LL LA FONTAINE Fables Les Deux Coqs
LL LA FONTAINE Fables Les Deux Coqs
LL LA FONTAINE Fables Les Deux Coqs
CONTEXTE / OEUVRE
La fable était dans les collèges du XVII e s un exercice scolaire courant, qui servait à des travaux d’écriture et à des réflexions morales, les
personnages de fable illustrant des situations de la vie qui devaient servir d’ exemplum, càd de modèle, souvent d’ailleurs sous la forme de la
critique d’un anti-modèle. La fable a donc une vocation didactique dès le début, dès ses origines antiques (orales, puis écrites : Esope chez les
Grecs dont la fable « Les deux coqs et l’aigle » inspireront La Fontaine, Phèdre chez les Romains). A l’époque classique, les écrivains ont pour
mission de former « L’Honnête Homme », un homme cultivé sans pédanterie, agréable en société et maître de ses passions. Mais une leçon de
morale doit être agréable, selon la formule de l’époque : « placere et docere », plaire et enseigner. Les moralistes la présentent donc souvent
sous la forme d’un récit imaginaire comportant une morale. La Fontaine n’est pas le seul dans son siècle à exploiter cette veine didactique :
Fénelon en écrira pour le jeune duc de Bourgogne, son élève. Mais La Fontaine s’est rendu célèbre par la mise en forme minutieuse de ses
petits apologues, utilisant toutes les ressources de la poésie et jouant avec les genres et registres, avec les référents littéraires, pour créer une
complicité avec le lecteur. Cette mise en forme, travaillée comme un bijou, permet parfois de cacher une critique plus profonde, sociale et
politique. Mais la plupart des Fables publiées en 1668 s’en tiennent à l’observation amusée du genre humain.
TEXTE
La fable « Les deux coqs » en est un bon exemple : l’histoire qui pourrait être triviale de deux coqs se battant pour une poule est transformée par
le jeu sur les registres et aboutit à une vision universelle de l’Homme.
MOUVEMENT (plan du texte)
V1-5 : introduction
V6-7-12 : le combat des coqs et la fuite du coq vaincu
V13-19 : le coq vaincu, humilié, prépare sa vengeance
V20-24 : le vainqueur puni de sa vanité par un Vautour
V25-29 : la revanche du vaincu
V30-fin : la morale
Pb :
Comment le travail sur un récit imaginaire (la façon de raconter) met-elle en valeur une morale conforme à l’idéologie du classicisme ?
LA FONTAINE NOUS PROPOSE UN PETIT RECIT DONT VOICI LE DEBUT : SITUATION INITIALE ET ELEMENT PERTURBATEUR SUIVI DE
SES CONSEQUENCES
Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Nous sommes bien dans une fable : les animaux portent une majuscule, signe que ce sont des allégories représentant des types humains. Les coqs
représentent la gent masculine, la poule la gent féminine. L’introduction est brève : le premier hémistiche du vers 1 (un alexandrin) nous présente la
situation initiale – l’équilibre par lequel commence tout récit traditionnel et dont la durée est indéterminée, ce que traduit l’imparfait VIVAIENT – le second
hémistiche introduit déjà l’élément perturbateur grâce au passé simple SURVINT qui souligne un élément ponctuel, subit, et le 2 e vers, par sa brièveté
(octosyllabe), traduit la conséquence immédiate (ce que souligne aussi l’expression ET VOILA) : une situation tragique traditionnelle, le triangle tragique :
deux hommes rivaux pour une même femme. Une telle situation semble se confondre avec le destin, ce que souligne le participe passé ALLUMEE. Mais aussi
un petit clin d’œil plein d’humour à ses contemporains : la femme est à l’origine de beaucoup de querelles et les hommes, guidés par leurs instincts
primaires, se prennent pour des héros.
L’HUMOUR DU FABULISTE TRANSPOSE LA BATAILLE DE BASSE-COUR EN SITUATION TRAGIQUE DIGNE DU RECIT MYTHIQUE DE
LA GUERRE DE TROIE
Amour, tu perdis Troie ; et c’est de toi que vint
Cette querelle envenimée
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint !
