Support Complet Intro Socio L1aes
Support Complet Intro Socio L1aes
Support Complet Intro Socio L1aes
INTRODUCTION À LA SOCIOLOGIE
SUPPORT DE COURS
1
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
INTRODUCTION À LA SOCIOLOGIE
Ce cours vise un double objectif : une familiarisation avec la démarche sociologique, sous ses
aspects à la fois méthodologiques et théoriques, et l’acquisition, à partir de cette démarche, de
repères empiriques et analytiques concernant quelques grands enjeux des sociétés
contemporaines. Le cours est organisé en trois parties : une partie d’introduction générale à la
discipline (présentation de la démarche, aperçu des grands auteurs et grands courants
sociologiques), une partie consacrée à quelques questionnements de sociologie générale
(autour des concepts de culture, socialisation et identités, normes et déviances, et stratification
sociale), et une troisième partie présentant deux sociologies spécialisées (sociologie de l’école
et sociologie urbaine).
Conclusion
2
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Ne sont listés ici que quelques manuels généralistes. Des orientations bibliographiques plus
spécifiques seront données pour chaque chapitre.
2- Pour vous familiariser avec la lecture de textes sociologiques, vous pouvez consulter les
revues suivantes :
Les anciens numéros de ces revues sont disponibles en libre accès sur les portails de revues :
CAIRN : http://www.cairn.info/
Persée : http://www.persee.fr/
3
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Données statistiques :
CAIRN : http://www.cairn.info/
Persée : http://www.persee.fr/
Erudit : http://www.erudit.org/
Revues.org : http://www.revues.org/
4
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
I. PLAN DU CHAPITRE
B. Un regard spécifique
5
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
1) Présentation générale
2) L’entretien
a) Définition générale et exemple : cf annexe 2.A.
b) Notion de directivité d’un entretien
c) Objectifs de l’entretien et affinité avec une démarche de sociologie
compréhensive : cf annexe 4
d) Un travail en plusieurs étapes : cf annexe 5
e) Bilan : le questionnaire et l'entretien, deux démarches d'enquête distinctes : cf
annexe 6
3) L’observation
a) Définition générale et exemples cf annexe 2.B et annexes 8 et 9
b) Objectifs et intérêt de l’observation
c) Une pratique réfléchie : cf annexe 7
d) L’importance de l’écriture (grille d’observation, journal de terrain)
4) Méthodes quantitatives et qualitatives : distinction et complémentarité
1) La démarche hypothético-déductive
2) La démarche inductive
3) Un va-et-vient entre terrain et théorie
6
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
7
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
8
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Par-delà la diversité de ses objets et des questionnements qui la guident, la sociologie peut se
définir comme une démarche d’analyse scientifique du social. En tant que science, la
sociologie se caractérise par une aspiration à l’objectivité, et par la mise à l’écart des
jugements de valeur sur les objets qu’elle se donne. Le savoir scientifique produit par la
sociologie consiste en deux choses : des connaissances empiriques, et des analyses, des
savoirs à dimension plus théorique. On peut distinguer deux grands types de connaissances
empiriques ainsi fournies : d’une part des données chiffrées sur la société (par exemple, taux
de nuptialité, répartition de la population active selon les différentes catégories
socioprofessionnelles) ; d’autre part des données à teneur plus « qualitative » : entretiens,
descriptions de lieux ou d’activités particulières… Outre la production de données, la
sociologie est dotée d’une ambition théorique ; elle est porteuse d’une ambition de
compréhension et d’explication du social. La montée en généralité peut se faire à partir de
concepts, modèles, théories.
L’inscription de la sociologie dans le domaine des sciences implique par ailleurs le recours à
des méthodes systématiques d’investigation empirique. On distingue deux grands types de
méthodes, qui correspondent aux deux grands types de données précédemment décrits : les
méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives. Le questionnaire est la principale
méthode de collecte des données dans une perspective quantitative. Du côté des méthodes
qualitatives, les principales méthodes utilisées sont l’entretien et l’observation directe. On
parle souvent de façon générique d’ « enquête de terrain » pour désigner l’usage de ces
méthodes qualitatives. Souvent présentées comme antagoniques, méthodes quantitatives et
méthodes qualitatives sont en réalité complémentaires dans le travail de recherche. Elles
permettent de produire des types de données différents, et de répondre à des questions
différentes : mise en relation de données chiffrées à un niveau macro en vue d’expliquer des
faits sociaux d’un côté, compréhension plus fine des pratiques, des processus, des trajectoires
et des représentations des acteurs de l’autre.
9
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Questionnaire : Série de questions prédéfinies, sur un thème particulier, que l’on pose à un
grand nombre de personnes. Cette méthode permet de produire des données chiffrées sur le
phénomène étudié, et d’en proposer une explication à partir de la mise en relation de ces
données. Les questions sont standardisées : ce sont les mêmes questions que l’on pose, dans le
même ordre, à toutes les personnes interrogées. Elles peuvent porter sur des renseignements
factuels simples (âge, catégorie professionnelle, etc.), sur les pratiques, ou encore sur les
représentations, valeurs, croyances des personnes interrogées. Il s’agit le plus souvent de
questions fermées.
Corrélation : Relation particulière observée entre deux variables, qui peut être positive ou
négative. Une corrélation est positive quand les deux variables évoluent dans le même sens
(quand l’une augmente, l’autre augmente) ; elle est négative quand les deux variables
évoluent en sens opposé (quand l’une augmente, l’autre diminue). L’existence d’une
corrélation peut suggérer l’existence d’un lien de causalité entre les variables, mais la
corrélation n’est pas nécessairement synonyme de causalité.
Variable dépendante/indépendante : Une variable dépendante est une variable que l’on
cherche à expliquer, et qui correspond en général au thème de l’enquête (ex. le vote, les
pratiques vestimentaires, les loisirs…). Une variable indépendante est une variable
explicative, dont on montre qu’elle explique l’évolution de la variable dépendante. En
sociologie, les variables indépendantes correspondent souvent à des caractéristiques sociales
des individus : sexe, âge, catégorie professionnelle…
Echantillon : sur une population donnée concernée par le thème d’une enquête (ex. tous les
électeurs), l’échantillon correspond à la partie de la population sur laquelle va effectivement
porter l’enquête (ex 1000 électeurs). L’échantillonnage désigne la procédure par laquelle on
constitue l’échantillon à partir de la population de référence. Il peut être aléatoire (on choisit
des personnes au hasard parmi la liste de celles composant la population), ou suivre la
méthode des quotas, selon laquelle on construit un échantillon représentatif de la population
étudiée selon un certain nombre de caractéristiques (sexe, âge, catégorie professionnelle, lieu
de résidence…).
10
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
d’obtenir des réponses plus spontanées, plus riches et plus développées ; par contre, elles sont
difficiles à exploiter dans l’optique d’un traitement quantitatif. Les questions fermées, qui
permettent plus facilement une exploitation quantitative, ont le défaut d’empêcher à la
personne interviewée de donner sa réponse spontanée, et de lui proposer des options de
réponses qui ne correspondent pas nécessairement à sa situation, auxquelles elle n’aurait pas
nécessairement pensé spontanément.
Terrain : « Mon terrain, c’est… » : le terrain correspond à l’objet d’étude que se donne le
chercheur, envisagé dans sa dimension strictement empirique (non problématisé). Cette
expression s’emploie surtout dans le cadre d’enquêtes qualitatives. « Faire du terrain », « être
sur le terrain », désignent les moments où le chercheur est en contact direct avec son objet
d’étude (il est en train de faire des observations ou un entretien).
ENTRETIEN
Grille (ou guide) d’entretien La grille d’entretien est la liste des questions que le chercheur
souhaite poser en entretien, ordonnées autour de quelques grands thèmes (entre 3 et 5 en
général pour un entretien semi-directif). Cf exemple en annexe 5.
Directivité d’un entretien : désigne le degré auquel le sociologue impose son rythme à
l’entretien. On distingue ainsi trois niveaux de directivité : l’entretien directif, l’entretien non
directif, et l’entretien semi-directif :
Dans un entretien directif, l'enquêteur conduit l'entretien à partir d'une grille
standardisée (identique pour toutes les personnes interviewées, et avec un ordre des
questions à respecter). La différence avec le questionnaire utilisé dans une enquête
quantitative réside dans le fait que les questions sont ouvertes, cependant les réponses
attendues sont courtes.
Dans un entretien non directif, l'enquêteur intervient très peu. Il indique un thème
général, que l'enquêté choisit d'explorer à sa guise.
Dans un entretien semi-directif, l’enquêteur prépare une grille d’entretien (liste de
questions à poser) adaptée à son interviewé, mais ne suit pas nécessairement dans
l’entretien l’ordre prévu de ses questions. En effet, ses questions doivent s’inscrire
dans le fil discursif de l’interviewé, qui est laissé libre de structurer lui-même sa
pensée. L’enquêteur pourra être amené à poser, en fonction du discours de l’enquêté,
des questions non prévues initialement, et/ou à ne pas poser certaines questions
initialement envisagées. L’entretien semi-directif est le plus utilisé en sociologie.
11
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
OBSERVATION
Grille (ou guide) d’observation : la grille d’observation est constituée d’une liste d’items
que le sociologue se fixe d’observer de façon systématique sur son terrain. Il se donnera en
général une première grille très large, qui l’aidera à être attentif à tous les aspects de son
terrain, avant de recentrer ses observations sur un aspect particulier, en lien avec une question
sociologique particulière. En résultera une nouvelle grille d’observation plus restreinte, mais
permettant des observations plus systématiques. Cf exemple en annexe 6.
12
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
V. ANNEXES
- Tableau :
Catégorie socioprofessionnelle %
Agriculteurs exploitants 2,5
Artisans, commerçants et chefs d'entreprises 6,3
Cadres et professions intellectuelles supérieures 15,4
Professions intermédiaires 23,5
Employés 29,5
Ouvriers 22,8
Catégorie socioprofessionnelle indéterminée 0,0
Ensemble 100,0
(INSEE)
- Histogramme :
- Graphique à secteurs :
13
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
- Tableau
- Graphique en courbe
14
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Exemple d’un entretien réalisé par le sociologue Antoine Bernard de Raymond dans le cadre
d’une enquête sur le MIN (Marché d’intérêt national) de Rungis. La personne interviewée
co-dirige deux sociétés de gros en fruits et légumes. Dans l’extrait suivant, situé au début de
l’entretien, l’interviewé raconte sa trajectoire professionnelle.
« – Si vous le voulez bien, j’aimerais qu’on commence par votre parcours et l’histoire de
l’entreprise.
– Alors l’entreprise, c’est une entreprise d’origine familiale, qui a été créée par mes parents,
en 1954, dans laquelle je suis rentré en 1968, et que je n’ai pas quittée depuis. Donc j’ai
travaillé pendant 16 ans avec mon père, et pendant un peu plus longtemps avec ma mère –
puisque mon père est décédé un peu prématurément à mon gré – et je dirige [l’entreprise]
tout seul depuis 15 ans. En termes de formation, je n’ai pas de formation particulière, j’ai
toujours été dans le commerce, puisque mes parents étaient commerçants et que lycéen
j’avais déjà une activité commerciale avec eux pendant les vacances. J’ai un bac philo, c’est
pas spécialement adapté [il rit], mais on va dire que ça donne une ouverture d’esprit. J’ai par
contre développé l’apprentissage des langues, je parle espagnol, italien et anglais – les deux
premières langues couramment. […] Ma première action dans l’entreprise ça a été de
développer l’importation, l’importation directe, puisque mes parents travaillaient déjà des
produits d’importation mais à travers des importateurs. C’était quand je suis venu travailler
avec eux, d’un commun accord, mais surtout on m’a dit : « Ton développement, notre
développement avec toi, devrait se faire sur l’importation ». Donc je suis allé faire un stage
en Espagne, et puis j’ai attaqué le marché espagnol en tant que fourniture, et puis après
l’Italie, deux pays avec lesquels on travaille beaucoup, que je connais bien, et, à vouloir
travailler avec ces pays j’ai pensé que c’était mieux de connaître leur langue pour mieux
comprendre leur culture, leurs comportements. Voilà pour les origines, donc je ne sais pas si
vous voulez en savoir plus ».
Exemples de notes d’observation prises par le sociologue Pierre Fournier lors d’une enquête
par observation participante dans l’industrie nucléaire. Dans le passage suivant, le sociologue
décrit la préparation d’une équipe qui doit intervenir pour une réparation dans une « zone
active » :
15
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
nous couper des morceaux de Scotch large pour fixer les gants
superposés aux différentes tenues de façon à pouvoir quitter une
paire sans les quitter toutes (Eric), qui à surveiller la manière
complexe de s’habiller (Eric et Georges) : une première paire
de gants et de surbottes sur la tenue universelle, une combinaison
rouge en tissu d’une seule pièce par-dessus, une nouvelle
paire de gants et de surbottes sur cette combinaison, le survêtement
en vinyle. [...] J’ai droit à un dosimètre-alarme. Ce
qui laisse entendre que cette intervention n’exclut pas des irradiations
importantes en plus des risques de contamination qui
nous obligent à employer un survêtement en vinyle. Je le mets
dans ma poche de poitrine, à côté du stylo-dosimètre.
