mâchoire) et l'âge (plus de 40 ans) qui ont mis en avant l'origine
radioinduite des tumeurs [29].
Les autres résultats proviennent pour la plupart de la LSS [27]. Dans cette population, les
leucémies et lymphomes ont été enregistrés à partir de 1950 et les tumeurs solides à partir de 1957.
La dosimétrie a été reconstituée rétrospectivement et plusieurs fois amendée: les doses utilisées sont
actuellement celles de la DS86 [27]. Les résultats ont été analysés en fonction de la dose répartie en
7 classes; en fonction de l'âge à l'exposition en 6 classes d'âge et en fonction du sexe.
On constate globalement un excès de risque de décès par cancer dès lors que la dose est
supérieure à 0,2 Gy: excès des tumeurs hématologiques à l'exception des leucémies lymphoïdes
chroniques, et excès de tumeurs solides portant sur toutes les localisations sauf le rectum, la
vésicule biliaire, le pancréas, le larynx, le col et le corps de l'utérus, la prostate. La relation dose-
effet pour l'ensemble des tumeurs est linéaire , en incidence et en mortalité .
Le calcul du risque montre un excès de risque relatif, qui rapporté à lSv, est en mortalité de
5,2 et 0,45 respectivement pour les leucémies et les tumeurs solides et en incidence de 4,4 pour les
leucémies et 0,63 pour les tumeurs solides.
Pour les études relatives au risque spécifique de chaque organe, les données de la LSS sont
complétées par des études d'exposition partielle comme, dans le cancer bronchopulmonaire, les
études sur la spondylarthrite ankylosante, les poumons étant tout ou partie dans le champ de
l'irradiation du rachis [32] et sur le traitement de l'ulcère gastrique [33]. Ces deux dernières études
indiquent un excès de risque de cancer bronchopulmonaire plus faible que dans la LSS (0,12 et 0,39
respectivement contre 0,76 dans la LSS). D'une manière générale, les enquêtes analysant un risque
spécifique au niveau d'un organe fournissent une estimation de risque plus faible que celles de la
LSS [27].
Sur la LSS, l'analyse des tumeurs des deux sexes ne révèle pas de différence si l'on estime
l'effet par la méthode du risque absolu; en revanche, la répartition des cancers n'étant pas
identique, il y a un excès de risque relatif pour les cancers dont la fréquence spontanée est faible
comme les cancers bronchopulmonaires chez la femme.
La LSS suggère un risque plus élevé chez les sujets irradiés jeunes [34]; l'excès de risque
relatif des tumeurs non hématopoïétiques est 2 fois plus élevé pour les survivants irradiés avant
l'âge de 15 ans par rapport à ceux irradiés après l'âge de 35 ans. Pour les leucémies ,chez les
enfants irradiés avant l'âge de 15 ans, l'excès de risque maximum est obtenu plus tôt avec une
incidence plus élevée que chez les sujets irradiés plus tardivement [27,34].
En ce qui concerne l'origine ethnique, les données sont fragmentaires: les seules études
utilisables concernent les effets du traitement de teignes de l'enfant: dans l'enquête de New-York
tous les cancers sont observés chez des enfants blancs alors que les enfants noirs représentent le
quart de l'échantillon [27].
314
A côté de ces facteurs classiques, la notion de prédisposition génétique ne repose que sur des
données très ponctuelles tirées de la génétique médicale.
Une prédisposition est suspectée sur les caractères tumoraux inhabituels: formes multifocales,
multiples, d'apparition précoce, une récurrence familiale ou un phénotype particulier associé. On
distingue les cancers héréditaires (gènes transmis héréditairement comme dans le rétinoblastome)et
les maladies prédisposantes dont les gènes responsables entraînent un défaut de réparation de
l'ADN comme dans l'Ataxie-Telangiectasie ou l'Anémie de Fanconi. Ces affections de
transmission homozygote récessive se traduisent par un déficit immunitaire et une radiosensibilté
accrue. Les malades homozygotes développent précocement des tumeurs malignes. Le gène
déficient se maintient aussi à l'état hétérozygote dans la population (1 à 2% pour le gène de
l'Ataxie). Or, on a pu montrer que les femmes, hétérozygotes pour le gène de l'Ataxie, avaient une
sensibilité accrue au cancer du sein [35]. Si l'on considère l'ensemble des gènes connus pour être
impliqués dans la cancérogénèse, on conçoit que la notion de prédisposition génétique puisse
s'étendre à des catégories aux contours mal définis comme les agrégats familiaux de cancers et
concerner une bien plus grande partie de la population que le petit nombre de tumeurs
génétiquement déterminées servant de modèles de cancérogénèse.
On n'a jamais mis en évidence chez l'homme d'effet cancérogène induit par de faibles doses
délivrées à faibles débits posant la question de l'existence d'un seuil au-dessous duquel le risque de
cancer serait nul. Même les enquêtes radiodiagnostiques,malgré le grand nombre d'examens
pratiqués, restent pour la plupart négatives. Les quelques enquêtes positives ont trait à des examens
radiologiques effectués il y a de nombreuses années et ayant délivré des doses répétées. Citons par
exemple: une petite augmentation des cancers du sein chez des femmes ayant subi de nombreuses
radioscopies pour surveillance de pneumothorax dans les tuberculoses pulmonaires [27].
Actuellement, on ne dispose pas non plus avec certitude de signature d'une composante
radioinduite des affections tumorales ou héréditaires, encore moins d'un diagnostic étiologique.
L'estimation du risque cancérogène lié à des expositions chroniques à faible dose et faible débit
allant jusqu'à l'estimation du risque lié à l'irradiation naturelle est extrapolé à partir des données
obtenues à forte dose et fort débit. Les facteurs de pondération à prendre en compte sont parfois
contradictoires: atténuation du risque et effet d'hormésis (phénomène par lequel une première
irradiation à faible dose diminue les effets dus à une deuxième irradiation à forte dose) ou au
contraire prise en compte de la diminution de la mortalité cellulaire et par la même de la plus forte
transmissibilité des mutations. L'attitude est loin d'être univoque et en ce qui concerne
l'épidémiologie,des récents résultats portant sur la surveillance des travailleurs du nucléaire au
Royaume Uni montreraient un risque de leucémie correspondant à celui estimé par la LSS et une
absence de risque significatif de tumeur solide [36].
Ce sont les effets transmis à la descendance par les cellules germinates parentales.
Conceptuellement, la transmission d'une mutation par les cellules germinales est un phénomène
simple. Chaque oeuf résulte de la fusion d'une cellule unique provenant de chacun des parents . On
conçoit alors aisément qu'une mutation acquise sur un gamète parental soit transmise dans la
descendance. Cependant, en pratique, le filtre de la reproduction qui passe par la gamétogenèse, la
fécondation, l'implantation du zygote, les premiers stades de l'embryogenèse et de l'organogenèse
(autant d'étapes éliminant les mutants) est heureusement d'une très grande efficacité, d'où la
protection naturelle qui en résulte en dépit d'une mutagenèse toujours présente.
315
Cette mutagenèse explique qu'apparaisse un certain taux de mutations à chaque génération.
Ces mutations spontanées, apparaissant au hasard dans la population sont appelées mutations
naturelles; la réalité est un peu plus complexe puisque parmi ces mutations certaines sont liées au
mode de vie et à l'environnement naturel. Elles sont transmissibles et donnent lieu à sélection
négative ou positive, responsable de l'évolution des espèces. Statistiquement, dans toute population
il existe à chaque génération un état d'équilibre entre le nombre de mutations apparaissant de novo et
le nombre de mutations disparaissant parce que les sujets qui en sont porteurs se reproduisent moins
ou ne se reproduisent pas.
Comme dans les cancers, la difficulté d'estimation du risque radioinduit tient à l'incidence
spontanée des affections héréditaires et à la difficulté de les différencier de certaines lésions
acquises pendant l'embryogenèse ou la foetogenèse. En effet, non seulement 10% des enfants sont
porteurs d'anomalies congénitales dont une partie seulement est d'origine génétique mais 15% des
produits de fécondation se terminent par une fausse couche. Même si la moitié d'entre elles sont
porteuses d'anomalies chromosomiques, le lien avec une mutation parentale ne paraît pas toujours
évident.
Les lésions chromosomiques sont les mieux identifiées. Il s'agit soit d'aneuploïdie libre
résultant d'une malségrégation à la méiose: les seules aneuploïdies viables sont des trisomies 21 ou
plus exceptionnellement 18 dont le taux spontané varie avec l'âge maternel avec une incidence
totale de 0,4%; ce type d'aneuploïdie n'est pas inductible. Les aneuploïdies liées résultent quant à
elles d'une translocation équilibrée, présente constitutionnellement dans les cellules de l'un des
parents ou apparue dans des gamètes. Leur incidence spontanée est faible 0,06% mais comme toute
translocation, elle peut être radioinduite et le phénotype lié à l'aneuploïdie se traduisant par des
malformations ou des fausses couches, est repérable en première génération.
- les mutations à transmission dominante dont l'incidence est de 0,9%; par définition , elles sont
observées dès la première génération;
- les mutations autosomiques récessives d'incidence spontanée de 0,25% ne sont pas observées en
première génération sauf si la mutation est présente dans les deux gamètes parentales;
- les mutations sur le chromosome X d'incidence spontanée de 0,1%, n'apparaissent en première
génération que chez les garçons;
- les affections géniques à déterminisme complexe qui regroupent des affections ayant une
composante héréditaire déterminée par plusieurs loci (polygénique) et/ ou une composante
environnementale(multifactorielle). Il est difficile de départager le rôle de la mutation de celui de
l'environnement. Une des difficultés de leur recensement tient à leur apparition pendant
l'adolescence ou l'âge adulte. Cependant ces affections sont de loin les plus fréquentes: leur
incidence spontanée est de 9% et, comme toutes les mutations, elles sont inductibles.
Cependant la probabilité de les mettre en évidence à la première génération est faible du fait de
l'implication de plusieurs loci. De plus, des affections cliniquement identiques peuvent
correspondre à des désordres génétiques différents .
316
Toutes ces classifications sont basées sur les lois mendéliennes de transmission et
d'expression des gènes. Au cours de la dernière décennie , ont été identifiées des affections dont le
mode d'expression ne s'explique pas par les lois de Mendel. Ceci ne s'applique qu'à une partie du
génome mais peut expliquer des modes de transmission non classiques [37].
L' empreinte génétique est un mécanisme régulateur par lequel certains gènes sont exprimés
différemment et conduisent à des phénotypes différents selon qu'ils sont hérités du père ou de la
mère; ceci est restreint à certaines régions chromosomiques mais l'expression d'un caractère étant
déterminé par l'origine parentale du gène, le gène parental soumis à empreinte devient alors pseudo
dominant. L'empreinte parentale pourrait favoriser la survenue de tumeurs de type héréditaire
comme le rétinoblastome.
L'hérédité cytoplasmique est un mécanisme général: les mitochondries ont leur génome
propre, molécule d'ADN contenant des gènes codant essentiellement pour le métabolisme oxydatif.
La transmission de cet ADN se fait par les mitochondries. Lors de la fécondation, les gamètes
mâles ne contiennent pas d'ADN mitochondrial, la transmission se fait donc exclusivement par la
mère. Or les gènes mitochondriaux ont un taux de mutation spontané plus élevé que celui des gènes
nucléaires . On peut donc assister à la coexistence de mitochondries mutées et non mutées qui se
transmettent à la descendance. Elles sont responsables de pathologies très rares s'exprimant dans les
tissus ayant de forts besoins métaboliques .
La radiosensibilité à l'induction de mutations est augmentée sur les cellules cyclantes par
rapport à celle des cellules quiescentes. Au cours du cycle cellulaire, c'est la phase de replication
de l'ADN cellulaire, phase S, qui présente le maximum de radiosensibilité. Au cours de la
formation des gamètes, ce sont donc les périodes de multiplication cellulaire qui correspondront à
des périodes de radiosensibilité maximale.
La formation des gamètes est discontinue chez la femme: l'essentiel des divisions cellulaires
a lieu in utero, à partir du 7 è m e mois de grossesse permettant la formation des ovocytes I dont le
nombre définitif est acquis à la naissance. Ensuite, la deuxième division de méiose n'a lieu qu'à la
fécondation. Les périodes de radiosensibilité sont donc restreintes au dernier trimestre de grossesse
et ,entre la puberté et la ménopause, à une période de radiosensibilité moindre qui est la phase de
maturation de l'ovocyte fécondable.
Le risque de mutation après une exposition modérée a des conséquences différentes dans les
deux sexes. Chez la femme irradiée en phase de maturation folliculaire, le risque de mutation est
restreint à l'ovocyte sélectionné et l'excès de risque est infime au delà du cycle ovulaire en cours;
en revanche une irradiation en fin de grossesse peut avoir des conséquences sur la descendance en
deuxième génération si le foetus irradié est de sexe féminin. Chez l'homme adulte, quel que soit le
317
moment de l'irradiation, des cellules germinales cyclantes sont touchées. La période correspondant
à un excès de risque s'étend sur la durée d'un cycle de spermatogenèse, c'est à dire 80 jours [27].
Elles proviennent, chez l'homme, des registres d'incidence, qui, comme les registres
d'incidence des cancers sont disparates, contenant l'incidence des fausses couches, des anomalies
congénitales sévères qui diminuent l'espérance de vie ou altèrent les capacités fonctionnelles (2 à
3% de l'ensemble des anomalies congénitales) et d'anomalies mineures (5 à 13%) qui sont détectées
dans l'ensemble de la population.
Les données expérimentales sont toutes issues d'études sur la souris, destinées à mettre en
évidence l'incidence induite de mutations dominantes évaluées à partir des lésions du squelette et
des cataractes [27,37].
L'estimation de la dose doublante est basée sur le taux de mutations spontané dans la
population; c'est la dose nécessaire au doublement du taux de mutations survenant spontanément en
une génération. Elle est obtenue en divisant le taux moyen de mutations spontanées survenant sur
un locus par le taux d'induction de mutation sur ce même locus [27]. Cette méthode est utilisée
pour estimer le risque à l'état d'équilibre. La dose doublante de 1 Sv pour les faibles débits de dose
ou les expositions chroniques aux X ou gamma est déduite des données de mutations dominantes et
récessives sur 7 loci chez la souris.
Avec la méthode directe, le risque est estimé à partir des mutations dominantes chez la souris
affectant le squelette ou le cristallin.
En l'absence d'effet héréditaire manifeste pouvant orienter sur le choix d'un modèle, il est
toujours recommandé de les utiliser conjointement et d'en comparer les résultats [37].
318
12.3.3.3. Estimation du risque
Les données des survivants d'Hiroshima et Nagasaki indiquent qu'une irradiation à dose
modérée n'entraîne pas de modifications notables de l'état de santé de la génération suivante.
Différents indicateurs ont été utilisés pour calculer la dose doublante (car la méthode directe est
inadaptée) comme une "issue fâcheuse de la grossesse", le taux de cancers chez l'enfant né de
parents exposés et la détection de mutations affectant des protéines. La dose doublante est estimée
entre 1,7 et 2,2 Sv pour une irradiation aiguë et 4 Sv pour une irradiation chronique. Ces niveaux
sont compatibles avec les résultats négatifs des études sur des populations exposées à des niveaux
élevés d'irradiation naturelle et confortent l'hypothèse d'une forte pression de sélection s'exerçant
tant au niveau de la gamétogenèse que des premières étapes de l'embryogenèse.
Les estimations de risque retenues par les instances internationales (CIPR 60, UNSCEAR
1988 et 1993),établies à partir d'enquêtes épidémiologiques et d'études animales, traduisent cette
pression de sélection.
La dose aux gonades qui multiplie par deux le risque d'une malformation donnée après une
irradiation aiguë est estimée à 1,2 Gy chez l'homme et à 10 Gy chez la femme.
Dans une population exposée à 0,01 Sv par génération, l'augmentation du risque se traduit
par l'apparition de 185 anomalies héréditaires par million de naissances à l'équilibre c'est à dire
après 10-15 générations, soit une augmentation de 2 pour mille.
Les recommandations qui apparaissent dans la Publication 60 de la CIPR visent à éviter les
effets déterministes et limiter l'incidence des effets stochastiques. Pour cela, elle prend en compte
toutes les sources (y compris naturelles), tous les types d'exposition, tous les dommages (y compris
les cancers non mortels et les effets génétiques sur toutes les générations).
Le DDREF dépend en réalité, non seulement de la dose et du débit de dose, mais aussi de la
qualité du rayonnement et de l'organe considéré. L'utilisation d'une valeur unique, fixée à 2,
utilisable uniquement pour les rayonnements à faible TLE, est très simplificatrice mais il n'existe
pas de données suffisantes pour proposer une meilleure analyse.
319
12.4.2. Evaluation du risque
Le risque de décès par cancer s'appuie sur les données de la LSS sauf pour quelques
tumeurs, surface osseuse, thyroïde, foie, sein pour lesquelles d'autres enquêtes ont été également
utilisées. Il est calculé à partir d'un modèle de risque relatif. Le facteur de risque de décès par
cancer après irradiation globale est estimé à 5% par sievert pour l'ensemble de la population et à
4% si l'on restreint l'analyse à une tranche d'âge de 18 à 65 ans.
Le facteur de risque pour les effets héréditaires pour toutes les générations à venir est de 1%
par sievert pour l'ensemble de la population et de 0,6% pour la population de 18 à 65 ans.
Le détriment, c'est à dire l'ensemble des affections qui modifient la qualité de la vie et
éventuellement sa durée, prend en compte le risque de cancer non mortel et un facteur tenant
compte du nombre d'années perdues par cancer ou maladie héréditaire. Il est calculé par organe.
Leur objectif est de limiter l'incidence des effets stochastiques dans deux situations:
l'exposition professionnelle et l'exposition du public.Limiter les effets stochastiques revient
essentiellement à limiter le risque de cancer, risque bien supérieur à celui de l'induction des effets
génétiques.
Le calcul de la limite se base sur les conséquences d'une exposition entre 18 et 65 ans à des
doses annuelles de 10 à 50 mSv. Le principe de la limitation nécessite de comparer le risque de
décès par cancer pour cette gamme de dose au risque de décès par cancer chez les travailleurs
appartenant à des industries conventionnelles. Ce dernier est évalué à 0,1% par an. Le risque de
décès par cancer chez des travailleurs du nucléaire devient supérieur à 0,1 % par an au milieu de la
tranche d'âge 50-60 ans si l'exposition est de 50 mSv par an et au milieu de la tranche d'âge 60-70
ans si l'exposition est de 20 mSv par an. Sachant que dans la population, le maximum de décès par
cancer se situe à la fin de la septième décennie, la CIPR propose comme limites une dose moyenne
annuelle de 20 mSv sur 5 ans avec une limite annuelle de 50 mSv.
Les limites de dose recommandées sont en moyenne de 1 mSv par an sur 5 ans et ne tiennent
compte des expositions liées aux activités humaines et qui peuvent être évitées.
12.5. CONCLUSION
320
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322
Notes personnelles
323
Notes personnelles
324
PARTIE 4
NEXT
left BLANK
CHAPITRE 13. LA DOSIMETRIE EXTERNE: PASSAGE DE LA MESURE A LA DOSE
D.Paul
INTRODUCTION
Le problème traité dans ce cadre n'est pas celui de la DETECTION des rayonnements
ionisants mais celui de la DOSIMETRIE, plus complexe. En effet, si la DETECTION a beaucoup
été explorée, la DOSIMETRIE qui fait intervenir un grand nombre de paramètres faisant obstacle
au passage direct de la mesure à la dose présente encore beaucoup d'équations à plusieurs
inconnues, la dose est seulement estimée. Pour reprendre la définition donnée par F.H. Attix [1], la
dosimétrie traite la mesure de la dose ou du débit de dose absorbés résultant de l'interaction des
rayonnements ionisants avec la matière. Plus largement, elle se réfère à la détermination (par calcul
ou par mesure) de ces quantités ou de toute autre quantité radiologique appropriée telle que
l'exposition, le kerma, la fluence, l'équivalent de dose, l'énergie impartie etc. A partir de la mesure
d'une de ces quantités, on peut en déduire les autres par calcul à partir de relations préalablement
définies. Nous ne parlerons pas ici de la spectrométrie des rayonnements. Bien qu'ayant des
connexions avec la dosimétrie, cela relève d'un autre domaine que l'on pourra trouver en référence
avec l'ouvrage de D. Blanc [2].
L'opération absolue d'un dosimètre consiste à atteindre la dose absorbée en un point d'un
milieu Ni au moyen d'un matériau détecteur M , de masse m, placé dans le milieu M au point
considéré.
327
La dose absorbée £) M> dans le milieu matériau M est par définition reliée à l'énergie
moyenne E déposée dans la masse m, proportionnelle à la valeur g d'une grandeur mesurable. La
relation fondamentale est la suivante:
D w (13.1)
" m
m" m
m
L'emploi de la chambre d'ionisation est fondé sur le théorème de Bragg-Gray qui démontre
que la dose absorbée dans le milieu est proportionnelle à l'ionisation produite dans le gaz de la
cavité.
328
Les dosimètres relatifs ont une réponse qui ne peut pas être directement liée à l'énergie
déposée dans le matériau détecteur, car de nombreux paramètres physiques, chimiques et
géométriques interviennent dans la réponse. Les caractéristiques de ces dosimètres doivent être
déterminées au moyen des dosimètres absolus.
- une approche microdosimétrique (absolue) basée sur la définition même de l'équivalent de dose
à partir de la mesure de l'énergie linéale y absorbée et du facteur de qualité Q(y);
- une approche qui consiste à mesurer une autre quantité avec un dosimètre relatif, par exemple
l'exposition ou le kerma pour les photons et à appliquer un facteur de conversion calculé. Ces
facteurs dépendant de l'énergie du rayonnement incident, une information sur le spectre en
énergie est nécessaire. Cette méthode est couramment employée pour les étalonnages.
aux grandeurs opérationnelles M (u) et M (u,l2) définies pour les instruments de mesure
d'ambiance et ffpfdjpour les dosimètres individuels.
* t
tl \d) est l'équivalent de dose ambiant, M \U,Ll) l'équivalent de dose directionnelle
c
et Hp(d) l'équivalent de dose personnel (ICRU N 51). Ces grandeurs sont basées sur
l'équivalent de dose en un point à la profondeur d dans un fantôme (sphère ICRU) ou dans le corps
et dépendent du type de rayonnement en ce point, de son énergie et de son orientation. Selon le
principe de base de la radioprotection, ces grandeurs dosimétriques opérationnelles surestiment les
grandeurs dosimétriques primaires définies dans l'ICRP [7, 8]: la dose efficace E, l'équivalent de
dose au niveau d'un tissu HT > d e l a P ^ u H peau e t d u cristallin Hcrist > grandeurs non
mesurables.
Dans le tableau 13.2, pour les 2 catégories d'instruments et les différents rayonnements
utilisés, pénétrants ou peu pénétrants, sont indiquées la quantité dosimétrique mesurée, fonction de
l'étalonnage, et la grandeur opérationnelle considérée, issue de la conversion par un facteur
approprié. Pour chacune de ces grandeurs, les réponses angulaire et énergétique de l'instrument
sont rigoureusement étudiées.
Rappelons que la réponse d'un instrument est l'indication de la valeur de la quantité mesurée.
Dans le tableau 13.2, compte tenu de la définition des différents équivalents de dose, la
réponse angulaire de l'instrument doit être isotrope pour H* (10) c'est-à-dire que sa lecture doit
être indépendante de la direction du rayonnement incident, non isotrope pour les autres équivalents
de dose ou encore isodirectionnelle si la lecture varie avec la direction du rayonnement incident
suivant la quantité opérationnelle considérée.
329
TABLEAU 13.2. DONNEES SUR LES FONCTIONS DE CONVERSION (D'APRES ICRU 43)
330
Plusieurs dosimètres mesurent l'équivalent de dose dans les tissus adjacents au port du badge
à 0,07, 3 et 10 mm de profondeur. Les dosimètres thermoluminescents qui sont de bons
"équivalents-tissu" pour les photons ont des réponses angulaire et en énergie proches de l'idéal
grâce à l'adjonction de filtres. Leur volume sensible est cependant encore trop épais pour la
dosimétrie bêta. Les films photographiques avec filtres sont toujours utilisés bien qu'étant de
mauvais équivalents-tissu. L'indépendance énergétique pour différents angles d'incidence est en
général difficile à assurer surtout aux basses énergies pour les photons.
La dosimétrie des neutrons constitue un chapitre à part entière qui dépasse le cadre de ce
cours. Le lecteur est renvoyé par exemple au rapport technique n° 252 de l'AIEA [9] . Signalons
simplement la variation indiquée par l'IEC: ±50% pour une gamme d'énergie allant des neutrons
thermiques aux neutrons rapides de 15 MeV.
Chambre d'ionisation à tf^fyj ) H\lQ) ±30%, 0,25 MeV < E < 2,3 MeV pour
i n
extrapolation ' ' #'(10)
Scintillateurs organiques f / Ï 0 07 oc ) ±30%, 0,23 MeV < E < 2,2 MeV
Diodes silicium f-f{0 07 a ) ±25%, 0,23 MeV < E < 2,2 MeV
331
13.2.2. Instruments de mesure d'ambiance
Pour les photons, les instruments de mesure d'ambiance qui posent des problèmes de
"sur-réponse" au-dessous de 100 keV en terme d'exposition ou de kerma présentent une
dépendance en énergie moindre pour la mesure de H (10). Cette conversion heureuse en équivalent
de dose permet à beaucoup d'instruments mesurant l'exposition ou le kerma de déterminer H* (10)
par un simple changement d'échelle, 1 R.h"1 correspondant alors approximativement à 10 mSv.h"1.
Pour le rayonnement bêta, le dosimètre le plus utilisé est la chambre à extrapolation qui
présente une réponse quasi isodirectionnelle relativement à H' (0,07- a).
N = H/M
A l'heure actuelle, les laboratoires de métrologie utilisent encore les quantités primaires du
tableau 13.2: kerma dans l'air, fluence, dose absorbée dans l'air ou le tissu, activité de la source,
comme grandeurs de référence et transforment ces données en grandeurs opérationnelles par
l'intermédiaire de facteurs de conversion calculés, que l'on trouve dans l'ICRU 47 et l'ICRP21.
Des calculs sont encore en cours.
La procédure pour les dosimètres d'ambiance bêta est différente de celle des photons et des
neutrons puisqu'elle n'utilise pas de facteurs de conversion calculés. Les dosimètres sont étalonnés
en terme de dose absorbée sous 7 mg.cm"2 de matériau équivalent-tissu. Cette mesure est
équivalente à celle de H' (0,07) avec un facteur de qualité égal à 1.
L'étalonnage des dosimètres individuels se fait en présence d'un fantôme adéquat qui
reproduit le rayonnement diffusé par le corps de l'individu, contribution intégrée dans la définition
de Hp(10). Pour les photons, le facteur d'étalonnage de beaucoup d'instruments est relativement
indépendant de l'énergie. Pour les neutrons, le facteur d'étalonnage des dosimètres disponibles
actuellement dépend fortement du spectre énergétique au niveau du dosimètre et fait donc intervenir
les dimensions et la forme du fantôme. La procédure d'étalonnage est complexe, plusieurs
méthodes sont utilisées pour réduire l'incertitude sur le facteur d'étalonnage (normes ISO).
13.4. CONCLUSION
Une nouvelle génération de dosimètres arrive; ils auront pour fonction d'assurer le passage
de la mesure aux nouvelles grandeurs opérationnelles. Pour les rayonnements fortement pénétrants,
les mesures d'ambiance en photons sont déjà "opérationnelles" avec les instruments actuels. Les
dosimètres individuels comme les thermoluminescents et les films ont besoin d'être modifiés
332
légèrement pour déterminer Hp(10) et améliorer l'isodirectionnalité de leur réponse angulaire. Par
contre, les conditions ne sont pas remplies pour les dosimêtres cylindriques (styloélectromètre). Pour
les rayonnements faiblement pénétrants et en mesure d'ambiance, il est difficile d'avoir à la fois un
bon dosimètre pour les rayonnements bêta et gamma. Des dosimètres spéciaux pour le rayonnement
bêta doivent être étudiés. Au niveau des dosimètres individuels, de faibles épaisseurs en matériaux
équivalents-tissu (0,07 mm) sont recherchées en amont de la zone sensible pour avoir une réponse
angulaire et en énergie correcte (ICRU 47).
REFERENCES
[I] ATTIX, F.H. Introduction to Radiological Physics and Radiation Dosimetry, John Wiley,
New-York, (1986)
[2] BLANC, D. Les Rayonnements Ionisants, détection, spectrométrie, dosimétrie. Ed. Masson,
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[5] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIATION UNITS AND MEASUREMENTS.
Measurement of Dose Equivalents from External Photon and Electron Radiations, Rapport
n° 47 (1992)
[6] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIATION UNITS AND MEASUREMENTS.
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[7] INTERNATIONAL COMMISION ON RADIOLOGICAL PROTECTION.
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[8] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION.
Recommendations, Publication n° 60 (1991)
[9] INTERNATIONAL ATOMIC ENERGY AGENCY. Neutron Monitoring for Radiological
Protection, Rapport Technique n° 252 (1985)
[10] INTERNATIONAL STANDARDS ORGANIZATION. 4037, X and gamma reference
radiations for calibrating dosimeters and dose ratemeters and for determining their response
as a function of photon energy, Parts 1 et 2 (1992)
[II] INTERNATIONAL STANDARDS ORGANIZATION. 8963, Dosimetry of X and gamma
reference radiations for radiation protection over the energy range from 8 keV to 1,3 MeV
(1988)
[12] INTERNATIONAL STANDARDS ORGANIZATION. 6980, Reference beta radiations for
calibrating dosimeters and dose ratemeters and for determining their response as a function of
beta radiation energy (1992)
333
[13] INTERNATIONAL STANDARDS ORGANIZATION. 8529, Rayonnements neutroniques de
référence destinés à l'étalonnage des instruments de mesure des neutrons utilisés en
radioprotection et à la détermination de leur réponse en fonction de l'énergie des neutrons
(1989)
[14] INTERNATIONAL STANDARDS ORGANIZATION. 10647, Procedures for calibrating
and determining the response of neutron measuring devices used for radiation protection
(1991)
[15] PORTAL, G., DIETZE, G. Implications of new ICRP and ICr.U recommendations for
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334
CHAPITRE 14. LA DOSIMETRIE INDIVIDUELLE: PRINCIPES GENERAUX
F. Hermann
La dosimétrie est la mesure de l'énergie déposée par un rayonnement ionisant dans un milieu.
En radioprotection, le milieu qui nous intéresse est le corps humain. La dosimétrie individuelle est
donc la mesure de l'exposition du corps humain, appliquée à des individus.
- D'abord, le besoin fondamental de connaître cette atteinte de notre corps que nos sens ne
détectent pas. Les dosimètres constituent notre 6ème sens: non seulement ils nous indiquent la
valeur de notre exposition lorsque nous sommes irradiés, mais aussi, le plus souvent, ils servent
à nous assurer que nous n'avons pas été irradiés.
- Prévention des effets pathologiques des rayonnements: grâce à la dosimétrie individuelle, on a pu
réaliser un système exemplaire de prévention des maladies professionnelles dues aux
rayonnements. En effet, le médecin du travail peut suivre l'irradiation de chaque travailleur
exposé et lui interdire toute nouvelle exposition bien avant que la dose cumulée ne représente un
danger pour sa santé. Ceci, bien entendu, dans les conditions normales de travail.
- Surveillance des conditions de travail: la mesure des doses reçues par les travailleurs sert de
confirmation aux calculs et aux consignes de radioprotection. En cas d'anomalie ou même
d'accident, c'est souvent la dosimétrie individuelle qui donne l'alerte. Même une faible dose, si
elle est détectée par le dosimètre d'une personne qui normalement n'était pas exposée, peut
signaler un défaut dans les protections ou dans les consignes de sécurité.
- Epidémiologie: dès le début de la dosimétrie individuelle, il était admis que ses résultats
serviraient plus tard à l'étude des effets des faibles doses de rayonnement sur la santé de
l'homme. Jusqu'à présent, les données sur lesquelles se base la Commission internationale de
protection radiologique (CJPR) pour fixer les limites de dose à ne pas dépasser sont tirées de
l'étude des effets des fortes doses dans le cas des populations d'Hiroshima et de Nagasaki, dans
celui des accidents d'irradiation et des expériences faites sur des animaux. Pour arriver à
mesurer les effets de faibles doses sur l'homme, il faut disposer de résultats portant sur un très
grand nombre d'individus afin d'avoir une bonne précision statistique car ces effets sont, bien
sûr, faibles et variables. Si l'on considère l'ensemble de tous les travailleurs de l'industrie
nucléaire dans le monde ayant fait l'objet d'une surveillance dosimétrique, on atteint presque le
million. C'est pourquoi le Centre international de recherche sur le cancer, à Lyon, a lancé une
vaste étude en 1991 à laquelle participent 12 pays et qui a pour but de rassembler toutes ces
données. En entreprenant ce travail, nous nous apercevons que nous n'avons pas suffisamment
considéré cette utilisation des archives dosimétriques. Par exemple, certains établissements n'ont
gardé que les doses annuelles globales, alors que les effets des neutrons peuvent être très
différents de ceux des photons et qu'il faut donc distinguer ces deux types d'exposition. Autre
exemple: si l'on étudie l'effet cancérigène des rayonnements, il faut tenir compte de l'exposition
éventuelle des travailleurs aux cancérigènes chimiques, etc. La première utilité de cette étude
sera sans doute de mieux définir ce que doivent contenir les archives de la surveillance
radiologique des travailleurs.
335
14.1.2. Les dispositions réglementaires
Dans tous les pays, les systèmes de surveillance des travailleurs exposés sont très voisins dans
leurs principes. Voici le système français:
Actuellement la législation française est basée sur la Directive européenne du 15 juillet 1980,
elle-même basée sur la Publication 26 de la CIPR, de 1977. A la suite de la publication en 1991, de
nouvelles recommandations de la CIPR (Publication 60) [1], la CCE va publier, probablement cène
année, une nouvelle Directive qui provoquera une modification de la réglementation française dans
un ou deux ans. Le tableau 14.1 présente les deux systèmes de limites de doses, l'actuel et le
prochain.
Une surveillance dosimétrique individuelle mensuelle est obligatoire pour les travailleurs de
catégorie A. En France, il est même précisé que cette surveillance doit être faite à l'aide de
dosimètres photographiques (voir 14.4.1). Le personnel de catégorie B peut être surveillé par des
mesures d'ambiance.
Bien que les nouvelles recommandations de la CIPR ne fassent plus mention que d'une seule
catégorie de travailleurs, la nouvelle Directive européenne maintiendra l'existence de deux
catégories afin de ne pas alourdir inutilement la surveillance des travailleurs peu exposés.
336
14.1.3. Mise en oeuvre pratique des dispositions réglementaires
- soit disposer des dosimètres témoins dans des endroits où l'on est sûr de n'avoir aucun
rayonnement autre que le rayonnement naturel et déduire leur résultat des résultats des
dosimètres portés dans le même secteur;
- soit enlever une dose "forfaitaire" à tous les résultats des dosimètres portés.
Au CEA c'est cette deuxième solution, la plus facile à mettre en oeuvre, qui a été adoptée:
on enlève systématiquement 0,2 mSv/mois à tous les résultats.
306
i Vutirmr *« h*btt»tiof\t
i iMritve ** hàblttHv*
A Kffar
gl i T.. i—t • _• ~
Dépirttmtnft: 03 8 B H 17 19 23 21 3» 33 37 3$ 10 H47 U i) U 69 79 94 SS 44 17 tf (*)
O fiéfiofi p*rh»nrm tt iipèftHMnti ii*itrtfit*t
FIG. 14.1. Irradiation naturelle en France, sans les rayons cosmiques [2] (en abscisse, le numéro
minéralogique des départements).
337
14.2. OPERATIONS FONDAMENTALES DE LA DOSIMETRIE INDIVIDUELLE - RAPPEL
DE QUELQUES GRANDEURS
est
où ^T,R l a dose du rayonnement R absorbée dans le tissu T
Cette grandeur peut être considérée comme proportionnelle au risque biologique résultant de
l'irradiation. On peut la calculer, pour une exposition donnée, sur un fantôme mathématique, c'est
à dire une représentation géométrique simplifiée d'un corps humain (fig. 14.2). En pratique, on ne
peut pas la mesurer. On la remplace donc par des grandeurs mesurables dont la valeur numérique
doit être égale ou supérieure à la valeur de E. Ces grandeurs de remplacement sont appelées
grandeurs opérationnelles.
338
14.2.2. Ce que l'on sait mesurer
Pour mesurer une longueur, on la compare à une longueur connue, elle-même comparée à
une longueur étalon nationale raccordée à un étalon international. De même, l'étalonnage d'un
faisceau de rayonnements ionisants se fait par comparaison avec des faisceaux de référence
nationaux raccordés à un faisceau de référence international. La comparaison de ces faisceaux se
fait par la mesure d'une grandeur qui caractérise le faisceau. En ce qui concerne les photons, la
grandeur d'étalonnage la plus utilisée est le kerma dans l'air, en espace libre, Ka.
Dans ces conditions, K&, en un point, est la somme des énergies cinétiques communiquées
aux électrons arrachés, en ce point, aux molécules d'air.
En espace libre, à une énergie de photons donnée, Ka est proportionnel à la fluence des
photons. Lorsque l'on connait K&, on peut passer au kerma dans les tissus, Kv en mutipliant Kz par
le rapport des coefficients de tranfert massiques dans les tissus et dans l'air, à l'énergie de photons,
E:
La dose absorbée dans les tissus, par opposition au kerma, représente toute l'énergie cédée à
la matière, tissus ou matériau équivalent, tant par les photons que par les électrons, d'où qu'ils
viennent. Elle dépend autant du faisceau de photons que du corps qui le reçoit (le "récepteur"). Elle
ne peut donc pas servir à étalonner le faisceau de rayonnements, à moins d'être mesurée dans un
récepteur bien défini.
Un dosimètre, quel qu'il soit, ne mesure réellement que l'énergie absorbée dans son élément
détecteur. De son côté, la dosimétrie individuelle cherche à faire coïncider le résultat du dosimètre
avec la valeur de la grandeur qu'elle cherche à évaluer. Cette grandeur n'est pas la dose efficace,
non mesurable, mais une grandeur opérationnelle définie par l'ICRU [3] pour la dosimétrie
individuelle: l'équivalent de dose individuel, Hp(d):
Hp(d) est l'équivalent de dose (dans le cas des photons, cet équivalent de dose est égal à la
dose absorbée), à une profondeur d, sous le point de la surface du corps où se trouve le dosimètre.
L'unité est le sievert (Sv).
Mesure en présence d'un récepteur: Hp(d) dépend du corps dans lequel on le mesure. En
effet, si l'on place un corps massif, comme un corps humain dans un faisceau de rayonnements
défini par K a ou K t , ce champ de rayonnements se trouve profondément modifié, en particulier par
les rayonnements secondaires émis par le récepteur (fig. 14.3). C'est l'ensemble des rayonnements
incidents et diffusés qui détermine la valeur de Hp(d).
Pour certaines énergies de photons, autour de 80 keV, Kt peut se trouver ainsi augmenté de
60%. Un calcul de Monte-Carlo effectué en considérant un fantôme de plexiglas irradié par un
faisceau de rayons X de 80 keV d'énergie moyenne [4], montre le spectre des rayonnements réémis
par le fantôme (fig. 14.4).
339
On constate que, lorsqu'un dosimètre est porté, c'est à dire placé sur un récepteur, il se
trouve soumis à un rayonnement de spectre beaucoup plus large que celui du rayonnement incident.
D'où l'intérêt de l'étalonner sur un fantôme.
Pour que les mesures de la dosimétrie individuelle soient comparables entre elles, il faut
qu'elles se réfèrent à un même récepteur. Le fantôme adopté par l'ICRU [3] est une plaque de
30x30cm2, de 15 cm d'épaisseur, de composition chimique identique à celle du tissu défini par
l'ICRU, mais qui peut être remplacé, en pratique, par du plexiglas.
K >d<
î R
\ H P (d)
M /
KT /
Ka
• !
FIG. 14.3. Effet d'un récepteur massif, R, sur le champ de rayonnements d'un faisceau parallèle
de photons. En présence de R, Kj varie comme la courbe en trait plein K'j. M est le point de
mesure du dosimètre individuel.
M0NTÏ-CAR1O SIMULATION QU.V. 16 July 1982)
ISOIOOkV SnmCu: I Itiun QiHVL
•H
P - INITIAL SPECTRUM
S • SECONDARY SPECTRUM
T = TOTAL SPECTRUM
E(teV)-
P: spectre du faisceau incident; S: spectre du rayonnement diffusé; T: spectre total au contact du fantôme
FIG. 14. 4. Simulation par le calcul de l'irradiation d'un fantôme de plexiglas par un faisceau de
rayons X de 83 keV d'énergie moyenne (HT = WkV) [4J.
340
14.2.4. Rayonnements autres que les photons
14.2.4.1. Particules p
Le problème principal est celui de l'épaisseur des dosimètres. En effet, les électrons cèdent
leur énergie sur un faible parcours. On a donc de fortes doses sur de faibles épaisseurs: si le
dosimètre est plus épais que la couche génératrice de la peau, à énergie absorbée égale, il sous-
estimera la dose réellement reçue par cette couche. Pour mesurer l'irradiation de la peau par les P,
il faut donc un dosimètre aussi mince que possible.
14.2.4.2. Neutrons
L'effet biologique des neutrons est dû principalement aux noyaux atomiques qu'ils déplacent.
Ces particules chargées lourdes déposent beaucoup d'énergie sur leur parcours. Pour tenir compte
de cet effet, on définit une dose équivalente qui est le produit de la dose absorbée par un facteur de
pondération du rayonnement, WR, qui varie entre 5 et 20 suivant l'énergie des neutrons. La
dosimétrie des neutrons doit donc tenir compte de leur énergie.
Quel que soit le dosimètre utilisé ou le rayonnement mesuré, l'exploitation d'un système de
surveillance dosimétrique doit offrir un certain nombre de garanties. L'ensemble de ces garanties
constitue ce que l'on appelle "l'assurance qualité".
C'est ainsi qu'il existe, pour chaque type de dosimètre, des normes nationales (en France, les
normes AFNOR ou UTE) et internationales (normes ISO ou CEI). Ces normes définissent les
principaux critères auxquels les dosimètres d'un type donné doivent répondre: sensibilité, précision,
fiabilité, résistance mécanique, etc. Le laboratoire d'exploitation des dosimètres doit vérifier, à
chaque livraison d'une nouvelle fabrication, sa conformité à la norme.
14.3.1.2. Etalonnage
Les dosimètres sont étalonnés en les irradiant dans un faisceau étalonné par comparaison avec
un faisceau de référence national. Cette comparaison s'effectue à l'aide d'un instrument de mesure
(dans le cas des photons, c'est une chambre d'ionisation) qui doit être contrôlé périodiquement. En
France, le laboratoire d'étalonnage primaire (LPRI de Saclay) organise une intercomparaison de ces
instruments tous les deux ans.
Au cours de chaque exploitation, des dosimètres irradiés à des doses connues sont
régulièrement intercalés entre les dosimètres portés, de façon à s'assurer que les résultats sont
toujours dans les limites de précision définies.
341
Certains organismes de contrôle, comme, en France, l'Office central de protection contre les
rayonnements ionisants (OPRI), organisent périodiquement des comparaisons entre les dosimètres
des laboratoires d'exploitation et des dosimètres de référence.
La gestion du personnel surveillé, des dosimètres attribués et des résultats enregistrés peut
aussi comporter des erreurs. Malheureusement la vérification en est souvent plus difficile que celle
des mesures. On réduit ces erreurs en introduisant des redondances et des recoupements dans le
système de gestion. Pour vérifier l'ensemble du système, certains laboratoires utilisent la
technique deTabonné-bidon", préconisée par un rapport de la CCE [6]: un ou plusieurs individus
imaginaires reçoivent régulièrement des dosimètres à une adresse qui correspond à celle d'un
responsable du contrôle. Celui-ci irradie ces dosimètres et vérifie ensuite les résutats et leur
traitement (cumuls, alertes, etc..)
L'ensemble des dosimètres peut être réparti en différentes familles suivant leur mode
d'exploitation:
Les dosimètres actifs sont ceux dont l'élément sensible fournit un signal électrique sous l'effet
du rayonnement. Ce signal peut servir à déclencher une alarme ou à mesurer le débit de dose. Il
peut aussi être enregistré pour mesurer la dose intégrée. C'est le type de dosimètre qui évolue
actuellement le plus rapidement car il offre les plus vastes possibilités d'exploitation.
Les dosimètres passifs sont ceux dans lesquels l'irradiation produit une modification durable
de l'élément détecteur. Cette modification est mesurée dans un laboratoire spécialisé, après la
période de port. Le résultat est donc toujours une dose intégrée, connue plus ou moins longtemps
après l'exposition. C'est le cas des dosimètres photographiques ou thermoluminescents.
La dose absorbée dans l'élément détecteur du dosimètre peut être plus ou moins différente de
la dose équivalente individuelle que l'on cherche à mesurer. Pour passer de l'une à l'autre, on
utilise l'une des deux méthodes suivantes:
- on modifie, s'il le faut, la courbe de réponse du détecteur en fonction de l'énergie (par exemple,
en le recouvrant d'un écran approprié), de façon à ce qu'elle soit parallèle à celle de Hp(d) dans
un intervalle d'énergies aussi grand que possible. Après étalonnage, l'indication du dosimètre
sera proportionnelle à Hp(d) dans cet intervalle (fig. 14.5). On a un dosimètre à réponse ajustée.
- on dispose d'un dosimètre comportant plusieurs détecteurs dont chacun a une réponse différente
en fonction de l'énergie du rayonnement. Lorsque ce dosimètre est irradié par un rayonnement
d'énergie inconnue, le rapport des réponses des différents détecteurs permet de déterminer cette
énergie et de calculer la dose. C'est le cas du dosimètre photographique dans lequel les plages
du film situées sous des écrans différents peuvent être considérées comme autant de détecteurs
différents (fig. 14.6).
C'est le plus ancien dosimètre. Il est encore très utilisé dans le monde. En France, il est
obligatoire pour les travailleurs de catégorie A. Il est normalisé par l'ISO [7].
342
Lecturg,
HP (10)
1,5
_ y
s • ,
\
/
y
1
•
/
0,5 -
1 i i
2
10 10 103 »(Eke\O
Principe de détection: dans les cristaux de Br"Ag + que contient 1'emulsion photographique,
les rayonnements ionisants libèrent des électrons qui neutralisent des ions A g + et les transforment
en atomes d'argent neutres. L'opération du développement consiste à multiplier par voie chimique
les atomes d'argent, les nouveaux venant se fixer sur les premiers formés. On finit par avoir des
grains d'argent qui noircissent le film. Ce noircissement, pour un développement constant, est
proportionnel à l'irradiation initiale.
14.4.1.1. Exploitation
- Etalonnage: on irradie une série de films à des doses croissantes d'un rayonnement de référence
(par exemple, des y du œCo) et on trace la courbe de densité optique en fonction de la dose.
Cette courbe permet de faire correspondre à toute densité optique une "dose apparente de ^Co".
Dans la suite de l'exploitation, la densité optique est remplacée par la dose apparente.
- Réponse en fonction de l'énergie: lorsque des photons sont absorbés par effet photoélectrique,
cette absorption est proportionnelle à Z4. Ainsi, entre lg de tissus biologiques, surtout formés
d'eau (Z ta 7), et lg d'émulsion photographique, où Z(Br)=35 et Z(Ag)=47, la différence
d'absorption est énorme, malgré la présence d'une forte proportion de gélatine. Pour fixer les
idées, le noircissement provoqué par une dose de lmSv de rayons X de 50 keV est équivalent à
celui d'une dose de 50mSv de y du ^Co.
Pour déterminer une dose dans les tissus à partir du noircissement d'une emulsion
photographique, il faut donc tenir compte de l'énergie du rayonnement. Pour cela, on place le film
dans un boîtier muni de différents écrans qui atténuent plus ou moins les rayonnements suivant leur
énergie. La figure 14.6 montre les courbes de réponse du film sous chacun des écrans, en fonction
de l'énergie du rayonnement. Sur cette figure, on voit que la lecture (en "dose apparente") sous
l'écran n°6 (0,4mm Pb+lmm Sn), donne directement la dose dans les tissus entre 80keV et
lMeV.
343
nu
2 tout 300rnçtcm*
do plastique
tout 1.5 mm d'aluminium
4 tous 0.2 mm de CUJVT*
5 sous 0.6 mm de cuivre
6 sous 0.4 mm œ plomb
+ 1 mm d'éiam
énergie fkeV)
F/G. 74.6. Réponse du film Kodak, type I, sous les écrans du boîtier PSI.
Pour les énergies inférieures à 80 keV, on peut utiliser le rapport entre les noircissements de
2 plages pour déterminer une énergie moyenne. Il suffit ensuite de multiplier la dose apparente par
le coefficient correspondant à cette énergie. Nous utilisons une méthode encore plus simple qui
consiste à déterminer une fois pour toutes, les coefficients k,l,m, d'une équation empirique de la
forme:
Pour une détermination plus précise de la dose et des énergies des différents rayonnements
qui ont atteint le film, on peut utiliser les résultats des 6 plages, à l'aide, par exemple, d'une
méthode de calcul itératif sur ordinateur. Cette méthode consiste à rechercher, parmi toutes les
combinaisons possibles d'énergies, celle qui aurait pu donner la plus forte dose totale tout en
donnant les doses apparentes lues sur les 6 plages du film. De la même façon, on recherche la
combinaison donnant la plus faible dose totale. Ces deux résultats constituent une "fourchette" qui
encadre la combinaison réelle.
344
14.4.1.2. Avantages
Le dosimètre photographique fournit, en plus de la dose, d'autres indications qui peuvent être
très utiles en cas d'enquête sur une irradiation:
- l'énergie du rayonnement;
- "l'image" de l'irradiation donnée par le film peut montrer des irrégularités dans sa répartition;
- la présence éventuelle de taches de contamination;
- la direction du rayonnement: le boîtier du CEA contient des pastilles de plomb sur sa face
arrière qui permettent de distinguer un rayonnement venant de l'avant d'un rayonnement venant
de l'arrière.
14.4.1.3. Inconvénients
- instabilité de l'image latente (fading) qui empêche d'utiliser ce type de dosimètre sur des
périodes supérieures à un mois;
- sensibilité de 1'emulsion photographique aux agents extérieurs: lumière, humidité, chaleur,
vapeurs chimiques (mercure, ammoniac, etc.);
- lourdeur de l'exploitation;
- imprécision aggravée par les différents calculs nécessaires pour arriver à la dose.
14.4.2.1. Principe
Dans un cristal ionique, non conducteur, tel que le Li + F", les rayonnements ionisants
déplacent des charges + et -. Si le cristal contient, par exemple, des impuretés divalentes telles que
M g + + , celles-ci créent, dans leur voisinage, des zones non électriquement neutres (fig. 14.7). Ces
zones sont des "pièges" qui peuvent capturer les charges libérées par l'ionisation. En chauffant le
cristal, on peut fournir aux charges piégées suffisamment d'énergie pour les libérer. A ce moment,
elles se recombinent avec une émission de lumière: la thermoluminescence.
- d'un pic d'émission à 220°C qui permet de cumuler les doses, sans perte, sur plus d'un an;
- d'un détecteur de numéro atomique moyen, Z(Li)=3, Z(F)=9, très proche de celui des tissus:
avec un détecteur étalonné dans un faisceau de y du ^Co, on peut donc mesurer directement la
dose dans les tissus, quelle que soit l'énergie du rayonnement (erreur maximale à 50 keV:
+50%);
- d'un dosimètre réutilisable après remise à zéro;
- d'appareils de lecture automatiques;
- d'un dosimètre suffisamment sensible et stable pour qu'on puisse mesurer des doses très
inférieures à l'irradiation naturelle.
14.4.2.3. Inconvénients
345
14.4.2.4. Applications à la surveillance dosimétrique
Dans plusieurs pays, Pays-Bas, Italie, etc., les dosimètres thermoluminescents ont remplacé
les dosimètres photographiques pour la surveillance dosimétrique des travailleurs exposés. En
France, la réglementation impose le dosimètre photographique pour les travailleurs de catégorie A.
Cependant, il n'est pas interdit d'ajouter à ces derniers un dosimètre thermoluminescent: c'est ce
que font les établissements de la COGEMA de Marcoule et de La Hague.
- Bagues dosimétriques
Une pastille de LiF est plaquée sur un anneau par un plastique thermorétractable dont
l'épaisseur est équivalente à celle de la couche cornée de la peau. On mesure ainsi Hp(0,07), la
dose à la peau des doigts, qu'elle soit due à des photons ou à des (3. Cette dose peut être
importante, même lorsque la dose au corps entier est faible: en effet, le débit de dose augmente
comme 1/d2 quand la distance d diminue et, au niveau des doigts des personnes qui manipulent des
produits radioactifs, d peut être très petit! Le tableau 14.2 montre le résultat de mesures effectuées à
Saclay [9] au contact de divers récipients contenant des solutions radioactives. On voit qu'une
source de 1 mCi de ^Co qui donne à 1 mètre un débit de dose de l'ordre de 0,01 mSv/h, peut
donner 500 mSv/h au contact des doigts!
Volume
ACTIVITE RECIPIENT Débit de dose au contact
de solution
Bêcher 20 ml 30
lmCi(3,7.10 7 Bq)
Pipette 20 ml 40
^Co Seringue 2ml 250
Seringue lml 500
Les neutrons sont encore les rayonnements les moins bien mesurés en dosimétrie individuelle,
sauf les neutrons thermiques pour lesquels existent des détecteurs très sensibles. Un tel détecteur est
le ^LiF thermoluminescent, car le ^Li donne une réaction nucléaire avec les neutrons thermiques:
Les deux particules formées, l'alpha et le triton, sont absorbées sur place et toute leur énergie
contribue à la thermoluminescence. Grossièrement, lmSv de neutrons thermiques donne la même
réponse que 100 mSv de y. La dosimétrie des neutrons d'albédo consiste donc à utiliser cette
sensibilité pour évaluer la dose totale due aux neutrons en mesurant les neutrons thermalisés et
réémis par le corps (cette réémission s'appelle albédo) du porteur du dosimètre. Pour cette
dosimétrie, on utilise un couple de deux détecteurs de ^LiF et ^LiF, ce dernier n'étant sensible
qu'aux photons. Par différence, on a une réponse qui n'est due qu'aux neutrons.
346
Cette méthode est beaucoup plus sensible que la mesure directe des neutrons rapides par
comptage des traces dans une emulsion nucléaire ou dans une matière plastique. Elle a, en outre,
l'avantage de privilégier la détection des neutrons de faible énergie qui sont généralement les plus
nombreux lorsque l'on n'est pas en vue directe des sources. Son grand inconvénient est que sa
sensibilité décroît très vite lorsque l'énergie des neutrons augmente: on doit donc déterminer un
coefficient d'étalonnage particulier pour chaque poste de travail!
Stylodosimètres à lecture directe [10]: ils sont encore très utilisés. Le détecteur est une
chambre d'ionisation, reliée à un condensateur. Lorsque la chambre est irradiée, le courant
d'ionisation décharge le condensateur et la dose est lue directement sur une échelle devant laquelle
se déplace le fil de quartz d'un électromètre.
En France, le premier organisme à utiliser pleinement les possibilités de ces dosimètres a été
EDF qui en a fait développer spécialement pour le contrôle en temps réel du travail dans les
centrales nucléaires. A l'entrée dans la zone contrôlée, les agents prennent un dosimètre
électronique qui est remis à zéro. A la sortie, ce dosimètre est lu et la dose enregistrée. Un système
informatique de gestion des doses, DOSINAT, relié à toutes les centrales, permet aux responsables
locaux de la radioprotection de connaître le cumul des doses de tous les travailleurs qui vont d'une
centrale à l'autre, afin d'éviter que l'un d'eux n'atteigne les limites de doses.
Ces dosimètres ont, en outre, une fonction très utile: ils fournissent des alarmes visuelles
(éclairs lumineux) et sonores en fonction du débit de dose et de la dose intégrée. Cette fonction
permet au travailleur de limiter lui-même son exposition et joue donc un rôle important dans la
prévention et l'optimisation des expositions.
Avenir de ces dosimètres "actifs": au CEA comme à EDF, ces dosimètres sont portés en plus
du dosimètre photographique réglementaire. Est-ce qu'ils pourront un jour le remplacer?
Des versions encore plus compactes sont apparues récemment, en France, qui permettent de
réduire le dosimètre à la taille d'une carte de crédit. Ce sont la DOSICARD de Nomatek et la
GAMCARD de Merlin-Gérin. On peut alors envisager de combiner la carte dosimétrique et le
badge d'accès dans les établissements nucléaires. Cependant, pour que ces dosimètres remplacent
les dosimètres passifs, il faut qu'ils fassent la preuve de leur fiabilité et qu'ils soient dotés de
quelques fonctions supplémentaires. En effet, tous ces dosimètres n'ont qu'un seul détecteur à
réponse ajustée pour indiquer Hp(10) entre 50keV et 1 ou 2 MeV. Le fait de n'avoir qu'une voie de
mesure limite la fiabilité du système. Par ailleurs, il leur manque une mesure de Hp(0,07) pour les
rayonnements faiblement pénétrants.
347
En Grande-Bretagne, le NRPB, associé à la société Siemens-Plessey, a développé un
dosimètre électronique, l'EPDS (Electronic Personal Dosemeter System). Ce dosimètre comporte
plusieurs détecteurs dont un sous une fenêtre mince pour la mesure de Hp(0,07). Les doses sont
calculées en combinant 4 voies de mesure, ce qui permet d'étendre la réponse de 20 keV à 10 MeV
à mieux que 50% près. Il s'agit donc d'un dosimètre à détecteurs multiples qui représente le
premier concurrent sérieux des dosimetres photographiques ou thermoluminescents.3
L'accident d'irradiation suppose des fortes doses, pour lesquelles les objectifs de la
dosimétrie individuelle sont très différents de ceux de la surveillance radiologique de caractère
préventif à laquelle nous nous sommes intéressés jusqu'ici:
En fait, tous les moyens de dosimétrie disponibles seront utilisés pour obtenir la meilleure
précision possible sur la répartition des doses dans le corps.
14.5.1. Reconstitution
La méthode la plus générale pour obtenir cette répartition est, lorsque cela est possible, de
reconstituer l'accident en remplaçant la victime par un fantôme équipé de dosimetres: on utilise
pour cette opération un fantôme anthropomorphe en matériau équivalent aux tissus, tel que le
fantôme "Alderson". Ce fantôme est découpé en tranches à l'intérieur desquelles des petits trous
régulièrement espacés permettent d'introduire des dosimetres thermoluminescents. Après
irradiation, on obtient donc une mesure directe des doses à l'intérieur du fantôme.
Dans le cas particulier d'un accident de criticité, c'est à dire de la divergence incontrôlée
d'un réacteur nucléaire ou d'une masse de matériau fissile, un système de dosimétrie individuelle
spécial a été étudié. Il est mis en place dans tous les établissements où ce risque existe.
- des dosimetres de criticité de zone (DCZ) répartis dans les locaux où existe le risque. Ces
dosimetres contiennent:
- des dosimetres y aussi peu sensibles que possible aux neutrons: alumine
thermoluminescente et verres photoluminescents;
a
D'autres modèles sont déjà apparus sur le marché depuis la préparation de ce cours (NDLR)
348
- des détecteurs activables par les neutrons: cuivre, or, soufre, nickel, indium et
magnésium. Comme ces détecteurs ont des sections efficaces différentes en fonction
de l'énergie des neutrons, leur ensemble constitue un dosimètre à détecteurs
multiples qui permet de reconstituer le spectre des neutrons et de calculer leur dose;
La ceinture de criticité contient 6 pastilles d'ébonite, une en avant, une en arrière et deux de
chaque côté. La mesure de 1'activation du soufre contenu dans les pastilles d'ébonite permet de
déterminer la direction de l'irradiation et d'en tenir compte pour corriger la réponse du DIC.
REFERENCES
[4] HOFMEESTER, G.H., VAN DDK, E. Determination of some backscatter factors; Photon
Dosimetry; IVth Information Seminar on the Radiation Protection Dosimeter Intercomparison
Programme; Bilthoven 25-27 October 1982. CCE Rapport EUR 9192, p. 150-165, (1984).
349
[6] CHRISTENSEN, P., JULIUS, H.W., MARSHALL, T. O. Technical Recommendations for
monitoring individuals occupationally exposed to external radiation. Rapport CCE EUR 5287
(1993)
[8] CEI 1066: Système de dosimétrie par thermoluminescence pour la surveillance individuelle et
de l'environnement, Genève (1991)
[9] PEROTIN J.P., MOREAU A, GUERRE J.P., GOUBERT J.: Mesures de débit de dose au contact
de divers matériels de laboratoire utilisés en radiochimie et en radiobiologie. Vth
International Congress of ERPA, Jérusalem (9-14 Mars 1980)
[11] CEI 45 B (Secrétariat) 104: Moniteur individuel à lecture directe d'équivalent de dose et/ou
de débit d'équivalent de dose pour les rayonnements X, gamma et bêta d'énergie élevée
(1991)
350
CHAPITRE 15. DOSEMETRIE INDIVIDUELLE: GESTION DES DOSES
Y. Magri
- la diffusion des doses individuelles aux personnes concernées (l'individu lui-même, son médecin,
son responsable hiérarchique, etc.);
- la détermination de doses collectives utilisées dans le cadre d'études statistiques ou
épidémiologiques ;
- la détection de doses élevées provenant de situation incidentelle et le déclenchement d'enquête
dosimétrique;
- l'archivage des doses permettant de reconstituer le passé dosimétrique d'un individu.
351
- la définition des dosimètres réglementaires;
- la limitation des doses sur des périodes de cumuls exprimées en mois, trimestre ou année;
- l'intégration des doses dans le dossier médical de l'individu exposé.
Elle s'appuie sur les recommandations émises par la Commission internationale de protection
radiologique (CIPR) dans ses publications 26 et 60 et sur des directives de la Communauté
européenne.
Conformément aux recommandations de la CIPR 26, en France, les travailleurs soumis aux
risques d'exposition aux rayonnements ionisants sont classés en catégorie radiologique comme
indiqué dans le tableau ci-dessous.
NE Public D < 5
Cette classification repose sur la dose annuelle susceptible d'être reçue par le travailleur. Elle
est définie par un responsable de radioprotection avec l'accord du médecin du travail. Elle figure
dans le dossier médical de l'agent.
Elle définit:
Le suivi dosimétrique est la connaissance des doses prises par un travailleur au cours et tout
au long de sa carrière professionnelle. Il s'exprime en termes de doses cumulées sur des périodes de
temps glissants (mois, trimestre, année). Il est guidé par le principe de limitation des doses. Il est de
la responsabilité de l'employeur, d'où les termes généralement employés de dosimétrie légale ou de
dosimétrie employeur. Les doses sont mesurées à l'aide de dosimètres réglementaires.
La surveillance dosimétrique a pour but de connaître immédiatement les doses prises par un
travailleur à un moment donné, sur un lieu de travail donné. Elle s'exprime sous forme de doses
352
individuelles mesurées sur de courtes durées (jour, semaine, mois). Elle entre dans le cadre de
l'optimisation des doses. A ce titre, elle est à la charge du responsable de la sécurité d'une
exploitation, d'où son nom de dosimétrie exploitant ou dosimétrie opérationnelle. Elle s'effectue
avec des dosimètres non réglementaires mais adaptés aux risques encourus.
La surveillance dosimétrique s'exerce également avec des dosimètres particuliers comme les
dosimètres extrémités, on parle de dosimétrie complémentaire.
Les doses mesurées doivent en tout état de cause être intégrées dans le dossier médical de la
personne, donc communiquées au médecin du travail ainsi qu'au responsable légal du travailleur,
c'est à dire son employeur et naturellement à la personne surveillée elle-même.
- de doses prises sur le lieu de travail dans une installation donnée pendant une période limitée;
- de doses cumulées par le même individu pendant une période donnée; en général, plusieurs mois
glissants et sur tous les lieux de travail où il a été soumis aux risques d'exposition.
En France, un "carnet radiologique" est établi par le médecin du travail, sur lequel sont
inscrites toutes les doses reçues par l'agent. Ce carnet est surtout destiné aux travailleurs itinérants
pour être présenté à chaque responsable de chantier et s'assurer qu'il n'y a pas dépassement des
limites de doses cumulées.
- la personne;
- le dosimètre;
- la dose.
Cette maîtrise est assurée à partir de l'identification parfaite de chacune de ces données.
- son identité (nom, prénom, nom déjeune fille, date et lieu de naissance);
- sa catégorie radiologique;
- son employeur;
- son médecin de travail.
353
Les traitements informatiques imposent un identifiant invariant et unique pour chaque
individu afin de permettre le suivi de personnes changeant d'identité, de lieu de travail ou
d'employeur. L'identifiant national en France est le numéro INSEE (ou de Sécurité Sociale) mais
son emploi est strictement limité par la loi "Informatique et Libertés".
L'identifiant unique permet le transfert des résultats dosimétriques entre systèmes de gestion
ou entre des "banques de données dosimétriques".
L'identification de l'employeur est dictée par les mêmes impératifs et en particulier, pour les
travailleurs d'une même entreprise exerçant dans plusieurs "chantiers" surveillés par différents
laboratoires dosimétriques.
L'identifiant national en France est le numéro SIRET défini dans le registre de commerce de
la société.
- un numéro identifiant;
- l'identité du porteur;
- le lieu de port;
- la période de port;
- le type de port.
Le dosimètre doit être numéroté d'une manière unique et la relation entre son numéro et
l'identification du porteur être établie sans ambiguïté.
Les règles d'étiquetage doivent être précises et claires, et assurer la pérennité du numérotage,
notamment à l'exploitation des dosimètres généralement débarrassés de leur emballage ou, comme
pour les films dosimétriques, lors de leur traitement dans des bains chimiques.
L'identité du porteur doit figurer sur l'étiquetage pour garantir la distribution du dosimètre.
Celles-ci sont définies par les recommandations 39 et 43 de l'ICRU de manière que les doses
répondent aux critères de dose profonde ou de dose superficielle, ou puissent être traduites en
équivalent de dose comme défini dans les publications 26 et 60 de la CIPR.
Les doses restent issues de résultats de mesure et en tant que telles sont exprimées à partir de
seuil de mesure. Les seuils généralement admis sont la limite de détection (valeur de dose la plus
faible mesurable différente du bruit de fond naturel) et le seuil d'enregistrement (valeur la plus
basse mesurée avec une précision satisfaisante qui rende la valeur significative).
354
D'une manière générale, les doses mesurées par dosimètre sont exprimées suivant la règle
suivante:
Cette convention a peu d'influence sur les doses individuelles mais entraîne des conséquences
importantes dans l'évaluation des doses collectives en augmentant "artificiellement" les doses
faibles.
Les autres acteurs sont, en général, des organismes responsables de sûreté comme les
commissions d'hygiène et de sécurité ou des services centralisateurs à responsabilité nationale
(comme l'OPRI en France) ou encore les laboratoires agréés pour l'étalonnage des dosimètres qui
assurent la qualité des mesures.
II s'agit, en fait, de faire porter par une personne un (ou plusieurs) dosimètre(s) sur un lieu
donné et pour une période donnée, et d'établir une relation unique et précise entre les identifiants
de chaque donnée.
L'attribution peut être permanente et donc, l'objet d'une préparation périodique de dosimètre
suite à une demande initiale du responsable de radioprotection.
La première attribution est, en général, faite avec des dosimètres pré-numérotés préparés à
cet effet, par exemple à l'embauche de personnes, au changement de poste de travail ou de
catégorie radiologique.
Une personne susceptible d'être exposée aux rayonnements ionisants doit porter
obligatoirement un dosimètre réglementaire fourni par son employeur et dont le résultat de mesure
entre dans la dose cumulée de l'individu. Ce "dosimètre employeur" doit toujours être porté par
l'individu, en particulier s'il doit exercer sur un autre lieu de travail avec risques d'exposition.
355
Dans cette hypothèse, le responsable local de radioprotection peut remettre un dosimetre
opérationnel supplémentaire afin de connaître la dose prise sur le "chantier" ou pendant une
"mission", la dose totale prise par l'agent est cumulée par le dosimetre réglementaire. Cette
procédure permet:
- à l'employeur de connaître la dose totale prise par son agent au cours de toutes ses activités;
- à chaque responsable local de déterminer la dose (partielle) prise dans sa propre installation.
Un dosimetre n'est utile que s'il est distribué et porté. Cette évidence doit pourtant être
soulignée, car la mise en place d'un suivi dosimétrique impose que des procédures très strictes
soient établies pour la distribution et la collecte des dosimètres dans des délais rigoureux de manière
que chaque personne reçoive un dosimetre au début de la période de port définie et le rende à la fin
de cette période. L'exploitation d'un dosimetre ne sera significative de la période d'exposition que
si ces règles élémentaires sont respectées.
De même, des règlements doivent être définis pour que chaque personne porte réellement le
dosimetre qui lui est attribué. Et dans une autre mesure, le conditionnement du dosimetre doit
permettre un port facile et fiable sur le vêtement de la personne. Ces dispositions élémentaires
garantissent la validité des doses mesurées et la "réalité" des doses nulles.
L'exploitation des dosimètres est effectuée sous un système d'Assurance Qualité conforme à
la norme ISO 9003 qui définit les procédures d'étalonnage des dosimètres, de développement et de
mesure, d'archivage des résultats d'exploitation.
La qualité d'exploitation des dosimètres s'exprime par la précision des mesures, par les
limites de détection, par l'intégration de la dose pour la personne concernée et par le délai
d'exploitation.
Les méthodes d'exploitation doivent permettre de détecter, immédiatement, des doses élevées
ou supérieures à des seuils pré-établis qui provoquent une "alerte" et un déclenchement d'une
procédure "d'enquête dosimétrique" par les responsables locaux de radioprotection.
L'archivage des résultats d'exploitation (listing, dosimetre, thermogramme) doit être défini,
notamment sur sa durée (en général, 2 ans).
Les résultats dosimétriques sont diffusés comme indiqué au paragraphe 15.2.4. La qualité de
cette diffusion repose sur l'identification précise de chaque acteur du suivi dosimétrique.
L'édition et la diffusion des doses doivent être effectuées sous pli confidentiel de manière à
préserver le caractère médical de la dose.
Une dose ne doit être communiquée par téléphone (voire par télécopie) qu'à des personnes
dûment habilitées.
356
Le transfert des doses par voie télématique (réseau, disquette) nécessite un cryptage des
données. L'accès aux fichiers doit être protégé par des procédures de mot de passe. Les systèmes
informatiques (ordinateurs, stockage des données) sont dans des locaux protégés et surveillés, munis
de sécurité contre l'incendie, l'inondation, l'effraction, etc.
L'archivage des doses est du ressort des médecins du travail. La durée d'archivage après la
cessation d'activité de la personne est fixée à 30 ans dans le projet de directive européenne.
L'employeur ou le laboratoire d'exploitation dosimétrique peut être amené pour son besoin
propre à archiver les doses pour une durée équivalente.
357
CHAPITRE 16. LA DOSEMETRIE DE ZONE
J-Cl. Caries
Parmi les 5 catégories de grandeurs concernées par la dosimétrie (ICRU n°33, 1980) celle
qui est propre à la radioprotection comprend:
La mise en application du principe d'optimisation fait évoluer ces objectifs vers l'étude
radiologique des expositions aux poste de travail.
L'exposition peut être supérieure aux 3/10 de l'une des limites annuelles. La durée des
séjours devra être optimisée car les dosimètres seront, dans ces zones, parmi les plus irradiés. La
présence de champs mixtes de rayonnements conduit à l'utilisation du dosimètre photographique
PSI.
Dans les zones surveillées, l'exposition doit être comprise entre 1/10 et 3/10 de l'une des
limites annuelles; en zones non réglementées, elle doit être inférieure au 1/10 de ces mêmes limites
annuelles. La spécificité de la dosimétrie de ces zones provient:
359
16.1.1.3. Caractéristiques des dosimètres
Ils sont complémentaires des appareillages de contrôle en temps réel. Us sont simples, peu
coûteux et indestructibles (sauf incendie) d'où leur possibilité d'utilisation en grand nombre. Leur
exploitation n'est pas liée aux contraintes de port qui sont celles des individus. Ils permettent
d'associer plusieurs matériaux dans un système dosimétrique (ex.: PS1) pour reconstituer les
natures et énergies des rayonnements. Leurs localisations sont fixes par rapport à la source, d'où
une reconstitution possible du champ de rayonnements; celui-ci n'est pas perturbé par le seul
dosimètre comme cela est le cas lorsqu'il est porté par un individu.
La dosimétrie de zone permet de compenser les difficultés de port correct des dosimètres
individuels surtout dans les zones non contrôlées.
II s'agit de fournir au médecin des indications pour établir un pronostic et décider d'une
thérapeutique. Il faut donc qu'il y ait la possibilité d'identifier les types de rayonnements aux
organes importants, de déterminer rapidement la position des victimes dans le champ non perturbé.
De ce fait, il s'agit de prévoir la détermination:
en considérant auparavant:
360
De plus, il faut prévoir une décontamination des dosimètres; aucun dosimètre contaminé ne
sera livré au laboratoire d'exploitation.
Le contexte réglementaire a conduit à élaborer une radioprotection de contrôle. Elle est basée
sur la notion de seuil (juridique) établie sur les doses maximales admissibles.
Dans les Installations Nucléaires de Base (INB), le chapitre II du décret n° 75-306 du 28 avril
1975 indique les mesures d'organisation concernant les zones contrôlées (dans les conditions
normales, pas de dépassement des 3/10 de l'une des limites annuelles d'exposition des travailleurs)
et surveillées (pas de dépassement du dixième dans les mêmes conditions).
Hors des INB, ces dispositions sont reprises dans le décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986
avec plus de précisions quant au port, aux caractéristiques et à l'exploitation des résultats des
dosimètres.
Des dispositions internes au CEA, parfois plus restrictives, sont indiquées dans la Note
d'Instruction Générale (NIG) n° 353 du 9 juillet 1993. Par la zone non réglementée, on notera en
particulier: "C'est la zone dans laquelle les travailleurs ne sont soumis à aucune exposition du fait
de leur travail". Cette disposition va au-delà de l'application future de la CIPR 60.
Dans les industries extractives (décret n° 89-502 du 13 juillet 1989 et ses annexes), les
définitions des zones sont spécifiques aux nuisances apportées par le thoron et le radon ainsi que les
émetteurs a à vie longue (ex: mines d'uranium). En particulier, du fait de l'évolution du chantier
(fronts de taille), des dispositions en dosimétrie opérationnelle sont indiquées.
En ce domaine, les textes réglementaires ne sont pas toujours très précis, tel est le cas des
accidents de criticité.
361
Les expositions accidentelles et les plus graves aux rayonnements X et y ne concernent pas
essentiellement l'énergie nucléaire; il n'en est pas de même des accidents de criticité.
- la traduction des mesures de rayonnement en équivalent de dose ne doit, dans tous les cas être
effectuée que par un médecin qualifié en radioprotection (arrêté du 7 juillet 1977, chap. B,
art 6);
- le risque à prendre en compte est, dans tous les cas, le risque d'irradiation totale;
- tout résultat de dosimétrie de zone exploité pour retenir un équivalent de dose (individuel) relève
du "secret médical".
- pour le public:
- les détecteurs solides basés sur le phénomène physique d'excitation (DPL et DTL) et sur un
phénomène chimique lié à l'emploi d'une emulsion photographique;
- les détecteurs solides de traces. Ce sont des détecteurs qui utilisent les mêmes matériaux mais
font appel au principe de l'ionographie et ont la particularité d'être insensibles aux électrons
donc aux photons.
Les caractéristiques pratiques de ces détecteurs sont décrites quant aux exemples
d'application traités ci-après, en insistant sur les détecteurs solides de traces et leur complémentarité
vis-à-vis des autres détecteurs solides.
- qu'il n'y a pas de "dosimètre universel" mais la nécessité de composer des systèmes de
dosimétrie reposant sur l'exploitation des performances de plusieurs matériaux et phénomènes
physiques et chimiques;
362
- que chaque dosimètre doit répondre à des exigences de sensibilité, reproductibilité, fidélité,
linéarité, etc. en accord avec l'analyse du poste de travail ou de l'environnement;
- qu'il est nécessaire de maîtriser les réponses en fonction de l'énergie des rayonnements, de
l'angle d'incidence et d'obtenir un bon pouvoir séparateur du système dosimétrique dans le cas
d'un champ mixte.
Dans des exemples types, les modalités d'évaluation de la dose équivalente à partir de la dose
absorbée sont précisées. La dosimétrie opérationnelle complémentaire de la dosimétrie
réglementaire (par intégration) est également décrite.
II s'agit de connaître le rayonnement cosmique permanent auquel le personnel navigant (et les
passagers) est soumis dans des circonstances normales du fait de l'altitude importante (10 000
mètres ou plus) à laquelle volent les avions. Il faut pouvoir sans délai détecter les irradiations "hors
normes" consécutives à certaines éruptions solaires. Cet aspect de l'exposition à des postes de
travail n'est pas traité dans la réglementation actuelle.
Parallèlement à l'évaluation des doses délivrées aux extrémités des intervenants médicaux, il
s'avère intéressant pour la dosimétrie de zone de pouvoir conforter les dispositifs de protection du
constructeur d'appareils radiologiques, afin de détecter ensuite des fuites lors de l'exploitation. La
spécificité réside dans:
16.4.1.1.3. UNE INSTALLATION NUCLEAIRE DE BASE: LA CELLULE PIVER (ATELIER PILOTE DE MARCOULE)
Ces situations requièrent, plus encore qu'en fonctionnement normal, un grand nombre de
dosimètres implantés au plus près de la source à caractériser et des personnes affectées.
363
Lors d'accidents de criticité dans une INB, la zone à couvrir par la dosimétrie de zone est
restreinte, environ 30 mètres. L'étude des relations entre les sources potentielles et les postes de
travail est primordiale pour définir la configuration et la disposition des dosimètres qui devront être
emmenés par le personnel lors de l'évacuation ou récupérés par la suite. Chaque système
dosimétrique de criticité composé de verres radiophotoluminescents et de spectromètres neutrons à
activation (SNAC) fournira des résultats relatifs aux doses dues aux particules lourdes chargées,
aux photons produits par réaction n,y dans l'organisme, aux photons reçus par l'individu. Ceux-ci
seront destinés à l'évaluation de la dose absorbée maximale (Hj s ).
Afin d'étudier l'influence des débits de dose élevés (0,2 à 15 cGy.h"1) des émetteurs y sur un
écosystème méditerranéen, le Service de radioécologie du Centre d'études de Cadarache a établi
des cartes d'isodoses à l'aide de verres radiophotoluminescents.
Elles ont permis de montrer que cette source d'irradiation pouvait contribuer pour une
fraction importante à l'irradiation naturelle des populations. De plus, cet exemple indique que la
dosimétrie de zone n'est pas exclusive de l'exposition externe. Dans ce cas un détecteur de traces
est exploité (nitrate de cellulose) pour les émetteurs a d'énergies voisines de 5 à 7 MeV
descendants du thoron (Tn) mais surtout du radon (Rn). Les résultats sont en accord avec les
mesures de Rn effectuées par scintillation. L'emploi de ce détecteur s'est généralisé car
l'UNSCEAR indique que les descendants du Tn ne jouent qu'un rôle secondaire par rapport à ceux
du Rn dans l'irradiation pulmonaire des populations.
Comme pour les agents dont les postes de travail sont situés en zone réglementée surveillée
ou non réglementée, l'exposition des personnes du public est évaluée, entre autres, pour
l'irradiation externe sur la base des résultats de la dosimétrie de zone effectuée généralement autour
des installations nucléaires et plus systématiquement en limites de site.
De plus, la gestion des déchets radioactifs, qu'ils soient solides ou sous forme de rejets
gazeux et liquides, évolue vers des limites d'exposition de plus en plus restrictives. La dosimétrie
de zone devra être en mesure de pouvoir déterminer:
16.5. CONCLUSION
364
pragmatique et intéressant. Il est donc désormais lié à de nombreuses disciplines en dehors de la
radioprotection qui vont de la physique nucléaire à l'analyse des postes de travail en hygiène et
sécurité classique, sans oublier bien entendu l'évolution des connaissances biologiques et médicales.
HEXT PAG£(S)
Eeft BLAWA
365
CHAPITRE 17. DOSEMETRIE INTERNE
P. G. Beau
17.1.1. Introduction
La dosimétrie interne se propose d'évaluer les doses de rayonnement ionisant reçues par les
organes et tissus du corps humain à la suite de la pénétration et du séjour d'un ou de plusieurs
radionucléides naturels ou artificiels dans ces organes. Contrairement à la dosimétrie externe où
l'obtention des doses dépend directement d'une mesure, la dosimétrie interne nécessite l'évaluation
préalable de l'activité ayant séjourné dans les organes et qui est liée au métabolisme de l'élément
stable. La dosimétrie interne comporte en conséquence deux volets, un volet métabolique et un
volet biophysique, dosimétrique.
II s'agit des organes qui reçoivent en premier le radionucléide sous une certaine forme
physico-chimique et qui disposent par rapport à cette dernière, de mécanismes permettant le rejet du
radionucléide ou/et son passage dans le secteur systémique. Ces organes ou tissus sont le poumon
(inhalation), le tube digestif (ingestion), la peau (passage cutané).
II concerne les organes ou tissus qui sont atteints par le radionucléide à la suite de son
passage dans le sang et les liquides extracellulaires.
Elle concerne les 2 secteurs précédents et a pour objet d'y quantifier le transport et le séjour
des radionucléides. Elle fait appel à la notion de compartiments groupés en système qui représente
les états de la substance et les transitions entre ces états. Dans une perspective dosimétrique, on
cherche à ce que ces compartiments correspondent le plus possible à des organes ou tissus cibles
des radionucléides. Au plan mathématique les systèmes compartimentaux sont décrits par des
équations dont les paramètres sont soit liés aux mécanismes, soit indépendants de ces derniers.
Dans le premier cas on a des modèles mécanistes, dans le second cas des modèles de simulation où
les équations sont des formulations a priori qui sont ajustées à des données expérimentales.
367
17.1.3. Secteur des portes d'entrée
Dans ce secteur les modèles (pulmonaire, digestif) qui seront traités à part sont indépendants
de la nature des radionucleides mais pas de leur forme physico-chimique.
17.1.3.1. Incorporation
17.1.3.1.1. DEFINITION
C'est le fait pour l'organisme humain de prélever une quantité de radionucléide sous forme
de composé chimique sur le milieu extérieur.
17.1.3.1.2. FORMULATION
Incorporation unique
Elle correspond au type impulsion c'est-à-dire au maintien constant pendant un temps très
court At d'une quantité entrant, nulle auparavant.
I(t) = I 5(t)
Aï
où ô(t) est l'impulsion unité, de dimension r 1 , introduite pour
satisfaire à la cohérence du 2e membre de l'équation différentielle
au paragraphe 17.1 A.
368
17.1.3.2. Dépôt
17.1.3.2.1. DEFINITION
17.1.3.2.2. FORMULATION
- Dans le cas de l'ingestion, la quantité déposée est égale à la quantité incorporée ou quantité
ingérée. On a: I(t) = Q^T(o) quantité initialement présente au niveau du premier segment du
modèle digestif, l'estomac (ST).
- Dans le cas de l'inhalation, la quantité déposée est différente de la quantité incorporée ou
quantité inhalée par l'existence d'une quantité exhalée. Le dépôt dans l'appareil respiratoire est
régional et s'exprime
- soit sous forme fractionnelle: D R pour une région R
- soit en activité: Q^(o) = I. D^ pour une incorporation unique I (Bq).
- Dans le cas de l'effraction de la peau par blessure, on a pu distinguer plusieurs dépôts par leur
mobilité différente vis-à-vis du passage sanguin.
17.1.3.3.1. DEFINITION
Mouvement du radionucléide du site de dépôt vers un autre site en vue de son utilisation
(élément physiologique), de son stockage ou de son élimination.
17.1.3.3.2. FORMULATION
Transport de surface
C'est le cas des particules déposées sur le tapis mucociliaire des voies respiratoires
supérieures. (Epuration mécanique).
En considérant le transport d'un site A vers un site B, la quantité mobilisée AQA pendant un
petit intervalle de temps At est proportionnelle à ce temps et à la quantité initiale Q^. On a:
AQA = . kAB Q A At
QA
At
369
*QA _ KAB
it Qn
AB
L o g - = - k A B / dt
oA
Tj/2 qui est le temps nécessaire à la réalisation de —— est la période biologique. La
constante de transfert exprimée en fonction de la période biologique est:
kAB =
T
M/2
Dissolution
Elle concerne des particules d'aérosol dissoutes sous l'action de liquides biologiques (mucus
bronchique, liquide alvéolaire, sécrétions macrophagiques).
Transfert de membrane
II s'adresse à des molécules ou à des ions répartis dans un volume et transférés dans un
volume adjacent séparé du premier par une membrane biologique. Cette dernière est une structure
complexe dont la nature moléculaire est telle qu'elle présente entre 2 couches limitantes
hydrophiles, une région lipophile. La membrane peut également être traversée par des pores. Le
transfert s'effectuant entre 2 volumes, ou est amené en écrivant l'équation de débit à tenir compte
du gradient de concentration entre ces volumes, élément moteur du transfert. Au départ si la
substance est dans le volume V A avec la concentration C A et la concentration dans le volume V^
est nulle on peut écrire:
k c ^ 0
dt VA ~ sec
, AB _ Dx Px d xS
=
de
370
ou
QA(t)=OA(o)e-xAi Bq
17.1.3.3.3. TRANSFERABILITE
17.1.3.4. Rétention
17.1.3.4.1. DEFINITION
C'est la fraction de la quantité initiale qui reste présente à un temps quelconque au niveau
d'un site de dépôt.
17.1.3.4.2. FORMULATION
p e
R ( t ) Q\o)
Dans le cas du poumon on se rapporte à l'incorporation:
Rétention effective
Les radionucléides sont soumis en même temps que leur transfert biologique à la décroissance
radioactive. Les 2 phénomènes obéissant à la même loi mathématique, il est possible de sommer les
constantes correspondantes en une constante de décroissance effective:
C'est selon cette modalité où la phase d'invasion sanguine du radionucléide n'est pas prise en
compte et pour un apport unique d'unité d'activité que la CIPR établit les modèles systémiques.
De la façon la plus générale la rétention systémique peut être formulée par l'expression:
1=1
OU
fc: fraction de la charge sanguine éliminée directement par une voie d'excrétion
XSG = 0,693/0,25 j pour tous les radionucléides
1-^°: fraction complémentaire à l'unité distribuée dans les organes
R°RG (t): rétention dans l'organe i avec ^ i?,(o) = 1
Cette rétention R°RG (/) peut être représentée selon la structure de l'organe et le métabolisme
du radionucléide par une ou plusieurs composantes exponentielles. Dans ce dernier cas on a souvent
2 composantes, une à renouvellement rapide et une à renouvellement lent soit:
avec f et h.
i
j=\
où X est la constante de
décroissance radioactive.
372
17.1.4.1.2. ELIMINATION- EXCRETION
Absorption
SYS Distribution- Rétention
Elimination >ORG
Excrétions métaboliques
Elimination biologique
Elle est obtenue par dérivation de la fonction de rétention soit:
. SYS
Y
dt /=1 dt
avec:
Elimination effective
• sys JT>SYS / 4
dt
Excrétion
373
fraction constante pendant toute la durée de l'élimination, ce qui n'est pas tout à fait exact en
particulier au début.
. SYS . , SYS
.•-1
(0
. SYS . SYS
. RESP
La porte d'entrée pulmonaire est représentée de manière simplifiée par un seul compartiment
symbolisé RESP pour ne pas alourdir la formulation.
Incorporation - Absorption
dt j
dt
dQ°RG
dt
où
374
ffG : fraction sanguine distribuée dans l'organe i
G
l?* : constante d'élimination.
Chaque équation donne une solution dans laquelle figure l'incorporation I. Au terme du calcul, il
est possible de formuler la rétention dans l'organe en fonction de l'activité inhalée I soit:
Elimination - Excrétion
. INH n
•)ORGrIN
Y SYS (i
0 =1=12
. INH .INH
Yu (io=fu- Y SYS (t)
.INH .INH
Yf (t•) = fr Ysrs(t)
Incorporation - Absorption
at T j
375
T < t(eq) T = t(eq)
RESP
Bq
T-X
I
OgESr(t) Bq
T
avec interruption de l'incorporation
Elles dépendent comme dans le cas précédent de l'équation différentielle de base et de ses
solutions.
Cette configuration fait intervenir le compartiment sanguin lors de l'élimination pour tous les
organes sauf les reins. Ceci assure une meilleure représentation de l'excrétion urinaire et devient
indispensable pour certains éléments comme l'iode où le recyclage joue un rôle important. Le
schéma général prend la forme représentée ci-dessous.
Absorption
SYS
Distribution - Elimination
? :
„ * ï „ ;
SANG ORGANE i , REINS
I(t)
• • •
'|
t
i
— i - S —
V
Excrétion urinaire
La contrepartie de cette manière plus réaliste de représenter les cinétiques est un traitement
mathématique plus complexe.
376
17.2. EVALUATION DE L'ACTIVITE INCORPOREE ET DES DOSES ENGAGEES
Deux types de mesure sont possibles: la mesure directe de l'activité in vivo par comptage
externe (anthroporadiamétrie) et la mesure indirecte sur des prélèvements (urines et selles). Le
choix entre les 2 types de mesure est fonction du caractère pénétrant ou non pénétrant du
rayonnement mais aussi de la transférabilité du radionucléide (impossibilité d'une détection au
niveau thoracopulmonaire par transfert systémique trop rapide).
Ceci impose que le radionucléide soit connu ainsi que sa forme physico-chimique. La mesure
qu'elle soit directe ou indirecte fournit une activité à un temps t plus ou moins éloigné de
l'incorporation et il n'y a pas de relation métabolique simple entre la mesure et l'incorporation.
L'association d'un modèle biocinétique à la mesure est indispensable.
Mesures Modèle
Mesures directes Rétentions
Activité thoracopulmonaire rRESP(t)
(uranium, cobalt)
Activité corporelle globale r
srs \')
(césium)
Activité concentrée flans un r
ORG V ' /
organe (iode)
Mesures indirectes Excrétions
Activité des urines: formes transférables (tritium, césium, . INH
uranium, etc.) Yu (0 j-l
Activité des selles: formes peu transférables Epuration mécanique
Excrétion précoce ,RESJ>
Yf (t) j " 1
Excrétion tardive (plutonium) Epuration mécanique et
métabolique
. RESP . INH
Yf (t)±Yf (0
17.2.1.1.3. PRINCIPE DE L'ÉVALUATION DE L'AcnvTrE INCORPORÉE
M(t) Bq
1=
377
17.2.1.2. Evaluation dans le cadre des expositions professionnelles
Principe
La date de l'incorporation est inconnue. Cette dernière, en supposant qu'elle est unique, est
révélée par une mesure à un temps ^ qui borne un intervalle de temps séparant cette mesure de la
mesure précédente à un temps t ^ . L'incorporation se situe entre les 2 mesures M (tn) et M (tn.\).
En symbolisant toujours par OmH (t) la quantité correspondant au type de surveillance, cette
quantité peut être considérée comme une fonction décroissante du temps et de façon monotone dans
l'intervalle tn - ln_i où se situe l'incorporation unique. Dans ces conditions, pour une mesure au
temps tn. peut faire les évaluations suivantes:
O1NH
1NH
(t(t "> max
L'incorporation réelle se situe entre ces 2 extrêmes et pour avoir une estimation
intermédiaire, on fait:
A M{tn)
2
La date de l'incorporation est connue. Des mesures à des temps rapprochés sont effectuées en
premier, puis plus étalées. Plusieurs évaluations de l'incorporation sont pratiquées basées sur des
moyennes. Les premières mesures présentent souvent d'importantes fluctuations liées à la
superposition de plusieurs phénomènes métaboliques de cinétique différente, dont l'influence
d'incorporations antérieures.
378
17.2.2. Doses engagées et quantités dérivées à caractère réglementaire
Dans la suite le mot dose signifiera dose équivalente. Le débit de dose en irradiation interne
est formé par le produit de 2 facteurs: un facteur métabolique et un facteur dosimétrique.
Facteur métabolique
Le débit de désintégration par Bq incorporé est basé sur la rétention par unité d'incorporation
NH
r/ (t) pour un organe i envisagé dans le cadre d'un modèle d'absorption d'énergie. Dans ce
modèle biophysique l'organe est à la fois une source S par l'activité qui s'y est concentrée et une
cible T pour lui même et par les organes voisins. On a:
«w(/) \ x 86400-
Bq inhalé s
Facteur dosimétrique
ou:
379
où pour plusieurs émissions R:
- E R : énergie en MeV
: probabilité d'émission du rayonnement par désintégration
: facteur de qualité
- FA (T <— S)R : fraction absorbée dans T de l'énergie émise en S.
Ces facteurs de nature physique et biophysique ont été tabulés en particulier pour les fractions
absorbées, qui sont obtenues au moyen d'un fantôme mathématique du corps humain faisant appel à
une représentation des organes par des solides géométriques paramétrables.
Rayonnements pénétrants:
S T »
MT
Pour les émetteurs y les organes sont petits par rapport au parcours des photons et une
fraction seulement de l'énergie émise à l'intérieur de l'organe s'y trouve absorbée. Il en résulte
deux composantes pour l'énergie absorbée:
Pour celles-ci, les organes sont grands par rapport au parcours de la particule, mis à part une
couche périphérique mince où le parcours excède l'épaisseur du tissu l'énergie émise est
intégralement absorbée dans l'organe. On considère que:
s)
s- = 0
max
MT MT
Absorption d'énergie dans le tissu osseux
- la moelle osseuse ou moelle rouge (MR) dans les cavités de l'os trabéculaire;
- les cellules endostéales (SE) au contact des surfaces osseuses des 2 types d'os.
380
Pour T = MR, on a:
Pour T = SE, on a:
Définition
La dose engagée est la dose équivalente individuelle sur les 50 années qui suivent un apport
unique de radionucléide:
Formulation
a) Calcul théorique
Dans la formulation du débit de dose seule la rétention rf™ (?) dépend du temps et peut être
intégrée sur 50 ans (ou 18250 jours) pour donner la quantité:
des
Trim Ann o^ [182S0 DrmM.t
U50 T = 86400 i0 Rs (t) at
Bq. inhalé
et la dose engagée:
UINH - h < T 4 s \ TIim S v
n
50,T - « ( / < à ) U Bq. inhalé
TTINH _ j .unw s
b) Calcul approché
Lorsque la rétention après incorporation est intégrée sur 50 ans elle est déjà le résultat de
plusieurs intégrations dont la complexité augmente au fur et à mesure que les équations
différentielles prennent en compte les étapes successives de la cinétique. Parmi ces étapes c'est
l'étape d'absorption sanguine en provenance de la porte d'entrée qui est la plus lourde parce qu'elle
peut mettre enjeu plusieurs chaînes de compartiments. Dans le cas de l'inhalation, ce fait observé
avec le modèle pulmonaire de la publication CIPR 30 se trouve aggravé avec le nouveau modèle
pulmonaire. Une simplification peut être opérée au niveau de la quantité U ^ . en faisant
intervenir séparément dans le calcul la rétention dans l'organe et l'absorption sanguine. La fraction
de l'activité inhalée qui parvient au secteur systémique est l'intégrale à un temps infini de
l'absorption sanguine. Cette fraction intégrée F ^ ^ P qUj p e u t être obtenue de manière analytique
381
avec le modèle de la publication CIPR 30 et par l'informatique avec le nouveau modèle pulmonaire
permet d'écrire:
uT1
INH _ rRESP JJu
50,T ~r • 50J
Bq. inhalé
Cette modification est possible parce que le temps de 50 ans sur lequel est fait l'intégration de
la rétention r°RG (/) est très grand par rapport au temps sur lequel s'étale l'entrée de la fraction
pRESP dans j e sang, même pour une classe d'épuration lente pulmonaire (classe Y ou S). Cette
modalité de calcul majore légèrement la quantité U ^ y dans le cas des radionucléides de période
effective longue.
17.2.2.2.1. DEFINITION
La DPUI est la dose équivalente individuelle fictive qui, à la suite de l'exposition d'un ou de
plusieurs organes à des doses différentes, entraîne le même risque qu'une exposition uniforme de
l'organisme entier.
il
Dans le cas d'une irradiation d'un nombre N < 11 d'organes à des doses différentes Hj, le
nombre de dommages probables est:
T=\
II N
J^aTH=Y,aTHT
T=\ T=\
d'où l'on tire
382
N
r=i
N
AvecHT=hJ™T on a la DPUI: e
INH
50 = 2^ Sv
T=\
13
TISSUS ou ORGANE wT WT
CIPR 26 CIPR 60
Gonades 0,25 0,20
Moelle osseuse 0,12 0,12
Colon 0,12
Poumon 0,12 0,12
Estomac 0,12
Vessie 0,05
Seins 0,15 0,05
Foie 0,05
Oesophage 0,05
Thyroïde 0,03 0,05
Peau 0,01
Surface osseuse 0,03 0,01
1,00 1,00
Le "reste" est réparti uniformément entre chacun des 5 organes soit un Wjde 0,30/5 =0,06.
(2) Le «reste ' ng représente plus que 5 % du risque que l'on applique à la moyenne des doses engagées
aux organes considérés en proportion de leurs masses respectives.
Les 10 organes sont: le cerveau, les surrénales, l'intestin grêle, les reins, le muscle, le pancréas, la
rate, le thymus, l'utérus, le secteur extra thoracique au poumon.
383
17.2.2.3. Quantités dérivées à caractère réglementaire
Définition
La limite annuelle d'incorporation (LAI) est une limite secondaire, la limite primaire étant la
limite de dose annuelle (LDA). La LAI est l'activité en Bq qui, prélevée sur le milieu par inhalation
ou par ingestion, délivre sous forme de dose engagée:
- soit la LDA à l'organisme entier (50 mSv en regard du risque stochastique dans la
réglementation actuelle, 20 mSv dans la conception de la CIPR 60);
- soit la LDA à l'organe (500 mSv en regard du risque déterministe dans la réglementation
actuelle, abandonné dans la conception de la CIPR 60).
Formulation
0,05 _ 0,50
e h
f" 50HT
Définition
La LDCA est la concentration moyenne dans l'air inhalé, exprimée en Bq.m"3, qui pour 2000
heures de travail par an entraine une incorporation de la LAI par inhalation.
Formulation
LDCA., UI Bq_
2000(h)x\,2(m3/h) m3
Le tritium 3 H, est un isotope radioactif de l'hydrogène qui par décroissance donne l'hélium
stable 3 He. Le tritium est un pur émetteur bêta avec une période de 12,3 ans, une énergie
maximum de 18 keV et une énergie moyenne de 5,7 keV.
C'est un produit naturel par interaction des rayons cosmiques avec l'azote et l'oxygène de
l'atmosphère, c'est aussi un radioisotope artificiel qui apparaît dans les réacteurs nucléaires soit par
réaction neutronique avec le bore dissous dans l'acide borique du réfrigérant primaire, soit avec le
lithium.
384
Il se présente à l'état de gaz sous forme moléculaire combiné ou non à l'hydrogène stable ou
au deuterium (HT, DT).
La forme oxydée, l'eau tritiée HTO est la plus répandue, les formes organiques sont
rencontrées dans l'environnement (méthane CH3T), dans l'alimentation, dans l'industrie (solvants,
huiles tritiées) et dans la recherche. Le tritium donne enfin des tritiures métalliques avec par
exemple le lithium, le scandium, etc.
17.3.1.2.1. L'EAUTRITIEE
Inhalation
La cinétique de l'eau tritiée suit celle de l'eau corporelle sauf pour une petite portion du
tritium, metabolise qui se lie aux molécules organiques. Ces molécules ont un taux de
renouvellement différent de celui de l'eau.
Pour un adulte ayant un débit respiratoire de 0,02 m^.min"1 dans une atmosphère contaminée
à une concentration de C Bq.m"3 le taux d'incorporation est de 2.10"2 C Bq.min"1. On considère que
tout est absorbé dans les liquides corporels.
Absorption cutanée
HTO aussi bien sous forme liquide que de vapeur est rapidement absorbé par la peau. On a
montré que pour le même débit respiratoire de 0,02 m3.min"1, l'absorption à travers la peau intacte
est de 10' 2 C Bq.min"1 soit une incorporation égale à la moitié de celle par inhalation.
Ingestion
Cette voie intervient pour de la nourriture ou des liquides contaminés dans l'environnement
ou après manipulation d'objets contaminés.
Distribution - Rétention
Les trois compartiments du modèle conduisent pour la rétention à une somme de trois
exponentielles:
1=1 ' Tt
La première correspond à l'eau libre et représente à elle seule la plus grande partie de la
rétention avec A\ s 0,97. Les périodes biologiques fluctuent fortement en fonction de l'apport
liquidien et Tj se situe entre 6 et 18 jours. Les deux autres exponentielles représentent le tritium lié
à renouvellement rapide et lent avec:
385
17.3.1.2.2. TRITIUM MOLÉCULAIRE GAZEUX
Inhalation
Une faible proportion (10"4) de gaz (93 % HT) est oxydé en HTO dans l'organisme. Une
fraction faible (0,016) est dissoute dans le sang et le reste est exhalé. La conversion du gaz en eau
tritiée se fait par transport sanguin aux sites d'oxydation, probablement l'intestin, où les bactéries
intestinales fournissent l'enzyme hydrogénase nécessaire. La période biologique d'oxydation serait
d'une dizaine d'heures. Il n'y a pas de formation directe de composé organique à partir du tritium
gazeux inhalé.
Absorption cutanée
L'hydrogène moléculaire est absorbé par des surfaces métalliques et se dissout dans beaucoup
de matériaux (bois, plastiques, etc.). Le contact entre la peau et ces surfaces contaminées entraîne
un marquage de molécules organiques de la peau. Il en résulte une excrétion du tritium en HTO et
sous forme organique dans l'urine. La peau constitue un compartiment pour les formes organiques
du tritium avec deux fractions, une à élimination rapide et une plus lente.
La diversité des molécules organiques tritiées fait que les trois modes d'incorporation sont
possibles. On peut distinguer d'une part des molécules physiologiques (alimentaires) d'autre part
des molécules non physiologiques (industrielles).
Dans le cas de molécules biologiques participant aux voies du métabolisme, le tritium lié à
renouvellement rapide est le tritium situé dans les liaisons C-H de molécules non structurales dont
le renouvellement est celui du carbone avec une période biologique de 30 à 40 j . Le tritium lié à
renouvellement lent est celui de molécules structurales (collagène).
En ce qui concerne les molécules industrielles telles que des solvants et des huiles tritiées, le
peu de données disponibles fait que l'on considère leur métabolisme voisin de celui de HTO,
surtout pour les premiers qui ont les mêmes propriétés de volatilité et de diffusion percutanée.
Le méthane tritié est produit par la dégradation bactérienne de déchets contaminés ou par une
radiolyse au niveau de surfaces d'éléments de pompe à vide. Son comportement biologique rejoint
en partie celui du tritium moléculaire gazeux.
Après son absorption sanguine, il peut en raison de sa solubilité élevée se fixer dans le tissu
adipeux. Il est faiblement (1 %) métabolisé en CO2 et le tritium libéré suit le cycle métabolique
normal avec oxydation en eau tritiée. Les tritiures métalliques peuvent donner lieu dans des
conditions accidentelles à des particules inhalables; leur métabolisme est mal connu [1].
Pour calculer la dose engagée à l'organisme à la suite d'une incorporation d'eau tritiée la
CIPR a retenu un modèle simplifié de rétention à 2 composantes exponentielles. La première qui
correspond à l'eau libre a une période biologique de 10 j qui se trouve dans la fourchette de T\.
Ceci est en accord avec les données de l'homme de référence qui conduisent à la même valeur soit:
386
0,693 0,693
3000
42000
U(H2O)
avec:
0,693 0,693
T 4
16000
°
M(C)
avec:
_ 0.693 _ 0.693
srs 10 40
R (t) = 0,91e + 0,03 e"
La fraction de l'excrétion totale en tritium éliminée par voie urinaire est iu = 0,6.
L'excrétion fractionnelle correspondante est donnée par:
La concentration urinaire pour lBq incorporé suit la même loi de décroissance. En supposant
cette concentration égale à la concentration dans les liquides corporels, on peut écrire:
ml
Bq
La fraction de l'excrétion totale en tritium éliminée par les selles est if = 0,4. L'excrétion
fractionnelle correspondante est donnée par:
387
0 /,x = 0,027 e - ° ' 0 7 r + 0 , 0 0 0 2
J
dt
17.3.1.3.3. ACTIVITE CUMULEE DANS L'ORGANISME
Elle est donnée par l'intégrale sur 50 ans de la rétention soit une valeur de 15,6 Bq.j.Bq"1
présent dans l'organisme.
L'iode est un métalloïde ou encore un halogène. Il est l'exemple type d'un élément
physiologique se concentrant dans un seul organe, la thyroïde. Un apport de 100 jig.jour'1 est
nécessaire dont 25 % sont intégrés aux hormones thyroïdiennes. L'iode donne des halogénures qui
sont dissociés dans les milieux biologiques (INa, IK). Il se lie également à différentes molécules
organiques au cours de son cycle biologique, indépendamment des hormones thyroïdiennes.
L'iode stable est l'iode 127. La fission nucléaire produit 13 isotopes, de l'isotope 128 à
l'isotope 139. La médecine nucléaire utilise pour le diagnostic des affections thyroïdiennes les
isotopes traceurs à vie courte 123 ÇTyj = 4,2 j) et 124 (Tj/2 = 13,3 h) et pour l'irradiation
thérapeutique l'isotope 131 (J\j2 = 8,06 j). Les 2 premiers sont surtout des émetteurs gamma et le
second un émetteur p, y. L'iode 125 (Tj/2 = 60 j) est utilisé en laboratoire, et l'iode 129 (Tj/2 =
1,6.10^ ans) issu des explosions nucléaires est détecté dans l'environnement.
Ils sont liés à l'organe fixateur, la thyroïde. Cette glande qui pèse de 2 à 15 g chez l'enfant et
20 g chez l'adulte est constituée de cellules groupées autour d'une vésicule. La fixation de l'iode
est variable en fonction de l'apport alimentaire. Un apport suffisant ( > 100 jtg.j"1) entraîne une
fixation de 30 % de la charge sanguine. Un apport insuffisant ( < 100/xg.j"1) entraîne une fixation
supérieure à 50 %. L'âge influe également sur la fixation.
Etape thyroïdienne
L'iode apporté par l'alimentation passe dans le sang sous forme d'iodure. La captation par la
cellule thyroïdienne se fait de manière active dans un rapport de 25 à 1 contre un gradient
électrochimique. La cellule thyroïdienne synthétise simultanément une glycoprotéine, la
thyroglobuline (TG). L'oxydation de l'iodure en iode et la liaison de ce dernier à un acide aminé
constitutif de la TG, la tyrosine permet la formation de 2 molécules, la monoiodotyrosine ou MIT et
la diiodotyrosine ou DIT.
Leur condensation fournit les thyronines T3 et T4 qui sont les molécules hormonales. Ces
biotransformations se font au sein de la TG qui est stockée dans la vésicule thyroïdienne. Les MIT
et DIT ainsi que les T3 et T4 sont libérées lors du retour de la TG dans la cellule. Les premières
sont dégradées et l'iode recyclé, les secondes passent dans le sang.
388
Etape hépatique
Au niveau du foie, la T4 subit une désiodation pour donner la T3 de plus grande activité
fonctionnelle. Cette dernière assure la fonction hormonale de stimulation des oxydations en
diffusant dans l'organisme.
Elimination excrétion
La dégradation de la T3 dans les tissus, libère l'iode dont une fraction est recyclée et une
fraction excrétée dans les urines. Une partie non dégradée de la T3 passe dans la bile et est excrétée
dans les selles.
Elle se fait par un système de rétro contrôle adaptatif. Une hormone hypophysaire, la
thyréostimuline ou TSH facilite l'entrée de l'iode dans la thyroïde. La sécrétion de TSH est elle
même sous la dépendance de la concentration hypophysaire en T3 par l'intermédiaire d'une
hormone hypothalamique spécifique.
L'excès d'iode inhibe les mécanismes de transport de l'iode, puis, après l'avoir stimulée
bloque la synthèse hormonale. Si la surcharge est importante, cette inhibition appelée effet Wolf-
Chaîkoff induit une hypothyroïdie associée ou non à un goitre. Pour obtenir en radioprotection un
blocage de la captation de l'iode radioactif par la glande, on administre per os une dose de 100 mg
d'iode stable (130 mg d'K) qui réduit cette fixation à 1 % à condition que cet apport d'iode ait été
effectué avant la contamination. Cette dose, si elle est répétée n'entraîne qu'une faible dépression
de la synthèse hormonale.
Inhalation
Ingestion
Les vecteurs de cette voie sont l'eau, le lait et les aliments contaminés à la suite de rejets.
L'absorption digestive est complète et le facteur fj de passage tube digestif-sang est de 0,95.
Absorption cutanée
- un compartiment sanguin ou de transfert (TC) où l'iode absorbé est retenu avec une période
biologique de 0,25 j ;
- un compartiment thyroïdien (TH) où 30 % de l'iode absorbé est transporté et retenu avec une
période biologique de 120 j ;
389
un compartiment correspondant au reste de l'organisme où l'iode organique (ORG) est
métabolisé avec une période de 12 j .
3.0
0,693
> TC TH
10000 iig "•° " 0,25
0.7 V J-i
i
0,693 -1
0.9 '*' 120 J
ORG
Urine 1000 ug
0,693
0.1 J J
" - 12
Faeces
La rétention effective fractionnelle dans le compartiment thyroïdien (TH) est donnée par
l'expression:
Le modèle conduit à des équations du même type pour les 2 autres compartiments qui
n'interviennent pas dans le calcul de la dose engagée à l'organe cible, mais par contre sont
concernés au niveau des excrétions.
Le fait que beaucoup de données résultent d'observations effectuées sur l'iode 131 qui a une
période physique courte par rapport au métabolisme thyroïdien, a conduit à ne laisser apparaître
qu'une seule exponentielle pour la rétention. A cette rétention entre 2 et 16 j après l'incorporation
est associée une période biologique apparente de 90 jours. Des modèles réduits à une ou deux
exponentielles ont été proposés et peuvent suffir à la représentation de la rétention thyroïdienne
suivie par détection externe. Ils ne conviennent pas à la modélisation des excrétions [2] [3].
L'excrétion urinaire, prenant en compte le recyclage de l'iode minéral, est modélisée à partir
du compartiment de transfert (TC):
SYS
Yu = 0,7x
*£«*» '*
avec = [l,0 e + 0,0009S(,-°- 0055 '- e - 0 ' 063 '^-- 1 '
L'excrétion fécale métabolique est évaluée à partir du compartiment iode organique (ORG)
par:
• SYS
Y/ f1
390
avec: r™ (/) = [o, 0008 \e~Vlt +0,041(e~ °-°058' - r f t 0 6 3 ' ] x e~Xt
En prenant l'exemple de l'iode 131 l'intégrale sur 50 ans des rétentions correspondantes,
conduit aux valeurs suivantes:
Les deux isotopes 134 et 137 du césium sont des produits de fission. Le premier de période
physique 748 j est un émetteur p, y et le second de période physique 10950 j est un émetteur P,
l'émission y étant celle de son descendant le baryum 137 métastable.
Inhalation
L'absorption sanguine du césium inhalé est rapide et il rentre dans la classe F du nouveau
modèle pulmonaire de la CEPR.
Ingestion
Le césium apporté par cette voie est contenu dans de la nourriture contaminée. L'absorption
est pratiquement complète, le facteur i\ approchant les 90 %.
Absorption cutanée
391
17.3.3.4.2. DISTRIBUTION - RETENTION
La rétention effective systémique après absorption sanguine d'une unité d'activité est décrite
par l'expression
où e ' est l'exponentielle de décroissance radioactive de l'isotope considéré. Les valeurs des
paramètres z\, Tj et T2 (fraction et périodes biologiques) sont fortement dépendantes de facteurs
physiologiques et métaboliques. On a montré que T2 augmente avec l'âge, donc avec le poids
corporel, de 20 j chez l'enfant à 150 j chez l'adulte. La même période est plus élevée chez l'homme
(150 j) que chez la femme (100 j). En fait le facteur déterminant semble être le contenu corporel en
potassium. Une relation linéaire positive lie la période T2 au potassium total, par contre une
relation non linéaire décroissante (exponentielle) lie la période T^ au même potassium. Le même
type de relation est obtenu dans les 2 sexes. La fraction aj est aussi liée dans les 2 sexes au
potassium total par une exponentielle décroissante. Le fait que l'homme adulte de 70 kg a un
potassium total de 140-145 g alors que la femme de 60 kg n'en a seulement que 90-95 g, explique
que la rétention soit plus élevée chez le premier que chez la seconde. La masse musculaire de
l'homme étant plus importante et le transfert actif d'ions dans ce tissu étant plus favorable au
césium qu'au potassium, la rétention dans ce secteur en sera accrue (période T 2 ). Inversement le
transfert passif dans le secteur liquidien (plasma) est plus favorable au potassium (période Tj).
Tenant compte des relations obtenues entre aj, Tj et T2 et le potassium total, la rétention chez un
homme de 70 kg avec 140 g de potassium total a les valeurs de paramètres suivantes:
ai = 0,14 Tj = 1,9 j
1 - aj = 0,86 T 2 = 101 j
ai = 0 , 1 T1=2j
Ces valeurs sont valables uniquement pour le travailleur adulte [4] [5].
L'excrétion urinaire du césium est prépondérante et la fraction îu éliminée par cette voie a été
estimée à 0,8 d'où:
•SJ* drSYS{t)
KJ
Yu (r) = 0,8x dt
.SYS
392
Une sécrétion d'ions césium a lieu dans la lumière intestinale et peut être soumise à une
réabsorption. Ce phénomène offre une possibilité de décorporation par l'administration orale d'un
complexant, le bleu de Prusse, qui accroît l'excrétion fécale du contaminant.
L'intégration sur 50 ans des rétentions effectuées conduit pour les isotopes 134 et 137 aux
valeurs suivantes:
Les principaux isotopes radioactifs du strontium sont ^Sr (période physique de 64,8 j ,
désintégration par capture électronique), 89Sr (période physique de 50,5 j , émetteur P-y), ^Sr
(période physique de 10 630 j , émetteur P pur qui a un descendant radioactif ^Y émetteur p de
période physique 2,7 j). Le strontium 90 est un des produits de fission parmi les plus importants.
Après avoir pénétré dans le sang, le strontium est distribué dans les liquides extracellulaires
d'où il passe dans les tissus mous et dans le squelette. Il quitte les tissus mous dans la première
année qui suit l'absorption de sorte que le réservoir à long terme se situe dans le squelette avec près
de 98 % de la charge corporelle.
Le tissu osseux est un tissu hétérogène constitué de régions d'os compact (partie centrale des
os longs) et de régions où l'os est constitué de travées délimitant des logettes (trabécules) où se
trouvent les cellules de la moelle rouge, radio-sensible, génératrice des cellules sanguines.
L'os trabéculaire se situe au niveau des os plats et des extrémités des os longs. Le strontium,
amené par le sang, se dépose sur les surfaces osseuses des 2 types d'os: surfaces corticales (CORT)
et trabéculaires (TRAB). Ces surfaces sont dites actives par un double processus de formation par
les cellules génératrices de la matrice osseuse (cellules endostéales radiosensibles) qui sera calcifiée
et de résorption par d'autres cellules de type macrophagique. Le résultat de ce remodelage est la
diffusion et l'enfouissement du radionucléide déposé en même temps que le calcium au sein du
volume minéral, d'où l'appellation d'ostéotrope de volume. La répartition du strontium entre les 2
tissus osseux se fait dant le rapport de leurs masses soit 80 % dans le tissu compact et 20 % dans le
tissu trabéculaire.
393
Une élimination précoce par voie urinaire en relation avec les tissus mous a été observée.
L'élimination à long terme par l'effet du remodelage peut s'étendre sur de longues durées d'autant
qu'une redéposition est possible.
Ingestion
Les formes solubles du strontium (Sr Cl2) apportées par une alimentation contaminée sont
absorbées pour 15 à 45 %. L'absorption est augmentée par le jeûne, les régimes pauvres en
calcium, magnésium et phosphore, les régimes lactés et la vitamine D.
La CIPR a retenu pour les formes solubles une valeur du facteur de passage tube digestif-
sang fj de 0,3. Les formes peu solubles se limitent au titanate de strontium (Sr TiO3) pour lequel fy
prend la valeur de 0,01.
Inhalation
Les chlorures et les nitrates rentrent dans la classe F du nouveau modèle pulmonaire de la
CIPR. Les carbonates, phosphates, oxydes et hydroxydes dans la classe M et le titanate dans la
classe S du même modèle.
Plusieurs modèles biocinétiques ont été proposés pour décrire le comportement systémique du
strontium. Nous nous référerons principalement au modèle métabolique pour les alcalino-terreux de
MARSHALL et coll. présenté dans la publication CIPR 20 de 1973 [6] et le modèle de NEWTON
et coll. publié en 1977 [7]. Ces 2 modèles s'opposent dans leur conception puisque le premier est
un modèle mécaniste et le second de représentation de données expérimentales. Un modèle plus
récent de LEGGETT (1982) [8] reprend les principes et la structure du modèle de MARSHALL en
apportant des simplifications et en établissant la dépendance des paramètres osseux en regard de
l'âge. Ce modèle est plus adapté à la dosimétrie interne du public qu'à la surveillance de
l'exposition professionnelle.
Modèle de MARSHALL
Le premier terme représente la rétention due au métabolisme rapide dans le sang, les tissus
mous et les surfaces osseuses. Le premier terme du produit décrit la rétention dans le volume
osseux avec une élimination de l'ion strontium par diffusion de l'os au sang et excrétion partielle.
394
Le second terme du produit se rapporte à la résorption lente de l'os compact et de l'os
trabéculaire. Une équation de rétention pour l'os trabéculaire est obtenue à partir du premier terme
du produit et de la première exponentielle du second terme du même produit. Une expression
symétrique pour l'os compact comprend la seconde exponentielle.
L'élimination a été suivie par des mesures de l'excrétion urinaire et fécale et par
anthroporadiamétrie. Ces données ont permis d'identifier 5 composantes exponentielles pour la
rétention entre 0,25 et 3657 jours et qui pour le strontium prennent les valeurs suivantes:
Dans le cas du strontium 90, après inhalation, de 1'yttrium 90 est produit dans les voies
respiratoires et la CIPR a admis que son épuration le situait dans la classe des moyennement
transférables (classe M du nouveau modèle pulmonaire). Après ingestion, l'absorption systémique
est supposée indépendante de la forme physico-chimique du radionucléide père dans le tube digestif
avec un facteur f j = 10"4.
Pour la fraction du strontium 90 qui, après inhalation, passe dans le tube digestif par la
remontée mucociliaire, on considère que l'absorption est indépendante de la classe d'épuration
pulmonaire du père et fj = 10^. Au niveau systémique, on admet que ryttrium produit dans l'os, y
séjourne en même temps que son radionucléide parent.
Le taux d'élimination totale peut être obtenu par dérivation de l'une ou l'autre des 2
équations de rétention ci-dessus, la première conduisant à une expression plus lourde à manipuler.
La fraction fu de l'excrétion totale effectuée par la voie urinaire a été estimée à 0,7, soit pour
le taux d'excrétion urinaire la formulation:
395
.SYS
Y/
at
L'intégration sur 50 ans des rétentions effectives pour les 3 isotopes du strontium considérés
donne les valeurs suivantes:
L'uranium et le plutonium sont les éléments les plus importants de cette série par le
caractère fissile de l'isotope 235 pour l'uranium et 239 pour le plutonium.
Les deux éléments ont une physico-chimie complexe qui influe sur leur comportement
biologique. Ils ont plusieurs états de valence de +3 à +6 pour l'uranium et de + 3 à + 7 pour le
plutonium. En solution certaines valences n'existent que sous forme d'ions OXO: U V —> UO2"1"
Uranium: UYI-»UO22 +
ce dernier, l'ion uranyle est la forme prise par l'uranium en milieu biologique.
Plutonium: Pu V -> P u O 2 +
Pu VI ->• PuO22 +
En milieu biologique c'est la valence + 4 (ion Pu 4+ ) qui est la plus stable, mais l'ion n'existe
pas sous forme libre par la formation d'hydroxyde (PUOH4) et surtout de complexes avec des
molécules organiques. Les hydroxydes peuvent se polymériser pour donner des agrégats colloidaux.
La dismutation ou changement d'état de valence est forte chez les deux éléments; elle s'opère en
milieu biologique pour l'uranium avec le passage U IV -> U VI.
396
- L'uranium naturel, très abondant dans la coûte terrestre, se présente comme un mélange de 3
isotopes dont les teneurs en masse sont de 99,3 % pour 238 U (période physique de 4,47 x 10
ans) 0,006 % pour 234U (période de 2,5 x 105 ans), 0,72 % pour 235U (période 7,1 xlO8 ans). Ce
sont tous des émetteurs a d'énergie entre 4 et 5 MeV. Ils émettent aussi des rayonnements X et
y d'intensité faible sauf 235U qui possède une raie y de 185 keV pour 57 % des désintégrations,
ce qui permet des comptages in vivo. L'activité spécifique de l'uranium naturel est de 0,025
Bq.pg"1.
- L'uranium enrichi à 3,25 % en masse est le mélange isotopique industriel utilisé dans les
réacteurs de puissance à eau légère. Son activité spécifique est de 0,072 Bq./ig"1.
- L'uranium appauvri est un résidu de l'enrichissement variable en 235 U. Une activité spécifique
de 0,016 Bq.fig'1 correspond à une teneur en ^ U abaissée à 0,3 %.
- L'uranium de retraitement a sa composition isotopique modifiée par le séjour en réacteur. Cette
composition est variable quantitativement par la durée du séjour et qualitativement différente par
la présence des isotopes 232 et 236. Le premier (période 70 ans) émetteur a et P, mais
d'intensité faible pour ces derniers, a des produits de filiation (208Tl, 212Pb) à courte période mais
assez irradiants en p, y. Le second, 2\J, est un pur émetteur a. L'activité spécifique d'un
uranium de retraitement à 0,9 % en 235U est de 0,06 Bq.ug' 1 . Enfin il faut mentionner l'uranium
235
de retraitement réenrichi en U à un taux légèrement supérieur au taux initial pour combattre
l'action neutrophage des isotopes 232 et 236 lors de la réutilisation en réacteur. L'activité
spécifique de cet uranium approche 0,25 Bq.jug"1.
- Le plutonium possède une vingtaine d'isotopes dont la masse atomique s'étend de 232 à 255.
L'isotope 239 est celui qui a été le plus étudié tant au plan physico-chimique, biologique que
nucléaire. Son énergie alpha moyenne pondérée est de 5,15 MeV. Il émet également des
électrons et des y d'énergies de quelques dizaines à quelques centaines de keV et d'intensité
faible qui rendent sa détection in vivo difficile. Il est sujet à des fissions spontanées (2 x 10*8
neutron.jig"1.s"1). Sa période radioactive par désintégration alpha est de 24 390 ans alors que par
fission spontanée elle est de 5,5 x 1015 ans. Le Pu 239 est toujours associé à l'isotope 240 de
période radioactive plus courte (6 580 ans) sans que l'on fasse la distinction entre les deux au
plan sanitaire, les énergies et l'activité spécifique étant voisines (2,3 kBq.^g "* pour le Pu 239).
Les isotopes 238, 241 et le descendant de ce dernier l'américium 241 sont également produits
durant le fonctionnement d'un réacteur. L'isotope 238 a une période de 87,7 ans et une activité
spécifique beaucoup plus élevée de 650 kBq./xg"1. L'isotope 241 de période encore plus courte
(13,2 ans) est un émetteur P et l'américium 241 émet un y de 60 keV dont l'abondance permet
une détection in vivo.
En comparant les activités spécifiques des uraniums et des plutoniums on constate que si les
premiers ont une signification au plan pondéral, ce qui permet le dosage de faibles activités dans les
milieux biologiques par fluorimétrie, cette signification disparaît pour les seconds.
17.3.5.3.1. TRANSFERABILITE
- L'hexafluorure UFÔ (valence VI) est le substrat permettant l'enrichissement de l'uranium par
diffusion gazeuse. Lorsqu'il n'est plus confiné, ce gaz subit une hydrolyse par l'humidité de
l'atmosphère et des voies respiratoires pour donner le fluorure d'uranyle UO 2 F 2 et l'acide
fluorhydrique très dangereux. Les produits de l'hydrolyse sont sous forme ionique et diffusent
rapidement à partir du poumon au reste de l'organisme.
- Le nitrate d'uranyle UO2(NO3)2, xH2O diffuse également dans l'organisme à partir du poumon
sous forme ionique.
La forme type est le dioxyde de plutonium 239. Cet oxyde est particulièrement résistant à la
dissolution et ceci d'autant plus qu'il a été obtenu à température élevée (1000°C) ce qui lui confère
un caractère de céramique homogène sans impuretés. La solubilité biologique est affectée également
par la taille et la surface des particules. Les oxydes de l'isotope 238 sont plus transférables: la
fragmentation in vivo des particules par le recul des noyaux sous l'effet du taux élevé de
désintégration en est la cause.
Le plutonium alvéolaire est par conséquent peu mobilisé. La période biologique varie entre
180 et 750 j et le temps de séjour dans les ganglions lymphatiques est encore plus long ( > 1000 j).
Les oxydes mixtes UO2-PuO2 ont une transférabilité liée à l'oxyde prépondérant, en général UO2.
Les formes ioniques du plutonium telles que les nitrates s'hydrolysent aux pH biologiques en
formant des colloïdes qui migrent plus lentement. Cette tendance à l'hydrolyse est d'autant plus
grande que la concentration en ion P u 4 + est élevée. Cette concentration étant faible dans les
milieux biologiques, la complexation l'emporte, avec une protéine ou un ion citrate sanguin par
exemple. Le Pu-citrate et le Pu-DTPA sont des complexes hydrosolubles, stables aux pH
biologiques. Le premier, physiologique, n'a cependant pas une constante de stabilité suffisante pour
éviter un dépôt au niveau de l'os, ce que peut le second totalement éliminé par la voie urinaire,
d'où son intérêt thérapeutique. Les complexes industriels Pu-solvants organiques (tributylphosphate
et trilaurylamine) théoriquement instables aux pH biologiques devraient présenter une tendance à
l'hydrolyse comme les nitrates dont ils proviennent. Leur lipophilie les en protège et ils peuvent
migrer rapidement vers le tissu osseux [11].
L'ion uranyle se fixe sur les protéines plasmatiques, en premier lieu la transferrine, protéine
de transport des métaux ( = 5 0 %) puis sur l'albumine et sur les lipoprotéines membranaires des
398
globules rouges (20 %). Il se fixe également sur les bicarbonates et les citrates (30%). Le plutonium
se lie aussi à la transferrine et aux citrates.
L'ion uranyle lié à la transferrine se fixe sur les surfaces actives de l'os par échange avec les
ions calcium et phosphate. La pénétration dans le volume minéral est le fait d'une diffusion de l'ion
mais beaucoup plus d'un recouvrement par de nouvelles couches de tissu calcifié. Le plutonium lié
à la transferrine se dépose également sur les surfaces osseuses mais le mécanisme est mal connu. Le
plutonium colloïdal peut pénétrer jusqu'à la moelle osseuse par l'intermédiaire des cellules
macrophagiques du squelette. La distinction ostéotrope de surface pour le plutonium et ostéotrope
de volume pour l'uranium doit être nuancée, le plutonium pouvant aussi être l'objet d'un
enfouissement dans le volume minéral. Le temps de séjour des 2 éléments dans l'os, fonction des
phénomènes de remodelage et des possibilités de redistribution locale, est très long. Cependant il a
été surestimé et récemment les périodes biologiques à long terme ont été réévaluées de 100 à 50 ans
pour le plutonium [12] et de 5000 à 880 j [13] pour l'uranium. On doit noter qu'une faible charge
osseuse en uranium naturel, d'origine alimentaire, même en terrain sédimentaire, n'est pas
anormale, alors qu'elle le serait dans le cas du plutonium. Le dépôt hépatique de l'ion uranyle
apparaît faible alors qu'il est aussi important que le dépôt osseux dans le cas du plutonium. Le
temps de séjour du plutonium dans le foie est très long avec une période biologique qui a été
ramenée de 40 à 20 ans [12]. Ces durées s'expliquent par l'intervention des cellules
macrophagiques hépatiques sur le plutonium colloïdal et secondairement sur celui libéré par les
hépatocytes. L'élimination se fait par la bile. Le plutonium se distribue à un moindre degré dans les
autres organes dont une très faible fraction (0,01 à0,03 %) dans les glandes sexuelles mais avec une
période quasi infinie. L'ion uranyle est excrété préférentiellement par le rein de manière biphasique
avec un pic transitoire et une excrétion plus tardive. Lorsque la charge de l'organe est importante,
l'ion uranyle agit en tant qu'ion métallique lourd et développe une toxicité chimique. La cible est la
cellule du tube rénal qui fait suite au filtre glomérulaire. Cette toxicité est de type déterministe, à
seuil, avec une certaine réversibilité. L'uranium est le dernier actinide à présenter une toxicité de
métal lourd, prépondérante jusqu'à un taux d'enrichissement de 5 %. Avec le plutonium et les
autres transuraniens il est impossible de se fonder sur une base pondérale sans avoir en même temps
une activité très importante.
Le neptunium à la valence V est le seul transuranien pouvant donner dans le sang une forme
ionique. L'américium, le californium et les éléments suivants à la valence III donnent des formes
transférables. Ce sont tous des ostéotropes.
Ingestion
Le facteur de transfert retenu par la CBPR en 1979 pour le passage tube digestif-sang a la
valeur 1.10"4 pour les composés transférables du plutonium et 1.10~5 pour les non transférables.
Des valeurs récentes plus spécifiques du type de composé ont été proposées:
- formes transférables
nitrate 1,3.va*
citrate 6,0. îa4
complexes 8,4. 10"* à 10"3
399
- formes non transférables
oxydes 0,03.
En ce qui concerne l'uranium, les valeurs fixées par la CIPR sont de 5 xlO"2 pour les
composés transférables et de 2 x 10"3 pour les non transférables. Ces valeurs semblent surestimées
et pourraient être abaissées à 6 x 10'3 pour les transférables et 10"5 pour les non transférables.
Inhalation
Uranium
La fraction distribuée 0,464 dans les organes et les tissus se répartit entre les reins et les
autres organes (foie, rate, etc.) avec 2 périodes biologiques de 6 et 1500 j pour chacun des deux, et
le squelette avec également 2 périodes biologiques de 20 et 5000 j .
Ce modèle est sans recyclage, la radioactivité quittant les organes est supposée être excrétée
directement sans retourner au compartiment de transfert pour être redistribuée ou excrétée. Ce type
de modèle privilégie le calcul de doses à certains organes ou tissus à risque où l'activité du
compartiment de transfert joue peu. Il confère des temps de séjour très longs au radionucléide dans
le rein et dans l'os. La période physique des radionucléides étant très longue, on considère que la
rétention biologique domine et a la même valeur que la rétention effective [14].
WRENN et coll. [13] ont proposé récemment un modèle avec recyclage mieux adapté à la
représentation de l'excrétion et plus réaliste en regard de la dosimétrie du tissu osseux:
Les deux modèles permettent de formuler la rétention dans le squelette par une équation
biexponentielle pour le premier et monoexponentielle pour le second. La distinction os cortical-os
trabéculaire peut être faite en utilisant comme pour le strontium le rapport de leurs masses en
l'absence de modèle de distribution de l'élément entre les deux types d'os.
400
Plutonium
_ _&22, _0-693,
Autres actinides
La CIPR prend pour l'américium la même répartition entre le foie et le squelette. Pour le
neptunium, la fraction déposée dans le foie est de 0,15 et dans le squelette de 0,75. Pour le
californium et les éléments suivants les fractions sont de 0,25 pour le foie et de 0,65 pour le
squelette.
Uranium
On admet que toute l'excrétion a lieu par la voie urinaire d'où fM = l. Dans ces conditions, le
taux d'excrétion urinaire est obtenu par la dérivation de l'une ou l'autre des 2 équations de rétention
données plus haut soit:
dt
Plutonium
La fonction d'excrétion urinaire de DURBIN [16], basée sur des données humaines de
LANGHAM (1950) et des données animales a été retenue par la CIPR; on a:
Une équation d'excrétion fécale métabolique a été également établie par DURBIN.
401
JONES puis TANCOCK et TAYLOR [17] ont repris les données utilisées par DURBIN en y
associant des données plus récentes (excrétion provenant d'une blessure suivie sur 6500 j et données
postmortem). Ils ont obtenu une équation à 4 composantes exponentielles correspondant à une
fraction iu = 0,7:
REFERENCES
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402
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age dependent dosimetric modelling. Health Physics, vol. 43,9, 307-322, (1982)
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[13] WRENN, M.E., BERTEHI L., DURBIN P.W., LIPSZTEIN J.L., ECKERMANN KiF. - A
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animal data. In proceedings of the Workshop"Intakes of Radionuclides"BATH, U.K., (13-17
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[14] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION. Limits of
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[15] TANCOCK, N.P., TAYLOR, N.A., WORMALD, S. A test of the plutonium metabolic models
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[16] INTERNATIONAL COMMISSON ON RADIOLOGICAL PROTECTION. Individual
monitoring for intakes of radionuclides by workers: Design and interpretation. ICRP
Publication 54, (1988)
[17] TANCOCK, N.P., TAYLOR, N.A. Derivation of a new expression to describe the urinary
excretion of plutonium by man. Radiation Protection Dosimetry, 46, 4, 229-239, (1993)
IEXT PAÛECSJ
left BLAW&
403
CHAPITRE 18. LE MODELE PULMONAIRE DE LA CIPR
Mme M. Roy
INTRODUCTION
Un nouveau modèle dosimétrique pour les voies respiratoires vient d'être recommandé par la
Commission internationale de protection radiologique, (CIRP) [1].
La révision du modèle décrit dans la publication 30 [2] fut entreprise en 1984 pour y intégrer
les acquis scientifiques très importants des deux dernières décennies.
- une description qualitative et quantitative des voies respiratoires, portes d'entrée pour les
radionucléides;
- une méthode scientifique pour calculer les doses d'irradiation au système respiratoire résultant
d'une exposition;
- des informations sur le transfert des radionucléides vers les autres tissus afin de calculer les
doses à l'organisme entier.
Les différences de radiosensibilité observées entre les tissus respiratoires et les variations des
doses qu'ils peuvent recevoir ont conduit à calculer des doses spécifiques aux tissus, contrairement
à ce qui était fait dans le modèle de la CIPR 30, qui permettait seulement de calculer une dose
moyenne au poumon entier.
Le modèle s'applique non seulement aux travailleurs mais aussi à tous les membres de la
population. Des valeurs de référence ont été définies pour les enfants âgés de 3 mois, 1 an, 5 ans,
10 ans, 15 ans, et pour les adultes. Une méthode est préconisée pour tenir compte de facteurs tels
que le tabac, la pathologie respiratoire ou l'effet des polluants.
- la région extra thoracique, subdivisée en ET^, nez antérieur et ET2, voies oro-nasales ciliées, et
leur ganglions lymphatiques associés, LNjrp;
- les grosses bronches, BB, générations 1 à 8 de Weibel;
- les bronchioles, bb, générations de 9 à 16;
- les régions d'échanges gazeux, AI, alvéoles et interstitium, et les ganglions thoraciques,
La quantité radiologique à prendre en compte dans chaque région est la dose équivalente
moyenne reçue par ses cellules sensibles. Pour les émetteurs alpha et bêta, on suppose que les
cellules cibles sont distribuées:
405
- uniformément dans tout le tissu alvéolo-interstitiel (cellules endothéliales et pneumocytes H) et
dans les ganglions;
- dans tout 1'epithelium bronchique (cellules basales et cellules secretaires);
- dans tout 1'epithelium bronchiolaire (cellules secretaires de Clara);
- dans la couche basale de 1'epithelium stratifié extra thoracique (cellules basales).
Une bonne connaissance des dimensions de ces tissus permet le calcul dosimétrique à leur
niveau.
Une meilleure connaissance des sensibilités des divers tissus pulmonaires aux cancers
radioinduits, obtenue à partir d'études animales et d'études de populations irradiées, a permis
d'identifier les cellules qui ont la plus grande probabilité d'être affectées par l'irradiation due aux
radionucléides inhalés. Il s'agit ici du risque stochastique, car on peut considérer comme très
improbable de rencontrer des inhalations susceptibles de produire des effets somatiques précoces.
En s'appuyant sur des études épidémiologiques, on a observé que, lorsque tous les tissus
pulmonaires reçoivent une même irradiation, ils ne présentent pas le même pourcentage de cancers
radioinduits. Leur fréquence d'apparition permet d'en répartir le risque entre les différentes régions
définies (tableau 18.1).
Ce modèle de risque relatif s'appuie sur l'hypothèse que le taux des cancers est accru
proportionnellement à la dose d'irradiation (modèle linéaire).
Pour chacune des régions définies, la méthode de calcul utilisée est celle de la CIPR 30
(1979): la dose équivalente engagée pour un tissu-cible T, H-p, par le rayonnement émis à partir de
l'organe source S, est le produit de deux facteurs [3]:
- le nombre total de désintégrations dans S durant les 50 ans qui suivent son incorporation (70 ans
pour un enfant);
- l'énergie spécifique pondérée par le facteur de qualité de chaque rayonnement émis par la
désintégration dans S [4]:
406
avec:
Cette expression est sommée pour tous les radionucléides incorporés et pour leurs
descendants.
H T = Z S U S S E E ( T ^ S ) (Sv)
avec:
L'expression de H j est sommée pour tous les tissus. Pour les énergies gamma et bêta, il faut
inclure les organes sources à l'extérieur des voies respiratoires.
L'évaluation des doses aux tissus cibles présumés de chacun de ces tissus à risque doit tenir
compte de leur spécificité et de leur capacité à retenir les toxiques inhalés ainsi qu'à les solubiliser
ou les combiner chimiquement.
Une bonne connaissance des dimensions de ces tissus permet le calcul dosimétrique à leur
niveau.
Un modèle particulier est développé pour les gaz, prenant en compte leur solubilité et leur
réactivité avec les tissus (fig. 18.2).
407
60 | _
•
\
AI
SO -
\
A
// \\
O \
_l 40 -
\ ET2^-»-^^
DEPCyr REGION
30 -
bb/ / "
20 -
V /
10 BB y S
0
.0001
J .001 .01
1 m
-^—
1
nft««A
10 too u n
™ UMIVIA ^
riTmi A
•JIIWA ^ d'après CIPR 66
Ctavance : non réactifs, close F réactifs avec tissus, classe M d'après CIPR 66
408
18.3. CLAIRANCE OU EPURATION DES SUBSTANCES INHALEES
Dans chacune des régions respiratoires, la clairance varie avec le temps; ceci est représenté
par un système de compartiments s'épurant à débits constants.
- le transport par les cellules de surface et les macrophages vers les voies digestives, d(t), et
lymphatiques, 1 (t). C'est la clairance mécanique;
- l'absorption par les tissus et le transfert vers le sang, s (t).
La fraction épurée par unité de temps est donc:
La clairance mécanique se fait pour toutes les substances au même débit dans une région
donnée. Les valeurs en sont estimées à partir d'observations et d'études expérimentales (fig. 18.3).
Le transport vers le sang se fait dans toutes les régions au même débit, mais il est spécifique
de la substance déposée. Il peut être très rapide pour une substance à grande solubilité dans les
milieux biologiques, mais suit dans le cas général au moins deux étapes:
"M", (moderate), avec des périodes biologiques de 10 min. (10%) et de 140 jours (90%);
"S", (slow), avec des périodes biologiques de 10 min (0,1%) et 7000 jours (99,9%).
18.4. CONCLUSION
Les doses équivalentes ou efficaces ainsi calculées sont plutôt plus basses que celles qui
étaient obtenues avec le modèle de la CIPR 30; ceci est dû surtout à des valeurs de dépôt revues à
la baisse surtout dans la région AI.
409
Nez > Exlralhoracique
aulerieuri
Naso-Oro- LN E
pliarynx/
Larynx A»
Séquestré «Inns; un 1 ransporl
lt rouelles
les tissus •
ni' "
1
par les surTncc) »
BB,
V fi
Bronchioles • bb,
r*
o.wi f|èj
Alreoles
Inlerstilium 4-
1
Thoraclque J
| PARTICULES
1
| DISSOLUTION
j MATERIEL DISSOCIE
} 1
1
| MATERIEL LIE | TRANSFERT
|
* *
| SANG
BIBLIOGRAPHIE
410
CHAPITRE 19. LE MODELE DIGESTIF
INTRODUCTION
D'une manière générale, les modèles utilisés dans le domaine de la quantification des doses
reçues en exposition interne interviennent:
- pour calculer une incorporation à partir des mesures effectuées sur les individus (rétentions,
excrétions);
- pour calculer, à partir d'une incorporation connue, la dose équivalente engagée aux différents
organes et la dose efficace.
Le modèle digestif joue un rôle prépondérant dans le cas d'une incorporation par ingestion
mais il intervient également lors d'une incorporation par inhalation puisque, dans tous les cas, une
partie de l'activité déposée dans l'arbre respiratoire est épurée mécaniquement vers le tractus
gastro-intestinal (TGI) (fig. 19.1).
INHALATION INGESTION
épuration mécanique
compartment arbre T
system**» absorption respiratoire
G
absorption
excrétion
téoàa excrétion
syslémique Mcate
(endooène) (exogène)
411
19.1. LE MODELE DIGESTIF DE LA CIPR 30
Le tube digestif est divisé en quatre parties considérées comme quatre organes différents au
plan de la cinétique et au plan de la dosimétrie (fig. 19. 2) [1]:
- l'estomac (ST);
- l'intestin grêle (SI);
- le colon supérieur (ULI);
- le colon inférieur (LLI).
La séparation anatomique entre ULI et LLI est constituée par l'angle colique gauche.
Estomac ST
4,
Intestin grêle SI
i
Colon inférieur LLI
Ces organes, en série, se déversent successivement les uns dans les autres. Leur cinétique de
vidange est mono-exponentielle.
Une cinétique exponentielle peut être définie par sa période biologique (Tg) ou sa constante
Log2 1
de transfert (A = ), ou encore son temps de résidence moyen (Tm = — ).
TB X
Ce modèle fournit, pour chaque organe, son temps de résidence moyen. Ce temps croît de
ST à LLI (tableau 19.1). La durée totale moyenne du transit correspond à 42 heures [2].
Une partie de l'activité qui transite dans le tube digestif est absorbée dans le compartiment
systémique. Il est admis que cette absorption n'a lieu qu'au niveau de l'intestin grêle (SI).
412
Elle est définie par le facteur d'absorption, fj, qui est égal à la fraction de l'activité ingérée
qui est absorbée. Les valeurs de f\ sont très variables et dépendent de la nature mais aussi de la
forme chimique de l'élément.
fi
1-fi
19.2.1. Métaboliques
Le modèle digestif fournit tous les paramètres permettant le calcul, au cours du temps après
l'incorporation, de la rétention dans les différentes parties du tractus gastro-intestinal (TGI) ainsi
que de l'excrétion fécale directe. Associé au modèle du métabolisme systémique de l'élément, il
permet d'autre part le calcul de la rétention, au cours du temps, dans les différents organes ainsi
que celui des excrétions urinaire et fécale endogène (fig. 19.1).
Schématiquement :
- les éléments dont le fj est faible seront peu absorbés dans l'organisme donc l'élimination
urinaire, qui dépend du métabolisme propre à l'élément, sera en général extrêmement faible. Par
contre, l'activité excrétée dans les selles sera sensiblement égale à l'activité ingérée (excrétion
fécale exogène);
- les éléments dont le î\ est voisin de 1 sont en général bien éliminés par voie urinaire et
l'excrétion fécale totale sera très faible.
19.2.2. Dosimétriques
Au cours du transit, les rayonnements émis dans le contenu du tube digestif exposent:
413
- Les autres organes (rayonnements y).
Cette exposition est d'autant plus importante que la durée du transit est plus longue.
Une autre source d'exposition qui peut ne pas être négligeable, même lorsque le fj est faible,
est constituée par la rétention, au niveau des différents organes de l'activité absorbée dans le
compartiment systémique.
Après l'ingestion d'une activité connue, l'excrétion urinaire est strictement proportionnelle à
la fraction de l'activité ingérée qui est absorbée. La comparaison de l'excrétion théorique et de
l'excrétion réelle permet donc d'estimer, pour un individu, la valeur de f\.
Cette estimation a été faite à la COGEMA-La Hague sur cinq volontaires après ingestion
d'une eau minérale gazeuse riche en uranium (3,55 Bq.l"1) [3].
Dans 4 cas sur 5, le facteur fj était de 2 à 3 fois plus faible que celui adopté, par la CIPR,
pour les composés hydrosolubles de l'uranium.
Le tableau 19.2, établi à partir des données de la CEPR n° 30, permet de comparer les doses
équivalentes engagées aux différents organes pour des valeurs de fy égales à 0,05 (valeur théorique)
et à 0,025.
Parce que i\ est faible, sa diminution affecte peu la dose aux différentes parties du TGI. Par
contre, la dose aux autres organes est strictement proportionnelle à f\. Au total, un facteur f\ deux
fois plus faible correspond à une dose efficace sensiblement deux fois plus faible.
414
19.3.2. Rôle de la durée du transit
De tels cas surviennent parfois dans les centrales nucléaires. L'activité inhalée, déposée, est
éliminée en quelques jours dans les selles. Si l'activité résiduelle mesurée au niveau pulmonaire
s'avère très faible, le mode d'incorporation peut être considéré équivalent à une ingestion pure.
L'activité "ingérée" est alors prise égale à l'activité fécale excrétée.
Au plan théorique, ces cas peuvent servir à estimer le facteur fj de certains radionucléides
[4] mais surtout, au plan du calcul des doses individuelles, les activités excrétées dans les selles
doivent être comparées aux LAI par ingestion et non aux LAI par inhalation pour estimer, dans un
premier temps, le niveau de l'exposition.
En 1984, une particule contenant 2,2 10^ Bq de ^Co a été "ingérée" par un travailleur.
L'activité était trop importante pour que la mesure anthropogammametrique précoce soit possible. Il
a fallu attendre son élimination dans une selle.
En comparant cette activité avec la LAI, pour un facteur fj= 0,05, la limite réglementaire
était en théorie dépassée (dose efficace = 59 mSv). En réalité, la comparaison des activités
urinaires et fécales a permis d'estimer le facteur f\ à une valeur de l'ordre de 10^ (dose efficace =
45 mSv). De plus et surtout, le transit intestinal a été accéléré par un laxatif doux pour diminuer la
durée de l'exposition. La particule a été éliminée en 23 heures au lieu des 42 heures prévues par le
modèle digestif. Au total, la dose efficace estimée n'était plus que de 25 mSv [5].
