Diksyone Biblik
Diksyone Biblik
Diksyone Biblik
DE LA BIBLE
TOME G 1 N Q U I E M E
PREMIERE PARTIB
PE — R U T H
ENCYCLOPEDIE
DES
SCIENCES ECCLESIASTIQUES
REDIGEE PAR
1° DIGTIONNAIRE DE LA BIBLE
Publie par F, VIGOUROUX, prfitre de Saint-Snlpice
Ancien professeur a 1'Institut catholique de Paris, Secretaire de la Commission bibligue
PUBL1E PAR
F. VIGOUROUX
PRETRE DE SAINT-SULPICE
DEUXIEME TIRAGE
TOME C I N Q U I E M E
PREMIERE PARTIE
PE — R U T H
PARIS
L E T O U Z E Y ET A N E , E D I T E U R S
76 bis , R U E DBS SAINTS-PfeRES, 76 bls
1912
TOOS DROITS RESERVES
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
PE, 5, dix-septieme letlre de 1'alphabet hebreu. Son d'honneurs. En 1660 il avait une prebende a Ely, puis
nom signifie « Louche »,cf. le grec Hi, mais les formes devenait archidiacre du Surrey, maitre du college de
primitives de ce caractere dans 1'alphabet semitique la Trinite a Cambridge, et en 1673 eveque de Chester.
n'ont rien qui rappelle la forme de la bouche. Cette Outre son Exposition of the Creed, in-4°, Londres,
lettre a tou jours eu chez les Hebreux une double pro- 1659, on a de J. Pearson des Annales Paulini ou disser-
nonciation, Fun aspiree, comme celle du <p grec par tation critique sur la vie de saint Paul, ouvrage publie
exemple dans ~I»SIN, 'Ofir, Ophir, et celle du p, ainsi apres sa mort dans sesoeuvres posthumes, in-4°, Londres,
que 1'attestent les transcriptions grecques des rnots 1688. Une edition en a ete publiee sous le titre : An-
tfu'vB, mxUa?, « concubine; » nsw>, {aautc, « jaspe; » nales of St. Paul, translated with geographical and
critical notes, in-12, Cambridge, 1825. — Voir W,
D3ns, xapmxao?; DIB, Perse. Les Massoretes distinguent
T :- -T Orme, Bibl. biblica, p. 343; Chamber's Encylopsedia,
le Phe aspire, s, du Pe, par un daguesch doux, 3. Saint t. vn (1901), p. 828. B. HEURTEBIZE.
Jerome transcrit le p dur comme le phe par ph dans les
noms propres, Phihahirolh, Phithom, au lieu de Pi- PEAU (hebreu : 'or, etune fois, Job, xvi, 16 : geled;
hahirot, Pithom, etc., excepte dans le premier element Septante : Septet; Vulgate : cutis, pellis), membrane
du nom de Putiphar (Septante : IJsTscppri?) dans Palss- appliquee sur la surface du corps de 1'homme et d'un
stlni, Exod., xxm, 31, etc., paradisus, pascha, Persa, grand nombre d'animaux.
Perses, Persis. 1° La peau de 1'homme. — Dieu a revetu 1'homme
de peau et de chair. Job, X, 11. La peau de 1'homme a
PEARCE Zacharie, theologien anglican, ne a Lon- sa couleur propre, suivant les races, et 1'Ethiopien ne
dres le 8 septernbre 1690, mort a Little-Ealing le saurait changer la couleur de sa peau. Jer., xin, 23.
29 juin 1774. Ses premieres etudes se firent a West- Job, xvi, 16, a cousu un sac sur sa peau, c'est-a-dire ne
minster, puis il alia au college de la Trinite a Cam- fait plus qu'un avec le deuil et la souffrance. La mala-
bridge. II s'appliqua tout d'abord a 1'etude des clas- die fait que les os sont attaches a la peau et a la chair et
siques et se distingua comme philologue. II publia une que Ton n'a que la peau sur les dents, Job, xix, 20,
edition du traite De sublimitate de Longin et des deux expressions qui indiquent une excessive maigreur.
ouvrages de Ciceron De oratore et De officiis. Entre Dans le meme sens, 1'epreuve use la chair et la peau.
dans les rangs du clerge anglican, il fut chapelain du Lam., in, 4. La faim la rend brulante comme un four,
lord chancelier Parker. Apres avoir rempli divers minis- Lam., v, 10, a cause de la fievre qu'elle engendre.
teres il devint en 1739 doyen de Winchester, puis en Ciceron, Pro leg. agrar., n, 34. 93, dit que I'affame est
1748 eveque de Bangor et en 1756 de Rochester et doyen made torridus, brule, desseche de maigreur, et Quin-
de Westminster. Le seul ouvrage que nous ayons a tilien, Declam., 12, parle de Yignea fames, une faim
mentionner de cet auteur est le suivant : A Commen- brulante. Michee, in, 2, 3, accuse les riches cupides et
tary ivith notes on the four Evangelists and the Aets injustes d'arracher la peau du corps aux pauvres gens.
of the Apostles, together with a new translation of St. Le prophcte emploie ici cette expression dans le sens
Paul's first Epistle to the Corinthians, with a para- figure, pour montrer qu'on enleve aux faibles ce qui
phrase and notes to u^hich are added other theological leur appartient le plus indiscutablement, ce qui fait
pieces, 2 in-4°, Londres, 1774. En tete de cet ouvrage partie de leur propre substance. Les Assyriens se plai-
se trouve une vie de L. Pearce par Jean Derby. — Voir saient a ecorcher en realite leurs ennemis vaincus; ils
W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 343. ont plusieurs fois reproduit sur leurs monuments ce
B. HEURTEBIZE. cruel spectacle (fig. 1). Cf. Botta, Le monument de
PEARSON Jean, theologien anglican, ne en 1613 Ninive, t. n, pi. 120. Voir aussi t. I, fig. 66, col. 990,
a Great Snoring dans le comte de Norfolk, mort a des chefs elamites ecorches vifs apres la bataille de
Chester le 16 juillet 1686. II etudia au college d'Eton Toulliz, d'apres Layard, The monuments of Nineveh,
puis a Cambridge et entra dans les ordres en 1639. II t. n, pi. 47. D'apres une legende, I'apotre saint Bar-
obtint une prebende a Salisbury et devint chapelain du thelemy aurait ete ecorche vif. Voir BA.RTHELEMY,
lord chancelier Finch, puis ministre a Thorrington t. i, col. 1472. Job, xix, 26, affirme sa certitude d'etre
dans le comte de Suffolk, et a Saint-Clement de Lon- un jour de nouveau revetu de sa peau et de voir son
dres. Dans ce dernier poste il prononca une serie de vengeur vivant. — Apres avoir eprouve Job dans ses
sermons publics sous le titre de Exposition of the biens exterieurs, Satan explique sa Constance en disant:
Creed qui le rendirent celebre. Charles II le combla v. Peau pour peau ! L'homme donne tout ce qu'il pos-
DICT. DE LA BIBLE. V. -1
PEAU — PECHE
sede pour conserver sa Tie. » Job, 11, 4. La locution xxxv, 11. La peau de la victime offerte en bolocauste
proverbiale « 'peau pour peau » signifie done ici que appartenaitati pretre quicelebraitle sacrifice. Lev., vn, 8.
1'homme tient a sa vie, « a sa peau, » comme on dit Mais on brulait la victime tout entiere avec sa peau
vulgairemerit, plus qu'a tout le reste, mais que, quand dans le sacrifice pour le peche, Lev., IV, 11; xvi, 27,
il sera permis de toucher a ce bien, Job changera d'afti- dans le sacrifice pour la consecration des pretres,
tude. Satan demande que la peau, la vie meme de Job Lev., YHI, 17; ix, 11, et dans le rite de la vache rousse,
soit attaquee. Num., xix, 5. — Les victimes etaient egorgees dans le
2° La peau des animaux. — 1° Elle sert de vetement Temple, puis ecorchees. Pour faciliter cette operation,
a 1'homme, Apres leur peche, Adam et five sorit revetus on avait eleve au nord de 1'autel huit colonnes de
de tuniques de peau. Gen., in, 21. Rebecca couvre de pierre qui supportaient de.s traverses de cedre. Les
peau velue de chevreau les mains et le cou de Jacob, victimes etaient suspendues a ces traverses par les pieds
afin qu'Isaac le prenne pour Esau. Gen., xxvn, 16. de derriere. La peau suivait le sort de la chair des
Parmi les premiers Chretiens, il y en eut qui durent victimes, et, en consequence, elle etait soit brulee avec
errer bi ^.sXwrai?, in melotis, « dans des peaux de la chair, dans les sacrifices enumeres plus haut, soit
brebis » et « dans des peaux de chevres ». Heb., xi, 37. attribuee aux pretres, dans les holocaustes et les autres
— Pour dissimuler Tabsence de David, Michol placa sacrifices dont les victimes devaient etre mangees par
dans le lit une peau de chevre a 1'endroit de sa tete, les pretres, soit laissee a ceux qui avaient apporte la
victime, dans les sacrifices de moindre importance. Cf.
Sip/u-a, f. 20, 2; f. 82, 1; Zebac/iini, xn, 3. Au nord du
sanctuaire, a cote de la chambre du sel, il y en avait une
autre ou Ton salait les peaux, afin de les empecher de
secorrompre. Cf. Gem. Pesachim, 57, 1; Reland, Anli-
quitates sacree, Utrecht, 1741, p. 52,163. — 4° Les peaux
des animauxfurent encore utilisees comme matiere prc-
pre a recevoirl'ecriture. Au n e siecle avant Jesus-Christ,
sous le roi Eumene II, a Pergame, on perfectionna
beaucoup, si on ne 1'inventa pas alors, la preparation
des peaux d'animaux pour suppleer au papyrus. On se
servait surtout des peaux de bouc, de chevre et de che-
vreau, d'ane, de veau et d'agneau. Les peaux ainsi pre-
parees furent connues sous le nom de pergamena ou
parchernins. Saint Paul ecrivait sur des parchemins. II
demande a Timothee de lui envoyer de Troade son man-
teau, ses livres et surtout jj.sjAgpava?, membmnas, « ses
parchemins .» II Tim., iv, 13. Josephe, Ant. jud., Ill,
xi, 6; XII, ii, 11, parle aussi de peau appretee, 2i<p6£pa,
dont les Juifs se servaient pour ecrire, quelquefois
meme en lettres d'or. Voir LIVRE, t. iv, col. 302.
H. LESETRE.
PECHE (hebreu : ddgdh; Luc., v, 9 : aypa l/jMwv;
Vulgate : captura piscium), emploi de moyens appro-
pries pour prendre des poissons. Le mot hebreu dugdh,
derive de dag, « poisson, » comme tous les autres mots
qui se rapportent a la peche, ne se lit que dans Amso,
iv, 2 : « On enlevera vos enfants avec des sirot dugdh,
epines de peche » ou hamecons. Voir HA.JIECON, t. HI.
col. 408. Les versions ne rendent pas le mot dugdh.
1. — Yaloubid de Hamath ecorche vif. D'apres Botta, 1° Diflerents precedes etaient employes pour la peche.
Monument de Ninive, pi. 120. 1. La ligne, terminee par un hamecon qui portait 1'ap-
pat, etait usitee partout, en Egypte, en Assyrie, voir
avec une couverture par-dessus, un teraphim figurant t. in, fig, 97, 98, col. 407, et en Palestine. C'est avec la
le reste du corps. I Reg., xix, 13. — Les peaux servant ligne a hamecon que saint Pierre prend dans le lac de
pour le vetement ou 1'ameublement pouvaient contra c- Tiberiade le poisson porteur du statere. Matth., xvn,
ter certaines souillures ou une sorte de lepre. II fallait 26. Isai'e, xix, 8, parle de ceux qui pechent a la ligne
alors les purifier. Lev., xi, 32; xn. 48; xv, 17; XYI, 27. dans le Nil. Habacuc, I, 14, 15, suppose 1'emploi de la
— 2° On a employe les peaux d'animaux a recouvrir ligne a la mer. Amos, iv, 2, compare les ennemis d'ls-
le Tabernacle et 1'Arche. On utilisa pour cet usage des rae'l a des pecheurs qui prendront les enfants a 1'ha-
peaux de beliers teintes en rouge, et les peaux d'un mecon. — 2. La nasse et le Itarpon sent a 1'usage des
mammifere marin, commun~v dans la rner Rouge, le pecheurs egypliens. Les monuments representent des
tahas, le dugong. Voir DUGONG, t. n, col. loll. Ces pecheurs qui relevent la nasse, au milieu de nom-
dernieres, plus epaisses et plus resistantes que les breuses scenes de peche (fig. 2). CL Maspero, Histoire
autres, etaient placees par-dessus. Exod., xxv, 5; xxvi, anciennedes peuples de I 'Orient classique, Paris, 1895,
14; xxxv, 7, 23; xxxvi, 19; xxxix, 33; Num.. iv, 6-14. t. i, p. 61, 297. — 3. Le filet de ditferentes especes.
— Les tentes etaient souvent faitesavec des peaux. De Voir FlLET, t. 11, col. 2248-2249. L'homme, qui ne con-
la vient que les versions parlent de peaux quand il est nait pas son heure, est compare au poisson que le filet
question de tentes. II Reg., vn, 2; I Par., xvn, 1; Ps. civ saisit a 1'improviste. Eccle., ix, 12. Les Chaldeens
(em), 2; Cant., i, 4; Jer., iv, 20; x, 20; XLIX, 29; prennent les Israelites comme des poissons dans leurs
Hab., HI, 7. —La peau du crocodile estsidure qu'onne filets; ils sont si enchantes de ces filets qu'ils les
peut la percer de dards. Job, XL, 26 (31). — 3° Dans les traitent comme des divinites, leur sacrifient el leur
sacrifices, on commenfait par enlever la peau des vic- offrent de 1'encens. Hah., i, 14-17. Les Apotrespechaient
times. Lev., i, 6. Les pretres devaient s'acquitter de ce au filet dans;le lac de Tiberiade. Du haut de leurs bar-
soin; mais, quand les victimes etaient par trop nom- ques, ils jetaient leurs filets en forme d'eperviers ou
reuses, les levites les suppleaient. II Par., xxix, 34; enfermaient les poissons dans une seine pour les trai-
PECHE 6
ner jusqu'au rivage. Matth., iv, 18; xiu, 47; Luc., v, 4; ne prissent rien du tout, quand les poissons se tenaient
Joa., xxi, 6. Aujourd'hui, « le filet employe est ordi- enfonces dans lesprofondeurs. Luc., v, 5; Joa.s xxi, 3.
nairement 1'epervier; dans les endroits profonds, il est II est vrai aussi qu'alors le lac etait sillonne de bar-
lance de la barque; ou bien, s'il y a peu d'eau, le ques de peche, tandis qu'aujourd'hui, a Tiberiade, il
pecheur descend sur le rivage, entre dans le lac jus- n'en existe plus que quelques-unes. — L'Evangile fait
qu'a mi-jambes, et jette alors le filet sur les bandes de plusieurs fois allusion aux peches'des Apotres, Matth.,
poissons qui se trouvent autour de lui. Ce bassin est si iv, 18; Marc., r, 16; Luc., v, 2; Joa., xxi, 3; de plus,
peuple que, dans 1'espace de quelques minutes, nous il relate deux peches miraculeuses. Une premiere
tivons vu chaque jour notre bateau rempli jusqu'au fois, le Sauveur voit au bord du lac deux barques dont
bord par des milliers de poissons de toute grandeur. » les pecheurs lavent leurs filets. II monte dans 1'une
Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 506. d'elles, de la, preche au peuple, puis commande d'aller
2° A 1'epoque evangelique, la peche n'etait pas toujours au large et de pecher. La peche est si abondante, apres
aussi fructueuse. II n'etait pas rare que des hommes du toute une nuitinfructueuse, que les poissons remplissent
metier, travaillant pendant la nuit, qui est cependant les deux barques. Luc., v. 2-7. Une autre fois, apres la
le moment le plus favorable pour la peche a 1'epervier, resurrection, Jesus, de la rive du lac, ordonne aux
PfiCHE — PECHE 8-
Apotres de Jeter le filet. Ceux-ci, qui n'ont rien pris Dieu. II sent qu'il n'est plus agreable a son Createur,.
la nuit precedente, obeissent et, d'un coup de filet, qu'il ne peut plus lever la tete vers lui avec assurance,
prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa.,xxi, Deja le peche est a la porte, comme une bete fauve qui
6-11. Une parabole evangelique fait allusion, Matth.,xm, cherche a forcer 1'entree; il veut contracter une sorte-
47-48, a un genre de peche qu'on voit encore frequem- d'union avec 1'homme; mais celui-ci resle le maitre, il
ment pratiquer sur la cote de Syrie. Les pecheurs, re- peut et doit dominer. Sa liberte reste suffisante, sa
produits dans la figure 3, tirent le filet (sagena) qu'avec volonte demeure assez armee pour se defendre et
un bateau on a etendu a une assez courte distance dans triompher. Cam ne sut pas faire triompher sa volonte.
la mer, et lorsqu'il arrive sur le rivage, les pecheurs re- — 3. Saint Jacques, I, 13-15, analyse 1'acte ordinaire
jettent dansl'eau le mauvais poisson. — La peche mari- du peche, tel qu'il se produit dans Thomme. « Que
time n'etait pas pratiquee par les Israelites, qui n'ont nul, lorsqu'il est tenle, ne dise : C'est Dieu qui me
jamais ete marins. Les Pheniciens au contraire s'y tente. Car Dieu ne saurait etre tente de mal et lui-
livraient avec aclivite; Tune de leurs principales villes meme ne tente personne. » On salt qu'Adam avait es-
porte le nom de Sidon, c'est-a-dire « pecherie ». Voir saye de faire remonter jusqu'a Dieu la responsabilite
SIDON. H. LESETRE. de son peche, en disanl : « La femme que vous m'avez
donneepour compagne rn'a presente le fruit de 1'arbre. »•
PECHIi (hebreu : kele', hdtddh, hattd'dh, fraltd't, Gen., m, 12. L'excuse est vaine et injurieuse a Dieu.
mocal, 'dvon, peso,', set, segTdh, tahdldh; chaldeen : L'apotre ajoute : « Chacun est tente par sa propre con-
hat&y, 'ivyd', 'avyd'; Septante : a^ap-rca, «voij.fa, avo- voitise, qui 1'amorce et 1'entraine. Ensuite la convoitise v
fj.r;|A<x, roxp arc rti;/.-/; Vulgate : peccatum, culpa, iniqui- lorsqu'elle a concu, enfante le peche, et le peche,.
tas, offensa, offensio, delictum, scelus), transgression lorsqu'il est consomme, engendre la mort. » Ainsi, il y
volontaire de la loi divine, naturelle ou positive. a tout d'abord, issu du fond meme de la nature hu-
1° Sa genese. — 1. Le peche apparait pour la pre- maine, un desir immodere et desordonne, qui se
miere fois au paradis terrestre, sous la forme d'un porte vers une apparence de bien cree. Ce desir prend
acte de volonte humaine en opposition avec la volonte peu a peu une forme precise et consentie, bien tfae
souveraine du Createur. Dieu defend un acte sous reconnue reprehensible par la conscience; la volonte
peine de mort. Ce qui a ete dit de 1'homme cree a s'ebranle et veut positivement ce bien apparent, qui
1'imagede Dieu, Gen., i,26, 27, la notion d'un Dieu puis- est un mal reel. Des cet instant, il y a peche et 1'ame est
sant, sage et juste, qui ressort des premiers recits du frappee a mort. La tentation peut se produire, prove-
Livre sacre, et la defense imposee a 1'homme par ce nant des etres exterieurs; le peche n'est possible que
Dieu souverainement bon et parfait, supposent neces- si la convoitise interieure entre en ligne et decide la-
sairement que 1'homme jouit d'une volonte libre, intel- volonte. C'est ce qui permet a saint Augustin, De Gen.
ligente et par consequent responsable. Malgre la ad lit.., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et a saint Thomasr
defense divine, un acte exterieur est accompli. Bien Sum. theol., I, q. X.LIV, a. 4, ad l u m , de dire que la ten-
que le recit sacre ne raconte que ce qui se voit, dans tation n'aurait pas eu de prise sur Eve si celle-ci n'avail
cet acte et ses consequences, il va de soi qu'il faut peche au prealable par un amour coupable de sa propre
aller ici au dela de la lettre. Le mal n'est pas dans excellence. — 4. Le recit de la Genese, m, 5, montre
1'acte exterieur, mais dans la volonte qui desobeit; le que cette pensee de complaisance personnelle fut d'ail-
coupable n'est pas la main qui execute, mais 1'ame leurs aidee par 1'habile tentateur : « Vous serez comme
libre qui commande aux organes. Cette conclusion Dieu! » De la, a la source de tout peche, 1'orgueil, la
ressort clairement du chatiment impose au coupable. pensee de 1'independance, Pidee que la creature peut
Pour encourir un pareil chatiment de la part d'un se suffire a elle-meme et entend mieux son bien propre-
Dieu juste, il a fallu qu'il y eut dans le peche, non que le Createur.
seulement un acte exterieur, mais encore et surtout L'orgueil commence quand 1'homme se s^pare du Seigneur,
un acte interieur, celui d'une volonte consciemment et Et quand le coeur s'eloigne de celui qui 1'a fait:
librement en opposition avec la volonte du Maitre tout- Car le commencement de 1'orgueil, c'est le peche,
puissant. II est vrai qu'un autre etre intervient pour
incliner dans le sens de la desobeissance la volonte de ou, d'apres la Vulgate :
la femme et, par elle, celle de 1'homme. Mais cette Le commencement de tout peche, c'est 1'orgueil...
influence, si perverse et si forte qu'elle soit, n'a d'ac- Le malheur de Torgueilleux est sans remede,
-tion sur la volonte libre qu'autanl que celle-ci le veut Car la plante du peche a jete en lui ses racines.
bien. Elle peut diminuer sa responsabilite, elle ne la Eccli., x, 15; m, 30.
supprime pas, parce que la volonte de 1'homme est
restee stiffisamment maitresse d'elle-meme. C'est ce En realite, orgueil et peche sont correlatifs et s'appellent
qu'il faut encore conclure de la sentence de condamna- Fun I'autre.. Cf. Is., xui, 14. — 5. Cet orgueil lui-meme,
tion, mitigee et laissant la porte ouverte a 1'esperance qui est le premier instigateur de la convoitise et du
du pardon, mais cependant severe et supposant une peche, a sa cause dans la nature de 1'etre cree, alors
culpabilite grave chez les deux coupables. Gen., in, \- meme qu'il n'est pas encore dechu. La Sainte Ecriture
19. — 2. Apres avoir ainsi fait son apparition dans ne le dit pas formellement; mais, avant de raconter la
I'humanite, le peche s'y perpetue, par des actes volon- chute, elle commence par montrer que 1'homme est un
taires, a travers toutes les generations. Le meurtre etre cree. Or, plus un etre cree a recu de dons de la
d'Abel par Cain a sans doute ete precede par bien munificence du Createur, plus il a de motifs pour se
d'autres fautes moins graves. Toujours est-il qu'avant complaire en ce qu'il est et en ce qu'il a, si sa volonte
son crime le meurtrier recoit un avertissement qui •vient a devier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se
marque 1'attitude que doit avoir 1'homme en face du produire le peche des anges et ensuite celui de 1'homme.
bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses Voir MAL, t. iv, col. 598-600.
passions et les sollicilations de la tentation : c Si tu 2° Sa nature. — i. Le peche consiste essentiellement
fais bien, ne seras-tu pas agree? Et si tu ne fais pas dans 1'opposition de la volonte de 1'homme a la volonte
bien, le peche ne se tient-il pas a ta porte ? Son desir de Dieu. C'est ce que montrent les textes precedents.
se tourne vers toi; mais toi, tu dois dominer sur lui. » Le peche n'est done pas dans 1'acte exterieur, tel que le
Gen., rv, 7. Le premier phenomene se passe dans la voient les h'ommes; il est dans 1'ame, telle qu'elle ap-
conscience de 1'homme, quand il a cesse de faire le parait auxyeux deDieu. I Reg., xvi, 7. Par consequent,
bien, c'esl-a-dire de conformer sa volonte a celle de les sentiments et les pensees peuvent etre coupables.
PECHE 10
Le dernier precepte du Decalogue proscrit les simples dans un etre soumis au peche, Sap., i, 4, et cet etre,
convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur ainsi separe de Dieu, ne peut manquer d'agir parfois
declare que du coeur sortent les pensees mauvaises. par 1'inspiration du demon, IJoa., in, 8, et d'en faire les
Matth., xv, 19; Marc., vn, 21. II aftirme en outre que ceuvres, qui sont des oauvres de peche. Joa., vm, 41. Si
certains desirs sont coupables, comme les actes eux- Dieu hait tant le peche, Ps. v, 5, 7, c'est parce qu'il y voit
memes.Matth.. v, 28. Ainsi les actes exterieurs ne suffi- necessairement un attentat contre sa souverainete inalie-
•sent pas a constituer le peche. Dans leur confession nable. — 5. Saint Jacques, 11, 10, dit que « quiconque
negative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des aura observe toute la loi, s'il vient a faillir en un seul
Morts, cf. W. Pleyte, Etude sitr le chapitre cxxv du point, est coupable detous ». Ce texte fait 1'objet d'une
Riiuel funemire, Leyde, 1866; Maspero, Histoire consultation adressee a saint Jerome par saint Augustin,
•ancienne des peuples de I'Orient classique, Paris, Ep. cxxxi, t. xxu, col. 1138-1147. Ce dernier propose
1895, t. i, p. 189, les Egyptians ne savent s'accuser sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui trans-
-que de fautes exterieures d'ordre moral, social ou par- gresse un precepte est coupable envers tous, parce
fois purement liturgique. Les Babyloniens ont une qu'il agit contre la charite de laquelle depend toute la
confession analogue, ou il est question d'adultere, loi. II est coupable de tout parce qu'il agit contre celle
d'homicide, de vol, d'autres fautes centre la morale ou dont tout depend. » Saint Jerome, Ep. cxxxiv, t. xxn,
la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la col. 1161, s'excuse de ne pas repondre et dit qu'il n'a
conscience. Cf. Zimmern, Beitrage zur Kenntniss der rien a reprendre a la solution proposee. Saint Thomas,
babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, n, 1. 47- Sum. theol., I* 11*, q. LXXIII, a. 1, ad l"m, explique que
-5i; Lagrange, Etudes sur les religions semitiques, 1'Apotre parle ici des peches, non par rapport a 1'objet
Paris, 1905, p. 225, 226; Revue .biblique, 1906, p. 657. vers lequel ils portent et qui est variable, mais par
Cf. Ezechiel, xvm, 14-17. Autrement significative est la rapport a celui dont ils detournent et qui est toujours
confession qui se lit dans Job, xxxi, 4-37. L'auteur y Dieu. Tout peche comporte le mepris de Dieu. Quand
enumere les principales fautes contre la morale qui se on faillit en un point on est coupable de tous en ce
pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint sens qu'on encourt le chatiment que merite le mepris
ici et la des remarques comme celles-ci : de Dieu, mepris et chatiment communs a tous les pe-
Dieu ne connait-il pas mes voies,
ches. Les peches demeurent done distincts, bien que
Ne compte-t-il pas tous mes pas? le principe et les consequences de tons soient les
Si mon coeur a suivi mes yeux... memes, et Ton peut en commettre un sans commettre
Si j'ai mis dans 1'or mon assurance... les autres. La pensee de saint Jacques revient a ceci
Si, en voyant le soleil Jeter ses feux, que, quand on transgresse un commandement, on est
Et la lune s'avancer dans sa splendeur, svo^o?, passible de la peine qui chatie toutes les autres
Mon coeur s'est laisse" se'duireen secret... transgressions, non en quantite, mais en qualite, car
Si j'ai e'te joyeux de la ruine de mon ennemi... dans tous les cas, c'est 1'auteur meme des lois qui est
Si j'ai, comme font les hommes, deguise mes fautes,
Et renferme' mes iniquites dans mon sein... offense et qui est oblige de sevir. — 6. Tous les peches
ne sont pas mis sur le merne rang dans la Sainte Ecri-
— 2. En effet, la conscience morale, telle que la sup- ture, bien. que tous supposent V opposition de la volonte
pose la religion du vrai Dieu, obeit a cette regie posee de Thomme avec celle de Dieu. II y a des peches plus
a Abraham : « Marche devant ma face et sois irrepro- particulierement graves, 1'adultere, Gen., xx, 9; xxvr,
cbable. » Gen., xvn, 1. C'est devant la face du Seigneur, 10; 1'apostasie, Exod., xxxii, 21; la profanation du sacer-
sous son regard auquel rien n'echappe, qu'on est cou- doce et le scandale, I Reg., u, 17; 1'idolatrie, Jer., xix,
pable ou irreprochable, et, si 1'on est coupable, c'est 11; le peche contre le Saint-Esprit, Matth., xii, 31; Marc.,
toutd'abord dans Fame elle-meme que le peche existe. in, 28; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc.
0 Dieu, tu connais ma folio,
Notre-Seigneur note lui-meme une gradation entre cer-
Kt mes fautes ne te sont pas cachees. Ps. LXIX (LXVIII), 6. ,tains peches contre la charite. Malth., v, 22. II y a des
peches qui sont commis par ignorance, sans pleine
€f. Ps. x, 15; Eccli., xv, 21. — 3. Le peche outrage conscience ou sans voionte complete. Lev., iv, 2, 27;
toujours Dieu, alors meme qu'il semble viser exclusi- v, 17; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s'excuse sur son
vement le prochain. Num., v, 6. ignorance des persecutions qu'il a exercees contre les
Chretiens. I Tim., i, 13. Mais, dans la SainteEcriture, on ne
Je reconnais mes transgressions,
Et mon peche est constamment devant moi;
trouve pas mention de ces culpabilites inconscientes et
(Test contre toi seul que j'ai peche, fatales, s'attachant ineluctablement a desetres qui n'ont
J'ai fait ce qui est mal a tes yeux, rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre
dans les religions paiennes, ni de ces fautes commises
dit le Psalmiste, Ps. LI (L), 5-6, avouant que ses trans- sans connaissance et sans voionte dont les idolatres se
•gressions de toute nature ont avant tout offense Dieu. croyaient si frequemment coupables dans le culte de
De meme le prodigue, qui a tant outrage son pere, se leurs dieux, par remission de formalites insigriiflantes
yeconnait coupable contre lui, mais avant tout « contre ou pueriles. — 7. Puisque rien n'echappe aux regards
le ciel ». Luc., xv, 18. « En pechant contre vos freres de Dieu et que Dieu hait le peche, la consequence
et en violentant leur conscience encore faible, vous s'impose : « Tous les jours de ta vie, aie Dieu present
pechez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., vm, a ta pensee, et garde-toi de consentir jamais au peche. »
12. — 4. Le peche est un acte par lequel 1'homme Tob., iv, 6; cf. i, 10.
s'ecarte et s'eloigne de Dieu, en mettant sa voionte en
opposition avec celle de Dieu, connue soil par la con- Fuis le peche comme le serpent,
Car, si tu en approches, il temordra. Eccli., xxr, 2.
science, soit par 'la loi positive, qui rend mauvais des
actes qui ne le seraient pas toujours par eux-memes. Et pour determiner sa voionte a s'eloigner du mal,
Rom., in, 20; vir, 7, « Etre infideles a Jehovah et le 1'homme doit songer a la fin de sa vie et au compte
•renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voila comment qu'il devra rendre a Dieu, Eccli., vu, 40, sans se lais-
Isai'e, LIX, 13, caracterise le peche. Cette idee d'eloigne- ser tromper par les charmes du present ni par la pa-
•ment de Dieu par le peche revient souvent. Deut., xi, tience divine, car
16; xxxii, 15; Jos., xxir, 16; Job, xxi, 14; xxu, 17;
-Sap., in, 10; Bar., m, 8; Dan., ix, 5, 9, etc. En conse- La voie des pecheurs est pavee de pierres,
quence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter Mais a son extremite est Tabime de 1'Hades. Eccli., xxr, 11.