La métaphore du feu ALLUMEE et l’hyperbole de la guerre nous transportent soudain par l’intermédiaire de l’intertextualité dans le registre épique, avec la
référence de la guerre de TROIE. Comme les nouveaux héros de Troie sont des animaux, nous sommes dans l’héroï-comique, un comique qui transforme en
héros ceux qui sont loin d’en être, et qui déclenche alors l’humour ou l’ironie. Selon le récit d’Homère dans l’Iliade, la guerre de Troie fut déclenchée par
l’amour de Pâris (un prince troyen) pour la belle Hélène, l’épouse de Ménélas, le roi de Sparte en Grèce. Ménélas venu rechercher sa femme avec son armée
réussit à vaincre la cité de Troie grâce à la ruse du cheval de Troie, et la ville finit incendiée. Pour rappeler au lecteur cette épopée mythique, le narrateur
utilise avec grandiloquence (ce qui déclenche l’humour) le registre tragique, à la fois pathétique et lyrique : AMOUR, TU PERDIS TROIE. Le destin tragique
apparaît sous la forme de l’allégorie de l’AMOUR présenté par une apostrophe au début du vers ; on s’adresse à lui comme à une divinité avec le pronom de
la 2e p sing TU . Pour bien souligner la puissance de l’amour, l’alexandrin est construit en chiasme (structure ABBA : AMOUR (destin) – TU / TOI – VINT
(destin)) ; ce chiasme rappelle la main du destin qui jamais ne lâche sa victime, avec la répétition au centre du pronom TU / TOI, amplifié la 2 e fois par le
présentatif C’EST. TU PERDIS/C’EST DE TOI QUE VINT sont deux expressions synonymes insistant sur la cause de la guerre. L’immédiateté de la relation
cause-conséquence (rivalité amoureuse>guerre) est suggérée par l’enjambement du vers suivant : CETTE QUERELLE ENVENIMEE. Le Xanthe est le fleuve qui
passe par Troie, et où deux dieux, Mars et Vénus, furent blessés par Diomède. Cet épisode anoblit le récit, et le style de La Fontaine, en langage soutenu,
essaie de lui faire honneur : non seulement il utilise le vers le plus noble de la langue française, l’alexandrin (12 syllabes, ce qui le rend lent et majestueux,
avec sa césure régulière au milieu le découpant en 2 hémistiches réguliers (OU DU SANG DES DIEUX MEME//…), mais l’inversion des mots met en relief les
DIEUX et leur blessure (SANG 3e mot) ; et la relative commençant par OU rallonge le vers précédent en l’amplifiant (antécédent : QUERELLE : il s’agit d’une
expansion nominale double : d’abord un adj sous forme de métaphore (poison) hyperbolique : ENVENIMEE, puis la relative : OU DU SANG…)
L’humour de La Fontaine réside donc dans sa parodie du contenu de l’épopée d’Homère ainsi que dans son pastiche du style épique. Les vers suivants
poursuivront ce procédé littéraire.
PREMIER EPISODE : LE COMBAT EPIQUE ET LA DEFAITE DU VAINQUEUR SONT RACONTES EN MODE HEROI-COMIQUE EN
PARODIE (imitation du récit) ET PASTICHE (imitation du style d’écriture) DE LA GUERRE DE TROIE
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint.
Le bruit s’en répandit par tout le voisinage :
La gent qui porte crête au spectacle accourut ;
Plus d’une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut :
Il alla se cacher au fond de sa retraite ;
L’introduction terminée, le v.6 aborde la « guerre » entre les coqs, de manière toujours très noble, avec l’inversion des mots qui met l’adv de temps
LONGTEMPS en relief par sa place en début de vers (la guerre de Troie aurait duré 10 ans !). Le verbe SE MAINTINT signifie « resta indécis », ce qui fut aussi
le cas dans la guerre de Troie : comme aucun des deux camps n’arrivait à prendre le dessus sur l’autre, c’est la ruse du cheval de Troie qui fit pencher la
balance vers le camp des Grecs. Malgré la noblesse du style épique, on remarque l’humour de La Fontaine à son intrusion dans le récit et la familiarité avec
laquelle il parle de ses personnages : l’adjectif possessif NOS lui permet de se créer un complice du lecteur, une sorte de clin d’œil rappelant que ce ne sont
que des coqs… Mais il poursuit pas une noble périphrase héroï-comique : LA GENT QUI PORTE CRETE ; le fait de mettre en valeur l’appendice que portent les
coqs sur la tête fait penser à une couronne ; de même le personnage d’HELENE est cité, ainsi que sa beauté, sauf que le mot PLUMAGE nous ramène à
l’animal, et le terme PRIX fait de la belle histoire d’amour un simple marchandage comme lors d’un combat de coqs sujet aux paris humains : le comique
vient du mélange entre les personnifications des animaux et le rappel de leur animalité, anoblie cependant par les belles et amples sonorités du mot
PLUMAGE. N’empêche que l’expression HELENE AU BEAU PLUMAGE est ce qu’on appelle une épithète homérique (même s’il s’agit grammaticalement d’un
complément du nom). En effet, dans le style homérique ici pastiché, chaque héros reçoit une expansion sous forme d’épithète, par ex « le divin Ulysse » ou
d’un CDN, qui le qualifie : par ex « Achille aux pieds légers ».