Tous les autres cas rencontrés étaient en dessous du niveau d'investigation (5mSv).
REFERENCES
BKTSEBSSa
IE csi I
left BLANK
415
CHAPITRE 20. MODELE DE TRANSFERT CUTANE
Mme. B. Menoux
Les deux principaux modes d'incorporation sont: l'incorporation par inhalation pour lequel le
modèle pulmonaire est la porte d'entrée [1] et l'incorporation par ingestion qui se réfère au modèle
de transfert gastro-intestinal, mais il existe encore deux autres façons de transférer de la
radioactivité à l'intérieur du corps humain:
- l'incorporation par injection, c'est le cas des injections thérapeutiques pratiquées en médecine
nucléaire, qui n'est autre qu'une contamination systémique directe;
- l'incorporation par transfert cutané, celui-ci pouvant se faire par une brèche pratiquée dans la
peau à l'occasion d'une blessure, ou même simplement par passage du contaminant à travers les
couches de la peau s'il s'agit d'un composé sous forme galénique percutanée. On se trouve alors
devant un cas de contamination mixte puisqu'il combine une irradiation locale au niveau de la
peau ou de la plaie et une contamination générale du corps entier par l'intermédiaire du circuit
vasculaire.
Nous verrons que l'injection et certains cas de transfert cutané ont des comportements
identiques du point de vue de la contamination systémique.
Rappel anatomique
Le produit contaminant est déposé à la surface de la peau, généralement sous forme liquide
ou pulvérulente, à l'occasion d'une manipulation de produit radioactif non scellé par exemple. Dans
la plupart des cas, il se trouve sous une forme physico-chimique non transférable à travers la peau
mais pour certaines formes galéniques percutanées, il y a diffusion du produit vers les couches plus
profondes du tissu épidermique. Cette diffusion peut atteindre la couche basale qui est la partie la
plus radiosensible du tissu puisqu'elle permet sa régénération, et au-delà il y a pénétration du
contaminant dans le tissu conjonctif sous-cutané et transmission de la contamination au circuit
sanguin à partir des capillaires.
417
Qu'il s'agisse d'une contamination strictement de surface ou d'une contamination plus en
profondeur, l'atteinte locale est une détérioration des tissus sous forme de "brûlures "caractéristiques
appelées radiodermites. Celles-ci, généralement peu visibles sur le moment, évoluent selon un
processus qui s'échelonne dans le temps par des étapes successives: depuis un érythème survenant
au bout de deux semaines, puis une radiodermite sans ou avec phlyctènes pouvant aller jusqu'à la
nécrose. Tout ceci est bien entendu subordonné à la nature du produit contaminant et de ses
rayonnements, à la quantité déposée, à l'espace de temps où celui-ci est resté en contact avec la
peau avant la décontamination et par conséquent à la dose absorbée par le tissu épidermique.
_ A
peau ~ -"-si peau
où Hpeau est le débit de dose équivalente à la peau par unité surfacique que l'on a déterminé
de la manière suivante:
Asi air
ou
— : fonction d'absorption définie dans [2] pour un électron d'énergie E,-, de rendement n,- et de
418
pour les photons,
dx
H = 12,88.10-' A,n y E,.^ Je"*" B J M ) " (Sv.h"1)
' P *o X
où
BOT( H;x) : facteur d'accumulation dans l'eau du photon d'énergie E/ (Build-up) [4].
; air
surface cutanée
H p e a u est le débit de dose équivalente à la couche basale
— _, délivré par tous les points du volume supposé uniformément
3
«3 _i_ _
0> — contaminé. Pour ce faire, l'épiderme a été considéré comme une
élium =
H.
n=\
Pour les contaminants qui émettent des particules a, la contamination en surface ne peut
causer aucune irradiation à la couche basale puisque les parcours des a dans le tissu ne dépassent
pas 40 \xm, par contre la contamination en profondeur apporte une dose considérable.
Les débits de dose équivalente à la couche basale dans le cas d'une contamination strictement
superficielle et dans le cas d'une contamination totale en profondeur, ainsi que les doses
équivalentes engagées en supposant un taux de renouvellement de la peau de 15 jours et en
l'absence de toute action thérapeutique, sont donnés pour les principaux radionucléides rencontrés
dans l'industrie nucléaire dans [5] dont voici un extrait:
Le champ de diversité des contaminations par plaie est immense: tant par la nature du
contaminant et sa composition physico-chimique que par le type de blessure - coupure, brûlure,
acide. Il est difficile de définir un modèle permettant de traiter tous les cas radiologiques. Nous en
proposons cependant un suffisamment général pour pouvoir répondre au maximum de situations.
- Qi, métaboliquement inerte, qui reste sur place enchâssée dans les tissus de restructuration et ne
diffuse absolument pas vers le circuit sanguin;
- Q2, qui passe rapidement au niveau de la brèche vers les capillaires;
- Q3, qui diffuse lentement à travers les tissus mous, passe dans le circuit systémique, soit
directement via le tissu conjonctif et les muscles, soit indirectement par transit dans les ganglions
lymphatiques où une fraction peut rester fixée indéfiniment.
Pour évaluer ces trois quantités on dispose de mesures qui sont de deux types:
- les mesures locales, qui donnent la somme Q j + Q3 des activités qui restent sur place au
niveau de la plaie au moment de la première investigation, avant les soins chirurgicaux; ces
mesures seront répétées après les soins afin d'évaluer l'activité résiduelle;
- les résultats d'analyses, mesures de la charge corporelle systémique par anthropogarnrnarnétrie
et mesures d'analyse urinaire, qui permettent de mesurer l'activité Qj qui passe dans le sang
avec une période très rapide d'environ 15 mn. Ces mesures répétées durant les 10 jours qui
suivent le jour de l'incident seront représentées sous forme de courbe de rétention systémique et
d'excrétion urinaire et comparées aux courbes théoriques données dans [6] pour une
incorporation unitaire: ce qui permettra l'évaluation de Q2. La poursuite de ces mesures au delà
de 10 jours pourra mettre en évidence la présence d'une composante à diffusion lente si elle
existe, puisque l'on mesurera alors la somme Q2+ Q3 (Q3 résiduelle).
Dans la pratique, on rencontre les trois situations suivantes:
- le composé contaminant est très transférable. C'est le cas de l'eau tritiée, de l'iode et du césium.
Ce type de composé se comporte pratiquement comme une injection: la composante à transfert
rapide Q2 constitue à elle seule la totalité de l'activité déposée qui se retrouve intégralement dans
le sang au bout de quelques minutes. Les mesures de charge corporelle et d'analyse urinaire
permettent d'évaluer la quantité incorporée: si M est la quantité mesurée et m la quantité relevée
sur la courbe théorique pour le même type d'analyse au même jour après l'incident, la quantité
incorporée sera égale à M/m. Si l'on dispose de plusieurs mesures, on évaluera mieux la
quantité incorporée en faisant la moyenne géométrique de toutes les évaluations de la quantité
incorporée calculées pour chacune des mesures.
- le composé contaminant est peu ou pas transférable. C'est le cas des actinides, et en particulier
du plutonium. L'expérience de cas concrets de blessure au plutonium montre que l'on a
toujours une composante rapide Q2 qui passe dans le sang par la brèche dans les tissus cutanés et
une composante locale Qi au niveau de la plaie; quant à la composante lente Q3, elle est
inexistante. Compte tenu de la grande toxicité de ce radionucléide émetteur a, qui se fixe
sur les surfaces osseuses avec une période biologique de 50 ans, toute contamination au
plutonium doit faire l'objet d'une action thérapeutique urgente afin de limiter au plus tôt les
dégâts radiologiques:
420
- au niveau local, par des soins chirurgicaux,
- au niveau systémique, par l'injection d'un agent chélateur, le DTPAa qui a pour
effet de forcer l'excrétion urinaire du plutonium passé dans le sang.
le composé contaminant est moyennement transférable. Si l'on observe après un mois environ que
les valeurs des mesures se placent systématiquement au-dessus de la courbe théorique, alors on se
trouve en présence d'un composé moyennement transférable qui possède les trois composantes:
Ql, Q 2 e t Q 3 .
On pourra évaluer:
421
- Q j , qui donne une dose locale à la peau ou aux tissus touchés par la plaie;
- Q2, qui donne une dose engagée aux organes sensibles spécifiques de chaque radionucléide;
- Q3, qui donne à la fois une dose locale non seulement à la peau et aux tissus adjacents à la plaie
mais aussi aux tissus mous et aux ganglions, et une dose engagée aux organes sensibles.
Pour l'évaluation de la dose locale, on peut obtenir une assez bonne approximation des débits
de dose équivalente en se servant de ceux qui sont donnés dans [5], principalement de ceux relatifs
à la contamination en profondeur, en ne perdant pas de vue qu'ils sont établis pour une peau saine
et non pour une plaie. La dose engagée aux organes sensibles peut être estimée à partir des valeurs
données dans [6] pour une incorporation unitaire.
REFERENCES
[1] PlECHOWSKl, J., MENOUX, B. Rétention et excrétion des radionucléides après incorporation par
inhalation chez l'homme adulte. Rapport CEA-R-5266 (1984).
[2] BERGER, M.J. Improved point kernels for electron and beta-ray dosimetry, National Bureau of
Standards, Report 73-107 (1973).
[3] BERGER, M.J. Beta-ray dosimetry calculations with the use of point kernels, in Medical
radionuclides: radiation dose and effects (CLOUTIER R.J., EDWARDS C L . , SNYDER W.S.,Eds),
CONF-691212 AEC Symposium series 20, Springsfïeld, p.63-86 (1970).
[4] BERGER, M.J. Energy deposition in water by photons from point isotropic sources, MIRD,
pamphlet n° 2, Journal of Nuclear Medicine, 12, suppl.l, 15-25 (1971).
[5] CHAPTINEL, Y., DURAND, F., PEECHOWSKI, J., MENOUX, B. Dosimétrie et thérapeutique des
contaminations cutanées. Rapport CEA-R-5441 (1988).
[6] PTECHOWSKI, J., MENOUX, B., CHAPTINEL, Y. Evaluation de l'exposition systémique résultant
d'une blessure contaminée par des produits radioactifs. Rapport CEA-R-5583 (1992).
[7] PlECHOWSKl, J. CAVADORE, D., TOURTE, J., CAUQULL, M.H., RAYNAUD, P., HARDUIN, J.C.,
CHAPTINEL, Y. Model and practical information concerning the radiotoxicological assessment of a
wound contamined by plutonium, Radiation Protection Dosimetry, 26(1/4), 265-270 (1989).
422
CHAPITRE 21. LA MESURE DE LA CONTAMINATION INDIVIDUELLE
G. Bataller
INTRODUCTION
La surveillance médicale des travailleurs est sous la responsabilité légale des médecins du
travail.
Pour pouvoir délivrer (ou refuser) aux agents manipulant des matériaux radioactifs les
certificats d'aptitude (à travailler en milieu ionisant) qui doivent être renouvelés tous les 6 mois, ces
médecins doivent entourer leur décision de contrôles spécifiques du risque radioactif.
En France ces contrôles sont à la charge de laboratoires d'analyses de biologie médicale qui
doivent répondre à un certain nombre de critères légaux concernant d'une part les locaux et
l'équipement et d'autre part et surtout la formation du personnel et de l'encadrement.
Plus que pour la surveillance de l'exposition externe (pour laquelle la dosimétrie physique a
une sensibilité supérieure à la dosimétrie biologique) leur rôle trouve son utilité dans le contrôle de
l'exposition interne dont le but est d'évaluer l'incorporation par l'organisme d'une substance
radioactive qui n'existe pas naturellement à l'intérieur du corps et d'étudier son métabolisme.
- le dépôt, sur la porte d'entrée (peau, plaie, tractus digestif, appareil respiratoire);
- le transfert dans le sang;
- l'incorporation dans les organes et les tissus de fixation;
- l'élimination du radiotoxique.
Elle n'est possible que si le radionucléide contaminant émet un rayonnement pouvant être
détecté à l'extérieur du corps. Les meilleures sensibilités sont bien sûr atteintes pour les émetteurs y
mais des mesures de rayons X, même de faible énergie, et des rayons |3 énergétiques (par
l'intermédiaire de leur rayonnement de freinage) peuvent être réalisées avec des sensibilités voisines
des limites admissibles.
- l'enceinte de comptage;
- la tête de détection;
- l'électronique associée.
423
21.1.1.1. L'enceinte de comptage
La protection contre les rayonnements cosmiques se fait d'une part en installant cet appareil
dans le sous-sol du bâtiment médical, dans une pièce avec des murs épais en béton, et d'autre part
en réalisant cette mesure dans une cellule avec des parois en plomb de 5 à 10 cm d'épaisseur.
Cette cellule est suffisamment grande pour qu'une personne allongée sur une civière puisse
être introduite à l'intérieur.
La protection contre les isotopes du radon (ou plus exactement contre leurs descendants
solides) se fait par une filtration de l'air de la pièce dans laquelle ont lieu les mesures
(éventuellement aussi par une mise en légère sur-pression de l'air de la pièce).
Elle est différente selon que l'on veut mesurer des rayons gamma énergétiques (énergie
supérieure à 200 keV) ou des rayons gamma de faible énergie ou des rayons X.
Quand il s'agit de rayons gamma énergétiques, le détecteur est en général un cristal unique
d'iodure de sodium activé au thallium de 8" de diamètre et 4" d'épaisseur surmonté de plusieurs
photomultiplicateurs.
Le compteur proportionnel est constitué par une enceinte étanche contenant un mélange de
xénon (90 %) et de méthane (10 %) sous pression. Il présente l'avantage d'avoir une bonne
résolution mais son rendement de détection est faible (environ la moitié de celui d'un Phoswich) et
sa fiabilité, liée à la stabilité du gain gazeux, incertaine. Il a été peu à peu remplacé par le
Phoswich.
Par rapport aux cristaux minces d'iodure de sodium activé au thallium avec fenêtre de
béryllium ou d'aluminium initialement utilisés, ce détecteur présente l'avantage d'avoir un système
électronique permettant de diminuer nettement le bruit de fond dans la zone de mesure.
En effet, le détecteur est constitué par le collage de deux scintillateurs, l'un mince (1 à 10
mm de Nal (Tl) selon que l'on veut privilégier la mesure du plutonium ou de l'uranium) et l'autre
plus épais d'iodure de césium activé au thallium (50 mm).
Ces deux cristaux sont optiquement couplés et les mêmes photomultiplicateurs recueillent les
impulsions des deux scintillateurs. La différence entre le temps de décroissance de la fluorescence
dans le Nal (0,25 us) et le Csl (1,1 us) aboutit à la création d'impulsions électriques ayant des
temps de montée différents, que l'on peut distinguer dans un tiroir d'analyse de forme. La réduction
du bruit de fond est obtenue en faisant fonctionner le cristal épais en coïncidence ou
anticoïncidence.
Depuis peu sont apparus des détecteurs germanium basse énergie, de surface suffisante.
Ils consistent en une jonction p - n avec un contact P + situé à l'extérieur vers la fenêtre de
béryllium et constitué par une couche ultra fine de bore et un pôle N + constitué par un point de
lithium sur la face opposée à la fenêtre. La distance du détecteur à la fenêtre est de 3 mm.
424
La tension de polarisation inverse permettant de préserver la région désertée qui servira au
comptage varie selon les détecteurs de 2 500 à 3 000 volts.
Afin d'obtenir une résolution optimale et un bruit de fond convenable, ces détecteurs sont
refroidis par de l'azote liquide à 77 °K.
21.1.1.3. L'électronique
Elle comporte des codeurs et un sélecteur d'amplitude permettant de classer les impulsions en
fonction de leur amplitude et de tracer ainsi un spectre.
Les figures 21.1 et 21.2 montrent respectivement un spectre normal et un spectre d'un agent
contaminé.
Le calcul des activités des isotopes présents se fait en général à l'aide de logiciels spécifiques.
Pour les mesures avec un Phoswich, cette électronique de base est complétée par un tiroir qui
va retarder la transmission des impulsions au sélecteur d'amplitude, d'un temps qui est nécessaire
au tiroir d'analyse de forme pour trier les impulsions qui lui sont transmises et par un tiroir analyse
de forme qui va délivrer un signal analogique commandant au sélecteur d'amplitude d'accepter ou
d'éliminer l'impulsion qui se présente.
La carte de France représentée sur la figure 21.4 permet de voir que l'exposition a été plus
élevée à l'Est qu'à l'Ouest: le point le plus "chaud" se situe à Grenoble avec 44 uSv pour les
premiers 12 mois après l'accident et le plus "froid" à La Hague avec, pendant la même période, 6
M-Sv.
A titre d'exemple, les limites de détection pour les 137 Cs, ^Co et 131I pour un temps de
comptage de 10 minutes sont indiquées dans le tableau 21.1 et peuvent être comparées aux limites
annuelles d'incorporation.
- Il n'est pas nécessaire d'utiliser des lois métaboliques pour remonter à la charge corporelle;
- On balaye une gamme d'énergie et il est donc possible de mettre en évidence une contamination
par un radioisotope non signalé sur la fiche de postes et de nuisances.
425
Nombre de rayonnements i
pendant le temps de mesure
426
FIG. 21.2. Spectre y d'un agent contaminé (mesure réelle faite au LABM de Cadarache)
427
X
H.T. AKAX2SE0R RETARD AMPLI
raoirr ANALOOXQUZ
ATAKT
o SO S
E o
f f
EBTKZZ CODEUR ••
. . CODAGE COIHCIDERCE
PREAKPIHTCAXEUR
Η AKALXSEUR D'AMPUTTOF.
HULTICAKJIWX
.fenêtre Bo
POUMOK
FIG. 21.3. Schéma synoptique d'un Phoswich (figure extraite de la publication 2).
Y 4.10 5 0,6.10 5 40
137
Cs D 2.10* 0,5.10* 40
428
HAttCOQIX'-ill
55
CADAJUCHI
* Court CEA
OCtnm itpnthcliCK (EDF)
O Pour Us 12 prtmitn mois (mal 1966-mril I9ST)
ODu IJimt at Wmt mois (mat 19*7 • avril t9S»)
FIG. 21.4. Estimation de l'exposition interne due au cesium 137 et 134 (ySv) en France après
l'accident de Tchernobyl (figure extraite de la publication 3).
- Le résultat obtenu est souvent faussé par la présence d'une contamination externe.
En effet l'appareil ne peut pas séparer la contamination externe de la contamination interne,
sauf dans le cas d'émetteurs de basse énergie.
Cet inconvénient est mineur puisqu'il ne peut amener qu'une surestimation de l'exposition
interne réelle et cela va donc dans le sens de la sécurité.
- La mesure directe des émetteurs gamma de faible énergie et des X est très délicate.
Or il s'agit des radioisotopes les plus dangereux en cas de contamination interne (américium,
plutonium, uranium) dont les émissions y et X sont rassemblées dans le tableau 21.2.
429
TABLEAU 21.2. EMISSIONS y ET X DE L'AMERICIUM, DU PLUTONIUM ET DE
L'URANIUM (CIPR 38 - RADIONUCLIDE TRANSFORMATIONS)
U238 1 3 - 19 8,7 - -
II y a non seulement des problèmes de limite de détection mais également des difficultés pour
l'étalonnage [5]. Il faut utiliser un fantôme dont le matériau de fabrication a une absorption des
rayonnements équivalente à celle des tissus humains. En fait, l'absorption par les tissus des rayons
émis par le plutonium et l'américium est telle que la mesure directe se limite à la charge
pulmonaire.
Sur le thorax de base il est possible d'ajouter des plaques simulant des épaisseurs croissantes
de tissus biologiques. En effet, l'épaisseur de ces tissus varie chez un homme normal de 20 à 40
mm. Or une incertitude de 1 mm introduit une erreur de 10 % dans le cas de la mesure du
plutonium 239. Pour évaluer cette épaisseur on peut utiliser soit une équation empirique faisant
intervenir le poids et la taille de la personne à mesurer, soit faire une mesure par ultra-sons.
430
Enfin la mesure est gênée par des fluctuations du bruit de fond liées aux statistiques de
comptage et à la présence plus ou moins importante de radon.
Elle est également perturbée par l'interférence Compton d'émetteurs y plus énergétiques
(césium 137 et potassium 40).
Le bruit de fond global et le rendement de ces détecteurs sont du même ordre de grandeur
que celui du Phoswich mais leur résolution est nettement meilleure (voir fig. 21.5 et 21.6 pour
l'américium) ce qui permet d'utiliser des bandes de comptage étroites pour réduire le bruit de fond
de la zone de mesure d'un facteur 5 à 10.
Ils sont également moins sensibles à l'interférence Compton et permettent donc une mesure
plus facile en présence de produits de fission.
On a ainsi la satisfaction (et le soulagement) de voir apparaître un pic pour des activités
voisines de la limite de détection.
FIG. 21.5. Mesure avec un Phoswich de l'américium 241 dans le fantôme de Livermore avec
plaque équivalent à 22 mm d'épaisseur pulmonaire (figure extraite de la publication 2)
431
FIG. 21.6. Mesure avec un germanium de l'américium 241 dans le fantôme de Livermore avec
plaque équivalent à 22 mm d'épaisseur pulmonaire ((figure extraite de la publication 2).
Elle repose sur l'analyse des excreta. Dans la majorité des cas, ces analyses portent sur des
échantillons d'urines.
En cas d'incident de contamination par inhalation d'un radioisotope émetteur a, les données
métaboliques font préférer l'analyse des selles [8] [9].
Une analyse particulière trouve également sa place dans cette rubrique: il s'agit de la mesure
de la radioactivité du mucus nasal.
Le nez est en effet un excellent piège à poussières, radioactives ou non, et cette analyse
donne d'utiles et surtout rapides indications en cas d'incident de contamination par voie
respiratoire.
Le prélèvement consiste en une sorte d'écouvillonnage nasal fait avec un petit drapeau
constitué d'un papier très fin (style papier à cigarette) collé sur un baton d'allumette.
L'analyse est extrêmement simple et rapide puisqu'il suffit d'étaler le petit drapeau sur une
coupelle et de le sécher avant de compter la radioactivité.
432
21.2.1. Protocole analytique
Quelle que soit la nature du prélèvement, les techniques radiochimiques utilisées comprennent
en général quatre stades:
- la minéralisation de l'échantillon;
- l'isolement du toxique radioactif que l'on désire doser (par coprécipitation, extraction par
solvant, chromatographie, électrodéposition);
- la mesure de la radioactivité du toxique isolé;
- une vérification de l'identité du radionucléide éventuellement présent par spectrométrie.
En effet, les fiches de poste et de nuisances du personnel traduisent de plus en plus une
exposition non pas à une seule nuisance mais à un mélange de produits radioactifs.
Les méthodes sont très sensibles (on descend au dix milliardième de milligramme de
plutonium dans l'échantillon analysé) et permettent une bonne détection des radiotoxiques
importants (en particulier les émetteurs a).
De plus on n'a pas de difficulté particulière pour l'étalonnage des compteurs servant à la
mesure de la source finale, même s'il s'agit d'émetteurs a.
Enfin, dans la mesure où des précautions suffisantes sont prises, les analyses mettent en
évidence une contamination uniquement interne.
21.2.3. Inconvénients
Ces techniques sont très longues (souvent de l'ordre de 2 à 3 jours après récupération de
l'échantillon).
Il est donc nécessaire d'avoir, en cas d'incident, des techniques moins performantes mais
beaucoup plus rapides. On peut notamment utiliser la scintillation liquide ou l'effet Cerenkov.
Pour remonter à la charge corporelle, on est obligé d'utiliser des lois métaboliques qui sont
plus ou moins représentatives de l'excrétion réelle (variations liées à la composition chimique, à la
granulométrie du composé radioactif et aux particularités métaboliques de la personne exposée).
Il faut également être conscient de la variabilité de l'élimination (surtout dans les selles) et de
la nécessité de connaître a priori le produit contaminant car la séparation chimique est souvent
spécifique.
433
21.3. CONTROLE DE LA QUALITE DES MESURES
21.3.1. Historique
La fiabilité des mesures directes et indirectes est un facteur influençant très fortement la
qualité de la surveillance médicale du personnel vis à vis du risque radioactif.
Les biologistes du CEA ont donc ressenti très tôt le besoin de se concerter et ont commencé à
se réunir d'une manière informelle à partir de 1965.
Son but est d'être une structure de concertation sur le plan des techniques et surtout
d'appréciation objective de la qualité et de l'homogénéité des résultats d'analyses des divers
laboratoires grâce à l'organisation régulière de circuits d1 intercomparaison [10].
Ces contrôles de qualité permettent d'affirmer que tous les travailleurs du groupe CEA
bénéficient partout d'une surveillance médicale de même qualité car les examens sont faits avec des
techniques comparables et une précision homogène.
Le premier circuit d'intercomparaison eut lieu en 1978. Pendant plusieurs années, les
membres de ce groupe furent exclusivement des biologistes du groupe CEA.
21.3.2. Organisation
Chaque circuit est géré par un laboratoire organisateur qui prépare les échantillons, les
adresse aux participants, recueille les réponses et fait le traitement statistique qui permet à chacun
de juger d'une manière objective de la qualité de ses résultats.
21.3.3. Résultats
La figure 21.7 concerne les circuits tritium organisés en 1978, 1983 et 1988.
434
21.4. CONCLUSION
L'évaluation de l'exposition, c'est à dire le passage des résultats obtenus à la dose efficace,
nécessite un ensemble cohérent et suffisamment étalé dans le temps, de mesures directes et
d'analyses d'excreta, afin de fixer non seulement le niveau de l'incorporation mais encore la
cinétique de son élimination.
Plus on se rapproche des limites admissibles, plus cette démarche est longue car il est
important de cerner au mieux l'exposition réelle de la personne contaminée en tenant compte de son
métabolisme spécifique.
435
1978
V.:48£kBa1 9 LABS
-42 -38 -34 -30 -26 -22 -18 -14 -10 •% -2 0 *2 46 410 414 *18 422 + 26 430 *34 + 38 442
1983
iM.=Y.*:15;2JcBoa,
00*00,
00000,
00000,
000*0,
*0000,
00*00»
000**t
I
00*00,
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0***0,
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HUH
000*0. 00000,
00000, 0000**,
00000, f*000*
\
00000 00000, 00000,
00*00 0*0004 '0000*
00000, '0000*
00*00 0000*, 00000. '0000*
-42 -38 -34 -30 -26 -22 -18 -14 -10 -6 -2 0 *2 4« 410 414 418 *22 426 430 434 +38 442
1988
lft\Crtt,T*Ha/ 2 13 LABS M;iy.2 31,-7 kBq/n
1 1 i 0*0004
00000.
00*004
i
00000.
00000.
00000,
00000,
00000,
00000,
00000.
00000,
00000,
I
00000,
00000,
y,',','.
•00000, 00000.
•42 -38 -34 -30 -26 -22 -18 -14 -10 -6 -2 0 42 4« 410 414 418 422 426 430 434 + 3 8 44:
FIG. 21.7. Tritium dans les urines (figure extraite de la publication 7).
436
REFERENCES
437
PARTIE 5
SOURCES ET EXPOSITIONS
CHAPITRE 22. SOURCES NATURELLES DE RAYONNEMENT
L'homme vit en permanence dans l'ambiance de la radioactivité naturelle. Celle-ci est due à
trois principaux facteurs variables avec le temps et le lieu: ce sont le rayonnement cosmique
constitué par des photons et diverses particules d'une très grande énergie, les substances
radioactives contenues dans le corps humain (potassium 40, etc.), les substances radioactives
contenues dans la terre (lithosphère), l'eau (hydrosphère) et dans l'air (atmosphère).
Certaines sources naturelles de rayonnement sont constantes dans le temps et l'espace et, par
conséquent, indépendantes de toute activité humaine (ingestion de ^ K ) , d'autres présentent une
variabilité en fonction des pratiques et activités humaines et du lieu (inhalation des descendants du
radon), alors que l'exposition aux rayonnements cosmiques dépend de l'altitude et de la latitude.
22.1.1.1. Origine
Ce sont des flux de particules chargées (noyaux d'atomes dont les électrons ont été arrachés,
électrons, positrons) de haute énergie, qui sillonnent l'espace dans toutes les directions sous
l'influence des champs magnétiques des régions qu'elles traversent: milieu interplanétaire, milieu
interstellaire et dont l'origine est solaire, galactique et extragalactique (rayonnement cosmique
primaire). Le rayonnement cosmique est essentiellement composé de noyaux d'hydrogène (proton)
pour 90 %, de noyaux d'hélium pour 9 % et le reste comprend des noyaux de divers éléments plus
lourds.
441
22.1. l .2. l. COMPOSANTE IONISANTE
Les débits d'exposition dus à la composante ionisante varient faiblement avec la latitude mais
de façon significative avec l'altitude, doublant environ tous les 1 500 m. En période d'activité
solaire maximale, le débit d'exposition serait réduit de 10 % à une altitude de 10 000 m [1].
Au niveau de la mer, on admet, à l'extérieur des bâtiments, un débit de dose absorbé dans
l'air dû à la composante ionisante du rayonnement cosmique de 32 nGy.lr 1 (à une altitude
de 9 000 m, il est de l'ordre de 1 000 nGy.h"1). Dans les bâtiments, les doses sont plus faibles en
raison de l'effet d'écran apporté par les matériaux de construction. Un facteur d'atténuation moyen
de 0,8 est utilisé en l'absence d'informations sur la nature des écrans.
Elle varie avec l'altitude et la latitude de manière similaire. Au niveau de la mer le débit de
fluence moyen est de 8.10~3 cnr^.s" 1 , soit un débit de dose efficace absorbée moyen estimé
à 3,6 nSv.h"1 [2].
Les populations vivant à des altitudes élevées subissent des expositions relativement
importantes. A titre d'exemple, en Bolivie à La Paz (altitude 3 900 m), le débit de dose efficace
annuelle est de 2 020 /^Sv (composante ionisante 1 120 fiSv, composante neutronique 900 /xSv)
alors qu'au niveau de la mer il est de 270 pSv (240 + 30), une valeur moyenne annuelle à l'échelle
de notre planète est de 380 /xSv (300 + 80) [3].
Les passagers et les équipages des avions sont également exposés à de plus forts débits de
dose. Pour une altitude donnée, les débits de dose dus à des vols au-dessus des pôles sont supérieurs
à ceux dus à des vols au-dessus des régions équatoriales.
A une altitude de vol de 8 000 m, le débit de dose est de 2,8 /iSv.lr 1 , ce qui conduit à une
dose efficace collective de l'ordre de 104 homme.Sv; pour les vols supersoniques (altitude
environ 15 000 m) les débits de dose sont en valeur moyenne de l'ordre de 10 /iSv.h"1 avec un
maximum d'environ 40 /xSv.h"1. Pour l'ensemble de la population mondiale, la valeur moyenne
annuelle de dose efficace est de 2 JISV [4].
Pour les astronautes, le débit de dose est évalué à 1 mSv/jour d'après les dernières missions
spatiales (Antarès en juillet-août 1992 ou Altaïr en juillet 1993) [14].
22.1.2.1. Origine
Par interaction avec les noyaux présents dans l'atmosphère, les rayons cosmiques primaires
forment des neutrons, des protons, des pions et des kaons constituant le rayonnement secondaire
ainsi que toute une variété de produits, 3 He, 7 Be, 14 C, 22 Na, 24 Na appelés radionucléides
cosmogéniques. Les plus importants du point de vue exposition dosimétrique par ingestion sont 3 H,
7
Be, 14C et
Le carbone 14, de période 5 730 ans, provient de la capture de neutrons thermalisés par les
noyaux d'azote. Il se retrouve dans l'organisme avec une activité par unité de masse de carbone qui
est la même que dans les composés organiques. Cette activité a varié au cours du temps: elle a
diminué avec les rejets de gaz carbonique provenant de la combustion de combustibles fossiles puis
442
elle a augmenté avec les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère. Dans la biosphère on relève
une activité spécifique de 230 Bq.kg"1 [5].
Le béryllium 7, de période 53,6 jours, se dépose sur les surfaces foliaires des végétaux. Sa
concentration est de 3 mBq.nr 3 dans l'atmosphère et de 0,2 Bq.kg"1 dans les eaux de pluie.
Les concentrations atmosphériques de sodium 22 sont très faibles (0,3 ^Bq.nr 3 dans l'air)
mais doivent être prises en compte par suite du comportement métabolique du sodium et aussi du
mode de désintégration du 22 Na.
22.1.2.3. Dose
Les doses efficaces annuelles ont été évaluées dans le rapport de l'UNSCEAR 1993 à
0,01 fiS\ pour 3 H, 0,03 /*Sv pour 7 Be, 12 /nSv pour 14C et 0,15 fiSv pour ^ N a [7].
22.2.1.1 Origine
C'est en évoquant le stade explosif d'une super nova que l'on explique la présence dans le sol
terrestre des plus lourds radionucléides dits "primordiaux": uranium 235 (}35\J:
période 7,04.10 8 ans), uranium 238 (PSU: période 4,47.10 9 ans), thorium 232 ( 232 Th:
période 1,41.1010 ans).
En plus de ces trois familles naturelles radioactives, il existe d'autres radioéléments dont la
désintégration conduit à un élément stable: le potassium 40 C^K: période 1,28.109 ans), et le
rubidium 87 (^Rb: période 4,7.10 10 ans).
Ces radionucléides sont présents à des degrés divers dans tous les milieux: air, eau, sols,
aliments et, par conséquent, conduisent à une irradiation interne et externe de l'individu.
La concentration des radionucléides primordiaux dans les sols, qui est directement en rapport
avec l'exposition à l'air libre, est déterminée par la radioactivité de la roche mère et par la nature
des phénomènes d'altération qui ont présidé à la formation des sols. Les teneurs observées sont en
général plus élevées dans les roches ignées que dans les roches sédimentaires; les teneurs des
roches métamorphiques sont caractéristiques des roches dont elles dérivent.
On trouvera dans le tableau 22.1, les concentrations moyennes dans le sol, et les débits de
dose absorbée calculés dans l'air à 1 mètre au-dessus du sol sachant qu'une hypothèse d'équilibre
radioactif est faite entre les descendants de 2 3 8 U, du 232 Th et leurs précurseurs.
Le débit de dose absorbée dans l'air varie en fonction de l'enneigement qui joue un rôle
d'écran, de l'humidité du sol qui modifie sa densité volumique et de la concentration des produits
de désintégration du radon dans l'atmosphère.
443
TABLEAU 22.1. CONCENTRATIONS MOYENNES DANS LES SOLS ET DEBITS DE DOSE
ABSORBEE DANS L'AIR A UN METRE AU-DESSUS DU SOL AUX ETATS-UNIS [8]
D'après l'UNSCEAR 1993 [7], une valeur moyenne du débit de dose absorbée dans l'air
de 57 nGy.h"1 peut être retenue. Des valeurs dix à cent fois plus élevées peuvent être rencontrées
dans certaines régions du monde, en présence de sable de monazite très riche en thorium (Kerala,
Inde) ou dans des régions à intrusion volcanique (Brésil).
Il est également nécessaire d'évaluer les niveaux d'exposition à l'intérieur des bâtiments pour
l'estimation de l'irradiation des populations. En effet, le temps de présence y est estimé égal
à 80 %. La valeur moyenne retenue par le comité scientifique de l'UNSCEAR est de 80 nGy.h"1.
Le rapport entre le débit mesuré à l'intérieur des habitations et celui mesuré dans l'air libre
dépend du type de matériaux de construction et de leur origine. Les matériaux constituant les
bâtiments jouent à la fois un rôle de source radioactive et d'écran vis-à-vis du rayonnement gamma
extérieur. Le rapport peut varier de 0,8 pour les maisons en bois à 2, voire plus, pour certaines
maisons construites avec des matériaux dont les concentrations en radionucléides sont élevées par
rapport au sol environnant. C'est parfois le cas des matériaux d'origine naturelle (granite, schiste
alunifère) ou contenant des déchets industriels (phosphogypses, cendres volantes).
22.2.1.2.2. CALCUL DES DOSES ÉQUIVALENTES DUES AUX RAYONNEMENTS GAMMA TELLURIQUES
A ce jour, le coefficient de conversion retenu pour traduire le débit de dose absorbée dans
l'air en dose équivalente est de 0,7 Sv.Gy 1 pour les adultes; pour les enfants, certains auteurs
donnent un coefficient plus élevé (0,8 Sv.Gy 1 ).
soit un total de 45,9.10" 5 Sv.an"1. Pour les enfants et nourrissons, cette valeur est supérieure de 10
à 30 %.
444
22.2.1.3. Exposition interne et facteurs de variabilité
Les deux principales voies d'atteinte de l'homme par exposition interne sont l'inhalation et
l'ingestion. Etant donné la variabilité des concentrations en radionucléides naturels dans
l'atmosphère et dans le régime alimentaire, les niveaux d'incorporation varient d'un endroit à
l'autre. Pour un lieu donné, des différences dans la composition du régime alimentaire impliquent
également des différences dans les activités incorporées.
Potassium 40
Le potassium 40 dans le corps humain est sous contrôle homéostatique (la concentration en
40
K dans les organes et tissus, est indépendante de la quantité incorporée). La concentration
d'activité moyenne dans l'organisme est d'environ 55 Bq.kg"1. La dose efficace annuelle due à
l'incorporation de 40 K est d'environ 165 /iSv pour un adulte, et de 185 p.Sv pour un enfant.
Rubidium 87
L'uranium est à la tête de quinze radionucléides principaux (fig. 22.1), qui peuvent être
classés en cinq groupes dans lesquels l'activité du précurseur contrôle pour une grande part les
activités des éléments suivants:
Le thorium 232 est à la tête de douze radionucléides (fig. 22.2) qui peuvent être classés en trois
groupes:
; 2 2 0 ^ _> 208pb
L'uranium 23S
et ses descendants
445
(1.41.10'*ans)
Q
(/ a Le thorium 232
"AC
> et ses descendants
/ (6.13 h) a
(3.661)
• R . *Ra
(5.75 ans) p a
«Rn (55,6 s)
J1I
Pb «, (36*.)?^ ^Pb
(10.64 h) / (stable)
| (3.053 min)
22.2.1.3.2. DOSE
Inhalation
- à la remise en suspension dans l'atmosphère de particules du sol liée aux perturbations physiques
du sol sous l'effet du vent, des passages de véhicules.etc;
- à l'émanation du radon 222 et du radon 220 à partir du sol, des matériaux de construction et de
l'eau: après leur émanation, le radon et le thoron se dispersent dans l'atmosphère et ils donnent
naissance à une série de produits solides susceptibles d'être inhalés.
Le 228 Ra étant plus facilement assimilable par les végétaux et les animaux que le thorium,
l'activité retrouvée dans l'alimentation sera plus élevée que celle du thorium.
Ingestion
Les doses par ingestion sont fonction des concentrations des radionucléides dans les aliments
et l'eau de boisson ainsi que du taux de consommation de ces aliments (tableaux 22.2 et 22.3). On
explique la présence de sous-produits de l' 238 U et du 232 Th dans l'alimentation, par la remise en
suspension de particules issues du sol impliquant par conséquent un dépôt foliaire. Le 226 Ra, étant
un alcalino-terreux, son comportement métabolique est similaire à celui du calcium.
En général, le 222 Rn et ses descendants à vie courte, ne présentent pas de problème dans
l'alimentation. Dans l'eau sa teneur peut être élevée mais cet élément étant sous forme gazeuse, il
disparaît très rapidement dans l'organisme.
Les produits à vie longue de filiation du radon 2 1 0 Pb, 210 Bi, 210 Po existent dans le sol et dans
l'air, cette dernière fraction se déposant sur la surface terrestre. Les végétaux peuvent être
contaminés soit par la voie racinaire, soit par la voie foliaire.
On peut résumer les doses efficaces annuelles dues aux radionucléides primordiaux par le
tableau 22.4.
446
TABLEAU 22.2. CONCENTRATION EN ACTIVITE DES RADIONUCLEIDES NATURELS
DANS LES ALIMENTS ET L'AIR
238U
Boxh ^Ra 2ioPb 210po 232-Th 228Ra "«Th
234U
(mBq.kg->)
Produits laitiers 1 0,5 5 40 60 0,3 5 0,3
Viande 2 2 15 80 60 1 10 1
Céréales 20 10 80 100 100 3 60 3
Légumes verts 20 20 50 30 30 15 40 15
Racines - fruits 3 0,5 30 25 30 0,5 20 0,5
Poisson 30 - 100 200 2000 - - -
Eau 1 0,1 0,5 10 5 0,05 0,5 0,05
Air (mBq.nr3) 1.10"3 0.5.10" 3 0,5.10" 3 0,5 0,050 1.10'3 1.10"3 1.10"3
22.2.2. Le radon
Leur abondance respective est, par conséquent, fonction de la nature du sous-sol (teneur
en 2 3 5 U, 232 Th, 238 U) mais également de leur période radioactive (respectivement 4 s, 55 s,
3,8 jours).
447
Le radon trouve son origine principale dans les sols où il est formé par la désintégration des
atomes de radium présents dans les minéraux constitutifs des roches. La quantité de 222 Rn produit
est directement proportionnelle à la teneur du sol en ^ R a . Cependant, seule une fraction réussit à
s'en échapper, la majorité des atomes produits restant prisonniers du réseau où ils se désintègrent.
Selon la porosité du sol, la taille des grains, l'humidité, etc., on obtient un taux d'émanation très
variable. Une fois échappés du réseau, les atomes de radon sont véhiculés dans l'air ou l'eau du sol,
sous l'action de mécanismes de diffusion ou de convection, sur des distances plus ou moins
longues.
Une fois dans l'air extérieur, le radon se dilue en fonction des conditions de diffusion
atmosphérique liées à la météorologie et à l'orographie. On observe généralement un gradient de
concentration vertical, et des variations temporelles selon un cycle journalier. Le jour, la diffusion
atmosphérique est le plus souvent bonne; les concentrations en radon sont relativement faibles. La
nuit, on observe fréquemment des inversions de température: la diffusion atmosphérique est très
mauvaise, le radon stagne au niveau du sol et sa concentration augmente ainsi dans l'air d'un
facteur 10 à 100.
Un sol est caractérisé par son flux d'émission, c'est-à-dire la quantité de radon arrivant à l'air
libre par unité de temps et de surface. Des mesures conduisent à un flux moyen en radon 222 à la
surface de la terre de 0,022 Bq.m"2.s"1 et en radon 220 de l'ordre de 1 Bq.m^.s"1 [10].
Au-dessus des océans, les niveaux moyens ( ^ R n ) sont de l'ordre de 2 Bq.m"3 [7].
En effet, les descendants du 222Rn sont à un facteur d'équilibre d'environ 0,8 avec leurs
précurseurs.Les descendants à vie courte du radon ne sont jamais à l'équilibre radioactif avec leur
père. Pour quantifier cet état de déséquilibre, on utilise la notion de facteur d'équilibre.
Dans les maisons, le radon trouve son origine principale dans le sol sous-jacent et parfois les
matériaux de construction. Les teneurs en radon dépendent également des caractéristiques de
l'habitat: de la nature du soubassement (vide sanitaire, cave, présence de sol en terre battue,...), de
la présence ou non d'étages, de voies de transfert existant entre les différents niveaux (passage de
canalisation, escalier), du degré de ventilation et des habitudes de vie des occupants. Plus rarement,
l'eau du robinet peut être riche en radon (par exemple lorsqu'elle provient d'un puits situé en
terrain granitique), et son dégazage constitue une source significative. Selon les régions, l'air
extérieur est également une source à considérer. Parfois, le gaz naturel brûlé dans les habitations
peut aussi constituer une source de radon [12].
Les concentrations mesurées dans les habitations sont très variables selon les lieux et les pays
(10 -104 Bq.m"3). L'UNSCEAR propose une valeur moyenne à l'échelle de la terre de 40 Bq.m
Les descendants du radon sont des particules susceptibles de se fixer aux aérosols ambiants;
ils ont un comportement régi par la mécanique des aérosols:
- l'activité des descendants est répartie selon un spectre granulométrique compris entre 10"3 jim et
f environ;
448
- le facteur d'équilibre des descendants avec le radon dépend de leur vitesse de dépôt sur les
parois (murs, meubles), de la ventilation; il varie approximativement entre 0,2 et 0,8, la valeur
moyenne communément admise étant de 0,4.
- à Y extérieur: 10 (Bq.m"3) x 0,8 x 9 (nSv.h"1 par Bq.m'3) x 0,2 x 8760 (h.an 1 ) = 0,13 mSv
- à l'intérieur: 40 (Bq.m"3) x 0,4 x 9 (nSv.h'1 par Bq.m"3) x 0,8 x 8760 (h.an 1 ) = 1 mSv.
A ces valeurs, doit être ajoutée l'exposition due à la dissolution du radon inhalé dans les
tissus, qui est estimée à 0,051 mSv.
L'exposition annuelle due au 222Rn est en valeur moyenne égale à environ 1,2 mSv. Celle
due au thoron est de 0,073 mSv. En effet, les concentrations moyennes de celui-ci sont
de 10 Bq.m"3 à l'extérieur et de 3 Bq.m"3 à l'intérieur.
L'eau de boisson conduit, pour les adultes, à un débit de dose annuel de l'ordre de 5 fiSv en
considérant une activité moyenne de 10 Bq.I"1 [13]. Celui-ci est plus élevé pour les enfants (15
et les nourrissons
En valeur moyenne pondérée pour la population, le débit de dose efficace annuel est
de 10
Les activités industrielles à considérer sont celles qui apportent sur la surface de la terre, ou
rendent disponibles auprès du public, des matériaux qui accroissent les concentrations de
radionucléides naturels.
22.3.1. Le charbon
Les expositions résultant de ces diverses utilisations sont résumées dans le tableau 22.5.
449
TABLEAU 22.5. INDUSTRIE DU CHARBON
(Exposition due à I>238U, 232Th et à leurs descendants)
Dose efficace collective Dose efficace annuelle
(homme. Sv) 0*Sv)
Rejet dans l'atmosphère des mines de charbon 0,5 à 10 0, 1.10"3à2.10"3
Production d'énergie 400 GW.an 8000 1,5
Usage domestique 2 000 à 40 000 0,4 à 8
Cendre de charbon 50 000 10
En plus du charbon, le pétrole, la tourbe, le gaz naturel sont utilisés en vue de produire de
l'énergie électrique. Dans le cas de l'énergie géothermique, l'exposition interne est essentiellement
due aux rejets de radon (tableau 22.6).
Pétrole 0,5 10
Tourbe 2
Gaz naturel 0,03 1
Energie géothermique 2 1
22.3.3. Phosphates
Les minerais de phosphate présentent généralement des teneurs élevées en uranium 238
(1 500 Bq.kg"1) et en ses descendants. L'exposition du public est due à l'exploitation minière elle-
même, l'utilisation de phosphates comme engrais, et des phosphogypses comme matériaux de
construction.
L'incorporation de produits radioactifs naturels liée à l'utilisation des engrais phosphatés dans
la production agricole conduit à une exposition individuelle moyenne de 2 pSv engagés par an qui
est répartie sur tout l'avenir et pas seulement sur la première année.
Pour l'ensemble des industries extractives le débit de dose annuel est estimé à 20 fiS\.
450
22.4. SYNTHESE: IMPORTANCE RESPECTIVE DES DIVERSES SOURCES
L'exposition aux sources naturelles de rayonnement touche l'homme par voie interne et voie
externe. Cette exposition est due à quatre composantes: le rayonnement cosmique, le rayonnement
tellurique, l'ingestion ou l'inhalation de radionucléides à vie longue et l'inhalation des isotopes du
radon et leurs descendants. Les trois premières composantes constituent le bruit de fond du
rayonnement naturel, en raison de la relative constance de cette exposition. La dose efficace
annuelle due à ces trois composantes est évaluée à 1,1 mSv. Par contre, l'exposition au radon et à
ses descendants est très variable, la dose efficace annuelle due à l'inhalation des descendants du
radon et du thoron est évaluée à 1,3 mSv (tableau 22.7).
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commercial jet aircraft altitudes. Environment HI. CONF-780422, Volume 2, In: Natural
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World. Doc 9180/15 (1990).
[5] BENTON, E.V. Summary of current radiation dosimetry results on manned space craft. MS
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General Assembly, with annexes. United Nations sales publication E.82.DC.8. United
Nations, New York (1982).
451
[7] UNITED NATIONS SCIENTIFIC COMMITTEE ON THE EFFECTS OF ATOMIC
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New York (1993).
[8] MYRICK, T.E., BERVEN B.A., HAYWOOD F.F. Determination of concentrations of selected
radionuclides in surface soil in the U.S. Health Physics, A5: 631-642 (1983).
[9] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION. Report of the
Task Group on Reference Man. ICRP Publication 23. Pergamon Press, Oxford (1975).
10] WILKENING, M.IL, CLEMENTS W.E. and STANLEY D. Radon-222 flux measurements in
widely separated regions. 717-730 in: The Natural Radiation Environment H. CONF-720805-
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[11] ROBE M.C., RANNOU A. and LE BRONEC J. Radon measurement in the environment in
France. Radiation Protection Dosimetry, 45, 455-457 (1992).
[12] ROBE M.C., RANNOU A., LE BRONEC J., TYMEN G. Le radon dans les habitations:
identifications des sources et des voies de transfert et caractérisation des aérosols radioactifs
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103 (1990).
[13] REMY, M.L., LEMAITRE N. Eaux minérales et radioactivité. Hydrogéologie. 4, 267-278
(1990).
[14] BOTTOLIER-DEPOIS J.F., LEBARON-JACOB L. Dose rate and LET spectrum board Mir
station since Antarès until Altaïr mission, 5th European Symposium on Life Sciences
Research in space, Arcachon, (26 septembre - 1er octobre 1993).
452
CHAPITRE 23. LA PRODUCTION D'ENERGIE NUCLEAIRE
J. Brenot
23.1.1. Extraction
L'uranium est un métal relativement répandu dont la teneur moyenne dans l'écorce terrestre
est de l'ordre de 3 grammes par tonne (3 10"6). Les gisements d'uranium se trouvent dans des
massifs granitiques et dans certains bassins sédimentaires. Les teneurs des gisements exploités
varient de 1 kilogramme à quelques dizaines de kilogrammes par tonne (soit 10"3 jusqu'à 10" pour
le gisement de Cigar Lake au Canada). L'exploitation se fait à ciel ouvert ou en mine souterraine
[1]. La production mondiale d'uranium, dit naturel, est en 1989 d'environ 58 000 tonnes. De 1975
à 1989, elle a varié de 50 000 à 64 000 tonnes selon les années [2].
L'uranium est composé de trois isotopes naturels, l'uranium 238 pour 99,27 %, l'uranium
235 pour 0,72 % et quelques traces d'uranium 234. Seul l'uranium 235 est susceptible de fission
provoquée instantanée (bombes) ou contrôlée (réacteurs).
23.1.2. Concentration
La faible teneur des minerais d'uranium conduit à effectuer, sur le lieu d'extraction, un
traitement de façon à produire un concentré économiquement transportable. Le minerai est
concassé, broyé, attaqué par un réactif soit acide (généralement H2SO4), soit alcalin (Na C1O3).
L'uranium ayant été mis en solution, la liqueur est séparée du solide par décantation ou filtration.
Après purification, le concentré est produit sous forme sèche (oxydes: UO2 et UO3 ou uranates:
UO2O7 Mg2, UO2 Na4 (CO3)2, U2O7(NH4)2) ou sous forme liquide (nitrate d'uranyle UO2(NO3)2).
Le concentré appelé "yellow cake" possède une teneur en uranium naturel supérieure à 70 %.
Lorsque la teneur du minerai est très basse, la concentration peut se faire par lixiviation en
tas. Le minerai est arrosé par le réactif qui dissout lentement l'uranium. Le rendement est plus
faible que dans le procédé précédent qui se réalise en usine.
La phase de concentration conduit à des terrils de résidus dont la teneur résiduelle en uranium
est comprise entre 10^ et 10"5.
453
Remarques: les quantités sont données pour un fonctionnement de 6600 h/an à l'équilibre.
* Production nette de surrégénération
** Besoins pour une recharge.
FIG. 23.1. Le cycle du combustible irradié (Quantités de matières nucléaires mises enjeu).
454
23.1.3. Conversion
Les concentrés ne sont pas toujours d'uranium naturel. Certains sont d'uranium issu du
retraitement.
23.1.4. Enrichissement
Pour avoir un combustible utilisable dans les réacteurs à eau légère ou dans les réacteurs
graphite-gaz avancés, il est nécessaire de porter la teneur en 235U de la teneur naturelle 0,72 % à
une teneur comprise entre 2 et 5 %. Cet enrichissement s'accompagne de la production d'uranium
appauvri (car sa teneur en 235U tombe au-dessous de 0,3 %) qui sera stocké. L'uranium enrichi
s'obtient par séparation isotopique. Le procédé le plus utilisé (95 % de la production) est la
diffusion gazeuse; un autre procédé est utilisé: l'ultracentrifugation. L'uranium enrichi est fourni
sous forme d'hexafluorure.
Dans un premier temps, l'hexafluorure enrichi est transformé en poudre d'oxyde d'uranium
(UO ) pastillable. Les pastilles sont réalisées par compactage, pression et frittage. Elles sont ensuite
introduites dans une gaine. Les gaines remplies et soudées aux extrémités s'appellent des crayons.
Les crayons sont ensuite mis ensemble pour constituer les assemblages. Les assemblages seront
alors prêts à être introduits dans le coeur du réacteur.
Le combustible mixte oxyde (MOX) est un mélange d'oxyde de plutonium (Pu O ) et d'UO
obtenu à partir d'uranium appauvri (0,22 % dl235U) ou d'uranium issu du retraitement (0,86 %
d' 235 U). Les opérations nécessaires pour l'assemblage sont les mêmes que précédemment.
L'énergie électrique d'origine nucléaire est produite dans des réacteurs thermiques. Les
réacteurs se classent en filières caractérisées par:
- le modérateur utilisé pour ralentir les neutrons émis au cours de la fission de l'uranium;
- le fluide caloporteur pour récupérer la chaleur produite dans le combustible;
- le combustible.
Le fluide caloporteur est généralement sous pression (150 bars dans les réacteurs à eau
pressurisée - REP) et sa température dépasse 300°C à la sortie du réacteur. Il cède son énergie
thermique lors de son passage dans les échangeurs de chaleur où l'eau est transformée en vapeur
qui finalement actionne un turboalternateur.
455
Fin 1989, il existait dans le monde 430 réacteurs qui représentent une puissance installée de
318 GWe; l'énergie produite en 1989 correspond à une puissance de 211 GWe, soit 17 % de
l'électricité produite et 5% de l'énergie totale consommée [2].
Le combustible, durant son séjour dans le réacteur (environ 40 mois dans les REP)
s'appauvrit en 235U et simultanément sous l'effet de l'irradiation par les neutrons il s'enrichit de
plutonium, d'actinides et de produits de fission. A la sortie du réacteur, l'assemblage de
combustible irradié est stocké en piscine. Après un certain temps de refroidissement (de 6 mois à
trois ans selon le type de combustible), il peut alors être stocké tel que de façon temporaire ou
définitive, ou bien être retraité.
Eau lourde PHWR Eau lourde Sous pression Eau lourde UO2 naturel
Heavy water Pressurized ou enrichi
Eau ordinaire BWR (ABWR) Eau ordinaire Bouillante (boiling) Eau ordinaire UO2 enrichi
Light -water PWR (APWR) Sous pression etMOX
REP, W R
23.1.7. Le retraitement
Dans le monde, il existe six installations de retraitement. Leur capacité en 1989 était de 3 300
tonnes qui est la quantité nécessaire pour produire environ 4 % de la production électrique
d'origine nucléaire de l'année [2].
456
23.1.8. Le stockage
Toutes les phases précédentes sont génératrices de déchets. Les déchets de faible et moyenne
activité sont généralement enfouis dans des sites de stockage de surface. Les déchets de haute
activité, ensemble de produits de fission et d'actinides, sont actuellement conservés sous forme
liquide ou solide (verres) en attente de stockage définitif en profondeur dans des formations
géologiques appropriées.
23.2.1. Effluents
Pour l'extraction de l'uranium, le principal effluent est le radon. Les données sur les
émissions de radon, qui ont été publiées au Canada, en Australie et pour l'ex-Allemagne de l'Est,
permettent d'estimer l'émission de radon à 75 TBq par GWe d'électricité produite [2].
Pour les usines de concentration et les terrils qui leur sont associés, les effluents sont à la fois
gazeux et liquides. Les terrils contiennent les deux précurseurs du radon 222, à savoir le thorium
230 (période 7,53 104 ans) et le radium 226 (période 1600 ans); ils constituent à ce titre une source
permanente d'émission de radon dans l'atmosphère.
Pour une usine de concentration en fonctionnement, l'uranium nécessaire pour une puissance
de 1 GWe conduit à un terril de résidus dont la surface est d'environ 1 hectare; 20 TBq de radon
sont dispersés par GWe et le débit d'émission correspondant est de l'ordre de 10 Bq.m"2.s"1.
Pour un terril abandonné, le débit d'émission peut varier fortement: de 0,02 à 20 Bq.m'V 1 ,
l'émission restant sensiblement inchangée pendant 10 000 ans. Ainsi pour chaque GWe produit,
l'émission annuelle de radon serait de 1 TBq et ce durant 10 000 ans [2]; cette émission diminue
énormément si le terril est recouvert de terre.
Les populations sont plus ou moins exposées selon la distance à la mine, à l'usine de
concentration et son terril. L'évaluation des doses aux populations met en jeu un modèle de
dispersion atmosphérique appliqué à une mine et à une installation de concentration de référence
pour lesquelles la densité de la population qui réside autour est prise égale à 3 par km2 dans les 100
premiers kilomètres et à 25 par km2 entre 100 et 2 000 km. Quand les installations fonctionnent, la
dose efficace collective est estimée à 1,5 h.Sv par GWe.
Pour des installations abandonnées, le débit annuel de dose efficace collective est estimé à
0,015 h.Sv pour chaque GWe qui a été produit. Ce débit n'étant pas appelé à changer pendant
10 000 ans, l'engagement de dose efficace collective tronqué à 10 000 ans atteindra 150 h.Sv pour
chaque GWe qui a été produit, sauf si une gestion des terrils de résidus est mise en place (par
exemple, couverture et surveillance) [2].
Les travailleurs subissent à la fois une irradiation externe et une exposition interne par
inhalation du radon et de ses descendants ainsi que des poussières d'uranium émis au cours de
l'extraction et de la concentration du minerai. Les données mentionnées ci-après sont issues de [2]
et elles concernent la période 1985-1989.
Dans les mines, environ 260 000 travailleurs ont été employés dans 14 pays. Le tableau 23.2
fournit une synthèse au plan mondial pour les mines souterraines et à ciel ouvert.
457
TABLEAU 23.2. EXPOSITIONS ET DOSES DANS LES MINES
Dans les mines souterraines, 70% de la dose est due à l'inhalation du radon et de ses
descendants, 27% à l'irradiation externe, et 3% à l'inhalation de poussières. Dans les mines à ciel
ouvert, la situation s'inverse: 70% étant dû à l'irradiation externe, 26% au radon et 4% environ aux
poussières. Ce sont là des ordres de grandeur car en effet, d'un pays à l'autre, il existe de fortes
variations.
Dans les usines de concentration, 18 000 travailleurs sont surveillés dans 9 pays. La dose
efficace collective annuelle est estimée à 116 h.Sv, ce qui représente 0,44 h.Sv par GWe produit.
La dose efficace individuelle annuelle moyenne est de 6,3 mSv, 16% de la dose étant dû à
l'irradiation externe, 37% à l'inhalation de radon et 47% à celle des poussières. Ici encore, il existe
selon les installations de fortes variations: de 0,1 à 13 mSv pour la dose efficace individuelle
annuelle.
23.3.1. Effluents
Pour ces trois phases du cycle, les émissions d'effluents liquides et gazeux sont faibles,
essentiellement composées d' 238 U, de 234Th et d1 234U; elles apparaissent dans le tableau 23.3.
458
23.3.2. Doses aux populations
L'évaluation des doses aux populations a été faite avec un modèle de dispersion
atmosphérique appliqué aux rejets gazeux d'une installation de référence fabriquant du combustible
pour les réacteurs à eau légère, la densité de la population qui réside autour étant égale à 25 par
km2 jusqu'à 2 000 km. La dose efficace collective engagée est égale à 2,8 10"3 h.Sv par GWe, les
rejets gazeux contribuant à plus de 90% de cette valeur [6].
Dans la phase de fabrication du combustible, la diversité des produits élaborés fait que
l'évaluation du nombre de travailleurs impliqués et l'estimation des doses sont assez difficiles. Au
cours de la période 1985-1989, l'uranium enrichi (à 3,5% en 23STJ) pour les réacteurs à eau légère
(qui fournissent plus de 80% de la production électrique) est conditionné par 24 000 travailleurs sur
les 28 000 affectés aux tâches de fabrication. Les doses sont reçues par irradiation externe et par
inhalation d'uranium. L'exposition interne n'est souvent pas prise en compte dans les états
dosimétriques et les doses ci-dessous mentionnées sont vraisemblablement des sous-estimations. La
dose efficace collective annuelle est de 22 h.Sv, dont 11 h.Sv pour la fabrication du combustible
des REP, BWR et W R . Pour ce type de combustible, la dose efficace collective par GWe est de
0,07 h.Sv (GWe)"1 et la dose efficace individuelle par an est de 0,45 mSv. Cette dose est 7 fois plus
faible que celle reçue par un travailleur fabriquant le combustible d'un réacteur graphite-gaz.
Néanmoins il s'agit là d'une dose moyenne calculée sur l'ensemble des travailleurs suivis et elle
n'inclut pas l'exposition interne. Pour les travailleurs effectivement exposés, la dose individuelle
annuelle dépasse 1 mSv [2].
23.4.1. Effluents
459
TABLEAU 23.4. EFFLUENTS PAR AN POUR LES DIVERS TYPES DE REACTEURS, PAR
GWe, POUR LA PERIODE 1985-1989 EN TBq
L'activité des rejets, très basse, n'est mesurable qu'à proximité du point de rejet.
L'évaluation des doses aux populations se fait donc par modélisation. A partir des rejets-types des
divers réacteurs en fonctionnement normal, les doses sont calculées pour une population qui réside
autour dont la densité est de 400 habitants par km2 sur les 50 premiers kilomètres et de 20 habitants
par km2 de 50 jusqu'à 2 000 km. L'essentiel de la dose collective est reçu par les populations
locales et régionales. Seuls le tritium et le carbone 14 ont des impacts planétaires qui sont évalués
ci-après. En moyenne, tous types de réacteurs confondus et pour la période 1985-1989, la dose
efficace par GWe produit est égale à 1,4 h.Sv.(GWe)"1; mais c'est pour les REP que cette dose est
la plus faible: 0,3 h.Sv.(GWe)'1
Du début de la production des centrales nucléaires jusqu'à 1989, on estime que la dose
efficace collective (au plan local et régional) associée à la production d'électricité s'élève à 3 700
h.Sv, 45% étant dû aux HWR, 27% aux BWR, 14% aux REP, 9% aux LWGR, 4% au GCR et
0,3% aux FBR.
Les doses individuelles consécutives aux rejets en routine d'une centrale sont très basses.
Pour les individus les plus exposés, il est estimé que les doses efficaces individuelles annuelles sont
de 1 fiSv s'il s'agit d'un REP, 7 y.Sv pour un BWR, 10 ^Sv pour un HWR, 10 fiSv pour un GCR,
20 uSv pour un LWGR et 0,1 uSv pour un FBR.
La population mondiale reçoit des doses dues au tritium et au carbone 14 qui sont dispersés
sur l'ensemble de la planète. L'exposition diminuera peu au cours des 10 000 années à venir. Pour
toute l'électricité produite jusqu'en 1989, l'engagement de dose efficace collective tronqué à 10 000
ans a été estimé à 97 000 h.Sv (dont 99,9 % dûs au 14C) [2].
460
23.4.3. Doses aux travailleurs
Dans le monde, 430 réacteurs sont en fonctionnement en 1989 avec environ 430 000
travailleurs surveillés. La dose est due à l'irradiation externe gamma par les produits d'activation et
de fission contenus dans le circuit primaire. La contribution des neutrons à la dose externe est jugée
très faible. Pour la période 1985-1989, d'après [2], la dose efficace collective est estimée à
5,9 h.Sv.(GWe)"1 tous réacteurs confondus (4,3 h.Sv.(GWe)"1 pour les REP). Les travailleurs
surveillés ont en moyenne une dose efficace individuelle annuelle égale à 2,5 mSv (2,2 mSv par an
pour ceux des REP). Cependant, pour les travailleurs effectivement exposés (environ la moitié des
travailleurs surveillés et qui reçoivent quasiment l'intégralité des doses), la dose individuelle
annuelle est comprise vraisemblablement entre 3 et 5 mSv. Selon les types de réacteurs et les modes
de gestion des tâches, il existe de notables différences.
23.5.1. Effluents
Les radionucléides présents dans les effluents gazeux sont essentiellement le tritium, le
carbone 14, le krypton 85, l'iode 129 et 131, le césium 137. Dans les effluents liquides, il s'agit du
tritium, du carbone 14, du strontium 90, du ruthénium 106, de l'iode 129 et du césium 137. Les
quantités rejetées varient selon les installations en fonction du procédé de séparation et du traitement
des effluents.
Des débuts du retraitement jusqu'à 1989, 1 324 141 TBq ont été rejetés dans les effluents
gazeux (dont 99,5% de 85Kr) et 110 498 TBq dans les effluents liquides (44% en 3 H, 36% en 137Cs
et 15% en KU). Pour cette période, le combustible retraité correspond à la production de 101
GWe sur les 1844 GWe fournis durant cette période [2].
La population mondiale reçoit des doses dues au 3 H, au 14C, au 85Kr et à l'129I qui se
dispersent sur l'ensemble de la planète. L'exposition diminuera peu au cours des 10 000 ans à
venir. L'engagement de dose efficace collective tronqué à 10 000 ans pour l'activité retraitement
prise des origines jusqu'à 1989 a été estimé à 26 000 h.Sv (dont 96,4 % pour le 14C).
461
23.5.3. Doses aux travailleurs
Dans le monde, de 1985 à 1989, la France et le Royaume-Uni étaient les seuls pays à exercer
une activité commerciale dans le retraitement. 8 000 travailleurs sont impliqués dans le retraitement
des combustibles métalliques alors que 4 000 autres retraitent des combustibles oxydes. Les
travailleurs sont surtout soumis à une irradiation externe. Pour les combustibles métalliques, la dose
efficace collective annuelle par GWe dont le combustible est retraité est égale à 33 h.Sv (GWe)"1,
soit 4 mSv environ par an pour un travailleur surveillé. Pour les combustibles oxydes, la dose
efficace collective annuelle par Gwe "retraité" s'élève à 0,65 h.Sv (GWe)"1, soit 1,4 mSv par an
pour un travailleur surveillé; mais pour les travailleurs effectivement exposés (1 800 sur 4 000), la
dose individuelle annuelle s'élève à 3,2 mSv.
II n'existe pas de site de stockage profond pour les déchets de haute activité. Les déchets de
faible et moyenne activité sont généralement stockés en surface. Les doses reçues par les
populations locales sont consécutives au transfert des radionucléides par l'eau hors du site. D'après
[6], l'engagement de dose efficace collective tronqué à 10 000 ans est presque entièrement dû au
14
C et il a été estimé à 0,5 h.Sv (GWe)"1.
23.8. SYNTHESE
En 1989, les diverses phases du cycle du combustible conduisent à une dose efficace
collective qui est de l'ordre de 3,2 h.Sv par GWe, cf. tableau 23.5.
Des débuts du fonctionnement des installations à 1989, la dose efficace collective est estimée
à 11 000 h.Sv, dont 2 700 h.Sv dus à l'extraction et à la concentration, 3 700 h.Sv dus à la
production d'électricité et 4 600 h.Sv au retraitement.
462
L'engagement de dose efficace collective tronqué à 10 000 ans est associé aux émissions de
radon des résidus (276 000 h.Sv, mais beaucoup moins si une gestion des résidus est mise en place)
et aux rejets liquides et gazeux de radionucléides à vie longue dont la dispersion se fait à l'échelle
de la planète (soit 97 000 h.Sv pour les réacteurs et 26 000 h.Sv pour les usines de retraitement).
Au total cet engagement de dose représente environ 400 000 h.Sv.
REFERENCES
NEXT
463
CHAPITRE 24. LA PRODUCTION DE RADIOISOTOPES
J-Cl. Zerbib
Historiquement, les produits radioactifs étaient extraits, par voie chimique, des résidus de
traitement du minerai d'uranium.
Le plus connu d'entre eux est le radium 226, découvert en décembre 1898 par Marie et
Pierre Curie. Ces produits radioactifs étaient utilisés tant sur le plan de la médecine et de la
recherche qu'à des fins industrielles.
Dès 1914, les sels de radium étaient mis dans des aiguilles d'acier creuses afin de traiter
(curiethérapie "interstitielle") des tumeurs peu profondes: nez, lèvre, langue, cavité buccale,etc.
Vers 1920, l'acier est remplacé par du platine et de l'or.
Aux USA, l'autorisation de livrer aux hôpitaux des isotopes radioactifs fabriqués dans les
réacteurs d'Oak Ridge fut donnée en 1946. En France, cette autorisation ne fut délivrée qu'en
1949. Les premiers travaux portaient sur la fixation de l'iode dans la thyroïde. En 1951-52, naissait
la scintigraphie qui prit son essor avec la mise au point de la caméra à scintillation de H. ANGER
en 1957, et du générateur de technétium 99m en 1964.
La cible irradiée par des neutrons thermiques est généralement placée dans un conteneur en
aluminium qui est expédié dans un canal situé dans un réacteur (ou à sa périphérie) de type "pile
piscine". La durée de l'irradiation peut varier de quelques heures (iridium 192 utilisé à des fins
médicales) à quelques années (cobalt 60 pour irradiateurs industriels). Le conteneur est ensuite
récupéré dans une cellule blindée. La source radioactive est conditionnée dans une enceinte blindée
généralement dédiée à un seul radionucléide [1].
465
- les uraniums;
- les plutoniums;
- les produits de fission et les transuraniens (neptunium, américium, curium, californium).
C'est principalement la 3 e famille qui fournit la majeure partie des radionucléides utilisés
sous forme de sources scellées ou non scellées.
Dans certains cas, après la première extraction chimique, on procède à une irradiation, dans
un réacteur, du radionucléide intermédiaire pour avoir le produit final recherché.
Dans les cyclotrons modernes, ce sont des ions négatifs H" fournis par une source d'ions
externe qui sont injectés puis accélérés. En fin d'accélération, les ions H" traversent une feuille très
mince de carbone placée sur leur trajectoire. Lors de cette traversée, les ions négatifs sont
dépouillés de leur électron et deviennent positifs (H+) ce qui a pour effet d'infléchir leur trajectoire
vers l'extérieur du cyclotron. Le faisceau de protons (H + ) extrait du cyclotron est guidé vers la
cible placée dans une casemate blindée.
Pour ce qui concerne les radionucléides dont les périodes sont suffisamment longues pour
être produits en un lieu distinct de celui de leur utilisation, les fabrications les plus couramment
utilisées (en 1994) sont les suivantes [1], [2]:
- le thallium 201 produit par irradiation d'une cible solide de thallium enrichie en thallium 203:
thallium 203 (p, 3n) plomb 201 <=> thallium 201 (T =9,4 h)
- 1' indium 111 obtenu en irradiant une cible solide de cadmium enrichie en cadmium 112:
cadmium 112 (p, 2n) indium 111
- le gallium 67 produit par irradiation d'une cible solide de zinc enrichie en zinc 68:
zinc 68 (p, 2n) gallium 67
- l'iode 123 obtenu en irradiant une cible de gaz xénon sous pression, enrichie en xénon 124:
xénon 124 (p, 2n) césium 123 ^ xénon 123 •=> iode 123
(T = 5,9 mn) (T = 2,08 h)
Les isotopes utilisés pour des études métaboliques par tomographie d'émission de positons
(ex.: Service Hospitalier Frédéric Joliot-Curie - SHFJ - d'Orsay ou CICERON à Caen) nécessitent,
compte tenu de leurs périodes courtes, une utilisation sur le lieu de production (cyclotron).
Exemples:
Les jauges d'épaisseur: elles fonctionnent en utilisant les propriétés d'absorption, de diffusion
ou de transmission des rayonnements bêta, gamma ou X. La nature et l'énergie du rayonnement
choisi dépendent de la densité et des épaisseurs de matières à contrôler.
466
Les radionucléides les plus couramment utilisés sont: l'américium 241, le césium 137, le
cobalt 60, le krypton 85, le prométhéum 147, le strontium-yttrium 90 et le thallium 204.
Les caractéristiques des radionucléides utilisés, sous forme de sources scellées, pour ces
usages industriels sont décrites dans le tableau 24.1.
Pour la radiothérapie externe ("téléradiothérapie") c'est le cobalt 60 qui est utilisé presque
exclusivement.
L'iridium se présente sous forme de fils de très petit diamètre (0,3 et 0,5 mm) en platine
iridié qui sont introduits dans des vecteurs (aiguilles, gouttières, tubes plastiques). Le césium est
conditionné sous forme de grains en céramique de quelque millimètres de diamètre. Ces grains sont
introduits dans des gaines métalliques, dans des moules ou dans des tubes de matière plastique.
467
24.3. RADIONUCLEIDES EN SOURCES NON-SCELLEES
Principalement, ce sont les usages médicaux qui ont conduit à utiliser, à des fins de
diagnostic, une très grande variété de radionucléides. La plus ancienne des explorations
fonctionnelles, celle de la thyroïde, utilisait de l'iode 131 progressivement remplacé par le
technétium 99m et l'iode 123 dont la période courte réduit d'un facteur 50 à 100, la dose engagée
associée à l'examen.
Le tableau 24.2 présente quelques caractéristiques des radionucléides utilisés sous forme de
sources non-scellées.
Les usages ont évolué au cours du temps et de nouvelles technologies (cristaux liquides,
substances chimiques photoluminescentes) ont supplanté d'anciennes utilisations.
C'est le polonium 210 qui était principalement utilisé. Cet usage a cessé depuis 1990, en
France [3].
Des incidents se sont produits lors d'altérations de ces sources par des solvants utilisés lors de
nettoyages d'appareils munis de dispositifs antistatiques (imprimantes rapides).
Ils contiennent, dans leur très grande majorité, de l'américium 241. En France, on estime à
environ 5 millions, le nombre de détecteurs installés.
L'uranium a été utilisé pour obtenir des colorations jaune ou vert clair dans des céramiques
ou dans des objets en verre.
468
TABLEAU 24.2. PRINCIPAUX RADIONUCLEIDES UTILISES SOUS FORME DE SOURCES
NON-SCELLEES POUR LE DIAGNOSTIC MEDICAL ET LA RECHERCHE
469
Le thorium entre, pour sa part, dans diverses fabrications, telles que:
- des manchons pour lampes à incandescence à gaz (4 kBq environ par manchon);
- des électrodes en tungstène thorié (à 1,5% environ) pour la soudure électrique des aciers doux et
inoxydables;
- des lentilles optiques pour appareils photographiques chargées en thorium (0,25% en poids);
- des alliages magnésium-thorium (3%) utilisés dans certaines pièces d'avion;
- des pierres à briquet (thorium), etc.
Le rapport du Comité scientifique des Nations Unies publié en 1977 dresse une liste complète
de tous ces biens de consommation qui renferment, en surface ou dans la masse, une charge
radioactive [4].
Si une part importante de ces objets a été remplacée par des produits utilisant d'autres
technologies, la récupération de certains éléments devenus hors d'usage peut poser des problèmes
aux autorités compétentes (Ex.: sources de radium 226 utilisées dans des paratonnerres, pastilles
d'américium 241 de détecteurs de fumée, embouts d'électrodes ou tungstène thorié).
Les 2/3 de ces colis environ concernent les radioisotopes utilisés en médecine nucléaire, pour
le radiodiagnostic. Le 1/3 restant concerne le transport des appareils de gammagraphie, les sources
utilisées à des fins diverses dans l'industrie ainsi que les combustibles irradiés des centrales
nucléaires.
Le nombre de colis étiquetés comme étant radioactifs, produits et transportés en France par
CIS-BIO International est passé de 56 000 en 1980 à 106 000 en 1985, pour atteindre 160 700 en
1993 [5], [6]. La très grande majorité de ces colis sont constitués d'emballages non retournables au
fabricant. Le transport est réalisé en utilisant séparément, ou en les associant, la route, le rail et
l'air (beaucoup plus rarement la mer).
Le transport des combustibles irradiés a commencé en France, à La Hague, en 1966 pour les
combustibles à "Uranium naturel" des réacteurs "Graphite-Gaz" et, en 1973, pour les combustibles
des réacteurs à eau légère. Pour ces derniers types de combustible, le trafic est devenu important à
partir de 1981. De 1973 à 1984, il a été transporté, au total, 3370 tonnes vers La Hague [7]. En
décembre 1992, la quantité totale transportée avait atteint 13144 tonnes. Ceci représentait
pratiquement les 2/3 (65,8%) de l'ensemble des transports de combustibles irradiés opérés vers les
usines ou les entreposages intérimaires européens ("Enerpresse" du 16/07/83).
Le bilan total des doses professionnelles dues aux transports des matières radioactives sous
diverses formes est complexe à réaliser. Les évaluations conduisent souvent à faire des hypothèses,
car nous ne disposons pas toujours des doses délivrées le long d'un périple complexe ("route-air-
route" par exemple) [6]. Une banque de données "EXTRAM" contenant des informations
dosimétriques sur les expositions résultant des transports de matières radioactives est en cours
d'élaboration. Elle devrait permettre de mieux cerner cet impact dosimétrique professionnel.
La figure 24.1 montre que les doses individuelles moyennes et la dose collective ont
progressivement diminué depuis 1983 malgré une augmentation significative du trafic.
470
Le tableau 24.3. montre la part des expositions professionnelles concernant les chauffeurs qui
transportent les colis radioactifs, ainsi que celle concernant les personnels situés à l'interface avec le
transport: les pontiers qui, notamment, recueillent les produits finis et les personnels qui emballent
et étiquettent les collis. La dose collective des chauffeurs a progressivement diminué en valeur
relative de 1984 à 1992.
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Une analyse détaillée montre que les opérations les plus pénalisantes sur le plan dosimétrique
sont, plus que le transport proprement dit, la constitution des lots, avant leur expédition, et leurs
manutentions (chargement et déchargement). A ceci s'ajoute, dans le cas des transports aériens, une
exposition supplémentaire due à la vérification de l'étiquetage réalisée par les compagnies aériennes
en présence du chauffeur.
471
REFERENCES
[1] OLOMBEL, A. Les sources radioactives scellées et les installations industrielles et médicales.
Séminaire SFRP sur la sécurité des sources radioactives scellées et des générateurs
électriques de rayonnements. Saclay (9 et 10 juin 1993)
[2] INGAND J., HEGESEPPE M. Les radioisotopes au service du diagnostic médical. Ed.
Masson. Paris. 224 pages (1975)
[3] VIDAL H. Panorama des utilisations. Séminaire SFRP sur la sécurité des sources
radioactives scellées et des générateurs électriques de rayonnements. Saclay (9 et 10 juin
1993)
[4] COMITE SCIENTIFIQUE DES NATIONS UNIES POUR L'ETUDE DES EFFETS DES
RAYONNEMENTS IONISANTS. Sources et effets des rayonnements ionisants. Publication
des Nations Unies, Vienne (1978)
[5] THUBERT F., RENTIEN G., JACQUET M. Le transport des radioéléments. Revue
Générale Nucléaire, 3, 215-221, (Mai-Juin 1981).
[6] HAMARD J. L'impact radiologique des transports de matières radioactives en France.
Journées sur la maîtrise d'un système de transport de matières dangereuses: le cas des
matières radioactives. SFRP. Paris. (7 et 8 octobre 1986)
[7] LENAIL B. Expérience française en matière de transport de combustibles irradiés. AIE A
Bulletin, (Printemps 1985).
472
CHAPITRE 25. UTILISATION DES RAYONNEMENTS EN MEDECINE
A. Lisbona
INTRODUCTION
Dans les procédures diagnostiques, il doit être mis en oeuvre systématiquement les principes
de justification, d'optimisation et de limitation de la dose [1, 4]; c'est-à-dire que tout acte
diagnostique doit être médicalement justifié et ensuite optimisé pour délivrer la dose la plus faible
possible.
Les rayonnements utilisés en médecine dans un but diagnostique et/ou thérapeutique sont:
25.1. RADIODIAGNOSTIC
Les rayons X employés sont produits dans un tube à vide du type du tube de Coolidge.
L'interaction d'électrons accélérés par une haute tension, produite par un générateur, avec les
atomes d'une cible de numéro atomique élevé donne naissance par rayonnement de freinage à un
spectre de rayons X. La cible est généralement en tungstène (Z = 74) pour la radiologie générale,
en molybdène (Z = 42) pour la mammographie.
La figure 25.1 montre de façon schématique la partie concernant la production des rayons X
d'une installation radiologique.
473
FIG. 25.1. Schéma de principe d'un générateur associé à un tube à rayons X.
Les tensions appliquées aux bornes du tube exprimées en kilovolts (kV) sont numériquement
équivalentes aux énergies photoniques maximales exprimées en keV:
- mammographie de 25 à 40 kV;
- radiodiagnostic dentaire de 50 à 70 kV;
- radiodiagnostic classique de 60 à 150 kV.
L'atténuation d'un faisceau de rayons X varie selon l'épaisseur et le coefficient d'atténuation
linéique des structures interposées entre la source et le détecteur.
En radiologie conventionnelle, on obtient ainsi une projection sur un plan de détection des
structures étudiées. L'image permet aisément de distinguer les structures aériennes, la graisse, les
tissus mous et les os; elle est rendue visible par l'emploi:
- d'un film radiographique, lequel est le plus utilisé; des écrans renforçateurs inclus dans la
cassette contenant le film permettent d'augmenter la sensibilité du film.
La figure 25.2 montre les conditions pratiques de réalisation des examens en radiologie.
474
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Radiographie Radioscopie
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Le tableau 25.1 présente, pour la plupart des examens pratiqués en radiologie, les niveaux
des doses absorbées par le patient [2]. Il faut néanmoins préciser qu'il existe une énorme variabilité
du niveau de dose absorbée par le patient pour un même type d'examen entre les centres de
radiologie; cette variabilité est due autant à la pratique médicale qu'à l'équipement radiologique.
TABLEAU 25.1. DOSES ABSORBEES PAR LES PATIENTS AU COURS DES PRINCIPAUX
EXAMENS PRATIQUES EN RADIOLOGIE [2].
Dose en mGy
Examen mi-épaisseur ovaires testicules thyroïde cristallin
Crâne 4,5 (0,6)* 18,0
Rachis cervical 3,8(1,3)*
Rachis dorsal 8,0 (0,55)* <0,l <0,l
Rachis lombaire 10,5 (1,25)* <0,l <0,l
Hystérographie 10,5 (1,0)*
Thorax 1,03 0,07
Lavement baryte 22,0 (2,0)* 4,3 2,1
Transit gastro-duodénal 16,0 (2,4)* 3,3 1,6
Rachis lombo-sacré 10,5(1,1)* 10,5(1,1)* 0,7
Bassin 3,6 (0,4)* 3,6 (0,4)* 17,5(1,9)*
Abdomen sans réparation 3,6 (0,50)* 3,5 < 0,01
Urographie intraveineuse 19,5(1,1)* 19,5(1,1)* 70,0 (3,9)*
Mammographie 1,5**
Scanographie 2,5 - 48,0 **
* Dose délivrée au cours du temps de radioscopie.
** Dose par cliché pour la mammographie, dose par coupe pour la scanographie
475
25.1.2.2. La radiologie interventionnelle
Bien que représentant un pourcentage très faible des examens radiologiques pratiqués, les
examens mettant en oeuvre la radiologie interventionnelle tels que l'angioplastie artérielle et
veineuse, l'embolisation viscérale et périphérique, l'endoprothèse vasculaire, délivrent des doses
cutanées extrêmement élevées, jusqu'à plusieurs dizièmes de grays voire quelques grays, au patient
et également au personnel médical qui n'a pas toujours conscience des problèmes de
radioprotection.
25.1.2.3. La mammographie
La mise en place des campagnes de dépistage du cancer du sein dans les pays industrialisés
avec la réalisation d'examens mammographiques systématiques pour les femmes dans les classes
d'âge 49 - 69 ans augmente de façon significative la dose équivalente au niveau de la population
(les examens mammographiques contribuent pour 5 % à la dose collective de la population suédoise
due aux seuls examens radiologiques, bien que délivrant une dose individuelle relativement faible,
de l'ordre du mGy).
25.2.1. Diagnostic
Les explorations fonctionnelles in vivo par les radionucléides artificiels utilisés sous forme
de sources non-scellées ont pour but, le plus souvent, d'évaluer la concentration radioactive
présente à un moment donné ou son évolution en fonction du temps dans un organe. Dans ce cas la
radioactivité est directement administrée au patient et le traceur doit être caractéristique de l'organe
à étudier. Le produit radioactif doit être un émetteur gamma ayant une énergie comprise entre 70 et
400 keV afin de pouvoir réaliser une détection externe, les rayonnements particulaires étant
absorbés totalement dans les tissus.
L'appareil de base d'un service de médecine nucléaire est la gamma caméra dont le principe
est décrit sur la figure 25.3.
Les doses absorbées [3] au cours de ces procédures diagnostiques (tableau 25.2) et/ou
thérapeutiques sont liées aux activités administrées et sont exclusivement obtenues à partir du calcul
et généralement par application de la méthode dite du M.I.R.D. (Medical Internal Radiation Dose
Committee).
476
TABLEAU 25.2. DOSE EFFICACE DELIVREE AU PATIENT PAR EXAMEN POUR LES
PRINCIPAUX EXAMENS DIAGNOSTIQUES PRATIQUES EN MEDECINE NUCLEAIRE.
La cible de choix pour ce type de traitement est souvent multifocale ou diffuse, ou difficile à
définir d'un point de vue morphologique.
Ici le but recherché est de délivrer une dose importante permettant d'obtenir la stérilisation
d'une tumeur maligne par l'administration d'un radiopharmaceutique.
Le principal (quasiment unique) radionucléide utilisé en radiothérapie interne est I'131I pour le
traitement d'affections thyroïdiennes. La littérature rapporte que les activités administrées (tableau
25.3 peuvent varier par exemple jusqu'à un facteur 20 dans le cas du traitement d'une tumeur
cancéreuse de la thyroïde. A un degré moindre 32 P, 153mSm, 89Sr sont utilisés pour le traitement de
la douleur des métastases osseuses diffuses [4].
477
TABLEAU 25.3. ACTIVITES MOYENNES ADMINISTREES PAR LES
RADIOPHARMACEUTIQUES EN RADIOTHERAPIE INTERNE AU ROYAUME - UNI.
(1981 - 1985) [4].
25.3. RADIOTHERAPIE
En radiothérapie externe l'objectif recherché est de délivrer une dose de rayonnement très
élevée au patient dans le but de stériliser la tumeur dont il est porteur.
En radiothérapie externe, une source externe de rayonnements est dirigée vers le patient.
Pour le traitement des tumeurs profondes on utilise plutôt les rayons gamma d'une source scellée de
^ C o et les rayonnements X de haute énergie (de 4 MV à 25 MV) produits par un accélérateur
linéaire de particules (électrons). Pour les lésions plus superficielles et généralement en complément
de l'utilisation des photons, il peut être fait appel aux rayonnements électroniques (d'énergie
comprise entre 3 MeV et 25 MeV) fournis également par un accélérateur linéaire de particules.
Pour le traitement des lésions cutanées relativement étendues les rayons X sont utilisés (de 50 kV
jusqu'à 250 à 300 kV). La figure 25.4 montre l'atténuation de faisceaux de photons d'énergie
différente.
Rendement en profondeur %
100-
40-
20-
:
\
h
i \l00kV
\
^ =
^ ^ ^ ^ 2 5 MV
— 6MV
0- • * i ' *
() 5 10 15 20 25 30 35
cm d'eau
478
25. 3.2. Curiethérapie
En curiethérapie, une ou plusieurs sources scellées sont placées à l'intérieur d'une cavité du
corps du patient (application intracavitaire ou intraluminale) ou implantées dans une tumeur
(application interstitielle). Les sources habituellement utilisées sont I37Cs et 192Ir pour les
applications à bas débit de dose, Co et Ir pour les applications à haut débit de dose. Dans ce
dernier cas et également pour les applications gynécologiques utilisant le 137Cs, étant donné la forte
activité de ce type de source, la mise en place des sources se fait à l'aide d'un appareil permettant
le chargement différé des sources radioactives dans le patient pour des raisons de radioprotection.
Les protocoles de traitement des cancers par radiothérapie sont relativement standardisés et
permettent de délivrer les doses aux volumes cibles que l'on peut voir dans le tableau 25.4.
25A. CONCLUSION
Le tableau 25.5 montre clairement que dans le cas des examens diagnostiques, c'est la
radiologie qui délivre la dose équivalente la plus importante. Le tableau 25.5 montre également que
dans le cas des traitements thérapeutiques c'est la radiothérapie qui est de loin la principale source
d'irradiation artificielle de la population mondiale [4].
479
REFERENCES
480
CHAPITRE 26. LES USAGES INDUSTRIELS DES RAYONNEMENTS
J-Cl. Zerbib
Les radionucléides présentent des propriétés fondamentales qui ont suscité des utilisations
nombreuses et variées.
Ces propriétés spécifiques, qui font l'objet d'utilisations très variées, sont mises en œuvre
dans plusieurs domaines, qu'il s'agisse de la recherche fondamentale et appliquée (biologie,
pharmacologie, médecine, sciences de la terre, etc.) ou d'activités dites "industrielles".
Il existe, en France, environ 850 appareils utilisés en gammagraphie [1]. La grande majorité
d'entre eux est équipée d'une source d'iridium 192 dont l'activité initiale maximale est de 4,4 TBq
(120 curies). Ils permettent le contrôle de pièces métalliques n'excédant pas 80 mm d'acier.
26.2. LA LUMINESCENCE
L'excitation de certaines substances chimiques par des particules alpha ou bêta peut entraîner
une émission de lumière dans le domaine visible.
Historiquement, le radium 226 a été employé vers les années 1910 en étant mélangé à du
sulfure de zinc. Son usage dans la peinture des cadrans lumineux (horlogerie, indicateurs divers de
tableaux de bord d'avion, etc.) s'est poursuivi jusqu'en 1966, date à laquelle de nombreux pays ont
interdit de tels usages. Cette utilisation a d'ailleurs provoqué des atteintes professionnelles graves
(sarcome osseux) dues à l'incorporation de radium 226.
481
émetteurs bêta de faible énergie, les activités mises en jeu sont significativement différentes. Pour
produire la même luminescence qu'une unité d'activité de radium 226, il faudra utiliser 170 unités
de 147Pm ou 5 000 unités de 3 H.
L'affichage à cristaux liquides, pour l'éclairage des montres notamment, a réduit très
significativement l'emploi de ces peintures luminescentes. Cependant, elles sont encore utilisées
pour le repérage d'objets divers (boussole, couteau de survie, etc.) et pour des signalisations qui
doivent être visibles sans faire appel à une source d'énergie électrique (sorties de secours, par
exemple).
Les radionucléides sont souvent utilisés pour une ou deux propriétés fondamentales: l'identité
de comportement chimique avec l'élément stable utilisé et la possibilité de repérer la position du
produit incorporé, par exemple par une plante ou un mammifère. Dans d'autres cas, le
radionucléide est utilisé comme "marqueur" d'une autre molécule. L'émission de rayonnement de
cette molécule marquée permet un suivi à l'instar de ceux qui s'opèrent pour une bête, relâchée
dans son milieu naturel, après l'avoir munie d'un émetteur radio.
C'est principalement le cobalt 60 et le césium 137 qui ont été retenus pour constituer les
sources radioactives qui équipent les différents irradiateurs utilisés en laboratoires ou à des fins
industrielles.
Si l'énergie gamma et la période radioactive du césium 137 (Ey = 0,662 MeV émis à 85,2%,
période = 30,15 ans) sont attrayantes, la forme chimique sous laquelle ce radionucléide est
généralement disponible pose des problèmes de sûreté. En effet, c'est principalement sous forme de
chlorure de césium (soluble dans l'eau) que cet élément est produit.
En compactant les cristaux pour en faire une céramique, on confère à la source une tenue
mécanique suffisante pour éviter la dispersion de la matière en cas de détérioration de l'enveloppe
de la source scelléea. Néanmoins, la solubilité dans l'eau du chlorure de césium reste, du point de
vue de la sûreté, un obstacle majeur à son utilisation dans les irradiateurs industriels (impossibilité
de stocker les sources sous eau).
C'est donc surtout le cobalt 60 (Ey = 1,17 et 1,33 MeV chacun émis à 100%,
période = 5,27 ans) qui équipe les gros irradiateurs industriels. L'activité totale des sources
utilisées varie entre 1,85. 1016 et 7,4. 1016 Bq (500 kCi et 2 MCi).
a
II existe, en effet, une recommandation de l'AIEA qui précise : "la partie active doit être sous une forme
chimique aussi stable que possible, sa forme physique sera telle qu'en cas de rupture de l'enveloppe, le
radioisotope ne devra pas pouvoir se disperser. "
482
26.4.1. L'irradiation des aliments
L'irradiation des matières plastiques se traduit, suivant la matière utilisée et la dose délivrée,
par quatre types d'actions:
- la polymérisation qui consiste à fabriquer une longue chaîne carbonée à partir d'un monomère
irradié (création de radicaux libres). Le développement de cette technique est important;
- le greffage qui permet d'obtenir un copolymère composé de chaînes chimiquement différentes,
ou "d'accrocher" à un polymère des monomères ou des petites molécules;
II est ainsi possible de combiner, sur un produit unique, des propriétés appartenant à des
composants distincts. Cette technique est très utilisée dans la fabrication de certains textiles ou
de "biomatériaux" (prothèses) notamment;
- la dégradation: l'irradiation, à des doses élevées, produit des ruptures de chaînes de certains
polymères et abaisse ainsi la masse moléculaire. Ceci s'accompagne généralement d'une
détérioration des caractéristiques mécaniquesa;
- la reticulation: à des doses plus faibles que celles qui provoquent la dégradation, de nouvelles
liaisons peuvent être créées entre les chaînes moléculaires et leur donner ainsi une structure
tridimensionnelle. L'accroissement de la masse moléculaire qui en résulte s'accompagne
généralement d'une modification positive de certaines propriétés (augmentation de la qualité des
isolants électriques, stabilité thermique et mécanique accrue, résistance plus grande aux solvants,
etc.). C'est avec le polyethylene notamment que l'on a vu les applications industrielles les plus
importantes;
De nouvelles caractéristiques ont été trouvées, comme celle des matériaux thermorétractables
[3, 8].
a
Dans le cas du "téflon" (polytétrafluoroéthylène), cette radio-dégradation est utilisée pour récupérer des
déchets et fabriquer une poudre fine par broyage du produit devenu cassant. Cette poudre de téflon est
réutilisée pour ses propriétés lubrifiantes ou pour faire les films minces de téflon.
483
26.4.3. Les autres usages du traitement par irradiation
Les boues de traitement des eaux peuvent être réutilisées comme engrais après avoir été
désinfectées par irradiation (cobalt 60 ou rayonnement de freinage).
Pour être conservés, des objets d'art anciens en bois, des pièces archéologiques, ou des bois
longtemps immergés et gorgés d'eau sont désinfectés en profondeur puis imprégnés sous vide par
une résine liquide radiodurcissable. En polymérisant, elle confère aux objets une bonne résistance
mécanique. Cette technique s'applique également à des objets sculptés dans une pierre calcaire.
En France, ces procédés, appliqués à la rénovation d'objets d'art, sont surtout mis en œuvre
au Centre d'études de Grenoble du CEA. Ces techniques qui ont fait l'objet de nombreux
développements [9] sont connues sous le nom de NUCLEART.
L'irradiation peut induire dans certains verres des colorations qui dépendent de la
composition chimique du verre, et une intensité de couleur qui augmente avec la dose délivrée [10].
Cette propriété est utilisée principalement pour colorer des flacons en parfumerie.
Si les rayonnements gamma émis par le cobalt 60 permettent de traiter des matières dont
l'épaisseur se mesure en dizaines de centimètres, les accélérateurs d'électrons sont utilisés
généralement pour irradier des produits de faible épaisseur massique (inférieure ou égale à
l'équivalent d'un centimètre d'eau) tels que: des épices, des plantes médicinales, des ingrédients
secs alimentaires, du petit matériel médical à usage unique, etc. L'irradiation en double face, par
retournement du produit, est parfois nécessaire du fait de la diminution de la dose délivrée en
profondeur.
En arrêtant les électrons sur une cible de tungstène pour produire une source de photons par
"rayonnement de freinage", les accélérateurs peuvent traiter alors, à l'instar des irradiateurs au
cobalt 60, des produits de forte épaisseur.
- de fabriquer du ruban adhésif par polymérisation, effectuée sous gaz inerte, d'un film plastique;
- de "sécher" de l'encre à la sortie de rotatives d'imprimerie à fort débit, par une action de
polymérisation;
- de réaliser le collage d'un film mince de polyethylene sur les faces d'une feuille d'aluminium.
Le "sandwich" thermosoudable ainsi réalisé, qui assure l'étanchéité aux gaz, à l'eau et à la
lumière, permet de nombreux usages dans l'industrie alimentaire.
Les irradiateurs au cobalt 60 ou les accélérateurs munis d'une cible de tungstène sont utilisés
pour:
484
- la vulcanisation du caoutchouc par irradiation qui permet d'assurer un pontage direct sans
produit intermédiaire [11] (habituellement, la vulcanisation est réalisée par pontage des chaînes
carbonées au moyen d'atomes de soufre);
- la stérilisation des déchets hospitaliers. Cette technique, qui concerne également les
établissements vétérinaires et les abattoirs, est en cours de développement;
- la consolidation de bois imprégnés de résine monomère radiodurcissable. Avec ces "bois-
plastiques", on réalise notamment des lames de parquet destinées à être collées ensuite sur les
sols en ciment.
C'est sous forme de sources scellées, incorporées dans des "jauges" destinées principalement
à la mesure de densité, de masse surfacique, de niveau, ou d'épaisseur que les radionucléides sont
le plus utilisés dans l'industrie.
Ceci représente, en France, en 1992, un parc de 10 400 appareils pour 2 240 utilisateurs [1].
Dans certains cas, le radionucléide est incorporé à un matériau ou à un dispositif dont on veut
mesurer l'usure: outil de coupe, roulement à billes, four à fusion, etc.
REFERENCES
[1] VIDAL. H. Panorama des utilisations. Séminaire SFRP sur la sécurité des sources
radioactives scellées et des générateurs électriques de rayonnements". Saclay (9 et 10 juin
1993)
[2] OLOMBEL, A. Les sources radioactives scellées et les installations industrielles et médicales.
Séminaire SFRP sur la sécurité des sources radioactives scellées et des générateurs
électriques de rayonnements. Saclay (9 et 10 juin 1993)
[3] CENTRE DE PROSPECTIVE ET D'ETUDE. Us applications industrielles des
rayonnements. Ed. Innovation 128, 24, rue du Quatre Septembre 75002 PARIS - (1992)
[4] HENON, Y., SAINT-LEBE,L. Les traitements ionisants: contributions potentielles à l'hygiène
alimentaire. Revue Française de Santé Publique - 24, pp. 57-61 (1983)
[5] GALLŒN, C L . , S AD AT, T. La conservation des aliments par ionisation. Le Concours
Médical pp. 3843-3845 (1er octobre 1983)
[6] SAINT-LEBE, L., R A F H , J., HENON, Y. Le traitement ionisant des denrées alimentaires.
Efficacité et absences de risques pour l'homme. Rapport CEA-R 5162, Saclay (mars 1982)
[7] SAINT-LEBE, L., R A F F I J . Le traitement ionisant des produits alimentaires. Meeting of the
South French working group in nuclear médecine, Nice (1983)
[8] COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE. Les radioéléments et leurs utilisations.
Série Synthèses. Ed. Eyrolles, (mai 1980)
485
[9] RAMIERE, R. Protection de l'environnement culturel par les techniques nucléaires.
Conférence internationale sur les applications industrielles de la technologie des radioisotopes
ou des rayonnements. AIEA . Grenoble, (28 septembre - 2 octobre 1981)
[10] PRASIL, Z., MARLIND, T. Radiation coloration of glass: state of the art. Bêta-Gamma, 4,
pp. 11-12,(1991)
[11] MAKKUCHI, K., MARKOVIC, V. Le radiotraitement du latex de caoutchouc naturel. AIEA
Bulletin, 1, pp. 25-28, (1991)
486
CHAPITRE 27. AUTRES E X P O S I T I O N S
P. Verger
Bien que les opérations d'extinction du réacteur aient rapidement été entreprises (5000 tonnes
de sable, de plomb, de bore et de dolomite déversées sur le réacteur; injection d'azote liquide sous
le coeur), les rejets vont durer 10 jours. Du fait des changements météorologiques durant cette
période, les modalités de dispersion du nuage sont complexes. On peut distinguer, grossièrement,
trois panaches [3]:
- panache A (rejets du 26 avril): direction vers le nord et arrivée sur la Suède et la Finlande le 27
avril;
- panache B (rejets du 27-28 avril): direction vers la Pologne et l'ex-RDA (28 avril), puis
l'Europe centrale et l'Italie du Nord (29-30 avril) et enfin, la France, l'Espagne, la Belgique, les
Pays Bas et la Grande Bretagne (1-2 mai);
- panache C (rejets du 29-30): direction vers l'Europe du sud; il atteint le nord de la Grèce le 2
mai. Une augmentation d'activité a également été enregistrée en Israël, au Koweït et en Turquie
au début du mois de mai. L'extension à longue distance ne s'est produite que dans l'hémisphère
nord.
Diverses estimations sur le terme-source sont présentées au tableau 27.1 [4]. L'activité totale
rejetée au cours des dix jours est estimée par les soviétiques avec une incertitude de ± 50 %, à
environ 1 850 PBqa, soit 50 MCib, gaz nobles exclus, et environ 3 700 PBq (100 MCi), gaz nobles
inclus. Des experts d'autres pays proposent des estimations plus pessimistes, notamment les experts
japonais qui estiment l'activité totale rejetée à 130 MCi [4]. Dans certains endroits, les dépôts de
radionucléides ont été intensifiés par des pluies sporadiques, au moment du passage du nuage. Sur
les trois républiques, un territoire de 28 200 km2 , comprenant environ 800 000 habitants, a été
contaminé à un niveau égal ou supérieur à 185 kBq.m 2 (5 Ci.km'2) (5 ) [5].
a
1 PBq = 10 15 Bq
b
1 MCi = 106 Ci
487
Les radionucléides ayant principalement contribué à la dose sont, dans les deux-trois premiers
mois, l'iode-131 et les iodes à vie courte et pour la suite, le césium-137, le césium-134 et dans
certains endroits, le strontium-90. L'estimation des doses individuelles n'est pas aisée car de
nombreuses données concernant les mesures effectuées dans l'environnement ou dans la population
ainsi que les méthodes employées n'ont pas été publiées ou seulement partiellement. Les données
sur les doses reçues par la population sont donc parcellaires. Les estimations de dose qui suivent
n'indiquent donc qu'un ordre de grandeur. Elles ont, le plus souvent, été établies pour des groupes
et ne tiennent pas compte des caractéristiques individuelles intéressantes sur un plan
épidémiologique et/ou dosimétrique (par exemple l'âge au moment de l'exposition).
Une évaluation internationale par des scientifiques mandatés par les Nations Unies
(International Chernobyl Project) a été effectuée en 1990 à la demande des autorités de l'ex-Union
Soviétique. Cette évaluation, réalisée dans 7 communautés sélectionnées dans les zones strictement
contrôlées (contamination supérieure ou égale à 555 kBq.m"2, soit 15 Ci.km"2) a permis de montrer
que les estimations de doses effectuées par les experts soviétiques étaient surévaluées d'un facteur
2 à 3 [1].
Doses efficaces
Les estimations respectives des experts internationaux [AIEA 1991] et des experts de l'ex-
Union Soviétique concernant les doses reçues dans les zones de contamination supérieure à
555 kBq.km"2 figurent dans le tableau 27.2.
La dose moyenne due à l'irradiation externe chez les personnes évacuées de la zone des
30 km, a été estimée à 140 mSv [6]. Plus d'un tiers de ces personnes aurait reçu des doses
supérieures à 0,4 Gy [7]. Toutefois, des estimations plus récentes effectuées chez 90 000
Ukrainiens évacués dans les premières semaines après l'accident, fournissent des valeurs plus
faibles: la dose moyenne par irradiation externe gamma a en effet été évaluée à 15 mSv, les doses
individuelles variant entre 0,1 et 383 mSv [8]. En ce qui concerne les liquidateurs, c'est-à-dire les
488
quelques centaines de milliers de personnes qui ont travaillé sur le site accidenté, 30 à 50 % d'entre
eux auraient reçu des doses comprises entre 0,1 et 0,25 Gy et 10 % une dose supérieure à
0,25 Gy [1].
Doses à la thyroïde
Des mesures directes d'activité à la thyroïde ont été effectuées après l'accident dans les trois
pays. Elles n'ont pris en compte que l'iode 131. On ne dispose pas d'information directe sur la
contribution des iodes à vie courte à la dose à la thyroïde. Pourtant, des évaluations effectuées à
partir du terme source et de mesures environnementales laissent à penser que leur contribution
pourrait être relativement importante [9]. Par ailleurs, les doses à la thyroïde sont en moyenne plus
élevées chez les enfants âgés de moins de sept ans que chez l'adulte, d'un facteur 2,5 à 10 [9,1].
Des estimations de doses à la thyroïde pour différents groupes de population et différents pays
figurent au tableau 27.3.
Parmi les enfants de la zone des 30 km, 6000 auraient reçu des doses supérieures à 2 Gy [1].
Sur la première année, la dose corps entier pour l'ensemble de ces pays est en moyenne de
0,2 mGy, alors que dans les régions qui ont été les plus fortement contaminées - Italie du Nord,
Sud de l'Allemagne, Autriche et Grèce - elle est estimée à 0,5 à 1 mGy. Sur la vie entière, en fait
une durée de 50 années, certains estiment que la dose moyenne serait multipliée par trois. En ce qui
concerne les doses moyennes à la thyroïde dans la population générale elles sont comprises, pour la
première année, entre 0,1 et 0,4 mGy dans les pays les moins contaminés et entre 0,5 et 3,0 mGy
dans les pays les plus contaminés. Chez les enfants, elles sont plus élevées d'un facteur 5 à 10 [7].
Elle est évaluée à 600 000 h.Sv, dont 36 % dans les pays de la CEI, 53 % dans le reste de
l'Europe, 8 % en Asie, 2 % en Afrique et 0,3 % en Amérique [3].
L'activité rejetée dans l'environnement fut relativement faible: 90-400 PBq (soit 2,5-10 MCi)
de xénon-133 et de 500-1000 GBqa d'iode-131 (15-30 Ci) [12,13]. La dose individuelle moyenne
dans la population vivant dans les 80 km autour du site (un peu plus de 2 millions de personnes) a
a
1 GBq = 109 Bq - lTBq = 1012 Bq
489
été estimée à environ 15 uSv, c'est-à-dire très en dessous de la dose annuelle due à l'irradiation
naturelle. La dose individuelle maximale a été estimée à 850 uSv et la dose collective totale à
40 h.Sv [6].
L'accident de Windscale
Cette centrale militaire est située dans le comté de Cumbria, à quelques km du village de
Seascale (Royaume-Uni). Un incendie s'est déclaré au niveau du coeur du réacteur n° 1, le 10
octobre 1957, entraînant un rejet de radioactivité par une cheminée de 120 mètres de haut pendant
23 heures. La radioactivité s'est dispersée sur l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Europe du Nord.
L'estimation du terme-source figure au tableau 27.4. L'iode 131 fut le radionucléide dominant dans
la situation radiologique et a nécessité la mise en place de mesures de protection (interdiction de la
consommation de lait dans une zone de 520 km2). Dans les zones de dépôt maximum, entre 3 et 6
km du site, les niveaux de contamination dus aux dépôts d'iode 131 ont atteint 370 kBq.m-2
(10 Ci.km"2).
La dose engagée collective a été estimée à 2000 h.Sv, dont 1900 h.Sv pour le Royaume-Uni,
150 h.Sv pour le comté de Cumbria et le reste en Europe. Les principaux isotopes ayant contribué à
cette dose sont par ordre décroissant l'iode 131, le polonium 210 et le césium 137. Les doses
individuelles à la thyroïde observées dans les zones de dépôt maximum sont d'environ 15 mSv pour
les adultes et environ deux fois plus élevées chez les enfants. La dose à la moelle osseuse en 1957
pour les enfants nés dans le village de Seascale a été évaluée à 420 uGy [14].
L'accident de Kysthym
II s'est produit dans le premier complexe nucléaire, construit dans l'ex Union Soviétique,
dans le sud de l'Oural, pour la fabrication du plutonium à des fins militaires. Kysthym est le nom
d'une ville située à 15 km à l'ouest de ce complexe. Durant les premières années d'exploitation,
entre 1949 et 1956, l'équivalent de 100 PBq d'effluents liquides de moyenne et haute activité ont
été rejetés dans un système de lacs naturels drainés par la rivière Tetcha. A partir de 1951, les
effluents furent également stockés dans un lac fermé, le lac Karachai, soit 4 440 PBq [16]. Des
rejets atmosphériques de radioactivité ont également été effectués durant les dix premières années
d'exploitation.
L'accident lui-même est survenu en 1957 sur un réservoir de stockage de produits de fission à
haute activité qui, du fait d'un défaut de refroidissement, a explosé, provoquant un rejet de
radioactivité dans l'atmosphère - entre 74 et 740 PBq selon différents auteurs [17,18]. Un territoire
de 15 000 à 27 000 km2 a été contaminé à plus de 3,7 kBq.km'2 (0,1 Ci.km'2) en strontium-90,
touchant ainsi près de 270 000 personnes. 120 km2 ont été contaminés à plus de 3 700 kBq.m"2
(100 Ci.km"2). Le radionucléide ayant principalement contribué à la dose est le strontium-90. Les
490
informations concernant les doses individuelles et collectives ainsi que les conséquences sont encore
très parcellaires. De plus, l'évaluation des doses reçues par la population est compliquée par le fait
qu'il faut tenir compte à la fois de l'exposition due aux rejets de l'accident et aux rejets en
fonctionnement "normal" pendant les premières années d'exploitation. 1000 personnes évacuées des
zones les plus fortement contaminées auraient reçu une dose moyenne efficace de 520 mSv [17,18].
La dose moyenne efficace chez les personnes vivant dans les zones contaminées à 37-74 kBq.m"2 a
été estimée à 25-50 mSv [16]. La dose collective due à cet accident est évaluée à 1 300 h.Sv chez
les personnes évacuées et à 1 200 h.Sv chez les personnes non évacuées [6].
En dehors des accidents survenus sur des installations nucléaires, il existe d'autres types
d'accidents comme la perte ou la dissémination d'une source radioactive à usage médical ou
scientifique. L'exemple type est l'accident de Goiânia (Brésil) [19]. Cet accident s'est présenté
initialement comme un épisode épidémique: en effet, entre le 21 et le 28 septembre 1987, plusieurs
personnes ont été hospitalisées dans l'hôpital spécialisé des maladies tropicales de la ville de
Goiânia pour des symptômes similaires: troubles digestifs, vertiges et lésions cutanées localisées.
Ces troubles ont tout d'abord été attribués à une maladie parasitaire fréquente au Brésil. En réalité,
ils étaient dus à l'exposition à une source de césium 137 récupérée par des ferrailleurs dans un
appareil de téléthérapie laissé à l'abandon dans une clinique déaffectée depuis 1985. L'activité
totale de cette source, lorsqu'elle fut démantelée le 10 septembre 1987, était d'environ 50 TBq
(1 375 Ci). Les ferrailleurs avaient séparé la source de césium de son enveloppe de protection et
montré cette substance insolite - poudre émettant la nuit une lueur bleue - à de nombreuses
personnes. Ils l'ont ensuite revendue ou donnée par petits fragments et l'ont ainsi progressivement
dispersée. Au total, plus de 110 000 personnes ont été examinées et 129, dont treize enfants ont été
très sérieusement exposées (exposition interne et externe). 50 personnes ont été hospitalisées dont
14 pour insuffisance médullaire et 4 sont décédées, dont un enfant âgé de 6 ans. 21 personnes ont
reçu des doses supérieures à un gray et pour certaines d'entre elles, des doses atteignant plusieurs
gray. La dose collective a été évaluée à 60 h.Sv [6].
Citons, pour mémoire, d'autres accidents radiologiques survenus dans des circonstances
similaires ou différentes:
- Juarez (Mexique, 1984): source de cobalt-60 récupérée par des ferrailleurs sur un appareil de
téléthérapie: 5 personnes ont reçu une dose comprise entre 3 et 7 Sv, 75 une dose comprise
entre 0,25 et 3 Sv et 720 une dose de 5 à 250 mSv; la dose collective a été évaluée à 150 h.Sv
[20];
- Xinzhou (Chine, 1992): sources de cobalt-60 à usage industriel laissées à l'abandon dans un puit
et découvertes plusieurs années après par un ouvrier qui en emporte chez lui; 3 décès et
probablement 12 personnes exposées à des doses comprises entre 1,2 et 2,3 Gy [21];
- Mohammedia (Maroc, 1984): source d'iridium-192 utilisée pour faire des radiographies de
soudures dans le bâtiment, détachée de son enveloppe protectrice et ramassée par un passant
dans la rue; 8 décès (une famille entière); doses comprises entre 8 et 25 h.Sv; dose collective
reconstituée d'environ 80 h.Sv [6].
Il existe également des accidents dus au transport aérien d'armes nucléaires, 14 en tout, dont
les plus connus sont ceux survenus en 1966 à Palomares (Espagne) et en 1968 à Thule (Grèce),
avec rejet de plutonium 239. Des armes et des réacteurs ont également été perdus en mer (48 armes
et 11 réacteurs enregistrés). Enfin, la réentrée de satellites dans l'atmosphère terrestre est également
une source de dispersion de radioactivité. Les doses collectives résultant notamment de la réentrée
du satellite SNAP-9A en 1964 et de celle du satellite Cosmos 954 en 1978 ont été évaluées à 2100
et 20 h.Sv respectivement [6].
Les essais nucléaires atmosphériques ont débuté en 1945 et ont cessé en 1980, avec, entre ces
deux dates, des périodes de tirs intenses: 1952-1954, 1957-1958 et 1961-1962. Au total 520
491
explosions ont été effectuées dont 8 sous l'eau, soit l'équivalent de 545 Mégatonnes de TNT. Deux
types d'engins doivent être distingués: ceux dont l'énergie est dégagée par la réaction de fission
d'isotopes lourds (uranium-235 et plutonium-239) et ceux utilisant la réaction de fusion entre des
isotopes de l'hydrogène (deuterium et tritium). Pour déclencher cette dernière, l'énergie requise est
importante si bien qu'en pratique un engin de fission est utilisé en premier lieu. Les réactions de
fission produisent tout le spectre des radionucléides et les réactions de fusion ne créent, en principe,
que du tritium. Mais la réaction de fusion entraîne également la production en quantité importante
de produits dits d1 activation par interaction des neutrons avec les matériaux environnants. Un des
produits d'activation les plus importants est le carbone-14. Les estimations des quantités totales de
quelques uns des principaux radionucléides produits et dispersés sont fournies, à titre indicatif, au
tableau 27.5 [6]. La dose efficace engagée est essentiellement due à l'irradiation externe par les
dépôts et à l'irradiation interne par ingestion. Son calcul a été effectué pour l'hémisphère Nord et
l'hémisphère Sud dans la bande de latitude 40°-50°, en tenant compte de la répartition de la
population (89 % dans l'hémisphère Nord et 11 % dans l'hémisphère Sud). La dose efficace
engagée individuelle moyenne due aux retombées des essais atmosphériques est estimée à 4,4 mSv
dans l'hémisphère nord, 3,1 mSv dans l'hémisphère sud et 3,7 mSv pour la population mondiale
[6].
Les trois plus importantes contributions à la dose efficace engagée pour la population
mondiale sont dues au carbone 14 (70 %), au césium 137 (13 %) et au strontium 90 (3 %).
L'ingestion contribue à 80 % de la dose totale. Il faut remarquer que la dose due au carbone-14 est
délivrée sur une très longue période: 5 % sur les 100 premières années et 71 % sur les 104 années
suivant les rejets. La dose collective à la population mondiale est évaluée à 30 106 h.Sv, dont
90,7 % par ingestion et 86 % due au carbone 14.
Les populations vivant près des sites où les essais étaient conduits ont été exposées aux
retombées locales et ont reçu des doses plus importantes que les doses moyennes ci-dessus. Les
doses collectives pour différents sites figurent au tableau 27.6. Sur le site américain du Nevada,
près de 100 essais de surface ont été conduits entre 1951 et 1962. L'effectif de la population
résidant à proximité du site est évalué à 180 000 personnes. Des doses individuelles à la thyroïde
jusqu'à 1 Gy ont été reçues par les enfants. A la suite de tests réalisés par les Etats-Unis à Bikini,
dans le Pacifique, les populations des atolls de Rongelap et Utirik ont été accidentellement
exposées. Les doses à la thyroïde, dues à plusieurs isotopes de l'iode et au tellure 132, ont atteint
plusieurs dizaines de Gy. Sur le site de Semipalatinsk, dans l'ex-Union Soviétique, des essais
atmosphériques ont été conduits entre 1949 et 1962 et des essais souterrains entre 1964 et 1989.
a
1 PBq = 10 15 Bq
492
Environ 10 000 personnes vivant en bordure de ce site ont pu être exposées. Enfin, des essais ont
également été effectués par le Royaume-Uni en Australie, sur les îles Monte Bello et dans le
Mainland, à Maralinga et Emu. Des expérimentations à plus petite échelle ont également eu lieu à
Maralinga et ont entraîné la dispersion de 24 kg de plutonium 239 sur une superficie de plusieurs
centaines de km2. Si ces zones devaient être occupées par des résidents, les doses qui en
résulteraient seraient comprises entre quelques mSv et quelques centaines de mSv.
27.3. SYNTHESE
A partir des différents documents de ce cours sur les sources de rayonnements ionisants, il est
possible de calculer la dose efficace individuelle moyenne pour un individu issu de la population
mondiale et de préciser la part attribuable à chacune de ces sources (tableau 27.7 et figure 27.1).
Pour la population de l'hémisphère Nord, les contributions respectives des sources médicales, des
sources industrielles et des retombées atmosphériques (essais nucléaires et accidents) sont
vraisemblablement plus importantes que pour la population mondiale.
493
Eau&
aliments
FIG. 27.1. Contribution des différentes sources de rayonnements ionisants à la dose efficace
individuelle moyenne par an pour un individu issu de la population mondiale (UNSCEAR 1993).
REFERENCES
494
[9] WILLIAMS D., PINCHERA A., KARAOGLOU A., CHADWICK K.H. Thyroid Cancer in Children
Living Near Chernobyl. Expert panel report on the consequences of the Chernobyl accident.
Commission des communautés européennes, 1993, EUR 15248 EN.
[10] LIKHTAREV, I.A., SHANDALA, N.K., GULJO, C M . , KAIRO, LA., CHEPURNY N.I. Ukrainian
Thyroid Doses after the Tchernobyl Accident. Health Physics, 1993, 64:6, 594-599.
[11] ILYIN, L.A. Public Dose Burdens and Health Effects due to the Chernobyl Accident. In: Actes de la
conférence internationale sur les accidents nucléaires et le futur de l'énergie: leçons tirées de
Tchernobyl, Paris, 15-17 Avril 1991.
[12] DANIELS, R.S. Three Mile Island Assessments. In: Proceedings of the Nineteenth Annual Meeting
6 April, 1983: Environmental Activity. National Council on Radiation Protection and Measurements,
Bethesda, 1983, 83-93.
[13] GERUSKY, T. M. The Acident at Three Mile Island-1979. In: Radionuclides in the food chain. Eds
Harley J.H., Schmidt G.D. and Silini G., Springer-Verlag, Berlin, 1988, 157-171.
[14] GOODWIN, V.R. Conséquences radiologiques et médicales de l'incendie de Windscale en Octobre
1957. In: Actes de la conférence internationale sur les accidents nucléaires et le futur de l'énergie:
leçons tirées de Tchernobyl, 15-17 Avril 1991, Paris.
[15] CRICK, M.J., LINSLEY, G.S. An Assessment of the Radiological Impact of the Windscale Reactor
Fire, October 1957. Int. J. Radiât. Bid., 1984, 46:5, 479-506.
[16] TCHOUKAROV, V.N., VOLOBOUIEV, P.V., DROJKO, E.G. Genèse et conception d'un
programme d'état de la fédération de Russie en matière de réhabilitation radiologique de la région de
l'Oural et de mesures d'aide à la population jusqu'en 1995. Académie des Sciences de Russie,
Département de l'Oural, Institut d'Ecologie Industrielle, Iékatérinbourg, 1993.
[17] NIKIPELOV, B.V., ROMANOV, G.N., BULDAKOV, L.A., BABAEV, N.S., KHOLINA, Y.B.,
MQCERIN, E.I. Accident in the Southern Urals on 29 September 1957. IAEA, INFCIRC/368, 28 July
1989.
[18] BULDAKOV, L.A., DEMIN, S.N., KOSTYUCHENKO, V.A., et al. Medical Consequences of the
Radiation Accident in the Southern Urals in 1957. IAEA-SM-316/55-2, Proceedings of an International
Symposium on Recovery Operations in the Event of a Nuclear Accident or Radiobiological
Emergency, Vienne, 6-10 Nov. 1989.
[19] AGENCE INTERNATIONALE DE L'ENERGIE ATOMIQUE. L'accident radiologique de Goiânia.
Agence internationale de l'énergie atomique, Vienne, 1989.
[20] AGENCE INTERNATIONALE DE L'ENERGIE ATOMIQUE. A Large Scale Co-60 Contamination
Case: Mexico 1984. In: Emergency Planning and Preparedness for Accidents Involving Radioactive
Materials Used in Medicine, Industry, Research and Teaching. International Atomic Energy Agency,
Vienne, 1989.
[21] Accident d'irradiation en Chine, 19 Novembre 1992. Radioprotection, 1993, 28:4, 453-454.
495
PARTIE 6
NEXT PAŒ(S)
CHAPITRE 28. ROLE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES DANS LA
RADIOPROTECTION
Ce document décrit les principales organisations internationales qui jouent un rôle dans le
domaine de la radioprotection. Parmi celles-ci, la Commission internationale de protection
radiologique (CIPR) publie régulièrement des recommandations sur la protection des travailleurs et
du public contre les rayonnements ionisants. Les normes fondamentales internationales de
protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de rayonnement, publiées par
l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et révisées régulièrement, ont pour but
d'harmoniser à l'échelon international les normes de protection et de sûreté radiologiques. Celles
de 1994, prenant en compte les recommandations de la CEPR de 1990 [1], ont été établies sous les
auspices de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE/AEN), l'AIEA, l'Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Organisation internationale du travail (OIT), l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS).
L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a été fondée en
1945. L'un de ses objectifs est de rationaliser la production et la distribution des produits agricoles
et alimentaires. La FAO a principalement pour missions d'exécuter de grands programmes de
conseil et assistance technique dans l'intérêt des agriculteurs; de rassembler, d'analyser et de
diffuser de la documentation; de conseiller les gouvernements en matière de stratégie et de
planification; et de permettre aux gouvernements et aux experts de se rencontrer pour des échanges
de vues sur les questions alimentaires et agricoles. Par des voies très diverses, officielles et
informelles, la FAO conseille et aide les gouvernements de ses Etats Membres pour tous les aspects
de la production, de la distribution et de la consommation de produits agricoles et alimentaires en
fonction des besoins du moment. En 1962, la FAO et l'Organisation mondiale de la santé (OMS)
ont créé la Commission du Codex Alimentarius en vue de protéger la santé des consommateurs et
de garantir des pratiques loyales dans le commerce des denrées alimentaires; de faciliter la
coordination de l'ensemble des travaux et des initiatives des organismes internationaux,
gouvernementaux et non gouvernementaux, en matière de normes alimentaires; d'établir des
priorités dans ce domaine, d'entreprendre et de diriger l'élaboration de projets de nonnes par
l'intermédiaire et avec l'aide des organismes compétents et de publier ces normes dans un Codex
Alimentarius; et de réviser les normes publiées après une analyse appropriée compte tenu de
l'évolution de la situation.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a été fondée en 1957. L'objectif que
lui fixe son statut est de s'efforcer de hâter et d'accroître la contribution de l'énergie atomique à la
paix, la santé et la prospérité dans le monde entier. L'Agence a notamment pour attribution
d'établir ou d'adopter, en consultation et, le cas échéant, en collaboration avec les organes
compétents des Nations Unies et avec les institutions spécialisées intéressées, des normes de
sécurité destinées à protéger la santé et à réduire au minimum les dangers auxquels sont exposés les
personnes et les biens, de prendre des dispositions pour appliquer ces nonnes à ses propres
opérations, aussi bien qu'aux opérations qui comportent l'utilisation de produits, de services,
d'équipement, d'installations et de renseignements fournis par l'Agence ou à sa demande ou sous sa
direction ou sous son contrôle; et de prendre des dispositions pour appliquer ces normes, à la
demande des parties, aux opérations effectuées en vertu d'un accord bilatéral ou multilatéral ou à la
demande d'un Etat, à telle ou telle des activités de cet Etat dans le domaine de l'énergie atomique.
499
En outre, pour tout projet de l'Agence, ou tout autre arrangement où l'Agence est invitée à
appliquer des garanties, l'Agence a le droit et la responsabilité, dans la mesure où cela concerne ce
projet ou cet arrangement, d'exiger l'application de toutes mesures sanitaires et mesures de sécurité
prescrites par l'Agence et d'envoyer sur le territoire de l'Etat ou des Etats bénéficiaires des
inspecteurs pour s'assurer qu'il n'y a pas violation de ces mesures.
L'Organisation internationale du travail (OIT) a été établie en 1919 pour associer les
gouvernements, les employeurs et les travailleurs en vue d'une action commune en faveur de la
justice sociale et de meilleures conditions de vie partout dans le monde. Il s'agit d'une organisation
tripartite, aux travaux de laquelle les représentants des travailleurs et ceux des employeurs
participent à égalité avec ceux des gouvernements. Organe autonome de la Société des Nations,
l'OIT est devenue en 1946 la première institution spécialisée associée à l'Organisation des Nations
Unies. La protection du travailleur contre les maladies générales ou professionnelles et les accidents
du travail est l'une des missions assignées à l'OIT. L'une des principales caractéristiques de
l'Organisation internationale du travail est, outre sa structure tripartite, son activité dans le domaine
de la normalisation. Une soixantaine de conventions et recommandations internationales portent sur
la protection des travailleurs contre les risques professionnels. En 1949, l'OIT a publié un ensemble
de normes internationales pratiques sur la radioprotection, qui ont été révisées et considérablement
augmentées en 1957 et intégrées à son Manuel de protection contre les radiations dans l'industrie.
En 1960, la Conférence internationale du travail a adopté la Convention n° 115 et la
Recommandation n° 114 concernant la protection des travailleurs contre les radiations ionisantes.
La Convention s'applique à toutes les activités entraînant l'exposition de travailleurs à des
rayonnements ionisants au cours de leur travail et stipule que toutes les mesures appropriées
doivent être prises pour assurer une protection efficace des travailleurs à la lumière de l'évolution
des connaissances. La Recommandation indique d'autre part qu'il faudrait tenir compte des
recommandations formulées de temps à autre par la Commission internationale de protection
radiologique et des nonnes adoptées par les autres organisations compétentes. En 1986, le Conseil
d'administration de l'OIT a approuvé la publication du Recueil de directives pratiques pour la
radioprotection des travailleurs (radiations ionisantes) qui contient des recommandations pour la
mise en oeuvre d'un programme de radioprotection à l'échelon de l'entreprise et tient compte des
dispositions des Normes fondamentales de radioprotection (1982). Certaines autres normes
internationales adoptées par l'OIT dans le domaine du travail ont également trait à la protection des
travailleurs contre les rayonnements ionisants, et notamment la Convention et la Recommandation
sur la prévention et le contrôle des risques professionnels causés par les substances et agents
cancérogènes (1974); la Convention et la Recommandation concernant la protection des travailleurs
contre les risques professionnels dus à la pollution de l'air, au bruit et aux vibrations sur les lieux
de travail (1977); et la liste des maladies professionnelles annexée à la convention sur les
prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles (1964).
500
Fondée en 1902, Y Organisation panaméricaine de la santé (OPS) est active depuis les années
50 dans le domaine des applications médicales des rayonnements, s'attachant à en promouvoir les
aspects qui intéressent la santé publique et accordant des bourses pour la formation de médecins et
autres scientifiques à la radiologie médicale et à la médecine nucléaire. En raison de différentes
activités résultant de l'application pacifique de l'énergie nucléaire dans les Pays Membres, une
unité de protection radiologique a été créée à l'échelon régional en 1960. L'unité avait pour
objectifs d'encourager les services nationaux de santé à élaborer des procédures et règlements et à
adopter les normes internationales pour la protection radiologique dans l'utilisation des rayons X et
des radio-isotopes et pour l'évacuation des déchets radioactifs; de favoriser l'enseignement de
l'hygiène, de la radiobiologie et de la protection radiologique dans les écoles de médecine générale,
de médecine dentaire, de médecine vétérinaire, de santé publique et autres écoles techniques et de
promouvoir l'utilisation des radio-isotopes pour le diagnostic et la thérapie et dans la recherche.
Les activités de l'OPS dans le domaine des rayonnements couvrent tous les aspects de l'imagerie
diagnostique, de la radiothérapie et de la médecine nucléaire, et notamment la radioprotection.
L'OPS fournit des services consultatifs, organise des cours, publie et diffuse de la documentation et
des programmes audio-visuels concernant les rayonnements.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), institution spécialisée des Nations Unies, est
issue d'une proposition qui a été faite à la Conférence des Nations Unies en 1945, et qui tendait à la
création d'une institution spécialisée pour toutes les questions concernant la santé. Sa constitution
est entrée en vigueur le 7 avril 1948. La première Assemblée mondiale de la santé s'est tenue en
juin 1948 et l'Organisation permanente a été installée le 1er septembre 1948. Le travail de
l'Organisation est fait par trois organes: l'Assemblée mondiale de la santé qui détient l'autorité
suprême et qui est composée des délégués de tous les Etats Membres; le Conseil exécutif, organe
exécutif de l'Assemblée de la santé; le Secrétariat, qui relève du Directeur général. Grâce à cette
organisation, les spécialistes de la santé de quelque 180 pays échangent des connaissances et des
données d'expérience afin que tous les habitants du globe puissent jouir d'un état de santé qui leur
permette de mener une existence socialement et économiquement productive. L'OMS, dont le siège
est à Genève, repose sur une structure décentralisée, avec six bureaux régionaux, Afrique,
Amériques, Méditerranée orientale, Europe, Asie du Sud-Est et Pacifique, et d'autres bureaux dans
de nombreux pays. Outre l'emploi d'un personnel international permanent, l'OMS dispose de
plusieurs autres moyens pour s'acquitter de sa tâche: travaux en coopération avec d'autres
organisations internationales, centres collaborateurs de l'OMS, tableaux d'experts et différentes
organisations scientifiques et techniques non gouvernementales parmi lesquelles la Société
internationale de radiologie, la Société internationale des radiographes et techniciens de radiologie
et l'Organisation internationale de physique médicale. En coopérant sur le plan technique avec ses
Etats Membres et en encourageant la coopération entre ces derniers, l'OMS favorise le
développement de services de santé complets, la prévention des maladies et la lutte contre celles-ci,
l'amélioration des conditions environnementales, la formation du personnel de santé, la
coordination et le développement des travaux de recherche dans le domaine biomédical et sur les
services de santé, et la planification et la mise en oeuvre de programmes sanitaires. En ce qui
concerne les rayonnements, la compétence de l'OMS s'étend à leurs applications médicales ainsi
qu'à la radioprotection.
501
La Commission s'intéresse également au domaine de la radioprotection pour lequel elle
formule des recommandations de même type. Dans ce but, son travail s'effectue en étroite
coopération avec la CIPR.
Le Comité scientifique des Nations Unies sur les effets des rayonnements ionisants
(UNSCEAR) a été créé par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1955. Ce comité se
composait initialement des états membres suivants: Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada,
Egypte, Etats-Unis d'Amérique, France, Inde, Japon, Mexique, Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord, Suède, Tchécoslovaquie et Union des Républiques Socialistes Soviétiques.
La CIPR formule des recommandations essentiellement fondées entre autres sur l'UNSCEAR
et sur les études radiobiologiques fondamentales du comité BEER (Biological Effects of Ionizing
Radiation) du National Research Council. Elle s'appuie pour cela sur des comités et des groupes de
travail. Parmi ceux-ci, le Comité 1 est chargé de l'étude des effets des rayonnements, le Comité 2
est chargé de l'étude des facteurs de dose, le Comité 3 est chargé de tous les aspects de la
radioprotection dans le domaine médical, le Comité 4 est chargé des questions concernant
l'application des recommandations de la CIPR.
REFERENCE
502
CHAPITRE 29. LE SYSTEME DE PROTECTION RADIOLOGIQUE ET DE
SURETE DES SOURCES
Mme A. Sugier
Pour la sûreté
Les sources doivent être conçues et gérées de telle sorte que des défenses efficaces soient
mises en place et maintenues contre les risques radiologiques liés au fonctionnement normal. Toutes
les mesures raisonnablement envisageables pour éviter les accidents ou pour en réduire les
conséquences s'ils venaient à se produire, doivent être prises.
Pour la protection
Le système de protection et de sûreté est établi compte tenu des connaissances relatives aux
effets des rayonnements sur l'homme. Les principes auxquels il se réfère doivent permettre d'éviter
les effets déterministes et de réduire autant que raisonnablement possible les effets stochastiques.
La plupart des décisions relatives aux activités humaines sont basées sur cette forme implicite
de compromis entre d'une part des avantages et de l'autre des coûts et des inconvénients.
29.2. TERMINOLOGIE
Les problèmes à traiter concernent l'irradiation produite par des sources auxquelles des
personnes sont exposées dans le cadre d'un environnement professionnel, médical ou public.
Les sources comprennent les substances radioactives, ainsi que les appareils ou installations
contenant des substances radioactives, les appareils électriques émettant des rayonnements ionisants
lors de leur utilisation ainsi que l'ensemble des sources naturelles de rayonnement.
Les activités humaines pour lesquelles des mesures de protection et de sûreté doivent être
mises en oeuvre sont appelées respectivement des "pratiques" ou des "interventions".
Les pratiques correspondent à des situations prévisibles. La mise en oeuvre des pratiques se
traduit par l'introduction de nouvelles sources d'exposition ou de nouvelles voies de transfert vers
l'homme dont le résultat est une augmentation de l'exposition ou de la probabilité d'exposition ou
du nombre de personnes exposées. Il s'agit d'activités humaines volontaires entraînant une
exposition aux rayonnements ionisants (exposition normale) ou l'éventualité d'une telle exposition
503
(exposition hypothétique ou potentielle), et pour lesquelles les mesures de protection et de sûreté
peuvent être planifiées dès l'origine.
Les situations accidentelles sont à classer dans ce type de situation. Il peut s'agir également
d'expositions chroniques aux sources naturelles ou à des résidus de pratiques anciennes
(ex: retombées des essais nucléaires).
La réduction de l'exposition ne peut être réalisée que par des actions de réhabilitation ou de
protection appelées interventions. Ces actions impliquent, selon les cas, que l'on s'efforce
d'éliminer les causes de l'exposition, que l'on modifie les voies de transfert, ou que l'on change les
habitudes des populations.
On conçoit bien que le degré de maîtrise qui peut être exercé d'une part sur les pratiques et
d'autre part sur les interventions sera différent. Cela va influencer le mode d'application du système
de protection et de sûreté dans un cas ou dans l'autre. L'une des évolutions importantes et récentes
de la protection a été d'introduire une distinction très nette entre ces différents types de situations et
l'adaptation du système de protection et de sûreté à leurs caractéristiques spécifiques notamment la
possibilité ou non de contrôler la source d'émission. La figure 29.1 schématise l'ensemble du
système et les principes à appliquer.
- l'exposition professionnelle qui est celle subie au cours du travail résultant principalement de ce
travail lui-même;
- l'exposition médicale qui est plus particulièrement l'exposition des personnes à des fins de
diagnostic et de thérapie, l'exposition de familiers d'un patient et l'exposition de volontaires
participant à un programme de recherche biomédicale;
- enfin l'exposition du public qui comprend toutes les autres sources.
Nous verrons dans la suite du texte, les difficultés plus ou moins grandes de mise en oeuvre
de la protection selon ces trois catégories d'expositions. Ainsi, pour la maîtrise de l'exposition
professionnelle, il est généralement possible d'agir aux trois niveaux:
504
- à la source, en fixant ses caractéristiques, ses protections et confinements immédiats;
- dans l'environnement professionnel, par ventilation ou protection supplémentaire;
- sur l'individu, en exigeant des pratiques de travail adaptées et l'utilisation de vêtements et
d'équipements de protection.
Il n'est pas toujours nécessaire d'agir à ces trois niveaux. Pour les expositions médicales, les
actions peuvent être appliquées aux trois niveaux mais surtout en tant que fonction intégrée au
diagnostic ou au traitement plutôt que comme un système de protection séparé. Dans le cas du
public, les actions doivent être essentiellement appliquées à la source. Si ces dernières s'avèrent non
efficaces, des dispositions doivent être appliquées à l'environnement ou aux individus.
Travailleurs Travailleurs
Public Public
Aspects réglementaires et
et administratifs .
Aspects gestion
Vérification I
FIG. 29.1.
Aucune pratique impliquant des expositions aux rayonnements ionisants ne doit être adoptée à
moins qu'elle n'apporte un avantage aux individus exposés ou à la société qui contrebalance le
détriment qu'elle peut induire.
505
La première étape est l'examen de chaque option séparément de façon à identifier celles pour
lesquelles on peut s'attendre à ce qu'elles apportent plus d'avantages que d'inconvénients. Cette
démarche permet d'identifier le sous-ensemble d'options à partir duquel on peut sélectionner
l'option que l'on préfère.
Le processus de justification est nécessaire, non seulement lorsqu'une nouvelle pratique est
en passe d'être introduite, mais aussi lorsque des pratiques existantes sont réexaminées à la lumière
de nouvelles informations relatives à leur efficacité ou à leurs conséquences. Si un tel examen
indique qu'on ne peut plus déclarer cette pratique comme produisant suffisamment d'avantages pour
compenser ses inconvénients, la suppression de cette pratique devrait être envisagée. Cette option
devrait être traitée de la même façon que la justification d'une nouvelle pratique, mais il ne faut pas
oublier que les inconvénients associés à la suppression d'une pratique bien établie peuvent être plus
évidents que les avantages associés à l'introduction d'une nouvelle pratique comparable, et que la
suppression d'une pratique n'a pas obligatoirement pour résultat la suppression de toutes les sources
d'exposition associées.
Certaines pratiques sont considérées comme n'étant pas justifiées du point de vue de la
radioprotection dans les nonnes de base. Il s'agit de l'incorporation de substances radioactives dans
les aliments, les cosmétiques et les jouets. Dans d'autres textes réglementaires, elles sont
considérées comme "interdites": implicite à cette interdiction il faut voir l'application par les
autorités réglementaires du principe de justification.
L'exposition des personnes pour la recherche biomédicale n'est justifiée que si elle est
réalisée en accord avec la déclaration de Helsinki et qu'elle est conforme au guide concernant son
application préparé par le Conseil des Organisations internationales des sciences médicales, la CIPR
et l'Organisation mondiale de la santé, et sous réserve de l'avis d'un comité d'éthique ou d'un
organisme semblable et sous réserve qu'elle respecte les réglementations locales sur ce sujet.
506
29.3.2. Optimisation de la protection et de la sûreté
Dès lors qu'une pratique est justifiée et adoptée, il faut réfléchir à la meilleure façon d'utiliser
les ressources pour réduire les risques associés aux rayonnements pour les individus et la
population. L'objectif général doit être de faire en sorte que le niveau des doses individuelles, le
nombre de personnes exposées ainsi que la probabilité de subir des expositions quand ces dernières
ne sont pas certaines, soient maintenus aussi bas qu'il est raisonnablement possible, compte tenu des
facteurs économiques et sociaux.
La procédure doit également être appliquée lorsqu'une pratique existante est réexaminée.
Ces considérations vont du simple bon sens à des techniques complexes du type analyse coût-
avantage ou analyse multi-critères. Ces techniques sont toutes des méthodes pour aider à décider à
partir de quel moment un effort suffisant a été appliqué à la réduction du détriment associé à une
pratique.
La plupart des méthodes utilisées pour l'optimisation de la protection ont tendance à mettre
l'accent sur les avantages et les inconvénients pour l'ensemble de la société. Il est peu probable que
ceux-ci soient équitablement distribués dans la population. L'optimisation de la protection peut donc
entraîner des inégalités notables entre un individu et un autre. Ces inégalités peuvent être réduites
dans le processus d'optimisation par l'introduction au niveau de la source de restrictions sur la dose
individuelle appelées contraintes de dose.
La contrainte de dose est définie comme une valeur plafond des doses qu'une source
déterminée peut délivrer aux individus. Elle est fixée par référence à des situations considérées
comme optimisées {"bonnes pratiques" identifiées à partir du retour d'expérience par exemple) et
intervient comme borne supérieure dans le processus de sélection des options de protection, afin
d'écarter les options qui conduiraient à des expositions individuelles supérieures à la bonne
pratique.
Les contraintes de dose sont inférieures ou égales aux limites lorsque ces limites s'appliquent.
Dans le cas des expositions médicales (pour lesquelles les limites ne s'appliquent pas, cf. 29.3.3),
les contraintes de dose peuvent prendre toute valeur qui résulte de la bonne pratique.
Dans le domaine des expositions professionnelles, les situations les plus facilement
identifiables auxquelles s'appliquent les contraintes sont celles relatives aux différentes opérations
caractérisant l'exploitation et la maintenance, voire le démantèlement. Compte tenu de la diversité
507
de ces opérations et de ces sources, il est possible d'adopter un large éventail de contraintes de
dose. La contrainte de dose peut s'exprimer en dose annuelle ou en dose par opération.
Dans le domaine des expositions du public, l'éventail des contraintes de dose est beaucoup
plus restreint et s'applique essentiellement aux rejets dans l'environnement. Elle est en principe
exprimée en dose annuelle. De plus si l'on considère les niveaux d'exposition qui sont en jeu, seuls
les groupes dits critiques pour lesquels l'exposition pourrait éventuellement être significative sont
concernés. Enfin, pour des raisons pratiques, il est possible d'exprimer les contraintes de dose en
termes d'activité rejetée.
Dans le domaine médical, des contraintes de dose plus souvent appelées "niveaux guides"
peuvent également être envisagées pour les différents examens et traitements.
En outre, lorsque les individus peuvent être soumis à l'exposition provenant de plus d'une
source ou pratique, l'exposition due à chaque source ou pratique ne doit pas dépasser une fraction
de la limite de dose individuelle si l'on veut être assuré que celle-ci est respectée. Enfin, comme
certaines sources ou installations peuvent rejeter des substances radioactives à durée de vie longue
qui migrent dans l'environnement et peuvent donner lieu à des expositions de personnes éloignées
de la source d'émission ou des personnes appartenant à des générations futures, les limites de dose
doivent être respectées en tout lieu et à tout moment. En particulier, pour des raisons éthiques de
protection des générations futures les doses cumulées dues aux rejets résultant des pratiques
actuelles, doivent être limitées en tenant compte des mêmes critères pour les générations futures et
actuelles.
Dépasser les limites constitue une infraction du point de vue réglementaire. D'un point de
vue conceptuel, la CIPR considère qu'une exposition continue juste au dessus des limites conduit à
des risques additionnels venant des pratiques qualifiés "d'inacceptables". La définition et le choix
des limites de dose impliquent donc des jugements sociaux. Ces jugements sont difficiles, en partie
parce qu'on doit établir une valeur bien définie de la limite de dose alors qu'il n'y a pas de
discontinuité dans l'échelle de Y acceptabilité.
La base sur laquelle il est possible de fixer une limite pour les risques auxquels un individu
peut être soumis a toujours été difficile à déterminer. Dans ses recommandations de 1977 la CEPR
avait essayé de s'appuyer sur une comparaison avec les taux d'accidents mortels dans les industries
non concernées par les rayonnements. Dans ses recommandations de 1990, la Commission a
critiqué cette méthode et jugé préférable de l'abandonner au profit d'une approche qu'elle qualifie
de "plus cohérente". L'objectif est d'établir, comme cela est souligné dans le paragraphe précédent,
un niveau de dose au-dessus duquel les conséquences pour un individu seraient globalement
considérées comme "inacceptables". En dessous de ce niveau celles-ci seraient "tolérables"; elles
deviennent "acceptables" lorsque la source est optimisée (fig. 29.2).
508
NIVEAU
D'EXPOSITION
INDIVIDUEL '
RISQUE RESIDUEL
INACCEPTABLE
RISQUE RESIDUEL
TOLERABLE
FIG. 29.2.
Afin de fournir une base quantitative pour le choix d'une limite de dose, la Commission a
pris en compte un ensemble de facteurs quantifiables dans son approche du détriment. Pour aucun
d'entre eux il n'est possible d'établir un critère indiscutable à partir duquel on pourrait définir le
tolerable, mais, pris dans leur ensemble, ils constituent une bonne base de jugement.
Les conséquences d'une exposition uniforme et continue sont évaluées respectivement pour
chacune des valeurs test. On peut ainsi déterminer quelle valeur de dose conduit à un ensemble de
conséquences jugées être à la limite de l'inacceptable. Cette valeur est ensuite sélectionnée comme
limite de dose. Cette approche est forcément subjective, mais elle permet de prendre en compte
simultanément un large ensemble de facteurs qu'il serait plus exact d'appeler critères. Les critères
associés à la mortalité sont les suivants:
En outre, la Commission a décidé de tenir compte de la morbidité associée aux cancers non
mortels et aux effets héréditaires en utilisant le nombre de pathologies non fatales pondéré par leur
gravité et par la durée de vie perdue ou détériorée. Pour les cancers non mortels, le facteur de
pondération représente environ 20% du détriment associé aux décès. Le facteur de pondération
pour les effets héréditaires est très incertain, mais il est estimé à environ 20% du nombre de décès
509
pour les travailleurs. Ces différentes contributions sont intégrées séparément dans les comparaisons
qui suivent. Elles sont également additionnées pour donner une idée du détriment total.
Les valeurs tests de la dose efficace annuelle retenues comme base possible pour la limite de
dose sont 10 mSv., 20 mSv, 30 mSv et 50 mSv correspondant par ailleurs à des doses sur la vie
entière de 0,5 Sv, 1,0 Sv, 1,4 Sv et 2,4 Sv. Les critères retenus pour les valeurs test de la dose
efficace annuelle sont présentés dans le tableau 29.1.
