Rédacti
Rédacti
Rédacti
Le sujet de l’essai
Le sujet de l’essai est généralement composé
d’une citation,
d’une question,
d’une consigne de rédaction.
Exemple :
Une citation (facultative) : « Aussi vaine que les nuages, aussi nécessaire que le pain, la poésie n’est
plus forcément une maîtresse d’illusions. Elle peut être aussi, elle doit être surtout la réalité profonde
prise aux mots, une vérité qui se fait chant. »
une question : Trouvez-vous que ces propos définissent correctement toute ambition poétique ?
une consigne (facultative) : Vous répondrez en vous appuyant sur les textes du corpus et sur d’autres
œuvres que vous connaissez.
Dans l’essai, la problématique a pour fonction première de baliser le terrain, c’est-à-dire d’identifier les concepts
en jeu, de les définir précisément. Dans un deuxième temps, elle va essayer de mettre en valeur les tensions
qui résultent de leur affrontement. Elle va permettre dans un troisième temps un discours intelligent, cultivé et si
possible original qui ne va pas apporter une réponse définitive, mais plutôt déplacer les limites et ouvrir d’autres
champs d’investigation. Pour la dissertation, la problématique permet donc à l’étudiant d’avancer dans la future
réponse à la question probable (question réelle augmentée des connotations techniques ou culturelles) de
manière
prudente, en s’efforçant de limiter le sujet pour ne pas se perdre dans des généralités mal maîtrisées,
habile, en valorisant les acquis techniques et culturels.
La formulation de la problématique
d’une interrogation directe : Dans quelle mesure la poésie doit-elle s’incarner dans la réalité afin de faire
chanter les mots de tous les jours ?
ou d’une interrogative indirecte : Nous nous demanderons dans quelle mesure la poésie doit s’incarner
dans la réalité afin de faire chanter les mots de tous les jours.
L’auteur, le locuteur…
réussit (à), évoque, cherche (à), s’efforce (de), se contente de, souligne, fait ressortir, insiste (sur), s’appuie
(sur), fait allusion (à), dénonce, justifie, étaye, avance, développe, décrit, introduit, suggère, se propose de,
commente, analyse, explique, décrit, adopte (tel fait textuel), procède par, s'emploie à, renvoie à, qualifie,
précise…
Le personnage…
séduit, éprouve, rencontre, ressent, perçoit (comme), confronte, traduit, est sensible à, réalise, procure,
émerveille, se caractérise comme, fascine, apprécie, apporte, considère, (s’)enthousiasme, (s’)imagine,
impressionne, soupçonne, découvre, souffre (de), apparaît (comme), soulève, néglige, suscite, déplore, incarne,
représente, constitue un exemple de, se pose en modèle de, est caractéristique de, est représentatif de…
Le lecteur…
admire, éprouve, s'interroge, ressent, comprend, est ému, partage, découvre, est touché, perçoit, se demande,
s'identifie, se projette, considère que, se demande si, adhère à, ressent, devine, comprend, apprécie, reconnaît,
goûte plus particulièrement,…
L’argumentation
.
Cet objet est essentiel car il conduit à la pratique de la dissertation et dans une certaine mesure à celle du
commentaire composé.
2. Définition
Toutes ces finalités isolées ou combinées donnent naissance à une variété de formes et de tonalités qui rendent
chaque tentative d’argumentation très originale et parfois difficile à discerner.
Ainsi une argumentation peut paraître
lâche ou serrée,
courte ou longue,
formelle ou informelle,
lourde ou subtile,
produite avec une économie de moyens ou au contraire donner l’impression de pilonner,
classique ou novatrice,
un long siège ou un coup d’audace,
simple ou à effets,
sérieuse ou bouffonne,
évidente ou ironique,
directe ou indirecte,
agressive ou complice…
2.2.1 Convaincre
Pour convaincre, celui qui argumente fait appel à la raison, aux facultés d’analyse et de raisonnement, à l’esprit
critique du destinataire pour obtenir son accord après mûre réflexion. Il formule une thèse 2. Il
s’aide d’arguments, c’est-à-dire des éléments de preuve destinés à l’étayer ou à la réfuter.
Ces arguments sont eux-mêmes illustrés par des exemples variés : tirés de l’expérience personnelle, des
lectures, des divers domaines de la connaissance : sciences, histoire, philosophie… Ce peut être des
références à d’autres penseurs ou écrivains (citation), à des anecdotes amusantes ou frappantes (paraboles), à
la sagesse des nations (proverbes) à des valeurs symboliques ou culturelles partagées (zoomorphisme,
mythes)...