PECHE — PECHE OR1GINEL
• 3°Ses consequences. — 1. Le peche'separe Tame d'avec le Fils, Matlh., ix, 2-6; Marc., 11, 5-10; Luc., v, 20-49;
Dieu. Is., LIX, 2. Si 1'homme meurt dans son peche, etc., qui envoie ses Apotres precher cette remission,
:~Ezech., in, 20; xn, 43; Joa., vm, 21, etc., cette separa- Luc., xxiv, 27; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pou-
tion devient definitive. « La justice du juste ne le sau- voir de 1'accorder dans le sacrement de penitence^
vera pas au jour de sa transgression,... le juste ne Joa., xx, 23, et dans celui d'extreme-onction. Jacob., v,
pourra pas vivre parsa justice le jour ou il pechera. » 15. — 6. Le pardon du peche est accorde en vertu de la
Ezech., xxxni, 12. — 2. Par suite de 1'affaiblissement redemption operee sur la croix. Daniel, IX, 24, avait
moral que cause 1'eloignement de Dieu, celui qui corn- annonce que le Messie mettrait tin au peche, c'est-a-
met le peche unit par devenir esclave du peche, et il a dire a son influence irreparable. Jesus-Christ, par sa
de plus en plus de difficulte a sesoustraire a sa tyrannic. croix, obtint a 1'homme le pardon du peche. Matth., i r
Joa., vm, 43; Rom., vi, 17. « Le mechant est saisi par 21 ; xxvi, 28; Joa., I, 29; Rom., vi, 6; I Cor., xv, 3;
Jes liens de son peche. » Prov., v, 22; Eccli., xxi, 3. II Cor., v,21; Gal., i, 4;Eph., I, 7; Col., i,14; Heb., ix,
Le trouble et le malaise regnent dans son ame. 28; I Pet., in, 18; I Joa., i, 7; Apoc., i, 5, etc. Ce
Ps. XXXYIII (xxxvn), 4, 19. Ainsi ccceux qui commettent pardon peut meme atteindre les ames dans 1'autre vie,
le peche et i'iniquite sont leurs propres ennemis ». au purgatoire. II Mach., xn, 46. — 7. Les ecrivains
Tob., *xn, 10. Le peche peut se generaliser dans une sacres et Notre-Seigneur se servent de differentes ex-
nation. pressions caracteristiques pour marquer la realite de
La justice eleve une nation,
la remission du peche : « pardonner, » par consequent
Mais le pe'che est 1'opprobre des peuples.Prov., xiv, 34. ne plus tenir rigueur, II Reg., xn, 13; III Reg., vm,
3i; Tob., in, 13, etc.; « remettre, » par consequent ne
— 3. Dieu menace et poursuit le peche des rigueursde plus rien exiger a ce sujet, Ps. xxxn (xxxi), 1 ;
sa justice. Exod., xxxn, 34; Lev., xx, 20; Num., xxxn, Matth., ix, 2; Luc., vn, 48, etc.; «. ne pas imputer, »
23; Jos., xxiv, 19 : « Jehovah est un Dieu saint, un Dieu ne pas rnettre au compte du pecheur repentant, Num., xn,
jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos 11; Rom., iv, 7, 8. etc.; « ne plus se rappeler, » tenir
pechesi... il se retournera, vous maltraitera et vous pour non avenu, Ezech., xxxin, 16; « couvrir, » de
consumera. » Ps. LXXXIX (LXXXVIH), 33; Prov., xxu, maniere qu'on ne Je voie plus, Ps. LXXXV (LXXXIV), 3;
8; Ezech., xvm, 4; Dan., ix, ii; II Mach., vii, 18, etc. « fermer les yeux, » parce qu'on ne veut plus voir,
La justice de Dieu centre le peche s'exerce d'ailleurs Sap., xi, 24; « effacer, purifier, laver, » comme une
par differents moyens, par les epreuves dans la vie tache que Ton veut faire disparaitre, Ps. LI (L), 4;
presenle, Jer., v, 25, etc., voir MAL, t, iv, col. 601, par Is., XLIII, 25; « enlever, » Is., vi, 7; faire disparaitre
les satisfactions volontaires, voir PENITENCE, et par les comme de la glace qui se fond,Eccli., in, 17, comme un
sanctions de 1'autre vie. Sap., v, 2-14. Voir ENFER, nuage qui se dissout, Is., XLIV, 22; « ne plus trouver, »
t. n, col. 1792; PURGATOIRE. — 4. Le peche a de plus comme une chose qui n'existe plus, Jer., L, 20;
une repercussion prevue sur les generations qui suivent « d'ecarlate, rendre blanc comme neige, ~» e'est-a-dire
celui qui 1'a commis, de meme que la fidelite a la remplacer la tache du peche par quelque chose qui en
sienne. Dieu le fait repeter plusieurs fois : « Je suis est 1'oppose, Is., i, 18; «jeter derriere son dos, » comme
Jehovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis I'iniquite une chose qu'on dedaigne et qu'on ne reverra plus,
des peres sur les enfants, sur la troisieme et sur la Is., xxxvin, 17; « mettre sous ses pieds, »comme une
quatrieme generation a 1'egard de ceux qui me haissent, chose meprisable qu'on veut detruire, et « jeter au fond
et qui fais misericorde jusqu'a mille'generations a ceux de la mer », comme ce qui doit perir defmitivement.
qui m'aiment et qui gardent mes commandements. » Mich., vn, 19, etc. Ezechiel, xxxni, 14-16, exprime
Exod., xx, 5-6; cf. xxxiv, 7; Num., xiv, 18; Deut,, v, sans figure et de la maniere la plus positive -1'effet de
9; Jer., xxxn, 18j Lam., v, 7, etc. Cette repercussion, la remission du peche : « Lorsmeme que j'aurai dit au
que 1'experience justifie frequemment encore, ne fait mechant : Tu mourras! s'il se detourne de son peche et
pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose fait ce qui est juste etdroit,... on ne se rappellera plus
que ces derniers iraitenf Jes peches de leurs peres, ou aucun des peches qu'il a commis : il a faif ce qui est
constitue pour eux une epreuve temporelle destinee soit droit et juste, il vivra. » La realite objective de la remis-
a les ramener au bien, soit a perfectionner leur vertu sion du peche est d'ailleurs demontree par la conduite
et a augmenter leur merite defmitif. Dieu se reservait de Dieu a 1'egard de grands pecheurs, Adam, Sap., x,
d'appliquer cette sanction; mais il n'a pas autorise les 1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc.
hommes a chatier les enfants a cause de leurs peres. H. LESETRE.
Deut., xxiv, 16; IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 4. Le PECHE ORDGINEL, peche commis par Adam, a
prophete Ezecbiel, xvm, 10-20, explique la conduite de 1'origine de 1'humanite, et par suite duquel tous ses
Dieu en cette matiere : impie lui-meme, le flls de 1'irn- descendants naissent dans un etat de decheance et de
pie merite d'etre chatie; vertueux et fidele, il vit et ne peche.
porte pas le chatiment qu'ont attire les crimes de son 1° LA FAUTE INITIALS. — 1. Le recit de 1'epreuve im-
pere. posee a Adam, de la tentation, de la chute et du chati-
4° Sa remission. — Dieu est un juge severe, mais il ment, est consigne dans la Genese, in, 1-19. Ce recit
n'est pas un pere inexorable. Voir MISERICORDE, t. iv, peut etre interprete avec une certaine largeur, a condi-
col. 1131. II veutbien pardonner le peche. Job, vn, 21 ; tion de respecter la realite du fait. Voir ADAM, t. i,
Ps. xxv (xxiv), 11; xxxii (xxxi), 1; LXXIX (LXXVIII), 9; col. 175; EVE, t. n, col. 2119. Les Peres 1'ont generale-
LXXXV (LXXXIV), 3; Sap.,xi, 24; Is., XLIII, 25; Jer., xxxi, ment entendu dans son sens litteral, mais PEglise n'a
34, etc. — 2. Cependant, pour pardonner le peche, pas condamne le cardinal Cajetan qui 1'a explique alle-
Dieu exige certaines conditions, et tout d'abord 1'aveu. goriquement. In Sacram Scripluram Commenlarii^
Lev., xxvi, 40; II Esd., ix, 2; Job, xxxi, 33, 34; 5 in-f°, Lyon, 1639,1.1, p. 22, 25. Voir Vigouroux, Manuel
Matth., m,6; Marc., I, 5; I Joa., i, 9, etc. Voir CONFES- biblique, 12e edit., t. j, pi. 564. — 2. Rien dans le recit
SION, t. n, col. 907. — 3. II veut ensuite le regret sin- n'avertit formellement que le premier horn me ait agi
cere. Joel., n, 13, etc. Voir PENITENCE. — 4. Certaines comme representant de toute sa race. II est seulement
ceuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachetent le le premier de tous les hommes. Mais c'est de lui que
peche. Voir AUMONE, t. i, col. 1252; CHARITE, t. n, les autres recevront la vie, et, etant donnees les lois
col. 591;JEUNE, t. in, col. 1528; SACRIFICE. — 5. Dans le ordinaires de la nature que 1'auteur sacre suppose
Nouveau Testament, les peches sont remis au nom du connues de ses lecteurs, il fallait s'attendre a ce qu'Adam,
Pere, Matth., vi, 14 15; Marc., xi, 25; Luc., xi, 4, par avec la vie et ses conditions essentielles, transmit a sea
13 PECHE O R I G I N E L 14
descendants quelque chose de ce qu'il etait devenu lui- tions successives, il y a quelque chose qui empeche
meme, par Tabus qu'il avail fait des dons extraordi- une reconciliation complete et definitive. Cette reconci-
naires de son Createur. TouMois ce n'esY pas teas la liation, les anciens 1'attendent dans la personne du
concupiscence que consiste a proprement parler le peche Messie futur. Au lieu de porter leurs regards vers
originel, mais dans la privation de la grace. L'avenir celui qui fut 1'origine de 1'humanite, ils les tendent vers
de rhumanite est indique dans 1'inimitie annoncee celui qui, dans 1'avenir, en sera le reparateur et le
entre la posterite de la fern me et celle du serpent et Sauveur. X'ayant qu'une idee confuse du peche originel
'dans les conditions de vie imposees a Adam et a Eve, et de ses suites, ils sont peu capables par la meme
et par la meme a leurs descendants. Du recit de la de se faire une notion exacte de ce que sera la redemp-
Genese, les theologiens ont deduit que nos premiers tion. Neanmoins cette attente du Messie liberateur est,
parents avaient ete eleves a un etat surnaturel, et dans 1'Ancien Testament, la forme la plus concrete et
qu'ayant perdu par leur faute 1'integrite primitive, Us la plus positive sous laquelle on puisse reconnaitre la
etaient dechus de leur etat et avaient transmis leur tradition du peche originel.
decheance a leurs enfants. 3° DANS L'EVANGILE. — Quelques passages de 1'Evan-
2° DANS L'AXCIEN TESTAMENT. — 1. Les ecrivains ins- gile font allusion au peche originel; mais cette allu-
pires de FAncien Testament ne parlent du peche origi- sion ne peut etre comprise que si Ton a presente a
nel qu'en termes generaux. Job, xiv, 4, a propos de 1'esprit la notion de la chute et de ses consequences.
1'homme ne de la femme, que Dieu, semble-t-i!, ne Ainsi la lumiere du Verbe « luit au milieu des
peutciter en justice sans s'abaisserlui-meme, remarque : tenebres », Joa., i, 5; le Sauveur vient eclairer ceux
« Qui peut tirer le pur de Timpur? Personne. » La « qui sont assis dans les tenebres et a 1'ombre de la
Vulgate traduit un pen differemment : « Qui peut mort ». Luc., I, 79. Saint Jean-Baptiste presente Notre-
rendre pur celui qui a ete concu dans 1'impurete? Seigneur comme « 1'Agneau de Dieu, celui qui enleve
N'est-ce pas vous seul? » Les Septante ajoutent au texte le peche du monde », Joa., i, 29, c'est-a-dire ce peche
les premiers mots du verset suivant : « Qui peut etre dont les consequences pesent sur le monde entier. « Si
pur de souillure? Personne, pas meme celui dont la vie on ne renait de nouveau, on ne peut voir le royaume de
n'est que d'un jour sur la terre. » Les Peres ont com- Dieu. » Joa., ill, 3. C'est done que la vie transmise par
menle le texte ainsi formule. L'idee principale est que Adam ne suffit pas pour conduire 1'homme au salut.
1'homme appartient a line race pecheresse et impure, Les justes de 1'ancienne loi en font 1'experience dans
et que Ton ne doit pas s'etonner qu'il soit si peu digne le school; mais « 1'heure vient oil ceux qui sont dans
de 1'attention divine, ayant herite d'ancetres pecheurs. les sepulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et
— Au Psaume LI (L), 7, on lit ces paroles : ceux qui ont fait le bien en sortiront pour ressusciter
Je suis ne dans riniqxiite, a la vie >:. Joa., v, 25, 28, 29. Le Sauveur fait annoncer
Et ma mere m'a concu dans le pe"che. .que « le royaume de Dieu approclie i>, "Lue., "s., $, par
consequent que 1'etat de choses anterieur, meme sous
Comme pour le passage precedent, la doctrine du le regime de la Loi, n'etait pas le royaume de Dieu, la
peche originel, sans etre formulee d'une facon tout a fait vraie voie du salut. II dit aux Juifs, qui se glorifiaient
explicate, donne seule a ces paroles tout leur sens. — On d'etre enfants d'Abraham : « C'est seulement si le Fils
trouve ces autres paroles dans 1'Ecclesiastique, xxv, 33 : vous delivre, que vous serez vraiment libres. » Joa.,
C'est par une femme que le pSche a commence^, vni, 36. Une servitude generale s'imposait done a tous
C'est a cause d'elle que nous mourons tous. les hommes. Enfm, par deux fois, Joa., xu, 31", xw, 30,
le Sauveur appelle Satan le « prince de ce monde ».
Le texle accuse avec raison Eve d'avoir commence ]a Satan y regne en maitre, en effet, depuis sa victoire sur
premiere a pecher et d'etre la premiere cause de la le premier homme; mais « il va etre chasse dehors », et
mort de tous. Mais Adam, et non pas Eve, etait le chef d'ailleurs il n'a rien a lui en Jesus, qui a pris la des-
de rhumanite, et par lui ont ete transmis le peche et ses cendance mais non la servitude d'Adam. — On ne peut
consequences. — II n'y a pas a s'arreter au texte tirer aucune conclusion, touchant le peche originel,
d'lsa'ie, XLIII, 27, disant a Israel : « Ton premier pere a du texle de Joa., ix, 2. Voir MAL, t. iv, coL €01,
peche; » car il s'agit ici de Jacob. Cf. Ose., xn, 3-5. — 4°. Quand les pharisiens disent a 1'aveugle gueri qu'il
L'auteur de la Sagesse, vm, 18-20, prenant le person- est (( ne tout entier dans le peche », ils ne songent
nage de Salomon, s'exprime dans des termes dont on pas au peche originel, car ils ne s'appliquent certes
pourrait s'etonner, s'il fallait les prendre absolument a pas cetle remarque a eux-memes. Joa., ix, 34.
la lettre : « J'etais un enfant d'un bon naturel, et j'avais 4» DANS SAINT PAUL. — 1. Saint Paul degage la notion
recu en partage une bonne ame, ou plulot, etant bon, du peche originel avec precision dans son Epitre aux
je vins a un corps sans souillure. » Celte affirmation ne Remains. Pour faire ressortir toute la signification de
peut porter que sur la vie purement naturelle. Un la redemption, il etablit un parallele entre Jesus-Christ
autre texte parait plus signiticatif : «. Vous saviez bien et Adam, et il ecrit : « Ainsi done, comme par un seul
qu'ils sortaient d'une souche perverse,... car c'etait une homme le peche est entre dans le monde, et par le
race maudite des 1'origine. » Sap., xn, 10, 11. Toute- peche la .mort, ainsi la mort a passe dans tous les
fois, comme il s'agit ici des Chananeens, il est clair hommes, parce que (E?'W) tous ont peche (Vulgate :
que la malediction dont parle 1'auteur sacre est celle in quo, « en qui » ou « en quoi » tous ont peche)...
qu'encourut Chanaan. Gen., ix, 25. — 2. Mais si les Par la faute d'un seul, tous les hommes sont morts..
textes sont peu explicites, on sent que, pour ainsi dire, Le jugement a ete porte a cause d'une seule faute pour
tout le poids du peche originel pese sur 1'Ancien Tes- la condamnation... Par la faute d'un seul, la mort a
tament. Souvent les auteurs sacres constatent le regne regne par ce seul homme... Par la faute d'un seul, la
general du peche. « Tous sont egares, tous sont perver- condamnation est venue sur tous les hommes... Par la
tis; pas un qui fasse le bien, pas un seul! » Ps. xiv desobeissance d'un seul homme, tous ont ete constitues
(XHI), 3; Lil (LIJ), 4. « Qui dira : J'ai purifie mon coeur, pecheurs. » Rom., v, 12-19. Get enseignement de
je suis net de mon peche? » Prov., xx, 9. L'autre vie, I'Apotre eclaire le recit de la Genese. Au paradis ier-
dont 1'attente aurait du rejouir les justes, ne leur appa- reslre, Adam etail done, dans la pensee de Dieu, le
rait que sous de sombres couleurs. Ils se rendent representant de I'humanile, representant dont 1'huma-
compte que, meme dans le school, la paix ne sera pas nite serait mal venue a se plaindre, puisqu'il jouissait
encore faite entre eux et Dieu, parce que, dans le de 1'innocence et de tous les dons divins. Adam subis-
passe lointain de 1'humanite comme dans ses genera- sait 1'epreuve au nom de touie sa posterite. Seul il a
15 PECHE O R I G I N E L — PECHEUR 16
peche personnellement, mais en lui et par lui, tous voir Turmel, Histoire de la thc'ologie positive, Paris,
ont peche, tous ont desobei, tous ont encouru la mort 1904, p. 87, 226, 412. H. LESETRE.
et la condamnation. En cela, Adam a ete la figure de
celui qui doit venir, T-JTTOS TOU [xeXXovTo?, forma futuri, PECHERESSE de 1'Evangile. Luc., vn, 37, 39. Voir
Rom., v, 14; il a ete pour 1'humanite, au point de vue MARIE-MADELEINE, t. i, col. 810.
du peche et de la condamnation, ce que Jesus-Christ a
ete au point de vue de la reconciliation et de la vie. Con- PECHEUR (hebreu : davvdg, dayydg; Septante :
formement a cette doctrine, 1'Eglise enseigne que « la aXieui; ; Vulgate : piscalor), celui qui fait metier de
prevarication d'Adam a nui, non a lui seul, mais a sa des- pecher des poissons. — 1° Isaiie, xix, 5-8, decrit la deso-
cendance; qu'il a perdu a la fois pour lui et pour nous la lation des pecheurs egyptiens lorsque le chatiment
saintete et la justice qu'il avait recues de Dieu; que frappera leur pays, que le tleuve et les canaux tariront
souille lui-meme par son peche de desobeissance, il a et que la peche deviendra impossible. Les pecheurs
transmis a tout le genre humain, non seulement les egyptiens faisaietit de superbes captures. Sur une pein-
peines du corps, mais aussi le peche qui est la mort de
Tame ». Cone. Trid., ?ess. v, De pecc. or\(j., 2. —
8. — Grand tresorier egyptien portant le pectoral. 9. — Pectoral du grand-pretre juif. Essai de restitution d'apres-
Statue du Musee egyptien du Louvre. Schuster, dans Fillion, Atlas archeolog., 2" edit., pi. cvi, fig. 12.
brillant filet d'or, donne un ensemble aussi harmonieux maintenu au-dessus de la ceinture de 1'ephod. Josephe,
que riche. » Cf. Vigouroux, La Bible et les decouvertes ibid., dit que le pectoral remplissait ainsi sur la poi-
modernes, 6e edit., t. n, p. 5i3; Les Livres Saints et la trine 1'espacelaisse libre par 1'ephod (fig. 10). Le grand-
critique rationalisle, 5e edit., t. in, p. 123. Dieu vou- pretre ne pouvait entrer dans le sanctuaire sans porter
lut que le grand-pretre de son peuple portat un orne- ainsi sur son cceur les noms des fils d'Israel, « en sou-
ment analogue a eelui qui distinguait les grands per- venir perpetuel devant Jehovah. » Exod., xxvm, 15-29;
sonnages egyptiens. Les versions grecques 1'appellent, xxxix, 8-21; Lev., vni, 8. Voir GRAND-PRETRE, t. m, fig. 64.
Septante : Xoystov, sans doute de Xdyo?, « parole, » et col. 296. — Dans 1'Ecclesiastique, XLV, 12,13, le pectoral
7rspt<rrr|6iov, « ce qui eatoure la poitrine; » Josephe, est mentionne parmi les ornements d'Aaron. Le texte
Ant, jud., Ill, vn, 5, et les autres versions grecques : hebreu dit que Dieu lui fit porter « le pectoral du juge-
Xoycov, « oracle; » Symmaque : Soxtov, « receptacle. » ment, 1'ephod et la ceinture, ouvrages tissesde cramoisi,
Ces noms sont justifies par la destination meme du pec- les pierres precieuses sur le pectoral, gravees comme
toral qui, place sur la poitrine du grand-pretre, ren- des cachets pour 1'inauguration (d'Aaron), chaque pierre
fermait 1'Urim et le Thummim, au moyen duquel Dieu ayant une ecriture gravee en souvenir, suivantle nombre
faisait connaitre ses oracles. Le mot rationale, adopte (des tribus) d'Israel ». Les Septante rendent beniillu'im,
par la Vulgate, vise a traduire XoysTov, en le derivant « pour 1'inauguration, » par spyw ),i6oupyo-j, « ceuvre
de Xoyo;, « raison, » au lieu de Xdyos, « parole. » A du graveur. » Le texte hebreu est d'ailleurs peu sur dans
hosen s'ajoute le mot ham-mispdt, « du jugement, » ce passage, et le premier des deux versets est rendu
parce que Dieu rendait ses jugements ou ses decisions par les versions avec des variantes assez considerables..
au moyen de ce quecontenait le pectoral. — 2° Le texte — 3° Les matieres qui entrent dans la fabrication du
sacre donne une description minutieuse de ce que doit pectoral, or, fils richement teints et pierres precieuses,
etre le pectoral. II faut qu'il soit artistement travaille symbolisent la dignite du grand-pretre et surtout la
et du meme tissu que 1'ephod, comprenant Tor, la royaute supreme du Dieu dont il est le ministre. Aaron
pourpre violette et rouge, le cramoisi et le lin. Voir porte le pectoral « sur les deux epaules » et « sur le
EPHOD, t. ii, col. 1865. II a la forme quadrangulaire, coeur », Exod., xxxin, 12, 30, « en souvenir perpetuei
PECTORAL PEINTURE 22:
(levant Jehovah. » comme pour representer devant le fut toujours prise par les Hebreux dans le sens le plus
Seigneur toutle peuple qui lui est consacre. Les pierres strict. Us s'en inspirerent dans leurs monuments. De
precieuses refletent la lumiere da ciel, dont Jehovah plus, etant donnee la nature des materiaux employes
est aussi le souverain. Elles sont disposees sur le pec- dans leurs grandes constructions et leur caractere suffi-
toral quadrangulaire a peu pres comme les Israelistes samment decoratif, on peut dire que la peinture leur fut
eux-memes le sont dans leur camp. Yoir CA.MP, t. n, a peu pres elrangere. Aussi, pour exprirner Fidee de
col. 95, II est evidemment irnpossihle de determiner « peindre », sont-ils obliges de se servir du verbe hdqdh
-quelle relation symbolique pouvait exister entre chaque qui veut surtout dire « sculpter » et « graver ». II est
pierre et la tribu dont elle portail le nom. II n'y en bon neanmoins d'avoir quelque idee de ce que fut la
avail pas moms la une expression saisissante de cette idee peinture chez les Egyptiens, les Assyriens, les Perses,.
que, dans lapersonne du grand-pretre, les douzetribus et les Grecs, a cause de quelques allusions bibliques et
etaient presenles pour rendre hommage a Jehovah et aussi des illustrations qu'on en tire pour 1'explication
recevoir ses oracles. — Cf. Braun, De vestitu sacerdo~ du texte sacre^
1° Chez les Egyptiens. — Les statues etaient souvent
completement peintes des pieds a la tete. Dans les bas-
reliefs, les personnages et les figures etaient enlumines,
sur un fond laisse a 1'etat naturel. Pour executer ces
peintures, on se servait de couleurs dont la variete
s'accuse de plus en plus avec le temps. Les couleurs trop
couteusesseremplacaientpardes imitations plus simples,
comme le bleu du lapis-lazuliparduverrecolore et reduit
en,fine poussiere. On delayait la couleur dans de 1'eau
additionnee de gomme adragante, et on 1'e'talait a 1'aide
d'un calame ou d'une brosse. Pour les surfaces planes,
sur lesquelles on tenait a fixer des scenes plus ou
moins compliquees, on commencait par degrossir la
paroi a decorer et 1'on appliquait sur la muraille encore
rugueuse un crepi d'argile noire et de paille hachee
menu, melange qui produisait un enduit analogue a la
composition de la brique. La peinture fixee sur les sur-
faces ainsi prepai^ees constituait de l'enluminure;beau-
coup plus que de la peinture. L'artiste procedait par
teintes plates, juxtaposees mais non fondues. Tout en
obeissant a 1'inspiration de la nature, il ne s'ecartait
pas cependant de certaines formules de convention qui
caracterisent les procedes egyptiens de la premiere A
la derniere epoque. On indiquait dans les ateliers la
couleur qui convenait a tel etre ou a tel objet, et Ton
s'en tenait a cette donnee traditionnelle. Ainsi 1'eau est
toujours d'un bleu uni ou strie de zigzags noirs. Les
chairs sont brunes chez les homines et d'un jaune clair
chez les femmes, sauf un certain nombre d'exeeptions
qui ne se constatent guere qu'a de rares et courtes pe-
riodes. Voir 1.1, fig. 616, col. 1932; t. n, fig. 384. col. 1067.
La perspective est a peu pres inconnue. Les objets
representes sont la, mais a leur place conventionnelle,
un canal, par exemple, a mi-hauteur du tronc des pal-
miers qu'il traverse, un bassin avec les plantations
dressees perpendiculairement sur les quatre faces,
10. — Lc pectoral et 1'ephod. — Essai de reconstitution des masses de soldats flgurees par la reproduction,
d'apres les monuments egyptiens. par V. Ancessi, Atlas multipliee et identique du meme individu, les diffe-
biblique, in-4°, Paris, 1876, pi. vi.
rentes 'scenes d'une meme action juxtaposees ou super-
posees pour ne negliger aucun detail,, etc. L'artiste lais-
turn Hebr&orum, Leyde, 1680, n, 6, 7; Bahr, Symbolik sait au spectateur le soin d'interpreter, ce qui d'ailleurs
des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 104- etait facile, puisque tous connaissaient parfaitement la
110,127-136. H. LESETRE. convention traditionnelle qui reglait Foauvre des pra-
ticiens. La representation de I'e'tre humain ne .s'ecar-
PEIKHART Francois, comrnentateur autrichien, tait qu'assez rarement de certaines lois artistiques en
ne a Vienne le 14 Janvier 1684, mort dans cette ville le contradiction avec celles de la perspective, mais per-
29 mai 1752. II entra dans la Compagnie de Jesus en mettant de caracteriser facilement les principaies
1698 et fut longtemps professeur et predicateur. Nous parties du corps. Ainsi presque toujours la tete, munie
avons de lui, en allemand, de longs commentaires sur d'un ceil de face, se presente de profil, le buste de face,
les quatre Evangiles : Erkldmng der Evangelischen le tronc de trois quarts et les jambes de profil. « Les
Beschreibung der IV Evangelischen. Us parurent maitres egyptiens continuerentjusqu'ala fin a deformer
d'abord a Yienne en 1752-1754, puis a Munich et a In- la figure humaine. Leurs hommes et leurs femmes sont
golstadt en 1753. L'edition de Munich est en 4 in-f°. doncde veritables monstres pour 1'anatomiste, et cepen-
P. BLIA.RD. dant ils ne sont ni aussi laids ni aussi risibles qu'on est
PEINES, chatiments. Yoir PEXALITES. porte a le croire, en etudiant les copies malencontreuses
que nos artistes en ont failes souvent. Les membres
PEINTURE, art d'imiter, a Yaide des couleurs appli- defectueux sont allies aux corrects avec tant d'adresse
que"es sur une surface, 1'apparence naturelle des etres qu'ils paraissent etre soudes comme naturellement.
vivants ou des objets. — La loi qui proscrivait toute Les lignes exactes et les fictives se suivent et se com-
image taillee et toute figure d'etre anime, Exod., xx, 4, pletent si iugenieusement qu'elles semblent se deduire
23 PEINTURE — PELERINAGES 24
necessairement les unes des autres. La convention une en relief pour imiter la sculpture assyrienne. « L'inte-
fois reconnue et admise, on ne saurait trop admirer rieur de 1'apadana parait avoir ete simplement colorie a
1'habilete technique dont temoignent beaucoup de mo- 1'aide d'un stuc rouge monochrome que dissimulaient
numents... Chaque mur est traite comme un tout, et d'ailleurs, a peu pres completement, les riches tapis
1'harmonie des couleurs s'y poursuit a travers les re- et les draperies brodees dont les parois de toutes les
gistres superposes : tantot elles sont reparties avec salles etaient tendues. » Babelon, Archeologie orienlale,
rythme et symetrie, d'etage en etage, et s'equilibrent p. 184. Le livre d'Esther, i, 6, rnentionne ces tentures,
1'une par 1'autre, tantot 1'une d'elles predomine et et non des peintures, comme traduisent les versions.
determine une tonalite generate, a laquelle le reste 4° Chez les Grecs. — La polychromie des edifices et
est subordonne. L'intensite de 1'ensemble est toujours des maisons etait en grand honneur chez les Grecs.
proportionnee a la qualite et a la quantite de lumiere L'influence s'en fit naturellement sentir en Palestine a
que le tableau devait recevoir. Dans les salles entiere- 1'epoque des Seleucides. On en a une preuve dans une
ment somires, le coloris est pousse aussi loin que remarque faite en passant par 1'auteur du second
possible; moins fort, on 1'aurait a peine apercu a la livre des Machabees, n, 30 : « De meme que 1'architecte
lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs d'une maison nouvelle doit embrasser dans sa pensee
d'enceinte et sur la face des pylones, il atteignait la tout I'ensernble de la construction, tandis quecelui qui
meme puissance qu'au fond des hypogees; si brutal se charge de la decorer et d'y peindre des figures doit
qu'on le fit, le soleil en attenuait 1'eclat. II est doux et se preoccuper de ce qui regarde 1'ornementation... »
discret dans les pieces ou ne penetre qu'un demi-jour En tous cas, cet art ne penetra jamais dans le Temple,
voile, sous le portique des temples et dansl'antichambre ou la couleur ne figurait que dans les tapisseries
des tombeaux. La peinture en Egypte n'etait que brodees ou, a 1'etat naturel, dans les riches materiaux
1'humble servante de 1'architecture et de la sculpture.» plus ou moins ouvrages qui entraient dans la construc-
Maspero, L'archeologie egyptienne, Paris, 1887, p. 170, tion, pierre, cedre, bronze, or, etc. Josephe, Bell.jud.,
198.,Pendant leur sejour en Egypte, les Hebreux avaient V, v, 2, note que meme dans 1'ornementation des por-
eu 1'occasion de contempler certaines de ces peintures tiques du Temple, aucun peintre de figures, ?wypa96c,
d'un caractere frequemment idolatrique et dans les- n'avait eu a travailler. La peinture decorative, la seule
quelles les dieux etaient habituellement representes dont il puisse etre question, etait done exclue de 1'edi-
avec des tetes d'animaux. II etait done utile de les pre- fice sacre. Differents textes semblent, au moins dans les
munir centre toute idee d'imitation. Plus tard, 1'auteur versions, se rapporter a la peinture. II Reg., vi, 29, 32;
de la Sagesse, xv, 4, se moquera de ces idoles qui ont Prov., vn, 16; Jer., iv, 30; Ezech., XL, 6; Eccli.,xxxvm,
« une figure barbouillee de diverses couleurs, vain 28. En realite, il n'y est question que de sculpture ou
travail d'un peintre ». de teinture. H. LESETRE.