Toujours comme dans l’Iliade, la foule des figurants /spectateurs du combat épique est nombreuse : attirée par la rumeur (BRUIT), elle se déplace juste un
peu moins majestueusement que les héros antiques : ACCOURUT (on imagine bien les poules courir sur leurs pattes).
La fin de la guerre de Troie dans la basse-cour est cependant différente de celle d’Homère, ce qui cache une ironie taquine du narrateur à l’égard du sexe
féminin : le vainqueur n’hérite pas seulement de la femme qu’il convoitait, mais de plusieurs HELENE (PLUS D’UNE HELENE, comparatif de supériorité placé
en début de vers) : les femmes sont considérées comme se pâmant très facilement devant un héros beau et musclé… Ce trait de caractère attribué de
manière sexiste aux femmes est rédigé en octosyllabe et contraste avec les autres vers qui gardent la majesté épique grâce à l’alexandrin.
Un nouvel épisode, la conséquence pour le vaincu, est déclenche par le contre-rejet LE VAINCU DISPARUT, le passé simple accentuant la rapidité de sa fuite.
SECOND EPISODE : LE VAINCU HUMILIE PREPARE SA VENGEANCE
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu’un rival, tout fier de sa défaite,
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage ;
Il aiguisait son bec, battait l’air et ses flancs,
Et, s’exerçant contre les vents,
S’armait d’une jalouse rage.
Alors que la bataille elle-même n’était pas détaillée (aucune scène, plutôt un sommaire, un simple résumé), le narrateur choisit de porter une attention
détaillée au comportement du vaincu. Le pastiche du style épique se poursuit, parce que la vengeance fait partie du monde héroïque traditionnel. Le coq
après son humiliation, se prépare à une contre-attaque. Nous avons d’abord l’ampleur du rythme binaire SA GLOIRE ET SES AMOURS (le pluriel accentue le
registre soutenu de la langue), puis la répétition lyrique SES AMOURS/SES AMOURS en fin et en début de vers, puis l’expansion nominale (RIVAL) TOUT FIER
DE SA DEFAITE. La première réaction du cop est d’héroïser son vainqueur, la seconde (le contre-rejet IL VOYAIT TOUS LES JOURS amorce une progression du
récit) est de cultiver la haine en se préparant au combat (rythme binaire lyrique/épique : SA HAINE ET SON COURAGE, expression noble JALOUSE RAGE avec
inversion emphatique de l’adj JALOUSE). On retrouve le champ lexical de la guerre de Troie dans les termes RALLUMER/AIGUISAIT/S’ARMAIT, mais aussi,
comme dans les tragédies du 17e s, la métaphore du feu pour qualifier la passion amoureuse, et le terme OBJET désignant l’origine de cette passion (la
femme aimée). Le v.16 imite par son rythme les battements d’aile du coq qui se prépare au combat : 6//3/3, et le vers 17, coupé après le 1er mot, nous fait
ressentir son agitation : ET/ S’EXERCANT/CONTRE LES VENTS (1/3/4 : octosyllabe burlesque : le héros n’en est plus un, il n’est plus digne d’un alexandrin, en
effet le narrateur joue sur les mots – l’expression « se battre contre des moulins à vent » signifie « se battre contre des ennemis imaginaires » (cf Cervantès,
l’auteur de Don Quichotte) ou « faire du vent », « brasser du vent », « c’est du vent » signifie « s’agiter beaucoup inutilement, de manière non efficace ».
C’est l’image traditionnelle du soldat fanfaron, du Matamore de comédie, qui se vante de toutes les batailles et victoires qu’il n’a jamais eues. Le soldat
fanfaron est lui-même une parodie traditionnelle du héros épique. Des allitérations en [S] et [R]ponctuent le combat imaginaire mimé par le coq perdant :
celles en [B/L] sont proches d’une harmonie imitative suggérant le bruits des ailes : BEC BATTANT L’AIR – FLANCS.