Ces arguments sont présentés de manière ordonnée dans le cadre d’un raisonnement3(inductif, déductif,
critique, dialectique, concessif, par analogie, par l’absurde...) sous forme deplan et d’une progression
argumentative (le plus souvent selon la loi d’intérêt : du moins important au plus important 4) où ils sont souvent
reliés entre eux par des connecteurs logiques qui jouent le rôle de balises ou de poteaux indicateurs. Les
connecteurs les plus importants sont ceux qui soulignent la causalité. On peut citer ensuite ceux qui ordonnent
la présentation. On conseille à l’orateur ou à celui qui présente son exposé d’abuser de ces signaux pour capter
l’attention de son auditoire ou du moins pour éviter de la perdre. (Nous en sommes à cette étape, nous venons
de celle-là, nous allons aborder celle-ci). Il s’inscrit dans une stratégie argumentative : développer ou réfuter
une thèse, concéder, débattre. Le schéma argumentatif peut varier : le locuteur peut choisir de défendre sa
propre thèse et de passer sous silence celle de ses adversaires dans une « splendide indifférence » ; il peut
aussi commencer par réfuter la thèse adverse ou, à l’inverse, il peut se montrer conciliant en acceptant
quelques points (mineurs) de la thèse adverse afin de mieux disposer le destinataire à accepter la sienne. Tout
dépend du rapport de forces réel ou supposé.
2.2.2 Délibérer
Délibérer, c’est examiner les différents aspects d’une question, en débattre, y réfléchir afin de prendre une
décision, de choisir une solution. C’est donc se confronter à ses propres objections ou à celles d’autrui, avant de
construire sa propre opinion. Cette nécessaire étape de la réflexion personnelle permet de considérer l’avis
d’autrui et de peser la vérité (ou l’accord au réel) de différentes positions avant de décider.
La délibération est également essentielle au débat public dans une démocratie. Au cours d’un procès avant la
sentence, les jurés sont amenés à délibérer. L’essai, le dialogue ou l’apologue sont des genres littéraires
particulièrement adaptés à l’expression d’une délibération.
2.2.3 Persuader
Quand le discours argumentatif fait appel aux sentiments ou aux émotions du destinataire, il cherche à
persuader.
Il s’agit pour l’émetteur de jouer sur des valeurs et des repères culturels communs.
En effet une argumentation met en jeu, de manière explicite ou implicite, un système de pensée. Le locuteur, s’il
veut toucher son destinataire, doit s’efforcer de comprendre le système de valeurs de ceux auxquels il
s’adresse.
Ainsi la défense d’une thèse s’appuiera sur des principes universels ou du moins en principe partagés par la
majorité : la Vérité, le droit au bonheur, l’équité, la sincérité..., ou sur les valeurs admises par un groupe
social déterminé : l’honneur, le courage, la probité, le travail, le patriotisme… Cette thèse s’appuie également
sur des références culturelles communes qui font naître une complicité propice à l’adhésion : jeux de mots,
traits d’esprit, intertextualité, connotations, détournements, allusions… Le discours va se faire à la
fois expressif et impressif, il va essayer de transmettre des émotions fortes, d’impressionner le destinataire
pour agir sur lui. Le locuteur doit impliquer ses destinataires, leur faire considérer que sa thèse est aussi la leur,
qu’ils partagent les mêmes combats et les mêmes intérêts. II est ainsi amené à utiliser souvent le « tu » ou le
« vous », parfois le « nous » qui crée une communauté d’intérêt. Il les prend à témoin au moyen
d’interrogations oratoires dont il n’attend pas de vraies réponses. Ces questions rhétoriques ou fausses
questions sont simplement destinées à animer le discours et à varier le mode de l’affirmation.
Il doit provoquer un phénomène d’identification à ses vues. L’adhésion recherchée est plus viscérale que
réfléchie. Nous assistons alors à une modalisation forte. Le locuteur s’implique fortement dans son énoncé, il
amplifie ses jugements par le recours à des termes mélioratifs ou péjoratifs, à des adverbes d’intensité, à des
images qui heurtent ou font rêver. Il spécule le plus souvent sur des réactions primaires : joie, peur, tristesse ou
colère…
Pour persuader son lecteur ou son auditoire, le locuteur va jouer sur les émotions fortes de l’indignation ou
de l’enthousiasme. Il peut exciter la pitié pour les victimes, l’indignation devant l’inacceptable, la révolte contre
l’injustice. Ce type de discours recourt fréquemment au registre pathétique.