TABLEAU 29.1.
Dose approximative sur la vie entière (Sv) 0,5 1.0 1,4 2,4 2,4
Contribution pondérée des cancers non mortels (%) 2 0,4 0,7 1.1 1,7 -
Contribution pondérée des effets héréditaires (%) 0.4 0,7 1.1 1.7 1,2
Perte d'espérance de vie moyenne à l'âge de 18 ans 0,2 0.5 0,7 1.1 0,3-0,5
(années)
1 Les valeur» sont tout»» Urée* de l'Annexe C (voir paragraphe ISS). Dans l'Annexe B qui couvre un ensemble plus large de
catégorie* de population, une estimation un peu plu* haute est donnée pour les années da vie perdues associées à un décès.
3 Somma de la probabilité des décès par cancer mortel attrlbuable ou de détriment équivalent (arrondi).
.;..., :l< . . : • • • : • . . ' • . . • • . • ! - . • . . • : . • -.1 , i i f i M • • ! ) I'. • > . • • • ( |4.<llll:'.i
Sur la base des données présentées ci-dessus, la Commission en a conclu que la limite de
dose devrait être établie de telle façon et à un niveau tel que la dose efficace totale pour une durée
de vie active complète ne puisse pas excéder de l'ordre de 1 Sv. Elle ne doit pas être considérée
comme un objectif en soi. Elle représente le niveau en dessous duquel l'exposition professionnelle
régulière, prolongée et délibérée peut raisonnablement être considérée comme tolerable.
Reste la question de savoir s'il faut exprimer les limites en dose annuelle, en dose vie ou en
dose moyenne sur une période intermédiaire ?
Pour les niveaux de dose rencontrés dans les situations normales, à l'exception de celles
reçues par les patients en radiothérapie, le contrôle des effets stochastiques pourrait être fondé sur
la dose cumulée sur des périodes de plusieurs années. Toutefois, ce type d'approche présente
l'inconvénient de laisser la possibilité d'une accumulation rapide des doses et des incorporations en
510
début de période de contrôle, avec l'espoir, pas toujours satisfait, que les doses se réduiront par la
suite. Une telle possibilité va également à rencontre d'un contrôle des expositions dès la conception
en le transférant au niveau de l'exploitation.
On a également suggéré qu'une certaine flexibilité pourrait être introduite en fixant la limite
sous la forme de la dose totale cumulée sur une période de quelques années, tout en maintenant une
limite annuelle supérieure à la moyenne annuelle sur la période considérée. La Commission a
recommandé une limite de dose efficace de 20mSv par an, moyennée sur 5 ans (100 mSv en
5 ans), avec une disposition supplémentaire selon laquelle la dose efficace ne devrait pas dépasser
50 mSv pour aucune des années. La période de 5 ans devrait être définie par les autorités sur la
base des années calendaires.
Quelle que soit la manière dont la période de contrôle est définie, la Commission
recommande qu'à la suite d'une période de contrôle au cours de laquelle l'exposition d'un individu
a dépassé une limite de dose, il n'y ait aucune restriction particulière concernant l'exposition d'un
individu. De tels événements devraient conduire à un examen approfondi, en général effectué par
les autorités compétentes, des divers aspects de la protection relatifs, à la conception et à
l'exploitation de l'installation concernée, plutôt qu'à l'application de pénalités à rencontre de
l'individu exposé. Si la dose n'est pas connue, ou si l'on pense qu'elle est élevée, il faut envisager
de prendre un avis médical.
Dernière question: celle des effets déterministes. Les limites de dose efficace sont suffisantes
pour garantir la non apparition d'effets déterministes dans la plupart des organes du corps.
Cependant il existe deux tissus qui ne seront pas nécessairement protégés correctement par une
limite de la dose efficace, principalement dans le cas d'une exposition externe. Il s'agit du cristallin,
qui n'intervient pas dans le calcul de la dose efficace, et de la peau, qui peut parfaitement être
soumise à des expositions locales. Des limites de dose distinctes sont nécessaires pour ces tissus.
Pour les expositions internes, les limites annuelles d'incorporation seront calculées de telle
sorte que compte tenu des fixations dans certains organes et des taux d'élimination, les limites
d'exposition soient bien respectées.
H existe au moins deux approches possibles dans l'établissement d'une limite de dose pour
l'exposition du public. La première est la même que celle qui est utilisée pour l'établissement des
limites professionnelles. L'estimation des conséquences n'est pas plus difficile que celle des
conséquences des limites professionnelles, mais il est beaucoup plus ardu d'apprécier le niveau à
partir duquel ces conséquences peuvent raisonnablement être considérées comme inacceptables. La
deuxième approche consiste à fonder le jugement sur les variations du niveau de dose existant
provenant de sources naturelles. Le bruit de fond naturel peut ne pas être sans danger, mais sa
contribution à l'ensemble du détriment sanitaire subi par la société est faible. Il est difficile, en
effet, de qualifier d'inacceptables les variations observables d'un endroit à l'autre (à l'exclusion des
variations importantes de la dose due au radon dans les habitations).
La CIPR indique, à l'appui de ses réflexions, que les conséquences d'une exposition
additionnelle continue, correspondant à des doses efficaces annuelles de l'ordre de 1 mSv à 5 mSv,
bien que ne fournissant pas une base de jugement facile, suggèrent cependant fortement une valeur
de la limite de dose annuelle peu supérieure à 1 mSv.
511
Sur la base de ces deux types de considérations, la Commission recommande une limite
annuelle de la dose efficace de 1 mSv. Elle ajoute que dans des circonstances particulières, une
valeur de la dose efficace plus élevée pourrait être autorisée pour une année donnée à condition que
la moyenne sur 5 ans ne dépasse pas 1 mSv par an.
En établissant la limite de la dose efficace, la Commission a recherché une valeur qui serait
juste à la limite de l'inacceptable pour une exposition continue, résultant de pratiques dont
l'utilisation est le fait d'un choix délibéré. Cela n'implique pas que des doses plus élevées provenant
d'autres sources, comme le radon dans les habitations, devraient être considérées comme
inacceptables. L'existence de ces sources peut être indésirable, mais elle n'est pas le résultat d'un
choix. Les doses ne peuvent être contrôlées que par des mesures d'intervention, lesquelles auront
aussi des côtés indésirables.
On a également besoin de limites pour le cristallin et certaines zones localisées de la peau car
ces tissus ne seront pas nécessairement protégés contre les effets déterministes par la limite de la
dose efficace. Etant donné que la période totale d'exposition peut être pratiquement deux fois plus
longue que pour l'exposition professionnelle, et que les individus exposés peuvent présenter une
gamme de sensibilités plus grande que dans le cas de la population plus limitée des travailleurs, les
limites annuelles recommandées (non professionnelles) pour la dose équivalente dans ces tissus sont
plus faibles que chez les travailleurs. La Commission a adopté un facteur de réduction arbitraire de
10, conduisant à des limites annuelles de 15 mSv pour le cristallin et de 50 mSv moyennée pour
chaque cm2 de peau quelle que soit la surface exposée. Les limites recommandées sont résumées
dans le tableau 29.2.
TABLEAU 29.2.
LIMITE DE DOSE
Les limitai s'appliquent è It somme dea doses concernées provenant d'expositions externes durant It période Indiquée,
et It dose engagée tur S0 tns (Jusqu'à 70 sns pour les enttnts) provenant dlncorporatkms pendant la mime' période. '
A la condition supplémentaire que It dos* efficace ne dépasse pas SO mSv pour une armée donnée. Des limitations
supplémentaires a'appllquent pour rexposltlon professionnelle dos femmes enceintes.
Dans certaines circonstances, une valeur plus élevée de la dose efficace pouralt être autorisée pom une année donnée
è condition que la moyenne sur 5 ana ne dépasse pas 1 mSv par an. "
La limitation de la dose efficace fournit à la peau une protection suffisante contre les eftets stochastiques. Une limite
supplémentaire est nécessaire pour let expositions localisée* afin de prévenlrieé'effets tfétermlnlsiea'-' >*
I '
512
29.3.4. Cas particulier des expositions potentielles
Les expositions potentielles doivent être traitées dans le cadre du système de protection
appliqué aux pratiques. Il faut cependant souligner que, si de telles expositions se produisent, elles
peuvent nécessiter la mise en oeuvre de mesures d'intervention. C'est pourquoi leur prise en
compte implique à la fois des mesures de prévention et de limitation des conséquences possibles. La
prévention consiste à diminuer la probabilité d'occurrence de séquences d'événements susceptibles
de causer ou d'augmenter les expositions aux rayonnements. D'où l'importance de la fiabilité de
tous les systèmes opérationnels et de sécurité ainsi que celle des procédures de travail associées. La
liquidation des conséquences éventuelles vise à diminuer les expositions réelles au cas où l'une de
ces séquences se produirait. Elle implique des mesures de sécurité pré-définies et des procédures
opérationnelles pour maîtriser chaque séquence d'événements. Les dispositions à prendre ne doivent
pas se limiter à des plans d'intervention mais concerner les étapes de conception et de
fonctionnement.
Par analogie avec les expositions certaines où la dose efficace est l'indicateur fondamental,
une façon de traiter l'exposition potentielle des individus serait de considérer que la grandeur à
utiliser est la probabilité individuelle globale (a priori) de mort attribuable par cancer. Cette
probabilité est le produit de la probabilité de recevoir la dose par la probabilité conditionnelle de
décès attribuable à la dose si elle devait être subie. Il serait ainsi envisageable d'utiliser une
limitation équivalente à une limite de dose mais sous la forme d'une limite de risque, c'est à dire
une limite de la probabilité de mortalité.Cette approche est actuellement très discutée.
Dans le chapitre consacré à la sûreté, la démarche adoptée par les experts de la sûreté et la
place réservée aux études probabilistes sont précisées.
A titre d'illustration des difficultés rencontrées, soulignons que dans le cas d'expositions
potentielles, l'estimation du détriment collectif est souvent discutable, même s'il se limite à la prise
en compte des morts attribuables. Il n'est pas pertinent d'utiliser le produit de la probabilité d'un
événement par le nombre de morts attribuables s'il devait se produire - le nombre de morts
attendu - car cela masque le fait que soit aucune conséquence ne se produira si l'événement n'a pas
lieu, soit on sera confronté au maximum de conséquences s'il se produit. Cela implique aussi une
hypothèse de réciprocité entre les réductions de la probabilité et celles de l'ampleur des
conséquences: un événement fréquent ayant de faibles conséquences et un événement rare ayant des
conséquences importantes seraient équivalents du point de vue du détriment associé puisque les
valeurs des conséquences attendues sont les mêmes ?
Par contre, pour les expositions individuelles et collectives lorsque les doses sont faibles,
c'est à dire ne dépassant pas les limites de dose, même si l'événement se produit, il est approprié
d'utiliser le produit de la dose attendue par sa probabilité d'occurrence, dans les mêmes conditions
que pour un événement certain. Les procédures conventionnelles de justification et d'optimisation
peuvent ensuite être appliquées.
Afin de réduire ou d'éviter des expositions dans des situations d'intervention, des actions de
protection ou de réhabilitation seront entreprises des lors qu'elles sont justifiées.
Dans la plupart des situations, l'intervention ne peut être appliquée à la source car on n'en a
pas la maîtrise (exposition naturelle) ou on a perdu la maîtrise de la source (accident), elle doit donc
être appliquée à l'environnement et à la liberté d'action des individus (ex: confinement dans les
habitations). Les actions et contre-mesures qui forment un programme d'intervention, ont toujours
un coût économique et social, celui-ci doit être justifié en ce sens qu'il doit faire plus de bien que de
mal. Les limites de dose imposées pour le contrôle des pratiques ne peuvent ici servir de base pour
513
décider de la réduction des doses par intervention car elles pourraient conduire à des mesures dont
les coûts économiques et sociaux seraient hors de proportion avec la réduction du détriment ainsi
obtenue, ce qui serait en contradiction avec le principe de justification (fig. 29.3).
INTERVENTION
REDUCTION
DES EXPOSITIONS
1
JUSTIFICATION
OPTIMISATION
s" / LES LIMITES
I \ NES'APPUQUEflT 1
\ ^ PAS V
NIVEAUX D"ACT1ON
OU ^INTERVENTION
FIG. 29.3.
Alors que la décision proprement dite d'intervenir est basée sur l'application du principe de
justification; la forme, l'ampleur et la durée de l'intervention doivent être choisies en appliquant le
principe d'optimisation de telle sorte que le bénéfice de la réduction de la dose, c'est à dire de la
réduction du détriment radiologique comparé à l'impact négatif résultant des coûts économiques et
sociaux associés à l'intervention (ou en d'autres termes, le bénéfice net) soit minimisé: c'est
l'optimisation de l'intervention. Pratiquement, l'optimisation de l'intervention est influencée par des
considérations objectives et subjectives (par exemple coût des contre-mesures, qui en tire bénéfice
et qui doit payer). Toute décision d'arrêt d'une mesure de protection fait aussi partie du processus
d'optimisation.
514
29.4.2. l.l. EXPOSITIONS D'URGENCE
Les décisions sont prises quant aux actions à mener en se référant à des niveaux dits
"d'intervention" et "d'action". Les premiers sont exprimés en termes de dose que l'on compte
éviter au cours du temps par une action déterminée de protection associée à l'intervention et les
seconds en termes d'activité (concentration) en radionucléides (dans les aliments, l'eau, etc.).
Les actions de protection seront toujours justifiées si la dose projetée, (plutôt que la dose
évitée soulignée dans le paragraphe précédent), ou le débit de dose à tout individu peut conduire à
des effets sérieux.
Ces niveaux doivent être optimisés. Les valeurs obtenues sont inclues dans les plans
d'urgence préétablis et doivent être utilisées comme des critères initiaux de mise en oeuvre des
mesures de protection, par la suite il convient de prendre en compte les conditions réelles de
l'accident et son évolution.
En ce qui concerne les contre-mesures à long terme, des actions intéressant l'agriculture,
l'hydrogéologie, et d'autres actions de protection techniques ou industrielles doivent être menées à
la suite de la contamination des terres, de l'eau, après un accident. Un élément important des
décisions à prendre concerne le relogement temporaire et la durée de ce relogement après
évacuation.
Les niveaux d'action doivent être exprimés dans les unités appropriées telles que le débit de
dose ambiant moyen ou la concentration en activité d'un radionucléide au moment où l'action de
réhabilitation est envisagée.
Les principes énoncés dans cette section sont rédigés de façon très générale afin d'être
applicables à l'ensemble des sources. Des considérations plus précises relatives à la sûreté nucléaire
sont présentées dans un chapitre spécifique du présent cours.
Le choix des sites et de l'emplacement des sources dans l'installation constitue souvent un
élément important de la sûreté. Pour faire ce choix, il convient de prendre en compte les facteurs
qui pourraient affecter les niveaux d'exposition et la sûreté de la source. Dans les hôpitaux par
exemple, l'emplacement des sources sera défini en tenant compte des zones d'accès au public. Pour
des sources contenant des quantités importantes de substances radioactives qui pourraient conduire à
des rejets notables dans l'environnement il sera nécessaire d'examiner la densité de la population et
son évolution prévisible au cours de la vie de l'installation.
515
29.5.2. Conception, construction, essais préalables
Enfin un programme d'essais devra être établi et réalisé afin de démontrer que les sources
satisfont bien aux exigences de sûreté spécifiées à la conception. Les procédures d'exploitation
seront validées dans la mesure du possible avec la participation de la future équipe d'exploitation ou
du futur utilisateur.
L'un des objectifs importants des obligations opérationnelles est de maintenir la maîtrise et le
contrôle des sources d'exposition. Ceux-ci sont facilités en exigeant que les lieux de travail
correspondants soient formellement identifiés. Pour cela, on distinguera les zones contrôlées et les
zones surveillées.
Une zone contrôlée est une zone dans laquelle les conditions de travail normales, y compris
l'occurrence possible d'incidents mineurs, imposent que les travailleurs respectent des procédures et
des pratiques bien établies visant précisément à contrôler les expositions aux rayonnements. Une
zone surveillée est une zone dans laquelle les conditions de travail sont suivies de près mais où des
procédures spéciales ne sont normalement pas nécessaires. Les meilleures bases pour les définitions
de ces zones sont constituées par l'expérience opérationnelle et le jugement d'experts.
516
Les incidents doivent être signalés selon des règles à préciser. Le retour d'expérience
provenant de la source elle-même ou de sources semblables exploitées par d'autres opérateurs doit
être pris en compte.
Certaines sources peuvent produire des déchets. Il convient d'en limiter le volume et
l'activité par des mesures à la conception et au niveau de l'exposition autant que cela est
raisonnablement possible. Le conditionnement des déchets pour le stockage intérimaire doit être
compatible avec les dispositions qui seront décidées pour l'évacuation définitive.
Le fait que la source cessera d'être exploitée et sera démantelée ou enlevée doit être prévu
avec toutes les précautions qui s'imposent. La conception de la source doit permettre son
démantèlement ultérieur. Cela implique de penser celui-ci en termes de sûreté, de réduction des
expositions et de rejets. Selon la taille de la source et sa complexité, un programme adapté de
démantèlement doit être prévu (autorisations préalables, ressources financières).
Un cadre législatif et réglementaire doit être établi concernant les réglementations à respecter
pour les pratiques et les interventions et définissant clairement les responsabilités en matière de
protection et de sûreté.
La première étape de la responsabilité est de définir des objectifs, de prévoir les mesures
nécessaires pour les atteindre puis de s'assurer que ces mesures sont convenablement appliquées.
Cette étape a un caractère essentiellement prospectif. Les personnes ayant cette responsabilité
doivent avoir l'autorité pour engager ces actions et les ressources nécessaires pour y faire face. Il
existe aussi une composante rétrospective de la responsabilité qui nécessite un réexamen constant
des performances afin que les défaillances soient identifiées et que des mesures soient prises pour
éviter qu'elles ne se répètent. Cette dernière étape nécessite d'établir un programme de vérification
afin de déterminer dans quelle mesure les objectifs initiaux sont atteints.
Le Gouvernement est responsable de l'adoption d'une telle réglementation qui doit mettre en
place une autorité réglementaire responsable du contrôle, des pratiques et interventions et de
l'application de la réglementation.
L'organisation des autorités peut varier d'un pays à l'autre, mais dans tous les cas, l'autorité
réglementaire doit disposer de l'autorité, de la compétence et des ressources nécessaires, être
informée des pratiques, évaluer les risques, établir les normes, enregistrer, licencier, inspecter les
sources et installations, mettre en application les normes, s'assurer que des actions correctives sont
menées dès que des conditions risquant de mettre enjeu la sûreté et la protection sont détectées.
517
29.6.1.2. Responsabilités des opérateurs
Dans le cas des pratiques, la responsabilité première repose sur celui qui déclare la pratique
ou demande l'autorisation préalable pour obtenir une licence. Pour l'intervention, des organisations
dites "intervenantes" habituellement des organisations gouvernementales, sont responsables des
actions entreprises. Pour simplifier nous parlerons des "opérateurs" dans la suite du texte.
D'autres organismes comme les concepteurs, les fabricants, les assembleurs, ont des
responsabilités significatives en matière de sûreté et de protection. Bien que les opérateurs puissent
déléguer une certaine autorité pour mener des tâches précises, ils ne peuvent déléguer leur
responsabilité principale. D'autres parties peuvent également avoir une responsabilité: il s'agit des
employeurs si l'exploitant à affaire à une entreprise extérieure, des travaûleurs eux-mêmes, des
médecins du travail, des experts qualifiés, etc.
29.6.2.1. La déclaration
C'est une simple obligation d'informer, permettant la surveillance des sources en imposant
aux opérateurs de prévenir l'administration de la détention ou de l'introduction de celles-ci. Dès
lors que les conditions définies par la réglementation pour bénéficier de ce régime sont satisfaites,
l'administration, tenue de délivrer le récépissé correspondant (enregistrement), ne peut soumettre
les sources déclarées qu'à la réglementation générale en vigueur lors de leur introduction et ne peut
exercer sur elles qu'un contrôle a posteriori.
II s'agit là d'un régime juridiquement plus sévère, qui soumet ces sources à un contrôle a
priori de l'administration, laquelle peut s'opposer à leur introduction ou, en cas d'acceptation, les
contraindre à des conditions plus ou moins sévères. Les autorisations portent également sur les
différentes étapes de la vie d'une source depuis son introduction jusqu'à son démantèlement et
incluent les autorisations de rejet ou d'évacuation des déchets sous réserve de contrôles à la sortie et
dans l'environnement.
518
• Oui, les toes soul négtgectles et lo «one est ^-
Non, elle implique un usage futile des '•" . '' •'• '
ksdoses"wdiviifaeBgtwpbbfeoooux ••••-.'•/
F/G. 29.4.
29.6.2.3. L'interdiction
Cependant, certaines sources peuvent être exonérées de ce contrôle réglementaire par des
systèmes d'exemption ou d'exclusion. L'exemption du contrôle réglementaire traduit l'idée selon
laquelle les situations considérées comme radiologiquement négligeables ne justifient pas de
précautions réglementaires, l'exemption doit être envisagée comme la frontière légale de ce qui
mérite un contrôle de l'autorité compétente. C'est généralement sur la base d'une analyse du risque
pour la santé et des modalités et de l'efficacité de son contrôle que l'autorité compétente considère
qu'il est inutile, en dessous d'une certain niveau de radioactivité, de soumettre ces sources au
système de déclaration ou d'autorisation préalable. A signaler que certaines sources soumises au
système réglementaire, comme des déchets de très faible activité ou des matériaux recyclables,
peuvent ne plus être soumises aux exigences réglementaires sous réserve qu'une telle décision soit
prise par l'autorité qui devra fixer des seuils de "déréglementation" ("decontrol" ou encore
"liberation").
519
le rayonnement cosmique au niveau du sol et le potassium 40 dans le corps, font l'objet d'un
processus d'exclusion du champ d'application des dispositions réglementaires, plutôt que d'une
mesure d'exemption de ces dispositions.
II s'agit de faire en sorte que soit adoptée une attitude privilégiant le souci de sécurité chez
toute personne impliquée par l'ensemble des opérations. Ceci ne peut être obtenu que par un effort
important de formation et par la reconnaissance du fait que la sécurité relève d'une responsabilité
personnelle et doit être le souci principal des échelons les plus élevés de la hiérarchie.
Pour cela, il doit se fixer des règles de conduite en la matière, définir sans ambiguïté les
responsabilités hiérarchiques correspondantes, s'assurer de la formation du personnel, définir des
procédures adaptées, faire régulièrement des examens et des critiques du système qu'il a mis en
place.
Cet effort de mise en place d'une "culture de sûreté" doit relever d'une volonté clairement
affichée.
Les programmes d'assurance de la qualité ont pour but de garantir le respect des
prescriptions spécifiées en matière de protection et de sûreté. Ils devront comporter des mécanismes
et des procédures de contrôle de la qualité permettant d'analyser et d'évaluer l'efficacité globale des
mesures de protection et de sûreté.
L'une des priorités de la sûreté est la prévention de l'accident. Cependant on ne peut assurer
que celui-ci ne se produira jamais.
C'est pourquoi des plans pour traiter les accidents s'ils venaient à se produire doivent être
établis. Ces plans seront périodiquement réexaminés. Tous ces réexamens et ces évaluations doivent
conduire à la préparation de procédures de gestion écrites. Des exercices devront être réalisés
régulièrement.
Les situations d'exposition chronique peuvent nécessiter des actions de réhabilitation pour
réduire ou éviter ces expositions. Ces situations peuvent inclure des expositions naturelles (cas du
520
radon), des expositions à des résidus d'événements passés, ou tout autre exposition déclarée comme
telle par les autorités réglementaires.
Tout système de protection doit inclure une évaluation globale de son efficacité. Il est
important que les principes fondamentaux soient traités comme un système cohérent. Aucune partie
ne devrait être prise isolément. En particulier, une simple conformité aux limites de dose n'est pas
une démonstration pertinente de la performance du système.
Elle comporte l'estimation des débits de dose et des quantités de radionucléides relâchés dans
l'air. Cette surveillance doit être faite le plus près possible de l'endroit au delà duquel il n'y a plus
de possibilité de maîtrise des rejets dans l'air ou d'accès au champ de rayonnement. Ces principes
de surveillance s'appliquent qu'il s'agisse de la protection des travailleurs ou de celle du public.
La mesure ou l'évaluation des doses est fondamentale pour la mise en oeuvre de la protection
radiologique. Ni la dose équivalente à un organe, ni la dose efficace ne peuvent être mesurées
directement. Les valeurs de ces quantités doivent être calculées à l'aide de modèles impliquant
généralement des données d'ambiance et des paramètres métaboliques et dosimétriques.
Dans le cas de l'exposition professionnelle, il est généralement possible d'évaluer les doses
reçues par chaque individu. Afin d'éviter un gaspillage des ressources dans la surveillance et
l'archivage des données, il est nécessaire d'identifier les groupes de travailleurs pour lesquels un
contrôle individuel est nécessaire.
Un contrôle individuel de routine des personnes du public susceptibles d'être exposées n'est
pas nécessaire dans les situations normales et n'est pas recommandé. L'évaluation de la dose
dépend alors de modèles représentant les voies de transfert entre la source et l'homme, parfois
complétés par une surveillance de l'environnement. Cette procédure ne peut pas prendre pleinement
en compte les habitudes et les caractéristiques individuelles. Pour les comparaisons avec les limites,
521
les modèles doivent se référer à des "groupes critiques" réels ou supposés. Ces groupes sont choisis
comme représentatifs des individus les plus fortement exposés du fait de la source considérée. Ils
doivent être relativement homogènes par rapport aux caractéristiques qui influencent les doses
reçues à partir de cette source. Dans ce cas, toutes les limites de dose individuelles s'appliquent aux
valeurs moyennes des doses du groupe critique.
Le suivi régulier des incidents au niveau des postes de travail ou des installations est
nécessaire également pour maîtriser autant que faire se peut les expositions potentielles.
Dans le cas de l'exposition du public, le suivi régulier au niveau des rejets ainsi que des
mesures dans l'environnement doivent permettre de vérifier aussi bien l'efficacité des contrôles que
les hypothèses prises pour les calculs de l'exposition du groupe critique.
Cette question est développée dans un chapitre du présent cours consacré à l'étude des jffets
des rayonnements sur l'homme.
522
CHAPITRE 30. L'OPTIMISATION DE LA PROTECTION RADIOLOGIQUE
FONDEMENTS ET APPLICATION
J. Lochard
30.1. INTRODUCTION
Cette recommandation adoptée par la CEPR au Congrès de Londres en 1950 apparaît comme
le point de départ d'une évolution qui conduira par étapes, à la formulation quinze années plus tard,
du principe d'optimisation. Dans sa Publication 9 adoptée en septembre 1965 la CIPR propose:
"Dans la mesure où toute exposition peut impliquer un certain degré de risque, la Commission
recommande que toute exposition inutile soit évitée, et que toutes les doses soient maintenues aussi
bas qu'il est possible de parvenir sans difficulté compte tenu des considérations économiques et
sociales" [2]. Le passage de la formule "le plus bas possible" à celle "aussi bas qu'il est possible de
parvenir sans difficulté compte tenu des considérations économiques et sociales" a marqué la
reconnaissance explicite que l'objectif du "risque nul", que n'avaient pas manqué de proposer les
opposants au nucléaire au cours des années cinquante dans le contexte de la controverse relative aux
conséquences des retombées radioactives des explosions nucléaires expérimentales, n'était pas
tenable tant du point de vue économique que du point de vue éthique. En optant pour l'hypothèse de
l'absence de seuil, la CIPR a ouvert dans le champ de la protection radiologique une brèche au
travers de laquelle les sciences sociales ont fait irruption dans un domaine qui jusque là semblait ne
relever que des sciences exactes.
Sur le plan pratique, la mise en oeuvre du principe d'optimisation repose essentiellement sur
la capacité à prévoir les expositions en fonction des différentes options de protection techniquement
envisageables pour une situation donnée et à sélectionner les options les mieux à même de répondre
aux considérations économiques et sociales évoquées ci-dessus. Elle conduit donc à compléter
l'infrastructure traditionnelle de la radioprotection tournée vers le contrôle des expositions par une
démarche de gestion articulée autour de la prévision, le suivi et l'analyse du retour d'expérience
concernant les conditions dans lesquelles les individus reçoivent ces expositions. Une telle
523
démarche suppose la motivation et la responsabilisation de tous les acteurs impliqués directement et
indirectement dans la protection.
La première partie du texte présente les fondements conceptuels et éthiques qui gouvernent la
démarche de l'optimisation. La seconde partie décrit les principales étapes qui permettent
d'appliquer concrètement le principe d'optimisation dans tous les domaines où il est possible
d'envisager le contrôle des expositions professionnelles ou du public. Un accent particulier est mis
sur les méthodes d'aide à la décision qui permettent de formaliser la démarche d'optimisation dans
les situations présentant un certain niveau de complexité.
En 1896, peu après la découverte des rayons X par Rôntgen (1895), Becquerel mit en
évidence la radioactivité et, dès l'année 1896, il était reconnu que certaines pathologies, tels que
érythèmes ou dermites, pouvaient être attribuées à leur utilisation. Assez rapidement, les
radiologues et les chercheurs qui étudiaient les mécanismes d'apparition de ces pathologies, se sont
rendus compte que l'apparition d'une pathologie d'un type donné n'était possible qu'au dessus d'un
seuil d'exposition déterminé, et qu'au delà d'une plage où l'apparition de l'effet était fonction de la
sensibilité de chaque individu, la pathologie apparaissait de façon certaine chez toutes les personnes
exposées. Dans les décennies qui ont suivi, les scientifiques, médecins radiologues essentiellement,
ont été capables de déterminer avec une relative précision ces divers seuils et d'établir pour chaque
type d'effet des relations entre la probabilité d'apparition du dommage et le niveau d'exposition [3].
L'ensemble des effets pour lesquels il existe un seuil d'apparition en fonction du niveau
d'exposition ont été appelés effets déterministes et la relation qui correspond à leur modalité
d'apparition a été appelé le "modèle du seuil" (fig. 30.1).
Probabilité d'apparition
du dommage
Niveau d'exposition
Afin de mieux se protéger contre les effets des rayonnements, les radiologues ont créé en
1928 la Commission internationale de protection contre les rayons X et le radium, rebaptisée
Commission internationale de protection radiologique en 1950 (CIPR), chargée d'établir des
recommandations générales. La CIPR, s'appuyant sur le modèle du seuil, a rapidement proposé des
limites d'exposition, appelées à l'époque "doses de tolérance", qui ont été fixées à des niveaux bien
inférieurs aux seuils d'apparition des effets déterministes afin de prendre en compte une certaine
marge de sécurité. Ces limites, qui n'ont pratiquement jamais été changées, apparaissent donc
comme une garantie pour chaque individu qu'il ne subira aucun dommage si son exposition reste
inférieure aux seuils d'apparition.
524
La gestion du risque pour les effets déterministes est finalement très simple à mettre en
œuvre. Des limites étant fixées, il convient de dimensionner les sources et les protections de telle
sorte que les expositions résultantes restent inférieurs aux valeurs fixées. La traduction dans des
textes réglementaires de cette approche ne pose pas de difficultés particulières et il est alors possible
de développer une démarche classique de prévention des risques qui vise à éliminer toutes les
situations susceptibles de conduire à un dépassement des limites réglementaires. Dans un tel
contexte, seuls des accidents peuvent être à l'origine d'expositions impliquant des effets
déterministes.
Pour formuler une recommandation concernant la gestion des effets stochastiques, les experts
membres de la CEPR se trouvaient devant une alternative qui relevait du "pari" au sens du célèbre
pari de Pascal:
- soit faire l'hypothèse de l'existence d'un seuil et courir le risque d'être accusés d'avoir "péché
par imprudence", d'avoir géré le risque radiologique d'une façon irresponsable, s'il arrivait que
l'on puisse un jour démontrer l'existence d'effets stochastiques aux faibles expositions;
- soit faire l'hypothèse de l'absence de seuil, c'est-à-dire admettre que toute exposition, si minime
soit elle, accroît la probabilité de l'individu qui la subit de contracter un cancer radio-induit.
Dans cette seconde hypothèse, le seul risque encouru par les experts est celui d'une trop grande
prudence, s'il arrive que l'on puisse un jour démontrer l'existence d'un seuil pour les faibles
expositions.
Une attitude prudente, aussi appelée principe de précaution dans le langage actuel, destinée à
"minimiser le regret" dans le cas où le doute serait un jour levé, a donc conduit les experts de la
CIPR à choisir la seconde solution et à traduire cette dernière par l'adoption d'une relation
exposition-risque linéaire et sans seuil (fig. 30.2). Très schématiquement, cette relation a été établie
à partir d'une extrapolation des résultats d'observations portant sur des expositions supérieures à
0,2 sievert avec un coefficient correcteur pour tenir compte de l'effet du débit de dose. L'adoption
525
de cette relation linéaire revient à faire l'hypothèse qu'un individu ayant une exposition de 10 mSv
multiplie par dix le risque d'occurrence de cancer radio-induit, par rapport à un individu ayant une
exposition de 1 mSv.
Probabilité
d'apparition
d'un effet
c Coefficient |
correcteur^
Dose (Sv)
Résultats d'observations
Les hypothèse retenues par la CIPR 60 [5], à partir de l'extrapolation des données connues
pour les fortes expositions, conduisent à estimer à environ 5% la probabilité pour un individu qui a
subi, sa vie durant, une exposition cumulée de 1 sievert (100 rem) de décéder d'un cancer radio-
induit». Ce cas de figure correspondrait à un travailleur qui aurait atteint la limite de dose de 50
mSv (5 rem) chaque année pendant 20 ans. De façon simplifiée, compte tenu de la mortalité par
cancers "toutes causes confondues" dans les sociétés occidentales, soit environ 25% des causes de
décès, le travailleur précédemment évoqué verrait, compte tenu de l'hypothèse de prudence retenue
par les experts de la CIPR, sa probabilité de décéder d'un cancer passer de 25 à environ 30% suite
à une exposition de 1 sievert cumulée sur sa vie professionnelle.
Retenir l'hypothèse d'absence de seuil a pour corollaire une politique de réduction du risque;
si tel n'était pas le cas, il y aurait incohérence complète puisque le choix de la CIPR repose sur la
nécessité, non pas de promouvoir une évidence scientifique qui n'existe pas, mais d'établir une
"règle d'action" dans un domaine de la gestion du risque où, comme dans de nombreux champs de
la connaissance, règne l'incertain. La tentation serait alors grande de dire: "puisqu'il y a risque,
tant qu'à le réduire autant le supprimer". Un tel objectif de réduction jusqu'au risque nul apparaît
rapidement comme inacceptable tant sur le plan de l'allocation des ressources sociales, que sur le
plan éthique.
Dès lors qu'une activité humaine impliquant l'utilisation des rayonnements ionisants a été
jugée socialement "justifiée" au sens de la CIPR (c'est-à-dire dès lors que le bénéfice qu'en attend
la société l'emporte sur les risques qu'elle introduit), il n'est pas raisonnable de vouloir réduire le
risque résiduel à un niveau tel que les dépenses de protection remettent en cause la viabilité même
de l'activité. En termes économique, cela exclut l'objectif de risque nul, car dans le domaine de la
protection, comme dans bien d'autres domaines, on se heurte en effet à la "loi des rendements
a
Puisque l'on travaille sur des probabilités d'apparition d'excès de cancers sur des populations statistiques, il est
légitime d'additionner les expositions individuelles. Par convention, on appellera cette somme une exposition collective
(notion qui ne s'appuie évidemment pas sur des fondements biologiques, mais uniquement sur des notions
épidémiologiques et statistiques). C'est à partir de cette notion d'exposition collective que la CIPR établit ses relations
dose-effet, dont la formulation pour les travailleurs s'énonce comme suit : 1 homme-sievert induit 4 . 10" 2 cancers
mortels, 0,8 . 10"^ cancers non mortels ramenés à des équivalents cancers mortels et 0,8 . 10'^ effets génétiques.
526
décroissants" (fig. 30.3). Cette loi traduit le fait que les premières actions de protection sont
généralement peu coûteuses et très efficaces, puis qu'au fur et à mesure que l'on cherche à réduire
encore le risque résiduel, il faut mettre en œuvre des ressources de plus en plus importantes pour
une efficacité plus en plus faible.
I RISQUE
RESIDUEL
AS,
AS2
SACi
^ -
AC 22
,
COUTDE
PRCTrecnoN
En second lieu, vouloir atteindre le risque nul pour une population donnée, sans supprimer
l'activité humaine correspondante, revient la plupart du temps à déplacer le problème et à transférer
le risque sur d'autres groupes. Un exemple simple de ce type de transfert est celui qui résulte du
traitement des rejets des centrales nucléaires (tableau 30.1).
Dans cet exemple, élaboré à partir de données concernant la conception d'un réacteur, il
apparaît que, sans traitement particulier de certains effluents, l'exposition collective associée au
rejet de ces effluents est supportée par les personnes du public. Deux options de protection du
public peuvent être envisagées: une rétention provisoire des effluents dans des réservoirs pour
permettre une décroissance de l'activité avant rejet, ou un traitement physico-chimique des
effluents.
Dans les deux cas, l'exposition des membres du public diminue et devient quasiment nulle
dans le second cas, mais corrélativement ces traitement ne peuvent être mis en œuvre sans
intervention de travailleurs et l'on assiste à une croissance de l'exposition de ces derniers. Faut-il
aller encore plus loin, c'est-à-dire, est-il acceptable, pour réduire de façon négligeable les
expositions de quelques centaines de milliers de personnes dans le public, d'augmenter de façon
significative les doses de quelques dizaines de travailleurs ? Si la réponse était positive, la recherche
du risque nul pour un groupe d'individus serait tout à fait discutable d'un point de vue éthique. En
527
effet, dès lors qu'une activité est "justifiée" socialement, toute demande d'un groupe visant à
supprimer totalement le risque résiduel qu'il subit relève plus de l'individualisme que de la
responsabilité collective, puisque le risque sera plus ou moins totalement transféré ailleurs et/ou sur
d'autres groupes.
Gérer le risque stochastique revient donc à tenir compte de deux objectifs antagonistes:
- réduire les expositions même faibles, compte tenu de l'hypothèse de l'absence de seuil;
- ne pas viser à tout prix le risque nul compte tenu des problèmes d'allocation des ressources et de
transfert de risques.
Il convient donc de savoir où s'arrêter dans la réduction du risque pour que les ressources
sociales ne soient pas dilapidées et que les transferts de risques ne deviennent pas inacceptables sur
le plan éthique. C'est cette problématique que les membres de la CIPR ont traduite sous la forme du
principe d'optimisation: "réduire les expositions aussi bas que raisonnablement possible, compte
tenu des contraintes économiques et sociales". L'adoption d'un tel principe a finalement pour
objectif la recherche du meilleur compromis entre le risque résiduel et les facteurs économiques et
sociaux.
Alors que le concept de limite de dose pour les effets déterministes renvoie à la notion de
seuil, dans le cadre de la gestion des effets stochastiques la limite se fonde sur des considérations
relatives à l'acceptabilité de risque résiduel. La limite n'est plus la garantie que des effets
n'apparaîtront pas, mais que le risque résiduel peut être considéré comme supportable compte tenu
du contexte économique et social.
Dans sa Publication 60 [5], la CIPR précise les fonctions relatives des concepts de limite et
d'optimisation pour la gestion des effets stochastiques en les articulant dans le modèle dit de la
"tolérabilité du risque". La limite d'exposition est définie comme la frontière entre ce qui est
"inacceptable" et ce qui est "tolerable". Ainsi, le respect de la limite garantit à l'individu que, non
seulement il ne subira aucun dommage de type déterministe, mais qu'en plus, sa probabilité de
développer à terme un cancer radio-induit n'est pas socialement inacceptable si l'on compare cette
probabilité avec celles associées à d'autre risques de nature industrielle ou technologique.
Dans ses dernières recommandations la CIPR a également mis un accent particulier, dans la
formulation du principe d'optimisation, sur la nécessité de chercher à limiter l'iniquité dans la
distribution des doses individuelles. Il est en effet reconnu explicitement que les situations
auxquelles les personnes sont exposées mais également les actions en matière de protection peuvent
être génératrices d'inégalités en termes d'expositions individuelles jugées suffisamment importantes
pour devoir être atténuées.
Ceci peut se traduire par le fait que l'objectif de l'optimisation n'est plus seulement de
réduire l'exposition collective aussi bas que raisonnablement possible en tenant compte des
contraintes économiques et sociales mais aussi de veiller en priorité à réduire les expositions des
personnes ayant les niveaux de dose individuels les plus élevés.
528
30.3. L'APPLICATION DU PRINCIPE D'OPTIMISATION
Niveau
«l'exposition
individuel
c RISQUE
INACCEPTABLE
N N N N N N N N N N N N N N N N N T . T N / T T I I—- N N X N \ N N N N \ N N N N N N V N
Niveau ALARA
RISQUE RESIDUEL
ACCEPTABLE
J
FIG. 30.4. Le modèle de la tolérabilité du risque
Dans ce contexte, les techniques d'aide à la décision peuvent être utilisées pour faciliter le
choix du niveau de protection qui procurera le meilleur compromis entre les différents facteurs et
contraintes tout en tenant compte des incertitudes inhérentes et des jugements de valeur. Ces
techniques ne peuvent toutefois être appliquées qu'après une claire identification des options
alternatives de protection ainsi que des facteurs et des contraintes impliqués dans le processus. Il
s'agira ensuite de quantifier les différents facteurs caractérisant chaque option de protection. La
figure 30.5 présente sous forme schématique les différentes étapes de la procédure d'optimisation
(appelée procédure ALARA) et précise la place des techniques d'aide à la décision dans la
démarche générale qui vise à identifier, évaluer et finalement sélectionner les options de protection
"optimales".
529
La partie la plus importante de la procédure d'optimisation réside dans la structuration des
problèmes avec la définition des options, des facteurs et des contraintes qui devront être quantifiés.
Parmi les facteurs caractérisant les options, les plus couramment retenus sont: la dose collective, la
répartition des doses individuelles, les coûts d'investissements de protection, les variations de coûts
d'exploitations, etc. Le processus de quantification de ces facteurs est sans doute l'étape la plus
difficile et la plus longue du fait du nombre de données nécessaires. Dans certains cas, il est
important de tenir compte également d'éventuels transfert de dose entre des groupes différents
(public et travailleurs, personnel des installations et personnel d'entreprises extérieures, etc.), de la
répartition géographique et temporelle des expositions ou d'autres facteurs plus difficilement
quantifiables tels les impacts économiques, écologiques ou sociaux. Enfin, il convient de noter que
bien que les techniques d'aide à la décision permettent d'identifier les meilleurs solutions sur la base
des différents critères de coût et de dose qui caractérisent la situations, il sera parfois nécessaire
d'introduire d'autres critères de décision pour le choix définitif des options. Dans tous les cas il est
important de garder à l'esprit que la procédure d'optimisation doit rester une démarche d'aide à la
décision pour éclairer les choix des décideurs.
DEFINITION DU PROBLEME
ANALYSE DE SENSIBILITE
4
AUTRES CRITERES
DECISION FINALE
530
30.3.2. Les techniques d'aide à la décision
Cette analyse consiste à exprimer en terme monétaire les différents facteurs influençant la
balance entre les coûts de protection et les bénéfices, puis à les agréger afin de déterminer l'option
qui présente le coût total (coût de protection + coût du détriment radiologique) le plus faible. Un
élément clé pour appliquer cette procédure au cas des options de radioprotection est la valeur
monétaire de l'unité de dose collective qui permet d'exprimer le bénéfice de la protection (c'est-à-
dire la réduction de dose associée) dans la même unité que les coûts de protection.
La première étape de l'analyse coût-bénéfice consiste à calculer pour chaque option la valeur
monétaire (Y) de la dose collective qui lui est associée:
Y = S aj Sj
avec:
Le coût total de chaque option est ensuite calculé en sommant le coût de protection et le coût
du détriment associés à l'option. L'option optimale est celle qui présente le coût total le plus faible,
comme l'illustre la figure 30.6. Il faut noter ici que dans le cas d'une valeur monétaire de l'homme-
sievert unique (non fonction des niveaux de dose individuels), l'optimum correspond à une égalité
entre le coût marginal de protection et le coût marginal de l'unité de dose évitée.
531
Coûts
Coût du
détriment
(Y)
Solution Expositions
optimale collectives
(s)
L'analyse coût-efficacité n'est pas à proprement parler une technique d'optimisation, mais
constitue plutôt une méthode qui permet d'éliminer un ensemble d'options qui se révèlent non
"coût-efficaces", puis de classer et de comparer les options restantes. La première étape de la
méthode consiste à caractériser les options par deux facteurs: le coût de protection et le niveau de
dose collective résiduelle qui leur sont associés. L'étape suivante est la sélection des options "coût-
efficaces" c'est-à-dire celles pour lesquelles il n'existe pas de solution alternative permettant
d'obtenir le même niveau de dose résiduelle à un coût de protection plus faible, ou le même niveau
de coût de protection avec une dose résiduelle plus faible. Ce processus peut être illustré
graphiquement (fig. 30.7). Chaque option est représentée par un point et toutes celles qui sont
"coût-efficaces" sont reliées par une courbe appelée "courbe coût-efficacité". Par exemple, l'option
A permet d'atteindre un niveau de dose résiduelle à un coût plus faible que l'option E, et l'option C
procure un niveau d'exposition plus faible que l'option D pour le même coût. Les options qui ne
sont pas sur la courbe sont appelées "options totalement dominées" et doivent être supprimées dans
le processus décisionnel.
L'analyse coût-efficacité repose en fait sur l'analyse du coût marginal de chaque option de
protection qui doit être comparé avec les deux options qui l'entourent (celle dont le prix est
immédiatement inférieur et celle dont le prix est immédiatement supérieur). Les options étant
classées par ordre de coût croissant, si le passage d'une option i à une option (i + 1) offre une plus
grande efficacité en terme de diminution de dose que lors du passage de l'option (i-1) à l'option i,
l'option i est jugée non coût-efficace (cf. option G sur la figure 30.7). Finalement, chaque option
coût-efficace est caractérisée par l'incrément de coût par rapport à l'option précédente [AX] et la
réduction correspondante en terme de dose collective [AS]. Le quotient [AX/AS] est appelé ratio
"coût-efficacité". Il représente, pour chaque option, l'accroissement de coût de protection qu'il
faudrait dépenser pour éviter une unité de dose collective.
532
i ,f d'exposition
Niveau
résiduel (S)
4 f o
\ 0
o
o
S
Y ' I
O
o
B' o
Pour la sélection de l'option optimale, il est nécessaire de se doter d'une valeur monétaire de
référence de l'unité de dose qui représente en fait le montant maximum que l'on est prêt à dépenser
pour économiser une unité de dose collective. L'option dont le ratio coût efficacité se rapproche le
plus de la valeur d'alpha sera l'option jugée optimale.
Cette analyse s'utilise dès que le nombre de facteurs caractérisant les options est très
important, ou si un certain nombre de facteurs ne sont pas quantifïables en termes monétaires, bien
que pouvant être évalués et classés de façon qualitative. Le principe de base de cette technique est
l'élaboration d'un système de classement des options (ou une fonction d'utilité multi-critères) sur la
base des critères significatifs caractérisant la situation (par exemple: coût de protection, dose
collective, répartition des doses individuelles, dispersion des doses dans le temps et dans l'espace,
perception des niveaux de risque, etc.). Dans un premier temps, il est donc nécessaire pour chaque
option d'évaluer chaque critère de façon qualitative ou quantitative, afin de donner une valeur à
"l'utilité" procurée par ce critère. Un facteur de pondération est ensuite attribué à chaque critère
pour exprimer son importance relative par rapport aux autres critères. Chaque option est alors
caractérisée par son "utilité totale" calculée ainsi:
UÎ = "J u;
avec:
i: index de l'option
j : index du critère
kj: facteur de pondération exprimant l'importance du facteur j (Ekj = 1)
u;: utilité du critère j
Notons ici que l'utilité associée à chaque critère peut être définie soit comme une fonction
linéaire de la valeur du critère, soit par une fonction non linéaire pour introduire dans l'analyse les
préférences des décideurs. Par exemple, il est possible d'introduire des fonctions d'utilités incluant
l'aversion au risque selon les niveaux de doses collectives ou individuelles.
533
L'option qui procure la plus grande utilité totale sera l'option sélectionnée. Les facteurs de
pondérations étant généralement basés sur des jugements de valeur des décideurs, il est fortement
recommandé d'effectuer une analyse de sensibilité faisant varier les pondérations afin de tester la
robustesse des résultats.
L'exemple qui suit présente de façon très simple la démarche logique qui sous-tend le choix d'une
option de protection dans un contexte de recherche de niveaux d'exposition résiduelle optimisés. En
l'occurrence il s'agit d'une centrale nucléaire dans laquelle chaque année, une vanne installée dans
une casemate doit être démontée pour un contrôle, puis remontée. Le temps de travail dans la
casemate, effectué par trois mécaniciens, dure cinq heures. Les données de retour d'expérience
montrent aussi que le débit de dose ambiant au poste de travail est de 0,5 mSv.h"1, et que deux
sources contribuent à ce débit de dose: une tuyauterie (0,4 mSv.h"1) qui est maintenue en eau
pendant l'intervention sur la vanne et la vanne elle même (0,1 mSv.h"1) (fig. 30.8). L'exposition
individuelle de chaque mécanicien est donc de 2,5 mSv et l'exposition collective totale
correspondant à cette intervention est de 7,5 homme-mSv. La question qui se pose face à cette
situation est de savoir si le niveau d'exposition est aussi bas que raisonnablement possible c'est-à-
dire de vérifier s'il n'existe pas des actions de radioprotection qui pourraient être mises en oeuvre,
à un coût raisonnable, pour réduire encore l'exposition.
Pour cet exemple, une seule action de radioprotection est envisagée, à savoir l'installation
d'une protection biologique entre la tuyauterie et le poste de travail pendant l'intervention sur la
vanne. Pour des raisons de sécurité, cette protection ne peut rester à demeure pendant le
fonctionnement de l'installation. Sa mise en place et son retrait sont effectués par deux opérateurs
de "servitudes" pour une durée totale dans la casemate de 30 minutes. Lorsque la protection
biologique est installée, la contribution de la tuyauterie au débit de dose ambiant du poste de travail
sur la vanne n'est plus que de 0,1 mSv.h"1 et le débit de dose face à la vanne est réduit à
0,2 mSv.h"1. Par contre, il convient de prendre en compte la dose reçue par les opérateurs de
servitudes, soumis à un débit de 0,5 mSv.h' 1 , lors de la pose de la protection biologique (fig. 30.9).
La dose collective totale passe donc de 7,5 homme-mSv à 3,5 homme-mSv, soit un gain de
4 homme-mSv correspondant à un gain de 4,5 homme-mSv pour les mécaniciens et à une
exposition supplémentaire de 0,5 homme-mSv pour les opérateurs de servitudes.
534
O.lmSv/h O^mSv/h
MEM
Le coût total de la mise en place de la protection s'élève à 2 520 F qui correspondent à une
heure d'opérateur de servitudes facturée 120 F et à un amortissement de la protection biologique de
2 400 F par utilisation.
La question qui se pose alors est de savoir "s'il est raisonnable de dépenser 2 520 F pour
épargner 4 homme-mSv ?". La réponse à cette question dépend évidemment de la somme que
l'entreprise est prête à dépenser pour éviter une exposition d'un homme-mSv, c'est-à-dire du
système de valeurs monétaires de référence de l'homme-sievert dont elle s'est dotée. Chaque
spécialité de travailleur étant caractérisée par une exposition individuelle annuelle moyenne, on peut
lui affecter la valeur monétaire de référence correspondante de l'homme-sievert. Pour l'exemple du
contrôle de la vanne, en supposant que les expositions individuelles annuelles moyennes des
mécaniciens et des opérateurs de servitudes sont respectivement de 12 mSv.an'1 et de 45 mSv.an"1,
on suppose que les valeurs monétaires de référence de l'homme-sievert retenues sont
respectivement de 2,3 MF et 15 MF. A partir de ces valeurs, il est alors possible de déterminer la
somme maximale que l'entreprise considère comme acceptable de dépenser pour mettre en oeuvre
la protection biologique, compte tenu de son efficacité en terme de dose. Cette somme est appelée
le "coût raisonnable".
Pour chaque spécialité, on peut en effet définir le coût raisonnable à partir du produit de la
réduction de la dose collective par la valeur monétaire de référence de l'homme-sievert. Le coût
raisonnable total correspond à la somme algébrique des coûts raisonnables obtenus pour chaque
spécialité. Dans l'exemple, ce coût s'établit à 2 850 F (voir tableau 30.2) et conduit à adopter la
protection puisque le coût de protection n'est que de 2 520 F.
535
Dans la très grande majorité des cas, pour des installations en exploitation, la prise de
décision se réduit au cas très simple évoqué ci-dessus: il n'y a qu'une action de protection et il
s'agit de décider si elle doit être ou non mise en oeuvre. Dès qu'il y a plusieurs actions de
radioprotection alternatives et/ou complémentaires, il faut choisir celle(s) dont la mise en oeuvre est
raisonnable. Dans ce cas, il est possible de faire appel aux méthodes d'aide à la décision qui ont été
présentées précédemment et qui permettent de sélectionner les options les plus efficaces.
30.4. CONCLUSION
Un tel système repose en grande partie sur la motivation des acteurs, et donc sur la diffusion
d'une "culture radioprotection" au sein des personnes concernées, depuis les managers des
installations nucléaires jusqu'aux intervenants. En effet, au delà de sa dimension instrumentale,
l'optimisation de la radioprotection doit être envisagée comme un état d'esprit qui se fonde sur les
principes éthiques de précaution, de responsabilité et de transparence.
RESPONSABILITE: Parce que les ressources sociales ne sont pas illimitées et que la
protection des uns ne saurait se faire au détriment de celle des autres, il convient de répartir
équitablement les moyens disponibles pour maintenir le risque résiduel à un niveau acceptable.
536
REFERENCES
ANNEXE
537
CONFERENCES INTERNATIONALES CONSACREES AU PRINCIPE
D'OPTIMISATION DE LA RADIOPROTECTION
538
CHAPITRE 31. LE CADRE REGLEMENTAIRE DE LA PROTECTION
RADIOLOGIQUE
31.1. GENERALITES
Le contrôle réglementaire en matière de rayonnements ionisants est fondé sur des procédures
de déclaration et d'autorisation préalable, ou sur des interdictions. L'autorisation préalable des
sources ou pratiques impliquant une radioexposition est exigée en cas de dangers ou d'inconvénients
graves, alors que la déclaration concerne les sources ou pratiques qui présentent des dangers ou
inconvénients minimes. Simple obligation d'informer, la déclaration est une procédure de police
permettant la surveillance des sources et pratiques en imposant aux exploitants de prévenir
l'administration de la détention ou de la naissance de celles-ci. Dès lors que les conditions définies
par la réglementation pour bénéficier de ce régime sont satisfaites, l'administration, tenue de
délivrer le récépissé correspondant, ne peut soumettre les sources ou pratiques déclarées qu'à la
réglementation générale en vigueur lors de leur naissance et ne peut exercer sur elles qu'un contrôle
a posteriori. L'autorisation préalable, régime juridiquement plus sévère, soumet ces sources ou
pratiques à un contrôle a priori de l'administration qui peut s'opposer à leur naissance ou, en cas
d'acceptation, les contraindre à des conditions plus ou moins sévères. L'interdiction, supprimant
l'utilisation ou l'exercice d'une ou plusieurs sources ou pratiques, se justifie par la présomption de
nocivité grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publique qui pèse sur celles-ci.
539
généralement dans le domaine de la radioprotection du choix social de ne pas soumettre à ce champ
d'application telle source ou pratique sur laquelle tout contrôle réglementaire s'avérerait difficile
voire irréaliste.
31.1.1.2. Intégration des procédures du contrôle réglementaire dans les textes internationaux
Les Nonnes fondamentales de radioprotection de l'AIEA ne sont obligatoires que pour les
opérations conduites sous le contrôle de l'AIEA, c'est-à-dire pour les travaux directement effectués
par l'Agence et à ceux qui comportent l'assistance de celle-ci. Dans le cas où elles ne s'appliquent
pas obligatoirement, ces normes peuvent constituer des guides utiles pour les autorités compétentes
des Etats Membres. N'ayant juridiquement que la valeur de simples recommandations, elles servent
soit de base pour les réglementations nationales, soit de texte de référence sur le fondement duquel
sont adoptés des règlements plus adaptés aux nécessités particulières des Etats Membres.
540
h'autorisation est définie comme un document fourni par l'autorité réglementaire à un
exploitant qui a fait préalablement une demande d'autorisation d'exercer telle pratique ou action.
L'autorisation peut prendre la forme soit d'un enregistrement soit d'une licence. L'enregistrement
est une forme d'autorisation qui s'applique aux pratiques présentant des risques faibles ou modérés
pour lesquelles des conditions ou limitations sont prescrites, cependant moins sévères que celles qui
sont appliquées dans le cas de la licence.
Les Normes de base EURATOM adoptées sous forme de directives ont une portée juridique
supérieure aux Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA dans la mesure où elles lient
les Etats Membres destinataires qui sont tenus d'adopter, dans leur ordre juridique interne, les
mesures propres à assurer le respect des principes fixés par les directives3.
a
Article 161, al. 2 du Traité EURATOM : "La directive lie tout Etat Membre destinataire quant aux résultats à
atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens".
541
- l'addition de substances radioactives dans la production et la fabrication des denrées
alimentaires, des médicaments, des produits cosmétiques et des produits à usage domestique,
ainsi que l'importation commerciale de telles denrées alimentaires, médicaments et produits.
Le projet de révision du 20 juillet 1993 qui tient compte des nouvelles recommandations de
la CIPR a pour objectif de promouvoir la mise en place d'une infrastructure réglementaire,
répondant de manière adéquate à des impératifs à la fois de santé publique mais aussi d'efficacité
des systèmes de contrôle réglementaire. Le champ d'application du projet de directive (article 2) a
été élargi par rapport à la précédente version, en particulier au commerce des matières nucléaires,
notamment l'importation et l'exportation des substances radioactives et au fonctionnement de tout
équipement électrique émettant des radiations ionisantes et contenant des composants fonctionnant
à une différence de potentiel de plus de 5 kV. Le projet de directive couvre également désormais les
expositions professionnelles aux sources de radiations naturelles dans les mines d'uranium et sur les
autres lieux de travail. Il exclut donc implicitement de tout contrôle réglementaire préalable le
potassium 40 dans l'organisme humain, les rayons cosmiques et telluriques.
Comme exigence minimale, l'article 3.1 du projet de directive requiert que chaque
installation ou établissement qui exerce les pratiques listées ci-dessus les déclare. Afin d'éviter des
procédures réglementaires inutiles, la réglementation européenne exempte du régime obligatoire de
déclaration ou d'autorisation préalable, certaines substances radioactives ou appareils qui présentent
de très faibles quantités de matières radioactives ou des activités massique et totale inférieures aux
niveaux spécifiés dans l'annexe 1 du projet de directive (article 3.2). (Les valeurs de ce tableau sont
les mêmes que celles de l'annexe 1 des Normes révisées de l'AIEA).
542
31.1.2. La surveillance des activités nucléaires autorisées
La nature des risques des pratiques et installations nucléaires justifie que les pouvoirs publics
y prêtent une attention particulière en imposant des contraintes spécifiques et en pratiquant une
surveillance particulièrement rigoureuse. Cette mission de surveillance conférée à l'autorité
compétente se concrétise par le biais d'un pouvoir d'inspection réglementaire garantissant que
l'activité ou l'exploitation de l'installation s'effectue conformément à toutes les dispositions
contenues dans l'autorisation et que l'exploitant met bien tout en oeuvre au niveau de l'installation
nucléaire pour assurer la protection radiologique des travailleurs ainsi que du public et de
l'environnement.
L'Etat, quant à lui, exerce, d'une façon tout à fait indépendante et au niveau supérieur, une
vigilance propre en matière de radioprotection, d'ordre physique, technique et médical sur les
sources de risque et sur la façon dont l'exploitant conduit sa surveillance. Cette vigilance des
pouvoirs publics s'exerce par une mission d'inspection relevant de la police administrative sur les
installations et activités nucléaires autorisées. Il est effectivement d'une importance primordiale de
s'assurer que celui qui demande ou détient une autorisation se conforme aux règlements en vigueur
et aux conditions stipulées dans l'autorisation. C'est pourquoi la législation doit investir l'autorité
compétente du droit d'inspection et du pouvoir d'imposer ses décisions à tous les stades du
processus d'autorisation, et ceci pendant toute la durée de l'activité autorisée.
Les Normes de base EURATOM prévoient que la tâche des Etats Membres consiste à créer
un ou plusieurs systèmes d'inspection en vue d'exercer la supervision des examens et contrôles
prévus par les directives et de promouvoir des opérations de surveillance et d'intervention chaque
fois que cela est nécessaire (article 40 de la directive du 15 juillet 1980 et article 41.1 du projet de
révision de directive du 20 juillet 1993).
Dans la pratique, le pouvoir d'investigation des inspecteurs désignés par l'autorité compétente
est large. Un double mécanisme de contrôle est mis en oeuvre par l'Etat: pour chaque activité dans
laquelle on utilise des sources de rayonnements et des substances radioactives, on exerce un
contrôle sur la sûreté de l'installation nucléaire et un contrôle de la radioprotection. Une situation
est jugée bonne seulement si les deux types de contrôle ont donné simultanément des résultats
satisfaisants.
Outre un droit permanent d'accès à l'installation, les inspecteurs se livrent à toutes sortes de
vérifications sur les équipements, consultent l'ensemble des documents relatifs à la conception, la
construction et l'exploitation des installations nucléaires et peuvent, de façon plus générale, se livrer
à toutes les vérifications qu'ils jugent utiles dans l'intérêt de la sûreté et de la protection des
travailleurs et du public. Ils établissent des rapports d'inspection qui sont soumis à l'autorité
compétente. Suite à ces rapports, les inspecteurs, qui ont fréquemment le statut d'agents
assermentés de l'autorité publique, disposent en général de pouvoirs leur permettant de prendre
543
toutes les mesures d'urgence qui s'imposent et en particulier l'arrêt provisoire de l'installation.
Cependant, dans certains pays comme la France, ils ne détiennent pas le pouvoir de demander
directement à l'exploitant des modifications ou de faire arrêter l'exploitation. Seule l'autorité
compétente responsable du contrôle, informée par les inspecteurs, peut prendre toutes les mesures
qui lui apparaissent nécessaires.
Outre ces mesures d'urgence, des sanctions sont normalement prévues dans les
réglementations nationales pour prévenir des violations graves ou répétées de ses dispositions et des
conditions stipulées dans une autorisation. Ces sanctions peuvent consister en une suspension
d'autorisation: l'autorité compétente qui a délivré l'autorisation a également le pouvoir de décider la
suspension de son application, lorsqu'il s'avère que l'exploitant n'a pas respecté certaines
prescriptions techniques qui lui avaient été imposées, ou que cette exploitation fait courir des
risques excessifs à l'environnement et à la santé publique.
Cette autorisation peut être révoquée pour les mêmes raisons. Les réglementations nationales
prévoient même, dans certains cas, d'aller jusqu'à la fermeture administrative de l'installation.
Même juridiquement justifiée, il s'agit là d'hypothèses extrêmes car on ne peut faire disparaître une
installation nucléaire par le simple effet d'une décision administrative, sans compter les problèmes
juridiques, financiers et matériels que pose le déclassement voire le démantèlement de toute
installation nucléaire. En général, l'exploitant accepte d'apporter les modifications nécessaires pour
que l'exploitation puisse être poursuivie dans des conditions acceptables. Outre ces mesures
administratives, les sanctions peuvent aussi consister en amendes et autres mesures inscrites dans le
droit pénal du pays.
Etant entendu qu'on ne doit pas tenir compte des doses résultant du fond naturel de
rayonnement (Recommandations de la CIPR du 9 septembre 1958, paragraphe 34) et d'origine
médicale (Recommandations de la CEPR du 9 septembre 1958, paragraphe 35), cette limite
s'applique à la somme de la dose reçue par exposition externe et de la dose engagée résultant de
l'incorporation de radionucléides au cours de l'année.
Dans sa Publication 60 de 1991, la CIPR recommande une limite de dose efficace annuelle de
20 mSv en moyenne sur 5 ans (100 mSv en 5 ans) et recommande également que la dose efficace
ne dépasse pas 50 mSv au cours d'une année donnée. Cette limite sur 5 ans correspond à un
objectif de dose maximale sur la vie de 1 Sv pour une durée de vie professionnelle de 50 ans. La
version révisée des Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de février 1994 (annexe
544
II.5) ainsi que celle des Normes de base EURATOM de juillet 1993 (article 9) reprennent ces
valeurs.
La Publication 26 de la CIPR recommandait que des dispositions soient prises telles que la
femme enceinte ne puisse continuer à travailler que dans les conditions de travail du type B, à
savoir que les expositions annuelles ne puissent dépasser trois dixièmes des limites d'équivalent de
dose. Cette logique a été retenue par les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA
545
(paragraphe 417) et par les Normes de base EURATOM (article 8), sous réserve que l'exposition
entre la déclaration de la grossesse et l'accouchement ne dépasse en aucun cas 10 mSv.
La Publication 60 de la CIPR recommande qu'une fois que la grossesse est déclarée, le foetus
soit protégé par l'application d'une limite de dose supplémentaire à l'abdomen de 2 mSv. La
version révisée des Normes fondamentales de radioprotection ne prévoit aucune limite particulière
pour les femmes enceintes (paragraphe 97). Seules des conditions de travail aménagées à la charge
de l'employeur informé de l'état de son employée sont envisagées. La déclaration de grossesse ne
doit pas être considérée comme un motif d'exclusion de l'employée de son poste de travail. Le
respect des limites d'exposition professionnelle garantit le même niveau de protection à l'embryon
et au foetus que celui assuré aux membres du public. Le projet de révision des Normes de base
EURATOM retient une valeur différente de celle recommandée par la CIPR: la dose équivalente au
foetus ne doit pas dépasser 1 mSv pendant le reste de la grossesse (article 10).
- s'ils sont âgés de 18 ans ou plus, égales aux limites de dose fixées pour les travailleurs exposés;
- s'ils sont âgés de 16 à 18 ans, égales aux trois dixièmes des limites de dose annuelle fixées pour
les travailleurs exposés;
- les limites de dose pour les apprentis et les étudiants âgés de 16 ans ou plus qui ne relèvent pas
des dispositions précédentes et pour les apprentis et étudiants âgés de 16 ans sont les mêmes que
les limites de dose fixées pour les personnes du public.
La même logique a été retenue dans le projet de révision des Normes de base EURATOM de
1993 (article 12). La version révisée des Nonnes fondamentales de l'AIEA de 1994 (annexe H.6)
précise que l'exposition professionnelle des apprentis et des étudiants entre 16 et 18 ans doit être
contrôlée afin que les limites suivantes ne soient pas dépassées:
546
exceptionnellement une modification temporaire des exigences relatives à la limitation des doses
(paragraphes 130, 131, 132, 133, 134). Des limites de dose pour ces circonstances spéciales ont
été fixées: la dose moyenne sur 5 ans peut être reportée sur une période de 10 années consécutives,
la dose effective ne devant pas excéder 20 mSv en moyenne sur cette période et 50 mSv pour une
année donnée. Les Normes de base EURATOM retiennent le qualificatif d'"expositions sous
autorisation spéciale", sans toutefois préciser de valeurs chiffrées maximales à respecter (article
13).
547
(paragraphes 48 et 50) et des Normes de base EURATOM (article 7 b) a ont approfondi la relation
entre l'optimisation et les doses individuelles en transposant le concept de contrainte de dose.
Le contrôle physique de la protection constitue l'un des aspects pratiques essentiels de la mise
en oeuvre de tout programme de radioprotection. Dans une installation nucléaire, ce contrôle
comporte la classification des lieux de travail et celle des travailleurs, ainsi que la mise en oeuvre
des dispositions et mesures de contrôle des expositions et des contaminations relatives à ces
différentes zones et aux différentes catégories de travailleurs. Quant à l'autorité compétente chargée
des inspections, il lui incombera de prescrire des mesures complémentaires si nécessaire,
éventuellement plus sévères, en ce qui concerne l'importance des moyens utilisés et la fréquence
des contrôles à effectuer par les experts qualifiés. Si ceux-ci n'accomplissent pas leurs tâches de
façon satisfaisante, l'autorité compétente peut avoir recours aux sanctions administratives citées
précédemment.
La protection opérationnelle des travailleurs repose sur la classification des zones de travail
où existe un risque d'exposition susceptible de dépasser un dixième des limites annuelles fixées
pour les travailleurs exposés. On distingue la zone contrôlée dans laquelle les trois dixièmes des
limites de dose annuelle fixées pour les travailleurs sont susceptibles d'être dépassés, de la zone
surveillée dans laquelle un dixième de ces limites de dose est susceptible d'être dépassé
(paragraphes 511 et 512 des Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de 1982 - article 20
des Normes de base EURATOM de 1980).
Dans sa Publication 60, la CIPR considère que cette limite des trois dixième des limites de
dose professionnelles est trop arbitraire et recommande que l'identification des zones contrôlées et
surveillées soit décidée soit au moment de la conception, soit localement par l'exploitant sur la base
de l'expérience opérationnelle et d'un jugement qui doit prendre en compte le niveau attendu, les
variations probables de doses et des incorporations ainsi que le risque d'accidents. La zone
contrôlée est définie comme une zone dans laquelle les conditions de travail normales imposent que
les travailleurs respectent des procédures et des pratiques bien établies visant à contrôler les
expositions aux rayonnemments. La zone surveillée est une zone dans laquelle les conditions de
travail sont suivies de près mais où des procédures spéciales ne sont normalement pas nécessaires.
Cette logique a été retenue dans la version révisée des Normes fondamentales de radioprotection de
l'AIEA de 1994 (paragraphes 101 à 103 pour les zones contrôlées - paragraphes 104 et 105 pour les
zones surveilllées) et dans le projet de révision des Normes de base de 1993 (articles 20 et 21).
a
Article 7 b) : toutes les expositions sont maintenues à un niveau aussi faible qu'il est raisonnablement possible,
compte tenu des facteurs économiques et sociaux. Les autorités compétentes fixent des contraintes génériques de dose pour
des types particuliers de pratique.
548
La CIPR dans sa Publication 60 de 1991 ne recommande plus une telle classification des
conditions de travail fondée sur la dose attendue. Cette recommandation a été suivie par l'AIEA
dans la version révisée de ses Normes. Le projet de révision des Normes de base EURATOM
distingue les travailleurs des catégories A et B en définissant les travailleurs de la catégorie A
comme des personnes travaillant habituellement en zone contrôlée et celles qui sont susceptibles de
recevoir une dose annuelle efficace supérieure à 6 mSv ou une dose équivalente supérieure aux trois
dixième des limites de dose fixées pour le cristallin, la peau et les extrémités (article 23), les
travailleurs de la catégorie B étant ceux qui ne rentrent pas dans la catégorie A mais qui sont
occupés habituellement en zone surveillée ou occasionnellement en zone contrôlée.
L'accès aux zones contrôlées est réglementé et balisé, des consignes de travail adaptées au
risque doivent y être appliquées, et une dosimétrie d'ambiance doit y être assurée, avec
enregistrement des résultats et examen et contrôle périodique des dispositifs de protection et
instruments de mesure. Ces tâches sont effectuées par des experts qualifiés (article 21 des Normes
de base EURATOM de 1980 - article 22 du projet de Normes de base EURATOM de 1993) qui,
dans la pratique, constituent le service de contrôle physique et exercent leurs fonctions pour le
compte de l'exploitant de qui ils tiennent leur investiture et leurs pouvoirs. Les experts qualifiés
doivent examiner et approuver les projets d'installation du point de vue de la radioprotection, en
influant sur les méthodes de travail et le choix des appareils en vue de limiter le risque
radiologique. Ils doivent de plus vérifier l'efficacité des dispositifs et des techniques de protection
adoptés, ainsi que le bon état de fonctionnement des instruments de mesure et leur emploi correct,
en effectuant les essais appropriés (article 25 des Normes de base EURATOM de 1980 et du projet
de Normes de base EURATOM de 1993).
Ces examens et contrôles doivent être accompagnés logiquement de toute une série de
mesures concernant, d'une part la surveillance collective par l'évaluation des expositions et de la
contamination radioactive du milieu ambiant (article 27 des Nonnes de base EURATOM de 1980 -
article 26 du projet de Nonnes de base EURATOM de 1993) et, d'autre part, la surveillance
individuelle par le contrôle de la dose reçue par chaque travailleur exposé au cours d'une période
donnée et au cours de sa carrière. Les travailleurs de la catégorie A bénéficient d'un suivi plus
strict qui comporte une surveillance individuelle consistant dans l'évaluation systématique des doses
individuelles (article 28 des Normes de base EURATOM de 1980 - article 27 du projet de révision
des Normes de base EURATOM de 1993), si possible à partir d'un système de dosimétrie
individuelle dont les résultats sont transmis à un médecin agréé (article 30 des Normes de base
EURATOM de 1980). Le projet de révision de directive de 1993 prévoit une communication des
résultats de la surveillance individuelle élargie à des personnes n'appartenant pas au corps médical,
à savoir les autorités compétentes, la hiérarchie et le travailleur concerné (article 30). La logique
suivie par l'AIEA dans la version révisée des Normes fondamentales de radioprotection de février
1994 est de mettre à la charge de l'employeur d'une part, l'enregistrement des doses auxquelles en
toute logique lui-même a accès ainsi que le responsable du programme de surveillance sanitaire et
l'autorité réglementaire et, d'autre part, de veiller de façon appropriée au maintien de la
confidentialité de ces enregistrements.
a
Dans la mesure où les Nonnes de base EURATOM sont davantage détaillées dans ces domaines, nous nous
référerons ici essentiellement à ces textes et plus précisément aux Normes de base EURATOM de 1980 dans la mesure où
le projet de Nonnes de base de juillet 1993 ne diffère pas de façon fondamentale de la précédente version des Nonnes.
549
31.2.3.4. L'archivage des documents
En outre, ces données enregistrées permettent une utilisation statistique par les services de
radioprotection fournissant ainsi des indications plus précises sur les divers dispositifs de protection
et l'importance effective du risque encouru par le personnel qui facilitent la mise en oeuvre de la
démarche de l'optimisation de la protection. De plus, la conservation en archives de ces données
fournit au médecin chargé du contrôle médical un appui essentiel dans l'interprétation correcte des
résultats des examens de santé sur le personnel.
Une étroite collaboration et un échange permanent d'informations doivent exister entre les
responsables des services de contrôle physique et de contrôle médical, dont dépend, dans une large
mesure, le succès de tout programme de radioprotection. Si le contrôle physique a pour but de
vérifier le respect des normes et d'assurer que les doses reçues sont au niveau le plus faible qu'il est
raisonnablement possible d'atteindre, le contrôle médical doit avoir pour objectif, dans le cadre des
principes généraux de la médecine du travail, de déterminer l'état de santé des travailleurs, de
s'assurer qu'il n'y a pas incompatibilité entre leurs conditions de travail et leur état sanitaire et de
fournir également les renseignements de base utiles en cas de radioexposition professionnelle en
situation normale ou accidentelle.
Les Normes de base EURATOM disposent qu'aucun travailleur ne peut être employé pendant
quelque période que ce soit en tant que travailleur exposé si les conclusions médicales s'y opposent.
Des dispositions analogues se trouvent dans les Normes fondamentales de radioprotection de
l'AIEA ainsi que dans la Convention n°115 de l'OIT. Ces dispositions qui sanctionnent clairement
un droit du travailleur en même temps qu'une obligation de l'employeur supposent la mise en
oeuvre d'un contrôle médical fondé sur trois éléments essentiels repris par les principaux textes
internationaux et développés avec plus de précision par les Normes EURATOM: le contrôle
médical du personnel doit être exercé par des médecins agréés (1), à l'occasion de visites médicales
(2) dont les résultats sont consignés et conservés dans des dossiers médicaux (3).
550
31.2.4.1. Le médecin agréé
L'article 20 de la Recommandation n°114 de l'OIT précise que "tous les examens médicaux
prévus par la Convention sur la protection contre les radiations devraient être effectués par un
médecin dûment qualifié" et la nécessité pour celui-ci d'avoir une formation spécialisée est précisée
par la Recommandation n°112. Les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de 1982
emploient le terme de "médecin agréé" au paragraphe 520 et le définissent au paragraphe 904
comme le "médecin chargé de la surveillance médicale des travailleurs classés dans la catégorie
exposée à des conditions de travail A et reconnu comme tel par les autorités compétentes".
Les Nonnes de base EURATOM de 1980, plus précises, indiquent que le médecin agréé est
le "médecin responsable de la surveillance médicale des travailleurs de la catégorie A, dont la
qualification et l'autorité sont reconnues par les autorités compétentes". Cette définition suppose
que pour l'exercice de ses fonctions, le médecin ait obtenu une autorisation de l'autorité compétente
reconnaissant et garantissant ses qualifications (le médecin doit avoir reçu une formation spécialisée
en médecine du travail et en médecine nucléaire) ainsi que ses pouvoirs et les responsabilités qui en
découlent. Le médecin a en effet pouvoir de décision quant à l'admission ou au maintien du
travailleur à son poste de travail. Sa responsabilité dans cette tâche est engagée vis-à-vis de
l'exploitant, lequel est, à son tour, responsable envers l'autorité compétente. L'employeur doit,
pour sa part, s'assurer que tous les travailleurs subissent avant leur entrée en fonction un examen
médical d'embauché, que les examens généraux relevant de la médecine du travail ont lieu
régulièrement en cours d'emploi et au moment de la cessation des fonctions, et qu'ils portent sur les
aspects spécifiés par les autorités compétentes et enfin qu'une surveillance médicale spéciale, telle
que prescrite par les autorités compétentes, soit assurée pour les travailleurs de la catégorie A.
Si la Convention n°115 de l'OIT ne mentionne dans son article 12 qu'un "examen médical
approprié", les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de 1982 font état d'une
surveillance médicale fondée sur trois types de visites médicales: l'examen d'embauché, un contrôle
périodique et une surveillance médicale exceptionnelle. Les Normes de base EURATOM de 1980
comme le projet de directive de juillet 1993, relatifs respectivement à la surveillance médicale des
travailleurs de la catégorie A et à la surveillance exceptionnelle des travailleurs exposés, définissent
les critères qui régissent ces visites et en fixent avec précision les modalités.
L'examen médical d'embauché a pour but d'évaluer l'état de santé du candidat à un emploi et
de déterminer s'il est ou non de son intérêt, ou de celui de l'entreprise, de l'affecter au poste de
travail auquel il est destiné initialement. En particulier, le médecin se livre, pour cet examen
d'embauché, à une anamnèse mentionnant toutes les expositions antérieures et connues aux
rayonnements ionisants résultant soit des fonctions exercées, soit d'examens et traitements
médicaux. Le médecin se fonde sur son propre jugement, qui est discrétionnaire, pour émettre un
avis favorable ou défavorable à l'engagement après avoir considéré le cas particulier ainsi que
l'activité que l'intéressé désire exercer.
551
sous certaines conditions (mise sous observation) ou inapte à remplir un certain emploi
conformément aux exigences de l'autorité compétente nationale.
Après leur entrée en fonction, les travailleurs sont soumis à une surveillance continue de leur
état de santé. Le médecin agréé doit avoir accès à l'information qu'il estime nécessaire concernant
les modifications des conditions de travail qui pourraient affecter l'aptitude médicale des travailleurs
à remplir leur emploi. Cette surveillance médicale générale est rythmée par des examens de santé
périodiques (en particulier, l'écart entre deux examens successifs ne peut être supérieur à un an)
ayant pour but de vérifier si les travailleurs continuent d'être aptes à exercer leurs fonctions. Sur la
base des résultats des visites de contrôle, la classification médicale distingue les travailleurs aptes,
aptes mis en observation, inaptes autravail et les travailleurs sous surveillance médicale après
cessation du travail exposant aux radiations ionisantes.
Les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de 1982 précisent que "ces examens
ne doivent en aucun cas tenir lieu d'une partie quelconque du programme de surveillance physique
et ne peuvent en aucune façon être utilisés pour confirmer l'efficacité du programme de
radioprotection" (paragraphe 519). La surveillance médicale comporte une limite intrinsèque: elle
ne peut avoir pour objectif de découvrir toute éventuelle exposition aux rayonnements, laissant ainsi
au seul service de contrôle physique la tâche de relever les irradiations et les contaminations. En
effet, elle ne permet que difficilement de fournir une preuve médicale objective d'altération
organique en cas d'exposition aux rayonnements sauf dans le cas où la quantité de rayonnement a
largement dépassé les doses maximales admissibles et que les expositions se situent dans la plage
d'apparition des effets déterministes (modification de la formule sanguine, érythème etc.).
Il est à noter que ces circonstances exceptionnelles peuvent donner lieu soit à des expositions
accidentelles soit à des expositions d'urgence des travailleurs (article 18 des Normes de base
EURATOM de 1980) ou irradiation accidentelle et irradiation d'urgence selon la terminologie
utilisée par l'AIEA (chapitre VIII des Normes fondamentales de radioprotection de 1982).
Les examens s'ajoutant aux visites médicales du temps "normal" (article 38 des normes de
base EURATOM) ont pour but de préciser d'une part, les quantités de substances radioactives
absorbées en cas de contamination interne et les doses reçues en cas d'irradiation externe et, d'autre
part, l'état de santé du travailleur, c'est-à-dire de déterminer les altérations éventuelles apparues à
la suite des circonstances exceptionnelles. Un certain nombre de décisions administratives relatives
aux conditions ultérieures d'exposition doivent être prises à la suite de la survenance de telles
circonstances exceptionnelles. Les Normes de base EURATOM ne donnent, à l'article 37, aucune
précision quant à ces conditions ultérieures d'exposition. Si l'on se réfère aux Nonnes de base
EURATOM de 1959, l'article 25, paragraphe 3, alinéa c), stipulait que "le médecin statue sur le
maintien du travailleur à son poste, sur son éloignement, sur son isolement et sur son traitement
médical d'urgence". Ces décisions reposent sur des éléments d'appréciation complexes relevant
d'une assez grande subjectivité. Le médecin doit tenir éloigné le travailleur de son poste en cas de
raison médicale fondée mais doit toujours maintenir un équilibre entre les dangers d'une
surexposition et les conséquences d'un éloignement du travail plus au moins long. C'est sur ce juste
équilibre que se fondent les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA de 1982 au
paragraphe 802, alinéa 3: les Normes admettent la poursuite du travail, mais avec une diminution
de l'irradiation professionnelle future.
552
31.2.4.2.3. LE DOSSIER MEDICAL
De la même façon que la conservation en archives des documents relatifs aux évaluations
effectuées par le service de contrôle physique et requise par les principaux textes internationaux, la
constitution et la conservation d'un dossier médical sont prescrites par des dispositions analogues
pour chaque travailleur professionnellement exposé au risque de rayonnements.
Quant aux Nonnes de base EURATOM de 1980, il est stipulé à l'article 36 que le "dossier
médical" de chaque travailleur de catégorie A doit être "tenu à jour aussi longtemps que l'intéressé
appartient à cette catégorie" et "ensuite conservé en archives durant une période d'au moins trente
ans à compter de la fin du travail exposant aux rayonnements ionisants". Cette dernière disposition
se justifie pour les mêmes raisons que celles vues précédemment à propos des résultats des
évaluations du service de contrôle physique, à savoir leur utilité sur le plan médico-légal.
Le dossier médical constitue une sorte de "bilan" radiologique complet permettant aux
travailleurs de la catégorie A et à l'employeur de respecter les principes fixés par les Normes. Il
doit y être fait mention des affectations du travailleur, c'est-à-dire les postes de travail occupés
antérieurement; les résultats de l'examen médical d'embauché et des visites médicales de contrôle
doivent y être transcrits, avec les observations du médecin. Un relevé des doses individuelles
passées et présentes ainsi qu'un relevé des doses reçues au cours d'expositions accidentelles ou
d'expositions d'urgence sont consignés également dans ce dossier. Sur la base de ces indications,
une fiche d'irradiation insérée dans le dossier médical facilite l'harmonisation dans ce domaine au
sein de la Communauté. Il appartient bien entendu aux Etats Membres d'organiser les transmissions
des données individuelles au cas où ces travailleurs changent d'entreprise ou bien dans celui où
l'entreprise disparaît ou encore en cas de "mouvement" à l'intérieur de la Communauté. Dans cette
dernière situation, l'article 40, alinéa 5, prescrit la libre circulation de toutes informations utiles
concernant les affectations de chaque travailleur exposé et les doses reçues, que chaque Etat
Membre doit assurer au sein de la Communauté.
Fondées sur les recommandations adoptées par la CEPR dans sa Publication 26 de 1977, les
Normes de base EURATOM de 1980 et les Normes fondamentales de radioprotection de l'AIEA
de 1982 ont introduit une limite réduite au 1/10 soit 5 mSv (0,5 rem) par an qui s'applique aux
personnes du public, c'est-à-dire aux individus de la population autres que les travailleurs exposés,
apprentis et étudiants pendant les heures de travail.
Dans le cas d'exposition partielle de l'organisme, la limite pour la dose efficace est fixée à
5 mSv par an, la dose moyenne dans chacun des organes ou tissus concernées ne devant pas
dépasser 50 mSv par an. La limite de dose est fixée:
553
La limitation des expositions de la population dans son ensemble, c'est-à-dire à la fois les
travailleurs exposés, apprentis et étudiants et personnes du public, ne fait pas l'objet d'une limite
chiffrée mais de l'obligation pour les Etats membres de veiller à la justification et à l'optimisation
de chaque activité. Le total de toutes les contributions de chaque activité humaine à l'exposition de
la population dans son ensemble doit être maintenu sous contrôle et, en particulier, la dose
génétique résultant de l'ensemble de ces contributions doit faire l'objet d'une estimation.
Outre les moyens classiques de prévention constitués par les procédures de contrôle
réglementaire et par l'inspection des installations nucléaires, un deuxième moyen de prévention
utilisé consiste à contrôler les rejets radioactifs des installations dans l'environnement ainsi que le
niveau de radioactivité dans l'environnement afin de vérifier que les expositions du public ne
dépassent pas les limites de doses de rayonnements auxquelles ce dernier peut être exposé. Cela
suppose un contrôle strict de la contamination de l'environnement. Dans la mesure où il est admis
que le très bas niveau d'exposition que requiert la protection de la santé de l'homme assure, par le
fait même, la protection de toutes les espèces vivantes et des équilibres écologiques naturels, les
principes de la protection opérationnelle de la population sont ici fondamentaux (Titre VII des
Normes de base EURATOM de 1980).
a
Dans la mesure où les Nonnes de base EURATOM sont davantage détaillées dans ces domaines, nous nous
référerons ici essentiellement à ces textes et plus précisément aux Normes de base EURATOM de 1980 dans la mesure où
le projet de Normes de base de juillet 1993 ne diffère pas de façon fondamentale de la précédente version des Nonnes.
554
des Normes de base EURATOM de 1980, l'examen et l'approbation des projets d'installation
comportant un risque d'exposition, ainsi que la réception et le contrôle, notamment par un système
d'inspection de ces installations et équipements, portant en particulier sur le respect des mesures de
radioprotection par l'exploitant, "en vue d'exercer la supervision de la protection sanitaire de la
population" (article 45, alinéa 1 des Normes de base EURATOM de 1980).
Lors du fonctionnement d'une installation autorisée, la population est surtout concernée par
les rejets d'effluents radioactifs. Aussi est-il fait mention à l'article 43, g) des Normes de base
EURATOM de 1980, de l'examen et du contrôle des dispositions de protection portant sur
"l'établissement et l'application de formules de rejet et les dispositions à prendre en matière de
mesure". Ce même article stipule, au dernier alinéa, que, outre l'examen et l'approbation des
projets d'installations, les rejets de radioactivité dans l'environnement sont réalisés "selon les
modalités déterminées par les autorités compétentes en fonction du degré de risque d'exposition
rencontré".
C'est en quelque sorte une démarche de bouclage ou de vérification globale de l'efficacité des
différents systèmes de radioprotection qui est ainsi demandée aux autorités nationales. Dans
l'hypothèse où ces doses s'élèveraient trop par référence au système de limitation des doses, les
Etats auraient à réexaminer la justification de certaines activités ou à obtenir une meilleure
optimisation.
Le système d'action préventive prévu par l'article 37 du Traité EURATOM est adéquaement
complété par un contrôle a posteriori des taux de la radioactivité (article 35, 36, 38 du Traité
EURATOM). Ce contrôle s'exerce à deux niveaux. Les mesures de la radioactivité de l'air, des
555
eaux et du sol sont accomplies par les services nationaux qui disposent de réseaux de stations de
mesure et de points de prélèvement. Ces services transmettent régulièrement à la Commission un
certain nombre de données relatives aux mesures effectuées dans ces stations. Le contrôle de la
Commission s'exerce donc, dans un second temps, au travers de l'analyse et de l'interprétation des
données reçues qui lui permettent de connaître l'évolution des taux de radioactivité sur les
territoires des Etats membres. La centralisation des informations et le contact permanent avec les
autorités nationales compétentes permettent à la Commission d'intervenir rapidement en cas de
nécessité. Elle peut soit adresser des recommandations aux Etats membres, soit en cas d'urgence,
enjoindre à l'Etat Membre en cause de prendre, dans les délais qu'elle détermine, toutes les
mesures nécessaires (article 38, alinéa 2 du Traité EURATOM).
BIBLIOGRAPHIE
556
CHAPITRE 32. REGLEMENTATION CONCERNANT LES SOURCES
RADIOACTIVES
D. P. Fages
Les sources radioactives sont utilisées pour de très nombreuses applications dans des
domaines autres que celui qu'on appelle domaine nucléaire et donc auprès de personnes qui ne sont
pas familières des risques dus à la radioactivité. De plus les rayonnements ne sont pas perceptibles
par nos sens. Ce sont les raisons pour lesquelles une réglementation concernant les sources
radioactives est particulièrement nécessaire.
Plus de détails vous seront donnés par ailleurs sur les accidents dus à des sources radioactives
et sur leurs conséquences. Il faut cependant souligner ici que, mis à part l'accident de Tchernobyl,
la plupart des accidents ayant conduit à des atteintes sévères, allant jusqu'au décès des personnes,
sont dus à des sources radioactives et qu'ils concernent presque toujours des personnes du public.
On peut estimer à 300 000 le nombre de colis de produits radioactifs transportés par an.
Dans le domaine médical les sources non scellées servent essentiellement à la recherche (629)
mais aussi à des fins thérapeutiques (230) et de diagnostic (370), les sources scellées sont utilisées à
des fins diverses (télégammathérapie (193), curiethérapie (27), ostéodensimétrie (41), irradiation de
poches de sang (28), marquage anatomique (121).
Les sources non scellées servent également pour la chromatographie en phase gazeuse (126),
l'étalonnage et l'enseignement (245), etc.
Les sources scellées sont utilisées dans le domaine industriel essentiellement pour la
gammagraphie (302), les mesures d'épaisseur et de niveau (1605), d'humidité et de densité (517), la
chromatographie en phase gazeuse (536). Elles servent aussi pour la recherche et l'enseignement
(567).
557
On peut ainsi constater que les sources radioactives sont nombreuses, qu'elles sont utilisées
de façon très diverses et que des négligences dans ces utilisations peuvent conduire à des situations
dramatiques.
On remarquera toutefois que ces accidents sont somme toute assez rares compte tenu du
nombre considérable de sources utilisées.
Ils se produisent partout dans le monde quel que soit le niveau d'industrialisation du pays et
auraient pu être évités par une prévention simple au niveau de la sûreté de l'installation et de la
protection des travailleurs, de leur information et de leur formation.
Cette nécessité de définir la sécurité dans ce domaine a conduit les pays qui y étaient plus
directement confrontés à produire des recommandations et des réglementations. La dimension du
problème a rendu cette réflexion internationale.
Elle recommande également que ce responsable soit conforté par une structure réglementaire
et de conseil mise en place par le gouvernement qui assurera les liaisons avec les organisations
régionales et internationales et dont la responsabilité porte sur les conseils donnés, les exigences
normatives (qui opèrent de fait un transfert de la responsabilité de l'opérteur vers l'organisme
réglementaire) et la formation.
- par des procédures de gestion écrites sous une forme définie par l'autorité réglementaire pour ce
qui la concerne (notamment le type d'information, son niveau de détail et la durée de l'archivage
des informations) et sous une forme adéquate à leur besoin pour les exploitants;
- par des guides opérationnels exprimés en termes clairs, précis et pratiques fondés sur les
exigences réglementaires, les recommandations d'experts, les manuels de bonne pratique et les
normes techniques.
558
Afin d'éviter des procédures réglementaires excessives des clauses d'exemption seront
prévues. Elles se fonderont sur deux motifs simultanés liés à la source:
- celle-ci donne lieu à des doses individuelles et collectives faibles à la fois dans les conditions
normales et accidentelles;
- aucune procédure de contrôle raisonnable ne peut conduire à une réduction des doses
individuelles et collectives.
Les principes fondamentaux édictés par l'AIEA se fondent essentiellement sur les
recommandations de la CEPR.
Ils sont produits sous forme d'une norme fondamentale et de guides signalant les différents
aspects que devrait englober un programme efficace de radioprotection.
Ces guides sont destinés à être interprétés et adaptés en tenant compte des conditions locales,
des ressources techniques disponibles par le pays ou la région qui chercherait à les utiliser. Ils
doivent également être adaptés à la taille de l'intallation à laquelle ils s'appliquent.
L'AIEA donne une description précise du rôle des pouvoirs publics en matière de
réglementation.
Les pouvoirs publics veillent au respect des prescriptions imposées aux personnes
responsables des pratiques.
L'autorité réglementaire doit être telle que ses décisions soient indépendantes des
départements ministériels et organismes publics chargés d'encourager et de développer les pratiques
réglementées. Cette indépendance doit bien entendu aussi être assurée vis à vis des responsables de
pratiques et des constructeurs des sources des rayonnements utilisées dans ces pratiques. Ces
indépendances doivent être explicitées.
L'autorité réglementaire peut être composée de plusieurs entités par secteur de pratique
(médical, recherche, industrie).
- l'examen des demandes d'autorisation des pratiques comportant des sources de rayonnement;
- le pouvoir d'autoriser l'exercice de ces pratiques;
- l'autorisation de détenir et d'utiliser les sources nécessaires à l'exercice de ces pratiques sous
certaines conditions;
- les contrôles et inspections périodiques destinés à vérifier que les conditions de l'autorisation
sont respectées;
- l'exercice du pouvoir de coercition en cas de non respect des règlements et des normes.
Critères d'exemption
Ces exemptions, et les valeurs numériques correspondantes, sont celles proposées dans la
directive européenne en cours de discussion.
560
- la pratique qui, en fonctionnement normal, donne un débit de dose équivalente (ambiant ou
directionnel) au maximum de 1 uSv.h"1 à une distance de 0,1 m de toute surface accessible de
l'appareil.
L'AIEA prévoit également des conditions particulières d'emploi qui peuvent être imposées
par l'autorité réglementaire pour l'acceptation de la source ou de la pratique et qui porteront sur:
- l'état physique;
- la forme chimique;
- l'utilisation des matières radioactives.
Afin de connaître la position exacte de chaque source dans son réseau, l'AIEA préconise que
le responsable de la source ou de la pratique informe l'autorité réglementaire de tout mouvement de
source (qui ne peut être effectué qu'entre organismes autorisés) et de toute source perdue, égarée
ou volée. Le responsable doit tenir un registre à jour des sources dont il a la responsabilité pour le
produire à la première réquisition de l'autorité réglementaire.
II s'agit d'un projet destiné à fixer les normes de base relatives à la protection sanitaire de la
population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants, en
remplacement de la directive actuelle.
Toute pratique comportant un risque dû aux rayonnements ionisants doit être déclarée.
Cependant les pratiques portant sur des substances radioactives dont l'activité massique ou
l'activité totale est inférieure aux valeurs fournies dans une annexe sont exemptées de déclaration.
Est également exemptée de déclaration l'utilisation d'appareils ayant reçu un agrément préalable de
561
l'autorité compétente de l'Etat Membre et conçus de telle sorte qu'ils respectent, en fonctionnement
normal, une limite de dose de 1 jtSv.h*1 à 0,1 m de toute surface accessible.
Le projet fixe une liste de pratiques pour lesquelles une autorisation préalable est obligatoire:
On notera que, dans les échanges et opérations intercommunautaires liées à des substances
radioactives, existe une obligation d'informer les autorités réglementaires des Etats Membres qui les
impliquent.
De plus ces valeurs ne s'appliquent plus pour l'élimination ou le recyclage des substances
radioactives (sauf si les autorités compétentes jugent que ces valeurs sont pertinentes pour les cas
envisagés). Il y aura donc lieu, dans un avenir proche, de revoir l'ensemble de la réglementation
française pour la mettre en conformité avec la future directive.
En ce qui concerne les pratiques interdites, la France a déjà mis en application l'interdiction
d'ajouter des radioéléments artificiels, ou de produits en contenant, aux aliments, aux produits
d'hygiène, et aux produits dits de beauté (article 636 du Code de la santé publique).
Nous ne décrirons ici que la partie de la réglementation, dans sa version actuelle, qui porte
sur les sources radioactives constituées de radioéléments artificiels (REA).
Ainsi l'ordonnance 59-48 du 6 janvier 1959 stipule que la vente, l'achat, l'emploi et la
détention des radioéléments naturels sont soumis aux conditions déterminées par des règlements
d'administrations publiques (article L 44-1).
562
autorisées à cet effet après avis d'une commission interministérielle (décret du 11 mai 1955) sur les
questions relatives aux radioéléments artificiels.
De même (article 636) les détenteurs de sources ne pourront les utiliser que dans les
conditions qui leur auront été fixées par l'autorisation.
Les installations sont classées en fonction des risques qu'elles présentent pour les travailleurs,
le public et l'environnement.
Elles comprennent les réacteurs nucléaires à l'exception de ceux qui sont partie d'un moyen
de transport, de certains accélérateurs de particules, des usines de préparation, de fabrication ou de
transformation de substances radioactives ainsi que des installations destinées au stockage, au dépôt
ou à l'utilisation de substances radioactives. Elles sont référencées dans une liste tenue à jour par le
Ministre de l'Industrie. La classification en INB dépend de la quantité de radioactivité présente dans
l'installation (les valeurs sont fonction des classes de radiotoxicité). Cette nomenclature est
actuellement en cours de révision.
Elles regroupent toutes les installations qui peuvent présenter des dangers ou des
inconvénients soit pour la commodité du voisinage soit pour la santé, la sécurité, la salubrité
publique, l'agriculture, la protection de l'environnement ou sa conservation. On peut par là
constater que la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 qui les régit s'adresse à des pratiques très générales
dont font partie celles qui utilisent des sources de rayonnement.
Les pratiques concernées se trouvent répertoriées dans une nomenclature établie (brochure
n° 1001-1 du J.O.) en Conseil d'Etat selon deux régimes: déclaration et autorisation, le critère de
choix étant la gravité des dangers ou des inconvénients de la pratique.
Ainsi sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves
dangers ou inconvénients, ceux-ci devant être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté
préfectoral.
Les installations qui traitent ou stockent des substances radioactives se trouvent sous le
numéro 385 (bis, ter, quater et quinquiès) de cette nomenclature.
Ces groupes sont définis dans l'annexe I du décret n° 66-450 du 20 juin 1966 et la
classification des établissements dont les pratiques nécessitent l'emploi de radioéléments de
plusieurs groupes de radiotoxicité.
563
Pour celles du groupe I
On multiplie les bornes fixées pour réglementer les radioéléments du groupe H par 10.
Le numéro 385 quater porte sur les pratiques relatives à l'utilisation, aux dépôts et stockages
de substances radioactives sous forme de sources scellées:
Ces bornes sont à multiplier par 10 et par 100 pour les bornes des pratiques utilisant des
radioéléments du groupe III de radiotoxicité.
On notera également que les bornes relatives au 385 quater sont 100 fois supérieures aux
bornes du 385 ter.
Cependant:
- les installations comportant des équipements mobiles contenant des substances radioactives sous
forme de sources scellées dont l'activité est supérieure aux limites d'activité conduisant au
régime des INB restent, par dérogation, dans le régime des autorisations;
- les bornes régissant les installations contenant des matières radioactives sous forme spéciale sont
à multiplier par 10 par rapport aux limites des sources scellées.
Le numéro 385 quinquiès porte sur les pratiques d'utilisation, de dépôt et stockage de
substances radioactives sous forme de sources non scellées: on séparera le régime de l'utilisation du
régime des dépôts et stockages:
- utilisation: les bornes seront les mêmes que pour la préparation (nc 385 ter);
- dépôt ou stockage: les bornes seront à multiplier par 10 par rapport aux précédentes.
564
Le numéro 385 sexiès donne les limites de stockage, dépôt, utilisation, préparation,
fabrication, transformation et conditionnement de certaines matières fissiles (plutonium 239,
uranium 233, 235).
- source non scellée: c'est une source dont la présentation et les conditions normales d'emploi ne
permettent pas de prévenir toute dispersion de substance radioactive;
- source scellée: c'est une source constituée par une substance radioactive (c'est-à-dire contenant
un ou plusieurs radionucléides dont l'activité ou la concentration ne peut être négligée du point
de vue de la radioprotection) solidement incorporée dans des matières solides et effectivement
inactives ou scellée dans une enveloppe inactive présentant une résistance suffisante pour éviter,
dans des conditions normales d'emploi, toute dispersion de la substance radioactive. Ces sources
font l'objet de normes (NF-M 61.002, ISO 2919 (1980), BS 5288 (1976)).
II a été institué une Commission chargée de donner son avis sur les questions relatives aux
radioéléments artificiels. Son rôle et ses missions sont définis dans le Code de la santé publique.
Cette Commission, présidée par un Conseiller d'Etat désigné par le Premier Ministre est
composée (article R-5230) des représentants des ministères concernés (Agriculture, Défense,
Industrie, Environnement, Education Nationale, Intérieur, Santé, Travail) ainsi que des
représentants de certains organismes du domaine (CEA, Centre national de la recherche scientifique
(CNRS), Institut national de santé et de la recherche médicale (INSERM), Office de protection
contre les rayonnements ionisants (OPRI)).
Cette Commission est dotée d'un Secrétaire Permanent également nommé par arrêté du
Premier Ministre.
- la préparation, l'importation et la fabrication des REA sous quelque forme que ce soit;
- les conditions générales d'étalonnage, de détention, de transport, de vente, de distribution et de
commerce de ces produits;
- les conditions générales d'utilisation des REA et les mesures de protection contre les effets de
leurs rayonnements.
Cet Office, créé le 19 juillet 1994 et qui fait suite au Service central de protection contre les
rayonnements ionisants (SCPRI) est un établissement public de l'Etat. Il exerce les missions
d'expertise, de surveillance et de contrôle propres à assurer la protection de la population contre les
rayonnements ionisants. Il est également chargé de contrôler l'observation des prescriptions
réglementaires de radioprotection.
565
l'exposition des travailleurs et de la population, en assure la centralisation, l'exploitation et la
conservation.
- dans les autres domaines d'activité par l'article R 5235 de ce même Code.
- la préparation;
- 1 ' importation ou 1 ' exportation;
- la détention en vue de la distribution;
- la cession,
de radioéléments artificiels sous quelque forme que ce soit (sources radioactives et produits
ou appareils en contenant),
- leur mise sur le marché;
- leur détention en vue de leur utilisation;
- leur utilisation.
La demande d'autorisation doit être signée du titulaire et contresignée par la personne
compétente en radioprotection. Dans le cas de pratiques autres que médicales ou de biologie
humaine, elle doit en outre être contresignée par le chef d'établissement où se déroule la pratique.
566
les dispositions assurant, dans le déroulement de la pratique, le respect des règles de sécurité;
- les dispositions prévues en fin de vie soit de la source soit de la pratique.
L'autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans et peut être renouvelée sur examen à la
demande de son titulaire.
Tout changement dans les conditions de la pratique peut donner lieu à la notification d'une
nouvelle autorisation. En particulier l'autorisation est personnelle et ne peut être transmise d'un
titulaire à un autre sans accord.
Tout mouvement de sources lié à une autorisation fait l'objet d'un enregistrement par le
responsable de la pratique de sorte que, à toute réquisition ou demande périodique de l'autorité
réglementaire, ce document, tenu à jour, puisse être présenté en particulier pour servir de
justification permanente de l'origine des REA présents dans l'établissement à quelque titre que ce
soit: notamment la perte, le vol ou tout acte pouvant entraîner la dissémination doit être
immédiatement signalé au Préfet du département concerné et à l'OPRI.
En cas de cessation d'activité la Commission est informée et notifie au détenteur les mesures
à mettre en oeuvre (reprise de source, décontamination des locaux dans le cas de pratiques à base
de sources non scellées) pour se mettre en conformité avec la réglementation relative à la protection
de la santé publique et de l'environnement et avec la sûreté nucléaire.
L'article R 5234 précise que l'autorisation est accordée par le Ministre de la Santé après avis
de la première section de la CIRE A.
L'article R 5235 stipule que l'autorisation dans ces domaines est accordée, pour une personne
physique ou morale autre que le CEA, par le Président de la CIRE A au titre de sa deuxième section
ou par son Secrétaire Permanent agissant par délégation.
Des dispenses exceptionnelles d'autorisation peuvent être accordées pour des activités autres
que la préparation, l'importation et l'exportation de REA.
Ce sera le cas (décret 86-1103 du 2 octobre 1986 Titre 1er, art. 1):
- pour les REA mis en oeuvre ou produits dans les INB et qui ne sont pas distribués;
- pour les REA de faible activité spécifique c'est-à-dire ceux dont la période radioactive est
supérieure à 15 milliards d'années;
- pour les substances contenant des REA et dont l'activité massique est inférieure à 100 Bq.g"1;
- les substances ne contenant que des REA de même radiotoxicité et de niveau d'activité
spécifique inférieure à:
- 5 kBq si la radioactivité est très élevée (groupe 1)
- 50 kBq si la radioactivité est élevée (groupe 2)
- 500 kBq si la radioactivité est modérée (groupe 3)
- 5000 kBq si cette radioactivité est faible (groupe 4).
- des substances contenant des radionucléides de radiotoxicité différentes et telles que la somme
des rapports de l'activité de chaque élément à la limite correspondant à son groupe dans les cas
précédents soit inférieure à 1.
567
Aucune exception n'est prévue pour les importations, exportations et préparations.
La deuxième section de la Commission peut donner délégation à deux de ses membres pour
examiner les demandes courantes d'autorisation, les renouvellements étant examinés par le seul
Secrétaire Permanent.
Les contrôles de première mise en service et les contrôles périodiques (annuels) étant assurés
par un organisme agréé, les autres pouvant l'être par la personne compétente.
Concernant les sources non scellées, qui doivent être stockées dans des enceintes spéciales,
dans un local particulier d'où l'on ne prélèvera que la quantité nécessaire à la pratique, dont la
manipulation respecte un protocole particulier dont il est fait publicité, ce contrôle (article 30),
effectué soit par un organisme agréé, soit par la personne compétente, comprendra:
- si la source impliquée dans la pratique est une source scellée, l'employeur est tenu de restituer la
source au fournisseur ou de la faire enlever par un organisme désigné par l'inspecteur du travail
après avis technique de l'OPRI. Il en sera de même lorsque la source aura atteint ses dix ans
d'existence. Il en informera la CIREA;
568
- si cette source est non scellée, elle sera envoyée au fournisseur ou enlevée par un organisme
désigné par l'inspecteur du travail après avis technique de l'OPRI. La CIREA est informée. Le
local est alors contrôlé par un organisme agréé qui constate son état de non contamination.
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569
CHAPITRE 33. REGLEMENTATION DU TRANSPORT DES MATIERES
RADIOACTIVES
M. Grenier
Pour leur transport, les matières dangereuses sont classées suivant la nature du danger
qu'elles présentent. Quatorze classes ont été ainsi définies qui comportent notamment les explosifs
(classe 10), les gaz comprimés (classe 2), les matières toxiques (classe 6), les matières radioactives
(classe 7), les matières corrosives (classe 8) etc. Des règlements particuliers à chaque classe ont été
élaborés pour le transport de ces matières. Ces règlements couvrent à la fois les transports
nationaux et internationaux par l'établissement de conventions avec les organismes internationaux
concernés: Règlement international des transports des matières dangereuses par chemin de fer
(R.I.D), Accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par route
(A.D.R), Règlements de l'Organisation de l'aviation civile internationale (O.A.C.I.), de
l'Organisation maritime internationale (O.M.I.), Accord pour le transport des matières dangereuses
sur le Rhin (A.D.N.R.).
En ce qui concerne les matières radioactives, c'est dans le cadre de l'Agence internationale
de l'énergie atomique (AIEA) qu'est établi un consensus international sur les dispositions techniques
nécessaires à l'établissement des diverses réglementations nationales et internationales. Cet
organisme créé en 1957 a entrepris d'élaborer dès sa création des recommandations de sûreté pour
le transport des matières radioactives ayant un champ d'application très large et s'étendant à tous les
modes de transport. Les premières recommandations ont été formulées en 1961 avec le concours
d'experts des états membres et des organisations internationales du transport (OACI, OMI, ADR,
etc.) qui ont travaillé pendant plusieurs années. Le document est intitulé "Règlement de transport
des matières radioactives" édité dans la collection de sécurité de l'AIEA n°6. C'est ce document qui
a été adopté par l'ensemble de la communauté internationale et qui sert de base à toutes les
réglementations nationales. C'est ainsi qu'il y a unicité de règles entre les pays.
Ces recommandations sont révisées et mises à jour tous les dix ans afin de tenir compte
des progrès techniques, des pratiques de transport et de l'expérience acquise. Le règlement
actuellement en vigueur est issu des recommandations de l'AIEA dans son édition révisée, de 1985.
Ces mises à jour sont le résultat du travail de dizaines d'experts techniques des états
membres qui élaborent les recommandations dans le cadre de réunions de consultants, de comités
techniques, de programmes coordonnés de recherche organisés par l'Agence à l'initiative des
experts.
C'est ainsi que pour la dernière révision de 1985, plus de 150 experts représentant 22 états
membres et 12 organismes internationaux ont travaillé pendant 6 ans pour rédiger le projet qui a été
approuvé en 1984 par le conseil des gouverneurs de l'AIEA. A l'heure actuelle sont déjà engagés
les travaux en vue de préparer la future révision qui aura lieu en 1995.
On notera par ailleurs les efforts considérables faits par l'AIEA en vue de faciliter la mise en
application de cette réglementation qui l'a conduit à élaborer un certain nombre de guides en
support du document normatif ce qui est un cas unique dans les réglementations. C'est ainsi qu'il y
a cinq guides: le guide n°7 qui explique les raisons des dispositions du règlement, le guide n°37 qui
571
donne des directives pour son application, le guide n°80 qui est un abrégé des prescriptions par
type de colis ainsi que le guide n c 87 qui donne des recommandations pour l'action d'intervention en
cas d'accident.
Les matières radioactives font partie des matières dangereuses. Elle comportent des risques
bien spécifiques en cours de transport qui sont constamment présents. Les matières radioactives
émettent en effet des rayonnements dont il faut se prémunir dans les conditions normales de
transport et en cas d'accident.
Par ailleurs certaines matières radioactives peuvent présenter des risques communs à d'autres
matières dangereuses comme la toxicité chimique (ex. cas de l'UF6), la corrosivité, l'explosibilité,
rinflammabilité (ex. sodium radioactif).
Les matières peuvent ne présenter qu'un des risques, deux des risques ou les trois risques
simultanément. Une matière non dispersable par nature ou fabrication (ex. source scellée, cobalt
massif) ne présente que le risque d'irradiation; une matière facilement dispersable peut ne présenter
que le risque de contamination (ex. poudre d'oxyde d'uranium naturel); un élément combustible
irradié présente les trois risques (contamination, irradiation, criticité) alors qu'un élément
combustible neuf à UO2 enrichi ne présente que deux risques (contamination, criticité).
Toute matière présente un certain niveau de radioactivité, c'est le cas notamment du corps
humain. Il a donc fallu définir au-dessous de quel seuil une matière ou un objet était considéré
comme non radioactif et non soumis à la réglementation pour son transport.
572
La sûreté repose sur le colis
Le degré de sûreté apporté par le colis est adapté aux risques potentiels de la matière
transportée.
Le colis étant l'unité destinée à l'expédition comprend la matière et son enveloppe externe de
protection appelée emballage. Une des conséquences du premier principe de protection est que
n'importe quel mode de transport peut être utilisé (sauf cas particulier) et n'importe quel itinéraire
emprunté dès lors que la matière est transportée dans un emballage adéquat. Le deuxième principe
est presque une évidence. En effet, il signifie par exemple qu'on ne transportera pas dans des
emballages offrant des résistances identiques un radioisotope destiné à un diagnostic médical ou du
plutonium.
Il en découle que c'est l'expéditeur qui est responsable de la garantie de la sûreté du transport
et non le transporteur. C'est lui qui est l'exploitant du point de vue de la responsabilité des
dommages nucléaires au sens de la convention de Paris en cas d'accident en cours de transport,
avec des conséquences nucléaires.
Les règles sont formulées de façon à définir un objectif à atteindre plutôt que la méthode à
suivre pour l'atteindre (obligation de résultat et non obligation de moyen).
C'est ainsi qu'on s'est fixé de limiter les conséquences pour les travailleurs du transport, le
public et l'environnement, tant en fonctionnement normal qu'accidentel, à un niveau extrêmement
faible, en accord avec les normes de base de l'AIEA en matière de radioprotection (conforme au
système actuel de la CIPR).
Le principe de la limitation des doses individuelles est appliqué dans la prise en compte des
accidents comme il l'est dans les conditions normales de transport.
On s'est efforcé de couvrir la majorité des accidents de transport quel que soit le mode de
transport, ce qui se traduit, pour les colis à danger potentiel les plus élevés à résister à des tests très
sévères comme on le verra plus loin. Les limites prescrites de débit de dose et de relâchement de la
radioactivité dans l'environnement à l'issue des tests garantissent un niveau de sûreté très élevé, qui
a été fixé à une dose d'irradiation maximale admissible individuelle après accident de
50 millisieverts soit la dose maximale annuelle admise actuellement pour les travailleurs. Ce niveau
permet par ailleurs de gérer sans problème majeur l'intervention toujours nécessaire en cas
d'accident.
573
- la limitation du niveau de contamination ainsi que du débit de dose en surface extérieure du
colis;
- la limitation du débit de dose à 1 m de distance de la surface extérieure du colis. C'est ainsi que
la contamination est limitée à 0,4 Bq/cm2 pour les émetteurs a très toxiques et à 4 Bq.cm"2 pour
les autres émetteurs, que le débit de dose superficiel est limité à 2 mSv.h"1 et le débit de dose à
1 m à 0,1 mSv.h"1. Le colis doit être conçu de manière à respecter ces conditions limites;
- la limitation du nombre de colis qui peuvent être stockés et transportés à bord d'un moyen de
transport, cette limitation étant liée au rayonnement émis par chaque colis à 1 m de distance.
Cette règle simple a été dictée, faisant référence à l'indice de transport TI: l'indice de transport
est égal à 100 fois le débit de dose maximal à 1 m de la surface extérieure du colis exprimé en
mSv.h'1. L'indice de transport d'un colis ne doit pas dépasser 10 et l'indice de transport total
d'un ensemble de colis, qui est obtenu en faisant la somme des indices de transport de chaque
colis, ne doit pas dépasser pour un même chargement 50, sauf cas particuliers précisés dans la
réglementation;
- l'étiquetage du colis; les colis de matières radioactives sont identifiés par des étiquettes ayant le
symbole du trèfle auquel s'ajoute une couleur, et des indications qui permettent une
identification rapide, facile à comprendre: activité maximale du contenu, nom du contenu, indice
de transport. Les colis présentant une étiquette blanche peuvent être manipulés et
transportés sans précaution particulière quant aux distances qui les séparent des personnes ou des
marchandises. Les colis présentant des étiquettes jaunes doivent être manipulés avec des
précautions particulières et en nombre limité.
L'expérience acquise montre que les doses reçues par les travailleurs affectés au transport des
matières radioactives sont en général nettement inférieures aux limites de doses pour les personnes
du public, confirmant le bien-fondé des mesures prises. Ce n'est que dans certains cas, lorsqu'un
grand nombre de colis sont manipulés, que les travailleurs peuvent recevoir des doses supérieures à
la limite pour les personnes du public: c'est le cas des produits radio pharmaceutiques (dose
efficace annuelle maximale: 16 mSv en 1986 en France). Il convient de noter que ces groupes de
travailleurs opèrent dans le cadre d'un programme de surveillance radiologique réglementaire.
La sûreté du transport reposant sur le colis (emballage avec son contenu), au regard des
dangers d'irradiation interne ou externe, les critères de sécurité s'expriment par un certain nombre
d'épreuves auxquelles les colis doivent résister, épreuves qui varient suivant la radioactivité
(becquerels), qu'ils sont amenés à transporter.
Pour les matières fissiles (uranium, plutonium, etc), un danger supplémentaire est à
considérer: la criticité. Il convient donc de distinguer le cas des matières non fissiles de celui des
matières fissiles.
574
Le principe de base repose sur l'emballage de type A dont le contenu maximal est tel que, s'il
est entièrement détruit, une personne présente au moment de l'accident pendant une demi-heure à
proximité du colis (1 m) reçoit une dose efficace engagée égale à la limite annuelle pour les
travailleurs du nucléaire, soit 50 mSv et 0,15 Sv au niveau de l'oeil.
Toutes les voies possibles de contamination sont prises en compte: inhalation, contamination
des mains, ingestion ou immersion dans un nuage de gaz rares émetteurs a ou p. La quantité limite
est la plus limitative des valeurs obtenues par les différentes voies de contamination. Cette valeur
est appelée A2. Par exemple, pour l'inhalation, la quantité contenue dans un emballage de type A
est telle que seulement 10*6 du contenu, appelé QQ, du colis peut être inhalé en 30 minutes par
une personne présente au moment de l'accident. Cette valeur est le résultat d'une combinaison de
entre 10~3 et 10"2 du contenu, combiné à un
facteurs de rejets à partir du colis détruit compris en
facteur d'incorporation de l'ordre de 10^ à 10" , d'où:
10"* Q C = 1 LAI
1 LAI (Limite annuelle d'incorporation) donnant une dose efficace engagée égale à 50 mSv.
On en déduit:
Q C = 106 LAI
On détermine aussi des quantités limites Qj), Qg pour les autres voies de contamination; la
valeur limite A2 du contenu d'un colis du type A est la valeur la plus faible des quantités QQ, Q D
etQE.
Lorsque la matière transportée est sous une forme non aisément dispersable - c'est la forme
dite spéciale - il est bien évident que le critère précédent est inapplicable. On lui substitue alors
celui de la simple irradiation externe, qui doit rester, même à la suite d'un accident, inférieure à
0,01 Sv.h"1 pour l'organisme entier à 1 m du colis détruit (ce qui, pour des photons de 1 MeV,
donne environ 6 x 10 n Bq). Une personne restant une demi-heure à proximité du colis accidenté
reçoit alors une dose équivalente de 50 mSv. La quantité correspondante est appelée Aj par le
règlement.
Les valeurs de Aj et de A2 sont très différentes suivant les radionucléides car elles dépendent
de la nocivité du radionucléide (nature et énergie de son rayonnement, durée de vie, toxicité en cas
de contamination interne, etc). C'est ainsi, par exemple, que pour le césium 137 (radionucléide
utilisé pour les irradiateurs médicaux et industriels) les valeurs respectives sont Aj = 2 TBq et
A2 = 0,5 TBq et pour le plutonium 239, A\ = 2 TBq et A2 = 2 x 10^ TBq.
Tout en étant admis que le colis de type A ne résiste pas à des accidents sévères, la
réglementation impose qu'il résiste à certains incidents tels que ceux de manutention ou de
stockage. Les tests imposés sont successivement:
- un test d'exposition à un orage important (hauteur de chute d'eau de 5 cm par heure pendant au
moins une heure);
- suivi d'un test de chute sur une surface indéformable d'une hauteur maximale de 1,20 m suivant
la masse du colis;
- suivi d'un test de pénétration: chute d'une barre standard d'une hauteur de 1 m sur le colis.
A l'issue de ces tests il ne doit pas y avoir perte de matière et la dégradation de la protection
radiologique doit être inférieure à 20 %.
En outre pour les colis de type A contenant des liquides les tests sont plus sévères: la hauteur
de chute est de 9 m pour l'essai de chute et 1,7 m pour l'essai de pénétration.
575
Le principe de base a été adapté au cas des faibles radioactivités et des fortes radioactivités.
Dans le premier cas (faible radioactivité), on a admis que le contenu pouvait être entièrement
dispersé, si l'activité maximale transportée est inférieure au millième de A2 ou A\. Cette quantité
est suffisamment faible pour que, même si le contenu était totalement relâché pendant le transport,
les conséquences soient négligeables. Ces colis sont appelés colis exemptés. Cependant, ces colis
doivent être en conformité avec un certain nombre de spécifications générales et en particulier avoir
un débit de dose surfacique maximale extrêmement faible (inférieur à 0,005 mSv.h"1).
Dans le second cas, pour des colis de forte radioactivité (supérieure à A2 ou A\) les colis
doivent être conçus pour résister à la quasi totalité des accidents, c'est à dire assurer leur fonctions
de confinement et de protection radiologique après les accidents. Ces colis sont dénommés colis de
typeB.
Les accidents les plus sévères pris en compte sont représentés par des sollicitations
mécaniques et thermiques matérialisées par quatre épreuves qui doivent être réalisées
successivement sur le même colis, chaque épreuve étant effectuée dans les conditions les plus
dommageables pour l'épreuve suivante, ce qui peut conduire à faire certains essais dans des
conditions différentes (par exemple: chute verticale, chute horizontale, chute sur coin, etc.).
- un essai de chute d'une hauteur de 9 mètres sur une surface indéformable (l'énergie de l'impact
est transmise totalement au colis), suivi
- d'un essai de perforation, le colis tombant sur un poinçon standard d'une hauteur de 1 m, suivi
- d'un essai de feu totalement enveloppant standardisé d'une température de flamme minimale de
800°C pendant 30 minutes, sans refroidissement artificiel après l'arrêt de l'incendie, suivi
- d'un essai d'immersion dans l'eau d'une profondeur de 15 mètres pendant 8 heures.
Ces épreuves doivent être réalisées dans des centres agréés par l'autorité compétente. En
France, deux centres au CEA et un centre appartenant au Laboratoire National d'Essais travaillent
dans le domaine radioactif.
Dans des cas particuliers certaines épreuves sont encore plus sévères. Par exemple les colis
de transport d'éléments combustibles irradiés doivent rester intègres après une immersion dans l'eau
à 200 mètres de profondeur. Ces conditions ont été imposées dans le but de faciliter les opérations
de récupération de tels colis transportés par mer, en cas de naufrage de navires près des côtes.
Les spécifications imposées à l'issue des tests pour ces colis B sont extrêmement sévères,
- à l'issue des tests de type A auxquels ils sont soumis (représentatifs de fonctionnement hors
accident) le relâchement maximum d'activité doit être inférieur à 10"6 A2.I1"1, ce qui représente
par exemple pour le plutonium sous forme de poudre de PuO2 une quantité de matière relâchée
inférieure à lO^g.h"1.
- le débit de dose est limité à 10 mSv.rf1 à 1 m de la surface du colis (un individu hypothétique se
trouvant à 1 m du colis accidenté devrait rester 5 heures pour recevoir la limite annuelle admise
pour les travailleurs !)
- le taux de relâchement doit être inférieur à A2 par semaine ce qui correspond à une quantité
relâchée inférieure à lOmg.h"1 de PuO2 ou de ^Co, à moins de 1 mg.h"1 de 137Cs.
576
Les colis de type B sont soumis obligatoirement à l'agrément de l'autorité compétente du
pays d'origine où ils ont été conçus (en France: le Ministère des transports). L'AIEA dispose de la
liste de l'ensemble des agréments existant dans le monde et gère cette banque de données.
Deux variantes en existent: le B(U), unilatéral à valeur universelle, le B(M), multilatéral qui
doit être validé par les pays touchés par le transport.
Certaines matières ont une radioactivité spécifique suffisamment faible pour que le risque en
cas de dispersion reste négligeable même si la radioactivité totale transportée est supérieure aux
valeurs limites imposées pour les colis ne résistant pas aux accidents (A! ou A2).
C'est le cas des concentrés d'uranium, de tous les composés d'uranium naturels (UF 4 , UF 6 ,
nitrate d'uranyle, UO 2 , etc.) et de la plupart des déchets de faible ou moyenne activité.
Ces matières sont transportées dans des colis industriels (IP1, IP2, EP3) dont les
caractéristiques prescrites par la réglementation se situent entre celles des colis exemptés et celles
des colis de type A.
Lorsqu'il s'agit de matières fissiles, outre les conditions imposées pour le transport des
matières non fissiles (non dispersion, protection contre le rayonnement), il y a lieu de se prémunir
contre le risque de criticité. Il est évident qu'il ne saurait être question, sauf exception, de réaliser
des expériences démontrant l'impossibilité d'atteindre un état critique, même dans le conditions
normales, donc a fortiori dans les conditions accidentelles. Toutes les démonstrations sont faites par
le calcul. Ce sont les hypothèses et les règles de ce calcul qui ont été codifiées. Compte tenu de
l'importance du risque de criticité, ces matières ne peuvent être transportées que dans des colis qui,
après avoir subi les mêmes tests que les colis de type B, ne présentent pas ce risque. A l'issue des
épreuves, on détermine le nombre maximal de colis qui peuvent être ainsi transportés à bord d'un
même véhicule. Ces emballages dénommés type F sont soumis obligatoirement à l'agrément de
l'autorité compétente du pays d'origine et de chaque pays touché par le transport.
Les colis industriels concernent les minerais d'uranium (qui peuvent être transportés en vrac
sous certaines conditions) les concentrés et composés d'uranium naturel, la plupart des déchets de
faible et moyenne activité (solides ou liquides).
577
Leurs dimensions vont des fûts de 100 litres à des conteneurs ou citernes d'une dizaine de
m3. Leur poids est très variable: une centaine de kilogrammes à une vingtaine de tonnes.
Ce sont des colis de dimensions et de masses très variables. Certains gammagraphes portatifs
pèsent seulement 15 kg alors que les châteaux de transport d'éléments combustibles irradiés peuvent
peser plus de 100 tonnes. Ces derniers colis sont, par leur dimension et leur masse, à la limite des
possibilités de manutention et de transport. Leur transport ne peut s'effectuer que sur des remorques
routières ou moyens spécialisés.
Des dispositions du même type sont imposées pour les autres modes de transports.
Outre ces dispositions particulières à chaque mode de transport des dispositions générales
sont imposées telles que la déclaration d'expédition qui doit accompagner tout transport de matières
radioactives, signée par l'expéditeur en tant que responsable. Cette déclaration précise les éléments
essentiels du produit transporté et de son emballage ainsi que les mesures particulières à prendre en
cas d'incident ou accident.
Pour les transports à danger potentiel élevé (colis B ayant une radioactivité supérieure à
3 000 A2 ou 20 000 curies), un avis préalable doit être adressé, en ce qui concerne la France, au
Ministère de l'Intérieur (Sécurité civile) au moins 3 jours avant l'expédition et dans lequel sont
précisés les dates et les itinéraires prévus et la nature de l'envoi. Cet avis transmis aux autorités
préfectorales concernées et éventuellement aux postes frontières a pour but de faciliter
l'intervention en cas d'accident.
Ce souci d'assurer le transport dans des conditions de sécurité élevée conduit pour certains
produits, à réaliser des transports avec des moyens spécifiques; c'est le cas par exemple du
transport des éléments combustibles irradiés pour lesquels des wagons et navires spécialisés ont été
578
conçus. Les cinq navires qui naviguent entre le Japon et l'Europe et qui assurent uniquement le
trafic des éléments combustibles irradiés (15 à 20 emballages par navire) sont conçus pour garantir
une bonne tenue à la mer et une grande flottabilité (compartimentage poussé), ils sont dotés
d'aménagements (blindage, ventilation, contrôle) permettant la bonne protection de l'équipage et
sont munis des équipements de navigation les plus récents. Le SIGYN, navire français de 1 800
tonnes, conçu initialement pour assurer le transport vers l'usine de la Hague des éléments
combustibles irradiés provenant de Suède, possède une double coque et est muni de systèmes de
navigation par satellite et d'équipement principaux doublés; ce navire assure maintenant, sous
pavillon suédois, les besoins propres à la Suède. Ce sont des navires pratiquement insubmersibles.
Un code élaboré par l'OMI et l'AIEA a récemment rendu ces pratiques obligatoires, au delà
de certaines radioactivités.
33.4. CONCLUSION
Depuis plus de quarante ans que l'on transporte des matières radioactives on n'a relevé aucun
cas de lésion ou de décès dû à la radioactivité des matières transportées, ce qui est un résultat
remarquable si on le compare à la situation du transport des autres matières dangereuses. Doit-on
conclure que le transport de ces matières a atteint un niveau tel qu'il n'y aura jamais d'accident
entraînant des conséquences inadmissibles ?
Certainement pas: le risque nul est une utopie économiquement et socialement irréaliste. Cependant
les règles qui ont été établies garantissent un niveau de sûreté très élevé. Il est remarquable de noter
que ces règles sont l'aboutissement d'une concertation permanente entre les experts techniques des
pays les plus évolués dans le domaine nucléaire, qui, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup
d'autres activités industrielles, ont fait oeuvre de sûreté sans jamais avoir été forcés par les
événements. L'AIEA a joué un rôle eminent dans l'obtention de ces résultats en coordonnant cette
action et en la rendant permanente par le processus de révision tous les dix ans. La sûreté est un
objectif prioritaire de développement qui doit en effet être sans cesse reconsidéré en tenant compte
de l'expérience acquise, de la pratique, de l'évolution des techniques et des besoins.
579
95-02338
COLLECTION COURS DE FORMATION N°5
Cours post-universitaire
de radioprotection
Volume 2
Cours post-universitaire
de radioprotection
Volume 2
EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES
CHAPITRE 34. ROLE DE LA RADIOPROTECTION
Mme J. Matutano
34.1. GENERALITES
L'exposition professionnelle aux rayonnements ionisants est la somme des expositions reçues
dans le cadre du travail. Elle résulte de situations qui sont le fait des responsables d'opérations
mettant en oeuvre des sources de rayonnements.
L'exposition, sur le lieu de travail, à des sources naturelles est à prendre en compte
uniquement si l'on considère que les responsables sont raisonnablement susceptibles de maîtriser ces
sources et si l'autorité compétente le juge nécessaire. Ce peut être par exemple le cas du radon.
Tout organisme ou établissement dans lequel s'effectuent des opérations mettant en oeuvre
des sources de rayonnements et où existe une exposition effective ou potentielle du personnel doit
avoir un système de radioprotection.
Les objectifs ne seront atteints que si chaque travailleur, quelle que soit sa fonction, se
considère directement et individuellement responsable de sa sécurité radiologique et de celle de
ceux qui l'entourent. Mais il faut aussi que la radioprotection, comme toute autre activité de
l'entreprise soit gérée. Aussi, l'encadrement doit-il s'impliquer et être aidé par des conseillers
compétents.
Le personnel nouvellement embauché ou affecté est informé, dans les plus brefs délais, des
dangers que présente le travail en présence de rayonnements ionisants et sur les moyens de s'en
préserver. L'information orale est complétée par l'attribution d'une plaquette écrite.
L'étape suivante est la présentation des différentes activités de l'établissement et/ou de
l'installation dans lequel la personne est appelée à travailler et des risques spécifiques associés. A
cette occasion, les consignes générales et particulières lui sont expliquées et remises.
La troisième étape est la formation au poste de travail. D ne s'agit pas seulement d'une
formation implicite qui se fait petit à petit au cours du temps, elle doit être formalisée.
L'organisation est présentée et l'expert radioprotection clairement identifié. Les principales
procédures et modes opératoires à mettre en oeuvre sont commentés en privilégiant l'aspect
sécurité.
Cette formation doit être renouvelée et réactualisée périodiquement, tous les trois ans au
moins.
La culture de sécurité doit être diffusée pour encourager la remise en question et la recherche
permanente de l'amélioration de la sécurité et bannir une attitude statique de satisfaction
complaisante. La sécurité est placée au premier plan des préoccupations de l'entreprise, non
seulement la sécurité des travailleurs, mais également celle du public. Tous les problèmes
concernant la sécurité sont identifiés, pris en compte et résolus promptement.
Les responsabilités et les tâches de chacun, dans le domaine de la sécurité, sont clairement
définies et le pouvoir de décision nettement identifié. L'intérêt porté et les résultats obtenus en
sécurité doivent être pris en compte dans le déroulement des carrières. L'encadrement est conseillé
et secondé par des spécialistes compétents.
La radioprotection peut être une formation de base, c'est le cas en France pour les
techniciens et les techniciens supérieurs. C'est généralement un complément à la formation de base
de l'ingénieur. Il peut être souhaitable, dans les services de radioprotection assez importants et
surtout dans les centres de recherche, de disposer d'ingénieurs ayant des formations de base
diversifiées telles: physique, chimie, biologie, car les installations sont diverses et tout au long de la
vie d'une installation les problèmes rencontrés font appel à des connaissances pluridisciplinaires.
C'est dès la conception des installations ou des opérations qu'il faut prendre en compte les
exigences de radioprotection. A efficacité égale les mesures prises seront, en règle générale, moins
onéreuses.
34.3.1. Conception
La première étape est de se fixer des objectifs. Il ne faut pas confondre objectifs et
contraintes. Les contraintes sont fixées par les autorités réglementaires sur la base du retour
d'expérience; ce sont les niveaux de dose qui, pour un type de source donné, devront être atteints si
les travaux sont réalisés correctement. Les objectifs sont fixés par les responsables d'opérations, ils
sont nécessairement en deçà de contraintes, et c'est une conception prenant en compte toutes les
nécessités de l'exploitation, du contrôle, de la maintenance, de l'évacuation des déchets et du
démantèlement qui doit permettre de les atteindre.
Le procédé lui-même doit être examiné; les principaux points à passer en revue sont:
- la nature et l'activité de la source: on choisit, dans la mesure du possible, de travailler avec des
radionucléides présentant les nuisances les plus faibles en pensant non seulement à leur mise en
oeuvre mais également à leur devenir en fin d'opération;
- le rendement du procédé: le rendement doit être optimisé et le recyclage des résidus envisagé;
- la protection et le confinement de la source: protection physique de la source pour en interdire
l'accès à toute personne non habilitée et éviter ainsi une éventuelle substitution ou destruction;
confinement pour empêcher sa dispersion tant dans les conditions normales de fonctionnement
que dans des conditions accidentelles (défense en profondeur);
- la protection biologique: nature et importance de la protection biologique pour que le débit de
dose dans les zones à accès autorisé soit compatible avec les objectifs fixés;
- le choix des matériaux utilisés dans le champ de rayonnement doit prendre en compte, outre leur
résistance aux rayonnements, la nature des produits d'activation qu'ils sont susceptibles de
générer et qui seront des sources parasites.
Les moyens de contrôle et de surveillance des locaux et des postes de travail doivent être
prévus dès la conception ainsi que le contrôle des accès.
En dernier lieu, il est une phase dans la vie de l'installation qui, dans le passé, n'a pas
vraiment été étudiée lors de sa conception, c'est le démantèlement. Or, le démantèlement est une
phase critique par les activités résiduelles susceptibles d'être présentes, les risques classiques non
négligeables associés aux risques radiologiques et les déchets qu'il génère. La maîtrise des risques
et les niveaux d'exposition pourraient être améliorés au cours du démantèlement s'ils étaient pris en
compte dès la conception.
II est essentiel que lors de la recette de l'installation, avant la mise en service, tous les aspects
de radioprotection soient examinés et que la conformité entre les dossiers et la réalisation soit
vérifiée.
34.4.1. Consignes
L'exploitation ne peut ni ne doit commencer avant que les consignes générales et particulières
ne soient rédigées et diffusées. Elles sont établies dans le respect de la réglementation en vigueur et
en fonction des particularités de l'installation. Elles sont régulièrement tenues à jour. Elles doivent
être prises en compte dans l'établissement des procédures, des modes opératoires et des autres
documents d'exploitation.
La classification des locaux de travail, qui souvent est établie lors de la conception des
installations, doit être contrôlée et actualisée tout au long de l'exploitation. La signalisation
correspondante doit exister, les contrôles d'accès être effectifs et les contrôles et les mesures
d'ambiance être planifiés, correctement exécutés, exploités en vue d'améliorer la sécurité et
archivés.
Dans un souci d'optimisation, il est souhaitable que les travailleurs les plus exposés soient
dotés d'un dosimètre à lecture directe dit "opérationnel" qui permet de faire un suivi fin de la dose
reçue tout au long des opérations qui leur incombent. Bien exploitée, la dosimètrie opérationnelle
permet de mettre en évidence les améliorations à apporter qui peuvent concerner l'aménagement du
poste de travail, les protections individuelles ou l'organisation.
34.4.4. Contrôle des matériels, matières et déchets sortant des zones contrôlées
Les appareils appropriés doivent être disponibles en sortie de zone afin que le personnel
puisse effectuer le contrôle systématique de tout ce qui sort. Ce contrôle doit être suivi de la
rétention effective des objets contaminés.
Toute opération particulière ne faisant pas l'objet d'une procédure ou d'un mode opératoire
existant doit être étudiée sous tous ses aspects et, en particulier, sous l'angle radioprotection. Cette
étude doit être formalisée et conduire à l'établissement de consignes spécifiques ou
recommandations.
Toutes les anomalies, qu'elles soient détectées lors de l'exploitation des résultats de mesure
par les contrôles périodiques, ou qu'elles soient révélées par les incidents et accidents, doivent être
analysées, les causes effectives identifiées, les mesures correctives et préventives proposées, celles
retenues appliquées et leur efficacité contrôlée.
Ce travail effectué au niveau de chaque laboratoire ou installation ne doit pas rester
confidentiel. L'information doit circuler et les mêmes mesures doivent être appliquées dans
l'ensemble de l'établissement là où des situations identiques sont susceptibles de se produire.
Il est important d'organiser le retour d'expérience et pour cela il faut expliciter les différents
niveaux d'analyse ainsi que les voies de circulation de l'information et les niveaux de décision.
Les processus ne sont pas fondamentalement différents. On retrouve une phase préparatoire
correspondant à la phase de conception et une phase opérationnelle correspondant à la phase
d'exploitation.
L'évaluation des sources résiduelles est un passage obligé ainsi que la définition des objectifs
à atteindre en matière de dosimétrie individuelle et collective avant que de définir les moyens de
protection à mettre en oeuvre.
De la même manière, les exigences en matière de déchets: quantité, activité et devenir ont
une répercussion notable sur les techniques à mettre en oeuvre et les travaux à effectuer.
34.6. CONCLUSION
L'exposition professionnelle doit être maintenue dans des limites acceptables; c'est le rôle
fondamental de la radioprotection.
Les experts en radioprotection proposent des objectifs dosimétriques, préconisent des moyens
et méthodes de prévention, en contrôlent l'application et l'efficacité.
Le retour d'expérience est pour eux la pierre angulaire de l'optimisation qui dépend autant de
la mise en place de protections collectives et individuelles que de l'agencement des locaux et
l'organisation rationnelle des travaux.
Le contrôle de l'application de la réglementation en matière de sécurité radiologique est
nécessaire mais il ne doit pas être une fin en soi. L'objectif de la radioprotection est de prévenir les
accidents et d'optimiser les niveaux d'exposition et le non respect de la réglementation va à
rencontre de ces objectifs.
L'ensemble des points ici rappelés est développé dans les chapitres 35 à 47. Il n'a pas été fait
mention, volontairement, du rôle de la radioprotection dans le cadre de l'intervention en cas
d'accident car l'exposition du personnel n'est pas dans ce cas soumise aux mêmes contraintes qu'en
situation normale et cet aspect est développé dans un autre chapitre.
CHAPITRE 35. ORGANISATION DU TRAVAIL
Mme. V. Juhasz (1) Mme. A-M. Romain (2)
L'objet de ce chapitre concerne les activités du personnel dans des locaux où il est susceptible
d'être soumis aux rayonnements ionisants (a, (3, y et neutrons).
La nature de ces rayonnements et leurs effets sur l'organisme imposent que les expositions
individuelles et collectives soient maintenues aussi bas qu'il est raisonnablement possible, compte
tenu des facteurs économiques et sociaux (respect du concept ALARA, CIPR 60).
A cette fin, les postes de travail exposés font l'objet d'une analyse dont la périodicité est
fonction du niveau de dose, à définir par l'exploitant.
Les ICPE sont classées dans une nomenclature (décrets du 07/07/92 et 29/12/93).
Les rubriques de classement sont divisées en deux grandes parties: classement par substances
(toxiques, inflammables, radioactives, etc.) et par branches d'activités (élevage, industries
mécaniques, métallurgiques, etc.).
Chef d'établissement
Employeur
Une ICPE possède au moins une "personne compétente". Elle est désignée par l'employeur.
Elle doit avoir préalablement suivie avec succès une formation à la radioprotection agréée par les
ministres chargés du travail, de la santé et de l'agriculture. La personne compétente est chargée de
la mise en oeuvre des mesures de radioprotection sur une ICPE.
Une 1KB dispose d'un service ou d'un personnel "compétent" en radioprotection désigné sous
la responsabilité du chef d'établissement. Il est chargé de la mise en oeuvre des prescriptions en
radioprotection sur l'INB.
Recommandations de la Commission
Directives européennes
Ces différents décrets et arrêtés sont repris et expliqués dans des consignes qui sont
d'application sur les installations.
10
35.4. ENONCE DES RISQUES
Le personnel amené à travailler en milieu ionisant dans des conditions normales de travail est
susceptible d'être soumis à des expositions de nature différente:
- l'exposition externe résultant de l'irradiation globale ou partielle par des sources situées en
dehors de l'organisme (rayonnements P, y, neutrons);
- l'exposition interne résultant de l'irradiation par des sources ayant pénétré dans l'organisme
(rayonnements a, p, y);
- l'exposition externe et l'exposition interne associées résultant de la présence simultanée des deux
natures de doses.
- de classer dans l'une des deux catégories appelées catégorie A et catégorie B, sous réserve de
leur aptitude médicale, les personnes susceptibles d'être exposées dans le cadre de leur travail.
On définit par:
Pour la mise en oeuvre des mesures de radioprotection, l'exploitant doit disposer d'une
organisation.
11
- de prévoir les mesures à mettre en oeuvre en situations anormales (organisation du plan
d'urgence interne, intervention des secours, etc.),
- de définir une ou plusieurs zones à accès réglementés, dites "zones contrôlées", une ou plusieurs
zones surveillées,
- d'effectuer une comptabilité individuelle des sources scellées,
- d'effectuer une comptabilité globale (volume, activité) des sources non scellées, des déchets
solides conditionnés, des outillages et matériels contaminés conditionnés, entrant ou sortant de
l'installation.
Afin de limiter tout risque de doses externes et/ou internes, l'organisation mis en place doit
permettre:
Les limites sont dérivées des directives européennes 80-836 et 84-467 qui s'appuient sur les
recommandations de la CIPR 26. (tableau 35.1 - l'unité est le millisievert)
TABLEAU 35.1.
12
35.6.2. Expositions exceptionnelles
Dans des situations inhabituelles de travail lorsque d'autres techniques ne peuvent être
utilisées, des expositions exceptionnelles concertées peuvent être mises en place, sur autorisation de
l'inspecteur du travail, après avis du SCPRI\ Toute exposition exceptionnelle concertée est soumise
à l'accord préalable du travailleur de catégorie A, du Comité d'hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT), sur demande de ou des personnes "compétentes", après avis du
médecin du travail.
Seuls peuvent être soumis à ce type de dose, des intervenants spécialement informés sur les
risques et les précautions à prendre au cours de l'intervention.
Une femme en état de procréer ne peut être soumise à une exposition exceptionnelle
concertée.
Dans le projet de révision de la directive européenne, seules les femmes enceintes et les
mères allaitantes sont exclues.
L'exposition subie en une ou plusieurs fois au cours de ces interventions ne doit pas dépasser
des plafonds qui sont fixés par les autorités compétentes. En France, actuellement, la dose annuelle
ne doit pas dépasser en un an le double des limites annuelles fixées pour des conditions normales de
travail, et au cours de la vie, le quintuple de ces limites.
Les expositions d'urgence ne se justifient que pour porter assistance à des personnes en
danger ou pour prévenir l'exposition d'un grand nombre de personnes.
Une limite supérieure pour ce type de dose est préalablement fixée par le médecin du travail
de l'intervenant.
Seuls les intervenants de catégorie A volontaires, spécialement informés sur les risques des
expositions dépassant les limites peuvent participer à de telles interventions. Ils figurent sur une liste
préalablement établie.
3
Remplacé depuis 1995 par l'Office de protection contre les rayonnements ionisants - OPRI (NDLR)
13
Le chef d'établissement doit faire procéder dans les 48 heures après constatation d'un
dépassement de limite à:
Les résultats des études et analyses menées après un dépassement de limite de dose sont
communiqués à l'employeur, au médecin du travail et au CHSCT. Ces résultats sont tenus à la
disposition de l'inspecteur du travail.
En outre, l'employeur doit assurer au travailleur, jusqu'à ce que la dose annuelle moyenne
redevienne inférieure aux limites données au paragraphe 35.6.1, un emploi assorti d'une
rémunération équivalente et n'entraînant aucun retard de promotion ou d'avancement.
- une ou plusieurs zones contrôlées dont l'accès est réglementé. Ces zones englobent les parties de
l'installation dans lesquelles la dose des travailleurs est susceptible de dépasser les trois dixièmes
de l'une des limites annuelles définies au tableau 35.1 pour les catégories A, dans les conditions
normales de travail;
- une ou plusieurs zones surveillées dans lesquelles la dose des travailleurs est susceptible de
dépasser un dixième de l'une des limites annuelles fixées pour les catégories A, dans les
conditions normales de travail.
Les différentes zones sont définies par la ou les personnes compétentes, sous la responsabilité
du chef d'établissement.
La zone contrôlée est découpée en zone dite verte et zones spécialement réglementées ou
interdites dénommées jaune, orange et rouge.
14
L'accès en zone orange et la durée de séjour dans celle-ci sont soumis à l'accord de la
personne compétente en radioprotection.
L'accès en zone rouge ne peut être autorisé qu'à titre exceptionnel, par le chef
d'établissement, selon des conditions fixées dans chaque cas, après avis d'une personne compétente
en radioprotection.
De plus, l'accès aux zones orange et rouge fait l'objet d'un enregistrement nominatif sur un
document tenu spécialement à cet effet.
Le débit de dose est compris entre 2,5 10"3 et 7,5 10"3 mSv.bf1 pour 2 000 heures travaillées.
TABLEAU 35.2.
Les zones réglementées font l'objet d'une délimitation et d'une signalisation normalisée.
Toute zone rouge doit, en outre, être délimitée par une clôture matériellement
infranchissable.