3E EPISODE QUI SERT D’ELEMENT D’ELEMENT DE RESOLUTION DANS LE RECIT : LE VAINQUEUR EST PUNI DE SA VANITE PAR
UN VAUTOUR
Il n’en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S’alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire ;
Tout cet orgueil périt sous l’ongle du Vautour.
La résolution du conflit approche, le récit touche à sa fin : IL N’EN EUT PAS BESOIN : rebondissement qui met fin à tout effort d’héroïsme. C’est aussi la fin du
registre épique, nous revenons à une réalité plus prosaïque, qui est implicitement une première morale : le registre épique relève de la fiction, dans la réalité
l’héroïsme n’a pas sa place, et les anti-héros sont parfois mieux servis que les héros. Cependant la fin du coq vainqueur est aussi liée à ses défauts, le défaut
classique par excellence, l’ORGUEIL. Il est mis en scène par la position spatiale du coq dont le mouvement ascendant est mimé par un rejet : SUR LES
TOITS/S’ALLA PERCHER. L’instabilité de sa position et de son avenir sont soulignés par l’emploi du décasyllabe coupé 4/6. Le pluriel TOITS suggère la
répétition de l’action de nombreuses fois. La rime sonore TOITS/VOIX nous donne un aperçu de la vantardise du coq qui chante à tue-tête, elle est reprise
avec sa voyelle OI dans les rimes VICTOIRE/GLOIRE relevant encore du registre épique, le R en amplifiant la majesté. Ces 4 rimes croisées ABAB rappellent le
passé du coq vainqueur, qui s’oppose à son destin funeste incarné par l’allégorie du VAUTOUR (majuscule), placé en tenailles au début et à la fin d’un vers.
La grandeur de la chute est d’abord amorcée par l’expression élégiaque ADIEU LES AMOURS ET LA GLOIRE, puis reprise par l’hyperbole TOUT (intensif) CET
ORGUEIL PERIT SOUS, la préposition s’opposant géographiquement au mot TOITS. Après avoir parodié le registre épique, La Fontaine s’attaque au registre
tragique, où l’hybris, càd la démesure (causée par la criminalité ou l’orgueil) fait toujours chuter les plus hauts personnages de leur trône pour les punir ou
les faire mourir (par ex Œdipe Roi de SOPHOCLE). Cf le vers suivant : FATAL RETOUR. Et c’est justement la morale diffusée par le classicisme dont les mots-
clés sont « ordre, mesure, clarté ». Jamais de démesure, garder l’équilibre et la maîtrise de soi et de ses passions, rester modeste, éviter toute vanité : c’est
ce qui fait l’Honnête Homme.
SITUATION FINALE DU RECIT : LE DENOUEMENT PRIVILEGIE LE VAINCU
Enfin, par un fatal retour,
Son rival autour de la Poule
S’en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
Fini les registres nobles, nous revenons à la réalité : la suite d’octosyllabes nous le confirme. On ne parle plus d’Hélène, mais de POULE, - même s’il s’agit de
la même poule reconnaissable à l’article défini LA - il ne s’agit plus de jouer au héros, mais de séduire (FAIRE LE COQUET) à la manière de la basse-cour, en
caquetant (bruit de la poule et du coq). L’harmonie imitative se retrouve dans les mots COQUET/CAQUET placés à la rime pour faire écho, et rappelant à leur
tour le mot « coq ». L’intervention du narrateur JE LAISSE A PENSER QUEL nous invite à amplifier le bruit dans notre imagination (PENSER = imaginer ici),
bruit symbole de succès féminin : CAR IL EUT DES FEMMES EN FOULE. Il faut noter le choix de la personnification FEMMES qui laisse transparaître une
nouvelle pique anti-féminine pleine d’humour de La Fontaine : lorsqu’il n’y a qu’un mâle à l’horizon, peu importe qu’il soit un héros ou non…
CE QUI NOUS AMENE A LA MORALE DE L’HISTOIRE : LE VAUTOUR ETAIT L’ALLEGORIE DU DESTIN (ou Fortune, ou Sort :
synonymes) QUI PUNIT LES ORGUEILLEUX ET TOUTE DEMESURE : C’EST UNE MORALE TYPIQUEMENT CLASSIQUE, INSPIREE DE
L’ANTIQUITE (le destin vu comme une bascule qui fait tomber de haut)
La Fortune se plaît à faire de ces coups :
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du Sort, et prenons garde à nous.