Certains indices
L’emploi du champ lexical de la douleur, de la plainte. Recours à un vocabulaire partagé avec l’auditoire :
familiarité, jargon,
Les oppositions entre ombre et lumière, civilisation et barbarie, raison et folie…
La présence de figures d’insistance (répétition, anaphore, gradation, pléonasme), de figures d’opposition
(antithèse, oxymore), les alliances (oxymore, hypallage).
Le recours aux exclamations et interrogations qui trahissent l’affectivité débordante ou la volonté
d’animer le propos. Des rythmes souvent binaires (affectifs) ou cumulatifs (extériorisation d’un trop-plein
intérieur).
L’utilisation d’effets syntaxiques : phrases construites selon un rythme fortement marqué, brusques
ruptures rythmiques pour surprendre ou choquer le destinataire, (anacoluthe) phrases s’achevant sur
une chute, c’est-à-dire une conclusion inattendue. Art de la formule aux endroits stratégiques du propos
(parallélisme, antanaclase, chiasme, paronomase…). Utilisation de rythmes ternaires pour créer des
moments oratoires équilibrés après l’expression vive des sentiments. Recours à des formes
incantatoires (anaphores, allitérations, paronomases).
Le goût pour des descriptions vives, capables d’ébranler l’affectivité du public (pleurs, rires).
Cette volonté de persuader à tout prix peut sombrer dans la manipulation : le locuteur cherche à prendre le
contrôle de son auditoire en l’affolant (en jouant sur ses peurs ataviques, sur ses réflexes d’exclusion, de
mobilisation contre l’ennemi commun…) ou au contraire en le flattant, en produisant des promesses
inconsidérées, en caricaturant…
Untel défend telle position. Or Untel n’est pas crédible (pour des raisons liées à ses paroles, à ses actes)
quand il affirme cette position. Donc cette position est fausse.
Les hommes politiques abusent de ce type d’argument, et contribuent ainsi à rabaisser le débat en
confondant les idées et les personnes. Il est en effet vicieux de créer l’amalgame entre la véracité d’une
position et l’intégrité d’une personne. Dans un procès, en revanche, la révélation de contradictions
derrière lesquelles un accusé se réfugie pour refuser sa responsabilité ou affirmer son bon droit, peut se
révéler utile au discernement de la vérité. L’argument ad hominem porte alors sur un éclaircissement
des mobiles et non sur la validité du fond de la chose alléguée. De même tout argument ad
hominem n’est pas toujours une attaque personnelle, quand il se borne à se référer à la situation
particulière d’une personne (droits juridiques, autorité morale…).
L’ironie est une argumentation par l’absurde, qui tente de séduire le lecteur par un appel à son
intelligence. En effet le lecteur doit comprendre qu’il est appelé à prendre ses distances avec la
formulation brute et qu’il doit inverser les affirmations de l’auteur. C’est un jeu subtil, fascinant, mais qui
peut produire l’effet contraire à celui qui est escompté si le lecteur accepte tout au premier degré.
L’ironie est une arme essentielle de la stratégie argumentative parce qu’elle rend le récepteur complice,
qu’elle l’oblige à parcourir la moitié du chemin dans l’adhésion à la thèse. L’opinion se dissimule en effet
derrière une formulation strictement inverse ; aussi le lecteur doit-il être attentif et réagir aux indices qui
la lui indiquent :
o une logique absurde : elle consiste à relier une cause donnée et une conséquence sans rapport
avec elle. L’absurdité marquée de cette relation doit heurter le lecteur. Par exemple,
Montesquieu, dénonçant le racisme primaire s’exprimait ainsi : "[Les nègres] ont le nez si écrasé
qu’il est presque impossible de les plaindre".
o la caricature poussée jusqu’au cynisme : le lecteur est averti par l’énormité du propos ou son
caractère franchement ignoble. Montesquieu : "Le sucre serait trop cher si l’on ne faisait travailler
la plante qui le produit par des esclaves."
o l’antiphrase : c’est le procédé essentiel. Il s’agit ici de juger un phénomène à l’inverse de ce
qu’on attendrait. Devant les gribouillis d’un apprenti écrivain, le critique va encenser le
« caractère admirable » de la production. Comme le compliment est public, forcé par
l’exagération et le ton, il ne laisse aucun doute sur les intentions de celui qui le prononce au point
que le récipiendaire5 en est souvent marqué à vie.