2° Chez les Assyrians. — Les Assyriens enduisaient
leurs maisons d'un stuc blanc, fait de platre et de PEIRCE James, controversiste protestant, ne a
chaux, et assez souvent le decoraient de peintures en Londres en 1673, mort a Exeter le 30 mars 1726. II etu-
detrempe, a teintes plates et sans modele dans les dia en Hollande, a Utrecht et a Leyde. De retour en
figures. Cf. Perrot, Histoire de I'art, t. n, p. 291. Plu- Angleterre, il precha a Londres, et en 1713 devint mi-
sieurs de ces peintures remontent a la plus haute anti- nistre d'une eglise non conformiste a Exeter. Cinq ans
quite chaldeenne. On a retrouve d'elegantes rosaces plus tard il devait renoncer a ce poste a cause de ses
formees par 1'application sur le stuc de couleurs tres doctrines sur la Trinite; mais peu apres il ouvrait un
tranchees, des bordures decoratives avec taureaux nouveau temple dans la meme ville. Predicateur ce-
peints en blanc sur fond jaune et silhouettes accusees lebre, il eut de longues discussions avec les anglicans
par une large bande noire, creneaux bleus et festons et presque tous ses ecrits ont trait a ces controverses.
multicolores, etc. Les tours a etages ont les degres Nous devons cependant mentionner 1'ouvrage suivant :
peints, a partir du bas, en blanc, noir, rouge, jaune, A paraphase and notes on the Epistles of St. Paul to
vermilion, argent et or. A 1'interieur des salles, les bas- the Colossians, Philippians and Hebrews, after the
reliefs eux-memes etaient decores en couleur,de sorteque manner of Mr. Locke to wich are annexed critical dis-
les stucsornesde peintures paraissaient en etrela conti- sertations on particular texts of Scripture. With a pa-
nuation et le prolongement, ce qui evitait un contraste raphrase and notes on the three last chapters of the
£hoquant entre la blancheur des sculptures et la colo- Hebrews, left unfinished by Mr. Peirce; and an essay
ration des stucs. Cf. Babelon, Archeologie orientate, to discover the autor of the Epistle, and language in
Paris, 1888, p. 126. La brique emaillee entrait aussi with it teas written, by Joseph Ballet, 2e edition, in-4°,
pour beaucoup dans la decoration des edifices. Voir EMAIL, Londres, 1733. Cet ouvrage, dont la l re edition avait
t. n, col. 1712. Dans une de ses visions, au pays des paru en 1725-1727, fut traduit en latin par Michaelis en
Chaldeens, Ezechiel, vm, 10, songe a ces peintures, 1747. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. iv, p. 675,
imitees par des Israelites infideles, quand il decrit, dans 736; W. Orme, Biblioth. biblica, p. 344.
une salle retiree, « toutes sortes de figures de reptiles et I). HEURTEBIZE.
xl'animaux immondes, et toutes les idoles de la maison PELAGE (hebreu: Ijabarburot; Septante : uoucO.fxaTa;
d'Israel dessinees sur la muraille tout autour. » Dans Vulgate : varietates), la robe d'un fauve, dont les poils
une autre vision, il voit Ooliba, c'est-a-dire Jerusalem, diversement colores donnent un aspect special a chaque
brulant d'amour pour les fils de 1'Assyrie representes espece. — Le mot hebreu, exactement rendu par les
en peinture sur la muraille avec une couleur vermilion. versions, designe les taches noires qui sont dissemi-
Ezech., xxni, 14. Deja Jeremie, xxn, 14, avait stigma- nees sur le dos jaune du leopard. L'Ethiopien ne peut
tise les mauvais rois de Juda qui s'elevaient de vastes pas plus changer sa peau que le leopard les taches de
maisons couvertes de cedre et peintes en vermilion. son pelage. Jer., xni, 23. Voir NEGRES, t. ix, col. 1563.
D'apres les versions chaldai'que, syriaque et arabe, il — Sur le procede employe par Jacob pour obtenir des
s'agirait ici non pas seulement de vermilion, sdsar, brebis tachetees de differentes nuances, Gen., xxx, 37-
mais de figures, sanimakin. Toutefois le sdsar designe 43, voir BREBIS, t. i, col. 1918. H. LESETRE.
bien le vermilion, pil-coc, s>inopis. Cf. Pline, H. N., xxxv,
6, 13. ' PELERINAGES, voyages que les Israelites etaient
3° Chez les Perses. — A Suse, la decoration poly- obliges de faire a Jerusalen aux trois fetes principales.
chrome a 1'exterieur des monuments se composait de — 1° La Loi obligeait tous les hommes a se presenter
briques emaillees aux vives couleur?, avec des sujets trois fois 1'an devant Jehovah, Exod., xxm, 17; xxxiv,
25 P E L E R I N A G E S — PELICAN 26
23, a la fete des azyrnes ou Paque, a la fete des se- premier de tischri qui se distinguaient des autres
maines ou Pentecote et a la fete des Tabernacles. La par les sacrifices qu'on offrait et les festins aux-
loi ajoutait qu'en ces occasions il ne fallait pas venir quels on se livrait. Saint Jean, vir, 37, remarque
les mains vides, mais que chacun devait apporter ses que le dernier jour de la fete des Tabernacles etait
offrandes selon les benedictions .que Dieu lui avait « le jour le plus solennel ». Les jours intermediaires de
accordees. Deut., xvi, 16-17. Cf. II Par., vm, 13. Voir la Paque et de la fete des Tabernacles etaient moins
FETES JUIVES, t. n, col. 2218. — Sur la maniere dont les solennels. Saint Jean, vn, 14, fait encore allusion a Tun
pelerins se rendaient a Jerusalem, voir CARAVANE, t. n, de ces jours. On y pouvait terminer les travaux qui ne
col. 249. seraient pas restes en souffrance sans inconvenient ou
2° L'obligation legale ne visait que les hommes. Pra- dommage. Cf. Sota, ix, 10. II etait egalement permis
tiquement, on declarait exempts de cette obligation les de se Jivrer a des travaux d'utilite publique et imme-
sourds, les faibles d'esprit, les enfants, les orphelins, diate, comme le blanchissage des sepulcres a la chaux,
les femmes, les esclaves, les estropies, les aveugles, les ou a d'autres ceuvres urgentes, comme 1'arrosage d'un
malades, les vieillards, et en general tous ceux qui ne champ desseche, etc.
pouvaient faire le chemin a pied. Cf. Cliagiga, I, 1. Par 5° On profitait de ces fetes pour offrir un grand nom-
enfant, on entendait, d'apres Schammai', celui qui ne 'bre de sacrifices, qu'on reservait jusqu'a cette occasion,
pouvait plus etre transports de Jerusalem au mont des comme ceux qui etaient prescrits aux femmes devenues
Oliviers que sur les epaules de son pere, et d'apres Hillel, meres, a ceux qui etaient atteints de flux, etc. Cf. Joa.,
celui qui n'aurait pu faire ce chemin en tenant la main xi, 55 (ut sanciificarent seipsos). De plus, la Loi or-
de son pere. Du recit de saint Luc, n, 42, il ressort donnait expressement de ne pas se presenter les mains
que 1'enfant n'entreprenait le pelerinage qu'a sa dou- vides devant le Seigneur. Exod., xxni, 15; Deut., xvi,
zieme annee. Encore faut-il tenir compte de la dis- 16. 17. Chacun se faisait done un devoir d'offrir un
tance a laquelle il se trouvait de Jerusalem. Les holocausts pendant le cours la fete, et, le premier
docteurs etaient plus severes pour la fete des Taber- jour, un sacrifice pacifique dont on pouvait manger
nacles. Les femmes, les esclaves et les enfants en ce jour-la, la nuit et le jour qui suivaient. Ces
etaient exempts. Mais, parmi ces derniers, 1'obligation sacrifices prenaient le nom de hagigdh, ou sacrifices
s'imposait a ceux qui pouvaient se passer de leur mere de la fete. Celui qu'on offrait le 14 nisan pouvait
et qui etaient capables d'agiter le rameau de la fete ou etre mange avant 1'agneau pascal. Si ces deux sacri-
lulab. Cf. Sukka, n, 8;m, 15. Les Israelites de 1'etranger fices n'avaient pas ete offerts des le premier jour, on
ne se dispensaient pas de ces pelerinages; ils venaient pouvait les offrir les autres jours de la fete, et, pour
a la ville sainte au moins de temps en temps. Ils arri- la fete de la Pentecote qui ne durait qu'un jour, pen-
vaient par milliers de tous les points cardinaux, les dant les six jours suivants. Cf. Moed katon, in, 6;
tins par terre, les autres par mer. Cf. Philon, De Chagiga, i, 6.
monarch., 11, 1, edit. Mangey, t. n, p. 223. Cf. Josephe, 6° A ces sacrifices devaient s'ajouter des festins de
Ant. jud., XVII, n, 2; XVIII, ix, 1; Yoma, vi, 4; joie et de reconnaissance. Deut., XXYJI, 7. LTsraelite
Taanith, I, 3. devait inviter, au moins a la fete de la Pentecote, outre
3° Un mois avant cbacune de ces trois fetes, on com- son fils, sa fille, son serviteur et sa servante, le levite,
mencait a instruire le peuple de tout ce qui concernait 1'etranger, 1'orphelin et la veuve. Deut., xvi, 11, 14.
la solennite. Quinze jours plus tard, ou procedait a la On y mangeait ce qui avait ete oflert dans les sacri-
drcimation des troupeaux, on recueiilait le rnontant de fices pacifiques de la fete et meme ce qui provenait de
I'impot et Ton tirait clu tresor du Temple ce qui etait la dime des animaux. Les pretres celebraient leurs fes-
nucessaire a 1'usage commun pendant la fete. Cf. Scfie- tins avec ce qui leur revenait de ces sacrifices. On re-
kalin, in, 1. Tout etait prepare clans le pays pour gardait les femmes comme obligees a prendre part a
rulilite et la securite des pelerins, les chemins remis ces festins.
en elat, les puits debarrasses de leurs pierres, les 7° On profitait de 1'affluence amenee par ces fetes
sopulcres reblanchis, les ponts consolides, les places et pour executer les criminels, afin d'inculquer a tous
les roes de Jerusalem laissees a la disposition de ceux une crainte salutaire. Deut., xvn, 13; xix, 20. Cf.
qui devaient y camper. La oil il y avait lieu de le faire, Sanhedrin, xi, 4. On ne procedait cependant a 1'execu-
on donnait 1'eau de jalousie a boire aux femmes sus- tion qu'avant le commencement de la fete, comme il
pectes d'adultere (voir t. n. 1522), on immolait et on fut fait pour Notre-Seigneur, ouapres son dernier jour,
consumait la vache rousse (voir t. n col. 407) et Ton comme Herode Agrippa se le proposait pour saint
percait les oreilles des esclaves (voir t. iv, col. 1857). Pierre. Act., xn, 4. Cette affluence et ces festins
Deux ou trois jours avant la fete on purifiait soigneuse- n'allaient pas sans occasionner parfois certains de-
ment les vases et les ustensiles qui devaient servir ce sordres, surtout a 1'epoque de la domination romaine.
jour-la. Cf. Josephe, Bell, jud., I, in, 2-4; Matth., xxvi, 5. Aussi
4° Dans la Mischna, le traite Chagiga s'occupe de les procurateurs avaient-ils coutume d'etre eux-memes
1'obligation d'aller a Jerusalem aux trois grandes fetes presents a Jerusalem pendant les fetes avec toute leur
et des devoirs qui s'imposaient alors a FIsraelite; le garnison, et meme ils postaient une cohorte en armes
traite Moed katan a pour objet les jours intermediaires sous les portiques du Temple afin de maintenir 1'ordre
de la fete, et le traite Beza ou Yoni tob indique ce et d'obvier a toute tentative de troubles. Cf. Josephe,.
qu'il est permis de faire les jours de fete' ou de Ant. jud., XX, V, 3. — Reland, Antiquitates sacrs&f
sabbat. On voit dans ces traites que les Juifs recon- Utrecht, 1731, p. 224-228; Iken, Antiquitales hebraicse,
naissaient six jours de fete majeure, appeles ydmim Breme, 1741, p. 305-307. — Sur les voyages entrepris
tobim, « jours bons » ou « grands jours » : le premier pour porter les premices a Jerusalem, voir PREMICES.
et le septieme de la Paque, celui de la Pentecote, le H. LESETRE.
premier et le huitieme des Tabernacles, et le premier PELICAN (hebreu : qd'at; Septante : TtEXsxdv; Vul-
de tischri ou commencement de 1'annee civile. Cf. Rosch gate : pellicanus, onocrotalus), oiseau palmipede, type
haschana, I, 1. En ces jours, le travail etait defendu, de la famille des pelecanides (fig. 11). — Le pelican
mais moins strictement qu'au jour du sabbat, car il etait est un oiseau dont la taille alteint quelquefois deux
permis de cuire les aliments prepares la veille. metres. Son bee seul a pres de cinquante centimetres;
Cf. Gem. Jems. Yebamoth, 8, 4. Sur ces six jours, il il est droit, large, deprime, avec une mandibule infe-
y en avait quatre, le premier de la Paque, celui de rieure cornposee de deux branches osseuses qui servent.
la Pentecote, le huitieme des Tabernacles et le de soutien a une graade poche nue et dilatable, dans
•27 P E L I C A N — PELUSE 28
laquelle 1'oiseau amasse une forte quantite d'eau et de de ses petils et les nourrissant au moyen d'une bles-
poissons. Le pelican frequente les bords des fleuves, sure qu'il s'est faite. Saint Thomas, dans 1'hymne
des lacs et de la mer. II nage avec une merveilleuse Adoro le, appelle Jesus-Christ « compatissant pelican »;
habilete et est en mesure de faire une chasse tres mais, dans le developpement de cette idee, il reste
active aux poissons qui composent sa nourriture. Le fidele a la donnee de saint Agustin et considere 1'acte de
nom scientifique d'onocrotalus a ete attribue au pelican 1'oiseau symbolique comme destine a purifier et a vivi-
a cause d'une certaine ressemblance entre son cri et fier au moyen du sang et non a nourrir. — La Sainte
le braimenl de 1'ane. Sur le bord du lac de Tiberiade, Ecri'ture parle du pelican pour defendre de 1'employer
on trouve frequemment « le pelican, pelecanus ono- dans 1'alimentation. Lev., xi, 18; Deut., xiv, 17. De fait,
crotalus, qui se tient ordinairement en troupes nom- sa chair n'est pas mangeable. Un Psalmiste. en proie
breuses de plusieurs centaines d'individus, pres de 1'en- a de dures epreuves, se compare au pelican du desert
droit ou le Jourdain forme un estuaire. Ces gros oiseaux et au hibou des ruines. Ps. CH (ci), 7. Le pelican au
se placent en cercles immenses sur un seul rang repos a un air grave et melancolique qui figure bien
d'epaisseur, et, ainsi regulierement disposes et espaces, les apparences du chagrin. Le desert qu'il habite est
se livrent a une peche active, la tete toujours dirigee naturellement situe sur le bord des eaux, puisque cet
vers le centre du cercle. Us sont trop sauvages pour se oiseau ne vit que de poisson. La presence du pelican
dans des endroits precedemment habites indique que
ces lieux sont deyenus deserts et en ruines. II en sera
'ainsi du pays d'Edom, dont les torrents seront desse-
ches, Is., xxxiv, 9, 11, et de Ninive. Soph., ir, 14. A
Ninive, les pelicans trouveront a vivre dans les eaux
du Tigre. Ils sont nombreux en Egypte sur les bords
du Nil et dans les marecages du Delta. En Idumee, ils
n'auront a leur disposition que les eaux de la mer
Morte et du golfe Elanitique. Mais il faut observer
qu'ici le prophete Isai'e prend Edom comme type de
toutes les nations condamnees par la justice divine et
attribue a leurs territoires en general les signes de
desolation qui ne conviennent qu'a certains d'entre
eux. Les Septante traduisent qaat dans Isai'e par
6'pveov, « oiseau, » et dans Sophonie par ^ajj-cuXsov,
« cameleon. » II. LESETRE.
vomir, d'ou son nom hebreu de qffat, tire du verbe qui est le nom grec de ^| ^, Zdn ou Djan, en hebreu
qo', « vomir. » II agit ainsi, soit quand il est alarme et $6'an. Ezech., xxx, 14. Cf. Is., xrx, 4; Ps. XLVII- (XLVIII),
que, pour fuir plus aisement, il se debarrasse du far- 12, 43. C'est la moderne San el-Haggar. Quant a Sai'v, ce
•deau qui retarderait sa course, soit quand il veut pourrait etre 1'accusatif de SaVc^ et alors nous aurions Ja
•donner a manger a ses petits. D'une observation incom-
plete de la maniere dout se comporte le pelican, on a ville de •? jk.©) Sa,$stis, auiour&'hm Sa el-Haggar,
conclu qu'il s'ouvrait lui-meme le ventre pour nourrir capitale de la xxvi« dynastie et situee sur la branche de
ses petits. Saint Augustin, In Ps. ci, 8, t. xxxvn, col. 1299, Rosette, dans le Delta occidental. Mais le contexte
•enregistre la legende sous Ja forrne suivante : 1'oiseau d'Ezechiel nous interdit de songer a une pareille iden-
tue ses petits a coups de bee et ensuite porte leur deuil tification. Contre les ennemis qui doivent venir de 1'Asie,
dans son nid pendant trois jours; au bout de ce temps Sin est designee comme « la force » ou « le rempart de
la mere se fait a elle-meme une grave blessure et re- 1'Egypte », xxx, 15, etcela vise de facon assez claire la
pand son sang sur ses petits, qui aussitot reprennent frontiere orientale du Delta. C'est en cet endroit qu'il
la vie. Ce sang qui rend la vie serait Timage du sang nous faut la chercher. 2aVv pourrait encore a la rigueur
du Sauveur. La legende et son application se sont gene- etre un mot indeclinable et, dans ce cas, rendre tant
ralisees au nioyen age et ont pris place dans Ticonogra- bien que mal Sin qui releve du dialecte chaldai'que et
phie chretienne. Le pelican est alors represente entoure devient Seydn dans le dialecte aramai'que. Or Sin, Seydn,
29 PELUSE 30
emporte le sens de « boue », tout com me n-/)).oy<rsov verite : cc Je verserai naon indignation sur Peluse, la
qui en serait alors 1'equivalent grec. Peluse etait situee force de Vtigyple, j'exterminerai la multitude de No
a 1'extremite nord du Delta oriental, a la bouche meme (Thebes). Et je mettrai le feu dans 1'Egypte. Peluse
•de la branche du Nil a laquelle elle donna son nom, la sera a la torture comme une femme en travail. No
Pelusiaque. Les marais et les fondrieres 1'entouraient. (Thebes) sera detruite et Memphis sera chaque jour
« Son nora, dit Strabon, XYII, i, 21, lui vient precise- dans 1'angoisse. » Ezecb., xxx, 15-16. Apres Nabuchodo-
ment de la boue et des marais : wvop-aarai 6*0:7:0 TO-J nosor et Cambyse, d'autres envahisseurs venus par la
rryj>.ov v.a\ toiv 7c).;iaTtov. » C'est appuye sur cette analo- route d'Asie devaient montrer encore, dans 1'ere an-
gie, peut-etre aussi sur quelque texte plus pur des cienne, qu'au sort de Peluse etait He d'ordinaire le sort de
Septante et sur quelque tradition juive, que saint Jerome Memphis etdela Haute-Egypte. Qu'il suffise de rappeler
aura rendu Sin par Peluse. On n'a guere conteste cette Xerxes Ier, en 490, Artaxerxes Ier en 460, Artaxerxes III
assimilation de noms, assimilation que rappelle encore ou Ochus en 344, Alexandra en 331, Gabinius et son
aujourd'hui la denomination de Tineh, ft boue, » donniie lieutenant Marc-Antoine en 55, Octave en 30. C'est en
psrles Arabes a un fort en mines de Peluse. Cf. d'An- vue de Peluse que Pompeefut lachementassassine (48).
vi'ffe, Ule'ntoires sur I'Egyple ancienne et moderne, III. LA FIN DE PEXUSE. — A 1'epoque romaine, Peluse
1766, p. 96-97; Steindorff, Beitriige zur Assyriologie, devint la mefropole de 1'Augustamnique. Lequien,
t. I, 1890, p. 589; Griffith, art. Sin, dans Hastings, Dic- Oriens Chrislianus,t. ir, p. 340. Longtemps encore elle
tionary of the Bible, t. iv, p. 336. compta parmi les places principales du Delta, bien que
II. Sox IMPORTANCE. — Doublement importante etait des lors I'attention se portat surtout vers 1'occident de
Peluse, comme station commerciale et comme poste 1'Egypte. Au iv e siecle, ses monasteres eurent du renom.
militaire. Par la mer arrivaient a elle les r vaisseaux Saint Isidore le Pelusiote (350-435 environ) nous a
pheniciens, Cypriotes et grecs. De la ils penetraient dans laisse un nombre considerable de lettres d'ou 1'on
i'interieur du pays, surtout depuis Psammetique Ier pourrait tirer le piquant tableau d'une ville greco-
(663-609 avant ,1.-C.)qui avait favorise 1'etablissement romaine d'Egypte. Po\ir les Coptes, elle s'appela
des Grecs dans la region extreme de la branche pelusia- nepeAxoYit. Parmi les eveques d'Ephese, on rencontre
que. Ilerodote, u, 15i. Par terre, six a sept jours de Eusebe de Peremoun, en grec IT^Xoucn'ov. Labbe, Sacro-
marche seulement separaient Peluse de Gaza : elle sancta Concilia, t. m, col. 1084. Comparant le copte
etait done le confluent des caravanes et un point central Peremoun avec 1'egyptien Am, capitale du XIX e nome
du trade entre 1'Asie et 1'Afrique. En consequence, elle de la Basse-Egypte, Brugsch crut avoir retrouve dans
etait aussi le poste le plus expose aux ennemis de 1'est: ce dernier le nom de Peluse par Pentremise de OM£
Peluse prise, les conquerants tenaient la clef de 1'Egypte, « boue ». Dictionnaire geographique de 1'Egypte an-
et la route de Memphis s'ouvrait devant eux. Mais sa cienne, Supplement, 1880, p. 1091; Die Aegyplologie,
ccinture de marais la rendait difficilement abordable. 1891, p. 452. Mais en 1886 Jes fouilles de Tell-iVeiesheh
« On s'explique par cette disposition des lieux comment ont rcvele le site de Am a cinquante-cinq kilometres
1'cnlree de 1'Egypte est si difficile du cote du Levant, environ a 1'ouest de Peluse et a mi-chemin entre Tanis et
c'cst-a-dirc par la frontiere de Phenidie et de Judee, Salahieh. Cf. Petrie, Tanis, Part, n, Tell-Nebesheh,lS88,
scale route pourlant quo puisse prendre le voyageur qui p.4-37 (Ve Memoire de 1'Egypt'Exploration Fund). Pour
vient du pays des Nabateens, bien que cette partie de les Arabes, Peluse futEl-Fernid ou Farmd. « La liste des
1'Arabie, la Nabatee, soit elle-meme contigue a 1'Kgypte. ev6cb.es copies donne 1'egalite suivante : ne<\.of cio*y =1
Tout 1'espace compris entre le Nil et le golfe Arabique, dont nepexiOYn = El-Ferma. » Amelineau, La geographie
IVlusc se Irouve former le point extreme, appartient en. de I'Kgijple a 1'epoque copte, 1893, p. 317; cf. d'Anville,
oilY't dcja a 1'Arabie et n'ofl'rc qu'un desert ininlercompu loc. cil.; Quatrcmorc, 3/f'nioires geograpliiques et his-
qu'tmc armee nc saiirail francbir. » Strabon, XVII, i, loriques sur VEgijple, 1811, t. I, p. 259-260; Champol-
21, truduclion Amrdec Tardicu, t- in, p. 42(3. C'est lion, VEgyple sons les PUaraons, 1811-1814, t. n, p.
pourquoi les Pbaraons qui se souvenaient des campagnes 82-87. — Renouvelant les exploits des Assyriens et des
tTAsarhaddon et d'Assurbanipal durent metlre a profit anciens conqnerants, les troupes de Chosroes prirent
cclte situation avantageuse, ce chemin necessaire des Peluse en 616; Amrou s'en empara en 640. Baudouin Ier
envahi.sseurs, et en faire le boulevard centre lequel, Ja brula en 1117. 11 n'en est plus question apres le xne
dans leuv pcusee, viendrait se briser la vague des siecie. La branche pelusiaque abandonnee a elle-meme
peuples asiatiques. Quelques annees apres Ja premiere finit par s'envaser; la mer que 1'eau du fleuve ne refou-
campagne de Nabuchodonosor (583), Amasis en e'loigna lait plus penetra dans les marecages, y detruisit les
meme les rnercenaires grecs et leurs colonies par bandes cultivees et rendit la region deserte. « La plaine
crainte de les voir faire cause commune avec 1'ennerni, saline de Peluse,.. vaste et unie comme la surface des
et les remplara par des troupes plus sures. Ilerodote, eaux d'un lac tranquille, dont elle offre une parfaite
n, 154. Nabuchodonosor menacait denouveau I'Egyple. image, est formee d'un sable humideet gras a la marche.
Des 571, Ezechiel, xxix, 1, avait annonce le retour du Toutes les parties n'en sont pas egalement ferrnes; car
Chaldeen. Malbeureusement les documents egyptiens il eia est de fangeuses et de mouvantes, dans lesquelles
que Ton possede nous laissent ignorer jusqu'au nom de il serait dangereux de s'engager. » J.-M. Lepere, Me-
Peluse. Herodote nous permet d'y suppleer. II a connu moire sur le canal des deuxmers, dans Description de
la branche pelusiaque, 11, 17, 15i; il nous raconte 1'en- 1'Egypte, t. xi, 2e edit. 1822, p. 334. A parlir de Port-
tree en Egypte de Cambyse en 525, sous le regne de Sai'd, sur une longueur de trente kilometres, le canal
Psammetique III. Le Pharaon vint attendre le Grand- de Suez se'pare aujourd'hui cette plaine du lacMenzaleh.
Roi a Peluse, mais ne put empecher la ville d'etre ern- Au-dessus de la morne etendue seules deux grandes
porte'e apres une journee de lutte. Memphis ouvrit buttes persistent, dont 1'une, celle de 1'ouest, s'allonge
bientot ses portes et la Haute-Egypte se plia docilement a deux kilometres de la mer, a vingt stades, comme
an joug du vainqueur. Herodote, m, 10-13. C'est a peu Strabon, XYII, I, 21, le disait de Peluse. Elle lui est
pres ce qui dut se passer quarante ans plus tot, en 568, parallele et porte les debris d'un temple dans une large
dans la deuxieme campagne de Xabuchodonosor, Yoir enceinte de briques rouges. Cesont des ruines d'epoque
NO-AMON, t. iv, col, 1652, 3°. A n'en pas douter, Peluse romaine ou byzantine qui recouvrent la vieille cite egyp-
etait deja ce que nous la voyons etre sous Psammetique tienne. Leur eloignement de tout centre habite, la diffi-
III. Quelques annees avant cette meme date, Dieu par culte de s'y ravitailler ont empeche jusqu'a ce jour d'y
la bouche d'Ezechiel pouvait done mettre Peluse en entreprendre des fouilles. Ces fouilles cependant
parallele avec Memphis et Thebes, et dire en toute peuvent seules, dans un sens ou dans 1'autre, lever les
31 PELUSE — PENALTIES
doutes que la version des Septante laisse malgre tout mort, contre le blaspheme, Lev., xxiv, 15,16; cf. Ill
subsister dans notre esprit au sujet de Identification de Reg., xxi, 10, 13; Matth., xxvi, 65, 66; la profanation
Sin avec Peluse. C. LAGIER. du sabbat, Exod., xxxi, 14; xxxv, 2; Num., xv, 32-36;
la pratique de 1'idolatrie par les sacrifices aux idoles,
PEMBLE Guillaume, theologian anglais, puritain, la divination, la necromancie, etc., Exod., xxn, 18, 20;
ne vers 1591, mort en 1628. II etudia a Oxford au col- Lev., xx, 2, 27; Deut., xui, 6, 10, 15; xvn, 2-7; la
lege de la Madeleine et se fit promptement remarquer prevention illegitime a la prophetic, Exod., xxn, 18r
comrne theologien et comme predicateur. Dans ses Lev. xx, 27; Deut., xm, 5; xvm, 20; I Reg., xxvni, 9;
ffiuvres publiees a Londres, in-f°, 1635, on remarque : — les coups ou la malediction sur les parents,
Salomon's recantation and repentance, or the book of Exod., xxi, 15, 17; Padultere, Lev., xx, 10; Deut., xxn,
Ecclesiastes explained; The period of the Persian mo- 22; cf. Joa., vm, 5; la fornication decouverte apres le
narchy wherein sundry places of Ezra, Nehemiah mariage, Deut., xxn, 21, commise par une fiancee,
and Daniel are cleared; A short and sweet Exposi- Deut., xxn, 23, ou la fille d'un pretre, Lev., xxi, 9; le
tion upon the first nine chapters of Zecharia. — Voir rapt, Deut., xxn, 25; 1'inceste et les fautes contre na-
Walch, Bibliolh. theologica, t. iv, p. 479, 480; W. ture, Exod., xxii, 19; Lev., xx, 11, 14, 16; Phomicide,
Orrae, Biblioth. biblica, p. 345. Exod., xxi, 12; Lev., xxiv, 17; la ventede son semblable,
B. HEURTEBIZE. Exod., xxi, 16; Deut., xxiv, 7; le faux temoignage con-
PENALITES (hebreu : biqqoret, pequddah, tuke- cluant a la mort de 1'innocent. Deut., xix, 16-19. —
hdh, tokahat; Septante : luKmoTt^, sXeyiAo?, IXsyxo?; Tous ces crimes etaient graves, soit au point de vue
Vulgate : castigatio, increpatio, plaga], sanctions por- religieux, soit au point de vue moral. Plusieurs d'entre
tees contre les transgresseurs d'une loi. eux, meme parmi ceux quinese rapportent pas aux de-
I. PENALITES MOSAIQUES. — 1° Comme toutes les lois, voirs religieux, n'encourent pas la mort dans nos legis-
la loi mosaique avait pour sanction des chatiments des- lations modernes. Par contre, le code d'Hammourabi
tines a punir le coupable qui n'avait pas eu assez de est beaucoup plus rfgoureux que celui de Moise. II con-
fermete dans la conscience et la volonte pour recon- damne a mort le sorcier malveillant (art. 1), le temoin
naitre le caractere imperatif de la loi et s'y soumettre. injurieux (art. 3), le voleur et le receleur (art. 6-8),
L'application du ehatiment servait en meme temps de celui qui afavorise la fuite d'un esclave (art. 15, 16), le
lecon aux autres; sollicites par les avantages apparents brigand pris en flagrant delit(art. 22), 1'architecte homi-
de la transgression, ils devaient etre retenus par les cide par imprudence (art. 229), etc. La loi de Moi'se
consequences onereuses qu'elle entrainait. Dieu lui- avait plus de respect pour la vie humaine; elle ne la
meme a voulu donner le premier Pexemple d'une pena- sacrifiait que quand le cas etait vraiment grave au point
lite annexee a un precepte. Au paradis terrestre, il de- de vue de la religion, de Pinteret familial ou social et
fendit aux premiers etres humains de toucher a un des moeurs. — Sur 1'application de la peine de mort,
fruit sous peine de mort. Gen., n, 17. L'homme, sur- voir GOEL, t. in, col. 260; LAPIDATION, t. iv, col., 89;
tout quand il etait dans 1'etat d'innocence, pouvait obeir PENDAISON, SUPPLICES.
au commandement par le seul amour du bien. Dieu 2° Retranchement, sorte d'excommunication, c'est-a-
jugea pourtant que, meme alors, la crainte du ehati- dire exclusion du peuple de Dieu et perte des droits
ment n'etait pas inutile pour rnaintenir la volonte hu- religieux et civils. Celui qui n'appreciait pas suffisam-
maine dans la rectitude. Cette crainte elle-meme fut ment 1'honneur d'appartenir au peuple de Dieu et con-
loin de suffire toujours. — 2° La nation hebraique est trevenait a certaines lois graves imposees a ce peuple,
constitute en theocratic. II suit de la que les lois reli- meritait bien d'en etre exclu. Le retranchement etait
gieuses sont lois d'Etat au meme titre que que les lois prononce dans les cas suivants : omission de la circon-
civiles et qu'a leur transgression sont attachees des cision, Gen., xvn, 14; Exod., iv, 24; omission de la
penalites analogues. Aussi Dieu intervient-il directe- Paque, Num., ix, 13; omission de la fete de 1'Expiation
ment, soit pour prescrire ces penalites, soil pour les ou travail execute ce jour-la, Lev., xxm, 29, 30; man-
appliquer au besoin. Exod., xxn, 18 ; Num.,xxv, 4, 11; duCation de pain leve pendant les Azymes, Exod., xn,
xxxv, 41; Lev., xx, 2, 4; Deut., xvn, 5, etc. — 3° Tout 15, 19; occision d'un animal, a 1'epoque de 1'exode,
le peuple est interesse au ehatiment du coupable, afm sans Pamener a 1'entree du Tabernacle, Lev.,xvii, 4,9;
que le mal soit ote d'Israel. Deut., xvn, 1, 12, etc. manducation de la graisse des sacrifices ou du sang des
Comme un crime ne peut rester sans auteur responsa- animaux, Lev., vn, 25, 27; xvn, 14; manducation d'une
ble et sans ehatiment, si le coupable est inconnu, les victime apres le second jour, Lev., vn, 18; xix, 7, 8;
hommes du pays ou le mal a ete commis doivent se manducation d'une victime pacifique sans etre en etat
disculper publiquement et offrir une expiation. de purete, Lev., vn, 20; contact des choses saintes par
Deut., xxi, 1-9. La penalite infligee au coupable doit un pretre qui est impur, Lev., xxn, 3; usage profane
servir d'exemple a tout le peuple. Deut., xvn, 7; xix, de Phuile sainte et du parfum de 1'autel, Exod., xxx,
20; xxi, 21. — 4° En principe, la responsabilite est 33, 38; omission de la purification apres le contact d'un
personnelle et les enfants ne sont pas punis pour les mort, Num., xix, 20; travail execute le jour du sabbat,
fautes des peres. Deut., xxiv, 16; IV Reg., xv, 5; UPar., Exod., xxxi, 14; consultation des devins et des necro-
xxv, 4. Cependant, en certains cas, Piniquite des peres manciens, Lev., xx, 6; mepris habituel des preceptes
etait punie dans les fils, soit par une penalite precise, divins, Num., xv, 30, 31; — quinze cas d'unions pros-
Num., xvr, 27, 32; Jos., vn, 24; IV Reg., x, 7, soit par crites par la Loi. Lev., xvm, 29; xx, 9-21. — Au retran-
une malediction divine qui entrainait le malheur d'une chement se rattache la menace de mourir sans enfants,
famille. Exod., xx, 5, etc. II s'agissait surtout alors Lev., xx, 21; cette peine est appliquee directement par
de crimes commis contre Dieu. Le code d'Hammourabi Dieu, et elle aboutit au retranchement d'une famille a
est beaucoup moins humain sous ce rapport. II permet courte echeance. — Sur le retranchement, voir ANA-
de mettre a mort la fille d'un injuste agresseur qui a fait THEME, t. i, col., 545; EXCOMMUNICATION, t. 11, col., 2132.
perir une femme libre (art. 210), le fils d'un architecte 3° Talion, peine consistant a subir un mal semblable
dont la negligence a cause la mort du tils d'un proprie- a celui qu'on a inftige a un autre. Exod., xxi, 24, 25.
taire (art. 230), etc. Chez les Perses, on avait garde la Voir TALION.
coutume de faire mourir avec certains condamnes toute 4° Flagellation, imposee pour certaines fautes de
leur famille. Deut., vi, 24; Esth., ix, 7-10. moindre gravite. Voir FLAGELLATION, t. n, col. 2281.