» La première paire de gants est légère, en latex ; je la scotche
à ma tenue blanche. Christian l’a scotchée à la combinaison
rouge contrairement aux consignes données par le [service de
protection contre les radiations] dans le cadre du stage de
formation initiale à la radioprotection. Je le lui fais remarquer.
Il dit qu’il préfère comme cela. Personne ne relève[…] ».
- Une photographie
16
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
« Le recours à l'entretien non directif […] a pour but de pallier certaines contraintes des
enquêtes par questionnaire à questions fermées représentant le pôle extrême de la directivité.
En effet, dans un entretien par questionnaire, il y a structuration complète du champ proposé
à l'enquêté, celui-ci ne peut répondre qu'aux questions qui lui sont proposées, par des termes
formulés par le chercheur […] Plus précisément, l'enquêté se pose peut-être des questions
dans des termes tout à fait différents de ce qu’imagine le chercheur. De plus, les réponses
qui lui sont imposées ne correspondent peut-être pas à la formulation qu'aurait choisie
l'enquêté ; mais ce qui est plus grave, ces réponses ne correspondent peut-être pas à la
dimension même qui aurait une signification pour lui. »
17
L1 AES Introduction à la sociologie Université Paris 13
Annexe 5 : Exemple de grille d’entretien (enquête sur le vêtement)
Thèmes Questions
Amorce Peux-tu me décrire les vêtements que tu portes aujourd’hui, en me racontant un peu leur histoire ? (d’où ils viennent (cadeau, achat), quand tu les as
eus/achetés, dans quelles circonstances…)
a) L'achat de vêtement
Fréquence des achats C’était quand la dernière fois que tu as acheté un vêtement ?
vestimentaires Est-ce que d’habitude tu achètes plus/moins fréquemment ?
Modalité des achats : quels Raconte moi la dernière fois que tu as acheté un vêtement : qu’est-ce que c’était ? Comment tu l’as choisi ? Quels étaient les critères de choix (prix, qualité,
magasins, quels critères marque…)?
d’achat, combien de temps Achat seule ou en groupe ? En quoi est-ce que ça joue, le fait d’être à plusieurs pour faire des achats ? (aller dans des magasins où on ne serait pas allée, aide
passé à chaque séance d'achat? à choisir ?)
Comment s’est passé l’achat : plusieurs magasins ? Comment ça se passe dans le magasin, comment tu te sens ?
Le shopping = loisir ou Aimes-tu aller acheter des vêtements ? Est-ce que tu attends d’en avoir vraiment besoin, ou est-ce que tu aimes faire du shopping pour le plaisir ?
contrainte?
Part des dépenses Le prix, est-ce que ça rentre en compte ?
vestimentaires dans le budget En dehors des vêtements que tu achètes, arrive-t-il qu’on te donne ou qu’on t’offre des vêtements ? Qui ?
Est-il arrivé qu’on t’offre un habit que tu as décidé de ne pas porter ?
Style vestimentaire vers lequel Si tu le pouvais financièrement, y a-t-il des vêtements que tu aurais particulièrement envie d’acheter ?
on se projette
Style vestimentaire général Quels sont tes vêtements préférés ? Pourquoi ? / Dans quels vêtements te sens-tu le mieux ?
Comment caractériserais-tu ta manière de t’habiller ?
Variations de l'habillement en Y a-t-il des circonstances particulières dans lesquelles tu t’habilles différemment de d’habitude ?
fonction des mondes sociaux Comment t’habilles-tu pour aller travailler ? Y a-t-il des contraintes particulières en matière vestimentaire dans ton travail ?
dans lesquels on évolue : Te changes-tu quand tu sors avec des amis ?
professionnel, sorties,
rencontres familiales, etc.
Sens attribué au vêtement Est-ce que c’est quelque chose d’important pour toi, la manière dont tu t’habilles ?
Qu’est-ce que tu aimerais que les gens pensent de toi en voyant ta manière de t’habiller ?
c) La « carrière » vestimentaire
Continuité ou rupture par Te souviens-tu de la première fois où tu t’es achetée un vêtement sans tes parents, en le choisissant toi-même ? Comment ça s’est passé ? Quelles ont été les
rapport au milieu social réactions de tes parents ?
d’origine Tes parents, et/ou les gens de ta famille, t’ont-ils déjà fait des réflexions sur ta manière de t’habiller? Qu’est-ce qu’ils en pensent ?
Style vestimentaire différent des frères et sœurs ?
Changement de style Au cours de ta vie, as-tu changé de manière de t’habiller ? Dans quelles circonstances ?
vestimentaire au fil de la vie (ex. passage de la vie universitaire à la vie professionnelle, etc.)
18
L1 AES Introduction à la sociologie
Démarche générale Etude d’un petit nombre de Etude approfondie, sur un petit
variables sur un grand échantillon, de toutes les
échantillon dimensions du phénomène
social qu’on étudie
Taille de l’échantillon Large échantillon (ex >100) Petit échantillon (ex. 15-30)
(nombre de personnes
interviewées)
Durée d’administration Courte (ex. quelques minutes) Longue (ex. de 30 min. à 3 h)
Type de questions Fermées (le plus souvent) ; Ouvertes ; la grille d’entretien
standardisées (identiques pour est adaptée à l’interviewée,
toutes les personnes peut varier d’un interviewé à
interrogées). l’autre.
Ordre dans lequel les Conforme à l’ordre prévu dans Peut varier par rapport à
questions sont posées le questionnaire ; l’ordre des l’ordre prévu dans la grille
questions est le même pour tous d’entretien. Il s’agit d’insérer
les interviewés. les questions en respectant le
fil discursif de l’interviewé.
Par conséquent l’ordre des
questions variera selon les
interviewés.
« Improvisation », Non Oui
introduction de questions
non prévues initialement
Exploitation Quantitative : mise en relation Qualitative : reconstitution
de variables quantifiées d’une trajectoire,
compréhension de la vision du
monde de l’interviewé,
analyse du rapport entre
pratiques et représentations…
Fondement de la Représentativité de Exemplarité du/des cas
généralisation l’échantillon étudié(s)
19
L1 AES Introduction à la sociologie
[adapté de la grille générale proposée par Henri Peretz pour l’observation dans une église :
H. Peretz (1998), Les méthodes en sociologie: l'observation, Paris: La Découverte - Repères,
p.84-85]
L’extrait suivant est tiré de l’introduction des Argonautes du Pacifique occidental (1922),
ouvrage dans lequel l’anthropologue Bronislaw Malinowski (1884-1942) relate l’enquête
ethnographique qu’il a menée entre dans les îles Trobriand (Nouvelle-Guinée) entre 1914 et
1918.
« Conditions propres au travail ethnographique. - Elles consistent surtout, nous venons de le dire, à
se couper de la société des Blancs et à rester le plus possible en contact étroit avec les indigènes, ce
qui ne peut se faire que si l'on parvient à camper dans leurs villages (voir Pl. I et II). […] Et par ces
relations naturelles qui se trouvent ainsi créées, vous apprenez à connaître votre entourage, à vous
familiariser avec ses mœurs et ses croyances, cent fois mieux que si vous vous en rapportiez à un
informateur rétribué et dont les comptes rendus manquent souvent d'intérêt. Là réside toute la
différence entre des apparitions de temps à autre au milieu des indigènes et un contact réel avec eux.
Qu'entendre par ce dernier terme? Pour l'ethnographe, cela signifie que sa vie au village, qui est
d'abord une aventure étrange, quelquefois désagréable, quelquefois terriblement passionnante, suit
20
L1 AES Introduction à la sociologie
21
L1 AES Introduction à la sociologie
Becker, Howard S. (2003 [1958]), "Inférence et preuve en observation participante. Fiabilité des
données et validité des hypothèses." In L'enquête de terrain, sous la direction de Daniel Céfaï, Paris:
La Découverte, p.350-351.
GEERTZ, C. (1998 [1973]), « La description dense. Vers une théorie interprétative de la culture »,
Enquête, n.6, p.73-105 (traduction de l’introduction de GEERTZ, C. (1973), The interpretation of
cultures) Accessible en ligne : http://enquete.revues.org/document1443.html
22
L1 AES Introduction à la sociologie
I. Contexte et précurseurs
A. La sociologie, fille des révolutions ?
B. Trois précurseurs
1) Eléments biographiques
2) Une sociologie compréhensive de l’activité sociale
3) Une pensée de la modernité
23
L1 AES Introduction à la sociologie
La sociologie se met en place au cours et plus nettement à la fin du XIXème siècle, dans un
contexte marqué par l’influence conjointe de deux révolutions, la révolution industrielle et la
Révolution française. Ces deux changements majeurs (l’un progressif, l’autre plus brutal)
induisent un sentiment de rupture et l’émergence d’un besoin de connaissance du social, que
traduit bien le développement de « l’enquête sociale ». Emerge par ailleurs un besoin de
comprendre le sens de ces évolutions historiques : ce questionnement sur le sens des
évolutions en cours est au cœur des réflexions des trois précurseurs de la sociologie que sont
Tocqueville, Marx et Comte.
Ce n’est toutefois qu’à la fin du XIXème et au début du XXème siècle que la sociologie se
constitue véritablement comme discipline. En Europe, on identifie généralement Emile
Durkheim en France et Max Weber en Allemagne comme les deux « pères fondateurs » de la
25
L1 AES Introduction à la sociologie
sociologie. Mais au début du XXème siècle, une autre tradition sociologique prend aussi
naissance aux Etats-Unis, sur une base plus empirique.
2
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves:
Foucher, p.30.
3
STEINER, P. (1994). La sociologie de Durkheim, Paris: La Découverte/Repères, p.44
26
L1 AES Introduction à la sociologie
caractérise ainsi l’intégration dans Le Suicide : « Quand la société est fortement intégrée, elle
tient les individus sous sa dépendance, considère qu'ils sont à son service et, par conséquent,
ne leur permet pas de disposer d'eux-mêmes à leur fantaisie […]. [D]ans une société
cohérente et vivace, il y a de tous à chacun et de chacun à tous un continuel échange d'idées et
de sentiments et comme une mutuelle assistance morale, qui fait que l'individu, au lieu d'être
réduit à ses seules forces, participe à l'énergie collective et vient y réconforter la sienne quand
elle est à bout » (p.79-80).
4
Ibid., p.45.
5
Ibid., p.19.
6
STEINER, P. (1994). La sociologie de Durkheim, Paris: La Découverte/Repères, p.20
7
Ibid., p.20-21
27
L1 AES Introduction à la sociologie
que je suis en train de marcher dans la rue, j’ouvre mon parapluie parce qu’il s’est mis
à pleuvoir.
o Deuxième étape : une activité est une activité sociale si le sens que je lui donne se
rapporte au comportement d’autrui, c’est-à-dire qu’à un certain degré, cette activité
est influencée par la situation des autres, par ce que font les autres autour de moi. Par
exemple, quand j’ouvre mon parapluie parce qu’il pleut, ce n’est pas une activité
sociale, parce que ce qui motive mon comportement, ce n’est pas ce que font les autres
autour de moi, mais le fait qu’il pleuve. Par contre, lorsque j’assiste à une cérémonie
religieuse de mariage ou d’enterrement par exemple, il s’agit d’une activité sociale car
elle est orientée vers autrui : je cherche à partager ma joie ou ma tristesse avec les
autres.
Pour comprendre l’activité sociale, il faut donc comprendre le sens que les individus assignent
à leurs actions. Le point de départ de l’analyse est donc individuel : on parle d’individualisme
méthodologique.
Idéal-type : « Un idéal type est une construction théorique qui accentue certains traits de la
réalité pour en faciliter sa compréhension. C’est donc une abstraction mentale et intellectuelle
qui ne reflète pas la réalité telle qu’elle est mais qui la clarifie8 ». Entre la réalité empirique et
l’idéal-type, il y a donc à la fois simplification et accentuation de certains traits. Weber parle
comme d’une « utopie ». On peut évoquer aussi l’image d’une caricature, qui ne correspond
pas exactement à la réalité mais permet d’en faire ressortir certains traits caractéristiques.
Types de légitimité : Weber montre que dans un ordre politique, la domination, le fait pour
un chef d’exercer durablement un pouvoir sur des sujets ou des citoyens, ne procède jamais
purement par la force. Le chef ou l’instance au pouvoir va toujours chercher une forme de
reconnaissance, d’adhésion à son autorité de la part des sujets qui y sont soumis ; en d’autres
termes, la domination aspire toujours à être légitime, c’est-à-dire à être perçue comme juste,
non remise en question. Selon Weber, cette légitimité peut avoir trois fondements, qui
induisent trois grands types de domination : rationnelle-légale, traditionnelle et
charismatique (je reprends entre guillemets les citations de Weber dans Economie et société,
t.1, p.289):
8
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves:
Foucher, p.37.