La rhétorique est une véritable « logique des sentiments ». Ses images marquent, séduisent,
s’immiscent dans l’inconscient du destinataire. "Fumer, c’est se consumer un peu plus chaque jour". Les
slogans, les titres accrocheurs, les jeux de mots (allusions, connotations, paronomase…) en sont des
exemples frappants.
par son domaine (histoire, économie, politique, science, pédagogie, art, littérature)
par son contexte (événements historiques, culturels, histoire des idées, intertextualité…)
par son sujet (thèmes principal et secondaires), sa thèse (ses prises de position), ses citations des
thèses d’autrui pour confirmer ou préciser la sienne propre ou pour dénoncer les erreurs des
adversaires…
De ce fait, tout essai est peu ou prou une forme particulière de la discussion avec d’autres esprits absents,
mais rendus présents par la citation et le commentaire. C’est presque toujours un discours délibératif où il
convient
de repérer les positions propres à l’auteur, celles qui l’ont conduit à entreprendre la rédaction de l’œuvre,
en étant attentif aux marques de l’énonciation7 et à la modalisation, aux discours rapportés et aux
diverses formes de citation (citation directe, références, allusion, commentaire…),
d’identifier les concessions aux thèses adverses,
d’examiner le passage au registre polémique quand la critique se fait virulente ou acerbe : ironie,
affirmations plus marquées, attaques, sous-entendus, condamnations, indignation, réprobation…
La forme de l’essai est très libre, c’est pourquoi les auteurs y recourent si souvent. Aujourd’hui hommes
politiques et journalistes y coulent leurs projets, leurs expériences ou leurs jugements. L’essai prend la forme
d’un article étoffé, d’un traité, d’un livre d’histoire, de mémoires, d’une étude, d’une discussion philosophique,
d’une lettre ouverte, d’un pamphlet... Certains sont rédigés au moyen d’un plan rigoureux, thématique,
analytique, logique sur un sujet précis. D’autres présentent des digressions, un parcours imprévisible comme
les Essais de Montaigne.
« C’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l’homme ».
(Essais, I, chapitre 1)
« Je m’égare mais plutôt par licence que par mégarde. »
(Essais, III, chapitre 9)
L’essai se caractérise surtout par un ton personnel : l’essayiste cherche à marquer son lecteur par un style
bien à lui qui rende le propos attrayant et accessible et surtout qui lui permette de se distinguer des
prédécesseurs ou des adversaires.
« J’ai naturellement un style comique et privé, mais c’est d’une forme mienne. »
(Essais, I, chapitre 60)
« Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et
nerveux, court et serré… »
(Essais, I, chapitre 26)
morales (le bien / le mal, le juste / l’injuste, la sincérité / le mensonge…) ou sociologiques (le convenable
/ le choquant...) ;
esthétiques (le beau / le laid, l’attirant / le repoussant, l’exposé / le caché, l’admissible / le provoquant...) ;
intellectuelles (le vrai / le faux, l’ordre / le chaos, le logique / l’absurde, le réel / la fiction...) ;
pratiques (l’utile / le futile, le rentable / le superflu, le payant / le gratuit...).
Au théâtre, le dialogue constitue généralement l’essentiel du texte prononcé, et même sous la forme du
monologue délibératif il garde son caractère de dialogue avec soi-même9. C’est lui qui assure la
progression dramatique dans la tension entre des intérêts divergents. Ce discours est souvent coloré
extérieurement par les didascalies(indications scéniques) qui indiquent notamment les émotions et les
sentiments qui agitent les personnages.
Au théâtre (mais aussi parfois dans le roman ou le dialogue philosophique), ce dialogue est marqué par
la double énonciation :
o deux émetteurs : les personnages qui parlent et le dramaturge, auteur de la pièce, qui, utilise la
scène comme une tribune ;
o plusieurs destinataires, les propos d’un personnage sont généralement adressés à un
interlocuteur particulier, mais ils peuvent viser d’autres participants de la discussion et, en
dernier ressort, le lecteur ou le public.
C’est patent dans l’aparté.
Dans le roman ou la nouvelle, le dialogue d’idées entre les personnages constitue une des formes de
la pause dans le récit. Les propos sont rapportés au discours direct, indirect, indirect libre ou narrativisé.
Parfois l’auteur se mêle aux propos de ses personnages. Le recours au dialogue d’idées dans un roman
permet, comme au théâtre, d’animer un débat idéologique, de dépeindre sur le vif la vie intellectuelle ou
les questions brûlantes d’une époque. De même le roman peut contenir des monologues délibératifs,
l’un des plus connus est la « Tempête sous un crâne » des Misérables.