II. DIFFERENTES PENALITES. — Les penalites prevues 5° Amende, ou compensation en argent pour le tort
par la loi mosaiique sont les suivantes : — 1° Peine de cause. Comme il n'y avait pas de fisc hebraique,
33 PENALITES PENDAISON 34
1'amende se payait a la personne lesee. Voir AMENDE, PENCINI Innocent, theologian dominicain, ne a
t. i, col. 476; DOMMAGE, t. n, col. 1482. Le debiteur Venise vers 1621, mort en 1689 ou 1690. Entre dans
insolvable etait sujet a la saisie de ses biens ou meme 1'ordre des Freres-Precheurs, il fut, en 1644, a 1'age de
pouvait etre reduit en esclavage, lui et ses enfants. 23 ans, choisi pour professeur de philosophic a 1'uni-
Yoir DETTE, t. u, col. 1395. versite de Padoue. II a publie parmi d'autres ecrits .
6° Prison, non en usage chez les anciens Hebreux, Nova veteris Legis mystico-sacra Galaxia Scriptttras
et employee seulement a 1'epoque des Rois. Voir in cselo angelici prseceptoris Kcclesiseque doctoris D.
PRISON. Thomie Ag. phoebeo signato excursu, cingulo pressa
7° Sacrifice expiatoire, a la suite de certains delits. lacteo, gemtnis instrata stellis, h. e. luculenta Com-
Voir SACRIFICE. mentaria in Genesim, Exodum, Leviticum, Numeros,
En somme, la loi mosaique etait relativement douce D enteronomium, in quibus potissima, quie ubivis dis-
dans ses penalites. Elle ne connaissait ni la torture, persit altfe sapientise sporades decuriatim in coactas
deslinee a provoquer les aveux du coupable, ni ces phalanges candicant et collucent, litteralis, moralis,
supplices atroces que les autres peuples infligeaient allegoricus, anagogicus micant sensus; controversia-
sans pitie, les mutilations de toute nature, la perfora- rum qusestionum coit lumen, in-f°, Venise, 1670;
tion des yeux, 1'ecorchement, le pal, 1'exposition aux Nova evangelicss legis mystico-sacra Galaxia Scrip-
betes, la crucifixion, le travail des mines, la deporta- turee... h. e. luculenta commentaria in Matthssum,
tion, etc. Quand ils iniligeaient la peine de mort, les Marcum, Lucam el Joannem..., 2 in-f°, Venise, 1678-
Hebreux ne cherchaient pas a prolongerni a augmenter 1685 : 1'ouvrage demeure inacheve devait avoir 4 vo-
les souffrances du condamne; ils s'appliquaient au lumes; Commentarius in Cantica canticorum sub
contraire a 1'executer le plus rapidement possible, nomine D. Thomse. Ag. e ms. coolice primwm t-ypis
12. — Criminels auxquels on met la cordc au cou pour les pendre. D'aprfes Rosellini, Monum. civili dell' Egitto, 1834, pi. cxxrv.
comme on le remarquedans leurmanierede faire mou- editus, in-f°, Lyon, 1652. — Voir Echard, Scriptores
rir par lapidation, le supplice presque exclusivement Oi'd. Prasdicatorum, t. n, p. 726.
usiU'- chez eux. Voir t. iv, col. 90. B. HEURTEBIZE.
III. DANS LE NOUVEAU TKSTAMENT. — 1° Plusieurs PENDAISON (hebreu : tdldh, « peridre, » ydqa' ;
des penalites mosa'iques sont rappelees, la lapidation, Septanle : xpe(jLa<r9(7t; Vulgate : suspendo, crucifigo),
Joa., vui, 5, le retranchernent, Joa., ix, 22, la flagella- suspension d'un corps humain a un poteau, une
tion. Malta,, x, 17, etc. — 2° II y est aussi question de potence, une branche d'arbre, etc. — 1° La pendaison
penalites etrangeres a la legislation juive, la decapita- etait ordinairement un supplice. Elle est infligee au
tion, Marc., vi, 27; Act., xn, 2, etc. ; la crucifixion, chef des panetiers du pharaon, qui se trouvait en
Matth., xxvii, 35, etc.; 1'exposition aux betes, I Cor., xv, prison avec Joseph, mais elle est precedee pour lui de
32; II Tim., iv, 17; differents supplices iniliges par la decapitation, Gen., XL, 19; XLI, 13, de sorte qu'elle
les pai'ens, Heb., xi, 35-38; la prison pour dettes, servait surtout a exposer aux regards le cadavre du
Matth., v, 25; xvm, 34; la prison preventive, Act., iv, coupable. En Egypte, « la pendaison etait le supplice or-
3; v, 18; xn, 4; xvi, 23, etc.; la garde militaire, dinaire pour la plupart des grands crimes. » Wilkinson,
Act., xxvin, 16; les coups. Matth., xxiv, 51; Luc., xn, Manners and Customs of the ancient Egyptians,
46-48, etc. — 3° Enfm, il y est fait allusion a diffe- 2e edit., t. i, p. 307. On voit sur les peintures des
rentes peines spirituelles, temporelles ou eternelles, criminels auxquels on met la corde au cou (fig. 12).
devant servirde sanction aux prescriptions evangeliques, Rosellini, Monumenti civili, pi. cxxiv. — Au desert,
la denonciation a FEglise et I'excomrnunication du Dieu ordonne de pendre les chefs du peuple qui
coupable opiniatre, Matth., xviri, 17; I Cor., v, 2-5, 9-11; avaient commis le mal avec les filles de Moab. Num.,
I Tim., i, 20; Tit., in, 10; la gehenne du feu pour 1'in- xxv, 4. II est probable que les coupables furent aupara-
sulteur de son frere, ilatth., v, 21, 22, voir GEHENNE, vant perces du glaive et que leurs cadavres furent
t. HI, col. 155; les tenebres exterieures dans lesquelles ensuite pendus pour 1'exemple. Ainsi le comprennent
les coupables sont jetes piedset poings lies, Matth., xxn, les Septante :TOxpaSerffwaio-ov,« montre en exemple. »
13; xxv, 30, tenebres qui figurent les supplices de La suspension dut avoir lieu « a la face du soleil »,
1'autre vie; la non-remission des peches a certains c'est-a-dire pendant le jour. Plus tard, une loi defendit
pecheurs, Joa., xx, 23, et rirremissibilite du peche de laisser des cadavres a la potence apres le coucher
centre le Saint-Esprit, meme en 1'autre monde, du soleil, car le pendu etait Fobjet de la malediction de
Matlh., xn, 31,32; 1'enfer, Luc., xvi, 22, avec son sup- Dieu, a cause du crime qui lui avait merite le ehati-
plice eternel. Matth., xxv, 46. De plus, en conferant ment. Deut., xxi, 23; Gal., in, 13. Les Hebreux n'em-
a ses Apotres le pouvoir de lier, Matth., xvi, 19; ployaient pas la pendaison pour donner directement la
xvm, 18, Xotre-Seigneur a autorise son Eglise a mort; ils se contentaient de suspendre le cadavre du sup-
instituer des penalites speciales pour le bien spirituel plicie pour 1'exposer aux regards et inspirer aux specta-
de ses enfants. H. LESETRE. teurs de salutaires reflexions. Deut., xxi, 21, 22. Voir
DICT. DE LA BIBLE. V. - 2
35 PENDAISON — P E N D A N T S D'OREILLE
LAPIDATION, col. 90; POTENCE. — Josuefait pendre a un XXVH, 5, puis « il tombe en avant, rompt par le milieu
arbre jusqu'au soir le roi d'Hai', Jos., viu, 29, puis. et toutes ses entrailles se repandent ». Act., i, 18. La
apres les avoir frappes de Fepee, les cinq rois pris corde ou la branche d'arbre cassent sous le poids,
dans la caverne de Maceda. Jos., x, 26. — Les Philis- probablement quand Judas est deja mort, que son
tins pendent aux murailles de Bethsan les cadavres de ventre se gonfle et que la putrefaction a deja commence
Saul et de son fils. I Reg., xxxi, 10-12. — Quand son ceuvre. Dans ces conditions, il n'est pas etonnant
Rechab et Baana apportent a David la tete d'Isboseth que, par suite de la chute, la peau deja entarnee se
qu'ils ont tue, le roi les fait mettre a mort, puis on rompe et laisse echapper les entrailles.
les pend, pieds et mains coupes, au bord de 1'etang H. LESETRE.
d'Hebron. II Reg., iv, 12. — Les Gabaonites pendent PENDANTS D'ORESLLE (hebreu : 'agil, netifot,
sur la montagne « devant Jehovah », c'est-a-dire en nezem; Septante : EVWTIOV; Vulgate : inauris), orne-
execution de la loi de Jehovah, cf. Num., xxv, 4, deux
fils et cinq petits-fils de Saul, et Respha, mere des
deux premiers, veille sur leurs cadavres pendant toute
une saison pour empecher les betes de les devorer.
II Reg., xxi, 8-10. — Jeremie dit que les Chaldeens
c'est pour que les homines fassent penitence. II Pet., -J Ephraim au Seigneur. Jer., xxxi, 18. « Failes-nous
in, 9; cf. Act., xi, 18. Saint Jacques, v, 20, enseigne revenir et nous reviendrons, » disent les Juifs de Jeru-
que celui qui convertit un pecheur sauve son ame et salem. Lam., v,. 21. « Ayez pitie de moi qui suis un
couvre la multitude des peches. Enfin saint Jean pecheur, » dit le publicain. Luc., xvm, 13. « Remettez-
multiplie les appels a la penitence. Apoc., n, 5, 16, nous nos dettes, » c'est-a-dire « pardonnez-nous nos
21, 22; m, 3, 19. offenses », nous fait dire le divin Maitre. Matth., vi,
II. CONDITIONS DE LA PENITENCE. — 1° La penitence 12. — 5° Dans la parabola de 1'enfant prodigue, Luc.,
comporte toujours, pour celui qui y est soumis, xi, 21, Notre-Seigneur montre quelles sont les condi-
quelque chose d'afflictif. On le voit par les exemples tions de la vraie penitence : le malheureux prodigue
de nos premiers parents, Gen., m, 16-19; de David, rentre en lui-meme, regrette la perte des biens de la
II Reg., XH, 11-14; xxiv, 10-14, etc. — 2° Mais elle maison paternelle, prend la resolution d'aller retrouver
implique necessairement un acte de la volont£ qui a son pere, de lui faire 1'aveu de son crime et de se
peche en se detournant de Dieu et qui ne peut se soumettre ensuite au sort le plus humiliant, abandonne
repentir efficacement qu'en se retournant vers Dieu. Le effectivement la vie indigne a laquelle il se trouvait
Seigneur promet son pardon a celui qui remplira reduit. reprend le chemin qui ramene a son pere, lui
quatre conditions : s'humilier, prier, cliercher sa face fait son aveu et implore son pardon. — 6° Ce qui
et se detourner du mal. II Par., vn, 14. Judith, vni, montre que la penitence est veritable, ce sont les
14-17, engage ses compatriotes qui veulent obtenir « dignes fruits » qu'elle porte. Matth., in, 8. Parmi ces
leur pardon a s'humilier et a prier avec larmes. Dans fruits, saint Jean-Baptiste indique aux foules la pratique
1'Ecclesiastique, XYII, 20, 21, les conditions de la peni- de la charite, aux publicains et aux soldats la justice et
tence sont ainsi indiquees : la fidelite dans 1'accomplissement de leurs devoirs
d'etat. Luc., in, 10-14. Notre-Seigneur recommande de
Tourne-toi vers le Seigneur et quitte tes peches, ne plus pecher. Joa., v, 14; "viu, 11.
Prie devant sa face et diminue tes offenses, III. EXEMPLES DE PENITENCE. — 1° Adam fit penitence
Reviens au Tres-Haut, detourne-toi de 1'injustice
Et deteste fortement ce qui est abominable.
de son peche, Sap., X, 2, probablement en supportant
avec humilite et resignation 1'epreuve a laquelle il fut
II ne sufflt done pas de quitter le mal, il faut le condamne. — Enoch fut pour les nations un exemple
detester et donner comme preuve de repentir les efforts de penitence. Eccli., XLIV, 16. — Au temps de Noe, il
qui aboutissent a une diminution des offenses. — y eut des esprits rebelles qui firent penitence a la vue
3° Le prophete Joel, n, 12-17, enumere les conditions du chatiment, puisque le Christ put, apres sa mort,
que doit remplir le peuple coupable qu'il appelle a la leur precher dans la prison ou ils etaient detenus.
penitence : I Pet., xix, 20. — 2° L'epoque des Juges fut pour les
Israelites une succession d'infidelitesaDieu et de repen-
Revenez a moi de tout votre cceur, tirs. Jud., in, 9; iv, 3; vi, 7; x, 10, etc. — Job fit peni-
Avec des jeunes, des larmes et des lamentations; tence dans la poussiere, apres avoir reconnu sa pre-
Dechirez vos cceurs et non vos vetemeats.-..
Que les pretres, ministres de Jehovah, pleurent somption. Job, XLII, 6. — 3° A la suite de son double
Entre le portique et 1'autel, crime, David resta pres d'une annee sans ecouter la
Et disent: Jehovah, epargnez votre peuple. voix de sa conscience; mais ensuite il se repentit sin-
cerement a 1'appel de Nathan. II Reg., xn, 13; xvi,
Une vraie contrition doit saisir le cceur et le dechirer; 12. — Josias amena la nation au repentir. Eccli.,
le jeune et la priere acheveront 1'oeuvre de la peni- XLIX, 3. — Captif a Babylone, Manasse s'humilia et
tence. Sans doute, il existait sous 1'ancienne loi des demanda pardon au Seigneur. II Par., xxxni, 12, 13.
sacrifices pour le peche. Mais ni les sacrifices, ni les — 4° Pour obtenir leur delivrance, les Juifs se
ceuvres ^xterieures, comme le jeune, ne constituaient livrerent a des actes de penitence a Suse, sur la
une penitence valable sans les sentiments du cceur et demande d'Esther. Esth., iv, 16. — A la predication de
le renoncement au mal. Jonas, le roi de Ninive se soumit avec ses sujets a une
penitence rigoureuse comprenant un jeune absolu
Le Tres-Haut n'agree pas les offrandes des impies, [ches... pour tout etre vivant, homme ou bete, 1'usage du sac
Cen'estpas sur la quantite des victimes qu'il pardonne les pe-
L'homme qui jeune pour ses peches, s'il va les renouveler, et de la cendre, la priere instante adressee a Dieu et le
Qui entend sa priere, que lui sert son humiliation ? renoncement au mal. Jon., in, 5-9. — 5° Une longue
Eccli., xxxv, 19, 26. protestation de repentir fut signee par les principaux
personnages et acceptee par tout le peuple, au temps de
Aussi le Psalmiste termine-t-il son cantique de peni- Nehemie. II Esd., ix, 1-38. — 6° Dans le Nouveau
tence en disant, Ps. LI (L), 18, 19: Testament, on trouve les exemples de penitence des
Juifs a la predication de saint Jean-Baptiste, Matth.,
Tu ne desires pas de sacrifices, je t'en ofifrirais, m, 7, Luc., in, 7; de la pecheresse jchez Simon le
Tu ne prends pas plaisir aux holocaustes; pharisien, Luc., YII, 37, 38, 48; du publicain, Luc.,
Le sacrifice a Dieu, c'est un esprit brise;
O Dieu, tu ne dedaignes pas un cceur brise et contrit. xvm, 13; de Zachee, Luc., xix, 8; de saint Pierre pleu-
rant amerement apres son reniement, Matth., xxvi,75;
Rien n'est aussi etranger que ces sentiments inte- Marc., xiv, 72; Luc., xxn, 62; du bon larron se repen-
rieurs aux Psaumes de penitence babyloniens. Les tant sur la croix, Luc., xxin, 40-42; des Juifs qui par-
suppliants ne savent guere qu'y manifester leur peur tirent du Calvaire en se frappant la poitrine. Luc.,
des maux que peut leur causer une divinite irritee xxm, 48. — 7° Notre-Seigneur lui-meme donne 1'exemple
et implorer d'elle les biens qui contribuent au bon- de la penitence, a son jeune du desert, Matth., 17, 2;
heur de la vie. Cf. Scheil, Psaume de penitence Luc., iv, 2; pendant son ministere evangelique, n'ayant
chaldeen, dans la Revue biblique, 1896, p. 75-77; pas toujours le temps de prendre sa nourriture, Marc.,
Dhorme, Deux textes religieux assyro-babyloniens, Hi, 20, ni ou reposer sa tete, Matth., vm, 20; Luc., ix,
dans la Revue biblique, 1906, p. 274-285; Fr. Martin, 58, et surtout pendant sa passion. — 8° Plusieurs
Textes religieux assyriens et babyloniens, l re ser., milliers de Juifs font penitence a la voix de saint
Paris, 1903, p. 57. — 4° La priere est indiquee comme Pierre. Act., n, 38, 41. — Saint Paul se convertit et.
condition necessaire a la penitence. Dieu, en effet, pendant le reste de sa vie, accepte en esprit de peni-
n'impose pas son pardon; il convient qu'on le lui tence 1'accomplissement de la prediction du Sauveur a
demande. « Fais-moi revenir, et je reviendrai, » dit son sujet : « Je lui montrerai tout ce qu'il doit souffrir
41 PENITENCE 42
pour nion nom. » Act., ix, 16. — A 1'appel des Apotres, rassembler ses enfants comme la poule rassemble ses
on fait penitence a Lydda et a Saron, Act., ix, 35; a An- poussins sous ses ailes. Matth., xxm, 37 / Apres avoir
tioche, Act., xi, 21; a Ephese, oil Ton brule une multi- refuse d'obeir, les pecheurs ont fait penitence; apres
tude delivres de superstition, Act., xix, 18, 19; xx, 21; avoir promis fidelite, les Juifs ont refuse de faire peni-
a Corinthe, II Cor., VH, 9, 10, Cf. I Pet., n, 25. tence. Matth., xxi, 28-32. — Meme si un mort ressusci-
IV. EXEMPLES D'IMPENITENCE. — 1° Beaucoup de pe- tait, certains pecheurs ne se convertiraient pas. Luc., xvi,
cheurs se sont refuses a faire penitence. Tels furent 31. — Juda fut saisi de repentir, mais sa penitence fut
Cain, Gen., iv, 10-13; la plupart des contemporains de depourvue de confiance en Dieu et ne le sauva pas.
Noe, Gen., yi, 5, 6; les habitants de Sodome et des Matth., xxvn, 3-10. — La resurrection du Sauveur
villes coupables, Gen., xix, 12, 13 ; le pharaon d'Egypte laissa dans 1'impenitence la plupart des Juifs. Matth.,
qui se repentait un moment pour s'obstiner ensuite, XXYIII, 11-15. — La penitence de Simon lemagicien fut
Exod., Vin, 25, 32, ix, 27, 35; x, 16, 20, 24, 27; xn, 31; interessee et sans valeur. Act., vnr, 13, 18-24. — Beau-
xiv, 5; les Israelites revoltes qui furent condamnes a coup de pecheurs ont continue a refuser la penitence.
perir au desert, Num., xiv, 27-33; les fils d'Heli, IReg.,iv, II Cor., xn, 21; Apoc., ix, 20-21; xvi, 9, 11.
11; Saiil, I Reg., xm, 14; xvi, 35; les contemporains V. LE SACREMENT DE PENITENCE. — 1« JesUS-Christ
du prophete Elie, Eccli., XLVIII, 16; les rois et le peuple dit a saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume
d'Israel, IV Reg., xvn, 7-18-; une grande partie des rois des cieux : tout ce -que tu lieras sur la terre sera lie
et du peuple de Juda. IV Reg., xxrv, 3, 4. En vain dans les cieux, et tout ce que tu delieras sur la terre
Jeremie multiplia ses appels a la penitence; onne vou- sera delie dans les cieux. » Matth., xvi, 19. II dit en-
lut pas se convertir. Jer., in, 1-22; v, 3; vm, 6. — Plus suite a tous ses Apotres en general : « Tout ce que vous
tard, le roi persecuteur, Antiochus Epiphane, frappe lierez sur la terre sera lie dans le ciel, et tout ce que
par la justice de Dieu, sembla vouloir se repentir du vous delierez sur la terre sera delie dans le ciel. » Matth.,
mal qu'il avait cause; mais sa penitence n'etait ni sin- xvni, 19. Les Apotres recoivent par la le pouvoir d'eta-
cere ni desinteressee. II Mach., ix, 11-29. blir ou de supprirner des obligations dans le domaine
2° A plusieurs reprises, il est dit que Dieu endurcit spirituel. Voir LIEN, t. iv, col. 248. Le soir meme de sa
le cffiur de ceux qui ne veulent pas se convertir. resurrection, le divin Maitre, qui vient de payer sur la
Exod., iv, 21; vn, 3; ix, 12; x, 1, 20, 27; xiv, 4, 8.17; croix la rancon du peche, applique a un point special
Deut., n, 30; Is., LXIII, 17; Rom., ix, 18. D'autre part, le pouvoir qu'il a precedemment accorde : « Recevez le
on lit dans Isai'e, vi, 10 : « Appesantis le caaur de ce Saint-Esprit. Ceux a qui vous remettrez les peches, ils
peuple, rends ses oreiiles dures et bouche-lui les yeux, leur seront remis; et ceux a qui vous les retiendrez, ils
en sorte qu'il ne voie point de ses yeux, n'entende leur seront retenus. » Joa., xx, 22, 23. Les Apotres re-
point de ses oreilles, ne se convertisse point et ne soil goivent done ce jour-la, de celui qui a le pouvoir de
point gueri. » Get oracle est repete par Notre-Seigneur, remettre les peches, Matth., ix, 5, la transmission de ce
Matth., xm, 15; Marc., iv, 12; Joa., xn, 40, et par saint pouvoir. Saint Paul Fentend bien ainsi quand il dit :
Paul. Act., xxvui, 27. A prendre les termes a la lettre, « Dieu nous a reconciles avec lui par Jesus-Christ, et
Dieu semble ainsi 1'auteur de 1'impenitence qu'ensuite nous a confie le ministere de la reconciliation. » II Cor.,
il chatie. — Mais il y a la une maniere de parler des- v, 18. Ce ministere de la reconciliation, c'est 1'ordre et
tinee a faire comprendre avec quelle certitude Dieu le pouvoir de remettre les peches dans le sacrement de
prevoit 1'endurcissement et lui donne occasion de se penitence. Le Concile de Trente, Sess. xiv, can. 2, 3, a
produire en vue d'un Men superieur. Saint Augustin, defmi que les paroles dites parle Sauveur le jour de sa
Qusest. in Heptat., a, 18, t. xxxiv, col. 601-602, expli- resurrection doivent s'entendre du pouvoir de remettre
que ainsi le cas du pharaon : « La malice qui est au et de retenir les peches dans le sacrement de penitence,
cceur d'un homme, c'est-a-dire sa disposition au mal, comme 1'Eglise catholique 1'a toujours entendu depuis
tient a sa propre faute et n'existe que par le fait de 1'origine, et qu'on ne peut les detourner centreTinsti-
sa volonte libre. Toutefois, pour que cette disposition tution de ce sacrement en les appliquant au pouvoir de
mauvaiseagisse dans un sens ou dans 1'autre, il faut des precher 1'Evangile.
causes qui mettent 1'esprit en mouvement. Or il ne depend 2° Le sacrement de penitence precise et facilite les
pas du pouvoir de 1'homme que ces causes existent ou conditions necessaires a la remission du peche sous la
non; elles pro viennent de la providence cachee, mais tres Loi ancienne. 1. La contrition reclame toujours les
juste ettres sage, du Dieu qui regie et gouverne 1'uni- meme qualites qu'autrefois; il faut qu'elle soit au fond
vers qu'il a cree. Si le pharaon avait un cceur tel que la du cceur, qu'elle soit sincere et detache effectivement
patience de Dieu le portat, non a la religion, mais bien la volonte [du peche. Voir col. 39. Un nouveau motif
plutot a 1'impiete, c'etait par sa propre faute. Mais si s'ajoute aux precedents pour la faire naitre dans le
les evenements se produisirent de telle maniere que coeur; c'est la pensee ^de la redemption et de tout ce
son cceur, si mauvais par sa faute, resista aux ordres de que le Sauveur s'est impose de souffrances pour 1'expia-
Dieu, ce fut le resultat de la sagesse divine. » Pour tion du peche. — 2. .La confession prend une forme
expliquer le passage d'lsai'e, vi, 10, saint Jerome, In plus precise, dont 1'obligation se deduit des paroles
Is., in, 6, t. xxix. col. 100, s'appuie sur la doctrine de memes qui instituent le sacrement. Voir CONFESSION,
1'Epitre aux Remains, ix, 14-18, et dit que 1'aveugle- t. n, col. 907-919. — 3. La satisfaction demeure neces-
ment volontaire des Juifs a procure 1'illumination des saire comme autrefois, meme apres la remission du
autres nations : « Ce n'est pas par cruaute, mais par peche, du moins pour 1'ordinaire. Cf. Num., xx, 12;
misericorde, que Dieu permet la perte d'une nation Deut., xxxii, 49-51; II Reg., xn, 14, etc. Saint Paul
pour le salut de toutes les autres. Une partie des Juifs declare qu'il « complete en sa propre chair ce qui
n'ont pas vu clair, pour que le monde entier put voir. » manque aux souffrances du Christ, pour son corps,
3° D'autres exemples d'impenitence se rencontrent qui est 1'Eglise ». Col., i, 24. — 4. Enfin Yabsolution
dans le Nouveau Testament. Les villes de Coroza'in, est une grace nouvelle que 1'Ancien Testament ne con-
JBethsaide et Capharnaiim ont refuse de se convertir, naissait pas. Nathan put bien exceptionnellement dire
dans des conditions qui auraient decide Tyr et Sidon a a David : « Jehovah a pardonne ton peche. » II Reg., xn,
faire penitence. Matth., xi, 20-24; Luc., x, 13-15. La 13. Les autres pecheurs, si repentants qu'ils fussent*
generation contemporaine du Sauveur a montre le ne pouvaient presumer leur pardon. Notre-Seigneur,
meme endurcissement, alors que Ninive s'est couvertie qui dit lui-meme a plusieurs pecheurs : « Tes peches
a la voix de Jonas. Matth., xn, 41; Luc., xi, 32. Jerusa- te sont remis,» Matth., ix, 2; Luc., v, 20; vn, 47, 48,
lem s'est derobee aux appels du Sauveur qui voulait donna a ses Apotres, en vertu des paroles de 1'institu-
43 PENITENCE — PENSEE 44
tion, le pouvoir non seulement de declarer les peches, qui presentent sous une forme relative ce qui est
remis, mais de les remettre effectivement: « Ceux a absolu en Dieu. Le repentir est impossible a Dieu,
qui vous remettrez les peches, ils leur seront remis. » parce qu'il a tout prevu a 1'avance, le bon ou mauvais
Leur pouvoir s'etend done plus loin que celui de Na- usage que 1'homme ferait de ses dons et la conduite
than, qui ne fit que declarer a David que son peche qu'il tiendrait lui-meme en consequence. Samuel
fitait pardonne. — Cette remission comporte 1'effet exprime ce qu'il y a d'immuable dans la volonte de
deja enonce dans divers passages de la Sainte Ecriture Dieu, quand il dit a Saiil : « Celui qui est la splendeur
comme directement opere par Dieu. Le peche, envertu d'Israel ne ment point et ne se repent point, car il
de 1'absolution, est « converts, PS.LXXXV(LXXXIV), 3, et n'est pas un homme pour se repentir. » I Reg., xv, 29.
« non impute », Num., XH, 11; Rom., iv. 7, 8, non pas Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites
seulement en ce sens qu'il existe toujours, quoique aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu
Dieu daigne n'en plus tenir compte. II est reellement sont sans repentance ». Rom., xi, 29.
efface, enleve, radicalement detruit, comme le declarent H. LESETRE.
les autres textes inspires. Voir PECHE, 4°, col. 11. En un 2, PENITENCE D'ADAM, livre apocryphe. Voir APO-
mot, en vertu des paroles evangeliques, il est « remis », CRYPHES, t. i, col. 710.
comme une dette qui n'existe plus et ne peut plus
revivre, quand le creancier a rendu au debiteur le titre PENITENT1AUX {PSAUMES), nom donne aux
qui liait ce dernier. sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvn, L, ci, cxxix et CXLIII, a
3° Le pouvoir confere par Notre-Seigneur a son Eglise cause des sentiments de penitence qu'ils expriment.
n'est pas limite par sa declaration sur le peche contre L'usage de reciter ces Psaumes pour demander a Dieu
le Saint-Esprit. Matth., xn, 32; Marc., m, 28. Voir pardon de ses peches est tres ancien dans 1'Eglise.