28
L1 AES Introduction à la sociologie
29
L1 AES Introduction à la sociologie
IX. ANNEXES
« Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention, aucun n'a plus vivement
frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans peine l'influence prodigieuse qu'exerce ce premier fait
sur la marche de la société; il donne à l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois; aux gouvernants des
maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés.
Bientôt je reconnus que ce même fait étend son influence fort au-delà des mœurs politiques et des lois, et qu'il n'obtient
pas moins d'empire sur la société civile que sur le gouvernement: il crée des opinions, fait naître des sentiments, suggère
des usages et modifie tout ce qu'il ne produit pas.
Ainsi donc, à mesure que j'étudiais la société américaine, je voyais de plus en plus, dans l'égalité des conditions, le fait
générateur dont chaque fait particulier semblait descendre, et je le retrouvais sans cesse devant moi comme un point
central où toutes mes observations venaient aboutir.
Alors je reportai ma pensée vers notre hémisphère, et il me sembla que j'y distinguais quelque chose d'analogue au
spectacle que m'offrait le nouveau monde. Je vis l'égalité des conditions qui, sans y avoir atteint comme aux États-Unis
ses limites extrêmes, s'en rapprochait chaque jour davantage; et cette même démocratie, qui régnait sur les sociétés
américaines, me parut en Europe s'avancer rapidement vers le pouvoir.
Une grande révolution démocratique, s'opère parmi nous: tous la voient, mais tous ne la jugent point de la même manière.
Les uns la considèrent comme une chose nouvelle, et, la prenant pour un accident, ils espèrent pouvoir encore l'arrêter;
tandis que d'autres la jugent irrésistible, parce qu'elle leur semble le fait le plus continu, le plus ancien et le plus
permanent que l'on connaisse dans l'histoire ».
TOCQUEVILLE, A.D. (1961 [1835]). De la démocratie en Amérique, Paris: Gallimard, Introduction, p. 37-38.
Texte disponible en ligne : UQAC, « Les classiques des sciences sociales »,
http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_1/democratie_tome1.html
« […] dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires,
indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs
forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société,
la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de
conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social,
politique et intellectuel en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être; c'est inversement leur
être social qui détermine leur conscience. À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de
la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique,
avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces
productives qu'ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une époque de révolution sociale. Le
changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l'énorme superstructure ».
MARX, K. (1972 [1859]). Contribution à la critique de l'économie politique, Paris: Editions sociales, Préface, p. 19.
Texte disponible en ligne : UQAC, « Les classiques des sciences sociales »,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/contribution_critique_eco_pol/contribution_critique.html
30
L1 AES Introduction à la sociologie
ANNEXE 3 : A.COMTE
« Maintenant que l'esprit humain a fondé la physique céleste, la physique terrestre, soit mécanique, soit chimique; la
physique organique, soit végétale, soit animale, il lui reste à terminer le système des sciences d'observation en fondant la
physique sociale. Tel est aujourd'hui, sous plusieurs rapports capitaux, le plus grand et le plus pressant besoin de notre
intelligence : tel est, j'ose le dire, le premier but de ce cours, son but spécial ».
COMTE, A. (1830-1842). Cours de philosophie positive, 1ère et 2ème leçons¸ p.39, disponible sur UQAC, « Les classiques
des sciences sociales »,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/cours_philo_positive/cours_philo_positive.html
« En étudiant ainsi le développement total de l'intelligence humaine dans ses diverses sphères d'activité, depuis son
premier essor le plus simple jusqu'à nos jours, je crois avoir découvert une grande loi fondamentale, à laquelle il est
assujetti par une nécessité invariable, et qui me semble pouvoir être solidement établie, soit sur les preuves rationnelles
fournies par la connaissance de notre organisation, soit sur les vérifications historiques résultant d'un examen attentif du
passé. Cette loi consiste en ce que chacune de nos conceptions principales, chaque branche de nos connaissances, passe
successivement par trois états théoriques différents : l'état théologique, ou fictif; l'état métaphysique, ou abstrait; l'état
scientifique, ou positif. En d'autres termes, l'esprit humain, par sa nature, emploie successivement dans chacune de ses
recherches trois méthodes de philosopher dont le caractère est essentiellement différent et même radicalement opposé -
d'abord la méthode théologique, ensuite la méthode métaphysique et enfin la méthode positive. De là, trois sortes de
philosophies, ou de systèmes généraux de conceptions sur l'ensemble des phénomènes, qui s'excluent mutuellement : la
première est le point de départ nécessaire, de l'intelligence humaine; la troisième, son état fixe et définitif; la seconde est
uniquement destinée à servir de transition.
- Dans l'état théologique, l'esprit humain, dirigeant essentiellement ses recherches vers la nature intime des êtres, les
causes premières et finales de tous les effets qui le frappent, en un mot vers les connaissances absolues, se représente les
phénomènes comme produits par l'action directe et continue d'agents surnaturels plus ou moins nombreux, dont
l'intervention arbitraire explique toutes les anomalies apparentes de l'univers.
- Dans l'état métaphysique, qui n'est au fond qu'une simple modification générale du premier, les agents surnaturels
sont remplacés par des forces abstraites, véritables entités (abstractions personnifiées) inhérentes aux divers êtres du
monde, et conçues comme capables d'engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés, dont l'explication
consiste alors à assigner pour chacun l'entité correspondante.
- Enfin, dans l'état positif, l'esprit humain reconnaissant l'impossibilité d'obtenir des notions absolues, renonce à
chercher l'origine et la destination de l'univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s'attacher
uniquement à découvrir, par l'usage bien combiné du raisonnement et de l'observation, leurs lois effectives, c'est-à-dire
leurs relations invariables de succession et de similitude ».
COMTE, A. (1830-1842). Cours de philosophie positive, 1ère et 2ème leçons¸ p.26-27, disponible sur UQAC, « Les
classiques des sciences sociales »,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Comte_auguste/cours_philo_positive/cours_philo_positive.html
31
L1 AES Introduction à la sociologie
La question est d'autant plus nécessaire que l'on se sert de cette qualification sans beaucoup de précision. On l'emploie
couramment pour désigner à peu près tous les phénomènes qui se passent à l'intérieur de la société, pour peu qu'ils
présentent, avec une certaine généralité, quelque intérêt social. Mais, à ce compte, il n'y a, pour ainsi dire, pas
d'événements humains qui ne puissent être appelés sociaux. Chaque individu boit, dort, mange, raisonne et la société a
tout intérêt à ce que ces fonctions s'exercent régulièrement. Si donc ces faits étaient sociaux, la sociologie n'aurait pas
d'objet qui lui fût propre, et son domaine se confondrait avec celui de la biologie et de la psychologie.
Mais, en réalité, il y a dans toute société un groupe déterminé de phénomènes qui se distinguent par des caractères
tranchés de ceux qu'étudient les autres sciences de la nature.
Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux ou de citoyen, quand j'exécute les engagements que j'ai contractés, je
remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu'ils
sont d'accord avec mes sentiments propres et que j'en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas d'être objective ;
car ce n'est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l'éducation. Que de fois, d'ailleurs, il arrive que nous ignorons
le détail des obligations qui nous incombent et que, pour les connaître il nous faut consulter le Code et ses interprètes
autorisés ! De même, les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si
elles existaient avant lui, c'est qu'elles existent en dehors de lui. Le système de signes dont je me sers pour exprimer ma
pensée, le système de monnaies que j'emploie pour payer mes dettes, les instruments de crédit que j'utilise dans mes
relations commerciales, les pratiques suivies dans ma profession, etc., etc., fonctionnent indépendamment des usages que
j'en fais. Qu'on prenne les uns après les autres tous les membres dont est composée la société, ce qui précède pourra être
répété à propos de chacun d'eux. Voilà donc des manières d'agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable
propriété qu'elles existent en dehors des consciences individuelles.
Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l'individu, mais ils sont doués d'une puissance
impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non. Sans doute, quand je m'y
conforme de mon plein gré, cette coercition ne se fait pas ou se fait peu sentir, étant inutile. Mais elle n'en est pas moins
un caractère intrinsèque de ces faits, et la preuve, c'est qu'elle s'affirme dès que je tente de résister. Si j'essaye de violer les
règles du droit, elles réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte s'il en est temps, ou à l'annuler et à le rétablir
sous sa forme normale s'il est accompli et réparable, ou à me le faire expier s'il ne peut être réparé autrement. S'agit-il de
maximes purement morales ? La conscience publique contient tout acte qui les offense par la surveillance qu'elle exerce
sur la conduite des citoyens et les peines spéciales dont elle dispose. Dans d'autres cas, la contrainte est moins violente ;
elle ne laisse pas d'exister. Si je ne me soumets pas aux conventions du monde, si, en m'habillant, je ne tiens aucun
compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe, le rire que je provoque, l'éloignement où l'on me tient,
produisent, quoique d'une manière plus atténuée, les mêmes effets qu'une peine proprement dite. Ailleurs, la contrainte,
pour n'être qu'indirecte, n'en est pas moins efficace. Je ne suis pas obligé de parler français avec mes compatriotes, ni
d'employer les monnaies légales ; mais il est impossible que je fasse autrement. Si j'essayais d'échapper à cette nécessité,
ma tentative échouerait misérablement. Industriel, rien ne m'interdit de travailler avec des procédés et des méthodes de
l'autre siècle ; mais, si je le fais, je me ruinerai à coup sûr. Alors même que, en fait, je puis m'affranchir de ces règles et
les violer avec succès, ce n'est jamais sans être obligé de lutter contre elles. Quand même elles sont finalement vaincues,
elles font suffisamment sentir leur puissance contraignante par la résistance qu'elles opposent. Il n'y a pas de novateur,
même heureux, dont les entreprises ne viennent se heurter à des oppositions de ce genre.
Voilà donc un ordre de faits qui présentent des caractères très spéciaux : ils consistent en des manières d'agir,
de penser et de sentir, extérieures à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils
s'imposent à lui. Par suite, ils ne sauraient se confondre avec les phénomènes organiques, puisqu'ils consistent en
représentations et en actions ; ni avec les phénomènes psychiques, lesquels n'ont d'existence que dans la conscience
individuelle et par elle. Ils constituent donc une espèce nouvelle et c'est à eux que doit être donnée et réservée la qualifica-
tion de sociaux ».
Source : Émile Durkheim (1894), Les règles de la méthode sociologique. Paris: PUF, 16e édition, 1967, chapitre 1,
« Qu’est-ce qu’un fait social ? », p.18-19, disponible sur UQAC, « Les classiques des sciences sociales »,
32
L1 AES Introduction à la sociologie
http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/regles_methode/regles_methode.html
« Pour titre de cette étude nous avons choisi l'expression, quelque peu prétentieuse, d' « esprit du capitalisme ». Que faut-
il entendre par là? […] [N]ous allons nous référer à un document de cet «esprit », dans sa pureté presque classique, qui
contient ce que nous cherchons ici […]:
‘Souviens-toi que le temps, c'est de l'argent. Celui qui, pouvant gagner dix shillings par jour en travaillant, se
promène ou reste dans sa chambre à paresser la moitié du temps, bien que ses plaisirs, que sa paresse, ne lui coûtent que
six pence, celui-là ne doit pas se borner à compter cette seule dépense. Il a dépensé en outre, jeté plutôt, cinq autres
shillings.
Souviens-toi que le crédit, c'est de l'argent. […]
Souviens-toi que l'argent est, par nature, générateur et prolifique. […]
Souviens-toi du dicton : le bon payeur est le maître de la bourse d'autrui. Celui qui est connu pour payer
ponctuellement et exactement à la date promise, peut à tout moment et en toutes circonstances se procurer l'argent que
ses amis ont épargné. Ce qui est parfois d'une grande utilité. Après l'assiduité au travail et la frugalité, rien ne contribue
autant à la progression d'un jeune homme dans le monde que la ponctualité et l'équité dans ses affaires.
[…] Celui qui perd inutilement pour cinq shillings de son temps, perd cinq shillings; il pourrait tout aussi bien
jeter cinq shillings dans la mer.
Celui qui perd cinq shillings, perd non seulement cette somme, mais aussi tout ce qu'il aurait pu gagner en
l'utilisant dans les affaires, ce qui constituera une somme d'argent considérable, au fur et à mesure que l'homme jeune
prendra de l'âge’.
C'est Benjamin Franklin qui nous fait ce sermon […]. Qui doutera que c'est l' « esprit du capitalisme » qui parle ici de
façon si caractéristique […] ? […]Le propre de cette philosophie de l'avarice semble être l'idéal de l'homme d'honneur
dont le crédit est reconnu et, par-dessus tout, l'idée que le devoir de chacun est d'augmenter son capital, ceci étant supposé
une fin en soi. En fait, ce n'est pas simplement une manière de faire son chemin dans le monde qui est ainsi prêchée, mais
une éthique particulière. En violer les règles est non seulement insensé, mais doit être traité comme une sorte d'oubli du
devoir. Là réside l'essence de la chose. Ce qui est enseigné ici, ce n'est pas simplement le « sens des affaires » - de
semblables préceptes sont fort répandus - c'est un éthos. Voilà le point qui précisément nous intéresse.