La zone surveillée doit faire l'objet d'un contrôle d'ambiance: cartographies de répartition de
débits de dose et absence de contaminations surfacique et volumique. En France, le contrôle doit
être effectué au moins tous les six mois.
Les résultats de ces mesures sont reportés sur les plans de l'installation mentionnant les dates
de ces contrôles.
15
35.8. MODALITES D'ACCES EN ZONE CONTROLEE - REGLES DE SECURITE
Lorsque la nature et les conditions de travail nécessitent le port de tenues spéciales, les
vestiaires affectés aux travailleurs doivent comporter deux locaux distincts séparés par une salle de
douche et des lavabos. Ils sont dénommés "vestiaire chaud" et "vestiaire froid".
Le vestiaire froid comporte des armoires destinées aux vêtements de ville, le vestiaire chaud
des armoires destinées aux vêtements de travail.
Enfin, l'entrée en zone orange ou rouge ne peut se faire sans autorisation spéciale.
35.9. PROCEDURES
Des actions survenant périodiquement peuvent ainsi être effectuées, quel que soit l'agent
suivant un même schéma directeur.
16
Les consignes relatives au transport par voie postale, par véhicule personnel, etc., permettent
de faire des mouvements de matières radioactives conformément à la réglementation en vigueur et
facilitent la préparation de ces opérations.
Les consignes particulières à l'usage des agents d'exploitation permettent de gérer les tâches
plus spécifiques à caractère répétitif. Cela peut être:
- des règles d'accès à des endroits particuliers (par exemple, accès à l'enceinte étanche ou au
niveau piscine pour un réacteur, accès restreint à certains locaux);
- des interventions cycliques propres à une installation (ouverture de circuits susceptibles d'être
contaminés, intervention dans des locaux spécifiques).
Les consignes:
Lorsqu'il s'agit d'un travail effectué en zone contrôlée jaune, l'agent de radioprotection
donne un avis sur les conditions d'intervention; pour l'accès en zone contrôlée orange, on prévoit
l'utilisation de la demande écrite relative aux avis de travail en présence de rayonnements. Cette
demande indique clairement le lieu et la nature du travail, ainsi que le personnel prévu pour ce
travail.
17
Une procédure caractéristique des conditions radiologiques est donné par l'agent de
radioprotection en fonction des niveaux de rayonnements mesurés ou attendus.
Pour les travaux à caractères répétitifs en zone jaune ou orange, une procédure ou consigne
particulière peut être établie.
Rappel: seuls les travailleurs classés A ou B sont autorisés à effectuer des travaux sous
rayonnements. Les travailleurs non affectés (NA) ne doivent pas être exposés du fait de leur propre
travail. En conséquence, tout travail mettant en jeu une source de rayonnements ionisants leur est
interdit.
ANNEXE
La CIPR a publié en 1990 de nouvelles recommandations (CEPR 60) et a révisé les limites
annuelles pour les travailleurs et le public (voir chapitres sur la réglementation).
- 50 mSv.an'1
Pour le public:
- 1 mSv.an"1
- exceptionnellement: 5 mSv.an"1 à condition de respecter, sur 5 ans, la moyenne de 5 mSv
Ces recommandations sont reprises dans le projet de directive européenne sur les normes de
base.
18
CHAPITRE 36. TECHNIQUES DE PROTECTION CONTRE L'EXPOSITION
EXTERNE
L. Bourgois
II importe en radioprotection, que la dose reçue par une personne à un poste de travail soit la
plus faible possible, compte tenu, bien entendu, du coût de la protection à mettre en oeuvre. Pour
cela on peut:
Avant de mettre en oeuvre une technique de protection il faut bien entendu savoir contre quel
type de rayonnement l'on veut se prémunir. Il faut connaître la nature de ces rayonnements
(électromagnétiques, particules chargées, neutrons), l'énergie de ces rayonnements, ainsi que
l'intensité de ces rayonnements appelée "terme source".
Le terme source est donné en Sv.h'1 (ou en Gy.h"1) à une distance d, mais on peut trouver la
notation Sv.h"1.m2 qui signifie que le débit de dose est donné à 1 m.
Par exemple le terme source pour une source de 37 GBq de ^Co sera égal à
37x0,351 = BmSv.h" 1 à 1 m.
19
Pour 0,3 < E (MeV) < 1,5 l'erreur commise est inférieure à 10 %;
Pour 0,065 < E(MeV) < 0,3 ou 1,5 < E(MeV) < 2 l'erreur sera comprise entre 10 % et 30 %.
60,
Par exemple soit une source de Co de 37 GBq:
60,
'Co Ey! = 1,17 MeV à 100 %
g 100 ,
x 37.10 xl,17x = 5,6mSv.li
100
,n
10 g 100
Hr2 = 1.3.10""10 x 3 7 . 1 0 9 x l , 3 3 x = ô^
100
36.2.1. Définitions
On appelle rayonnement direct (ou primaire) le rayonnement émis par une source radioactive
et résultant de la désintégration du radionucléide qui la constitue, le rayonnement émis par un
générateur de rayons X et le faisceau de particules émis par un accélérateur.
Les rayonnements secondaires sont ceux qui résultent des interactions du rayonnement
primaire (par exemple de rayonnement diffusé).
On appelle effet de ciel un rayonnement diffusé par l'air, par dessus un mur de protection.
Effet de ciel
20
36.2.2. Principes de protection
La réduction de l'exposition des travailleurs peut s'opérer sur les quatre paramètres suivant:
Pour réduire la dose intégrée, on peut avoir une démarche ergonomique c'est à dire étudier
les relations entre l'opérateur et ses moyens, méthodes et milieux de travail. L'objectif étant de
rassembler les connaissances relatives à l'homme et nécessaires pour transformer les situations de
travail existantes, ou adapter et concevoir les outils, machines et dispositifs de travail pour qu'ils
puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité.
Pour réduire la dose on peut réduire le temps d'exposition. Les mesures à mettre en oeuvre
sont des mesures de bon sens:
- de posséder des plans à jour de l'installation afin d'éviter autant que possible les
repérages préalables ou en cours d'intervention ou d'opération, qui aboutissent à
des expositions non justifiées;
- d'utiliser des systèmes à démontage rapide;
- de coordonner les interventions et les actions des différents intervenants;
- au besoin de procéder à des essais à blanc et d'employer les techniques modernes de
simulation (vidéo, etc.);
Soit une source ponctuelle isotrope émettant 4>Q particules par seconde dans tout l'espace (soit
47i Sr). A une distance dj le débit de fluence est de:
21
Le débit de dose {D) est proportionnel à la fluence d'où:
(36.2)
Cette loi n'est vérifiée que si la source vue du point d'observation peut-être considérée
comme ponctuelle. Pour une source radioactive de dimensions données, cette loi n'est valable qu'à
partir d'une certaine distance (en général 5 à 10 fois le diamètre de la source).
Exemple
Quel sera le débit de dose d'une source ponctuelle y ayant un terme source de 300 Gy.h^.m 2 ,
pour un observateur situé à 6,5 m ?
Pour manipuler aisément les substances radioactives à distance, on a mis au point des pinces
longues allant jusqu'à un mètre.
Les pinces longues les plus simples ont une poignée en crosse de pistolet et sont munies d'une
gâchette actionnant des griffes permettant de saisir la source de rayonnement.
Un modèle plus perfectionné comporte une vis filetée que l'on peut faire jouer de façon à
maintenir les mâchoires dans leur position de serrage. On peut ainsi maintenir une source dans une
position donnée à l'aide d'une pince et effectuer une opération sur cette source avec une autre
pince.
Les pinces peuvent traverser un blindage, on fera attention qu'à cette traversée il n'y ait
aucune fuite de rayonnement.
Une autre méthode pour se protéger contre l'exposition externe consiste à interposer, entre la
source de rayonnement et le personnel exposé, des écrans efficaces.
Les particules a, émises par les radionucléides naturels ou artificiels, perdent très rapidement
de l'énergie en traversant la matière et ne pénètrent pas profondément. Il suffit d'une fraction de
millimètre de n'importe quelle matière pour absorber ces particules (plexiglas, papier, carton, etc.).
En outre, même en l'absence d'écrans, elles n'entraînent aucune exposition externe; leur parcours
étant inférieur à la profondeur à laquelle se situe la couche sensible de la peau.
Les particules p ne perdent pas leur énergie aussi rapidement que les particules a et elles sont
donc plus pénétrantes. Par exemple dans l'air leur parcours varie d'un mètre cinquante (pour
0,5 MeV) à environ douze mètres (pour 3 MeV) [2].
22
Pour les particules (3 les écrans constitués de matières d'éléments de faible numéro atomique
conviennent le mieux. En effet les particules P perdent leur énergie dans l'écran par ionisation et
excitation mais aussi en produisant un rayonnement de freinage dont le rendement est proportionnel
au numéro atomique (Z) du matériau.
Pour connaître le parcours maximal des P dans divers matériaux on peut se reporter aux
références [2] et [3].
- on cherche tout d'abord à arrêter les électrons en utilisant un écran épais d'un matériau à faible
Z et d'épaisseur égal au parcours (parcours maximal donné par les références [2] et [3]);
- on estime la fraction d'énergie transformée en rayonnement de freinage (rendements donnés
dans la référence [2]);
- on calcule la protection pour le rayonnement de freinage.
On considère ici un faisceau étroit de rayons y collimatés. Les photons diffusés dans l'écran
placé dans le faisceau sont, dans le faisceau émergent, peu nombreux à atteindre le point
d'observation (fig. 36.2).
N = Noe"MX
avec pour les doses et les débits'de dose une relation identique:
D = Doe^x (36.3)
On peut aussi exprimer cette relation sous une autre forme, en utilisant Y épaisseur dixième
c'est à dire l'épaisseur qui permet d'atténuer le débit de dose initial d'un facteur 10.
23
ECRAN
C'est le cas le plus fréquent dans le domaine de la protection radiologique. Dans ce cas il faut
prendre en compte les photons diffusés.
Ainsi l'atténuation n'est plus une fonction exponentielle mais doit être corrigée d'un facteur
multiplicatif B supérieur à 1, appelé facteur d'accumulation ou "Buildup factor". Celui-ci peut être
lui même une fonction de x.
D = Do . B . eMX
En règle générale on préférera utiliser le facteur de transmission T en faisceaux larges qui
est le produit B.e"^ x .
D = Dse . T (36.5)
avec:
Soit un faisceau primaire (rayonnement collimaté) diffusant sur un fantôme (fig. 36.3).
24
0
Do: terme source (à 1 m)
T : facteur de transmission dans l'écran secondaire
dl
FACTO U E
S (surface
éclairée )
SOURCE
d2
MUR SECONDAIRE
OBSERVATEUR
On a:
Do x T x a xS
Dobs, 2 2
(36.6)
A
d
II est à noter que l'énergie du rayonnement diffusé est dégradée par rapport au rayonnement
primaire. Les valeurs des facteurs de transmission pour différents angles de diffusion sont données
dans la référence [1].
137,
36.5.3.3. Application à un faisceau de Cs
137,
On a l'intention d'installer un irradiateur au Cs de 10 TBq dans une casemate représentée
sur la figure 36.4. Le faisceau primaire éclaire le mur sur une surface de 0,16 m 2 . On veut à 50 cm
derrière les protections un débit de dose de 2,5 jtGy.rf1. Calculer l'épaisseur des murs primaires et
secondaires (ceux-ci seront en béton ordinaire 2,35 g.cm"3).
137,
L'énergie du rayonnement y du Cs étant de 0,661 MeV émis à 85,2 % l'équation (36.1)
peut être utilisée.
25
3.5 .-n r —^
d:
. •
a:
_ _ _ _ _ _ _ — — "
_- —
MM AI
A
~ — __________^
SOURCE FAISCEAU PRIMAIRE "
4.5 m
M LU SECOMDAIRE
/
OBSERVATEUR T.
730
d'où: D (sans é crai}> = = 60 mGy.h"
(3,5)'
On veut à ce point d'observation un débit de dose de 2,5 jtGy.h'l- D'après l'équation (36.5):
o
D 2,5.10"° 5
5
T = — r- = 4.10
-3
60.10
D'après la réf. [1] on a une transmission de 4.10'5 pour du 137Cs avec 75 cm de béton.
os
Do xa xS
0
DObs = 2,5.10 Gy / h (dé bit cb dose souhaité
d! = 3,5-(0,5+0,75) = 2,25 m
d
2 = 4,5 m
a = 3.10-2 2
S = 0,16 m
(2,25)2 x (4,5)2
T = 2,5.1G- 6 x = 0,07
730.KT x3.10"2 xO,16
Pour obtenir une transmission de 0,07 une diffusion à 90° dans le béton nous donne une
épaisseur de 16 cm de béton [1].
26
36.5.4. Cas des neutrons
L'absorption des neutrons dans un écran met en jeu des phénomènes de "ralentissement" et
de "capture". Le phénomène de capture a une section efficace qui croît lorsque l'énergie des
neutrons diminue.
Dans un écran on aura donc au départ un phénomène de ralentissement des neutrons puis au
fur et à mesure qu'on pénètre dans le matériau, les réactions nucléaires de capture absorbent de
plus en plus ces neutrons ralentis.
Remarque
Lorsque le neutron est "capturé", il y a émission d'un y assez énergétique (capture dite
radiative). Le produit de la réaction de capture peut être un atome radioactif (activation des
matériaux de blindage).
L'atténuation des neutrons rapides qui est également exponentielle, est due au ralentissement
suivi de captures radiatives si l'énergie des neutrons incidents n'est pas très élevée. On utilise à cet
effet, un matériau présentant une section efficace de diffusion élastique élevée (matériau léger: H,
H 2 O).
27
A plus haute énergie, une atténuation efficace est apportée par les réactions nucléaires
d'absorption (réactions inélastiques) sur des éléments ayant une section efficace de diffusion
inélastique élevée (matériau lourd: Fe, Pb).
Le tableau 36.3. donne les épaisseurs dixièmes pour quelques sources de neutrons pour
différents matériaux. Ces valeurs ont été tirées de la littérature [1] ou mesurées au CEA Saclay.
Avant la mise en service d'une installation il faut effectuer les contrôles suivants:
Pour pouvoir être d'accès autorisé ou interdit, il faut que l'installation puisse être à l'arrêt
(aucune irradiation dans la casemate, donc l'accès est autorisé) ou en fonctionnement (irradiation
dans la casemate, d'accès interdit).
28
- l'accès à une casemate d'irradiation n'est possible que si l'installation est à l'arrêt.
Les dispositifs de sécurité gérant les accès et les autorisations de fonctionnement devront être
contrôlés périodiquement avec un mode opératoire approprié.
Hypothèses
- On veut construire une casemate pour un accélérateur dont les caractéristiques sont les suivantes:
-
25 MeV en y ou en électrons,
terme source 300 Gy.h"!.m2,
-
-
le faisceau est dirigé dans une seule direction (vers le mur primaire),
-le faisceau est intercepté soit par le mur primaire soit par un fantôme à lm de la
"source",
- champ carré 40x40 cm2 à 1 m,
- On veut un débit de dose inférieur à 2,5 ^Gy.h"1 à l'extérieur des protections (à 50 cm de celles-
ci).
— » 1 le
. • • ' • • • '
1-
I
\
r
" • . • / . / • . . . . • • . . ' . :"
i_
1'- • . /
^
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j — i
u
£
• . • ;
• ' • . . - . " • - • • • " ' • : . • . • " ' • " • ' • ' " • • !
7 m
T =
,3
Les courbes de transmission [5] pour du béton ordinaire (d = 2,35 g.cm"3) pour un
rayonnement y de 25 MeV donnent une épaisseur de 300 cm pour obtenir une transmission de
5.10'7.
29
Calcul du mur secondaire
On suppose que le faisceau est diffusé par le mur primaire. La surface "éclairée" sera de:
S = 0,16x(7-3) 2 = 2,56 m2
X 3 p
T = 2,5.10"* x = Î.IO"3
300xax2,56
Pour obtenir une atténuation de Î.IO'^ pour un rayonnement y de freinage à 16 MeV il faut
120 cm de béton [5].
Si le faisceau est dirigé maintenant sur un fantôme de 40x40 cm2 situé à 1 m de la source:
S = 0,16 m2
= 1m
= 5,5 m
12 v c c2
T = 2,5.10-* x ^ = 1.10":
300 x 1,5.10° x 0,16
Soit une même valeur de transmission, donc une même protection que précédemment.
Il faut savoir que le blindage de la tête de rayonnement "fuit" (on appelle cela rayonnement
de fuite). Dans notre cas le constructeur donne 0,1 % de 300 Gy.h"1 soit 0,3 Gy.h'1. Quand le
fantôme est placé à 1 m il existe donc deux termes sources: celui dû au rayonnement diffusé sur le
fantôme et celui dû à la fuite.
Le débit de dose à 5,5 m du fantôme à 90° sans écran de protection est donc de:
1
D = Dl + A . . 300 xocx 0,16 + ^3 # ^^Gyh"
d;d
T . hl 2
1,2.10'
121
Pour obtenir une transmission de 2.10"4 pour un rayonnement de freinage à 16MeV, il faut
160 cm de béton [5]. On prend donc 160 cm de béton pour le mur secondaire.
Porte d'accès
On pourrait mettre une porte de 160 cm de béton en vue directe de la source, mais cette
solution est très onéreuse.
On préférera avoir une porte légère et un accès chicané pour obtenir l'atténuation souhaitée.
Le rayonnement dans la chicane va diffuser sur les murs et à chaque diffusion va être atténué d'un
facteur a.S. De plus cette dose va être divisée globalement par un facteur égal au produit des
30
longueurs successives de diffusion au carré. Dans la figure 36.6 on voit que le rayonnement doit
diffuser 2 fois dans la chicane avant de "sortir".
at S, . a, S 2
D
sortie
0
D'où le débit de dose à la porte D = 3nGy.h . La chicane est donc assez efficace dans
cette configuration.
E
n
e
— s s
•o 0
t»
V U
X>\ Ë « "S . __ " r-
— 1
- •
Calcul du toit
Si le toit n'est pas occupé (aucune construction au-dessus de celui-ci) on peut admettre un
débit de dose supérieur aux limites fixées (environ 100 fois en général). Dans ce cas on interdira
l'accès au toit pendant le fonctionnement de l'accélérateur et on calcule le débit de dose dû à
"l'effet de ciel" à 20 m de la casemate.
31
effet de ciel
v ki
point d'observation
ds
On a [4]:
» _ TToi,xQuxDo
D à une distance d s(m.Gy.h-') - -, - ~
4,02.1(T x dfx
On admet un débit de dose de 100 x 2,5 /xGy.h'1 sur le toit; pour cela il faut une transmission
de:
o
DTOU
TToit = '
D point obs sans é cran
° 100x2,5. 2,5.1a4
= 7,8.ia3
TToit = (Do aSy/(l,Sf (300 x 1,5.1 a 3 x 0,\6)/(\,5f
Astuces de conception
La figure 36.8 donne quelques astuces de construction pour éviter les fuites de rayonnement.
Différents types de techniques peuvent être trouvés dans les références [7] et [8].
32
méthodes pour empêcher les fuites autour des portes
mauvais bon
bon
sol
I 1bon
REFERENCES
[3] Radiological Health Handbook. US Département of Health, Education and Welfare (1970).
[6] DE CHOUDENS H., TROESCH G. Initiation à la radioprotection, publié par la Société française
de radioprotection (1985).
33
CHAPITRE 37. TECHNIQUES DE PROTECTION
CONTRE L'EXPOSITION INTERNE
D. Peype
La prévention contre les risques nucléaires est fondée sur le concept de défense en
profondeur et utilise la méthode des barrières pour maintenir le confinement des produits
radioactifs. L'interposition en série de plusieurs barrières étanches entre la matière radioactive et le
personnel d'exploitation et le public constitue ainsi les systèmes de confinement.
Le caractère progressif de la sûreté résulte de l'existence de trois niveaux successifs mais non
indépendants. Les deux premiers niveaux constituent la première ligne de défense. Le troisième
niveau constitue la deuxième ligne de défense.
37.1.1.1. La prévention
37.1.1.2. La surveillance
La surveillance permet la mise en oeuvre des actions correctives (en cas de dépassement de
seuils fixés) pour revenir aux conditions normales de fonctionnement.
II s'agit d'une action corrective visant, en cas de dépassement des limites technologiques, à
limiter les émissions de produits radioactifs.
37.1.2.1. Principe
35
Un premier système de confinement englobant les sources de contamination. Il a pour rôle
d'éviter la dissémination dans les zones de circulation et dans l'environnement.
Un deuxième système de confinement, englobant le premier, correspondant aux zones de
présences normales du personnel directement affecté aux travaux sous rayonnements. Il a pour rôle
de limiter les conséquences d'une dissémination accidentelle:
- pour le personnel, en évitant son extension;
- pour l'environnement, en évitant la dispersion dans les zones "non réglementées" et dans
l'environnement.
Dans le cas des réacteurs, le système de confinement comporte trois barrières. On considère
classiquement que la première barrière est constituée par la gaine du combustible, la deuxième par
l'enveloppe du circuit primaire et la troisième par l'enceinte du bâtiment.
GAINE
CUVE REACTEUR
ENCEINTE CONFINEMENT
Un bâtiment qui contient des matières radioactives doit être conçu et construit de telle
manière que le personnel, le public et l'environnement soient protégés contre les rayonnements
ionisants. Pour cela on interpose entre les sources et le personnel, puis l'environnement, plusieurs
barrières de confinement successives, qui divisent l'intérieur du bâtiment en autant de zones,
schématiquement concentriques, isolées les unes des autres, et dans lesquelles le risque va en
décroissant des sources vers l'extérieur.
On peut en distinguer essentiellement quatre, que la norme M 62-101 (les réacteurs
nucléaires ne sont pas visés par cette norme) numérote de 4 à 1 par ordre de risque décroissant.
La zone 4 est constituée par l'intérieur des locaux ou des enceintes qui contiennent les
sources. La zone 2 groupe les locaux où le personnel est appelé à travailler en permanence (les
barrières séparant les sources de la zone 2 doivent donc permettre ces conditions de travail). La
zone 3 est intermédiaire entre les zones 4 et 2 et la zone 1, entre la zone 2 et l'extérieur.
36
Les barrières (confinement statique) sont constituées par les éléments de construction (murs,
cloisons, parois, planchers, filtres etc.) qui séparent les zones. Elles sont construites de telle sorte
que le confinement ne risque pas de se trouver affecté même par des phénomènes naturels de faible
probabilité (tremblements de terre, inondations, ouragans), par des chocs extérieurs (chutes
d'avions, explosions, etc.), par les pannes ou défauts (rupture, usure entraînant la mise hors
service, etc.), ou par les conséquences d'une erreur humaine.
Toutes dispositions doivent être prises pour qu'une rupture accidentelle de la première
barrière n'entraîne aucune conséquence grave pour le personnel et les personnes du public.
La ventilation (confinement dynamique) maintient entre les zones des différences de pression
complétant l'étanchéité des barrières. Les accès d'une zone à une autre sont spécialement aménagés
pour préserver cette étanchéité.
DEUXIEME
SYSTEME
DE
CONFINEMENT
PREMIER SYSTEME
DE CONFINEMENT
La barrière "statique" qui est constituée par le matériel de procédé et ses canalisations, est
extrêmement résistante à la corrosion. Cette condition est imposée par la difficulté de réparer, en
cas d'avarie, un équipement fortement contaminé. La "ventilation procédé" assure le confinement
dynamique par le maintien d'une dépression entre le matériel de procédé et l'extérieur. D'autre
part, elle réalise un assainissement par le balayage des cuves et des conduits, et le transfert de la
contamination non fixée vers les filtres procédés. Ceci limite ainsi l'accumulation des gaz de
radiolyse qui sont susceptibles de provoquer des explosions chimiques.
37
La deuxième barrière est constituée par les limites des cellules en béton extrêmement résistantes
où sont renfermés les équipements, par la face interne des boîtes à gants et des enceintes blindées.
Elle se continue par les autres éléments qui reconstituent ainsi la continuité, comme les gaines de
ventilation et les autres conduits. Cette barrière a un rôle limité au maintien du confinement hors
accident mécanique d'origine externe. La barrière statique est complétée par une barrière
dynamique, assurée par la ventilation haute dépression ou moyenne dépression du bâtiment. Ce
système de ventilation assure le confinement dynamique en maintenant la cellule en surpression
par rapport aux appareils du procédé et en dépression par rapport aux locaux voisins qui
appartiennent au deuxième système de confinement.
Le confinement dynamique vise à obtenir grâce aux systèmes de ventilation une reprise des
fuites inhérentes aux défauts de confinement statique et à les canaliser.
Vis-à-vis de l'environnement, le confinement dynamique permet:
Compte tenu de l'importance comparée des effets de vent sur les façades, des effets
thermiques de "cheminée" et des fluctuations attendues sur les dépressions dans les locaux, les
valeurs du tableau 37.1. sont généralement adoptées dans le Groupe CEA.
Ces valeurs prennent en compte les effets thermiques généralement rencontrés (0,04 Pa/°C/m
linéaire), la précision des mesures de dépression (1,5 Pa), l'influence des variations de pression
dues aux fluctuations des systèmes de régulation des pressions (5 Pa) et les fluctuations des
pressions dues aux fluctuations permanentes des débits d'air (2,5 Pa).
37.1.3.3. Choix des débits
Les débits extraits des locaux sont choisis pour respecter les objectifs assignés à la ventilation
nucléaire:
Dans la pratique, on se fixe souvent une valeur du débit extrait qui correspond à un taux de
renouvellement prédéfini et on vérifie que toutes les autres contraintes sont satisfaites. La valeur
préconisée du taux de renouvellement horaire a beaucoup évolué depuis les débuts de l'industrie
nucléaire, en diminuant considérablement. Si des valeurs de 10, voire de 20, ont été retenues pour
des cellules fortement contaminées, les valeurs actuelles sont beaucoup plus faibles, souvent de 1
pour les boîtes à gants où l'on manipule des poudres. Les valeurs élevées (10 à 20) sont réservées à
39
l'assainissement des boîtes à gants où l'on manipule du tritium et où la limitation de la diffusion du
tritium dans les locaux ne peut être assurée que par un abaissement de la teneur en tritium dans les
boîtes.
37.1.3.4. Ventilation par famille dans les usines
Ce découpage est basé sur les risques liés à l'irradiation et à la contamination. Dans le souci
d'optimiser la conception des réseaux de ventilation, et grâce à l'expérience d'exploitation des
installation anciennes, il a été introduit une nouvelle classification en fonction des seuls risques liés
à la dissémination de la contamination. Cette classification est basée sur l'estimation par
l'exploitant des niveaux prévisibles de contamination atmosphérique des locaux, en condition
normale de fonctionnement et en situation accidentelle plausible (susceptible de se produire
quelques heures par an). Six familles ont ainsi été déterminées, en utilisant comme référence les
niveaux de contamination cités dans l'arrêté du 7 juillet 1977, et en se fondant sur les conséquences
des contaminations envisagées. Cette classification est présentée dans le tableau 37.2.
La compatibilité entre les zones "Norme" et les familles est représentée dans le tableau 37.3,
où les symboles ont le sens suivant:
P = possible
I = impossible
NR = non recommandé et doit faire l'objet d'une justification
L'intérêt essentiel du classement en famille est de proposer pour chaque zone formée de
locaux classés dans la même famille et présentant un niveau de risque de contamination équivalent,
un schéma type de ventilation.
On associe à chaque famille des prescriptions sur:
- le nombre de niveaux de filtration que l'on doit trouver en aval des locaux;
- la possibilité ou non d'une ventilation par transfert;
- les exigences sur ces transferts;
- la protection biologique à associer aux filtres susceptibles de devenir irradiants;
40
- le changement d'un filtre, qui peut s'opérer dans certains cas avec une interruption temporaire
de la fonction filtration.
On peut assurer le confinement dynamique des locaux en utilisant une ventilation par
transfert. Le principe général est d'utiliser de gros débits, de souffler dans les locaux non
contaminés (zones de circulation) et d'extraire dans les locaux contaminés. Un calcul préalable des
sections de passage de l'air entre les locaux où l'air circule par transfert permet de répartir les
débits entre différents cheminements et de ventiler plusieurs séries de locaux en parallèle.
Si cette solution conduit à une conception des réseaux de ventilation très simple, ce principe
présente un défaut majeur lorsque l'on contrôle mal la répartition des débits d'air, et en particulier
lorsque l'on ne peut garantir l'étanchéité des traversées mal rebouchées, ou que l'on ne peut obtenir
du personnel d'exploitation que les portes qui sont considérées comme fermées lors de l'étude de
conception sont effectivement toujours fermées en exploitation.
41
A l'échantillonnage sont liés les problème de localisation, de capture et d'entraînement de la
contamination. A la mesure de l'échantillon sont associés les problèmes de détection des
rayonnements et les procédés de réduction de l'influence du bruit de fond dû à la radioactivité
naturelle.
Le prélèvement d'un échantillon peut être continu ou limité dans le temps avec mesure de
l'activité du dépôt elle-même continue et simultanée au prélèvement ou bien avec une mesure
différée dans le temps. La mesure continue peut être suivie d'une mesure différée en laboratoire.
37.1.5. Captage de contamination
Les mécanismes existant à proximité d'une bouche d'extraction suffisent à expliquer que, en
raison de la rapide décroissance de la vitesse avec la distance (loi sensiblement en 1/x2), les
efficacités de captation sont en géniral faibles. La vitesse de l'air à proximité d'une bouche
d'extraction devient rapidement de l'ordre de grandeur des vitesses associées aux turbulences de
l'atmosphère "calme" (quelques cm.s"1). C'est encore plus vrai s'il existe à proximité des panaches
thermiques. Il est impossible de garantir la captation si les vitesses de déplacement de l'air créées
par la bouche d'aspiration sont plus faibles que les perturbations au niveau de la source de
pollution.
37.1.5.1. Principe de captation
- le rideau d'air;
- la hotte simple;
- la hotte ventilée avec paillasse ("Sorbonne");
- la hotte ventilée à flux dirigé ("Sorbonne nouvelle génération");
- la hotte à flux laminaire;
- la boîte à gant.
Le rideau d'air est utilisé pour séparer deux régions par un obstacle immatériel, et éviter la
dissémination de la contamination entre les deux zones.
42
Le rideau d'air est généralement un jet plan d'air propre, qui s'écoule en séparant deux zones
entre lesquelles on veut éviter la dissémination de la contamination. Si la largeur de la fente de
soufflage et la vitesse initiale sont suffisantes, le noyau du jet a une longueur supérieure à la largeur
de la section mettant les deux zones à isoler en communication, et la contamination ne peut plus
traverser cette barrière immatérielle. La figure 37.3 représente le principe:
- la zone inférieure est contaminée;
- la zone supérieure doit rester propre, mais on ne pouvait installer une trappe entre les deux
régions, car il fallait pouvoir effectuer des manutentions dans la zone contaminée au moyen d'un
télémanipulateur lourd situé dans la zone supérieure, et qui devait rester à l'abri de la
contamination;
- on souffle un jet d'air propre horizontalement;
- on reprend le jet par une aspiration, située en face, avec un débit plus important pour tenir
compte des effets d'induction;
- pour éviter de mettre en mouvement l'air de la zone inférieure, on nourrit latéralement le jet
pour compenser le débit d'air prélevé dans la région inférieure par l'effet d'induction.
La figure 37.4 représente une hotte ventilée. Ces hottes sont généralement en matière
plastique (PVC), avec une face avant relevable en verre trempé ou en polyméthacrylate de méthyle.
L'aspiration se fait en partie arrière grâce à un ventilateur incorporé ou par raccordement à une
gaine d'extraction et un ventilateur reporté en toiture. Les débits d'aspiration sont supérieurs à
1000 m3.h"1, ce qui impose de prévoir une compensation en air neuf si plusieurs hottes existent
dans un même local.
L'utilisation d'une hotte ventilée pose quelques problèmes de sécurité d'emploi:
- il est nécessaire de réduire autant que faire se peut la section d'ouverture. En effet on ne
contrôlera la vitesse de passage au niveau de l'ouverture, et donc l'impossibilité d'une rétro-
diffusion que si l'on crée une perte de charge de part et d'autre de l'ouverture, et donc un
gradient de pression;
- il est nécessaire de ne pas perturber les écoulements au niveau de l'ouverture. L'efficacité de
captation des hottes est très diminuée par la présence de courants d'air latéraux qui perturbent
les écoulements au niveau de l'ouverture. Si une forte turbulence fait pénétrer un important
volume d'air extérieur dans la hotte, le même volume d'air intérieur, puisque le débit
d'aspiration est constant, va sortir en un point différent de l'ouverture et risque de provenir des
zones contaminées et donc de provoquer une dissémination;
43
- il est nécessaire de ne pas perturber les écoulements au niveau de l'ouverture. Ceci arrive
lorsqu'un obstacle matériel est interposé dans l'écoulement. C'est malheureusement le cas de
l'opérateur travaillant devant la hotte. La portée d'une bouche d'aspiration, à laquelle on peut
assimiler l'ouverture de la hotte, doit être limitée à un diamètre de bouche (vitesse réduite d'un
facteur 10). Ceci signifie aussi qu'un obstacle situé à une distance supérieure à la hauteur de
l'ouverture ("largeur de la fente") n'aura pas d'influence. Par contre, s'il est placé à une
distance plus courte, il se trouvera dans la zone où la vitesse d'entraînement de l'air est notable
et non uniforme, et donc où il existe un gradient de potentiel. Il va donc perturber les
écoulements, jusqu'à inverser le sens du gradient, donc inverser le sens de circulation de l'air.
Ces équipements ont le même aspect extérieur que les précédents, mais à la simple aspiration
à l'intérieur de la hotte est substitué un système plus complexe, mais plus efficace, associant un jet
plan directeur, qui "aspire" la contamination par l'effet d'induction qu'il engendre, et une
aspiration, qui extrait l'air contaminé. Certaines hottes sont conçues pour apporter directement à
l'intérieur de la hotte l'air de compensation, ce qui fait qu'il n'y a plus d'aspiration au niveau de
l'ouverture, donc plus d'emprunt à l'air de la pièce, ce qui supprime la sensibilité aux courants
d'air extérieurs.
La réalisation varie avec les solutions mises en oeuvre par les fabricants. La hotte peut être
laissée en permanence en position ouverte, car il n'y a pas d'aspiration de l'air de la pièce et la
vitesse de l'air au niveau de l'ouverture est très faible. A l'avant et au niveau de l'ouverture, dirigé
vers le haut et incliné vers l'arrière, on crée un jet d'air plan sur toute la largeur de la hotte. Ce jet
est alimenté par de l'air neuf qui peut provenir du réseau de soufflage ou d'un ventilateur auxiliaire,
avec prise d'air en dehors de la pièce. Ce jet et le flux induit sont extraits par une aspiration située
en face du jet, en partie haute vers le fond. Dans certaines réalisations, des soufflages annexes
apportent l'air entraîné par induction, pour que la vitesse de passage soit nulle à l'ouverture de la
44
hotte. Toute contamination émise depuis le plan de travail ne peut sortir de la hotte, car elle doit
traverser le noyau du jet. Il en est de même des panaches thermiques, dont la vitesse ascensionnelle
n'est pas suffisante pour traverser le jet à cause de l'induction et de la dilution dans le flux soufflé.
La hotte à flux laminaire représente une autre variante, associant la configuration de la hotte
à la notion de rideau d'air dont on utiliserait le noyau (zone d'écoulement à potentiel) pour garantir
la pureté du procédé vis à vis de l'extérieur.
Ces hottes sont devenues d'usage courant dans les laboratoires de biologie, en micro-
électronique et plus généralement dans tous les cas où il est nécessaire de travailler en milieu
propre.
Le principe mis en oeuvre est celui d'un écoulement laminaire, souvent vertical et
descendant, sur toute la section de la hotte. Le flux est repris et souvent recyclé après filtration. Le
procédé est placé dans le "noyau", c'est à dire dans l'écoulement d'air préalablement filtré, donc à
l'abri de toute contamination.
Une enceinte de confinement, isolant complètement le procédé par une barrière matérielle
(parois prolongées par les gants pour assurer la manipulation), et complétée par un confinement
dynamique mettant généralement la boîte en dépression par rapport à l'extérieur, s'impose quand le
risque lié à la dissémination de la contamination devient notable, ou que le procédé doit rester à
l'abri de la contamination atmosphérique ou à l'abri de l'air (poudre pyrophorique ou craignant
l'humidité).
Lorsque le confinement devient une exigence, le recours à une enceinte de confinement
s'impose. La boîte à gants est la solution la plus courante. La figure 37.5 représente une boîte à
gants utilisée dans l'industrie nucléaire, en particulier lorsque l'on manipule du plutonium.
Les boîtes à gants ont des formes très diverses. Elles peuvent être en matière plastique (PVC)
ou métalliques. Elles comportent un ou plusieurs panneaux transparents (verre trempé ou
polyméthacrylate de méthyle). Elles peuvent être constituées de panneaux assemblés, ou au
contraire être monobloc, collées ou soudées.
Les boîtes à gants sont maintenues en dépression par des dispositifs de régulation qui assurent
aussi une fonction de sécurité en maintenant un débit d'air, dit de "sécurité", aux ouvertures en cas
d'incident comme un arrachage ou un percement de gant.
Les transferts de matière dans et hors de la boîte se font avec des dispositifs garantissant
l'absence de dissémination: transfert sous sac soudable, ou système connu sous le nom de "double
porte transfert étanche" (D.P.T.E).
45
37.2. PREVENTION INDIVIDUELLE
L'utilisation d'un appareil de protection respiratoire est nécessaire chaque fois qu'une
personne doit intervenir dans une ambiance polluée par des gaz, des vapeurs, des aérosols solides
ou liquides, ou en un lieu où la teneur en oxygène est anormalement basse.
Le choix d'un appareil de protection respiratoire doit être bien adapté aux conditions
d'utilisation et en particulier:
- à la nature et aux caractéristiques toxicologiques des polluants;
- à la concentration dans l'atmosphère des lieux de travail;
- aux impératifs physiques et physiologiques du travail à effectuer.
37.2.1.1.1. DEFINITION
Ce type d'appareils de protection des voies respiratoires est constitué d'un couvre-face et
d'un dispositif d'épuration de l'air inhalé. Le couvre-face complet recouvre les yeux, le nez, la
bouche et le menton.
FIG. 37.6. Appareil respiratoire filtrant. Couvre-face FERNEZ type grande visibilité.
Facteur de protection
46
37.2.1.1.2. UTILISATION
L'appareil doit être équipé d'une cartouche adaptée aux polluants et non saturée dans le cas
des gaz.
Dans le cas des iodes gazeux le port de l'appareil filtrant est admis pour une concentration
atmosphérique inférieure à 10 L.D.C.A., sous réserve d'une vérification de son étanchéité par une
personne qualifiée et du contrôle de son utilisation correcte.
Interdiction
Elle est fixée à quatre heures par journée de travail. Un dépassement d'une heure est toléré
sous réserve qu'il reste exceptionnel. Il est souhaitable que cette durée soit fractionnée en cas
d'activité physique importante.
Avec une tenue vinyle scotchée, le port de l'appareil filtrant est fixé à une heure par jour de
travail. Un dépassement d'une demi-heure est toléré sous réserve qu'il reste exceptionnel.
Le contrôle et l'entretien
47
37.2.1.2. Appareils respiratoires isolants à adduction d'air
37.2.1.2.1. DEFINITION
Ce type d'appareil s'adapte sur un couvre-face équipé d'une cartouche filtrante à embout
fileté.
II est constitue d'une soupape à la demande et d'un dispositif de réglage de débit.
Il est alimenté en air respirable moyenne pression ( = 7 bars) provenant d'une source qui peut
être soit le réseau d'air respirable soit un compresseur mobile, soit des bi-bouteilles à haute pression
de 46 litres équipées d'un détendeur.
37.2.1.2.2. UTILISATION
Les appareils isolants, à adduction d'air comprimé, qui présentent une garantie de surpression
dans le couvre-face (permanence d'alimentation en air respirable ou secouru par bouteille) ne
présentent pas d'interdictions ni de limites d'utilisation.
La durée maximale du travail en appareil isolant à adduction d'air comprimé est fixée à
quatre heures par journée de travail. Un dépassement d'une heure est toléré sous réserve qu'il reste
exceptionnel. Il est souhaitable que cette durée soit fractionnée en cas d'activité physique
importante.
Le contrôle et l'entretien périodique des appareils respiratoires isolants, à adduction d'air
comprimé, sont réalisés préalablement à leur mise en service, périodiquement ou à la demande.
FIG. 37.7. Appareil respiratoire isolant à adduction d'air Système FERNEZ M64
37.2.1.3.1. DEFINITION
48
La constitution des appareils est fonction des modèles d'appareils choisis. De même, leur
autonomie dépend de la nature et du volume de gaz disponible, de l'activité et de l'entraînement du
porteur.
37.2.1.3.2. UTILISATION
Ces appareils fonctionnent en surpression, ils sont utilisables quelles que soient la nature et la
concentration du polluant atmosphérique.
La durée d'utilisation doit être limitée en fonction du poids et de l'autonomie de l'appareil;
toutefois, elle ne devra pas dépasser 4 heures dans les conditions normales de travail. Il est
souhaitable que cette durée soit fractionnée en cas d'activité physique importante.
Le contrôle et l'entretien périodique des appareils respiratoires isolants autonomes sont
réalisés préalablement à leur mise en service, périodiquement ou à la demande.
FIG. 37.8. Appareil autonome Appareil FENZY modèle AIR 5000 MONO.
37.2.2.1. Définition.
Ces vêtements assurent la protection corporelle mais pas celle des voies respiratoires. Ils
peuvent être réalisés en une seule pièce ou en plusieurs éléments assemblés (veste, pantalon, gants,
bottes, etc.).
37.2.2.2. Avantages
En fonction du degré d'étanchéité procuré (vêtement réalisé d'une seule pièce ou assemblé
par ruban adhésif) ces vêtements offrent une bonne protection du corps contre les contaminations de
surface provoquées par des substances solides ou éventuellement liquides et dans une moindre
mesure contre les projections de liquides et contre les contaminants atmosphériques particulaires.
49
Les vêtements en coton ou mélange coton plus fibres synthétiques peuvent supporter de
fréquentes décontaminations par des processus de lavage industriel, y compris la stérilisation par
ebullition.
Les vêtements réalisés en matériau non tissé sont considérés comme jetables.
37.2.2.3. Inconvénients
Selon la nature du matériau (tissé ou non tissé) ces vêtements offrent une protection faible ou
moyenne contre les projections de liquides et sont contre-indiqués dans les atmosphères fortement
polluées par des contaminants atmosphériques particulaires et gazeux.
Ces vêtements conviennent pour la protection contre les contaminations de surface non fixées
(solides ou dans certaines conditions liquides) et éventuellement lorsqu'il y a un risque de faible
contamination particulaire, et pour certains matériaux contre les projections de liquides.
Toutefois, leur durée d'utilisation est conditionnée par les contraintes thermiques
occasionnées par les différentes tenues utilisées (en particulier celles confectionnées en matériaux
synthétiques).
Elle n'est liée qu'à l'inconfort physique et à la contrainte thermique occasionnés par le port
de certains types de tenues.
De plus, lorsque ces vêtements sont associés à des dispositifs complémentaires de protection
des voies respiratoires (appareils filtrants ou appareils respiratoires autonomes) on se conformera
aux impératifs spécifiques à ces dispositifs.
50
37.2.3. Vêtements non ventilés imperméables
37.2.3.1. Définition
Ce sont des vêtements de protection confectionnés en matériaux imperméables en film
thermoplastique souple type PVC ou similaire, dépourvus de dispositif de ventilation intérieure.
Ces vêtements assurent la protection corporelle mais pas celle des voies respiratoires. Ils
peuvent être réalisés en une seule pièce ou en plusieurs éléments assemblés (veste, pantalon, gants,
bottes, etc.).
J
BËÈÊËÉÀW
Wm
FIG. 37.10. Tenue non ventilée imperméable.
37.2.3.2. Avantages
Ils sont généralement moins encombrants et plus légers que les vêtements ventilés pressurisés.
Ils assurent une bonne protection du corps contre les contaminations de surface non fixées
provoquées par des substances solides ou liquides, même étendues, et contre les projections de
liquides.
Ils offrent une protection acceptable contre la pollution atmosphérique particulaire, lorsque le
niveau n'est pas trop élevé.
Ils ne présentent pas de contrainte due à une tuyauterie d'alimentation en air respirable.
51
37.2.3.3. Inconvénients
Ces vêtements n'ont pas de ventilation intérieure et comme ils sont réalisés en matériau
imperméable, ils ne permettent pas l'évaporation sudorale, donc ceci impose à leurs porteurs, par
blocage de leur thermorégulation cutanée, une contrainte thermique qui, même pour des travaux de
puissance modérée, nécessite une limitation du temps de travail effectif.
Cette contrainte est accrue par l'utilisation d'un appareil respiratoire filtrant.
Ces vêtements n'offrent pas de protection contre les polluants gazeux et le tritium.
L'usage de ces vêtements est normalement réservé aux situations qui impliquent une
concentration en polluants atmosphériques dont le niveau n'est pas trop élevé ou des surfaces
contaminées restreintes ou étendues, ou à la protection contre les risques de projections de liquides.
Lorsqu'il y a un risque de contamination atmosphérique, leur usage est associé au port d'un
équipement de protection des voies respiratoires.
La durée maximale de travail en vêtement non ventilé, réalisé en matériau imperméable est
fonction du type d'équipement de protection des voies respiratoires associé, des conditions de
température ambiante, de l'activité physique du porteur, etc.
Ces durées sont fixées comme suit, par journée de travail, et sans accord médical préalable:
Nota
Pour toute intervention en tenue non ventilée, réalisée en matériau imperméable, qui risque
de durer d'une façon continue, au-delà des limites fixées, un accord médical spécial préalable est
indispensable.
Ces conditions sont valables pour un travail d'intensité modérée, effectué à un poste de
travail où la température ne dépasse pas 25° C. Elles doivent être minorées en cas de travail
physique intense, de l'exécution d'un travail nécessitant une attention extrêmement soutenue ou en
cas d'une température ambiante plus élevée.
52
37.2.3.6. Cas particulier
Dans certaines configurations spéciales, il peut être mis en oeuvre des vêtements réalisés en
matériau perméable (en tissé ou non tissé) avec lesquels on associe un dispositif de ventilation
intérieure.
Ce dispositif de ventilation intérieure n'a pour seul but que d'assurer le confort thermique de
l'opérateur: les caractéristiques de protection contre la contamination surfacique, contre les
projections de liquides, ou contre la contamination atmosphérique demeurant les mêmes que celles
du type de vêtement de protection choisi.
Les critères d'utilisation de ces vêtements sont les mêmes que ceux de la catégorie
"vêtements non ventilés, réalisés en matériau perméable".
37.2.4.1. Définition
Il est confectionné dans un matériau imperméable, équipé d'un dispositif d'alimentation en air
comprimé moyenne pression (2 à 10 bars) fournissant l'air respirable au porteur et assurant la
ventilation intérieure de ce vêtement et une surpression comprise entre 1 et 3 mbar dans les
conditions indiquées dans la norme ISO 8194.
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53
37.2.4.2. Avantages
Ces vêtements assurent une excellente protection du corps contre les projections de liquides et
contre des contaminations de surface non fixées, provoquées par des substances solides ou liquides.
Selon leur classe de protection, ils offrent un facteur de protection plus ou moins élevé contre
la contamination atmosphérique particulaire, et pour certains matériaux contre les polluants gazeux.
Du fait de leur ventilation intérieure, ils offrent un confort thermique supérieur à celui des
vêtements non ventilés.
37.2.4.3. Inconvénients
Les opérations d'habillage, et de déshabillage, sont rendues plus difficiles qu'avec les autres
catégories de vêtements.
- pollution atmosphérique par du tritium moléculaire, de la vapeur d'eau tritiée, des produits
tritiés liquides ou solides,
- pollution atmosphérique élevée, associée à un risque élevé de contamination externe.
La durée maximale du travail en vêtement ventilé est fixée comme suit, par journée de travail
et sans accord médical spécial préalable:
- 2 heures dans les conditions suivantes de port de ces tenues, à savoir l'intervenant équipé:
- d'un sous-vêtement type coton;
- de la tenue ventilée;
- éventuellement d'une tenue vinyle de protection pardessus la tenue ventilée;
- la ventilation s'effectuant entre le sous-vêtement et la tenue ventilée;
- 1 heure 30 dans des conditions alternatives de port de ces tenues, à savoir l'intervenant équipé:
- de 3 sous-couches de sous-vêtement;
- de la tenue ventilée;
- la ventilation s'effectuant entre la couche de sous-vêtement la plus externe et la
tenue ventilée.
Nota
54
BIBLIOGRAPHIE
[2] Guide de ventilation des installations nucléaires, CEA, Centre technique de référence en
ventilation et épuration (CETREVE), INSTN, Publication PMDS (1987).
[3] Décret n°75-306 du 28 avril 1975 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers
des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base modifié par décret
n° 88 662 du 6 mai 1988.
[5] Appareils de protection des voies respiratoires et équipements associés, IPSN Publication
PMDS, Volume VII (1978).
left BLAUK
55
CHAPITRE 38. SURVEILLANCE DES LOCAUX DE TRAVAIL
(1) COGEMA - La Hague (France) - (2) Commissariat à l'énergie atomique - Saclay (France)
INTRODUCTION
Pour des raisons techniques, liées à la nature des risques, et extra techniques à caractère
psychosocial qui lui sont propres, l'industrie nucléaire n'a pas lésiné sur les moyens à mettre en
place pour assurer la sécurité des travailleurs, du public et des installations. C'est pourquoi les
spécialistes de la radioprotection ont pu développer des moyens de mesures qui doivent permettre
de répondre largement aux objectifs de sécurité.
Mais est ce bien toujours le cas? L'inflation des mesures, même si celles-ci sont de bonne
qualité et dignes d'intérêt, ne garantit pas obligatoirement l'efficacité du programme de
surveillance. Encore faut-il exploiter les résultats de manière probante!
Après avoir précisé les objectifs d'un programme de surveillance des locaux de travail, on
décrira les moyens matériels à mettre en oeuvre pour réaliser les mesures correspondantes puis on
montrera l'intérêt d'une exploitation physique des résultats cohérente avec les objectifs poursuivis.
En outre, pour donner une forme plus concrète au sujet traité, on utilisera des exemples tirés
de l'exploitation réelle des résultats de mesures effectuées sur les lieux de travail et dans des
installations importantes aussi diverses que sont les accélérateurs, les laboratoires, les réacteurs du
Centre d'études nucléaires de Saclay.
Les principes généraux de l'exploitation physique des résultats seront donc analysés à partir
de ces exemples. On montrera, en particulier, que pour bien exploiter un résultat de mesure, il faut
toujours avoir présent à l'esprit les objectifs qui ont été attribués à cette mesure.
Les raisons qui justifient telle présentation et telle utilisation des résultats de mesure sont
toujours liées à des objectifs plus ou moins explicites concernant les mesures elles-mêmes.
Parfois, ces objectifs sont clairement exprimés de manière légale et réglementaire, c'est le cas
pour les mesures à caractère obligatoire inscrites dans ce que l'on peut appeler un programme de
surveillance pour la protection des travailleurs et du public contre les rayonnements ionisants. Un
tel programme, basé actuellement sur les recommandations de la CIPR [2], n'est pas réduit à un
seul document. Il est plutôt constitué d'un ensemble de textes d'origine légale et
gouvernementale: lois, décrets, arrêtés qui ont une portée générale et de textes d'application
d'origine réglementaire. Dans le cas de ces mesures à caractère obligatoire, les résultats doivent
57
être tenus, par le Chef d'installation ou d'établissement, à la disposition d'inspecteurs, d'autorités
désignées et du Comité d'hygiène et de sécurité (CHS) ou siègent les représentants du personnel.
En particulier les éléments statistiques permettant d'apprécier l'évolution des irradiations et des
contaminations du personnel doivent être périodiquement communiqués au CHS.
Dans d'autre cas, les objectifs des mesures concernent l'exploitation ou la conduite d'une
installation. N'ayant pas d'incidences directes sur la protection contre les rayonnements, les
résultats de ces mesures ne sont pas exploités avec le même formalisme et leur utilisation appartient
au chef d'installation.
38.1.2. Objectifs définis pour la surveillance et les contrôles concernant la protection contre les
rayonnements
Seuls les objectifs ayant une portée générale ont été retenus. Bien entendu au niveau de la
réalisation, ces objectifs ont été décomposés et détaillés selon les besoins comme on le montrera au
travers des exemples d'exploitation de résultats. On a distingué 6 catégories de mesures pour
lesquelles les objectifs sont définis.
Cette surveillance individuelle doit permettre l'évaluation des doses équivalentes reçues par
les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants [3].
Dans la pratique, elle est rendue obligatoire pour les travailleurs de la catégorie A. Elle peut
être déduite de la dosimétrie au poste de travail pour ceux de la catégorie B mais il est souvent plus
simple de leur appliquer une dosimétrie individuelle également.
L'objectif ultime de ces mesures revêt un caractère sanitaire évident que l'on ne traite pas ici.
Cependant, l'exploitation des résultats des dispositifs de surveillance individuelle (dosimètres,
prélèvements d'air, contrôleurs de contamination externe) même dépouillée de toute interprétation
sanitaire est d'un grand intérêt pour l'étude des postes de travail et des conditions d'exploitation.
Les objectifs définis par la CIPR 35 et traduits dans les réglementations nationales [4,5] sont
les suivants:
En cas de risque de contamination, des contrôles périodiques doivent en outre porter sur la
contamination surfacique des lieux de travail.
58
Il est précisé que les comptes rendus des résultats doivent faire apparaître la désignation des
points de mesure portés sur un plan de mesure (croquis coté).
Les mesures doivent obligatoirement être effectuées sur les effluents radioactifs liquides ou
gazeux avant rejet ou au point d'émission. En outre une surveillance du milieu environnant adaptée
à la nature des opérations doit être effectuée.
Les limites des rejets autorisés sont définies par arrêté, pour chaque établissement, en
activités cumulées annuelles pour l'année civile.
Les copies des documents récapitulatifs mensuels des rejets effectués sur un même site par
toutes les installations doivent être adressées à l'autorité compétente, en France au Service central
de protection contre les rayonnements onisants (SCPRI - Ministère de la Santé)a. Des modalités
précises spécifient comment doivent être établis ces documents.
- aux contrôles des dispositifs de protection liés aux installations (blindages, ventilation, filtration
etc.);
- aux contrôles des dispositifs de détection des rayonnements, de signalisation et d'alarme utilisés.
- lors des essais précédant la mise en service de l'installation et lors de la mise en service;
- après toute modification apportée aux modalités d'utilisation de l'installation ou aux équipements
de protection;
- de façon périodique avec une fréquence fixée par arrêté;
- après toute anomalie constatée sur l'installation, en ce qui concerne la protection des
travailleurs.
Les résultats de ces contrôles doivent être tenus à la disposition des inspecteurs et du CHS.
- prendre des dispositions utiles pour éviter toute exposition anormale du personnel;
- étudier les mesures à prendre pour remédier aux défectuosités constatées et prévenir toute
récidive;
a
Depuis 1995, Office de protection contre les rayonnements ionisants - OPRI (NDLR).
59
- procéder à l'étude des circonstances de la situation accidentelle ou de l'anomalie et à l'évaluation
des doses équivalentes reçues.
Les objectifs de ces contrôles sont définis généralement dans des consignes. Ils remplissent
des fonctions annexes permettant de faire respecter les objectifs fondamentaux de protection contre
les rayonnements.
Un certain nombre de mesures effectuées pour la conduite d'une installation (puissance d'un
réacteur, ouverture de faisceau, etc.) ou le contrôle de certains paramètres d'exploitation (titrage
d'eau lourde, états de fonctionnement des ventilateurs, niveaux de cuves, etc.) correspondent à des
objectifs d'exploitation propres à chaque installation. Cependant l'exploitation de leurs résultats
intéresse à plus d'un titre la radioprotection car elle permet de mettre en évidence des dérives ou
des états de fonctionnement pouvant avoir des conséquences sur les mesures de radioprotection et
elle apporte à l'exploitation de ces dernières des éléments de compréhension indispensables.
C'est la raison pour laquelle ces mesures qui ont un objectif intrinsèque d'exploitation, sont
exploitées au même titre et souvent dans les mêmes documents que les mesures de radioprotection.
Leurs résultats peuvent être utilisés à des fins immédiates (alarme, évacuation, etc.) ou différées
(établissement de bilans, etc.).
Des exemples d'exploitation de résultats de telles mesures seront montrés par la suite.
On listera, sans les décrire dans le détail, les matériels de prélèvements et de mesure des
rayonnements qui concourent à la mise en oeuvre de la surveillance des locaux. Les matériels de
surveillance individuelle y participent quand leurs résultats sont exploités, à cette fin, de manière
non nominative et statistique.
De l'exposition externe
II s'agit des dosimètres décrits par ailleurs que l'on peut classer en deux catégories:
60
lecture automatique couplés à un système de gestion centralisé peut contribuer très efficacement
à la surveillance des locaux de travail.
On distingue:
- les prélèvements d'air individuels à analyse différée. Un boîtier relativement peu encombrant
comporte une pompe miniature alimentée par une batterie. Cette pompe est raccordée à une tête
de prélèvement munie d'un filtre placé dans la zone respiratoire du porteur. En général, le
prélèvement ne dispose pas de séparateur granulométrique des poussières et l'information sur la
présence de contamination n'est obtenue qu'a posteriori;
- les prélèvements d'air individuels et leurs détecteurs associés avec alarme.
En regard du filtre de prélèvement d'air est placé un détecteur type jonction à barrière de
surface couplé à une électronique de traitement. Un peu plus encombrant, un tel appareil est dédié à
la détection des radionucléides émetteurs a pour laquelle le bruit de fond pty n'apporte pas de
perturbation. Pour réduire l'influence des descendants solides des radionucléides naturels présents
dans l'air, la tête de prélèvement est équipée d'un séparateur granulométrique des aérosols.
- les polyradiamètres ou détecteurs à sondes multiples. Ils se caractérisent par leur spécificité de la
détection: a, (3 "mous", |3 "durs" et y, X et y. Leur surface de détection est généralement petite.
Ils sont sensibles à l'ambiance de rayonnements (sauf la sonde a) et ne disposent pas de
compensation pour éliminer ces rayonnements parasites. Leurs limites de détection peuvent donc
être dans certains cas insuffisantes mais ils sont robustes et fiables;
- les contrôleurs universels ou compteurs proportionnels à gaz de type scellé ou à circulation. Ces
compteurs n'ont pas de réelles spécificités de détection. Les contrôleurs sont souvent équipés
d'un compteur supplémentaire pour la compensation d'ambiance. Ils ont une grande surface de
détection et ont une grande sensibilité mais ils sont fragiles et coûteux;
- les portiques ou contrôleurs automatiques. Ils sont de type universel ou spécifique et ont de très
grandes surfaces de détection. Disposés en des points de passage obligé du personnel, ils
imposent un contrôle systématique et permettent de déceler de très bas niveau de contamination.
Ils sont très coûteux.
- Dosimètres d'ambiance pour l'exposition externe. Ce sont les mêmes dosimètres passifs que
ceux utilisés pour la surveillance individuelle (films photographiques, détecteurs thermo ou
radiophotoluminescents),
- Prélèvements d'air sans détecteur associé. Les aérosols radioactifs sont accumulés sur un filtre.
Le débit de prélèvement voisin du débit respiratoire de l'homme et l'absence de tuyau de
prélèvement et de tête de détection en font des échantillons représentatifs de l'activité que
pourrait inhaler un individu placé au même endroit.
Les durées de prélèvement doivent être adaptées à la période des radionucléides recherchés et
il faut tenir compte de cette période pour relier l'activité A (Bq) du filtre au moment de la mesure à
la concentration moyenne C v (Bq.m ) du radionucléide dans l'air pendant le prélèvement.
61
Dans le cas d'un radionucléide de constante radioactive À (en s"*) la relation est la suivante:
A.X eM
R .d l-e"Xl
r
1
d : débit de prélèvement (m^s' )
% : rendement de filtration
t : durée de prélèvement (s)
9 : durée séparant la fin du prélèvement (s) de la mesure.
Les matériels installés à poste fixe sont des témoins d'ambiance. Relevés périodiquement ou
après une opération déterminée, leurs résultats sont utilisés pour l'établissement des bilans de
radioprotection des installations et des postes de travail.
- alerter les travailleurs par une signalisation sonore et lumineuse des risques de surexposition
externe et interne,
- vérifier que dans les conditions normales de travail les risques d'exposition externe et interne
sont maintenus en permanence en-dessous des Limites Dérivées Opérationnelles (LDO).
Les LDO sont des valeurs instantanées des niveaux d'exposition externe et des niveaux de
contamination atmosphérique dont les dépassements doivent entraîner des actions immédiates au
poste de travail. Ces valeurs sont obtenues en faisant l'hypothèse que, pour une exposition
permanente des travailleurs à ces niveaux constants durant 2 000 heures de travail par an,
l'exposition cumulée atteindrait 50 mSv pour l'exposition externe à l'organisme entier et la valeur
de la LAI pour l'incorporation par inhalation.
Les LDO sont donc équivalentes à 25 /xSv.h"1 pour l'exposition externe et 1 LDCA (limite
dérivée de concentration dans l'air) pour la contamination atmosphérique.
Le délai de déclenchement des signalisations est d'autant plus court que le niveau
d'exposition atteint est plus élevé. Les performances des matériels existants sont telles que, même
dans le cas d'une situation accidentelle grave au poste de travail, l'exposition du personnel doit
rester relativement faible, de quelques dizaines à quelques centaines de microsieverts tant pour
l'exposition externe que pour l'exposition interne par inhalation.
Dans les installations importantes nécessitant un grand nombre de points fixes de mesures et
de signalisation des niveaux de rayonnements, la centralisation des mesures permet d'exploiter leurs
résultats de manière plus rationnelle avec une grande efficacité. Elle permet en particulier
62
l'enregistrement, l'archivage et la restitution des niveaux d'exposition et des expositions cumulées
aux postes de travail.
Plage de mesure 0
Signalisation lumineuse
(permanente) vert jaune orange rouge
Signalisation sonore
(après changement de plage et
temporisée) 250 Hz 750 Hz 250-750 Hz
Le schéma général de fonctionnement d'un tel dispositif qui utilise les techniques numériques
du traitement de l'information est représenté sur la figure suivante [8].
- capteurs pour la mesure de l'exposition externe (chambres d'ionisation pour les rayonnements Py
- compteur à hélium 3 avec sphère modératrice pour les neutrons),
- capteurs pour la mesure de la contamination atmosphérique par les gaz, y compris le tritium
(chambre d'ionisation à circulation d'air),
- capteurs pour la mesure de la contamination atmosphérique par les vapeurs et les aérosols
radioactifs (détecteurs à scintillation associés à un prélèvement d'air sur filtre fixe),
- capteurs pour la mesure de la contamination d'effluents liquides (sondes ou billes scintillantes
immergées).
Ce coffret de signalisation est commandé par une unité de traitement du signal délivré par les
capteurs.
Cette unité de traitement locale ou centralisée peut être affectée à un seul capteur
(microprocesseur) ou commune à tout ou partie des capteurs (minicalculateur ou compatibles PC).
Les algorithmes de traitement sont bien entendu spécifiques aux différents types de capteurs [9].
63
- visualisation sur écrans des niveaux d'exposition;
- signalisation lumineuse et sonore de tout changement de ces niveaux;
- archivage et restitution des niveaux d'exposition et des expositions cumulées;
- dialogue opérateur.
Signalisation
Signalisation lumineuse & sonore
lumineuse & sonore
Tous ces résultats, fournis pratiquement en temps réel par le TCR, donnent une vision
complète et permanente, 24 h sur 24, de l'état des installations sur le plan de la radioprotection et
permettent de suivre et d'intervenir efficacement lors d'un accident.
Les matériels informatiques utilisés ont beaucoup évolué au cours des deux dernières
décennies et continuent d'évoluer.
Pour les autres installations de tailles plus modestes mais qui nécessitent néanmoins une
surveillance collective en temps réel, il existe des matériels dérivés constitués par des balises
autonomes. Ces balises associent le détecteur (et le dispositif de prélèvement éventuel) à une unité
de traitement et à un dispositif d'alarme sonore et lumineux. Ces balises peuvent également assurer
l'enregistrement et l'archivage.
L'exploitation physique des résultats peut, pour un même objectif de surveillance, recouvrir
deux modes de gestion:
- une gestion automatique et instantanée dont le caractère préventif est primordial. C'est le cas des
chaînes de radioprotection avec alarmes pour les contrôles d'ambiance ou les contrôles des
rejets. C'est aussi le cas des dosimètres individuels à lecture directe ou à alarme pour la
surveillance du personnel;
- une gestion ponctuelle ou périodique liée à la vérification du respect des objectifs généraux de la
surveillance et en particulier du respect des limites annuelles et dérivées des expositions aux
rayonnements.
64
Dans le premier mode de gestion, l'exploitation physique est prédéterminée. Elle consiste à
définir des niveaux d'alarmes ayant un caractère opérationnel et à leur associer des consignes ou
des conduites à tenir. Ce mode de gestion a déjà été traité lors de la description des matériels qui le
mettent en oeuvre.
Par contre, la présentation des documents qui vont suivre sous forme de comptes rendus
d'essais ou de mesures, de bilans, de statistiques fournira l'occasion de décrire dans le détail une
application concrète au CEN-Saclay du deuxième mode de gestion.
Le personnel travaillant dans les installations nucléaires de base (INB) ou dans les
installations où existent des risques d'exposition aux rayonnements fait l'objet d'une surveillance
individuelle. Les résultats sont exploités globalement et statistiquement par le Service de protection
contre les rayonnements (SPR) et individuellement par le Service médical du travail (SMT).
Il y a au moins un tableau par installation concernée. Dans certains cas, des travailleurs
particulièrement exposés ou ayant des tâches similaires sont constitués en "groupe spécifique"
faisant l'objet d'un examen particulier. Il peut exister pour une installation donnée autant de
"groupes spécifiques" que de postes de travail présentant un intérêt particulier.
Ces statistiques des irradiations du personnel sont présentées annuellement au CHS, pour
chacune des 18 installations sensibles du CEN-Saclay, comme un bilan et un indicateur qui sont
confrontés aux objectifs. L'aspect le plus positif de cette présentation sous forme d'évolutions est
non seulement de vérifier le respect des limites autorisées ou de justifier les pratiques en cours mais
surtout d'infléchir les courbes dans le sens de la réduction des doses en proposant, dans un débat
contradictoire, des modifications aux postes de travail (modifications matérielles ou agissant sur le
comportement des individus).
Les évolutions ne sont pas toujours spectaculaires car elles sont lentes et concernent des
niveaux de dose relativement faibles mais elles constituent une illustration de l'application concrète
du principe ALARA sur le long terme.
Pour l'exposition interne, la dosimétrie individuelle est obtenue a posteriori par la mesure de
l'activité incorporée. Du ressort du Service médical, elle est systématique avec une périodicité
dépendant des nuisances définies pour différentes catégories de travailleurs. Cependant, elle peut
être déclenchée à la demande du travailleur ou du Service de protection contre les rayonnements
dans le cas de résultats positifs des contrôles de la contamination externe de la peau ou si des
présomptions d'exposition à la contamination de l'air existent. Ces présomptions d'exposition ont
pour origine les résultats de mesure des prélèvements d'air installés à poste fixe pour les contrôles
d'ambiance ou des prélèvements d'air portés individuellement par les travailleurs.
65
L'exploitation physique de ces résultats quand ils sont significatifs et qu'aucune action
réparatrice n'a pu être conduite sur place, consiste à envoyer le travailleur concerné au Service
Médical, accompagné d'une fiche de liaison informative. Les informations ont pour but de guider la
poursuite de l'action par les infirmiers et de permettre une évaluation par le médecin du travail de
la dose subie.
Pour tous les travailleurs portant un prélèvement d'air individuel, un bilan périodique
nominatif est effectué et est envoyé avec des commentaires au Service médical d'une part et au chef
d'installation d'autre part.
La durée d'archivage de ces documents est d'un an. Cette durée correspond
approximativement au délai nécessaire pour établir tous les bilans d'exploitation qui prennent en
compte les résultats des expositions cumulées fournis par les TCR.
Tous les trimestres ou après chaque cycle de fonctionnement des réacteurs est publié un
document récapitulant les résultats des mesures de surveillance collective effectuées dans les
installations importantes. Ce document destiné au chef de l'installation indique les principales
évolutions observées et signale des anomalies de fonctionnement.
66
Les niveaux de rayonnements périodiques fournissent également les résultats de contrôles de
contamination surfacique des locaux s'il y a lieu, les résultats des rejets des effluents liquides et
gazeux ainsi que quelques valeurs de paramètres décrivant le fonctionnement de l'installation
pendant la période considérée (caractéristiques du cycle d'un réacteur, capacité des cellules
blindées, durée de fonctionnement de l'accélérateur, etc.)- Les valeurs de ces paramètres permettent
bien souvent de comprendre la signification de certains résultats de mesure de surveillance.
La gestion des résultats des rejets des effluents liquides et gazeux dans l'environnement fait
l'objet d'un formalisme très précis imposé par l'autorité compétente. Cette gestion est effectuée au
niveau du site et elle est présentée par ailleurs. Toutefois l'établissement d'un bilan de rejet pour un
site nécessite la gestion des rejets en chaque point d'émission comme il est indiqué ci-dessous.
Pour chaque contrôle, le résultat doit être indiqué sous forme d'une valeur significative ou
d'une valeur seuil. A Saclay les valeurs seuils d'activités volumiques moyennes hebdomadaires sont
les suivantes:
Dans chaque installation est établi mensuellement un bilan de rejet. Les résultats sont répartis
sur 4 périodes du mois et totalisés en fin de mois puis centralisés au niveau du site sur un registre
réglementaire.
Contrairement aux rejets gazeux qui s'effectuent directement dans l'environnement à partir de
chaque installation, les rejets aqueux sont collectés dans un réseau ou enlevés par camion-citerne
pour être traités sur le site. Aucun rejet direct dans l'environnement n'est autorisé et les bilans de
rejet qui sont portés sur le registre réglementaire sont établis au niveau du site après traitement des
effluents.
Néanmoins, une comptabilité des rejets au niveau de chaque installation est tenue à jour
mensuellement et répartie sur quatre périodes comme pour les rejets gazeux. L'exploitation des
résultats est faite également au jour le jour, puisque l'autorisation de rejet dans le réseau doit être
coordonnée avec les rejets des autres installations du site. De même, les résultats permettent de
déterminer les moyens d'enlèvement et le mode d'entreposage des effluents liquides.
67
38.3.4. Contrôles des dispositifs de protection
Les résultats obtenus ont une valeur contractuelle entre l'exploitant et les autorités de sûreté
pour l'autorisation de mise en service ou la poursuite de l'exploitation d'une installation. Les
comptes rendus d'essais établis par le Service de protection contre les rayonnements ou un autre
service spécialisé sont donc utilisés par l'exploitant pour apporter la preuve que les dispositifs de
protection sont adéquats. Quand les premiers résultats mettent en évidence des anomalies, celles-ci
doivent être mentionnées ou corrigées jusqu'à l'obtention de résultats satisfaisants.
38.3.4.1. Blindages
Les résultats de mesure sont portés sur des plans ou des photographies de l'installation.
Les plans peuvent être établis pour des contrôles d'homogénéité réalisés généralement avec
des sources de césium-137 ou de cobalt-60 ou pour des contrôles d'efficacité réalisés avec les
sources réellement utilisées en exploitation (crayons de combustibles irradiés par exemple).
Les résultats des contrôles d'efficacité des filtres "aérosols" d'une part et des pièges à iode
d'autre part sont présentés dans des tableaux séparés. Ces tableaux rappellent les procédures
utilisées qui font l'objet de normes françaises et les conditions des essais qui doivent être celles de
l'exploitation envisagée.
38.3.4.3. Générateurs X
La fiche type des résultats de contrôle pour les appareils générateurs électriques de
rayonnements ionisants et leurs dispositifs de protection est une fiche suiveuse propre à chaque
appareil. Cette fiche indique sur le recto l'identification et les principales caractéristiques de
l'appareil et sur le verso les conditions d'utilisation ainsi que les dates et références des documents
de contrôles périodiques (tous les 3 ans).
Les résultats des contrôles de bon fonctionnement des dispositifs de détection doivent être
exploités pour apporter la preuve de la fiabilité et de la validité des résultats de mesure. Les TCR
informatisés assurent un contrôle permanent des dispositifs de détection qui lui sont reliés. La
gestion des résultats est donc faite dans ce cas à partir des listings du "journal de marche". Ce
journal relate en particulier toutes les anomalies rencontrées et il n'est classé pour archivage
qu'après avoir effectué leur report sur un cahier d'anomalies en vue de leur traitement.
Il existe en outre des contrôles périodiques plus complets pour éviter les mesures erronées.
Ces contrôles qui vérifient la réponse globale de la chaîne de mesure, l'étalonnage et certains
réglages sont annuels et exploités sous forme de check-lists, tableaux, tracés de courbe. L'archivage
de ces résultats concernent tous les documents d'exécution des procédures écrites des contrôles. Ils
sont à la disposition des inspecteurs.
Ce chapitre traite des situations accidentelles devant faire l'objet d'un compte rendu
particulier au CHS de l'établissement
Les critères retenus au CEN-Saclay peuvent être regroupés en trois catégories [10]:
68
- dépassement par exposition unique ou expositions cumulées internes et/ou externes des limites
admissibles pour les travailleurs de la catégorie A ou de la catégorie B et pour les personnes
assimilées au public;
- incident d'exposition des personnes sans dépassement des limites admissibles ou enquête après
exposition anormale de dosimètres individuels;
- incident provoquant la contamination des locaux ou incident mettant en évidence des dispositions
insuffisantes de radioprotection pouvant avoir des conséquences graves.
Les accidents graves ou très graves trouvent naturellement leur place dans l'une des rubriques
mais font en outre l'objet d'une procédure de déclaration officielle aux autorités concernées et
peuvent conduire au déclenchement de plans particuliers d'intervention. Ces cas ne sont pas traités
ici du moins pour ce qui concerne l'exploitation particulière qui résulte de leur gravité.
Les situations accidentelles font l'objet d'une enquête et d'une analyse par une méthode dite
de l'arbre des causes. L'enchaînement logique des faits recueillis conduit à retenir les facteurs de
risque et à proposer les mesures propres à les prévenir.
En fin d'année seront récapitulées devant le CHS, pour chacune des situations accidentelles
examinées, toutes les mesures préventives proposées et l'état de leur réalisation. L'efficacité de
cette méthode d'exploitation est prouvée par la diminution très sensible du nombre de situations
accidentelles examinées chaque année au CHS.
On ne peut passer en revue le mode d'exploitation des résultats de chacun des contrôles
particuliers susceptibles d'être exécutés. Cependant on peut classer la gestion de ces résultats en
deux catégories:
- celle relative aux contrôles à effectuer systématiquement pour une opération se renouvelant
fréquemment. Les résultats qui conditionnent la poursuite de l'opération sont généralement
portés sur des imprimés spéciaux dans des rubriques prédéterminées afin d'éviter toute omission.
C'est le cas pour l'enlèvement des emballages de transport ou de déchets radioactifs ou encore
de demandes d'avis de travail en présence de rayonnements;
- celle relative aux contrôles d'une opération spécifique et peu fréquente. Les résultats sont alors
exploités en fonction des besoins généralement sous forme de comptes rendus. On peut citer
comme exemple d'une telle opération, le démantèlement d'une installation importante. Dans cet
exemple, les résultats alimentent un dossier volumineux incluant notamment la gestion des
expositions, la caractérisation des déchets produits et l'évaluation des activités résiduelles.
Un bilan annuel est dressé pour chaque installation importante. Il présente et commente les
résultats de la dosimétrie individuelle et de la dosimétrie collective, les rejets d'effluents gazeux et
liquides de l'année, les résultats des contrôles particuliers effectués dans les installations. Ces bilans
permettent de dégager destendances et d'expliquer les évolutions éventuelles des résultats obtenus.
Destinés aux chefs d'installation, ils sont une aide précieuse à la conduite et à l'amélioration de la
marche des installations.
69
38.4. CONCLUSIONS
Les mesures effectuées dans le cadre d'un programme de surveillance sont nombreuses aussi
bien au niveau de chaque installation qu'au niveau d'un site.
L'exploitation physique des résultats demande une organisation rigoureuse pour gérer le plus
efficacement possible cette quantité d'informations. En premier lieu, pour chaque type de mesure, il
convient d'associer dans une même procédure d'assurance de la qualité la nature du besoin, le
mode opératoire et l'exploitation des résultats. Le schéma logique ainsi construit confère aux
résultats de mesure une fiabilité indispensable que l'on peut renforcer en engageant la responsabilité
individuelle des agents chargés de ces mesures par l'apposition de leur signature sur les fiches de
résultats.
En second lieu, même si chaque résultat est en lui-même riche d'enseignements, une
exploitation qui regroupe, qui analyse et qui confronte des résultats d'origines géographiques ou
chronologiques diverses est également indispensable pour construire les bases d'un "savoir faire" en
radioprotection.
Sans négliger l'investissement en moyens que représentent les conditions d'une bonne
exploitation des résultats, les retombées bénéfiques sont évidentes. A court terme une bonne
exploitation des résultats permet localement de développer des actions concrètes et à bon escient
pour améliorer les postes de travail. A plus long terme, elle donne aux programmes de l'industrie
nucléaire une crédibilité qui permet leur développement malgré la charge émotionnelle qui entoure
cette activité.
BIBLIOGRAPHIE
70
CHAPITRE 39. SURVEILLANCE INDIVIDUELLE
J.M. Giraud
39.1. RAPPEL
39.1.1. Généralités
La radioprotection des travailleurs a pour objectif de protéger la santé de chacun d'entre eux,
il est donc logique qu'interviennent dans son organisation, outre des spécialistes de l'analyse de
risque et des techniques de sécurité, des médecins compétents en santé au travail et en gestion
médicale du risque nucléaire, spécialisation que devrait garantir un agrément.
- d'une part à éviter l'apparition d'effets sur la santé, aigus ou chroniques, immédiats ou différés,
à les dépister précocement pour en limiter les conséquences;
- d'autre part à établir l'aptitude des sujets et au moins à vérifier la présence ou l'absence de
contre-indications médicales à un certain niveau d'exposition. Dans ce dernier cas ils devraient
être, en tant qu'experts indépendants, l'intermédiaire objectif entre salariés et employeurs.
Ils doivent prendre en compte pour chaque individu les niveaux d'exposition, les doses
intégrées et les pathologies, symptômes ou états physiologiques induits ou intercurrents.
Notre activité, expérience à laquelle nous nous référerons est, dans notre pays, clairement
codifiée. Tous les salariés quelle que soit l'entreprise ou l'organisme qui les emploie doivent être
suivis par un médecin du travail.
Le risque d'exposition des personnes aux rayonnements fait partie des surveillances médicales
"particulières" dont l'organisation est réglementée par la législation et contrôlée par une autorité
nationale.
Dans le groupe CEA, par souci d'efficacité, parfois du fait de l'éloignement géographique
des structures médicales compétentes, a été mis en place dans chaque établissement comportant des
installations nucléaires un service médical du travail (SMT) couplé à un laboratoire d'analyses de
biologie médicale (LABM).
Ils disposent tous deux des moyens techniques permettant de réaliser les investigations
médicales et biologiques nécessaires à la surveillance de routine et à la gestion des incidents et des
accidents.
71
Ces unités sont associées étroitement à tous les niveaux, y compris pour les actions de
formation, aux services de protection radiologique, aux ingénieurs de sécurité et aux pompiers
secouristes.
Cette organisation mise en place dès les débuts du CEA a fait la preuve de son efficacité si on
en juge par l'état de santé des salariés. Ces unités surveillent actuellement, selon des modalités
diverses, plus de 30 000 personnes.
39.2.1. Références
Dans leur pratique les médecins s'appuient sur la réglementation de leur pays, en général
issue directement ou par l'intermédiaire d'instances régionales (Directives CEE) des
recommandations des organismes internationaux (CIPR, AIEA, etc.).
Il convient néanmoins, pour mettre en oeuvre une surveillance efficace, qu'ils établissent des
protocoles rigoureux, réalistes et cohérents avec les conditions de travail et d'exposition aux
risques.
Pour évaluer les risques, les médecins doivent en avoir une connaissance précise. Deux
moyens sont à leur disposition:
- l'étude sur le terrain des postes de travail, des résultats de la dosimétrie opérationnelle et des
mesures d'ambiance, des statistiques de dosimétrie individuelle, en collaboration avec les
techniciens du service de protection radiologique et en liaison avec les exploitants;
- avoir en permanence dans chaque dossier médical une fiche de poste individuelle décrivant les
risques du poste occupé pendant la période de surveillance au travers d'une codification simple
et suffisamment explicite.
Par exemple, le modèle que nous utilisons est structuré pour définir l'ensemble des conditions
de travail et nuisances et il peut être traité informatiquement. Il comporte une rubrique spécifique
au risque nucléaire: rayonnements, radionucléides, mais ne néglige pas pour autant les contraintes
adjacentes telles que port de tenues spéciales, etc.
La fiche est rédigée par le responsable hiérarchique du travailleur avec l'aide du technicien
de radioprotection.
En principe elle ne décrit le risque qu'en situation "normale" de travail mais en pratique il
faut souvent aussi tenir compte, sinon de la probabilité d'accident grave, en tout cas de l'occurrence
d'incidents.
La surveillance médicale est conditionnée par le type d'exposition: externe, interne ou mixte
et dans ces derniers cas par la nature physico-chimique des radionucléides.
- les effets déterministes, en principe le problème ne se poserait qu'en cas d'accident, dans une
perspective thérapeutique,
- les effets aléatoires, leurs prémices et les événements médicaux intercurrents par rapport à des
organes et des fonctions cibles surtout en vue de l'aptitude.
72
TABLEAU 39.1. FICHE DE POSTE DE DECONTAMINEUR - PARTIE RADIOLOGIQUE
0 0 0
zlu
Irrad n z PF 3 Po 0 U nat. 0 ^Pu 0
Int
14 zzt> xjy
C 0 PA 3 Ra 0 ^U 0 Pu 3
Dans l'extrait présenté les chiffres représentent une pondération du risque tel que: 0 = nul, 1 = potentiel, 2
moyen, 3 = important, qui doit tenir compte à la fois de l'importance du risque et de la durée d'exposition,
note: PA = produit d'activation - PF = produit de fission
On recherchera:
73
39.2.4. Surveillance médicale pratique
- la mesure de l'exposition externe individuelle évaluée à l'organisme entier et à la peau peut être
complétée si besoin par celle de zones spécifiques (doigts, extrémités).
Elle est réalisée au moyen d'emulsions photographiques, de détecteurs passifs, de détecteurs
électroniques, de sondes et chaînes de comptage associées dans le cas particulier de
contamination cutanée fixée.
74
- l'évaluation de l'exposition interne individuelle:
elle est réalisée à partir des résultats des mesures d'anthroporadiamétrie et de radiotoxicologie
sur les excrétas réalisées par le LABM. Ces mesures permettent de remonter à l'incorporation et
de là à une évaluation de la dose aux organes, en fonction des modèles métaboliques qui vous
ont été présentés par ailleurs. Les prélèvements biologiques habituellement mesurés sont les
sécrétions nasales (Kleenex), les urines et les fèces.
Il est ensuite possible, si nécessaire, de calculer la dose engagée aux organes et de déterminer
la dose efficace.
On peut alors cumuler les deux types de résultats dosimétriques. Le médecin évaluera alors
pour chaque personne, au vu de son état de santé et de ses antécédents, la situation par rapport au
risque sanitaire individuel d'un côté et aux limites primaires réglementaires d'un autre.
Les problèmes pratiques relatifs à l'évaluation des doses individuelles sont les suivants:
Exposition externe
Les délais d'acquisition peuvent être assez courts lorsque le travailleur porte un dosimètre de
type électronique, la dose pouvant être lue, par exemple à chaque sortie de zone contrôlée, ou à la
fin d'une opération particulière. Les délais sont plus longs dans le cas du port mensuel ou
trimestriel d'un dosimètre (cf. cours sur la gestion des doses).
La précision des mesures dépend du type de dosimètre et de sa réponse spectrale qui n'est pas
toujours bien adaptée au type de rayonnement reçu (cf. chapitre sur les principes généraux de la
dosimétrie individuelle). Suivant l'étalonnage la réponse est donnée en Gy ou en Sv.
Exposition interne
On est donc conduit en pratique à gérer les résultats de LABM par niveaux:
- inférieurs au seuil de détection ou supérieurs à celui-ci mais ne conduisant pas à une dose
significative (seuil d'enregistrement);
- supérieurs à ce dernier et conduisant à des investigations plus précises et/ou répétées pour une
évaluation de la dose (seuil d'investigation).
D'autres contraintes viennent s'ajouter par ailleurs:
- les temps de préparation d'échantillon, de comptage voire la nécessité de mesures répétées qui
allongent les délais (anthropogammamétrie: 20 min, kleenex: 1 h, urine: 2 à 3 jours, fèces: 1
semaine);
- celle parfois d'éloigner le salarié temporairement de l'exposition au radionucléide dont on veut
évaluer l'incorporation sans interférences;
- le désagrément lié au recueil d'excrétas qui demande parfois un certain investissement
relationnel: bouteille de recueil d'urine sur 24h à promener avec soi, pot ou sac à fèces pour
recueil de 3 selles.
75
39.2.5. Aptitude
39.2.5.1. Motifs
Les pathologies détectées sont le plus souvent des contre-indications relatives que le médecin
doit apprécier en fonction de leur importance et de celle du risque professionnel.
39.2.5.2. Moment
II paraît souhaitable que l'avis d'aptitude soit donné avant la mise au travail comme nous le
faisons, il sera ensuite renouvelé à un rythme en rapport avec l'importance de l'exposition et/ou
l'état de santé de l'individu.
L'expérience montre, d'une façon générale, qu'il n'est pas inutile que l'aptitude soit
contrôlée après une absence importante pour maladie ou en rapport avec un accident du travail ou a
fortiori une maladie professionnelle, ou après un événement physiologique significatif comme la
grossesse.
Le médecin sera attentif au problème posé par la grossesse. Il convient en effet, dès qu'elle
est connue, de prendre toutes les précautions pour éviter d'exposer le foetus au-delà d'un certain
seuil par exposition externe ou par contamination interne. L'information préalable des femmes en
état et en âge de procréer doit permettre une consultation spontanée du médecin. Pour celles qui
ensuite allaitent il faut contrôler le niveau de risque de contamination.
Rien ne s'oppose dans l'absolu à l'aptitude d'un cancéreux guéri en tenant compte du niveau
d'exposition. Il convient toutefois de considérer que guérison veut dire faible probabilité de récidive
en fonction de la nature du cancer, de son stade initial, de l'efficacité connue du traitement, d'un
certain recul. Il ne serait pas raisonnable par ailleurs d'exposer une personne dont l'affection
cancéreuse a priori guérie peut aussi être radio-induite et donc lui faire courir un risque de ré-
induction ni d'ajouter à des doses thérapeutiques importantes des doses professionnelles non
négligeables dans le cadre du risque de deuxième affection néoplasique.
Si l'avis du médecin doit être pris quant à l'aptitude en situation normale de travail, ceci est
encore plus vrai en cas d'exposition exceptionnelle.
39.2.6.1. Principes
L'expérience montre qu'il est souhaitable de disposer sur site, chaque fois que c'est
matériellement possible, d'une structure pouvant traiter les incidents et les premiers moments d'un
accident.
Dans ce dernier cas il est impératif qu'elle fasse partie d'un dispositif plus large, interne et
externe, organisé à l'avance, faisant l'objet d'un plan précis, de consignes claires, d'exercices
renouvelés (ex. PPI, PUI, conventions avec les hôpitaux, le SAMU, les Armées, fiches réflexes et
consignes du service médical).
76
Trois principes doivent présider à la gestion médicale d'un accident:
390.2.6.2. Moyens
Sont nécessaires les sondes et chaînes de comptage évoquées plus haut pour contrôler la
contamination et une activation éventuelle en cas d'accident de criticité. Elles seront utilement
complétées par une sonde spéciale de détection des émetteurs alpha dans les plaies, si le risque est
présent.
Les prélèvements biologiques nécessaires seront réalisés avec des sets prêts à l'emploi.
Les données médicales individuelles analysées collectivement sous forme statistique sont une
source de renseignements propres à aider à la gestion de la surveillance elle-même et à la gestion du
risque.
La collection et la conservation suffisamment longue des données sont utiles en tant que
source primordiale pour des enquêtes épidémiologiques. Elles sont aussi indispensables en cas
d'enquête pour maladie professionnelle puisque les affections néoplasiques radio-induites,
apparaissant avec une certaine latence, ne présentent pas, dans l'état actuel des connaissances, de
caractère particulier par rapport aux affections naturelles.
Si le service médical agréé se situe sur le site, à tout le moins l'infirmerie et son bloc
spécialisé, il devra être disposé fonctionnellement pour le travail quotidien et de façon rationnelle
pour traiter les interventions. Le bloc spécialisé sera organisé en circuit "chaud = > froid" et si
possible isolé en cas de dispersion de contamination sur le site.
L'expérience montre que la gestion du suivi de salariés exposés aux rayonnements ionisants
génère des dossiers médicaux rapidement importants en volume de données. Un stockage et un
traitement informatique permettent un travail plus efficace au quotidien et permettent d'établir des
bilans ou d'effectuer des études de population.
L'existence d'un nombre important des salariés exposés dispersés dans de multiples
entreprises, surtout s'ils interviennent sur différents sites, doit amener à mettre en place un
dispositif efficace de transmission d'information, au plan national, entre services et/ou médecins
agréés: base de données informatique, carte à mémoire individuelle, etc.
77
39.3. PERSPECTIVES
78
CHAPITRE 40. GENERATEURS ELECTRIQUES DE RAYONNEMENTS X ET
SOURCES RADIOACTIVES SCELLEES
INTRODUCTION
Les rayonnements ionisants interviennent dans les domaines médical et industriel sous forme
de générateurs électriques de rayonnements X, d'accélérateurs et de sources radioactives scellées ou
non.
Afin d'identifier les secteurs prépondérants, notons qu'en France pour l'année 1992, on
comptait environ 58000 utilisateurs de générateurs X médicaux (dentaires, radiodiagnostic, etc)
pour seulement 800 dans l'industrie (diffractomètre, etc). Par contre, les utilisateurs de sources
scellées sont plus nombreux dans le domaine industriel que médical (environ 5000 contre 900 pour
cette même année) [1]. Enfin, l'utilisation des sources non scellées concerne essentiellement la
médecine (diagnostic in vivo, in vitro ou thérapie) et, à un degré moindre, l'industrie (hydrologie,
test d'usure mécanique, etc.) et la recherche.
Ces générateurs et sources radioactives, s'ils émettent chacun des rayonnements, présentent
toutefois des risques bien spécifiques. Ici ne seront traités que les risques liés aux applications
industrielles les plus courantes à l'exclusion des utilisations médicales, des accélérateurs et des
sources non scellées.
Les applications industrielles utilisant des sources scellées sont nombreuses. Citons par
exemple, la radiographie par rayons X ou gamma, les analyses par fluorescence X, les jauges
(niveau, épaisseur, humidité, etc) ou encore les détecteurs de fumée.
Les sources scellées sont constituées de substances radioactives incorporées dans des matières
solides ou dans des enveloppes présentant une résistance suffisante pour éviter, dans des conditions
normales d'emploi, toute dispersion de radioactivité.
79
40.1.2. Les sources utilisées et les risques associés
En fonction des applications, les appareils utilisent des sources radioactives pour leurs
rayonnements X, y, ou fi. Les sources de neutrons sont également employées (241Am-Be, 252,Cf)
dans des humidimètres ou pour des mesures par activation. Toutefois, leurs risques spécifiques ne
seront pas abordés ici.
Le tableau 40.1. donne les caractéristiques des sources gamma ou X les plus fréquemment
utilisées dans le domaine industriel ainsi que les débits de dose dans l'air (mGy.h'l) pour une
géométrie ponctuelle et pour une activité de 37 GBq (1 Ci), l'énergie et la période radioactive.
Rappelons que la dose varie selon une loi en inverse du carré de la distance d dans l'air (dite
en "1/d2"). Les valeurs du tableau 40.1. sont donc à multiplier par 10^ pour une estimation du débit
de dose au niveau des doigts (c'est à dire à 1 cm de la source) et par 100 pour une estimation au
niveau du poignet (c'est à dire à 10 cm de la source). L'exposition en cas de contact avec la source
est naturellement encore plus élevée.
Le tableau 40.2. donne les caractéristiques des sources 6 les plus utilisées dans le domaine
industriel ainsi que les débits de dose, à différentes distances dans l'air, exprimés en mGy.h"1 sous
7 mg.cm"2, pour une géométrie ponctuelle et une activité de 37 GBq (1 Ci). Notons, que ces valeurs
peuvent varier selon la nature et l'épaisseur de la fenêtre de la source. Elles ne sont données qu'à
titre indicatif.
Les appareils utilisant des sources scellées peuvent être de type fixe, mobile sur installation
fixe, mobile ou portable. On distingue principalement les techniques radiographiques (X, y, etc),
analytiques (fluorescence X, etc), de jauge (épaisseur, etc) et d'irradiation (stérilisation, etc.) [2-6].
80
TABLEAU 40.2. DEBIT DE DOSE SOUS 7 MG.CM" 2 POUR DIFFERENTES SOURCES
(3 PONCTUELLES DE 37 GBq
La radiographie est une technique non destructive basée sur la différence d'absorption du
rayonnement émis par une source (y, X, Ë ou neutron) du fait des inhomogénéités de la structure à
étudier. L'image est visualisée le plus souvent sur un film photographique.
La gammagraphie est utilisée pour des contrôles de soudures, de pièces mécaniques, etc. La
bêtagraphie utilise une source 6 de 4 C. Elle est employée dans l'industrie du papier par exemple,
ou l'étude de documents anciens. Quant à la neutronographie, elle est utilisée dans certains cas
lorsque la gammagraphie ne donne pas d'image contrastée (analyse des matériaux hydrogénés par
exemple).
L'appareil est constitué: d'un conteneur abritant la source et assurant en position "stockage"
la protection radiologique, d'une gaine d'éjection dans laquelle la source est guidée, d'un dispositif
de commande ou de télécommande de la source et de différents dispositifs de sécurité (fig.40.1).
81
40.1.3.1.3. LES SOURCES
Les sources utilisées ont des énergies et des activités variables selon l'application envisagée.
On trouvera généralement des sources de ^Co (0,1 à 100 TBq), de 137Cs ou d' 192Ir (10 GBq à
10 TBq).
Les gammagraphes de chantier ont été, par le passé, responsables de nombreux accidents
d'irradiation. Les dysfonctionnements résultent le plus souvent du blocage de la source dans la
gaine d'éjection, de la "désolidarisation" du câble de commande et de la source dans la gaine ou
enfin de la chute de la source hors de l'appareillage.
Sur des installations fixes, les examens devront être réalisés dans une enceinte blindée dont
les accès sont équipés de serrures de sécurité. Sur les installations mobiles, une zone contrôlée
devra être définie autour de l'appareil. Dans tous les cas, des alarmes sonores et visuelles devront
être activées lors de l'irradiation. Enfin, le faisceau devra être collimaté de manière à réduire les
expositions inutiles.
En cas d'incident, l'intervention peut conduire à des expositions très importantes si elle n'est
pas convenablement préparée ou réalisée par un personnel expérimenté. En attente d'intervention,
l'opérateur tentera d'interposer des écrans de protection et balisera la zone en conséquence. Dans la
mesure du possible ce type d'intervention devra être mené par un service spécialisé [2,3,6].
Cette technique analytique est fondée sur l'excitation et la détection des raies X
caractéristiques des atomes de l'élément à rechercher dans un échantillon. Cette fluorescence X
résultant de l'effet photo-électrique sur les atomes cibles, les sources utilisées devront émettre des X
ou y de faible énergie. L'intensité des raies étant liée à la concentration de l'élément, cette
technique permet des mesures qualitatives et quantitatives. On l'utilise notamment dans l'industrie
chimique, métallurgique (alliage, dosage de traces ) etc. (fïg. 40.2).
40.1.3.2.2. CONCEPTION
Généralement, les appareils sont munis de dispositifs qui permettent d'introduire les
échantillons sans être en vue directe du faisceau. Un dispositif de sécurité permet d'occulter la
source tant que le couvercle du porte-échantillon n'est pas fermé. Dans le cas de sonde de surface,
la source est dévoilée par l'action sur la poignée.
Les sources sont choisies en fonction de l'énergie du photon incident et du numéro atomique
de l'élément principalemem le 55Fe, 109Cd, M1Am et 244 Cm (voir tableau
ilément à rechercher. On utilise principalement
40.1). Les activités sont de l'ordre de 0,1 à 10 GBq.
82
détecteur
source
électronique
blindag
échantillon spectre
énergie
La nature et l'activité des sources ainsi que la conception des appareils font que, dans des
conditions normales d'utilisation, les accidents sont peu probables.
Une source de 3,7 GBq (100 mCi) de I09Cd ou d' 24IAm délivre respectivement, à 1 cm,
1 Gy.h"1 et 0,5 Gy.h"1 (voir tableau 40.1). Dans le cas d'une utilisation anormale de l'appareil,
l'exposition au niveau des doigts au contact de la fenêtre peut donc être très importante.
Bien que les risques soient faibles pour des conditions normales d'utilisation, des consignes
devront être rédigées interdisant de libérer le faisceau lorsque celui-ci n'est pas au contact de l'objet
à analyser, interdisant toute intervention ou modification de l'appareil et demandant de verrouiller
l'obturateur en position fermée lors de l'arrêt ou du transport du dispositif [2,6].
Les jauges sont des appareils très répandus dans le milieu industriel. Elles permettent, en
effet, la mesure de grandeurs diverses (épaisseur, niveau, position, etc.). Le premier principe
repose sur la mesure du rayonnement transmis par un milieu situé entre la source et le détecteur
(jauge par transmission). Il est utilisé, par exemple, dans le cas de contrôle de niveau de
remplissage de conteneurs. La mesure de la rétrodiffusion du rayonnement est utilisée lorsqu'il
n'est pas possible d'accéder aux deux cotés de l'échantillon ou lorsqu'il s'agit de mesures
d'épaisseurs de dépôts minces par exemple.
83
40.1.3.3.2. LES SOURCES UTILISEES
Les radionucléides les plus utilisés dans les jauges à transmission ou rétrodiffusion sont les
suivants: œCo, 137Cs, 241Am, ^Sr-^Y, 147Pm, 2O4T1. Les activités peuvent varier entre 1 GBq et
quelques centaines de GBq (quelques dizaines de mCi à quelques Ci).
Une source 6 fortement collimatée irradie un échantillon. Le rayonnement diffusé est mesuré
à l'aide d'un détecteur (compteur Geiger-Muller, etc.). L'intensité du rayonnement B rétrodiffusé
est proportionnelle à l'épaisseur de l'échantillon et à son numéro atomique, Z. Le choix du
radionucléide dépend de la masse surfacique de l'échantillon à mesurer. On utilisera par exemple le
147
Pm entre 1 et 15 mg.cm''222 et le ^ 9 ^ entre 25 et 500 mg.cm''222. Notons enfin que cette
technique est très employée dans l'industrie électronique, horlogère, etc, pour la mesure de fins
dépôts (fig. 40.3).
Geiger-Muller
source
couche
substrat
FIG. 40.3. Jauge à rétrodiffusion (3.
L'activité des sources 6 est généralement de l'ordre de 0,2 MBq pour le ^Sr-^Y, 2 MBq
pour le 204Tl et 5 MBq pour le 147 Pm (par ordre d'énergie décroissante). Elles délivrent
respectivement des doses équivalentes "au contact" de 0,65 Sv.h"1, 3,25 Sv.h"1 et 3,10 Sv.h'1 (voir
tableau 40.2). Malgré les faibles activités mises enjeu, ces sources peuvent entraîner une exposition
au niveau des extrémités (couche basale de l'épiderme) extrêmement élevée.
Ajoutons que les sources 6 sont de dimensions réduites (de l'ordre du cm2) et sont munies de
fenêtre mince. La manipulation des sources présente un risque d'effraction de la fenêtre et donc de
contamination. Enfin, leur faible encombrement augmente le risque de perte.
Des consignes précises devront informer le personnel de l'existence d'une source et des
risques associés. Les opérateurs devront prendre des précautions pour le rangement et le stockage
des sources et en aucun cas ils ne devront intervenir directement sur l'équipement en cas de
dysfonctionnement (intervention du fournisseur) [2,4,5,6].
84
40.2. LES GENERATEURS X
Les générateurs X sont utilisés dans le domaine industriel pour effectuer des contrôles non
destructifs de structure ou des études de cristallographie par exemple.
Analogues aux générateurs X médicaux, les appareils comportent un tube radiogène sous vide
dans lequel un filament de tungstène est chauffé électriquement. Les électrons ainsi produits sont
accélérés et "bombardent" une cible en tungstène. Le rayonnement X de freinage ainsi émis sort par
une fenêtre en métal léger, généralement du béryllium.
..^^^^^ C/DETECTEUR
/NlOO Gy/h
TÙBERX
/ / FAISCEAU
f/ll • —
l
V
/ / REFLECHl\
ECHANTILLI
~ ~ ^
/Y FAISCEAU
5 6
DIRECT 1000 Gy/j/
10 à10 GV m
Le tube X du diffractomètre, entouré d'une gaine de plomb, est muni de deux ou quatre
fenêtres dotées d'un obturateur. L'ouverture des fenêtres est généralement asservie, pour les
appareils de conception récente, à la présence d'un dispositif expérimental.
85
Notons que cette technique est largement utilisée dans le domaine de la métallurgie, la
géologie, etc.
- l'utilisation d'une fenêtre alors qu'une autre fenêtre est déjà ouverte;
- l'ouverture intempestive d'une fenêtre;
- un réglage sous faisceau;
- le "court-circuit" volontaire des sécurités,
- les défauts de signalisation
- ou encore les fuites dues au rayonnement diffusé.
NOTA
Pour les générateurs industriels, les débits de dose sont du même ordre de grandeur à
quelques centimètres de la sortie du tube mais, contrairement aux générateurs de cristallographie,
les faisceaux peuvent présenter de fortes sections entraînant l'irradiation d'un large champ. On doit
se référer alors aux valeurs correspondant à l'exposition de l'organisme entier.
Conception
Des protections assurant la protection contre le rayonnement diffusé doivent être mises en
place. Elles seront constituées de vitres épaisses munies de contacts de sécurité pour éviter la mise
sous tension sans protection. Les appareils modernes sont d'ailleurs sous cage de verre munie de
contacteurs. Un écran devra être également prévu pour atténuer le faisceau direct en sortie
d'échantillon.
86
Réglages sous faisceau
Ces réglages devront être effectués par une personne autorisée, qualifiée et prévenue des
risques. Elle devra être munie de dosimètres poitrine et d'extrémités (poignet et doigts), et de
moyens de protection adéquats (lunettes plombées, tablier, etc). Ces types de réglage devront être
limités au strict nécessaire.
Montages expérimentaux
Le retour d'expérience montre que les risques d'incidents sont plus élevés lorsque les
expérimentateurs viennent "greffer" sur le générateur de rayonnement X un dispositif expérimental
de leur conception. Il faut recommander dans ce cas, le contrôle systématique du système
expérimental avant essais et mise en service.
Les opérateurs devront être munis de dosimètres "poitrine" et selon le cas, de dosimètres
d'extrémités (bague FLi, film poignet). Une signalisation extérieure et sur l'appareil doivent être
mises en place ainsi qu'un détecteur d'ambiance.
40.3. CONCLUSIONS
Les risques liés à la manipulation des générateurs X ou des appareils équipés de sources
scellées, ont été abordés ici de manière non exhaustive. Pour limiter les risques auxquels peuvent
être exposés les utilisateurs, il faut souligner l'importance de la formation et de l'information.
L'opérateur doit avoir la parfaite connaissance de l'équipement qu'il utilise et des risques qui lui
sont associés. La conception des appareils récents, employés dans des conditions normales
d'utilisation, limitent ces risques d'exposition. Toutefois, les risques peuvent être considérables, en
cas de dysfonctionnement, d'intervention, de modification de l'appareillage ou de ses conditions
d'utilisation.
REFERENCES
[1] VIDAL, M. Panorama des utilisations. Sécurité des sources radioactives scellées et des
générateurs électriques de rayonnement. Sociétés des électriciens et des électroniciens club
26. Journées SFRP des 9 et 10 juin 1993.
87
CHAPITRE 41. CAS DES INSTALLATIONS D'EXTRACTION ET DE
TRAITEMENT DU MINERAI D'URANIUM
S. Bernhard
Les risques radiologiques associés aux opérations d'extraction ou de traitement sur les
minerais d'uranium sont liés beaucoup plus aux produits de filiation de l'uranium qu'à l'uranium
lui-même et les travailleurs se trouvent exposés aux rayonnements issus de l'ensemble des huit
radionucléides émetteurs alpha et des six radionucléides émetteurs bêta de la chaîne de l'uranium
238. Les risques liés à l'uranium 235 et à ses descendants peuvent être négligés vis-à-vis de ceux
liés à l'uranium 238 et à ses descendants.
Dans le cadre normal de leur travail, les travailleurs des mines et des usines de traitement
sont exposés à la fois à l'exposition à des rayonnements d'origine externe et à des rayonnements
d'origine interne émis par des radionucléides incorporés par inhalation.
L'exposition externe est due aux rayonnements bêta et gamma venant des parois minéralisées
et des tas de minerai, abattus dans le chantier minier ou en circulation dans l'usine. Dans l'usine,
ces rayonnements viennent également des produits de transformation du minerai, concentré
d'uranium (yellow cake) ou résidus de traitement.
L'exposition par les rayonnements bêta peut exister à très faible distance de la source en
absence d'écran ou si la peau est couverte de produits radioactifs (minerai ou concentré) et ne
concerne que des particules bêta à forte énergie (cas du protactinium 234 métastable et du bismuth
214).
En pratique, les doses bêta absorbées sont faibles et l'exposition externe pour les mineurs ou
les agents des usines de traitement est essentiellement due aux rayonnements gamma.
Contribuent ensuite le thorium 234 (1,2% du total) et le protactinium 234 métastable (1,8%
du total) qui descendent de l'uranium 238 et qui restent les seuls à intervenir dans le rayonnement
gamma issu de l'uranate, produit fini issu de l'usine de traitement.
Dans un chantier minier, dans la zone de préparation mécanique ou près des cuves d'attaque
de l'usine, sur une zone de stockage de résidus de traitement, c'est le bismuth 214 qui a la
contribution à l'exposition externe prépondérante.
Typiquement, au centre d'une galerie tracée dans du minerai à une teneur en uranium de
0,1%, le débit de dose est de l'ordre de 5 fiGy.h"1. Il n'est pas rare de mesurer dans des chantiers
1
en cours d'exploitation des débits de dose ambiants compris entre 50 et 200
89
41.1.2. Exposition interne résultant de l'inhalation d'aérosols radioactifs
Dans les chantiers miniers ou les ateliers de traitement, différents processus aboutissent à la
formation d'aérosols radioactifs qui se mettent en suspension dans l'air et sont ultérieurement
inhalables par les travailleurs.
- les émetteurs alpha à vie courte en filiation avec les isotopes 222 et 220 du radon: polonium
218, polonium 214, polonium 212,
- les émetteurs alpha à vie longue présents dans les poussières en suspension: uranium 238,
uranium 234, thorium 230, radium 226 et polonium 210.
L'inhalation du radon 222 n'est pas un risque en soi. Par contre, en se désintégrant, il crée
des descendants solides à vie courte (21 Po, 214Pb, 214Bi) qui, une fois fixés sur les aérosols miniers,
peuvent être inhalés, se déposer dans les poumons et y laisser toute leur énergie de désintégration
potentielle.
Les particules fines chargées d'émetteurs alpha à vie longue sont susceptibles de se déposer
dans les poumons mais la plus grande partie est éliminée biologiquement avant d'avoir pu se
désintégrer et délivrer leur énergie. Cependant, le risque d'exposition peut devenir critique dans des
chantiers fortement empoussiérés et où la teneur en minerai dépasse 0,5%.
Dans ce cas, l'importance de ce risque apparaît comparable à celle des autres risques
radiologiques. Il peut même devenir prépondérant dans certains cas, dans les mines à ciel ouvert
par exemple et en cas de climat sec notamment, et également dans les usines de traitement du
minerai, particulièrement dans les zones de préparation mécanique du minerai.
Si l'on étudie l'importance relative des différents risques dans la dose moyenne annuelle
(représentant le cumul des doses de différentes natures), on constate en général que pour les mines
souterraines exploitant des gisements de type filonien, le risque "radon" est prépondérant avec une
part comprise entre 50% et 75% du risque global.
Pour les mines exploitant un gisement de type sédimentaire avec une mécanisation
importante, c'est le risque "poussières" qui est prépondérant (environ 50%), les deux autres risques
étant d'importance semblable. C'est cette même répartition que l'on retrouve pour les mines à ciel
ouvert et les usines de traitement.
Lorsque l'on considère les risques d'exposition aux rayonnements ionisants, il convient de se
référer aux recommandations de la CIPR et à ses principes de base liés à la justification des doses, à
l'optimisation de la protection et à la limitation des doses individuelles.
Dans le cas des mines d'uranium et des usines de traitement, les publications n° 30, 32 et 47
de la CIPR reprises dans les directives européennes du 15 juillet 1980 et du 3 septembre 1984
actuellement en vigueur permettent de définir un taux d'exposition totale "TET" caractéristique du
niveau d'exposition lié aux trois risques présentés plus haut.
90
on doit avoir, sur 12 mois consécutifs:
Dans le cas des mines d'uranium contenant du thorium où le risque dû au radon 220 n'est pas
négligeable ou dans le cas des exploitations de minerai de thorium, il y a lieu de tenir compte de ces
radionucléides en rajoutant à la formule:
Dans les usines où le risque dû aux émetteurs alpha à vie longue présents dans les poussières
d'uranate existe, on doit rajouter à la formule du TET, le terme:
IP.U.
30 000Bq
Les valeurs précisées aux dénominateurs des différents termes de la formule du TET sont
égales aux limites annuelles d'incorporation (dans le cas des expositions internes) et à la limite
d'exposition au corps entier (pour les expositions externes) correspondant à une dose efficace de
50 mSv.
La CIPR, dans sa publication n° 60, a recommandé une nouvelle limite de dose équivalente
égale à 100 mSv pour 5 ans, soit une limite moyenne de 20 mSv par an, sans dépasser 50 mSv pour
une année. De plus, les limites annuelles d'incorporation sont modifiées.
Une nouvelle formule du taux d'exposition totale serait à prendre en compte, soit:
20mSv 800 Bq 17 mJ 51 mJ
On constate que ces nouvelles recommandations entrainent peu de changement pour les
limites liées au risque "radon" mais imposeront des contraintes supplémentaires dans le cas
d'installations extrayant et traitant des minerais à teneur élevée en uranium où les risques "gamma"
et "poussières" deviennent prépondérants.
Trois types de dosimétrie peuvent être utilisés pour connaître la situation dosimétrique des
travailleurs:
- une dosimétrie individuelle basée sur l'utilisation d'appareils portés par les agents durant leur
poste de travail et permettant de mesurer en continu sur un mois les expositions internes et
externes subies par chaque travailleur;
- une dosimétrie de fonction basée sur l'utilisation d'appareils portés par un échantillon de
personnes représentatif des différentes fonctions que l'on peut rencontrer dans l'exploitation
concernée. Ces fonctions sont telles que les expositions susceptibles d'être reçues sont
considérées comme de même nature et de même intensité.
91
Les appareils permettent de déterminer les niveaux moyens d'expositions internes et externes
pour chacune des fonctions et à partir des temps de travail effectif des agents dans les fonctions,
on peut calculer les expositions subies par chacun d'eux:
- une dosimétrie d'ambiance basée sur des contrôles de la qualité de l'atmosphère des lieux de
travail et au cours des différentes phases de travail (par exemple: contrôles des concentrations en
radon 222 ou en poussières de minerai ou contrôle des niveaux d'énergie alpha potentielle due
aux descendants du radon 222). A partir de ces mesures, on peut calculer les concentrations
moyennes en radionucléides dans chaque lieu de travail et en fonction du temps passé par les
agents dans ces lieux, on détermine les expositions subies par chaque travailleur.
- une dosimétrie individuelle pour la surveillance des agents susceptibles de recevoir une dose
annuelle supérieure au 3/10e de la limite réglementaire (travailleurs de la catégorie A: cas des
mines souterraines);
- une dosimétrie de fonction pour la surveillance des agents susceptibles de recevoir une dose
annuelle comprise entre l/10e et 3/10e de la limite réglementaire (travailleurs de la catégorie B:
cas des mines à ciel ouvert ou des usines de traitement).
Depuis le 1er janvier 1983, la surveillance dosimétrique des mineurs d'uranium en France est
basée sur l'utilisation d'un dosimetre individuel mis au point par le Centre de radioprotection dans
les mines de la Société ALGADE (groupe COGEMA). Conçu pour contrôler les expositions dues à
l'énergie alpha potentielle des descendants à vie courte du radon 222 et 220, ce dosimetre permet
également de surveiller les deux autres risques, d'exposition externe due aux rayonnements gamma
et d'exposition interne due à l'inhalation des émetteurs alpha à vie longue présents dans l'aérosol
minier.
A l'étranger, le système de dosimétrie mis au point par le CRPM est également utilisé. Au
total, environ 2000 dosimètres individuels sont portés chaque mois par des travailleurs sur des
installations (mines ou usines) concernées par les problèmes radiologiques liés aux chaînes de
l'uranium ou du thorium, au Gabon, au Niger, au Canada, en Allemagne, en Pologne.
L'air prélevé par le dosimetre au niveau de la tête de mesure traverse un filtre membrane de
1,2 um de porosité qui retient les aérosols présents dans l'air de la mine et, en particulier, les
radionucléides émetteurs alpha. Les émetteurs alpha à vie courte, descendants du radon 222 et du
radon 220, se désintègrent sur le filtre: les alpha émis normalement à la surface du filtre traversent
les collimateurs et sont ralentis sélectivement en fonction de leur énergie d'émission pour pouvoir
venir impressionner les plages sensibles du film détecteur (nitrate de cellulose Kodak LR 115
type H).
92
Après développement dans un bain de soude, le nitrate de cellulose laisse apparaître sur 4
plages des traces correspondant aux émissions alpha des Po 218, Po 214, Bi 212, Po 212 et Rn 222.
Le nombre de traces enregistrées sur chacune des plages permet de calculer, en fonction du débit de
prélèvement, l'exposition mensuelle à l'énergie alpha potentielle due aux descendants du radon 222
et du radon 220 reçue par le porteur du dosimètre.
La partie supérieure de la tête de mesure est fermée par un badge contenant deux pastilles au
fluorure de lithium, dosimètres thermoluminescents qui enregistrent les doses équivalentes dues
essentiellement aux rayonnements gamma auxquels sont soumis les travailleurs.
A la fin de chaque mois, les têtes de détection sont envoyées au laboratoire d'exploitation
dosimétrique pour démontage, analyse et remontage pour une nouvelle utilisation.
L'ensemble des résultats d'exposition est transmis à un centre de calcul dosimétrique qui
établit les fiches dosimétriques individuelles des agents et les états statistiques demandés par le
médecin du travail et les administrations concernées.
L'annexe 2 présente les doses moyennes enregistrées en 1992 sur les mines souterraines et les
usines de traitement exploitées par la COGEMA et ses filiales en France et en Afrique. Pour ces
installations qui ont extrait au total environ 4000 tonnes d'uranium dans l'année, avec une teneur
moyenne d'environ 0,5%, on note que le taux annuel moyen d'exposition totale, TAET, varie entre
0,19 et 0,63, soit une dose efficace comprise entre 9,5 mSv et 32 mSv pour les mines souterraines,
et varie entre 0,08 et 0,50, soit une dose efficace comprise entre 4 mSv et 25 mSv pour les usines
de traitement.
Sur un total de 1460 agents contrôlés en 1992 dans l'ensemble de ces mines souterraines,
4,6% présentent un TAET supérieur à 1 (ou une dose efficace supérieure à 50 mSv). Dans les
usines, sur un total de 580 agents contrôlés, 24% présentent un TAET supérieur à 0,4 (ou 20 mSv)
dont 1,4% avec un TAET supérieur à 1 (ou 50 mSv).
Le risque de dépassement des limites individuelles sur des périodes de 12 mois reste élevé
dans les mines souterraines et nécessite toujours une grande vigilance de la part des agents de
radioprotection et un effort constant des exploitants.
41.4.1. Application du principe d'optimisation de la protection dans les mines et les usines de
traitement
Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler que les actions de prévention liées à la politique
d'optimisation de la radioprotection dépendent en grande partie de la méthode d'exploitation
choisie. Avant l'ouverture d'un siège minier, c'est ce choix qui engage de façon déterminante ce
que sera le niveau des expositions subies par les travailleurs de cette exploitation. Cette prise en
compte des critères radiologiques à côté des critères technico-économiques doit également
93
apparaître tout au long de la vie de la mine, au moment des décisions nouvelles devant être prises
par l'exploitant.
Des procédures de collecte de données sur les ambiances physiques sont établies en vue de
déterminer les emplacements et l'intensité des sources d'irradiation (liées en particulier au radon
222 pour les mines souterraines ou aux poussières de minerai dans les mines à ciel ouvert et les
usines de traitement) et de vérifier que les moyens de prévention des risques mis en oeuvre, en
particulier ceux qui permettent l'assainissement radioactif de l'atmosphère, sont utilisés au mieux de
leurs performances propres et selon l'état de l'air, et qu'ils restent adaptés aux sources d'exposition
et aux configurations des postes de travail. La fréquence des mesures est fonction des niveaux
rencontrés et peut varier d'une zone de travail à une autre. Elle est généralement hebdomadaire
dans les mines et les usines mais devient quotidienne lorsque les niveaux d'exposition aux
rayonnements et de contamination radioactive de l'air dépassent les niveaux opérationnels fixés
dans la réglementation ou introduits comme objectifs à atteindre par l'exploitant. Les objectifs les
plus courants sont, pour les mines souterraines:
La présence régulière d'un agent de radioprotection dans les zones de travail est nécessaire
pour inciter le personnel exploitant à veiller à la mise en oeuvre des moyens classiques de limitation
des expositions: foration à l'eau, arrosage des produits et des parements après les tirs et au
chargement, bonne installation des canalisations d'aérage secondaire, changement des filtres
équipant les ventilateurs d'aérage secondaire insonorisés, bonne qualité de l'air primaire circulant
dans les infrastructures avec une ventilation mécanique forcée, capotage et aspiration des sources de
poussières dans les usines.
Cette action de tous les jours permet ainsi d'obtenir de bonnes performances radiologiques et
surtout de les maintenir. Leur amélioration nécessite, cependant, de nouvelles options techniques de
prévention, par exemple:
- pour le risque dû au radon 222 et à ses descendants: contrôle du transport convectif du radon
222 dans les roches encaissantes (organisation d'un drainage des nappes de radon; mise en
dépression des vieux travaux; mise en pression des ouvrages en exploitation);
- pour les expositions externes, dans le cas de gisements à forte teneur: blindage des engins;
organisation de l'exploitation visant à limiter les sources d'irradiation (remblayages bétonnés);
l'éloignement des agents par rapport aux sources est un moyen d'action efficace et, dans ce sens,
94
la mécanisation des chantiers dans les mines, l'introduction d'engins miniers téléopérés ou
l'automatisation des usines sont à considérer.
La gestion des risques radiologiques dans les mines et les usines de traitement occupe une
situation à part dans le cycle du combustible nucléaire dans la mesure où, bien que les principes de
protection soient les mêmes d'un bout à l'autre du cycle, leur mise en application se traduit par des
pratiques différentes.
Cette situation s'explique par le fait que, sur ces installations de la partie amont du cycle, il
n'y a:
- pas de risque d'exposition à de fortes doses, à l'exception possible dans le cas d'intervention
ponctuelle dans des vieux chantiers ou des cuves d'attaque sans contrôle préalable;
- pas de risque d'accident de criticité;
- pas de facteur aggravant lié à la radioactivité en cas d'accident sur les installations;
- pas de perception du risque radioactif seul, mais un risque relativisé parmi beaucoup d'autres
spécifiques au milieu minier (lombalgies, affection des voies respiratoires, syndrome de
Raynaud, surdité).
Cependant, dans une mine d'uranium qui ne serait pas radioprotégée, le personnel aurait un
risque élevé de contracter un cancer du poumon avant la fin de sa vie professionnelle, maladie due
à une forte exposition aux descendants du radon. C'est pourquoi une politique de radioprotection
rigoureuse et adaptée à ce milieu industriel très particulier est indispensable.
L'objectif à atteindre sera d'obtenir que le risque à long terme induit par la radioactivité soit
du même ordre, ou mieux inférieur, au risque immédiat qui pourrait être induit par un accident
minier classique.
BIBLIOGRAPHIE
95
BERTRAND, C , PINEAU, J.F. Nouveaux instruments pour le contrôle des ambiances de travail et
l'environnement des mines d'uranium. Int. Conf. on Radiation Safety in Uranium Mining.
Saskatoon (Canada), (mai 1992).
BERNHARD, S., ZETTWOOG, P. Stratégies de dosimetrie dans les mines d'uranium. Int. Conf. on
Radiation Safety in Uranium Mining. Saskatoon (Canada), (mai 1992).
96
ANNEXE 1
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97
ANNEXE 2
DOSIMETRE INDIVIDUEL
ORCUPS
98
1
ANNEXE 3
35-
30-
25-
20-
1S-
10-
5-
1 2 3 4 5 6 7
TRAVAUX MINIERS SOUTERRAINS
30
25-
20-
15-
to-
5-
1 2 3 4
USINES DE TRAITEMENT
p—?
99
CHAPITRE 42. LA RADIOPROTECTION DANS UNE USINE DE FABRICATION
DE COMBUSTIBLE
M. Arslan
INTRODUCTION
42.1.1. Généralités
La Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) a été autorisée à créer sur le
site nucléaire de l'établissement qu'elle exploite à Marcoule dans le Gard, l'usine de fabrication de
crayons et d'assemblages combustibles nucléaires, dénommée MELOX.
Cette usine est destinée à fabriquer des crayons et des assemblages combustibles pour les
réacteurs nucléaires électrogènes à eau, à base d'oxydes mixtes d'uranium et de plutonium.
La capacité annuelle de production de MELOX est de 115 tonnes d'oxyde mixte contenu dans
les éléments combustibles.
Le procédé de fabrication retenu pour MELOX est dérivé de ceux utilisés depuis une
vingtaine d'années dans les usines de Belgonucléaire à Dessel (Belgique) et de
l'établissement COGEMA de Cadarache. Il est proche de celui utilisé pour le combustible à
uranium enrichi des réacteurs à eau sous pression.
Les installations constituant l'Etablissement MELOX sont réparties dans huit bâtiments
contenus dans une enceinte surveillée en partie commune avec celle de l'établissement COGEMA
de Marcoule.
Les matières radioactives sont mises en oeuvre dans les bâtiments 500 (Fabrication) et 501
(CED, Conditionnement incinération déchets).
- le bâtiment 500 assure notamment les fonctions de réception des matières de base, de fabrication
des crayons combustibles, de montage des assemblages et de contrôles de fabrication et des
déchets;
- le bâtiment 501 assure notamment les fonctions d'incinération des déchets combustibles et de
conditionnement des rebuts de fabrication et des déchets;
- le bâtiment 506 permet d'assurer notamment le contrôle des accès aux bâtiments 500 et 501 et la
surveillance générale des bâtiments. Ces trois bâtiments sont reliés par une galerie de liaison
subdivisée en deux, de façon à assurer la séparation de la circulation du personnel d'une part et
des matériels d'autre part, entre les bâtiments;
101
- la distribution électrique normale et la production/distribution à partir de groupes électrogènes
de secours et de sauvegarde sont assurées depuis le bâtiment 504.
Les autres bâtiments permettent d'assurer les fonctions auxiliaires non nécessaires au procédé
nucléaire.
Les caractéristiques des matières mises en oeuvre dans l'usine sont les suivantes:
- les poudres d'oxyde de plutonium sont issues du retraitement de combustibles irradiés dont le
taux de combustion a pu atteindre 33000 à 45000 MWJ.t'1.
L'usine est conçue pour recevoir des poudres de PuO2 de teneur maximale 3 % en américium
241.
La teneur en plutonium 240 est par ailleurs imposée supérieure à 17 % (donnée importante pour
la sûreté-criticité).
L'efficacité du retraitement est telle que la teneur en produits de fission résiduels dans le
plutonium est caractérisée par une activité largement inférieure à 8 uCi par gramme de
plutonium (environ 3.105 Bq.g"1).
- les poudres d'oxyde d'uranium peuvent provenir des diverses origines envisageables (oxyde
d'uranium naturel, ou appauvri, ou issu du retraitement).
Cet objectif de nature ALARAa est beaucoup plus contraignant que le strict respect des
normes réglementaires actuelles (50 mSv.an"1, corps entier).
42.2.2. Le confinement
a
ALARA : "As low as Reasonably Achievable"
102
confinement statique assuré par les enceintes étanches (1ère barrière) complété par le confinement
dynamique assuré par la ventilation des enceintes maintenues en dépression.
- éviter, dans la mesure du possible, la présence des agents à proximité des équipements du
procédé;
- pour les opérations nécessitant la présence d'agents à proximité des équipements, minimiser les
équivalents de dose reçus.
Le premier objectif se traduit par l'automatisation de la conduite, depuis des salles de
conduite totalement séparées des ateliers. Par ailleurs, le poste de surveillance générale de l'usine
où sont reportées notamment les données relatives au contrôle de radioprotection et à
l'environnement est implanté dans un bâtiment séparé (bâtiment 506 de contrôle et d'accès).
Le second objectif, lié notamment à la réduction des équivalents de dose lors des
interventions se traduit par la recherche des dispositions optimales pour réduire au minimum:
les protections biologiques internes dans les enceintes; la règle a consisté à mettre en
place le maximum de protections biologiques, au plus près des sources, compatible avec
les autres contraintes du procédé.
- calculs des débits d'équivalents de dose, pour chaque source, avec les protections types prévues;
- étude d'optimisation des protections biologiques externes aux enceintes pour respecter l'objectif
de conception (5 mSv.an" ).
42.2.4. Prévention du risque de criticité
Les modes de contrôle correspondants sont, suivant les cas, les contrôles par la géométrie, la
masse et la modération.
103
La prévention du risque de criticité a eu un impact considérable sur la conception de l'usine:
- les stockages de matières fissiles sont en règle générale, conçus de géométrie sûre;
- le contrôle de masse dans le procédé est basé sur des transferts de matières par charges discrètes
(jarres de poudres, nacelles de pastilles, plateaux de crayons) faisant l'objet d'une comptabilité
en temps réel et de pesées redondantes. Le système de conduite du procédé est conçu pour
assurer la maîtrise des paramètres importants pour la sûreté-criticité (masses, teneurs) à l'aide de
deux moyens redondants et indépendants;
- enfin, le dimensionnement au séisme des bâtiments, des équipements et des enceintes de
confinement est caractérisé par le souci d'assurer la localisation des matières radioactives de
façon à exclure tout accident de criticité même en cas de séisme majoré de sécurité.
L'usine MELOX est caractérisée par la mise en oeuvre de matières radioactives solides. Elle
ne génère que des effluents de faible ou moyenne activité. Ces derniers représentent un volume
annuel très faible (20 m 3 .an' 1 ).
L'usine MELOX n'effectue aucun rejet direct d'effluents radioactifs liquides dans
l'environnement.
L'ensemble des effluents radioactifs liquides est transféré, après stockage et contrôles à la
station de traitement des effluents liquides (STEL) de l'établissement COGEMA de Marcoule. Les
effluents de MELOX sont traités par la STEL, avec les effluents du site de Marcoule.
Après traitement, l'activité des rejets liquides imputables à MELOX est inférieure au 1/1000
de la valeur d'activité autorisée par l'arrêté du 20 mai 1981 pour les rejets en provenance des
installations du site de Marcoule, une fois ces effluents traités par la STEL. Cet arrêté définit en
outre les modalités des rejets et notamment les contrôles d'activité des effluents rejetés par la STEL.
Les effluents gazeux sont constitués par les fluides de ventilation des enceintes de
confinement (air, azote) et des locaux. Ds sont rejetés après filtration; en particulier au minimum
trois niveaux de filtration avec filtres dits "très haute efficacité" sont disposés successivement entre
les enceintes de confinement et la cheminée.
Chacun des deux bâtiments où sont mises en oeuvre les matières radioactives est équipé d'une
cheminée de rejet.
Les contrôles des rejets gazeux sont réalisés dans chaque cheminée au moyen de:
104
42.2.6. Principes de surveillance et de contrôle
Tous les locaux des zones réglementées font l'objet d'un contrôle périodique afin de garantir
la non-contamination des lieux de travail.
Toute personne intervenant en zone réglementée fait l'objet d'une dosimétrie individuelle
exploitée:
105
Un suivi médical semestriel ou annuel (suivant la catégorie d'exposition du personnel) est
assuré par le Service de médecine du travail et le Laboratoire d'analyses médicales de
l'établissement COGEMA de Marcoule.
42.3.2.3. De l'environnement
Les rejets gazeux sont contrôlés en permanence et un bilan des rejets radioactifs gazeux est
effectué hebdomadairement par comptage de filtres.
Les effluents liquides font l'objet d'un contrôle de l'activité et des caractéristiques chimiques
avant transfert vers la STEL.
Un bilan de l'activité rejetée après traitement par la STEL est effectué mensuellement.
Des stations situées dans l'environnement proche du site de Marcoule permettent une
surveillance permanente. Indépendamment des contrôles effectués par les autorités (OPRI), le
Service de protection radiologique (SPR) de l'établissement COGEMA de Marcoule effectue
périodiquement des prélèvements terrestres et aquatiques et procède à leur analyse. Ce suivi de
l'environnement est porté à la connaissance des autorités sanitaires et du public.
42.3.2.4. Du matériel
Tous les appareils utilisables à des fins de mesures ou contrôles de radioprotection subissent
une vérification périodique de bon fonctionnement.
106
CHAPITRE 43. LA RADIOPROTECTION DANS UNE USINE DE
RETRAITEMENT
J. Kalimbadjian
FABRICATION
COMBUSTIBLE
URANIUM
APPAUVRI
REACTEUR
ENERGIE ELECTRIQUE
COMBUSTIBLE
UOjUSÉ
Ces produits seront recyclés pour fabriquer de nouveaux éléments combustibles, qui, à leur
tour, produiront de l'électricité.
Dans les combustibles installés au coeur des réacteurs ont lieu les réactions nucléaires qui
produisent l'énergie. Au détriment des matières fissiles qu'ils contiennent, les combustibles
s'appauvrissent donc progressivement. Ils doivent être renouvelés régulièrement en tenant compte
de leur contenu initial et résiduel en matière fissile, de manière à maintenir les performances
optimales des réacteurs.
107
La solution de retraiter les combustibles permet de limiter au maximum les quantités de
produits stockés et de récupérer certaines matières énergétiques. Les produits non réutilisables
après conditionnement approprié seront stockés dans des couches géologiques profondes.
La sûreté à très long terme du stockage, ainsi que la manutention et le transport, imposent la
solidification de ces produits; le verre a été retenu comme matériau final.
Par ailleurs le verre a un faible taux de lixiviation grâce à sa structure physique qui limite la
surface d'échange avec le milieu. Enfin, il présente une grande stabilité au rayonnement puisqu'il
n'est pas altéré par l'irradiation.
Les opérations menées dans une usine de retraitement peuvent se décomposer en trois parties.
Le retraitement proprement dit aboutit après élimination des matériaux de structure, des
produits de fission et des transuraniens, à la production d'oxydes d'uranium et de plutonium.
LE BUT DU RETRAITEMENT
FIG. 43.1. Le retraitement consiste à séparer, par des procédés chimiques, les quatre éléments
constitutifs des assemblages combustibles après leur passage en réacteur: l'uranium et le plutonium
en vue de leur recyclage, les produits de fission et les matériaux de structure destinés, eux, à être
conditionnés et stockés.
Les combustibles usés sont d'abord entreposés dans une piscine de la centrale de manière à
faire décroître leur radioactivité de 40 % environ. Ils sont alors transportés dans des emballages
jusqu'au centre de retraitement. Là, ils sont tout d'abord déposés en piscine pour une durée
minimale de deux ans, au cours de laquelle le niveau de radioactivité continue à baisser. C'est au
terme de cette période que pourra commencer le retraitement proprement dit.
Dans une première phase, les combustibles sont cisaillés en tronçons de trois centimètres
environ qui traversent ensuite un bain d'acide nitrique. On obtient ainsi d'une part des morceaux de
gaines de zircaloy, et d'autre part, une solution acide contenant, mélangés, uranium, plutonium,
produits de fission et transuraniens.
108
Cette solution est mise en contact dans des extracteurs avec un solvant organique. Uranium et
plutonium sont alors séparés l'un de l'autre. Compte tenu des facteurs de décontamination très
élevés à obtenir, deux à trois cycles sont nécessaires.
Ils sont enfin purifiés et mis sous une forme telle qu'ils puissent être rendus à leur
"propriétaire" et réintroduits dans le cycle.
- les déchets hautement radioactifs qui sont vitrifiés et seront stockés en sous-sol;
- les déchets de basse et moyenne activité qui sont enrobés dans du béton ou du bitume et sont,
selon leur teneur en émetteurs à vie longue, stockés en surface ou en profondeur.
Le traitement approprié des effluents gazeux et liquides permet de contrôler la qualité des
rejets de gaz et d'eaux résiduaires conformément aux limites imposées par les directives des autorité
nationales concernées.
FIG. 43.2. Le procédé "PUREX" utilisé dans les usines de La Hague a été mis au point par les
Américains. Ce procédé, s'il reste simple, a fait l'objet de nombreuses améliorations
technologiques.
Dans l'ensemble des étapes du procédé, chaque opération représentant un cas particulier, il
faut à chaque occasion analyser les risques radiologiques.
On ne peut donc pas dans le cas courant, appliquer la protection générale et il convient donc
d'adapter la protection au risque existant.
109
Dans la prise en compte et l'appréhension du risque, il ne peut y avoir une procédure
rigoureuse, car dans ce domaine, le meilleur comportement est très lié à l'expérience
professionnelle et non plus seulement aux connaissances théoriques et techniques.
En plus des connaissances, la pratique sur le terrain est un élément essentiel dans l'analyse et
l'approche des risques.
La diversité des tâches qui s'appliquent à chaque opération nécessite d'évaluer les risques
radiologiques associés, d'exposition externe ou interne selon l'installation en cause, mais aussi
d'appliquer les principes de radioprotection basés sur la prévention, pour détecter les événements
radiologiques le plus tôt et à un niveau le plus bas possible, afin de pouvoir agir avant de devoir
corriger.
En tête d'usine l'élément combustible se présente sous forme solide, puis en solutions
liquides, de concentrations et compositions variables évoluant tout au long du traitement.
En fin de procédé, un nouveau risque est entraîné par la forme pulvérulente du produit,
poudre de PuO2.
L'ensemble des opérations de retraitement engendre des risques potentiels très diversifiés
compte tenu de la nature, de la forme physico-chimique et de l'activité des substances radioactives
manipulées dans les ateliers.
A titre d'exemple les risques radiologiques sont très différents lorsque l'on va des piscines de
stockage des combustibles usés, au conditionnement des poudres de PuO 2 en passant par la
dissolution (les solutions obtenues après cisaillage de ces combustibles contiennent la plupart des
produits radioactifs à vie moyenne et longue), les concentrations de produits de fission (dont
l'activité moyenne des solutions est de 1 500 TBq à dominante 137Cs) et la vitrification de ces
mêmes produits (le débit de dose y d'un fût de verre est en moyenne de 10 000 Gy.h"1 au
contact et de 1 000 Gy.h'1 à 1 mètre).
Dans ces conditions, la multiplicité des particules et des rayonnements émis par ces
radionucléides nécessite la prise .en compte des risques d'irradiation et des risques de contamination
séparément et simultanément.
Ils sont faibles lors des opérations de réception et de déchargement en piscine des châteaux de
transport, et pratiquement nuls lors des opérations de déchargement à sec mises au point pour UP3.
Il en est de même lors du stockage en piscine. Lors du travail au contact des châteaux de transport
pleins de combustible, le risque d'irradiation dû aux neutrons a pu être écarté par l'automatisation
avec conduite à distance des opérations de manutention et déchargement des châteaux.
Le risque potentiel d'irradiation par les photons gamma et les rayonnements 6 a été traité à
tous les stades du procédé.
110
L'irradiation est principalement due aux produits de fission jusqu'à la séparation de l'uranium
et du plutonium. Au delà, elle est due à la contribution des photons X et gamma issus de certains
isotopes du plutonium, de l'uranium 237 et de l'américium 241.
En exploitation normale, les écrans de protection ont été largement dimensionnés pour que
les débits de dose ambiants soient nettement inférieurs aux débits de dose limites prévus par la
réglementation pour les différentes zones concernées.
De plus pour UP3 et UP2 800, un objectif dosimétrique ambitieux a été fixé: dans des
conditions normales d'exploitation, le nombre d'agents dont la dose équivalente reçue dépasse
5 mSv.an"1, sera nul ou quasiment nul.
COMMNKO.'
vtniouil
suc
111
Sur UP2 400 où ce système n'existe pas, ces continuités sont assurées manuellement et pas à
pas, au fur et à mesure des travaux qui nécessitent une très grande préparation des interventions.
Les débits de dose issus d'une boîte d'oxyde de plutonium frais (c'est à dire sans 241Am) ne
sont pas négligeables. En effet pour du PuO2 provenant du retraitement de combustibles REP
standards, les valeurs mesurées au contact d'une boîte aluminium de 3 kg de PuO2, sont de 5 à
10 mGy.h'1 (X et y de faibles énergies et neutrons).
C'est l'automatisation complète des opérations concernant le PuO 2 sur les usines UP2 400,
UP3 et bientôt UP2 800 qui a permis d'obtenir ces résultats dosimétriques.
Le risque potentiel de contamination existe partout dès lors que tous les produits radioactifs
existent sous forme de solutions ou de poudres (cas spécifique de la poudre de PuO2). Le procédé
de plus, en fonctionnement normal, est source d'effluents radioactifs gazeux sous 3 formes: gaz
(85Kr), vapeurs, aérosols entraînés par les dégagements de gaz ou vapeurs. Ces effluents gazeux
sont traités et piégés au plus près de leur source par les unités de traitement des gaz intégrées au
procédé.
Le confinement de base est statique. Il est complété par des dispositions dynamiques (cascade
de dépressions entre zones et barrières de confinement) il est assuré par une, ou le plus souvent
plusieurs barrières successives, formant deux systèmes de confinement renforcés par un système de
surveillance:
- le premier système de confinement est conçu pour éviter une dissémination de la radioactivité
dans les zones de circulation du personnel ou dans l'environnement (il comprend deux barrières
et leurs dispositifs de ventilation);
- le deuxième système de confinement, adjoint au premier, correspond aux zones de présence
normale du personnel aux postes de travail (il comprend au minimum une barrière et son
dispositif de ventilation).
112
Des solutions de continuité existent entre les deux systèmes appelés " traversées ". Ce sont
des endroits de passage de matériels (câbles, tuyaux, télémanipulateurs, axes de pompes,
d'agitateurs, etc.) de franchissement de personnel (sas d'accès, garage ponts, etc) et d'entrée ou
sortie de matériel neuf ou usagé (sas d'introduction de matériel, de sortie de déchets, operculaires
d'EMEM, etc.)
Le caractère non disséminant d'une traversée ou de tout dispositif de franchissement doit être
garanti pendant toute la durée de vie des usines sans dégradation dans toutes les configurations
(exploitation, maintenance, intervention).
Les risques de contamination pris en compte dans les études d'impact, concernent:
- l'environnement marin eu égard aux rejets liquides dont les activités maximales sont fixées par
arrêté;
- l'environnement terrestre vis-à-vis des rejets gazeux et du passage éventuel de radionucléides
dans le sous-sol du site.
Compte tenu de la quantité de matière fissile manipulée dans une usine de retraitement, un
ensemble de dispositions concernant la sûreté-criticité sont mises en place tant au niveau de la
conception des installations qu'à celui de leur exploitation afin d'éviter toute réaction en chaîne
incontrôlée, c'est-à-dire un accident de criticité.
Il est donc nécessaire de définir pour chaque unité de l'usine des milieux fissiles de référence
à partir desquels des valeurs admissibles concernant la géométrie des appareils, les masses et les
concentrations sont établies. Les installations sont ainsi conçues pour que le risque d'excursion
critique soit écarté aussi bien en fonctionnement normal que dégradé.
113
43.6.1. Dispositions mises en œuvre
- conception des installations avec prise en compte du risque (géométrie sous-critique - utilisation
de matériaux hydrogénés);
- prescription d'exploitation (concentrations et masses à ne pas dépasser),
- réseaux de sondes de détection-réseaux d'alarmes sonores et lumineuses,
- prise en compte à l'entrée de l'usine d'un taux de combustion minimal et donc d'un certain
pourcentage en 240Pu,
- prise en compte d'une limitation de concentration.
- teneur en matière fissile des effluents (distillats d'évaporateurs, phases aqueuses épuisées, etc.),
des solutions des produits de fission, etc.;
- accumulation de matière fissile dans des rétentions de solvant, etc.;
- envoi de matière fissile dans les circuits auxiliaires, boucles thermiques, circuits de vide, circuits
d'évents.
Une détection d'accident de criticité a été placée en quelques points. Il s'agit de l'installation
EDAC (ensemble de détection des accidents de criticité), spécifiquement conçue pour la détection
des fluences élevées en photons et neutrons rencontrées en criticité.
L'installation est conçue autour d'un détecteur mixte gamma-neutron, d'un bloc chargeur
batterie, et d'un réseau de sirènes et de gyrographes. Un coffret de repli reçoit à distance les
indications des sondes de détection.
L'évolution du retraitement sur le site, à la fois qualitative (nature des combustibles retraités)
et quantitative (augmentation des taux de combustion et du tonnage retraité) a nécessité une
adaptation de certaines installations, la conception et la construction de nouvelles installations.
Le tout représente la mise en oeuvre de moyens importants avec comme objectif, entre
autres, l'amélioration constante de la radioprotection des personnels et du public conformément au
principe ALARA.
Les paragraphes précédents ont permis d'appréhender plus précisément les spécificités du
retraitement dans le domaine de la radioprotection et voir quels principes de conception et de
construction étaient retenus.
43.7.1. Organisation
114
- assistance-conseil en matière de prévention auprès du Directeur et des chefs d'installation,
responsables des installations dont ils ont la charge, y compris de la sécurité radiologique;
- contrôle et surveillance des protections contre les nuisances radiologiques au niveau des
installations (locaux et personnel) et de l'environnement dans toutes les configurations de ces
installations (exploitation, maintenance, intervention d'urgence).
Le rôle préventif consiste à déceler et à signaler le plus tôt possible, toute dérive ou anomalie
de "l'ambiance radiologique" des installations mise en évidence lors des nombreux contrôles
continus ou périodiques portant sur les travailleurs, les locaux, les matériels, les déchets, les
effluents, etc.
La politique menée en matière de prévention ne peut être jugée et améliorée que par un suivi
adapté des nuisances radiologiques:
115
43.7.3.2. Surveillance de l'environnement
Pour assurer ces suivis et cette surveillance, deux types de moyens complémentaires sont
systématiquement utilisés:
- des moyens de surveillance en temps réel qui assurent une fonction d'alarme permettant de
détecter des évolutions rapides et importantes des paramètres surveillés et d'enclencher
rapidement les mesures correctives qui s'imposent;
- des moyens de contrôle avec mesures en temps différé sur échantillons représentatifs qui
assurent une fonction d'analyse fine, de détection d'évolution lente et de bilans précis des
paramètres surveillés.
43.8. RESULTATS
L'application des principes et la mise en oeuvre des moyens qui viennent d'être exposés ont
permis à COGEMA de maîtriser et de réduire au fil des années l'exposition du personnel, tout en
augmentant sa production.
43.9. CONCLUSION
Cet exposé nous a permis, après une présentation des activités du cycle du combustible et des
différentes étapes des procédés de retraitement, de développer les principes d'organisation et les
moyens mis en place par la radioprotection vis-à-vis des risques radiologiques associés.
Afin de mieux maîtriser la diversité des risques radiologiques que l'on peut trouver dans
toutes les installations, le personnel de radioprotection est affecté à l'ensemble des différents
bâtiments. Au cours de sa carrière, un souci particulier est apporté à sa formation, pour instaurer et
maintenir sa polyvalence vis-à-vis du risque radiologique, et permettre le développement d'un esprit
de sécurité propre au métier de la radioprotection.
116
FIG. 43.4 . Radioprotection des installations nucléaires de base.
H.Sv
S TOTAL
ETABLISSEMENT «.10
8
7 — £••
6
5
4
3
2
1 RETRAITEMENT PE
0.0»!*!*
76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93
117
8 mSv/Agent
76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93
12 HmSv/MWijn.
TOTAL
10 - ETABUSSEMENT
s _ fibTRAlTcMcNi f'^
6 —
4 —
Y • . 1
M
RETRAITEMENT PO
• PE (à partir d» 1990)
7 t 7 7 n 7 t N I 1 « 2 t t M I S K i 7 H N K t 1 9 2 S3
118
Annexe 1
EXPOSITION EXTERNE
Pour les ateliers de "tête usine", les éléments combustibles n'ont pas encore été démantelés.
La matière fissile est encore confinée dans les gaines inox ou zircaloy.
On est en présence d'une grande quantité de matière mais sous forme "scellée".
- Au niveau des transports, les éléments combustibles délivrent un débit de dose résiduel dû
aux rayonnements neutron et aux rayonnements gamma, plus ou moins important suivant le type
d'emballage.
Les gaines arrêtant les particules a et B, l'exposition externe provient des rayonnements y
des produits de fissions et des produits d'activation: principalement le ^Co émetteur y de 1,17 et
1,33 MeV et 6 de 0,31 MeV et pour un degré moindre du 55Fe - période plus courte - et 65Ni,
125
Sb et 137Cs (traces).
EXPOSITION INTERNE
Nota: ces risques ne concernent que les opérateurs chargés de la manutention des
combustibles.
119
Annexe 2
Les installations ont été dimensionnées pour retraiter des combustibles de 33000 à 40000
MWJ.t" 1 après un séjour d'un an en piscine réacteur et 3 ans à La Hague.
EXPOSITION EXTERNE
Krypton 85: c'est un gaz rare, de période de 10 ans qui ne subit pas de traitement
spécifique et dont on quantifie les émissions à la cheminée lors du cisaillage.
Iode 129: on ne trouve plus d'iode 131 à période courte, sauf celui des fissions
spontanées mais une petite partie suit le procédé en phase liquide. Il ne subsiste que l'iode 129 de
période longue qui est retenu par des pièges de charbon actif et des zéolithes.
Tritium (en grande quantité): c'est un émetteur B pur qui provient essentiellement des
fissions ternaires.