BLASPHEME, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans 1'Epitre
auxHebreux, vi, 4-6 : « II est impossible pour ceuxqui PENSEE (hebreu : Mgut, de hdgdh, « parler dou-
ont ete une fois eclaires, qui ont goute le don celeste, cement, mediter; » zammah, mezimmdh, de zdmam,
qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goute la dou- meme sens; yeser, deydsar, « former;»'astut, 'estonot,
ceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde de fdsat, « former, imaginer; » rea', de re'dh, « penser; »
a venir, et qui pourtant sonttombes, de les renouveler seah, de slah, « parler, mediter; » se'iftim, se'iffim,
une seconde fois en les amenant a la penitence. » De de sd'af, « diviser; » sar'affim; chaldeen : harhor, de
ce texte, plusieurs Peres, Clement d'Alexandrie, S£j'om., hdrdh, « concevoir; » rccion, de re'ah, « penser; »
2, 13, t. vm, col. 293; Tertullien, De ptenit., 1, 9, t, i, Septante : 3t«Aoyt(T(j.6i;; oidtvoia, svvota, EvS-jp-rja-K* {JLS)|TV) ;
col. 1241, 1243; Origene, In Levit., Horn, xv, 2, t, xn, Vulgate : cogitatio, cogitalus, consilium), combinaisori
col. 565; S. Ambroise-, De psenit., n, 95, t. xvi, d'idees formee interieurement par 1'intelligence. —
col. 520 ; S. Augustin, Ep. CLIII, 7, t. xxxni, col. 656, Cette combinaison peut etre spontanee ou voulue,
ont conclu, sans justifier autrement leur assertion, mais rapide; c'est la pensee proprement dite. Elle est
qu'il n'y a qu'une penitence, comme il n'y a qu'un exprimee exterieurement par la parole. Voir PAROLE.
bapteme. Novatien et ses partisans s'appuyaient meme L'intelligence peut s'y arreler avec attention, c'est la
sur ce texte pour nier la possibilite du pardon des reflexion, ou meme faire effort pour examiner la pensee
peches graves. Cf. Socrate, H. £.. i, 10, t. LXVII, plus longuement et sous divers aspects, c'est la medi-
col. 69. Au moyen age, on 1'entendit de la penitence tation, Sihdh, |j.£>,£T7], meditatio. La pensee peut ensuite
solennelle, qui en effet n'etait jamais reiteree. Cf. Tur- passer dans le domaine de la volonte, pour devenir
mel, Histoire de la theologie positive, Paris, 1904, projet, dessein ou resolution, et etre communiquee a
p. 461. II est evident que 1'auteur de 1'Epitre n'a guere d'autres, sous forme de conseil, pour les diriger. —
pu songer a la penitence publique. On explique assez Dans le langage biblique, le coeur est habituellement
souvent son texte de la difficulte et meme de 1'impossi- considere comme le siege de la pensee. Voir CCEUR,
bilite morale qui empeche pratiquement 1'apostat de t. n, col. 823.
se repentir avec efiicacite. Mais plusieurs Peres pre- 1° Les pensees de Dieu. — Elles sont d'une profondeur
ferent une autre explication. Ils font porter 1'idee prin- qui deconcerte 1'homme. Ps. xcu (xci), 6. Elles ne
cipale de 1'auteur sur le mot « renouveler »; il est im- sont pas celles des hommes, Is., LV, 8, et les depassent
possible, disent-ils, qu'une ame soit renouvelee par la autant que le ciel est au dessus de la terre. Is., LV, 9.
penitence comme elle 1'est par le bapteme. « II n'exclut Personne ne peut changer la pensee de Dieu. Job, xxin,
pas les pecheurs de la penitence, mais .il montre qu'il 13. Dieu a des pensees de paix a 1'egard de son peuple.
n'y a dans 1'Eglise catholique qu'un bapteme, et non Jer., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pen-
deux... Celui qui fait penitence cesse de pecher, mais sees. Mich., iv, 12.
il garde les cicatrices de ses blessures, tandis que celui 2° Les pensees de I'homme. — i. Dieu les connait
quj est baptise depouille le vieil homme et est renou- toutes; il les sonde, I Par., xxviu, 9; Ps. xciv (xcin),
vele par la grace du Saint-Esprit qui lui donne une 11; cxxxix (cxxxviu), 3; Sap., vi, 4; Eccli., XLII, 20;
naissance superieure. » S. Athanase, Epist. iv ad Sera- Is., LXVI, 18; Ezech., xi, 5; I Cor., in, 20; Heb.,iv, 12;
pion., 13, t. XXYI, col. 656. D'autres pensent que 1'ecri- il les juge, Sap., I, 9, et les revele. Luc., II, 35. II a
vain sacre veut seulement montrer qu'il n'y a pas dans horreur des pensees rnauvaises, Prov,, xv, 26, et son
1'Eglise, comme chez les Juifs, plusieurs baptemes Esprit s'eloigne de celles qui manquentde sens. Sap., i,
successifs pour purifier des souillures. Cf. S. Thomas, 5. Xotre-Seigneur lisait dans les coeurs les pensees de
Sum. theol., III, q. cxxxiv, a. 10, ad l um . En toute hy- ses interlocuteurs, et les etonnait profondement en les
pothese, le texte en question n'apporte done aucune leur revelant. Matth., ix, 4.; xn, 25; Marc., n, 6, 8;
restriction a la remissibilite des peches. Luc., v, 22; vi, 8; ix, 47; xi, 17; xxiv, 38. — 2. L'esprit
VI. LE REPENTIR DE DIEU. — La Sainte Ecriture dit de 1'homme a des pensees multiples. Sap., ix, 15. Ces
que Dieu s'est repenti d'avoir fait 1'homme sur la lerre, pensees sont incertaines, Sap., ix,14, et parfois causent
Gen., vi, 6; d'avoir etabli roi Saul, I Reg., xv, 11, 35: grand trouble a 1'homme. Dan., iv, 16; v, 6; vn, 28.
d'avoir voulu faire du mal a son peuple infidele, II ne faut pas s'elever dans ses pensees, Eccli., vi, 2,
Jer., xxvi, 3,13, 19, et auxNinivites coupables. Jon., in, mais demander a Dieu qu'il en donne de bonnes, car,
10. D'autres fois, on annonce que Dieu ne se repentira sans son inspiration, nous ne sornmes pas capables de
pas. Ps. ex (cix), 4; Jer., iv, 28; xx, 16. Ce sont la de concevoir quelque chose par nous-memes, au moins
purs anthropomorphismes, des locutions qui pretent a dans 1'ordre du salut. II Cor., in, 5. — 3. Les bonnes
Dieu la maniere de parler et d'agir des hommes, mais pensees se rencontrent chez le juste. Ps. XLIX (XLVIII),
45 PENSEE — PENTA.POLE 46
4; Prov., xn, 5. En lui, lacharite ne pense pas le mal. faut pour achever son edifice, Luc., xiv, 28; le roi, sur
I Cor., xm, 5. Lui-meme pense a Dieu dans toutes ses les forces dont il dispose pour entreprendre la guerre.
votes. Prov., in, 6. Le Chretien doit s'armer de la peri- Luc., xiv, 31. En general, la meditation habituelle des
see de Jesus crucifie. I Pet., rv, 1. En dehors de la, gens de metier porte sur 1'e-secution de leur travail.
1'objet ordinaire de ses pensees sera «. tout ce qui est Eccli., xxxvin, 24-34. — 2. Le mechant medite le mal
honorable, juste, pur, de bonne renommee, conforme sur sa couche, Ps. xxxvi (xxxv), 5, et ne songe qu'a
a la vertu et digne d'eloge ». Phil., iv, 8. — 4. Les mau- tendre des embuches. Ps. xxxvin (xxxvn), 13. II ferme
vaises pensees, que fuit le juste, Job, xxxi, 1, sont les yeux pour mediter la tromperie. Prov., xvi, 30. —
celles des raechants : pensees impies contre Dieu, 3° II faut mediter jour et nuit sur la loi du Seigneur,
Sap., in, 14; pensees idolatriques, Ezech., xx, 32; Jos., i, 8, sur ses commandements, Eccli., vi, 37, sur
pensees egoi'stes, Deut., xv, 9; pensees interessees, la sagesse, Sap., vi, 16; vin, 17. Sur sa couche, pendant
Act., vin, 22; pensees d'erreur, Sap., n, 21, d'injus- ses veilles, le juste medite sur Dieu et sur ses ceuvres.
tice, Jacob., II, 4, d'adultere, Dan., xm, 28,, d'orgueil Ps, LXIII (LXII), 7, 13; LXXVII (LXXVI), 7. Son cceur s'en-
Dan., n, .29, 30, d homicide, Gen., xxxvn, 18; I Reg., ilamme a la meditation de la fragiJite dela vie. Ps. xxxix
xxiv, 11; pensees perverses de toute nature. ;Is., LV, (xxxvin), 4. Heureux qui medite ainsi! Ps. i, 2; Eccli., xiv,
7; LIX, 7; I Reg., xvm, 25; Judith, v, 26; Sap., in, 10; 22, 28. L'auteur du Psaume cxix (cxvin) revient jus-
xvin, 5; II Esd., vi, 2; Esth., ix, 24; Matth,, xv, 19; qu'a douze fois (16, 27, 47, 70, 77, 92, 97, 99, 117, 143,
Marc., vii. 21. Depuis la chute des premiers parents, 148, 174) sur cette idee que la loi de Dieu est 1'objet
toutes les pensees de 1'homme inclinent vers le mal. assidu et tres aime de sa meditation. — Marie conser-
Gen., vi, 5; vin, 21. Les philosophes eux-memes n'ont vait et meditait dans son cceur tout ce qu'elle voyait et
about! qu'a des pensees vaines. Rom., I, 21. En se con- entendaitau sujet de 1'enfant Jesus. Luc., 11, 19, 51. La
duisant au gre de leurs pensees, Is., LXV, 2; Jer., xvm, vierge n'a pas d'autre souci que de songer aux choses
12; Eph., ii, 3, les mechants se separent de Dieu, Sap., de Dieu. I Cor., vn, 34. Saint Paul recommande a
i, 3, se coin-rent de honte, Sap., n, 14, attirent sur Timothee de mediter sur les conseils qu'il lui a donnes.
eu\ le malheur, Jer., vi, 19, et se preparent de terribles I Tim., iv, 15.
remords pour 1'autre vie. Sap., iv, 20. — 5. L'insense 5° Les projets. — Souvent on dit qu'on 'pense a une
n'a que des pensees volages, qui se succedent sans chose pour signifier qu'on a le dessein de 1'executer.
reflexion. 1. Ainsi Dieu a ses pensees, c'est-a-dire ses projets sur le
juste, Sap., iv, 17; contre 1'Assyrie, Is., xiv, 26, et en
L'interieur de 1'insense" est comme une roue de chariot,
Et sa pensee comme un essieu qui tourne. Eccli., xxxm. 5. face de ses desseins, ceux de 1'homme ne tieunent pas.
Prov., xxi, 30. Saint Paul a annonce aux Ephesiens
II y a certaines pensees qu'il faut garder pour soi. tous les desseins de Dieu. Act., xx, 27. Quand les
Apotres persistent a precher Jesus-Christ, Gamaliel dit
Meme dans ta chambre ne dis pas de mal du puissant; au sanhedrin que si cette ideevientde Dieu, elle s'exe-
Meme dans ta pensee ne maudis pas le roi.
L'oiseau du ciel emporterait ta voix cutera malgre eux. Act., v, 38. Salomon pense a batir
Et le volatile publierait tes paroles. Eccle., x, 20. une maison a Jehovah, ill Reg., v, 5; vin, 18; I
Par., xxvin, 2. Le navigateur pense a prendre la mer.
— 6. La Sainte Ecriture loue comme « une pensee Sap., xiv, 1. Beaucoup d'autres pensees ne sont autre
sainte et pieuse » celle qui porta Judas Machabee a chose que des desseins qu'on veut executer. Cf. Judith,
faireoffrir des sacrifices pour les morts, et qui lui fut n, 3; Esth., xn, 2; Ps. v, 11; xxxni (xxxii), 10; LVI
inspiree par >< la pensee de la resurrection ». II Mach., (LV), 6; Prov., xvi, 3; xix, 21; Is., xxix, 16; etc. —
xn, 43, 45. 2. Tres frequemment, ces desseins sont mauvais.
3° La reflexion. — 1. Tout homme agit avec re- Exod., x, 10; Ps. x, 2; xxi (xx), 12; XLI (XL), 8;
flexion. Prov., xm, 16. La reflexion doit preceder Jer., xvin, 11, 18; XLVIII, 2, etc. Tels sont en parlicu-
toute action, si Ton ne veut pas avoir a se repentir. lier ceux de se revolter contre le Seigneur, Ps. n, 1;
Eccli., xxxn, 24; xxxvn, 20. II est bon de frequenter Act., iv, 25; de s'emparer du Sauveur, Matth., xxvi, 4;
ceux qui reflechissent. Eccli., xxvn, 13. L'enfant pense de le meltre a mort, Joa., xi, 53; de trailer de meme les
en enfant. I Cor., xm, 11. — 2. Les pharisiens refle- Apotres, Act., v, 33, etc. Zacharie, vii, 10; vin, 17, re-
chissent a ce qu'ils repondront a Notre-Seigneur. commande de ne pas mediter le mal les uns contre les
Matth., xxi, 25; Marc., xi, 31; Luc., xx, 5. Cai'phe dit autres. Un jour, du reste, Dieu manifestera tous les
aux rnembres du sanhedrin qu'ils ne reflechissent pas desseins des cceurs. I Cor., iv, 5.
que la mort d'un seul est avantageuse a tout le peuple. 6» Le conseil (hebreu : zimmdh, 'esdh, tusiydh;
Joa., xi, 50. — 3. Le juste reilechit quand il est neces- Septante : pouVr,; Vulgate : cogitatio, consilium). — C'est
saire. Judith, x, 13; II Esd., v, 7; II Mach., vi, 23; la manifestation de la pensee, pour la direction des
etc. Marie reflechit aux paroles de 1'ange, Luc., i, 29; autres. Des conseils, bons ou mauvais, sont souvent
Joseph, a ce qu'il doit faire par rapport a Marie, donnes. II Reg., xvn, 7; III Reg., xx, 25; Esth., i, 20;
Matth., i, 20; les Apotres, aux paroles que leur a dites Ezech., xi, 2, etc. II faut chercher conseil aupres des
le Sauveur, Matth., xvi, 7, 8; Marc., ,'vni, 16, 17; saint homines sages. Tob., iv, 19; Prov., xix, 20. La sagesse
Pierre, a sa vision de Joppe. Act., x, 19. — 4. Le cceur est avec ceux qui se laissent conseiller. Prov., xm, 10.
du juste medite sur ce qu'il doit repondre. OProv., xv, Grace aux conseils recus, leurs projets s'affermissent.
28. Cependant, Xotre-Seigneur recommande a ses dis- Prov., xx, 18. Les conseils de 1'amitie rejouissent le
ciples de ne pas rellechir sur ce qu'ils repondront de- coeur. Prov., xxvn, 9, Mais, meme les conseils de 1'etran-
vant les tribunaux, parce que 1'Esprit de Dieu le leur ger ne sont pas dedaignes de 1'homme de sens.
nspirera. Matth., x, 19. Eccli., xxxn, 22. — Saint Paul conseille la virginite.
4° La meditation. — 1. On medite sur ce qui inte- I Cor., vn, 25. Voir CONSEILS EVASGELIQVES, t. n,
resse la vie presente. Dans Ja maison du deuil, le vivant col. 922. H. LESETRE.
medite sur sa destinee. Eccle., vii. 3. Isaac sortait dans
les champs pour rnediter, d'apres la Vulgate. Gen., PENTAPOLE (grec : rkvraTto'Ai;, « les cinq villes »)
xxiv, 63. On a beau mediter et s'ingenier, on ne designe, Sap., x, 6, la region ou etaient Sodome et les
peut allonger d'une coudee sa taille, ou plutot la duree autres villes qui furent condamnees par la justice di-
de sa vie. Matth., vi, 27; Luc., xn, 25. Le riche fermier vine a disparaitre, a cause de leurs iniquites.
medite sur les moyens de serrer sa recolte abondante, 1° Les cinq villes, — Dans les divers passages ou il
Luc., xn, 17; 1'architecte, sur les ressources qu'il lui est fait allusion a la catastrophe, Sodome et Gomorrhe
47 PENTAPOLE
sont le plus souvent nominees ensemble a 1'exclusion lever du soleil, en venant de Sodome qu'il avait quitte
des autres vilJes; ainsi Gen., xm, 10; Deut., xxxn, 32; aux premieres heures du jour, Gen., xix, 15, 23,
Is., i, 9; xm, 19; Jer., xxm, 14; XLIX, 18; L, 40; Amos, fixe le site de cette riviere, non loin et dans la meme
iv, 11; Soph., n, 9; Math., x, 15; Rom., ix, 29; Juda, region meridionale. Le nom de Sodome reste encore
7. Segor est designee comme une des villes coupables attache, c'est ce que Ton reconnait generalement, a une
et condamnee, mais epargnee a cause de la priere de petite chaine de collines, le Djebel Esdoum,qui s'etend
Lot. Gen., xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et a 1'extremite sud-ouest du lac, en face du ghor Sdfieh,
Seboim sont citees avec Sodome et Gomorrhe, Deut., oii Ton doit chercher le site de Segor. La ville elle-
xxix, 23, et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois pre- meme, on n'en peut douter, se trouvait dans le terri-
sentee seule, soit parce qu'elle etait la principale toire voisin de la montagne. Tandis que le Ghor Sdfieh
d'entre les cinq par son importance ou sa suprematie n'a presque jamais eesse, jusqu'a nos jours, de former
ou bien parce qu'elle fut la plus coupable. Cf. Is., in, 9; une riante et riche oasis, avec des plantations de pal-
Thren.,iv, 6; Ezech.,xvi; Matth.,xi,23. Les autres villes miers et diverses autres cultures, toute la region qui
sontappelees« les filles»,&end^,de Sodome,Ezech.,xvi, s'etend depuis le djebel Esdoum, a 1'ouest, jusqu'aux
46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, in- abords de ce ghor, sur une largeur de sept kilometres
dique la dependance et les suppose dans une meme et une longueur de dix depuis 1'extremite sud de la mer
region. Cette situation reciproque est attestee d'ail- Morte, n'est qu'une plaine desolee dont le sol est une
leurs, Jer., XLIX, 18; L, 40, ou ces villes sont toutcs marne melangee de sel et fangeuse connue sous le nom
appelees « voisines »; Juda, 7, oil elles sont dites de Sebkhah, « terre salsugineuse. » Les abords du
« villes des alentours », par rapport a Sodome el djebel Esdoum, le ghor Sdfieh, et la partie de la
Gomorrhe. Sebkhah s'etendant entre les deux, ont necessairement
2° Situation, etendue et description de la region. — ete une portion de la Pentapole, mais jusqu'ou se deve-
La Pentapole appartenait a la terre du Kikkdr, c'est-a- loppait-elle au dela?
dire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. JOURDAIN, Outre 1'ancienne opinion voyant dans la mer Morte
t. m, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez la Pentapole recouverte, par les eaux, trois autres hypo-
generalement cru a 1'identite de la Pentapole avec « la theses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs
vallee de Siddim, vallis Silvestris, qui est la mer anglais croyant qu'on pourrait reconnaitre le nom de
Salee », Gen., xiv, 8, 10, ou les cinq rois des cinq Gomorrhe dans cehii de 'Amr porte par une vallee
villes se rangerent en bataille pour soutenir 1'attaque situee au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans
de Chodorlahomor etde ses allies; ils ontadmis, en con- celui du Tell es-Saghur que Ton trouve a Test du Tell
sequence, qu'elle occupait tout le territoire recouvert er-Radmeh, dans les anciennes Araboth a quelques mi-
aujourd'hui par les eaux de la mer Morte. Cette con- nutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damieh
clusion depasse certainement les donnees bibliques. donne a des ruines qui se voient non loin del'embouchure
La valles de Siddim ou les cinq rois s'assemblerent du Zerqa (Jaboc), inclinent a localiser ainsi la Pentapole
pour attendre leurs ennemis n'est pas presentee comme tout entiere au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong,
identique a la Pentapole ni meme comme en faisant Wilson et Conder, Names and places in the Old Testa-
partie, puisque les rois « sortent » pour s'y rendre, ment, Londres, 1887, p. 4, 71, 178, 186; Conder, Hand-
Gen., xiv, 8; et si la vallee est devenue partie de la book to the Bible, Londres, 1887, p. 238-241-2, M. Cler-
mer Salee, la Pentapole au contraire « est une terre mont-Ganneau, au contraire, pense quele nom de Ghamr
brulee par le soufre et le sel, inapte a etre semee et ou etymologiquement identique a celui de Gomorrhe, men-
rien ne germe plus, et ou 1'herbe ne pousse plus ». tionne par la geographic arabe d'El Moqaddasi (Geogra-
Deut., xxix, 23; c'est une terre deserte et fumante, phie, edit, Goije, Leyde, 1873, p. 253) sur la route de Suq-
produisant des fruits etranges, ou est demeuree une qarieh a Allah, a deux journees de marche au nord de
stele de sel, monument attestant 1'incredulite de la cette derniere, et que Ton retrouve aujourd'hui encore
femme de Lot. Sap., x, 7. Cf. Jer., XLIX, 18; L, 40; dans celui de 'din Ghamr, a quatre-vingts kilometres en-
Soph., n, 9; Amos, iv, 11. La vallee de Siddim, appe- viron au sud de 1'extremite meridionale de la mer Morte,
lee par Josephe « la vallee des puits de Bitume », propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud,
faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome, dans YArabah. Cf.Id., Recueil d'arche'ologie orienlale,
ocata SoSoaa, et devint le lac Asphaltite, mais ne se Paris, 1888, t. i, p. 163. — 3. Pour Guerin et d'autres,
confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, designee par la Pentapole se developpait autour de Sodome dont le
1'historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore djebel Esdoum est, de 1'avis general, le repr.esentant
de son temps, mais privee de sa splendeur passee et incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au
desafertilite, ne produisant que des fruits inutilisables, sud, la Sebkab, peut-etre entiere; au nord toute la pointe
portant les indices du feu qui 1'avait frappee et ne gar- meridionale de la mer Morte, depuis la presqu'ile du
dantplus que des restes informes des villes brillantes, Lisan, sur une longueur de 17 kilometres et une lar-
riches et heureuses et qui en avaient ete la gloire. Bell, geur de 13, avec les terrains qui bordent 1'une et
jud., IV, vm, 4; Ant. jud., I, ix, xi, 3. Cf. Tacite, 1'autre a Test et a 1'ouest. Cette partie inferieure de la
Hist., v, 7; Solin, Polyhislor, 38; Reland, Palsestina, mer Morte est une lagune dont la plus grande profon-
p. 254. Les geologues modernes sont unanimes d'ail- deur depasse a peine sept metres. Les terrains se
leurs a affirmer la preexistence de la mer Morte a la seraient affaisses a la suite de la catastrophe et auraient
catastrophe de la Pentapole, sauf a reconnaitre qu'une ete posterieurement envahis par les eaux de la mer
partie de son territoire a pu posterieurement etre en- Morte. Dans cette partie devait se trouver la vallee de
vahie par les eaux du lac, a la suite d'un affaissement Siddim devenue partie integrante du lac et c'est dans
du sol. Voir MORTE (MER), t. iv, col. 1303-1307. son voisinage que se voyaient les diverses villes de la
Mais si 1'espace recouvert par les eaux de la mer Pentapole. Cf. V. Guerin, Samarie, p. 291-298; ADAMA,
Morte ne peut avoir ete, en general du moins, le terri- t. i, col. 207; GOMORRHE, t. m, col. 273; MORTE (MER),
toire de la Pentapole, ou faut-il chercher celui-ci? Une col. 1307,1308.
partie, celle qui en fut la principale, ou se trouvait la La premiere opinion a le tort de ne pas tenir compte
rnetropole Sodome, occupait certaitvement la region qui des traditions onomastiques et historiques locales, les
s'etend au sud de la mer Morte. C'est la, au sud-est du premieres sources d'information apres la Bible, qui
lac, que Josephe indique Zoara d'Arabie, identique avec n'ont cesse de voir le nom de Sodome dans celui du
Segor ou Zoar de la Bible. Bell, jud., IV, vm. Cf. MOAB, djebel Esdoum et de montrer presque jusqu'a nos jours
t. iv, col.' 1158, et SEGOR. Cette ville ou Lot arrivait au Segor et « le pays du peuple de Lot », diydr gum Lot,
49 PENTAPOLE — PENTATEUQUE 50
c'est-a-dire des Sodomites, au sud-est et an sud de la xi, 4. On la montrait longtemps apres encore et aujour-
mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine tender the d'hui meme un bloc de sel du Djebel Esdoum est
Moslems, Londres, 1890, p. 286-292. Dans la seconde appele bent seik Lout, « la fille (au lieu de la femme)
hypolhese, le territoire de la Peutapole est prolonge de Lot. » II est douteux que ce soit le meme dont par-
beau coup plus loin au sud que ne le comportent, sem- laient les anciens. Voir LOT (LA. FEMME DE), t. in, col.
ble-t-il, les donnees de la Bible et la conformation du 365. L. HEIDET.
sol : Segor etait, en effet, de ce cote la limite de la
region arrosee par les eanx du Jourdain, choisie par PENTATEUQUE, nom donne aux cinq premiers
Lot pour son habitation. Gen., xm, 10-12. Et au dela livres de la Bible.
de la Sebkhah, le sol se releve et commence le seuil I. NOMS. — i°De la collection. — Le nom de Penta-
devant lequel le Jourdain devait s'arreter. Les diverses teuque n'est pas original. II suppose la division en
locutions par lesquelles sont indiquees les relations ou cinq livres qui, elle-meme, n'est pas primitive. Sa plus
la position des autres villes par rapport a Sodome, ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abra-
dont elles sont les « lilies, les voisines, les villes du hamo,l, Opera, Paris, 1640, p. 249; cf. De [migratione
pourtour », determinent aussi le rayon du cercle dans Abrahami, 3, ibid., p. 390, et dans Josephe, Cont.
lequel on peut les chercher. La troisieme opinion ne Apion., i, 8, Opera, Amsterdam, 1726, t. n, p. 441.
parait pas sorlir de ces limites. On pourrait seulement Quelques critiques 1'attribuent aux Septante, voir t. iv,
lui contester, admise la preexistence de la mer Morte col. 313-314; d'autres pensent qu'elle leur etait ante-
jusqu'a la hauteur du Lisdn, la possibilite pour le rieure. Saint Jerome, Epist. Lir, ad Paulin., 8,
Jourdain de conserver ses eaux aptes pour 1'arrosage t. xxii, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante,
des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur semble-t-il, que saint Paul, I- Cor., xiv, 19, y faisait
lesquelles elle s'appuie sont incontestables comme il le allusion. Elle resulte peut-etre de la distribution d'un
semble, elle demeure inebranlable et elles font de rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq
cette possibilite une certitude ou sont la preuve de la codices plus petits, a peu pres d'egale dimension. Le
formation ulterieure de la mer Morte; c'est la question premier emploi du nom grec irsvTaTev/6;, signifiant
des origines de ce lac. litteralement « cinq etuis » (rcO^ 0 ? etant 1'etui dans
3° Histoire. — En principe, la Pentapole apparait ha- lequel on placait chaque rouleau), se rencontre dans
bitee par des peuplades chananeennes de race ou d'as- la lettre du valentinien Ptolemee (vers 150-175) a Flora.
similation. Gen., x, 19; Num., xm, 30. Arrosee par le S. Epiphane, Hser., xxxm, 4, t. XLI, col. 560. On
Jourdain, jusqu'a Segor, elleressemblailalorsa 1'Egypte croyait 1'avoir rencontre dans un passage de saint Hip-
et formait un jardin divin; sa beaute et sa ferlilite ten- polyte, edite par de Lagarde, Leipzig et Londres, 1858,
torent Lot, qui la choisit pour sa residence, quand p. 193, dans lequel le Psautier, divise en cinq livres,
Abraham lui proposa de se retirer chacun a part. Gen., etait dit xal CCUTO aXXov TrevTaisu'/ov. Mais ce passage
xm, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de est de saint Epiphane. Hippolytus, dans Die grieschi-
la Pentapole avaient ete vaincus, dans une bataille livree schen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte,
dans la valiee de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar, Leipzig, 1897, t. i, p. 143. Origene, Comment, in Ev.
Arioch, roi d'Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Elam, et Joa., torn, ii (fragment), t. xiv, col. 192, emploie 'ce
Thadal, roi de Goi'm (Gutium). Ils avaient subi leur joug nom, et ibid., torn, xiu, n. 26, col. 444, il parJe de T?J?
pendant douze ans, quand, fatigues de le porter, la trei- Euvtatsu-xou Moyjo-Ew;. Saint Athanase, Epist. ad Mar-
zieme annee, ils avaient repris leur independance. L'an- cellin., 5, t. xxvn, col. 12, s'en sert. Saint Epiphane
nee suivante, Chodorlahomor et ses allies, apres avoir 1'emploie plusieurs fois. De mens. et poncZ.,4,5, t. XLIH,
ravage tous les pays des alentours, s'avancerent de nou- col. 244. En latin, ce nom apparait pour la premiere
veau centre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Ter-
range leur armee on bataille dans la valiee de Siddim. tullien, Adv. Martian.,i, 10, t. n, col. 257. II a la forme
liattus cette fois encore et obliges de fuir, leurs troupes neutre : Penlateuchum, dans saint Isidore de Seville,
tomberent dans les puits de bitume, nombreux dans la Elym., "VI, ii, 1, 2, t. LXXXII, col. 230. Les cri-
region. Ceux qui purent echapper gagnerent les monta- tiques ne s'accordent pas sur le point de savoir si, a
gnes. La Pentapole fut livree au pillage et la popula- 1'origine, il etait un adjectif, qualifiant (St'gXo? ou liber
tion emmenee en captivite. Parmi les captifs se trou- sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-meme
vait Lot. Averti, Abraham se mil a la pou-rsuite de la signification d'ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv,
1'armee victorieuse. II tomba sur elle a 1'improviste, la col. 314. Quoi qu'il en soit, les anciens employaient des
rnit en deroute, reprit tout le butin et ramena les pri- termes analogues, formes d'une maniere identique.
sonniers. Gen., xiv. Dans 1'oisivete et les jouissances de Ainsi Eusebe, Prsep. evang., I, 10, t. xxi, col. 88, men-
la table que leur permettait 1'abondance de tous les tionne un ecrit d"OoTavrK, intitule : 'OXTCXT£-J-/O?. Cer-
biens produitspresque spontanement par le sol le plus tains manuscrits, contenant les huit premiers livres de
fecond, aveugles par les richesses et 1'orgueil, les habi- la Bible, furent aussi designes plus tard par le nom
tants de la Pentapole etaient descendus au dernier degre d."OxTaT£Uxo?. Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1884,
de la perversion morale et s'etaient livres aux de- t. n, p. 412; de Lagarde, Septuagintastudien, Gcettin-
sordres les plus infarnes. Gen., xm, 13; xvin, 20; xix, gue, 1892, t. n, p. 60. Ce nom est employe couramment
14-21; Ezech., xvr, 49. Le Seigneur les punit en aneantis- aujourd'hui pour designer les manuscrits grecs conte-
santla Pentapole avec ses habitants. Gen., xvni, 20-xix, nant huit livres. Swete, An introduction to the Old
30; Deut., xxix, 23, etc. — Cette terre riante et fortunee Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des
devint un desert inhabitable. Des monts de Judee, elle noms analogues etaient usites chez les Latins poor de-
apparait, pendant 1'ete surtout, par suite de 1'evapora- signer des manuscrits contenant les sept ou huit premiers
tion extraordinaire de la mer Morte, semblable a une livres de la Bible. Saint Ambroise, In Ps. csvni expo-
contree fumante et plongee dans les brouillards. Les sitio, serm. xxi, 12, t. xv, col. 1506, parle d'un Hep-
quatre villes brulees n'ont plus jamais ete relevees. Si tateuchus, comprenant Genese-Juges. Le canon de
on en voyait encore les debris au temps de 1'historien Cheltenham, de 359, apres les Jages, signale les livres
Josephe, aujourd'hui on ne sait plus meme ou les precedents comme formant une premiere collection :
chercher. La statue de sel a laquelle les auteurs sacres Fiunt libri VII. Sanday, dans Studia biblica et eccle-
font allusion, Gen., xix, 26, et Sap., x, 6, aurait existe siastica, Oxford, 1891, t. in. p. 222. Les critiques mo-
encore au premier siecle de 1'ere chretienne, s'il faut dernes donnent le nom RHexatenque aux livres do
ea croire Josephe qui assure 1'avoir vue. Ant. jud., I, Pentateuque en y joignant le livre de Josue, qu'ils re-
PENTATEUQUE
gardenteomme faisantpartie dela meme oeuvreunique. teronome, designe sous le nom de m"n. On a auss:
T
Les Juifs anciens n'ont ni connu ni employe le noni considere*ce livre comme une mischnah, une Seu-repw-
de Pentateuque. Les rabbins 1'ontadopteequivalemment cn; TO-3 vopioO, une recapitulation de la legislation pre-
plus tard quand ils ont appele les livres de Moi'se les cedente. Cf. Jos., vin, 32. Les litres : n~>s> ~ISD, « livre
« cinq cinquiemes de la Thora »,'rrnn~ 'tfnin rr^sn,
T ~ •• : T • —.
de la creation, » et pp»T:, « dommages, « ne desi-
ou « les cinq cinquiemes », n>tfDin nwan. Les anciens
• ; T • ~:
se servaient d'autres denominations. Comme les livres gnaient pas, comme on 1'a cru parfois, le premier et le
de Moise sont en grande partie legislatifs, les Juifs en second des cinq livres, mais seulement des sections
nommaient le recueil, d'apres la partie principale du particulieres, a savoir le recit de la creation et les lois.
contenu, mi?.n, « la Loi, » Jos., vm, 34; I Esd., x, 3; Exod., xxi, xxii. Voir J. Furst, Dei' Kanon des A. T.
nach den Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch,
II Esd., vm, 2, 14; x, 35, 37; II Par., xxv, 4, et plus Leipzig, 1868, p. 5-6; Buxtorf, Lexicon chald., p. 671.
tard min, « Loi,» sans article, Voir t. iv, col. 329. Quand ils Les Juifs alexandrins dans la version a leur usage,
consideraient le legislateur ou le redacteur de cette loi, dite version des Septante, ont designe les cinq livres
ils disaient -tfo min, « Loi de Moi'se, » Jos., -vnr, 32; par des noms qui conviennent, sinon a tout leur con-
I (III) Reg., it, 3;~II (IV) Reg., xxm, 25; Dan., ix, 11; tenu, du moins au sujet traite au commencement du
I Esd., in, 2; vn, 6; II Par., xxm, 18; xxx, 16; ou livre. Ainsi le ler est designe par son debut Pevsgi!;
plus clairement encore, minri nsp, « livre de la Loi, » y.ocrjxov, ou simplement revests; le 26 de meme "E?o£o;
Aly-jTiTou ou "E^oSo; seulement; le 3e Aeuet-rty.ov ou
Jos., i, 8; vm, 34; II Esd., vm, 3; ou nwo min IBD, AeuiTivio'v; le 4e 'Apt0(iot, et le 5e AeutspovojAtov. Philon
« livre de la Loi de M'oi'se ». Jos., vm, 31; xxm, 6; nomme les trois premiers : •ysvecnc, iHayojyy) ou d^oSoc,
II (IV) Reg., xiv, 6; II Esd., via, 1; ou plus brievement, AeutTixdv ou AjutTty.r) pf'SXo?. Les Chretiens ont adopte
ntfo nso, « livre de Moi'se », I Esd., vi, 18; II Esd., xin, ces noms; les Latins ont cependant traduit apt9j/.oi par
i; II Par., xxv, 4; xxxv,12. Mais, lorsqu'on avait en vue. Numeri. Cf. Origene et S. Jerome, loc. cit.; les Philo-
1'origine divine et la revelation de la Loi mosai'que, on sophoumena, vi, 15-16, t. xvi, col. 3215, 3218. Theo-
la nommait nin> rnin, « Loi de Jehovah, » I Esd., vn, dulfe, eveque d'Orleans, les a expliques en vers. Car-
T : T mina, II, i, t. cv, col. 299. Ils ont passe dans toutes
10; I Par., xvi, 40; II Par., xxxi, 3; xxxv, 26; ou Men les langues par 1'intermediaire des versions faites sur
n'rtSx min, « Loi d'Elohim, » II Esd., vm, 18; x, 29, la Vulgate latine. — Sur les sections massoretiques du
30; ou nin» rnin HSD, « livre de la Loi de Jehovah, » texte hebreu, voir t. II, col. 559.