[…] [C]ette éthique est entièrement dépouillée de tout caractère eudémoniste, voire hédoniste. Ici, le summum bonum peut
s'exprimer ainsi : gagner de l'argent, toujours plus d'argent, tout en se gardant strictement des jouissances spontanées de la
vie. L'argent est à ce point considéré comme une fin en soi qu'il apparaît entièrement transcendant et absolument
irrationnel sous le rapport du « bonheur » de l'individu ou de l'« avantage » que celui-ci peut éprouver à en posséder. Le
gain est devenu la fin que l'homme se propose; il ne lui est plus subordonné comme moyen de satisfaire ses besoins
matériels. Ce renversement de ce que nous appellerions l'état de choses naturel, si absurde d'un point de vue naïf, est
manifestement l'un des leitmotive caractéristiques du capitalisme et il reste entièrement étranger à tous les peuples qui
n'ont pas respiré de son souffle. […]
Gagner de l'argent - dans la mesure où on le fait de façon licite - est, dans l'ordre économique moderne, le résultat,
l'expression de l'application et de la compétence au sein d'une profession ; et il est facile de voir que cette activité, cette
application sont l'alpha et l'oméga de la morale de Franklin […].
En effet, cette idée particulière - si familière pour nous aujourd'hui, mais en réalité si peu évidente - que le devoir
s'accomplit dans l'exercice d'un métier, d'une profession, c'est l'idée caractéristique de l'« éthique sociale » de la
civilisation capitaliste; en un certain sens, elle en est le fondement. C'est une obligation que l'individu est supposé
ressentir et qu'il ressent à l'égard de son activité « professionnelle », peu importe celle-ci […] ».
Source : Max Weber (1904-1905), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Suivi d’un essai. Paris : Librairie Plon,
1964, p.26-32, version numérisée sur « Les classiques des sciences sociales », UQAC,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/ethique_protestante/Ethique.html
33
L1 AES Introduction à la sociologie
« Le problème social est fondamentalement un problème urbain : il s’agit de parvenir, dans la liberté propre à la ville, à
un ordre social et à un contrôle social équivalents à ce qui s’est développé naturellement dans la famille, le clan, la tribu.
[…]
Tant que l’homme vivait dans les limites de la tribu, la coutume et la tradition pourvoyaient à toutes les exigences
ordinaires de la vie, et l’autorité des chefs naturels était suffisante pour faire face aux crises périodiques d’une existence
relativement stable. Mais les possibilités de la vie humaine se sont élargies avec la naissance de communautés urbaines.
Avec la liberté nouvelle et l’élargissement de la division du travail introduits par le nouvel ordre social, la ville est
devenue le centre et le foyer de changements sociaux dont l’extension et la complexité croissante aboutissent aujourd’hui
à faire de toute métropole urbaine le centre local d’une économie mondiale et d’une civilisation dans laquelle les cultures
régionales et tribales actuellement en cours de fusion vont bientôt disparaître entièrement.
Dans une ville où la coutume a été remplacée par l’opinion publique et la loi positive, l’homme a été contraint de
s’appuyer sur son ingéniosité, non sur son instinct ou sur la tradition : il en résulte l’émergence de l’individu comme unité
de pensée et d’action.
Le paysan qui vient à la ville pour travailler et vivre est, à coup sûr, émancipé du contrôle de la coutume ancestrale, mais
en même temps il n’est plus soutenu par la sagesse collective de la communauté paysanne : il est son propre maître – le
cas du paysan est typique. Tout le monde est plus ou moins son propre maître en ville. Il en résulte que l’homme,
transplanté en ville, est devenu, pour lui-même et pour la société, un problème dont la nature et l’ampleur sont sans
précédent. L’ordre ancien, fondé sur la coutume et la tradition, était absolu et sacré. Il avait, en outre, quelque chose de la
nature elle-même ; il était parvenu à maturité, et les hommes le prenaient tel qu’ils le trouvaient, comme le climat et le
temps, comme une partie de l’ordre naturel des choses. Le nouvel ordre social, en revanche, est plus ou moins une
création artificielle, un artefact. Il n’est ni absolu ni sacré, mais pragmatique et expérimental. Sous l’influence d’un point
de vue pragmatique, l’éducation a cessé d’être purement une forme de rite social ; la politique est devenue empirique ; la
religion est aujourd’hui une quête plutôt qu’une tradition, quelque chose à chercher plutôt qu’à transmettre.
La science de la nature est née d’un effort de l’homme pour parvenir au contrôle de l’univers physique. La science sociale
cherche aujourd’hui, par les mêmes méthodes d’observation et de recherche désintéressée, à procurer à l’homme le
contrôle de l’homme. Comme c’est dans la ville qu’est né le problème politique, c’est-à-dire le problème du contrôle
social, c’est aussi dans la ville qu’il faut l’étudier ».
Source : PARK, R. (1984 [1929]). "La ville comme laboratoire social." in L'école de Chicago. Naissance de l'écologie
urbaine, sd GRAFMEYER, Y. et JOSEPH, I. Paris: Aubier, p.168-169.
34
L1 AES Introduction à la sociologie
I. PLAN DU CHAPITRE 3
1) Le fonctionnalisme
a) Talcott Parsons
b) Robert Merton : cf Annexe 1
2) L’interactionnisme symbolique
a) Everett Hughes
b) Howard Becker
c) Erving Goffman : cf Annexe 2
I. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
35
L1 AES Introduction à la sociologie
36
L1 AES Introduction à la sociologie
HUGHES, E.C. (1958). Men and their work, Glencoe, Ill.: Free Press.
HUGHES, E.C. (1996). Le regard sociologique: essais choisis, Paris: Éditions de l'École des
hautes études en sciences sociales.
MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon.
PARSONS, T. (1973). Sociétés: essai sur leur évolution comparée, Paris: Dunod.
PARSONS, T. (1955). Eléments pour une sociologie de l'action, Paris: Plon.
A la suite des travaux des deux « pères fondateurs » de la sociologie que sont E. Durkheim et
M. Weber, la sociologie moderne reste durablement traversée par une tension entre deux
approches du social : l’une holiste, qui accorde le primat à l’étude des structures sociales et
des phénomènes collectifs, et l’autre individualiste, qui part d’une analyse de l’action
individuelle pour comprendre la société. Cette opposition se retrouve aux Etats-Unis : alors
que l’approche fonctionnaliste (Talcott Parsons, Robert Merton) accorde le primat à l’étude
des structures sociales et de la société conçue comme un système, l’interactionnisme
symbolique (Everett Hughes, Howard Becker, Erving Goffman) part de l’étude des
interactions entre les individus pour comprendre le social. En France, la sociologie de Pierre
Bourdieu, tout en cherchant à dépasser l’opposition individu/société, conçoit dans une large
mesure les individus comme étant déterminés par les structures sociales. Raymond Boudon,
quant à lui, théorise l’individualisme méthodologique et applique cette grille de lecture du
social à de nombreux sujets.
Si cette opposition entre holisme et individualisme fournit une clé d’intelligibilité de la
sociologie moderne, il convient toutefois de ne pas surestimer sa portée. En effet, il s’agit
essentiellement d’une opposition méthodologique, entre deux manières d’appréhender le
social, deux « prises » que l’on se donne sur le social, mais l’adoption de l’une ou l’autre
orientation n’empêche pas les sociologues de se poser la question de l’articulation entre
individu et société. En d’autres termes, l’adoption d’une démarche holiste ne signifie pas
nécessairement que l’on ignore les individus, et l’individualisme méthodologique peut
prendre en considération l’influence de contraintes sociales.
37
L1 AES Introduction à la sociologie
Fonctionnalisme : courant théorique qui « postule, dans sa forme radicale, que les éléments d’une
société forment un tout indissociable, jouent un rôle vital dans le maintien de l’équilibre d’ensemble et
sont donc indispensables […]. Ce fonctionnalisme présuppose donc la stabilité et l’intégration des
systèmes sociaux, et tend à ramener l’explication des faits sociaux à la mise en évidence de leurs
fonctions – puisqu’ils ne sont que par ce à quoi ils servent9 ». Les travaux de Robert Merton ont
conduit à nuancer ce fonctionnalisme « absolu ».
Prédiction créatrice (Merton) : La notion de prédiction créatrice (ou prophétie auto-réalisatrice) chez
Merton prend appui sur l’idée du sociologue William Thomas selon laquelle « Quand les hommes
considèrent certaines situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences ». Robert
Merton définit ainsi la prédiction créatrice : « La prédiction créatrice débute par une définition fausse
de la situation, provoquant un comportement nouveau qui rend vraie la conception, fausse à
l’origine12 ». Le sociologue montre que ce concept permet d’expliquer un bon nombre de situations
sociales. Par exemple, il montre comment la prédiction créatrice contribue à expliquer la dynamique
des conflits raciaux aux Etats-Unis (cf Annexe 1).
Champ (Bourdieu): « Le champ est une sphère de la vie sociale qui s’est progressivement
autonomisée à travers l’histoire autour de relations sociales, d’enjeux et de ressources propres,
différents des autres champs. Les gens ne courent ainsi pas pour les mêmes raisons dans le champ
économique, dans le champ artistique, dans le champ journalistique, dans le champ politique ou dans
le champ sportif. Chaque champ est alors à la fois un champ de forces – il est marqué par une
distribution inégale des ressources et donc un rapport de force entre dominants et dominés – et un
champ de luttes – les agents sociaux s’y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de
force13 ». La place des individus dans les champs au sein desquels ils participent est fonction des
capitaux dont ils disposent (cf « capital »).
9
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005). Dictionnaire de
sociologie, Paris: Larousse, p.100.
10
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005). Dictionnaire de
sociologie, Paris: Larousse, p.101.
11
MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon, p.102, cité par DELAS,
J.-P. et MILLY, B. (2005). Histoire des pensées sociologiques, Paris: Armand Colin, p. 286.
12
MERTON, R.K. (1953 [1949]). Eléments de méthode sociologique, Paris: Plon, p.173.
13
CORCUFF, P. (1995). Les nouvelles sociologies, Paris: Armand Colin, p.34.
38
L1 AES Introduction à la sociologie
Capital (Bourdieu) : la place des individus dans l’espace social et dans les différents champs auxquels
ils participent (cf « champ ») est fonction des capitaux dont ils disposent. Par « capital », P. Bourdieu
désigne un ensemble de ressources matérielles et immatérielles dont disposent les individus. Il
distingue plusieurs sortes de capitaux, parmi lesquelles figurent principalement le capital économique
(ressources financières), le capital culturel (diplômes, qualifications intellectuelles, références
culturelles des individus), le capital social (caractéristiques du réseau de connaissances, de relations
sociales d’un individu : est-il relié à des personnes disposant elles-mêmes de capitaux importants ?) et
le capital symbolique (prestige, honneur).
Habitus (Bourdieu): « système de dispositions durables acquis par l’individu au cours du processus de
socialisation. Il s’agit donc à la fois du produit de conditions sociales passées et du principe
générateur des pratiques et des représentations que l’individu va mobiliser dans ses stratégies.
Bourdieu y voit un moyen de dépasser l’opposition entre objectivisme (effets de la structure sociale) et
subjectivisme (liberté des agents)14 ». L’habitus se distingue de l’habitude : « Contrairement à
l’habitude qui est considérée comme mécanique, automatique et répétitive, l’habitus est producteur et
pas seulement reproducteur. Il parvient, en dépit des conditionnements successifs que nous subissons,
à générer des comportements nouveaux et différents de ce que l’on a exactement appris15 ». L’habitus
d’un individu est très lié à sa classe sociale (cf annexe 3).
Interactionnisme symbolique : « courant sociologique qui met au centre de son analyse la conception
que les acteurs se font du monde, laquelle s’élabore au cours de leurs interactions quotidiennes18 » (cf
annexe 2).
14
DELAS, J.-P. et MILLY, B. (2005). Histoire des pensées sociologiques, Paris: Armand Colin, p. 311.
15
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p. 54.
16
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005). Dictionnaire de
sociologie, Paris: Larousse, p.122.
17
BOUDON, R. (1977). Effets pervers et ordre social, Paris: Presses universitaires de France, p.20.
18
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p. 58.
39
L1 AES Introduction à la sociologie
IV. ANNEXES
« Dans une série de travaux auxquels les universitaires sont à peu près les seuls à se référer, le doyen
des sociologues américains, W.I. Thomas, a formulé un théorème essentiel pour les sciences sociales :
« Quand les hommes considèrent certaines situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs
conséquences ». Si ce théorème et ses incidences étaient mieux connus, moins rares seraient ceux qui
comprennent le fonctionnement de notre société. Bien qu’il n’ait pas l’envergure et la précision d’un
théorème newtonien, il est tout aussi pertinent, car on peut l’appliquer utilement à de nombreux, voire
à tous les processus sociaux.