Produits de fissions en solution: les produits de fissions qui restent en phase liquide,
comme le strontium 90 à vie longue, émetteur bêta pur.
Le césium 137 est également émetteur bêta pur mais il est accompagné du barium 137
émetteur gamma.
Tous ces produits de fission sont incorporés dans le verre après concentration.
137
Cs- 134 Cs
émetteurs 6 - y
125
Sb
106
Ru-Rh }
144
Ce-Pr }
^Sr B pur
120
Annexe 2 (suite)
EXPOSITION INTERNE
Tous les transuraniens Pu, Am Cm, émetteurs a sont présents. L'activité a provient par
moitié du Pu et par moitié des Am et Cm. Les Pu et les transplutoniens n'ont pas les mêmes
caractéristiques chimiques et radioactives. Le 242Cm et les 238,2 , 242Pu donnent naissance à des
fissions spontanées.
Les quantités respectives des isotopes du plutonium varient avec le taux d'irradiation.
Comme une partie du 244Cm se retrouve dans les produits de fission, on retrouve le risque
a au niveau de l'installation de concentration et d'entreposage des produits de fission.
L'activité des éléments combustibles pour une tonne d'U est d'environ:
En solution les produits de fission, l'uranium et le plutonium sont mélangés, mais l'activité
des produits de fission sera plus facile à détecter. Le contrôle atmosphérique ainsi que les
différents contrôles surfaciques seront faits par mesure de l'activité bêta.
121
Annexe 3
Cette opération consiste à séparer les produits de fission, l'U et le Pu. Les produits de
fission restent en phase aqueuse et les U et Pu en phase solvant.
EXPOSITION EXTERNE
On peut arriver à des niveaux de débit de dose très importants (quelques Gy.h"1).
L'analyse du risque ici est d'une importance primordiale. Compte tenu des activités
spécifiques des solutions traitées, une rupture de confinement peut avoir des conséquences
importantes.
EXPOSITION INTERNE
En contamination, le risque et la détection sont liés à l'activité bêta, mais le risque dû aux
émetteurs a n'est pas négligeable.
Le risque dû au tritium est également présent, car une faible partie du tritium reste dans les
solutions de produits de fission.
122
Annexe 4
EXPOSITION EXTERNE
En dehors des émissions X et gamma de faible énergie qui sont rapidement atténuées par la
masse des sources et les confinements d'aluminium, acier, plexiglas, l'exposition concerne tous
les isotopes du plutonium et l'241Am qui sont émetteurs gamma et neutrons, et un résiduel de
produits de fission. L'irradiation gamma, après fïltration des faibles énergies, est principalement
due à des énergies comprises entre 300 et 750 keV.
EXPOSITION INTERNE
Les contrôles surfaciques se feront en activité alpha ou en activité bêta en faisant attention à
l'état des surfaces et des frottis (humides ou pas).
Une détection bêta sur un frottis humide ne doit pas faire oublier la présence probable de
contamination alpha.
Dans les ateliers de purification du plutonium, on est en présence de plutonium, mais aussi
produ: de filiation en particulier l'241Am et de quelques impuretés de produits de fission
de ses produits
négligeables.
II existe sur ces ateliers une voie sèche et une voie humide. Les contrôles atmosphériques se
feront en activité alpha et en activité bêta. Un frottis humide peut masquer la contamination alpha.
EXPOSITION EXTERNE
EXPOSITION INTERNE
123
Annexe 4 (suite)
- une phase en voie sèche, calcination et séchage de l'oxalate de Pu qui se retrouve sous
forme de poudre de PuO2.
Comme il n'y a pas que des traces de produits de fission, la détection doit se faire par les a.
C'est dans cet atelier que la probabilité d'accident de criticité est la plus forte.
EXPOSITION EXTERNE
Seule étape du procédé réalisé en boîte à gants. Le risque d'exposition externe est faible. Il
est d'autant plus grand que le PUO2 est dispersé et/ou vieux.
Il faut aussi éviter l'empoussiérage des boîtes à gants qui peut entraîner des risques
d'irradiation. En vieillissant le PuO2 donne naissance à du 241Am, émetteurs X, y. Le flux de
neutrons augmente avec l'accumulation de Pu.
A ce stade, il faut prendre des précautions particulières pour la dosimétrie des extrémités.
EXPOSITION INTERNE
Le seuil de détection de la contamination du Pu est 100 fois plus faible que celui du seuil de
la radioactivité naturelle (radon, thoron et descendants).
A La Hague, du fait de la granulométrie du Pu (0 moyen 3 /xm contre 0,3 /xm pour les
descendants du Rn) la détection se fait grâce au double mandarin et aussi par la balise Pu sur
laquelle on réalise une spectrométrie a.
Une attention particulière doit être apportée aux points faibles du confinement. Exemple:
les gants, les panneaux de boîtes à gants.
124
Annexe 5
EXPOSITION EXTERNE
II s'agit des bâtiments de conditionnement des déchets et des stations de traitement des
effluents, qui reçoivent les matériels contaminés, les déchets solides et les effluents liquides de
l'ensemble des autres ateliers du centre de La Hague.
EXPOSITION INTERNE
Le spectre complet de l'usine est présent, le risque bêta-gamma dû aux produits de fission
sera le traceur, mais le risque a , plus ou moins important, ne doit jamais être perdu de vue.
NEXT PÂÛE(S)
Sef t Bh&HK
125
CHAPITRE 44. RISQUES RADIOLOGIQUES ASSOCIES AUX REACTEURS
DE PUISSANCE
R. Dollo
INTRODUCTION
Electricité de France est au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis. Dès 1973, suite
au premier choc pétrolier, la France a engagé un programme nucléaire important étalé sur 15 ans.
Ce programme est fondé sur la standardisation des tranches. Dans la série des réacteurs à eau
pressurisée (REP), on compte aujourd'hui 34 réacteurs de 900 MW, 20 réacteurs de 1300 MW. Un
troisième type d'une puissance de 1400 MW est actuellement en construction sur deux sites.
Les centrales de ce type ont assuré, jusqu'en 1977, la plus grande partie de la production
française d'"électricité nucléaire".
Le fluide caloporteur est l'anhydride carbonique (CO2), peu absorbeur de neutrons. Il est à
une pression de quelques dizaines de bars et circule grâce à de puissantes soufflantes.
Celui-ci est fait d'uranium naturel sous forme métallique. Il se présente en cartouches de 10
kg entourées d'une "chemise"; 15 cartouches gainées d'un alliage magnésium-zirconium sont
placées dans chaque canal. Le tonnage total d'uranium est de 446 t.
Le gaz carbonique arrive à une température de 240 °C et repart à une température d'environ
400 °C.
Ces réacteurs ont comme particularité de pouvoir fonctionner de façon permanente car le
rechargement en combustible peut être assuré pendant la marche du réacteur.
Une quarantaine de centrale de ce type ont été mises en service depuis 1956 en particulier en
France et en Angleterre. Le réacteur Bugey 1 est le dernier de ce type construit en France (1972) et
127
en exploitation pour un arrêt définitif en 1995. Leur arrêt s'explique par le coût relativement élevé
de leur exploitation. En Angleterre cette filière est appelée Magnox (du nom de l'alliage de
magnésium qui sert à gainer le combustible). Les Anglais ont conçu à partir de cette filière, un
nouveau type de réacteur, dit AGR, où le combustible est de l'uranium enrichi.
Cette filière est dite à neutrons rapides. Ces réacteurs sont souvent appelés surgénérateurs (ou
breeders dans les pays anglo-saxons).
Il ne s'agit pas d'une technique nouvelle; en effet, le premier réacteur qui ait produit de
l'électricité aux Etats-Unis en 1951 était de ce type. Au moins 10 surgénérateurs expérimentaux (en
France Rapsodie à Cadarache) ont été construits; 4 réacteurs industriels de production d'électricité
fonctionnent depuis plusieurs années (1972: BN 350 de 135 MW à Chevchenko en URSS - 1973:
Phénix de 250 MW à Marcoule en France - 1975: PFR de 250 MW en Angleterre - 1979: BN 600
de 600 MW à Byeloiarsk en URSS). C'est en 1985 qu'a "démarré" le surgénérateur de 1 200 MW
de Creys-Malville.
La teneur en matière fissile étant très élevée, le nombre de neutrons émis est donc très grand
et est largement suffisant pour qu'il ne soit pas nécessaire de les ralentir pour rendre possible et
entretenir la réaction en augmentant les probabilités d'interaction neutrons-noyaux. Ceci explique
leur nom de réacteurs à neutrons rapides et l'inutilité d'un modérateur comme dans les réacteurs à
neutrons thermiques.
Le dégagement de chaleur par unité de volume du coeur est très élevé et, pour l'évacuer, il
faut un fluide caloporteur de grande capacité calorifique, capable d'extraire la chaleur produite sans
que la température du coeur ne soit excessive et sans ralentir les neutrons.
Le sodium répond à ces- exigences. C'est un métal alcalin, très répandu dans la nature,
liquide à partir de 100 °C et dont la température d'ébullition est élevée (900 °C); la marge entre les
deux est donc très large. Il est très bon conducteur de la chaleur et est peu corrosif. Comme le
réacteur fonctionne à 550 °C environ, le sodium est alors liquide à la pression normale; le
surgénérateur a donc l'avantage par rapport au REP de fonctionner à la pression atmosphérique.
Par contre, les propriétés chimiques du sodium sont très contraignantes: il s'enflamme au
contact de l'air à la température à laquelle il est utilisé et réagit violemment avec l'eau en entraînant
une réaction exothermique au cours de laquelle se forme de la soude et se libère de l'hydrogène.
128
Dans la filière BWR (Boiling Water Reactor ou réacteur à eau bouillante), l'eau, chauffée
dans le coeur, entre en ebullition dans la cuve et la vapeur ainsi produite actionne directement la
turbine.
Dans les centrales PWR (Pressurised Water Reactor) ou REP (réacteur à eau sous pression)
ou en URSS W E R (Vode Vadjanie Energitcheskie Reactor), l'eau du circuit primaire, destinée à
extraire la chaleur, est maintenue à une pression très élevée (150 bars) si bien qu'elle ne bout pas,
malgré sa forte température (320 °C environ). Un échangeur de chaleur (générateur de vapeur)
sépare le circuit primaire du circuit secondaire où l'eau est transformée en vapeur. Il y a donc un
échangeur de chaleur de plus que dans la centrale de type BWR.
La très grande majorité des centrales construires au cours de ces dix dernières années, en
construction ou en projet en France, est de ce type; c'est donc sur elles que repose l'essentiel du
programme électronucléaire. Dans le monde, plus de 300 réacteurs de ce type ont été construits.
- Filière à haute température: oxyde d'uranium et de thorium - graphite - hélium. Elle est
expérimentée aux Etats-Unis et en Allemagne. Son bon rendement s'explique par la température
de sortie élevée du fluide caloporteur, l'hélium. Son intérêt est d'utiliser du thorium, matière
fertile très abondante dans la nature et qui se transforme en matière fissile; le taux de
régénération est élevé (0,66);
- Filière à eau lourde avec ses diverses variantes:
- EL4 à Brennilis (France): oxyde d'uranium enrichi - eau lourde - CO2 (une centrale
de 70 MW, a fonctionné en France à partir de 1967 - elle a été arrêtée en juillet
1985);
- Filière Candu: oxyde d'uranium naturel - eau lourde, 39 réacteurs de ce type ont été
construits dans le monde, cette filière a surtout été développée au Canada.
Enfin, rappelons que le réacteur accidenté à Tchernobyl est un réacteur de la filière RBMK
(Reactor Bolchoe Molnastoe Kipiochee ou réacteur bouillant de grande puissance). C'est un
réacteur à eau bouillante, modéré par du graphite et dont le combustible est de l'uranium enrichi à
1,8%. En 1985, ce type de réacteur représentait 40% de la puissance installée en URSS. Il n'en
existe dans aucun autre pays.
Le coeur d'une centrale de 1300 MW contient près de 50 000 de ces tubes appelés "crayons".
Le coeur du réacteur contient également l'eau sous pression qui sert de modérateur.
La chaleur produite par la fission est récupérée par un fluide circulant en circuit fermé appelé
"fluide caloporteur" (eau sous pression également). Elle est ensuite transmise à un second circuit
eau-vapeur, par l'intermédiaire d'un échangeur: l'eau du circuit secondaire se transforme en
vapeur. La vapeur, ainsi produite, fait tourner une turbine qui entraîne un alternateur producteur
d'électricité (fig. 44.1).
129
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FIG. 44.1. Schéma de principe d'une centrale nucléaire à eau sous pression.
Sources de rayonnements
Les émissions a, 3 et y ont toutes pour origine deux types de phénomènes provoqués par les
neutrons.
Les cobalt 58 et 60 sont les plus pénalisants pour les doses, compte tenu de l'énergie des
rayonnements gamma, de leur période (71 jours et 5,3 ans) et de leurs sections efficaces.
Exemples de réactions:
58 y
Fe (n, y) => 59 Fe Y) Co T = 45 j
59, 60, 60
Co (n, y) => w Co 'Ni T = 5,3 ans
58 58
Ni (n, p) =* 58Co (CE, p + , y ) Fe T = 71 j
44.3.1. Neutrons
130
permis de réduire les fuites de neutrons. Actuellement, on évalue à moins de 1% la dose due aux
neutrons par rapport à la dose totale reçue par les agents. Les zones à risque sont connues et
mentionnées sur des cartographies.
A l'arrêt, le combustible irradié continue à émettre des neutrons, mais en quantités très
faibles. Les protections biologiques du réacteur et l'eau des piscines assurent une protection totale.
A signaler cependant le cas particulier des châteaux d'évacuation du combustible: du fait de
l'absence d'une forte épaisseur d'eau (très bon ralentisseur des neutrons), il règne un faible débit de
dose neutrons (quelques centièmes de mSv.h"1).
Rayonnements P et y:
Ils sont dus aux dépôts se formant sur les tuyauteries du circuit primaire et des circuits de
traitement d'effluents.
A l'arrêt, l'influence des émetteurs P apparaît lorsqu'on est amené à ouvrir les circuits et à
travailler au contact direct des dépôts.
44.3.3. Rayonnements a
La répartition par grands postes dosimétriques, par ordre décroissant, est la suivante:
131
La répartition des doses par spécialité exercée est la suivante:
Les efforts se sont concentrés sur la réduction des sources et se situent à la fois au niveau des
dispositions générales de conception et de l'exploitation des tranches.
Le principal élément indésirable est le cobalt 59, stable, source de cobalt 60 par activation
neutronique et dans une moindre mesure le cobalt 58 issu du nickel. Le cobalt est présent, en tant
qu'impureté, dans la plupart des alliages en contact avec l'eau du circuit primaire.
Exemple
La solubilité des matériaux (Fe, Ni,.) dépend pour une espèce donnée, de la température et
du pH de l'eau. Il faut trouver et maintenir une valeur de pH optimum pour laquelle il y a la plus
faible solubilité possible des métaux.
Lors des mises en arrêt à froid pour intervenir sur les circuits, la baisse de température, de la
pression et du pH, accentue le phénomène de relâchement. Il s'agit de "bloquer" le phénomène
pour éviter une dissémination des produits de corrosion. L'oxygénation de l'eau du circuit primaire
ralentit fortement les phénomènes de dissolution de dépôts et de relâchement du métal de base.
Cette technique associée à une purification de l'eau primaire à son débit nominal entraîne une
réduction de 5 à 10% de la dose collective annuelle.
132
44.4.2.2. Réduction du débit de dose et du temps de séjour
Les actions engagées dans ce domaine sont extrêmement diversifiées. Elles portent sur de
nombreux points, tels que les protections biologiques, la préparation du travail, l'utilisation
d'outillages spécialisés (robotique ou téléopérateur) et la formation du personnel.
Avec plus de 50 réacteurs, EDF bénéficie d'un retour d'expérience important. Pour valoriser
le savoir-faire et répondre aux besoins des différents utilisateurs (concepteurs, préparateurs,
intervenants exploitants ou extérieurs), des guides et des procédures ont été créés, en particulier
sur:
L'adoption du principe ALARA (aussi bas que raisonnablement possible) a pour objectif de
rechercher le meilleur compromis entre le risque résiduel et les facteurs économiques et sociaux, en
limitant l'iniquité dans la distribution des doses individuelles.
La mise en oeuvre d'une organisation suivant le concept ALARA repose sur la volonté de la
Direction du parc nucléaire d'imposer des objectifs dosimétriques dans les contrats de gestion, ce
qui engage les directions locales.
Tous les sites ont créé, entre 1992 et 1993, un comité ALARA de site. Ce comité sélectionne
les chantiers pénalisants en dose qui seront particulièrement suivis et analysés. Chaque programme
ALARA repose sur le processus suivant:
Entre 1983 et 1989, la dose moyenne par tranche et par année fluctuait entre 1,8 et 2 h.Sv.
En 1990, elle fut de 2,35 h.Sv et en 1991 de 2,44 h.Sv, avec notamment un nombre important de
visites décennales. La promotion d'ALARA à partir de 1992 a permis de commencer à inverser
cette tendance: 2,36 h.Sv en 1992 puis 2,04 h.Sv en 1993.
133
Préparation du chantier
OBJECTIFS
ALARA
- une étude d'optimisation des actions de protection: niveau d'eau dans les générateurs de vapeur,
protections biologiques, décontamination des extrémités des tuyauteries primaires;
- une motivation forte des intervenants: formation et entraînement avant le RGV: relations étroites
entre équipe ALARA et intervenants pendant le chantier, en utilisant de nombreux moyens et
supports (affichages, courbes dosimétriques, prévisionnel, réalisé, réunions de chantier et de
retour d'expérience, etc.).
Le chantier de DAMPIERRE 1 a démontré, grâce à des enquêtes réalisées lors des travaux
auprès des intervenants, le bon impact des actions ALARA, notamment dans le domaine de la
motivation.
Le bilan dosimétrique des changements de couvercles se présente comme suit à fin 1993:
134
Une analyse faite sur les années 1991 et 1992 donnait une prévision totale à fin 1992 de
16 h.Sv sans programme ALARA. Les 11 h.Sv atteints sur la même période attestent donc d'un
gain de 5 h.Sv imputable à l'application de la méthode ALARA sur les chantiers couvercles.
L'opération de changement du couvercle sur BUGEY a été réalisée début 1994 au coût de
0,2 h.Sv pour 0,45 prévu. Cette prévision était bien sûr très imparfaite, car s'appliquant au premier
chantier de ce type. Néanmoins, la faible importance des aléas est encore à mettre au bénéfice de la
bonne préparation ALARA du chantier en collaboration entre le site, les services nationaux et les
différentes entreprises extérieures.
44.5.2. Conclusion
Les résultats en matière de radioprotection gagent de notre aptitude à maîtriser les techniques
de nucléaire, composante à part entière du professionnalisme (annexes 1 et 2).
BIBLIOGRAPHIE
GAMBINI, D.J., GRANŒR, R. Manuel pratique de radioprotection. TEC & DOC Lavoisier Editions
médicales internationales.
DOLLO, R. Réflexions sur une méthode pratique d'uniformisation de la comptabilisation des doses
et sur la gestion de la dosimétrie opérationnelle. Réunion des experts en radioprotection des
centrales nucléaires. Luxembourg, (18 et 19 décembre 1991).
STRICKER, L., DOLLO, R. Consequences of the new ICPR recommendations for radiation
protection management in the French nuclear power generating facilites. Proceedings of the 4th
national congress of the Spanish radiation protection society, Salamanca, (26-29 novembre 1991).
135
imétrie annuelle et nombre de réacteurs!
RANCE : années 1986à199Sj ^.
I1M.4I
••--e
i
mi
[Dosimétrie moyenne/réacteurj
136
CHAPITRE 45. RADIOPROTECTION DANS LES REACTEURS DE RECHERCHE
J.Ph. Bourion
II existe actuellement environ 350 réacteurs de recherche, répartis dans 56 pays, dont la
puissance va de moins de 1 watt à 100 mégawatts et plus [1][2]. Ces installations sont utilisées pour
la recherche et développement, principalement dans les domaines des réacteurs électronucléaires et
de la caractérisation et de l'étude de la matière. Ils sont par ailleurs dotés d'équipements permettant
de produire des radioéléments à usage industriel et médical, d'étudier le comportement de matériels
divers sous irradiation et de procéder à la thérapie de certains cancers [2] [3].
400
réacteurs mis en service
350 -
réacteurs mis à l'arrêt
•j 300 -
réactênrs en service
250 - -j.-.-J--.-,,--^ - - / -
La puissance thermique de telles installations est bien inférieure à celle des réacteurs à eau
sous pression (REP; 4000 mégawatts). Les risques potentiels sont donc bien inférieurs à ceux des
REP, et cependant suffisamment importants pour devoir être pris en compte dans les plans
d'intervention. En exploitation normale, les expositions (externes et internes) du personnel sont
faibles grâce à l'intégration de la composante radioprotection aux stade de l'étude et de la
conception (du réacteur et des expériences), et de l'exploitation. Les conséquences d'accident et les
problèmes de radioprotection relatifs au démantèlement, traitées par ailleurs, ne sont pas repris dans
ce chapitre.
- avoir une meilleure connaissance des performances et donc des limites du combustible actuel et
des équipements,
137
- définir les produits nouveaux à partir notamment des besoins futurs exprimés par les exploitants
des REP.
La conduite des expériences correspondantes nécessite d'une part des équipements capables
de recréer, pour le matériel à expérimenter, des conditions de fonctionnement (neutroniques,
mécaniques, physico-chimiques et thermodynamiques) identiques à celles des REP, d'autre part de
mettre en place une instrumentation adaptée au programme de recherche.
Une telle expérimentation est typiquement constituée par une boucle permettant de recréer un
circuit primaire de REP. Cette boucle comporte deux parties principales (fig. 45.2): la partie en pile
correspondant au matériel exposé aux rayonnements du coeur, le circuit à terre constitué des
organes de conditionnement du fluide du circuit primaire (pompes, échangeurs, lignes à retard,
pressuriseur, condenseur, etc.).
baie de commande
Les événements susceptibles de conduire à une dispersion des matériaux fissiles induisent des
conséquences très importantes pour le personnel et l'environnement. Les installations sont donc
conçues dans un cadre de sûreté sévère conduisant à mettre en oeuvre une certaine redondance des
dispositifs de protection, de contrôle et de surveillance, et des exigences draconiennes en ce qui
138
concerne l'exploitation. La probabilité d'occurrence de tels accidents s'en trouve significativement
réduite.
Au cours de la réaction en chaîne, sont émis des y et des neutrons de fission d'assez forte
énergie, sont formés des produits de fission (PF) de périodes diverses et émetteurs principalement 3
y, et des transuraniens en général de période longue et essentiellement émetteurs a. Vis à vis de
l'exposition externe, l'eau de la piscine et les parois en béton la contenant jouent le rôle de
protection biologique. L'eau est un écran efficace à la fois vis à vis des y et des neutrons. La
hauteur d'eau ainsi que les épaisseurs de béton nécessaires pour assurer la protection biologique
diffèrent peu d'une installation à l'autre. Entre 1 et 100 mégawatts, il n'y a qu'un facteur 100 en
terme de puissance et donc de rayonnements y et neutrons émis par la matière fissile. La différence
d'épaisseur de protection correspond donc à seulement deux épaisseurs dixième pour les matériaux
de protection et les rayonnements considérés. A titre indicatif, l'épaisseur dixième pour des photons
de 5 MeV est d'environ 86 centimètres pour l'eau et de 24 centimètres pour le béton baryte de
densité 3,6 (respectivement 40 et 11 cm à 1 MeV).
Les opérations de manutention des sources irradiantes que constituent les échantillons de
toute nature se font, soit sous contrôle d'un agent chargé de veiller à l'évolution du débit de dose en
surface de piscine, soit sous contrôle d'un automatisme limitant l'ascension des charges à une cote
correspondant à un seuil préétabli en débit de dose. Pour toutes les opérations de transfert, les
sources irradiantes sont chargées, sous eau, dans des conteneurs avant leur sortie de piscine.
En matière d'exposition interne relative aux matières fissiles et aux radionucléides contenus,
plusieurs barrières surveillées en permanence sont interposées entre la source et les cibles
potentielles. Vis à vis du personnel travaillant dans l'enceinte, la gaine étanche du combustible et
les parois du circuit primaire constituent les deux premières barrières. En cas de rupture des deux
barrières, situation correspondant à un accident grave, l'eau de la piscine, sans constituer
véritablement une barrière joue un rôle de filtre et de ligne à retard en ce qui concerne le transfert
des radionucléides vers le hall. De plus, les casemates contenant les circuits à terre sont mises en
dépression par rapport aux zones d'accès normal attenantes. Les casemates sont en principe d'accès
interdit quand les expériences fonctionnent.
Dans le cas particulier des transferts de conteneurs enfermant des matières fissiles irradiées,
au risque d'exposition externe py par les produits de fission s'ajoute celui relatif à l'exposition
externe par les neutrons issus de la fission spontanée des nucléides fissiles. Tous les emballages
font l'objet d'un contrôle du débit de dose et de la contamination surfacique avant leur expédition.
139
en
O
FIG. 45.3. Débit de dose délivré, à 2 mètres de la surface de l'eau, par un combustible
ponctuel ayant produit une puissance de 1 watt pendant 35 jours [4][5][6].
Les impuretés inévitablement contenues dans ces eaux sont activées par les neutrons émis par
la matière fissile. La radioactivité résultante (nucléides émetteurs 3y) est réduite par épuration de
l'eau au moyen de filtres ( filtres coton, résines échangeuses d'ions) qui déminéralisent l'eau de
façon préventive et piègent en même temps les impuretés activées. Pour les circuits de
refroidissement des expériences, ces dispositifs sont placés en série sur le circuit à terre dès sa
sortie de la piscine et nécessitent d'être blindés en complément du blindage général du circuit à
terre contenu dans une casemate. Le phénomène de corrosion étant lié à divers facteurs
difficilement appréciables, il est impossible de prévoir l'importance de cette source dès la
conception. Aussi, les épaisseurs de blindage des filtres sont-elles déterminées grâce au retour
d'expérience.
- le sodium 24 produit en particulier par activation de l'aluminium omniprésent dans une telle
installation. Une façon simple de gérer le risque d'irradiation correspondant est de jouer sur les
délais avant intervention sur les circuits et capacités contenant ce produit de corrosion activé
émetteur py (y de 1,4 et 2,8 MeV, p de 550 keV). La figure 45.4 met en évidence la
décroissance du sodium 24. Dans l'exemple illustré, la contribution au débit de dose des autres
produits d'activation, de périodes plus longues, apparaît à partir du quatrième jour après l'arrêt
140
du réacteur. Les débits de dose atteints peuvent différer selon la position de l'appareil de mesure
par rapport aux circuits, l'efficacité de l'épuration et le flux neutronique au niveau des fluides.
PRODUITS
PERIODE FORMATION
D'ACTTVATION
nucléide initial réaction
Na24 15 h Na23 (n,y)
Mg24 (nr.P)
Al 27 (n r ,a)
Cr51 27,7 j Cr50 (n,y)
Mn54 312,5 j Fe54 (n r ,p)
Co 58 70,8 j Ni 58 (n r ,p)
Fe59 44,5 j Fe58 (n,y)
Fe57 (nr,2n)
Co 59 (n r ,p)
Co 60 5,27 a Co 59 (n,y)
Zn65 243,8j Zn64 (n,y)
Zr- Nb 95 64j Zr94 (n,y)
Mo 98 (n r ,a)
Ag 110 m 250,1j Ag 109 (n,y)
Csl34 2,05 a Cs 133 (n,y)
- le cobalt 60 (émetteur y de 1,17 et 1,33 MeV) principalement produit par activation du cobalt
naturellement présent à l'état d'impureté dans les alliages métalliques. Afin de réduire
l'exposition potentielle résultante, les alliages utilisés pour la conception des équipements
proviennent de coulées spéciales dont la teneur en cobalt naturel est inférieure à 2000 parties par
million en masse.
- le tritium peut revêtir une certaine importance en matière de risque d'exposition interne. Il
résulte de la fission ternaire, de 1'activation du deuterium présent naturellement dans l'eau, et
peut être produit de façon beaucoup plus massive par 1'activation du bore (utilisé par exemple
comme absorbant dans les plaques de rives) et du deuterium constituant l'eau lourde (employée
comme réflecteur/modérateur des neutrons), du lithium contenu dans certaines expériences. Le
tritium, isotope de l'hydrogène, est relativement difficile à piéger et possède la caractéristique
gênante de diffuser plus ou moins rapidement à travers pratiquement tous les matériaux, y
compris et surtout à travers la peau. Il présente un risque d'exposition interne, par inhalation et
par diffusion à travers la peau, plus important sous forme de vapeur d'eau tritiée (limite dérivée
de concentration dans l'air pour les travailleurs (LDCA) = 8.1O5 Bq.m"3) que sous forme
moléculaire (LDCA = 2.10 1 Bq.m' 3 ). La partie oxydée sous forme de vapeur d'eau peut être
piégée dans la gaine de rejet par passage de l'air sur des batteries de condenseur et de pièges
froids. Ces dispositifs ne sont en général mis en service que pour des opérations particulières de
dégazage de capacité avant intervention.
Pour assurer la protection des personnels d'intervention sur les équipements tritiés et
préalablement mis en dépression pour éliminer autant que faire se peut la contamination, il faut
jouer à la fois sur le confinement statique et dynamique. Ainsi les intervenants doivent être équipés
de tenues ventilées à adduction d'air de telle sorte que le vêtement soit en surpression par rapport à
l'air ambiant, de gants qui doivent être renouvelés fréquemment lors des manipulations d'objets
contaminés. Dans la mesure du possible, des extracteurs mobiles sont mis en oeuvre à proximité
141
immédiate du champ opératoire afin de favoriser une circulation préférentielle de l'air à une vitesse
minimale de 1,5 m.s"1, vitesse en-dessous de laquelle le tritium rétro-diffuse.
1.0E+00
E
^ 1.06-01
1.0&024
LL 1__
T I
I 1
1 1
~ f — — '— — — — • — — T — — _ _ . - . _
" T — — T —
£ 1 • ' 1 i
[ . y ; :
;
1.0S03
8 10 12 14 16 18 20
tençsQour)
FIG. 45.4. Evolution type du débit de dose y mesuré dans une casemate du
circuit de refroidissement.
Des produits d'activation identiques à ceux évoqués aux paragraphes précédents sont produits
dans l'eau entourant le combustible. L'eau de la piscine, compte tenu de son volume, ne peut être
épurée que par prélèvement sur un circuit en dérivation. L'activité volumique de l'eau de la piscine
tend ainsi vers un équilibre tributaire en particulier du rapport débit filtré/volume d'eau. Pour
abaisser le débit de dose engendré en surface (quelques dizaines de /xGy.h"1) par cette
contamination volumique de l'eau, une couche d'eau chaude (A9 d'environ 8 °C sur 4 mètres),
elle-même épurée en permanence, confine, par effet thermique, cette source irradiante en fond de
piscine. Par la même occasion, l'exposition interne des personnels résultant de l'inhalation de l'eau
d'évaporation se trouve fortement réduite.
142
45.2.3. Techniques de surveillance
Les risques sont donc relatifs à l'exposition externe et interne par des produits d'activation
émetteurs P et/ou y. De plus, en dehors des situations accidentelles non évoquées ici, des ruptures
de gaine de faible ampleur peuvent conduire à la présence de produits de fission dans l'eau du
circuit primaire et de la piscine, et gêner les opérations de maintenance afférentes.
Par ailleurs, les dispositions de protection collective du personnel, pour ce qui concerne
l'exploitation normale des boucles d'irradiation technologiques sont donc prévues à la conception
des installations et pour chaque nouvelle expérimentation. Dans son principe, la surveillance
collective vise donc à s'assurer en permanence que les dispositions prévues conservent leur
efficacité et à prévenir ou à limiter toute exposition du personnel.
La surveillance radiologique globale est exercée à deux niveaux: surveillance des sources (ou
des barrières), surveillance des expositions (potentielle ou collective, individuelle ou réelle).
Tous les appareillages décrits par la suite doivent être contrôlés et étalonnés périodiquement.
Les ruptures de gaines sont dépistées en permanence au moyen d'un ensemble de comptage
des y et neutrons présents dans le circuit primaire.
La rupture d'etanchéité au niveau d'un échangeur entre les circuits primaire et secondaire est
détectée par un appareil mesurant le taux de comptage y (le sodium 24 est prépondérant en terme
d'activité volumique y).
La perte d'étanchéité d'un circuit primaire dans une casemate est en général mise en évidence
par les paramètres de contrôle des circuits (débits, pressions, températures).
La confrontation des résultats de mesure périodique de l'activité volumique des eaux des
capacités et circuits, des drains et puisards situés en points bas dans l'installation et recueillant les
eaux des terrains avoisinants, et enfin des forages et puits disposés sur le site, permet de contrôler
les transferts éventuels de fluides de l'installation vers l'environnement. D'autres moyens sont
également utilisés pour effectuer cette surveillance de l'installation, comme l'établissement de
bilans périodiques des débits et des volumes.
143
des appareils de prélèvement et mesure des aérosols prélevés sur un média filtrant par aspiration
d'air dans la gaine de rejet. Le filtre peut être un filtre à charbon actif ou un filtre simple
complété par une cartouche de charbon actif permettant de piéger les iodes en même temps que
les aérosols. Le détecteur est par exemple un scintillateur p. L'exploitation de cet appareil en
temps réel, et pour cette utilisation où le contaminant potentiel est constitué de produits de
fission, est délicate. Il ne fonctionne de façon satisfaisante qu'en tout ou rien. En effet, le signal
résulte de l'accumulation des nombreux nucléides collectés sur le filtre par prélèvement dans la
gaine de rejet, mais aussi de l'évolution par filiation et décroissance des produits de fission à
période courte. La figure 45.6 montre l'évolution du signal d'un appareil de ce type.
Théoriquement, l'activité sur le filtre à un instant donné est directement obtenue par le produit
de l'activité volumique dans l'air du local à cet instant par le débit de prélèvement et par le
temps écoulé depuis le début de l'apparition de la contamination. Il en est bien ainsi pour les
nucléides à période longue. C'est aussi vrai pour les nucléides à période courte quand
l'évolution de l'activité volumique de l'air du local à surveiller s'effectue avec la seule période
du nucléide. Connaissant alors le rendement de filtration, le rendement de détection et le signal
de l'appareil, il est donc possible de déterminer, en temps réel, l'activité volumique dans le local
en calculant la pente de la courbe donnant le signal en fonction du temps.
Dans le cas le plus fréquent où l'activité volumique du nucléide à période courte présent dans
l'air du local n'évolue pas en fonction de sa seule période (mais aussi par filiation d'un nucléide
à période longue, ou par apport dû aux fuites continues d'un équipement), il n'y a plus de
moyen simple de déterminer l'activité volumique de l'air par la seule mesure de l'activité
accumulée sur le filtre. La figure 45.6 illustre ce phénomène en considérant, pour exemple, une
activité volumique constante dans le hall. Pour une activité volumique A, un nucléide de
constante radioactive X, un débit de prélèvement d, l'activité sur le filtre au temps t s'écrit:
— xdx(l-exp~ ). Dans ce cas, l'activité volumique dans le local ne peut être
À
déterminée que si la constante radioactive, en plus des autres paramètres relatifs au détecteur,
est connue. Dans le cas plus général et plus plausible où l'activité volumique n'évolue pas par
simple décroissance et ne reste pas constante, le résultat donné par l'appareil devient
inexploitable. Aussi, en cas d'alarme, les filtres sont prélevés et analysés en laboratoire.
des appareils de prélèvement des gaz rares provenant de la fission (les krypton et les xénon) et
éventuellement de 1'activation de l'argon contenu dans l'air des canaux soumis à l'irradiation du
coeur (voir chapitre 36). L'air prélevé dans la gaine est acheminé, après filtration, vers une
chambre d'ionisation par exemple. L'appareil est réglé sur le xénon 133, produit de fission
donnant le signal le plus important. Souvent, en fonctionnement normal, les réacteurs de
recherche ne rejettent pas de gaz de fission. Dans ce cas, l'appareil de surveillance peut être tout
de même réglé par rapport aux gaz de fission afin de pouvoir appréhender un dégazage
accidentel du combustible, ou bien par rapport à l'argon 41 si l'installation en produit en
routine.
si le tritium peut être rejeté de façon significative, des appareils adaptés sont mis en oeuvre. Il
est alors important d'avoir la connaissance de la forme physico-chimique du tritium, en
particulier s'il est sous forme moléculaire (gaz) ou oxydée (vapeur d'eau tritiée), pour
déterminer la technique de piégeage adaptée. Une mesure directe de l'air prélevé et/ou une
mesure après oxydation sont nécessaires selon les cas.
144
x— nudéide à période Jongue
L'activité volumique du nudéide à période longue dans l'air du local est supposée constante et égale à
100 Bq.m'3. Pour le nudéide à période courte, 2 cas sont envisagés: d'une part décroissance de l'activité
volumique (initialement de 100 Bq.m'3) suivant la période du nudéide considéré, d'autre pan maintien de
l'activité volumique constante, situation correspondant à un apport continu et constant de contamination
(fuite d'un équipement ou apparition par filiation d'un nudéide à période longue présent dans le local).
Les appareils d'alarme ont en général des limites de détection importantes. Pour effectuer les
bilans quantitatifs et qualitatifs qu'exige la réglementation, il est nécessaire d'effectuer
périodiquement des analyses de laboratoire complémentaires.
Pour les aérosols et les iodes, l'analyse du filtre et de la cartouche évoqués ci-dessus par
spectrométrie y complétée par une analyse globale aP est satisfaisante. Pour le tritium, différents
systèmes permettent de piéger la vapeur d'eau tritiée puis d'en déterminer l'activité par scintillation
liquide.
La caractérisation des gaz est plus délicate, elle nécessiterait un échantillonnage représentatif
d'une longue durée. En pratique, la connaissance des actions effectuées dans l'installation pendant
la période considérée, corrélée à l'évolution du signal de l'appareil enregistrant les rejets de gaz
rares et à l'exploitation des analyses de prélèvements périodiques et ponctuels de gaz dans les
circuits de dégazage, permet d'évaluer qualitativement et quantitativement les rejets correspondants.
Dans l'enceinte, des appareils identiques à ceux précédemment évoqués et des appareils de
mesure de l'exposition externe Py (et au besoin neutrons) permettent d'évaluer les risques dans
l'enceinte. L'ensemble des informations correspondant aux appareils à alarme sont centralisées en
salle de conduite. Périodiquement, les prélèvements atmosphériques (filtres, vapeur d'eau tritiée
piégée) sont analysés en laboratoire et exploités afin de mettre en évidence les évolutions lentes
anormales.
Pour couvrir les risques de criticité éventuels, des détecteurs adéquats fonctionnant sur le
principe de 1'activation (feuilles d'or par exemple) peuvent être mis en place dans l'installation
autour des zones à risque. L'objectif étant de déterminer, a posteriori, les doses subies par le
145
personnel exposé, ces appareils doivent être disposés de telle sorte qu'ils puissent être collectés par
les agents lors de leur évacuation.
Pour répondre aux besoins de mesures aux postes de travail, des contaminamètres et des
radiamètres Py portables sont mis à disposition du personnel en libre service.
En matière d'exposition interne, les agents font l'objet d'une évaluation périodique de
l'activité incorporée. Le médecin du travail, dont relève cette pratique, fait procéder à des analyses
adaptées au risque: anthropogammamétrie pour les produits de fission et d'activation émetteurs y,
analyse par scintillation liquide des urines pour le tritium. La fréquence des analyses est très liée à
la période biologique des nucléides considérés et doit être d'autant plus grande que cette dernière
est courte. Lors d'opérations de maintenance particulièrement lourdes, il est important de procéder
à ces examens avant l'intervention de manière à pouvoir estimer les expositions au mieux. De plus,
pour certaines opérations présentant des risques d'exposition interne, les intervenants peuvent être
équipés d'appareils de prélèvement individuels et autonomes dont l'air prélevé est représentatif de
l'air inhalé. La poursuite de l'opération peut être conditionnée par les résultats de l'analyse du
prélèvement. Par exemple, si l'analyse démontre l'absence de contamination atmosphérique,
l'intervention peut être poursuivie sans appareil de protection respiratoire qui peut représenter une
gêne importante.
La surveillance de l'exposition externe ne présente pas de spécificité par rapport aux autres
installations. Les dosimètres utilisés doivent être adaptés à la nature des rayonnements (dosimétrie (3
y, dosimétrie neutron si le risque existe). Il est intéressant de doter les agents les plus exposés de
dosimètres à lecture directe possédant des fonctions d'alarme sonore sur la dose et le débit de dose,
de façon à gérer aux mieux les expositions occasionnées par les opérations particulières de
maintenance et d'exploitation. L'étude préalable des conditions d'intervention permet en particulier
de prérégler les seuils et de juger de l'opportunité du port de dosimètres complémentaires (au
poignet, aux doigts, voire en plusieurs points du corps pour des travaux de maintenance en plongée
dans la piscine par exemple).
- le premier est relatif à l'utilisation des neutrons de faible énergie en complément d'autres
techniques (X, électrons, etc. ) pour étudier les caractéristiques fondamentales de la matière
condensée. Des aires expérimentales spécialement aménagées permettent de conduire ces
expériences consistant à analyser les interactions, par diffusion élastique et inélastique, des
neutrons extraits du coeur sous la forme d'un faisceau de quelques millimètres carrés de section,
avec la matière à étudier;
- dans le second domaine, l'aptitude des neutrons à activer les matériaux par absorption (capture
ou fission) est mise à profit pour conduire des analyses de la matière par mesure des
rayonnements émis par les nucléides ainsi produits. Les équipements correspondants sont
constitués par des cavités d'irradiation placées à proximité du coeur et de systèmes de convoyage
hydrauliques ou pneumatiques des échantillons entre le coeur et le laboratoire d'analyse. Des
systèmes comparables sont utilisés pour produire des radionucléides à usage industriel et
médical.
Ces applications présentent des risques et nécessitent des dispositions de radioprotection qui
ne sont pas traitées dans ce chapitre car peu spécifiques des réacteurs expérimentaux (excepté dans
le domaine de l'utilisation des faisceaux de neutrons). Le lecteur pourra se reporter aux chapitres
relatifs aux risques et dispositions de protection des sources scellées et non scellées.
Les actions de recherche et développement sont en général menées dans un cadre coopératif
où se retrouvent le concepteur, le client, les laboratoires de recherche ou d'examen, les fabricants.
Le suivi de la réalisation des projets permet de maîtriser la conformité des équipements et des
dispositions mis en place.
REFERENCES
[4] JAEGER, R.G., BLIZARD, E.P., CHILTON, A.B, GRONTENHUIS, M., HÔNIG, A.,
JAEGER, TH.A., EISENLOHR, H.H. Engineering Compendium on Radiation Shielding.
Volume I, Shielding Fundamentals and Methods. Springer-Verlag Berlin, Heidelberg, New
York (1968).
[5] JAEGER, R.G., BLIZARD, E.P., CHILTON, A.B, GRONTENHUIS, M., HÔNIG, A.,
JAEGER, TH.A., EISENLOHR, H.H. Engineering Compendium on Radiation Shielding.
Volume m , Shield Design and Engineering. Springer-Verlag Berlin, Heidelberg, New York.
(1968).
147
[6] BAUR A. Protections contre les rayonnements. Aspects physiques et méthodes de calcul.
Commissariat à l'Energie Atomique (1985). Nota: livre axé sur les réacteurs)
[9] MicroShield Version 4, Logiciel de calcul de protection contre les rayonnements gamma.
Grove Engineering, 15215 Shady Grove Road, Suite 200, Rockville, MD 20850 (1987).
148
CHAPITRE 46. RADIOPROTECTION DANS LES HOPITAUX
B. Aubert
INTRODUCTION
Les recommandations de la CIPR [1] conduisent à adopter des limites annuelles d'exposition
(LAE) mais également à optimiser la protection du personnel. Ce sont ces concepts de limitation et
d'optimisation qui sont à la base des techniques de protection et de surveillance mises en oeuvre
dans les hôpitaux.
Dans ce chapitre, nous allons tout d'abord examiner les considérations pratiques sur
lesquelles reposent la conception, l'aménagement et l'équipement des locaux vis-à-vis de la
radioprotection du personnel et cela dans les différents domaines d'application des rayonnements
ionisants en milieu hospitalier. Nous présenterons ensuite les niveaux d'exposition professionnelle
tels qu'on peut les connaître au travers de la surveillance réglementaire ainsi que de la surveillance
opérationnelle. Cette dernière est cependant limitée aux postes où l'exposition de l'organisme et/ou
de certains organes est la plus élevée.
Quatre domaines sont concernés par l'utilisation des rayonnements ionisants: radiothérapie
externe, curiethérapie, radiodiagnostic et médecine nucléaire, ce dernier domaine couvrant
également les laboratoires. Ainsi, vis-à-vis de la radioprotection, on se trouve face à:
- différents types de sources: générateurs électriques (photons et/ou électrons), sources scellées et
sources non scellées;
- différents risques d'exposition: externe et/ou interne;
- différentes conditions d'utilisation: zone contrôlée interdite au personnel durant l'irradiation du
patient, zone contrôlée et/ou surveillée accessible aux patients et au public.
Cette technique d'irradiation externe vise à traiter des tumeurs à l'aide de faisceaux de rayons
X, de rayons gamma ou d'électrons émis par les appareils de radiothérapie utilisant des sources de
rayonnement telles que celles de la contacthérapie (appareils produisant des rayons X de faible
énergie, inférieure à 50 kV), de la cobalthérapie (sources de cobalt 60 de plusieurs térabecquerels)
et de la thérapie par électrons de haute énergie (jusqu'à 40 MV). Pour les appareils de haute
énergie, les débits de dose sont d'environ 2 Gy.mnr 1 à 1 m de la source.
149
sur la figure 46.1 et un dispositif de sécurité arrête immédiatement l'émission de rayonnement en
cas d'ouverture de la porte avant la fin de l'irradiation.
I
Cl
i
S)
•o
a
•H.
g.
L'épaisseur des parois est calculée d'après les caractéristiques d'émission et d'utilisation de
l'appareil ainsi que d'après l'usage des locaux adjacents. Le tableau 46.1 précise les débits
d'équivalents de dose à respecter en fonction du type de local.
Les hypothèses retenues sur l'utilisation des appareils sont telles qu'elles garantissent en
pratique un niveau d'exposition très faible du personnel et du public. En effet, outre la distance, on
doit considérer la charge de travail de la machine (en Gy à 1 m par semaine), la pondération dans
les différentes orientations du faisceau et le facteur d'occupation du local pour lequel on calcule la
protection.
En pratique, on considère:
Ces trois paramètres, très largement surestimés, conduisent à des protections dont les ordres de
grandeurs sont précisés dans le tableau 46.2.
150
TABLEAU 46.2. ORDRE DE GRANDEUR DES EPAISSEURS DES PAROIS DES SALLES
D'IRRADIATION EN RADIOTHERAPIE EXTERNE, POUR DU BETON ORDINAIRE
(D = 2,35 g.cm"3)-
46.1.1.1. Contacthérapie
Dans cette technique, un cône localisateur, de diamètre adapté à la zone à irradier (quelques
cm 2 sous une très faible épaisseur, ce qui implique l'utilisation de très faibles énergies), est placé à
la sortie du tube à rayons X, l'autre extrémité du cône étant au contact de la peau. L'opérateur,
généralement un médecin, maintient avec ses mains, protégées par des gants au plomb, le cône
contre la peau. Dans cette disposition, le risque essentiel d'irradiation de l'opérateur réside dans le
rayonnement diffusé par le volume irradié.
46.1.1.2. Cobalthérapie
Les appareils de télécobalthérapie sont conçus pour que le blindage de la tête atténue le
rayonnement de manière telle que, dans les conditions arrêt-faisceau, le débit de dose du
rayonnement parasite ne dépasse pas 0,02 mGy.h' 1 à 1 m de la source et 0,2 mGy.h"1 en tout point
facilement accessible situé à 5 cm du blindage [2].
En général le niveau d'exposition du personnel est inférieur aux normes admises pour le
public (5 mSv.an-1). Malgré tout, deux situations peuvent entraîner une irradiation plus importante:
une fuite au niveau de la tête de l'appareil lorsque la source est en position de repos (mais ce
problème ne peut conduire qu'à un dose équivalente de l'ordre de 1 à 2 mSv.an- 1 pour des
conditions de travail habituelles) ou un blocage de la source lors de son retour en position de repos.
Une intervention rapide et simple permet de commander manuellement la rentrée de la source.
Cette intervention, effectuée par du personnel informé et bien entraîné, ne conduit habituellement
pas à une irradiation décelable par un dosimètre individuel classique ( < 0,2 mSv).
151
Toutes ces activités en radiothérapie externe entraînent pour le personnel un risque
d'exposition externe de l'organisme. La surveillance réglementaire française actuelle se limite au
port du film dosimètre à la poitrine.
46.1.2. Curiethérapie
A l'heure actuelle les principales sources utilisées sont l'iridium 192 et le césium
137. Ces sources implantées dans le patient, de manière interstitielle ou intracavitaire, pendant tout
le temps de l'application (quelques jours), ont des activités de l'ordre de quelques centaines à
quelques milliers de mégabecquerels et produisent des débits de dose de l'ordre de quelques
centaines de /zGy.lr 1 à un mètre pour les applications dites à bas débit de dose.
En curiethérapie les sources ne peuvent pas faire l'objet d'une protection de principe comme
en radiothérapie externe. Les particularités de cette technique résident dans la proximité de
l'opérateur vis-à-vis des sources, lors de leur préparation, lors de leur mise en place dans le malade
ou pendant les soins prodigués lors de l'hospitalisation. La radioprotection n'est alors plus assurée
de façon systématique par la conception de l'appareil et du local mais est garantie surtout par le
respect et l'application des consignes de travail fondées sur les trois règles de base: temps, distance,
écran.
Pour le césium 137 l'utilisation de projecteur de sources grâce auquel on peut commander à
distance la mise en place ou le stockage des sources, garantit une protection quasi parfaite. Par
contre, la préparation et la mise en place des fils d'iridium, puis les soins au parient pendant la
période d'hospitalisation sont des phases qui exposent inévitablement le personnel, malgré les
dispositifs de protection adaptés (pinces, écrans plombés, stockeurs, etc.). La préparation des
sources s'effectue sur un banc de travail protégé par des briques de plomb et derrière un épais
hublot en verre au plomb. Ces sources d'iridium, sous forme de fil et dont l'activité est de quelques
MBq.cnr 1 , sont manipulées à l'aide de pinces d'environ 30 cm de long.
En ce qui concerne l'hospitalisation, la conception des chambres telles que celle qui est
présentée dans la figure 46.2 [3], permet grâce à un refend en maçonnerie, de limiter le débit
d'exposition dans le couloir à 7 mSv.h' 1 pour une source de césium 137 présentant un débit
de dose dans l'air de 500 mGy.h^.m .
fenêtre
1h- ^ 7HSVJI"1
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Csl37
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2
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M couloir
152
Le personnel est ainsi soumis au risque d'exposition externe pour l'organisme et les mains.
Sa surveillance sera donc assurée par le port d'un film dosimètre à la poitrine parfois complété par
un autre film porté au poignet.
Récemment est apparue la technique de curiethérapie à haut débit qui met en œuvre une
source d'iridium 192 de 370 GBq (10 Ci). Les temps d'application de la source sont de quelques
secondes et l'implantation de l'appareil est similaire à celle d'un appareil de télégammathérapie.
Les risques d'exposition du personnel et sa surveillance sont comparables à ceux de la
radiothérapie externe.
46.1.3. Radiodiagnostic
Les faisceaux de rayons X sont le plus généralement produits à une haute tension comprise
entre 25 et 150 kV, avec des quantités de rayonnement beaucoup plus faibles que celles utilisés en
radiothérapie. Aussi, dans la majorité des cas, l'opérateur peut rester dans la même salle que
l'appareil, derrière un paravent de protection en plomb et au verre au plomb. Grâce à la protection
assurée par l'appareil lui-même (les générateurs, les tubes et les gaines des appareils de
radiodiagnostic font l'objet d'une homologation [1, 2]), l'irradiation ne se produit que dans la
direction souhaitée grâce à la gaine et à la collimation. Pour l'opérateur, le risque majeur provient
du rayonnement diffusé par le patient et éventuellement par des accessoires ou des parois. Les murs
de la salle doivent protéger le personnel et le public à l'extérieur et sont réalisés à l'aide d'une
épaisseur de béton de l'ordre de 20 cm ou de 2 millimètres de plomb sur 2 mètres de hauteur.
Cette application des rayonnements ionisants se caractérise, comme pour les laboratoires, par
l'utilisation de sources non scellées. Cette utilisation concerne principalement des applications
diagnostiques, mais du point de vue de la radioprotection les applications thérapeutiques sont loin
d'être négligeables en raison des activités élevées mises en oeuvre, principalement en iode 131.
De même qu'en curiethérapie, les sources sont préparées et manipulées manuellement et,
après injection, le patient est porteur de la source. Cependant, en plus du risque d'exposition
externe, existe pour le personnel celui d'exposition interne suite à une contamination externe et/ou
interne.
153
parfois blindée équipée de filtres, port de gants jetables, utilisation de flacons ou verre au plomb et
de protège-seringues).
En médecine nucléaire, nous retiendrons plus particulièrement deux risques: l'irradiation des
doigts en raison des très fortes activités manipulées [9] et la contamination interne par inhalation
d'iode 131 et d'iode 125 en raison de leur caractère volatil et de leur radiotoxicité [10, 11]
L'exposition interne, peut être réduite par diverses dispositions: hottes ventilées, capsules, pH de la
solution, etc.).
Ainsi en médecine nucléaire (et dans les laboratoires) le personnel est soumis aux risques
d'exposition externe et interne. Il en résulte une surveillance réglementaire basée sur le port du film
dosimètre à la poitrine et également au poignet pour le risque d'exposition externe. La surveillance
de la contamination interne est pratiquée par analyse radiotoxicologique portant sur les urines
recueillies durant 24 h et examen anthropo-gammamétrique associé à un comptage thyroïdien pour
le personnel manipulant des isotopes de l'iode.
Les tableaux 46.3, 46.4 et 46.5 fournissent quelques données sur l'exposition des travailleurs
du milieu médical en France, telle qu'elle apparait au travers des résultats des films dosimètres. Le
tableau 46.3. présente la répartition des doses équivalentes annuelles relatives à l'exposition externe
pour le personnel du milieu médical suivi par le Service central de protection contre les
rayonnements ionisants (SCPRIa) pour 1992, ainsi que celles concernant le personnel de l'Institut
Gustave-Roussy (IGR) pour 1992 et sur 11 ans de 1982 à 1992.
Afin de mieux analyser les postes où les risques d'exposition sont les plus élevés, nous avons
porté dans le tableau 46.4 les valeurs moyennes de la dose équivalente annuelle des travailleurs les
plus exposés.
Il est à noter que les résultats concernant la radiologie ont été classés en deux catégories,
avant et à partir 1990, date de l'installation de la radiologie interventionnelle. Entre ces deux
a
Depuis 1995 : Office de protection contre les rayonnements ionisants - OPRI (NDLR)
154
périodes la valeur moyenne de la dose équivalente a augmenté d'un facteur 16, ce qui situe cette
activité comme une des pratiques hospitalières conduisant aux risques d'exposition externe les plus
élevés.
Néanmoins toutes les pratiques hospitalières n'ont pas évolué dans le sens de l'accroissement
de l'exposition. La curiethérapie nous en fournit un exemple au travers des résultats du tableau 46.5
montrant l'amélioration de l'exposition externe depuis 1954. Cette amélioration spectaculaire est
due à la mise en oeuvre de nouvelles techniques (préparation non radioactive, projecteur de
sources) et de nouvelles sources (iridium 192 et césium 137) à la place du radium 226.
155
46.2.1.2. Exposition interne
Les résultats que nous présentons concernent les personnes les plus exposées à l'IGR aux
risques d'exposition interne c'est à dire les techniciens qui préparent les sources radioactives et
administrent des solutions d'iode 131. La figure 46.3 présente le bilan des examens urinaires
réalisés sur ces techniciens.
Compte tenu de la quantité élevée d'iode 131 manipulée dans notre établissement, ces
techniciens bénéficient également d'une surveillance réglementaire complémentaire: un comptage
"corps entier" et un comptage thyroïdien tous les 6 mois. La figure 46.4 présente le bilan des
comptages corps entier sur les 3 dernières années.
i i i ( I I i i i i i i i i
25
surveillance réglementaire
comptage "corps entier"
20-4 3iexam./5 tec/3 ans
ce
SB
15 ~
il
10 H
4 6 8 10 12 14 16 18 20
contamination en iode 131 (kBa)
156
46.2.2. Surveillance opérationnelle
Comme nous l'avons déjà indiqué, les parties du corps qui sont plus particulièrement
exposées sont:
- les mains pour les manipulateurs et les infirmières en médecine nucléaire, et pour les
manipulateurs en curiethérapie;
- les mains, les yeux et la thyroïde pour les médecins en radiologie interventionnelle.
Les dosimetres thermoluminescents (disque ou bandelette) sont tout à fait adaptés pour
l'évaluation des doses équivalentes associées à ces expositions.
Le tableau 46.6. montre les résultats aux doigts les plus exposés pour les techniciens
préparant chaque jour 20 GBq (à peu près 500 millicuries) de diverses solutions de molécules
marquées au technetium 99m, pour les infirmières injectant ces molécules et pour les techniciens
préparant et manipulant les sources d'iridium. La dernière colonne indique la dose équivalente
moyenne par an et par technicien, en considérant le fait que pour chacun des postes plusieurs
personnes (entre 3 et 5) se répartissent le travail.
TABLEAU 46.6. NIVEAUX D'EXPOSITION DES MAINS DES TRAVAILLEURS LES PLUS
EXPOSES DANS LES SERVICES DE PHYSIQUE, DE MEDECINE NUCLEAIRE ET DE
CURIETHERAPIE.
Le tableau 46.7. donne les mesures d'exposition effectuées lors de procédures éloignées et de
procédures rapprochées (drainage urinaire ou biliaire par exemple) en radiologie interventionnelle.
Ces mesures ont été réalisées à l'aide de dosimetres thermoluminescents placés sur les doigts, le cou
(thyroïde), le front (cristallin) des radiologues. Ces résultats soulignent la nécessité d'une
surveillance opérationnelle spécifique pour cette application médicale.
157
46.2.2.2. Exposition interne
La surveillance opérationnelle de l'exposition interne est pratiquée dans notre institut sur une
base mensuelle, afin de déterminer la fixation en iode de la thyroïde des techniciens administrant les
activités thérapeutiques. Les résultats sont rapportés sur la figure 46.5. Si on considère la demi-vie
de l'iode 131 cette fréquence mensuelle est mieux adaptée à la surveillance des travailleurs que la
fréquence de six mois prévue dans le cadre de la surveillance réglementaire.
100
surveillance opérationnelle
fixation thyroïdienne
80 101 exam./5 tec/30 mois
60
w
40
I
20 -
46.3. CONCLUSION
Néanmoins les résultats obtenus par la surveillance opérationnelle montrent qu'une attention
toute particulière doit être portée à quelques postes de travail et plus particulièrement à ceux où
l'opérateur est proche de la "source". Si les dosimètres thermoluminescents sont parfaitement
adaptés à la mesure de la dose en des points particuliers de l'organisme, leur lecture différée en
limite quelque peu l'intérêt. L'évolution des dosimètres électroniques, et en particulier l'utilisation
de détecteurs de petite taille, doit par contre permettre d'accéder immédiatement à des informations
(seuils, débits, dose) très utiles pour l'analyse de postes et de pratiques.
158
Si les nouvelles recommandations de la CIPR 60 ne doivent pas soulever d'importants
problèmes de radioprotection en milieu hospitalier, il convient cependant d'établir des valeurs de
référence. Les valeurs suivantes peuvent être retenues pour l'exposition externe:
- 10 mSv.an"1 pour les techniques fluoroscopiques où l'opérateur est près du patient et du faisceau
de rayons X;
- 5 mSv.an"1 pour la manipulation de sources scellées ou non scellées;
- 2 mSv.an"1 pour les autres applications médicales des rayonnements ionisants.
REFERENCES
159
CHAPITRE 47. RADIOPROTECTION DANS LES LABORATOIRES
DE RECHERCHE
INTRODUCTION
Les sources non scellées sont très répandues dans le domaine médical (diagnostic, thérapie,
etc.), les laboratoires de recherche (biologie, biochimie, etc.) et dans une moindre mesure,
l'industrie (marquage en hydrologie, test d'usure mécanique, etc.).
Ces sources se présentent le plus souvent sous forme liquide, mais aussi parfois gazeuse ou
solide et sont utilisées directement après avoir été prélevées de leur contenant (avant injection par
exemple s'il s'agit d'un produit radiopharmaceutique). Les sources non-scellées se présentent
généralement sous forme d'ampoule scellée, en flacon type "pénicilline", en seringue unidose ou en
capsule.
A l'inverse des sources dites "scellées", le conditionnement des sources non scellées, dans les
conditions normales d'emploi, ne garantit pas toute dispersion de substances radioactives. Elles sont
le plus souvent sous forme divisable, diluable ou transvasable. Leur manipulation expose donc
l'opérateur aux risques d'exposition externe, interne et de contamination.
Les opérations sur les sources non scellées s'effectuent au sein de laboratoires dont la
conception et l'aménagement dépendent de la nature des radionucléides, des activités mises en jeu
et de leur forme physico-chimique. Ces laboratoires sont souvent équipés de paillasses, de hottes
ventilées ou de boites à gants. Nous n'aborderons pas le cas des laboratoires munis d'enceintes
blindées et de télémanipulateurs. En effet, dans ces laboratoires réservés le plus souvent à la
production, les activités manipulées peuvent être très importantes mais ils font généralement l'objet
d'un dossier de sûreté avant leur mise en service et doivent répondre à des prescriptions techniques
rigoureuses.
161
Rappelons que l'exposition est évaluée à une profondeur de 7 mg.cm"2 dans les tissus si elle
est segmentaire (mains, doigts par exemple) et à une profondeur de 300 mg.cm"2 dans le cas d'une
exposition de l'organisme entier.
A titre d'illustration, des exemples seront donnés pour différents gestes ou situation
rencontrés le plus fréquemment dans les laboratoires (manipulation d'un bêcher ou d'une seringue)
et pour quelques radionucléides d'usage courant (14C, 32 P, ^Sr-^Y, 131I, " " 1 ^
Une source radioactive disposée, par exemple, sur une paillasse ou à l'intérieur d'une boite à
gants, peut soumettre l'opérateur à une exposition externe (si celui-ci est sur le trajet des
rayonnements). Cette exposition sera dite "à distance", si la source est suffisamment éloignée pour
produire une exposition globale de l'organisme. Cette exposition va naturellement dépendre de la
nature de la source, de son conditionnement et des conditions locales de protection (blindage, etc.).
Le tableau 47.1. donne les débits de dose équivalente pour divers radionucléides dans le cas
d'une source ponctuelle à 30 cm dans l'air [1]. A titre indicatif, le débit de dose dû à l'émission fi,
est également donné mais à une profondeur de 7mg.cm"2. Une simple protection d'épaisseur égale
au parcours maximum des B du radionucleide permet de s'affranchir totalement de cette composante
(par exemple, 10 mm de plexiglas ou 5 mm de verre dans le cas du ^ S r - 9 ^ ) . Il faut également
garder à l'esprit, que le ralentissement des particules B induit un rayonnement X dit "rayonnement
de freinage" qui est d'autant plus intense que le numéro atomique, Z, de la protection est élevé et
que l'activité est importante.
162
47.2.1.2. Exposition externe au contact
La manipulation des substances radioactives amène à toucher les récipients qui les
contiennent (bêcher, pipette, seringue, etc.) ou les matériels qui ont été souillés par ces substances.
Celles-ci peuvent également se déposer sur la peau et induire de ce fait une contamination
corporelle.
Dans l'analyse d'un poste de travail sur source non scellée, le risque d'exposition au contact
doit absolument être pris en compte et évalué soit par le calcul soit par la mesure. Nous
distinguerons toutefois le cas de l'exposition au contact d'un conteneur (seringue, pipette, bêcher,
etc.) et celui d'une exposition externe due à une contamination corporelle.
C'est le cas d'un opérateur qui tiendrait en main une seringue ou un bêcher contenant un
solution radioactive.
On considère en première approximation que le débit de dose délivré par une source suit une
loi en inverse du carré de la distance (cela est d'autant plus vrai que l'observateur est éloigné de la
source). Un débit de dose, D, mesuré à 1 mètre sera alors divisé par 4 à 2 mètres mais multiplié
par 10000 à 1 cm et sera encore beaucoup plus important au contact (la loi en 1/d2 ne s'applique
plus). Il faut souligner cette fois l'importance de la composante 8 à la dose (si la paroi du conteneur
n'est pas d'épaisseur suffisante pour arrêter les 8 du radionucléide).
A titre d'exemple, le tableau 47.2. donne les débits de dose maximum au contact d'un bêcher
en verre de type "50 ml" contenant 20 ml de solution et d'une seringue plastique type "5 ml"
contenant 2.5 ml de solution [1]. Notons que, pour le bêcher, et dans le cas des émetteurs 6 de
faible énergie, la dose équivalente est estimée au niveau de l'ouverture (noté "ouvert." dans le
tableau) du récipient et non latéralement. D'autre part ces valeurs ne tiennent pas compte du
rayonnement de freinage.
On observe que les débits de dose équivalente atteints peuvent être très élevés. Par exemple,
32.
dans le cas du P, la valeur au contact de la seringue (1 mm d'épaisseur de paroi) est de l'ordre 0,9
Sv.h' 1 .
163
47.2.1.2.2. AU CONTACT LORS D'UNE CONTAMINATION RADIOACTIVE
Ainsi, les débits de dose équivalente sont fortement liés à l'énergie des particules 8 du
radionucléide et donc à leur parcours dans les tissus.
A titre d'illustration, dans le tableau 47.3. figurent pour quelques radionucléides, les valeurs
de l'énergie 8 (maximale), du parcours en fim et de la dose équivalente à 70 pua. dans les tissus. Par
hypothèse, la contamination est supposée homogène et non pénétrante.
Globalement, pour une activité surfacique de 37 kBq.cm"2 (1 /xCi.cm"2), les débits de dose
équivalente sont compris entre 10 mSv.h"1 pour l'énergie du 14C (156 keV) et 100 mSv.h"1 pour le
^ S r - 9 ^ (2,27 MeV). Par ailleurs, les parcours des 8 les plus énergiques n'excèdent pas
1,2 cm. [1,2,3].
Moins fréquent que les précédents, ce mode d'exposition externe par immersion dans un
nuage radioactif se rencontre lors de la manipulation de sources radioactives gazeuses. Il doit être
pris en compte, par exemple, dans les laboratoires qui jouxtent les cyclotrons qui produisent des
produits radioactifs à vie courte (par exemple, 18 F, U C, 123 I, etc.). Le tableau 47.4. donne quelques
valeurs indicatives dans le cas d'une immersion dans l'air en géométrie semi-infinie [4].
164
TABLEAU 47.4. DEBIT DE DOSE EQUIVALENTE EN mSv.h 1 POUR UNE IMMERSION
DANS UN NUAGE SEMI-INFINI D'ACTIVITE VOLUMIQUE EGALE A 37 MBq.m"3
-3\
(1 mCi.nO [4]
Afin de limiter les risques d'exposition externe, l'opérateur doit avoir à l'esprit les quatre
facteurs exposés par ailleurs.
L'activité mise en jeu devra être réduite au minimum compatible avec les besoins (ne pas
travailler sur 100 MBq si 10 MBq suffisent)
47.2.2.2. La distance
Ne pas prendre de source à la main et utiliser par exemple des pinces. Rappelons qu'une
pince de 30 cm réduit globalement d'un facteur 1000 l'exposition que l'opérateur subirait au
contact.
De même, l'opérateur devra être vigilant quant aux sources de rayonnements "parasites"
(stockage, poubelle active, etc.) parfois nombreuses dans les laboratoires. En règle générale, les
sources non utilisées doivent être stockées pour limiter toute exposition "gratuite".
47.2.2.3. Le temps
Outre l'évidence selon laquelle la dose équivalente reçue est d'autant plus importante que le
temps d'exposition est long, l'opérateur devra avoir à l'esprit la notion d'optimisation.
On conçoit bien, par exemple, qu'un opérateur qui "improvise" en cours de manipulation
sera davantage exposé qu'un opérateur expérimenté. De même, pour un même niveau de
compétence de l'opérateur, l'exposition sera d'autant plus faible que l'aspect ergonomique aura été
considéré (organisation du travail, emplacement des différents dispositifs expérimentaux,
optimisation des transferts, etc.).
Les écrans ou les blindages qui constituent les protections biologiques (conteneur, boite à
gants, etc.) devront naturellement être adaptés à la nature du radionucléide (rayonnement y, X ou
B). L'épaisseur de ces protections devra être également compatible avec les limites d'exposition
externe.
165
A ces données que nous n'expliciterons pas ici, il faut rappeler les divers moyens à
disposition des utilisateurs de sources scellées et qui réduisent sensiblement l'exposition externe: les
protège-seringues, les protège-flacons, les poubelles blindées, les châteaux de stockage, les écrans
complémentaires amovibles (en verre au plomb par exemple). Ces derniers peuvent être rajoutés
sur une paillasse ou sous une hotte ventilée devant la source tout en ne réduisant pas la vision de
l'opérateur, etc.
Avant toute mise en oeuvre d'une nouvelle installation ou d'un nouveau procédé, il est
indispensable de faire une étude du poste de travail et d'évaluer en particulier les risques
d'exposition externe à distance et aux extrémités (doigts, mains). Cette évaluation pourra être
effectuée pour des conditions normales ou incidentelles de travail.
La condition préalable pour l'opérateur est de bien connaître les caractéristiques physico-
chimiques des sources utilisées ainsi que les activités manipulées et stockées. A l'aide du terme
source, il évaluera l'exposition externe soit par le calcul soit par la mesure.
Il faut souligner également l'apparition sur le marché, depuis quelques années, de logiciels
spécifiques [7]. L'utilisateur doit toutefois être en mesure de "critiquer" les valeurs numériques
données par ce type de logiciels. Une connaissance de la physique des rayonnements et des
mécanismes qui entrent en jeu dans les calculs sont nécessaires pour éviter toute erreur
interprétation.
Pour évaluer l'exposition externe, l'opérateur peut utiliser différents type de détecteurs. Pour
l'exposition à distance, il pourra utiliser un débitmètre type "babyline" ou un intégrateur type
"stylodosimètre". La mesure de l'exposition "au contact" se fera essentiellement à partir de
dosimètres thermoluminescents type "bout de doigt". Ceux-ci nécessitent un dispositif de lecture
approprié.
Les risques de contamination sont spécifiques à l'utilisation des sources non scellées. Celles-
ci étant par définition dispersables, on retrouvera les deux types de contamination: surfacique et
atmosphérique. Chacune d'elle peut engendrer soit une contamination corporelle externe (si elle
reste à la surface de la peau) soit interne (par inhalation, ingestion, blessure, etc.).
Si les risques liés à l'exposition externe sont aisément maîtrisables, il est par contre plus
difficile de maîtriser ceux liés à la contamination. Hormis les incidents, les sources potentielles de
contamination sont nombreuses: boite à gants mal ventilée, ouverture d'un sas, "dégazage" d'une
poubelle radioactive, etc.
On considérera successivement les paramètres relatifs aux équipements et aux locaux puis
ceux liés à la méthode de travail.
166
47.3.1. Equipements et locaux
47.3.1.1. La ventilation
Pour travailler dans de bonnes conditions de sécurité et limiter les risques de contamination
atmosphérique et surfacique, on devra veiller particulièrement aux points suivants:
Ne pas travailler le panneau avant grand ouvert. Généralement, on admet que la vitesse
d'aspiration au travers des orifices d'entrée de l'air doit être au minimum de 0,5 m.s" ou 1,2 m.s"1
pour le tritium [5]. Fermer le panneau en fin de travail.
L'opérateur devra également être vigilant sur l'état des gants de la BAG. Avec le
vieillissement, ceux-ci finissent par être poreux. La nature des gants doit également être adaptée
aux agents chimiques utilisés. Par exemple, le toluène peut dissoudre la plupart des gants et
provoquer une rupture de confinement et une contamination atmosphérique ou corporelle (des
doigts) de l'opérateur.
Les filtres mis en place sur les BAG ou hottes ventilées doivent être adaptés au radionucléide
utilisé. Par exemple, on utilisera un filtre a base de charbon actif pour une manipulation sur de
l'iode 131.
Les filtres se dégradent dans le temps: colmatage, perte d'efficacité, etc. Leur "durée de vie"
dépend des produits manipulés mais également d'autres facteurs comme l'humidité par exemple.
D'un point de vue pratique, il est recommandé, à chaque remplacement de filtres, de marquer sur
celui-ci, de manière bien visible, la date de son changement.
Tout ce qui est susceptible d'être contaminé doit présenter une surface aussi lisse que possible
pour faciliter la décontamination en cas d'incident. On évitera ainsi l'emploi de matériau poreux
(carrelage, bois, moquette, etc.) qui fixent la contamination [5].
47.3.2.1. Habillage
Pour limiter les risques de contamination corporelle, toute personne qui travaille avec des
sources non scellées doit porter au minimum un vêtement de protection (blouse,gants etc.) lorsqu'il
manipule. Les gants n'offrent naturellement aucune protection contre l'irradiation X, y ou 6 de forte
énergie.
167
Pour éviter la dispersion d'une contamination surfacique il est également utile, dans certains
cas, de porter des chaussures spéciales ou sur-chaussures jetables après usage.
47.3.2.2. Déshabillage
En quittant son poste de travail, l'opérateur doit quitter ses vêtements de protection. Durant
cette phase de déshabillage, il devra veiller à ne pas transférer la contamination de ses gants ou de
sa blouse sur son corps (contamination corporelle) et adopter pour ce faire, une technique adéquate.
Le confinement et l'organisation du travail (voir ci-dessus) sont les principes de base pour
limiter les risques de contamination. Par exemple, pour un travail sur paillasse (pas de confinement
dynamique), l'opérateur pourra placer la solution active dans un bac en plastique (pour limiter la
contamination en cas d'épandage). La paillasse elle même devra être recouverte d'un papier ou
vinyl de protection. L'encombrement excessif du plan de travail (paillasse, hotte ou BAG) est
également un facteur de risque à prendre en compte. Par ailleurs, les produits devront être identifiés
par un étiquetage convenable.
Enfin, certains gestes comme le pipettage à la bouche sont absolument à proscrire lors d'un
travail sur produit radioactif.
Pour évaluer le niveau de contamination, on effectue une mesure que l'on compare ensuite au
limites réglementaires (limite annuelle d'incorporation ou limite dérivée de concentration dans
l'air). La contamination atmosphérique sera généralement évaluée à l'aide d'un aspirateur muni
d'un filtre. La contamination surfacique "non fixée" sera évaluée en effectuant des frottis et en les
mesurant avec un équipement adapté (spectrométrie, détecteur ou scintillation liquide). Si elle est
"fixée" cette contamination sera mesurée à l'aide d'un détecteur muni d'une sonde adaptée au
radionucléide. L'opérateur doit faire un choix judicieux du type de sonde à utiliser (6, "6 mou", X,
gamma ou alpha) [1]. Enfin, notons que certains corps se détectent mal ou pas du tout avec une
sonde (5SFe ou eau tritiée, etc.). Pour ce dernier cas, on utilisera, par exemple, la méthode de
prélèvement par frottis et de détection par scintillation liquide.
Lorsqu'un opérateur quitte son poste de travail, il doit absolument procéder à un contrôle de
non contamination de son corps et de son poste de travail.
168
47.4.1. En cas de contamination du poste de travail
REMARQUE
Les éléments sur la conduite à tenir sont donnés à titre indicatif et ne sont pas exhaustifs.
Celle-ci dépend également des structures spécialisées (médicale et radioprotection) disponibles
localement.
REFERENCES
[2] KOCHER D.C., ECKERMAN K.F. Electron dose rate conversion factors for external
exposure of the skin from uniformly deposited activity on the body surface. Health
Physics Vol. 53,2, pp (135-141), (1987).
[3] PIECHOWSKI J., MENOUX B., CHAPTINEL Y., DURAND F. Dosimétrie et thérapeutique des
contaminations cutanées. Rapport CEA - 5441, (1988).
169
[4] KOCHER D.C. Dose rate conversion factors for external exposure to photons and
electrons. Health Physics Vol. 45,3 pp (665-686), (1983).
170
PARTIE 8
EXPOSITION DU PUBLIC
NEXT
left 1
CHAPITRE 48. LES VOIES D'ATTEINTE
A. Despres
Un certain nombre de grandeurs sont d'un intérêt particulier pour évaluer l'exposition des
personnes du public.
Ces grandeurs sont définies de façon formelle par la Commission internationale des unités et
mesures radiologiques (ICRU), et leur définition est rappelée ci-dessous.
La dose absorbée est une grandeur purement physique qui exprime la quantité d'énergie
transmise au milieu par le rayonnement, par unité de masse de matière.
ds
D= —
dm
Formellement, c'est une grandeur différentielle, et la dose absorbée est définie de façon
ponctuelle. Elle peut toutefois être utilisée dans le sens de dose moyenne pour un tissu ou un
organe.
Parce que la relation dose - probabilité d'apparition d'effets probabilistes n'est pas univoque,
la dose absorbée n'est pas directement interprétable en terme de risque sanitaire de type
probabiliste. Son usage sera donc limité aux cas où l'on cherchera à évaluer le risque d'effets
déterministes.
L'unité SI pour la dose absorbée est le joule par kilogramme (J.kg"1), et son nom est le gray
(Gy).
La dérivée par rapport au temps de la dose absorbée est le débit de dose absorbée, qui
s'exprime en Gy.s"1.
173
H T =Zw R D T R
R
L'unité de dose équivalente est le joule par kilogramme (J.kg"1), et son nom est le sievert
(Sv).
Pour une même dose équivalente, la probabilité d'apparition d'effets stochastiques dépend
également de la nature de l'organe ou du tissu exposé. Lorsque plusieurs organes ou tissus sont
exposés, on a cherché à définir une grandeur qui puisse être directement corrélée à la probabilité
globale d'apparition d'effet stochastique. On a donc défini un facteur de pondération pour les tissus,
wT. La somme des équivalents de dose reçus par chaque organe, pondérés par le facteur de
pondération qui leur est propre s'appelle la dose efficace, E.
E =Zw T H T
48.1.2. Les grandeurs dosimétriques complémentaires
Dans le cas de l'incorporation de substances radioactives par inhalation ou par ingestion, des
doses équivalentes sont délivrées aux organes ou tissus pendant toute la durée de la présence de ces
substances dans l'organisme. L'intégrale dans le temps du débit de dose équivalente est une
grandeur appelée dose équivalente engagée, H J ( T ) , x étant la durée d'intégration. Si sa valeur n'est
pas précisée, elle est implicitement de 50 ans pour les adultes et de 70 ans pour les enfants.
La dose efficace engagée est définie de la même façon; la dose équivalente engagée et la dose
efficace engagée s'expriment en sievert.
Toutes les grandeurs ci-dessus se réfèrent à l'exposition d'un individu. Pour estimer l'impact
global d'une pratique sur un groupe d'individus (une population), on définit les notions de dose
équivalente collective, Sj, et de dose efficace collective, S: c'est la somme des doses individuelles
(équivalentes ou efficaces) reçues par tous les individus de la population concernée.
Ces deux grandeurs s'expriment en homme sievert.
48.1.2.3. L'engagement de dose
L'engagement de dose est l'intégrale sur un temps infini du débit de dose moyen par individu
d'une population: il peut être calculé pour un groupe critique, ou pour tout autre groupe, y compris
la population mondiale. Cette grandeur ne se réfère donc pas à un individu, mais à une pratique.
L'engagement de dose s'exprime en sievert.
Pour comprendre les différentes voies d'atteinte, il est essentiel de bien différencier deux
notions distinctes:
174
- l'exposition externe : cette exposition se produit lorsque les radionucléides qui émettent les
rayonnements ne sont pas liés au corps humain: dès lors que l'individu sort du champ d'action
de ces radionucléides, l'exposition cesse;
- la contamination : des particules radioactives ont été inhalées ou ingérées. Les rayonnements
qu'elles émettent délivrent une dose à l'organisme aussi longtemps qu'elles restent en contact
avec les tissus.
La contamination peut également être génératrice d'exposition externe: c'est notamment le cas
lorsque des particules sont déposées sur la peau.
Les isotopes radioactifs rejetés dans l'environnement peuvent donc atteindre l'homme de
deux façons distinctes
- l'exposition au nuage: les particules présentes dans le nuage émettent des rayonnements qui
peuvent atteindre l'homme. Ce type d'exposition cesse dès que le nuage de particules est passé;
- l'exposition au dépôt: les particules entraînées par le nuage se déposent sur le sol et sur les
parties aériennes des végétaux, que ce soit sous l'action du frottement des basses couches de l'air
sur le sol (on parle alors de dépôt sec), ou par effet de lessivage par la pluie (dans ce dernier
cas, il s'agit de dépôt humide). Dans certaines circonstances particulières, telles que l'accident
de Tchernobyl, le dépôt sur les murs et les vitres des habitations doit également être pris en
compte.
Dans la plupart des cas, le dépôt est beaucoup plus important lors de précipitations que lors
de périodes sèches.
Les particules déposées sur le sol émettent des rayonnements qui provoquent une exposition
des tissus humains. Le même type d'exposition se produit lorsque des particules se sont déposées
sur la peau ou sur les vêtements. Des mesures simples permettent d'éviter ce type d'exposition: les
particules déposées sur la peau peuvent être éliminées par lavage, et les vêtements contaminés
doivent être changés.
Par contre, les particules déposées sur le sol ou sur les surfaces des habitations sont
génératrices d'exposition à long terme.
L'irradiation externe doit également être prise en compte lors de rejets en mer ou en rivière:
la baignade dans une eau contaminée conduit à une exposition au même titre que l'exposition
externe due au nuage. Dans le cas de rejets en milieu liquide, on sera également vigilant à la
contamination des instruments de pêche, et à l'exposition externe reçue par des personnes
séjournant sur des sédiments contaminés (plages).
Compte tenu du parcours très faible des électrons dans les tissus, leur contribution à la dose
efficace pourra, dans la plupart des cas, être négligée. On ne s'intéresse donc qu'au cas des
rayonnements y.
Le problème est en général traité en deux étapes: la calcul de la dose absorbée dans l'air,
puis la transformation de celle-ci en dose efficace.
175
Le calcul précis de la dose absorbée dans l'air est complexe: il nécessite le calcul du nombre
de photons parvenant par unité de temps au point considéré (débit de fluence), en fonction du
spectre d'énergie des photons. Le produit de ce débit de fluence par la dose absorbée dans l'air par
photon et par unité de surface, pour chaque énergie (ou tranche d'énergie) considérée, sommé pour
toutes les tranches d'énergie du spectre, conduit à la dose absorbée dans l'air.
La transformation de la dose absorbée en dose efficace est également très complexe. C'est
pourquoi des codes de calcul ont été développés, et les doses efficaces dues à une concentration
unitaire (Bq.rn'3 dans l'air ou dans l'eau, Bq.m"2 dans le cas des dépôts) ont été publiées [1].
La dose efficace pendant le passage d'un nuage radioactif, exprimée en sievert, se calcule
donc à l'aide de la relation:
IC(x,y,x) : concentration dans l'air à l'instant T et au point (x,y); elle s'exprime en Bq.m"3
T : durée du passage du nuage (s);
FD a : facteur de dose du radionucléide concerné (Sv/Bq.s.m"3), pour l'immersion dans le
nuage. Sa valeur est donnée dans le document [1].
- JCD{x,y,t )
0
où
48.2.2.1. L'inhalation
Les particules radioactives présentes dans l'air contaminent le système respiratoire: alors que
les gaz, inertes, ne subissent pas les phénomènes de dépôt et sont exhalés sans rétention dans les
176
poumons, les particules se déposent en différents endroits du système respiratoire. Les particules les
plus grosses ne dépassent pas la fosse nasale, mais les particules plus petites se déposent sur les
alvéoles pulmonaires, d'où elles peuvent en partie être transférées aux différents organes ou tissus.
Après le passage du nuage, la remise en suspension, sous l'effet du vent, peut conduire à la
présence de particules dans l'atmosphère, de telle sorte que la contamination interne par inhalation
peut se poursuivre, même après le passage du nuage.
La dose efficace individuelle reçue par une personne restant en permanence au point (x,y)
s'écrit:
HE(x,y) = IC(x,y).V.FDinh
dans cette expression:
1
^
•/ '-' mcy(x.y) ~ 1-r J 1\^ (x,y,t)
0
La dose efficace collective est calculée en faisant la somme sur les coordonnées d'espace x,y
des doses efficaces individuelles reçues par les personnes concernées:
S -zLHE(x,y)N
48.2.2.2. L'ingestion
Les phénomènes de dépôt conduisent à une contamination directe des végétaux, par voie
foliaire. Une partie des particules déposées sur les surfaces externes des végétaux est remise en
suspension ou est déposée sur le sol. Parmi les particules qui restent sur les végétaux, une partie
pénètre à l'intérieur. Cette contamination se retrouve dans la ration alimentaire des personnes et des
animaux, conduisant à une exposition interne de l'homme par ingestion.
Ce type de contamination peut conduire à des activités massiques importantes, mais qui sont
limitées à la première année après le dépôt.
Dans le long terme, les particules déposées au sol migrent à travers les couches superficielles
du sol et contaminent les végétaux par voie racinaire. Dans la pratique, ce dernier type de
contamination des végétaux conduit à des activités massiques de plusieurs ordres de grandeur
inférieures au dépôt direct. Par contre, il se renouvelle plusieurs années après le dépôt.
Le dépôt peut provenir de particules véhiculées par l'atmosphère, mais il peu également être
apporté par l'eau d'irrigation, qu'elle provienne de pompage en rivière ou dans une nappe.
177
Enfin, il faut signaler que les grosses particules qui ont été inhalées et retenues dans les
parties supérieures des voies respiratoires peuvent être dégluties et ainsi atteindre la voie digestive.
E(x,y).l±J . l(x,y),.rJDmg
*,y
Une voie d'atteinte spécifique doit être prise en compte dans le cas du tritium: le passage
transcutané: si C (Bq.m"3) est la concentration atmosphérique, le débit d'incorporation du tritium
par passage transcutané est de 10"2 C (Bq par minute). Le débit respiratoire d'un adulte étant de
0,02 m3.min"1, le débit d'incorporation par inhalation est de 0,02 C (Bq.min"1), de sorte que le débit
total d'incorporation est de 3 10"2 C (Bq.min"1). Ce type d'exposition cesse dès que le nuage
radioactif est passé.
48.3. CONCLUSION
Le poids relatif des différentes voies d'atteinte dépend des données propres à chaque site:
mode de vie et d'alimentation des populations, nature de l'habitat, climat, mais aussi âge du dépôt
et circonstances du rejet (nature des radioéléments, hauteur du rejet, durée de l'émission, etc.).
L'illustration qui figure page suivante schématise l'ensemble des voies d'atteinte qu'il
convient de prendre en compte lors de l'évaluation de l'impact d'un rejet de polluant (fig. 48.1).
178
/ •JI«)U«Utn« «UI
179
REFERENCES
[1] KOCKER, D.C. Dose-rate Conversion Factors for External Exposure to Photons and
Electrons. Health Physics, Vol 45, n°3, pp 665 - 686 (Septembre 1983)
180
CHAPITRE 49. DISPERSION ATMOSPHERIQUE DES POLLUANTS
B. Crabol
INTRODUCTION
A tous les stades de la vie d'une installation nucléaire, dans le cadre des procédures
réglementaires ou de la préparation aux situations d'urgence, l'évaluation de l'impact sur
l'environnement des rejets de l'installation nécessite l'application de méthodes de prévision
numérique. Parmi les multiples méthodes développées à cet effet [1], ce rapport présente, après une
description des processus physiques régissant le comportement des gaz et des aérosols dans
l'atmosphère, celles adoptées sur un plan opérationnel à l'EPSN.
Ï^^+S (49.1)
où:
181
- matrice des coefficients de diffusion réduite à sa diagonale (Ky=0 si i=j) grâce à une hypothèse
simplificatrice assez conforme à ce qui peut être observé dans la nature: le flux turbulent dans
une direction est essentiellement proportionnel au gradient de la concentration moyenne dans la
même direction;
- turbulence homogène (coefficient Ky indépendant du point);
et dans le cas de l'émission instantanée et quasi ponctuelle d'une bouffée de polluant au point de
coordonnées XQ, yo, ZQ, la solution de l'équation (49.1) est de type gaussien:
QE (x - x0 - U t / (y - y 0 ) (z -
exp (49.2)
2c? 2a 2*1
1 do?
KiJ
Vat
On admet généralement dans ce type de modèle que ax = a v = ajj
On verra plus loin que la forme de l'équation (49.2) doit être légèrement modifiée pour tenir
compte de la réflexion du polluant sur le sol et sur la couche de mélange (49.1.3.4).
Les valeurs des écarts-types a n et a z sont le plus souvent tirés de l'expérience. Les écarts-
types adoptés depuis de nombreuses années par le CEA/IPSN sont ceux de Doury [2] (fig. 49.1).
Ils ont été déduits de très nombreuses distributions observées de polluant en suspension provenant
d'émissions de courte durée, fortuites ou concertées (traceurs).
De façon pratique, dans le jeu d'écarts-types Doury, on ne distingue que deux classes de
stabilité atmosphérique:
- la classe de "diffusion normale" pour y < - 0,5°C/100 m (correspondant à une forte turbulence);
- la classe de "diffusion faible" pour y > - 0,5°C/100 m (correspondant à une faible turbulence).
On considère de plus que seul l'écart-type de la distribution verticale de polluant est affecté
par la stabilité de l'atmosphère.
182
représentation mathématique plus réaliste du processus de diffusion que les approches antérieures. Il
est en cours de mise en oeuvre dans les modèles mathématiques de l'EPSN. Une description
détaillée de ces nouveaux écarts-types peut être trouvée en [3].
I
# r
= =1=
G)
•—X. ' •
-S
s. f •••
'"-m I
-^— — ^ -
y1
"H
- • r"- -
n
10 " I
^~ i—4
• —
/em/75 ft
altitude altitud'
altiitude
^ -0,5°C/100m
température température
183
- x0 - U9,) 2 (y - y 0 ) 2 (z - z•0o)/
Kï 2 3 2 2 2 (49.3)
(2* ) ' a h a z ^ L 2a 2a 2 a2
X =
Dans le cas où l'émission se fait à débit continu, constant, q, et que le vent n'est pas trop
faible (en pratique, U > 2 m.s"1), la diffusion dans le sens du vent peut être négligée et on montre
que la concentration au point de coordonnées (x, y, z) est donnée par l'équation simplifiée suivante
(dite équation panache):
qE (y-y0)2 (z-z0)2]
Y = —= exp (494)
2TI Ua h c 2 2*1 ' 2»; j
(les grandeurs ont la même signification que précédemment).
On distingue deux types de dépôts: les dépôts secs et les dépôts humides. En règle générale,
seules les particules se déposent au sol. Toutefois, le comportement de certains gaz, qui sont captés
par le sol (c'est le cas par exemple de l'acide fluorhydrique ou du tritium), peut s'assimiler à un
dépôt.
49.1.3.1.1. LEDEPOTSEC
Le dépôt sec se décompose lui-même en deux types: le dépôt turbulent et le dépôt gravitaire.
Le dépôt turbulent se produit lorsque la partie inférieure du nuage de polluant est en contact avec le
sol: les particules de polluant, sous l'effet de la turbulence, rencontrent (ou impactent, d'où l'autre
appellation, dépôt par impaction, qu'on lui donne) la couverture du sol (végétation notamment) et
restent piégées dessus. Le dépôt gravitaire est celui se produisant lorsque les particules ont une
dimension et une densité suffisamment importante pour subir l'effet de la gravité. Le dépôt au sol
X ds à l'instant t (s'exprimant par exemple en Bq.m"2) est donné par:
avec
184
TABLEAU 49.1. VITESSES DE DEPOT SEC V D EN FONCTION DE LA TAILLE DES
AEROSOLS
Le dépôt humide se produit lorsque des gouttes de pluie traversent le nuage de polluant,
lavent ce nuage et emportent une fraction de son contenu sur le sol. Ce type de dépôt dépend de
l'intensité de la pluie et de la solubilité du polluant. Le dépôt humide au sol Xdh ( e n Bq.m"2) s'écrit:
00
49.1.3.2. L'appauvrissement
Au fur et à mesure que les dépôts de polluant au sol s'effectuent, la partie aérienne du nuage
ou panache s'appauvrit. La fraction restante F e dans le nuage ou panache (différence entre la
quantité émise dans l'atmosphère et la quantité déposée, rapportée à la quantité émise) au bout d'un
temps de transfert t est donnée par:
Fe = exp(
-v4i^7 exp(- -)dt) + exp(-Ar)
t T
terme d'appauvrissement terme d'appauvrissement
dû au dépôt sec dû au dépôt humide
Dans le cas du dépôt sec seul, en considérant une vitesse de dépôt de 5 mm.s"1, on constate
que la fraction restante ne diminue que faiblement dans les 10 premiers km depuis la source (au
maximum de 50 % pour un vent faible en condition de mauvaise diffusion). Dans le cas où il y a
dépôt humide, l'appauvrissement est un peu plus important. Pour un taux de lavage de 10"4 s~*, la
fraction restante à 10 km sera de 0,2 à 0,7 suivant la condition météorologique. Par contre, à
grande distance, l'appauvrissement devient très important. Par exemple, lors de l'accident de
Tchernobyl, la fraction arrivant en France était inférieure à 1% de la quantité émise (pour les
trajectoires ayant amené le polluant vers la France), la quasi-totalité (>99%) s'étant déposée sur le
sol de l'Europe orientale et occidentale.
185
49.1.3.3. Décroissance radioactive et filiation
Rp = exp(-Àpt)
et la fraction d'activité R^j du radionucléide descendant, par rapport à l'activité initiale du père, par:
Ap et \ft étant respectivement les constantes de décroissance radioactive des nucléides parent
et descendant.
La diffusion verticale du polluant est confinée à l'intérieur d'une couche, dite couche de
mélange, limitée en bas par le sol et en haut par la base de l'inversion de température d'altitude
(altitude à partir de laquelle s'observe une augmentation du gradient vertical de température). On
admet classiquement que ces deux limites jouent, en l'absence du dépôt pour ce qui concerne le sol,
le rôle de miroirs parfaits et réfléchissent entièrement la pollution à l'intérieur de la couche de
mélange. Le traitement mathématique de ces réflexions consiste simplement à ajouter, à la source
réelle, des sources virtuelles, images de la précédente par rapport à la couche considérée et à
sommer la contribution de toutes les sources. En appelant Zm2iX la hauteur de la couche de
mélange, l'équation (49.2) s'écrit alors:
- Xo - Ur) 2 (y - y 0 ) 2
X = exp Fr
)2'3
2
2a
2
X
2 «î J
F = exp
avec Fr xp -
J ( 2 -z 0 ) (z + z0 ) 2 1
2
00
C
(2rtZnm± z0 ±z) 2 l
2 c 1
P 2a 2
2 z
L '
Le deuxième terme dans l'expression de F r simule la réflexion du polluant sur le sol. Le
troisième terme, sous le signe E, simule les réflexions successives sur le sommet de la couche de
mélange. Ce dernier terme ne devient important, compte tenu des valeurs habituellement
rencontrées de Zmax, qu'au bout de longs temps de transfert. Par exemple, pour Zmax de l'ordre
de 800 m et un rejet au niveau du sol, ce terme sera égal à 0,5 (c'est-à-dire que les concentrations
au sol seront augmentées d'un facteur 1,5) au bout d'une journée de transfert en diffusion normale.
2QE r (x - x 0 - Uf) 2 (y - y e r
Xi =
(271)
2/3 expl- 2 c2 2 a
186
49.1.3.5. Durée d'observation
F(t,T) =
on(t, To)
%max(t,To)
F(t,T) =
avec
t : temps de transfert
T : temps d'observation
T o : temps de référence du modèle (5 min).
Lorsque t <( T, des valeurs pratiques de F, tirées de l'expérience, sont données dans le
tableau 49.2. [4]. Lorsque t devient du même ordre de grandeur que, ou supérieur à T, F tend vers
1 (aucune correction n'est à apporter aux résultats du modèle).
On décrit ci-après les méthodes mathématiques retenues pour les besoins opérationnels de
l'IPSN, en ce qui concerne les calculs de conséquences en situation accidentelle. Elles sont tous
deux basées sur l'équation gaussienne présentée ci-avant. La première méthode consiste en un
modèle gaussien à bouffées, Sirocco [5], mettant en oeuvre les principes énoncés ci-dessus. La
deuxième méthode consiste en un jeu d'abaques opérationnels, élaboré à partir des résultats du
modèle Sirocco.
En situation de crise, afin de déterminer les zones où les contre-mesures à court terme pour
la protection des populations devraient être prises (moins de 10 km de la source), l'outil "abaques
opérationnels", donnant des valeurs de coefficient de transfert atmosphérique (CTA) au niveau du
sol et surfacique (CTS), a été adopté.
187
\x(x,y,z,i,t)dt
CTA(x,y,z)='
L'intérêt des coefficients ainsi définis réside dans le fait que les doses reçues, par irradiation
directe dans le panache ou par inhalation, ou dues au dépôt sur le sol, sont directement
proportionnelles, respectivement, au CTA et au CTS. Par exemple, pour un rejet Q d'un
radionucléide, la dose par inhalation Dj sur la totalité du rejet, est égale à:
Dj = Q * CTA * FCD;
FCDj étant le facteur de conversion de dose par inhalation de ce radionucléide pour l'organe
concerné.
Les abaques opérationnels (voir un exemple sur la figure 49.3.) ont été établis pour 11 classes
de conditions météorologiques (vitesse de vent, stabilité atmosphérique, précipitations), comme
indiqué sur le tableau 49.3. Ils s'appliquent aux gaz et aux aérosols. Ils tiennent compte d'une
incertitude de ± 15° sur la direction du vent pour des sites sans particularité topographique
marquée. Cette incertitude est celle qui a été estimée sur la prévision de direction du vent. Des
études menées ultérieurement par la Météorologie Nationale ont montré que l'incertitude pouvait
être plus importante: la prévision locale de direction de vent est de + 30° avec un taux de réussite
supérieur à 70 % sur des sites simples et un taux de réussite moindre sur des sites plus complexes.
C'est pourquoi des adaptations spécifiques de ces abaques pour de tels sites (à topographie
complexe) ont été faites en France. Elles consistent à ouvrir plus largement l'angle à la base de
l'abaque, ouverture estimée en fonction des particularités du site, suivant les résultats d'études
menées sur le site ou, en l'absence de telles études, du jugement qu'y ont porté les experts.
188
les débits de doses et doses à différents organes et à l'organisme entier. Un tel modèle serait utilisé,
par exemple, pour vérifier la cohérence entre les mesures de débit de dose dans l'environnement et
les rejets mesurés à la cheminée ou encore, couplé avec les mesures météorologiques du site et
l'activité à la cheminée, pour suivre en temps réel l'évolution de la contamination de l'air et du sol.
Les résultats sont fournis sous forme de tableaux de chiffres ou de graphiques (courbes isovaleurs).
Les résultats graphiques peuvent être superposés sur un fond de carte, comportant des informations
concernant la démographie, les réseaux routier et fluvial, l'occupation des sols, etc. Un exemple de
résultat est donné sur la figure 49.4.
X (km)
2.1O " 7
20
15
10
2.10
s.io" 5
189
FIG. 49.4. Courbes isodépôt issues du code Sirocco.
Pour les transports à moyenne et longue distance, une version du modèle Sirocco (version
LD) a été développée. Les centres de masses des bouffées de polluant se déplacent le long de
trajectoires, établies toutes les heures par la Météorologie nationale à partir des champs de vent
prévus ou observés. Les concentrations et doses sont calculées à différents instants, en chaque point
d'une grille de 160 x 160 points couvrant l'Europe entière. Les résultats sont fournis sous forme de
tableaux de chiffres ou de courbes isovaleurs. Ce modèle serait notamment utilisé afin de juger des
conséquences possibles de l'accident sur les pays frontaliers.
190
49.3. CONCLUSIONS
Afin d'évaluer l'impact des rejets normaux ou accidentels depuis une installation nucléaire
des mé&odes simples d'évaluation de la dispersion des gaz et des aérosols, basées sur la solution
' ^ e de équation de transport-diffusion ont été retenues à l'IPSN. Pour les situations de
œ méthodes sont constituées d'un jeu d'abaques préétablis donnant rapidement les zones
les d'être atteintes par les radionucléides et le niveau de cette atteinte, et d un modèle
uen à bouffées, Sirocco, prenant en compte de façon plus réaliste les evolutions temporelles du
et des conditions météorologiques. Ces méthodes intégrent de façon simple tous; es Processus
de la dispersion des gaz et aérosols dans l'atmosphère. Leur souplesse d utihsation et
de réponse sont compatibles avec les exigences opérationnelles d'une situation de crise.
REFERENCES
[il INTERNATIONAL ATOMIC ENERGY AGENCY. Atmospheric Dispersion in Nuclear
Power Plant Siting. Safety Series n° 50-SG-S3 (1980).
m DOURY A Une méthode de calcul pratique et générale pour la prévision des pollutions
véhiculées par l'atmosphère, rapport CEA-R-4280 (rév. 1) (1976).
[3] ROMEO, E. Contribution à l'étude de la diffusion d'un polluant dans l'atmosphère, thèse de
doctorat, Université P. et M. Curie (1994).
left BLANK
191
CHAPITRE 50. TRANSFERT DES RADIONUCLEIDES EN MILIEU TERRESTRE
H. Maubert
Les principaux radionucléides faisant l'objet d'études de transferts en milieu terrestre peuvent
être classés en 5 groupes:
- les produits à vie courte dont le représentant le plus important est l'iode 131, émetteur gamma
très mobile;
- les produits de fission ou d'activation à période moyenne, dont les deux plus importants sont le
césium 137 et le strontium 90, respectivement émetteurs gamma et bêta, assez facilement
transférés dans la chaîne alimentaire;
- les transuraniens, émetteurs alpha, comme le plutonium 238, dangereux par inhalation mais peu
transférables dans les sols et les plantes;
- les émetteurs bêta à vie longue comme le carbone 14, l'iode 129;
- le tritium, émetteur bêta, qui sous la forme d'eau tritiée se comporte comme l'eau dont on
connaît l'importance dans le cycle du vivant.
Les voies de transfert considérées ont pour origine les rejets effectués dans l'atmosphère,
sous forme gazeuse ou particulaire, qui peuvent se déposer sur les sols et les plantes par voie sèche
ou humide (pluie), ou les rejets liquides, qui se diluent dans des eaux de surface ou souterraines,
ultérieurement utilisées pour l'irrigation des cultures ou l'abreuvement du bétail.
En radioécologie on trouve deux grands types de modèles: d'une part les modèles de type
déterministe, [1], [2], dérivés d'observations empiriques et de considérations sur la physique des
phénomènes, qui utilisent des notions de facteurs de transfert, et d'autre part les modèles où le
système observé est divisé en compartiments. Dans ce dernier cas les échanges entre compartiments
sont quantifiés à l'aide d'un coefficient dit de relaxation. L'écriture de l'ensemble conduit à un
système comprenant autant d'équations différentielles que de compartiments, que l'on résout par
une méthode numérique, [3], [4]. Dans le présent document on citera plutôt les modèles de type
déterministe, qui se situent plus près des observations réalisées et de la nature des phénomènes.
Il existe une autre subdivision selon que les modèles sont destinés à effectuer des évaluations
dans le cadre des rejets de routine des installations ou dans le cas de rejets accidentels limités dans
le temps. Dans le premier cas on considère généralement que les rejets sont continus et constants,
193
ce qui conduit à un état d'équilibre entre les apports et les pertes pour différents éléments du milieu.
Dans le second cas, les équations utilisées doivent tenir compte de la dimension temps.
Le sol est la partie superficielle (quelques dizaines de centimètres) de la terre dans laquelle
les plantes trouvent l'essentiel de leurs ressources en eau et en minéraux. C'est un milieu complexe
constitué d'une matrice minérale poreuse, et de cavités remplies d'eau ou de gaz. Les mouvements
d'eau dans le sol sont le moteur de la migration des radionucléides solubles. Les paramètres
essentiels pour ces calculs de migration sont:
- d'une part les caractéristiques physiques et pédologiques telles que la porosité, qui conditionne la
capacité à retenir l'eau, la densité du sol sec en place (apparente), sa texture (sableux, argileux,
etc. ), sa granulométrie, etc. ;
- d'autre part les éléments du bilan hydrique, comme la quantité d'eau incidente par unité de
surface (pluie + irrigation), la quantité d'eau évapo-transpirée en surface, et la quantité d'eau
percolée à la base de la couche de sol qui se déplace vers des couches plus profondes.
La notion principale qui a permis aux radioécologistes d'évaluer les interactions entre les
radionucléides et les sols est celle du coefficient de partage, généralement appelé Kd, [1]. Utiliser
ce coefficient est faire l'hypothèse que les concentrations d'un radionucléide dans la partie minérale
et dans l'eau du sol sont linéairement liées, et que les phénomènes de sorption et de désorption se
font selon les mêmes lois. On sait que la réalité est plus complexe, toutefois la notion de Kd reste
utilisable.
(50.1)
avec:
194
La détermination de la concentration en un radionucléide de cette couche de sol, se fait par
l'intégration des apports et des pertes, en postulant que celles-ci sont proportionnelles à la
concentration, ce qui conduit à définir des taux de pertes, assimilables aux coefficients de relaxation
des modèles à compartiments. En pratique, ces taux de pertes sont très faibles (quelques pour
mille), et les négliger conduit à une surestimation de la concentration des radionucleides dans les
sols tout à fait acceptable dans le cadre d'études globales d'impact.
Dr . ( 1 - e - * ' )
9 = <JW+<P«c+<P«w (50.3)
avec:
Dans certains cas une estimation plus fine peut être nécessaire, notamment dans le cas d'un
dépôt accidentel pour évaluer la faisabilité d'une mesure de décapage des sols. Avant
homogénéisation par labourage on peut alors souhaiter connaître le profil de migration des
radionucleides dans les sols pour décider d'une contre-mesure telle que le décapage. Les plus
simples de ces modèles sont basés sur l'équation de diffusion en milieu poreux et sorbant [5].
(50.4)
IJ \O Z J \O Z J
s
(505)
c
avec:
Les équations (50.4) et (50.5), numérisées de façon à pouvoir être traitées par
ordinateur ont permis de réaliser le code CATHY, [6] qui calcule le profil de radioactivité dans le
sol centimètre par centimètre pour une durée quelconque après un dépôt radioactif. Des résultats
fournis par ce code ont été confrontés à des données issues du terrain à proximité de Tchernobyl
195
(fig. 50.1). Ce code peut être considéré comme opérationnel pour des calculs prévisionnels en vue
de la réhabilitation des sols.
Concentration du SO
Sr dans
le sol (Bq/kg de sol
sec)
FIG. 50.1. Comparaison entre un profil de radioactivité mesuré dans un sol russe avec des
résultats de calculs. D'après [6].
La contamination de la masse foliaire se fait par l'interception, soit des particules de l'air,
soit des gouttes d'eau contaminées. Un partie des radionucléides ainsi déposés est adsorbée sur la
surface foliaire. La fraction labile est emportée par lessivages des feuilles. Certains éléments
peuvent être transférés à la partie comestible, qu'elle soit aérienne ou souterraine. Ce phénomène
est appelé translocation. La modélisation la plus courante permet de tenir compte d'une part de
l'apport de radioactivité, et d'autre part de sa diminution par lessivage, perte biologique et
décroissance radioactive, tout au long de l'exposition du végétal au dépôt. Le phénomène
d'interception y est paramétré par un rapport de captation nuancé en fonction du type de végétal et de
son développement, et du type de dépôt, sec ou humide (par temps de pluie) [2].
Cv -î Dr.RC
Rtc
^trans' I (50.6)
avec:
196
A titre indicatif, le rapport de captation est compris entre 60 et 80 % pour des cultures
proches de la maturité ou à maturité. Dans le cas d'une couverture herbeuse les valeurs vont
jusqu'à 100 %. Le facteur de translocation est égal à 1 lorsque la partie consommable est la masse
foliaire (légumes feuilles, salades, etc.); il est de l'ordre de 0,1 à 0,15 pour les autres légumes.
La période effective (T=0,693/A.) est de l'ordre de 2 à 3 semaines pour l'herbe, par exemple.
Le transfert des radionucléides du sol aux plantes, se modélise très simplement par
l'utilisation d'un facteur de transfert [1]: on suppose ainsi que les concentrations dans les plantes et
dans les sols sont liées par une relation linéaire, ce qui est vrai tant que la masse du radionucléide
reste négligeable, c'est à dire qu'elle ne conduit pas à un effet de saturation.
avec:
Une littérature abondante existe sur les facteurs de transfert sol plante. Toutefois selon les
conditions expérimentales on note une grande dispersion des valeurs annoncées. Pour certains
radionucléides (Cs et Sr), des efforts de paramétrisation ont été faits [7]. Les paramètres les plus
importants sont la capacité d'échange des ions du sol, à laquelle sont également liés le coefficient de
distribution K^, la teneur en homologue chimique stable du radionucléide considéré, la teneur en
matière organique, le pH, etc. Les facteurs de transferts sol plante sont presque toujours très
inférieurs à 1, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir concentration de la radioactivité dans la matière
végétale vivante par rapport au sol. Pour le césium par exemple les valeurs sont de l'ordre de 0,02,
mais dans la littérature on note des variations pouvant aller jusqu'à deux ordres de grandeur. Pour
le strontium le facteur de transfert sol plante est à peu près 10 fois plus fort que celui du césium.
c =0 2 a 2
ani(0 i- ~t/Ti (5O8)
avec:
197
On propose ci-après un exemple d'application de cette modélisation dynamique à l'évaluation
de la radioactivité du lait de vaches en libre pâture après un dépôt unique de césium 137.
La radioactivité de l'herbe varie à mesure que l'herbe se renouvelle. Cette évolution est
généralement décrite par une exponentielle décroissante de demi-vie de l'ordre de deux à quelques
semaines selon les conditions climatiques. Dans l'exemple ci-dessous les valeurs numériques
(relatives à l'herbe seulement) sont tirées d'observations réalisées après l'accident de Tchernobyl
[9]:
-UTe
Cv(t)=D.Fg.2 (50.9)
avec:
En application de l'équation (50.9), et en discrétisant les apports par ingestion sur une base
journalière, l'évolution de la radioactivité du lait pourra être évaluée par la formule suivante:
'-j
Clait(t) = I Cv(j).Qh.^ai.2 (50.10)
j-0 i
avec :
Cv(j) : concentration du 137Cs dans l'herbe, cf. [9], au jour j situé entre le jour du dépôt et le
jour d'observation t (Bq.kg"1 sec)
Qh : quantité d'herbe ingérée quotidiennement par la vache égale à 13 (kg.j"1 matière
sèche)
ai : coefficients métaboliques (kg"1)
Tbioi : périodes biologiques d'élimination du 137Cs dans le lait (j)
Tbioi
Après un dépôt, que nous prendrons égal à 105 Bq.m"2, la variation de la radioactivité dans le
lait est représentée par la courbe de la figure 50.2. On a figuré de plus l'évolution de cette
radioactivité en fonction du temps si on retire les vaches du pâturage après 2 et 10 jours.
198
D'autres types de modèles dynamiques font appel à des modèles en compartiments. Un
exemple en est donné sur la figure 50.3 pour la chaîne herbe-mouton [9].
Efficacité du retrait du pâturage sur la teneur du lait en Cs137 dans une zone présentant
un dépôt de 10E5 Bq/m' (3 Cl/km')
Intestin
0,39 7\
V
0.13
Globules rouges Fluides extra-
cellulaires
0,069
A
3.7
0.097
V
Muscle
FIG. 50. 3. Présentation schématique d'un modèle métabolique du mouton. D'après [9].
199
50.3.2.2. Aspects de routine
Pour calculer l'impact des rejets de routine, que l'on suppose permanents et constants, ce qui
permet de s'affranchir de la dimension "temps", on définit un facteur de transfert à l'équilibre [1]:
avec:
Là encore, les facteurs de transfert sont en général très inférieurs à 1. Il n ' y a donc pas
concentration de la radioactivité entre la nourriture pour animaux et les produits d'origine animale.
Pour le transfert à la viande de boeuf, les valeurs du coefficient de transfert à l'équilibre sont de
l'ordre de 0,02 pour le césium et de 0,0006 pour le strontium, qui, en raison de son analogie de
comportement avec le calcium, se fixe préférentiellement dans les os.
Bien qu'en général spécifiques d'un type de dépôt et d'un lieu géographique, ces facteurs
globaux présentent souvent l'avantage d'avoir été mesurés sur le terrain et de ne pas provenir
d'expériences de laboratoire dont l'extrapolation aux conditions réelles peut être sujette à caution.
Le tritium n'est en général pas considéré dans le cas d'accidents nucléaires sur réacteurs de
puissance. Dans le cas de régimes permanents (rejets de routine), on supposera que la concentration
moyenne en tritium dans l'eau d'un organisme quelconque est égale à la concentration de cet
isotope dans l'eau qui lui sert à se maintenir en vie [1].
Pour le carbone 14, le même type de raisonnement peut être fait. La concentration spécifique
en carbone 14 rapportée à la quantité totale de carbone présente dans un organisme sera égale à
celle de ses sources de carbone (CO2 atmosphérique pour une plante, végétal pour un animal, etc.)
[1].
Les produits agricoles sont en général transformés avant ingestion par l'homme [11]. Ces
transformations peuvent être classées en trois catégories:
- extraction d'une partie du produit: la radioactivité n'est en général pas répartie de façon
uniforme dans un produit; l'activité massique du beurre, par exemple, en 137Cs n'est égale qu'à
0,3 fois celle du lait dont il est issu (0,2 pour ^Sr). Le pelage peut aussi être très efficace pour
réduire la contamination d'un fruit surtout dans le cas de dépôt direct;
200
- effets de la cuisson: 1'ebullition, même brève, comme dans le cas du "blanchiment" des légumes
avant mise en conserve peut également réduire la radioactivité des produits par passage des
radionucléides dans l'eau de cuisson, surtout dans le cas de dépôts directs;
- effets chimiques: pour les viandes, les marinades acides peuvent permettre de réduire leur
activité massique.
50.5. CONCLUSION
On s'est attaché dans ce chapitre à présenter les diverses étapes de la modélisation des
transferts en milieu terrestre. Des modèles généraux de calculs d'impact existent, et certains ont été
transformés en codes informatisés.
Actuellement, les rejets de routine des industries nucléaires ont tendance à diminuer. Les
études prévisionnelles d'impact et les vérifications ultérieures sur le terrain ont montré que ces
rejets ne présentaient aucun danger en termes sanitaires. Dès lors, les études radioécologiques
s'attachent de plus en plus à la prévision des conséquences des accidents graves et aux méthodes qui
pourraient être mises en oeuvre pour réhabiliter l'environnement après un dépôt important de
radionucléides et pour diminuer l'impact de telles contaminations sur les populations.
REFERENCES
[2] MÛLLER, H., PRÔHL, G. Ecosys-87: A Dynamic Model for Assessing Radiological
Consequences of Nuclear Accidents. Health Physics, Vol. 64, Number 3, pp 232-251,
(March 1993).
[3] WARD WHICKER, F., KIRSCHNER, T.B. Pathway, A Dynamic Food Chain Model to
Predict Radionuclide Ingestion after Fallout Deposition. Health Physics, vol 52, n° 6, pp.
717-737,(1987).
[4] BROWN, J., HAYWOOD, S.M., WILKINS, B.T. Validation of the FARMLAND Models
for Radionuclides Transfer through Terrestrial Food Chains. In: Reliability of Radioactive
Transfer Models. Edited by G. Desmet, Elsevier, pp. 127-134 (1988).
[6] QUINAULT, J.M., ARUTYUNYAN, R., PICAT, P., GAVRILOV, S., COLLE, C ,
FRIEDLI, C , KANEVSKI, M., KISELEV, V., FACHE, P., MAUBER, H. Preliminary
Results on Transfer of Radionuclide in Soils and Crops in the Chernobyl Area, Special Issue
of Radioprotection, pp 467-471, (February 1993).
[7] Fifth Report of the Work Group on Soil to Plant Transfer Factors. Union internationale des
radioécologistes, RIVM, Netherlands, (1987).
201
[8] NG, Y.C., COLSHEN, C.S., QUINN, D.J., THOMPSON, J.E. Transfer Coefficients for
the Prediction of the Dose to Man via the Forage - Cow - Milk Pathway from Radionuclides
Released to the Biosphere. Lawrence Livermore Laboratory, UCRL - 51939 (July 1977).
[9] GALER, A.M., CROUT, N.M.J., BERESFORD, N.A., HOWARD, B.J., MAYES, R.W.,
BARNETT, C L . , EAYRES, H.F., LAMB, C.S. Dynamic Radiocaesium Distribution in
Sheep: Measurement and Modelling. J. of Environmental Radioactivity, 20, pp. 35^*8,
(1993).
[11] Proceedings of a Seminar on Radioactivity Transfer During Food Processing and Culinary
Preparation. CCE DG XI. Seminar held in Cadarache (1989).
[12] JONES, J.A., MANSFIELD, P.A., HAYWOOD, S.M., NISBET, A.F., HASELMANN, I.,
STEINHAUER, C , EHRHARDT, J. PC. COSYMA: An Accident Consequence Assessment
Package for Use on a PC. Report EUR 14916 (1993).
202
CHAPITRE 51. LES REJETS DES CENTRALES ELECTRONUCLEAIRES
FRANÇAISES A EAU PRESSURISEE
A. Le Corre
INTRODUCTION
Nous décrirons ci-après les caractéristiques des rejets des centrales électronucléaires
françaises à eau sous pression et leur contrôle.
La maîtrise des rejets radioactifs a été et est un enjeu important pour EDF.
La réaction nucléaire se développe dans le coeur du réacteur (1) situé dans la cuve (12). Elle
est contrôlée par des barres neutrophages et de l'eau borée.
Le "circuit secondaire" non radioactif extrait la chaleur de l'échangeur (5) sous forme de
vapeur qui se détend à travers une turbine (9), se condense dans le condenseur (6) avant de
retourner au générateur de vapeur (5). La chaleur extraite du condenseur par le "circuit de
refroidissement" est rejetée soit au fleuve via le réfrigérant atmosphérique, soit directement en mer.
Les circuits "secondaire" et de "refroidissement" correspondent à ceux d'une centrale à combustible
fossile.
203
F1UERE 0 £ REACTEUR REACTOR TYPE SITUATION DES UNITES:
SITATUSOFPZANT" •
O UNGG GCGM
O Gaz "e a u 'ourde Gas • Heavy water ^ inst3ii*es instaUeo • 56 unités (units) I
I ;
Er construction. i ;
(__J Surgénérateur Fast breeder oran a'fctécution donné
^ REP. refroidissement circuit ouvert
PWR. open circuit cooling
D Under conjonction
(voers passed
5 unites (units) i
Avant d'être rejetés, les effluents liquides et gazeux sont collectés, triés, traités et contrôlés.
- des radioéléments formés par la fission du combustible. Les produits de fission sont formés au
sein même du combustible. Une très faible proportion de ceux-ci peut migrer et se retrouver
204
dans l'espace gaine-combustible. Une fraction de ces derniers peut passer dans le fluide primaire
en cas de défauts d'étanchéité du gainage;
des radioéléments formés par activation neutronique. Les produits d'activation résultent de:
du tritium qui provient aussi bien des réactions de fission ternaire dans le combustible que des
réactions neutroniques sur les composantes de l'eau et sur les additifs.
de la ventilation des locaux nucléaires. Cet effluent n'est radioactif qu'en cas d'incident de
contamination des locaux;
du dégazage des effluents primaires. Ces effluents sont radioactifs et hydrogénés.
1. Coeur du réacteur
2. Circuit primaire
3. Pressuriseur
4. Générateur de vapeur
5. Pompe primaire
6. Barres de commande
7. Cuve
8. Bâtiment réacteur
9. Circuit secondaire
10. Groupe turbo-alternateur
11. Condenseur
• • • • Ci'cuil pnmai's 12. Circuit de refroidissement
Circuit socondaiie
• I I I I I ) Circuit do rslroidissemem 13. Sortie de l'électricité
La figure 51.3 présente de façon synthétique les circuits de collecte et de traitement des
effluents liquides et gazeux.
205
reiet oes ventilations
a la crermnee
Cheminement
des effluents radioactifs
orcuit primaire et circuits auxiliaires
1
ertluenis iiouides uses oe raaioactivite i
effluents çazeux hycrogenes
circuit
primaire
asnrauon k
aes i \
ventilations | y
bâtiment réacteur
51.2.3.1. Pour les effluents liquides, les contrôles ont lieu avant rejet
Les effluents usés venant des circuits nucléaires sont, après épuration, dirigés vers des
réservoirs où ils sont stockés. Dès que l'un de ceux-ci est plein, une mesure d'activité volumique
sur échantillon permet de déterminer l'activité totale à rejeter ainsi que le débit de rejet, compte
tenu des conditions de dilution, e'est-à-dire essentiellement du débit de la rivière.
Les effluents venant de la salle des machines sont directement acheminés vers des réservoirs
de stockage spécifiques qui sont vidés après contrôle.
Des capacités supplémentaires dites de "santé" sont installées pour remédier à l'indisponibilité des
réservoirs précédents ou à des situations anormales. Leur utilisation est soumise à l'autorisation
formelle de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants du Ministère de la santé
(OPRI).
Sur la canalisation de rejet des effluents est installé, par mesure de précaution, un contrôle de
la radioactivité avec enregistrement et signal d'alerte arrêtant le rejet (fig. 51.4).
206
Effluents gazeux effluents nyarogenes
Capacités ae stockage
el circuits réglementaires de rejet • _ mesure cononue
ti ae raaioactnnte
pour 1 réacteur de 1300 MWe «vec enregistrement
et signai a'aleru
teunent réacteur
IfiltreaDsolu
E___i owçeaiode
ventilation mleme
en (onction nemeni
le Dà&ment reacteur
esi soie
effluents aérés
Ettluents liquides
caoaatés ae stockage et
circuits réglementaires retraitement éventuel effluents anmarres
ae reiet pour utilisation sous reserve aeccrc su
2 reaceurs tie Service Centrai ce P-cteecn
centre es ^avome.-ers :crsa-:s
1 300 MWe
eaux
salles des macnmes
Les relevés de mesure et d'étalonnage des appareils, ainsi que le bilan détaillé des corps
radioactifs rejetés, sont consignés dans des registres transmis chaque mois au OPRI.
51.2.3.2. Pour les effluents gazeux, les contrôles ont lieu avant, pendant et après les rejets
Les effluents gazeux hydrogénés sont stockés plusieurs semaines dans des réservoirs pour
profiter de la décroissance radioactive. Avant de la vidanger, une mesure sur échantillon permet de
déterminer l'activité totale à rejeter ainsi que le débit de rejet, compte tenu des conditions de
dispersion dans l'atmosphère. Ces rejets, concertés, se font après dilution par l'intermédiaire des
filtres du circuit de ventilation, puis par la cheminée (fig. 51.4).
Les rejets continus se font en permanence par la cheminée après filtration. La cheminée est
équipée de contrôle continu de radioactivité avec enregistrement et signal d'alerte en cas de
dépassement d'un seuil. Le bilan détaillé des radioéléments rejetés est fait postérieurement aux
rejets par analyse sur échantillon de l'activité volumique de l'air de la cheminée, multipliée par le
volume d'air ayant transité pendant la période de prélèvement.
207
Les relevés de toutes les mesures sont consignés dans des registres transmis chaque mois à
l'OPRI.
Les effluents radioactifs sont régis par deux arrêtés interministériels (un pour les liquides, un
pour les gazeux) spécifiques à chaque site. Ils fixent les limites à l'émission ainsi que les contrôles à
effectuer dans l'environnement.
A titre indicatif, le tableau 51.1. précise les impositions pour une unité de 1300 MW (Nogent
sur Seine).
Autorisation annuelle
maximale Conditions de rejet
pour deux tranches
Effluents 1,1 térabecquerels Prédilution de 500 fois pour tous les effluents (sauf purges de
liquides pour les générateurs de vapeur et les eaux des salles des machines).
radioéléments autres Eaux des salles des machines: rejet possible si l'activité est
que le tritium le inférieure à 4 becquerels par litre (potassium 40 et tritium exclus)
potassium et le et 400 becquerels par litre pour le tritium.
radium
Débit de la Seine compris entre 20 et 160 m 3 .s'\
80 térabecquerels Activité maximale de l'eau de refroidissement après dilution
pour le tritium de 0,8 becquerel par litre (potassium 40, radium, et tritium
exclus) et de 80 becquerels par litre pour le tritium.
208
51.3. LE CONTROLE DANS L'ENVIRONNEMENT
Des contrôles dans l'environnement sont effectués au quotidien par l'exploitant selon un
programme et des modalités définis par 1' Office de protection contre les rayonnements ionisants
(OPRI), qui est l'autorité de contrôle de l'état français. L'OPRI vérifie la validité des résultats et les
compare avec ses propres échantillons. En outre, cet organisme effectue la surveillance de la
radioactivité sur l'ensemble du territoire français (en particulier par le réseau TELERAY).
Enfin, des contrôles particuliers sont réalisés à grande échelle avant le démarrage d'une
centrale et périodiquement par la suite.
BIBLIOGRAPHIE
tiEXT PÂGEIS)
left BL£§fK
209
CHAPITRE 52. ETUDES RADIOECOLOGIQUES ET EVALUATIONS
SANITAIRES EN MILIEU MARIN
P. Gueguenat
Les procédures réglementaires auxquelles est soumis tout déversement dans le milieu
d'effluents contenant de très faibles quantités d'éléments radioactifs impliquent une évaluation
préalable des conséquences potentielles de ces rejets en terme d'exposition pour les personnes du
public. Il s'agit de vérifier que ces expositions respectent les limites recommandées par la
Commission internationale de protection radiologique et adoptées par les organismes internationaux
et sont donc non significatives du point de vue sanitaire.
Il est par conséquent nécessaire de pouvoir identifier et quantifier les différentes possibilités
de retour à l'homme. A cette fin on utilise des méthodes conventionnelles, d'usage courant dans les
différents Etats et faisant d'ailleurs très souvent l'objet de recommandations par des organismes
internationaux comme l'Agence internationale de l'énergie atomique. Ces méthodes, validées par
des observations in situ, s'appuient sur les connaissances recueillies au travers de programmes de
recherches menés dans le cadre national ou multi-national ou encore dans le cadre des programmes
de recherches d'organismes internationaux comme la Commission des Communautés européennes.
Cette situation, à caractère très général, s'applique intégralement au cas des rejets d'effluents
radioactifs liquides effectués directement ou indirectement dans le milieu marin.
La radioécologie marine se définit comme étant l'étude des interactions entre les
radionucléides naturels ou artificiels et les constituants du milieu marin.
- une approche expérimentale qui permet de maîtriser les paramètres influençants et d'étudier les
conséquences de leur variation;
- une approche in situ qui permet d'étudier, dans les conditions physico-chimiques et biologiques
réelles du milieu, les comportements des radionucléides, les niveaux d'activités relatifs ou
encore leurs analogues géo-chimiques.
Dans tous les cas, on prend en compte de façon aussi exhaustive que possible tous les
facteurs qui interviennent sur le comportement des radionucléides à savoir: les caractéristiques
physico-chimiques des radionucléides, les caractéristiques de l'environnement, les taux de dilution
en milieux aqueux, les relations entre les différents constituants du milieu, physiques et
biologiques.Dans une zone directement affectée par les rejets d'une installation nucléaire on prendra
en considération des paramètres supplémentaires à savoir les caractéristiques physiques, physico-
chimiques et chimiques de 1'effluent et les conditions et modalités de rejet.
211
52.1.1. Dispersion dans les eaux
Un des aspects importants des études effectuées in situ concerne la dispersion dans les eaux.
Celle-ci doit être considérée dans les champs proches moyens et lointains. Dans une zone
déterminée on se doit:
L'exemple de la situation de la mer du Nord en 1988 est intéressant à développer car cette
mer se trouve soumise aux rejets des usines de Traitement de combustibles irradiés de Sellafield et
de La Hague, aux retombées de Tchernobyl via les apports de la mer Baltique, à la contribution des
retombées atmosphériques. Trois radionucléides artificiels conservatifs (peu captés par les
constituants du milieu) ont été suivis:
- le césium 137 (période 30 ans) qui est choisi pour suivre la dispersion, de la mer d'Irlande vers
la mer du Nord, des rejets de Sellafield car les quantités rejetées ont été dix à cent fois
supérieures à celles de La Hague. Le 137Cs est aussi présent dans les retombées atmosphériques.
Dans les eaux de surface exemptes et épargnées par les retombées de Tchernobyl sa
concentration est comprise entre 2 et 4 mBq.l"1. La dispersion des rejets de Sellafield est
reportée sur la figure 52.1.
- le césium 134 (période 2 ans) ou plus précisément le quotient 137Cs/134Cs qui est caractéristique
des retombées de Tchernobyl. Ce rapport est voisin de 2, nettement inférieur à celui des rejets
de Sellafield et de La Hague qui se situe entre 5 et 10. Le 134Cs est absent dans les retombées
atmosphériques antérieures à Tchernobyl. La dispersion en mer du Nord des eaux de la mer
Baltique est reportée sur la figure 59.3.
- l'antimoine 125 (période 2,7 ans) qui est un marqueur spécifique des rejets de La Hague. Les
quantités rejetées sont environ 4 fois supérieures à celles de Sellafield. Cet élément est absent
dans les retombées atmosphériques antérieures et postérieures à Tchernobyl. La dispersion en
mer du Nord des eaux de la Manche marquées par les rejets de l'établissement de La Hague, est
reportée sur la figure 52.2. Grâce au suivi de ce radionucléide on a pu montrer qu'un rejet de
10 000 GBq par mois d'un radionucléide conservatif par l'établissement de la Hague, provoque
16 mois après des activités de 5 mBq.r 1 dans les eaux du chenal de Norvège qui représente la
seule voie de sortie de la mer du Nord.
II existe divers processus de rétention des radionucléides au niveau des sédiments: fixation
sur la matière en suspension dans l'eau de mer puis transport vers les zones à faible énergie où
s'effectue la sédimentation; précipitation directe sous forme colloidale; dépôts d'organismes morts
ayant préalablement fixés des radionucléides. Les modalités de fixation sont étroitement liées aux
caractéristiques physico-chimiques des éléments:
212
Bas
Mer d'Irlande
Manche
Baltique
213
- pour les cations la sorption en milieu marin met généralement en jeu des mécanismes plus
complexés que ceux résultant d'un simple échange de cations. La fixation du 137Cs se fait par
exemple sur des sites à forte énergie de liaison que l'on retrouve sur des argiles à 10 À du type
illite: la fixation par échange isotopique pourrait revêtir une certaine importance dans le cas du
- pour les anions, en règle générale, la fixation est faible (125Sb, "Te, composés du nitronitrosyl
ruthénium, chrome VI; formes complexées du ^Co, etc.).
Le résultat combiné de ces actions est une localisation momentanée du radionucléide à
l'interface eau/sédiment. Par la suite le sort des radionucleides va dépendre de la décroissance
radioactive, de l'enfouissement, de l'action des organismes fouisseurs, etc. et des phénomènes de
diffusion. En ce qui concerne l'action de cette dernière variable la résultante dépend: du degré de
fixation sur le sédiment, la séquence des coefficients de diffusion est l'inverse de celle des
coefficients de distribution; des concentrations de l'élément dans l'eau libre et intersticielle, des
phénomées de compaction qui provoquent une migration vers l'eau libre (Duursma Gross-1971).
Les modalités et taux de fixation des radionucleides au niveau des organismes marins sont
tributaires des propriétés du radionucléide, du milieu de dispersion et du support.
Les trois principaux vecteurs de transfert de radioactivité à envisager sont l'eau, la nourriture
et le sédiment.
Les processus de transferts par l'eau dépendent des paramètres propres au polluant, au milieu
et au support organique.
En ce qui concerne les transferts par l'eau il est intéressant de citer l'exemple du 106Ru, car il
représente le principal radionucléide rejeté par l'industrie nucléaire et sa rétention par les
constituants biologiques du milieu est étroitement liée à sa forme physico-chimique.
Les composés du ruthénium sont en effet constitués en partie par des nitro-complexes peu
hydrolysables donnant en milieu marin des formes stables solubles, et par des nitrato-complexes
instables donnant des formes insolubles (composés polymerises neutres, négatifs ou positifs). Des
expériences de contamination par du ruthénium 106 ont permis de montrer que les formes
insolubles de ce radionucléide ont un pouvoir contaminant 3 à 10 fois plus élevé que les formes
solubles. Il convient de préciser que les formes physico-chimiques du 106Ru sont différentes dans les
effluents radioactifs des usines de traitement de combustibles irradiés de La Hague et de Sellafield:
nitro complexes dans le premier cas, nitrato complexes dans le second cas.
D'une manière générale, les taux de fixation des radionucleides peuvent varier
considérablement selon l'espèce ou le groupe d'espèces envisagé. Tout d'abord il apparaît que ce
sont le plus souvent les organismes les moins évolués qui présentent le plus grand pouvoir
d'accumulation. Ainsi les algues ont, pour la plupart, des facteurs de concentration très nettement
supérieurs à ceux des poissons. Mais des variations importantes peuvent également apparaître au
sein d'un même groupe d'organismes.
214
52.1.4. Autres études de radioécoiogie marine
Enfin, parmi les thèmes importants sur lesquels des études ont été entreprises, on peut
mentionner:
- la prévision du comportement à long terme (échelle 105 ans) des éléments à longue période;
- l'interface eau douce - eau de mer, importante pour certains estuaires, étudiée par simulation en
laboratoire du point de vue de la distribution des radionucléides entre la phase soluble et la phase
particulaire en fonction du gradient de salinité ainsi que du point de vue de la bio-disponibilité
des radionucléides fixés sur les sédiments déposés aux embouchures;
- la remise en suspension de certains radionucléides à l'interface mer-atmosphère par
l'intermédiaire des embruns marins.
Les études et recherches décrites sommairement ci-dessus ont à l'évidence un caractère très
appliqué. Elles ont permis d'une part d'alimenter, par l'amélioration des connaissances et la
quantification des processus, les méthodes d'évaluation des conséquences des rejets, d'autre part de
valider et vérifier l'application de ces méthodes.
52.1.5. Modélisation
Le calcul prévisionnel des doses d'irradiation interne et externe appelées à être délivrées pour
un débit déterminé de rejets radioactifs aux différents groupes de population concernés, est établi à
partir de données obtenues in situ, en laboratoire et par la documentation.
Le principal problème qui semble s'être posé sur le plan sanitaire près de Sellafield résulte du
transfert à l'homme du ruthénium 106 par l'intermédiaire de l'algue Porphyra, consommée
localement sous forme de "laverbread" à raison de 75 g à 388 g (moyenne 160g) par jour et par
habitant. L'équivalent de dose reçu par ces consommateurs au niveau du tractus gastro-intestinal,
pour une consommation de 160 g de laverbread par jour, a été en moyenne de 6 mSv par an
pendant la période 1962-1970, soit environ 40% de la dose limite définie par la Commission
internationale de protection radiologique (CIPR).
215
< S 1 6 3 8 3& te66 76 86 86 >
HO.
216
FIG. 52.7. Distribution des activités en 125Sb en Manche en juin 1986.
217
CHAPITRE 53. SURVEILLANCE RADIOLOGIQUE DE L'ENVIRONNEMENT
S. Le Bar
INTRODUCTION
Les contrôles radiologiques dans l'environnement d'une installation nucléaire relèvent d'une
double obligation:
- obligation d'informer le public de l'impact de ses activités vis-à-vis des populations concernées.
Il s'agit désormais effectivement d'une obligation. Il ne peut y avoir d'acceptation du public sans
transparence et donc communication des résultats de surveillance de l'environnement.
La surveillance et donc les contrôles dans l'environnement ont pour but de démontrer
l'innocuité du fonctionnement de l'installation nucléaire sur son environnement et principalement
sur les populations qui la composent. Ils peuvent par conséquent valider le bon fonctionnement
d'une installation. Ils ont également pour but d'évaluer l'exposition du public, de verifier que les
conditions de rejets sont satisfaites et que les hypothèses utilisées pour définir ces conditions sont
valides et suffisantes pour estimer l'exposition des groupes critiques. Ils permettent de déceler
rapidement une augmentation significative de la radioactivité de l'environnement due à
l'installation.
La définition de ce plan de surveillance doit s'appuyer sur une connaissance précise du milieu
environnant ainsi que sur une étude d'impact. Il prendra en compte un mode de fonctionnement
normal de l'installation ainsi qu'un mode accidentel.
219
53.1.1. Probabilité de présence de radionucléides
En fonction des rejets effectués par l'installation ou de tel ou tel scénario d'accident, on
choisira des échantillons sous les vents dominants, en aval de rivières avoisinantes, en mer suivant
les courants, etc. Lorsque ces endroits auront été choisis, on regardera les prélèvements possibles:
eaux, sédiments, espèces végétales ou animales. Le type d'échantillon retenu devra avoir un
pouvoir de fixation des radionucléides susceptibles d'être relâchés dans l'environnement ainsi
qu'une disponibilité quasi permanente.
Lorsque les points de prélèvement et la nature des échantillons auront été choisis, deux types
de surveillance sont exercés:
Une centralisation des informations délivrées en continu doit être réalisée; elle permet une
surveillance et surtout une intervention rapide en cas de dépassement de seuils. Ces seuils seront
fixés de façon à s'affranchir de la radioactivité naturelle et être en-dessous des normes
réglementaires (par exemple débit de dose, LAI population, réglementations spécifiques).
Cette surveillance qui consiste à prélever des échantillons dans l'environnement et à les
analyser en laboratoire doit répondre aux critères définis ci-dessus et s'organiser suivant des
protocoles stricts.
220
renseignements doivent être relevés: lieu de prélèvement, date (éventuellement heure), poids et tout
autre renseignement complémentaire qui permettrait une meilleure analyse du résultat (exemple:
présence de pluie pour la collecte de végétaux).
Il est indispensable, si l'on souhaite obtenir un suivi dans le temps, d'effectuer les
prélèvements au même endroit. Des variations de lieux de prélèvements peuvent engendrer des
écarts importants sur les résultats d'analyses (exemple: sédiments).
Avant d'être analysé, l'échantillon doit être conditionné et "préparé". On commence par trier
dans l'échantillon ce qui doit être analysé de ce qui ne l'est pas:
Le volume sera déterminé par un compromis entre le seuil d'analyse souhaité et le temps de
mesure. En règle générale, moins l'échantillon présentera de radioactivité, plus le volume du
récipient sera important et/ou le temps de mesure important.
53.3.3. Analyses
221
- absorption atomique.
Dans tous les cas, ces analyses s'accompagneront d'opérations telles que:
- étalonnage: on utilisera une géométrie proche de celle des échantillons et des étalons des mêmes
radionucléides;
- détermination du bruit de fond et du rendement du détecteur: on les contrôlera le plus souvent
possible;
- calcul de l'incertitude du résultat.
Un laboratoire de mesure de la radioactivité de l'environnement ne doit pas être perturbé par
la présence d'une source voisine (installation nucléaire), il doit veiller à n'analyser que des
échantillons ayant des activités semblables: le mélange d'échantillons de très faible activité et
d'activité moyenne risque de perturber le bruit de fond du laboratoire et de fausser les résultats
d'analyses sur des échantillons de très faible activité. Le laboratoire doit travailler sous assurance
qualité: modes opératoires, consignes devront être formalisés et suivis. Le personnel devra être
formé. Enfin il est fortement conseillé à ces laboratoires de participer à des tests
d'intercomparaison. Ces tests permettent de valider ou de corriger des problèmes liés à
l'appareillage, aux modes opératoires ou à l'exécution de l'analyse.
L'expression du résultat devra être claire et ne laisser aucun doute qui permettrait une
interprétation erronée, par exemple:
- unité: Bq, Bq.cm'2, Bq.l"1, Bq.kg"1 sec"1, Bq.kg"1 frais, Bq.m'3, etc.;
- nature de l'échantillon: chair de moule (et non moule), fucus serratus (et non algues), etc. On
s'attachera à être le plus précis possible;
- radionucléides: Co 60, Pu 239 + Pu 240, alpha, bêta (> 100 keV), etc.;
- renseignements divers: poids de l'échantillon mesuré (frais ou sec), lieu de prélèvement, date de
prélèvement, etc.
Le résultat de l'analyse sera exploité en:
- absolu: on le comparera à des normes (LAI) ou des niveaux préétablis (niveau d'intervention);
- relatif: on le comparera aux résultats précédents pour en déduire une évolution.
En cas de valeur singulière, on n'hésitera pas à refaire une analyse de confirmation de
l'échantillon que l'on aura eu le soin de garder.
Tous les résultats doivent faire l'objet d'un archivage (papier ou informatique) afin
d'effectuer des synthèses.
La gestion d'un accident ne s'improvise pas. Aussi faible que soit la probabilité d'occurrence,
elle se prépare. Elle doit faire l'objet d'exercices d'entraînement.
Des organisations nationales de crise existent ainsi que locales (plan particulier
d'intervention). Il appartient à l'exploitant nucléaire d'organiser ses différentes unités en cas
d'accident.
Le rôle des unités de surveillance de l'environnement est très important. Il aura pour but de
mesurer ou d'évaluer l'impact de cet accident ainsi que son évolution prévisible. Cette évaluation
permettra de prendre les actions correctives nécessaires (confinement, évacuation).
222
Cette gestion de crise se fera au plus près du poste de surveillance de l'environnement et en
étroite liaison avec le poste central de crise de l'établissement concerné.
Pour un rejet atmosphérique accidentel, les actions à mettre en oeuvre seront les suivantes:
Si ces opérations peuvent sembler simples, elles comportent néanmoins les difficultés
suivantes:
Aussi est-il important d'effectuer des exercices afin de pallier ces difficultés par la mise en
place des moyens adaptés: mise en place d'astreintes, radiotéléphones, walkie-talkies, groupes
électrogènes, batteries, véhicules spécifiques, etc.
De plus il est utile d'établir des conventions d'assistance avec les organismes locaux
susceptibles d'apporter leur aide en cas d'accident, laboratoires d'analyses, autres exploitants
nucléaires.
Dans tous les cas, la gestion d'une crise n'est pas simple, elle devient difficile lorsque l'on ne
s'est pas préparé.
La diffusion des résultats relatifs à la surveillance de l'environnement est un des éléments les
plus importants de cette communication. Elle peut être effectuée directement auprès du grand public
au travers de supports médiatiques tels que: articles ou bulletins périodiques dans les journaux,
plaquettes d'information, répondeurs téléphoniques, services minitels, etc. ou en s'appuyant sur
des relais d'informations que peuvent être les élus locaux, les médecins, les enseignants, etc., le
tout devant être complété par des visites et exposés.
223
naturelle, comparaison par rapport aux normes sanitaires, etc.)- Ces supports de communication
doivent être élaborés conjointement par un technicien de l'environnement et un spécialiste de la
communication: chacun apportant à l'autre ce qui lui manque.
53.6. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie étant très importante dans ce domaine, il convient, au moins, de noter les
séries, revues ou publications suivantes:
- Radioprotection (SFRP)
- ICRP publications dont "Protection of the public in the event of major accidents"
(publication 40)
224
CHAPITRE 54. EXPOSITION DU PUBLIC AUX RAYONNEMENTS NATURELS
A. Rannou
RADIOELEMENTS
A
COSMOGENIQUES v I PRIMORDIAUX
INHALATION
225
TABLEAU 54.1. DOSE EFFICACE ANNUELLE MOYENNE REÇUE PAR LE PUBLIC
(ADULTES) DUE AUX SOURCES DE RAYONNEMENTS NATURELS
(D'APRES L'UNSCEAR, 1993).
Les doses d'origine cosmique résultent, d'une part de la composante directement ionisante
des rayonnements cosmiques et, d'autre part, du rayonnement de neutrons. Le débit de dose
absorbée dans l'air dû à la composante ionisante varie faiblement avec la latitude mais augmente
sensiblement avec l'altitude, doublant environ tous les 1500 mètres. Au niveau de la mer, on admet
à l'extérieur des bâtiments une valeur égale à 3,2.10"8 Gy.h*1 en moyenne. Dans les bâtiments, les
doses sont en général plus faibles, de 20% en moyenne, à cause de l'effet d'écran joué par les
matériaux de construction. La composante neutronique varie aussi avec l'altitude et la latitude. Le
débit de dose absorbée moyen au niveau de la mer est estimé à 4.10'10 Gy.h"1. Une très faible partie
de l'exposition naturelle de l'individu est due à l'incorporation des radionucléides cosmogéniques.
Parmi les nombreux éléments radioactifs produits par les rayonnements cosmiques, seuls le tritium,
le béryllium 7, le carbone 14 et le sodium 24 contribuent de façon appréciable à l'exposition
interne.
Les doses d'origine terrestre sont dues à la présence des radionucléides dits "primordiaux"
dans tous les milieux (air, eau, sol, matériaux de construction, aliments). Il s'agit des familles
radioactives de l'uranium 235, de l'uranium 238 et du thorium 232 ainsi que d'autres radioéléments
dont la désintégration aboutit à un élément stable. Parmi ces derniers, le potassium 40 et le
rubidium 87 qui ont des propriétés chimiques semblables sont les isotopes les plus importants. Le
débit de dose absorbée dans l'air varie selon le lieu, en fonction de la radioactivité du sol. La
valeur moyenne mondiale (c'est-à-dire pondérée par la population) est estimée à 5,7.10"8 Gy.h" 1 .
Celui mesuré dans les bâtiments, en un lieu donné, dépend essentiellement du type de matériaux de
construction et de leur origine. Les matériaux de construction jouent à la fois un rôle de source
radioactive et d'écran vis-à-vis du rayonnement gamma extérieur. La valeur moyenne mondiale est
estimée égale à 8.10"8 Gy.h"1 soit 1,4 fois plus qu'à l'air libre. L'exposition interne résulte de
l'incorporation des substances radioactives, soit par inhalation soit par ingestion (eau et aliments).
Etant donné la grande variabilité des concentrations en radionucléides naturels dans l'atmosphère et
dans les produits alimentaires, les niveaux d'incorporation sont eux-mêmes extrêmement variables
d'un endroit à un autre. Parmi les radionucléides à l'origine de l'exposition interne du public, les
226
isotopes du radon (principalement 220Rn et 222Rn) et leurs descendants à vie courte représentent la
contribution de loin la plus importante.
La dose efficace annuelle moyenne pour les populations (adultes) résidant dans des régions à
radioactivités naturelles "normales" est estimée à 2,4 mSv [1].