T : - II. ANALYSE. — Le Pentateuque, dans son ensemble,
II Par., xvn, 9; xxxiv, 14; ou n>ftbx rnin nsp, « livre est un livre en partie historique, en partie legislatif,
de la Loi d'Elohim, » Jos., xxiv, 26; il Esd., vm, 18; ou qui raconte 1'histoire du peuple d'Israel depuis la
encore D'ribtt ou rrn> m^n ISD, « livre de la loi de Jeho- creation, du monde jusqu'a la mort de Moi'se et qui re-
produit la legislation civile et religieuse de ce peuple
vah Elohim. » II Esd., ix, 3. Les Septante ont traduit au cours de la vie du legislateur lui-meme. En tenant
ees passages par 6 vdjjios ou vop.o; sans article. Dans le compte du sujet traite et meme partiellement de la
Nouveau Testament, les livres de Moise sont designes forme litteraire, le Pentateuque se diviserait tout natu-
aussi parlesmotso vojjio;, Matth.,v, 17; Rom.,n, 12, etc., rellement en trois parties. La Genese, avec ses subdi-
ou Men 6 v6pt.os Mw-JtrCws, Luc., H, 22; xxiv, 44; visions genealogiques, sert d'introduction aux quatre
Act., xxvm, 23; cf. Joa., i, 17; ou Men 8:gAos Mwu trews, autres livres, et raconte 1'histoire juive des origines
Marc., xii, 26; ou simplement M«vi<T?js. Luc., xxiv, 27; jusqu'a la sortie d'Egypte. Le Deuteronome, compose
Act., xv, 21. Dans le Talmud et chez les rabbins, les principalement de discours, contient la recapitulation,
livres de Moise sont nommes n"rn nsc, « le livre de la faite au pays de Moab, de la legislation du Sinai' et ter-
Loi. » Buxtorf, Lexicon chaldaicuni talmudicum rab- mine 1'histoire d'Israel sous la conduite de Moise;
binicum, p. 791; Levy, Chaldaisches Worterbuch, L'Exode, le Levitique et les Nombres, dits les trois
p. 268. Le nom arameen de la collection est NrvrN, livres du milieu, presentent les memes caracteres : ils
racontent les peregrinations d'Israel dans le desert et
« loi. » Buxtorf, op. clt., p. 983; Levy, op. cit., p. 16; contiennent la legislation donnee aux Hebreux. Ce plan
Aicher, Das alte Testament in der Mischna, Fri- general presente done une indeniable unite d'ensemblc.
bourg-en-Brisgau, 1906, p. 16. Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio-
2° De chaque livre. — Les Juifs de Palestine et naliste, 5e edit., Paris, 1902, t. in, p. 17-25.
d'Alexandrie ont donne a chacun des cinq livres des 1° Genese. — Ce livre est construit suivant un plan
noms differents. Dans la Bible hebrai'que, les premiers particulier, qui a ete remarque pour la premiere fois
mots du texte ont servi a designer chaque livre : le par Kurtz, Die Einheit der Genesis, Berlin, 1846,
premier est nomme rvtrsiz, le 2e, niotf "'SNI ou niCw% p. LXVII-LXVIII. II se partage en dix sections d'inegale
le 3e, NTp»i, le 4e, nsir, et le 5e, n'-DTn nta ou cna~. longueur et d'inegale importance, qui debutent par une
Cf. Origene, InPs. I, t. xii, col. 1084; et dans Eusebe, formule identique : rnY'rn n'"N, n, 4; v, 1; vi, 9; x, 1;
H. E., vi, 25, t. xx, col. 580; S. Jerome, Prologus galea- xi, 27; xxv, 12; xxv, 19; xxxvi, 1; xxxvn, 2. La variante :
tus, t. xxvm, col. 552; S. Isidore de Seville, Etym., rmVn TSD -T, v, 1, qui est synonyme de la precedente,
\. VI, c. i, n. 4, t. LXXXII, col. 229. Voir Biblische et le double emploi, xxxvi, 1, 9, dans la notice d'Esaii,
•Zeitschrift, 1905, t. m, p. 149-150. Les rabbins ont dont le second n'est qu'une transition, ne changent pas
cependant donne aux trois derniers de ces livres des le resultat, qui a ete voulu et recherche pour lui-meme.
noms qui resument leur contenu : ainsi ils appelaient Le contenu des sections sert a indiquer le sens de toldot.
Ie3e, con's nvr, « loi des pretres, »le4 e , m:,~Br; -crrn, Ce mot signifie etymologiquement generations; il a
« livre des recensements » (selon la transcription d'Ori- une autre signification dans les titres des sections de la
gene, loc. cit.,ei dans Eusebe, H.E., vi, 25, t. xx, col. 580, Genese. Si ces titres n'etaient suivis que de la genea-
'A(jLfi£tTy£xw6e((x), ou encore -.z~~z, « dans le desert, » logie des personnages nommes, le mot toldot signi-
T: •: fierait seulement table genealogique. Mais comme la
et le oe, rnin nJ-^'o, « repetition de Ja Loi, » d'apres une plupart des sections contiennent plus que de simples
fausse interpretation de Deut., xvn, 18, qui parle seule- enumerations de noms, le sens reel du mot est plus
•ment d'iin exemplaire de cette loi, c'est-a-dire duDeu- comprehensif. On pense generalement que de la signi-
53 PENTATEUQUE 54
fication derivee : genealogie, 1'auteur a passe a celui 13-27. Trois anges lui apparaissent, lui renouvellent
d'/iistoire. Le titre de ces recits indique dpnc leur 1'annonce d'un filsde Sara et le previennent de laruine
genre litteraire. Non pas qu'il signifie : « histoire rela- de Sodome et de Gomorrhe, qu'ils vont accomplir
tant des traditions populaires, » com me 1'a pretendu malgre 1'intervention d'Abraham, xvm, 1-33. Recit'du
le P. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirations- crime des Sodomites et de la delivrance de Lot, xix,
frage, dans les Biblische Studien, Fribourg-en-Bris- 1-29; naissance incestueuse de Moab et d'Ammon,xix,
gau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 26-32; mais Wen histoire, 30-38. Aventure de Sara chez Abimelech, roideGerare,
fondee sur les genealogies, developpees par des recits, xx, 1-18. Naissance d'Isaac et expulsion d'Ismael, xxi,
parce que les genealogies constituaient la partie prin- 1-21. Alliance d'Abraham avec Abimelech, xxi, 22-34.
cipale et le cadre de 1'histoire primitive'. Cf. abbe de Abraham se dispose a immoler Isaac sur 1'ordre de
Broglie,Les genealogies bibliques, dansle Congres scien- Dieu, qui, satisfait de sa bonne volonte, arrete sa main
tiftque international des catholiques, Paris, 1889, t. i, et renouvelle les promesses precedentes, xxn, 1-19.
p. 94-101. Voir t. in, col. 160. Le sens & histoire une Posterite de Nachor, xxni, 20-24. Mort et sepulture de
fois admis, 1'auteur 1'a applique meme aux choses ina- Sara dans le champ d'Ephron, xxm, 1-20. Abraham
nimees, aux cieux et a la terre, n, 4, dont il racontait la envoie un de ses serviteurs en Mesopotamie chercher
creation. une femme a Isaac, xxiv, 1-9; priere de ce serviteur
Apres une introduction sur la creation du monde en qui rencontre Rebecca, xxiv, 10-28; il la demande en
six jours, i, 1-ir, 3, voir t. 11, col. 1034-1054, la Genese mariage pour son jeune maitre, xxiv, 29-54, et la ra-
se divise done en dix sections, debutant par le meme mene, xxiv, 55-61. Mariage d'Isaac, xxiv, 62-67. Abra-
titre : 1° Histoire du ciel et de la terre, if, 4-iv, 26. ham epouse Cetura, partage ses biens entre ses enfants,
Apres le titre, n, 4, cette section raconte la creation meurt et est enseveli avec Sara, xxv, 1-11 — 7° Histoire
speciale de 1'homme et de la femme, n, 5-25; la ten- d'Ismael, xxv, 12-18. Elle se reduit a 1'indication de sa
tation et la chute d'Adam et d'Eve, leur expulsion du posterite et au recit de sa mort. — 8° Histoire d'Isaac,
paradis terrestre, in, 1-24;'* la naissance de Cai'n et xxv, 19-xxxv, 29. Naissance d'Esaii etde Jacob, xxv, 19-
d'Abel, les caracteres differents de ces deux fils d'Adam, 26. Esau vend son droit d'ainesse, xxv, 27-34. Au temps
le meurtre d'Abel par Cai'n et la punition du meurtrier, d'une famine, Isaac va chez Abimelech, recoit des pro-
iv, 1-16; 1'histoire de Ja posterite de Cai'n et la nais- mes-ses divines et fait passer Rebecca pour sa soeur,
sance de Seth, iv, 17-26. — 2° Histoire d'Adam, v, 1-vi, 8. xxvi, 1-11. Ses richesses excitent 1'envie des habitants,
Cette section donne la genealogie des dix patriarches qui bouchent les puits qu'il a creuses, xxvi, 12-22.
antediluviens depuis Adam jusqu'a Noe, v, 1-31, et ra- ABersabee, Dieu lui apparait de nouveau, et Abimelech
conte la perversion de 1'humanite primitive, perver- vient contracter alliance, xxvi, 23-33; double mariage
sion qui attire sur la terre les chatiments de Dieu, vi, d'Esaii, xxvi, 34, 35. Jacob obtient la laenediction de
1-8. — 3° Histoire de Noe, vi, 9-ix, 29. Noe, parce qu'il son pere a la place d'Esaii, xxvn, 1-29; Esaii est beni a
est juste, trouve grace devant Dieu qui lui ordonne de son tour, xxvn, 30-40. Jacob va en Mesopotamie pour
construire une arche, destinee a le sauver du deluge, echapper a la colere de son frere et pour chercher une
lui, sa famille et un couple de chaque espece d'ani- femme de sa race, xxvn, 41-xxvm, 5. Esaii epouse une
m a u x j V i , 9-22. 11 entre dans 1'arche, vn, 1-9. La pluie troisieme femme, xxvm, 6-9. Sur le chemin de Haran,
tombe pendant quarante jours et quarante nuits et les Jacob a une vision a Bethel, xxvm, 10-22. II rencontre
eaux qui couvrent et detruisent tout demeurent sur la Rachel, fille de Laban; il 1'epouse ainsi que Lia, sa
terre durant 150 jours, vn, 10-24. Apres la cessation de sceur, xxix, 1-30. Naissance de onze fils et d'une fille,
la pluie, les eaux diminuent progressivement et Noe xxix, 31-xxx, 24. Jacob fait avec Laban des conventions,
sort de 1'arche, vin, 1-14. Yoir DELVGE. II offre un sa- etil s'enrichit habilement, xxx, 25-43. Parce que les fils
crifice a Dieu qui le benit et fait alliance avec lui, vin, de Laban Je jalousaient, il quitte furtivement Haran et
15-ix, 17. II plante la vigne. maudit Cham, benit Sem Laban le poursuit, xxxi, 1-24. Us contractent ensemble
et Japheth, et meurt, ix. 18-29. — 4° Histoire des fils de une alliance, xxxi, 25-55. Jacob envoie des presents a
Xoe. x, 1-xi. 9. Elle se reduit a la table des peuples lisa ii*^ xxxii, 1-21; il lufte avec un ange, xxxn, 22-32.
issus de Japheth, de Sem, x, 1-32, a laquelle est joint Esaii lui fait bon accueil, xxxm, 1-17. Jacob passe a
le recit de la construction de la tour de Babel et de la Salem et achete le champ d'Hemor a Sichem, xxxm,
confusion des langues, xi, 1-9. — 5° Histoire de Sem, 18-20. Enlevement de Dina par les Sichemites et ven-
xi, 10-26. C'est 3a repetition de la genealogie de Sem et geance de ses freres, xxxiv, 1-31. Dieu apparait de
sa continuation jusqu'a Thare, pere d'Abraham. — nouveau a Jacob et lui ordonne de lui elever un aulel
6° Histoire de Thare el d'Abraham, xi, 27-xxv, 11. La vie a Bethel, xxxv, 1-7. Mort de Debora, nourrice de Re-
de Thare et de ses enfants ayant ete resumee, xi, 27- becca, et changement du nom de Jacob en celui d'lsrael,
32,1'histoire speciale d'Abraham commence par le recit xxv, 8-15. Naissance de Benjamin et mort de Rachel,
de sa vocation et de sa migration de Haran au pays de xxxv, 16-20. Inceste de Ruben, liste des fils de Jacob
Chanaan, xfi, 1-9, et par celui de son sejour en Egypte et mort d'Isaac, xxxv, 21-29. — 9° Histoire d'Esaii,
et de la preservation de Sara, son epouse, xii, 10-20. xxxvi, 1-42. Elle n'est que le tableau genealogique de
Revenu en Chanaan, Abraham se separe de Lot, son sa posterite. — 10° Histoire de Jacob, xxxvn, 1-L, 25.
neveu,xin, 1-13. et Dieu promet de donner le pays a sa Joseph, le fils prefere de Jacob, est jalouse par ses
posterite, xia, 14-18. Quatre rois confederes envahissent freres, XXXYII, 2-11. Envoye pour les rejoindre a Do-
la Pentapole et emmenent Lot qui habitait a Sodome, thain, il est vendu par eux a des Ismaelites qui le re-
xiv, 1-12; Abraham poursuit les envahisseurs et leur vendent a Putiphar, xxvn, 12-36. Les fils de Juda, spe-
ravit le butin qu'ils avaient enleve. Melchisedech benit cialement a la suite de ses relations avec Thamar, sa
Abraham et celui-ci rend au roi de Sodome tout son bru, xxxvm, 1-30. Joseph chez Putiphar'; accuse par la
bien, xiv, 13-24. Dieu conclut une alliance solennelle femme de son maitre, il est jete en prison, xxxix, 1-23.
avec Abraham, a qui il predit les destinees de sa race, II interprete les songes du panetier et de 1'echanson
xv, 1-21. Abraham epouse Agar, qui enfante Ismael, du Pharaon, XL, 1-23; puis ceux du Pharaon lui-meme,
apres avoir fui au desert pour echapper aux mauvais XLI, 1-36; c'est pourquoi il est mis a latete del'Egypte,
traitements, que Sara, sa maitresse, lui iniligeait, xvi, XLI, 37-46. Les sept annees de fertilite; naissance des
1-16. Dieu change le nom d'Abram en celui d'Abraham, fils de Joseph, XLI, 47-52. Commencement de la famine,
renouvelle ses promesses, institue la circoncision et XLI, 53-57. Jacob envoie ses fils en Egypte; Joseph les
predit la naissance d'un fils de Sara, xvn, 1-22. Abra- reconnait, retient Simeon en captivite et renvoie les
ham se circoncit et avec lui toute sa famille, xvu, autres a leur pere, xui, 1-25. Leur retour; Jacob re-
55 56
Suse &e 'iaisser parlir "Benjamin, XLII, ^S-dS. Contraint sources. Les toldot d'un patriarehe embrassent toujours
par la famine, il consent au depart de-Benjamin, XLIII, tout le developpement qu'a pris sa maison de son
1-15. Ses fils sont recus par le chef de la maison de vivant. Ainsi celles d'Abraham comprennent 1'histoire
Joseph, puis par Joseph lui-meme, XLIII, 15-34. La coupe d'lsmael et d'Isaac, qui sont reunis pour ensevelir leur
de Joseph est mise a dessein dans le sac de Benjamin; pere, xxv, 9; celles d'Isaac racontent 1'histoire d'Esaii,
Joseph veut punir le ravisseur; Judas s'offre a la place qui, lui aussi, se joint a Jacob pour ensevelir Isaac,
de son jeune frere, XLIV, 1-34. Joseph se fait reconnaitre xxxv, 29; celles de Jacob comprennent 1'histoire de ses
et veut faire venir son pere en Egypte, XLV, 1-28. Arri- fils jusqu'a sa mort, L, 12, et a celle de Joseph, L, 25.
vee de Jacoh en Egypte, etliste de ses enfants etpetits- La vie du patriarehe est plus ou moins developpee.
enfants, XLVI, 1-27. Rencontre de Joseph et de son pere, Elle est reduite parfois a quelques mots, v, xi; ou a
XLVI, 28-34. Joseph obtient de Pharaon la terre de Ges- quelques lignes, xi, 28-31; pour Noe, Abraham et Jacob,
sen, XLVII, 1-12. Les Egyptiens achetent des vivres, elle raconte de nombreux fails. Quand elle est detaillee,
XLVII, 13-26. Apres 17 ans de sejour en Egypte, Jacob elle se termine d'une maniere a peu pres uniforme :
fait a Joseph ses dernieres recommandations, XLVII, 27- 1'ecrivain indique la duree totale de la vie du heros et
31. Devenu malade, il adopte les deux fils de Joseph et sa sepulture avec ses ancetres, ix, 29; xi, 32; xxv, 7;
les benit, XLVIII, 1-22. II benil tous ses fils et meurt, xxxv, 28; XLVII, 28. Le total des anne.es des patriarches
XLIX, 1-32. Joseph le fait ensevelir en Chanaan, L, 1-12. est aussi indique au c. v; mais il ne Test pas au c. xi,
Ses freres lui demandent pardon; il leur promet ses 10-26.
bonnes graces. Sur le point de mourir, il demande que Ce plan suivi est indeniable et prouve que la Genese
ses ossements soient un jour emportes au pays de Cha- a ete redigee dans un but determine et d'apres un ordre
naan. II meurt et il est enterre en Egypte, L, 13-25. fixe. Les critiques modernes 1'atlribuent au redacteur
On a pretendu que, dans la pensee de Fauteur, le definitif duPentateuque qui, selon eux, aurait emprunte
nombre des dix sections avait une valeur symbolique au code sacerdotal le cadre genealogique et le schema-
et signifiait 1'universalite ou la perfection de 1'histoire tisme, lesquels seraient line des caracteristiques de
primitive de la theocratic. Mais cette idee symbolique, cette source. II montre, a tout le moins, 1'unite actuelle
imaginee par les critiques modernes, n'est probable- de ce livre, compris comme un vaste tableau genealo-
ment jamais entree dans 1'esprit de cet auteur. gique, embrassant les details connus de 1'histoire pri-
Le « schematisme », comme on dit, de la Genese ne mitive et de 1'histoire patriarcale. Cf. P. Delattre, Plan
se manifeste pas seulement dans ce sectionnement en de la Genese, dans la Revue des questions historiques,
dix parties ayant le meme titre; on le remarque encore juillet 1876, t. xx, p. 5-43; Id., Le plan de la Genese
dans la disposition des sections et dans le precede, et les generations du del et de la terre, dans la Science
identiquementsuivi pour chaque section. Les toldot sont catholique du 15 octobre 1891, t. v, p. 978-989; P. de
disposees dans 1'ordre de leur importance. II y en a de Broglie, Elude sur les genealogies bibliques, dans le
deux sortes, en effet, celles de la ligne directe d'Adam Congres scientifique international des catholiques de
a Jacob, et celles des lignes laterales, au nombre de 4888, Paris, 1889, t. i, p. 94-101; P. Julian, Etude cri-
trois, a savoir, celles des enfants de Noe, d'lsmael et tique sur la composition de la Genese, Paris, 1888,
d'Esaii. Ces dernieres, qui ont moins d'importance, p. 232-250.
sont plus courtes et elles precedent toujours les branches A ne considerer que le contenu de la Genese, on a
paralieles dela ligne principale. Elles sont done inten- propose des divisions logiques en deux ou huit parties.
tionnellement placees en avant et peu developpees en Dans le premier cas, le livre raconte : 1° 1'histoire de
raison de leur moindre importance. Les branches secon- 1'humanite depuis la creation jusqu'a la vocation
daires sont ainsi eliminees, et ne reparaissent plus qu'ac- d'Abraham, n, 4-xi, 26; 2° 1'histoire des patriarches
cidentellement, quand elles sont melees a 1'histoire Abraham, Isaac et Jacob, ancetres du peuple juif, jus-
de la branche principale. Du reste, ce precede d'eli- qu'a la mort de Jacob et de Joseph en Egypte, xi, 27-L.
mination est employe dans tout le livre, dont le con- 25. Chacune de ces parties principales se subdiviserait
tenu se restreint toujours de plus en plus. L'histoire, en cinq sections, commencant par toldot. Cf. R. Cor-
d'universelle qu'elle etait au debut, se particularise nely, Introductio specialis in historicos V. T. libros,
progressivement pour n'etre plus que 1'histoire reli- Paris, 1887, t. n, p. 8-10. Beaucoup de critiques mo-
gieuse d'lsrael. Cam et sa race sont elimines dans dernes acceptent cette division et separent 1'histoire pri-
1'histoire d'Adam; les descendants'de Seth, sauf Noe, a mitive, i, 1-xi, 9, de 1'histoire des patriarches, xi, 28-L,
partir de 1'histoire de ce dernier; Cham et Japheth 26, reliee a la premiere par la genealogie de Sem, xr,
disparaissent de 1'histoire de Sem; les autres fils de 10-27. Dans le second cas, on distingue : 1° la creation
Sem sont exclus de 1'histoire de Thare et d'Abraham. du monde et de 1'homme, i, 1-ni, 24; 2° 1'histoire de
A partir d'lsmael, les branches secondaires, qui forment 1'humanite jusqu'au deluge et 1'alliance conclue entre
des sections speciales, sont vite laissees hors d'obser- Dieu et Noe apres le cataclysme, iv, 1-ix, 17; 3° les
vation et avec les toldot de Jacob commence 1'histoire trois fils de Noe consideres comme peres de I'humanite
du peuple elu, du peuple theocratique. postdiluvienne, ix, 18-x, 32; 4° la separation des
D'autre part, 1'ecrivain suit un ordre determine dans homines au point de vue des langues, la formation
les developpements de chaque section. Le titre est des nations, et la genealogie de Sem, xi; 5° 1'histoire
suivi d'ordinaire d'une" recapitulation de la section pre- d'Abraham, pere du peuple de la promesse, xn, 1-xxv,
cedente. Ainsi Gen., n, 4, resume 1'introduction, I, 1-n, 11; 6° la genealogie d'lsmael, xxv, 12-18, et 1'histoire
3; v, 1, repele i, 27; xxv, 12, resume xvi, 1, 3, 15, 16; d'Isaac, xxv, 19-xxxv, 39; 7° la genealogie d'Esaii, xxxvi;
XXY, 19, condense xvn; xxi, 2-5. Au debut des autres 8° 1'histoire de Jacob, XX.XVH-L.
sections, il y a un point de repere avec ce qui precede : 2° Exode. — Apres la mort de Joseph, 1'histoire du
VI, 10-12, repete les noms des fils de Noe, v, 32, et les peuple d'lsrael ne precede plus par genealogies. Israel
causes du deluge, xi, 1-5; x, 1, est la repetition de ix, est devenu un peuple et son histoire, squs la conduite
18,19; xi, 27, reproduit le verset qui termine la section de Moi'se, est celle de sa constitution nationale et reli-
precedente; xxxvi, 2,3, recapitule les noms des femmes gieuse. Elle se poursuit dans les quatre autres livres du
d'Esaii, xxvi, 34; xxvni, 9; xxxvii, 1, est la repetition Pentateuque, qui sont a la fois historiques et legisla-
de xxxv, 27. Ce precede recapitulatif, remarque par tifs. La separation des trois livres du milieu est un peu
Raban Maur, Comment, in Gen., 1. II, c. xn, t. CYII, arbitraire; elle n'a eu peut-etre d'autre raison, comme
col. 531-532, donne 1'explication des repetitions signa- nous 1'avons deja dit, que la necessite de diviser en
lees par les critiques comme indice de la diversite des parts a peu pres egales un rouleau qui, autrement,
57 PENTATEUQUE
aurait ete trop \olxvtmneux.. Les faits qu'ils racontent Moi'se intercede pour le peuple, brise les tables de la
se suivent et se completent. On peut neanmoins consi- loi, renverse 1'idole, punit les coupables, intercede de
derer chacun d'eux comme un toutsepare. nouveau aupres du Seigneur, qui fait grace au peuple
L'Exode, apres un court preambule, i, 1-7, qui est repentant, xxxn, 1-xxxin, 6. Moi'se transports le taber-
comme la recapitulation des toldot de Jacob, peut se nacle hors du camp et Dieu propose de renouveler
diviser en trois parties tres distinctes: la premiere partie 1'alliahce rompue par 1'infidelite des Israelites. Moise
raconte les evenements qui ont precede et prepare la taille de nouvelles tables, recoit une seconde fois de
sortie d'Egypte, i, 8-xu, 36, a savoir, 1'oppression des Dieu les conditions de 1'alliance, apres 40 jours de
Israelites par un nouveau Pharaon, qui n'avait pas sejour au sommet du Sinai, rapporte les tables de la
connu Joseph, i, 8-22; 1'histoire de Moise avant sa voca- loi, gravees de sa propre main, et reparait le visage
tion, H, 1-25; la vocation de Moise comme sauveur de resplendissant de la gloire divine, xxxin, 7-xxxiv, 35.
son peuple, son retour en Egypte et 1'accueil que lui Les ordres divins au sujet de la construction du taber-
font les Israelites, in, 1-iv, 81; les premieres tentatives nacle et des instruments du culte s'accomplissent : les
de Moise et d'Aaron aupres du roi d'Egypte, v, 1-vi, Israelites apportent leurs dons; les ouvriers designes
13; une genealogie des fils de Ruben, Simeon et Levi, les emploienta la construction du tabernacle, de 1'arche,
precedant et preparant la genealogie de Moi'se, vi, 14- de la table des pains de proposition, du candelabre,
30; une nouvelle mission divine de Moi'se et la descrip- des autels et des vetements sacerdotaux, xxxv, 1-xxxix,
tion des neuf premieres plaies d'Egypte, vm, 1-x, 29; 29. Tout le travail acheve est beni par Moise. Dieu or-
la prediction de la dixieme plaie, xi, 1-10; 1'institution donne d'eriger le tabernacle, de vetir et d'oindre les
et la celebration de la premiere Paque, xii, 1-28, la pretres. Ses ordres sont executes, et la nuee du Sei-
mort des premiers-nes des Egyptiens et les preparatifs gneur couvre le tabernacle, xxxix, 30-XL, 36.
de la sortie d'Egypte, 29-36. La seconde partie rapporte 3° Levitique. — Ce livre est presque en entier legis-
les faits accomplis depuis la sortie d'Egypte jusqu'a latif et continue 1'expose des lois, donnees par Dieu a
1'arrivee des Israelites au pied du Sinai', xn, 37-xvm, Moise au Sinai. Les nombreuses lois qu'il contient sont
27. Le recit du depart des Israelites est suivi de la codifiees sans ordre logique. II y a cependant certains
legislation concernant la Paque future, souvenir et groupements de dispositions concernant le meme sujet.
anniversaire de la premiere et la consecration des Une premiere section, i-vn, estconsacreeaux sacrifices :
premiers-ne's, xn, 37-xin, 16. Viennent ensuite le recit holocaustes, i, 1-17; oblations, n, 1-16; sacrifices paci-
des premiers campements des Israelites, Ja poursuite fiques, in, 1-17; sacrifices pour le peche involontaire,
de I'armee egyptienne, qui serre les fugitifs sur les iv, 1-v, 13, et pour le delit volontaire, v, 14-vi, 7. Sui-
bords de la mer Rouge, xin, 17-xiv, 14. Les Israelites vent les preceptes concernant les pretres dans Foffrande
passent la mer a pied sec, et les Egyptiens sont englou- de ces divers sacrifices, vi, 8-10, puis de nouvelles pres-
tis dans les ilots, xiv, 15-31. Cantiques de Moi'se et de criptions au sujet des sacrifices pacifiques entrecou-
Marie, sa sceur, xv, 1-21. Les stations dans le desert pees par la defense reiteree de manger la graisse et le
sont ensuite specifiees avec les evenements qui s'y sang, vn, 11-34, et terminees par une conclusion gene-
rattachent : a Sur, a Mara, a Elim,xv, 22-27, au desert rale, 35-38. Une seconde section raconte en details la
de Sin avec 1'envoi des cailles et de la manne, xvi, 1- consecration d'Aaron et de ses fils, vm, 1-36, et 1'inau-
36, a Raphidim, ou 1'eau sort du rocher, xvn, 1-7, et guration de leurs fonctions, ix, 1-24. Suit 1'episode de
ou les Israelites battent les Amalecites, 8-16. La visite la punition de Nadab et d'Abiu, coupables d'un man-
de Jethro, beau-pere de Moise, sert d'occasion a 1'institu- quement dans le service divin, x, 1-27. Enfin vient la
tion des juges du peuple, xvm, 1-27. La troisieme defense faite aux pretres de boire du vinet des liqueurs
partie debute par le voyage de Raphidim au pied du enivrantes, et une prescription relative a la manduca-
Sinai', xix, 1, 2. A cette longue station se rattache une tion des restes du sacrifice, x, 8-20. Une troisieme
portion de la legislation mosai'que, de sorte que 1'ou- section reunit les lois de la purete legale, xi-xv : les
vrage, d'historique qu'il etait, devient code legislatif. animaux purs el impurs, xi, 1-47; la purification de la
Mo'ise monte au sornmet du mont Sinai', ou Dieu lui femme en couches, xn, 1-8; la lepre des hommes, xin,
indique les preparatifs, puis, trois jours apres, les dis- 1-46, des habits, xin, 47-59; la purification du lepreux,
positions exterieures de la promulgation de ce qu'on a xiv, 1-32; la lepre des maisons, 33-53; recapitulation,
appele son alliance avec Israel, xix, 3-25. Suit la pro- 54-57; les impuretes sexuelles, XV, 1-33. Une quatrieme
mulgation du Decalogue et des conditions de 1'alliance section expose les rites de la fe"te annuelle de 1'expia-
qui forment le livre de 1'alliance, xx, 1-xxin, 33. Ce tion, xvi, 1-34. Apres une loi speciale sur Pimmolation
livre, ainsi nomme, xxiv, 7, comprend jfa loi de I'autel, des victimes et la defense de manger le sang et les
xx, 24-26, des lois sur les esclaves, xxi, 1-11, sur 1'homi- betes mortes, xvn, 1-16, une cinquieme section groupe
cide et les rixes, 12-27, sur les dommages causes par les lois concernant la purete exterieure et inte-
les animaux, 28-36, sur les voleurs, xxn, 1-4, les damni- rieure, xvm, 1-5, a savoir les mariages interdits, xvnr,
ficateurs, 5, 6. les depositaires negligents, 7-13, sur le 6-30; les devoirs envers Dieu et le prochain, xix, 1-18,
pret, 14, 15, sur des points de morale ou de religion, et differents preceptes de meme nature, xix, 19-37. Des
xxn, 16-xxni, 9, sur 1'annee sabbatique et le sabbat, peines severes sont portees contre les violateurs de ces
10-12, et les trois fetes annuelles, 13-19. Des promesses dispositions, xx, 1-27. Lois speciales sur la saintete des
sont altachees a 1'observation de ces lois, 20-33. Voir pretres, irregularites sacerdotales, xxi, 1-24. Conditions
t. i, col. 388. L'alliance, fondee sur ces conditions, est a remplir par les pretres et les membres de leurs
conclueentre Dieu et Israel, xxiv, 1-8. Dieu se manifeste families pour pouvoir manger les choses saintes, xxii,
aux anciens du peuple, puis a Moise seul qui, pendant 1-16. Qualites que doivent avoir les victimes des sacri-
quarante jours et quarante nuits au sommet de la mon- fices, 17-30. Conclusion, 31-33. Liste des fetes a celebrer,
tagne, recoit du Seigneur une description precise de xxin, 1-44. Loi sur 1'huile du tabernacle et les pains
1'arche d'alliance, de la table des pains de proposition, de proposition, xxiv, 1-9. A 1'occasion d'un fait parti-
du candelabra a sept branches, du tabernacle et de culier, peine portee contre les blasphemateurs, xxiv,
I'autel des holocaustes, des vetements sacerdotaux, des 10-23. L'annee sabbatique et le jubile, xxv, 1-55. Pro-
rites de la consecration des pretres, diverses lois, la messes et menaces pour 1'observation ou la violation de
designation des constructeurs du tabernacle et une loi la loi divine, xxvi, 1-45. Loi sur les vceux et les dimes,
relative a 1'observance du sabbat, xxiv, 9-xxxi, 18. Le xxvn, 1-34.
recit historique reprend. Pendant 1'absence prolongee 4° Nombres. — Ce livre reprend le recit du sejour
de Moise, le peuple adore le veau d'or. Dieu s'en irrite; des Israelites dans le desert, recit qui avail ete inter-
59 PENTATEUQUE 60
rompu par 1'expose de la legislation donnee par Dieu a Madianites, xxxi, 1-54. Attribution du pays situe a Test
Moi'se sur le Sinai'. II le reprend au depart du Sinai', du Jourdain aux tribus de Ruben et de Gad et a la
au second mois de la seconde annee apres la sortie demi-tribu de Manasse, xxxn, 1-42. Resume des stations
d'Egypte, et il le conduit jusqu'au onzieme mois de la des Israelites dans le desert, xxxin, 1-49. Ordre donne
quarantieme annee du sejour dans le desert. Mais par Dieu d'exterminer les Chananeens, xxxin, 50-56.