On peut le trouver aussi dans l’essai. Par exemple il sert de fil conducteur à plusieurs niveaux dans
le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot, sorte d’essai polémique sur la civilisation et la
morale sexuelle.
L’apologue, la fable ou le conte philosophique utilisent parfois (souvent ?) le dialogue pour opposer
des thèses, suggérer une critique, dénoncer des travers...
Candide discute avec le nègre de Surinam chez Voltaire, le loup dispute avec l’agneau ou avec le chien
dans les Fables de La Fontaine…
Le dialogue philosophique est hérité de l’Antiquité. Platon, philosophe grec du Ve siècle av. J.-C.,
présente l’enseignement de son maître Socrate sous forme de dialogues avec ses élèves et ses
adversaires, selon la méthode de la « maïeutique » (ou accouchement) qui, par des questions
appropriées, faisait naître les vérités qu’ils portaient en eux sans le savoir.
Ce type de dialogue suppose deux interlocuteurs bien disposés, qui font avancer la conversation de
manière à exposer dans son entier le domaine examiné. Chez Socrate, il ne s’agit pas de débattre, mais
de pratiquer un dialogue dialectique où les interrogations croisées conduisent à faire émerger une
réponse. Sa visée est essentiellement didactique car, utilisé par un maître habile, il sert à transmettre
un savoir.
Ce dialogue philosophique a été particulièrement utilisé dans le combat philosophique du siècle des
Lumières. Sous le nom de dialogue ou d’« entretien », il devient une forme littéraire commode pour
polémiquer : Fontenelle écrit le Dialogue des morts(1683) et les Entretiens sur la pluralité des
mondes (1686).
Diderot en écrit de nombreux : Entretien d’un philosophe avec la maréchale de***,Entretien avec Dorval
sur le Fils nature, Le Rêve de d’Alembert… Voltaire aussi qui l’emmène parfois aux confins du burlesque
animalier comme avec le Dialogue du chapon et de la poularde, Sade lui donne des allures théâtrales
avec le Dialogue entre un prêtre et un moribond.
Cet engouement s’explique par la pratique de l’art de la conversation dans les salons littéraires où
chacun cherche à briller par l’exposé et la défense d’idées nouvelles ; c’est aussi la continuité de l’art
didactique classique qui veut instruire en plaisant, comme de l’ambition philosophique de vulgariser des
concepts difficiles.
Un tel dialogue d’idées utilise plutôt les registres polémique et satirique. La persuasion y est en
particulier un art de réutiliser le matériau fourni par l’adversaire. La critique des idées nécessite un esprit
brillant qui n’est pas exempt d’une certaine mauvaise foi réductrice. Elle amène souvent à reprendre les
propos de l’adversaire : citation directe, reprise ironique, reformulation, déformation...
o par contestation du sens de ses affirmations ;
o par la mise en cause personnelle (apostrophes, arguments ad hominem, interrogations
oratoires...) ;
o par la dérision ou la caricature réductrice (épithètes péjoratives, déductions poussées jusqu’à
l’absurde, déformation intentionnelle du sens, ironie mordante...)...
Cette argumentation dialoguée peut mettre en œuvre différentes stratégies argumentatives :
Exposer ses idées sous le questionnement d’autrui, c’est le jeu de l’entretien,
de l’examen ou de l’interview.
contester une thèse,
se confronter avec mesure ou mordant,
concéder pour montrer largeur d’esprit ou pour renforcer sa propre thèse,
examiner plusieurs points de vue,
aboutir à un compromis, un accord. Le dialogue est une manière de désamorcer les
conflits en évitant une issue violente. Il est ainsi pratiqué en diplomatie, dans la vie des
sociétés, des entreprises…
Le dialogue est marqué par la polyphonie : le dialogue se caractérise par la pluralité des voix qui s’y font
entendre.
Il y a d’abord la voix du narrateur qui peut se confondre avec celle de l’auteur10. Dans la plupart des cas, le
dialogue contribue à caractériser le personnage11, au même titre que les descriptions ou les portraits. Ce
personnage est tributaire de son créateur qui lui prête tout ou partie de sa propre nature ou expérience.
Ensuite nous pouvons découvrir les voix d’autres personnages. Le dialogue mêle alors des voix singulières pour
susciter un monde fictionnel, individualisé, caractéristique de son créateur. Le roman épistolaire utilise d’ailleurs
une telle forme du dialogue qui serait une suite de monologues réactionnels dans une « conversation des
absents » (Cicéron).
Le dialogue est marqué :