[…] La prédiction créatrice débute par une définition fausse de la situation, provoquant un
comportement nouveau qui rend vraie la conception, fausse à l’origine.
[…] La prédiction créatrice contribue largement à expliquer la dynamique des conflits ethniques et
raciaux dans l’Amérique d’aujourd’hui. Que ce soit le cas, au moins pour les relations entre blancs et
noirs, on peut s’en rendre compte en lisant les quinze cent pages de An American Dilemma de Gunnar
Myrdal. […]
MERTON, R.K. (1953 [1949]). Eléments de méthode sociologique, Paris: Plon, p.169-175.
40
L1 AES Introduction à la sociologie
« On peut donc supposer que toute personne placée en présence des autres a de multiples
raisons d’essayer de contrôler l’impression qu’ils reçoivent de la situation. […] on s’occupera
uniquement des problèmes ‘dramaturgiques’ qui se posent aux participants dans la
présentation de leur activité à leurs partenaires. Les questions qui touchent à la mise en scène
et à la pratique théâtrale sont parfois banales, mais elles sont très générales ; elles semblent se
poser partout dans la vie sociale et fournissent un schéma précis pour une analyse
sociologique.
[…] Par interaction (c’est-à-dire interaction face à face), on entend à peu près l’influence
réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en
présence physique immédiate les uns des autres ; par une interaction, on entend l’ensemble de
l’interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d’un ensemble
donné se trouvent en présence continue les uns des autres […]. Par une ‘représentation’, on
entend la totalité de l’activité d’une personne donnée, pour influencer d’une certaine façon un
des autres participants. Si on prend un acteur déterminé et sa représentation comme référence
fondamentale, on peut donner le nom de public, d’observateurs et de partenaires à ceux qui
réalisent les autres représentations. On peut appeler ‘rôle’(part) ou ‘routine’ le modèle
d’action préétabli que l’on développe durant une représentation et que l’on peut présenter ou
utiliser en d’autres occasions ».
« On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler.
Le repas est placé sous le signe de l’abondance […] et surtout de la liberté : on fait des plats
‘élastiques’, qui ‘abondent’, comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre […] et
qui, servies à la louche ou à la cuillère, évitent d’avoir à trop mesurer et compter – à l’opposé de tout
ce qui se découpe, comme les rôtis. […] Il fait partie du statut d’homme de manger, et de bien manger
(et aussi de bien boire) : on insiste […], en invoquant le principe qu’‘il ne faut pas laisser’, et le refus a
quelque chose de suspect ; le dimanche, tandis que les femmes, toujours debout, s’affairent à servir et
à débarrasser la table et à laver la vaisselle, les hommes, encore assis, continuent à boire et à manger.
Ces différences très marquées entre les statuts sociaux […] ne s’accompagnant d’aucune
différenciation pratique (telle la division bourgeoise entre la salle à manger et l’office, où mangent les
domestiques et parfois les enfants), on tend à ignorer le souci de l’ordonnance stricte du repas : tout
peut ainsi être mis sur la table à peu près en même temps [..], en sorte que les femmes peuvent en être
déjà au dessert, avec les enfants qui emportent leur assiette devant la télévision, pendant que les
hommes finissent le plat principal ou que le ‘garçon’ arrivé en retard, avale sa soupe. Cette liberté, qui
peut être perçue comme désordre ou laisser-aller, est adaptée. […] La racine commune de toutes ces
‘licences’ que l’on s’accorde est sans doute le sentiment qu’on ne va pas, en plus, s’imposer des
contrôles, des contraintes et des restrictions délibérés […] et, au sein même de la vie domestique, seul
asile de liberté, alors qu’on est de tous côtés et tout le reste du temps soumis à la nécessité.
Au ‘franc-manger’ populaire, la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes. Les formes,
ce sont d’abord des rythmes, qui impliquent des attentes, des retards, des retenues ; on n’a jamais l’air
de se précipiter sur les plats, on attend que le dernier à se servir ait commencé à manger, on se sert et
ressert discrètement. On mange dans l’ordre et toute coexistence de mets que l’ordre sépare, rôti et
41
L1 AES Introduction à la sociologie
poisson, fromage et dessert, est exclue : par exemple, avant de servir le dessert, on enlève tout ce qui
reste sur la table, jusqu’à la salière, et on balaie les miettes. Cette manière d’introduire la rigueur de la
règle jusque dans le quotidien […] est l’expression d’un habitus d’ordre, de tenue et de retenue qui ne
saurait être abdiqué. Et cela d’autant moins que le rapport à la nourriture – le besoin et le plaisir
primaires par excellence – n’est qu’une dimension du rapport bourgeois au monde social : l’opposition
entre l’immédiat et le différé, le facile et le difficile, la substance ou la fonction et la forme […], est au
principe de toute esthétisation des pratiques et de toute esthétique. […] C’est aussi un rapport à la
nature animale, aux besoins primaires et au vulgaire qui s’y abandonne sans frein ; c’est une manière
de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires […] en faisant du repas une
cérémonie sociale, une affirmation de tenue éthique et de raffinement esthétique. La manière de
présenter la nourriture et de la consommer, l’ordonnance du repas et la disposition de couverts, […]
tout ce parti de stylisation tend à déplacer l’accent de la substance et la fonction vers la forme et la
manière, et, par là, à nier, ou mieux, à dénier la réalité grossièrement matérielle de l’acte de
consommation et des choses consommées ou, ce qui revient au même, la grossièreté bassement
matérielle de ceux qui s’abandonnent aux satisfactions immédiates de la consommation alimentaire ».
42
L1 AES Introduction à la sociologie
I. PLAN DU CHAPITRE 4
I. La culture
A. Une définition difficile
1) La définition extensive des anthropologues
2) Une définition plus restreinte ?
3) Intérêt d’une conception élargie de la culture
II. La socialisation
A. La socialisation primaire
1) Définition
2) L'exemple de la socialisation différenciée selon les sexes
B. La socialisation secondaire
1) La socialisation professionnelle
2) Les autres socialisations secondaires
C. La socialisation continue
43
L1 AES Introduction à la sociologie
44
L1 AES Introduction à la sociologie
Dans cette deuxième partie du cours consacrée à des questionnements transversaux aux
différents domaines de la sociologie, nous abordons d’abord la problématique de la culture, de
la socialisation et des identités.
La culture fait l’objet de deux grands types de définitions en sociologie : d’une part une
définition extensive qui, issue de la tradition anthropologique, oppose la culture à la nature, et
d’autre part une définition plus restrictive et plus proche de l’acception courante du terme,
selon laquelle la culture renvoie au domaine des arts et des pratiques liées à la production et à
la consommation de « biens culturels » (musique, livres, spectacles, cinéma, etc.). Dans
l’optique d’une appréhension de la culture comme prisme d’analyse transversal en sociologie,
nous retenons dans ce chapitre la définition plus extensive de la culture, issue de la tradition
anthropologique. Ainsi entendue, la culture a fait l’objet d’analyses plurielles : à des
approches mettant l’accent sur la cohérence propre à chaque culture ont succédé des analyses
insistant sur la complexité et la diversité interne à chaque culture. Les concepts
d’acculturation, de sous-culture ou encore de contre-culture illustrent bien cette dernière
perspective.
La complexité des cultures induit logiquement une complexité des processus de socialisation,
ceux-ci correspondant justement aux processus par lesquels l’être humain « apprend et
intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de son milieu » (selon la
définition de Guy Rocher). Dès la socialisation primaire (pendant l’enfance), l’enfant est
influencé par une pluralité d’instances de socialisation : parents, école, mais aussi nourrices,
puéricultrices, jeux et lectures, médias, culture de masse… Poursuite de la socialisation à
l’âge adulte, la socialisation secondaire ne se résume pas à la socialisation professionnelle,
dimension la plus étudiée par les sociologues. En effet, le couple, ainsi que les divers groupes
d’appartenance (associatifs, politiques, religieux), mais aussi les instances de socialisation
45
L1 AES Introduction à la sociologie
plus diffuses telles que les médias et la culture de masse, contribuent également à façonner
l’individu à l’âge adulte.
Résultat objectif de ces processus de socialisation potentiellement divergents, l’individu est
une entité traversée de contradictions. Selon l’analyse de Jean-Claude Kaufmann que nous
reprenons dans ce chapitre, la construction identitaire correspond au processus subjectif de
reconstruction d’une unité et d’un tout cohérent à partir de ces éléments pluriels et
contradictoires dont est fait un individu.
Culture : La culture fait l’objet de deux grands types de définitions en sociologie. On en trouve d’une
part une définition extensive, issue de la tradition anthropologique. La définition proposée par Tylor
en 1871 est emblématique de cette conception élargie de la culture. Selon cet anthropologue, la culture
renvoie à « ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les
coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la
société19 ». La culture, dans ce sens, correspond à « tout ce qui est créé et transmis par l’homme, tout
ce qui n’est pas donné par la seule nature et par l’hérédité biologique20 ». D’autre part, une définition
plus restrictive et plus proche du sens courant réserve le terme de culture au domaine des arts et des
pratiques liées à la production et à la consommation de « biens culturels » (musique, livres, spectacles,
cinéma, etc.). Ce second ensemble de recherches s’intéresse notamment à la différenciation des
pratiques culturelles selon les catégories sociales (ex. l’opéra est plus fréquenté par les catégories
supérieures que par les catégories populaires) et aux hiérarchies s’établissant conjointement entre des
pratiques culturelles légitimes (ex. écouter de la musique classique) et d’autres moins reconnues (ex.
écouter du rap).
Norme sociale : « Principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou à une société. Les
normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et légitimé par le système de valeurs
propre à chaque société ou à chaque groupe social. Les normes sociales sont intériorisées par les
individus au cours de la socialisation et régulent les comportements par des sanctions positives ou
négatives, formelles ou informelles, quand il y a transgression ou non-conformité21 ».
Valeur : « Une valeur constitue un idéal pour les membres d’une société, elle guide les « bonnes »
manières de penser, d’être et d’agir22 [...] ».
Acculturation : Le terme « acculturation » vise à rendre compte de ce qui se joue lorsque des cultures
différentes entrent en contact. Initialement utilisé en 1880 par l’anthropologue américain J. Powell
pour rendre compte de « la transformation des modes de vie et de pensée des immigrants au contact de
la société américaine23 », le terme « acculturation » a pris un sens plus général à partir des travaux de
R. Redfield, R. Linton et M. Herskovits dans leur Mémorandum pour l’étude de l’acculturation en
1936. Les trois auteurs donnent alors une définition de l’acculturation qui fera ensuite autorité :
« L’acculturation est l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des
19
TYLOR, E. (1876 [1871]). La civilisation primitive, Paris: Reinwald, p.1, cité par CUCHE, D. (1996). La
notion de culture dans les sciences sociales, Paris: Editions La Découverte, p.16.
20
ANSART, P. (1999). "Sociologie de la culture." in Dictionnaire de sociologie, sd AKOUN, A. et ANSART,
P. Paris: Le Robert – Seuil, p.126.
21
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.204.
22
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.129.
23
CUCHE, D. (1996). La notion de culture dans les sciences sociales, Paris: Editions La Découverte, p.53.
46
L1 AES Introduction à la sociologie
groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles
culturels initiaux de l’un ou l’autre des deux groupes24 ». L’acculturation ne doit pas être confondue
avec l’assimilation, qui « implique pour un groupe la disparition totale de sa culture d’origine et
l’intériorisation complète de la culture du groupe dominant25 ».
Ethnocentrisme : « Lorsqu’on examine la réalité sociale, on a souvent tendance à évaluer ce que l’on
voit à l’aune de sa propre expérience et de sa propre culture. Ce comportement est qualifié
d’ethnocentrique. […] L’ethnocentrisme est une attitude qui consiste à analyser et à juger les autres
cultures en référence à sa propre culture (nationale, religieuse, morale…). On parle aussi
d’ethnocentrisme de classe quand l’observateur se place du point de vue de son appartenance sociale
pour juger le comportement de ceux qui appartiennent à d’autres classes sociales27 ».
Contre-culture : « Sous-culture d’un groupe, [qui a pour particularité d’être] en opposition avec
certains des traits culturels dominants de la société à laquelle il appartient, et qui cherche à faire
reconnaître ses propres normes et valeurs. Les hippies, les punks, sont des exemples de contre-
culture29 ».
Socialisation : Selon la définition classique de Guy Rocher, la socialisation désigne le « processus par
lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de
son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et d’agents
sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre 30 ». Pour Muriel
Darmon, la socialisation renvoie à « l’ensemble des processus par lesquels l’individu est construit – on
dira aussi « formé », « modelé », « façonné », « fabriqué », « conditionné » - par la société globale et
locale dans laquelle il vit, processus au cours duquel l’individu acquiert – « apprend », « intériorise »,
« incorpore », « intègre » - des façons de faire, de penser et d’être qui sont situées socialement31 ».