Comme indiqué au tableau 54.1, le radon 220 (ou thoron) ne contribue que pour une faible
part au bilan radiologique, comparé à l'isotope 222. Sauf situations particulières (par exemple, dues
à l'utilisation de matériaux de construction riches en radium 224), le problème posé par le thoron
peut être négligé. On ne s'intéressera donc ici qu'au 222Rn que l'on désignera simplement, dans ce
qui suit, par le terme de radon.
La prise de conscience du "problème radon" dans les habitations remonte tout au début des
années soixante-dix. C'est en effet au moment de la crise énergétique que l'on a mis en évidence
des teneurs de l'air en radon très élevées dans les maisons, conséquence directe des
recommandations visant à réduire les taux de ventilation et à mieux calfeutrer les bâtiments. Parmi
les premiers pays confrontés au problème figurait la Suède, particulièrement concernée par les
efforts pour réduire la consommation d'énergie mais aussi par l'utilisation de matériaux de
construction très riches en radium. Peu à peu, l'ensemble des pays d'Europe, notamment sous
l'impulsion de la Commission des communautés européennes, ainsi que les Etats-Unis ont à leur
tour entrepris des programmes régionaux et nationaux de mesure dans les habitations afin d'évaluer
l'étendue du problème. Vers le milieu des années quatre-vingts, des programmes de recherche ont
été lancés pour étudier les paramètres et les mécanismes influençant les niveaux d'exposition au
radon dans les maisons, améliorer ainsi les connaissances sur les processus tant physiques que
biologiques et développer des techniques de contre-mesure.
Une fois émis par les sols dans l'air extérieur, le radon se dilue et se disperse rapidement
dans l'atmosphère. Les concentrations observées entre 1 et 10 mètres varient, en fonction du lieu et
des conditions météorologiques, entre quelques Bq.m"3 et quelques dizaines de Bq.m"3. Une valeur
moyenne de 5 Bq.m"3 peut être considérée comme représentative de la plupart des pays tempérés.
Le radon se trouve en concentration généralement plus importante dans les bâtiments que
dans l'atmosphère extérieure en raison des plus faibles taux de renouvellement de l'air ambiant. A
l'inverse de l'atmosphère libre où il se dilue et est transporté à de hautes altitudes, le radon
s'accumule dans les bâtiments et ceci d'autant plus que la ventilation est réduite. Dans les maisons,
il trouve son origine principale dans le sol sous-jacent et les matériaux de construction. Plus
rarement, l'eau du robinet peut être riche en radon, par exemple lorsqu'elle provient d'une source
souterraine située en terrain granitique. Son dégazage constitue alors une entrée de radon
significative.
De nombreuses campagnes de mesure ont été effectuées dans les habitations au cours des
dernières années. Les données disponibles ont fait l'objet de plusieurs compilations, par exemple
par le Comité scientifique des Nations Unies [1]. La moyenne arithmétique calculée à l'échelle du
globe est évaluée à 40 Bq.m'3 par ce Comité.
La teneur des descendants du radon dans l'atmosphère intérieure dépend des quantités de
radon qui pénètrent dans l'habitation, du type et du taux de ventilation, et du taux de dépôt des
descendants sur les parois (murs, meubles). Ce dernier mécanisme dépend lui même de la
concentration et de la distribution granulométrique de l'aérosol naturel ambiant. La concentration
en activité qui en résulte pour les descendants peut être exprimée en termes de concentration en
équivalent radon à l'équilibre (C e q ) selon la relation:
F = Ceq / C0
La valeur moyenne du facteur d'équilibre dans les maisons est évaluée à 0,4 par le Comité
scientifique des Nations Unies.
Le radon est omniprésent et l'homme y est exposé en tout lieu. L'exposition totale pour un
individu est la somme des contributions reçues dans les différents lieux dans lesquels il séjourne:
l'extérieur, sa maison et tout autre bâtiment qu'il est susceptible de fréquenter (lieu de travail,
bâtiments publics, etc.). Le bilan de l'exposition E (Bq.h.m"3) d'un individu en une année peut
s'écrire:
E
= *1 c l + X2 C 2 + r
3 C3
où t j , \-2 et t3 (h) sont les temps moyens passés, au cours de l'année, respectivement à
l'extérieur (air libre), dans sa maison et dans les autres bâtiments; C i , C 2 et C3 (Bq.m~3) sont les
concentrations moyennes de l'air en radon respectivement dans ces 3 lieux.
Compte tenu des différents temps de séjour, pour un individu standard, environ 75% de
l'exposition totale reçue en une année est liée au radon inhalé dans sa maison et 5% seulement à
228
l'exposition au radon à l'air libre. Les 20% restants correspondent à l'exposition reçue par
l'individu dans des bâtiments autres que sa propre maison (école, lieu de travail, etc.)
Le radon a été reconnu en 1987 comme cancérigène par le Centre international de recherche
sur le cancer (CIRC, [2]).
Ce gaz radioactif pénètre dans l'organisme avec l'air inhalé. Etant de faible affinité avec les
tissus biologiques, il est exhalé sans effets significatifs sur ces tissus. Au contraire, ses descendants
particulaires se déposent le long des voies aériennes, selon un schéma lié à leur granulométrie. Le
calcul des doses délivrées s'appuie sur des modèles prenant en compte:
- la répartition initiale des particules dans les différents étages des voies respiratoires;
- l'évaluation de la clairance pulmonaire et du transport vers le sang circulant;
- le calcul de l'énergie délivrée, par chacun des descendants, à l'unité de masse de tissu cible.
Les destructions cellulaires se produisent aux points d'impact des particules émises, à la
surface des epitheliums respiratoires. Le risque de cancer dû au radon est le plus élevé pour les
cellules basales et sécrétoires de 1'epithelium bronchique.
Plusieurs commissions scientifiques ont réalisé des synthèses sur les connaissances relatives
aux effets biologiques du radon et au risque de cancer: parmi les plus importantes, le Comité sur
les effets biologiques des radiations de l'Académie des sciences des Etats-Unis (BEIR, [3]) et la
Commission internationale de protection radiologique (CIPR, [4]). L'estimation du risque de cancer
dû au radon, dans la population, est généralement basée sur des modèles de risque développés à
partir d'études épidémiologiques chez les mineurs d'uranium (travailleurs du Colorado/USA, de
l'Ontario/Canada, de Tchécoslovaquie) ou encore de mines non uranifères (mines de fer en Suède
par exemple). Ces études permettent d'estimer des coefficients de risque par unité d'exposition.
L'extrapolation au public est faite en appliquant des facteurs de correction pour tenir compte des
différences existant entre la population générale et celle des mineurs: age, sexe, consommation de
tabac (on estime que le risque est près de 10 fois plus grand chez les fumeurs que les chez non-
fumeurs), etc. Selon ces hypothèses, de 5 à 10% des cancers pulmonaires observés dans la
population des pays tempérés seraient dus à l'exposition au radon.
229
54.3. LES RECOMMANDATIONS INTERNATIONALES
54.3.1. La CIPR
En 1984, la CIPR [6] a proposé de nouveaux principes pour limiter les expositions du public
dues aux sources naturelles de rayonnements. La Commission est partie du constat que l'homme est
soumis en permanence aux rayonnements naturels mais que cette exposition naturelle n'est pas
constante et que certaines des sources peuvent être très signifîcativement influencées par les
activités humaines et les habitudes de vie. C'est particulièrement le cas de l'exposition au radon
dans les habitations. Celle-ci varie fortement en fonction de la localisation, du type de construction,
de la nature des matériaux de construction et de la ventilation. La réduction du taux de
renouvellement de l'air dans un bâtiment conduit à une augmentation de la concentration de l'air
en radon. La CIPR considère ainsi l'exposition au radon dans les habitations comme une situation
en grande partie "contrôlable". Elle fait une distinction entre les situations existantes et situations
futures. Pour les habitations existantes présentant de fortes concentrations en radon, la Commission
propose un système à.'actions correctives. Conformément à son principe de justification, elle
souligne que les coûts sociaux relatifs aux mesures de réduction à entreprendre doivent être justifiés
par le bénéfice à en tirer sur le plan sanitaire. La Commission admet une grande flexibilité et ne
suggère pas la fixation de niveaux d'action* universellement applicables. Elle recommande
néanmoins que si l'action corrective est simple à mettre en oeuvre, un niveau d'action
correspondant à une concentration radon à l'équilibre de l'ordre de 200 Bq.m"3 doit être considéré.
Pour des actions beaucoup plus importantes, une valeur plusieurs fois plus élevée peut être admise.
En ce qui concerne les situations futures, la Commission recommande un système de réduction
similaire à celui pour les sources artificielles. L'exposition dans les maisons doit être limitée à un
niveau de radon acceptable constituant une limite supérieure ("upper bound"). Souhaitant en
pratique que cette limite soit plus faible que celle préconisée pour les habitations existantes, la
CIPR recommande une valeur de 100 Bq.m"3 pour les habitations qui seront construites dans le
futur. Il est clair que l'application d'une telle limite de concentration peut avoir une incidence sur
les normes de construction.
Dans ses recommandations de 1990, la CIPR [7] a précisé le champ d'application des limites
de dose pour l'exposition du public aux rayonnements ionisants. Le système des limites de dose ne
s'applique qu'aux doses résultant d'une pratique. Les doses correspondant aux situations où la seule
action de protection possible prend la forme d'une intervention en sont exclues. Le radon dans les
maisons et l'atmosphère extérieure, les matériaux radioactifs naturels ou artificiels déjà présents
dans l'environnement sont des exemples de situations qui ne peuvent être influencées que par une
intervention.
La publication 60 de la CIPR souligne que le radon dans les habitations nécessite une
attention particulière car les doses collectives et les doses individuelles venant du radon sont plus
élevées que celles dues à n'importe quelle autre source. Si des améliorations sont nécessaires dans
les habitations existantes, elles doivent être apportées par une intervention entraînant des
modifications sur les habitations ou sur le comportement des occupants.
Devant l'importance des questions non résolues et pour lever certaines ambiguïtés apparues
dans la publication 60, la CIPR a fait paraître en 1993 un rapport spécifique sur la protection contre
le radon dans les maisons et les lieux de travaU, y compris les mines [8].
Concernant l'estimation du risque sanitaire lié au radon dans les maisons, la Commission
recommande de ne pas utiliser le modèle dosimétrique de l'arbre respiratoire (publication 66, à
paraître) dont le champ d'application pratique est toujours en cours de développement. Elle
a
Niveau de concentration annuel moyen au dessus duquel il est recommandé d'entreprendre des mesures de réduction.
230
préconise d'utiliser les résultats plus directs des études épidémiologiques chez les mineurs
d'uranium.
La Commission recommande par ailleurs de délimiter les régions "à risque radon". Tout en
laissant la possibilité de choisir un autre critère en fonction des conditions locales, elle suggère de
désigner les régions comme étant "à risque", celles où plus de 1% des maisons ont des teneurs en
radon supérieures à 10 fois la moyenne nationale.
Tout en considérant que le radon dans les maisons ne présente probablement pas un danger
aigu pour la santé, la Commission préconise que l'intervention soit mise en oeuvre rapidement dans
tous les cas où des concentrations élevées sont mises en évidence. Elle ajoute également que
l'intervention est praticable et généralement plus rentable que beaucoup d'autres investissements
consentis en matière de radioprotection.
54.3.2. L'AIEA
a
Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des sources de
rayonnements (NFR)
231
contrôler l'exposition. La distinction est faite entre les bâtiments existants et les constructions
futures.
- que soit fixé un niveau de référence au-delà duquel des mesures simples mais efficaces
d'abaissement du niveau de radon seront envisagées;
- que ce niveau de référence corresponde à un équivalent de dose efficace de 20 mSv.an"1, lequel
peut être considéré, dans la pratique, comme équivalent à une concentration annuelle moyenne
de radon de 400 Bq.m"3;
- que l'évaluation de l'urgence commandant la mise en oeuvre des actions correctives tienne
compte de l'ampleur du dépassement du niveau de référence;
- que lorsque des actions correctives sont jugées nécessaires, la population soit informée des
niveaux de radon auxquels elle est exposée et des solutions permettant de les réduire.
- que soit fixé un niveau de conception destiné à guider les autorités compétentes dans
l'établissement de règlements, de normes ou de codes de pratique de la construction applicables
aux cas présentant un risque de dépassement de ce niveau;
- que le niveau de conception corresponde à un équivalent de dose efficace de 10 mSv.an"1, lequel
peut être considéré, dans la pratique, comme équivalent à une concentration annuelle moyenne
de radon de 200 Bq.m"3;
- que des informations soient fournies comme il convient à toutes les personnes concernées par la
construction de bâtiments nouveaux sur les niveaux d'exposition possibles en radon et sur les
mesures préventives pouvant être prises.
Sur la base des conclusions issues des différents travaux de groupes d'experts (CEPR, BEIR)
ou d'instances internationales (CCE, UNSCEAR, OMS, CIRC), des recommandations ont été
formulées dans plusieurs pays [10]. C'est le cas aux Etats-Unis sous l'impulsion de 1'Environmental
Protection Agency (EPA) ou encore au Royaume-Uni grâce au National Radiological Protection
Board (NRPB). Dans certains pays, les recommandations relatives au risque radon prennent en
compte les potentialités des sols à émettre du radon. Ainsi, en Suède, le Swedish Board of Physical
Planning and Building a défini une classification des régions en trois catégories en fonction de la
teneur des sols en radon: risque faible, risque moyen et risque élevé. Cette classification est basée
sur des considérations géologiques: teneur des sols en uranium, perméabilité des sols, zones de
fracturations ou de failles géologiques, etc. Ce type de classification doit permettre théoriquement
de localiser les régions ayant de fortes probabilités de présenter des situations excédant les niveaux
d'action recommandés. En dehors de l'établissement de niveaux de référence, d'autres
recommandations ont également été suggérées dans différents pays pour réduire le problème du
radon dans les habitations, par exemple:
- mener des campagnes de mesure systématiques, en particulier dans les régions à risque
potentiellement élevé;
- mettre en place des programmes d'accréditation d'entreprises de mesure du radon;
232
- développer des techniques de réduction (contre-mesures) de la concentration en radon;
- informer les populations.
Des mesures incitatives plus fortes que les recommandations existent aussi dans quelques
pays:
- mesure de radon gratuite dans les régions "à risque" (par exemple en Suède ou au Royaume-
Uni);
- avis technique sur les techniques de réduction applicables dans une maison dépassant le niveau
d'action (Royaume-Uni);
- prêts bonifiés pour les travaux correctifs (Suède);
- obligation de présenter un certificat de mesure lors de transactions immobilières (certains états
des USA, Suède).
Sans être nécessairement définie par des dispositions légales contraignantes, une politique de
limitation de l'exposition du public au radon dans les habitations doit reposer sur un certain nombre
de mesures:
Tout cet ensemble de mesures suppose que le rôle respectif des différents acteurs
(internationaux, nationaux, instituts, ministères, élus aux différents niveaux etc.) soit clairement
défini et que les réponses à un certain nombre d'interrogations soient satisfaisantes:
REFERENCES
[1] UNITED NATIONS SCIENTIFIC COMMITTEE ON THE EFFECTS OF ATOMIC
RADIATION. Sources and Effects of Ionizing Radiation, UNSCEAR 1993 Report to the
General Assembly with Scientific Annexes, United Nations, New York (1993).
233
[3] COMMITTE ON THE BIOLOGICAL EFFECTS OF IONIZING RADIATIONS OF THE
US NATIONAL RESEARCH COUNCIL. Health risks of radon and other internally
deposited alpha-emitters. Washington DC: National Academy Press (1988).
[5] STIDLEY, C.A., SAMET, J.M. A review of écologie studies of lung cancer and indoor
radon. Health Physics. 65(3), 234-251 (1993).
[10] The Natural Radiation Environment, Proceedings of the fifth International Symposium on the
Natural Radiation Environment held at Salzburg, Austria, September 22-28, 1991. Radiât.
Prot. Dosim. 45(1-4) (1992).
234
CHAPITRE 55. GESTION DES EFFLUENTS ET DES DECHETS
Y. Marque
55.1. INTRODUCTION
Une approche saine de la connaissance des problèmes liés aux déchets radioactifs doit être
conduite en tenant compte des deux constatations suivantes:
Une étude publiée en Juillet 1991 par l'ancienne Agence nationale pour la récupération et
l'élimination des déchets (ANRED), intégrée depuis dans la nouvelle Agence pour les déchets et la
maîtrise de l'énergie (ADEME), montre [1] que la France produit chaque année 579 millions de
tonnes de déchets qui se répartissent de la façon suivante:
L'industrie nucléaire n'échappe pas à cette loi générale. En 1993, la production française de
déchets radioactifs est de l'ordre de 50 000 tonnes, toutes applications confondues (électronucléaire,
recherche, utilisation des radioéléments en médecine et dans l'industrie, etc.).
Par ailleurs, la radioactivité est un phénomène naturel. Cette radioactivité naturelle provient
pour partie de celle engendrée lors de la création de notre planète, et pour partie d'une création
continue sous l'action du rayonnement cosmique.
235
En France, l'équivalent de dose imputable à la radioactivité de la croûte terrestre et au
rayonnement cosmique varie de 1 mSv à 3 mSv par an suivant les régions [2].
La radioactivité naturelle mesurée dans les roches va de quelques becquerels par gramme
(roches sédimentaires) à plusieurs centaines de becquerels par gramme (roches granitiques), due
essentiellement à l'uranium 238, au thorium 232, au radium 226 et à leurs descendants, ainsi qu'au
potassium 40. C'est cette radioactivité naturelle de la croûte terrestre qui est à l'origine de la
contamination de l'atmosphère par le radon. Le sol de France contient, sur toute la superficie et sur
un mètre de profondeur, 3,7.1016 Bq (un million de curies) d'uranium et 1,5.1016 Bq (400 000
curies) de thorium 232.[3]
Les principaux éléments radioactifs naturels formés sous l'action du rayonnement cosmique
sont le tritium, le carbone 14, et le béryllium 7. Les activités de l'atmosphère en tritium et en
carbone 14 sont respectivement de 1,04.1018 Bq et 6,7.1011 Bq.[3]
On peut définir la gestion des déchets radioactifs comme étant l'ensemble des opérations
destinées à assurer, pendant toute la durée nécessaire et en toutes circonstances raisonnablement
prévisibles, la protection des personnes contre des risques radiologiques qui ne seraient pas
acceptables. Elle doit viser également à préserver l'environnement et limiter les contraintes induites
pour les générations futures.
Trois critères fondamentaux se dégagent de cette définition, qui auront toute leur importance
dans le choix des méthodes de gestion, et par voie de conséquence sur les coûts correspondant:
- la durée nécessaire: il s'agira de fixer la longueur de la période pendant laquelle les dispositions
prises pour assurer cette protection devront être maintenues et conserver toute leur efficacité. On
verra plus loin que cette durée est très liée à la nature des déchets et aux options techniques
retenues pour les gérer;
- les circonstances raisonnablement prévisibles: l'évaluation de sûreté devra présenter les
scénarios retenus tout au long des différentes phases de la vie du déchet, en situation normale
d'une part, mais aussi en imaginant des situations accidentelles avec, le cas échéant une
appréciation de leur degré d'occurrence. Là encore, les caractéristiques des déchets et les
options techniques choisies ont une grande influence;
- les risques inacceptables: toute activité humaine est génératrice de risques. L'homme a retiré des
pratiques qui ont généré les déchets radioactifs un certain bénéfice qu'il faudra comparer aux
risques potentiels pour le long terme, liés aux modes de gestion retenus.
Tous ces éléments devront être étudiés dans le détail par les entités impliquées dans la gestion
des déchets, et les solutions analysées par les autorités de sûreté compétentes. Par ailleurs, une
large information du public devra accompagner de façon continue le déroulement des programmes.
Une saine gestion des déchets radioactifs doit s'appuyer sur des bases réglementaires et
institutionnelles solides. En particulier, il est indispensable de séparer clairement les responsabilités
entre les différents opérateurs et les organismes de sûreté et de contrôle. A titre d'exemple, on
trouvera ci-après la description de l'organisation française en la matière.
236
55.3.1. Principes de base
Principe n °1
La gestion à long terme est confiée à un organisme d'état indépendant des producteurs,
l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).
Principe n °2
Les responsabilités sont clairement attribuées entre les différents partenaires impliqués, à
savoir:
- les producteurs de déchets;
- un organisme public chargé de la gestion à long terme;
- les autorités de sûreté;
- les organismes de recherche;
- l'industrie.
Principe n °3
Les producteurs de déchets supportent directement la totalité des coûts de la chaîne de gestion
de leurs déchets (traitement, transport, élimination).
Elles sont adoptées par le Parlement (Assemblée Nationale et Sénat) et promulguées par le
Président de la République.
On citera:
- la loi 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des
matériaux, complétée par la loi 88-1261 du 30 décembre 1988 et modifiée par la loi 92-646 du
13 juillet 1992;
- la loi 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de
l'environnement, modifiée par les lois 76-1285 du 31 décembre 1976 et 77-1468 du 30
décembre 1977;
- la loi 80-572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires;
- la loi 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la
protection de l'environnement;
- la loi 91-1381 du 30 décembre 1991 sur la recherche en matière de gestion des déchets
radioactifs à vie longue.
237
55.3.2.3. Les arrêtés ministériels ou préfectoraux
Elles sont établies par les services chargés de faire appliquer les textes précédents.
Les différents intervenants dans la gestion des déchets radioactifs sont les suivants:
En application de la loi de 1975, qui intéresse tous les déchets y compris les déchets
radioactifs, le producteur de déchets est responsable de l'élimination de son déchet par une voie
agréée. Il doit par ailleurs supporter la totalité des charges financières liées à l'élimination de son
déchet. Pour ce qui concerne les déchets radioactifs, l'organisme unique chargé de la gestion à long
terme est l'ANDRA.
Il est en règle générale responsable du conditionnement de son déchet sous forme d'un colis
directement apte au stockage. Toutefois, dans un certain nombre de cas préalablement définis,
l'ANDRA peut prendre en charge un déchet brut et en assurer elle-même le conditionnement. Dans
tous les cas, le producteur supportera la totalité des charges financières correspondantes.
La responsabilité du transport est assumée soit par le producteur soit par l'ANDRA, dans des
conditions préalablement définies par les deux partenaires et dans le respect de la réglementation en
vigueur.
55.3.3.2. L'ANDRA
La loi du 30 décembre 1991 définit les missions et responsabilités de l'ANDRA en ces termes
dans son article 13:
"Cette agence est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs,
et notamment:
- en coopération notamment avec le Commissariat à l'énergie atomique, de participer à la
définition et de contribuer aux programmes de recherche et de développement concernant la
gestion à long terme des déchets radioactifs;
- d'assurer la gestion des centres de stockage à long terme, soit directement, soit par
l'intermédiaire de tiers agissant pour son compte;
- de concevoir, d'implanter et de réaliser les nouveaux centres de stockage compte tenu des
perspectives à long terme de production et de gestion des déchets et d'effectuer toutes études
238
nécessaires à cette fin, notamment l'exploitation de laboratoires souterrains destinés à l'étude des
formations géologiques profondes;
- de définir, en conformité avec les règles de sûreté, des spécifications de conditionnement et de
stockage des déchets radioactifs;
- de répertorier l'état et la localisation de tous les déchets radioactifs se trouvant sur le territoire
national."
L'ANDRA est un établissement public, industriel et commercial (EPIC), placé sous la triple
tutelle des ministères chargés de l'industrie, de l'environnement, et de la recherche. Son Président
est élu par les membres de son Conseil d'administration, et son Directeur général nommé, sur
proposition du Président du Conseil d'administration, par décret pris sur le rapport des ministres de
tutelle.
L'agence est dotée d'un Comité financier, et un Conseil scientifique émet des avis et est tenu
informé sur l'exécution de ses programmes de recherche.
Les autorités en charge de la sécurité nucléaire ont pour mission de définir les objectifs,
d'émettre leur avis sur les solutions techniques proposées par les différents opérateurs (producteurs
de déchets et ANDRA) et de s'assurer par des contrôles que les actions poursuivies sont conformes
aux règles imposées.
Pour ce qui concerne les déchets radioactifs, elles relèvent en France de différents ministères:
Les organismes de recherche ont pour mission d'apporter leur concours aux entités
présentées plus haut dans la mesure de leurs besoins: mise au point ou validation de procédés de
traitement, études de vieillissement de matériaux, sciences de la terre, modélisation de phénomènes,
etc.
55.3.3.5. L'industrie
L'industrie a essentiellement pour rôle de réaliser pour leur compte et avec la qualité requise
les projets définis par les producteurs et l'ANDRA dans le respect des règles fixées par les autorités
de sûreté.
239
55.4. LES DECHETS RADIOACTIFS
55.4.1. Définitions
"résidu provenant de l'utilisation de matières radioactives dont aucun usage n'est prévu
d'après l'état le plus récent des connaissances, et dont le niveau d'activité ne permet pas
l'évacuation sans contrôle dans l'environnement"
Cette définition implique ainsi deux notions différentes:
- la notion de déchet, qui résulte de la décision prise par le propriétaire du matériel ou matériau
de considérer que le produit en cause ne présente plus d'intérêt pour lui et qu'il décide de s'en
débarrasser;
- la notion de niveau de radioactivité relativement au risque présenté par la décharge du produit
dans l'environnement.
A ces deux notions s'ajoute celle de "déchet ultime", qui en France est défini dans la loi du
13 juillet 1992 comme étant:
"un déchet résultant ou non du traitement d'un déchet, qui n'est plus susceptible d'être
traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la
part valorisable ou par réduction de son caractère polluant et dangereux"
Dans la pratique, on réserve l'appellation "déchets" aux matériaux solides, et l'on nomme
"effluents" les déchets liquides ou gazeux. On verra plus loin que la gestion à long terme, mis à
part les rejets dans l'environnement dans les limites autorisées d'effluents liquides ou gazeux,
considère exclusivement des déchets solides ou solidifiés.
Les producteurs de déchets peuvent être classés en quatre grandes familles, dont l'importance
relative est fonction du développement d'un programme électronucléaire, de l'importance des
programmes de recherche, des activités industrielles mettant en jeu des produits radioactifs, et de
l'utilisation des radioélément.
La seconde famille correspond aux grands laboratoires de recherche. Les déchets offrent une
diversité plus grande et les productions sont réparties de façon plus aléatoire dans le temps.
La troisième famille est relative aux industries à vocation non nucléaire mais utilisant des
matières premières contenant des produits radioactifs naturels: industrie des phosphates, extraction
des terres rares, etc.
240
55.4.3. Les déchets
L'exploitation des réacteurs engendre des déchets dits "de procédé" liés au fonctionnement du
réacteur: déchets résultant du traitement du circuit primaire (résines échangeuses d'ions, filtres de
circuits d'eau), filtres des installations de traitement des effluents liquides (concentrats
d'evaporation, résines échangeuses d'ions), déchets provenant du traitement des effluents gazeux
(préfiltres et filtres absolus, pièges à iode). Les opérations d'entretien induisent des déchets dits
"technologiques": déchets solides tels que chiffons, papiers, carton, feuilles ou sacs de vinyle,
pièces en bois ou métalliques, gravats, gants, tenues d'intervention; déchets liquides, huiles et
effluents de décontamination.
Ces déchets contiennent en majeure partie des produits de corrosion activés dans les circuits
réacteur (cobalt 60, nickel 63, fer 59, etc.) et dans une moindre mesure du césium 137, dont
l'activité varie en fonction de l'origine entre quelques dixièmes de gigabecquerels par mètre cube à
plusieurs milliers de gigabecquerels par mètre cube.
Enfin, les opérations liées à l'aval du cycle produisent des déchets dont les caractéristiques
dépendent de l'option retenue: il s'agit des combustibles irradiés dans le cas d'un non retraitement,
contenant l'uranium non utilisé, les transuraniens et transplutoniens formés, et la quasi totalité des
produits de fission, ou des déchets débarrassés de la majeure partie de l'uranium et du plutonium
dans l'hypothèse du retraitement. Il est à noter que, dans un cas comme dans l'autre, la plus grande
partie de la radioactivité des déchets du cycle du combustible se trouve concentrée dans les déchets
de l'aval du cycle.
Les déchets des grands laboratoires de recherche sont d'origine et de caractéristiques très
variées suivant la nature des programmes de recherche. Là encore on trouve les déchets
directement issus des expérimentations en cours, et les déchets provenant de la maintenance des
installations et équipements. On verra plus loin qu'ils nécessitent une caractérisation spécifique de
chaque installation.
241
55.4.3.3. Déchets radioactifs des industries à vocation non nucléaire
On a vu plus haut qu'il s'agissait de procédés industriels utilisant comme matière première
des matériaux contenant des radioéléments naturels et dont les rebuts se trouvent être contaminés
par ces radioéléments naturels à des concentrations supérieures à celle des matériaux d'origine. Ces
déchets doivent alors être considérés comme des déchets radioactifs dont le traitement peut être
semblable à celui des déchets miniers.
Par opposition aux gros producteurs que sont les groupes industriels intervenant dans le cycle
du combustible nucléaire, il s'agit ici de ce qu'il est généralement convenu d'appeler les "petits
producteurs". Comparés aux gros producteurs de déchets radioactifs, ces petits producteurs
présentent les caractéristiques suivantes:
Les déchets et leurs producteurs étant présentés, la conduite à bonne fin de sa mission
implique pour l'organisme chargé de la gestion à long terme:
- une évaluation précise des besoins, se traduisant par l'établissement de prévisions fiables de
production de déchets couvrant une période de temps à l'échelle des programmes à réaliser,
c'est à dire pratiquement sur plusieurs dizaines d'années;
- la définition d'une politique présentant les grandes options retenues pour l'évacuation des
déchets, associée à l'élaboration d'une stratégie exposant les modalités d'application de cette
politique: ceci se traduit généralement par la publication d'un programme national de gestion des
déchets approuvé par les autorités gouvernementales;
- l'évaluation et la mise en place des financements correspondants.
Pour illustrer la suite de cet exposé, on prendra dans la suite de ce chapitre les options
retenues en France.
Pour les besoins de la gestion à long terme, les déchets sont classés en France en deux
grandes familles:
242
- la première famille regroupe les déchets "à vie courte ou moyenne et de faible ou moyenne
activité". Ils contiennent essentiellement des radionucléides émetteurs bêta-gamma de période
inférieure à 30 ans et, dans certains cas, des radionucléides à vie longue en très faible quantité.
La plupart de ces déchets, comme par exemple les résines échangeuses d'ions et les filtres
provenant de la purification de l'eau des circuits de refroidissement, ou les outillages et matières
utilisées pour l'exploitation et la maintenance des installations, sont produits par les centrales
nucléaires et les usines de retraitement du combustible irradié. Le reste provient de l'exploitation
et de la maintenance des usines à l'amont du cycle du combustible, des grands centres de
recherche, et de nombreux petits utilisateurs dans l'industrie, les universités et les hôpitaux.
Cette première famille correspond à 95 % du volume total des déchets produits mais contient
seulement 1 % de la radioactivité totale. On les appelle souvent en France "déchets de catégorie
A";
- la seconde famille couvre les déchets contenant une quantité significative de radionucléides à vie
longue, essentiellement des transuraniens et transplutoniens, associés ou non à des émetteurs
bêta-gamma à vie courte. Les substances radioactives de cette catégorie proviennent des
combustibles irradiés, que ceux-ci soient ou non retraités. Quand ces combustibles irradiés sont
retraités, il est possible d'identifier deux catégories de déchets a vie longue issus du
retraitement:
- les déchets alpha, du nom des principaux émetteurs à vie longue qu'ils contiennent.
Ces déchets sont de faible ou moyenne activité, avec une puissance thermique
faible. On les appelle aussi "déchets de catégorie B",
- les déchets vitrifiés, du nom de leur procédé de conditionnement. Ils contiennent, en
sus des éléments à vie longue, une grande quantité de produits de fission qui leur
confère une puissance thermique importante décroissant dans le temps selon la
période du césium 137 et du strontium 90 (30 ans). Ce sont les déchets de catégorie
C.
Pour ce qui concerne les déchets à vie courte, l'évaluation des besoins à moyen terme en
capacité de stockage a été basée sur une livraison annuelle d'environ 35 000 m3 sur 30 ans à
compter de 1991, soit un volume total de 1 000000 m3. En pratique, les efforts faits par les
producteurs pour réduire les déchets à la source et améliorer leurs techniques de gestion ramènent
ces prévisions à environ 20 000 m 3 par an, ce qui prolongera d'autant la durée d'exploitation des
installations de stockage.
Pour ce qui concerne les déchets à vie longue, et sur la base du conditionnement actuel des
déchets issus du retraitement, soit respectivement pour les déchets alpha et les déchets vitrifiés
environ 2 m 3 et 0,12 m3 par tonne de métal lourd, et pour un programme de retraitement de 1 100
t.an"1 sur 30 ans, on aboutit en intégrant les stocks antérieurs à:
Les déchets à vie courte sont stockés dans des centres de surface dans des structures
ingénieries en utilisant un dispositif de confinement dit "à barrières multiples".
243
département de l'Aube, avec une capacité d'un million de mètres cube, et devrai couvrir les besoins
jusque dans les années 2030.
La loi du 30 décembre 1991 fixe le cadre des recherches à effectuer pour la gestion des
déchets à vie longue dans trois axes différents:
- séparation des actinides et transmutation des éléments à période longue en éléments de courte
période;
- étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible en formation géologique profonde,
en particulier par la construction et l'exploitation de laboratoires souterrains;
- études sur le conditionnement des déchets pour un entreposage de longue durée.
Les programmes de recherche et de construction sont préfinancés par les producteurs au fur
et à mesure des besoins. Les modalités pratiques de ce financement sont réglées dans le cadre d'un
contrat entre l'ANDRA et ces producteurs, la clef de répartition entre producteurs étant définie sur
la base des prévisions de livraison de déchets dans le centre considéré.
Le principe de base du stockage en surface des déchets radioactifs solides ou solidifiés est la
protection du déchet contre les agressions de l'homme et de l'eau pendant le temps nécessaire à la
diminution de la radioactivité, par décroissance naturelle, jusqu'à un niveau où elle ne présente plus
de risque pour l'environnement.
- la période opérationnelle pendant laquelle les déchets sont reçus et mis en place dans les
ouvrages de stockage. L'activité stockée croit jusqu'à une limite supérieure atteinte à la fin de la
période opérationnelle;
- la période de surveillance pendant laquelle l'activité diminue par décroissance naturelle. Un
contrôle régulier de l'état et de l'efficacité du stockage est régulièrement exercé;
- la période de banalisation pendant laquelle ne subsiste plus aucune contrainte d'ordre
radiologique pour l'utilisation du site.
Le principe de base énoncé ci-dessus est applicable dans la mesure où la durée nécessaire de
la période de surveillance est jugée acceptable à l'échelle des sociétés humaines, par exemple
quelques centaines d'années (en France, 300 ans au plus).
Ceci implique:
- que les déchets stockés contiennent essentiellement des émetteurs à vie courte et moyenne, pour
éviter les "points chauds" à la fin de la phase de surveillance;
- que l'activité spécifique de ces déchets soit faible ou moyenne;
- que soit fixée une valeur maximale pour l'activité totale stockée sur le Centre à la fin de la
période d'exploitation.
244
Les objectifs de sûreté et les bases de conception pour les centres de surface destinés au
stockage à long terme des déchets radioactifs solides de période courte ou moyenne et de faible ou
moyenne activité massique sont définis en France dans la Règle Fondamentale de Sûreté n°1.2
éditée par la Direction de la sûreté des installations nucléaires.
Les objectifs fondamentaux de sûreté fixés par cette règle sont au nombre de deux:
Les options techniques retenues reposent sur la mise en place d'un système à barrières
multiples entre la radioactivité et l'environnement humain. On découpe en général ce système en
trois composantes principales:
- le colis de déchets prenant en compte les propriétés liées à la nature physico-chimique du déchet,
les caractéristiques de la matrice d'enrobage si elle existe, et les performances du conteneur;
- les ouvrages réalisés sur le Centre pour assurer la protection des colis: couverture, dalle de
pose, ouvrages complémentaires en béton, etc.;
- le terrain naturel en place.
C'est l'efficacité conjuguée de ces trois barrières qui doit permettre de garantir un
confinement suffisant de la radioactivité en situation normale et des conséquences acceptables pour
l'environnement en situation incidentelle raisonnablement envisageable.
Il apparaît dès ce stade de la présentation que l'on peut suivant les possibilités ou la stratégie
retenue porter son effort sur telle ou telle barrière: un colis de déchets hautement élaboré permet de
réduire les performances exigées pour la seconde barrière. De même, un site aux conditions
climatiques, géologiques et hydrogéologiques montrant un pouvoir de fixation ou de "confinement"
de la radioactivité très élevé pourrait conduire à alléger d'autant les contraintes associées aux
performances exigées des deux premières barrières.
On voit immédiatement toute la souplesse et la flexibilité du système. Mais quelles que soient
les options retenues, il est indispensable de mettre en place les moyens de surveillance qui
permettent de suivre l'évolution du stockage et d'en contrôler l'efficacité.
La Règle Fondamentale de Sûreté 1.2 citée plus haut impose que la sécurité du stockage soit
intrinsèque: en situation normale, la protection de l'environnement doit reposer sur l'efficacité des
deux premières barrières seulement, le milieu géologique n'intervenant qu'en situation anormale
pour atténuer les effets d'une déficience des deux premières barrières. Dans ce dernier cas, il
faudra montrer que, pour tous les scénarios envisagés, les performances du milieu réduisent
l'impact radiologique sur l'environnement à un niveau acceptable.
Les considérations précédentes montrent que le stockage lui-même n'est qu'un maillon de la
chaîne et qu'une gestion efficace du déchet doit nécessairement prendre en compte toutes les
opérations effectuées, souvent par des partenaires différents, de la production du déchet brut
jusqu'au stockage définitif.
Le souci d'optimiser aux plans technique et économique la gestion à long terme des déchets à
vie courte a conduit l'ANDRA à mettre en place, en concertation avec les producteurs de déchets,
les autorités de sûreté, et les principaux sous-traitants, un système intégré de gestion couvrant
l'ensemble des activités de conditionnement, transport, et stockage des différents types de déchets
produits.
Le premier volet s'appuie sur des spécifications techniques établies par l'ANDRA sur la base
de la réglementation générale et des prescriptions imposées par les autorités de sûreté. Les
producteurs de déchets ont alors obligation de présenter à l'ANDRA un dossier d'agrément pour
chaque type de colis qu'ils envisagent de fabriquer. Ce dossier comprend:
Le suivi du déchet depuis sa fabrication jusqu'à son emplacement sur le Centre de stockage
est le deuxième volet important du système de gestion intégré. Elément essentiel pour la sûreté, il
permet par ailleurs de réguler les transports et faciliter la gestion du Centre de stockage. L'ANDRA
a mis en place un réseau informatisé assurant une liaison en ligne des différents centres
producteurs, des centres de stockage, et des bureaux parisiens de l'ANDRA. Ce dispositif permet
pour chacun des colis fabriqués par un producteur:
- d'identifier le colis;
- d'enregistrer ses caractéristiques précises (nature du déchet, nature et activité des radioéléments
contenus, conditionnement, conteneur, etc.);
- de comparer ces caractéristiques avec la banque de données des colis agréés,
- de prononcer la conformité du colis au dossier d'agrément et par là même de donner
l'autorisation d'expédition au producteur;
- de suivre la position du colis depuis l'installation de production jusqu'à l'emplacement de
stockage;
- d'exploiter le Centre de stockage conformément à la réglementation en vigueur et de tenir à jour
un inventaire des radioéléments stockés. C'est sur la base de cet inventaire que sera déterminée
avec précision, à la fin de la période d'exploitation du Centre, la durée de la période de
surveillance (au maximum 300 ans).
Le Centre de la Manche est le premier centre français de stockage en surface de déchets à vie
courte de faible et moyenne activité. Mis en service en 1969 et exploité par INFRATOME, société
de droit privé conseillée techniquement par le Commissariat à l'énergie atomique, ses conditions
d'exploitation ont progressivement évolué tant au plan technique qu'au niveau des responsabilités,
pour aboutir en 1980 à la situation actuelle.
L'évolution du stockage est étroitement liée à l'élaboration au fil de l'expérience des options
techniques de sûreté découlant des objectifs de sûreté fixés dans le cadre d'une politique générale de
gestion à long terme des déchets radioactifs.
246
Les principales étapes de cette évolution peuvent être résumées comme suit:
Les déchets seront dits de faible activité si leur activité volumique est inférieure à 1 000 fois
la concentration maximale admissible dans l'eau des radionucléides contenus".
1979 - Création de l'ANDRA et prise en charge par cet organisme du Centre de stockage de la
Manche.
1979 - Publication par le Service central de sûreté des installations nucléaires des prescriptions
techniques relatives au Centre de la Manche.
1984 - Parallèlement et sur les bases de l'expérience acquise, le Service central de sûreté des
installations nucléaires ( depuis Direction de la sûreté des installations nucléaires), mettait au point
et éditait le 19 juin 1984 la révision n° 1 de la Règle fondamentale de sûreté n° 1.2 déjà citée.
Le texte précise la conception des ouvrages de stockage type, à savoir les tumulus
(empilement de colis dont les interstices sont comblés par un matériau de remplissage) et les
monolithes (structures monolithiques), tout en laissant une latitude pour la conception d'ouvrages
plus spécifiques liés à des colis particuliers.
Tous ces ouvrages doivent être réalisés sur des aires aménagées constituées par des dalles en
béton dans lesquelles sont ménagés des caniveaux périphériques délimitant les ouvrages ou groupes
d'ouvrages et permettant ultérieurement de collecter et contrôler les éventuelles eaux d'infiltration.
Il précise par ailleurs la notion importante de procédure d'agrément des déchets par le
gestionnaire du Centre de Stockage, procédure à laquelle doit se soumettre le producteur de
déchets.
247
Ces mesures associées à la nécessaire garantie de la qualité tout au long de la chaîne de
gestion du déchet ont abouti à la mise en place par l'ANDRA du Système intégré de gestion des
déchets de faible et moyenne activité à vie courte décrit plus haut, et dont le stockage lui-même est
un des maillons.
Bien que chaque colis possède ses caractéristiques spécifiques, on peut cependant classer les
colis livrés sur le Centre de la Manche en trois grandes catégories:
1) les colis dont le conditionnement permet le stockage sans barrière complémentaire autre que la
couverture de protection contre les éventuelles eaux d'infiltration. Ils sont simplement empilés
sur des plates-formes sous forme de tumulus;
2) les colis dont les caractéristiques nécessitent une barrière complémentaire soit pour le
confinement, soit pour la tenue mécanique de l'ouvrage. Ils sont stockés dans des alvéoles en
béton armé, les vides interstitiels étant comblés par un matériau de remplissage pour réaliser un
ensemble monolithique présentant toute garantie de tenue dans le temps;
3) les colis nécessitant soit un conditionnement complémentaire (par exemple injection de béton in
situ) soit un reconditionnement (par exemple compactage et blocage par du béton) avant d'être
stockés dans l'une ou l'autre des structures mentionnées ci-dessus.
Cette dernière solution avait été retenue afin de réduire les charges transportées (béton) ou
lorsque l'économie globale du système est favorable à un conditionnement centralisé sur le centre
de stockage (compactage des fûts).
Il est évident que le prix payé par le producteur, à volume équivalent, va en croissant de la
catégorie 1 à la catégorie 3.
Parallèlement à ses trois grandes catégories, tout colis de caractéristiques particulières fait
l'objet d'un examen spécifique et d'un stockage adapté (par exemple, échangeurs de température
des réacteurs, gros appareillages des usines, etc.).
1992 - Le volume total de déchets stockés au 31.12.1992 s'élève à 502 186 m3. Les dernières
livraisons sont prévues pour la fin du mois de juin 1994. A cette époque, la capacité du Centre de
la Manche, soit 525 000 m3, sera atteinte.
La couverture mise en place au Centre de la Manche repose sur les principes suivants:
- quelles que soient les précautions prises dans la qualification des matériaux et de leur mise en
oeuvre, il est raisonnable de concevoir une couverture dont le maintien en état puisse être assuré
aisément tout au long de la période de surveillance;
- la réparation d'une défaillance sera d'autant plus aisée que sa localisation sera facile et précise.
248
Cette couverture est constituée par un ensemble multicouche dont la composante principale
est une membrane bitumineuse.
C'est ainsi que l'on trouve successivement du bas vers le haut, à partir du sommet des
ouvrages de stockage:
- une couche de forme terrassée en une succession de pans inclinés en forme de toit;
- une couche drainante;
- une géomembrane bitumineuse;
-une couche drainante;
- une couche de protection en schistes destinée à protéger la membrane contre les racines ou les
rongeurs;
- un tapis végétal à faible développement racinaire, évitant le dessèchement et le craquellement
des couches imperméables sous-jacentes, s'opposant au ravinement et à l'érosion mécanique et
répartissant le ruissellement vers un réseau de collecte des eaux de pluie (appelé réseau pluvial).
Cette structure devant être étanche et pérenne, des exigences particulièrement sévères
imposent la recherche d'une qualité optimale à chaque phase des travaux.
Le choix de la membrane bitumineuse a été effectué après des mesures de permeation sur
membranes neuves vieillies en laboratoire ou sur des échantillons prélevés sur des ouvrages en
service. Enfin, la biodégradation particulièrement difficile et lente du bitume qui permet de voir de
nos jours des bitumes de 4 000 ans d'âge a également fait opter pour la membrane géobitumineuse.
Le système d'assurance qualité mis en place pour ce projet spécifie que 100 % des surfaces
soudées de géomembrane sont contrôlées par ultrasons. La réparation d'une soudure est décidée
après une analyse statistique portant sur la taille, le nombre et la position des défauts décelés lors
des contrôles.
A noter enfin la réalisation d'un bâtiment d'accueil du public qui sera ouvert pendant la phase
de surveillance.
249
Le passage en phase de surveillance s'effectuera dans le cadre d'une procédure définie par les
pouvoirs publics, procédure qui prévoit le déroulement d'une enquête publique.
La décision de construire un second centre de stockage pour les déchets à vie courte de faible
et moyenne activité a été rendue publique par le secrétaire d'Etat à l'énergie le 19 juin 1984, après
approbation par les pouvoirs publics du programme national de gestion des déchets radioactifs
préparé par l'ANDRA.
Dès le mois d'octobre 1984, la phase de sélection d'un site était entamée dans les
départements de l'Aube et de l'Indre, puis de la Vienne, zones jugées à priori favorables à l'issue
d'une phase antérieure de présélection. Ces trois zones d'action ont été complétées par une
campagne de mesures sur le territoire de la commune de Cholet (Maine et Loire), qui avait présenté
spontanément sa candidature.
En juillet 1985, après dépôt d'un dossier préliminaire de synthèse, l'ANDRA recevait
l'autorisation de poursuivre ses investigations dans l'Aube afin d'être en mesure de déposer un
dossier de demande de déclaration d'utilité publique (DUP) et un dossier de demande d'autorisation
de création d'installation nucléaire de base (DAC) pour le site du PLI dans l'été 1986.
Ces dossiers étaient effectivement déposés avant la fin du mois de juillet 1986, et l'enquête
publique correspondante s'est déroulée du 29 septembre au 10 novembre 1986.
La procédure de DUP s'est poursuivie par une réunion interministérielle le 21 avril 1987. Le
procès-verbal de cette réunion ainsi que l'ensemble du dossier ont été transmis à la section travaux
publics du Conseil d'état qui a émis le 26 juin un avis favorable sur l'utilité publique du projet
présenté par l'ANDRA. Le décret de déclaration d'utilité publique a été signé par le Premier
ministre le 22 juillet 1987 et publié au n 168 du Journal officiel de la République Française le 23
juillet 1987. Les terrains nécessaires ont été achetés en août 1987.
Pendant cette phase préliminaire, une très importante action d'information du public était
entreprise et poursuivie, et les études devant aboutir à l'établissement d'un avant-projet sommaire
du centre étaient conduites à bonne fin.
Les permis de construire ont été obtenus le 11 octobre 1988 pour le Centre lui-même et le 9
janvier 1989 pour le terminal ferroviaire de Brienne-le-Château.
250
L'autorisation de mise en service a été donnée par les Ministres de l'industrie et de
l'environnement le 26 décembre 1991 et le premier colis est arrivé sur le Centre le 13 janvier 1992.
Sans entrer dans une fastidieuse description de détail, on retiendra que les recherches ont
abouti à l'établissement de cartes géologiques précises portant sur les surfaces suivantes:
Aube 60 km2
Indre 4 km2
Vienne 100 km2
Dans la phase commune aux trois départements, les travaux suivants ont entre autres été réalisés sur
le terrain:
De juillet 1985 à juillet 1986, les travaux complémentaires dans l'Aube ont porté sur:
Parmi les actions engagées par les antennes locales d'information et les cadres de l'ANDRA
pendant la période de recherche de sites (octobre 84 octobre 85) on notera:
251
88 permanences d'information
6 visites organisées d'installations nucléaires
1 exposition de 15 jours.
L'information dans l'Aube a été poursuivie d'octobre 1985 jusqu'au dépôt du dossier de
DUP, par:
Sept numéros d'un journal intitulé "ANDRA INFOS AUBE" ont été tirés chacun à 8 000
exemplaires et distribués localement entre novembre 1985 et avril 1989.
55.6.3.3.1. CAPACITÉ
Le Centre de stockage de l'Aube a une capacité nominale d'un million de mètres cubes. Son
dimensionnement et les caractéristiques de ses principaux équipements ont été définis à partir des
prévisions à moyen terme de livraison de colis de déchets établis par les producteurs. Sur la base
d'un volume annuel livré de 25 à 30 000 m3, sa durée prévue d'exploitation est de 30 à 40 ans.
Les déchets, livrés sous forme de colis préalablement agréés par l'ANDRA, satisfont aux
contraintes imposées pour un.stockage en surface. Ils sont transportés dans des emballages
respectant le règlements de transport de matières dangereuses, classe 7B.
Chaque colis est muni d'une étiquette à code à barres permettant son identification.
Le débit de dose maximal pris en compte pour les colis de série livrés sans protection
biologique amovible est de 2 mSv.h"1.
Le Centre de Stockage de l'AUBE a été conçu selon les recommandations énoncées dans la
Règle fondamentale de sûreté n° 1.2 édictée par le Ministère chargé de l'industrie. Sa construction
satisfait à l'arrêté qualité du 10 août 1984 et sa circulaire d'application.
Les règles d'exploitation prennent en compte les obligations du décret 26-1103 du 02 octobre
1986 relatif à la protection contre les rayonnements ionisants.
252
Les moyens mis en oeuvre répondent à la préoccupation constante de l'ANDRA d'optimiser
la chaîne de gestion du déchet depuis les opérations de mise en forme et conditionnement effectuées
chez le producteur jusqu'au stockage définitif réalisé sur le centre. En particulier, en complément
de la fonction stockage, un atelier de conditionnement complémentaire abritant presse à compacter
de forte puissance et un poste d'injection de coulis dans les caissons métalliques de grandes
dimensions a été prévu.
Enfin, dans un soucis de valoriser aux yeux de l'opinion publique la gestion industrielle des
déchets radioactifs, et conformément aux engagements énoncés dans l'étude d'impact présentée
dans le dossier de demande de déclaration d'utilité publique, un parti architectural et paysager a été
retenu afin de faciliter l'intégration du centre dans l'environnement.
Les options techniques de sûreté pour le Centre de l'Aube peuvent être classées en trois
catégories:
L'isolement est assuré par un ensemble de dispositions qui empêche l'eau d'atteindre les
déchets en situation normale et qui limite la quantité de substances radioactives entraînées par l'eau,
en cas d'infiltration accidentelle, à un niveau suffisamment faible pour que les conséquences
radiologiques soient négligeables.
En choisissant judicieusement l'emplacement du stockage, on le met hors de portée des
inondations et au-dessus du plus haut niveau susceptible d'être atteint par la nappe phréatique
locale.
Pour s'assurer du maintien pendant la phase de surveillance de l'efficacité du dispositif
d'isolement, l'ANDRA s'est fixée un objectif de durée et de qualité pour toutes les barrières qui le
composent, à savoir:
L'ensemble doit présenter une sûreté intrinsèque suffisante pendant au moins 300 ans et pour
cela remplir les conditions suivantes:
- présenter une résistance mécanique suffisante pour assurer pendant 300 ans une bonne tenue des
ouvrages et la stabilité du support sur lequel sera réalisée la couverture;
- ne pas présenter une quantité d'activité lixiviable annuellement (QAL) supérieure à une limite
fixée pour chaque radionucléide susceptible d'y être présent. Ces valeurs limites de QAL
résultent des évaluations de l'impact radiologique du stockage, celui-ci devant rester acceptable
dans toutes les phases de la vie du centre et dans toutes les situations raisonnablement
envisageables.
Si le colis offre par lui-même cette sûreté intrinsèque suffisante, il peut être dirigé vers une
structure d'accueil dont les espaces vides entre colis seront comblés avec du gravier.
253
Si le colis n'apporte pas à lui seul cette sûreté intrinsèque suffisante, il sera dirigé vers une
structure d'accueil dont les espaces entre colis seront comblés avec du béton. Le béton apporte les
compléments nécessaires pour assurer cette sûreté intrinsèque.
Comme pour le Centre de la Manche, c'est l'association des propriétés cumulées du déchet,
de sa matrice d'enrobage ou de blocage et, dans certaines conditions, de l'enveloppe des colis et
des éléments constitutifs des modules de stockage, qui constitue le premier système de barrières
d'isolement des déchets.
55.6.3.4.2. LA COUVERTURE
Bien que les structures qui constituent les ouvrages de stockage proprement dits sont conçues
pour être normalement à l'abri de l'eau, les exigences de la sûreté imposent de prendre des
dispositions pour maîtriser une venue d'eau accidentelle dans le stockage.
Un réseau de collecte et de contrôle des éventuelles eaux d'infiltration a donc été réalisé.Ce
réseau devant être fiable pendant toute la période de surveillance, on a choisi un système passif,
conçu et maillé de façon à permettre de localiser facilement une anomalie.
A cet effet, les eaux éventuellement infiltrées à travers la couverture sont collectées à la base
des ouvrages, puis dirigées par gravité vers un bassin de contrôle; le réseau ainsi constitué,
indépendant du réseau pluvial, est dénommé réseau séparatif gravitaire enterré (RSGE).
Les radiers, dans lesquels sont aménagées les rigoles de collecte vers le RSGE, doivent
également offrir une bonne résistance mécanique pendant 300 ans, compte tenu des charges
gravitaires qui leur sont appliquées (poids des modules de stockage et de la couverture, surcharges
occasionnelles d'exploitation) et des mouvements du sol (tassements différentiels, séismes).
L'isolement des déchets et la limitation des activités stockées permettent de respecter les deux
objectifs fondamentaux de sûreté explicités au début du paragraphe 56.6.3.1.
En ce qui concerne la sûreté, le rôle du site pourrait donc sembler secondaire. En fait, on
exige du site qu'il contribue à la garantie supplémentaire de ce bon isolement des déchets vis-à-vis
de l'eau, seul vecteur potentiel envisageable de transfert de radioactivité pendant la phase de
surveillance.
254
Pour remplir cette fonction, le site doit:
Les matériaux naturels du site jouent ainsi le rôle d'un ensemble de barrières
complémentaires, dites curatives, qui n'interviendrait qu'en cas de défaillance des barrières
préventives du dispositif d'isolement.
Le site est implanté dans une région de faible sismicité, c'est-à-dire une région pour laquelle
les connaissances actuelles des sciences de la terre permettent d'affirmer qu'un séisme de forte
intensité n'a pratiquement aucune chance de se produire dans les 300 ans à venir. Par ailleurs,
l'édification des structures de stockage respecte les règles de construction parasismique
correspondant aux caractéristiques du site.
La réglementation impose d'étudier les conséquences d'un relâchement radioactif dans le sol,
même si tout a été mis en oeuvre pour l'éviter. Pour minimiser l'impact radiologique d'un tel
relâchement, les qualités primordiales du terrain concernent l'hydrogéologie et la géochimie.
Hydrogéologie. Elle doit présenter des caractéristiques favorables et être simple, afin de
pouvoir, sans risque d'erreur, affirmer que l'eau infiltrée ressortirait à courte distance et préciser à
quel endroit elle réapparaîtrait. En d'autres termes, il faut que les exutoires du site soient proches et
nettement identifiés.
Géochimie. Certains matériaux naturels ont la propriété, quand ils sont en présence d'une eau
chargée d'ions, de retenir une certaine proportion de ces ions.
Dans le cas où une eau chargée d'ions radioactifs circule sur le matériau, cette capacité de
rétention a pour effet de diminuer la concentration radioactive dans l'eau et de repousser dans le
temps le transfert de la radioactivité. Si l'étalement est suffisamment long, beaucoup d'atomes
radioactifs n'effectueront qu'un faible parcours avant de disparaître par décroissance radioactive.
On voit tout l'intérêt que peut revêtir le choix d'un site dont le sous-sol renferme des
matériaux à fort pouvoir de rétention vis-à-vis des ions radioactifs contenus dans le stockage.
L'argile, présente dans les produits d'altération de la plupart des roches courantes, est, à cet égard,
un des matériaux les plus efficaces.
255
55.6.3.6. Options techniques de sûreté liées à l'exploitation
L'automatisation des manutentions est un des objectifs techniques du projet. Rendue possible
par la mise à l'abri des ouvrages en exploitation, elle permet d'améliorer les conditions de travail et
de minimiser les doses intégrées par le personnel.
Le bilan global prévisionnel des eaux collectées par le réseau séparatif et des effluents
faiblement radioactifs provenant des installations de conditionnement conduit à un volume total
suffisamment faible pour pouvoir, en tant que de besoin, être évacué vers une station de traitement
spécialisée. Il n'y a donc pas de rejet délibéré d'effluent radioactif dans l'environnement.
La démarche suivie pour évaluer l'impact radiologique du stockage sur l'environnement est
une démarche déterministe: l'nalyse de sûreté consistera à calculer les expositions individuelles
résultant d'une situation donnée avec une probabilité d'occurence égale à l'unité.
On distinguera pour chaque phase de la vie du stockage une situation "normale" et une (ou
des) situation accidentelle. La situation est dite normale lorsque chaque barrière joue pleinement
son rôle. Elle est dite accidentelle lorsqu'une (ou plusieurs) barrière perd une partie ou la totalité de
son efficacité.
On est donc conduit à élaborer, pour chacune des phases de la vie du stockage, des scénarios
plausibles de transfert de la radioactivité jusqu'à l'homme, dans les conditions normales (les plus
probables) ou dans des situations accidentelles.
Dans les conditions normales, une très faible fraction de l'eau de pluie peut percoler à travers
la couverture (pendant les phases d'exploitation et de surveillance) ou à travers le terrain (pendant
la phase de banalisation alors que les deux premières barrières sont supposées avoir perdu la totalité
de leur efficacité). Cette eau lixivie la fraction de déchets qui est accessible à l'instant considéré;
dans une hypothèse majorante, elle entraîne ensuite les radionucléides dissous à travers le radier,
puis à travers la géosphère jusqu'à un exutoire. Les radionucléides sont ensuite ingérés et/ou
inhalés par l'homme "critique".
256
Les situations accidentelles envisagées dépendent étroitement de la phase considérée dans la
vie du stockage:
- durant la phase de surveillance, on définit le ou les accidents envisagés par ses conséquences: la
conséquence la plus grave retenue correspond à une perte d'intégrité d'une fraction de la
couverture associée à un délai pour la localisation de la partie défectueuse et pour la mise en
oeuvre des actions curatives. Les origines de l'accident peuvent être humaines ( chute d'avion),
ou naturelles ( glissement de terrain, séisme, etc.);
Pour chacune de ces situations, l'impact total sera déterminé à partir de l'évaluation de
l'exposition externe et des transferts par l'eau et l'air.
BIBLIOGRAPHIE
[1] ADEME. Les déchets en France. Les chiffres clés. Angers (1991).
[2] H. FRANCOIS. La radioactivité, c'est naturel. Editions du Rocher. Monaco (1983).
[3] La Radioprotection en milieu hospitalier (1993).
[4] Revue générale nucléaire. n° 5, Paris (1992).
257
PARTIE 9
EXPOSITIONS MEDICALES
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CHAPITRE 56. EXPOSITIONS MEDICALES - PORTEE ET RESPONSABILITES
J.P. Vidal
Avant d'aborder le domaine spécifique des expositions aux rayonnements ionisants utilisés à
des fins médicales, il importe de rappeler les principales étapes de l'élaboration des nonnes de
radioprotection et de leur intégration dans la réglementation française présentée dans sa structure
d'ensemble.
La CIPR précise que ses recommandations ne définissent que les principes et les bases
scientifiques d'un système de protection, mais que c'est aux autorités compétentes des différents
pays en matière de protection des travailleurs et des populations qu'il appartient d'adapter leur
propre réglementation pour tenir compte de ces principes.
Dans les domaines de l'exposition médicale la CIPR a publié des recommandations sur la
protection des malades en radiothérapie [1], en radiologie diagnostique [2,3], en médecine nucléaire
[4], sur les doses aux malades dues à l'utilisation de radiopharmaceutiques [5] et sur la protection
des travailleurs en médecine et dentisterie [6].
Pour les pays de la Communauté européenne, une étape intervient avant cette intégration
nationale: c'est l'application du chapitre III, Protection Sanitaire, articles 30 à 39, du Traité
d'Euratom. L'article 31 en particulier dispose que les normes de radioprotection, définies "Normes
de Base" relatives à la protection sanitaire, sont élaborées pour la Commission des Communautés
européennes (CCE) par un groupe d'experts européens désignés par le Comité scientifique et
technique du traité d'Euratom.
L'article 161 du Traité précise que le règlement est directement applicable dans tout Etat
Membre; que la directive institue une obligation de résultat, la forme et les moyens d'application
appartenant à chaque Etat Membre; que la décision concerne les seuls destinataires désignés, pour
lesquels elle est obligatoire; et que les recommandations et avis ne lient pas.
261
Dérivées des recommandations de la CEPR, les normes de base d'Euratom sont édictées par
directives: elles constituent donc une obligation de résultat pour les Etats Membres, à chacun
desquels il appartient de les transposer en droit national. Compte tenu de son avance dans ce
domaine, la France avait, bien avant qu'ils ne soient formulés dans les recommandations de la
CIPR, introduit dans sa réglementation les principes fondamentaux de justification, d'optimisation
et de limitation de l'exposition aux rayonnements (ordonnance du 6 janvier 1959, décret du 20 juin
1966 notamment). Depuis 1988, la France est l'un des premiers des douze pays de la Communauté
à avoir intégré toutes les normes de base en vigueur dans sa propre réglementation publiée au
Journal Officiel de la République Française après approbation par la CCE.
Les Directives d'Euratom (et, à plus forte raison, les recommandations de la CIPR) ne
pouvant prendre force réglementaire dans un pays qu'après intégration dans sa propre
réglementation nationale approuvée par la CCE, toute anticipation dans l'application serait contraire
aux dispositions de droit, national aussi bien que communautaire.
De son côté TAIE A (Agence internationale de l'énergie atomique) en s'appuyant sur les
recommandations de la CIPR publie des Normes fondamentales de radioprotection qui ne sont
obligatoires que pour les opérations conduites sous le contrôle de l'AIEA et qui peuvent servir de
guide utile pour les autorités compétentes des Etats Membres. Les normes de 1982 actuellement en
vigueur sont en cours de révision. Dans le projet à l'étude*, l'appendice 2 concerne les expositions
médicales et précise les responsabilités des médecins, des profession-nels de la santé et des experts
qualifiés. Il donne également des guides sur l'application des principes de justification et
d'optimisation et mentionne des niveaux indicatifs de référence en terme de dose (radiologie
diagnostique) et d'activité (médecine nucléaire).
Tous ces textes sont regroupés dans la brochure n° 1420 du Journal Officiel [8] intitulé
"PROTECTION CONTRE LES RAYONNEMENTS IONISANTS", dont la partie consacrée à la
protection du public et de l'environnement contient les dispositions applicables aux sources de
rayonnements ionisants utilisées à des fins médicales et biologiques qui sont, pour la plus grande
partie d'entre elles, antérieures à celles fixées dans la Directive Euratom 84-466 du 3 septembre
1984, publiée au Journal Officiel des Communautés européennes du 5 octobre 1984 [7] et dont les
éléments essentiels sont résumés dans l'annexe 1.
a
Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des
sources radioactives (NDLR)
262
TABLEAU 56.1. STRUCTURE D'ENSEMBLE DES TEXTES LEGISLATIFS ET
REGLEMENTAIRES FRANÇAIS AYANT UNE IMPLICATION EN RADIOPROTECTION
(ORGANIGRAMME DE PRINCIPE)
PROTECTION DU PUBLIC
1
PROTECTION DES TRAVAILLEURS
HYGIENE PUBLIQUE HYGIENE PROFESSIONNELLE
1
Réglementation des Surveillance de HORSINB DANSINB
sources et applications l'environnement
L'exemple de la France
Cette réglementation concerne les installations mettant en oeuvre des rayonnements ionisants
qui font l'objet de différentes procédures destinées à les inventorier et à en couvrir le
fonctionnement, mais également, bien entendu, le personnel médical ou paramédical appelé à les
utiliser.
263
auxiliaires médicaux dans les limites de leur compétence définies en la matière pour les seuls
manipulateurs d'électroradiologie par le décret du 17 juillet 1984.
56.2.2. Restrictions
- les installations de radioscopie simple qui ne peuvent être utilisées que par un médecin qualifié
en électroradiologie (option diagnostic), cardiologie ou pneumologie;
- les installations de radiothérapie qui ne peuvent être prises en charge que par un médecin
électroradiologiste qualifié (option thérapie);
- l'administration de radioéléments artificiels en sources non scellées à des fins de diagnostic ou de
thérapie qui est réservée aux seuls médecins en possession de l'un des titres mentionnés dans
l'arrêté du 26 mars 1974 modifié (compétence en médecine nucléaire). Quant aux biologistes
pratiquant la biologie médicale à l'aide de traceurs radioactifs (radioimmunologie), ils doivent
également être titulaires de l'un des diplômes figurant dans l'arrêté précité correspondant à leur
spécialité; enfin les pharmaciens amenés à gérer les stocks de produits radioactifs seront
probablement assujettis aux mêmes exigences de compétence (loi du 8 décembre 1992).
Ces praticiens reçoivent, comme les auxiliaires médicaux, au cours de leur cursus
universitaire, une formation à la radioprotection. Cette formation est renforcée si ces praticiens ou
les auxiliaires médicaux doivent assumer, dans les établissements où ils sont amenés à exercer, les
fonctions de personne compétente en radioprotection au sens du décret du 2 octobre 1986 relatif à
la protection des travailleurs (personne désignée par le chef d'établissement chargée, sous sa
responsabilité, de veiller au respect des règles de radioprotection et qui doit avoir reçu une
formation spécifique). Les personnels utilisateurs des installations peuvent compléter leur
information dans ce domaine en consultant la plaquette "Radioprotection en milieu hospitalier" [9]
qui leur est destinée et qui comporte des données pratiques.
Dans le cadre de cette formation on appelle l'attention des médecins, qui en France sont les
ordonnateurs exclusifs des rayonnements sur le corps humain, sur la responsabilité qu'ils ont de les
utiliser avec parcimonie.
Le médecin doit s'informer des expositions antérieures, dont il peut notamment avoir
connaissance grâce à la carte radiologique individuelle (spécimen en annexe 3) lorsque le patient la
lui présente. Il doit faire vérifier régulièrement son matériel par le fournisseur, notamment les
générateurs de rayons X, pour avoir l'assurance que les paramètres de fonctionnement n'ont pas
subi de dérive appréciable.
a
la loi du 18 janvier 1994 (art. 55) a ajouté aux fins de diagnostic et de traitement celle de "recherches
biomédicales menées dans les conditions de la loi Huriet".
264
56.3.1. Radioéléments artificiels: autorisation préalable
Une autorisation préalable est exigée pour préparer, distribuer, importer, détenir ou utiliser
des radioéléments artificiels. Cette autorisation est prise en application du Code de la santé
publique.
La liste des équipements matériels lourds est fixée par le Ministre de la santé. Pour les
applications médicales des rayonnements ionisants cette liste comprend notamment:
Compte tenu des indices de besoin qui sont établis par arrêté du Ministre de la santé, le
nombre d'équipements autorisés est, à titre d'exemple, pour:
Les autorisations d'acquisition et d'installation de ces matériels sont délivrées par le Ministre
de la santé, sauf celles concernant les scanographes et les appareils d'angiographie numérisée qui
sont notifiées par le préfet de Région.
56.3.3. Agrément
56.3.3.1. Domaine
La réglementation en vigueur dispose que "seuls peuvent être remboursés ou pris en charge
par les Caisses d'assurance maladie, les actes radiologiques exécu-tés au moyens d'installations
agréées".
Toutes les installations utilisant les rayonnements ionisants ou les substances radioactives à
des fins médicales, doivent donc être couvertes par un agrément en l'absence duquel elles ne sont
pas en situation régulière au regard de la réglementation de la Sécurité sociale et de celle du travail,
avec en particulier le risque de refus de remboursement des actes par les Caisses d'assurance
maladie.
56.3.3.2. Procédure
Les conditions de cet agrément, auxquels sont assujettis tous les équipements mettant en
oeuvre des rayonnements ionisants et donnant lieu à des actes définis dans la nomenclature, sont
définies par l'arrêté du 23 avril 1969 modifié par arrêté du 10 octobre 1977.
L'agrément est accordé,- après avis de l'Office de protection contre les rayonnements
ionisants (OPRI), dans une catégorie d'application bien déterminée: radiodiagnostic médical ou
dentaire, scanographie, radiothérapie, curiethérapie, médecine nucléaire, etc.).
La procédure d'agrément s'applique soit seule (cas des installations de radiologie classique)
soit en prolongement de celles relatives aux radioéléments artificiels et/ou des équipements
matériels lourds. Le tableau 56.2. présente l'articulation entre ces différentes procédures.
266
56.3.3.3. Conditions
L'agrément n'est accordé qu'aux installations dotées d'une infrastructure technique suffisante
pour permettre le respect des règles de radioprotection du personnel utilisateur, des patients et de
l'environnement. Les agréments sont accordés pour une période maximale de 10 ans renouvelable,
dans la limite de 25 ans d'âge des appareils.
Il est subordonné à des garanties de sécurité concernant respectivement les appareils, qui
doivent être homologués (ou d'un modèle autorisé) et avoir moins de 25 ans, les locaux et les
conditions d'utilisation.
56.3.3.3.1. RADIODIAGNOSTIC
- équipées d'un générateur datant de moins de 25 ans, conforme à un type homologué selon la
norme NF C 74-100, garanti par le certificat de conformité du constructeur complété par le
certificat de vente;
- aménagées conformément à la norme NF C 15-161, réalisation garantie par le certificat de
conformité d'un installateur enregistré à l'OPRI (pratiquement tous les installateurs
professionnels le sont);
- utilisées dans le respect de la réglementation en vigueur.
Les certificats de conformité doivent être soigneusement conservés par les responsables ou les
services techniques. Mais la conformité initiale ne peut mettre à l'abri d'une dérive dans le temps
des paramètres de fonctionnement définis pour les appareils neufs.
Seule une maintenance régulière, assurée par le constructeur (ou le fournisseur) et/ou les
services techniques biomédicaux de l'établissement, constitue sur ce point une garantie sérieuse et
elle est le meilleur gage de la' sécurité des patients et de celle des opérateurs, laquelle repose
essentiellement sur le bon fonctionnement des différents organes (réglage correct des paramètres
d'émission, intégrité des voyants lumineux, état de l'anode, etc.) dont le bon entretien est
primordial. Cette maintenance ne doit pas être confondue avec les contrôles de radioprotection
effectués par la personne compétente au titre du Code du travail.
Par ailleurs, il convient de souligner que du fait de la suppression des actes de radioscopie
thoracique de la nomenclature en vigueur, l'agrément des installations de radioscopie simple
(catégorie A) dont le principe avait été maintenu au seul bénéfice des cardiologues et des
pneumologues est désormais sans objet. Les praticiens conservent cependant la possibilité de détenir
et utiliser leur appareil, sous leur seule responsabilité, sans néanmoins perdre de vue qu'il s'agit
d'une utili-sation vouée à extinction, en application de la Directive européenne 84-466 du 3
septembre 1984 relative à la protection radiologique des patients. Les agréments qui sont attribués
dans la catégorie A sont maintenus jusqu'à l'année de péremption, à la fin de laquelle ils
deviendront définitivement caducs.
267
- du respect des conditions fixées dans les autorisations d'équipement matériels lourds et/ou de
détention et d'utilisation de radioéléments artificiels;
- des résultats du contrôle avant mise en service de l'installation effectué par l'OPRI;
- du respect de dispositions spécifiques, notamment la présence d'un radio-physicien agréé
(spécialiste en radiophysique dont la qualification est reconnue par le Ministre de la santé - cf.
titre 4).
56.3.4. Déclaration
Cette procédure ne concerne que les installations ne servant pas à la médecine de soins
(médecine du travail, médecine préventive, etc.) qui doivent faire l'objet d'une déclaration simple
auprès de la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale.
Bien entendu, la déclaration simple ne dispense pas l'établissement d'obtenir les certificats de
conformité aux normes en vigueur du générateur et de l'installation ni de respecter les dispositions
réglementaires destinées à assurer la protection des patients et du personnel.
Cet agrément, qui n'est ni un diplôme, ni un titre, est la reconnaissance d'une qualification
permettant à l'intéressé d'exercer une activité déterminée sur le territoire français.
Son rôle au sein d'un service de radiothérapie le conduit à assumer, en liaison avec les
médecins, la responsabilité de la sécurité et de la qualité des traitements car il doit veiller en
permanence au bon fonctionnement des installations, contrôler les caractéristiques des faisceaux
268
d'irradiation et déterminer la dosimétrie des traitements en fonction des besoins des médecins. Il
doit, pour ce faire, disposer du matériel nécessaire dont il assume la maintenance et le contrôle
(étalonnage, etc.).
Dans ces disciplines, il est aussi amené à jouer un rôle essentiel pour les contrôles de qualité
qui sont probablement promis à un certain développement.
56.5. CONCLUSIONS
- la prescription d'actes radiologiques uniquement par des médecins ou des dentistes dans la limite
de leur compétence (monopole médical);
- le suivi des expositions médicales (agrément, carte individuelle de radiologie);
- la qualification du personnel médical et paramédical complétée par une formation à la
radioprotection (utilisation des installations réservée à certains spécialistes);
- un inventaire et des critères d'acceptabilité des installations de radiodiagnostic, de radiothérapie
et de médecine nucléaire (agrément, règles et nonnes de construction et d'aménagement);
- l'élimination progressive des installations de radioscopie simple (suppression du remboursement
des actes par les Caisses d'assurance maladie, utilisation limitée à la cardiologie et à la
pneumologie);
- la limitation des installations (autorisation d'équipement matériel lourd, autorisation préalable
pour la détention et l'utilisation de radioéléments artificiels);
- la présence d'un spécialiste en radiophysique (radiophysicien agréé).
REFERENCES
269
[6] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIOLOGICAL PROTECTION. Radiological
Protection of the Worker in Medicine an Dentistry - Publication 57 - Annals of the ICRP 20
(3) (1989).
ANNEXE 1
2° Les expositions médicales doivent être maintenues à un niveau aussi faible que
raisonnablement possible.
3° Toute utilisation de rayonnements ionisants dans un acte médical doit être faite sous la
responsabilité de praticiens habilités conformément à la législation nationale, ayant reçu une
formation en radiodiagnostic médical ou dentaire, en radiothérapie, ou en médecine nucléaire,
ainsi qu'en radioprotection.
4° Une formation complémentaire doit être prévue pour les praticiens en exercice dont la
compétence en radioprotection n'a pas été reconnue par les autorités compétentes.
5° Les personnels auxiliaires doivent recevoir une formation correspondant à leur activité
professionnelle, notamment en radioprotection.
1° Les examens radioscopiques directs sans amplification de brillance sont limités à des
circonstances exceptionnelles.
8° Toutes mesures doivent être prises par les autorités compétentes pour éviter la
multiplication inutile des installations de radiodiagnostic, radiothérapie et médecine nucléaire.
10° Les dispositions doivent être prises par les autorités compétentes pour permettre la
transmission rapide des documents radiologiques et des comptes rendus aux praticiens traitants,
ainsi que pour assurer leur information sur les examens et traitements radiologiques subis
antérieurement par le patient.
270
ANNEXE 2
MONOPOLE MEDICAL POUR L'EMPLOI SUR LE CORPS HUMAIN DES RAYONNEMENTS IONISANTS
. Conditions particulières d'autorisation adoptées par la CIREA en vigueur depuis le 1er mars
1990 (non publiées dans la brochure n° 1420) applicables aux sources scellées.
. Nonnes NFC 15-160; 15-161 et 15-163 (règles d'exécution des installations de radiologie
médicale et dentaire)
271
AGREMENT
RADIOPHYSICEENS
MANIPULATEURS
PROTECTION DU PERSONNEL
. Arrêtés d'application
272
ANNEXE 3
»rent ODIMVUI » - i
Nom:
Adresse
Dale de lete uitltsaiion
273
EXAMENS RADIOLOGIQUES MÉDICAUX ET DENTAIRES
NOMME N- D'AGAEMENT
LIEU OATE RÉGION EXAMMEE (PRATICIEN OU SGNATURE
OU PRATICIEN
cucxes ETABLISSEMENT)
/&?
Des cartes supplémentaires peuvem être demandées a la Direction des AfUires Sanitaires et Sociales de votre Département.
274
CHAPITRE 57. MEDECINE NUCLEAIRE
J. Lumbroso
INTRODUCTION
La médecine nucléaire est définie par l'utilisation in vivo, dans un but de diagnostic ou
thérapeutique, de sources radioactives non scellées.
Sur le plan des applications diagnostiques, l'originalité de la médecine nucléaire par rapport
aux autres modalités d'imagerie, et en particulier par rapport au radiodiagnostic, est son caractère
fonctionnel visant à mesurer la fonction d'un organe sain ou pathologique, ou à mettre en évidence
des propriétés tissulaires (capacités métaboliques, présence de sites antigéniques, présence de
récepteurs).
Elle permet également de suivre dans le temps différentes étapes d'une fonction ou d'un
métabolisme, soit par les enregistrements continus de plusieurs minutes à une heure (scintigraphie
rénale, scintigraphie biliaire), soit par des enregistrements répétés sur plusieurs jours (mesure de la
durée de vie des éléments figurés du sang).
Les points 1 et 3 sont étroitement liés à la formation des médecins prescripteurs et des
spécialistes de médecine nucléaire, le point 2 étant principalement conditionné par la qualité de
l'équipement du Service de médecine nucléaire et sa maintenance, par la formation du personnel
paramédical de médecine nucléaire et par la présence d'un expert qualifié en radiophysique.
275
57.1. EVALUATION DU DETRIMENT: RISQUES LIES A L'EXPOSITION ET DIFFERENCES
AVEC LES AUTRES TECHNIQUES
II faut noter qu'en médecine nucléaire, l'irradiation du patient est une irradiation continue à
faible débit, que certaines différences séparent des irradiations rencontrées en radiodiagnostic:
- les doses exprimées en milligray sont comparables (généralement inférieures à 10 mGy pour les
deux modalités), comme il a été rappelé plus haut l'étalement dans le temps est très différent;
- l'irradiation en médecine nucléaire, en raison de la distribution du radionucléide dans
l'organisme et en raison du parcours limité de certaines émissions radioactives est une irradiation
extrêment hétérogène, ôtant une partie de sa valeur au concept de dose moyenne;
- il est très difficile de quantifier les risques des irradiations liés à la médecine nucléaire. Il faut
noter toutefois qu'un des examens de médecine nucléaire les plus irradiants (exploration
thyroïdienne utilisant l'iode 131) n'a été à ce jour la source d'aucune complication clinique [1];
- engagement de la dose dès l'injection au patient, très peu d'intervention étant possible par la
suite pour minimiser cette dose: l'étape de l'injection du traceur est donc une étape extrêmement
importante d'une exploration en médecine nucléaire;
- risque de contamination nécessitant le respect de règles de radioprotection particulières en
fonction du radionucléide et des activités administrées.
Le tableau 57.1 indique les doses délivrées aux organes les plus exposés pour les principaux
examens diagnostics pratiqués en médecine nucléaire [2].
Cette question se pose en cas d'ischémie myocardique ou dans les suites d'un infarctus du
myocarde. Seule une technique étudiant le métabolisme myocardique in vivo dans des conditions de
repos ou de stress (efforts ou épreuve pharmacologique) peut répondre à la question. Plusieurs
traceurs sont utilisables en médecine nucléaire: thallium 201, dérivés marqués au technétium 99m
tels que le MIBI, ou traceur émetteur de positons, tel que le fluorodesoxyglucose. Des techniques
alternatives utilisant la spectroscopie IRM pour l'étude des metabolites myocardiques sont
théoriquement possibles mais ne sont pas actuellement utilisables cliniquement. Par contre pour
l'exploration de la fonction myocardique (contractilité des parois du ventricule gauche), il existe
une méthode isotopique (mesure de la fraction d'éjection ventriculaire) et une méthode
échographique, qui ne sont toutefois pas rigoureusement équivalentes, et qui conservent chacune
leurs indications.
57.2.2. Cancérologie
Pour les pathologies dans lesquelles on dispose d'un traceur à fixation tumorale élective,
l'examen correspondant en médecine nucléaire devient une modalité d'exploration indispensable
pour la pathologie concernée, il permet en général de détecter l'ensemble des sites tumoraux et de
suivre la maladie (modalité unique de surveillance).
Cette situation ne se rencontre actuellement que dans les cancers thyroïdiens différenciés
(iode radioactif), dans certaines tumeurs du système sympathique (neuroblastome,
phéochromocytome) et dans certaines tumeurs neuro-endocrines explorées par les analogues de la
276
somatostatine. D'autres molécules sont attendues pour remplir les mêmes objectifs (dérivés des
anticorps monoclonaux radio-marqués et immunoscintigraphie).
TABLEAU 57.1. DOSE DELIVREE AUX ORGANES LES PLUS EXPOSES POUR LES
PRINCIPAUX EXAMENS DIAGNOSTIQUES PRATIQUES EN MEDECINE NUCLEAIRE.
Organe Radio- Radio Activité Dose aux organes les plus exposés (cGy) Dose
nucléide. pharmaceutique (MBq) (1 cGy = 1 rod) ovaire
(cGy)
cerveau yym T c HMPAO 740 vessie reins intestin
4 2,8 2
cœur yym Tc hématies 555 sang mcelle
osseuse
0,8 0,3 0,3
201 T1 chlorure 74 reins corps entier cœur
0,8 0,5 0,4 0,6
squelette yym T c phosphate 555 squelette moelle reins
phosphorate osseuse
0,6 0,5 0,4 0,2
poumons **mTc macro-agrégat 74 poumons mcelle
albumine osseuse
0,4 0,03 0,02
133Xe gaz 555 poumons moelle
osseuse
0,17 0,02 0,02
surrénales cholestérol 74 surrénales thyroïde moelle
bloquée osseuse
60 50 20 20
123! ralBG 74 surrénales thyroïde foie
bloquée
3,4 0,46 0,4 0,2
131l mlBG 37 surrénales thyroïde foie
bloquée
70 21 0,6 0,4
reins yym-j-c DTPA 74 vessie reins
1,4 1,3
123! acide 6-iodo 7,4 vessie
hippurique
0,2
thyroïde yym-j-ç pertechnetate 37 thyroïde moelle
osseuse
0,1 0,02 0,03
123j iodure 7,4 thyroïde
4
131i iodure 1,1 thyroïde
60 0,02
tumeurs °'Ga citrate 74 intestin mille osseuse corps entier
1,8 1,2 0,5 0,6
immuno- anticorps 74 thyroïde non foie vessie
scintigraphie monoclonaux bloquée
1000 10 8 1,5
277
57.2.4. Radiothérapie métabolique
Elle consiste à utiliser des traceurs se fixant au niveau d'une cible qu'ils irradieront de façon
sélective: en cancérologie ces indications sont limitées à des pathologies où il n'existe en général
aucune autre modalité thérapeutique permettant d'arriver à un résultat équivalent, ce qui constitue la
justification de l'exposition des patients.
La validité de l'indication d'une procédure clinique en médecine nucléaire doit être vérifiée
par le spécialiste de médecine nucléaire grâce à la communication du dossier clinique et un examen
du patient. Une interaction est souhaitable entre le spécialiste de médecine nucléaire et ses
correspondants cliniciens, afin que ceux-ci aient une connaissance suffisante des possibilités de la
médecine nucléaire. Il est souhaitable d'annuler et de reporter une procédure de médecine nucléaire
si des informations cliniques sont manquantes. La possibilité d'une grossesse chez une femme est en
général une contraindication à l'administration d'un produit radioactif, cette contre-indication est
absolument formelle s'il s'agit d'un isotope radioactif de l'iode: les précautions prises sur ce plan
doivent être particulièrement rigoureuses. Si un allaitement est en cours, il doit être interrompu
pour une durée variable dépendant du radionucléide utilisé.
Dans beaucoup de pays la médecine nucléaire est une spécialité qui est mal connue des autres
médecins, ce qui peut avoir pour conséquence la prescription inadéquate de procédure clinique en
médecine nucléaire ou au contraire le choix de modalités de diagnostics ou de traitements alternatifs
présentant plus d'inconvénients que la procédure correspondante en médecine nucléaire.
278
L'enseignement relatif à la radioprotection et à la dosimétrie n'occupe actuellement qu'une
vingtaine d'heures dans la formation en France des spécialistes de médecine nucléaire.
REFERENCES
[1] HOLM, L.E., WIKLUND, K.E., LUNDELL, G.E. Cancer risk in population examined with
diagnostic doses of 1311, J. Nat. Cancer Inst., 81, 302-306 (1989).
[2] GALLE P., AUBERT B. Médecine nucléaire et irradiation. Concours Med, 113, 1905-
1907 (1991).
[3] HOLM, L.E., HALL, P., WKLUND, K.E. ET AL Cancer risks after iodine-131 therapy for
hyperthyroidism, J. Nat. Cancer Inst., 83, 1071-1077 (1991).
[4] Directive Euratom 84-466 du 3 septembre 1984 fixant les mesures relatives à la protection
radiologique des patients.
279
CHAPITRE 58. RADIOTHERAPIE
F. Eschwege
INTRODUCTION
L'incidence des cancers dans la plupart des pays industrialisés est de l'ordre de 200 à 400
nouveaux cas pour 100 000 personnes. On peut considérer que 50% d'entre eux vont recevoir une
irradiation à visée thérapeutique à un moment ou un autre de l'évolution du cancer. La
radiothérapie transcutanée et la curiethérapie peuvent être utilisées seules ou en association avec les
autres méthodes thérapeutiques
Cette technique ne se voit plus guère. Elle repose sur des hypothèses souvent rejetées à
l'heure actuelle et se voit contrebalancée par l'effet des thérapeutiques médicales modernes et
surtout par les risques de complications à long terme injustifiés, elle ne peut se justifier que dans
des circonstances cliniques très particulières, (syndrome lymphoprolifératif postgreffe par exemple).
Elle n'est utilisée que dans moins de 1% des cas actuellement et son rejet est souvent lié plus à une
peur irrationnelle et à une méconnaissance des risques éventuels plutôt qu'à un raisonnement
scientifique.
58.1.2. Cancérologie
En cancérologie, l'utilisation des radiations ionisantes ne peut être effectuée qu'avec une
certitude histologique, elle est fonction d'éléments cliniques et biologiques: âge du patient, forme
histologique, taille de la tumeur et ou des ganglions, l'existence ou non de métastase. L'association
avec la chirurgie et la chimiothérapie dépend de la sensibilité de la tumeur, du rôle dévolu à la
radiothérapie. La radiothérapie palliative antalgique et décompressive ou hémostatique a à côté de
la radiothérapie à visée curative, des indications. Les techniques récentes, radiothérapie intra-
opératoire, association radiothérapie, hyperthermie (transcutanée ou interstitielle) ces associations
simultanées avec la chimiothérapie font dans la majorité des cas l'objet de protocoles dont certains
en cours ne permettent pas encore d'avoir une connaissance précise du rôle et des dangers de ces
associations.
281
58.1.3. Choix de la radiothérapie
Ces appareils sont utilisés dans des Centres disposant dans leur majorité de systèmes de
simulation de repérage permettant une connaissance précise des volumes à irradier.
En curiethérapie, le radium longtemps seul radioélément utilisé a été remplacé par des
isotopes artificiels tel que le-césium 137, l'iridium 192, qui permettent des techniques de
préparation non radioactives, des dosimétries prévisionnelles et des systèmes de chargement différé.
282
En curiethérapie, les progrès de la connaissance biologique doivent permettre de choisir les
tumeurs justiciables de techniques de curiethérapie à haut ou moyen débit, ou les variations des
débits en fonction de la radiosensibilité.
Les enquêtes réalisées depuis 20 ans ont montré l'intérêt de la mise en place de l'assurance et
du contrôle de qualité, qui permettent de réduire les erreurs systématiques et certaines fautes
humaines. Dans un centre donné, elle permet que tous les malades présentant une affection donnée
soit traitée de façon identique permettant une explication et une évaluation du résultat thérapeutique
(taux de guérison et ou taux de complcation) associés aux diverses techiques utilisées.
Après simulation et repérage, la confection des caches, des bolus et éventuellement des
masques et des moules de contention et immobilisation est réalisée.
283
La mise en place des patients est ensuite effectuée, elle fait l'objet d'un contrôle par clichés
de vérification. Ce contrôle conduisant à des images peu contrastées avec des films classiques
pouvant être améliorés par l'utilisation de cassettes appropriées ou par des procédés de
numérisation. Des systèmes en cours de développement permettent la visualisation en temps réel de
l'image de vérification.
- qualité du rayonnement
- description de la position du malade
- le nombre et le type de faisceaux
- DSA ou DSP
- hauteur de la table
- angle d'incidence
- pondération des faisceaux
- dose (s) prescrite (s) pour les différents volumes cibles
- points de spécification
- fractionnement
- étalement
- distribution des doses
- temps d'irradiation ou déviation des moniteurs (top)
- dimensions de champ
- présence de coins ou de caches
- corrections d'hétérogéités
Pour chacune des étapes physiques et techniques du traitement, des vérifications doivent être
effectuées.
Pour les appareils de radiothérapie, les paramètres ou éléments à contrôler sont les suivants:
284
Pour la table de traitement:
- axe isocentrique
- hauteur
- translations latérales
- translations longitudinales
- voyants lumineux
- sécurités mécaniques et électriques
- et la sécurité radiologique.
Ne doit pas être négligé enfin, le contrôle du système de calcul (ICRU rapport 42, 1988).
Les conséquences sont de deux ordres, les unes liées aux risques non stochastiques et en
relation avec la dose délivrée directement par les faisceaux d'irradiation, les autres sont en rapport
avec risques liés à l'irradiation en dehors des faisceaux d'irradiation.
- Peau: les réactions aiguës dépendent de l'énergie des faisceaux incidents. Pour les faisceaux de
photons X ou gamma, l'effet des protections cutanées (skin sparing effect) peut être diminué par
l'utilisation de faisceaux obliques ou par l'utilisation de blocs de protection trop proches de la
peau. Les réactions chroniques peuvent apparaître pour des doses supérieures à 70 Gy mais
dépendent largement de la fraction de dose par séance. Pigmentation, dépigmentation atrophie
ou télégectasie sont une conséquence possible. Il est rare qu'apparaissent des réactions
erythémateuses ou pigmentations pour des traitements classiques. Elles sont d'autant plus
importantes que l'étalement de l'irradiation est évident.
- Système digestif: l'action de l'irradiation sur la muqueuse de revêtement des voies aéro-
digestives supérieures, de l'oesophage, de l'anus est du même type que celle de la peau,
entraînant des mucites.
- Muqueuse de l'intestin et de l'estomac: la muqueuse de l'intestin et de l'estomac est plus
sensible, tant sur le plan aigu que chronique. La sensibilité est proportionnelle (réactions
tardives) aux doses par fractions. L'intestin grêle supporte mal des doses supérieures à 45 Gy en
4 semaines et demie (grêle radique), de même que l'estomac (télengectasies).
285
- Foie: l'hépatite radique survient pour des doses supérieures à 35 Gy.
- Cerveau: des doses supérieures à 55 Gy en 5 semaines et demi, entraînent un risque de
radionécrose chez l'homme, elle survient tardivement après l'irradiation, quelques mois à
plusieurs années. Comme la majorité des effets tardifs, le risque de radionécrose est lié plus à la
taille des fractions qu'au temps total de l'irradiation.
Le risque cérébral est plus important chez l'enfant (avant myelénisation) hypoplasie, troubles
neurologiques et psychiques peuvent se voir après des doses limitées.
- Moelle épinière: les symptômes aigus médullaires survenant quelques semaines à quelques mois
après la radiothérapie, sont limités le plus souvent à un syndrome de Lhermitte (décharge
électrique vertébrale) lié probablement à une démyélinisation transitoire. Cette anomalie
n'entraîne aucun risque de myélite tardive, celle-ci apparait en général plusieurs mois ou année
après la radiothérapie, le tableau caractéristique est celui d'un syndrome de Brown Sequard, puis
d'une paraplégie plus ou moins sévère. En étalement classique, le risque de myélite survient en
général pour des doses médullaires supérieures à 45 Gy en 4 semaines et demi, ce risque est lié
à l'importance du volume médullaire irradié, à l'état des vaisseaux nourriciers médullaires et à
la taille des fractions. C'est la complication la plus sévère de la radiothérapie.
- Nerfs périphériques: le mécanisme est probablement celui d'une fibrose périphérique et d'une
atteinte vasculaire. Le risque est rare pour des doses inférieures à 50 Gy, il ne doit pas être
négligé dans le traitement des cancers ORL (XI - XEIème paires crâniennes) et dans celui des
cancers du sein (plexus brachial)
- Appareil reproductif : chez la femme, une ménopause artificielle peut être entraînée après une
dose de 3 Gy ( femme de + de 40 ans), cette dose n'entraîne qu'une aménorrhée chez la femme
plus jeune. Chez l'homme, la production continuelle de spermatozoides chez l'adulte explique
d'une dose importante soit nécessaire pour entraîner une stérilité, mais des doses très basses
(0,15 Gy) peuvent entrainer une diminution notable du nombre de spermatozoïdes.
- Reins: des doses supérieures à 25 - 30 Gy entraînent des dommages rénaux tardifs importants
(néphrite chronique avec hypertension, albuminurie).
- Poumons: des lésions aiguës pulmonaires peuvent survenir dans les semaine qui suivent
l'irradiation. Le plus souvent ces ennuis sont cliniquement asymptomatiques et le plus souvent
biologiques.. Des pneumopathies aiguës parfois mortelles ont été signalées sans que l'on en
connaisse les raisons. Des lésions cliniques plus ou moins sévères après un intervalle libre
parfois long, la dose-seuil étant de 20 Gy en 2 semaines. Les anomalies sont le plus souvent
symptomatiques, très rarement cliniques, pour des doses inférieures à 20 Gy, plus sévères
lorsqu'il s'agit d'une association avec la chimiothérapie (bleomycine - adriamycine) lorsque les
doses quotidiennes sont trop importantes. Au total, nombre de fraction, volume pulmonaire sont
les paramètres entrant enjeu dans l'apparition de ces complications.
- Os: une dose de 25 Gy peut entrainer la diminution de la croissance d'un os chez l'enfant. Chez
l'adulte, des doses importantes supérieures à 65 Gy n'entraînent pas de manifestations cliniques
ou radiologiques importantes, en l'absence de traumatismes.
- Glandes Endocrines: l'hypophyse et la thyroïde sont particulièrement sensibles à l'irradiation,
particulièrement chez l'enfant. Une dose supérieure à 50 Gy peut entrainer un nombre non
négligeable d'hypo-pituitarisme. La mesure du taux de TSH fait partie de l'examen classique
après irradiation chez l'enfant et chez certains adultes traités en particulier par l'iode 131 en
radiothérapie transcutanée, cervicale ou hypothalamique.
58.4.2. Carcinogénèse
Chez l'adulte le risque d'apparition d'un second cancer dans le volume irradié est rare et ne
passe pas 0,1% chez les survivants. Le risque d'apparition d'une leucémie est rare sauf en cas de
traitement d'un lymphome, en particulier, après association chimio-radiothérapie.
286
Chez l'adulte, les cancers cutanés représentent un des risques majeurs du cancer du sein et
cancer de la thyroïde radio-induits sont plus rarement retrouvés.
Chez l'enfant, le risque est plus important majeur entre 3 et 7 ans après l'irradiation.
Elle doit être évitée dans la mesure du possible. Une dose de l'ordre de 0,5 Gy peut entrainer
un avortement. Le risque d'apparition de malformation radio-induite est d'autant plus important que
l'irradiation est faite tôt dans le développement.
En France environ 2500 personnes par million d'habitants par an, seront traitées par
radiothérapie chaque année.
Sur le plan des machines, l'indice de besoin est de 6 appareils de haute énergie par million
d'habitants, chaque machine traitant de 35 à 50 malades pour 10 heures de travail.
- un radiothérapeute senior pour 250 malades par an, radiothérapeute exclusif, non universitaire,
sans tâche administrative;
- des radiothérapeutes juniors-attachés, médecin qualifié dans des techniques particulières peuvent
être adjoints aux radiothérapeutes seniors en fonction du rôle du centre de radiothérapie
universitaire ou non, public ou privé, national ou international.
Dans tous les cas, la présence d'un physicien est nécessaire (1 physicien agréé par 400
malades et des techniciens). La présence d'un physicien plein temps est réglementaire lorsqu'il
existe un accélérateur linéaire.
58.6. FORMATION
La formation du personnel médical est assuré par les Facultés de médecine. Les
radiothérapeutes oncologues sont des spécialistes dont la spécificité nécessite en moyenne 5 ans
après le curriculum normal. Dans certains pays la radiothérapie est effectuée avec le radiodiagnostic
(et dans certains cas la médecine nucléaire).
Dans d'autres pays, la spécialité est l'oncologie, la radiothérapie étant enseignée au même
titre que l'oncologie mécicale avec un diplôme commun aux deux sous-spécialités. Enfin, dans
d'autres pays, la radiothérapie est une spécialité exclusive. L'enseignement consiste dans tous les
cas un enseignement pratique et htéorique. Celui-ci est très divers suivant les pays, les conditions de
validation ne sont pas identiques même en Europe.
Les manipulateurs de radiothérapie sont formés en France dans des écoles de manipulateurs
en radiologie ou par le biais de certains brevets de techniciens supérieurs. Trois ans de cours après
le baccalauréat sont en général nécessaire.
58.7. CONCLUSION
La radiothérapie depuis 100 ans est un des traitements le plus utilisés en cancérologie. Seule
ou associée aux autres thérapeutiques, elle entraine la guérison de près de 15% des cas.
287
En curiethérapie ou en radiothérapie cutanée, l'application de la radiothérapie nécessite une
surveillance et un contrôle de qualité permanent, qu'il s'agisse de la préparation du traitement, de la
mise en route de celui-ci, du contrôle des différentes séances d'irradiation, du contrôle des appareils
entrant enjeu dans les différents moments du traitement. La mise en route de l'assurance de qualité
du contrôle de qualité doit permettre d'améliorer cette thérapeutique en évitant en particulier les
complications aiguës ou surtout chroniques, la sévérité et la gravité sont d'autant plus importantes
qu'elles peuvent survenir chez des malades guéris.
BIBLIOGRAPHIE
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PergamonEd. (1985).
- LEBOURGEOis J.P., CHAVAUDRA J., ESCHWEGE Fr. Radiothérapie oncologique, Hermann Ed.
(1992).
288
CHAPITRE 59. RADIODIAGNOSTIC
J. Stines
Les rayonnements ionisants et plus particulièrement les rayons X jouent un rôle majeur dans
le diagnostic et le traitement des maladies. Il est probable que plus de la moitié des décisions
médicales importantes pouvant mettre en jeu le pronostic vital repose sur des informations issues de
l'imagerie.
L'exposition médicale est limitée aux expositions reçues par des individus à l'occasion de
diagnostics ou de traitements médicaux et aux expositions (autres que professionnelles) subies en
connaissance de cause et volontairement par des personnes assistant les patients en cours de
diagnostic ou de traitement.
Les risques liés aux irradiations médicales sont mal connus, même des professionnels,
particulièrement en ce qui concerne les risques globaux des populations. Il faut sensibiliser les
professionnels à ces problèmes [1].
En France, la dose efficace collective partielle par million d'habitants est estimée à
442 homme.sievert (0,44 mSv par individu et par an) et la dose génétiquement significative
attnbuable aux 45 millions d'examens pratiqués en 1982 en France à 0,295 mSv par individu et par
an. La dose efficace collective à la moelle hématopoïétique est égale à 40 300 homme.sievert
(0,743 mSv par habitant) [4] ce qui situe la France dans une fourchette haute: un tiers est représenté
par des radiographies thoraciques et un autre tiers par des examens portant sur le squelette.
Un individu qui vit en Europe reçoit dans sa vie dix fois plus d'irradiation pour motifs
médicaux que par toutes les autres sources d'irradiation d'origine humaine même si on y inclut
l'irradiation liée à Tchernobyl. Les pratiques radiologiques sont cependant très variables d'un pays
à l'autre [1].
Le rôle des organisations internationales est développé par ailleurs [5, 6].
59.1.1. Evaluation des bénéfices et des risques des techniques alternatives n'entraînant pas
l'exposition du patient
289
Le tableau 59.1. repris d'après la publication CIPR 34 donne quelques exemples d'examens
dont l'intérêt diagnostique est faible et pour lesquels l'irradiation qu'ils nécessitent est le plus
souvent inutile.
- urographie intra-veineuse chez des enfants qui ont un retard de développement s'il n'y a pas
d'autre signe clinique ou biologique, orientant vers une pathologie de l'appareil urinaire
- radiographie des sinus en cas de fièvre quand il n'y a pas de signe d'appel ORL
Elle est envisagée dans le module radiobiologie pour les aspects fondamentaux.
Les doses aux gonades et à la moelle osseuse sont très différentes selon les examens. En
radiodiagnostic, le risque dépend de la région sur laquelle a porté l'examen (fig. 59.1).
Les doses d'irradiation pour un même examen sont très variables (tableaux 59.2, 59.3, 59.4).
Chez la femme enceinte, l'irradiation doit être limitée au strict minimum. Chez toute femme en
période de procréation, les examens irradiants ne doivent donc être effectués qu'au cours des 10 jours
qui suivent l'apparition des règles.
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FIG. 59. 1. Relation linéaire probable entre l'incidence de tous les cancers radio-induits et
l'énergie totale distribuée au patient pour divers examens radiologiques standards avec ou sans
opacification (d'après une étude anglaise) [7J.
291
TABLEAU 59.4. EQUIVALENTS DE DOSE AUX GONADES ET EQUIVALENTS DE DOSE
EFFICACES PARTIELS (MOELLE, POUMON, THYROÏDE, GONADES) PAR TYPE
D'EXAMEN (FRANCE 1982) [9].
L'augmentation du taux de probabilité de décès pour des expositions prolongées, ce qui peut
être le cas lorsque l'on cumule des examens diagnostiques irradiants, peut être estimée à partir de
tables en fonction de l'âge et du type de modèles utilisé pour la prédiction. On les trouvera dans le
document "recommandations 1990 de la Commission internationale de protection radiologique" [10].
Le risque en radiodiagnostic est souvent sous-évalué parce qu'il est minime et non mesurable à
l'échelle d'un individu. Il devient cependant important à l'échelle de populations quand on prend en
compte l'énorme quantité d'irradiations médicales pratiquées annuellement (tableau 59.5).
population population
tous âges 18 à 65 ans
Cancers: risque de décès (exposition corps entier) 5 % par Sv 4 % par Sv
Effets héréditaires: risque pour les générations à venir 1 % par Sv 0,6 % par Sv
Détriment: cancers non mortels 7,2 % par Sv 5,5 % par Sv
Dans une estimation faite pour 1982 en France, le nombre d'effets somatiques et génétiques
imputables au radiodiagnostic était de l'ordre de 0,5 % du nombre total de décès par cancer [4]
pour une dose équivalente collective de 55 000 homme.sievert (1 mSv/individu/an).
292
59.1.2.4. Procédures radiologiques: mesures à prendre pour diminuer l'irradiation
Ce document ne peut évidemment couvrir toutes les pathologies. Il est évident de plus que les
évolutions constantes des technologies et les progrès dans l'évaluation médicale nécessitent une
remise en cause périodique des stratégies diagnostiques.
Le CIPR fait les recommandations suivantes: il ne faut pas adopter une technique si son
introduction ne donne pas un bénéfice net; toutes les expositions doivent être aussi faibles qu'il est
raisonnable d'atteindre en prenant en compte cependant des facteurs économiques et sociaux; il faut
limiter la dose équivalente aux individus.
Pour obtenir des réductions de dose, il faut: réduire le nombre d'irradiations par suppression
des examens de routine, sélectionner les patients en fonction de la probabilité de trouver
effectivement une pathologie et de critères cliniques valides; substituer chaque fois que c'est
possible les examens irradiants par des examens non irradiants; introduire en pratique courante des
algorithmes diagnostiques basés sur l'état de l'art et des possibilités d'utilisation d'examens non
irradiants.
L'irradiation dentaire est souvent négligée mais concerne un nombre important de patients.
59.2.1. Généralités
L'assurance de la qualité, qui n'est pas une idée nouvelle, est une démarche intellectuelle qui
suppose une motivation. Par le passé, on s'est surtout intéressé aux aspects techniques. Il faut
organiser des programmes d'assurance de la qualité.
59.2.2. Documentation
Une documentation importante est disponible au niveau international (documents CIPR, OMS
et CEI), au niveau européen (documents CCE). Peu de pays ont des dispositions réglementaires
mais beaucoup d'entre eux ont développé des recommandations (documents de 1'"American
Association of Physicists in Medicine" (AAPM), de la "Hospital Physicists Association" (HPA), de
la Société française des physiciens d'hôpital (SFPH) et du Groupe interdisciplinaire de
mammographie (GIM) [11].
59.2.3. Définitions
Contrôle de la qualité (CEI): "Actions pour constater l'état fonctionnel ou les propriétés
physiques d'un appareil, y compris l'évaluation des résultats obtenus".
293
Il doit prendre en compte non seulement les besoins des différents services d'imagerie depuis
le grand centre hospitalier universitaire jusqu'à la plus petite clinique, mais aussi les besoins
individuels des constructeurs, des utilisateurs et des patients.
Les éléments identifiés d'un programme complet d'assurance de la qualité sont les suivants:
désignation d'un responsable ayant en charge l'élaboration, la mise en place et le suivi du
programme, étude des spécifications d'achat, maintenance et contrôles périodiques des
performances, critères de qualité d'image et dose d'irradiation aux patients, évaluation de
l'efficacité et de l'évolution du programme et formation des personnels impliqués. Si tous les points
semblent essentiels, les deuxième et troisième points ont reçu jusqu'à ce jour le plus d'attention.
59.2.4.1. Objectifs
Les objectifs les plus importants sont: détection des défauts à l'installation ou après une
intervention majeure, détermination des valeurs de base pour les comparaisons futures et des
tolérances, détection et diagnostic des causes de toute détérioration des performances et actions
correctives à entreprendre.
Le concept risque-bénéfice est un concept important. Il faut prendre en compte le risque pour
le patient mais également le risque pour les professionnels qui réalisent l'examen. Si on quantifie au
préalable le risque, que l'on définit un risque acceptable et que l'on définit aussi le bénéfice
potentiel, on peut imaginer un système dans lequel les doses seront non seulement maintenues en-
dessous d'un niveau acceptable mais où elles seront également aussi basses que possible (ALARA)
[16].
294
QUALITE
quaité suffisante
hsiifisantel DOSE
[dose acceptable 1
59.2.4.6. Critères de qualité des images et doses d'irradiation aux patients. Approche clinique
C'est un des points les plus difficiles d'un programme de contrôle de qualité. Les
recommandations devront être adaptées en fonction de l'évolution des techniques.
Un essai CCE publié en 1990 a porté sur plus de 900 patients. Il a étudié les paramètres de
qualité de l'image et les doses correspondantes. Même pour des examens très standardisés comme
ceux pris en compte dans ces études, les variations sont considérables entre les extrêmes (facteur 1 à
6 pour la radiographie thoracique, facteur de 1 à 10 pour l'appareil urinaire). Pour beaucoup, les
doses sont largement supérieures aux recommandations. Une étude similaire a été faite dans le
domaine de la radiopédiatrie. Elle a montré des différences de dose encore plus considérables et a
abouti également à des recommandations [17].
59.2.4.7. Paramètres intervenant dans l'évaluation des doses délivrées au cours d'un examen
radiologique
Ils concernent la technique d'examen, les paramètres liés aux caractéristiques et aux réglages
de l'appareil et les paramètres liés au patient [19].
Du fait des nombreux paramètres d'influence, il existe une très grande variabilité de la dose
délivrée aux patients pour un même examen (tableau 59.6).
295
TABLEAU 59.6. DOSES TYPIQUES POUR QUELQUES EXAMENS COURANTS AU
ROYAUME-UNI ET DOSES DE REFERENCES RECOMMANDEES PAR LA CCE [11]
Doses de référence
Dose à l'entrée
Examens Projection recommandées
(mGy) par la CCE
min. max.
Thorax P/A 0,03 1,43 0,3
Lat 0,14 10,6 1,5
Crâne (P/A ou A/P) 0,73 13,9 5,0
Ut 0,36 90,9 3,0
Colonne dorsale A/P 0,87 37,1 10
Lat 0,53 49,7 10
Colonne lombaire A/P 0,83 59,1 10
Profil 2,38 108 30
Charnière lombo-sacrée 7,40 131 40
Abdomen A/P 0,70 62,4 10
Lat 9,90 29,8 10
Pelvis A/P 0,85 31,6 10
Appareil urinaire A/P 0,71 10,5 10
Sein Crânio- 2,00 30,3 10
caudal
Les mesures de dose sont nécessaires car elles précisent cette dispersion. Cela permet à un
service, un hôpital de se situer par rapport à la distribution des doses d'un ensemble de service ou
d'hôpitaux, à l'échelle du pays ou plus largement à l'échelle européenne [4].
L'examen de la distribution des doses délivrées permet de déduire, pour un examen et une
incidence donnée, une dose de référence qu'il serait souhaitable d'obtenir pour les conditions
techniques actuelles.
Le concept qualité-dose est insuffisamment utilisé par les radiologues. L'excès de dose est
loin de correspondre toujours à des meilleures images et il est souvent facile de réduire les doses
sans nuire à la qualité de l'image ou même en l'augmentant.
Les essais européens ont montré que pour une bonne technique radiographique, la dose était
réduite, c'est-à-dire que plus un grand nombre de critères de qualité de l'image était satisfait lors de
la prise du cliché, plus la dose était réduite.
296
Le taux de rejet des films doit diminuer non pas en acceptant des clichés imparfaits mais en
améliorant la qualité. Un cliché de qualité médiocre n'est pas à refaire s'il contient la totalité de
l'information diagnostique utile.
implication allocation
S N S
morbidité irradiation en charge qualité
de ressource de ressource patient clinique imgge
impact assurance
clinique de qualité
FIG. 59.3. Relation entre coût, risque et bénéfice dans un programme d'assurance de qualité en
radiologie [20].
Les documents qui concernent les problèmes d'assurance de la qualité sont nombreux mais il
n'y a pour l'instant que peu de recommandations sur l'organisation pratique. Aux U.S.A.
cependant, une législation vient d'être mise en place pour la mammographie ("Mammography
Quality Standard Act" de 1992).
Le besoin de pouvoir bénéficier de la présence des physiciens dans les services d'imagerie
s'est déjà fait sentir dans certains pays de la communauté européenne (directive CCE 84/466).
Ces réglementations doivent être insérées dans les législations nationales, les codes de
procédures et toutes autres formes de réglementations.
297
En France, les médecins et manipulateurs en radiologie utilisant les appareils générateurs de
rayonnement pour les applications médicales doivent être qualifiés conformément aux décrets
n° 59-585 du 24/04/1959 et n° 87-710 du 17/07/1984.
Les programmes de formation doivent aussi concerner la personne compétente, les personnels
paramédicaux, les physiciens et l'information au public.
Des mesures de sécurité minimales sont indispensables pour ne pas exposer le personnel et
les patients à des risques non contrôlés. Des inspections doivent être réalisées: lors de
l'établissement des plans d'un nouveau service, pendant la construction du bâtiment ou
l'aménagement des locaux, immédiatement après l'installation du bâtiment, lorsque l'on fait des
modifications ou si la surveillance du personnel indique une détérioration des conditions
d'exploitation, à intervalles réguliers même en l'absence de détérioration évidente.
Les essais de recette, d'état et les essais périodiques s'intègrent dans cette demande. Tous les
contrôles doivent s'accompagner d'une information régulière du personnel.
Les contrôles sont prévus dans le décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986. Ils doivent être
effectués conformément aux méthodes définies [21].
Les organismes prévus à l'article 29 du décret du 2 octobre 1986 pour procéder aux contrôles
réglementaires d'ambiance et des générateurs électriques de rayonnement sont agréés par arrêté
des ministères chargés du travail et de l'agriculture.
298
59.4.2. Gestion du contrôle de qualité
Les résultats des essais de constance sont comparés aux valeurs de référence. Dès qu'un
résultat sort de la plage de tolérance, une action corrective doit être entreprise. Les actions
correctives sont effectuées à la suite des essais de constance. Les résultats sont notés sur les fiches
correspondant à chaque phase du contrôle.
REFERENCES
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Phys, 20, 1303-1314 (1993).
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pratique générale. Normes fondamentales de protection. Volume 1, O.M.S., Genève, (1974).
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aux pratiques de radiodiagnostic en France en 1982. Méthodologie (1ère partie). / . Radioi.,
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[13] WAMBERSIE A., WHITE D.R. ICRU activity in the field of phantoms in diagnostic
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[14] MACCIA C. La dose reçue par les patients au cours des examens de radiodiagnostic et son
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299
[15] STENDER H.S., STTEVE F.E. Image quality-physical and diagnostic parameters. The
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[16] EDWARDS M. Development of radiation protection standards. RadioGraphics, 11, 699-712
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[17] SCHNEIDER K., FENDEL H., BAKOWSKI C , STEIN E., KOHN M.., KELLNER M.,
SCHWEIGHOFER K., CARTAGENA G., PADOVANI R., PANZER W., SCHEURER C , WALL B.
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[18] COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES. Test phantoms and optimisation
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[19] BOUHNK H., BARD J.J., CHAVAUDRA J., COSTA A . , DROUARD J., LISBONA A . , MACCIA
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[21] MENETRIER J. Décret 86-1103 du 2 octobre 1986 (modifié par le Décret 91-963 du
19/09/91) Date d'application 01/10/87. Session de formation de la personne compétente en
radioprotection. Tome 1. Centre René Huguenin, Saint-Cloud (1993).
Abréviations utilisées
TDM Tomodensitométrie
300
CHAPITRE 60. OPTIMISATION DES EXPOSITIONS MEDICALES
ASPECTS OPERATIONNELS
J-Cl. Rosenwald
INTRODUCTION
Ces méthodes ne sont applicables que si un certain nombre de conditions sont remplies par
ailleurs. Il faut en effet disposer d'appareils et de sources conformes à l'utilisation que l'on souhaite
en faire et offrant toutes les garanties de sécurité voulues. Il faut en outre que ces matériels aient
fait l'objet au préalable d'un étalonnage adéquat, permettant une utilisation adaptée aux niveaux de
doses visés. Ces niveaux de dose doivent être accessibles aux utilisateurs avec une précision plus ou
moins grande selon le type d'application, de l'ordre de quelques pourcents pour les applications
thérapeutiques et quelques dizaines de pourcents pour les applications diagnostiques. Il faut enfin
que l'utilisation des équipements et des sources soit associée à un programme de contrôle de qualité
qui garantisse l'absence de dérive de leurs caractéristiques au cours du temps [1 à 5]. Tous ces
impératifs font l'objet d'autres présentations. Je n'y reviendrai donc pas ici.
Nous ne reviendrons pas .ici sur les principes généraux de justification qui correspondent à
des indications médicales. Nous ne discuterons pas non plus, pour les applications diagnostiques, la
nécessité de réduire autant que faire se peut le nombre d'examens ni de limiter le nombre d'images
par examen. En revanche nous nous attacherons à étudier les moyens pratiques de réduire la dose
au patient pour chacun des "actes" effectués (fabrication d'image ou réalisation d'une séance de
traitement). Nous envisagerons successivement les différentes modalités en discutant pour chacune
d'elle les principes généraux puis les méthodes pratiques permettant d'optimiser l'exposition du
patient.
60.1. RADIODIAGNOSTIC
Les procédures utilisées en radiodiagnostic font appel à des principes et des appareillages
légèrement différents. Dans tous les cas on a émission de rayonnement par un tube de rayons X
relié à un générateur et analysé par un (ou plusieurs) détecteur(s). En revanche on peut distinguer
les cas où l'image est figée à un instant donné (radiographie, scanographie) et celles où l'on
examine en temps réel les déplacements d'organes ou le cheminement d'éléments étrangers à
l'intérieur du corps (radioscopie, radiologie interventionnelle). On peut également différencier les
cas où l'exposition est faite globalement ou coupe par coupe comme en scanographie.
301
60.1.1. La chaîne radiologique
L'émission du rayonnement est produite par un tube à rayons X aux bornes duquel on
applique une tension comprise entre 30 et 120 kV. Les photons émis se distribuent selon un spectre
en énergie dont la valeur maximale (en keV) correspond à la tension appliquée. Plus la tension est
élevée, plus les rayonnements sont pénétrants et permettent d'examiner des régions épaisses. En
revanche, en même temps, le contraste résultant de la différence d'absorption entre des structures
d'épaisseur ou de densité différentes (os, poumons) diminue. Il y a donc un compromis à trouver.
On élimine les composantes de basse énergie qui contribuent à la dose au patient sans atteindre le
détecteur, en interposant un filtre métallique (généralement quelques millimètres d'aluminium).
Le débit de dose à la sortie du tube dépend de la tension appliquée mais également du courant
qui le traverse (mA). On effectue des expositions de courte durée (quelques centièmes de seconde à
quelques secondes) et la dose résultante est proportionnelle au produit du courant par le temps
(mAs).
L'objet à radiographier est le patient. Selon les régions examinées les conséquences possibles
de l'irradiation seront différentes. Interviennent notamment: l'étendue de la région examinée, la
présence ou non d'organes critiques dans cette région ou à proximité immédiate, l'épaisseur et la
densité des tissus traversés, etc. La distance entre la source de rayonnement et le patient,
l'orientation du faisceau (incidence) jouent également un rôle.
60.1.1.3. Détecteur
Le système de détection le plus couramment utilisé est le film qui doit être exposé
suffisamment pour être lisible. Pour un film nu, cela correspond à une dose de l'ordre de 100 mGy.
Néanmoins, pour un film donné, les conditions de développement et d'examen du film
(négatoscope) sont également à prendre en compte et à optimiser.
D'autres types de détecteurs sont utilisés en radiologie et, notamment, les intensificateurs
d'image qui permettent d'obtenir en temps réel l'image sur un écran de télévision, et qui remplacent
avantageusement les écrans fluorescents des appareils de radioscopie conventionnelle, aujourd'hui
formellement déconseillés.
Le but à atteindre est d'obtenir au niveau du détecteur une image de qualité suffisante pour
être interprétée [6]. Cette image correspond à une certaine dose Dd (fig. 60.1).
Pour obtenir cette dose, il est nécessaire d'exposer le patient à une dose plus élevée comprise
entre D e à l'entrée des tissus (côté tube de rayons X) et D s à la sortie (côté détecteur).
302
FIG. 60.1. Pour optimiser l'exposition du patient on est amené à considérer la dose en différents
points: De à la surface d'entrée, Ds à la surface de sortie, Dj au niveau du détecteur.
Cet objectif est atteint en utilisant des détecteurs aussi sensibles que possible.
La sensibilité des films est liée en particulier à la concentration et à la taille des grains
élémentaires de I'émulsion (bromure d'argent). Elle est limitée par la nécessité d'avoir une bonne
définition d'image. On peut l'augmenter en adjoignant aux films des écrans renforçateurs placés au
contact de I'émulsion, qui émettent une lumière visible de fluorescence lorsqu'ils sont exposés aux
rayons X. Ces écrans permettent une augmentation de la sensibilité des films de l'ordre d'un facteur
10. Ils sont aujourd'hui utilisés pour la quasi totalité des examens radiographiques pratiqués.
Les intensificateurs d'image dans lesquels la luminosité de l'image est augmentée par un
procédé électronique ont permis de leur côté de diviser par 10 les doses nécessaires à la production
d'une image radioscopique. En effet, ces images étaient, il y a 20 ans, obtenues par bombardement
direct d'un écran fluorescent ayant un faible rendement de production de lumière, et nécessitant une
accoutumance prolongée à l'obscurité. Aujourd'hui, les quelques installations de ce type encore
existantes doivent disparaître. L'utilisation quotidienne des intensificateurs d'image n'est par pour
autant sans poser de problèmes: il faut qu'ils soient bien réglés et utilisés avec modération. On leur
adjoint obligatoirement une minuterie qui signale lorsque le temps prédéfini pour l'examen est
atteint. Certains systèmes sont équipés également d'un écran à mémoire qui permet de conserver
l'image sans irradier le patient. .
La dose à la sortie du patient est gouvernée par tout ce qui est interposé entre le patient et
le détecteur. Il s'agit le plus souvent de la table sur laquelle s'appuie le malade, et qui doit être
aussi radiotransparente que possible, et de la grille antidiffusante placée devant le film pour
éliminer au maximum les photons diffusés à grand angle et donc non représentatifs des structures
traversées. Cette grille doit réaliser un compromis entre atténuation faible et grande efficacité
antidiffusion, généralement obtenu au prix d'une atténuation comprise entre 50 et 70 %.
Pour certaines techniques, on met volontairement le détecteur à distance de l'objet, soit pour
diminuer le diffusé, soit pour effectuer un agrandissement d'image. Dans ce cas aussi, il convient
de compenser l'éloignement par une augmentation de la dose délivrée au patient.
303
60.1.2.3. Réduire le rapport De/Ds
La plus grosse partie du rayonnement incident est absorbée par le patient et seule une petite
fraction en émerge et contribue à la dose D s . Cette fraction est de l'ordre de 10 % pour un examen
du thorax, pratiqué à haute tension. Elle n'est que de 0,1 % pour un cliché latéral du bassin. Il est
donc essentiel d'obtenir une transmission élevée, c'est-à-dire de réduire le rapport D e /D s .
Pour y parvenir, on peut utiliser l'une des techniques suivantes: augmenter la distance foyer-
peau, augmenter l'énergie moyenne du faisceau, diminuer l'épaisseur des tissus traversés.
Pour une distance x donnée, ce rapport est d'autant plus petit que f est grand. Ainsi, pour un
patient qui ferait 20 cm d'épaisseur, le rapport D e /D s , en l'absence de milieu (dans l'air), serait
égal à 2 pour une DFP de 50 cm. Il ne serait que de 1,4 pour une DFP de 1 m.
La dose au patient est donc réduite lorsqu'on augmente la DFP. C'est la raison pour laquelle
la CIPR recommande l'utilisation de DFP supérieures à 100 cm et préconise de ne jamais utliser de
DFP inférieure à 45 cm [6].
En fait, le rapport D e /D s se trouve encore augmenté par la présence des tissus qui atténuent
le rayonnement. Cette atténuation est d'autant plus faible que l'énergie moyenne du faisceau est
plus élevée. L'énergie moyenne dépend de la tension appliquée aux bornes du tube et de la filtration
présente dans le faisceau. Le tableau 60.1 donne le rapport D e /D s pour une DFP supposée très
grande (variation négligeable de la dose dans l'air en fonction de la distance) et pour différentes
valeurs d'épaisseur, de tension et de filtration.
On vérifie que pour une dose de sortie donnée, la dose à l'entrée est d'autant plus élevée que
l'épaisseur est élevée. Cette dose diminue légèrement lorsque la tension augmente mais surtout
lorsqu'on interpose un filtre d'aluminium dans le faisceau. Ainsi, pour les filtres considérés ici, la
dose est diminuée d'un facteur 2 à 3 par rapport à ce qu'elle serait en l'absence de filtre.
L'épaisseur du filtre à utiliser est limitée par la nécessité de ne pas trop augmenter les temps
de pose. Un bon compromis se situe autour de 2 à 3 mm d'Al et la CIPR [6] impose d'utiliser des
filtres de plus de 2,5 mm d'Al dont au moins 1,5 mm permanents. Seules, les techniques
particulières à bas voltage telles que la mammographie et la radiographie dentaire échappent à cette
règle.
304
TABLEAU 60.1. RAPPORTS D e /D s A DISTANCE FOYER PEAU INFINIE POUR
DIFFERENTES QUALITES DE FAISCEAU ET DIFFERENTES EPAISSEURS TRAVERSEES.
En aucun cas, la région exposée ne doit déborder par rapport au film; l'irradiation résultante
serait en effet inutile puisqu'elle ne contribuerait pas à la formation de l'image. Il est donc
recommandé de laisser systématiquement et volontairement une marge blanche, non exposée,
autour des clichés. L'utilisation de systèmes qui adaptent automatiquement les dimensions du
diaphragme à celles du film utilisé est fortement recommandée.
Malgré les efforts faits pour limiter la surface exposée, il faut être conscient du rôle joué par
le rayonnement diffusé. En effet, il contribue de manière très importante à la dose délivrée en
profondeur, pouvant apporter dans la région centrale, jusqu'à 5 fois plus que la dose due au
rayonnement primaire. Il contribue également à la dose dans les régions protégées jusqu'à des
distances de plusieurs centimètres de la limite du faisceau, et en délivrant des doses résiduelles
représentant jusqu'à 10 % des doses obtenues au centre du champ à la même profondeur.
L'application pratique de ces méthodes n'est possible que si l'on dispose d'un équipement
adéquat et de personnel correctement formé.
L'appareillage doit être adapté à l'utilisation que l'on souhaite en faire. Ainsi, les appareils de
mammographie qui font appel à des basses tensions (de l'ordre de 25 kV) et des foyers fins pour
mettre en évidence les faibles contrastes de la glande mammaire et visualiser correctement les
microcalcifïcations sont ils réservés à cet usage. S'il s'agit d'effectuer des examens pulmonaires il
faut au contraire disposer d'appareils pouvant fonctionner au voisinage de 130 kV. Le choix de la
305
chaîne de détection est lui aussi fondamental. En radiographie, on prendra soin de retenir la
combinaison film-écran qui est la plus sensible dans les limites de la qualité d'image souhaitée.
Le recours à des appareils mobiles pour effectuer les clichés au lit du malade doit être réservé
aux cas où on ne peut pas faire autrement. En effet le risque est plus grand de "rater" son cliché et
d'avoir à le refaire et donc d'exposer à nouveau le patient. De plus, il est beaucoup plus difficile
dans de telles circonstances de régler les constantes de l'appareil pour réaliser le meilleur
compromis dose/qualité d'image.
L'orientation du faisceau par rapport au patient est basée avant tout sur des considérations de
commodité d'interprétation (éviter certaines superpositions d'organes par exemple). Néanmoins
l'incidence a des conséquences significatives sur la dose. Ainsi pour réduire la dose au cristallin
dans un examen de la région du crâne, on retiendra l'incidence postéro-antérieure de préférence à
l'irradiation antéro-postérieure. En revanche le problème ne se pose pas pour les techniques de type
scanographique où l'examen se déroule coupe par coupe selon des incidences multiples et où la
dose est, en première approximation, homogène dans tout le volume exploré.
Il faut apporter la plus grande attention aux conditions de développement et d'analyse des
images. Les films radiographiques sont très sensibles aux conditions de développement et un
mauvais réglage de la machine à développer peut déboucher sur une compensation par
surexposition du film et donc du patient. Les conditions d'examen de ces films sont également
importantes et on veillera à disposer de négatoscopes suffisamment lumineux placés dans une semi-
pénombre.
Bien qu'en général les risques consécutifs à l'irradiation soient minimes par rapport aux
bénéfices escomptés, il importe de rester vigilant et de faire passer dans la pratique quotidienne les
méthodes précédemment évoquées. Une attention particulière devra être portée aux femmes en état
de procréer qui peuvent être enceintes sans le savoir ou qui omettent de le signaler; aux femmes
reconnues comme enceintes pour lesquelles l'examen échographique doit être généralement préféré;
aux jeunes enfants, susceptibles d'être plus sensibles aux effets des rayonnements.
a
Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des
sources de rayonnements (NDLR)
306
60.2. MEDECINE NUCLEAIRE
La médecine nucléaire consiste à utiliser des radioéléments sous forme non scellée à des fins
diagnostiques ou thérapeutiques. Selon le type d'application les critères de choix et les méthodes à
mettre en oeuvre pour réduire l'exposition du patient seront nettement différentes [8].
60.2.1. Diagnostic
60.2.1.1. Principe
II s'agit de détecter à l'extérieur du corps le rayonnement émis par une source préalablement
absorbée par le patient. Pour réaliser un examen de bonne qualité en délivrant une dose faible au
patient il faut donc remplir les conditions suivantes:
- disposer d'un détecteur sensible, situé dans un local à bas bruit de fond et équipé d'un
collimateur adéquat;
- choisir le radioélément pour qu'il se fixe préférentiellement sur les organes étudiés tout en
émettant un rayonnement en quantité suffisante pour être détecté à l'extérieur du corps, mais
dont seule une petite fraction d'énergie reste absorbée à l'intérieur;
- s'arranger pour que ce radioélément soit éliminé le plus vite possible une fois l'examen terminé.
60.2.1.2. Méthodes
- Forme chimique
Le détecteur étant placé à l'extérieur, il est important que le rayonnement émis soit
suffisamment pénétrant pour ne déposer qu'une petite fraction de son énergie à l'intérieur du corps.
Il est donc impératif de faire appel au rayonnement gamma en évitant l'émission bêta. En effet, le
rayonnement bêta est absorbé à proximité de l'organe qui fixe le produit sans contribuer à la
formation de l'image. De ce point de vue, l'iode 131 qui était utilisé pour l'examen de la thyroïde
dans les débuts de la médecine nucléaire, n'était pas bien adapté puisqu' émetteur mixte bêta et
gamma. Un cas particulier est celui des émetteurs de positrons qui demandent des dispositifs de
détection spécifiques et qui, du fait de leur courte période, ne posent pas de problèmes majeurs
pour la dose au patient.
- Energie
A priori la gamme d'énergies gamma disponibles couramment est comprise entre quelques
dizaines et quelques centaines de keV. On peut penser que plus l'énergie est élevée, meilleure est la
possibilité de détection à l'extérieur mais en réalité, il faut également prendre en considération la
sensibilité du cristal détecteur en fonction de l'énergie qui a tendance à diminuer significativement
307
au-delà de 200 keV, ainsi que la facilité de réalisation du dispositif de collimation. Le tableau 60.2
regroupe pour les 3 énergies 30 keV, 100 keV et 400 keV les caractéristiques suivantes: épaisseurs
de tissu mou et de plomb atténuant le rayonnement d'un facteur 2 ("épaisseur moitié") et efficacité
de détection normalisée à 400 keV.
On constate que de 400 keV à 100 keV la sensibilité du détecteur augmente d'un facteur 10 et
qu'il faut une épaisseur de plomb dix fois plus petite pour obtenir la même atténuation. Il est donc
beaucoup plus facile et plus efficace de réaliser des collimateurs pour 100 keV que pour 200 keV.
En revanche l'épaisseur moitié de tissu mou n'est que peu modifiée puisqu'elle passe de 6 cm
à 4 cm. De plus, il n'est pas inintéressant d'avoir une certaine atténuation dans les tissus pour éviter
une contribution trop importante des tissus situés plus profondément que la région examinée. En
revanche le rayonnement de 30 keV, avec une épaisseur moitié de 2 cm, est trop peu pénétrant
pour être utilisable en diagnostic.
- Période
Le choix de la période est guidé par la nécessité d'une part de disposer facilement de la
quantité nécessaire de produit et de pouvoir programmer sans trop de contraintes le moment de
l'examen par rapport au moment de l'injection, et d'autre part par le souhait que le produit soit
éliminé le plus rapidement possible une fois l'examen réalisé. Il faut également prendre en compte
l'intérêt des mesures de cinétique dans lesquelles le taux d'élimination biologique du produit est
susceptible d'apporter des éléments diagnostiques. Il n'est pas possible pour de telles applications
d'imaginer des périodes inférieures à l'heure. Bien entendu, on pourra se permettre d'utiliser des
périodes (et des activités) plus élevées si la période biologique correspondant à l'examen effectué
est plus courte. Dans tous les cas, des périodes courtes devront être préférées si la nature de
l'examen exige l'emploi d'activités élevées.
- Pureté
II est essentiel que le radioélément soit aussi pur que possible. En effet il y a toujours le
risque, en cas de contamination par un élément de période plus longue, que l'activité de ce
dernier ne devienne significative au cours du temps au détriment du radioélément choisi pour
l'examen considéré. Un défaut de pureté chimique est également préjudiciable à la qualité de
l'examen car susceptible d'entrainer des fixations anormales.
- Le technetium 99m
Compte tenu de toutes les conditions énoncées précédemment, le technetium 99m, combiné
avec les molécules chimiques adéquates, s'est imposé au cours du temps comme radioélément de
choix pour les applications diagnostiques en médecine nucléaire. Emetteur gamma pur de 140 keV
avec une période de 6 heures et une disponibilité assurée grace à l'élution des colonnes de
molybdène 99, il réalise un excellent compromis pour obtenir une image de qualité sans que le
patient soit trop irradié.
308
60.2.1.2.2. CHOIX ET RÉGLAGE DU SYSTÈME D'ACQUISITION D'IMAGE
Pour diminuer la dose au patient, il est important de disposer d'un système d'acquisition
d'image aussi sensible que possible. Cette sensibilité dépend non seulement de la chaîne de
détection à proprement parler (scintillateurs, photomultiplicateurs, etc.) mais aussi des collimateurs
utilisés. Elle est aussi fonction des réglages effectués qui doivent réaliser le meilleur compromis
entre la sélectivité en énergie, la sensibilité absolue et l'importance du rapport signal/bruit.
Le choix de l'activité pour un examen et un appareil donnés est délicat car une activité trop
faible donne un examen ininterprétable donc à refaire. Au bout du compte il y aurait irradiation
excessive du patient et perte de temps.
Pour les adultes on peut généralement obtenir des résultats diagnostiques acceptables en
utilisant des activités comprises entre quelques dizaines et quelques centaines de mégabecquerels
selon le radioélément et le type d'examen considérés. On pourra s'aider à cet effet des valeurs de
référence proposées par les organismes nationaux ou internationaux. Les doses résultantes sont
alors de l'ordre de quelques dizaines de millisieverts pour les organes explorés.
Dans le cas particulier des femmes enceintes et des enfants, l'exploration isotopique est
fortement déconseillée. Si le bénéfice escompté l'emporte sur le risque, il faudra être encore plus
vigilant que d'habitude sur les niveaux d'activité administrée. Pour les enfants une réduction des
activités en fonction de leur poids ou de leur surface corporelle doit être envisagée de telle sorte que
les doses aux organes concernés restent inférieures à celles d'examens similaires pratiqués chez des
adultes.
60.2.2. Thérapie
60.2.2.1. Principe
Pour les applications thérapeutiques, le but recherché est totalement différent. Il s'agit de
délivrer la dose voulue à l'organe malade tout en épargnant au mieux les autres structures.
Ce but est atteint si l'organe en question est capable de fixer électivement la molécule
administrée et si le rayonnement émis par le radioélément est essentiellement absorbé localement.
De plus, la quantité de radioélément doit être estimée en fonction de la dose que l'on souhaite
délivrer, cette dose étant reliée de manière complexe au taux de fixation et à la vitesse
d'élimination.
309
60.2.2.2. Méthodes
- Forme chimique
- Période
La période physique des radioéléments doit être longue par rapport à la période biologique
qui gouverne leur taux d'élimination. En effet la dose totale est obtenue par intégration du débit de
dose au cours du temps, compte tenu de ces deux périodes. En pratique on a souvent à faire à des
périodes de quelques jours ou de quelques dizaines de jours.
- Pureté
Comme en diagnostic, la pureté du radioélément est importante pour assurer une fixation
élective et éviter les doses dues à des irradiations parasites.
- L'iode 131
Compte tenu de l'incertitude des calculs de dose, il est difficile de savoir précisément quelle
activité administrer. Cette activité est fonction de nombreux facteurs qui prennent en compte les
caractéristiques physiques et chimiques des produits ainsi que le métabolisme du patient. Il
conviendra d'être, comme en diagnostic, particulièrement attentif au cas des femmes en état de
procréer ou enceintes et des enfants. Il faudra également proscrire tout allaitement naturel
immédiatement après le traitement et prendre en compte dans tous les cas les éventuels traitements
antérieurs. Les ordres de grandeurs des activités administrées sont de 100 à 1000 fois plus élevées
que celles utilisées en diagnostic.
60.2.2.2.3. SURVEILLANCE
Compte tenu des activités en jeu, il est impératif d'hospitaliser les patients traités et de
s'assurer avant de les libérer de l'absence de contamination significative des vêtements et des autres
parties du corps. Le niveau d'activité à partir duquel un patient peut être autorisé à retourner chez
lui dépend des législations nationales. Pour l'iode 131, il est de l'ordre de 1 000 MBq.
310
60.3. RADIOTHERAPIE
60.3.1. Principe
Le point de départ de toute radiothérapie est l'identification précise du volume que l'on se
propose d'irradier et de la dose nécessaire pour stériliser la tumeur. On distingue habituellement
plusieurs volumes [10]:
- le volume tumoral macroscopique qui correspond aux tissus envahis tels qu'on peut les mettre en
évidence à partir des examens cliniques et des méthodes d'imagerie appropriées;
- le volume cible anatomoclinique qui englobe le précédent et comporte une marge de sécurité
pour tenir compte des risques d'envahissement microscopique. C'est dans ce volume que l'on se
propose de délivrer la dose tumoricide de manière a priori aussi homogène que possible;
- le volume cible planifié qui prend en compte en outre les incertitudes dues au mouvements des
organes, au réglage des appareils de traitement, etc.
Pour réduire l'exposition du patient, il faut que ces volumes soient les plus petits possibles
tout en garantissant un traitement adéquat de la tumeur. Il faut donc limiter les causes d'incertitude
en disposant de sources et d'appareillages parfaitement réglés et contrôlés, et en immobilisant le
patient autant que faire se peut. Il est courant de rechercher des précisions géométriques de l'ordre
de 3 ou 4 mm. Il arrive même, pour certaines techniques très particulières, notamment pour les
lésions intracraniennes, de rechercher une précision de l'ordre du millimètre. Le choix de la marge
à respecter entre le volume tumoral macroscopique et le volume cible anatomo-clinique est délicat
et forcément quelque peu subjectif. Néanmoins, que ce soit en terme de valeur de dose ou de marge
de sécurité, il faut se garder de valeurs trop petites qui aboutiraient inéluctablement à des récidives
tout aussi graves (sinon plus) que les complications qui pourraient résulter du choix de valeurs trop
grandes.
Tout le problème de la radiothérapie consiste donc à "naviguer" entre ces deux risques, non
stérilisation et complications. Les moyens mis en oeuvre font appel à une technologie et à une
méthodologie avancées pour le repérage des volumes, la production et l'étalonnage des
rayonnements, le calcul de la distribution des doses, l'administration du traitement. Ces moyens
diffèrent sensiblement selon que l'on utilise la curiethérapie ou la radiothérapie externe.
60.3.2. Curiethérapie
Les radioéléments le plus souvent utilisés en curiethérapie sont des émetteurs gamma. Les
émetteurs bêta sont en effet réservés à des cas très particuliers où on souhaite irradier des lésions
311
superficielles de quelques millimètres d'épaisseur (phosphore 32, strontium 90, ruthénium 106). En
revanche pour les applications classiques de curiethérapie intracavitaire (gynécologie) ou
interstitielle (sein, ORL, etc.), les émetteurs gamma sont préférés car ils permettent l'irradiation de
volumes de plusieurs centimètres de diamètre tout en gardant un nombre raisonable de sources.
Au-dessus d'une centaine de keV l'énergie du rayonnement gamma n'a pas beaucoup
d'influence sur la distribution des doses. Les critères de choix correspondent plutôt à la disponibilité
des sources sous une forme adaptée aux indications cliniques et à la possibilité de réaliser
commodément des écrans protecteurs.
Le radium 226 qui a une énergie moyenne de plus d'1 MeV est abandonné depuis plusieurs
dizaines d'années et on lui a substitué essentiellement l'iridium 192, émetteur gamma d'énergie
moyenne égale à 380 keV et le césium 137 d'énergie égale à 660 keV. L'iode 125 est aussi
quelquefois utilisé, mais sa faible énergie (de l'ordre de 30 keV) rend la dosimétrie plus délicate et
imprécise.
La géométrie des sources est en revanche essentielle. En effet la distribution des doses est
principalement liée à la dispersion géométrique des photons émis qui aboutit à une diminution très
rapide de la dose dès qu'on s'éloigne de la source (inverse du carré de la distance pour une source
ponctuelle). Pour obtenir une distribution de dose relativement homogène dans le volume cible on
associe donc un nombre de sources d'autant plus grand que le volume est important en respectant
une distance entre sources relativement constante et comprise généralement entre 0,5 et 1,5 cm. On
obtient ainsi des petits "manchons" autour de chaque source qui correspondent à des doses très
élevées mais qui sont acceptables tant que leur diamètre reste inférieur à quelques millimètres.
II n'est pas exclu d'inclure dans les applicateurs des écrans protecteurs additionnels.
Toutefois, compte tenu des énergies utilisées et de l'impossibilité d'utiliser des écrans trop
encombrants ces protections ne peuvent pas être très efficaces. De plus il est diffcile de les disposer
correctement pour ne pas risquer de sous-doser les tissus à traiter.
312
C'est sur la base de cette distribution de dose que l'on peut déterminer le temps pendant
lequel les sources doivent rester en place [13]. On distingue la curiethérapie "conventionnelle" à
"bas débit de dose" pour laquelle les temps d'application sont de quelques jours, la curiethérapie à
"haut débit de dose", qui utilise des sources cent à mille fois plus actives et qui correspond à des
séances de quelques minutes souvent renouvellées plusieurs fois et les implants permanents (surtout
pratiqués avec l'iode 125) où les sources sont des petits grains implantés qui restent à demeure.
Pour de tels implants, le débit de dose diminue exponentiellement au cours du temps en fonction de
la période du radioélément.
Dans tous les cas il est essentiel de s'assurer avec un détecteur, avant de laisser le malade
quitter l'hôpital, que toutes les sources ont été retirées pour une application temporaire ou que le
débit de dose à l'extérieur est acceptable pour un implant permanent.
La radiothérapie externe est plus fréquemment utilisée que la curiethérapie. Pour concentrer
au mieux la dose dans le volume cible on est amené à jouer sur les caractéristiques des faisceaux et
sur la manière de les combiner.
60.3.3.1.1. PHOTONS
Les photons de basse énergie produits par des tubes de rayons X traditionnels ne sont
pratiquement plus utilisés en radiothérapie externe car pour obtenir une dose suffisante en
profondeur, il est indispensable d'utiliser des doses superficielles élevées ce qui aboutit à des
réactions de la peau inacceptables (sauf précisément pour le traitement des lésions cutanées).
Les photons de plus haute énergie produits soit par les appareils de télécobalt soit par les
accélérateurs linéaires permettent une protection relative de la peau. En effet, on observe une
région dans laquelle les électrons secondaires mis en mouvement par les photons s'accumulent
(build-up) avant d'atteindre un équilibre à une profondeur comprise entre 0,5 et 4 cm selon
l'énergie considérée (fig. 60.2). C'est à cette profondeur que la dose est maximum, la dose à la
peau elle-même n'étant que de quelques dizaines de pour cent du maximum. Pour améliorer la
protection cutanée on évite donc d'interposer dans le faisceau à faible distance de la peau des
éléments tels que vêtements, supports en plexiglass, etc. Au-delà de la profondeur du maximum la
dose diminue à peu près exponentiellement d'autant moins vite que l'énergie est plus élevée. Pour
obtenir une dose donnée en profondeur, les tissus situés à plus faible profondeur sont donc d'autant
mieux épargnés que l'énergie est élevée [9, 14].
60.3.3.1.2. ELECTRONS
Les faisceaux d'électrons présentent une distribution de doses en profondeur très différente
(fig. 60.3). Schématiquement il y a une zone de plateau suivie par une atténuation très rapide dans
la région où les électrons s'arrêtent. La profondeur maximum atteinte par les électrons (en cm)
correspond à peu près à la moitié de leur énergie (en MeV) et la profondeur "utile" (zone où la
dose varie de moins de 15 %) correspond à peu près au tiers de leur énergie.
Les électrons sont donc utilisés préférentiellement pour traiter des lésions semi-profondes
pour lesquelles il est essentiel d'épargner les tissus sous-jacents. Un bon exemple est celui des
ganglions de la région cervicale situés à une profondeur maximale de l'ordre de 4 cm pour lesquels
on utilise des électrons de l'ordre de 12 MeV qui épargnent la moelle épinière située à environ 6
cm de profondeur.
313
A, B et C = accélérateurs -D - télécobalt - E et F = rayons X basse énergie
FIG. 60.2. Variation de la dose en profondeur dans les tissus pour des faisceaux de photons de
différentes énergies (d'après [14]).
O.S.P. 100 cm
10 cm x 10 cm
Saturne - Sagittaire
32MeV
10 12 14 16 18 20 22 24 proiondeu'
(cm «au)
FIG. 60.3. Variation de la dose en profondeur dans les tissus pour des faisceaux d'électrons de
différentes énergies (d'après [9]).
314
60.3.3.1.3. AUTRES PARTICULES
Les neutrons, qui présentent une distribution de dose peu différente de celle des faisceaux de
photons de basse ou moyenne énergie sont utilisés pour des indications très limitées pour lesquelles
un effet radiobiologique favorable a été prouvé (glandes salivaires par exemple).
Les faisceaux de protons ou d'ions plus lourds sont plus intéressants car la variation de la
dose en profondeur présente une augmentation lente d'abord puis très rapide lorsque les particules
commencent à s'arrêter suivi d'une chute extrêmement brutale ("pic de Bragg") (fig.60.4). Ce pic
peut être facilement réglé à la profondeur souhaitée en interposant un absorbeur et "étalé" sur
l'épaisseur voulue grâce à un système de modulation. On obtient ainsi une distribution des doses
ajustée exactement aux dimensions du volume cible. Toutefois en raison du coût et de la complexité
des accélérateurs produisant de tels faisceaux, cette technique reste à l'heure actuelle limitée à un
nombre très restreint d'installations et à part pour le traitement des mélanomes de l'oeil elle est
encore du domaine de la recherche.
Cobalt 60
RXJOMV
électrons 20 MeY
protons 200 MeV
20 Comparaison d« différents
typti d« rayonMfMnts
10. 20 25 30
profondeur (cm)
FIG. 60.4. Comparaison de la variation de dose en profondeur pour des protons de 200 MeV et
pour d'autres types de rayonnements.