1'histoire de ces 38 annees n'est pas racoritee en detail; Limites de la Terre Promise et noms des hommes qui
seuls, les evenements du debut et de la fin de cette feront le partage du pays conquis, xxxiv, 1-29. Villes
periode sont rapportes. Deslois nouveiles sont inserees levitiques et villes de refuge, xxxv, 1-15. Lois sur
dans la trame des faits. Les Nombres peuvent done se di- 1'homicide volontaire et involontaire et sur le mariage
viser en trois parties : — I re partie. Evenements qui se des filles heritieres, xxxv, 16-xxxvi, 12. Conclu-
sont produits depuis les preparatifs du depart du Sinai sion, ?. 13.
jusqu'a la condamnation divine du peuple revolte, i-xiv. L'analyse precedente, qui est tout a fait objective,
— Elle se subdivise en deux sections : — ire section. montre clairement que si, dans les livres du milieu,
Preparatifs du depart : 1° recensement du peuple d'oii Exode, Levitique et Nombres, le recit historique se
le livre a pris son nom, et office des levites, i, 1-54; developpe d'une facon assez coherente pour 1'ensemble,
2° ordre des campements, n, 1-34; 3° genealogie, office, dans un cadre a la fois chronologique et geographique,
recensement et place des levites, in, 1-39; recense- trace par les stations ou campements successifs des
ment des premiers-nes que remplacent les levites, 40- Israelites dans le desert, et que si la legislation sinai-
51; offices de chaque famille de levites, iv, 1-33; reca- tique s'y insere naturellement a sa date, cependant les
pitulation, 34-49; 4° lois particulieres, dont la premiere lois sont souvent groupees en codes ou recueils distincls,
concerne la purete du campement, v, 1-vi, 27; 5° re- qui sont juxtaposes plutot que coordonnes, et les pres-
tour en arriere et recit de ce qui s'est passe au premier criptions elles-memes de chaque code ne sont pas tou-
mois de la seconde annee, lors de 1'erection du taber- jours logiquement distributes; beaucoup semblent etre
nacle, cf. Exod. XL, 1; offrande de chariots pour porter des lois complementaires ou explicatives des prece-
le tabernacle, et autres offrandes des princes de chaque dentes. II y a done, dans ces livres et dans leurs
tribu, Num., vn, 1-89; loi relative au candelabra, YIII, parties, un certain ordre; mais il n'est pas toujours
1-4; consecration des levites et duree de leur ministere, apparent, et la disposition actuelle trahit certaines
vin, 5-26; la Paque de la seconde annee, avec une repetitions, qui proviennent de la maniere dont la loi
Paque extraordinaire, ix, 1-14; signaux de la levee du mosai'que a ete promulguee. Elle n'a pas ete faite d'un
camp, la nuee lumineuse et le son des trompeltes, ix, seul coup, mais progressivement et au jour le jour. Le
15-x, 10. — ne section. Depart du Sinai! jusqu'a la de- legislateur est revenu plusieurs fois sur les memes
faite des Israelites par les Amalecites : le 22 du second sujets, en expliquant ou completant ses premieres
mois de la deuxieme annee, levee du campement et ordonnances. Voir t. iv, col. 337-339. Pour les divisions
ordre de la marche, x, 11-28; Moi'se invite Hobab a le logiques de la legislation mosai'que, voir t. iv, col. 327-
suivre, 29-32; apres trois jours de marche, murmure 332.
du peuple puni par 1'incendie d'une partie du camp, xi, 5° Deuteronome. — Ce livre a, dans le Pentateuque,
1-3; le peuple venu d'Egypte, las de la manne, veut de une physionomie a part. II ne se rattache pas aux
la viande; Dieu donne a Moi'se des aides pour gouverner Nombres comme ceux-ci aux deux livres precedents, et
et envoie des cailles, xi, 6-34; reproches d'Aaron et de il se distingue des autres parties du Pentateuque en
Marie centre Moi'se; Marie est couverte de lepre, xu, ce qu'il se compose principalement, non de recits,
1-15. De Pharan, Moi'se envoie au pays de Chanaan des mais de discours prononces par Moise dans les plaines
explorateurs dont le recit, a leur retour, provoque une de Moab, le onzieme mois de la 40e annee du sejour au
sedition du peuple, xm, 1-xrv, 10; Dieu fait perir les desert. D'autre part, il forme, dans 1'ensemble, un tout
explorateurs coupables et condamne les Israelites re- com'plet. Son plan est simple. Inde'pendamment du
voltes a sejourner quarante ans dans le desert, xiv, 11- titre, I, 1-4, il comprend quatre discours. — Le pre-
38; le peuple prend les armes, mais est tattu par les mier, i, 6-iv, 43, scrt d'introduction au livre entier. On
Amalecites, xiv, 39-45. — IIe partie. Quelques episodes y distingue : 1° un resume historique des faits qui ont
des quarante ans du sejour dans le desert. — Lois di- suivi la promulgation de la Loi au Sinai', i, 6-m, 29;
verses, xv, 1-31; un violateur du sabbat lapide, xv, 32- 2° une exhortation a observer cette Loi, iv, 1-40. Ce
36; loi des franges aux vetements, xv, 37-41. Revolte premier discours est suivi de deux enclaves : 1° un
de Core, de Dathan et d'Abiron, xvi, 1-40; punition des fragment historique sur les villes de refuge situees a
murmures du peuple, xvi, 41-50; la verge d'Aaron 1'est du Jourdain, iv, 41-43; 2°un preambule historique
ileurit, xvn, 1-13. Offices, droits et charges des pretres preparant le discours qui va suivre, iv, 44-49. — Le
et des levites, xvui, 1-32; immolation de la vache second discours, v-xxvi, fait le fond du livre. II debute
rousse, et lois de purification, xix, 1-22. — III6 partie. par un rappel de la Loi sinaiitique et il reproduit le
Derniers evenements de la fin du sejour dans le desert. decalogue, v, 1-vi, 3. II se subdivise ensuite en deux
— Apres la mort de Marie, revolte a Cades; Moiisefrappe parties : la premiere, vi, 4-xi, 32, est parenetique; elle
deux fois le rocher, xx, 1-13; ambassade au roi d'Edom expose les motifs que les Israelites ont d'obeir a la loi
qui refuse le passage sur ses terres, xx, 14-21; mort et elle les exhorte a 1'obeissance. On a signale, x, 6, 7,
d'Aaron a Hor, xx, 2,2-30; \ictoire remportee SUT le roi un passage qui semble etre une interpolation. Le ver-
Arad, xxi, 1-3; les Israelites contournent 1'Idumee, se set 8 fait naturellement suite au verset 5. Meme consi-
plaignent de Moi'se et sont punis par des serpents de deres comme une parenthese, les versets 6 et 7 ne
feu, xxi, 4-9; itineraire suivi jusqu'a 1'Arnon; chant de s'expliquent guere et rompent tres malencontreusement
1'Arnon et chant du puits, xxi, 10-20; expedition centre le resume historique, au milieu duquel ils sont intro-
Seon et chant d'Hesebon, xxi, 21-30; victoire remportee duits. La seconde partie du discours, xu, 1-xxvi, 15,
sur Og, xxi, 31-35. Dans les champs de Moab, benedic- contient un code de lois, essentiellementmorales etreli-
tions et oracles de Balaam, xxn, 1-xxiv, 25; crime des gieuses, qu'on a diversement groupees : 1° Lois reli-
Israelites, zele de Phinees et ordre d'exterminer les gieuses: unite du culte, xu, 2-27; interdiction de 1'ido-
Madianites, xxv, 1-18. Nouveau recensement du peuple, latrie, xu, 28-xni, 18; prohibition de quelques usages
xxvi, 1-65. Loi sur les filles heritieres a 1'occasion des paiiens et distinction des animaux purs et impurs, xiv,
filles de Salphaad, xxvii, 1-11. Josue est institue suc- 1-21; paiementde la dime, xiv, 22-29; 1'anneesabbatique,
cesseur de Moise, XXYII, 12-23. Lois sur les sacrifices, xv, 1-18; offrande des premiers-nes des troupeaux, xv,
les fetes et les vceux, XXYIII, 1-xxx, 17. Victoire sur les 19-23; les trois fetes annuelles, Paque, Pentecote et
61 PENTATEUQUE 62
Tabernacles, x\i, 1-17; 2° institutions publiques : les Vloten et Land, La Haye, 1895, t. ir, p. 56-58; Richard
juges, xvi, 18-xvii, 13; le roi futur, xvn, 14-20; les Simon, Critique de la Sibliotheque des auteurs eccle-
pretres et les levites, XYIII, 1-8; les faux et les vrais siastiques, Paris, 1730, t. HI, p. 195-221. Andre Masius,
prophetes, xvm, 9-22; 3° la justice criminelle : les Josuse imperatoris historia illustrata, Anvers, 1574,
villes de refuge, XIX, 1-13; le emplacement des bornes praef., p. 2, dans Migne, Cursus completus Script.
des champs, xix, 14; les temoins, xix, 15-21; 4° la Sac., t. VH, col. 853, affirma que le Pentateuque avait
guerre, les exempts et la maniere de traiter les enne- ete explique et complete longtemps apres Moi'se et il
mis, xx, 1-20; 5° meurtre dont les auteurs sont incon- signala le nom d'Hebron, substitue a Cariath-Arbe,
nus, xxi, 1-9; 6° traitement des femmes prises a la comme un exemple de ce travail d'adaptation poste-
guerre, xxi, 10-14; 7° droit prive : droit d'ainesse, xxi, rieure. Les jesuites Benoit Pereira, Comment, et disp.
15-17; conduite a 1'egard d'un fils rebelle, xxi, 18-21; in Gen., Lyon, 1594, t. i, p. 13-14; Jacques Bonfrere,
coupables punis de mort, xxi, 22, 23; animaux et objets Pentateuchus, Anvers. 1625, p. 93-94 ; Tirin, Comment.
perdus, xxn, 1-4; vetements, nids d'oiseaux, construc- in V. et N. T., cite dans Jean de la Haye, EibMa
tion des maisons, melanges disparates, franges, xxii, maxima, Paris, 1669, t. in, p. 582, reconnaissaient
5-12; des vierges, xxn, 13-30; de ceux qui ne peuvent dans le texte actuel des additions, faites par des scribes
faire partie d'Israel, xxni, 1-8; hygiene des camps, inspires apres Moi'se, et ils citaientGen., xiv, 14; Num.,
xxm, 9-14; esclaves fugitifs, prostituees, usure, Yoeux, xn, 3; xxi, 14, 15. Jansenius, eveque d'Ypres, Penta-
droit de prendre dans les vignes et les moissons, xxni, teuchus, Louvain, 1685, praf., p. 2, admettait aussi
15-25; divorce, xxiv, 1-4; le nouveau marie, 5; droits quelques additions de cette nature. Corneiile de la
des pauvres, 6-22; la flagellation, xxv, 1-3; le boeuf qui Pierre, Comment, in Pent., arg., dans Comment, in
foule 1'aire, 4; loi du levirat, 5-10; poids et mesures, 13- V. etN. T., Lyon, 1732, t. i, p. 18, emit meme 1'hypo-
16; extermination des Amalecites, 17-19; les premices these que Moi'se avait redige le Pentateuque par ma-
et les dimes, xxvi, 1-15. Peroraison : exhortation a niere de journal et d'annales, et que Josue ou un autre
observer ces lois, 16-19. — Dans le troisieme discours, avait mis en ordre ces annales en y inserant quelques
xxvii-xxvm, Moi'se ordonne aux Israelites, lorsqu'ils additions, telles que le recit de la mort de Moi'se, son
auront passe le Jourdain, d'elever un autel sur lequel eloge, Num., XII, 3, et en modifiant ou completant
ils graveront le Deuteronome, et il leur trace les bene- certains details, comme Gen., xiv, 14; Num., xxi, 14,
dictions et les maledictions a prononcer ce jour-la, 15, 27. Au siecle suivant, un autre jesuite, le P. Veith,
xxvn, 1-26. Moi'se prononce lui-meme les benedictions Sacra Scriptura contra incredulos propugnata, part. I,
reservees aux observateurs de la Joi et les maledictions sect, i, q. in, n. 8, 9, dans Migne, Cursus completus
qui frapperont les rebelles, xxvin, 1-68. Le verset 69 Script, sac., t. iv, col. 22, note; 2* edit., col. 195-196,
de 1'hebreu (Vulgate, xxix, 1) sert de conclusion a ce est du meme sentiment que Corneiile de la Pierre.
discours. — Un quatrieme discours, xxix, 1 (Vulgate 2) Bellarmin, Controversies, Milan, 1721, t. I, p. 166,
xxx, 20. resume les bienfaits de Dieu envers Israel, attribuait a Esdras une revision du Pentateuque, com-
exhorte a observer 1'aIJiance juree et a ne pas y etre in- prenant 1'addition du dernier chapitre du Deuteronome
fidele, annonce le pardon aux coupables, montre que la et 1'insertion de quelques details dans le texte. Dom
loi est facile a observer et reitere les benedictions et les Calmet, Commentaire litteral, 2 e edit., Paris, 1724,1.1,
maledictions. p. 9; t. n, p. 401, admettait, avec 1'addition finale,
Le recueil de ces quatre discours est complete par 1'introduction de quelques gloses dans le texle origi-
une conclusion historique, relatant les derniers evene- nal. C'est devenu au xixe siecle 1'enseignement des
ments de la vie de Moi'se, xxxi-xxxiv. Moi'se choisit exegetes et des theologiens catholiques que 1'ceuvre de
Josue comme son successeur, ordonne de lire la loi au Moi'se a subi des changements de noms propres etdes
peuple tous les ?ept ans et d'en deposer le texte dans alterations de nombres, des additions et des modifica-
1'arche. xxxi. 1-27; il fait rassernbler les anciens et tions de details, et meme qu'elle a recu peut-etre dans
recite son cantique,'xxxi, 28-xxxn, 47; il contemple de sa partie legislative certaines dispositions complemen-
loin la Terre Promise, xxxn, 48-52. II benit les tribus taires. Haneberg, Histoire de la revelation biblique,
d'Israel, xxxin, 1-29. Sa mort, sa sepulture, son eloge, trad, frang., Paris, 1856, t. i, p. 222-223; J.-T. Lamy,
xxxiv, 1-2. Ces derniers chapitres ne sont pas tres Comment, in lib. Geneseos, Malines, 1883, t. I, p. 36-
etroitement rattaches 1'un a 1'autre et sont comme des 39; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrifl,
appendices ajoutes au Pentateuque entier. 2" edit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 172-179; F. Vi-
III. AITHENTICITE. — Nous revendiquons 1'authenti- gouroux, Manuel biblique, 12e edit., Paris, 1906, t. i,
cite mosai'que du Pentateuque et avec la tradition juive p. 463-477; Ch. Pesch, Apparatus ad historiam cose-
et chretienne nous pensons que Moi'se est 1'auteur du vam doctrinsB inspiralionis penes catholicos, Borne,
livre qui porte son nom. Mais, avant de faire la demons- 1903, p. 75; F. Prat, Le code du Sinai, Paris, 1904,
tration de cette these et de resoudre les objections p. 46-60; Hopfl, Die hohere Sibelkritik, Paderborn,
qu'on lui oppose, il est bon de determiner dans quel 1902, p. 35. Voir t. iv, col. 337-339. Quelques-uns de ces
sens nous entendons maintenir 1'authenticite mosaiique critiques ont, en outre, admis que Moi'se s'etait servi
du Pentateuque et d'indiquer la part que Moi'se a prise de documents anterieurs pour la redaction de la Genese,
a la redaction du livre. et d'autres ont renouvele encore Phypothese de 1'emploi
/. \ATL'RE DE L'ACTHEXTICITE 310SAIQUS. — D'abord, de secretaires, choisis par Moise et controles par lui,
nous ne disons pas avec Josephe, Philon et quelques sinon personnellement inspires, comme 1'avait pense
rabbins juifs, dont les temoignages seronl rapportes Richard Simon. J. Brucker, Authenticite des livres de
plus loin, que Moi'se a personnellement ecrit ou dicte Moise, dans les Etudes, 1888, t. xxni, p. 327-340; card.
le Pentaleuque entier, y compris le recit de sa mort. Meignan, De VEden a Moise, Paris, 1895, p. 68-77;
Deut., xxxiv, 5-12. Deja, des Juifs dans le Talmud attri- Id., David, roi, psalmiste, prophete, Paris, 1889, intro-
buaient a Josue les huit derniers versets de la loi. Au duction, p. XXXIV-LXV.
rapport d'Abenesra (7 1167), le rabbin Isaac ben Jasus M. Hoberg, Ueber negative und positive Pentateuch-
(7 1057) soutenait que Gen., xxxvi, 31, avait ete ecrit kritik, dans Biblische Stttdien, Fribourg-en-Brisgau,
sous le regne de Josaphat. Abenesra lui-meme disait en 1901, t. YI, fasc. 1 et 2, p. 7-9; Moses und der Penia-
terrnes voiles que les passages, Gen., xn, 6; xxn, 14; teuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 47-69, etend davan-
Deut., i, 1, 5; in, 11; xxxi, 9, etaient des additions faites tage le champ des additions historiques et legislatives
au texte primitif ou en contenaient. Cf. B. Spinoza, faites au Pentateuque posterieurement a Moi'se. II signale
Tract, theolog. polit., c. YIII, dans Opera, 2e edit. Van au nombre des premieres la conclusion du Deutero-
63 PENTATEUQUE
nome, xxxi-xxxrv, ajoutee peut-etre par Josue; des listes qu'il ait ecrit lui-meme ou dicte mot a mot a des co-
completees, telles que celle de Gen.,xxxvi, poussee jus- pistes tout le contenu; il suffit que tout ait ete publie
qu'au temps de David ou de Salomon; Exod., xxxvi, 8~ sous sa responsabilite et reproduise fidelement et exac-
xxxix, 43, qui ne serait qu'une repetition retouchee tement ce qu'il avait ordonne a ses secretaires d'ecrire
d'Exod., xxv, 10-xxxin, 43; Exod., xxx; Num., x, 29- en son nom. De meme encore, les additions, telles que
32, 35, 36; xxvn, 14; Deut., m, 86, 11, 14; iv, 41-43; le recit de la mort de Moi'se, des gloses introduites
peut-etre aussi Gen., xxn, 14b; certainement Deut., x, dans le texte, soit pour expliquer des usages anciens,
6-9; xxi, 4; peut-etre les deux chants, Num., xxi, 13 b~ soit pour remplacer des termes archaiques par des
15; 16 6-18; certainement les introductions, Deut., i, formes plus recentes, enfin, les fautes de transcription
1-5; iv, 44-49. II est plus difficile de discerner les ad- ne nuisent pas plus a 1'authenticite qu'a 1'integrite sub-
ditions legislatives. Quelques exemples de transforma- stantielle du Pentateuque. Nonobstant ces additions et
tions paraissent admissibles : ainsi la loi sur la dime modifications, le Pentateuque reste 1'oeuvre de Moi'se
qui se presente sous cinq formes differentes. Exod., auteur responsable et inspire, ayant peut-etre fait redi-
xxn, 28; Num., xvm, 21-32; Deut., xn, 6, 11,17; xiv; ger par ses secretaires une partie de ses recits ou de
22-29; xxvi, 12-15. Toute disposition qui suppose une ses lois.
habitation fixe, comme Lev., xxv, 32-34, est vraisem- //. PREUVES DE L'AUTEENTJCITE MOSAIQUE DU PENTA-
blablement, selon M. Hoberg, d'origine posterieure a TEUQUE. — Que Moi'se ait ecrit le Pentateuque, qui
Moi'se. D'autre part, les reflexions generates, les titres et porte son nom, c'est un fait atteste : 1° par differents
les conclusions des sections appartiendraient rarement temoignages bibliques; 2° par le sentiment perpetuel
au texte original. Moise n'a done pas ecrit chaque mot, des Juifs; 3° par la tradition constante de 1'Eglise ca-
chaque phrase du Pentateuque; il en est 1'auteur; mais tholique ; et 4° confirme par des indices fournis par le
son ceuvre a pu recevoir au cours des siecles quelques livre lui-meme.
additions et modifications, depuis le temps de sa com- 1° Temoignages bibliques de I'activite lilteraire de
position jusqu'apres le retour en Palestine des Ouifs Moise. — Si on ne lit nulle part dans la Bible 1'affir-
captifs a Babylone. mation explicite et formelleque Moise a redige le Pen-
La Commission Mblique a reconnu la legitimite de tateuque entier, il y a cependant, en differents livres
cette'maniere d'envisager 1'authenticite mosai'que du des deux Testaments, des indications et des affirmations
Pentateuque. Le 27 juin 1906, Pie X approuvait les solu- desquelles il resulte que Moise a ecrit des faits, des lois
tions qu'elle avait donnees a quatre questions soumises qui sont contenus dansje Pentateuque. —1. Temoignage
a son examen. Elle maintient d'abord 1'authenticite de du Pentateuque lui-meme. — Le livre entier ne se pre-
ce livre; les trois autres reponses en expliquent la sente pas expressement comme ayant ete compose par
nature : II. Utrum mosaica authentia Pentateuchi Moi'se. Outre qu'il contient, dans son e"1at acluel, le recit,
talem necessario postulet redadionem lotius opens, ut evidemment posterieur, de la mort de Moi'se, il raconte
prorsus tenendum sit Moysen omnia et singula manu- la vie du legislateur hebreu a la troisieme personne et en
sua scripsisse vel amanuensibus dictasse; an etiam style indirect, et les quatre derniers livres n'ont pas la
eorum hypothesis permitti possit qui existimant eum forme litteraire de Memoires du heros dont ils font
opus ipsum a se sub divings inspirationis afflatu 1'histoire. Toutefois le caractere impersonnel du recit
conceptum alteri vel pluribus scribendum commisisse, pent fort bien se concilier avec la redaction par Moise.
ita lamen utsensa sua fideliter redderent, nihil contra On peut dire que la formule : « Dieu dit a Moi'se, »
suam voluntatem scriberent, nihil omitterent; ac tan- si souvent employee, en tete des lois, qui prouve 1'ori-
dem opus hac ratione confectum, ab eodem Moyse gine divine ou la revelation faite a Moi'se, de cette legis-
principe inspiratoque auctore prolatum, ipsiusmet lation, ne signifie pas necessairement que Mo'ise lui-
nomine vulgaretur? Resp. Negative ad primam par- meme a codifie dans le Pentateuque les lois qu'il a
tern, affirmative ad secundam. — III. Utrum absque promulguees. Mais le Pentateuque cependant donne
prsejudicio mosaicse authentic Pentateuchi concedi des indications formelles sur Tactivite litteraire de
possit Moysen ad suum conficiendum opus fontes ad- Moi'se. Apres la bataille centre les Amalecites a Raphi-
hibuisse, scripta videlicet documenta vel orales tradi- dim, le chef des Hebreux recut de Dieu 1'ordre suivant:
tiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi (<^ Ecris cela en souvenir dans le livre et inculque-le
propositum et sub divinse inspirationis afflatu, non- dans les oreilles de Josue. » Exod., xvn, 14. L'ordre
nulla hauseriteaque ad verbuni vel quoad sententiam, divin est certainement restreint a la victoire sur Ama-
contracta vel amplificata; ipsi operi inseruerit? .Resp. lec, dont Israel devait garder le souvenir, Deut., xxv,
Affirmative. — IV. Utrum, salva substantialiter 17-19, et dont le recit fut redige par Moise afin de con-
mosaica authentia et integritate Pentateuchi, ad server la memoire de 1'evenement. Selon la lecon mas-
mitti possit tarn longo sieculorum decursu nonnullas soretique, ISES, Dieu ordonne a Moi'se d'ecrire dans le
ei modificationes-obvenisse, uti .-addimenta post Moysi
morlem vel ab auctore inspirato apposita, vel glossas livre, c'est-a-dire [comme on 1'interprete communement
et explicationes textui interjectas, vocabula queedam dans un livre deja commence et connu,dans un registre
et formas sermone antiquato in sermonem recentio- ou journal ou Moi'se notait les faits memorables de
rem translatas; mendosas demum lectiones vitio ama- 1'histoire d'Israel. En ponctuant ainsi le texte, les mas-
nuensium adscribendas, de quibus fas sit ad normas soretes eux-memes voulaient vraisemblablement desi-
artis criticse dlsquirere et judicare? Resp. Affirma- gner, non pas le livre des justes, F. de Hummelauer,
tive, salvo Ecclesise judicio. Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 182; Deuterono-
C'est sous la triple reserve : 1° de Pernploi de secre- mium, Paris, 1901, p. 152, mais le Pentateuque lui-
traires, choisis et controles par Moi'se, qui aurait publie meme. Cependant les Septante ne lisaient pas 1'article de-
sous sa garantie personnelle le travail commande et fini, puisqu'ils ont traduit ce mot : et; pi6X/ov ou Iv (3t-
surveille parlui; 2° du recours a des documents ecrits §Xiw. Le texte, a leur sentiment, designait done un livre
ou a des traditions orales, reproduits ou utilises par indetermine. J. Kley, Die Pentateuchfrage, Munster,
lui dans son ceuvre personnelle et pour les evenements 1903, p. 217, a pretendu que cette derniere signification
anterieurs a son epoque; 3° de quelques modifications exigerait la lecon nso by, employee dans ce sens. Deut.,
posterieures, 'introduites apres coup dans le Penta- xvn, 18; xxxi, 24; Is., xxx, 8; Jer., xxx, 2; xxxvi, 2.
teuque acheve, que nous soutiendrons 1'authenticite Neanmoins la lecon massoretique, fut-elle originale, ne
mosaiique de ce livre. .Pour attribuer a Moise le Penta- designerait pas necessairement le Penfateuque com-
teuque, nous ne tenons done pas comme necessaire mence; elle conviendrait suffisamment a un li\-re, dans
•65 PENTATEUQUE 66
lequel Moi'se aurait joint ce recit a des recits prece- Ce livre se donne comme une legislation speciale pro-
dents et qui serait reproduit dansle Pentateuque. Plus mulguee par Moise au pays de Moab, iv, 1-40, 44-49;
loin, Exod., xxw, 4, il est dit que Moi'se ecrivit toutes v, 1 sq.; xn, 1 sq. Au debut de leur regne, les futurs
les paroles de Jehovah. Or il ne s'agit naturellement rois d'Israel devaient recevoir des prStres c< un exem-
pas de toutes les revelations'faites par Dieu a Moi'se, plaire de cette loi-ci »,xvii, 18, 19, pour qu'ils la lisent
•puisqu'elles n'etaient pas terminees, ni meme de toutes et 1'observent, et les termes de la recommandation sont
les communications divines anterieures, mais seule- identiques a ceux de Deut., xxxi, 12, 13. La meme loi,
ment des paroles qui precedent immediatement et qui ou au moins une de ses parties, est encore visee dans
contiennent les conditions de 1'alliance conclue entre 1'ordre donne aux anciens de la transcrire sur la pierre,
Dieu et les Israelites, Exod., xx-xxm, du « livre de lorsqu'ils renouvelleront 1'alliance a 1'ouest du Jour-
1'alliance », que Moi'se lut au peuple. Exod., xxiv, 7. dain, xxvn, 1-8. De meme encore, « les paroles de
Cf. Heb., ix, 19, 20. cette loi-ci qui sont ecrites dans ce volume, » xxvni,
Les deux temoignages precedents prouvent deja que 58, qui comprenaient les maledictions et les peines,
Moise avait redige un recit historique et un code legis- portees en ce chapitre contre les violateurs de la loi,
latif, celui de 1'alliance. Un autre petit code de 1'alliance cf. t- 61, et rappelees de nouveau, xxix, 20, 21, 27, aussi
•est encore expressement attribue a Moi'se. De nouveau, bien que les benedictions qui y sont jointes en faveur
Dieu ordonna au legislateur d'ecrire les paroles qu'il des observateurs de la meme loi, xxxn, 46, 47, desi-
vient de prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, et qui con- gnent le Deuteronome. Ce livre legislatif est done de
tiennent les bases de 1'alliance proposee a Israel, Exod., la main de Moise. On attribue encore a Moise la com-
sxxiv, 27, et Moi'se ecrivit les dix paroles de 1'alliance position d'un cantique que Dieu lui avait ordonne
•sur deux tables qu'il avait preparees, Exod., xxxiv, 1, d'ecrire, Deut., xxxi, 19, et qui est cite, xxxn, 1-43.
4, qu'il tenait en mains a la descente du Sinai' et dont Des commentateurs catholiques concluent de Deut.,
il imposa le contenu aux Israelites. Exod., xxxiv, 28, i, 5, ou il est dit que Moise va expliquer la loi, que la
29, 32. Le petit livre (Je 1'alliance, comprenant le Deca- legislation anterieure, dont le Deuteronome n'est qu'une
logue, Exod., xxxiv, 10-26, a done etc redige de la main explication et une repetition, est d'origine mosai'que. Mais
•tie Moi'se. toutefois la loi que Moi'se va expliquer ou mieux re-
Un autre ordre de Dieu impose a Moi'se de decrire commander parait etre plutot, non ceH-e qui precede et
les marches et les stations d'Israel dans le desert. qui est contenue dans les livres du milieu, mais celle qui
Num., xxxin, 1, 2. On a interprete cet ordre de deux suit et qui est promulguee au dela du Jourdain. II faut
facons differentes. Selon les uns, Dieu aurait ordonne a reconnaitre, du reste, que si 1'introduction avait la si-
Moi'se d'ecrire le recit de 1'exode, en suivant 1'ordre gnification qu'on lui donne, elle affirmerait, non pas
des stations et des campements des Israelites. Dans que la legislation precedente a ete redigee par Moise,
cette interpretation, Moi'se serait 1'auteur de la narra- mais seulement qu'elle a ete promulguee par lui. Or,
tion delaillee dont la liste des campements dressee, de la promulgation de la legislation hebrai'que par
Num., xxxui, 3-49, ne serait que le resume. Mais comme Moise on ne peut conclure rigoureusement a sa redac-
•cette liste ne resume pas la narration precedente,puis- tion par Moise dans 1'etat ou elle se trouve actuelle-
qu'elle indique un plus grand nombre de stations, dont ment dans le Pentateuque. Celle-ci est possible, vrai-
quelques-unes sont differentes, il vaut mieux, semble- semblable meme, mais elle n'est pas dernontree par le
t-il, avec d'autres, restreindre cet ordre a la liste elle- seul fait de la promulgation mosai'que.