Socialisation manifeste : « Processus par lequel l’enfant apprend un certain nombre de normes et de
valeurs de la société dans laquelle il vit par l’intermédiaire d’actions méthodiques et délibérées des
adultes. Il s’agit d’un système d’apprentissage reposant sur un système de sanctions positives et
négatives. L’objectif de cet apprentissage est d’inculquer aux enfants des comportements souhaités par
les adultes comme par exemple le respect des règles de politesse. Ce processus de socialisation
manifeste n’est pas celui qui va structurer le plus profondément la personnalité de l’individu, il est
complété par un processus de socialisation latente32 ».
24
Ibid., p.54
25
Ibid., p.54
26
HERSKOVITS, M (1952 [1948]). Les bases de l’anthropologie culturelle, Paris : Payot, cité par CUCHE, D.
(1996). La notion de culture dans les sciences sociales, Paris: Editions La Découverte, p.55.
27
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.251.
28
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.285-286.
29
Ibid., p.57.
30
ROCHER, G. (1968). Introduction à la sociologie générale, Montréal: HMH, cité par ALPE, Y., LAMBERT,
J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie, Paris: Dalloz, p. 269.
31
DARMON, M. (2006). La socialisation, Paris: A. Colin, p.6.
32
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.271.
47
L1 AES Introduction à la sociologie
Socialisation latente : « Par opposition à la socialisation manifeste, [la socialisation latente désigne
le] processus où l’enfant intériorise les normes et les valeurs de la société dans laquelle il vit grâce à
une multitude d’interactions avec son entourage sans qu’il y ait d’action d’apprentissage méthodique.
Sans que les individus, socialisateurs ou socialisés, n’aient réellement conscience de participer à ce
processus33 ».
Identité : « Sur le plan sociologique, l’identité d’un individu ou d’un groupe est constituée par
l’ensemble des caractéristiques et des représentations qui font que cet individu ou ce groupe se perçoit
en tant qu’entité spécifique et qu’il est perçu comme tel par les autres. L’identité est donc à la fois une
identité « pour soi » et une identité « pour autrui ». Au niveau individuel, l’identité correspond au
sentiment subjectif de l’unité personnelle39 ».
Individu : « En sociologie, selon Norbert Elias, l’individu est « l’être humain pris isolément ».
L’individu est une construction historique qui résulte du processus d’individualisation. Dans les
sociétés traditionnelles […] l’individu n’existe pas : seuls importent les groupes (famille, clan, tribu,
caste, etc.). L’individu est donc un produit de la modernité. Selon Danilo Martuccelli, « être un
individu, c’est être défini par le double sceau incompressible de la souveraineté sur soi et de la
séparation avec les autres »40 ».
33
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.271.
34
BERGER, P. et LUCKMANN, T. (2006 [1966]). La construction sociale de la réalité, Paris: Armand Colin.
35
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.271.
36
DARMON, M. (2006). La socialisation, Paris: A. Colin, p.45-66.
37
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p. 272.
38
Ibid., p.270.
39
Ibid., p.147.
40
Ibid., p. 153-154.
48
L1 AES Introduction à la sociologie
V. ANNEXES
« Ni les Arapesh ni les Mundugumor n’ont éprouvé le besoin d’instituer une différence entre
les sexes. L’idéal arapesh est celui d’un homme doux et sensible, marié à une femme
également douce et sensible. Pour les Mundugumor, c’est celui d’un homme violent et
agressif, marié à une femme tout aussi violente et agressive. Les Chambuli, en revanche, nous
ont donné une image renversée de ce qui se passe dans notre société. La femme y est le
partenaire dominant ; elle a la tête froide, et c’est elle qui mène la barque ; l’homme est, des
deux, le moins capable et le plus émotif. D’une telle confrontation se dégagent des
conclusions très précises. Si certaines attitudes, que nous considérons comme
traditionnellement associées au tempérament féminin – telles que la passivité, la sensibilité,
l’amour des enfants – peuvent si aisément être typiques des hommes d’une tribu, et dans une
autre, au contraire, être rejetées par la majorité des hommes comme des femmes, nous
n’avons plus aucune raison de croire qu’elles soient irrévocablement déterminées par le sexe
de l’individu. Et cette conclusion s’impose avec d’autant plus de force que les Chambuli ont
inversé les rôles, tout en conservant officiellement des institutions patrilinéaires.
Il nous est maintenant permis d’affirmer que les traits de caractère que nous qualifions de
masculins ou de féminins sont pour un grand nombre d’entre eux, sinon en totalité,
déterminés par le sexe d’une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières
ou la coiffure qu’une époque assigne à l’un ou l’autre sexe. Quand nous opposons le
comportement typique de l’homme ou de la femme arapesh à celui, non moins typique de
l’homme ou de la femme mundugumor, l’un et l’autre apparaissent de toute évidence être le
résultat d’un conditionnement social ».
« À l'instar de ce qui se passe toujours quand l'investigation scientifique pénètre dans un domaine
jusqu'alors livré à la seule curiosité des amateurs, l'ethnologie a introduit des règles et de l'ordre dans
ce qui semblait chaotique et dépourvu de sens. Ce monde surprenant, primitif et indéchiffrable des «
sauvages », elle l'a converti pour nous en un certain nombre de communautés bien ordonnées,
soumises à des réglementations, se comportant et pensant selon des principes logiques. Quelle que
soit l'association d'idées à laquelle il ait pu donner lieu à l'origine, ce sont des notions de liberté
absolue, de comportement anormal avec quelque chose d'extraordinaire et de bizarre à l'extrême,
qu'évoquee ce mot de « sauvage ». Beaucoup de gens s'imaginent que les indigènes vivent au sein de
la Nature, à peu près comme ils le désirent et comme ils le peuvent, en proie à des croyances
fantasmagoriques et à des craintes folles. La science moderne montre que leurs institutions sociales
ont au contraire une structure bien précise, qu'elles sont soumises à une autorité, à des conventions et
des lois pour tout ce qui regarde les rapports publics et privés, tandis que ces derniers sont, de
surcroît, commandés par des liens de clan et de parenté extrêmement complexes. En fait, nous voyons
les indigènes empêtrés dans un réseau de devoirs, fonctions et privilèges, qui correspond à une
49
L1 AES Introduction à la sociologie
organisation tribale, communautaire et familiale très complète (voir Pl. IV). Leurs croyances et
pratiques ne sont pas dépourvues d'une certaine cohérence; leur connaissance du monde extérieur
suffit à les guider dans la plupart de leurs entreprises et activités, toujours menées avec vigueur.
Quant à leurs productions artistiques, elles ne manquent ni de signification ni de beauté.
Qu'il y a loin de la réponse fameuse faite jadis par ce fonctionnaire qui, interrogé sur les us et
coutumes des indigènes, répliquait : « Aucunes moeurs, manières bestiales », à la position de
l'ethnographe moderne! Celui-ci, avec ses tables de termes de parenté, ses généalogies, ses croquis,
plans et diagrammes, prouve l'existence d'une forte et vaste organisation sociale, établit la
composition de la tribu, du clan, de la famille; et il nous brosse un tableau d'indigènes assujettis à un
code strict de conduite et de bonnes manières, à côté duquel la vie à la Cour de Versailles ou à
l'Escurial apparaît comme libre et facile [7].
Par conséquent, l'idéal premier et fondamental du travail ethnographique de plein air est de donner un
plan clair et cohérent de la structure sociale et de dégager du fatras des faits les lois et les normes de
tous les phénomènes culturels. La charpente solide de la vie tribale doit être, en premier lieu, établie.
Cet idéal exige avant tout qu'on se livre à une étude complète des phénomènes, et non pas à une
recherche du sensationnel, de l'original, encore moins de l'amusant et du bizarre. Le temps n'est plus
où l'on pouvait admettre des récits nous dépeignant l'indigène comme une caricature grotesque,
enfantine, de l'être humain. Pareil tableau est inexact, et comme beaucoup d'autres choses fausses, il a
été détruit par la Science. L'ethnographe travaillant sur place se doit de dominer, avec patience et
sérieux, l'ensemble des phénomènes dans chacun des domaines de la culture tribale étudiée, en ne
faisant aucune différence entre ce qui est banal, terne ou normal, et ce qui étonne et frappe outre
mesure. Par la même occasion, au cours de la recherche, la culture tribale dans son intégralité et sous
tous ses aspects doit être passée au crible. La structure, la loi et le principe relevés dans chacun de ces
aspects doivent alors être rapportés à un seul grand ensemble cohérent ».
« Vivre au sein d’un milieu populaire c’est, aujourd’hui encore, appartenir à une culture diffuse qui
n’est pas moins contraignante et élaborée que celle qui caractérise les classes supérieures. Un ouvrier
accumulerait assurément les pataquès et les gaffes s’il devait figurer à un dîner collet monté, mais, s’il
devait vivre au milieu de gens du peuple, un grand bourgeois traduirait aussi sûrement sa gaucherie
par ses manières de parler – c’est-à-dire aussi bien par son débit que par ses sujets de conversation ou
ses tournures de phrase -, par sa façon de se servir de ses mains, par sa démarche ou son maintien et
jusque dans sa manière de commander les boissons ou de proposer une tournée. Pour se persuader de
la spécificité de la culture populaire, il suffit de songer à ces milliers de détails qui typent un style de
vie, par exemple aux modèles de comportement qui régissent les mœurs vestimentaires ».
HOGGART, R. (1970). La culture du pauvre. Etude sur le style de vie des classes populaires en
Angleterre, Paris: Editions de Minuit, p.63, cité par LALLEMENT, M. (2006). Histoire des idées
sociologiques. Tome 2: De Parsons aux contemporains, Paris: Nathan, p.70.
« […] la culture a un ancrage matériel très fort, même dans des champs tels que le
symbolique, le politique ou le religieux : porche, bénitier, fonds baptismaux, missel, banc,
50
L1 AES Introduction à la sociologie
autel, crucifix, chapelet, confessionnal, cierge, hostie sont des objets du catholicisme sans
lesquels pratiques et croyances manqueraient de support. La tradition française engage à
penser que stylos, amphithéâtres, bancs, font plus que révéler la culture estudiantine (loin de
se réduire à la vie universitaire) ; la matière n’est pas que le signe de leur appartenance à cette
culture. Dans leurs gestes sur la matière, les étudiants se construisent en tant qu’étudiants et,
ce faisant, contribuent à forger une culture spécifique ».
« On peut, d'ailleurs, confirmer par une expérience caractéristique cette définition du fait
social, il suffit d'observer la manière dont sont élevés les enfants. Quand on regarde les faits
tels qu'ils sont et tels qu'ils ont toujours été, il saute aux yeux que toute éducation consiste
dans un effort continu pour imposer à l'enfant des manières de voir, de sentir et d'agir
auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé. Dès les premiers temps de sa vie, nous le
contraignons à manger, à boire, à dormir à des heures régulières, nous le contraignons à la
propreté, au calme, à l'obéissance ; plus tard, nous le contraignons pour qu'il apprenne à tenir
compte d'autrui, à respecter les usages, les convenances, nous le contraignons au travail, etc.,
etc. Si, avec le temps, cette contrainte cesse d'être sentie, c'est qu'elle donne peu à peu
naissance à des habitudes, à des tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la
remplacent que parce qu'elles en dérivent. Il est vrai que, d'après M. Spencer, une éducation
rationnelle devrait réprouver de tels procédés et laisser faire l'enfant en toute liberté ; mais
comme cette théorie pédagogique n'a jamais été pratiquée par aucun peuple connu, elle ne
constitue qu'un desideratum personnel, non un fait qui puisse être opposé aux faits qui
précèdent. Or, ce qui rend ces derniers particulièrement instructifs, c'est que l'éducation a
justement pour objet de faire l'être social ; on y peut donc voir, comme en raccourci, de
quelle manière cet être s'est constitué dans l'histoire. Cette pression de tous les instants que
subit l'enfant, c'est la pression même du milieu social qui tend à le façonner à son image et
dont les parents et les maîtres ne sont que les représentants et les intermédiaires ».
Source : Émile Durkheim (1894), Les règles de la méthode sociologique. Paris: PUF, 16e
édition, 1967, chapitre 1, « Qu’est-ce qu’un fait social ? », p.20, disponible sur UQAC, « Les
classiques des sciences sociales »,
http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/regles_methode/regles_methode.html
51
L1 AES Introduction à la sociologie
52
L1 AES Introduction à la sociologie
BECKER, H.S. (1985). Outsiders: études de sociologie de la déviance, Paris: A.-M. Métailié.
BOUDON, R. et BOURRICAUD, F. (1982). Dictionnaire critique de la sociologie, Paris:
Presses universitaires de France, articles « Conformité et déviance » et « contrôle social ».
CUSSON, M. (1992). "Déviance." p. 389-422 in Traité de sociologie, sd BOUDON, R. Paris:
PUF.
GOFFMAN, E. (1975). Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris: Editons de Minuit.
MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon.
OGIEN, A. (1995). Sociologie de la déviance, Paris: A. Colin.