60.3.3.2.1. COLLIMATION
315
On adjoint très souvent au collimateur principal des blocs de plomb ou d'alliage qui peuvent,
le cas échéant, être exactement adaptés à la forme de la région traitée. Ces caches additionnels ont
des épaisseurs de 5 à 8 cm et présentent un rayonnement de fuite de l'ordre de 5%, ce qui est
considéré habituellement comme un compromis acceptable entre commodité de manipulation,
encombrement et efficacité. Il convient de réaliser qu'en raison notamment de la présence de
diffusé, la dose résiduelle en profondeur sous un cache peut représenter jusqu'à 20 ou 30% de la
dose en l'absence de cache.
Les appareils de radiothérapie sont conçus de telle sorte que, dans un plan perpendiculaire à
l'axe du faisceau, à l'intérieur de la zone utile et dans le cas d'une surface plane, la distribution de
la dose soit relativement homogène sur un diamètre de plusieurs dizaines de centimètres. En
revanche, il n'en est plus de même pour une surface d'entrée hrégulière, inclinée par rapport au
faisceau ou en présence de tissus hétérogènes (os, poumons, etc.). On peut alors pour les faisceaux
de photons interposer des atténuateurs métalliques d'épaisseur variable calculés pour rétablir une
dose homogène. Ces atténuateurs permettent également de moduler volontairement la dose lorsque
l'on souhaite surdoser ou sous-doser certaines parties des volumes traités. Les filtres en coin sont un
exemple de tels atténuateurs couramment utilisés pour des faisceaux fortement inclinés par rapport
à la normale à la surface d'entrée.
Dans le cas des faisceaux d'électrons ou de particules chargées lourdes, les matériaux
interposés ne permettent plus de moduler le débit. En revanche ils permettent d'adapter l'énergie
du faisceau et donc sa pénétration à la forme exacte du volume cible. On choisit à cet effet des
matériaux de numéro atomique proche des tissus mous que l'on appelle quelquefois "bolus".
Pour pouvoir concentrer la dose en profondeur, il est habituel, surtout pour les faisceaux de
photons, de combiner plusieurs incidences. Le cas le plus courant est celui de deux faisceaux
opposés qui permettent d'obtenir une dose pratiquement homogène sur toute l'épaisseur de la région
traitée, à condition que l'énergie soit suffisante compte tenu de cette épaisseur.
L'association de trois ou quatre faisceaux dont les axes sont coplanaires est fréquemment
utilisée dans la région du pelvis ou du thorax. Plus on multiplie les faisceaux et plus on obtient une
dose faible à l'extérieur de la zone de recoupement. Les cas extrêmes sont ceux des radiotherapies
pendulaires où l'appareil tourne de manière continue pendant l'irradiation et les techniques dites
"stéréotaxiques" où, le crâne étant bloqué dans un cadre de repérage, on associe de nombreux
pinceaux élémentaires convergents vers un point unique soit avec un système multisources ("gamma
knife") soit avec des arcs pendulaires répartis en "diadèmes" tout autour du crâne.
Quelle que soit la technique employée, il est indispensable de faire précéder l'exécution du
traitement d'une suite d'opérations parfaitement enchainées schématisées sur la figure 60.5.
316
I Acquisition des données anatomiques j
J-
| Etalonnage des dosimètrcs j
/^Choïxdeîa]
I meilleure I
V, technique J^ ]
| Simulation du traitement |
I Exécution du traitement |
FIG. 60.5 - Les différentes étapes d'une mise entraitement en radiothérapie externe.
II reste ensuite à exposer réellement le patient aux faisceaux prévus en prenant toutes les
précautions voulues pour que d'une part les faisceaux soient correctement réglés et d'autre part que
le patient soit correctement positionné par rapport à ceux-ci.
Un contrôle préalable est souvent effectué grâce au "simulateur", appareil comportant une
chaîne radiologique conventionnelle mais susceptible de reproduire exactement la géométrie des
appareils de traitement. Grâce à des repères cutanés, à des systèmes de projection lumineuse et àdes
systèmes de contention spécifiques on s'arrange pour que la mise en place du patient soit la même
sur le simulateur et sur l'appareil de traitement, aussi bien lors de la première séance qu'au cours
des cinq ou six semaines que dure le traitement à raison d'une fois par jour. Enfin, sur l'appareil de
traitement un contrôle radiologique peut également être effectué en utilisant le faisceau de
traitement à proprement parler et un système de détection approprié. La qualité des images est
moins bonne qu'au simulateur mais elle est généralement suffisante pour s'assurer de la bonne
position du patient par rapport au faisceau.
60.4. CONCLUSIONS
Quel que soit le domaine d'application des rayonnements ionisants en médecine, il existe des
procédures qui permettent d'obtenir le but recherché (diagnostique ou thérapeutique) sans
exposition excessive du patient.
Compte tenu de la complexité des appareillages mis en oeuvre et des risques associés à leur
utilisation, ces procédures nécessitent la présence de personnel en nombre suffisant et ayant reçu la
formation appropriée. Il s'agit en particulier, à côté des médecins spécialistes:
317
- des techniciens de radiologie ayant acquis une compétence particulière en radiodiagnostic,
médecine nucléaire ou radiothérapie;
- des radiophysiciens spécifiquement formés et accrédités pour jouer le rôle d'"expert qualifié" au
sens de la directive européenne 84/466 du 3/9/84;
- des techniciens de dosimétrie, susceptibles d'assister les radiophysiciens dans les tâches de
dosimétrie clinique et de contrôle de qualité des installations;
- des ingénieurs et techniciens de maintenance ayant reçu une formation spécifique relative aux
équipements radiologiques.
L'ensemble des procédures doit faire l'objet de documents écrits précisant les rôles des
différents intervenants, les règles à suivre pour assurer une "bonne pratique" et les consignes en cas
d'incident. Ces procédures doivent être constamment analysées et remises en cause à la lumière de
l'expérience acquise afin d'obtenir une véritable optimisation de l'exposition du patient.
REFERENCES
[7] SOCIETE FRANÇAISE DES PHYSICIENS D'HOPITAL. Evaluation des doses délivrées au
cours d'examens radiologiques, Radioprotection 23 (n° spécial) (1988).
318
[12] INTERNATIONAL COMMISSION ON RADIATION UNITS AND MEASUREMENTS.
Dose and volume specification for reporting intracavitary therapy in gynecology, report 38
(1985).
[13] PIERQUIN B., MARINELLO G. Manuel pratique de curiethérapie, Ed. Hermann (1992).
[14] JOHNS H.E., CUNNINGHAM J.R. The Physics of Radiology 4th edition, Ed. C. Thomas,
Springfield, Illinois (1983).
The Hospital Physicists' Association. Dose reduction in diagnostic radiology, HPA Conference
Report Series 42 (1984).
319
CHAPITRE 61. CONTRAINTES ET NIVEAUX DE REFERENCE POUR
LE PATIENT
B. Dubray
INTRODUCTION
L'exposition d'origine médicale correspond aux irradiations reçues par des individus dans le
cadre du diagnostic et du traitement d'une affection médicale dont ils sont atteints. Les expositions
d'origine médicale se distinguent donc nettement des expositions professionnelles ou publiques, en
raison de l'existence d'un bénéfice direct escompté par la personne exposée.
Cependant, est aussi considérée comme exposition médicale l'irradiation des personnes qui,
en dehors de leur activité professionnelle, assistent volontairement et en connaissance de cause les
patients en cours de traitement, ou qui se prêtent volontairement à un programme de recherche
biomédicale impliquant l'usage de radiations ionisantes. Ces personnes ne reçoivent pas de bénéfice
direct de leur irradiation et doivent donc faire l'objet d'une radioprotection appropriée.
La plupart des irradiations d'origine médicales sont aisément justifiées par le bénéfice direct
escompté par la personne exposée, lorsque celle-ci est atteinte, ou susceptible d'être atteinte, par
une maladie.
Les niveaux de référence pour les irradiations thérapeutiques sont définis en fonction de la
tolérance des tissus sains. Sont ici considérés les effets déterministes de l'irradiation des organes
non tumoraux. Ainsi, une technique d'irradiation apparaîtra comme satisfaisante si le volume
tumoral reçoit la dose curative prévue alors que la tolérance des tissus sains compris dans le
volume irradié n'est pas dépassée. Cependant, le médecin peut prendre la responsabilité de
dépasser un seuil de dose pour un tissu sain donné si l'intérêt du patient le justifie.
a
Normes fondamentales internationales de protection contre les rayonnements ionisants et de sûreté des
sources de rayonnements (NDLR)
321
doivent donc être appliquées avec flexibilité et l'utilisation de doses plus élevées autorisée en
fonction du contexte clinique.
Dans le même esprit, la CIPR ne recommande pas la définition de doses limites pour les
patients soumis à une irradiation médicale. Si l'exposition est justifiée et la radioprotection
optimisée en fonction de l'intérêt du patient et des nécessaires considérations économiques et
sociales, l'application supplémentaire de doses limites risque de nuire au patient. Pour ces raisons,
les doses reçues dans le cadre d'expositions médicales ne doivent pas être prises en compte pour
l'évaluation à l'échelle de la population des règles de radioprotection s'appliquant aux irradiations
professionnelles et publiques.
Malgré les recommandations de la CIPR, une liste de contraintes de dose s'appliquant aux
personnes se prêtant volontairement à une recherche biomédicale n'a pas été établie. Cependant,
l'utilisation de volontaires (sains ou malades) aux fins de recherche (avec ou sans bénéfice
escompté pour les volontaires) est régie par la Convention d'Helsinki et, en France, par la loi
Huriet (loi 88-1138 du 30.12.88), qui s'en inspire largement. La disposition essentielle de ces
textes est que tout projet de recherche doit être soumis à l'approbation d'un comité d'éthique
indépendant des investigateurs. L'avis favorable du comité d'éthique doit être recueilli avant le
début de la recherche. Le comité d'éthique évalue le bien-fondé scientifique du projet, la
méthodologie proposée, et veille à ce que le patient donne par écrit un consentement éclairé à sa
participation à la recherche.
61.3. CONCLUSION
La justification des irradiations d'origine médicale repose sur les bénéfices escomptés par le
patient et la société dans son ensemble. Cependant, la définition des critères d'optimisation des
irradiations et des limites individuelles de dose résultant de l'ensemble des expositions se conçoit
différemment selon que la personne exposée est atteinte d'une affection médicale ou qu'elle est
exposée dans le cadre de l'assistance au patient ou d'une recherche biomédicale. La notion de
niveau de référence reconnaît au médecin la liberté et la flexibilité nécessaire à l'exercice de son art
dans l'intérêt du patient, tout en fournissant un cadre pour l'amélioration des procédures afin de
réduire les doses délivrées sans perte de chance pour le patient.
322
BIBLIOGRAPHIE
323
ANNEXE m DES NORMES FONDAMENTALES INTERNATIONALES
DE RADIOPROTECTION
Radiographie
PA = Incidence postéro-antérieure
LAT = Incidence latérale
LSJ = Incidence de l'articulation lombo-sacrée
AP = Incidence antéro-postérieure
Dans l'air avec rétrodiffusion. Ces valeurs sont applicables à des combinaisons film-écran classiques
pour des sensibilités relatives de l'ordre de 200. Pour des combinaisons film-écran de haute sensibilité
(400-600), les valeurs devraient être réduites d'un facteur 2 à 3.
324
Tomodensitométrie
Mammographie
Radioscopie
Valeurs dérivées de mesures sur l'axe de rotation de fentômes équivalant à l'eau de 15 cm de long et de 16 cm
(tête) et 30 cm (rachis lombaire et abdomen) de diamètre.
Valeur déterminée dans un sein comprimé de 4,5 cm constitué à pans égales de tissu glandulaire et de tissu
adipeux pour des systèmes film-écran avec unité spécialisée de mammographie à cible au Mo et à filtre au Mo.
Pour les appareils de radioscopie avec option "niveau élevé", tels que ceux qui sont utilisés fréquemment en
radiologie d'intervention.
325
B. NIVEAUX INDICATIFS POUR LES ACTES DIAGNOSTIQUES E*
MEDECINE NUCLEAIRE DANS LE CAS D'UN PATIENT ADULTE TYPE
Activité
Examen Radionucléide Forme chimique3
usuelle par
examenb (MBq)
Os
Imagerie des os ""Te Phosphonate et 600
composes de
phosphate
Imagerie des os (SPECT) Te Phosphonate et 800
composés de
phosphate
Imagerie de la moelle Te Colloïde marqué 400
osseuse
Cerveau
Imagerie du cerveau Te TcO4" 500
(statique)
""Te DTPA, gluconate et 500
glucoheptonate
Imagerie du cerveau Te TcO4" 800
(SPECT)
Te DTPA, gluconate et 800
glucoheptonate
Te Examétazime 500
133
Débit sanguin cérébral Xe En solution isotonique 400
de chlorure de sodium
Te HM-PAO 500
in
Cisternographie In DTPA 40
Drainage lacrymal "-Te TcO4' 4
TC Colloïde marqué 4
Thyroïde
Imagerie de la thyroïde ""Te TcO4" 200
I23
I r 20
Métastases thyroïdiennes -I I- 400
(après ablation)
Imagerie des glandes »'T1 Tl + , chlorure 80
parathyroïdes
326
Poumons
81
Imagerie de la ventilation »Kr Gaz 6000
pulmonaire
Te DTPA - aérosol 80
I33
Etude de la ventilation Xe Gaz 400
pulmonaire
127
Xe Gaz 200
81
Imagerie de la perfusion "Kr Solution aqueuse 6000
pulmonaire
Te Albumine humaine 100
(macroagrégats ou
microsphères)
Imagerie de la perfusion Te Albumine humaine 160
pulmonaire (avec (macroagrégats ou
veinographie) microsphères)
ra
Etudes de la perfusion Xe Solution isotonique 200
pulmonaire
m
Xe Solution isotonique 200
de chlorure
Imagerie pulmonaire ""Te MAA 200
(SPECT)
Foie et rate
Imagerie du foie et de la "Te Colloïde marqué 80
rate
Imagerie fonctionnelle du Te Iminodiacétates 150
système biliaire et agents équivalents
Imagerie de la rate TC Hématies dénaturées 100
marquées
Imagerie du foie (SPECT) ""Te Colloïde marqué 200
327
Cardio-vasculaire
Etudes du débit sanguin Te TcO/ 800
(1er passage)
"Te DTPA 800
Te MAG 3 400
99» T c
Imagerie du pool sanguin Complexe d'albumine 40
humaine
Imagerie cardiaque et ""Te Complexe d'albumine 800
vasculaire/études à l'aide de humaine
sondes
99m T c Hématies normales 800
marquées
328
Reins, appareil urinaire et
glandes surrénales
Imagerie des reins Te DMSA 160
Imagerie des ""Te DPTA, gluconate et 350
reins/néphrographie glucoheptonate
"Te MAG3 100
123J 0 - iodohippurate 20
75
Imagerie des glandes Se Sélénocholestérol 8
surrénales
Divers
67
Imagerie de tumeurs ou Ga Citrate 300
d'abcès Chlorure 100
99m T c 400
Imagerie de tumeurs DMSA
123! 400
Imagerie de tumeurs Méta-iodo-benzyl
neurectodenniques guanidine (MIBG)
131
I MIBG 20
Imagerie de nodules "Te Colloïde marqué 80
lymphatiques
99m T c
Imagerie d'abcès Leucocytes marqués à 400
l'examétazime
m
In Leucocytes marqués 20
lu
Imagerie de thrombus In Plaquettes marquées 20
b Dans certains pays, les valeurs courantes sont inférieures à celles qui sont indiquées dans le tableau.
Radionucléide Activité
(MBq)
Iode 131 1 1003
a Dans certains pays, un niveau de 400 MBq constitue un exemple de bonne pratique.
329
CHAPITRE 62. OPTIMISATION: CONSIDERATIONS RELATIVES A LA
CONCEPTION DU MATERIEL
(1) LCIE - Fontenay aux Roses (France) - (2) General Electric Medical System - Bue (France)
62.1.1. Généralités
L'appareil d'une façon générale, ne doit pas être cause d'aucun danger pour le patient,
l'opérateur et l'environnement. La conception doit prendre en compte la protection:
La dose de rayonnement délivrée doit correspondre aussi exactement que possible à la dose
prévue en terme de:
- qualité du rayonnement, caractérisée par le spectre émis, lui même tributaire principalement de
la haute tension appliquée du tube radiogène et du dispositif de filtration interposé dans le
faisceau;
- surface ou volume soumis au rayonnement (dimensions et localisation);
- quantité de rayonnement délivré (durée d'exposition et intensité du rayonnement);
- absence de rayonnement indésirable, direct ou dégradé.
Une norme se définit comme "une donnée de référence, résultant d'un choix collectif
raisonné, en vue de servir de base d'entente pour la solution de problèmes répétitifs".
Une norme est un texte de consensus établi à une date donnée dans l'état de l'art, élaboré par
un groupe d'experts mandatés pour ce travail par un organisme de normalisation, et adopté à l'issue
d'un vote. Le groupe d'experts comprend des représentants, des utilisateurs, des constructeurs et
des Administrations concernées. Le consensus est recherché autour de règles et d'exigences
réalistes, applicables dans l'état de l'art à un coût industriel supportable, tout en assurant à un degré
suffisant la standardisation, la sécurité et le niveau de performances escompté. Dans les instances
internationales de normalisation, les approches des problèmes de sécurité, souvent différentes d'un
pays à un autre, doivent faire l'objet de rapprochements pour aboutir à un texte acceptable par tous.
Il en résulte que les nonnes sont souvent des textes de compromis.
331
Les normes françaises peuvent être homologuées"* , auquel cas elles sont d'application
obligatoire pour tout marché publicb , ou simplement enregistrées. En secteur privé, les contrats
sont libres de se référer ou non aux normes homologuées. Toutefois, les arrêtés homologuant les
normes peuvent en rendre l'application obligatoire0, dans ce cas l'obligation est générale.
Même lorsque l'application d'une norme n'est pas rendue obligatoire, elle constitue un outil
privilégié pour l'évaluation et la qualification d'un appareil, et tend à prendre le caractère d'une
codification des "règles de l'art" ou des "usages loyaux et constants". Le professionnel qui s'y
réfère s'assure en principe la protection que les tribunaux accordent à ceux qui suivent ces règles ou
usages.
Une norme contient les règles et les exigences qui doivent être satisfaites en totalité par
l'appareil auquel elle s'applique pour que l'on puisse arguer de la conformité à cette norme. Une
norme donne en termes généraux les règles et exigences à respecter pour parvenir au degré de
sécurité, et éventuellement de performances, recherché. Elle ne fournit jamais la solution technique
ou technologique à appliquer. Le choix d'une solution satisfaisante au regard des différentes normes
à respecter est une des difficultés rencontrées par le concepteur d'un produit. La prise en compte de
ces contraintes dès le tout début de l'étude est indispensable pour minimiser le coût et la durée de la
conception d'un produit conforme aux normes.
Lorsqu'un système d'assurance de la qualité est en place, tel qu'il est défini par les Normes
ISO 9001 (EN 29001), le concepteur d'un produit doit s'assurer que les données d'entrée sont
complètes et cohérentes. Parmi ces données d'entrée, doivent figurer, les normes et/ou textes de
références applicables.
a
Par arrêté ministériel publié au Journal Officiel
b
Code des Marchés publics, article 75 section III, livre II et article 272, section m , livre m
c
Article 13 du décret du 24 mai 1941
332
Les données de sortie de la conception (par exemple le dossier de définition de l'appareil)
doivent répondre de façon satisfaisante à une analyse de risques pour chacun des types de risques
mentionnés par la ou les norme(s) applicable(s).
62.2.4. Secteur des appareils médicaux: évolution des normes et des textes de référence
Cette évolution s'est concrétisée par la parution en 1977 d'un texte fondamental: la Norme
internationale C.E.I. 601-1: Sécurité des appareils électromédicaux. Ce texte définit les règles
générales, applicables à tout appareil électromédical, pour garantir un niveau acceptable de
sécurité. Des Normes complémentaires dites "seconde parties" viennent compléter la Norme
générale pour tenir compte des particularismes de certains appareils. Une version améliorée de la
Norme générale a été publiée en 1988.
62.2.4.2. 1993: Directive européenne 93/42 "nouvelle approche"pour les dispositifs médicaux
Une nouvelle étape a été affranchie par la publication de cette directive. La "nouvelle
approche" considère que "les réglementations concernant la conception et la fabrication des
dispositifs médicaux doivent se limiter aux dispositions nécessaires pour satisfaire les exigences
essentielles.
Mais "les dispositifs médicaux doivent offrir aux patients, aux utilisateurs et aux tiers un
niveau de protection élevé et atteindre les performances que leur a assigné le fabricant (...)". Ces
performances doivent être maintenues pendant toute la durée de vie du dispositif médical.
Les appareils satisfaisant aux exigences propres à leur classe sont autorisés à recevoir en
fabrication un marquage particulier, dit marquage CE, qui leur ouvre la libre circulation dans tous
les pays membres de la Communauté européenne.
Les premiers travaux de standardisation des années 20, orientés essentiellement vers la
rationalisation de la production, ont fait place progressivement à un souci majeur de sécurité,
d'abord au sens strict dans les années 70, et aujourd'hui étendu au respect des "exigences
essentielles", incluant l'obtention des performances assignées et leur maintien.
Outre les prescriptions de la Norme générale de sécurité 601-1, les exigences spécifiques aux
matériels de radiologie diagnostique sont, pour les plus importantes:
L'objectif de la radiothérapie est de délivrer avec précision la dose prévue dans le volume
tumoral et de réduire au maximum la dose délivrée dans les tissus environnants. Ceci nécessite donc
de bien contrôler la distribution de dose dans les trois dimensions.
Typiquement un traitement nécessite de délivrer une dose totale d'environ 40 grays répartis
en une vingtaine de séances de 2 grays chacune, espacées de quelques jours.
Cette dose délivrée doit être contrôlée en tout point du patient à mieux que 5 % pour éviter
soit des complications irrémédiables, soit des résurgences de tumeur.
La précision de la dose délivrée (en quantité et en répartition) est assurée par la fiabilité de
l'appareil qui doit être calibré très régulièrement par l'utilisateur.
Les risques liés aux appareils de radiothérapie peuvent être classés en:
- simulateurs de radiothérapie;
- dosimètres.
334
Comme indiqué précédemment, il existe deux types de normes:
Les normes de sécurité définissent des niveaux de certaines grandeurs (y compris les
grandeurs de sortie), au-delà desquels existe un risque, décrivent les dispositifs de sécurité à utiliser
pour se protéger contre ces risques et donnent les méthodes pour vérifier le bon fonctionnement de
ces dispositifs.
Les normes de performances donnent des indications (des recommandations) pour les valeurs
des grandeurs de sortie afin d'assurer un fonctionnement de qualité acceptable, et donnent les
méthodes pour mesurer ces grandeurs.
Note: II n'est pas nécessaire que les dispositifs de sécurité entrent en jeu en cas de
dépassement des valeurs de performance.
La sécurité a pour but d'éviter les conséquences d'une défaillance. Elle est assurée par
incorporation de dispositifs de sécurité dans la conception du matériel.
La fiabilité a pour but d'éviter des défaillances et de maintenir les performances dans des
limites acceptables. Elle est assurée par la conception du matériel, par des contrôles périodiques et
par des maintenances préventives et correctives.
Les normes de sécurité les plus complètes sont celles de la CEI. En ce qui concerne le
matériel médical, elles se composent de deux parties:
- une norme générale, horizontale: CEI 601-1 (1988) et ses nonnes collatérales: CEI 601-1-1
(1992): systèmes électromédicaux et CEI 601-1-2 (1993): compatibilité électromagnétique, qui
s'appliquent à tous les appareils médicaux;
- des normes particulières, verticales, propres à chaque catégorie d'appareils qui précisent,
complètent et éventuellement modifient les prescriptions de la norme générale.
En ce qui concerne les prescriptions radiologiques le chapitre 29 de ces normes verticales est
particulièrement développé.
Les titres des paragraphes correspondants du projet de révision de la nonne CEI 601-2-1
concernant les accélérateurs sont les suivants:
Section S: Protection contre les risques dus aux rayonnements non désirés ou excessifs.
29.1 Protection contre une dose absorbée incorrecte dans le volume traité
29.1.1 Commande et surveillance de la dose absorbée Systèmes de surveillance de dose
Détecteurs de rayonnement
Sélection et affichage du nombre des unités du système de surveillance de dose
Fin de l'irradiation provoquée par le système de surveillance de dose
Surveillance de la distribution de la dose absorbée
29.1.2 Minuterie
29.1.3 Débit de dose absorbée
29.1.4 Sélection et affichage du type de rayonnement
29.1.5 Sélection et affichage de l'énergie
29.1.6 Sélection et affichage de la radiothérapie à champ fixe et de la radiothérapie cinétique
29.1.7 Systèmes de production et de répartition du faisceau
Sélection et affichage des cibles et autres dispositifs mobiles de production du faisceau
335
Sélection et affichage des filtres égalisateurs et des diffuseurs de faisceau
Systèmes de répartition du faisceau autres que les filtres égalisateurs et les diffuseurs
de faisceau
29.1.8 Sélection et affichage des filtres en coin
29.1.9 Applicateurs de faisceau et supports de dispositifs modifiant le faisceau
29.1.10 Contrôle de l'utilisation de l'appareil
29.1.11 Conditions de démarrage
29.1.12 Interruption de l'irradiation
29.1.13 Fin de l'irradiation
29.1.14 Fin imprévue de l'irradiation
29.1.15 Systèmes électroniques programmables
29.2 Protection contre les rayonnements parasites dans le champ de rayonnement
29.2.1 Rayonnement X parasite pendant l'irradiation par électrons
29.2.2 Dose relative en surface pendant l'irradiation X
29.2.3 Rayonnement neutronique parasite
29.3 Protection contre les rayonnements dans le plan du patient à l'extérieur du champ de
rayonnement
29.3.1 Rayonnement de fuite à travers les dispositifs de limitation du faisceau
29.3.2 Rayonnement X de fuite à l'extérieur de la surface Mx
29.3.3 Rayonnement neutronique de fuite à l'extérieur de la surface Mx
29.3.4 Rayonnement de fuite sous condition de défaut
29.4 Sécurité radiologique pour les patients et autres personnes
29.4.1 Rayonnement X de fuite à l'extérieur du plan du patient
29.4.2 Rayonnement neutronique de fuite à l'extérieur du plan du patient
29.4.3 Emission de rayonnements à l'arrêt, en attente et dans l'état prêt
29.4.4 Bouclier rétractable.
29.5 Rayonnement X fortuit
Ces normes ne sont pas des normes de sécurité, elles n'ont pas un caractère obligatoire, mais
sont des recommandations qui s'adressent aussi bien au constructeur qu'à l'utilisateur.
Ces normes:
- décrivent les méthodes et conditions d'essais à utiliser pour mesurer les performances des
appareils et la façon de les présenter afin de permettre plus facilement la comparaison de
différents appareils;
- suggèrent des tolérances pour les performances (caractéristiques fonctionnelles) avec un
argumentaire qui tient compte des besoins thérapeutiques et de ce qui est techniquement
réalisable;
- définissent les essais de réception à effectuer avant la mise en service;
- définissent les essais à effectuer et leur périodicité pour vérifier que les performances restent au
cours du temps dans des limites satisfaisantes.
Cette directive ne donne pas de prescription particulière de sécurité pour chaque type
d'appareil, mais demande que les exigences essentielles de sécurité soient satisfaites, et que le
constructeur puisse le prouver en utilisant des procédures d'autorisation de mise sur le marché. Ces
procédures diffèrent suivant les risques présentés par les différents appareils médicaux qui de ce fait
sont classés en différentes catégories (classes).
336
Les appareils de radiothérapie sont de classe lib.
Les normes de sécurité européennes (quand elles existent) ou internationales (CEI) sont
réputées définir avec plus de précision ces exigences essentielles pour chaque type d'appareil, et en
principe leur respect doit être suffisant pour répondre à la directive européenne.
La question qui se pose est: est-il suffisant de respecter les nonnes en vigueur ?
La réponse est: bien que cela soit nécessaire, cela n'est pas suffisant, et ce pour les raisons
suivantes:
- les nonnes sont élaborées conjointement avec entre autre les expériences acquises par les
constructeurs et les utilisateurs. Il y a donc toujours un délai, qui est important, entre les
connaissances et la publication des normes;
- les constructeurs utilisent des technologies nouvelles bien avant que les prescriptions
correspondantes soient reprises par des nonnes.
C'est le cas par exemple, des logiciels utilisés dans les appareils médicaux pour lesquels il
n'y a pas encore de prescriptions spécifiques dans les normes.
Pour cela il s'appuie sur les normes de sécurité existantes, mais comme indiqué
précédemment, cela n'est pas suffisant, et également sur l'expérience acquise, pour cela il lui est
nécessaire d'enregistrer et d'analyser les incidents effectifs ou potentiels qui se sont produit sur des
appareils similaires.
- l'analyse de risque;
- l'AMDEC: analyse des modes de défaillance de leurs effets et de leur criticité.
Exemples:
On voit que plusieurs causes très différentes peuvent conduire au même risque.
- défaillance du matériel;
- conditions d'environnement;
- erreur humaine;
- documentation utilisateur.
62.6.1.4. Exigences minimales requises pour chacune des causes afin d'en éviter les conséquences
On s'appuiera sur:
- les prescriptions des normes disponibles, quand elles existent, ce qui n'est pas toujours le cas;
- les réglementations;
- l'expérience acquise sur des produits similaires;
- la réflexion.
62.6.2. AMDEC: Analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur entiché
C'est une analyse qualitative qui porte sur les conséquences produites par les défaillances des
composants (mécaniques, électriques électroniques, etc.).
Elle porte sur les sous-ensembles ou fonctions identifiées comme étant critiques lors de
l'analyse de risque. Elle permet de déterminer les défaillances individuelles qui entraînent la
défaillance de tout le système. Pour ce faire, il peut être nécessaire de combiner plusieurs
défaillances individuelles.
Du fait que la qualité des traitements (et donc en partie leur efficacité) dépend de
l'espacement entre les séances, il est nécessaire que les opérations de maintenance correctives soient
peu fréquentes et rapides.
La maintenance est une combinaison des actions techniques et des actions administratives qui
leur sont associées, effectuées pour maintenir ou rétablir un dispositif dans un état dans lequel il
peut accomplir sa fonction requise.
La maintenance corrective est effectuée après apparition d'une défaillance, en vue de rétablir
un dispositif dans un état dans lequel il peut accomplir sa fonction requise.
338
Il appartient au constructeur de définir ces opérations de maintenance, leur périodicité, les
façons de procéder ainsi que de préciser la qualification des personnels habilités à les effectuer.
ANNEXE
601-2-17 (1989) Deuxième partie: Règles particulières de sécurité des projecteurs de source
radioactives automatiques télécommandés utilisés en radiothérapie par
rayonnement gamma.
601-2-29 (1993) Deuxième partie: Règles particulières de sécurité pour les simulateurs de
radiothérapie.
339
CHAPITRE 63. PATIENT ET ENVIRONNEMENT
B. Aubert
INTRODUCTION.
La plupart des organes peuvent être explorés au moyen des radionucléides. Le tableau 63.1.
donne un panorama non exhaustif des explorations pratiquées par administration d'un
radiopharmaceutique. Parmi toutes ces explorations les principales concernent le squelette, le
coeur, le cerveau et la thyroïde et sont en majorité effectuées avec des radiopharmaceutiques
marqués au technétium 99m.
Pour quelques indications la Médecine Nucléaire permet des thérapies basées sur l'irradiation
par rayonnement bêta (radiothérapie métabolique). Ces indications concernent principalement les
pathologies thyroïdiennes et les métastases dans le cas de cancers (voir tableau 63.2). L'iode 131
est à ce jour le radionucléide le plus utilisé dans ce domaine.
On peut noter également les parts importantes du xénon 133, de l'iode 131 et du thallium
201. Ces quatre radionucléides représentent plus de 99 % de l'activité totale consommée. A part
l'iode 131 et l'iode 125, classés dans le groupe de radiotoxicité élevée (groupe 2), tous les autres
radionucléides appartiennent au groupe de radiotoxicité faible (groupe 3) ou modérée (groupe 4).
341
TABLEAU 63.1. PRINCIPALES APPLICATIONS DIAGNOSTIQUES DES
RADIONUCLEIDES EN SOURCES "NON SCELLEES" ET DIFFERENTS
RADIOPHARMACEUTIQUES UTILISES (D'APRES LE CATALOGUE DE
CIS BIOINTERNATIONAL).
Articulations Rate
Pyrophosphate d'étain et de 9 9 m T c Chromate de sodium - ^ C r
MDP - (Su) - 9 9 m Tc Sulfure de 9 9 m Tc (Re) colloïdal
HMDP (Sn) - 9 9 m Tc Hématies - 9 9 m Tc
Solution 133 Xe
Reins
Cerveau EDTA - 5 1 Cr
IAMP - 1231 Chlorure mercurique - ^9^Hg
DTPA-Ca-inIn Acide o-iodohippurique
Albumine humaine - 9 9 m T c DTPA-(Sn)-99mTc
DTPA - (Sn) - 9 9 m Tc Gluconate-(Sn)-99mTc
Pyrophosphate d'étain et de 9 9 m T c DMSA-(Sn)-99mTc
1
Gluconate - (Sn) - 9 9 m T c
Solution 133 Xe Sang et système vasculaire
Chromate de sodium - ^ ^ r
Cœur Citrate ferrique - ^Fe
Albumine humainft - 99m"j£ Citrate de gallium - 6 7 Ga
Pyrophosphate d'étain et de 9 9 m T c Oxine d'indium - ^ ^ I n
Hématies marquées au 9 9 m T c - Chlorure d'indium - * ^ I n
Solution 133 Xe . ..... ... _..;... Albumine humaine - ^3^I
Albumine humaine - 9 9 m Tc
Foie Microsphères d'albumine humaine - 9 9 m Tc
Sulfure de 9 9 m Tc (Re) colloïdal - Microagrégats d'albumine humaine - 9 9 m Tc
Phytate (Sn) - 9 9 m Tc Hématies - 9 9 m Tc
Triméthyl-bromo-IDA (Sn) - 9 9 m T c Gaz et solution - * 33 Xe
Ovaires Thyroïde
ACM OC 125-F(ab')2 - l u I n . Pertechnetate de 9 9 m T
ACM OC 125-F(ab')2r n i I n :. • :
Iodure de sodium - * 23 I
Iodure de sodium - l ^ I
Pancréas '.. . ' ; , .'."•.^.^V,.. .J.
L-sélénométhionine - 7 % e Tumeurs
Chlorure de thallium - .^O^TI...-. :• Citrate de gallium - ^ 7 Ga
OC 125-F(ab')2 - m I n . \; Métaiodobenzylguanidine - ^ 3 j
ACM anti ACE et 19-9-F(ab')2-131I
Poumons . . •:V:.;J.:.I ,.::X:;iv.'..... '... . ACM anti ACE-F(ab')2 - n hn
Citrate de gallium - 6 7 Ga :
; ;. ACM OC 125-F(ab')2 - n i I n
Microsphères d'albumine humaine - 9 9 m T c ACM19-9-F(ab')2- n i In
DTPA - (Sn) - 9 9 m Tc Chlorure d'indium - m In
Macroagrégats d'albumine Jiumaine - 9 9 m T c Métaiodobenzylguanidine - ^3^I
Sulfure de 99m Tc(Re) colloïdaL-i;.V,. :> : Phosphate de sodium - 3 ^P
Gaz et solution - * 33 Xe L-sélénométhionine - 7 ^Se
Gluconate-(Sn) - 9 9 m T c
342
TABLEAU 63.2. PRINCIPALES APPLICATIONS THERAPEUTIQUES DES
RADIONUCLEIDES EN SOURCE "NON SCELLEE" ET DIFFERENTS
RADIOPHARMACEUTIQUES UTILISES (D'APRES LE CATALOGUE DE
CIS BIOINTERNATIONAL).
Articulations Thyroïde
Colloïde d'erbium - I69Er Iodure de sodium - 131I
Colloïde de rhénium - 186Re
Colloïde d'yttrium - ^Y Tumeur
Métaiodobenzylguanidine - 13II
Sang Phosphate de sodium - 32P
Phosphate de sodium - 32P Hydroxyde de chrome - 32P
Chlorure de strontium - ^Sr
Surrénales
Métaiodobenzylguanidine - 131I
Radionucléidas Activité
Période Radiotoxicité
artificiel GBq mCi
99m Tc
6,00 h 290 708 7 849 116 4
133
Ve 5,24 j 19 559 528 093 4
131T *
8,02 j 19 240 520 006 2
201Tj 3,04j 9 923 267 921 4
123j 13,21 h 584 15 768 3
67
Ga 3,26 j 500 13 500 3
lu
In 2,80 j 227 6 136 3
5I
Cr 27,70 j 65 1755 4
2,67 j 18 487 3
32p 14,28 j 11 293 3
59,90 j 8 216 2
186
Re .3,78 j 5 143 3
169
Er 9,40 j 5 131 3
59
Fe 44,51 j 2 55 3
57
Co 271,77j 2 54 3
* dont 3215 GBq (86805 mCi) pour les applications diagnostiques.
63.3. ORGANISATION DE L'ELIMINATION DES DECHETS RADIOACTIFS
L'utilisation des radionucléides en sources non scellées à des fins médicales génère des
déchets solides et liquides. Afin d'assurer la radioprotection vis-à-vis de l'environnement et du
public, l'élimination de ces déchets fait l'objet d'une réglementation qui comporte plusieurs niveaux
et dispositions dépendant de la nature, de l'activité et du type du radionucléide. Les déchets seront
considérés comme radioactifs si leur activité massique est supérieure à 100 Bq.g"1 et si l'activité
totale est supérieure à:
343
63.3.1. Déchets solides
Ces déchets sont constitués par tout le matériel solide utilisé depuis la préparation du
radiopharmaceutique jusqu'à l'administration. On récupérera ainsi des flacons, des aiguilles, des
seringues, des compresses, etc. Trois cas sont à considérer: l'évacuation locale immédiate,
l'évacuation locale différée et la prise en charge par un organisme spécialisé.
Ce type d'évacuation concerne les déchets dont l'activité totale rejetée par jour n'excède pas
les limites ci-dessus. En pratique ces niveaux ne peuvent pas être respectés pour les applications in
vivo courantes en médecine nucléaire, même pour les radionucléides de très courte période.
Les déchets solides dont l'activité est supérieure aux valeurs précédentes, et qui contiennent
des isotopes à vie courte (période inférieure à 100 jours), doivent être stockés en attente de
décroissance. Ils seront conservés jusqu'à ce que l'activité ait atteint les niveaux indiqués
précédemment.
Les déchets de longue période (supérieure à 100 jours), ne pouvant être traités dans les
conditions précédentes doivent faire l'objet d'une évacuation par un organisme spécialisé selon un
conditionnement répondant à des critères très précis (fût métallique de 200 1). En pratique ce type
de situation ne se rencontre pas dans les applications in vivo de médecine nucléaire, mais seulement
pour les études in vitro avec des radionucléides tels que le tritium et le carbone 14 dont la période
est de plusieurs années (respectivement 12,34 ans et 5730 ans).
Ce type de déchets est principalement constitué des urines et excreta du patient après
l'administration du radionucléide. Il convient également de noter les reliquats de préparations
radioactives. On distinguera les rejets directs, les rejets contrôlés et ceux pris en charge par un
organisme spécialisé.
Ce type de rejet concerne les effluents dont l'activité totale rejetée par jour n'excède pas les
valeurs indiquées ci-dessus. En pratique ces niveaux ne peuvent pas être respectés pour les
applications in vivo courantes en médecine nucléaire, même à finalité diagnostique.
Lorsque le rejet direct n'est pas possible il convient de respecter deux conditions: la quantité
totale rejetée par an et la concentration des radionucléides rejetés.
Afin de respecter ces limites, différents aménagements sont réalisés. Si les applications des
radionucléides sont exclusivement à visée diagnostique, une fosse septique de capacité adaptée à
344
l'activité clinique permet de garantir par dilution et décroissance, une diminution suffisante de la
concentration.
Dans le cas d'applications thérapeutiques les radionucléides rejetés ont des activités beaucoup
plus élevées, surtout en iode 131. Les installations adéquates doivent alors comporter des cuves de
dilution et de décroissance équipées de dispositifs permettant un contrôle avant rejet. Dans ce cas,
la capacité des cuves doit permettre le stockage sur plusieurs mois.
Les rejets d'effluents de longue période (supérieure à 100 jours), ne pouvant être traités dans
les conditions précédentes doivent faire l'objet d'une évacuation par un organisme spécialisé selon
un conditionnement répondant à des critères très précis (bonbonne de 30 1 dans fût métallique de
100 1). En pratique ce type de problème ne se rencontre pas dans les applications in vivo de
médecine nucléaire, mais seulement pour les études in vitro avec des radionucléides tels que le
tritium et le carbone 14 dont la période est de plusieurs années (respectivement 12,34 ans et 5730
ans).
La plupart des radionucléides présentent une période courte aussi, par rapport aux activités
indiquées dans le tableau 63.3, une certaine quantité est perdue entre la réception et l'utilisation.
Cette perte est due à la décroissance radioactive, au fractionnement des préparations et aux
reliquats d'activité dans les aiguiles et seringues. Elle peut être estimée entre 10 à 20 % de l'activité
livrée (cela correspond à un temps de stockage compris entre 0,15 et 0,30 fois la période), mais est
en pratique difficile à estimer. En effet l'activité de technétium réellement utilisée dépend du
nombre d'élutions du générateur et de leur volume. De plus les radionucléides dont la période est
de l'ordre de quelques jours peuvent être stockés un certain temps avant leur utilisation, pendant
une durée proche de la période soit une perte d'environ 50 %.
345
Une partie assez importante de cette activité urinaire est évacuée, avant l'examen
scintigraphique, dans les toilettes du service selon le principe des rejets contrôlés au travers d'une
fosse septique.
Les effluents liquides, dus aux mictions, doivent être particulièrement pris en considération
dans le cas de l'administration de fortes activités d'iode 131 (supérieure à 740 MBq) à des fins
thérapeutiques. Ils justifient l'hospitalisation et le confinement du patient en chambre protégée
pendant un minimum de trois jours, temps au bout duquel plus de 80 % de l'activité administrée
aura été éliminée. Les sanitaires de ces chambres sont reliés à des cuves de stockage pour une
gestion par décroissance et dilution de l'activité rejetée.
Après administration de substances radioactives, le patient est autorisé à quitter l'hôpital sous
certaines conditions, afin de s'assurer qu'il ne va pas créer de risques d'irradiation et de
contamination pour les personnes de son entourage.
Pour les examens à visée diagnostique les activités utilisées sont relativement faibles et les
radionucléides peu radiotoxiques. Aussi le patient quitte l'hôpital le jour même de l'administration,
après son examen. Le médecin doit néanmoins donner quelques conseils, en particulier si le patient
risque d'être en contact avec déjeunes enfants, ou allaite un bébé.
En pratique, les consignes visent surtout les patients ayant reçu des doses thérapeutiques et
quittant l'hôpital le jour de l'administration ou après quelques jours d'hospitalisation. Les niveaux
pris en considération pour autoriser la sortie du patient sont ceux relatifs à l'exposition externe de
l'entourage.
Les niveaux d'activité à retenir ne sont pas fixés par la réglementation, néanmoins quelques
considérations basées, par exemple, sur l'équivalent de dose pour le public (5 mSv.an"1), sur le
temps de présence de l'entourage et sur sa distance au patient peuvent aider à définir ces niveaux.
Précisons cependant qu'une disposition administrative impose en France l'hospitalisation des
patients ayant reçu plus de 740 MBq d'iode 131.
346
Dans ce tableau, plusieurs situations sont envisagées:
- dans la deuxième colonne, figure le niveau d'activité au-dessous duquel aucune restriction n'est
formulée, y compris pour le contact avec des enfants;
- dans la troisième colonne, les niveaux indiqués excluent le contact avec des enfants;
- dans les quatrième et cinquième colonnes, figurent respectivement les niveaux à ne pas dépasser
dans les transports publics ou dans les transports privés;
- en ce qui concerne la reprise du travail, les valeurs de la quatrième colonne peuvent être
retenues, à moins que le travail du patient ne le conduise à être proche de personnes dont le
travail risque d'être affecté par les rayonnements (par exemple dosages de radiobiologie). Pour
ce dernier cas, les valeurs de la troisième colonne doivent alors être considérées.
Des consignes générales doivent être données au patient, concernant son activité à la maison:
Les niveaux d'activité indiqués dans le tableau 63.5 sont ceux au moment de la sortie de
l'hôpital. Il convient d'informer le patient sur la décroissance de l'activité et éventuellement sur le
délai à respecter pour passer des niveaux de la cinquième colonne (transports privés) à ceux de la
troisième colonne (pas de restriction sauf vis-à-vis des enfants) et à ceux de la deuxième colonne
(aucune restriction). Ces délais sont portés dans le tableau 63.6 [2].
Activités initiales Délai pour activités sans Délai pour activités sans
Radionucléide
(MBq) restriction sauf enfant aucune restriction
131J 800 18 jours 39 jours
99m'p c 800 20 heures
«7Ga 150 . 4 jours
IU
In L 40 2 jours
123! 200 1 jour
63.5. CONCLUSION
Pour autoriser la sortie du patient de l'hôpital, il convient de s'assurer que son activité
résiduelle est inférieure à certaines limites dépendant du type de radionucléide et des activités qu'il
pourra mener. Il faut également informer le patient des dispositions à respecter pour éviter tout
contamination de son entourage.
347
En conclusion, l'utilisation in vivo de radionucléides en sources non scellées ne pose pas de
problèmes aigus vis à vis de l'entourage du patient et de l'environnement dans la mesure où les
réglementations et les recommandations sont respectées.
BIBLIOGRAPHIE
[1] HlLDITCH T.E., CONNELL J.M.C., DAVŒS D.L., WATSON W.S. and ALEXANDER W.D.
Radiological protection guidance for radioactive patients. New data for therapeutis 131I,
Nucl. Med. Commum. 12, 485-495 (1991).
[2] Guidance notes for the protection of persons against ionising radiations arising from
medical and dental use, HMSO London (1988).
348
CHAPITRE 64. DETERMINATION DE LA DOSE AU PATIENT
G. Marinello
Parmi les principales irradiations subies par l'homme, se trouvent la radioactivité naturelle,
les irradiations domestiques et les irradiations médicales qui sont de loin la plus importante source
d'irradiation artificielle. Cette dernière est multiforme et peut varier considérablement d'un
individu à l'autre: un groupe restreint d'individus peut recevoir des doses importantes locales pour
radiothérapie anticancéreuse, alors qu'un grand nombre d'individus reçoit des doses faibles pour
radiodiagnostic. Il faut souligner les caractéristiques particulières des irradiations médicales, qui ne
sont pas du tout comparables à celles des irradiations naturelles: le débit de dose est en général
élevé (supérieur au centigray par minute), mais la durée de l'irradiation est courte et le champ de
l'irradiation est en général limité, plus dans une radiographie ou une radioscopie que dans un
examen scintigraphique. Il en est de même dans le cas des irradiations résultant de cures thermales
qui relèvent d'une contamination respiratoire ou digestive. Dans ce cas, la contamination est
fractionnée, limitée dans le temps (3 semaines) et elle n'intéresse que quelques organes particuliers
(voies aériennes supérieures et poumons, tube digestif, voire le squelette). Nous nous proposons de
rappeler succintement quelques méthodes permettant d'évaluer la dose délivrée aux patients en
prenant comme exemple les rayons X utilisés en radiodiagnostic ou en radiothérapie et les
radionucléides utilisés en médecine nucléaire, et ceci, dans le but de montrer comment on peut
optimiser les expositions médicales [1, 2]. Nous montrerons aussi l'apport de la dosimétrie par
radiothermoluminescence pour mesurer les doses in vivo dans le paragraphe 64.4.
Par contre, le temps imparti à ce cours étant limité, nous laissons le soin au lecteur de se
référer à des ouvrages spécialisés pour l'évaluation des doses délivrées par des faisceaux
d'électrons [3] ou par les implantations de sources radioactives en curiethérapie [4].
Les domaines considérés dans le cadre de ce cours diffèrent à la fois par les gammes de
doses délivrées au patient et les modes d'irradiation (fig. 64.1): irradiation externe ou interne
dispensée par des radionucléides qui peuvent être soit sous forme liquide (médecine nucléaire), soit
sous forme solide (curiethérapie).
On entend par rayons X de basse et moyenne énergie les rayons X d'énergie inférieure à 500
keV. La dosimétrie concerne aussi bien les applications diagnostiques que thérapeutiques, pour
lesquelles il convient de détenniner la dose absorbée en différents points de la région examinée ou
traitée connaissant les conditions de l'irradiation (énergie du faisceau, taille du champ, distance
séparant le malade de la source, etc.) ainsi que la nature et les épaisseurs de tissus traversées par le
faisceau avant d'atteindre le ou les points considérés.
349
Irradiation interne Radiodiaqnostlc
Technetlum 99 m
\
'mauvaise bonne
Foie colllmatlon
D
FIG. 64.1. Les différents modes d'irradiation: irradiation externe (A) et (D),
irradiation interne par sources solides ou curiethérapie (B), et
irradiation interne par sources liquides ou gazeuses (C).
- première couche de demi-atténuation (CDA), l'épaisseur de métal qui réduit le débit de dose
dans le faisceau à 50% de sa valeur;
- deuxième CD A, l'épaisseur de métal qui réduit le débit de dose dans le faisceau de 50 à 25 %
de sa valeur initiale.
350
Une expression simple de l'énergie d'un rayonnement est alors fournie par la double
indication de la tension maximale d'accélération et de la première CDA. La tension maximale
définit le spectre initial et la première CDA traduit de façon pratiquement univoque la modification
introduite par les différentes fïltrations, y compris celle inhérente à l'appareil.
ndéfecteur
, (1.)
Qdétecreur
1
OS
\ I i
st \ i
0.7 \ i I
\ I I
flf
I !
ne \
i
IV \
\ t
N j
02 ^— i
0.1 L i
'—f—^_ épaisseur X
0
On désigne par débit de dose "dans l'air", D a , la dose (exprimée en grays ou multiples ou
sous-multiples) délivrée à un élément de milieu équivalent-tissu (eau) infiniment petit, isolé dans
l'air, par unité de temps s'il s'agit par exemple d'un appareil de radiothérapie fonctionnant à
régime constant (kV, mA), ou par unité de mAs s'il s'agit d'un appareil de radiodiagnostic
fonctionnant en mode radiographie.
Les différents paramètres qui influent sur D a sont l'intensité du courant I (milliampères), la
tension U (volts) aux bornes du tube, la filtration inhérente au tube et celle ajoutée à sa sortie, la
présence d'un diaphragme ou de localisateurs, et la distance. Il est donc indispensable de mesurer
soigneusement le débit dans les différentes conditions d'utilisation pour chacun des appareils utilisés
à des fins diagnostiques ou thérapeutiques, même lorsque ceux-ci sont de même marque. De plus, il
doit être contrôlé périodiquement car l'anode peut se cratériser au cours du temps et les parois du
tube se métalliser (volatilisation du filament). Il doit aussi être remesuré chaque fois que l'on
change de tube de rayons X ou d'accessoires.
351
64.1.1.3. Coefficient de rétrodijfusion Bo
Ce coefficient permet de passer du débit de "dose dans l'air", D a , au débit de dose au même
point à la surface du malade, toujours pris comme référence pour les faisceaux de photons
d'énergie inférieure à 500 keV (fig. 64.3 A-B). Il représente la contribution des photons
rétrodiffusés par le milieu à la dose.
Dans l'air
Rendement RTA
M M [c]
FIG. 64.3. Passage de la dose dans l'air [A] à la dose à la surface [B] et en
profondeur dans le milieu par l'intermédiaire du rendement en profondeur [C] ou du rapport tissu-
air [D]pour des rayons X ou d'énergies inférieures à 500 keV.
Qualité du faisceau Bo
60 k V - 1,14 mm Al 1,22
1,89 mm Al 1,29
2,29 mm Al 1,33
75 k V - 1,39 mm Al 1,24
2, 22 mm Al 1,33
2, 72 mm Al 1,35
90 k V - 1,67 mm Al 1,30
2,63 mm Al 1,35
3,25 mm Al 1,38
100 kV -- 2,55 mm Al 1,34
-3,10 mm Al 1,38
- 3,79 mm Al 1,40
352
64.1.1.4. Rendement en profondeur ou rapport tissu-air
Pour les rayons X de basse et moyenne énergie, on désigne par rendement en profondeur,
R z , le rapport entre la dose absorbée D z en un point de l'axe situé à la profondeur z, et la dose à la
surface D o (z = 0 cm), même si la dose à la surface ne correspond pas obligatoirement à la dose
maximale sur l'axe (fig. 64.3-C). Bien que la dose due au rayonnement primaire diminue avec la
profondeur, il peut arriver que l'accroissement relatif du rayonnement diffusé puisse devenir tel que
la dose augmente avec la profondeur et passe par un maximum à quelques millimètres sous la
surface (tableau 64.2.)
Le rendement en profondeur est d'un emploi commode chaque fois que la peau du malade est
placée à distance constante de la source. Pour des raisons pratiques on est amené très souvent à
placer la zone à radiographier ou à irradier à une distance donnée de la source (fig. 64.3-D); dans
ce cas la DSP n'a plus une seule valeur et varie d'un malade à l'autre. Le calcul de la dose à partir
du rendement en profondeur est toujours possible mais représente une opération longue et
fastidieuse, aussi préfère-t-on faire appel à une autre quantité: le rapport tissu-air ou RTA.
353
Pour les rayonnements X de basse énergie, le RTA à la profondeur z = 0 cm est égal au
coefficient de rétrodiffusion:
RTA (0) = D o / D a = B o
Certaines tables de RTA sont normalisées à 1 par rapport au RTA à la surface [7]. Il ne faut
pas oublier d'en tenir compte au moment des calculs de dose.
R T A
10'
SO kV COA 2.0 mm Al
60 kV COA Z3 mm AI
80 kV CDA 3.0 mm Al
100 kV COA 3.9 mm Al
120 kV COA 5.4 mm Al
140 kV COA 6.5 mm Al
10°.
kV
60
1-2
10 15 20 25
Profondeur (cm)
FIG. 64.4. RTA d'un champ de 30 x 30 cm pour différentes qualités de faisceau [9].
Les surfaces isodoses, qui sont l'ensemble des points où la dose présente la même valeur,
permettent de traduire les variations de dose dans le milieu irradié. Elles sont généralement étudiées
dans un milieu équivalent-tissu de surface plane et perpendiculaire à l'axe du faisceau et exprimées
en pourcentage de la dose à la surface, D o , mesurée sur l'axe du faisceau [5-11].
Comme leur représentation spatiale est délicate, les différentes surfaces isodoses sont
représentées en pratique par leur intersection avec des plans. Les courbes obtenues sont appelées
isodoses de base (fig. 64.5) si le plan contient l'axe du faiseau et est parallèle aux côtés du champ.
Elles sont appelées isodoses transverses si le plan est perpendiculaire à l'axe. Quand on s'intéresse
à des rayons X de basse ou moyenne énergie, la dose en dehors des limites géométriques du
faisceau est due au seul rayonnement diffusé, le rayonnement primaire étant totalement arrêté par la
collimation, facile à réaliser avec quelques millimètres de plomb. Ceci explique la discontinuité des
isodoses très caractéristique de cette gamme d'énergie.
La dose délivrée par un faisceau de rayons X de basse ou moyenne énergie peut s'estimer
par le calcul sous réserve de connaître:
- la qualité du faisceau;
- le débit de l'appareil dans l'air dans des conditions géométriques déterminées ou débit de
- référence;
- la distance source (foyer du tube de rayons X) - peau du malade (DSP);
- le nombre de mAs;
- la dimension du champ (collimation de l'appareil ou déduite du cliché);
- l'épaisseur du patient;
- la nature du tissu irradié.
354
230 kV
COA 1mm Cu CDA 2mmCu
20
= 1Ocm- OSPs50cm
FIG. 64.5. Exemple d'isodoses correspondant à deux faisceaux de 230 kVde CDA respectives 1 et
2 mm de cuivre. Pour pouvoir les comparer entre elles, seule la moitié des isodoses ont été
reportées sur la figure. D'après [12].
Il faut mesurer au préalable la dose dans l'air D a à une distance donnée de la source sur l'axe
du faisceau (par exemple 100 cm) pour les dimensions de faisceau utilisées en pratique. La dose à
la surface d'entrée (Do) du patient est ensuite calculée en fonction de la distance source-surface
d'entrée (DSP), de la qualité du rayonnement (tension et l^ re CDA) et de la dimension du champ
(Ae) à la surface d'entrée, pour le nombre de mAs utilisé pour un cliché selon la formule:
2
D
°= O • B ° (Ae) •mAs
B o (Ae) étant le facteur de rétrodiffusion tenant compte de la qualité du faisceau et de la taille du
champ à la surface d'entrée du malade (tableau 64.1.)-
355
La dose (Dz) en un point T du milieu situé à une profondeur z est ensuite calculée à l'aide du
rendement en profondeur correspondant à la qualité, aux dimensions de champ et à la DSP utilisés
pour la prise du cliché. Si l'on ne dispose pas d'une telle donnée, on estimera cette dose en fonction
de la distance du foyer (ou source de rayonnement) au point considéré (DST), de la qualité du
faisceau, des dimensions du champ (Az) à la profondeur z pour le nombre de mAs utilisé par
cliché, selon la formule ci-après:
100 2
D z = D.( r .RTA(A z ,z). mAs
DST
RTA (Az, z) étant le rapport tissu-air tenant compte de la taille du champ A z à la profondeur z.
Tout ce qui vient d'être présenté correspond à la dose d'irradiation la plus élevée (dans le
faisceau). Dans le contexte de la radioprotection, on s'intéresse aussi aux doses beaucoup plus
faibles délivrées à distance des faisceaux, et qui nécessitent des mesures spécifiques [13]. Parmi les
paramètres à prendre en compte dans ce cas se trouvent, outre la qualité du faisceau primaire et la
dose dans le milieu irradié, la distance à laquelle on se trouve par rapport à lui (contribution du
diffusé du milieu irradié) et le rayonnement de fuite en provenance de la tête d'irradiation ou de la
collimation (photons primaires arrivant en ces sites).
Elle intéresse essentiellement la radiothérapie. Le principe du calcul est identique à celui que
nous venons d'exposer au paragraphe 64.1 mais les données de base nécessaires à celui-ci se
déterminent un peu différemment.
Dans le cas des sources de cobalt 60, l'énergie au niveau du patient est en général différente
de celle du rayonnement photonique émis par la source (1,17 et 1,33 MeV) par suite des
interactions dans la tête de l'appareil. Quant à l'énergie affichée au poste de commande de
l'accélérateur, c'est généralement l'énergie maximale du spectre, appelée énergie nominale,
exprimée en mégavolts. Mais suivant la nature et l'épaisseur de la cible et du cône égalisateur, les
rendements en profondeur de faisceaux de rayons X de même énergie nominale peuvent différer
notablement d'une machine à l'autre. L'AIEA [14] recommande donc d'associer à l'énergie des
appareils de cobalthérapie et à l'énergie nominale des accélérateurs, l'indice de qualité du
faisceau, I:
I = J20 / JlO
rayons X de 18 MV et I = 0,771
Ce n'est qu'en exprimant l'énergie du faisceau de cette manière que l'on peut comparer
réellement des machines ou des résultats cliniques entre eux, etc., une même énergie nominale
affichée pouvant correspondre à des indices de qualité différents.
356
64.2.1.2. Débit de dose dans l'air à l'équilibre électronique
On entend par "débit de dose" soit la mesure de la dose en un point par unité de temps pour
les appareils de télécobaltothérapie, soit la mesure de la dose par unité de moniteur dans le cas des
accélérateurs. Il se mesure en entourant le détecteur d'un capuchon en milieu équivalent tissu
(polystyrène ou plexiglas) de forme et de dimensions bien adaptées à l'énergie des appareils, appelé
capuchon d'équilibre électronique (fig. 64.6).
FIG. 64.6. Capuchon d'équilibre électronique nécessaire pour effectuer toute mesure "dans l'air"
avec des rayons X de haute énergie.
357
en pourcentage de la dose maximale sur l'axe, et non plus par rapport à la dose cutanée. Les
courbes qui en donnent la variation dépendent de l'énergie et de la section du faisceau, mais
présentent toujours trois parties distinctes (fig. 64.7 - haut):
- la région d'accroissement de dose, AB, correspondant, d'une part, à la mise en mouvement des
électrons secondaires dans le milieu par les photons primaires et, d'autre part, à l'effet des
rayonnements diffusés (photons et électrons) provenant de la tête d'irradiation et des éventuels
accessoires placés sur le trajet du faisceau. Elle est caractérisée par la dose à la surface, D s , qui
est par convention la dose mesurée à 0,5 mm de profondeur;
- la région du maximum, BC, correspondant à un équilibre électronique. Elle est d'autant plus
plate que l'énergie est plus élevée et caractérisée par la profondeur du maximum, P1Oo;
- la région de décroissance de dose en profondeur, CD, pratiquement exponentielle.
18MV
10cm x 10 cm
DSPrtJOcm
FIG. 64.7. Forme générale des courbes de rendement en profondeur (en haut) et des courbes
isodoses (en bas) relatives à un faisceau de photons de haute énergie. La dose à la surface, Ds, et
la profondeur du maximum, P10o,sont mises en évidence [11].
Par analogie au RTA introduit pour les basses énergies (paragraphe 64.1.1.5), on définit un
rapport tissu-milieu (RTM) pour les hautes énergies. C'est le rapport de la dose absorbée en un
point de l'axe situé à la profondeur z dans les tissus, D z , et la dose au même point, dans l'air, dans
des conditions telles que l'équilibre électronique soit tout juste réalisé. Comme le RTA, le RTM
dépend de la qualité et de la section du faisceau mais il est indépendant de la distance séparant le
point de mesure de la source. Il est donc très pratique pour estimer les doses dans un milieu irradié
par des photons de haute énergie.
Lorque l'on examine les courbes isodoses correspondant aux faisceaux de rayons X de haute
énergie, on retrouve les trois régions décrites pour le rendement en profondeur (fig. 64.7 en bas);
la zone de dose maximale est située à quelques millimètres ou à quelques centimètres sous la peau
du patient suivant l'énergie et la section du faisceau. Il faut tenir compte de ceci chaque fois que
l'on cherche à faire des évaluations de dose in vivo en posant des détecteurs sur la peau des patients
(64.4).
358
64.2.2. Estimation de la dose délivrée à un volume cible
En pratique, quand on veut estimer les doses délivrées à une structure anatomique, il faut
disposer (fig. 64.8):
On fait alors une sommation des doses apportées par le ou les différents faisceaux et l'on
recherche l'ensemble des points recevant une même dose appelés courbes isodoses (fig. 64.8 B-C).
Le traitement est optimisé quand:
- l'isodose qui entoure au mieux le volume-cible a une valeur la plus proche possible de la dose
au centre de celui-ci;
- l'homogénéité au sein de tout le volume est la plus grande possible;
- la dose délivrée soit aux structures sensibles avoisinnantes, soit à distance du volume-cible est la
plus faible possible.
Elle intéresse aussi bien les applications diagnostiques que thérapeutiques, pour lesquelles il
convient de connaître l'énergie déposée par les rayonnements dans un ou plusieurs organes et/ou
lésions. Dans le cadre des applications diagnostiques les activités administrées sont relativement
faibles (de l'ordre de 40 MBq à 1 GBq) et la dosimétrie concerne surtout des organes sensibles tels
que la moelle ou les gonades. Le radionucléide est si possible un émetteur de rayonnement y pur.
Pour les applications thérapeutiques les activités administrées sont plus importantes (jusqu'à 4 GBq
et plus) car on cherche à délivrer une dose élevée (J>_ 50 Gy) à la tumeur tout en limitant
l'irradiation de certains organes; le radionucléide est alors de préférence un émetteur b accompagné
de rayonnement g pour traiter la localisation.
Il existe deux méthodes générales pour calculer la dose délivrée par les radionucléides
présents dans l'organisme: la méthode classique et celle de la fraction absorbée. Ces deux méthodes
conduisent le plus souvent à des résultats du même ordre de grandeur, donnant la dose avec une
précision de quelques dizaines de % seulement, car il existe des incertitudes parfois élevées sur les
données biologiques. La méthode classique est plus simple à mettre en oeuvre mais nécessite des
simplifications sur les données biologiques et sur les données physiques (géométrie des sources,
émissions regroupées par énergie en séparant la contribution des électrons et des photons, etc.). La
méthode de la fraction absorbée nécessite de disposer des tables donnant les valeurs des constantes
en fonction du radionucléide et de l'organe considéré, dans une géométrie donnée [15]. C'est cette
dernière méthode que nous présentons.
64.3.1. Données nécessaires au calcul de la dose absorbée moyenne par organe cible
Quand un patient ingère ou inhale un produit radioactif appelé source (S), celui-ci va se fixer
dans tout ou partie d'un ou plusieurs organes, appelés "organes cibles" (C) qui peuvent à leur tout
se comporter comme une source de rayonnement (cas de la source et de la cible confondue) pour
d'autres organes cibles (fig. 64.9).
359
voiume-ciblt
(rectum opacifié.
.clips...J
[A] HT
V-contour
\ (soleil.
I conformateu
/ scanneur)
RX 25 MV n* 1 I 35 •;
n" * ( 13 % V i- 3 « 15 *i I
[El
RX 10 MV
n'1115%1. 3 t IS "4 )
[c]
if 2 t 30 r. I
FIG. 64.8. Exemple d'optimisation des doses pour un volume-cible rectal (A) traité par rayons X
de 10 MV (B) ou de 25 MV (C). L'homogénéité est la meilleure pour les rayons X d'énergie la
plus élevée.
360
D, représente le nombre de désintégrations par unité de temps, c'est-à-dire l'activité, A, multipliée
par A.
Source et
Cible
Source et
Cible
<T0{ Organes
cibles
Pour un organe source donné, il est nécessaire de connaître l'activité à l'instant initial et son
évolution dans le temps. Cette évolution n'est pas seulement due à des processus physiques mais
également à des processus biologiques. Ces éléments conduisent à la connaissance de l'activité
cumulée  égale à:
A= |A s (t).dt
ÂS) qui s'exprime par exemple en MBq.h, représente l'aire sous la courbe As(t) = f(t). On
peut voir sur la figure 64.0 quelques exemples de variation pour As(t).
Si on peut admettre une fixation quasi-instantanée dans la source, puis une décroissance sous
l'influence de la décroissance physique et de l'élimination biologique décrites par une courbe
mono-exponentielle (fig. 64.10-C), on peut écrire:
1 1 1
FIG. 64.10. Illustration du concept de temps de résidence t dans le cas d'un organe qui n 'a pas
d'activité au temps t = 0 [A], d'un organe avec une fixation très rapide par rapport aux processus
de décroissance et d'élimination [B], d'un organe dans lequel l'activité Ao est administrée au
temps t = 0 [C].
Dans tous les cas où la période effective est courte comparée à la durée de vie humaine, c'est
à dire t = °o (ou la période de 50 ans considérée pour le calcul de la dose engagée correspondant à
une fixation unique de radionucléide), la formule ci-dessus se simplifie et on obtient:
As = 1,44. T e . AQ
II est parfois plus pratique de normaliser par rapport à l'activité administrée AQ, ce qui conduit
à définir le temps de résidence x = Â s / AQ.
L'énergie moyenne émise par l'émission i (énergie Ei, probabilité pi) et par transformation
nucléaire est donnée par:
Ai = K. pi. Ei
en exprimant dans:
362
Quand on utilise de tels tableaux, il faut prendre garde aux unités. Par exemple dans le
ableau ci-dessous, Ai s'exprime en femtojoule par becquerel.seconde (fj / Bq.s) et on passe au
ssTo- 2 andenneS
" * * 6 n g r a m m e r a d P « microcurie.heure (g.rad /uCi.h) en multipliant par
W e 0 otns : a 4 S )
a- max : 247.9
tnoy: 69.4 2.1 0^3
m u : 333.8
mor: 96.6 1.12
mat : 606.3
mor: 191.6 89.9 27.59
Sna-) onus : (1.1 H)
X 29.4 l.S 0.07
29.7 2.8 0.13
mx) on» : (1 H)
7 80.18 2.6 0.34
284.30 6.2 2.82
364.48 81.6 47.65
636.97 7.1 7.26
722.89 1.8 2.06
tap orna : (1J H)
Pour calculer la dose moyenne délivrée à une cible, il faut connaître la fraction de l'énergie
émise par un organe source qui est absorbée par un organe cible. Cette fraction porte le nom de
fraction absorbée est est représentée par (J).
Ki ^ PJf 8 * 1 0 6 é m i s e P a r l a source
> dQS/d< « t différente de la puissance absorbée par la
cible, dQa./dt. On peut écrire:
dQ a dQ s
= •$
dt dt
de l'atténuation due aux tissus et de la distance entre la cible et la source considérée (quand la
cible et la source ne sont pas confondues);
du volume et de la composition de la cible;
du type et de l'énergie des rayonnements.
363
Ainsi <>j doit être déterminée pour chaque type d'émission du radionucléide et chaque paire
source-cible. La notation utilisée, <t>i(C<_S), indique la fraction délivrée par l'organe (ou région)
source S à l'organe (ou région) cible C par la i è m e émission du radionucléide.
_dQa 1
D= dt
d'où:
Dans le cas où la source et la cible sont confondues, l'expression se simplifie car on peut
écrire:
A(t)
C(t) =
m
Ainsi pour un organe source présentant l'activité cumulée Â, et en intégrant pour toutes les
émissions du radionucléide, l'énergie totale absorbée par la cible (en joules) est:
A A
- • i
et la dose absorbée moyenne D par cible, due à l'activité dans la source, s'obtient en divisant
par la masse me de la cible:
D (C< _ S ) = .
m.
Quant à la dose totale délivrée à la cible, elle est obtenue en sommant les doses de toutes les
sources identifiées et retenues.
Remarques
- photons d'énergie < 10 keV, l'énergie est supposée absorbée localement et l'on considère <>| = 1
si la source et la cible sont confondues, et <f) = 0 si la source et la cible sont distinctes;
- pour les rayonnements "pénétrants" (photons d'énergie < 10 keV), f est donnée dans des
tableaux de valeurs correspondant à des geometries sim pies (sphères, cylindres, etc.) et à des
modèles de corps humain.
La fraction absorbée massique <X> est donnée par O = — . La dose absorbée moyenne D par
D(e«-s) = • A
i
364
- dans le cas de sources ponctuelles dans l'eau, pour différentes énergies et en fonction de la
distance à la source;
- pour plusieurs paires d'organes dans des fantômes anthropomorphiques mathématiques, et pour
des photons d'énergie comprise entre 10 keV et 4 MeV.
On obtient une valeur du facteur, S, pour une paire source-organe et un radionucléide dans la
mesure où un modèle anatomique est retenu. C'est ce qui a été réalisé par le comité "MIRD" [15],
qui a calculé les facteurs S pour 117 radionucléides, 26 organes sources et 25 organes cibles, 6
modèles anthropomorphiques (nouveau-né, enfants de 1, 5, 10, 15 et 20 ans, adulte). Un exemple
des données contenues dans le rapport n ° l l du MIRD est présenté dans le tableau 64.4.
D = £ ÂjSj( c <_ s )
J
D / Ao = £ tj Sj(c<-s)
j
TABLEAU 64.4. IODE 131 FACTEURS S POUR ADULTE EXPRIMES EN RADS/^Ci.h [15].
aai kkmii m û bmsa 0 cas LU Cast i l I*. Suoà U Cas lect a. tart ta. litep Unr i n
tta. i.Ql-02 4.SS-H LUMt U1HS 1.J2-H 2.SU-* l.BMS J.JJI-» 1.1H-* l.BMS :.7U-B 1.HMS I.IQ-W
k s i 4.S8-H J4JM4 1.NH7 UK-M l.UW) i.MHI (.Uf-« I.1X-0 1.BMT 2.J7MJ l . S - H TJ3HI 4.4JM7
k w s x LUE-tf I.JQM7 1.12-0 LW-K 1.UM7 4.41W? i C M » 5J«-T J.iO-N LBM5 LflM) 2.OHI t-«M»
OfcUlJJMS 1.M-M 1J3-K 4.1B-0 Urt-Ot lJO-tS 1.KMS 2.Œ-IS ].«•* 4.UMI 1.HMS J.UW5 U S «
02 U3HI 2.SS-» 1.IIH7 l.m-* 1.50-0 U S - 6 } J S « S.!U-M 2.51M7 Î.UI-17 L S H t i.W-ff 2.IB-D
U Ut LOt-K t.W-l» <.41H7 l.£S-B 2.5C-»5 5.Z71-K 7UII-tl 4.9CHS 7.S7H7 JJ3M7 7J4H* U O - « t.UMJ
S&Kki.Sa-M J.ÎO-W I.Î5MJ 1.JS-B I.DHt 1JO-H J.ZMt LH-B U K - « t.ZMI J.DMJ 5.JU-H 4.UZ-K
U 1.4S-M I.K-4S 4.3S-I7 2.74HS l.ltt-ff S.UH5 I.1SHK 5.MM4 l.KI-M 1.U-K 7.M-K t.SS-« I.C7Z-4T
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365
64.4. DOSIMETRIE SUR FANTOME ANTHROPOMORPHIQUE OU DOSIMETRIE IN VIVO
PARRTL
On peut aussi simuler l'examen ou le traitement sur des fantômes de forme et de composition
simulant les différentes parties du corps humain, ou homme ou femme de taille moyenne [18], et
mesurer la dose avec ces mêmes dosimètres.
Les dosimètres RTL se présentent sous des formes très diverses: poudre cristalline à l'état
pur ou incluse dans des disques de téflon, ou frittée. Ils sont constitués par un matériau capable
d'emmagasiner de l'énergie au moment de l'irradiation et de la restituer ultérieurement sous forme
de lumière visible lorsqu'on élève fortement leur température (200 à 400°C suivant le matériau
RTL utilisé). La détermination de la quantité de lumière émise par une masse donnée du matériau à
l'aide d'un appareil de lecture approprié, appelé lecteur de dosimètres thermoluminescents, permet
d'évaluer la dose absorbée au niveau du point où se trouve le dosimètre, sous réserve de bien le
choisir et d'adapter son conditionnement à l'application traitée [17].
64.5. CONCLUSION
Comme on vient de le voir, une détermination précise de la dose délivrée aux patients est
possible. Nous n'avons fait que rappeler succintement différentes méthodes permettant de la faire,
laissant le soin aux lecteurs de se référer aux ouvrages et articles spécialisés pour mettre au point
une méthode bien adaptée à leurs applications. Une fois la dose estimée, ils devront se référer à des
"standards de dose" [19-20] pour voir si la dose qu'Us délivrent aux patients est acceptable ou non.
Dans le cas où elle s'avérerait supérieure aux limites recommandées, ils devront améliorer, voir
changer leur technique.
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Med. Biol. 28, 1-18 (1983).
[12] INTERNATIONAL ATOMIC ENERGY AGENCY. Isodose chart and depth dose tables for
medium energy X-rays, Butterworths éd., Londres (1962)
[13] VAN DER GIESSEN P-H., HURKMANS C.W. Calculation and measurement of the dose
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[15] SNYDDER W.S., FORD M.R., WARNER G.G., WATSON S.B. "S" absorbed dose per
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The Society of Nuclear Medicine Publication, New York (1975)
[17] VAN DAM J., MARINELLO G. Methods for in vivo dosimetry in external radiotherapy,
ESTRO Publication n° 1 (1994)
left BLANK
367
CHAPITRE 65. ANALYSE DES EXPOSITIONS MEDICALES ACCIDENTELLES
G. Gaboriaud
INTRODUCTION
- le nombre d'actes;
- pour le radiodiagnostic et la radiothérapie:
- les techniques utilisées;
- les caractéristiques de l'équipement;
- pour la médecine nucléaire et la curiethérapie:
- la nature et l'activité de l'isotope.
Les incidents et accidents liés à l'utilisation des sources radioactives scellées et aux
générateurs électriques de rayonnement peuvent affecter le patient traité, le personnel affecté aux
travaux sous rayonnements, le personnel technique chargé de l'entretien et de la réparation de
l'équipement et le public avec des conséquences qui peuvent être différentes pour chacun des
intervenants.
Les accidents peuvent résulter d'un mauvais fonctionnement de l'équipement, d'une erreur
de l'opérateur, d'une erreur de procédure d'utilisation. Les causes peuvent être circonstantielles et
le plus fréquemment un cumul d'erreurs et d'incompétences.
Si les risques liés à une exposition accidentelle peuvent être mineurs ou catastrophiques
pour la santé, il est toutefois à noter, en examinant les publications de l'United States
Pharmacopeia- USP ( Problem Reporting Program for Radiation Therapy Devices ), que le nombre
d'accidents rapportés aux Etats-Unis sont plus souvent dus à des incidents mécaniques qu'à des
irradiations (tableau 65.2)
369
niveau national;
niveau international.
Exposition externe
- origine cosmique 0,36 0,3 à 2 55 (cosmonautes)
- origine terrestre 0,41 0,05-1,5 175 (Brésil)
400 (Iran)
Exposition interne
- potassium 0,18
- plomb, bismuth +
polonium 0,12
- radon et descendants 1,26 0,2-60 500
Total 2,33
Total 1,12
% du nombre total
Type de défaut nombre d'incidents
d'incidents
Système de surveillance de dose
- défaut de fin d'irradiation 11 9%
- autre 21 17 %
Perte d'accessoires 18 14 %
Effondrement d'une pièce
mécanique 6 5%
Mouvement incontrôlé 16 13 %
Source bloquée 14 11 %(31 %Co60)
Feu 2 2%
Autre 38 30%
370
Sa mise en oeuvre peut être facilitée quand, au niveau national, des organismes compétents et
reconnus peuvent assurer certaines fonctions comme:
D'une manière générale, les moyens permettant de se protéger efficacement contre les
rayonnements concernent:
Pour l'aspect technique, l'équipement dans sa construction doit être conforme aux nonnes
internationales et nationales quand elles existent. Ces méthodes conduisent aussi au recensement de
toutes les sources de rayonnement et leur suivi, à la gestion des déchets radioactifs, aux contrôles
préalables et périodiques suivant des protocoles et aux interventions en cas d'incident ou
d'accident.
Si les incidents ou accidents de surexposition dans le domaine médical avec les sources de
rayonnements scellées peuvent à priori intervenir dans les différentes spécialités utilisant ces
sources, il n'en demeure pas moins que la gravité des accidents reste plus importante en
radiothérapie externe ou en curiethérapie. Ils seront donc abordés principalement dans les
paragraphes suivants.
Si l'analyse du risque envisagé est le plus souvent pour les patients traités en radiothérapie
celui d'un surdosage, il ne faut pas minimiser le risque d'un sous-dosage pouvant entraîner une non
stérilisation tumorale et un risque vital tout aussi important pour le patient.
La radiothérapie est une spécialité dont l'exercice nécessite une démarche clinique et
rigoureuse dans un environnement technique spécifique et complexe. La grande précision
nécessaire à chacune de ses étapes implique des contraintes humaines et techniques.
Pour une qualité et une sécurité des traitements, un certain nombre de conditions doivent être
remplies concernant:
- le personnel;
- 1 ' organisation du travai ;
- l'ensemble des étapes du traitement et leur contrôle.
371
65.2.1. Le personnel
Cette qualification concernent les médecins, les techniciens et les physiciens. On citera à
titre d'exemple que la Directive européenne de 1984 recommande qu'un spécialiste qualifié en
radiophysique soit affecté aux installations lourdes de radiothérapie.
Si la formation en assurance de qualité du personnel concerné ne fait pas souvent partie des
programmes d'enseignement, et si par son caractère hautement spécialisé elle ne peut être assurée
de manière complète dans un pays, il est souhaitable qu'une formation de base au niveau national
soit mise en place.
Les dispositions normatives doivent concerner les sources de rayonnement sur les différentes
étapes de leur utilisation:
Il est à noter que les mesures réglementaires ou les recommandations émanent pour
l'essentiel d'organismes intergouvernementaux ou non gouvernementaux divers, l'assurance de
qualité ayant peu retenu l'attention du législateur.
Les dispositions normatives concernent les sources de rayonnement sur les différentes étapes
de leur utilisation.
Ainsi pour l'obtention des sources, au niveau national, les organismes concernés doivent
s'assurer de la conformité des équipements aux normes de construction et d'installation
internationales CEI et/ou pour l'Europe, des normes européennes CENELEC.
En effet, les nonnes internationales de construction ont été acceptées à la majorité par vote
des différents pays membres. Si par le respect de ces normes de construction des équipements, les
constructeurs garantissent un minimum de sécurité pour le patient et le personnel, des contrôles
doivent être effectués à la recette mais aussi périodiquement pour maintenir le matériel en bon état
et garantir toute la sécurité.
372
Ainsi en France, les procédures d'autorisations préalables applicables aux équipements lourds
et les demandes d'agrément déposées auprès du Service central de protection contre les
rayonnements ionisants (SCPRI)a, relatives à chaque installation sont autant d'éléments garantissant
la protection contre les rayonnements ionisants des différentes catégories de personne.
- CEI 601-1
- Règles générales: sécurité des appareils électromédicaux
Normes particulières
Pour exemple, on citera l'obligation qui est faite d'affecter un spécialiste qualifié en
radiophysique aux équipements lourds (Directive européenne de 1984).
Elles utilisent des rayonnements de natures et énergies différentes qui nécessitent une
spécialisation des locaux.
1
Depuis 1995 : Office de protection contre les rayonnements ionisants - OPRI ( NDLR)
373
- et les appareils de radiothérapie conventionnelle et de contact produisant des rayons X (appareils
de roengenthérapie et appareils de contacthérapie).
Les énergies utilisées sont supérieures à 60 keV, entre 1/10 MeV et quelques dizaines de
MeV. Les particules peuvent être soit des photons ou des rayons X, soit des électrons. Quelques
installations produisent des neutrons ou des particules lourdes comme les protons.
Les débits de dose à 1 m de la source sont élevés, pouvant varier de 1 Gy.min"1 à 4 Gy.min"
l
. Les doses délivrées au patient à la rumeur sont de 2 Gy par séance.
En curiethérapie, les sources utilisées sont: Ra 226, Cs 137, Ir 192, I 125, Au 198, Co 60, P
32, Sr 90.
Si l'on fait référence aux recommandations de la CIPR [3], de la Fédération européenne des
organisations de physique médicale (EFOMP) [4] et à la conférence de consensus SFRO/SFPH de
décembre 91 [5], la qualité ne peut être assurée que si certaines conditions sont remplies concernant
le personnel (qualification et nombre), l'organisation du service et l'équipement. Dans le cas
contraire, les risques éventuels d'incidents ou d'accidents sont accrus.
On retiendra 2 notions:
- l'incident, événement qui vient interrompre un déroulement normal et dont les conséquences
restent imitées;
- l'accident, événement qui prête à conséquence et qui peut accroître la morbidité du patient,
provoquer une invalidité, etc.
374
Les causes des accidents sont multiples. Elles peuvent être d'ordre technique, humain et
circonstantiel.
Toutefois, une analyse récente de l'EFOMP [6] montre qu'une majorité des accidents en
radiothérapie incombent à une erreur humaine, soit par un manque de procédure adéquate ou par le
non suivi des procédures quand elles existent.
Peu d'accidents sont liés aux équipements, même si l'utilisateur en général cherche à
transférer la responsabilité de l'accident sur l'équipement et donc vers le constructeur.
Pour analyser les causes d'accident en radiothérapie, il faut souligner que cette spécialité
s'exerce dans un univers de stress pour le patient et pour le personnel. En effet les patients restent
très inquiets en abordant leur traitement de radiothérapie, avec des équipements très chargés (ex:
horaire de 7h30 à 20h). Lors d'un incident de fonctionnement d'un équipement, nécessitant un
arrêt pour une réparation, suivi d'un contrôle par le radiophysicien, l'angoisse des patients ne
peut qu'augmenter, entraînant un stress pour le personnel avec, en conséquence, des causes
d'erreurs.
Elles peuvent être d'autant plus fréquentes que l'ergonomie des postes de travail n'est
souvent pas adaptée aux conditions de travail et de sécurité car ces postes nécessitent pour le
manipulateur, le contrôle en continu, sur plusieurs écrans, de nombreux paramètres de
fonctionnement de l'équipement et de surveillance du patient. Actuellement, les constructeurs, pour
chaque nouvelle fonctionnalité de l'équipement, ajoute un écran et son clavier. Il n'est pas rare
d'avoir pour un poste de commande plus de 3 à 5 écrans à surveiller sans pour autant, dans
l'analyse du poste de travail, qu'il y ait obligation d'un travail en binôme pour les manipulateurs
(ex. du copilotage pour un avion).
- Si le système d'interlock fonctionne, il nécessite une intervention humaine qui peut ou ne peut
pas prendre en compte le défaut avec les conséquences qui en découlent pour le patient.
- Si le système d'interlock ne fonctionne pas ou n'existe pas, seul un contrôle suivant un
programme d'assurance en qualité peut détecter un dysfonctionnement de l'équipement.
La dose absorbée au niveau du volume cible du patient doit être délivrée à mieux de ± 5 %
près [7].
Il faut souligner que l'étalonnage des faisceaux nécessite plusieurs étapes tout en appliquant
de nombreux facteurs correctifs pour passer de l'étalonnage par un laboratoire officiel en kerma
dans l'air pour la chambre d'ionisation à l'énergie du Co 60 (équation 65.1), puis le passage du
kerma dans l'air en l'absence du détecteur à la dose absorbée dans l'air de la cavité et enfin la
détermination de la dose absorbée dans l'eau dans le faisceau de l'utilisateur (équation 65.2)
mc an c \OD. 1 )
avec
375
ND: facteur d'étalonnage en terme de dose absorbée dans l'air de la cavité de la chambre
d'ionisation
gay-: rendement de freinage des électrons secondaires dans l'air
Nkair,c: facteur d'étalonnage de la chambre d'ionisation en kerma dans l'air
km,c: facteur correctif dû à la non équivalence à l'air du matériau de la paroi de la chambre
^att,c: facteur correctif dû à l'atténuation et à la diffusion des photons dans la paroi de la
chambre.
Les nombreux facteurs correctifs peuvent entraîner des causes d'erreurs d'où la nécessité
d'un système de référence national d'étalonnage des faisceaux d'électrons et de photons dans les
conditions d'utilisation des utilisateurs.
65.4.1. En Europe
Le tableau 65.3 résume les accidents rapportés depuis 1986 jusqu'en 1993.
La liste n'est pas exhaustive car, d'une part elle est basée sur le volontariat et, d'autre part
un certain nombre d'institutions hésite à afficher les accidents survenus dans leur établissement,
même si, à long terme, cela permettrait d'éviter que de tels accidents se reproduisent.
Dans l'analyse qui a été faite par l'EFOMP des accidents rapportés, il ressort que les causes
reposent souvent:
376
En France, si le tableau 65.3 montre qu'aucun accident n'a été rapporté par la communauté
scientifique et médicale, certains accidents sont connus par voie officieuse dite du "bouche à
oreille" (tableau 65.4). Cette situation s'explique du fait qu'il n'existe aucun programme, même
basé sur le volontariat, pour les constructeurs et pour les utilisateurs pour rapporter tout type
d'accident et/ou d'incident à une autorité compétente nationale.
Negative reports or reporu only of minor accidents have been received from Norwly, Poland. Russia and Turkey
377
65.4.2. Les accidents avec des sources scellées
* GOIANIA, Brésil 9-1987, source de césium 50,9 TBq oubliée et vendue à ferrailleur;
contamination sur 2000 km2 et retour à la normale en mars 1988; 200 personnes durent être
évacuées [10].
- 16/11/92, rupture de la gaine de traction (défaut technique et erreur humaine dans la prise en
compte du défaut), 1 patient mort 90 heures après l'accident. Le patient est reparti en
hospitalisation avec la source (irradiation du personnel hospitalier);
- 7/12/92, rupture de la gaine, mais la source a pu être retirée.
La Nuclear Regulatory Commission (NRC) et la Food and Drug Administration (FDA) ont
pris immédiatement des dispositions vis-à vis de HDR Omnitron et obligent les utilisateurs, dans
leur procédure de contrôles à vérifier l'absence de source au niveau du patient avec un détecteur
portatif, en fin de traitement.
La NRC répertorie les accidents et, par ses inspections régulières, peut citer devant les
tribunaux les Institutions pour non respect de la réglementation en vigueur concernant les
rayonnements ionisants.
Depuis 1975, une étude rapportée par CBS News montrait que les accidents les plus
fréquents aux Etats-Unis étaient dus à des erreurs de calcul et avaient entraîné plus de 40 morts
de patients et plus de 100 patients avaient subi des irradiations graves avec conséquences.
Un défaut de logiciel sur l'équipement (?) (Therac 25) [11] a entraîné une série d'accident
avec des conséquences graves pour les patients (surdosage et myélite):
Les conséquences de ces accidents ont été telles qu'ils ont entraîné par la suite, l'arrêt par le
constructeur de la fabrication des accélérateurs linéaires THERAC 25.
- par la NRC, cela concerne toutes les erreurs et même les erreurs de prescription;
- par l'American Association of Physicists in Medicine (AAPM) dans Am.Med.News;
- par le Center for Devices and Radiological Health (CDRH), pour les erreurs dues au matériel
hard ou soft;
- par la Food and Drug Administration (FDA).
378
Il existe un programme PRP (problem reporting program), avec participation basée sur le
volontariat des:
- radiothérapeutes;
- physiciens;
- techniciens de radiothérapie.
65.5. CONCLUSION
Si les sécurités ont augmentées considérablement sur les équipements avec un accroissement
par les utilisateurs des contrôles de fonctionnement, des accélérateurs, des équipements de
télégammathérapie (^Co) et des projecteurs de sources, l'analyse des accidents survenus montre:
" Les accidents arrivent quand on commence à croire qu 'Us ne peuvent pas arriver "
BIBLIOGRAPHIE
[2] Contrôle de qualité des accélérateurs d'électrons à usage médical. SFPH-CNEH, cahier n°
29, (décembre 1986).
379
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[11] NEWMAN H.F. The malfunction "54" accelerator accidents 1985, 1986, 1987 in: the medical
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Proceedings of the 2nd International REAC/TS conference, octobre 20-22, 1988, Ricks,
S.A. Eds., Elsevier (1990).
380
PARTIE 10
LA SURETE NUCLEAIRE
Sett BLANK
CHAPITRE 66. LA SURETE NUCLEAIRE - GENERALITES
D. Queniart
Une spécificité des installations nucléaires est l'importance des risques potentiels associés à la
mise en oeuvre de substances radioactives dans ces installations, pouvant en particulier conduire, en
cas d'accident, à des expositions significatives de travailleurs et de personnes du public ainsi qu'à
des contaminations durables de sols et de chaînes alimentaires. On connaît par ailleurs la sensibilité
du public aux "dangers " de la radioactivité.
C'est pourquoi des dispositions doivent être prises pour réduire les risques liés à
l'exploitation de ces installations, de telle sorte que ces risques apparaissent acceptables. Il faut à
cet égard bien distinguer dès l'abord les risques potentiels évoqués plus haut, c'est-à-dire ceux qui
existeraient en l'absence de mesures de protection, directement associés à la nature et aux quantités
de substances radioactives mises en oeuvre ainsi qu'aux possibilités de dispersion de ces substances,
et les risques résiduels, c'est-à-dire ceux qui subsistent compte tenu des dispositions prises. Pour
une installation donnée, le risque résiduel ne saurait être nul et c'est sur le caractère acceptable de
ce risque résiduel qu'il convient de se prononcer.
L'appréciation de celui-ci ne peut être faite qu'en tenant compte à la fois du caractère plus ou
moins vraisemblable des accidents imaginables et de la gravité plus ou moins grande de ces
accidents. Il s'agit donc d'apprécier l'installation en termes de probabilités d'accidents et de
conséquences associées.
La notion de probabilité s'introduit ainsi naturellement dans l'examen des risques résiduels et
il est raisonnable de penser que des conséquences plus importantes peuvent être acceptées si les
probabilités correspondantes sont plus faibles; dès lors, des dispositions doivent être prises pour
qu'un accident soit d'autant plus improbable que ses conséquences peuvent être importantes.
Cette idée a dès l'origine guidé les travaux relatifs à la sûreté des installations nucléaires; elle
a été traduite au début des années 1970 par la courbe dite de FARMER qui a présenté sur un
diagramme "probabilités-conséquences", une délimitation entre un domaine autorisé et un domaine
interdit ou, si l'on préfère, un domaine acceptable et un domaine inacceptable, les conséquences
étant exprimées en termes de rejets d'iode radioactif (il s'agit donc d'une appréciation limitée aux
conséquences à court terme).
Cette idée se retrouve dans la notion d'exposition potentielle et dans celle de risque, sujets
abordés par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) dans sa publication 60.
Il n'existe toutefois pas à ce jour de texte international faisant l'objet d'un consensus clair sur ces
sujets qui font encore l'objet de discussions intensives entre les responsables de la protection et les
responsables de la sûreté, notamment à l'AIEA et à l'OCDE.
- la notion de risque individuel est à elle seule insuffisante pour traduire la notion d'acceptabilité;
le nombre de personnes concernées par un accident, l'étendue des domaines dans lesquels des
contre-mesures seraient nécessaires en cas d'accident, la durée d'application des contre-mesures
383
en question, sont, à l'évidence, des paramètres intervenant dans l'appréciation du caractère
acceptable de risques individuels,
Conséquences
Domaine interdit
Domaine autorisé
-•
Probabilités
- l'acceptabilité n'est pas une notion figée, d'une part parce que les idées évoluent -l'acceptabilité
est en fait une notion politique, variable par nature dans le temps et selon les pays-, d'autre part
parce que la coexistence d'installations anciennes et d'installations nouvelles améliorées, la
recherche permanente de progrès en termes de sûreté, rendent impossible une délimitation
précise entre un domaine acceptable et un domaine inacceptable. Aussi, des modèles conceptuels
introduisant un espace dit "tolerable" entre l'acceptable et l'inacceptable ont été développés.
Pour sa part, dans sa publication 60, la CDPR a introduit, au titre de l'optimisation de la
radioprotection, la notion de "contrainte de risque " qui permet une certaine flexibilité en dessous
d'une "limite de risque" dont on a vu plus haut le caractère partiel,
- les outils permettant d'apprécier les probabilités et les conséquences de situations accidentelles
ne peuvent donner que des réponses comportant des incertitudes variables, mais pouvant
atteindre plusieurs ordres de grandeur, à la fois en termes de probabilités et en termes de
conséquences. C'est pourquoi les responsables de la sûreté n'utilisent généralement pas les
méthodes probabilistes pour comparer les résultats obtenus par ces méthodes à des critères
d'acceptation préétablis, surtout lorsqu'il s'agit de critères exprimés en termes de doses reçues
par des personnes du public. Ceci ne les empêche pas de se prononcer, à un moment donné, sur
le caractère acceptable d'installations techniquement définies, selon des méthodes qui seront
développées dans la suite de ce module.
La sûreté nucléaire peut être définie comme l'ensemble des dispositions d'ordre technique et
organisationnel, prises à tous les stades de la vie d'une installation nucléaire, pour que son
fonctionnement et, plus généralement son existence même, présentent des risques jugés acceptables,
pour les travailleurs, les personnes du public et l'environnement.
Il faut bien noter ici que le domaine de la sûreté nucléaire commence avec le fonctionnement
normal des installations, où il s'agit d'éviter toute exposition excessive de travailleurs et tout rejet
excessif d'effluents radioactifs gazeux ou liquides. Au-delà du fonctionnement normal, les
dispositions prises au titre de la sûreté nucléaire visent à prévenir les incidents et les accidents et,
également, à limiter les effets de tels incidents ou accidents si, malgré les dispositions de prévention
prises, ils survenaient néanmoins.
384
Cette définition est très générale et le domaine traité couvre aussi bien les centrales
électronucléaires de puissance -qui présentent les risques potentiels les plus importants, de par les
quantités de substances radioactives qu'ils peuvent contenir et l'existence de phénomènes physiques
pouvant conduire à une large dispersion de ces substances- que les installations de fabrication des
combustibles neufs, les installations de retraitement de combustibles irradiés, les installations de
traitement d'effluents et déchets radioactifs jusqu'aux stockages définitifs de ces derniers, les
laboratoires de recherche associés ou encore les grandes installations industrielles d'irradiation ou
les grands accélérateurs de particules. On verra, au cours de ce module, que, compte tenu de
l'ampleur des risques potentiels associés aux centrales électronucléaires de puissance, c'est pour
celles-ci que les démarches propres à la sûreté nucléaire ont été le plus largement développées et
approfondies, à une exception près qui concerne le risque de criticité associé aux installations du
cycle du combustible, compte tenu de ses implications possibles sur l'exposition des travailleurs.
Mais, dans une large mesure, les mêmes démarches sont applicables à toutes les installations
nucléaires, en adoptant bien sûr le degré d'approfondissement de ces démarches aux risques
associés.
Par ailleurs, le domaine de la sûreté nucléaire accompagne en quelque sorte la vie des
installations nucléaires, depuis les premières études de conception, lorsqu'il s'agit de faire le choix
d'options de sûreté, jusqu'à la mise à l'arrêt définitif et au démantèlement, tant que subsistent des
risques significatifs associés à la présence de substances radioactives en passant par la conception
détaillée, la réalisation, les essais de mise en service, le chargement du combustible (pour un
réacteur) ou la mise en "actif (pour les autres installations), et l'exploitation proprement dite, avec
ses différents aspects (conduite, maintenance, entretien, modifications, incidents, etc.).
C'est, bien entendu, l'exploitant d'une installation nucléaire qui est le premier responsable de
la sûreté de cette installation. En effet, lui seul est à même de faire, à tout moment, les gestes
nécessaires pour assurer réellement la sûreté de son installation.
Mais il est par ailleurs reconnu que les pouvoirs publics d'un pays ont une mission générale,
consistant à veiller à la protection des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire national
concerné. Us doivent donc, d'une part définir des objectifs de sûreté, liés à l'acceptabilité des
installations nucléaires dans le pays, d'autre part assurer une surveillance de l'exercice, par les
exploitants, de leurs responsabilités en matière de sûreté. Ceci se traduit de façon pratique par la
mise en place de systèmes d'autorisations, de réglementations et d'inspections.
Il faut bien comprendre ici que la sûreté est une responsabilité nationale de chaque pays et il
ne saurait en être autrement, compte tenu des implications des décisions correspondantes; ainsi,
concernant la production d'électricité d'origine nucléaire, une politique d'amélioration de la sûreté
ne saurait être menée indépendamment de toute considération sur l'approvisionnement énergétique
du pays concerné. Toutefois, si, à un moment donné, peuvent coexister des installations présentant
des niveaux de sûreté très différents, il faut souligner que, depuis un certain nombre d'années, et
encore plus depuis l'accident de Tchernobyl, les évolutions de la sûreté sont très largement
discutées dans un contexte international; si les moyens utilisés et les critères détaillés peuvent
aujourd'hui encore apparaître largement divergents, voire contradictoires, il est clair qu'en termes
de niveaux de sûreté à atteindre, il existe maintenant de larges convergences. C'est ainsi qu'ont été
publiés en 1993 des objectifs de sûreté communs pour les réacteurs du futur en France et en
Allemagne, approuvés par les autorités de sûreté de ces deux pays.
L'organisation des pouvoirs publics varie d'un pays à l'autre, de même que les habitudes
administratives et réglementaires. Il ne saurait donc être question d'exposer ici un modèle
d'organisation; par contre, quelle que soit l'organisation retenue, il est nécessaire que les pouvoirs
publics puissent réellement porter une appréciation sur les dispositions retenues par les exploitants
385
d'installations nucléaires; ceci implique une compétence technique, appuyée par des moyens
propres de contre-expertise, voire de recherche et développement, et une indépendance suffisante
par rapport aux exploitants et promoteurs d'installations nucléaires. Compétence et indépendance
suffisante sont par ailleurs nécessaires à la crédibilité de l'organisme réglementaire, souvent appelé
"autorité de sûreté", lui-même garant de la sûreté des installations nucléaires devant l'opinion
publique.
Il est par ailleurs essentiel que les engagements des exploitants d'installations nucléaires
soient formalisés. C'est pourquoi il est généralement demandé à ceux-ci d'exposer dans des
documents détaillés, appelés rapports de sûreté, les dispositions qu'ils ont prises ou prévues pour
assurer la sûreté de leurs installations et d'apporter dans ces documents une démonstration de la
maîtrise des risques associés. Ces rapports de sûreté font l'objet, dans le cadre des procédures
d'autorisations mises en place par des textes à caractère général, d'un examen critique approfondi
par les pouvoirs publics, soit directement, soit par sous-traitance à un organisme d'appui technique
spécialisé (il s'agit en France de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, institut placé au sein
du Commissariat à l'énergie atomique, établissement de recherche et développement, mais jouissant
d'une large autonomie par rapport à celui-ci et disposant d'installations expérimentales propres
dédiées à l'approfondissement de questions de sûreté et de radioprotection). Les résultats de cet
examen critique approfondi, qui doivent également être formalisés, constituent une base essentielle
pour la délivrance des autorisations nécessaires au fonctionnement des installations.
Il est toutefois intéressant d'aller plus loin et, dans la mesure du possible, il est largement
souhaitable qu'en dehors des étapes formelles prévues par la réglementation générale, se développe
entre les exploitants et les pouvoirs publics (ou l'organisme d'appui technique) un dialogue
technique continu. Ceci permet de maintenir une exigence permanente de réflexions, condition
nécessaire d'un haut niveau de sûreté, sans créer de blocages inutiles au cours des procédures
d'autorisation proprement dites. L'idéal est en effet de ne pas avoir à imposer à un exploitant
d'installation nucléaire, telle ou telle disposition technique; si, convaincu du problème de sûreté en
cours de discussion, l'exploitant prend lui-même le problème en charge et propose les dispositions
qui lui apparaissent les meilleures, compte tenu de l'ensemble de ses préoccupations. Il reste à
vérifier le bien-fondé de ces dispositions, mais l'exercice des responsabilités est bien plus
correctement assuré et les compromis trouvés souvent bien meilleurs.
Comme indiqué plus haut, l'instruction des demandes d'autorisation déposées par les
exploitants suppose de larges discussions techniques sur les dispositions proposées par ceux-ci.
Toutefois, en fonction de la structure industrielle et réglementaire du pays, le cadre de ces
discussions peut être variable.
Certains pays, en particulier les Etats-Unis, ont en effet développé une large réglementation
technique, comportant d'ailleurs des critères strictement réglementaires et des guides détaillés dont
l'application ne présente pas le même caractère contraignant, un exploitant pouvant proposer des
dispositions techniques différentes permettant d'atteindre un niveau de sûreté équivalent. L'examen
critique revêt alors en partie le caractère d'un examen de conformité aux critères réglementaires
préétablis. Il faut toutefois être conscient que, d'une part la réglementation technique ne saurait
vraiment couvrir l'ensemble des domaines qui doivent être traités pour une appréciation correcte de
la sûreté d'une installation, d'autre part la démonstration de la conformité à des critères préétablis et
l'examen de conformité ne sont pas toujours aisés.
D'autres pays, comme la France, n'ont pas retenu l'élaboration de règlements techniques
détaillés comme une priorité et préfèrent, en tout état de cause, mettre en place une réglementation
par objectifs, les exploitants et les constructeurs ayant pleinement le choix des moyens pour
atteindre ces objectifs et en apporter la démonstration. Ce type d'approche réglementaire, sans
386
doute moins lisible de l'extérieur, a l'avantage de ne pas conduire à fixer a priori des critères trop
précis, sans appréciation suffisante de la faisabilité, ou des dispositions techniques non
"optimisées"; à l'inverse, elle ne permet pas aux exploitants et constructeurs de connaître à tout
moment l'étendue précise des dispositions qu'il devront mettre en place et des démonstrations qu'ils
devront apporter, ceci faisant l'objet du dialogue technique qui pourra ici mieux tenir compte du
progrès technique et de l'évolution des connaissances résultant aussi bien de l'expérience
d'exploitation que d'études ou de recherches spécifiques.
GROUPES
D'EXPERTS
Il faut bien comprendre que la sûreté est, fondamentalement, un compromis; celui-ci peut
être fixé dans des réglementations préétablies ou discuté cas par cas, mais il doit en tout état de
cause pouvoir évoluer et la réglementation technique ne doit pas être un obstacle à l'examen
approfondi des problèmes de sûreté à la lumière des connaissances les plus récentes et à une
appréciation globale de la sûreté de chaque installation, tenant compte de la réalité de sa
construction et de son exploitation. Il faut bien comprendre aussi qu'aujourd'hui, les deux moteurs
essentiels de l'amélioration de la sûreté sont l'expérience d'exploitation, utilisée aussi bien pour
traiter d'installations existantes que d'installations nouvelles, et l'amélioration des connaissances
résultant des travaux de recherche et développement (par exemple, sur les accidents graves avec
fusion du coeur dans le cas des centrales électronucléaires).
Les "autorités de sûreté " ont, dans les premiers temps, largement concentré leurs travaux sur
la conception des installations et développé un certain nombre d'approches méthodologiques dont il
sera question dans la suite de ce module.
Les deux grands accidents survenus au cours des vingt dernières années, celui de Three Mile
Island et celui de Tchernobyl, ont conduit à un élargissement des réflexions. Après l'accident de
Three Mile Island, l'importance des facteurs humains, au sens large, a été mieux reconnue, qu'il
s'agisse des informations mises à la disposition des équipes de conduite pour apprécier l'état d'une
installation, des procédures de conduite ou des interactions entre travaux de maintenance et maîtrise
de la conduite.
387
ECRITS PAR
LES ARRETES
POUVOIRS MINISTERIELS
PUBLICS
REGLES
FONDAMENTALES
DE SURETE
\
REGLES DE CONCEPTION
APPROUVES
ET DE CO> STRUCTION
PARLES
POUVOIRS
DOCUMENTS SPECIFIQUES
PUBLICS
A UNE INSTAIXATJON _
La "culture de sûreté" est définie comme "l'ensemble des caractéristiques et des attitudes qui,
dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté des centrales
nucléaires bénéficient, en priorité, de l'attention qu'elles méritent en raison de leur importance".
Un des éléments clefs est constitué par "une habitude générale de penser en termes de sûreté " qui
implique "une attitude de remise en question systématique, un refus de se contenter des résultats
acquis, un souci permanent de la perfection, et un effort de responsabilité personnelle et
d'autodiscipline de groupe en matière de sûreté".
Autrement dit, les bonnes pratiques ne suffisent pas pour atteindre un haut niveau de sûreté,
si elles sont appliquées de manière formelle. Au-delà de leur application stricte, il convient que
"toutes les tâches importantes pour la sûreté soient exécutées correctement, avec diligence, de
manière réfléchie, en toute connaissance de cause, sur la base d'un jugement sain et avec le sens
des responsabilités requis".
De plus, la "culture de sûreté" ne concerne pas que les individus en tant que tels; elle
concerne les organismes et tout particulièrement les responsables de la politique. Comme l'indique
le document INSAG 4, "dans toute activité importante, la manière dont agissent les individus est
conditionnée par des exigences imposées à un niveau supérieur. Le niveau le plus élevé où s'exerce
une influence sur la sûreté des centrales nucléaires est le niveau législatif, où sont posés les
fondements nationaux de la culture de sûreté".
388
DECLARATION
D€ POUTIOUE DE SURETE
STRUCTURES DE DIRECTION
ENGAGEMENT
DES RESPONSABLES
DE LA POLITIQUE
AUTOCONTROLE
DEFINITION ET
ENGAGEMENT
QUALIFICATIONS ET FORMATION
OES DIRIGEANTS
I
RECOMPENSES ET SANCTIONS
ATTITUDE INTERROGATIVE
ENGAGEMENT
DEMARCHE RIGOUREUSE
COMMUNICATION
CULTURE
DE SURETE j
389
CHAPITRE 67. APPROCHE DE LA SURETE DES INSTALLATIONS
J. Libmann
La sûreté des installations nucléaires se donne pour objectif de ne pas être à l'origine de
problèmes de radioprotection à l'extérieur de l'installation mais, conformément aux principes
généraux qui l'organisent, l'envisage cependant. Les problèmes de radioprotection interne doivent
être également maîtrisés.
Sur les installations les plus importantes comme les réacteurs de puissance, le processus est
géré à distance. Le personnel n'est au contact direct de la plupart des matériels que lors
d'interventions comme celles de maintenance. Ce n'est évidemment pas le cas d'installations plus
petites comme les laboratoires et les ateliers qui contiennent des quantités de matières radioactives
moins importantes mais dans lesquels l'intervention humaine est beaucoup plus rapprochée.
Quelle que soit l'installation, la protection des personnels contre les expositions internes et
externes concerne avant tout les conditions normales d'exploitation, lorsque le processus est
parfaitement maîtrisé. La sûreté s'occupe, par contre, des moyens techniques et d'organisation qui
permettent de maîtriser le processus pour protéger les travailleurs, le public et l'environnement tant
en fonctionnement normal qu'en situation incidentelle ou accidentelle.
L'approche de la sûreté la plus structurée et la plus complète a été constituée pour les
réacteurs électrogènes, en particulier ceux des filières de réacteurs à eau sous pression. Compte
tenu de la quantité de produits radioactifs qu'ils contiennent (tableau 67.1), des risques de
dispersion liés à l'existence dans ces installations d'une grande quantité de matière fissile permettant
un fonctionnement de longue durée (cet ensemble est donc potentiellement surcritique), des
conditions de température et de pression, de l'existence d'une puissance résiduelle significative
longtemps après l'arrêt, cette approche est très complète. Elle est également marquée par la
cinétique relativement rapide des évolutions incidentelles ou accidentelles. Son application à
d'autres installations doit tenir compte des risques potentiels comparés (quantité de matière
radioactive présente associée à leur efficacité biologique, forme physique et chimique de ces
produits, cinétique des accidents, etc.) mais aussi d'une éventuelle sensibilité particulière du public
à des rejets, même faibles, provenant d'installations particulières. La localisation géographique de
ces installations qui sont quelquefois moins éloignées des zones à forte densité de population que les
réacteurs de puissance peut également entrer en considération.
La sûreté d'une installation est obtenue par la combinaison d'une bonne conception initiale,
de conditions d'exploitation clairement définies et strictement appliquées par un personnel formé de
391
manière adaptée, de la poursuite continue d'un questionnement de sûreté associé à l'analyse de
l'expérience de l'exploitation et de pratiques intégrant le souci de la qualité.
La première précaution de sûreté est l'interposition entre les produits radioactifs d'une part,
les travailleurs, le public et l'environnement d'autre part de barrières suffisamment étanches pour
contenir ces produits.
Pour les réacteurs de puissance à eau sous pression installés en France et dans la plupart des
pays du monde il y a trois barrières:
Sur d'autres installations, plus simples et au potentiel de risque beaucoup plus faible, les
barrières peuvent être constituées d'une boite à gants en dépression vis-à-vis du local qui l'abrite, ce
local étant lui-même mis en dépression par rapport à l'atmosphère par un système de ventilation-
filtration. Il n'y a alors que deux barrières vis-à-vis de l'environnement. Après analyse, le niveau
de sûreté obtenu peut être considéré comme suffisant, le nombre de barrières ne constituant pas, en
soi, un critère.
FIG. 67.1. Schématisation des barrières d'un réacteur à eau sous pression.
392
67.1.2. Le concept de défense en profondeur
Avant de développer les différentes étapes qui constituent la défense en profondeur, il est
possible d'en résumer simplement le principe par l'affirmation suivante: bien que les mesures prises
pour prévenir les erreurs, les incidents et les accidents soient, en principe, de nature à les éviter, on
postule que de tels événements peuvent se produire et on étudie et dispose des moyens permettant
d'y faire face, en ramenant leurs conséquences à des niveaux jugés acceptables.
Ceci ne dispense pas d'étudier des situations encore plus graves, aux causes pas toujours
précisément identifiées, et d'être prêts à affronter ces situations dans les meilleures conditions
possibles.
Le document INSAG 3 [1] publié en 1988 par l'AIEA présente ce concept "qui s'organise
autour de niveaux multiples de protection comprenant des barrières successives qui empêchent le
rejet de substances radioactives dans l'environnement. Le concept inclut une protection des
barrières qui prévient tout dommage tant à la centrale qu'aux barrières elles-mêmes. Il inclut dans
son prolongement des mesures qui protégeraient des dommages à la population et l'environnement
dans le cas où ces barrières ne seraient pas pleinement efficaces".
Le deuxième objectif de ces mesures est la limitation des conséquences radiologiques des
conditions incidentelles et accidentelles à des valeurs jugées acceptables.
La défense en profondeur peut aujourd'hui être présentée en 5 niveaux. Les 4 premiers ont
un caractère technique s'intéressant notamment à la tenue des différentes barrières. Le dernier
niveau concerne les mesures de protection du public et de l'environnement qui seraient nécessaires
en cas de rejets significatifs provoqués par un accident particulièrement grave.
Les mesures du premier niveau concernent tous les éléments de l'installation, structures,
systèmes ou équipements, dont le comportement peut avoir un impact direct ou indirect sur le
comportement normal de l'installation du point de vue de la sûreté, c'est à dire du risque de rejets
incontrôlés. Les conditions de protection des personnels de l'installation en phase de travail normal
ou d'intervention doivent être également envisagées à ce niveau.
Toutes les phases de fonctionnement de l'installation (en puissance, lors des transitoires
normaux et des différents états d'arrêt) doivent être considérées.
De plus, des conditions sismiques caractéristiques du site et déterminée suivant une méthode
établie ou la chute de certains avions sur les parties sensibles de l'installation si la probabilité de
chute de ce type d'aéronef est supérieure à une valeur définie, ne devront pas perturber son
fonctionnement au-delà d'un éventuel arrêt, mais sans provoquer de rejets ou de risques de rejets.
Ces précautions de sûreté se traduisent par des contraintes sur le choix du site, les conditions
et critères de dimensionnement, de construction, d'exploitation et de maintenance et notamment:
- une claire définition du domaine dans lequel le fonctionnement de l'installation ne doit pas
provoquer de rejets incontrôlés;
- des marges adaptées pour la conception des structures, systèmes et composants, associées à la
connaissance et au choix des matériaux utilisés;
393
- une conception de l'interface entre l'homme et la machine qui allège la charge des exploitants,
dont des systèmes d'exploitation fiables associés à des procédures de conduites claires et
adaptées;
- une formation adaptée de personnels aux compétences initiales bien choisies;
- un programme de maintenance préventive qui tienne compte de l'importance pour la sûreté des
matériels concernés;
- le respect des exigences de la qualité pour toutes ces activités.
C'est également à ce niveau que s'assure la prévention contre les incendies, les inondations
internes, les séismes, les chutes d'avion, les explosions, ou les inondations externes notamment et
leurs effets, par des structures et implantations adaptées.
Ce domaine est alors traduit en règles générales d'exploitation qui en traduit les contraintes
en termes utilisables dans l'exploitation.
Enfin les systèmes de protection, dont le plus important pour les réacteurs est l'arrêt
d'urgence, mais qui comportent également des soupapes de sûreté par exemple, sont capables
d'interrompre très rapidement un phénomène indésirable, insuffisamment contrôlé par la régulation,
quitte à arrêter le fonctionnement de l'installation.
Des marges suffisantes entre les conditions de fonctionnement autorisées et les limites de
sécurité ainsi que des conditions et procédures d'exploitation adaptées contribuent à éviter de
solliciter les systèmes de protection.
Ces incidents et accidents sont postulés sur la base d'initiateurs uniques choisis pour
envelopper chacune des familles de défaillances liées aux différentes fonctions de sûreté
caractéristiques de l'installation. Pour les réacteurs de puissance par exemple, il s'agit de la maîtrise
de la réactivité et de la puissance du coeur, de l'extraction de cette puissance même dans les
conditions d'arrêt (puissance résiduelle), de la protection directe contre l'exposition externe et du
confinement des produits radioactifs.
Les conditions d'étude de ces accidents doivent être définies de manière précise tant pour ce
qui concerne la définition des scénarios étudiés que les cumuls conventionnels avec la perte des
alimentations électriques externes ou un séisme défini. Il en est de même des conditions
d'évaluation des conséquences radiologiques qui ont une influence sur le dimensionnement des
protections et des matériels, les incertitudes devant être, dans ce domaine aussi, traitées de manière
conservative. L'évaluation des conséquences radiologiques à l'extérieur du site a, longtemps, été
traitée également de manière très conservative.
Les caractéristiques fonctionnelles et de fiabilité des systèmes de sauvegarde sont fixées par
itération de ces études.
L'ensemble de ces mesures est destiné à contenir les conséquences des accidents postulés à
l'intérieur de conditions considérées comme acceptables et de prévenir des accidents plus graves
comme la fusion du coeur ou son passage dans une géométrie rendant plus difficile son
refroidissement. Il faut noter que les conséquences considérées comme acceptables pour les
situations accidentelles n'ont pas de valeur réglementaire. Elles sont proposées par les exploitants et
discutées avec les organismes de sûreté.
La poursuite de l'étude des risques de défaillances des installations ainsi que l'accident qui
s'est produit sur la centrale de Three Mile Island en 1979, ont amené à envisager le cas de
défaillances multiples et, plus généralement, les moyens de faire face à des situations de
l'installation non traitées par les trois premiers niveaux de la défense en profondeur.
Il s'agit également de tenter de limiter les rejets provoqués par une situation très grave dans
laquelle le coeur aurait néanmoins fondu par suite de l'inadaptation ou du mauvais fonctionnement
des systèmes de sauvegarde.
Ces dernières actions font l'objet des procédures ultimes qui prévoient l'utilisation de tous les
matériels disponibles dans des conditions qui peuvent s'éloigner de leurs conditions d'exploitation
normale. La protection des intervenants vis-à-vis des risques d'exposition interne et externe doit
être également préparée.
395
Dans de telles situations, l'équipe d'opérateurs ne doit pas être laissée seule. Les décisions à
prendre le seront par des niveaux hiérarchiques plus élevés, bénéficiant de l'avis d'équipes de crise
locales et nationales. Ces mesures correspondent à l'expression anglo-saxonne "accident
management" et impliquent la mise en place du plan d'urgence interne (PUI) de l'installation.
Mesures complémentaires
Limitation des
conséquencesd'accidents postulés
Maintien dans
le domaine normal
Prévention
par conception
et Qualité
Surveillance et protection
Systèmes de
sauvegarde
Gestion d'accidents
graves
La nécessité d'évacuation des populations, de leur confinement dans leurs maisons fermées,
ou de distribution d'iode stable, suppose l'échec ou une efficacité insuffisante des mesures
précédentes. Nous sommes donc toujours dans la logique de la défense en profondeur.
Ces mesures sont regroupées dans les Plans particuliers d'intervention (PPI), et les Plans
d'action post-accidentels (PPA) qui doivent faire l'objet d'exercices périodiques pour être efficaces
le cas échéant.
396
Cela demande d'avoir, au préalable, défini les fonctions de sûreté propres à l'installation qui
doivent être assurées pour obtenir son comportement sûr. Ces incidents et accidents sont alors
classés par grandes classes de fréquence estimée par l'expérience d'ingénierie.
Les accidents ont initialement été choisis en considérant des initiateurs uniques mais les
conditions de description du scénario associent à ces initiateurs les conditions les plus pénalisantes
autorisées pour le fonctionnement de l'installation.
A titre d'exemple, toute perte d'étanchéité des gaines de crayons combustibles est supposée
se produire juste avant l'arrêt du réacteur pour renouvellement du combustible. C'est en effet à ce
moment là que la charge en produits radioactifs est la plus élevée. Il s'agit là d'un principe général
qui doit être appliqué de manière équivalente quel que soit le type d'installation.
397
67.1.4. Conception des systèmes
La conception des systèmes qui assurent la protection et la sauvegarde est étudiée en tenant
compte des caractéristiques de l'installation liées à la sûreté.
Pour les réacteurs électrogènes à eau sous pression et d'autres installations nucléaires,
l'importance des risques potentiels et la cinétique des accidents imposent des contraintes qui se
traduisent par des règles de dimensionnement. Ces systèmes doivent être mis en service
automatiquement, des actions n'étant demandées aux opérateurs qu'après un temps suffisant pour
limiter l'effet du stress. De plus, pour donner à ces systèmes une fiabilité suffisante, on applique à
leur conception le "critère de simple défaillance" ou "critère de défaillance unique" qui conduit au
doublement de systèmes dont chacun est capable de remplir seul la fonction (2x100%) ou à d'autres
solutions équivalentes (systèmes à 3x50% voire 4x50% pour faciliter les travaux de maintenance).
Ceux-ci doivent enfin être qualifiés pour fonctionner même à la fin de leur vie, dans des
conditions d'ambiance représentatives de l'accident si celui-ci induit sur les matériels des
contraintes particulières: en cas de rupture d'une tuyauterie principale du circuit primaire d'un
réacteur à eau sous pression, les matériels situés dans l'enceinte de confinement subissent une forte
irradiation, des conditions de température, de pression, d'humidité, d'ambiance chimique très
sévères. Ceux de ces matériels qui doivent fonctionner pendant et après l'accident doivent être
capables de subir ces conditions sans perdre leurs caractéristiques nominales.
C'est par une analyse détaillée du rôle de chaque système et équipement que peut être fait le
classement des matériels en fonction de leur importance pour la sûreté. Cette importance pour la
sûreté est liée de manière équivalente aux conséquences de la défaillance de ce matériel considéré
comme initiateur d'incident ou d'accident que comme contributeur à la maîtrise et à la limitation
des conséquences d'un événement initié par ailleurs. Ce classement permet de déterminer les règles
de conception, d'approvisionnement, de construction, de montage, de contrôle périodique
applicables à cet équipement.
Le classement ne permet pas, par contre, de fixer les caractéristiques fonctionnelles requises
pour cet équipement. Ce sont les études d'accidents qui définissent l'enveloppe de ce qui est
effectivement demandé aux matériels et dans quelles conditions. C'est ce qu'on appelle les
exigences définies. C'est cette analyse qui permet de définir, en fonction des risques induits par leur
défaillance, si ces matériels et systèmes doivent être soumis au critère de défaillance unique, au
secours électrique automatique et rapide ou à une qualification sismique.
398
Si les risques potentiels liés à la défaillance des systèmes peuvent être moins importants pour
de petites installations que pour les réacteurs qui servent, ici, d'exemple, le risque d'incendie lui-
même est plutôt plus élevé de par la variété des activités et des produits combustibles (dont des
emballages) qui peuvent y être manipulés et stockés.
La manutention des produits radioactifs se faisant dans des emballages adaptés à la protection
contre l'exposition directe, les conteneurs sont souvent lourds. Leur chute est envisagée aussi bien
pour fixer les caractéristiques du système de manutention, afin de minimiser le risque de chute, que
pour fixer les limites des zones de survol et les caractéristiques des zones survolées si un
endommagement par la chute de l'objet peut avoir des conséquences pour la sûreté de l'installation.
pmresEASetRIS.BP Pompe RIS-MP voie E , Pompe RIS-MP voie A Romres EAS et RIS BP
VoieA H
FIG. 67.3. Implantation des matériels d'un réacteur à eau sous pression de 1300 MWe de type P4.
De nombreux phénomènes d'origine externe sont susceptibles de faire subir aux installations
des contraintes éventuellement destructrices. Il peut s'agir de séismes, d'inondations dues aux cours
d'eau ou d'origine marine, de conditions météorologiques extrêmes comme des tempêtes ou des
chutes de neige d'importance particulière. Il peut s'agir également de chutes d'avions ou
d'explosions d'origine industrielle diverses.
Le choix de protéger ou non l'installation contre ces différents phénomènes dépend de choix
faisant intervenir de manière explicite ou implicite une relation entre la probabilité de l'agression et
399
les conséquences pour la sûreté que pourrait avoir cette agression. La protection se traite en général
par un dimensionnement approprié des structures et des bâtiments pour éviter d'établir des schémas
de ruine détaillés. Dans ce domaine également, des marges significatives sont prises entre les
critères de dimensionnement des voiles en béton par exemple et la limite de ruine de ces voiles.
Lorsque la probabilité de l'agression peut être estimée (c'est le cas pour les chutes d'avions et
pour les explosions), on a utilisé, pour les réacteurs de puissance notamment, une valeur de
probabilité d'atteinte des fonctions de sûreté de 10"7 par an et par installation. Les agressions dont la
fréquence estimée est suffisamment inférieure à cette valeur ne sont pas prises en compte dans le
dimensionnement, en particulier quand il y a peu de cumul de risque de ce type. La valeur retenue
doit être utilisée avec une certaine souplesse. Ce chiffre n'a, de plus, aucune valeur générale pour
des installations dont les potentiels de risques seraient notablement différents.
Cette approche s'est imposée pour les réacteurs de puissance après l'accident de Three Mile
Island en 1979 mais des questions équivalentes se posent pour toutes les installations nucléaires. Les
réponses sont évidemment très liées au potentiel de risque présenté par l'installation considérée.
Dans la même logique, les mesures de protection des populations doivent être préparées et
expérimentées malgré le soin apporté à la prévention de rejets importants par les mesures
précédentes.
Si les installations nucléaires de puissance sont, généralement, situées à l'écart de zones très
peuplées, ce n'est pas toujours le cas d'installations moins importantes. Certaines de ces
installations peuvent se trouver au coeur de complexes universitaires ou de centres d'études
importants voire en milieu urbain. De moindres rejets peuvent alors atteindre des populations plus
proches, sans diffusion ni délai suffisants. De faibles quantités de matières radioactives dispersables
ne permettent donc pas d'éviter systématiquement de se poser ce type de problème.
Les études préalables à la construction d'une installation doivent être aussi complètes que
possible pour apporter une connaissance et des justifications de sûreté suffisantes.
Cela ne signifie pas que ces études ne doivent pas se poursuivre pendant toute la phase
d'exploitation. Ceci serait contraire à ce qu'induit une culture de sûreté. Cela se traduit dans le
domaine de la connaissance des installations elles-mêmes et de leurs modes de défaillance mais
aussi par des programmes de recherche et développement.
400
67.2.1. Connaissance des installations
L'exemple des réacteurs de puissance est significatif à cet égard. Bien que ces réacteurs
soient nombreux de par le monde, de l'ordre de 450, la réalisation d'études probabilistes partielles
puis globales a grandement élargi la connaissance de ces installations et de leurs modes de
défaillance. L'impact possible de défaillances mineures mais multiples a été mis en évidence par ces
études. Maintenant qu'il s'agit d'évaluations probabilistes de sûreté globales, le poids relatif des
différents systèmes et composants vis-à-vis de la sûreté peut être mieux apprécié. Des études
françaises récentes ont particulièrement mis en lumière le poids des états d'arrêt des installations au
regard du risque de fusion du coeur. Ces études peuvent également servir à évaluer l'importance
d'incidents et d'accidents réels en chiffrant l'augmentation de la probabilité de fusion du coeur
résultant des défaillances effectivement constatées.
Des études aussi lourdes sont plus difficiles à faire sur des installations prototypes ou de
petites installations. Les données de fiabilité des matériels sont moins facilement disponibles. Il est
cependant nécessaire de ne pas négliger des installations qui font apparaître des risques potentiels
moindres. Une curiosité toujours en éveil est également nécessaire pour ces installations.
La prise en compte du facteur humain dans la conception et l'exploitation s'est plus largement
développée après l'accident de Three Mile Island. Le retour d'expérience d'exploitation national et
mondial a donné beaucoup d'autres exemples moins graves. Cela a conduit à envisager plus
largement l'impact d'erreurs humaines dans des situations incidentelles et accidentelles en
particulier comme initiateurs de défaillance de mode commun par le biais de la maintenance
(répétition de la même erreur sur des matériels homologues lors d'opérations d'entretien). Les
mêmes études permettent de mettre en valeur le rôle positif des hommes dans la détection et le
traitement d'anomalies avant qu'il ne s'agisse d'incidents ou d'accidents.
Autre aspect du facteur humain, la stabilité des équipes d'exploitation des petites installations
permet de conserver et de transmettre une très large expérience. On observe cependant que cela
peut aussi conduire à un certain assoupissement, ce qui ne s'est pas produit en 10 ou 20 ans
d'exploitation étant alors considéré comme "impossible". Or ce que l'on cherche à éviter sur toutes
ces installations a une probabilité infiniment plus faible que ce que peut représenter une expérience
de quelques dizaines d'années.
Le principe de l'approche déterministe implique de choisir des scénarios très prudents pour
éviter le maximum de surprises. Cela conduit à prendre des hypothèses conservatives lorsque les
connaissances sont insuffisantes. A titre d'exemple, nous avons signalé que le mode de calcul de la
proportion de produits radioactifs passant des pastilles de combustible jusqu'à l'environnement était
particulièrement pénalisant. Ce mode de calcul parfaitement justifié pour fixer les caractéristiques
de certains matériels ou pour déterminer des épaisseurs de protections radiologiques devient
dangereux s'il est utilisé pour établir et déclencher des plans d'urgence. La surévaluation d'un
facteur 10 à 100 des rejets possibles liés à une situation accidentelle donnée pourrait entraîner des
décisions d'évacuation ou de confinement totalement injustifiées or il ne s'agit pas là d'opérations
401
anodines. Les prévisions de rejets accidentels réels se doivent d'être les plus réalistes possibles. Des
connaissances plus précises sont donc nécessaires.
De même, les phénomènes physiques intervenant lors d'accidents graves de réacteurs sont
loins d'être parfaitement connus. Il peut d'agir des modes d'explosion d'hydrogène et, en
particulier, des conditions de transition entre déflagration et détonation, de l'interaction entre du
corium fondu et du béton, des mécanismes physiques d'explosion de vapeur lorsque du combustible
très chaud et très dispersé rencontre de l'eau, etc.
Ces expériences qui, à l'origine, étaient surtout destinées à évaluer les marges procurées par
le dimensionnement, permettent maintenant de prévoir de manière plus précise et plus réaliste, les
mesures qui seraient à prendre dans des situations accidentelles réelles et de prévoir les équipements
ou les plans d'urgence appropriés.
Des besoins de connaissances supplémentaires existent pour d'autres installations que les
réacteurs et des expériences relatives au risques de criticité dans les laboratoires et usines se
poursuivent.
Une bonne conception n'est pas suffisante pour assurer le fonctionnement sûr d'une
installation. Il faut que des règles d'exploitation traduisent les limites définies à la conception et que
ces règles soient strictement appliquées.
De plus, tout incident ou anomalie doit être identifié et analysé pour détecter d'éventuelles
faiblesses de la conception ou de l'exploitation et corrigés.
Pour chacune de ces configurations, la liste des matériels nécessaires pour l'application des
procédures de conduite normale, incidentelle, ou accidentelle est définie et doit être respectée.
C'est sans doute pour les grandes installations industrielles de production que les diverses
phases de fonctionnement sont les plus faciles à définir donc à borner par des spécifications
précises. Pourtant, des changements importants comme une augmentation du taux de combustion
402
des éléments combustibles ou l'introduction de combustibles mixtes alliant plutonium et uranium
demandent une reprise des études de sûreté et la redéfinition du domaine de fonctionnement
autorisé.
Pour les installations à caractère plus expérimental, la variété des travaux possibles est
beaucoup plus large (cas de certains réacteurs expérimentaux d'étude de configurations de coeurs
par exemple), surtout s'il s'agit d'accueillir des produits radioactifs venant de l'extérieur (cas de
certains laboratoires chauds ou de stations de traitement et de stockage de produits radioactifs par
exemple). L'évolution des programmes sur une ou plusieurs dizaines d'années peut provoquer des
glissements dans les travaux, provoquant des changements dans les types et quantités de produits
radioactifs concernés ou des variations d'enrichissement. L'installation peut alors ne plus être
adaptée à la maîtrise de ce qui peut arriver avec ces nouveaux produits. Une claire définition du
domaine autorisé par la conception est donc essentielle, associée à des moyens de contrôle adaptés
sur ce qui entre dans l'installation.
Les études de sûreté comportent des hypothèses sur la disponibilité et les performances des
matériels et systèmes importants pour la sûreté. Des programmes de surveillance et d'essais
périodiques de ces matériels sont prévus pour assurer le respect de ces caractéristiques sans
lesquelles d'éventuelles situations incidentelles et accidentelles auraient peu de chances de se passer
comme prévu.
C'est moins le cas pour les installations à caractère expérimental ou non productif. Des
incidents peuvent alors être provoqués par des défaillances à moins que ces défauts restés latents ne
perturbent le déroulement d'une séquence incidentelle ou accidentelle provoquée par ailleurs.
La maîtrise des incidents et accidents est assurée par le respect des procédures incidentelles et
accidentelles. Jusqu'à l'accident de Three Mile Island, ces procédures avaient un caractère un peu
formel, ne couvraient que les actions à court terme et étaient difficiles d'utilisation.
Depuis, ces procédures ont été reprises sur la plupart des grandes installations tant sur le fond
que sur la forme et la durée de la période post accidentelle couverte. De nouveaux types de
procédures ont été développés pour certains réacteurs de puissance. Elles ne se fondent plus sur
l'identification du scénario en cours mais sur l'état de l'installation. Elles permettent de traiter aussi
bien des cas simples que des cas complexes. Elles permettent surtout de s'affranchir du risque de
mauvais diagnostic initial qui n'est pas récupérable avec les procédures événementielles. Installées
initialement en complément des procédures événementielles, elles sont généralisées progressivement
sur les installations dotées d'équipements particuliers comme la mesure du niveau d'eau dans la
cuve du réacteur. Cet effort a été particulièrement développé sur les installations qui existent en
grand nombre, ce qui justifie pleinement l'investissement d'étude correspondant. Il faut, en effet,
être réaliste; tout ne peut être demandé pour toutes les installations.
Les installations plus modestes n'ont pas toujours bénéficié de la reprise de ces procédures.
Le poids de la maîtrise des situations anormales repose alors d'autant plus sur le savoir faire des
personnels d'exploitation, même en situation perturbée.
403
67.3.1.4. Formation et habilitation des personnels
Quelle que soit la qualité des documents disponibles pour la conduite, tous les personnels
dont les activités ont un rapport avec la sûreté doivent avoir une formation adaptée et subir un
processus d'habilitation. Formation et habilitation ne doivent pas être considérées comme
définitives. Des sessions de rafraîchissement des connaissances et de renouvellement des
habilitations doivent être prévues.
Formation et habilitation ne concernent pas que les équipes de conduite mais, sous des formes
adaptées, tous les autres intervenants et la hiérarchie. Cela concerne également d'éventuels
intervenants extérieurs. L'habilitation est, bien entendu, associée à une fonction précise et définie.
Les éléments contribuant aux attitudes caractéristiques d'une bonne culture de sûreté doivent
évidemment être largement développés dans ces formations.
Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays, les organismes de sûreté français
n'interviennent pas directement en tant que tels dans les processus de formation et d'habilitation. D
s'agit d'une situation très liée à l'histoire nucléaire du pays et tient à la compétence globale des
différents exploitants. Les organismes de sûreté interviennent cependant pour vérifier les
programmes de formation et la bonne application des règles de formation et d'habilitation que se
sont données les exploitants eux-mêmes. Cette méthode n'est pas forcément applicable dans un
contexte différent.
Dans ce domaine comme dans d'autres, le systématisme des actions n'est pas aussi affirmé
pour les petites installations que pour les grandes installations à caractère industriel.
Le suivi de l'exploitation est l'un des meilleurs moyens de vérification des hypothèses faites
lors de la conception des installations. Toute anomalie, incident ou accident ayant une relation avec
la sûreté doit donc provoquer un retour sur les hypothèses de la conception pour identifier l'écart
entre la réalité et ce qui était prévu, en identifier les causes, en prévoir les remèdes.
Par définition, toute anomalie ou tout incident intéressant la sûreté est un écart par rapport
aux caractéristiques des matériels ou au déroulement normal d'une activité, liés à la sûreté. La
détection de telles situations suppose donc que les spécifications techniques d'exploitation qui
servent de référence soient suffisamment claires et détaillées. Cela implique également que tout
intervenant connaisse les situations de référence pour identifier les écarts, sache y faire face mais
soit également convaincu de l'importance d'un processus de déclaration formelle à l'intérieur même
de l'installation.
L'analyse des anomalies et incidents doit s'appuyer sur des méthodes structurées pour être
suffisamment exhaustive. Les causes profondes doivent en être recherchées au-delà de la défaillance
elle-même jusqu'aux véritables racines du problème rencontré.
L'évaluation de l'impact sur la sûreté doit partir de la situation réelle observée mais doit être
extrapolée jusqu'aux limites du domaine autorisé.
404
A titre d'exemple, l'évaluation de l'impact radiologique d'un rejet intempestif d'une bâche
contenant des effluents radioactifs liquides se fera d'abord par des mesures identifiant la situation
effective et ses conséquences. L'impact potentiel et donc l'importance pour la sûreté demandent
également d'évaluer les conséquences qui auraient pu résulter du rejet de la même quantité de
liquide si la concentration en produits radioactif de ce liquide avait été à la valeur maximale
autorisée. Cela peut montrer qu'un rejet aux conséquences insignifiantes est, en fait, un incident
potentiellement sérieux. Cette investigation devra couvrir également tous les autres états de
fonctionnement possibles dans lesquels le même incident aurait pu se produire. Il est important,
enfin, d'évaluer les conséquences du même incident cumulé avec une autre défaillance quelconque.
Les incidents faisant intervenir le facteur humain sont en général particulièrement riches
d'enseignements. Ils sont, par contre, plus délicats à analyser car il faut impérativement dépasser la
phase de "mise en accusation" de l'intervenant qui a fait l'erreur pour vérifier si sa formation et ses
compétences, la forme et le fond des procédures utilisées, les moyens techniques dont il disposait,
sa charge de travail et sa fatigue, l'ergonomie de l'installation, etc., n'apportent pas une
contribution significative à la défaillance constatée. Ne se centrer que sur l'erreur de l'individu et le
punir est la voie ouverte à la dissimulation mais, plus encore, laisse le piège ouvert à tout autre
intervenant agissant dans le même contexte.
Les mesures correctives devront concerner tant les causes immédiates que les causes
profondes et devront être généralisées. L'identification d'un défaut sur un matériel doit amener à
examiner tous les matériels de même type et susceptibles de subir la même anomalie, sauf si le
défaut est bien particulier. Un défaut dans une procédure doit conduire à revoir le processus
d'élaboration et de contrôle de ce document mais des autres également. La découverte d'un défaut
latent lors d'un incident met en question le programme d'essais périodiques du matériel concerné,
mais peut-être d'autres aussi.
Enfin, les modifications qui peuvent découler de l'analyse d'un incident doivent provoquer un
retour sur les bases de conception de ce matériel pour que le matériel modifié réponde toujours à
l'ensemble de ce qui lui est demandé. Il est, en effet, indispensable qu'une amélioration sur un
point particulier n'induise pas d'effet pervers dans d'autres circonstances.
Les processus d'échange d'informations sur les réacteurs de puissance sont, en général, bien
structurés à l'intérieur d'un pays et même à l'échelle mondiale. Les exploitants sont maintenant
regroupés au sein de WANO (World Association of Nuclear Operators) et les organismes de sûreté
participent à l'Incident Reporting System mis au point par l'OCDE après l'accident de Three Mile
Island et généralisé au monde entier par l'AIEA à la suite de l'accident de Tchernobyl.
Il est, en effet, rapidement apparu que chacun pouvait apprendre des incidents et accidents
des autres.
Là encore, les choses sont moins nettes pour les petites installations, sauf, sans doute, les
réacteurs expérimentaux. Les exploitants d'autres équipements nucléaires ont facilement
l'impression que leur installation est unique, que ce qui leur arrive ne peut pas intéresser les autres
et qu'ils ont peu à apprendre de l'extérieur. C'est une erreur. Il y a presque partout des vannes, des
moteurs, des boites à gants, des systèmes de ventilation, des procédures de conduite ou d'exécution
de tâches, des besoins de maintenance et d'essais périodiques, des hommes. Les possibilités de
partage d'expérience sont donc larges.
405
Les pays qui ne disposent pas d'un grand nombre d'installations pourraient tirer avantage
pour la sûreté de leurs installations, de rapprochements avec de tels groupements.
Les installations nucléaires vivent, en général, longtemps. 30 ans n'est pas une durée
exceptionnelle. Or les concepts de sûreté évoluent (développement de la défense en profondeur par
la prise en compte progressive de la préparation à la gestion des accidents graves); les objectifs de
sûreté peuvent évoluer aussi sous l'influence des observations faites à la suite de l'accident de
Tchernobyl par exemple.
Un réexamen périodique de la sûreté des installations est une bonne pratique qui se développe
dans de nombreux pays. Il ne s'agit pas de demander à des installations anciennes d'être
équivalentes aux installations les plus récentes. C'est par contre l'occasion de clarifier les objectifs
de sûreté, les bases de conception et le domaine de fonctionnement autorisé initiaux des
installations, toutes informations qui ne s'exprimaient pas toujours, à l'époque de leur construction,
de manière aussi structurée qu'aujourd'hui.
On peut d'abord vérifier que l'installation actuelle satisfait toujours les objectifs d'origine.
Mais il est important d'aller plus loin.
D'excellents principes de- conception et d'exploitation sont sans effet si la réalité n'est pas
conforme aux principes. C'est exactement l'objectif de la qualité et de l'organisation qui la structure
que d'assurer la concordance entre les intentions et ce qui est effectivement réalisé et de pouvoir en
apporter la preuve. Il y a donc synergie entre qualité et sûreté et la sûreté ne peut pas être obtenue
sans qualité.
67.6. CONCLUSION
- une approche déterministe envisageant un spectre d'accidents très large jusqu'aux plus graves,
confortée par des études probabilistes;
- la traduction des hypothèses initiales et des résultats de l'analyse de sûreté dans des règles
générales d'exploitation claires et appliquées;
- le retour d'expérience;
- la poursuite de l'étude des risques présentés par l'installation et des éventuelles recherches
nécessaires;
- la qualité.
406
La sûreté est un processus dynamique. Elle ne sera maintenue que si elle reste une
préoccupation permanente de tous les intervenants, convaincus qu'en sûreté comme dans d'autres
domaines, qui n'avance pas recule. Ce qui n'est qu'une autre manière d'exprimer l'un des éléments
fondamentaux de la culture de sûreté.
I3E
l e f t BLANK
407
CHAPITRE 68. LE RISQUE DE CRITICITE
P. Cousinou
INTRODUCTION
La présence de matières fissiles (uranium enrichi en isotope 235U et/ou plutonium) dans les
installations du cycle du combustible induit un risque spécifique, celui de criticité, résultant de la
possibilité du déclenchement d'une réaction de fissions en chaîne incontrôlée. Le mécanisme du
phénomène est fondamentalement le même que celui mis à profit dans les réacteurs nucléaires.
Survenant dans une usine ou un laboratoire, il pourrait avoir des conséquences graves pour le
personnel d'exploitation; il s'accompagnerait éventuellement d'un rejet de matières radioactives
dans l'environnement, certes limité, mais dont l'impact sur l'opinion publique ne peut être
mésestimé.
Il convient de rappeler qu'il y a eu depuis les débuts de l'ère nucléaire une vingtaine
d'accidents de criticité dans les installations du cycle du combustible (7 aux Etats-Unis, 1 en
Grande-Bretagne et une douzaine connus dans l'ex-URSS) qui ont conduit à la mort de plusieurs
opérateurs et à une irradiation importante de quelques dizaines d'autres.
Le neutron, particule électriquement neutre, réagit avec les noyaux qu'il rencontre sur sa
trajectoire. Les divers événements qui peuvent survenir sont la diffusion élastique, la diffusion
inélastique, l'absorption et la fission.
68.1.2. La fission
Le phénomène de fission peut donc être consécutif au choc d'un neutron sur un noyau fissile;
il peut aussi être spontané. Les noyaux fissiles sont principalement 235U, ^'Pu. D'autres noyaux,
moins courants, sont également fissiles: 233 U, 241Pu, 2 Pu, Np, etc.
5 3>C
14
+ 5°Xe + 2 neutrons
produits de fission
409
dans 16 % des cas, 236 U* émet un rayonnement y et se stabilise.
Une fission de 235U libère en moyenne: 190 MeV. Cette énergie est due essentiellement à
l'énergie cinétique des produits de fission (de l'ordre de 170 MeV) et aux rayonnements émis au
moment de la fission (de l'ordre de 5 MeV) ou émis par les produits de fission (de l'ordre de
11 MeV).
Ce sont des neutrons ayant une énergie cinétique élevée (neutrons "rapides") dont le spectre
en fonction de cette énergie est représenté par la formule et la courbe suivantes (fig. 68.1)
n(E) = J — e " E s h V 2 Ë
7i-e
n(E) T
0.15-
\
0.1 -
0.05-
E
C 1 2 3 « 5 S 7 e , Me
Le nombre de neutrons émis dans une réaction de fission (v) est variable; il est compris entre
1 et 6. Il est en moyenne:
Les divers événements susceptibles de se produire lors d'interactions neutrons - noyaux sont
affectés de probabilités évaluées à partir des sections efficaces.
On définit:
410
La section efficace microscopique totale est c t :
a t = GS + Gm + a c + Of
Les sections quelles qu'elles soient, varient avec l'énergie cinétique des neutrons incidents et
présentent souvent des "pics de résonance" pour certaines énergies particulières de ces derniers.
II n'est pas nécessaire d'insister sur la notion de réaction en chaîne: des neutrons produisent
des fissions lesquelles engendrent des neutrons qui à leur tour vont provoquer d'autres fissions par
collisions avec des noyaux fissiles, etc.; il va donc y avoir production de neutrons qui, si elle n'est
pas compensée par une perte suffisante, conduira à l'accident de criticité. Ainsi les conditions de
criticité du milieu résultent du bilan de la productton de neutrons par fissions et de leur perte par
absorption et par faite hors du milieu fissile. On caractérise encore l'état du système par son
N'
coefficient de multiplication effectif (keff). Il peut être défini comme le rapport T T de deux nombres
de neutrons ayant un spectre défissions: N' neutrons fils restant après disparition par absorption et
fuite de N neutrons pères.
N' Production
k
eff ~
N Absorption + Fuite
keff-1
T
n = n0 e
où T est la durée de vie des neutrons. Ainsi pour keff = 1,05 et x = 10~3 s (valeur habituelle dans
certains milieux), la population neutronique augmenterait d'un facteur 5. 1021 par seconde. On
imagine la quantité importante d'énergie qui résulterait d'un tel accident de criticité si, comme on le
verra plus loin, certains phénomènes radiochimiques et thermodynamiques ne venaient freiner la
réaction en chaîne.
S
Le niveau neutronique reste faible; on démontre qu'il est égal à :——, où S (source
1 - ken
propre), est la production de neutrons par unité de temps du fait de réactions nucléaires de type ( a,
n), du fait des fissions spontanées ou du fait de la présence d'une source extérieure de neutrons (Ra-
Be par exemple). Il est utile de souligner que la multiplication conduit seulement à une
amplification des sources existantes. En d'autres termes, l'insertion dans un milieu fissile d'une
source de neutrons ne peut en aucun cas rendre surcritique ce milieu, aussi puissante que soit cette
source.
II y a équilibre neutronique. Il est important de connaître avec précision les conditions qui
permettent d'obtenir cet état afin de définir dans la pratique les limites qu'il convient de ne jamais
atteindre.