Suit la morale explicite, reconnaissable à son présent gnomique qui annonce une vision universelle, générale : SE PLAIT / TRAVAILLE. L’allégorie (majuscule)
de la FORTUNE (autre nom pour destin) rappelle la morale antique de l’hybris châtié par les dieux ; cette imitation de l’Antiquité – déjà par l’allusion
mythologique de la guerre de Troie – est caractéristique du classicisme, les Anciens étant considérés comme des modèles. L’adj épithète INSOLENT a un sens
large, celui de clamer haut et fort sa supériorité, de la faire sentir aux autres. C’est le type même de l’anti-honnête homme, et souvent celui des nobles de
l’époque, que La Fontaine avertit de manière implicite en se cachant sous la généralité (TOUT). Le dernier vers de la morale se rapproche du lecteur avec le
pronom de la 1e p plur NOUS répété 2X. En incluant l’auteur et le lecteur, il s’adresse au genre humain sous la forme d’un avertissement (2 impératifs :
DEFIONS/PRENONS – rythme binaire insistant) : comme le SORT (autre mot pour la FORTUNE, le destin) est imprévisible (il faut s’en méfier : SE DEFIER DE), il
vaut mieux être prudent (PRENDRE GARDE) et ne pas le provoquer par des actions inconsidérées. Le sens final est plus large que celui des deux vers
précédents, et rappelle une règle classique : faire appel à la Raison , prudente, plutôt qu’à l’impétuosité, l’impulsivité de nos passions. Si nous sommes
maîtres de nous-même, peut-être le Sort cruel nous oubliera-t-il (il est considéré ici dans sa version antique, personnifié) : la diérèse sur le verbe DEFI-ONS
insiste sur la dangerosité et la malignité du destin qui tourne facilement (vision antique et tragique de la condition humaine) : un vainqueur peut facilement
devenir vaincu, comme un vaincu vainqueur, nous ne sommes pas maîtres du destin… Le récit imaginaire se termine donc sur une pensée philosophique…
AINSI LA FABLE DE LA FONTAINE SEDUIT A LA FOIS PAR SON HUMOUR DEPLACANT LES RELATIONS ENTRE HOMMES ET FEMMES
DANS LE CADRE D’UNE BASSE-COUR DIGNE D’HOMERE, ET PAR SON ELARGISSEMENTFINAL QUI ELEVE LA PENSEE JUSQU’AU
DOMAINE PHILOSOPHIQUE.
EN EFFET, « LES DEUX COQS » SONT UNE VARIATION SUR UN TOPOS MORAL : LE THEME ETERNEL DE LA ROUE DE LA FORTUNE,
QUI TOUCHE DE PREFERENCE CEUX QUI SONT AU SOMMET, ET QUI S’EN VANTENT. MAIS CETTE LEÇON DE MORALE EST
AGREMENTEE DU CHARME DISCRET D’UNE PARODIE DES GRANDS GENRES : PARODIE DE L’ILIADE, ET PAR CONSEQUENT DES
REGISTRES TRAGIQUE ET EPIQUE. CAR LA FONTAINE, EN HONNETE HOMME, N’OUBLIE PAS LES GOUTS NI LA CULTURE DE SON
PUBLIC, ET SAIT QUE POUR PERSUADER IL FAUT COMMENCER PAR PLAIRE. IL JOUE DONC A LA FOIS LE ROLE DIDACTIQUE DU
MORALISATEUR PARLANT A L’HOMME UNIVERSEL DE LA VANITE DE TOUTES CHOSES ET DE LA FOLIE DE TOUTES PRETENTIONS
(COMME DANS BEAUCOUP DE SES FABLES), MAIS IL INCARNE EGALEMENT L’IDEAL CLASSIQUE DE L’HONNETE HOMME, TANT PAR
SA CRITIQUE DE LA DEMESURE QUE PAR LA FAÇON DE FAIRE PASSER SON MESSAGE, QUI MELE L’UTILE A L’AGREABLE ET NE
FAIT PAS PESER LA MORALE. C’EST DONC L’APOLOGUE QU’IL CHOISIT, QUI ALLIE VIVACITE DU RECIT ET MESSAGE DIDACTIQUE
EET PERMET D’INTRODUIRE LA PENSEE DANS L’IMAGINAIRE.