OGIEN, A. (2006). "Contrôle social." p. 205-207 in Dictionnaire des sciences humaines, sd
MESURE, S. et SAVIDAN, P. Paris: PUF.
RIUTORT, P. (1996). Premières leçons de sociologie, Paris: Presses universitaires de France,
p.71-84.
Contrôle social, normes sociales et déviance sont trois concepts étroitement liés en sociologie.
Les normes sociales peuvent être généralement définies comme les principes et modèles de
conduites acceptés et valorisés dans une société ou un groupe social donné ; le contrôle social
désigne les dispositifs permettant d’assurer le respect des normes sociales ; la déviance, enfin,
correspond à la transgression d’une norme, qui s’accompagne le plus souvent d’une sanction.
Dans une optique proprement sociologique, l’analyse des normes et déviances dépasse
largement la perspective criminologique à laquelle ces questions sont trop souvent réduites.
En effet les normes sociales ne se réduisent pas aux normes juridiques, la déviance ne se
réduit pas au crime, et le contrôle social est le fait de bien d’autres acteurs que les seules
autorités policières et judiciaires. La première partie du chapitre vise à illustrer la diversité des
normes sociales et des types de déviances ; leur caractère de construction sociale sera souligné
à partir d’une mise en lumière de la diversité des normes sociales dans le temps et selon les
cultures. Enfin, la notion de « contrôle social » étant trop souvent utilisée de façon indéfinie,
sans que les acteurs du contrôle soient clairement nommés, nous proposerons quelques
éléments de réponse à la question : « Qui assure le contrôle social ? », en distinguant d’une
part le rôle des institutions et des « entrepreneurs de morale » (Becker), et d’autre part le
contrôle social plus diffus s’opérant au fil des interactions de la vie quotidienne.
La seconde partie du chapitre présente quelques théories de la déviance, en distinguant les
théories abordant la déviance comme un fait social (analyse du crime chez Durkheim,
typologie des modes d’adaptation individuelle chez Merton) des théories analysant la
déviance comme processus (théorie de l’étiquetage de Becker, analyse interactionniste du
stigmate chez Goffman).
53
L1 AES Introduction à la sociologie
Norme sociale : « Principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou à une société.
Les normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et légitimé par le
système de valeurs propre à chaque société ou à chaque groupe social. Les normes sociales
sont intériorisées par les individus au cours de la socialisation et régulent les comportements
par des sanctions positives ou négatives, formelles ou informelles, quand il y a transgression
ou non-conformité41 ».
Contrôle social : « Le contrôle social peut être défini comme l’ensemble des dispositifs
employés dans une société pour assurer la cohésion sociale et assurer le respect des règles
édictées. […] Le contrôle social s’exerce à différents niveaux dans la société (de la mère qui
surveille son enfant aux vérifications d’identité pratiquées par les forces de police), de façon
diffuse (le regard réprobateur d’un inconnu) ou par une instances spécialisée (le jugement
prononcé par un tribunal. Ces types de contrôle social extrêmement variés renvoient ainsi à
l’existence de normes diverses42 ».
X. ANNEXES
« Tuer son voisin, renverser volontairement du chocolat fondu sur une moquette blanche au
cours d’un repas, chahuter en classe, être homosexuel, commettre un hold-up dans un bureau
de poste, oublier de fêter l’anniversaire d’un proche, tricher dans une partie de dominos entre
amis, s’adonner au commerce de stupéfiants ou se prostituer, se moucher au milieu d’un
concerto de violon. Le quotidien nous expose à d’innombrables écarts de conduite qui, d’une
manière ou d’une autre, rompent ce que l’on tient pour le cours ordinaire des choses.
Ces ruptures ne nous paraissent pourtant pas toutes d’égale gravité. Les manquements aux
règles de la bienséance, de la politesse et de l’honneur se distinguent des agissements qui
portent atteinte à la propriété privée, à l’intégrité physique ou à l’ordre public. Si l’habitude
nous fait considérer les infractions aux exigences de l’étiquette comme des faits difficiles à
apparenter à des crimes, c’est peut-être que le recours à la procédure pénale est, peu à peu,
entré dans les mœurs et que ce qui paraît aujourd’hui devoir lui échapper est abandonné aux
41
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.204.
42
RIUTORT, P. (1996). Premières leçons de sociologie, Paris: Presses universitaires de France, p.71.
43
Ibid., p.77.
54
L1 AES Introduction à la sociologie
« Le crime ne s’observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce,
mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n’en est pas où il n’existe une criminalité.
Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais,
partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la
répression pénale.
[…] Il n’est donc pas de phénomène qui présente de la manière la plus irrécusée tous les
symptômes de la normalité, puisqu’il apparaît comme étroitement lié aux conditions de toute
vie collective. […] Sans doute, il peut se faire que le crime lui-même ait des formes
anormales ; c’est ce qui arrive quand, par exemple, il atteint un taux exagéré. Il n’est pas
douteux, en effet, que cet excès ne soit de nature morbide. Ce qui est normal, c’est
simplement qu’il y ait une criminalité, pourvu que celle-ci atteigne et ne dépasse pas, pour
chaque type social, un certain niveau […] ».
« [..] le comportement déviant (contraire aux modèles de conduites prescrits) a de plus en plus
été étudié dans des perspectives proprement sociologiques. Car le rôle attribué aux impulsions
biologiques n’explique pas pourquoi la fréquence du comportement varie avec les structures
sociales ni pourquoi les déviations ne prennent pas la même forme dans toutes les sociétés.
Aujourd’hui encore, il nous reste beaucoup à apprendre sur la façon dont les structures font de
l’infraction aux codes sociaux une réponse « normale » (à laquelle on peut s’attendre) de la
part des individus.
55
L1 AES Introduction à la sociologie
Dans cet essai, nous voudrions poser les bases d’une analyse des sources sociales et
culturelles de la déviance. Notre but est essentiellement de découvrir comment des structures
sociales peuvent, dans des cas déterminés, pousser certains individus à adopter un
comportement déviant au lieu d’une conduite conformiste. Si nous pouvons situer les groupes
qui sont particulièrement sensibles à ce genre de pressions, nous nous attendrons à trouver
chez eux une grande proportion de déviance, non que les individus appartenant à ces
groupes aient des tendances biologiques particulières, mais parce qu’un tel
comportement correspond à la situation sociale dans laquelle ils se trouvent. Nous nous
plaçons dans une perspective sociologique. Ce sont les variations de la proportion de
comportement déviant qui nous intéressent. Si notre recherche est couronnée de succès, il
apparaîtra que certaines formes de comportement déviant sont aussi normales
psychologiquement que le comportement conformiste, ce qui remettra en question l’identité
entre déviance et anormalité psychologique ».
MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon, p.163-
164.
56
L1 AES Introduction à la sociologie
Bilan : une tentative d’explication proprement sociologique de la déviance, mettant en relation l’appartenance
à différentes couches sociales avec la probabilité d’adopter différents types de comportements déviants. « Nous
nous sommes efforcé, dans la présente analyse, de suggérer quelles étaient les couches sociales les plus sensibles
aux pressions poussant à la déviance et nous avons mis en évidence certains des mécanismes qui permettent à
ces pressions de s’exercer44 ».
Source : d’après MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon, chapitre
V « Structure sociale, anomie et déviance », p.163-187.
« Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la
déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme déviants. De ce
point de vue, la déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt une
conséquence de l’application, par les autres, de normes et de sanctions à un « transgresseur ». Le
déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est
celui auquel la collectivité attache cette étiquette » (p.32-33).
« La déviance est une propriété, non du comportement lui-même, mais de l’interaction entre la
personne qui commet l’acte et celles qui réagissent à cet acte » (p.38).
Source : BECKER, H.S. (1985). Outsiders: études de sociologie de la déviance, Paris: A.-M. Métailié.
44
MERTON, R.K. (1965). Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris: Plon, p.186
57
L1 AES Introduction à la sociologie
A. Quelques définitions
1) Stratification sociale
2) Reproduction et mobilité sociales
XII. BIBLIOGRAPHIE
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique
de sociologie, Paris: Dalloz.
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves:
Foucher, chapitre 4 « L’individu et les groupes sociaux » et chapitre 8 « Dynamique des
structures sociales ».
BEAUD, S., CONFAVREUX, J., et LINDGAARD, J. (2006). La France invisible, Paris: La
Découverte.
58
L1 AES Introduction à la sociologie
59
L1 AES Introduction à la sociologie
par sexe des données concernant les PCS permet de rendre compte d’une partie des inégalités
professionnelles entre hommes et femmes (concentration des femmes dans un petit nombre de
PCS peu prestigieuses et dont la qualification est peu reconnue), elle échoue à restituer
l’omniprésence de ces inégalités liées au genre dans les différentes sphères de la vie sociale ;
pour illustrer ce phénomène, nous développerons l’exemple des inégalités hommes/femmes
dans la sphère politique.
Mobilité sociale : « La mobilité sociale désigne les changements de position sociale pour un
individu par rapport à ses parents (mobilité intergénérationnelle) ou durant sa vie (mobilité
intragénérationnelle). La mobilité est le plus souvent mesurée en fonction de la situation
socioprofessionnelle (au moyen des PCS)46».
Classe sociale : « Une classe sociale est un groupe de grande dimension homogène dans ses
conditions de vie matérielles, et donc dans son style de vie. Certains auteurs y ajoutent le
partage d’opinions et de croyances, comme par exemple Marx qui insiste sur la « conscience
de classe »50 ».
45
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.129.
46
Ibid. p.128.
47
Ibid. p.128.
48
Source : INSEE, « Nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles »,
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/nomencl-prof-cat-socio-profes.htm
49
BOSC, S. (2004). Stratification et classes sociales: la société française en mutation, Paris: A. Colin, p.50.
50
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.127.
60
L1 AES Introduction à la sociologie
XV. ANNEXES
Annexe 1 : Les classes sociales à Yankee City (1930-1935) selon Lloyd Warner
Source : BOSC, S. (2004). Stratification et classes sociales: la société française en mutation, Paris: A.
Colin, p.25.
En 2006,
en %
Catégorie socioprofessionnelle Ensemble
61
L1 AES Introduction à la sociologie
Annexe 3 : Part des femmes dans les différentes professions et catégories professionnelles (en
2005)
% de la
Part des
population
femmes
féminine
en %
occupée
Agriculteurs 30,1 1,7
Artisans 23,4 1,5
Commerçants et assimilés 37,3 2,1
Chefs d'entreprises de 10 salariés ou plus 16,6 0,2
Cadres et professions intellectuelles supérieures 36,0 11,5
dont : Professions libérales 38,1 1,2
Cadres de la fonction publique 37,5 1,2
Professeurs, professions scientifiques 52,3 3,3
Professions de l'information, des arts et des spectacles 45,7 0,9
Cadres administratifs et commerciaux d'entreprises 39,5 3,5
Ingénieurs et cadres techniques d'entreprises 16,5 1,4
Professions intermédiaires 48,4 24,3
dont : Instituteurs et assimilés 67,3 4,8
Professions intermédiaires de la santé et du travail social 78,0 7,6
Clergé, religieux 8,7 0,0
Professions intermédiaires administratives de la fonction publique 55,3 2,3
62
L1 AES Introduction à la sociologie
En %
Années Part des femmes parmi les Part des femmes parmi les élus
candidats
63
L1 AES Introduction à la sociologie
III. L’école saisie par la sociologie : l’évolution des analyses théoriques sur
l’école
A. La théorie de la reproduction
64
L1 AES Introduction à la sociologie
XVII. BIBLIOGRAPHIE
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007).
Lexique de sociologie, Paris: Dalloz.
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves:
Foucher, Chapitre 12 « La démocratisation de l’école en question ».
BAUDELOT, C. et ESTABLET, R. (1992). Allez, les filles! Paris: Seuil.
BEAUD, S. (2002). 80% au bac. Et après? Les enfants de la démocratisation scolaire, Paris:
La Découverte.
BOUDON, R. (1973). L'inégalité des chances: la mobilité sociale dans les sociétés
industrielles, Paris: A. Colin.
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005).
Dictionnaire de sociologie, Paris: Larousse, articles « Education (Sociologie de l’) » et
« Ecole (Sociologie de l’) ».
BOURDIEU, P. et PASSERON, J.-C. (1964). Les héritiers: les étudiants et la culture, Paris:
Éditions de Minuit.
BOURDIEU, P. et PASSERON, J.-C. (1970). La reproduction: éléments pour une théorie du
système d'enseignement, Paris: Éditions de Minuit.
CACOUAULT, M. et OEUVRARD, F. (1995). Sociologie de l'éducation, Paris: La
Découverte-Repères.
DURU-BELLAT, M. et VAN ZANTEN, A. (2002). Sociologie de l'école, Paris: U-
Armand Colin.
FELOUZIS, G., LIOT, F., et PERROTON, J. (2005). L'apartheid scolaire: enquête sur la
ségrégation ethnique dans les collèges, Paris: Éditions du Seuil.