411
68.2. PARAMETRES INFLUENÇANT LE BILAN NEUTRONIQUE
Les conditions de criticité d'un milieu fissile résultent donc du bilan des productions et pertes
de neutrons. Différents paramètres évoqués dans ce chapitre influent sur les termes de ce bilan et
permettent de prévenir le risque de criticité.
68.2.1. Production
68.2.1.1. La masse
II est bien évident que la production de neutrons va croître avec le nombre de noyaux fissiles
en présence c'est-à-dire avec la masse de matières fissiles réunie à un même endroit. On conçoit
donc que, dans des conditions bien déterminées qui seront précisées plus loin, au-dessus d'une
certaine masse (dite "critique"), la production peut l'emporter sur l'absorption et la fuite réunies et
le système est alors surcritique.
68.2.1.2. La modération
Les neutrons issus de fissions ont une énergie cinétique élevée; or, la plupart des noyaux
fissiles ont une section efficace de fission d'autant plus grande que l'énergie des neutrons incidents
est faible. Ceci est illustré par la courbe suivante (fig. 68.2), donnant les variations des sections
efficaces de fission des noyaux fissiles usuels (235U, 239Pu) en fonction de l'énergie des neutrons.
<7f (bams)
A
JM
/- Pu
3
10
10 2
10
0 >E(eV)
0,001 0,01 0,1 1
Il en résulte que le terme de production sera favorisé par tout processus permettant de ralentir
les neutrons (on dit encore modérer ou thermaliser les neutrons). Il s'agit de la diffusion inélastique
et surtout de la diffusion élastique: les neutrons, à chaque choc sur les noyaux du milieu, cèdent à
ceux-ci une partie de leur énergie cinétique sous forme d'énergie de recul.
Si
412
A + 2Acos9 + 1
on a: E = Ef
(A + I) 2
où G est l'angle de diffusion dans le système du centre de gravité de l'ensemble "neutron + noyau
cible". Il est lié à (p par la relation: tg <p =
F B
1 + A cos 0
n(Eo)
avant choc
noyau
après choc
La perte d'énergie est maximale pour 0 = cp = n c'est-à-dire pour un choc frontal avec
retour du neutron en arrière.
, A - lY
Dans ce cas: £„;„ = E n | . On voit sur cette simple équation que la perte d'énergie
vA + V
à chaque choc, faible lorsque A est grand (noyaux lourds), devient d'autant plus importante que A
est proche de 1. En particulier si A = 1 (noyau d'hydrogène) un seul choc peut suffire pour amener
la vitesse du neutron à celle de l'agitation thermique du milieu.
Il convient d'insister sur le rôle particulier de l'hydrogène (eau, huile, solvant, matières
plastiques, etc.) dans les questions de criticité et pour l'illustrer, il suffit de donner quelques valeurs
de masses critiques:
- plus de 100 kg d'uranium enrichi à 93,5 % en isotope B 5 U pour le sel UO2F2 sec; 0,87 kg pour
le même sel en solution à la concentration optimale;
- 27 kg de 239Pu pour l'oxyde PuO2 pulvérulent sec; 0,5 kg seulement pour le même oxyde
dispersé dans l'eau dans certaines conditions;
- en dessous d'un enrichissement de 6,6 %, l'uranium sous forme d'oxyde UO2 ne peut pas être
critique en l'absence d'hydrogène;
- en solution aqueuse la masse critique de certains éléments transplutoniens est très faible. Elle est
d'environ 10 g pour le "gCf et d'environ 23 g pour le ^ A m .
Il existe des exceptions à cette règle et le 238Pu, par exemple, ne peut être critique que sous
forme métallique (masse critique 5,6 kg).
Dans un milieu contenant plusieurs types de noyaux, la diffusion due à l'hydrogène est
prépondérante. Les autres noyaux, principalement ceux de faible masse, ont un effet diffuseur
d'autant moins marqué qu'il y a moins d'hydrogène, comme le montre le tableau 68.1. qui donne
les masses critiques pour divers composés d'uranium (enrichissement: 93,5 %) en présence ou non
d'hydrogène.
68.2.2. Fuite
La fuite des neutrons hors du milieu fissile est un facteur favorable de sous-criticité, elle
augmente les masses critiques. Elle est d'autant plus importante que le libre parcours moyen des
neutrons dans le milieu (distance moyenne parcourue par les neutrons entre deux chocs successifs
413
1= section efficace macroscopique totale) sera grand vis-à-vis des dimensions de ce
milieu.
68.2.2.1. La densité
On se souvient que Sj = N a t où N est le nombre de noyaux par cm3: plus le milieu est
dense (N grand), plus le libre parcours moyen est petit et plus la masse critique est faible. Celle-ci
varie comme d"s (d = densité du milieu) avec 1,4 < s <_2 ; la valeur de l'exposant s dans ces
limites dépendant tout à la fois de la nature de la matière fissile, de la modération, de la géométrie
et de la réflexion. Pour mieux illustrer l'influence de ce paramètre, le tableau 68.2 donne quelques
valeurs de masse critique pour des oxydes secs 235 UO 2 et 9 Pu0 2 à différentes densités.
Cet effet de densité facilement compréhensible lorsqu'il s'agit de produits secs, existe
également lorsqu'il s'agit de solution, mais il est combiné alors à l'effet de modération par
l'hydrogène. Diluer une solution revient à augmenter la modération du milieu mais aussi à diminuer
la concentration en noyaux fissiles c'est-à-dire la densité partielle en matière fissile. La modération
étant caractérisée par le rapport H/X du nombre de noyaux d'hydrogène au nombre de noyaux
fissiles (X = 235U ou ^ P u ) , il existe une relation appelée loi de dilution du type
Cx =
liant pour tout système physico-chimique donné, la concentration en matière fissile au rapport de
modération. Aucune valeur critique ne peut être évaluée sans connaître au préalable la loi de
dilution du milieu considéré.
414
68.2.2.2. La géométrie
Concentration Utotal
g/on3
100 -
M ; i f 1—'— - • 1
i i ! i
i l i • l ! i i : i ; !
i
• i i i : i : i i i ! • •
i
11_ ! 1 i
! • •• i i J
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métal-eau,
i
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\ , \ • • • • • • / , . J__
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——y suspension d'oxyde dans l'eau
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i ; ; •
i
i
j
Mi \ i i
|
1 i
! ! i
iii X Ï •i/l J + li
1 10 100 1 000
415
La sphère est la forme géométrique qui favorise le moins la fuite des neutrons. C'est bien elle
qui pour un volume donné, présente la surface la plus petite et, par conséquent, conduit à la masse
critique la plus faible; aussi, lorsque dans une installation, la forme de la matière fissile ne peut pas
être définie, (c'est souvent le cas lorsqu'on manipule un lot de produit solide), ou lorsqu'elle risque
de varier accidentellement, les limites de masses sont toujours fixées par rapport aux masses
critiques sphériques. Cube et orthocylindre conduisent à des masses critiques légèrement
supérieures. Dans certains cas, où il n'est pas très réaliste de considérer la sphère, la géométrie
cubique est retenue. C'est la règle pour les emballages de transport; par exemple, les études de
criticite des emballages usuellement utilisés en France pour le transport d'uranium enrichi ou de
plutonium sur la voie publique, ont été effectuées en supposant un empilement cubique de ces
emballages. De même, si l'on veut fixer le nombre d'éléments combustibles que l'on peut
manipuler sous eau sans précaution particulière, on déterminera le nombre d'éléments critiques
pour des empilements aussi cubiques que possibles.
68.2.2.3. La réflexion
Une fraction des neutrons ayant fui le milieu fissile, va y revenir après diffusion dans tous les
matériaux situés à proximité, qui jouent ainsi le rôle de réflecteur. Ceci est bien connu pour les
réacteurs où les milieux multiplicateurs sont toujours réfléchis à dessein. Dans les usines ou
laboratoires, ils sont aussi réfléchis par le fait de l'environnement: cloisons, matériaux de structure,
machines, personnels, etc. La réflexion ainsi apportée à l'appareillage est très difficile à estimer,
aussi la surestime-t-on en définissant taille d'appareil et limite de masse par référence aux valeurs
critiques réfléchies par de l'eau en épaisseur "infinie" (30 cm)a ou dans certains cas, où le degré de
réflexion est jugé moindre, par référence aux valeurs critiques réfléchies par une enveloppe d'eau
de plus faible épaisseur, en général 2,5 cm (réflexion nominale).
Si l'eau majore certainement l'effet de réflexion de la plupart des matériaux rencontrés dans
une usine, ce n'est toutefois pas le cas pour le béton et le plomb. Ainsi avec 25 cm de plomb suivis
d'un réflecteur d'eau d'épaisseur infinie, les valeurs critiques de masse et de diamètre de cylindre
sont respectivement de l'ordre de 58 % et 75 % des valeurs correspondant au seul réflecteur d'eau.
68.2.2.4. L'interaction
C'est le dernier facteur qui agit sur la fuite des neutrons. Une fraction des neutrons de fuite
sortant d'un appareil contenant un milieu fissile donne des multiplications dans un autre appareil
situé à proximité et réciproquement. Les probabilités "géométriques" d'interaction sont
caractérisées par les angles solides avec lesquels les appareils se "voient". Ce couplage neutronique
augmente ainsi la réactivité du système et on doit, bien sûr, en tenir compte dans toute étude
d ' implantation d ' appareillage.
a
Remarque
Notion d'épaisseur infinie de réflecteur: les valeurs critiques diminuent lorsque l'épaisseur du réflecteur
augmente. Toutefois, au-delà d'une certaine épaisseur de celui-ci, dite épaisseur infinie, elles restent
sensiblement constantes. L'épaisseur infinie est de l'ordre de 30 cm pour l'eau, 50 cm pour le béton et 100
cm pour le plomb.
416
dans l'eau (ce qui est toujours le cas jusqu'à présent) et s'ils sont séparés les uns des autres par
une telle lame d'eau;
- l'interposition d'une lame d'eau de plus faible épaisseur peut, au contraire, augmenter la
réactivité du réseau. L'aspersion, c'est-à-dire la présence d'eau à densité variable entre les unités
fissiles (effet de brouillard) peut conduire au même résultat. Le couplage entre unités n'est pas
alors supprimé par cette présence d'eau en quantité insuffisante: au contraire, celle-ci augmente
"l'efficacité" des neutrons de fuite entre unités en ramollissant les spectres et diminue la fuite
globale hors du système tout en apportant encore une réflexion partielle à chaque unité.
Ainsi, dans l'étude d'un magasin de stockage pour éléments combustibles neufs, par exemple,
et dans la mesure où la présence d'eau ne peut pas être exclue, il ne pourra pas suffire de
démontrer la sous-criticité en cas d'inondation totale (ce qui est souvent peu réaliste).
6S.2.3. Absorption
L'absorption des neutrons est le deuxième facteur de la perte neutronique dans l'équation
bilan. Les neutrons sont absorbés par les noyaux du milieu. S'il s'agit de noyaux fissiles, il peut
s'ensuivre une fission; dans le cas contraire, il y a capture et le neutron est définitivement perdu
pour la réaction en chaîne.
La présence de noyaux capturant les neutrons, on dit souvent de "noyaux poisons", augmente
donc la masse ou les tailles critiques. Certains noyaux poisons sont utilisés à dessein pour la
prévention du risque de criticité; il s'agit du B, du Cd, du Gd et du Hf. D'autres noyaux
usuellement rencontrés ont aussi une section efficace de capture non négligeable. Il en est ainsi de
Fe, Ni, Cr, Cu mais aussi de N, H, 23&U, 240pu s u r lesquels nous reviendrons plus loin. D'autres
noyaux au contraire, ont des sections efficaces de capture presque nulles: Be, Zr, Pb, etc.
La section efficace de capture de ces éléments est donnée sur la figure 68.4 qui permet de
voir que l'efficacité de ces poisons est surtout importante pour les neutrons thermiques.
Deux types d'utilisation peuvent se concevoir: le poison sous forme soluble est ajouté à la
solution active et la suit au cours du traitement ou, au contraire, le poison est sur un support fixe:
écrans neutroniques ou anneaux de Raschig etc.
C'est bien sous cette forme, en constituant un milieu homogène avec la matière fissile qu'il
aura son maximum d'efficacité. Dans la pratique, il s'agira de nitrates de Cd ou de Gd, d'acide
borique pour les milieux nitriques, de borates pour les milieux sodiques. Une telle utilisation
nécessite des contrôles de présence et une étape finale de séparation.
- poisons fixes
Moins efficaces que sous forme soluble, ils présentent l'avantage de demeurer en place lors
des transferts de matières fissiles et de nécessiter moins de contrôle de présence. Ils sont utilisés
sous forme d'anneaux de Raschig en verre borosilicaté ("Pyrex") dont on remplit les récipients à
empoisonner. Mais ils sont plus généralement employés sous forme d'écrans (feuilles de cadmium,
plaques d'acier au bore, plaques de hafnium) qui peuvent être disposés autour des récipients pour
atténuer les effets de réflexion ou d'interaction: il faut alors leur associer une garniture hydrogénée
destinée à ralentir les neutrons de fuite qui sont le plus souvent des neutrons rapides.
417
68.2.3.2. L'hydrogène
La section efficace microscopique de capture de l'hydrogène est de 0,33 barn pour des
neutrons thermiques, ce qui est faible; mais lorsqu'il est présent en grande quantité au sein de la
matière fissile (c'est bien le cas des solutions aqueuses), un effet poison important apparaît. Ainsi
l'hydrogène (c'est-à-dire l'eau, mais aussi l'huile, les solvants, etc.), joue-t-il un triple rôle; que
l'on dissolve de la matière fissile dans un acide, que l'on dilue une solution concentrée ou encore
que l'on écarte des crayons combustibles dans l'eau, il y a essentiellement diminution de la densité
en matière fissile, augmentation de la modération des neutrons, augmentation de la capture des
neutrons thermiques par l'hydrogène. On sait que le deuxième effet tend à diminuer les valeurs
critiques, le premier et le troisième à les augmenter d'où l'explication de la forme des courbes de
valeurs critiques et l'existence d'une valeur minimale critique pour le rapport de modération
optimal. Pour les très grandes dilutions, l'empoisonnement par l'hydrogène est tel que le milieu,
même de dimensions infinies, ne peut plus être critique (la concentration est inférieure à la
concentration critique en milieu infini).
Og(b&nis)
10 5 .
10 4 .
\
\
CVDMB-M /
\ .
^ 1
103-
\
^U1
fl
KVMfM
10*
10
1
•0-3 \ It)l E(e-v)
F/G. 6S.4. Section efficace de capture de divers poisons neutroniques en fonction de l'énergie des
neutrons incidents.
Le tableau 68.3. donne quelques valeurs minimales critiques (réflecteur d'eau d'épaisseur
infinie - masse sphérique) pour des milieux homogènes d'uranium ou de plutonium et d'eau ainsi
que les concentrations critiques en milieu infini. Il faut noter que, pour l'uranium fortement enrichi
ou le a T u , la nature physico-chimique a peu d'influence sur les masses minimales critiques et sur
les concentrations critiques en milieu infini. En effet, ces grandeurs critiques sont obtenues pour des
rapports de modération élevés, tels que les lois de dilution des différents composés sont très proches
418
les unes des autres. En d'autres termes, ces valeurs critiques sont les mêmes qu'il s'agisse du
mélange métal-eau, propre au criticien, d'une suspension d'oxyde ou d'un sel dissous dans l'eau.
M V <D E C M V O E M V E
(kg) 0) (cm) (cm) (g/0 (kg) (1) (cm) (cm) (kg) (0 (cm) (cm)
Plutonium 239 0, 5, 13 4, 7, 0, 1 7, 1,
51 5 5 2 51 4 7
Uranium enrichi
à - 0,87 6,1 14 4,9 12,9 0,87 3,88 12 3,7
93,5% en O ! U
13 20,5 22,7 10,2 130 13 17,5 21 8,6
10% en a s U
45 50.4 31 14.8 278 35,4 29,1 25,9 12 31.2 22,1 23,4 10,6
a!
5% en U
69.4 69,6 34,5 17,5 350 54 35.5 27.6 14 47,5 26,8 25.3 12
4%en" ! U
13.1 123 43 23 500 50 32 81.6 38,2 28,8 14.1
3% en »'U
485 372 64 33 810 275 92 41 23 199.5 70,8 36,1 18,8
2% en *"U
ce 00 •X) ce œ co co X >I800 >480 >71 >42
• H.*U
68.2.3.3. L'azote
L'azote a une section efficace de capture de 1,88 barn (neutrons thermiques). Comme pour
l'hydrogène, il apparaît un effet poison dès que ce corps est présent en quantité importante au sein
de la matière fissile: c'est le cas notamment des solutions de nitrate d'uranyle ou de plutonium.
Ainsi une solution de nitrate d'uranyle est toujours sous-critique quelles que soient les dimensions
du milieu dès lors que l'enrichissement en 235 U de l'uranium est inférieur à 2,1 %. De même, les
concentrations critiques en milieu infini et les masses minimales critiques relatives à ces solutions
augmentent sensiblement lorsque l'acidité libre croît.
Ces noyaux ont la particularité d'avoir des sections de capture résonnante, c'est-à-dire que la
probabilité de capture est très grande pour certaines valeurs discrètes de l'énergie des neutrons.
Plus faible sera l'enrichissement de l'uranium ou plus grande sera la teneur en 240 Pu du plutonium,
plus grandes seront les valeurs critiques.
En particulier, la courbe de section efficace de l'uranium 238 (fig. 68.5) présente un nombre
élevé de raies de résonance entre 10 eV et 10 keV, appelées encore "trappes" de l' 238 U. Ainsi,
pratiquement, en dessous d'un enrichissement en a 5 U de 1 %, un milieu infini homogène U-H 2 O
ne peut pas être critique même à l'optimum de modération: lorsque les neutrons, au cours de leur
ralentissement, atteignent les énergies correspondant à ces trappes, ils sont capturés par l' 238 U. Cet
effet est atténué lorsque l'uranium est sous forme de barreaux ou est disposé en réseau dans un
modérateur. Les neutrons issus de fissions dans un barreau s'échappent de ce dernier alors que leur
419
énergie est encore supérieure à celle correspondant aux résonances de capture de l' 238 U. Ds sont
thermalisés dans le modérateur et entrent dans le barreau voisin alors que leur énergie est cette fois
inférieure à celle des trappes. Le milieu hétérogène ainsi constitué de réseaux de barreaux
d'uranium dans un modérateur conduit à des valeurs critiques plus faibles que celles correspondant
au milieu homogène; cet effet "d'hétérogénéité" n'est appréciable qu'en-dessous d'un
enrichissement en 2 3 5 U de l'uranium de 5 % environ (tableau 68.3).
En particulier l'uranium naturel ne peut être critique que s'il est disposé sous forme d'un tel
réseau dans du graphite, jouant le rôle de modérateur.
barreaux d'U
U238JENDF/B6
420
68.2.4. Les courbes de valeurs critiques
La forme des courbes de masse et de géométrie critiques pour un milieu constitué d'uranium
(ou de plutonium) et d'eau, résulte de la combinaison des trois effets précités dus à l'eau: densité,
modération, empoisonnement.
1 -
H/U^+l
0,1
10 100 500 1000 2200
£
FIG. 68.6. Masses critiques sphériques (U à 93,5 % de 235,
Sur la figure 68.7 est portée la variation du diamètre critique d'un cylindre de hauteur infinie
réfléchi par l'eau et contenant de l'uranium (U à 93,5 % 235U) sous forme, comme précédemment,
d'un mélange métal-eau ou d'une solution d' d'UO 2 F 2 . L'explication de la forme de ces courbes est
analogue à celle donnée ci-dessus: il est à noter que, pour le milieu métal-eau, l'effet de densité, qui
est prépondérant, masque totalement l'effet de modération. Il n'y a pas de diminution de la taille
critique avec la modération.
De nombreuses courbes de valeurs critiques ont été publiées. Elles sont généralement
données non pas en fonction du rapport de modération mais en fonction de la concentration en
matière fissile, paramètre plus usuel en chimie. Le passage de l'un à l'autre peut être fait sans
difficulté, connaissant la loi de dilution. Ces courbes de valeurs critiques sont données:
- pour des conditions de réflexion diverses: réflecteur infini d'eau, ou réflexion limitée
(généralement 2,5 cm d'eau) voire nulle;
- pour divers enrichissements en 235U de l'uranium ou diverses teneurs en ^ P u du plutonium,
- en présence ou non de poisons neutroniques divers;
- pour des milieux modérés par des noyaux autres que l'hydrogène, le carbone par exemple.
421
Une liste des principaux documents dans lesquels on trouve ces renseignements est donnée à
la fin de ce document.
A^ (cm)
50-
40-
30-
y
/
UO2F2
20-
\
14 — - .j
_ -=^
10-
__„,
7
métal - eau
H/UT+1
o 1
60 2200 "^
10 100 1000
235 r
FIG. 68.7. Diamètres critiques de cylindres infinis (U à 93,5 % de U)
422
La région située dans la concavité de la courbe est le domaine de sur-criticité. L'autre région,
domaine de sous-criticité, peut être partagée en quatre zones, correspondant chacune à un mode de
contrôle particulier. Ce sont les contrôles:
- par la masse (zone 1): la masse de matière fissile manipulée ou contenue dans un appareil est
inférieure à M o , masse minimale critique;
- par la concentration (zone 2): la concentration en matière fissile des solutions est inférieure à
C o , concentration critique limite en milieu infini;
- par la masse et la concentration (zone 3): la masse de matière fissile contenue dans un appareil
est supérieure à M o , mais la concentration de la solution doit être limitée;
Dans les deux premiers cas, le contrôle d'un paramètre est suffisant pour assurer la
prévention du risque de criticité, alors que dans les deux derniers, il faut en contrôler deux.
Il existe des courbes analogues pour la géométrie et des modes de contrôles peuvent être
définis: par la géométrie (on parle alors de géométrie sûre), par la géométrie et la concentration,
par la géométrie et la modération.
Un grand nombre de courbes de valeurs critiques ont été publiées, ce qui permet de répondre
à une grande partie des problèmes posés. Mais elles vont à rencontre d'une certaine optimisation
et, par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'un contrôle par la géométrie, elles ne se rapportent qu'à des
formes simples. Aussi le spécialiste de criticité doit-il souvent faire des calculs particuliers.
Un problème délicat est celui de la marge de sécurité à adopter par rapport aux valeurs
critiques de référence. Deux possibilités se présentent: ou bien une limite supérieure du keff de
l'appareil est fixée (0,93 par exemple), ou bien le paramètre choisi comme mode de contrôle est
limité à une fraction de la valeur critique (les coefficients habituellement utilisés sont: 0,75 pour le
volume d'une sphère et 0,85 pour le diamètre d'un cylindre, 0,75 pour l'épaisseur d'une plaque et
0,7 pour la masse). La marge de sécurité réelle qui en résulte est essentiellement fonction de
l'allure de la courbe donnant la variation du keff en fonction de ce paramètre.
La courbe 2 de la figure 68.9 montre bien que, prendre la marge de sécurité en appliquant le
coefficient 0,85 sur la valeur du diamètre critique du cylindre conduit à un keff élevé, supérieur à
0,93. En fait, une telle procédure peut être admise lorsqu'on a une confiance quasi-absolue dans la
valeur critique de référence. Cela sous-entend que les méthodes de calcul qui ont permis de la
déterminer ont fait l'objet de nombreux tests à partir de résultats expérimentaux obtenus dans une
géométrie semblable sur des milieux chimiques identiques et à des concentrations voisines. C'est
ainsi qu'on peut aujourd'hui avoir une confiance totale dans les valeurs minimales critiques de
masse et de géométrie pour des solutions aqueuses d'oxyfluorure (uranium) ou de nitrate (uranium
et plutonium). Quand les conditions précédentes ne sont pas toutes réunies, i] est nécessaire d'être
plus sévère quant à la marge de sécurité: celle-ci résulte en plus d'une limite de keff, la valeur
maximale adoptée pouvant être éventuellement fonction du degré de pessimisme des hypothèses de
calcul (conditions de réflexion, concentration des solutions, etc.).
423
FIG. 68.9. Exemples de variation du k^ en fonction du diamètre, pour des cylindres contenant une
solution d'uranium enrichi à 93,5 % (courbe n° 1) et à 5 % (courbe n° 2).
Quand les dimensions des appareils ont été définies, il reste à vérifier que leur implantation
est satisfaisante, c'est-à-dire que l'interaction neutronique maintient les valeurs de keff dans un
domaine acceptable. En fait, l'expérience a montré que lorsqu'on choisit des dimensions d'appareils
telles que les keff en réflexion totale sont de l'ordre de 0,9, les problèmes d'interaction sont
aisément résolus, sans exiger des distances trop grandes.
Ainsi, la prévention du risque de criticité dans une installation peut reposer sur des limites
supérieures imposées à l'un ou plusieurs des paramètres suivants:
Ces limites sont fixées pour un milieu fissile de référence et doivent tenir compte de
l'environnement (réflecteurs) et des problèmes d'interaction. Pour chaque ensemble fonctionnel du
procédé, ou pour chaque groupe d'ensembles fonctionnels, un mode de contrôle de la criticité
particulièrement adapté doit être défini.
- Le mode de contrôle choisi est dit "primaire" lorsqu'il assure la prévention du risque de criticité
dans les conditions de fonctionnement normal de l'installation.
- Un mode de contrôle supplémentaire dit "secondaire" peut être retenu pour éviter tout risque de
criticité dans certains cas de fonctionnement accidentel. Par exemple, la concentration peut être
retenue comme contrôle primaire lorsqu'il s'agit de solutions très diluées et la masse comme
mode de contrôle secondaire si une précipitation accidentelle n'est pas entièrement exclue.
Pour donner un ordre de grandeur des paramètres critiques de différents milieux fissiles, sont
présentées dans le tableau 68.4 quelques valeurs minimales critiques de référence (réflecteur d'eau
d'épaisseur infinie) relatives à l'uranium très ou faiblement enrichi (93,5 et 5 % de 235U) et au
424
plutonium (100 % 239Pu). Ces valeurs correspondent à une solution aqueuse (d'UO 2 F 2 ou d'PuO2F2)
qui couvre le cas de presque toutes les solutions rencontrées dans l'industrie chimique. A côté
d'elles figurent les valeurs admissibles obtenues par application des coefficients de sécurité
précédemment cités.
TABLEAU 68.4.
Examinons maintenant à quel type d'installation chacun des modes de contrôle précédents est
plus particulièrement adapté et quelles sont les précautions qu'ils nécessitent.
Au vu des valeurs des masses admissibles, une première constatation s'impose: il paraît
difficile d'adopter le contrôle par la masse dans une installation de type industriel, n sera
pratiquement réservé aux laboratoires ou unités de recherche, ou à quelques appareils particuliers
d'une usine. Si ce mode de contrôle n'entraîne pas de contrainte sur la taille des appareils, la
concentration des solutions, l'absence de fluides hydrogénés, il y a lieu par contre, de prendre des
précautions contre le dépassement des limites de masse. Il ne peut s'agir là que de procédures
administratives: comptabilité précise des matières fissiles par bilans entrée-sortie avec affichage de
la quantité présente à tout instant, règles de transfert particulières, détection d'une accumulation
éventuelle avec procédure de nettoyage périodique pour "remise à zéro". Il est à noter que les
limites de masses admissibles obtenues par l'application d'un coefficient de sécurité de 0,7 sur les
valeurs de masses minimales critiques réfléchies par l'eau supposent que le "double chargement" de
l'appareil concerné est impossible. En fait, si une telle éventualité n'est pas entièrement exclue, une
marge de sécurité plus grande est prise en appliquant un coefficient de 0,43. Enfin, comme il a déjà
été dit, ces valeurs sont encore à diminuer s'il y a des quantités importantes de matériaux
réflecteurs plus efficaces que l'eau (plomb notamment).
425
Des précautions sont à prendre avec ce mode de contrôle:
- la réalisation des appareils doit être particulièrement soignée de telle sorte que les dimensions
critiques ne soient jamais dépassées dans les conditions d'emploi (mise sous pression, montée en
température, etc.);
- il faut se préoccuper des sorties accidentelles possibles de la solution hors des appareils de
géométrie sûre. Des précautions doivent être prises contre les fuites (contrôle des soudures, tests
d'étanchéité) et des lèchefrites capables de recevoir dans une géométrie sûre, la solution de
l'appareil de plus gros volume doivent être prévues. De même, il convient d'éviter l'envoi de
solutions de matières fissiles dans les circuits de refroidissement et de chauffage, dans les
circuits de vide, dans les circuits d'events, et le risque de débordement doit être étudié;
- le transfert de solutions d'appareils de géométrie sûre vers d'autres de géométrie quelconque est
souvent inévitable. C'est le cas notamment des effluents qui représentent fréquemment de gros
volumes mais contiennent peu de matières fissiles et il apparaît intéressant d'utiliser, soit des
limites de concentration, soit des limites de masse. Avant de tels transferts, une double
évaluation de la teneur des solutions en matière fissile doit être effectuée;
- les récipients mobiles doivent être, bien entendu, de géométrie sûre, mais leur nombre doit aussi
être limité. Si la réactivité qu'ils apportent, lorsqu'ils sont placés contre les appareils de
géométrie sûre, est trop élevée, ils sont entourés d'une structure (cage centrée) imposant des
écartements suffisants.
Notons enfin que si les paramètres critiques ont été déterminés pour des matières fissiles sous
forme de solutions nitriques, il est important que la qualité des réactifs soit contrôlée.
Ce mode de contrôle ne peut s'appliquer que si les solutions sont claires et s'il n'y a pas de
risques de précipitation, de cristallisation, de polymérisation, d'évaporation ou de concentration par
extraction dans un solvant. Ainsi pour éviter la précipitation de l'uranium ou du plutonium en
solution nitrique, les circuits de décontamination à la soude, s'il en existe, sont déconnectés en
dehors des périodes d'utilisation et leur emploi fait l'objet de procédures particulières.
De même la rétention de solvant dans l'appareillage est évitée par des lavages efficaces des
solutions aqueuses avec du diluant, par la conception de l'appareillage et le cas échéant des chasses-
solvant sont prévues. Il peut être nécessaire d'installer sous certaines cuves, des dispositifs de
détection d'accumulation de matière fissile.
Dans tous les cas, la concentration en matière fissile est estimée par deux méthodes
différentes.
Ce mode de contrôle est quelquefois couplé avec celui par la géométrie. Ainsi, pour de
l'uranium enrichi à 5 %, le diamètre admissible d'un cylindre est de 40 cm si la concentration en
uranium de la solution reste inférieure à 500 g.l"1 (au lieu de 26 cm dans le cas du seul contrôle par
la géométrie). Il convient alors de prendre les précautions prévues pour les deux modes de contrôle
"géométrie" et "concentration".
Ce mode de contrôle est réservé à la matière fissile lorsque celle-ci n'est pas hydrogénée et
ne risque pas de le devenir pendant les cycles de transformation qu'elle subit. Il est particulièrement
adapté aux ateliers de fabrication d'éléments combustibles, où les opérations portent sur des
produits solides, peu modérés et peu hygroscopiques: oxydes pulvérulents, pastilles frittées, crayons
combustibles. Il est utilisé dans les usines d'enrichissement par diffusion gazeuse; l'UF 6 par contre
réagit très bien avec l'humidité de l'air ou avec l'eau et des précautions particulières doivent alors
être prises.
426
Il convient de se préoccuper des risques de modération accidentelle d'origine externe et
d'origine interne. L'application du "principe de double défaillance" au contrôle de modération,
conduit à prévoir une double barrière de séparation, dont l'intégrité est surveillée, entre tout fluide
hydrogéné et la matière fissile.
Le bâtiment lui-même constitue une première barrière contre les risques d'origine externe et
doit être construit dans une zone non inondable, ou être suffisamment surélevé pour écarter tout
risque en cas de crue centennale, voire millénale. Il est suffisamment résistant pour qu'il n'y ait
aucune rupture d'étanchéité en cas d'intempéries (tornades, chutes de neige, etc.).
II faut éviter la traversée de canalisations dans les cellules. Seront choisis le chauffage
électrique plutôt qu'à l'eau chaude ou à la vapeur, le refroidissement à l'air de préférence à l'eau,
les commandes pneumatiques et non hydrauliques, etc. Si la présence de fluides hydrogénés ne peut
pas être exclue il conviendra de faire passer les canalisations dans des galeries au sol plutôt que de
les disposer sur les murs ou au plafond.
Pour les appareillages, les serpentins brasés seront préférés aux doubles enveloppes, les
circuits seront mis en dépression ou empoisonnés. Sauf exception, aucun produit hydrogéné ne
devra être mis en oeuvre pour lutter contre un incendie éventuel.
II est presque toujours couplé avec le contrôle par la masse, la géométrie ou la concentration.
Si le poison est utilisé sous forme soluble (empoisonnement homogène) il doit être sous une forme
chimique telle qu'il ne risque pas de cristalliser ou précipiter et sa concentration doit faire l'objet
d'une double mesure par deux méthodes différentes. Toute arrivée de fluide non empoisonné
susceptible de provoquer une dilution est rendue impossible (vannes verrouillées, tuyauteries
munies de joints pleins, etc.).
Si le poison est utilisé sous forme solide (empoisonnement hétérogène), il fait l'objet d'un
contrôle de qualité avant mise en place, il est protégé contre tout agent destructif (gainage des
feuilles de cadmium par exemple) ou il est procédé à des vérifications périodiques de son intégrité
(cas des anneaux de Raschig en verre borosilicaté).
Les mesures de prévention prises, aussi parfaites soient-elles, rendent seulement très
improbable mais non pas impossible une divergence incontrôlée dans une installation où la quantité
de matières fissiles est potentiellement sur-critique. Prédire les caractéristiques exactes d'un
accident de criticité est très difficile car elles dépendent tout à la fois: de la nature du milieu, de sa
capacité calorifique, de la résistance mécanique et surtout du débit et de la durée totale de
l'insertion de réactivité.
427
heureusement, avec ce que pourrait être l'explosion d'un engin nucléaire même de très faible
puissance. Les effets mécaniques sont toujours restés nuls ou négligeables.
TABLEAU 68.5.
Les neutrons retardés, quoique minoritaires, jouent un rôle très important dans la cinétique de
la réaction en chaîne. C'est en particulier grâce à eux que l'on peut piloter les réacteurs et stabiliser
leur puissance. En cas d'accident de criticité, l'accroissement de la population neutronique reste
relativement lent tant que le coefficient de multiplication effectif keff reste inférieur à 1 + P (état
"critique retardé"). En revanche, si celui-ci dépasse la valeur de 1 + P (état "critique prompt"), la
multiplication des neutrons est très rapide et conduit à un fort dégagement d'énergie souvent
accompagné d'une onde de pression.
Une solution fissile est introduite d'une façon continue dans un grand récipient; pour une
certaine hauteur, le système atteint l'état "critique retardé" et commence à produire des fissions à
bas niveau. Le remplissage se poursuivant, il atteint l'état "critique prompt" et la puissance croît
alors exponentiellement avec le temps; il y dilatation thermique de la solution et formation de bulles
de radiolyse; ces deux phénomènes ont pour effet de réduire la densité de la solution et peuvent
rendre le système sous-critique; il y a eu formation d'un premier pic de puissance très élevée. Les
bulles de radiolyse dégagées, l'introduction de solution continuant, le milieu devient à nouveau sur-
critique et un second pic de puissance apparaît en général plus faible que le premier. On enregistre
ensuite une série d'oscillations jusqu'à ebullition de la solution. Le système s'auto-régule alors, le
niveau de puissance s'établit de telle sorte que le taux d'evaporation compense le débit
d'introduction de solution.
Tout ceci suppose que la rampe initiale de réactivité est insuffisante pour produire une
projection de solution ou la rupture du récipient, auquel cas la divergence s'arrête.
428
L'ordre de grandeur de l'énergie dégagée pendant la durée d'un accident-type, correspondant
à 5 x 1018 fissions, est de 40 kWh. Les doses de rayonnement y et "neutrons" à un mètre du siège
de l'accident, en l'absence d'écrans, sont respectivement d'environ 1250 et 1500 Gy.
A Puissance
; (fissions/s)
l°pic
?seudo-plateau
oscillation amorties de
fin d'introduction périodes
de la solution
Temps
>
Dans le cas d'un accident de criticité avec un système métallique, un seul pic peut se produire
avec une puissance maximale très élevée (» 10 fissions.s" ) mais avec un nombre total de fissions
inférieur à celui d'un système en solution (~ 1018 fissions.s"1). Du fait de la faible chaleur spécifique
du métal, l'énergie libérée lors du premier pic est suffisante pour entraîner la fusion et, par suite, la
dispersion du système rendant ce dernier sous-critique (figure 68.11).
La nécessité de la mise en place d'un réseau de détection d'accident de criticité résulte des
constatations suivantes:
- malgré les précautions prises, la probabilité d'avoir un accident de criticité ne peut pas être
rendue rigoureusement nulle;
- à l'exception de certaines zones du type Haute Activité, il est rare que les installations possèdent
des protections biologiques suffisantes qui rendraient négligeable l'irradiation du personnel;
- il n'existe aucun signe précurseur de l'accident, seul un réseau de détection déclenchant une
alarme, suivie d'une évacuation rapide du personnel permet de limiter l'irradiation de celui-ci.
429
68.4.4.1. Principe
Les dispositifs de détection utilisent le fait que toute réaction en chaîne divergente
s'accompagne de l'émission d'un flux important de neutrons et de rayonnements y. Des détecteurs
judicieusement placés délivrent un signal déclenchant des alarmes sonores et lumineuses dès que la
dose totale (neutrons + y) atteint une valeur limite [2,5 10"5 Gy pour le système EDAC] et que le
débit de dose dépasse un seuil prédéterminé [1 10"2 Gy.h"1 pour le système EDAC]. Notons que les
réseaux de détection ne sont pas foncièrement destinés à localiser avec précision le lieu de
l'accident, ni à évaluer les doses ou les débits de dose ambiants, ni encore à mesurer les paramètres
de l'accident (amplitude, temps): cependant certaines de ces fonctions peuvent être assurées
complémentairement.
A Puissance
(fissions/s)
1 seul pic
Temps
68.4.4.2. Conception
430
Toute défaillance d'une partie du système, que ce soit de l'alimentation électrique, de la
logique de traitement ou du circuit d'alarme sonore et lumineuse doit être détectée et générer une
alarme de défaut.
La nécessité de mise en oeuvre d'un réseau de détection de criticité doit être examinée dès
lors qu'il existe une probabilité d'accident dans des locaux dans lesquels des personnels pourraient
être exposés à des doses significatives. Cette mise en oeuvre nécessite la définition de scénarios
d'accidents associée à l'évaluation de leurs conséquences (champs de doses "neutrons" et y) afin
d'optimiser la localisation des sondes de détection et de préciser l'organisation de l'évacuation des
locaux (couverture des alarmes sonores et lumineuses et balisage des chemins d'évacuation,
définition des points de rassemblement). [5], [6] et [7]
La limitation des conséquences radiologiques d'un accident de criticité, pour les personnels,
dépend largement de l'évacuation rapide par ceux-ci de la zone concernée. Les personnels doivent
donc avoir été préalablement entraînés à évacuer les lieux vers des points de rassemblement définis
et selon des cheminements définis et fléchés.
Les techniques de dosimétrie individuelle et collective doivent être mises en oeuvre dans les
meilleurs délais; un premier tri des personnels peut être effectué par la mesure de l'activité du M Na
à l'aide de débitmètres y portables.
REFERENCES
[4] Règle fondamentale de sûreté - Série "U" n° 1.3.c relative à la prévention du risque de
criticité (1984).
431
PARTIE 11
EXPOSITIONS ACCIDENTELLES
CHAPITRE 69. LES SITUATIONS DE CRISE
J. Penneroux
- incident ou accident dans un centre de recherche, dans une usine de retraitement, dans une usine
d'enrichissement;
- incident ou accident sur un réacteur de puissance;
- incident ou accident au cours d'un transport de matières radioactives;
- incident ou accident dans un hôpital, une université, une entreprise privée: utilisation de
radioéléments et de sources de rayonnements.
réacteur. Les produits de fission se répandent dans l'air. Le site est évacué.
Conséquences: Une zone d'un millier de km2 fortement contaminée doit être évacuée.
Circonstances: Un chercheur est irradié par une source de Cobalt 60 de 7,4 TBq (200 Ci)
pendant environ 10 mn.
Conséquences: Dose entre 2,5 et 3 Sv: radiodermite, perte des poils, stérilité totale.
435
Date: Fin 1961
ulcérations.
Lieu: Mexico
Circonstances: Récupération d'une source par un enfant. En couchant son fils âgé de 10 ans,
la mère retire de la poche de la culotte une source de ^Co de 0,18 TBq (5 Ci)
et la place dans le tiroir du buffet de la cuisine.
Conséquences: 4 morts
Circonstances: Ecole de médecine. Une femme de 73 ans reçoit par voie intraveineuse de
l'or radioactif à une dose 1000 fois supérieure à celle préconisée pour
l'examen.
Conséquences: 1 mort.
Lieu: France.
Conséquences: Doses: film 1,2 Sv, moelle osseuse 1,6 Sv estimé. Radio-dermites.
Surveillance médicale.
436
Circonstances: Fuites de gaz radioactifs.
Circonstances: Deux garçons âgés de 3 à 7 ans jouent avec un petit cylindre qui s'avère être
un porte-source de 0,63 TBq (17 Ci) d'Irridium 192 et qui est transporté au
domicile. Pendant 5 à 6 semaines, et à raison de 6 à 8 heures par jour, 22
personnes se feront irradier (0,08 Gy.h 1 à lm).
Lieu: Maroc
La France a été le premier pays à mettre en place, en avril 1988, une échelle de gravité des
événements nucléaires et à l'utiliser systématiquement dans l'ensemble des installations nucléaires
(réacteurs, laboratoires, usines). Cette échelle a suscité un vif intérêt international, en premier lieu
dans les pays frontaliers, et en 1990, les experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique
(AIEA) et de l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE décidaient de concevoir une
échelle de gravité internationale. En avril 1992, la version définitive d'INES (International Nuclear
Event Scale), largement inspirée de l'échelle française, était adoptée par l'AIEA, puis par la France
le 23 septembre 1993, après avoir été testée dans 32 pays.
L'échelle INES est appliquée en France depuis le mois d'avril 1994. 55 pays ont actuellement
adhéré au réseau INES.
Cette échelle qui classe de 1 à 7 les incidents et accidents nucléaires (voir tableau 69.1):
437
- est un moyen d'informer le public rapidement et de façon cohérente sur l'importance pour la
sûreté des événements survenus dans les installations nucléaires;
- a pour objet de faciliter la compréhension mutuelle entre la communauté nucléaire, les médias et
le public;
- ne se substitue pas aux critères déjà retenus aux niveaux national et international pour la
notification, la description, la définition et l'analyse technique des événements nucléaires.
L'échelle INES est applicable à toutes les installations nucléaires associées à l'industrie
nucléaire civile et aux transports de matières radioactives à destination ou en provenance de ces
installations.
Le premier tri pour classer un événement déclaré consiste à déterminer de quel critère il
relève:
Critère 1: a-t-il des conséquences effectives hors site (en terme de rejets ou d'exposition du
public) ?
Critère 2: a-t-il des conséquences effectives sur site (en termes de dégradation de l'installation ou
contamination importante ou d'exposition des travailleurs) ?
Critères 3: a-t-il des conséquences potentielles (dégradation des lignes de défenses opposées aux
conséquences effectives sur site ou hors site) ?
Un même événement peut relever de plusieurs des trois critères, mais ceux-ci doivent être
clairement distingués pour la communication. Si plusieurs critères sont en jeu, c'est le niveau le
plus élevé qui est retenu pour classer l'événement dans l'échelle.
Le champ d'application de l'INES est strictement limité aux événements considérés comme
"nucléaires" en ce sens qu'ils ont, peuvent ou pourraient avoir des conséquences radiologiques.
Plus précisément, sont exclus ("hors échelle") les événements qui ne présentent aucun risque
radiologique (au sens de l'incidence hors site ou sur site, critères 1 et 2) et qui n'affectent pas la
défense en profondeur contre ces risques radiologiques (critères 3). Sont donc expressément hors
échelle les événements, même graves, qui ne conduisent ou ne peuvent conduire qu'à des
dommages mécaniques, biologiques ou chimiques mais non radiologiques. Si le risque est mixte, le
classement dans INES ne prendra en compte que sa composante radiologique.
Un événement peut avoir un rapport avec la sûreté nucléaire sans avoir de conséquences
radiologiques effectives. A l'inverse il peut y avoir des accidents à l'intérieur d'une installation,
sans que la sûreté nucléaire soit en cause; dans ce cas l'événement sera classé explicitement hors
échelle INES et on expliquera pourquoi.
Pour les accidents des niveaux 5 à 7, les critères de classement sont volontairement très
simplifiés car il faut donner très rapidement un premier niveau indicateur de gravité pour le public.
On n'attendra donc pas une évaluation des doses reçues ou inévitables pour le public mais on
s'appuiera sur une estimation des rejets dans l'environnement et de leur potentiel d'impact
radiologique par comparaison avec les études d'accidents existantes (le niveau 7 correspond à un
accident de l'ampleur de Tchernobyl, le niveau 6 correspond à l'accident de Kyshtym, le niveau 5
correspond à l'accident de Windscale).
De même, pour les niveaux 3 et 4, une première estimation des doses pour les personnes les
plus exposées du public doit être faite sur la base des études de rejets accidentels, sans attendre
d'avoir effectivement confirmé que des personnes sont exposées à des doses de l'ordre de celles qui
sont indiquées (quelques mSv pour le niveau 4 et quelques dixièmes de mSv pour le niveau 3).
439
On note enfin que si la dose efficace engagée maximum pour le public ne peut, dans les faits,
atteindre quelques mSv, on ne classera pas l'événement comme ayant des conséquences hors site
(même s'il s'agit d'une pollution irréversible).
Les événements retenus le sont en tant que dommages effectifs (et non potentiels), tant pour
l'installation que pour les travailleurs.
En cas de dommages subis par l'installation sans conséquence radiologique, le classement aux
niveaux 4 ou 5 (accidents) peut être décidé sans avoir la certitude que l'installation est dans un état
de dégradation important, mais dans ce cas tous les commentaires devront être faits pour expliquer
les raisons de ce classement.
Le niveau 4 fait référence à deux sous-critères distincts (et qu'il faut bien distinguer pour la
communication):
- endommagement important de l'installation sans menace radiologique sérieuse hors site. Cette
fois ce sont des dommages matériels du confinement des matières radioactives qui sont classés
en tant que tels. Il faut pratiquement que ces dommages soient irréversibles et condamnent le
retour à la normale dans des conditions immédiatement planifiables;
- irradiation externe d'un travailleur à une dose très élevée (5 Gy) qui met ses jours en danger à
court terme, même s'il survit.
Le niveau 3 ("incident grave") fait référence à deux sous-critères distincts (et qu'il faut bien
distinguer pour la communication):
- contamination grave (ou niveau de radiation très élevé). Il s'agit du plus haut degré de
"contamination" retenu en tant que telle dans l'échelle, sans irréversibilité (car dans ce cas
a
TMI : Three Mile Island (NDLR)
440
l'événement serait considéré, non comme un "incident grave", mais comme un accident et classé
au niveau 4. Pour que ce critère soit retenu il faut que la contamination soit de l'ordre de
quelques milliers de terabecquerels; il s'agit donc d'un événement tout à fait exceptionnel;
- surexposition d'un travailleur entraînant des effets aigus sur sa santé. Là aussi il s'agit d'une
surexposition grave, même si une issue fatale est peu probable (car dans ce cas l'événement
serait considéré, non comme un "incident grave" mais comme un accident et classé au niveau 4).
Le niveau 2 ("incidents") fait référence aux deux sous-critères retenus pour le niveau 3, mais
avec des conséquences évidemment moindres:
- contamination très importante. Bien que des dizaines de milliers de fois inférieures aux valeurs
retenues pour le niveau 3, les valeurs de contamination équivalente en liquides, solides ou
aérosols sont encore élevées (dizaines ou centaines de gigabecquerels) et correspondent à des
événements peu fréquents et classables en soi au titre des conséquences sur site,
indépendamment de leurs conséquences éventuelles pour les travailleurs;
- exposition d'un travailleur à une dose supérieure à la limite annuelle réglementaire (actuellement
50 mSv).
En aucun cas une contamination mineure, sans qu'un travailleur reçoive une dose supérieure
à la limite réglementaire annuelle, ne doit être classée au titre de ce critère; il sera explicitement
précisé que l'événement n'a pas d'incidence sur site.
Ne doivent être classés, au titre des conséquences sur site pour la contamination ou le niveau
de radiations, que les contaminations ou le niveau de radiations qui affectent des zones de
l'installation où il n'était pas prévu qu'un tel événement puisse se produire et "où l'accès du
personnel est autorisé; à l'exclusion des zones où des contrôles spécifiques supplémentaires sont
requis du fait du niveau de contamination ou d'irradiation".
Les événements classés au titre du critère 3 sont considérés comme des anomalies (niveau 1)
ou comme des incidents (niveau 2) et éventuellement des incidents graves (niveau 3), en ce sens
qu'ils exposent, sans ligne de défense résiduelle, à des conséquences effectives sur site ou hors site,
consistant respectivement en un incident de niveau 2, ou en un incident de niveau 3 ou en un
accident de niveau 4 ou au-dessus.
- si aucune ligne de défense par rapport à l'incident ou accident évité ne subsiste et que
néanmoins, par chance, il ne s'est pas effectivement produit, le classement se fait alors au titre
de la défense en profondeur à un degré au-dessous du niveau de l'événement évité;
- s'il reste une ligne de défense, le niveau retenu est à deux niveaux au-dessous de celui de
l'événement évité.
441
La règle générale de classement au titre de la défense en profondeur est donc la suivante:
Face à un événement, le premier élément à déterminer est le niveau de classement des conséquences
radiologiques (sur site ou hors site) maximales qu'il pourrait avoir en l'absence de lignes de
défense. Le niveau de classement final ne pourra être qu'inférieur au niveau ainsi déterminé.
De même, un événement dont la nature est telle qu'il ne pourrait, en aucune circonstance,
conduire à des incidences sur site de niveau 2 (le niveau le plus bas), ne peut être classé qu'au-
dessous de l'échelle (niveau 0) pour la défense en profondeur. Cela est cohérent avec le fait que
l'événement n'est pas susceptible d'avoir des conséquences effectives significatives.
Compte tenu du fait qu'entre deux niveaux de conséquences il existe généralement plusieurs
lignes de défense, partir d'une surestimation des conséquences maximales conduirait à une valeur
plus basse du niveau maximum de classement après déduction des lignes de défense. Il conviendra
de s'en tenir aux circonstances réelles de l'événement et aux conséquences potentielles réalistes,
pour ne pas sous-évaluer le classement au titre de la défense en profondeur.
On peut, dans certaines conditions, remonter d'un niveau en cas de facteur additionnel.
442
CHAPITRE 70. LES ACTEURS ET LEURS RESPONSABILITES EN CAS
D'URGENCE NUCLEAIRE OU RADIOLOGIQUE*
D. Rousseau
INTRODUCTION
Les incidents et accidents qui constituent les situations d'urgence nucléaire et radiologique se
répartissent selon une échelle de gravité très large. Dans ce cours, nous ne revenons pas sur la
définition des sources radioactives et des menaces associées. Nous nous cantonnerons à décrire les
acteurs qui ont à intervenir en définissant leurs missions et leurs responsabilités. Leur objectif
principal est toujours de contribuer à la définition et à la mise en oeuvre de mesures proportionnées
à l'événement qui visent:
- Contre-mesures et prises de décision pour les conséquences hors site d'un accident sur une
installation nucléaire. Collect. Sécurité 86. AIEA (1987).
- Accidents nucléaires - niveaux d'intervention pour la protection du public. Rapport d'un groupe
d'experts. Agence pour l'énergie nucléaire. OCDE. Paris, (1989).
- Programme NUSS (NUclear Safety Standards). Safety Fundamentals. AIEA (1993).
'Le texte de ce cours est, pour une très large part, extrait d'un article de Paul Ginot à paraître dans "Les
techniques de l'ingénieur" en 1994.
443
- les exploitants des installations nucléaires et les utilisateurs de radionucléides et de sources de
rayonnement;
- les pouvoirs publics;
- les experts;
- de très nombreux agents sociaux et économiques et éventuellement la population elle-même,
surtout en cas de contamination de l'environnement, acteurs auxquels il faut associer, en toutes
circonstances, la presse.
- l'élaboration de doctrines d'intervention tenant compte des leçons tirées des accidents réels ou
simulés. C'est ainsi qu'après l'accident de Three Mile Island (USA 1979) a été mise au point et
élaborée "l'approche par états "pour les accidents menaçant l'intégrité du combustible nucléaire;
- des procédures de conduite en cas d'urgence: conduite incidentelle et accidentelle, procédures
complémentaires et procédures ultimes pour les accidents graves;
- l'entraînement systématique des équipes de conduite des réacteurs sur des simulateurs
représentatifs du fonctionnement de l'installation en situation normale et accidentelle;
- la montée en puissance d'une organisation de crise qui active progressivement les lignes de
défenses suivantes: automatismes de l'installation, action de l'équipe de conduite, intervention de
l'Ingénieur sûreté radioprotection (ISR), activation de centres de décision, d'équipes d'expertise
et d'équipes d'intervention. Cette activation embrasse le site lui-même - le directeur met en place
un Poste de commandement direction (PCD) - et une organisation nationale au siège d'EDF
(fig. 70.1). Un PCD situé à Paris, dirigé par le Directeur de l'exploitation du parc nucléaire
(DEPN)> assure simultanément la gestion technique et médiatique de l'événement;
- un centre de crise situé aussi à Paris au sein duquel une équipe nationale d'experts EDF se tient
à la disposition du PCD national, en liaison avec des experts de la Direction de l'équipement
d'EDF, des experts du constructeur Framatome et des experts du Centre technique de crise
(CTC) de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN). Sept équipes nationales d'experts
sont constituées et s'entraînent. Elles se relaient pour assurer une astreinte permanente.;
- un plan d'urgence interne (PUI), propre à chaque site. Ce plan est placé sous la responsabilité
du directeur du site. Il couvre:
La partie sanitaire du plan fait appel à des hôpitaux locaux ou nationaux avec lesquels
EDF a passé convention.
444
EXPLOITANT EDF
~ [
Otf H i M I n l EOF ]/
à u C«Uol« InfenM». I
M U aie
N/VMU rulton»/
PC de l'installation accidentée
LEGENDE
O<=>[=J CZJ
IPSN/92-4509/CM
Les autres grands exploitants: le Commissariat à l'énergie atomique avec six sites civils, la
Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) avec trois sites et Agence nationale pour
la gestion des déchets radioactifs (l'ANDRA) ont développé des organisations similaires. La grande
diversité des laboratoires, des usines et des réacteurs de recherches répartis sur ces sites font que les
directions locales des sites ont une plus grande autonomie qu'à EDF dans la gestion des urgences.
Les meilleures compétences sont sur place au niveau de chaque installation. Les moyens
d'intervention locaux (équipes radiologiques mobiles, laboratoires d'analyse, services médicaux du
travail, services d'incendie et de secours, etc.) sont importants.
445
radioactifs dans l'environnement et les conséquences radiologiques qui en résulteraient. Cette
mission est destinée à conseiller le préfet dans ses prises de décision.
La DSIN a mis en place un système d'astreinte et d'alerte informatisé. En cas d'urgence elle
peut armer un poste de commandement de direction (PCD) à Paris. Elle s'appuie localement sur
les Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Au niveau
national elle bénéficie de l'expertise de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) qui peut
armer à cet effet un Centre technique de crise (CTC).
- cellule "Direction", seule habilitée à émettre les avis de l'IPSN vers la DSIN et vers les autres
autorités publiques;
- cellule "Evaluation de l'Installation", composée d'experts dialoguant librement avec les experts
du site et du siège de l'exploitant. Un système d'audio conférence relie le CTC aux équipes
d'experts réunies chez l'exploitant. En particulier une liaison entre ordinateurs rend disponibles
au CTC les principales informations concernant le fonctionnement des réacteurs EDF. Un code
de calcul simplifié appelé Sesame permet, toujours pour les réacteurs EDF, de faire rapidement
des prévisions d'évolution et de fournir en particulier une estimation des rejets éventuels à
l'environnement.
- "météorologie" avec une liaison informatique avec Météo France pour la fourniture
de situations et de prévisions météorologiques. Météo France met en place à cet
égard une organisation d'urgence qui comprend en outre des prévisionistes aux
niveaux national et local;
- "conséquences radiologiques": des abaques très simples et des codes dits "Conrad"
permettent de prévoir les conséquences radiologiques des rejets pour la population
et l'environnement;
- "cartographie": les informations sur les conséquences radiologiques sont consignées
sur des cartes informatiques conjointement avec des données socio-économiques des
régions situées autour des sites à risques nucléaires;
Le CTC dispose d'une documentation tenue à jour sur les principales installations nucléaires
réparties sur le territoire français.
La figure 70.2 résume l'organisation qui relie l'exploitant, l'autorité de sûreté, les experts et
l'autorité civile locale en cas d'urgence.
446
ORGANISATION DE CRISE
Phases PUI et PPI
Cas d'EDF
CEKTKC COUVE
Tsavaauc / NATIONALE
DC CRISE
IPSN / FONTCMAT \ EOftl_A DEFENSE
o Décision
o Expertise
IPSN/92-4511/Cht
70.2.1. Le Préfet
Dans chaque département dans lequel est implantée une installation nucléaire, le Préfet est
selon la loi en charge de la protection des personnes et des biens pour les urgences nucléaires et
radiologiques comme pour celles liées aux risques naturels et aux risques technologiques classiques.
Il dispose:
447
- de centres de commandement: PC Fixe à la préfecture, PC Opérationnel plus près des zones
menacées, avec des moyens de transmission appropriés;
- de plans d'urgence: plan ORSEC pour le recensement et l'emploi des moyens relatif à tout type
d'urgence radiologique, Plan particulier d'intervention (PPI) pour faire face aux urgences
relatives à une installation importante déterminée;
- de l'organisation d'entraînements et d'exercices locaux, à l'initiativedu Préfet, ou nationaux à
l'initiative d'instances centrales.
Le Ministère de la santé a mission d'émettre des avis officiels en matière sanitaire pour
protéger les populations menacées. Ses principaux interlocuteurs sont les Préfets de département à
qui incombe la responsabilité de prendre les décisions au niveau local. Ce ministère s'appuie
notamment sur le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRlf,
implanté au Vésinet (région parisienne), qui dispose des moyens d'expertise et d'interventions
suivants:
La Direction dispose d'un Centre opérationnel permanent, le CODISC, qui assure une veille
continue pour tous les types de risques, la coordination opérationnelle des moyens et l'information
du Ministère. Le CODISC dispose de relais régionaux.
La sécurité des transports des matières radioactives et nucléaires entre dans le cadre de la
sécurité du transport des matières dangereuses qui relève du Ministre chargé des transports et est
très codifié au niveau international. Un soin particulier est apporté à la signalisation et à la
résistance des colis à toute sorte d'agression. Certains transports particulièrement sensibles
bénéficient d'un suivi en temps réel assuré par un Centre spécialisé dépendant de l'EPSN. Le
Service de protection et de contrôle des matières nucléaires au sein du Ministère de l'industrie
assure la réglementation et l'inspection des matières nucléaires avec le support expert de l'IPSN.
a
Depuis 1995 : Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) - (NDLR)
448
La Commission interministérielle des radioéléments artificiels (CDŒA) a un rôle préventif
pour ce qui concerne la sécurité des sources et radioéléments utilisés en médecine, en recherche et
dans les industries non nucléaires.
Toute cette organisation de l'urgence nucléaire et radiologique, tant sur les sites qu'hors site,
est résumée sur la figure 70.3.
70.3.1. L'installation
Les premiers intevenants sont les opérateurs de l'installation qui, dans le plus souvent, se
tiennent en salle de contrôle/commande. Ces opérateurs agissent sur les divers circuits de
l'installation suivant des procédures préétablies ou des instructions données par le responsable du
site, l'avis des experts ayant été entendu.
70.3.2. Le site
Le responsable du site assure la protection du personnel présent sur le site en se basant sur le
PUI. Ce plan prévoit en outre l'information interne et externe de toutes les personnes ou
organisations concernées et la montée en puissance de moyens. L'intervention du SAMU et des
sapeurs pompiers fait également.partie du plan.
Si la situation évolue très vite et menace l'extérieur du site le Directeur du site est habilité à
prendre de façon réflexe des mesures de protection pour le voisinage immédiat: restriction de
circulation, confinement, évacuation, etc.
Comme il a été dit plus haut ce cas mis à part, la responsabilité de la gestion de l'urgence
incombe au Préfet et aux maires directement concernés.
449
TENU INFORME
Equipes a'mten
labor. Hôpitaux
IPSN/93-71WSF
avant les rejets connaissant la situation et son évolution possible grâce à l'exploitant et à
l'autorité de sûreté et ayant entendu les recommandations de l'autorité sanitaire, le Préfet décide
du déclenchement du PPI et de l'application des mesures réflexes de protection: information,
recensement des populations exposées, contrôle ou restriction de la circulation, confinement à
domicile, évacuation, administration d'iode stable etc. Des points de regroupement, un système
de transport et des lieux d'accueil doivent être mis en oeuvre en cas d'évacuation.
au moment des rejets: Bien qu'en situation d'urgence l'exploitant peut se trouver dans la
situation où il garde une certaine liberté pour déclencher les rejets à l'environnement. Le Préfet
doit alors intervenir pour choisir avec l'autorité de sûreté, l'autorité sanitaire et les services
météorologiques le moment le plus opportun pour effectuer ces rejets.
après les rejets s'imposent:
- le contrôle et le tri des populations susceptibles d'avoir été exposées ou
contaminées,
- éventuellement des traitements et des soins ainsi que la mise en place d'un suivi
épidémiologique des groupes à risques.
450
70.3.4. Les milieux et les produits agro-alimentaires
Des précautions peuvent avoir à être prises pour les points d'eau, les animaux en pâture, la
ventilation des silos, certaines cultures à forte valeur ajoutée.
A cet effet doivent être rassemblées des données statistiques (recensement général agricole,
liste des producteurs et éleveurs, etc.) et techniques (calendrier cultural concernant les milieux et
les produits menacés).
II s'agit de:
Les perturbations de la vie sociale et économique peuvent être importantes. En particulier les
circuits d'approvisionnement de la grande distribution peuvent se trouver modifiés pour des raisons
objectives (régions suspectes) ou psychologiques ce qui peut entraîner un dommage important pour
certains éleveurs ou producteurs. Le Trésorier payeur général et les compagnies d'assurances sont
donc à intéresser très tôt à la gestion du sinistre.
70.3.6. L'information
Au terme de cet examen voici quelques observations sur l'état de l'organisation d'urgence au
risque radiologique ou nucléaire en France ainsi que des propositions pour améliorer les dispositifs
dans les années à venir.
Pragmatique et basée sur des opérateurs compétents et qui se connaissent, l'organisation pour
faire face aux incidents radiologiques qui se présentent dans les grandes installations nucléaires
telles que les centrales, est arrivée à maturité. Les procédures sont écrites. Les personnes sont
formées. A l'Electricité de France notamment le dispositif est régulièrement mis à l'épreuve et
donne satisfaction. L'articulation entre les trois grands acteurs, exploitants, pouvoirs publics,
experts, a atteint un équilibre. Des moyens importants sont disponibles. Les services de secours
territoriaux disposent de consignes pour appliquer aux premières heures des contre-mesures réflexes
pour protéger la santé des populations menacées.
451
On peut porter un jugement similaire sur l'organisation de la sécurité des transports ainsi que
celle qui couvre les utilisateurs de radio-éléments et de sources de rayonnements.
Cela ne veut pas dire que les systèmes mis en place soient sans faille et que l'effort doit se
relâcher. Bien au contraire, au vu des leçons tirées de l'expérience et de la progression des
connaissances de base et des techniques, la vigilance et l'amélioration progressive des dispositifs
doivent rester de mise. Mais dans leurs grandes lignes les dispositions prises conviennent.
Priorité a d'abord été donnée à la maîtrise des installations et à la protection sanitaire des
personnes dans le voisinage immédiat. Il convient maintenant de poursuivre activement l'effort pour
faire face à une éventuelle contamination de l'environnement au-delà de la limite des grands sites
nucléaires. La contamination de l'environnement, ou sa simple menace est susceptible d'engendrer
des perturbations économiques et sociales graves et durables qu'il est nécessaire de s'apprêter à
prévenir ou à traiter. Des progrès sont à faire à cet égard notamment sur les points suivants:
- aux exploitants, aux pouvoirs publics et aux experts du nucléaire il convient d'associer
davantage les principaux agents sociaux et économiques. On entend par là les professions et les
administrations qui, dans la vie de tous les jours, assurent les grandes fonctions que sont
l'alimentation des populations, l'approvisionnement et le transport, la distribution des fluides, la
circulation des personnes et des biens, la santé, etc. La présence d'experts du nucléaire et de
spécialistes des secours auprès du Préfet, telle qu'elle est prévue aujourd'hui est très nécessaire
mais ne saurait suffire. La situation doit être prise en charge par de nombreux acteurs non
spécialistes du nucléaire qu'il faut préparer à passer de la vie normale à l'état exceptionnel que
représente la contamination de l'environnement;
- une priorité doit être donnée à la filière agro-alimentaire. Ceci implique un travail des
professions et les administrations pour un échange des données de base, la mise en place de
moyens et de procédures et l'organisation de formations et d'entraînement en commun. Il s'agit
en particulier d'adapter au nucléaire les plans d'urgence qui sont propres à la production et à la
distribution agroalimentaire;
- les situations d'urgence radiologique pour l'environnement étant rares en France, c'est par des
simulations qu'il convient de mettre au point la gestion des urgences et d'entraîner les acteurs
concernés. Dans ces opérations il est vain de rechercher la meilleure articulation de tous les
intervenants. Chaque cas sera particulier et verra s'installer une organisation originale. Il s'agit
plutôt de repérer les gestes professionnels clefs, de mettre en place les personnels et les moyens
pour les accomplir et d'entraîner les acteurs à travailler ensemble dans des conditions variées.
452
EDF Electricité de France
GIE Groupement d'intérêt économique
IPSN Institut de protection et de sûreté nucléaire
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
PCD Poste de commandement de direction
PPI Plan particulier d'intervention
PUI Plan d'urgence interne
SAMU Service autonome médical d'urgence
SCPRI Service central de protection contre les rayonnements ionisants.
SIDPC Service interministériel de défense et de protection civile
SIACED-PC Service interministériel des affaires civiles de défense et de protection civile
SGCISN Secrétariat général du comité interministériel de la sécurité nucléaire
SGDN Secrétariat général de la défense nationale
SPCMN Service de protection et de contrôle des matières nucléaires
UIISC Unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile
453
CHAPITRE 71. ACCIDENTS RADIOLOGIQUES.
LES RETOURS D'EXPERIENCE
J-Cl. Zerbib
Les brûlures de la peau, allant parfois jusqu'à la nécrose de tissus profonds, étaient le fait de
l'exposition des mains et des avant-bras à des générateurs électriques de rayonnement X.
En outre, des cancers de la peau étaient induits par l'irradiation répétée des extrémités. Le
premier cas fut signalé, en 1902, à Hambourg, 7 ans après la découverte du rayonnement X. Il
s'agissait d'un cancer professionnel: un homme de 33 ans, travaillant depuis 4 ans dans une
fabrique de tubes à rayons X, testait sur sa main les appareils fabriqués.
Dans les années qui suivirent, plusieurs cancérisations survenues sur des radiodermites aiguës
ou chroniques étaient signalées.
La découverte par Pierre et Marie Curie, le 6 juin 1898, d'un corps plus "actif" que
l'uranium naturel, élément dont Henri Becquerel avait, deux mois auparavant, montré qu'il émettait
un rayonnement pénétrant, devait également apporter, mais peut-être dans une moindre mesure, son
contingent de brûlures radiologiques.
Les premières victimes de ces atteintes furent justement MM. Becquerel et Curie, qui
décrivent d'ailleurs à l'Académie des sciences en 1901 la brûlure accidentelle du premier par une
source de radium 226 et l'exposition volontaire et douloureuse du second [1], [2].
Les atteintes qui ont marqué, jusqu'en 1987, la découverte du rayonnement X, puis celle du
radium 226 furent nombreuses et sévères.
Leur recueil montre que les premières utilisations des rayonnements à des fins médicales, de
recherches ou industrielles ont provoqué des atteintes professionnelles graves qui se traduisent,
parfois plusieurs dizaines d'années après le début de l'exposition aux risques, par des cancers de la
peau, mais également par des leucémies et des cancers de la thyroïde [3], [4], [5], [6], [7].
Ces expositions professionnelles ont d'abord concerné, dans la première moitié du 20 e siècle,
les réalisateurs de générateurs électriques de rayonnement, des médecins, des infirmiers et, tout
particulièrement, des radiologues. Dans les années cinquante, cette liste des professions à risque
s'est étendue aux dentistes et aux vétérinaires.
455
La plupart des bilans, publiés principalement depuis la fin des années 1970, sont relatifs aux
accidents radiologiques et nucléaires*. C'est sur l'analyse de ces bilans, qui couvrent des périodes
de temps variables débutant généralement vers 1945, que se fonde le "retour d'expérience".
- le registre mondial des accidents radiobiologiques et nucléaires, appelé "United States Radiation
Accident Registry" établi à Oak Ridge (USA);
- l'AIEA qui, depuis 1986, analyse tous les accidents graves du point de vue sûreté et protection
et publie des rapports sur ces accidents;
- les bilans publiés par des auteurs comme, par exemple:
Aux USA, tous les accidents radiologiques et nucléaires, survenus depuis 1944 dans le monde
entier et ayant fait l'objet d'une publication, sont renseignés dans un registre particulier établi,
depuis 1975, sous la responsabilité de l'AEC par le "Radiation Emergency Assistance Center /
Training Site" - REAC/TS - situé à Oak Ridge [16], [17], [18], [19].
Des critères dosimétriques d'enregistrement sont fixés pour que l'accident figure au registre:
En 1988, la deuxième publication a montré l'augmentation importante des indicateurs, due aux
cas dénombrés au cours des 9 années qui suivirent la première publication du Registre.
Les augmentations importantes observées entre 1979 et 1988 sont probablement liées à
l'accident de Tchernobyl. L'augmentation du nombre de personnes impliquées semble correspondre à
la population évacuée (135.000 selon les autorités soviétiques) des régions limitrophes du réacteur
accidenté.
a
Lorsque l'accident survient au moment d'une réaction de fission (auprès d'un réacteur nucléaire ou d'un assemblage
critique par exemple) il s'agit d'un accident nucléaire. Si l'exposition accidentelle est due à une source radioactive ou à un
appareil électrique générateur de rayonnement ionisant, l'accident est dit radiologique.
456
La figure 71.1. montre l'évolution du nombre total d'accidents survenus dans le monde entre
1945 et 1987, tel qu'il figure dans le registre d'Oak Ridge. Les accidents sont répartis en trois familles
(criticite, radio-isotopes et appareils électriques générateurs de rayonnements ionisants) [19].
5Q
g3 criticite
g3 radioisotopes
• appareils
30..
20.
I
70-7.
La figure 71.2 regroupe les accidents survenus dans le monde uniquement avec des sources
scellées.
15Q.
100-
50.
457
Deux augmentations significatives portent sur le nombre de personnes impliquées, lors
d'accidents survenus au cours des deux périodes quinquennales 1980-84 et 1985-89. Elles sont
relatives à deux accidents qui présentent des points communs:
- celui de décembre 1983 survenu au Mexique dans la ville de Juarez où des ferrailleurs
récupèrent un appareil de téléthérapie muni d'une source de cobalt 60; lors de son démontage, le
confinement de la source est rompu. Aucun décès n'est déploré du fait de l'étalement des doses
sur deux mois environ;
- celui de septembre 1987, survenu au Brésil dans la ville de Goiânîa où 2 personnes démontent
un appareil de téléthérapie muni d'une source de césium. Cette dernière est séparée de l'appareil
abandonné depuis près de deux ans, dans des locaux en ruine. Son confinement est rompu. La
source de césium provoque des expositions externes et internes sévères. Cet accident très grave
provoque quatre décès.
La publication la plus récente concernant des données partielles du Registre d'Oak Ridge a été
faite par M. Cunningham (avril 1993). Elle porte sur le nombre d'accidents survenus dans le monde
depuis 1978 [20].
Ces bilans prennent en compte, en général, des accidents considérés comme significatifs du
fait de l'importance des doses délivrées ou des effets sanitaires observés: irradiations provoquant des
brûlures radiologiques graves, accompagnées ou non de sanctions chirurgicales, ou de décès.
Parmi ces bilans on citera notamment l'important recueil du Dr. Rodrigues de Oliviera [8],
qui intègre des données relatives à 299 références couvrant la période 1945-1985. Les accidents
importants retenus sont ceux qui ont provoqué des expositions globales ou localisées à des doses
élevées telles que les victimes ont été contraintes à se soumettre à un traitement médical. Ces
accidents sont classés suivant le type de sources ou d'appareils mis enjeu.
Nous retiendrons ici le bilan final qui constitue un point intermédiaire entre les deux
publications du registre américain:
458
Le bilan des "surexpositions accidentelles" du Dr. Nénot J.C. [13] décrit, commente et
analyse les accidents radiologiques et nucléaires. Les grandes familles d'accidents font l'objet d'un
examen didactique: réacteurs nucléaires, assemblages critiques, sources de gammagraphie
industrielle, accélérateurs linéaires, appareils de téléthérapie.
Les syndromes de l'exposition aiguë globale ou localisée sont également présentés. Ces
données regroupent le nombre d'événements et de victimes provoqués par des accidents de criticité,
des expositions globales ou localisées et par des expositions internes.
Des bilans ont également été présentés par M. Dousset et le Dr. Jammet en 1984 [10] [12]. Les
accidents retenus concernent également ceux où les sujets atteints ont présenté un état justifiant des
soins attentifs.
En septembre 1981, les Dr. Jammet et Gongora présentaient un bilan portant sur 199 personnes
accueillies à l'Institut entre 1956 et 1980 [14]. Le deuxième bilan publié en 1983 a montré que sur les
209 personnes admises à l'Institut, 60 (28,7%) ont présenté des radiolésions aiguës [15]. La
proportion pour chaque source à l'origine des expositions est la suivante:
Compte tenu du fait que les expositions aiguës localisées mettent quelques semaines ou
quelques jours à s'exprimer cliniquement, le fait accidentel est souvent situé de manière imprécise
dans le temps. Seule l'atteinte, lorsqu'elle s'est manifestée par des symptômes caractéristiques,
témoigne de la réalité du fait accidentel. Pour éviter des contentieux administratifs et juridiques, le
législateur français a classé les divers dommages provoqués par des expositions aiguës (ou
chroniques) au tableau n° 6 des "maladies professionnelles" du régime général de la sécurité sociale
(environ 14,56 millions de salariés en 1991).
En utilisant les statistiques annuelles publiées par la Caisse nationale d'assurance maladie des
travailleurs salariés (CNAMTS), il est possible de constituer le tableau 71.3 qui donne l'évolution
du nombre de certaines atteintes provoquées par les rayonnements ionisants et des taux moyens
d'incidences annuelles.
La figure 71.3 illustre ces évolutions. De 1968 à 1991 (dernières statistiques publiées), on
observe qu'il y a, en moyenne, 3,8 radiodermites aiguës reconnues par an en France, au titre des
"maladies professionnelles ".
459
TABLEAU 71.3. EVOLUTION DU NOMBRE DE MALADIES PROFESSIONNELLES RADIO-
INDUITE RECONNUES AU "REGIME GENERAL".
30 -
25 -r
Total des maladies professionnelles
"reconnues"
20 |
]
15 -
10 T
I
5 -
460
71.3. LES ACCIDENTS IMPLIQUANT DES PERSONNES DU PUBLIC
Exclusion faite des accidents survenus dans le monde médical, où l'on peut observer pour
diverses causes accidentelles des "surdosages" qui se traduisent par des surexpositions localisées ou
affectant l'organisme entier de patients en cours de traitement, il existe des atteintes radiologiques
graves de personnes du public.
Les sources perdues qui occasionnent des accidents proviennent souvent de "gammagraphes"
utilisés pour la radiographie des soudures. Le parc de ce type d'appareils a, en France,
progressivement diminué au cours des 15 dernières années. De 1200 appareils en 1986 (dont 200
environ étaient journellement transportés sur route), le parc n'était plus constitué que de 850
gammagraphes en 1992, répartis chez 302 utilisateurs [21] [22].
Les accidents déjà survenus dans le monde, principalement avec des sources d'appareils de
gammagraphie, permettent de dégager deux types de cas:
1er scénario-type
Une source se désolidarise du câble qui permet la réintégration dans son conteneur
Elle est ramassée, mise dans une poche, puis parfois, dans une autre poche
La perte est signalée, la source retrouvée, l'exposition, le plus souvent à mi-cuisse, a duré
plusieurs heures
Les doses provoquent des nécroses de la peau, des tissus profonds, voire de l'artère fémorale
L'évolution entraîne fréquemment une sanction chirurgicale
le 3 mai 1968 à La Pâte (Argentine), où un ouvrier soudeur qui avait mis dans ses poches de
pantalon une source de césium 137 de 13 curies, a dû être amputé de la jambe gauche (6 e mois)
puis de la droite (8 e mois) [9] [23];
en 1979, à Montpellier, où un ouvrier a laissé 8 heures dans sa poche une source d'iridium 192
de 14 curies trouvée sur un chantier. Il a dû, après plusieurs interventions chirurgicales, être
amputé de la jambe gauche du fait de l'atteinte sévère de l'artère fémorale (de l'ordre de
74 sieverts) [8][1O][13].
2e scénario-type:
Les nausées et vomissements des victimes font que l'on soupçonne d'abord un
empoisonnement. Plusieurs semaines peuvent se passer avant que l'on ne découvre la raison réelle
des atteintes. Aussi, ce scénario entraîne souvent un nombre important de victimes et des atteintes
mortelles:
- à Mexico, le 21 mars 1962, un enfant de 10 ans rapporte un petit cylindre de métal. Sa mère le
place dans le tiroir d'un buffet de cuisine. C'est une source de 5 curies de cobalt 60.
L'exposition entraîne 4 décès, dont la mère qui est enceinte. Seul le père survit du fait de ses
absences pour se rendre à son lieu de travail. [9][24];
461
en Chine, en 1963, un enfant rapporte une source à la maison: deux personnes sur six décèdent.
- à Sétif, en Algérie, au début de mai 1978, deux petits garçons jouent avec un petit cylindre de
métal avant que la grand-mère ne l'emporte à la maison: c'est une source d'iridium 192 de 17
curies. Pendant 5 à 6 semaines, durant 6 à 8 heures par jour, 22 personnes seront exposées, 7
parmi elles à de fortes doses. La reconstitution a été conduite par l'IPSN/CEA et les 7 victimes
hospitalisées à l'Institut Curie. Seule la grand-mère décédera. Les deux enfants et quatre jeunes
femmes exposées à des doses supralétales survivront, vraisemblablement du fait de l'étalement
des doses sur plusieurs semaines. [24][26][27];
- dans la banlieue de Casablanca (Maroc), à la fin mars 1984, une source de 28 curies d'iridium
192 qui s'est désolidarisée du câble d'un gammagraphe, est ramassée par un ouvrier qui la place
sur la table de chevet de la salle familiale. En quelques semaines plusieurs décès se succèdent.
Les recherches s'orientent vers un empoisonnement. Ce n'est que le 10 juin 1984 que les
autorités marocaines soupçonnent une exposition aux rayonnements et demandent l'aide des
autorités françaises. La source est récupérée par le SCPRI le 11 juin. Il y a eu, au moins, 8
décès parmi lesquels toute une famille a été décimée (père, mère enceinte et 4 enfants) [28].
- en décembre 1992, dans la province chinoise de Shanxi, un homme de 29 ans trouve une petite
bille métallique dorée. Il la met dans la poche et l'apporte chez lui. C'est une source de cobalt
60. Atteint de vomissements, de toux, de troubles respiratoires, perdant ses cheveux, il est
hospitalisé. Au bout de 2 semaines il décède. Son frère et son père, restés auprès de lui durant
l'hospitalisation, décèdent la semaine suivante. La source a également exposé 90 personnes à
l'hôpital. Parmi elles, cinq personnes ont reçu des doses importantes (Source: AŒA - février
1993)
3e scénario-type
- Des ferrailleurs récupèrent directement ou indirectement des appareils renfermant des sources
radioactives
- La multiplicité des matériaux constituant la tête d'irradiation (fer, acier inoxydable, plomb) les
conduit à démonter les mécanismes et à mettre la source à nu
Cependant, des scénarios tels que celui de Juarez (1983) qui conduisent à mêler
accidentellement des sources radioactives, plus ou moins intenses, à des ferrailles recyclées, ne sont
pas des événements isolés. La probabilité de survenance de tels accidents peut augmenter avec
l'usage croissant des sources radioactives à usages industriels ou médical. C'est ainsi par exemple:
- qu'aux USA, un article paru en octobre 1993 dans une revue technique spécialisée révèle 6 cas
de contaminations survenues en deux ans dans 5 aciéries américaines, dues probablement à la
fusion d'appareils renfermant une source radioactive [29];
- qu'à Taiwan, des constructions utilisant des barres d'acier précontraint contaminées par du
cobalt 60 ont été découvertes en 1992 (Annexe 1) [34][35];
- qu'en septembre 1993, on découvrait dans le port de Rotterdam la contamination de la cargaison
d'un cargo sud-africain (16,2 t d'acier) faisant route vers le Royaume-Uni. Une enquête conduite
462
en Afrique du Sud par le Conseil de la sécurité nucléaire (CNS) révélait alors que huit
Compagnies exploitant une vingtaine de mines d'or et d'uranium vendaient depuis plusieurs
années, du métal contaminé, à des niveaux plus de 100 fois supérieurs aux valeurs légales
nationales, à des ferrailleurs (dépêche AFP du 29/09/93). Le CNS a fait fermer les deux
entreprises qui avaient fourni le métal contaminé saisi sur le cargo.
Un effort important est donc à porter, tant sur la récupération systématique des sources
radioactives devenues sans emploi, que sur le contrôle des métaux récupérés qui entrent dans une
aciérie en vue de leur recyclage.
Un cas inhabituel de contamination de métal précieux s'est déroulé à New York dans les
années cinquante. Il s'agissait d'or, ayant servi à contenir du radium 226, recyclé en bijouterie. En
1981, l'identification de 170 bijoux contaminés a permis de constater des radiodermites chez neuf
personnes qui avaient porté ces objets en moyenne 17 ans. En 1989, sur trois nouvelles bagues
découvertes, deux avaient provoqué des cancers cutanés aux doigts [36].
Avant l'accident de Tchernobyl, le bilan des accidents relatif à la période 1945-85, dressé par
le Dr. Rodrigues de Oliviera [8], montre que les accidents de criticité, qui constituent la catégorie
d'accidents la moins nombreuse, ont entraîné le tiers des décès recensés (9 sur 27) suite à tous les
accidents, quelles que soient leurs causes. Ceci est dû au fait qu'en atteignant accidentellement la
"masse critique" en milieu aqueux avec, par exemple, du plutonium, l'intense bouffée de particules
"gamma" et "neutron" émise est telle qu'une dose mortelle est délivrée en quelques secondes à tout
individu se trouvant à moins de 8 mètres environ du point "source".
71.5. CONCLUSIONS
Le radium 226 découvert peu après les rayonnements X a apporté également, bien que dans
une moindre mesure, son cortège d'atteintes liées à des expositions localisées ou générales (surtout
par contamination interne).
Les bilans des situations accidentelles liées à l'utilisation de sources radioactives, d'appareils
électriques générateurs de rayonnement ionisant ou d'assemblages "critiques" ne prennent
généralement en compte que les situations décrites après 1945.
Les accidents sont connus par le bilan mondial des accidents radiologiques et nucléaires
effectué aux Etats-Unis dans le Centre d'Oak Ridge, par des informations regroupées et structurées
relatives à des travaux d'auteurs et par les analyses de l'AIEA. II serait très utile que des
organismes publics se saisissent de ces travaux afin de pérenniser la fonction, de faire vivre ces
bilans, d'améliorer la prévention fondée sur le "retour d'expérience".
Les différents bilans présentés montrent, depuis 1979, une augmentation générale du nombre
d'accidents recensés, des victimes impliquées, ainsi que des décès observés dans le monde
industriel, médical et de la recherche. Ils résultent probablement d'une utilisation des sources de
rayonnements qui s'est généralisée notamment dans le monde industriel et médical. Ces
augmentations du nombre d'accidents et de victimes déclarés pourraient être également induites en
463
partie par une publication plus généralisée des situations accidentelles, qui surviennent dans le
monde.
Les accidents les plus graves, pour lesquels des scénarios types peuvent être dégagés,
arrivent lorsqu'une source radioactive est égarée ou que des ferrailleurs tentent de récupérer les
matériaux nobles qui entourent la source d'un irradiateur abandonné par un utilisateur négligent.
Ces accidents graves, dont la plupart auraient été facilement évités, se produisent encore. Ils
peuvent survenir dans tous les pays, quel que soit leur degré d'industrialisation.
Un plus grand respect de la réglementation existante, portant sur les déclarations d'achat, de
cession ou de vente, la formation et l'information des personnels intervenants, la mise en œuvre des
contrôles des sources et appareils, et tout particulièrement la mise hors service des sources
radioactives, permettrait de réduire significativement le nombre et la gravité des accidents.
Par ailleurs, le contrôle de la radioactivité des matériaux qui arrivent chez les ferrailleurs et
de ceux qui sont dirigés dans les fonderies de métaux de récupération, constituerait un moyen de
lutte efficace contre ces types d'accidents.
464
Annexe
JUAREZ (Mexique)
GOIANIA (Brésil)
T'AI-PEI (Taiwan)
1. JUAREZ
Vers le 6 décembre 1983, au Mexique, dans la ville de Juarez (1 million d'habitants environ),
une source de cobalt 60 de 16,65 TBq (450 Ci) équipant une source de téléthérapie est
accidentellement endommagée, au moyen d'un tournevis, par des ferrailleurs qui ignoraient le
caractère radioactif de ce matériau.
Les faits ne furent connus, par hasard, que le 16 janvier 1984, lorsqu'un camion chargé de
"fer à béton" (contaminé dans la masse par le cobalt 60) franchit l'entrée, munie d'une balise de
détection, du Centre nucléaire militaire de Los Alamos.
Les fonderies où la ferraille avait été apportée ont produit environ 500 tonnes de "fer à
béton" contaminé à des degrés divers.
Une recherche (au moyen d'un hélicoptère muni de détecteurs à cristal d'iodure de sodium)
portant sur 17 Etats du Mexique et aux USA, a permis le contrôle de 17 000 maisons et bâtiments8.
Les niveaux d'exposition trouvés dans 814 d'entre eux (65 Ci) nécessitèrent des destructions
partielles ou totales.
La dosimétrie biologique conduite sur 300 individus a permis d'évaluer les doses reçues les
plus élevées (mesure du taux d'aberrations chromosomiques). Aucun décès n'est déploré du fait de
l'étalement des doses sur deux mois environ, bien que l'on ait atteint, voire même franchi, le niveau
de dose létale.
Sources: [13][30][31][32].
a
A cet effet, 679 km2 ont été quadrillés par des mesures effectuées à 90m de hauteur suivant des lignes de vol
espacées de 180m, ce qui correspondait à une limite de détection comprise entre 1,5 et 5 millicuries.
465
2. GOIANIA
Au Brésil, vers la fin de l'année 1985, une clinique privée de radiothérapie, primitivement
installée dans l'un des quartiers les plus pauvres de la ville de Goiânia (environ 1 million
d'habitants), emménage dans de nouveaux locaux. Les responsables de la clinique transportent
l'appareil muni d'une source de cobalt 60 et laissent sur place un appareil de téléthérapie équipé
d'une source de césium 137. Les locaux sont partiellement détruits, ainsi que certains immeubles
voisins, et laissés à l'abandon. Les salles de thérapie, compte tenu de leurs murs de béton, ne sont
pas détruites mais tombent en ruine et semblent même avoir servi de refuge à des vagabonds.
Près de deux ans après, le 13 septembre 1987, deux personnes se rendent sur les lieux
abandonnés et tentent, au moyen d'outils rudimentaires, de démonter l'appareil afin d'en revendre
certaines parties à un ferrailleur. Elles ignorent tout du risque radiologique qu'elles encourent.
Après avoir retiré de la tête d'irradiation de l'appareil, le "barillet" en acier inoxydable qui
renferme la source, elles l'emportent dans une brouette à 500 mètres de là. L'activité de la source
est de 50,9 TBq (1 375 Ci). Elle délivre, à un mètre, un débit de dose de 4,56 grays par heure.
Les deux intervenants sont pris de vomissements qu'ils attribuent à ce qu'ils ont mangé. Le
lendemain, l'un d'eux a des diarrhées, des vertiges et un oedème à la main. Un médecin consulté
attribue ces symptômes à des manifestations allergiques. La deuxième personne tente, le 18
septembre 1987, d'extraire la source du barillet et perce, avec un tournevis, l'enveloppe de la
source.
Les fragments du barillet sont vendus à un ferrailleur qui observe le soir une lueur bleue (due
vraisemblablement à "l'effet Cherenkov") qui émane de la source. Il emporte alors la source chez
lui et en distribue de petits fragments de la taille de grains de riz à des amis. Plusieurs d'entre eux
vont s'enduire la peau de cette substance scintillante...
Dans les jours qui suivent, plusieurs personnes présentent des troubles intestinaux dus à leur
exposition aux rayonnements.
Convaincue que ses malaises sont dus à la poudre mystérieuse, la femme du ferrailleur, aidée
d'un employé, apportera la source au docteur de la "Vigilencia sanitaria". Ces deux personnes sont
dirigées par le docteur vers un hôpital pour maladies tropicales où se trouvent déjà d'autres
personnes contaminées.
Le physicien arrive, non sans mal, à convaincre d'une part le ferrailleur, sa famille et ses
voisins de quitter les lieux, d'autre part, les autorités sanitaires très sceptiques, à intervenir
rapidement.
Par sa force de conviction et son courage, ce physicien bénévole a permis, grâce aux
évacuations qu'il a assurées de son propre chef, et à la mise en oeuvre d'une série d'actions de
sauvegarde qu'il a conduites en étant relayé par les Autorités, à réduire l'impact sanitaire de ce
grave accident.
La femme du ferrailleur (38 ans) et sa nièce âgée de 6 ans (qui a manipulé et ingéré de la
poudre) décéderont le 23 octobre 1987. Les 27 et 28 octobre 1987, deux employés du ferrailleur,
466
âgés de 22 et 18 ans, décèdent à leur tour des suites d'atteintes multiples sévères (contaminations
internes, irradiations externes globales et localisées ayant entraîné des nécroses).
Du 30 septembre au 22 décembre 1987, environ 112 800 personnes ont été contrôlées, parmi
lesquelles 249 avaient une contamination interne ou externe. Pour 129 d'entre elles, la
contamination était à la fois interne et externe.
Au total, 49 personnes ont été hospitalisées. Parmi elles, 10 étaient dans un état critique qui a
entraîné les quatre décès et l'amputation d'un bras.
Sources: [13][32][33].
3. T'AI-PEI
A la mi-août 1992, un journaliste du "Liberty Times" de Taiwan reçoit une lettre anonyme
selon laquelle un building de la ville de T'ai-Pei, capitale de Taiwan (2,5 millions d'habitants),
comporte des structures métalliques contaminées. Il publie alors un article accompagné d'une photo
de la route de Long Chiang.
Les locataires d'un immeuble figurant sur la photo saisissent alors la Commission à l'énergie
atomique (AEC) taiwanaise. L'AEC déclare qu'il ne s'agit que d'une rumeur et invite les résidents
à faire appel à un organisme privé s'ils souhaitent vraiment poursuivre leurs investigations. Le
journaliste du "Liberty Times" se rend alors sur les lieux (21/08/92) muni d'un détecteur. Il détecte
alors, dans les halls et ascenseurs d'un bâtiment abritant des bureaux et appartements, des niveaux
d'activité aisément mesurables. L'AEC évaluera que 34 appartements sur 70 entraînent, en 1992,
une exposition moyenne égale ou supérieure à 15 millisieverts par an (maximum atteint avec
70 mSv/an). Comme la construction a été réalisée 9 ans auparavant, des doses moyennes annuelles
plus importantes ont été délivrées par la contamination au cobalt 60. Le calcul montre que la dose
délivrée à un locataire résidant depuis 1983 dans l'immeuble atteint 240 mSv dans l'hypothèse
d'une dose de 15 mSv.a"1 pour la 9 e année.
L'AEC a distribué plus de 5 000 détecteurs au fluorure de lithium afin d'évaluer le nombre
de bâtiments construits en 1983 avec des parties métalliques contaminées. Le dépouillement des
détecteurs a montré que 50 bâtiments étaient dans ce cas. La liste de 10 d'entre eux a été rendue
publique.
Sources: [34][35].
BffiLOGRAPHIE
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469
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470
CHAPITRE 72. LES NIVEAUX D'INTERVENTION EN CAS D'ACCIDENT
NUCLEAIRE OU D'URGENCE RADIOLOGIQUE
J-CI. Nenot
Les grandes lignes de conduite à adopter pour protéger la population en cas d'accident grave,
ainsi que les travailleurs impliqués, ont été établies dans le passé par la CIPR [2]. En fait, ce
rapport, qui s'adressait essentiellement aux décideurs et opérateurs, ne considérait que les courtes
distances autour du lieu de l'accident et les périodes de temps courts après l'accident. Son
application à la protection à grande distance et à long terme était souvent fallacieuse et source
d'interprétations incorrectes. C'est pourquoi la CIPR a revu cette publication, en particulier à la
lumière de ses dernières recommandations [3]. Parallèlement, l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA) a entrepris récemment la révision des ses anciens documents sur le même sujet.
- justification de l'intervention: toute action de protection doit faire plus de bien que de mal: en
d'autres termes, le détriment radiologique évité par l'action entreprise doit être plus important
que les conséquences néfastes et leurs coût sociaux et économiques dus à cette même action. De
plus, la mise en oeuvre d'une mesure de protection sera toujours justifiée quand elle évitera des
effets déterministes graves, ainsi que lorsqu'elle réduira le risque d'effets stochastiques dans la
population à un niveau acceptable;
- optimisation de l'intervention: le bénéfice net obtenu par la justification de l'action doit être
maximalisé. Ceci signifie aussi que le choix doit être fait entre les différentes mesures de
protection envisageables, et que le niveau auquel la meilleure protection est obtenue doit être
défini. En d'autres termes, la dose qu'il est ainsi possible d'éviter (dose individuelle et dose
collective) et les avantages psycho-sociologiques associés doivent être comparés au risque en
rapport avec l'intervention envisagée (risque individuel et risque collectif), ainsi qu'à la dose qui
sera reçue par les intervenants et la population pendant la mise en oeuvre de l'intervention,
additionnés des conséquences sociales et du coût financier;
- niveaux d'intervention, qui découlent des principes précédents, pour des actions de protection
précises et pour des conséquences définies de l'accident. Les décideurs utiliseront ces niveaux,
afin de décider si une mesure de protection doit être mise en oeuvre, en les comparant à la dose
qu'elle permet d'éviter.
471
Ces principes s'appliquent aux personnes du public; pour les travailleurs impliqués dans un
accident, dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de protection et de sauvegarde, il existe
une différence fondamentale: alors que la population recevra des doses, sauf si des actions sont
décidées et entreprises afin de les réduire ou de les éviter, les travailleurs ne seront exposés que
dans la mesure où une décision de les impliquer sera prise. C'est pourquoi, les principes de
protection des travailleurs en cas d'accident sont assez proches du système général de
radioprotection, applicables aux pratiques. Pour un travailleur, la justification s'applique à
l'exposition à la source et l'optimisation à la protection envers cette source. C'est pourquoi il est
raisonnable, pour les travailleurs, de conserver les limites des dose pour leurs expositions en cas
d'urgence, sauf dans des cas extrêmes. Cela sera le cas quand les raisons sont telles qu'elles
justifient la distribution inéquitable des conséquences néfastes de l'exposition aux rayonnements;
c'est par exemple le cas des actions entreprises pour sauver des vies humaines ou pour empêcher la
survenue de conditions catastrophiques.
La décision d'intervenir est donc basée sur la comparaison d'un niveau d'intervention avec
une dose qui sera reçue par les personnes du public. Il est évident que la comparaison ne peut
porter sur les doses déjà reçues, puisque l'intervention ne peut avoir d'action sur elles. Il peut
cependant être indiqué de les prendre en considération, si elles sont suffisamment élevées pour
qu'une dose supplémentaire qui risque d'être reçue dans l'avenir entraîne des effets déterministes,
par la simple addition des deux expositions. Mis à part ce cas exceptionnel, deux quantifications des
doses peuvent être utilisées dans le processus décisionnel. Dans le passé, la dose de référence était,
de façon plus ou moins implicite, la dose prévisible, c'est-à-dire la dose totale qui est reçue depuis
le début de l'accident, par le biais de toutes les voies d'accès à l'homme. Cette dose prévisible est
le paramètres correct pour évaluer le risque d'effets déterministes, lorsque les doses sont
supérieures aux seuils d'apparition de ces effets; c'est le cas des fortes doses, comme souligné plus
haut. Cependant, la dose prévisible ne représente pas correctement la situation réelle, quand la
mesure de protection est mise en oeuvre un certain temps après le début de l'accident et qu'une
certaine dose a déjà été reçue. Dans ce cas, le décideur ne peut pas baser sa décision sur la seule
projection de la dose totale, puisque les actions futures ne peuvent avoir d'influence sur la fraction
de cette dose déjà reçue. En conséquence, la quantité dosimétrique convenable est la dose
sauvegardée par une action donnée, pour chaque voie d'accès à l'homme. Cette quantité est définie
comme la dose évitée, qui est en fait, la dose évitable par une mesure de protection donnée. Dans
de nombreux cas, cette dose évitable ne concerne pas la partie initiale de la dose (début de
l'accident), honnis pour les évacuations préventives, ni sa partie finale (faibles débits pendant des
temps longs). La figure 72.1 donne une représentation schématique des deux concepts de dose
prévisible et de dose évitée.
472
débit
de dose
/ sans
/ V intervention
/ DOSE \
/ PREVISIBLE
~ temps
avec
K intervention
I DOSE
/ EVITEE
—»_ temps
FIG. 72.1. Représentation schématique destinée à illustrer les concepts de dose prévisible et de
dose évitée.
L'AIEA a suivi la même approche. Dans ses anciens documents, des gammes de niveaux
d'intervention comparables à ceux de la CIPR étaient recommandés [4, 5]. Quand l'ATHA a
entrepris la révision de ces documents, ses experts ont estimé devoir privilégier le réalisme et le
pragmatisme. De ce fait, des niveaux d'intervention génériques ont été calculés, en suivant une
approche rigoureuse et en choisissant le niveau le plus représentatif d'une valeur moyenne, qui,
même utilisés dans des conditions éloignées de la moyenne, ne devraient pas aboutir à de mauvais
choix [6]. Les hypothèses et conditions sur lesquelles ont été établies ces niveaux sont les suivantes:
- toute autorité nationale est censée mettre en oeuvre autant de moyens et ressources pour éviter
des effets sur la santé induits par les rayonnements qu'elle en mettrait pour éviter tout risque sur
la santé d'autre origine mais de même ampleur et de même nature;
- le risque physique dû à l'action entremise est lui-même pris en compte;
- l'incidence sur les conditions normales de vie des individus affectés par la mesure de protection
est aussi prise en compte;
- les autres facteurs de natures socio-politique, psychologique et même culturelle ont été
délibérément écartés;
- les niveaux génériques ainsi sélectionnés forment une palette logique et cohérente, aussi simple à
utiliser que facile à comprendre.
473
Il est cependant reconnu qu'il peut exister des raisons suffisantes pour outrepasser les niveaux
ainsi définis, telles que difficultés pratiques, ou circonstances particulières au site ou à l'accident.
Malgré tout, il existe une restriction sur le choix des niveaux d'intervention; la dose prévisible doit,
dans toute la mesure du possible, être maintenue en-dessous du seuil d'apparition des effets
déterministes.
De plus, il n'est pas possible d'ignorer que les facteurs socio-politiques et psychologiques
peuvent contribuer largement au choix des décisions, voire même l'emporter sur les facteurs
sanitaires. Les indications génériques fournies par l'AIEA ont pour but de former une base
commune et cohérente pour la prise de décision sur les mesures de protection, de telles façons que
toute modification des niveaux d'intervention apparaissent comme due à des considérations
politiques, circonstancielles ou encore en rapport avec le site accidenté [6]. Il n'en demeure pas
moins que les avantages d'une réponse internationale commune aux situations accidentelles sont
évidents, et les raisons de s'en écarter devront être clairement expliquées.
Les mesures de protection "urgentes" concernent les premiers temps de l'accident, qui peut
durer moins d'une heure ou plusieurs jours ou semaines dans le cas d'un rejet atmosphérique en
provenance d'une installation nucléaire: ces mesures doivent alors être mises en oeuvre rapidement,
sinon elles perdent énormément de leur efficacité. Des délais de mise en oeuvre imposeraient à la
population des expositions qui auraient pu être évitées, et, dans le pire des cas, qui pourraient être à
l'origine d'effets déterministes.
Le caractère principal de ces actions urgentes est le manque de temps disponible pour réunir
tous les paramètres d'une décision rationnelle. Ce temps fera défaut pour prendre en compte tous
les facteurs à considérer dans le processus d'optimisation, d'autant plus que les données
quantitatives et qualitatives sur l'accident lui-même seront, à ce moment, fragmentaires et
incertaines. Ce manque de temps constitue une raison supplémentaire de disposer de plans
d'urgence détaillés couvrant le plus de situations accidentelles réalistes possibles. Ce fait est
reconnu par l'ensemble des organisations internationales [3, 6, 7-9].
L'intervention est obligatoire quand elle a pour but d'éviter des doses individuelles pouvant
induire des effets déterministes, sauf si cette intervention rend la situation encore pire. Les
décideurs doivent aussi réaliser, qu'aux environs de ces niveaux de dose, le risque d'effets
stochastiques est loin d'être négligeable, et peut aussi être jugé inacceptable. Les mesures de
protection urgentes majeures sont:
- le confinement;
- l'évacuation;
- 1 ' administration d ' iode stable.
Les deux premières mesures sont classiques et utilisées dans de nombreuses urgences, alors
que l'iode stable est spécifique, puisque destiné à protéger par blocage la thyroïde de toute fixation
ultérieure d'iodes radioactifs. Il est évident que, par leurs natures mêmes, ces mesures doivent être,
pour être efficace, mises en oeuvre rapidement, dès la reconnaissance de l'accident; la situation
idéale est la mise en oeuvre avant le début réel de l'accident. D'autres mesures peuvent aussi
apporter des réductions d'exposition à la population, telles que les contrôles d'entrée de zones, les
douches et changements de vêtements, l'utilisation de vêtements de protection, etc. Il est tout à fait
inapproprié de recommander un quelconque niveau d'intervention pour ces dernières mesures,
d'autant plus qu'on ne peut les imaginer de façon isolée, mais en accompagnement de mesures
majeures.
Sur ces bases, l'AIEA a récemment recommandé des niveaux d'intervention pour les actions
urgentes [6]. Ils sont répertoriés dans le tableau 72.1.
474
TABLEAU 72.1. NIVEAUX D'INTERVENTION GENERIQUES RECOMMANDES PAR
L'AIEA POUR LES ACTIONS URGENTES.
Pour ces actions urgentes, l'optimisation devrait normalement être entreprise au moment de
la préparation à l'accident, et ses résultats apparaître dans les plans d'urgence. Cette optimisation
pourra aboutir à des niveaux supérieurs ou inférieurs, selon les cas. Cependant, ces niveaux, par
nature "génériques", devraient pouvoir s'appliquer à la majorité des situations, sans entraîner
d'erreurs importantes. C'est pourquoi, à défaut d'une mise au point préalable, ils doivent pouvoir
être utilisés de façon réflexe, afin d'éviter toute perte de temps.
Il convient de remarquer que l'approche adoptée par l'AIEA diffère légèrement de celle de la
CIPR, même s'il n'y a pas de réelles contradictions. La CIPR recommande un niveau d'intervention
"génériquement justifié", qui constitue la borne haute de la gamme d'optimisation, dont la borne la
plus basse ne doit pas être plus de 10 fois inférieure à la borne haute. Pour le confinement,
l'évacuation et l'administration d'iode stable, les valeurs recommandées par la CIPR pour les
niveaux génériquement justifiés sont 50 mSv (pendant une durée réaliste), 500 mSv pour un jour
(en moins d'une semaine), et 500 mSv à la thyroïde [3]. De ce fait, les gammes de doses
disponibles pour l'optimisation sont:
Il est clair que les niveaux recommandés par l'AIEA, qui ont déjà subi une optimisation
"générique", se situent dans la fourchette de la CIPR.
Plus de temps sera disponible pour décider de la valeur numérique des niveaux d'intervention
des phases ultérieures de l'accident; au cours de ces phases post-accidentelles, il faudra
envisager (1) de lever ou de poursuivre les mesures prises en urgence, (2) de les remplacer ou d'y
ajouter d'autres mesures et (3) de prendre les dispositions nécessaires pour le retour à des
conditions de vie normale. En général, un léger retard dans la mise en oeuvre de ces mesures moins
urgentes ne devrait pas entraîner de pénalités importantes, ni en terme de doses supplémentaires ni
en terme de coût total, mais devrait permettre d'affiner éventuellement le niveau d'intervention et
de préparer les meilleures conditions d'intervention. Il s'agit alors d'optimiser non seulement le
475
niveau, mais l'intervention elle-même. Les principales mesures de protection à envisager pour
protéger la population dans les suites d'un accident sont:
- le relogement temporaire;
- le relogement définitif;
- les travaux de décontamination;
- les interventions sur la chaîne alimentaire.
Le relogement peut être temporaire ou définitif. Le relogement temporaire est justifié quand
il est prouvé que les risques pour la santé dus à l'exposition continue (en général à des dépôts) sont
supérieurs à ceux dus aux changements de conditions de vie et autres coûts directs et indirects [6].
Le déplacement provisoire de la population est à envisager quand les débits de dose diminuent assez
rapidement avec le temps, de façon naturelle ou suite à des interventions sur le terrain, mais pas
assez vite pour permettre le retour rapide des populations après quelques jours. C'est pourquoi, le
niveau d'intervention doit en fait être double: il doit considérer le débit de dose au début de la
période du relogement ainsi qu'un débit moyen sur l'ensemble de la période, mais aussi évoquer le
niveau à partir duquel le retour au foyer d'origine peut s'envisager. Il s'agit donc d'un niveau
au-dessus duquel on intervient et d'un niveau au-dessous duquel on lève les mesures prises. Pour ce
type de mesure temporaire, il convient, comme pour les mesures urgentes (confinement,
évacuation), de fixer une durée maximale, au-delà de laquelle la mesure est jugée inacceptable et
doit être considérée comme définitive. Une durée maximale de 1 à 2 ans paraît raisonnable pour le
relogement temporaire. Ceci signifie que, dès qu'il apparaît que les conditions radiologiques ne
permettent pas de ramener les populations chez elles en moins de 1 à 2 ans, il faut envisager des
mesures plus draconiennes, comme un déplacement définitif, en général beaucoup plus coûteux en
termes socio-économiques.
Les paramètres qui pèsent dans la décision de considérer le déplacement des populations
comme définitif sont, entre autres, les ressources nécessaires, la dose évitée, les ruptures sociales et
humaines, et des facteurs psycho-sociologiques et politiques qui peuvent jouer sur l'anxiété ou le
sentiment de bien-être de la population.
Les niveaux d'intervention pour les relogements temporaires et définitif, tels que
recommandés par l'AIEA, sont indiqués dans le tableau 72.2. Il faut souligner que ces niveaux se
réfèrent en premier lieu à (1) la dose évitable en un mois, et (2) la dose individuelle moyenne pour
laquelle on envisage le relogement, c'est-à-dire la dose moyenne réaliste pour un individu qui a des
habitudes de vie considérées comme normales, en tenant compte des facteurs de réduction de dose
dus au temps passé à l'intérieur des habitations. Les deux valeurs indiquées pour le relogement
temporaire ont la signification suivante: la première signifie que le relogement temporaire est initié
dès que la dose moyenne, qui peut être évitée le premier mois, atteint ou dépasse 30 mSv; le retour
vers l'habitat normal est envisagé dès que la dose moyenne, qui peut être évitée par le maintien du
relogement, est inférieure à 10 mSv dans le mois suivant, dans la mesure où un relogement définitif
n'est pas indiqué (à cause de la durée).
476
TABLEAU 72.2. NIVEAUX D'INTERVENTION GENERIQUES RECOMMANDES PAR
L'AIEA POUR LE RELOGEMENT.
Les interventions ayant pour objet de contrôler les produits alimentaires afin de réduire la
dose reçue par les consommateurs ne revêtent pas, en général, un caractère d'urgence, bien qu'elles
doivent en général être introduites en temps utile. Il convient de décider à quel stade de la
production et/ou de la distribution il est opportun d'agir. Le traitement peut s'appliquer aux
plantations ou aux sols; la substitution de nourriture animalière propre ainsi que des traitements
spécifiques appliqués aux animaux peuvent réduire notablement les niveaux de contamination. Le
traitement des aliments avant leur vente peut aussi permettre de ramener la contamination à des
niveaux acceptables. Enfin, l'interdiction totale de vente, certainement très coûteuse, coupe
totalement la chaîne de contamination.
Les principes de base qui ont régi la définition des niveaux d'intervention pour les produits
alimentaires ont été d'ordre pratique:
Les mesures concernant l'alimentation ne sont pas, en général, considérées comme urgentes,
par opposition au confinement et à l'évacuation par exemple, puisqu'on dispose toujours d'un délai
qui correspond au transfert des radionucléi-des dans la chaîne alimentaire. Par exemple, le lait ne
477
devient contaminé de façon significative par le césium 137 qu'un jour après son dépôt initial sur les
pâturages. Cependant, il existe des contre-mesures agricoles qui doivent être initiées rapidement
pour ne pas perdre de leur efficacité, comme par exemple la suppression des ventilations de serres
lors du passage du nuage radioactif.
De plus, il est nécessaire de délimiter assez rapidement les zones dans lesquelles les mesures
ou restrictions s'appliquent, car il est hors de question de contrôler chaque produit alimentaire avant
sa consommation (ou sa transformation). Cette cartographie se fait par échantillonnage, sur la base
de données statistiques et de réalisme. Il faut éviter d'introduire, pour des motifs de sécurité
extrême, des facteurs pessimistes, qui auraient pour effet d'écarter de grandes quantités de
nourriture dont les niveaux de contamination seraient très inférieurs aux niveaux d'intervention.
En fonction de ces arguments et principes de base, l'AIEA considère que, même en prenant
en compte les diverses considérations nationales, les niveaux génériques ne devraient pas différer de
plus d'un facteur 2 [6]. De ce fait, les avantages d'adopter des valeurs internationales dépassent les
désavantages d'avoir des valeurs nationales légèrement plus élevées. C'est pourquoi, dans un but de
simplification, l'AIEA recommande les niveaux d'intervention indiqués par l'Organisation des
Nations Unies compétente, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), pour le
commerce international, dans le codex alimentarius [13]. Des groupes simples de radionucléides ont
été sélectionnés, en raison de leur existence possible dans les divers rejets accidentels envisageables
et des problèmes particuliers qu'ils peuvent poser. Ce sont les strontium 89 et 90, les
ruthénium 103 et 106, l'iode 131, les césium 134 et 137, les plutonium 238 et 239, et
l'américium 241. Le groupement de ces isotopes a été effectué suivant les risques associés. Les
valeurs apparaissent dans le tableau 72.3.
La démarche de la CEPR est quelque peu différente [3]. Elle considère que l'intervention sur
les produits alimentaires est "génériquement justifiée" si la dose évitée en un an est égale ou
supérieure à 10 mSv. Le processus d'optimisation réduit normalement ce niveau, d'un ordre de
grandeur au maximum. Ceci correspond, pour les radionucléides avec des facteurs de dose peu
élevés (dose par unité d'activité incorporée), comme la plupart des émetteurs bêta et gamma, à des
niveaux d'intervention dérivés entre 1 et 10 kBq.kg"1. Pour des radionucléides avec des facteurs de
doses élevés, comme les émetteurs alpha, la gamme se situe entre 0,01 et 0,1 kBq.kg"1.
Les niveaux de la CIPR et ceux de l'AIEA sont donc différents. Cette différence s'explique
par les buts poursuivis qui ne sont pas exactement superposables. La CIPR laisse une certaine
latitude aux décideurs pour optimiser les valeurs; ce sont de réels niveaux d'intervention, tels que
récemment définis. Le codex alimentarius, dont l'AIEA a repris les valeurs, a défini des niveaux de
non-intervention, le but étant d'éviter toute restriction au commerce international. Il est en effet
illogique d'introduire des restrictions locales sur des produits alimentaires qui sont acceptés pour le
commerce international.
478
TABLEAU 72.3. NIVEAUX D'INTERVENTION GENERIQUES POUR LES PRODUITS
ALIMENTAIRES RECOMMANDES PAR L'AIEA.
131j 0,1
^Sr 0,1
238 239
' Pu, 241
Am 0,01 0,001
(1) ces niveaux s'appliquent Han* la mesure où d'autres sources de nourriture sont disponibles; en cas
contraire, des niveaux plus élevés sont envisageables. Ils concernent la nourriture préparée pour sa
consommation, et seraient trop restrictifs si appliqués aux produits secs ou concentrés, appelés à être
dilués ou reconstitués.
2
( )pour des raisons pratiques, le critère de distinction en groupes s'applique de façon indépendante à la
somme des activités des radionucléides de chaque groupe.
BIBLIOGRAPHIE
[5] INTERNATIONAL ATOMIC ENERGY AGENCY. Revised guidance on the principle for
establishing intervention levels for the protection of the public in the event of a nuclear
accident or radiological emergency. TECDOC-473, IAEA, Vienne (1988).
[7] NUCLEAR ENERGY AGENCY. Nuclear accidents: intervention levels for protection of the
public. NEA/OECD, Paris (1989).
479
[8] WORLD HEALTH ORGANIZATION. Nuclear power: Accidental releases- Practical
guidance for public health action. WHO Regional Publications, European Series n° 21,
Copenhagen,(1987).
[10] WORD HEALTH ORGANIZATION. Derived intervention levels for radionuclides in food,
WHO, Genève, (1988).
480
CHAPITRE 73. LES PHASES DUNE SITUATION DE CRISE
G. Pescayre
Pour pouvoir établir les principes de protection radiologique et les niveaux d'intervention à
appliquer dans les cas d'urgence, il est commode de distinguer trois phases, dont on convient
généralement qu'elles sont communes à toutes les séquences accidentelles; à chaque phase
interviendront des considérations différentes pour la prise de décisions concernant l'action à
entreprendre. On emploie pour les désigner, les termes de:
- phase initiale;
- phase intermédiaire;
- phase terminale.
On trouve aussi dans la littérature, mais avec découpage temporel légèrement différent:
- phase réflexe;
- phase réfléchie, ou phase d'analyse de la situation;
- phase restauration.
Dans la phase réflexe sont intégrées toutes les opérations de sauvegardes immédiates (secours
aux blessés, extinction des incendies, délimitation et balisage de la zone contaminée, diagnostic
provisoire de la situation permettant le déclenchement éventuel des moyens spécialisés extérieurs,
etc.).
La phase initiale c'est aussi la période pendant laquelle existe la menace d'un rejet important.
Elle commence dès le moment où la potentialité d'une radioexposition à l'extérieur du site est
reconnue et s'étend jusqu'aux premières heures qui suivent le début d'un rejet si celui-ci se produit.
La phase intermédiaire part des premières heures après l'incident ou l'accident et peut durer
plusieurs jours. Au début de cette phase, les mesures de sauvegarde des personnes et des biens ont
été prises, l'essentiel du rejet se sera produit.
A l'aide de ces données, des projections de la dose pourront être faites pour les principales
voies d'exposition; les doses prévues pourront ensuite être comparées aux niveaux d'intervention
481
préétablis et l'on disposera d'une base pour la prise de décisions ultérieures en particulier pour ce
qui concerne la stratégie de restauration.
C'est aussi pendant cette phase que l'installation sera remise dans un état sûr.
La phase terminale est aussi appelée phase de retour à la normale; elle peut durer de quelques
semaines à plusieurs années après l'accident, selon la nature et l'importance des actions de
restauration à l'intérieur ou à l'extérieur du site.
La levée des mesures de protection dans la phase terminale sera décidée en prenant en
compte le risque sanitaire et le risque social de toute contamination qui subsisterait après
assainissement.
Les tâches sont réparties entre différents centres d'actions opérationnels dont les missions
sont définies de façon précise pour éviter toute improvisation dans l'action ainsi que toute lacune
d'organisation. L'ensemble de ces centres est placé sous l'autorité d'un centre de décision auquel
peut être adjoint une équipe de réflexion.
Quelle que soit l'importance de l'installation et du site, on n'échappera pas à cette structure
de base avec:
482
Les gestes réflexes sur le lieu même de l'accident seront:
La mise en oeuvre d'un plan d'intervention exigera une mise en place de moyens dont la
coordination pourra être confiée à une structure rattachée au PC Direction. Cette structure appelée
PC de coordination des moyens aura pour mission les tâches suivantes:
- appui logistique des autres PC en fournissant en renfort des moyens humains et matériels;
- délimitation des zones d'exclusion du site et réglementation de la circulation;
- mise en place éventuelle d'un pc avancé proche de l'installation ou en limite de zone contaminée
sur le site en vue de gérer les entrées et sorties des personnels et matériels, de réaliser tous les
contrôles radiologiques correspondants, d'installer un poste de décontamination rapide;
- gestion et coordination de tous les moyens de transmission du site;
- contrôle du regroupement du personnel et organisation éventuelle de son évacuation;
- demande d'assistance à des organismes extérieurs;
- organisation des interventions particulières rendues nécessaires par la situation (secours,
dépannages, réparations, etc.);
- organisation des transports et assistance du personnel intervenant.
- suivi en temps réel des rejets (diagnostic) effectué à l'extérieur de l'installation et évaluation des
conséquences radiologiques dans l'environnement;
- evaluation prévisionnelle des rejets (pronostic) et de leurs conséquences radiologiques sur
l'environnement;
- réalisation des mesures de radioactivité sur le site et à l'extérieur du site;
- réalisation de diverses analyses dans les laboratoires du site ou avec le soutien de laboratoires
extérieurs.
483
Gestes réflexes de l'équipe surveillance de l'environnement:
L'exposition externe due au passage du nuage pourra être relevée sur les balises de site (si
elles existent et si la longueur du panache les recouvre). L'exposition externe pourra être
déterminée par la dosimétrie passive mise en place.
L'exposition interne par inhalation sera évaluée par les mesures d'activité prélevées sur filtres
fixes (filtres papier au charbon actif).
- les mesures pratiquées aux abords du site seront comparées aux résultats des codes de calcul; par
ce biais, il est possible de confirmer ou de modifier les évaluations prévisionnelles;
- faire effectuer les analyses sur les effluents liquides rejetés;
- rédiger périodiquement une synthèse de la situation radiologique de l'environnement au profit du
PC Direction;
- préparer un plan de surveillance de l'environnement adapté pour les jours et semaines à venir.
Lorsque se produit un accident, il peut y avoir lieu d'appliquer des mesures de protection
pour limiter les radioexpositions des personnes du public. L'application de ces mesures de
protection peut comporter un coût social et un risque pour les personnes concernées. C'est pourquoi
une mesure ne devrait être décidée que dans le cas où le risque dû à la poursuite de l'exposition
serait plus grand que le détriment pour la santé et la vie sociale qui résultera de la mesure de
protection elle-même.
Le confinement consiste pour la population à rester chez elle, portes et fenêtres closes,
ventilation débranchée, pour se protéger contre l'exposition à un nuage radioactif. L'efficacité du
confinement dépend à la fois de la protection contre le rayonnement et de l'étanchéité à l'air
offertes par le bâtiment. Certains habitations ou certains bâtiments commerciaux peuvent réduire la
dose externe potentielle d'un ordre de grandeur et d'un facteur égal ou supérieur pour l'inhalation
pendant une heure ou deux. Dans les bâtiments ouverts ou les constructions légères, les facteurs de
protection seraient très réduits. Aucun niveau déterminé de protection ne peut donc être admis pour
484
le confinement alors que l'évacuation, si elle est réalisée avant l'arrivée du nuage, peut avoir une
efficacité totale.
Administration d'iode stable: L'administration d'iode stable pour bloquer la fixation d'iode
radioactif par la thyroïde est la seule intervention applicable en pratique pour la protection contre
l'irradiation interne due à l'incorporation de radionucléides.
Après une incorporation d'iode 131, la radioactivité dans la thyroïde atteint 50% du
maximum en 6 heures environ et le maximum en un ou deux jours. Par conséquent, pour obtenir
une réduction maximale de la dose, l'iode stable devrait de préférence être administré avant
l'incorporation d'iode radioactif ou sinon dès que possible après l'incorporation. Si l'iode stable a
été administré par voie orale dans les six heures précédant l'incorporation d'iode radioactif, la
protection offerte est presque de 100%. Elle est d'environ 90% si l'iode est administré au moment
de l'inhalation. Son efficacité est réduite à 50% s'il est administré environ six heures après
l'inhalation.
L'évacuation est surtout praticable dans la phase initiale pour les groupes restreints proches
du site et peut donner une protection complète contre le nuage radioactif si l'on est prévenu
suffisamment à temps avant le rejet. Elle exige une bonne organisation.
Les mesures de protection à l'extérieur du site seront prises par les pouvoirs publics en
liaison directe avec l'exploitant nucléaire. Les décisions de contre-mesures seront prises sur le bilan
entre risques évités et les inconvénients.
Cette contre-mesure sera prise par les pouvoirs publics après confirmation des dépôts de
produits radioactifs et en ce sens, elle est plus une mesure de phase réfléchie ou phase
intermédiaire.
73.3.2. Organisation des PC avancés et des postes d'entrée et sortie des zones contaminées
A l'intérieur du site, tous les PC constitués resteront activés jusqu'à ce que la situation soit
parfaitement maîtrisée. La zone sinistrée sera isolée, protégée et particulièrement surveillée. Une
nouvelle organisation des accès et sorties sera mise en place en y associant les contrôles
correspondants.
Si des PC avancés sont créés à l'intérieur du site, ils seront renforcés et complétés.
A l'extérieur du site, compte tenu des délais nécessaires d'acheminement des moyens, les PC
avancés ne seront probablement créés qu'au début de cette phase.
485
Le poste de commandement avancé gérera l'activité des moyens mobiles. Il sera en liaison
avec l'autorité locale chargée de la direction et de la gestion de crise, qui, en fonction des
informations en sa possession (économiques, techniques, sanitaires, etc.) fixera les priorités.
- des zones habitées proches, principalement là où les contre-mesures vis-à-vis des populations
auront été prises (confinement en particulier);
- de certains points sensibles tels que captage d'eau pour la consommation susceptible d'être
contaminé ou points ayant une importance économique;
- axes de circulation essentiels;
- zones limitrophes aux zones contaminées ou lointaines;
- produits alimentaires dans les zones douteuses limitrophes, peu éloignées ou lointaines.
Il sera composé:
Les PC étant installés, la caractérisation des zones contaminées dans l'installation, sur le site
ou à l'extérieur du site, sera une action prioritaire.
Elle devra être entreprise avec les moyens de mesures les plus adaptés tant sur le plan
rapidité, efficacité que protection du personnel.
- zones habitées proches: cartographie par moyen héliporté en conjonction avec la spectrométrie
gamma sur véhicule. Quelques mesures de contamination atmosphérique pouvant être réalisées
par des unités mobiles standards. Il est inutile d'envoyer ces derniers en nombre important dans
la zone contaminée, ce qui risquerait de les rendre inopérantes par la suite à cause de la
contamination de leur matériel.
486
- points sensibles: unités mobiles standards ou unités spéciales de surveillance de l'environnement.
Ces unités réalisent des mesures de débit de dose, des mesures directes d'activités déposées, des
mesures de contamination atmosphérique, des prélèvements d'eau et de végétaux.
- axes de circulation: unités mobiles standards ou unités spéciales de surveillance de
l'environnement avec arrêt de progression et retour dès que la contamination a atteint un seuil
préétabli.
- zones limitrophes et lointaines de la zone contaminée: Cartographies héliportées avec contrôle de
quelques points particuliers (zones habitées) par les unités mobiles.
- produits alimentaires: prélevés sur les unités mobiles selon un protocole déterminé, ils seront
acheminés sur les laboratoires fixes. Un souci particulier sera apporté au nombre d'échantillons
si l'on veut éviter un encombrement rapide des laboratoires.
L'extension des surfaces contaminées doit être limitée au maximum (circulation des humains
ou des animaux, ruissellement, pénétration dans le sol, remise en suspension etc.).
Ces risques seront pris en compte et seront limités par des confinements provisoires (fixation
de la contamination).
Le mode de confinement utilisé doit être parfaitement analysé et qualifié car les décisions
prises peuvent conduire à traiter des volumes de déchets considérables qu'aucun centre de stockage
ne pourrait accepter.
Cette analyse sera faite à partir des bilans des investigations dans les installations et des
caractérisations des zones contaminées, en vue de préparer la phase restauration.
487
Des mesures supplémentaires pourront être prises dans la phase intermédiaire pour le public,
à savoir arrêt de la distribution et de la consommation d'eau et de denrées alimentaires produites ou
stockées localement.
73.4.1. Généralités
Après un incident ou un accident, dans la mesure où les produits radioactifs auront franchi
l'une des 3 barrières de confinement, il y aura nécessité d'entreprendre l'assainissement de
l'installation et la restauration du site.
Ces opérations seront entreprises après que les barrières de protection aient été rétablies.
Les techniques utilisées ne seront pas abordées dans ce texte. On se rapportera aux
documents cités en bibliographie.
Le choix des méthodes de réhabilitation d'un site dépend de multiples facteurs fixés aux
caractéristiques des dépôts, de l'environnement affecté et des techniques qualifiées. Au préalable, il
y a lieu :
- de connaître les caractéristiques physiques et chimiques des radionucléides rejetés ainsi que leur
répartition géographique et leur devenir;
- de connaître l'environnement: orographie, hydrographie de surface et souterraine, nature des
sols, type de couverture végétale, pratiques agricoles et agro-alimentaires;
- de bien choisir les techniques d'intervention (efficacité, adaptabilité, coût d'utilisation, consignes
d'exploitation, etc.). Un bref.aperçu de ces différents traitements est donné ci-après.
Pour la partie aérienne des productions non arbustives au premier stade de la croissance,
l'enlèvement sans délai permet de retirer jusqu'à 90% du dépôt. La survenue de pluie ou la pratique
de l'irrigation par aspersion après contamination diminue l'efficacité de l'enlèvement.
Ces méthodes d'enlèvement ont l'avantage de faire appel à des pratiques agricoles courantes
et à du matériel a priori disponible sur place. Leur inconvénient est qu'elles peuvent s'accompagner
de libération de poussières, d'autant plus que le terrain sera sec et la récolte à maturité. La
protection du personnel peut être améliorée en utilisant des engins à cabine ventilée et avec
néanmoins des vêlements et masques protecteurs.
488
Pour tout ce qui concerne la végétation haute, on peut citer:
- l'arrachage de la végétation (arbres, arbustes, bosquets). Il existe aux Etats-Unis en particulier,
des engins spécialisés pour la destruction des couvertures forestières;
- la défoliation. Une partie importante de la contamination pourra être enlevée en ramassant les
feuilles tombées sur le sol;
- la pulvérisation d'eau, par voie aérienne, de manière à entraîner la contamination sur le sol.
Cette technique est difficilement applicable si la surface à traiter se trouve à proximité d'une
nappe phréatique.
Dans des cas particuliers de contamination ancienne ou de pénétration profonde, on peut être
amené à enlever jusqu'à 1 m de sol. Il faut alors utiliser des bulldozers ou scrapers. Cette méthode
est à réserver à des cas exceptionnels.
Aspirations et brossage
Sur terrains durs et plats où il n'y a pas eu d'infiltration, l'aspiration des poussières conduit à
une efficacité de 85 à 99%. L'efficacité d'une aspiro-balayeuse est de 50% après deux passages sur
une prairie naturelle à un stage végétatif peu avancé ou récemment fauchée. Cette méthode à
l'avantage de ne générer que de faibles quantités de déchets.
Les matériaux à base de calcium (chaux, gypse) et de potassium apportent des cations en
compétition respectivement avec le strontium et le césium, ce qui permet de réduire leur transfert.
Les phosphates solubles ajoutés en grande quantité précipitent le strontium de telle sorte qu'il n'est
plus disponible pour les plantes.
489
Utilisation de 3 stabilisants des sols
On répand une épaisseur de 5 cm de mousse (1,6 kg.m"2). On peut traiter de 0,5 à 2 m2 par
minute. Le revêtement ainsi formé a une bonne tenue dans le temps mais son coût est élevé. Ce
procédé permet d'enlever la couche de polyuréthane qui aura piégé les radionucléides.
La réorientation des productions peut être envisagée dans le cas de sols faiblement
contaminés ou insuffisamment décontaminés.
Ces techniques peuvent être intéressantes dans la mesure où elles diminuent ou suppriment les
transferts par la chaîne alimentaire:
Le principe de leur action est la diminution de l'absorption intestinale des radionucléides chez
les animaux traités:
- l'addition d'argile dans la ration des brebis diminue l'absorption du césium d'un facteur
supérieur à 10. La bentonite dans la ration des boeufs a le même effet;
- l'ingestion de 200 à 300 g de calcium par jour par une vache laitière (au lieu de la ration
normale de 80 g.j"1) conduit à une diminution d'un facteur 2 ou 3 du strontium dans le lait.
II faudra procéder, au démarrage du chantier, à une estimation des quantités de déchets qui
seront produites au cours des travaux de restauration.
L'estimation se basera:
490
- solides incompressibles (ferrailles, sol, matériaux de construction);
- solides compressibles (végétation, matériaux légers, tenues de protection);
- liquides (eaux contaminées par l'accident, effluents de décontamination);
- déchets d'animaux.
- les déchets solides seront placés dans une fosse bétonnée ou recouverte d'une toile imperméable
en n'oubliant pas de créer des canalisations de rejet des eaux de pluie;
- les déchets liquides seront placés dans des citernes ou des bâches. Localement, ces effluents
peuvent faire l'objet de traitements tels que:
- décantation,
- filtration,
- précipitation,
- passage sur résine.
La réduction du volume des déchets solides doit être un souci majeur avant l'envoi vers un
Centre de stockage.
Par ailleurs, une unité d'évaluation de l'activité massique des déchets sera nécessaire pour
respecter les conditions d'acceptation des Centres de stockage des déchets radioactifs.
Après les actions de restauration, les principales questions se posant au décideur seront de
savoir si et quand la vie normale pourra recommencer dans les secteurs où des mesures de
protection ont été appliquées. Il est possible que de nouvelles mesures de protection à grande
échelle telles qu'une décontamination des sols soient encore nécessaires; ou bien il faudra peut être
décider d'interdire des zones et de réinstaller la population.
Les facteurs qui interviendront dans la décision d'autoriser le retour à la vie normale sont très
variables. On peut en citer quelques uns:
Face aux risques technologiques, les pouvoirs publics interviennent à différents niveaux:
- préalablement, au niveau de la prévention, qui doit permettre par une réglementation et des
mesures appropriées, d'éviter que le risque ne se réalise ou, tout au moins, d'en réduire les
conséquences;
- a posteriori, après l'accident, par une organisation des secours permettant de réagir aux
conséquences d'un accident tant au niveau des personnes que des biens.
Mais faire face à une situation de crise ne peut se réduire à improviser des secours le moment
venu. Une fonction importante consiste à partir de l'évaluation des risques prévisibles, à préparer à
l'avance et de façon concertée une organisation de secours rationnelle et adaptée à chaque type
d'accident. Cette organisation fait l'objet de différents plans d'intervention qui sont liés au lieu et à
l'extension de l'accident et qui visent à gérer les différentes phases de l'accident.
491
Ces plans sont relatifs aux événements dont les conséquences sont limitées:
- à l'installation: l'organisation des secours et des moyens d'intervention sont prévus dans les
rapports de sûreté de l'installation;
- au site de l'exploitant nucléaire: c'est un plan d'urgence interne qui sera appliqué et qui met en
oeuvre une organisation d'établissement,
Enfin et quels que soient le lieu et l'importance de l'accident et après que la situation ait été
stabilisée, il sera nécessaire d'organiser l'assainissement des installations et des zones contaminées
afin de les rendre à l'utilisation prévue avant l'accident, les différentes actions font l'objet des plans
de restauration appelés aussi plans post-accidentels.
BIBLIOGRAPHIE
492
CHAPITRE 74. LES EXERCICES ET LEURS ENSEIGNEMENTS
J. Penneroux.
De nombreux exercices sont réalisés par les exploitants (Centres d'études nucléaires, usines,
réacteurs de puissance) et les pouvoirs publics concernés, il s'agit d'entraîner les personnes
spécialisées ainsi que de tester les procédures et les organisations:
On dispose ainsi d'un ensemble conséquent d'observations qui révèlent les points forts et les
points faibles de l'organisation et donc les améliorations qu'il est nécessaire d'apporter aux
dispositions locales ou nationales.
Pour les installations et leurs sites la gestion des urgences concerne des personnels spécialisés
en nombre limité.
Au-delà des limites des sites nucléaires, la protection des populations et la gestion de la vie
socio-économique, éventuellement touchée par l'événement, concernent des organisations et des
personnes très nombreuses et souvent peu averties des domaines touchant à la radioactivité.
L'initiative des entraînements est laissée aux préfets de département. La plupart concentrent
leurs efforts sur l'entraînement d'un état major restreint et des services locaux spécialisés dans
l'urgence qui sont appelés à faire face aux premières heures de la menace. Les gestes à accomplir
comprennent le déclenchement des plans d'urgence, les liaisons avec les centres de décision ou de
conseil officiel et l'armement de postes de commandement territoriaux. Quelques préfets étendent
les exercices aux élus locaux, aux professions et aux habitants et organisent des mouvements sur le
terrain: bouclage de routes, circulation de voitures haut-parleurs, création de centre de tri pour les
personnes susceptibles d'avoir été exposées ou d'être contaminées.
Des réflexions et des formations, menées notamment par la Sécurité civile, et des exercices
concernant des acteurs locaux concourent à adapter au nucléaire les dispositions arrêtées pour faire
face aux risques naturels et technologiques dits classiques.
Ce chapitre présente quelques exercices d'intérêt général qui ont été réalisés dans cette
optique.
493
74.3. LES ENSEIGNEMENTS TIRES DE QUELQUES EXERCICES SIGNIFICATIFS
Cet exercice a été effectué les 14 et 15 mai 1990 sur la centrale nucléaire de Belleville-sur-
Loire. Il a concerné le site, la préfecture du Cher à Bourges, les échelons centraux d'Electricité de
France, la météorologie nationale, les Ministères de l'industrie, la santé, l'agriculture, l'économie,
la défense, l'intérieur et des affaires étrangères, le Commissariat à l'énergie atomique et l'Institut de
protection et de sûreté nucléaire.
17 journalistes professionnels ont assuré une production écrite, radio et TV en temps réel.
30 représentants des élus, des agents économiques locaux et de la population ont été associés
à l'opération, en tenant le rôle qui serait le leur en cas d'accident réel.
L'exercice, limité à un échange de messages entre 40 postes de travail, s'est déroulé en deux
temps avec des scénarios indépendants portant le premier jour sur un accident de refroidissement
sur la centrale (maîtrisé en fin de journée) et le deuxième jour sur une contamination importante de
zones agricoles avoisinantes sur 200 kilomètres.
L'évaluation a montré qu'Electricité de France était prête à faire face à la gestion technique
et médiatique d'une situation accidentelle affectant une centrale et que globalement, le dispositif
national pour traiter les urgences au niveau des installations et des sites était arrivé à maturité.
Les principaux acteurs institutionnels de l'exercice ont été invités à une réflexion sur le
dispositif national de crise, réflexion qui a abouti à la signature le 1 er juillet 1991 par le Premier
Ministre d'une Directive. Ce document donne des instructions et des recommandations sur la
gestion des données socio-économiques, la formation et l'entraînement du service public et la
gestion médiatique au niveau des préfectures. Il demande que les agents socio-économiques et, dans
une certaine mesure les habitants eux-mêmes, soient associés au dispositif national d'urgence
nucléaire.
494
- Le sous-préfet d'Aix en Provence, assisté du Service interministériel régional des affaires
économiques de défense et de protection civile des Bouches du Rhône, a présidé un PC Fixe de
préfecture organisé à cet effet. Les producteurs agricoles et les éleveurs concernés ont été avertis
de l'opération, lui ont fait bon accueil et y ont participé.
La préparation a associé les responsables des postes de travail qui ont planifié leur
intervention et choisi leurs moyens d'action. Chacun a défini son rôle. L'exercice a consisté à faire
travailler ensemble des personnes motivées, averties et convenablement équipées.
Beaucoup a été appris sur les gestes techniques à faire, la répartition des missions, la
circulation des données et le suivi médical des intervenants. Des rapports techniques ont été rédigés
sur les matériels et les procédures. D'une manière générale un pas en avant concret a été fait pour
relier les plans d'urgence nucléaire aux plans de défense de l'agriculture et aux pratiques des
professionnels sur le terrain.
La scène s'est passée à Saint Pétersbourg la semaine du 21 au 25 juin 1993. 80 personnes ont
été rassemblées pour un exercice de prise de décision concernant la protection des populations et la
gestion de territoires contaminés étendus. A la demande du Comité d'Etat Tchernobyl, l'Institut de
sécurité nucléaire de l'Académie des sciences de Moscou et l'Institut de protection et de sûreté
nucléaire ont préparé le jeu de rôle et l'ont dirigé.
Les russes ont simulé la contamination en rassemblant des données réelles sur les
conséquences de l'accident de Tchernobyl au sud de Briansk. Une transposition a été faite à la
région de Kalouga pour éviter une mise en cause directe des décisions prises ces dernières années
par l'administration elle-même. Le scénario était directement inspiré des faits et gestes des pouvoirs
publics locaux et des populations affectées lors de l'accident de Tchernobyl.
Forts de leur pratique des exercices, les français ont défini le style de l'opération et ses règles
du jeu. Les participants ont été répartis en cellules: scénaristes, administration de Kalouga, experts
russes et français, journalistes russes et français sous contrat, représentants de la population de
Kalouga, observateurs des pouvoirs publics centraux russes et rapporteurs. Une liaison par satellite
a associé des experts français réunis au Centre technique de crise de Fontenay-aux-Roses (92).
Le Comité d'Etat a fait des observations utiles sur les processus de décision et l'articulation
entre les décideurs, les experts, les médias et les populations. Il a apprécié les discussions
techniques, notamment celles touchant les critères adoptés par les russes pour décider de la vie dans
les territoires contaminés. La pertinence des banques de données russes et leur maniement
informatique par leurs experts méritent de faire école.
Les experts français se sont comportés honorablement grâce à leur culture générale et à leur
expérience clinique ou de laboratoire. Par contre manier des grandes quantités de données
passablement inhomogènes correspondant à un sinistre réel était pour eux une première. Ils ont
beaucoup appris et à leur retour ont mis en chantier des outils informatiques susceptibles de faire
face à ces situations.
En France comme dans tous les pays ayant développé une industrie nucléaire, les
responsables de l'organisation destinée à faire face aux urgences se trouvent devant des
problématiques différentes suivant qu'ils considèrent l'installation et son site, les populations et la
vie socio-économique au-delà du site, ou le passage du "site" au "hors site":
495
pour les sites une organisation à la fois locale et nationale a été mise en place et est testée
régulièrement. Les organismes impliqués sont bien identifiés et s'entraînent. Il s'agit de faire
fonctionner ce dispositif et de l'améliorer grâce aux leçons apprises et à la progression des
connaissances et des techniques;
la liaison entre le "site" et le "hors site" est actuellement couverte par les plans d'urgence. Ces
plans sont essentiellement conçus pour la protection sanitaire des populations et couvrent la
phase de menace et les premières heures, voire les premiers jours après l'accident. Un gros
effort a été consenti pour l'élaboration de cette planification. De plus en plus fréquemment des
exercices entraînent les états- majors et les services de l'urgence. La doctrine est
raisonnablement mûre au plan technique. Elle est encore hésitante au niveau médiatique. De
toute façon il faut parfaire la qualification des pratiques;
au-delà des sites tous les acteurs de la vie sociale et économique peuvent être concernés et poser
des questions dès la phase de menace. Il s'agit de repérer les gestes professionnels techniques et
médiatiques clefs qu'il sera nécessaire de faire, d'identifier les administrations et les professions
les plus aptes à les accomplir et de former et d'entraîner les personnels correspondants. Cette
démarche concerne les experts, les professions et les pouvoirs publics. Elle concerne aussi les
chercheurs en crisologie. Elle est largement commencée. Sans doute faut-il aujourd'hui mettre
l'accent au niveau départemental et régional. Chaque territoire présente des problèmes
spécifiques, bénéficie de ressources différentes et réagit de façon propre. Une fois les principaux
acteurs avertis il convient de les mettre en situation par des exercices pour les accoutumer à
travailler ensemble. Il faut garder à l'esprit que chaque cas réel verra se mettre en place une
organisation spécifique suivant la perturbation socio-économique, médiatique et politique créée
par l'événement;
les spécialistes de la sûreté appellent "défense en profondeur" l'ensemble des dispositions à
prendre depuis l'installation jusqu'au public pour éviter les accidents ou limiter leurs
conséquences. La dernière ligne de défense réside dans le comportement de chaque citoyen,
personnellement affecté ou à l'écoute des informations. Nul doute que le citoyen saura garder
son calme en cas d'urgence s'il voit, autour de lui, les élus, les administrations et les professions
aborder la situation avec compétence et sang froid.
496
CHAPITRE 75. LES RELATIONS AVEC LES MEDIAS EN CAS DE CRISE
M. Villeneuve, D. Marty
Le Monde est en crise, les entreprises connaissent des crises, l'opinion publique vit des
crises. Pourquoi une crise se déclenche-t-elle ? Comment se déroule-t-elle ? Quels en sont les
acteurs ? Comment la gérer, ou mieux comment la prévenir ?
75.1. LA CRISE
Elle est la résultante d'un événement et de l'instabilité du contexte dans lequel il s'inscrit. Un
événement dans une entreprise ne dégénérera pas en crise si son environnement extérieur et interne
est stabilisé.
Un organisme travaillant dans le domaine nucléaire est vulnérable pour trois raisons
essentielles:
- le développement des techniques et leur complexité entraînant une multiplication des risques
technologiques;
- les acteurs du nucléaire, chercheurs, industriels, associations environnementales sont au coeur
de l'actualité, donc de la médiatisation;
- l'opinion publique n'accorde plus une confiance aveugle aux scientifiques. Elle met en doute les
bienfaits du progrès technique voire même scientifique.
La sensibilité de l'opinion aux risques technologiques, surtout depuis les marées noires et
Tchernobyl, donne à tout incident une importance davantage liée à sa médiatisation qu'à son
ampleur et ses conséquences.
497
propagation de la crise (rumeurs, interprétations, interventions intempestives etc.) et la diffusion de
l'information. Il se doit de répondre à cette difficulté:
- en s'efforçant d'établir un climat de confiance avec les autorités locales, associations locales et
médias qui permettent à ceux-ci d'adopter une position d'attente comprehensive;
- en étant prêt à toute éventualité par l'existence d'une structure de crise, de procédures
d'intervention et surtout, d'un archivage immédiatement accessible des dossiers sensibles sur les
sites et les installations;
- en suivant en permanence les "capteurs" d'information que sont la presse locale, (y compris les
journaux municipaux), les élus locaux et la vie associative locale.
- les journalistes auront connaissance de l'événement, quelles que soient les tentations éventuelles
de le dissimuler;
- l'absence ou l'insuffisance de l'information de la part de l'entreprise sera comblée par d'autres
acteurs ou subjectifs (y compris des acteurs internes à l'entreprise).
Il faudra donc répondre de tout, à tous. Le journaliste est talonné par l'urgence et la
compétition. En être conscient implique d'éviter de provoquer des tensions avec eux.
Comment ?
- sont concurrents;
- ont des obligations de rapidité;
- privilégient le scoop ou l'inhabituel;
- rebondissent les uns sur les autres;
- ne recoupent pas toujours leurs informations;
- ont une déontologie essentiellement autorégulée par leur "corporation".
- les agences: elles traitent l'information. Leur temps est précieux et elles ont besoin
d'informations précises, dénuées de commentaires;
- les radios: Elles traitent l'actualité. Elles veulent des témoins ou des spécialistes. Ne pas oublier
que le journaliste retiendra au plus quelques minutes des propos de son interlocuteur; ce dernier
doit donc passer ses messages au début de manière simple et concise;
- les télévisions: elles traitent l'événement. Le journaliste a besoin d'un personnage marquant et
d'images.
Que ce soit pour la radios ou la télévision, les journalistes n'attendent pas une
dissertation avec introduction, développement et conclusion. D faut d'abord passer ses
conclusions, ce sont elles qui contiennent les messages.
498
- la presse quotidienne fait la synthèse de l'actualité;
- la presse quotidienne régionale fait la même chose mais de proximité;
- la presse hebdomadaire analyse l'événement;
- les radios donnent les premières grandes actualités aux journaux de 7 h;
- le Monde boucle à 10 h;
- les télés ont leurs journaux principaux à 13 h et 20 h;
- les quotidiens du matin bouclent à 22 h.
75.5. CONCLUSIONS
La qualité des relations avec les médias en cas de crise dépend, pour une large part, du
climat de confiance que l'entreprise industrielle ou l'organisation a su établir avec eux, hors de
toute période de crise.
Ce climat de confiance peut être créé par une politique de communication active tant auprès
du personnel de l'entreprise industrielle ou de l'organisation qu'auprès des différents publics qui
influencent la société: journalistes, élus locaux et nationaux, enseignants, médecins, etc.
Cette politique de communication dépend, à des degrés divers, des contextes politique,
économique, religieux, médiatique, etc., de la société dans laquelle baigne l'entreprise industrielle
ou l'organisation, ce qui fait qu'aucune "recette" ne peut être transposée, telle quelle, d'une
entreprise industrielle ou d'une organisation à une autre, d'un pays à un autre.
Néanmoins trois volontés devraient guider l'action de communication d'un acteur manipulant
des substances radioactives et ce, quelle que soit sa nature (entreprise, organisation, hôpitaux, etc.):
- volonté d'informer les différents publics qui composent la société dans laquelle il se trouve, y
compris ses propres employés;
- volonté d'écouter ces différents publics;
- volonté de sensibiliser son public interne à la nécessité d'une communication publique, ouverte,
rapide, apte à démontrer que la sécurité nucléaire est une priorité.
499