FLEUTÔT, D., BARBUSSE, B., GLAYMANN, D., LETESSIER, J.-Y., et
MADELAINE, P. (2006). Sociologie: analyses contemporaines, Vanves: Foucher, dossier
4 « L’école en question ».
MARRY, C. (2001). "Filles et garçons à l'école: du discours muet aux controverses des
années 1990." p. 24-41 in Masculin-Féminin: questions pour les sciences de l'homme, sd
LAUFER, J., MARRY, C., et MARUANI, M. Paris: PUF.
MERLE, P. (2002). La démocratisation de l'enseignement, Paris: La découverte - Repères.
MESURE, S. et SAVIDAN, P. (2006). Dictionnaire des sciences humaines, Paris: Presses
universitaires de France, articles « Ecole et égalité des chances » et « Education (Sociologie
de l’) ».
RENNES, J. (2007). Le mérite et la vertu. Une controverse républicaine : l’accès des femmes
aux professions de prestige 1880-1940, Paris : Fayard.
SCHWEITZER, S. (2002). Les femmes ont toujours travaillé: une histoire du travail des
femmes aux XIXe et XXe siècle, Paris: O. Jacob.
THÉLOT, C. (1982). Tel père, tel fils? Position sociale et origine familiale, Paris: Dunod.
VAN ZANTEN, A. (2001). L'école de la périphérie : scolarité et ségrégation en banlieue,
Paris: PUF.
65
L1 AES Introduction à la sociologie
La sociologie de l’école est marquée par un questionnement dominant, qui guide la grande
majorité des travaux : l’enjeu de la démocratisation scolaire. La notion de démocratisation
correspond ici à deux processus distincts : d’une part la massification de l’accès à l’école et à
des niveaux de plus en plus élevés de la formation initiale (démocratisation quantitative),
d’autre part l’enjeu de l’égalité des chances scolaires, qui renvoie à la question de savoir dans
quelle mesure la réussite scolaire est dépendante ou indépendante des caractéristiques sociales
des élèves (démocratisation qualitative). Ces deux aspects sont successivement étudiés dans
ce chapitre, à partir de l’analyse du cas français.
En ce qui concerne la généralisation de l’accès à la formation initiale (partie I), plusieurs
étapes importantes peuvent être distinguées : alors que les politiques scolaires de la IIIème
République ont permis la généralisation de l’accès à l’école primaire (lois Ferry, 1881-1886),
les réformes adoptées à partir des trente glorieuses ont permis une massification de l’accès au
secondaire (1959 : scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans ; 1975 : mise en place du collège
unique) puis, plus récemment, à l’enseignement supérieur (loi Jospin en 1989 : « 80% au
bac »). Les effectifs du second degré ont ainsi été multipliés par 5 entre 1950 et 2002, et ceux
du supérieur par 11.
Cette massification de l’accès à l’école n’est toutefois pas synonyme de démocratisation
« qualitative ». En effet, la réussite scolaire reste variable selon l’origine sociale. La deuxième
partie de ce chapitre aborde les effets de trois mécanismes de différenciation sociale sur la
réussite scolaire : les inégalités liées à la PCS d’origine et au sexe, et les effets de la
ségrégation ethnique. Au-delà de la seule réussite scolaire, la prise en considération des
déterminants sociaux de l’accès aux différentes filières (au niveau du bac et de l’enseignement
supérieur notamment) renforce le constat, dressé par Pierre Merle, d’une démocratisation
« ségrégative », la généralisation de l’accès à un niveau d’études donné s’accompagnant
d’une différenciation sociale selon les filières. La répartition inégale des hommes et des
femmes dans les différentes filières est particulièrement illustrative de ce phénomène.
Comment expliquer cette inégalité des chances ? La troisième partie du chapitre offre un
aperçu des théories sociologiques sur l’inégalité des chances scolaires : après l’opposition
classique entre des explications holistes (P.Bourdieu, J-C.Passeron) et individualistes
(R.Boudon), sont présentées les analyses plus récentes marquées par une attention nouvelle
portée aux dynamiques locales productrices d’inégalités : dynamiques de socialisation au sein
de la classe, « effet enseignant », « effet établissement », prise en considération des politiques
locales. Ces nouvelles approches ont conduit à un recours accru à des méthodes qualitatives
(entretiens, observation) dans une discipline sociologique longtemps dominée par une
démarche quantitative.
66
L1 AES Introduction à la sociologie
51
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.186.
52
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.195.
53
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.157.
54
Ibid., p.216.
67
L1 AES Introduction à la sociologie
55
MERLE, P. (2002). La démocratisation de l'enseignement, Paris: La découverte – Repères.
56
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.251.
57
Ibid., p.97.
58
Ibid., p.99.
59
Ibid., p.98.
68
L1 AES Introduction à la sociologie
XX. ANNEXES
Effectifs Evolution
1950-1951 1960-1961 2002-2003 1950-1960 1960-1980 1950-2002
Premier degré 5 200 000 6 370 700 6 529 200 +22.5% +11.8% ×1.26
Second degré 1 100 000 3 158 100 5 596 100 +187.1% +62.7% × 5.1
Enseignement 200 000 309 700 2 209 200 +54.9% +279.4% × 11
supérieur
Guide de lecture : durant l’année 1950-1951, il y avait en France 5 200 000 élèves en maternelle et primaire.
Entre 1950 et 1960, cette population a augmenté de 22.5%.
1.2. Evolution des taux de scolarisation par âge depuis les années 1960
69
L1 AES Introduction à la sociologie
70
L1 AES Introduction à la sociologie
B. La réhabilitation de l’ancien
71
L1 AES Introduction à la sociologie
XXII. BIBLIOGRAPHIE
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique
de sociologie, Paris: Dalloz.
AUTHIER, J.-Y. (1995). "Formes et processus de ségrégation dans les quartiers anciens
centraux réhabilités. L'exemple du quartier Saint-Georges à Lyon." Sociétés contemporaines,
n.22/23, p. 107-126.
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005).
Dictionnaire de sociologie, Paris: Larousse.
BOURGOIS, P. (2001). En quête de respect. Le crack à New York, Paris: Seuil - Liber.
BURGESS, E.W. (1984 [1925]). "La croissance de la ville. Introduction à un projet de
recherche." p. 131-147 in L'Ecole de Chicago. Naissance de l'écologie urbaine, sd
GRAFMEYER, Y. et JOSEPH, I. Paris: Aubier
CHALINE, C. (2006). Les politiques de la ville, Paris: Presses universitaires de France.
CHAMBOREDON, J.C. et LEMAIRE, M. (1970). "Proximité spatiale et distance sociale. Les
grands ensembles et leur peuplement." Revue française de sociologie, vol.11, n.1, p. 3-33.
COING, H. (1966). Rénovation urbaine et changement social, l'îlot no.4 (Paris, 13e), Paris:
Editions ouvrières.
DAVIS, M. (2000). City of quartz: Los Angeles, capitale du futur, Paris: La
Découverte/Poche.
DONZELOT, J. (1994). L'État animateur: essai sur la politique de la ville, Paris: Seuil.
DUBET, F. et LAPEYRONNIE, D. (1992). Les quartiers d'exil, Paris: Editions du Seuil.
FOOTE WHYTE, W. (1996). Street corner society, Paris: La Découverte.
GRAFMEYER, Y. (1991). Habiter Lyon: milieux et quartiers du centre-ville, Villeurbanne:
CRPL: Presses universitaires de Lyon.
GRAFMEYER, Y. (1994). Sociologie urbaine, Paris: Nathan.
GRAFMEYER, Y. et JOSEPH, I. (1984). L'École de Chicago. Naissance de l'écologie
urbaine, Paris: Aubier.
HANNERZ, U. (1983). Explorer la ville: éléments d'anthropologie urbaine, Paris: Éditions
de Minuit.
LALLEMENT, M. (2006). Histoire des idées sociologiques. Tome 2: De Parsons aux
contemporains, Paris: Nathan.
PARK, R. (1984 [1925]). "La ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en
milieu urbain." p. 83-130 in L'école de Chicago. Naissance de l'écologie urbaine, sd
GRAFMEYER, Y. et JOSEPH, I. Paris: Aubier.
PARK, R. (1984 [1929]). "La ville comme laboratoire social." p. 167-183 in L'école de
Chicago. Naissance de l'écologie urbaine, sd GRAFMEYER, Y. et JOSEPH, I. Paris: Aubier.
72
L1 AES Introduction à la sociologie
PARK, R.E., BURGESS, E.W., et MCKENZIE, R.D. (1925). The city, Chicago: University
of Chicago Press.
SCHELLING, T.C. (1980). La tyrannie des petites décisions, Paris: Presses universitaires de
France.
STÉBÉ, J.-M. et MARCHAL, H. (2007). La sociologie urbaine, Paris: Presses universitaires
de France.
TOURETTE, F. (2005). Développement social urbain et politique de la ville, Paris: Gualino.
VILLECHAISE, A. (1996). "La banlieue sans qualités. Absence d'identité collective dans les
grands ensembles." Revue française de sociologie, vol.38, n.2, p. 351-374.
WIRTH, L. (1980 [1928]). Le ghetto, Grenoble: Presses universitaires de Grenoble.
73
L1 AES Introduction à la sociologie
Ségrégation : « L’inégale répartition des hommes dans l’espace urbain a conduit à élaborer le
concept de ségrégation, qui évoque, sur le mode implicite de la dénonciation, à la fois la
séparation physique et la mise à distance sociale […]. La principale mesure en est l’indice de
dissimilarité. L’équité est définie comme la répartition d’un groupe dans chaque quartier – ou
tout autre unité spatiale – proportionnellement à sa représentation statistique globale [par
exemple, s’il y a 20% d’ouvriers dans l’ensemble de la ville, dans une situation d’équité on
aurait 20% d’ouvriers dans chaque quartier]. L’indice de dissimilarité indique le nombre de
personnes qui devraient changer de résidence pour que l’équité soit respectée61 ».
Rénovation : « Au sens strict, il y a rénovation quand un nouveau bâti est édifié en lieu et
place de celui qui lui préexistait. Elle peut porter ponctuellement sur un immeuble, ou toucher
au contraire un large périmètre. Toute opération d’une certaine envergure implique
l’intervention des pouvoirs publics, et notamment de la municipalité : définition des
périmètres concernés et des principes directeurs de la rénovation, agrément des opérateurs
privés, publics ou semi-publics qui la mettent en œuvre, aménagement des infrastructures,
procédures d’expulsion et de relogement, etc.62 »
60
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, S. (2007). Lexique de sociologie,
Paris: Dalloz, p.318.
61
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005). Dictionnaire de
sociologie, Paris: Larousse, article « Ségrégation », p.213.
62
GRAFMEYER, Y. (1994). Sociologie urbaine, Paris: Nathan, p.111.
63
Ibid., p.113-114.
74
L1 AES Introduction à la sociologie
XXV. ANNEXES
« La ville, dans l’optique de cet article, est quelque chose de plus qu’une agglomération
d’individus et d’équipements collectifs : rues, immeubles, éclairage électrique, tramways,
téléphones, etc. ; c’est également quelque chose de plus qu’une simple constellation
d’institutions et d’appareils administratifs : tribunaux, hôpitaux, écoles, postes de police et
corps de fonctionnaires de toutes sortes. La ville est plutôt un état d’esprit, un ensemble de
coutumes et de traditions, d’attitudes et de sentiments organisés, inhérents à ces coutumes et
transmis avec ces traditions. Autrement dit, la ville n’est pas simplement un mécanisme
matériel et une construction artificielle. Elle est impliquée dans les processus vitaux des gens
qui la composent : c’est un produit de la nature et, particulièrement, de la nature humaine
[…].
La ville a été étudiée récemment du point de vue de sa géographie et, plus récemment encore,
du point de vue de son écologie. A l’intérieur des limites d’une communauté urbaine – et, en
fait, de n’importe quelle aire naturelle d’habitat humain – des forces sont à l’œuvre qui
tendent à produire un groupement ordonné et caractéristique de sa population et de ses
institutions. La science qui cherche à isoler ces facteurs et à décrire les constellations
typiques de personnes et d’institutions produites par leur convergence, nous l’appelons
écologie urbaine, par opposition à l’écologie végétale ou animale ».
75
L1 AES Introduction à la sociologie
I. Loop
(centre ville)
II. Zone de
transition
III. Zone
d’habitat ouvrier
76
L1 AES Introduction à la sociologie
a) Un premier type de processus est celui qui « découle de l’action organisée, légale ou
illégale, par la force ou simplement par l’exclusion, subtile ou criante, directe ou indirecte,
aimable ou malveillante, moraliste ou pragmatique ». Dans tous les cas, l’intention
ségrégative est alors explicitement présente dans les volontés collectives qui sont au principe
des faits de séparation physique. […]
64
SCHELLING, T.C. (1980). La tyrannie des petites décisions, Paris: Presses universitaires de France.
77
L1 AES Introduction à la sociologie
65
« Réponse armée ! »
78