*neme des stations qui, suivant cette explication, serait 2. Temoignages des autres livres de I'Ancien Testa-
4'oeuvre de Moi'se. ment. — Le livre de Josue parle a plusieurs reprises
Parce que les temoignages precedents n'attribuent d'une loi, provenant de Moi'se. D'abord, Dieu ordonne
pas explicitoment a Moi'se la redaction du Pentateuque a Josue d'observer lui-meme et de faire observer aux
entier, et ne lui en rapportent que des portions seule- autres la loi de Moi'se et il lui recommande de mediter
rnent, les critiques modernes veulent en conclure le volume de cette loi. Jos., i, 7-8. Si les termes de
qu'ils restreignent la composition mosai'que a ces par- cet ordre ne disent pas explicitement qu'il s'agit de
ties et qu'ils excluent celle du tout. Mais cette conclu- tout le Pentateuque, ils ne Fexcluent pas non plus. Le
sion n'est pas legitime. La redaction des passages men- renouvellement de 1'alliance, accompli conformement
tionnes est toujours executee par ordre divin. En aux ordres de Moise tels qu'ils sont ecrits dans le livre
ordonnant a Moi'se d'ecrire le recit des evenements les de la loi de Moi'se, Jos., vin, 30-35, vise directement
plus notables pour en garder le souvenir et les dispo- les prescriptions de Deut., xxvn, 1-8, avec les benedic-
sitions fondamentales de son alliance avec Israel, Dieu tions et les maledictions contenues Deut., xxvn, 9-
ne lui interdisait pas de relater 1'histoire entiere des xxvin, 68; mais la maniere dont parle 1'auteur sacre
Israelites au desert ni de rediger toutes les lois qu'il suppose qu'il y a aussi autre chose dans le livre de la
1'avait charge de porter. Son ordre de mettre par ecrit loi. Avant de mourir, Josue exhorte les Israelites a
les fails et les lois les plus importants est loin d'exclure observer tout ce qui est ecrit dans le volume de la loi
la relation des autres evenements et des autres disposi- de Moise, Jos., xxm, 6, ce qui designe, en le prenant
tions legislatives. dans le sens le plus restreint, le Deuteronome. Enfin,
Le Deuteronome, compose de discours prononces par apres 1'alliance solennelle conclue a Sichem, Josue
Moise, nous fournit une indication sur 1'activite litte- dressa un statut et une ordonnance, et il ecrivit toutes
raire de Moi'se dans Pepilogue, xxxi. Sur le point de ces paroles « dans le livre de la loi de Dieu ». Jos.,
inourir, Moise, apres avoir institue Josue son succes- xxiv, 25-26. Ce texte signifie que Josue a ajoute ses
seur, remet aux pretres et aux anciens cette loi-ci qu'il ordonnances en les ecrivant a la suite du livre ou
avait ecrite et il leur ordonne de la faire lire tous les etaient contenues celles de Moise. La legislation de
•sept ans au peuple assemble pour que tous en con- Moi'se etait done ecrite et revelee par Dieu. Voir Ho-
naissent et en observent les preceptes, 9-13. Ayant berg, Ueber den Ursprung des Pentaleuchs, dans Bi-
acheve d'ecrire « les paroles de cette loi dans un livre », blische Zeitschrift, 1906, t. iv, p. 340, qui pense que
il ordonne aux levites de porter ce livre aupres de ce volume de la loi de Dieu est le Pentateuque. II
1'arche d'alliance,pour qu'il serve de temoignage contre designe au moins le Deuteronome.
•ceux qui en violeront les dispositions, 24-26. On ne peul Les livres des Juges et de Samuel ne parlent pas en
pas affirmer avec certitude que cette loi est le Pentateuque propres termes du Pentateuque, mais ils supposent
-entier, car elle peut n'etre que celle a laquelle le son existence. Voir Jud., i, 5, et Exod., xxxm, 2,
<:. xxxi est ratfache : la legislation du Deuteronome xxxiv, 11; Deut., vw, 1, etc.; Jud., u, 1-3, et Exod.;
DICT. DE LA BIBLE. V. - 3
67 PENTATEUQUE
xxxiv, 12-13; Deut., vii, 2, 5; Exod., xsni, 32; Deut., 10-11, mais aussi a Lev., xix, 31; xx, 6, 27; sur ce que le
xn, 3; Num., xxxm, 35, etc.; Jud., xi, 15, et Num.,xx, style de ce verset ressemble a celui de Lev., xix, 31;
14-21; xxi, 21-24, etc.; I Reg., i, 3; 11, 13, et Deut., xvm, xx, 6, 27; Gen., xxxi, 19, 34, 35, et enfin sur le senti-
3; 1 Reg., xv, 29, etNum., xxm, 19; I Reg., xu, 3, et ment de Josephe, Ant. jud., X, iv, 2, dans Opera,.
Num., xvi, 15; Lev., v, 13, etc. Les livres des Rois (III Amsterdam, 1724, t. n, p. 517. qui dit que Helcias
et IV) composes vers 1'epoque de la captivite, parlent iiuyxavev TOCI; tspat; pt6).oc;ToO Mwjffew;.Cespreuves ne-
plusieurs fois de la loi de Moi'se et c'est sans raison sont pas decisives. L'auteur des Paralipomenes a de-
suffisante qu'on veut restreindre cette expression au crit les rites de la Paque d'apres les livres du milieu.
Deuteronome seul. I (III) Reg., n, 3; x, 31. L'auteur Les prophetes anterieursa la captivite ne parlent pas
remarque qu'Amasias, quand il fit perir les meurtriers de la loi ecrite de Moi'se. Us parlent souvent,il estvrai,.
de son pere, epargna leurs enfants«. selon ce qui est ecrit de la loi de Dieu. Visent-ils un code ecrit et notam-
dans la loi de Moise ». II (IV) Reg., xiv, 6. Les etran- ment le Pentateuque? Beaucoup d'exegetes le pensent
gers, exportes a Samarie, n'observaient pas les ordon- et signalent toute mention de la loi divine par les pro-
nances que Dieu avait donnees aux ills de Jacob. Le phetes comme un indice certain de 1'existence du Pen-
pretre Israelite qui fut envoye pour les instruire leur tateuque. Mais il faut se rappeler la double signification
precha 1'observance des lois ecrites que Dieu avait im- du mot tordh. Son sens propre est celui d'instruction
posees aux Israelites. II (IV) Reg., xvu, 34-39. Les revelee et designe strictement toute expression de la
habitants du royaume de Juda ont ete seduits par Ma- volonte divine. Ce n'estquepar extension que ce terme-
nasse, leur roi idolatre, et n'ont pas tenu compte des a servi a nommer les cinq premiers livres de la Bible,
inagnifiques promesses que Dieu avait faites a David et dans lesquels 1'element legislatif predomine. Or, on ne
a Salomon si leurs sujets observaient fidelement toute sait pas au juste a quelle date cette seconde significa-
la loi que Moise avait ordonnee. II (IV) Reg., xxi, 8. tion est entree dans 1'usage, et c'est precisement ce
Cf. I (III) Reg., ix, 6-9. qu'il faudrait fixer. II faut done etudier les cas parti-
La 18e annee du regne de Josias (621), en restaurant culiers. Amos, n, 4, 5, parle une fois et d'une facon-
le Temple de Jerusalem, on retrouva mi Pin ISD, II (IV) generate de la loi de Jehovah et de ses commandements,
dont la violation attirera sur Juda les punitions divines.
Reg., xxn, 8, 11, cf. xxm, 24, appele encore nnsn "isp, Osee, vm, 2, reproche aux Israelites d avoir transgresse
xxin, 2, et c'est conformement a cette loi retrouvee 1'alliance divine, cf. vi, 7, et viole la loi; ils en seront
que le roi accomplit une importante reforme religieuse. punis, et Dieu ne leur ecrira plus de multiples lois qui
II (IV) Reg., xxm, 1-24. Voir t. in, col. 1680-1681. Or leur demeurent etrangeres, ji. 12. II est evidernment
cette loi etait la loi de Moise, puisqu'il est dit, xxm, 25, question de nombreuses lois divines ecrites, et on a le-
qu'aucun roi ni avant ni apres ne ressembla a Josias droit d'y voir une allusion au Pentateuque. Pour Isai'e,
pour 1'observation complete de cette loi. Mais quelle la loi est sa propre prophetie, i, 10; v, 24', vm, 16, 20;.
etait cette loi mosaiique retrouvee au Temple? Plusieurs la loi de Dieu est la parole des prophetes, xxx, 8-11, ou,
Peres de 1'Eglise ont remarque, justement semble-t-il, la revelation future aux temps messianiques, n, 3. Cf..
que cvetait le Deuteronome. S. Athanase, Epist. ad Mich., iv, 2. La transgression des lois divines et la vio-
Marcellin., 32, t. xxvn t col. 44; S. Jerome, Adv. Jo- lation de 1'alliance, reprochees v, 24; xxiv, 5, ne con-
vinian., I, 5, t. xxm, col. 217; Comment, in Ezech., cern ent pas necessairement des lois ecrites; s'il avait
I, 1, t. xxv, col. 17 ; S. Chrysostome, In Matth., en vue un code, le prophete ne dit rien de son origine
bom. ix, 4, t. LVII, col. 181; In 1 Cor., bom. vii, mosai'que. Sophonie, in, 4, reproche aux pretres de son.
3, t. LXI, col. 58; Procope de Gaza, Comment, in temps d'avoir viole la loi. Jeremie n'envisage que la.
Deut., xvii, 18, t. LXXXVII, col. 916. La plupart des parole de Dieu en general, vi, 19, et la predication*
critiques modernes reconnaissent aussi dans ce code le prophe'tique, xxvi, 4-5. Mais il parle d'une loi divine
Deuteronome tout entier, ou au moins en partie. Les et de preceptes, violes par ses contemporains et leurs
points, sur lesquels s'est faite la reforme : 1° 1'abolition ancetres, ix, 13; xvi, 11, 12; xxxn, 23; XLIV, 10, 23;
des cultes etrangers et de leurs infiltrations dans le d'une loi que les pretres tenaient dans leurs mains,
culte de Jehovah; 2° la centralisation du culte de Je- II, 8; xvm, 18; et d'une loi ecrite, qu'il oppose a la
hovah au Temple de Jerusalem; 3° la celebration cor- plume mensongere des scribes, vm, 8. II rappelle aussi
recte de la fete de Paqne, sont specialement recom- 1'alliance contractee par les Israelites avec Dieu apres-
mandes par le Deuteronome, xn, 2-32; xvi, 1-8. En la sortie d'Egypte, xi, 2-8; mais elle n'imposait pas
outre, bien que ce livre ne soil pas nomme « livre de 1'offrande des holocaustes et des sacrifices, vn, 21-25.
1'aIIiance », il a ete redige en vue de renouveler Elle sera remplacee par une alliance nouvelle, dans
'1'alliance contractee a 1'Horeb entre Dieu et le peuple laquelle Dieu eerira sa loi dans les coeurs, xxxi, 31-33..
d'lsrael, v, 2, 3; xxvi, 17-19; xxix, 8, et les termes de II y a ici encore opposition a une loi ecrite, qui ne
1'alliance renouvelee par Josias, II (IV) Reg., xxm, 3, peut e"tre que celle de Moi'se.
sont des expressions deuteronomiques. Enfm, la re- Pendant la captivite, Baruch, n, 2, 28, nomme
ponse de la prophetesse Holda vise les maledictions, expressement la loi ecrite par Moise; les termes dont
Deut., xxvin; le contenu legislatif du livre retrouve il se sert correspondent assez bien au Deuteronome,
est designe par les termes usites Deut., iv, 45; vi, 20 * xxvm, 15, 53, 62-64, sans toutefois lui convenir exclu-
et 1'eloge du roi est fait aussi en termes deuterono- sivement, et on y trouve des allusions aux autres male-
miques. Le livre retrouve etait done bien le Deutero- dictions contenues dans le Pentateuque. Le meme
nome, nomme la loi de Moi'se. F. de Hummelauer, prophete, HI, 9-14, 35-iv, 4, fait 1'eloge de la sagesse con-
Deuteronomium, Paris, 1901, p. 46-60, 83-87. Cepen- tenue dans le livre des preceptes de Jehovah, en des
dant, quelques exegetes catholiques, Glair, Les livres traits analogues a ceux du Deuteronome, xxx, 11-14.
des Rois, Paris, 1884, t. n, p. 557-558; Hoberg, Moses Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, p. 101-102..
und der Pentatzuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 17- Ezechiel, qui, en vue de la restauration future d'lsrael,
8; Ueberden UrsprungdesPentateuchs,&y&sBiblische redige une loi ceremonielle, fait peu d'allusions a une
Zeilschrift, 1906, t. iv, p. 338-340, pensent que le livre legislation anterieure. Comme Jeremie, xvm, 18, il
retrouve etait le Pentateuque entier. Us s'appuient sur predit que les pretres laisseront perir la loi qu'ils ont
le recit parallele, II Par., xxxiv, 8-xxxv, 19, qui certai- dans les mams, -vn, %; il accuse les pretres de Jerusa-
nement parle du Pentateuque entier (voir plus loin), lem d'avoir meprise la loi de Dieu, d'avoir souille les
sur ce que les partieularites de la reforme decrites, sanctuaires, de n'avoir pas sti distinguer entre les choses-
xxm, 2i, ne conviennent pas seulement a Deut., xvm, profanes et les choses sacrees, les puretes et les impu-
69 PENTATEUQUE 70
retes, et d'avoir detourne ie peuple de la celebration du nait la legislation promulguee par Moi'se, dans le meme
sabbat, xxn. 26. Daniel parle de la loi divine, promul- sens que « les paroles que Jehovah a ditcs par 1'inter-
guee par les prophetes et violee par Israel; il ajoute mediaire de Moi'se ». II Par., xxxv, 6. Mais le sens
que cette violation de la loi a attire sur les coupables naturel est que cet ecrivain entendait parler du Penta-
la malediction ecrite dans le livre de Moi'se, ix, 10-13. teuque redige par Moi'se.
Apres la captivite, Zacharie, vrr, 12, mentionnelaloi. Enfin, 1'auteur de PEcclesiastique, xxiv, 33; LXV, 6,
Malachie reproche aux pretres d'avoir rompu le pacte ne parle de Moi'se que comme iegislateur; mais son
conclu entre Dieu et Levi et d'avoir neglige la connais- petit-fils, dans la preface qu'il mit en tete de sa traduc-
sance de la loi et le devoir de la faire observer, n, 4-9; tion grecque, nomme a trois reprises la Loi, qu'il place
il reproche aussi a Juda d'avoir transgresse 1'alliance a cote des prophetes et des autres livres et qu'il consi-
divine et le menace des chatiments divins, u, 10-16. dere ainsi comme un recueil distinct; il designe sous
Mais il fait da vantage; il rappelle le souvenir de la loi ce nom les cinq livres du Pentateuque. L'auteur du
de Moi'se, donnee par Dieu sur le mont Horeb, loi qui second livre des Machabees, vn, 6, cite le cantique de
contenait des preceptes et des ordonnances pour lout Moise, Deut., xxxn, 36, comme ceuvre de Moi'se.
Israel, iv, 4 (hebreu, in, 22). Josue et Zorobabel, rentres Ainsi, les premiers temoignages de 1'Ancien Testa-
a Jerusalem, y eleverent un autel pour offrir des holo- ment attribuent explicitement a Moise la composition dt
caustes conformement aux dispositions ecrites de la loi quelques parties du Pentateuque actuel, recits ou lois,
de Moi'se, et ils celebrerent la fete des Tabernacles et notamment le Deuteronome. Esdras, Nehemie et 1'au-
comme il est ecrit de le faire. I Esd., in, 2, 4. Quand teur des Paralipomenes lui reconnaissent formellement
le Temple fut rebati et consacre, on etablit les pretres la redaction du Pentateuque entier. La tradition juive la
et les levites dans leurs fonctions, comme il est ecrit plus ancienne a done signale le Jegislateur hebreu
dans le livre de Moi'se. I Esd., vi, 18. Esdras, au temoi- comme auteur du Pentateuque.
gnage d'Artaxerxes lui-meme, rapporta a Jerusalem le 3. Temoignages du Nouveau Testament. — Notre-
livre de la loi de Dieu. I Esd., vn, 14. Nehemie, a la Seigneur et ses Apotres ont parle a diverses reprises
cour d'Artaxerxes, fait a Dieu 1'aveu des prevarications de Moi'se comme ecrivain et de la Loi comme son ceuvre.
de ses peres, qui n'ont pas observe les preceptes, les Lorsque les sadduceens interrogent Jesus sur la resur-
ceremonies, ordonnees par Moi'se; il rappelle aussi la rection, ils citent la loi du levirat comme ecrite par
menace centre les prevaricateurs, et la promesse de Moi'se. Matth., xxn, 24; Marc., xn, 19; Luc., xx, 28.
les retablir, s'ils se convertissaient et pratiquaient les Jesus n'examine pas cette affirmation, emise incidem-
preceptes, menace et promesse faites a Moi'se. II Esd., i, ment et comme moyen de preuve ; il se borne a refuter
7-9. La reforme d'Esdras fut entreprise a la suite de la par 1'Ecriture, Matth., xxn, 29; Marc., xii, 24, Ferreur
lecture et de 1'explication du livre de la loi de Moi'se, de ses interrogateurs, et il cite un passage du livre de
et la fete des Tabernacles fut celebree conformement Moi'se. Matth., xxn, 31; Marc., xn, 26; Luc., xx, 37.
aux dispositions ecrites dans cette loi. II Esd., vin, Son affirmation porte directement sur le caractere
1-18. On continua la lecture du volume de la loi de scripturaire plutot que 'sur 1'origine mosai'que de ce
Jehovah. II Esd., ix,3. Le renouvellement de 1'alliance passage. Notre-Seigneur emploie plusieurs fois 1'ex-
fut fait aussi conformement a la loi divine, donnee par pression usuelle « la Loi » pour designer le Pentateuque;
Moi'se, II Esd., x, 29, ainsi que la fourniture du bois son apposition a la designation technique : « les Pro-
destine aux sacrifices. II Esd., x, 36. Plus tard, Nehe- phetes. » le montre bien. Luc., xiv, 16, 17. Dans la pa-
mie regla encore ia question des manages mixtes en rabole du riche et de Lazare, c'est « Moi'se » qu'il place
conformite avec ce qu'il avail lu dans le volume de a cote des « prophetes », et il entend bien Moi'se et les
Moi'se. II Esd., xin, 1-3. Or, ce volume n'etait pas seu- prophetes dans leurs livres. Luc., xvi, 29,31. De meme,
lement le code sacerdotal, comme le pretendent les pour montrer aux disciples d'Emmaiis que sa passion
grafiens, c'etait le Penlateuque entier, puisque le livre et sa mort avaient etc predites, il commenca par
contenait des prescriptions du Levitique, xxm, et du « Moi'se » et continua par « tous les prophetes », inter-
Deuteronome, vrr, 2-4 ; xv, 2. Enfin, Esdras et Nehemie, pretant toutes les Ecrilures qui parlaient de lui. Luc.,
par les designations qu'ils donnaient de ce livre, ne xxiv, 27. Dans ses dernieres recommandations aux
voulaient pas parler seulement du volume qui conte- Apotres, il leur rappelle qu'il etait necessaire que s'ac-
nait la legislation divine, promulguee par Moi'se, mais complit tout ce qui etait ecrit de lui dans la loi de
bien le livre de la loi de Dieu, ecrit par Moi'se. C'est Moi'se, les prophetes et les Psaumes; il leur ouvritl'in-
1'interpretation la plus naturelle et la plus commune telligence pour comprendre les Ecritures et il leur dit
de leurs ecrits. qu'il etait ecrit que le Christ devait souffrir et ressus-
L'auteur du livre des Paralipomenes, qu'on regarde citer Ie troisieme jour. Luc., xxiv, 44-46. Dans tous ces
generalement comme le redacteur des livres d'Esdras passages, Notre-Seigneur se bornait a designer ce livre
et de Nehemie, a utilise le Pentateuque pour dresser ses par les denominations ordinaires. De plus, il ne visait
genealogies. I Par., i-ix. Voir PARALIPOMENES. Toutes pas expressement tout Ie contenu du livre, mais seule-
ses descriptions du culte divin concordent avec les ment ses propheties messianiques. Mais ailleurs, il
prescriptions du Pentateuque. II signale explicitement envisage plus directement 1'ecrit de Moi'se. Dans une
cette conformite avec ce qui est ecrit dans la loi de discussion avec les Juifs qui niaient sa divinite, il en
Jehovah, I Par., xvi, 40; dans la loi de Moi'se. II Par., appela aux Ecritures qui lui rendaient temoignage.
xxni, 18; xxxi, 3. II parle evidemment de la loi de Joa., v, 39. Si done ses adversaires demeurent incre-
Dieu, ecrite par Moise. Cf. II Par., xxv, 4. Cependant dules, Moi'se, le legislateur en qui ils ont mis leur espe-
1'expression nr---»s, qu'il emploie, II Par., xxxm, 8, rance, sera leur accusateur aupres du Pere. Joa , v, 45.
ne signifie pas necessairement que Moi'se a redige la « Si, en effet, continue-t-il, vous croyiez a Moi'se, vous
loi de sa propre main, puisque, dans d'autres passages, croiriez peut-etre a moi aussi, car il a ecrit sur moi.
ou il est question de la loi mosai'que, Lev., xxvi, 46; Mais si vous ne croyez pas a ses ecrits, comment croi-
Num., xxxvi, 13, elle designe une disposition prise par riez-vous a mes paroles? » Joa., v, 46,47. Jesus met
Moise, sans indication de redaction ecrite. Cf. I Par., xxn, done en parallele ses propres paroles avec le livre de
13. Mais il est tout naturel de 1'entendre ici de la legis- Moi'se, avec ceque Moi'se, le legislateur d'lsrael, a ecrit
lation ecrile par Moi'se. De meme, dans le reck de la s-ur lui : les ecrits de ce legislateur rendent temoignage
loi retrouveeau Temple sous le regne de Josias, le livre a Jesus que les Juifs repoussaient; si les Juifs ne
de la loi de Moise, II Par., xxxiv, 14; xxxv, 12, pour- croient plus au temoignage ecrit, rendu par leur legis-
rait a la rigueur designer seulement le livre qui conte- lateur, il n'est pas etonnant qu'ils ne croient pas a la
PENTATEUQUE 72
parole de Jesus. Notre-Seigneur parle de Moi'se comme son expose, IV, vni. 3-48, il rapporte que Moi'se?
ecrivain, au sujet des prophelies messianiques conte- avant de mourir, remit aux Israelites qu'il avait tires
nues dans le Pentateuque. S. Irenee, Cont. h&r., iv, de 1'Egypte le livre qui contenait la legislation divine
2, n. 3, 4, t. vii, col. 977-978; Origene, In Num., horn, et qu'il avait ecrit lui-meme. Or, au sentiment de Jo-
xxvi, n. 3, t. xii, col. 774; Euthymius, Panoplia dog- sephe, il ne s'agit pas seulement du Deuteronome,
matica, tit. xxiv, t. cxxx, col. 1225. mais bien du Pentateuque entier, puisque le resume
Les Apotres ont parle aussi de Moi'se ecrivain. Phi- logique qu'il en donne comprend toutes les lois du
fippe annonce a Naihanael qu'il a rencontre en Jesus Pentateuque. II attribue meme explicitement au legis-
le Messie sur lequel Moi'se a ecrit dans la Loi et dont lateur hebreu le recit de son trepas. « Craignant, dit-il,
parlent les prophetes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act., qu'on ne pretendit qu'a cause de sa grande vertu Dieu
HI, 22, cite Deut., xvm, 15, comme parole de Moi'se. ne 1'avait ravi aupres de lui, il raconta lui-meme dans
Saint Jacques rappelle qu'on lit Moi'se le samedi dans les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe
les synagogues. Act., xv, 21. Saint Paul relate le meme alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque
fait. II Cor., in, 15. Le meme apotre nomme ailleurs comme etant de Moi'se. La Thora est de tous les Livres
la Loi de Moi'se, Act., xm, 33; I Cor., ix, 9. II preche saints celui qu'il cite le plus souvent. Elle possede a
Jesus d'apres la Loi de Moise et les prophetes. Act., ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame
xxvin, 23. II cite differents passages du Pentateuque Moi'se son auteur, le prophete par excellence, un archi-
eomme paroles ecrites de Moi'se. Rorn., x, 5-8, 19. prophete. Les ecrits qu'il a composes comprennent
L'Apocalypse, xv, 3, parle du cantique de Moi'se. des recits historiques et des lois. L'histoire mosaique
Si quelques-uns des temoignages precedents peuvent remonte a la creation du monde. De vita Mosis, 1. II,
etre restreints aux propheties messianiques du Penta- Opera, Geneve, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de
teuque, il reste etabli que Jesus et ses Apotres, pour Moi'se d'apres les ecrits de son heros, et parvenu au
p.arler du livre entier, ont employe les designations terme de son ouvrage, 1. Ill, p. 538, il rapporte comme
usuelles a leur epoque et par suite ont parle, indirec- une merveille que Moi'se, sur le point de mourir, fit
tement au moins, de la Loi comme etant 1'ceuvre de par inspiration divine le recit prophetique de sa mort.
Moi'se. Us parlageaient done la croyance commune de Une beraitha du Talmud de Rabylone, traite Baba-
leurs contemporains au sujet de 1'origine mosaique du Bathra, voir t. n, col. 140, reproduit 1'enseignement
Pentateuque et ils 1'ont manifested, sinon par des affir- des Juifs demeures au pays de la captivite : « Moi'se,
mations Jirectes et formelles, du moins indirectement dit-elle, ecrivit son livre (c'est-a-dire le Pentateuque) et
et en termes equivalents. Toutes les fois qu'ils ont eu la section de Balaam et Job. Josue ecrivit son livre et
a parler de i'auteur du Pentateuque, ils 1'ont attribue a huit versets de la Loi, » ceux qui font le recit de la
Moi'se. La critique n'exige pas et ne peut pas exiger, mort de Moi'se. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont
pour etablir que la tradition a attribue un ecrit a un 1'opinion est ici reproduite, jugeant que le recit de la
auteur determine, que les ecrivains qui 1'ont cite aient mort de Moise n'avait pu etre redige par le defunt,
cite un ouvrage tout entier, mais il lui suftit qu'ils \ui I'attribuaient a son successeur. C'etait notamment le
aient attribue les parties dont ils ont eu occasion de sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est repetee,
faire usage. On n'a pas le droit d'exiger de Notre- traite Makkoth, fol. 11 a; traite Menachoth, fol. 30a.
Seigneur etdes Apotres ce qu'on n'exige pas des auteurs Mais au rapport d'une autre beraitha du meme traite,
profanes. c. Kama, Rabbi Simeon objectait qu'il ne pouvait man-
2° Le sentiment perpetuel du peuplejuif. — Ladis- quer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi con-
eussion precedente des textes de PAncien Testament a cluait-il que jusqu'a.Deut., xxxiv, 4, « Dieu dictait,
prouve que la plus ancienne tradition d'Israel, repro- Moi'se repetait et ecrivait; a partir de la, Dieu dictait,
duite dans le Pentateuque lui-meme et dans les livres et Moi'se ecrivait en pleurant. » L. Wogue,Histoire de
suivants, rapportait a Moi'se au moins la redaction de la Bible et de I'exegese biblique jusqu'a nos jours,
certains recits et de certaines lois, qui sont contenus Paris, 1881, p. 21; G. Wildeboer, De la formation du
dans le Pentateuque. Le livre des Rois, redige pendant canon de I'A. T., trad, frang., Lausanne, s. d., p. 44.
la captivite, attribue a Moi'se le Deuteronome, decouvert Le Talmud de Jerusalem mentionne seulement 1'attri-
dans le Temple du temps de Josias. En revenant a Je- bution des cinq livres du Pentateuque, avec mention a
rusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu'il lit part de la section de Balaam et de Balac, mais sans
et presente comme I'osuvre de Moi'se. Nehemie, Mala- allusion au recit de la mort de Moi'se. Traite Sota,
chie, I'auteur des Paralipomenes regardaient Moi'se v, 5. trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 290. D'ailleurs,
comme I'auteur du Pentateuque entier. Les auteurs les rabbins, en disant : a la loi de Moise, » en regar-
juifs de la version grecque dite des Septante partageaient daient Moi'se comme le redacteur; aussi 1'appelaient-ils
cette conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains lui-meme « le grand ecrivain d'Israel ». Tous les doc-
de Notre-Seigneur, a quelque secte qu'ils appartinssent, teurs d'Israel sont demeures fideles a cette tradition de
admettaient cette tradition, dont Jesus se sert pour leurs peres, et ont unanimement reconnu que, sauf les
convaincre les sadduceens. Jesus et ses Apotres, en douze derniers versets ajoutes par Josue, Mo'ise a ecrit
employant les denominations usitees de leur temps, le Pentateuque sous 1'inspiration divine. J. Fiirst,
ont bien admis le sentiment commun de leurs coreli- JJer Kanon des Alien Testaments nac.h den Ueberlie-
gionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue a ferungen im Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868,
Moise la composition du Pentateuque, s'est perpetuee p. 7-9. Seuls Isaac ben Jasus, au xie siecle, et Abenesra,
dans la Synagogue jusqu'a nos jours, sauf de tres rares au xne, ont admis dans les livres de Moi'se quelques
et toutes recentes exceptions. additions posterieures. Voir col. 61. A la meme epoque
Pour le ier siecle de notre ere, Josephs et Philon re- Maimonide enonca en ces termes le huitieme article de
presentent les deux fractions du judaisme, palestinien la foi juive : « II faut croire que la loi que nous posse-
et alexandrin. L'historien Josephe, qui etait de Pales- dons est la loi qui nous a ete donnee par Moi'se...
tine, place en tete des vingt-deux livres que les Juifs Moise ecrivit ce qui lui fut dicte sur 1'histoire et sur
Feconnaissent comme divins et inspires, les cinq livres les lois. » Comment, in tr. Sanhedrin, c. ix, cite par
de Moise qui contiennent Phistoire des origines et de Abarbanel, Seplier Rosch 'Amanah, c. i, trad, de Vors-
I'humanite depuis la creation jusqu'a la mort de 1'au- tius, in-4°, Amsterdam, 1638, p. 6. Cf. Surenhusius,
teur. Cont. Apion,, I, 8. Dans ses Antiquites judai- Mischna cum commenlariis integris Maimoriidis et
quesf I, Prooem., 4, il se propose de resumer les livres Bartenorx,Amsterdam, 1702, t. iv, p.264. Auxin 6 siecle.
de Moise a partir de la creation du monde. A la fin de R. Becchai admettait que Moise avait ecrit la loi depuis
73 PEXTATEUQUE 74
le premier mot de la Genese jusqu'au dernier du Deute- ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, ibid.,
ronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateu- col. 377, 409, cite la prophetie de Jacob, Gen., XLIX,
que entier venait immediatement de Dieu et que Moise 10, comme ecrite par 1'esprit prophetique. II rappelle
n'en avail ecrit aucune parole de lui-meme. Au a Tryphon, Dial., 29, ibid., col. 537, que Moi'se a ecrit
xv e siecle, Abarbanel repetait la rneme chose et rejetait dans les lettres juives. L'auteur de la Cohort, ad Grascos,
le sentiment de ceux qui attribuaient a Josue les douze 9, ibid., col. 257, prouve 1'antiquite du prophete et
derniers versets du Deuteronome. Cf. Richard Simon, du legislateur juif par le temoignage des philosophies
Critique de laBibliotheque des auteurs ecclesiastiques grecs. Moi'se a ecrit au sujet du tabernacle, ibid., 29,
de E. Dupin, Paris, 1730, t. in, p. 215-220. Le premier col. 296; et Platon a fait des emprunts a sa divine his-
parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au xvne siecle, rejette toire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de 1'humanite
1'authenticite mosai'que du Pentateuque qu'il declare nous sont connues, c'est que le Saint-Esprit nous les a
bien posterieur a Moi'se, puisque Esdras en est peut- apprises, lui qui a parle par Moise et les autres pro-
etre 1'auteur. Tractatus theologico-poliliciis, c. vnr, phetes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes
edit, lauchnitz, t. in, p. 125: trad. Saisset, 2a edit.. que tous les ecrivains et tous les poetes. S. Theophile,
Paris, 1861, t. n, p. 154-173. Quelques Juifs modernes Ad Autol., it, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apo-
ont admis plus ou moins completement les conclusions logistes s'accordent-ils a dire que les philosophes ef
des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris, les legislateurs paiens ont fait des emprunts a Moi'se
1881, p. 132-142, attribue la Genese, sauf un petit et lui ont vole leur sagesse.
nombre d'interpolations, a Moi'se qui en a puise le fond Tous les Peres subsequents citent le Pentateuque
dans des documents anterieurs, emanes de diflerents sous le nom de Mo'ise. Ils aflirment aussi a 1'occasion
auteurs; il lui atlribue aussi toute la legislation du que Moi'se a compose le Pentateuque. On retrouve de
Pentateuque, qui formait peut-etre le « livre de 1'al- ces temoignages formels dans toutes les Eglises chre-
liance », bien que sa redaction ait pu, avec le temps, tiennes. Saint Irenee, Cont. hser., I, n, 6, t. vn,
subir quelques modifications. Le reste du Pentateuque, col. 715-716, attribue a Moi'se le recit de la creation du
a savoir les parties historiques des quatre derniers monde. Cf. n, 22, n. 3, col. 783. A Rome, saint Hippo-
livres, est forme de documents qui etaient posterieurs a lyte commentait Deut., xxxi, 9, 24, 25, qui attribue a
Mo'ise, mais dont il est impossible de fixer 1'age avec Moise la redaction de ce livre. Achelis, Arabische Frag-
precision. « Le recueil a du etre acheve et exister dans ments zum Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897
sa forme actuelle a 1'epoque de Josias, et c'est a cette t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, vin, 8; x, 33, t. xvi,
meme epoque qu'il a pu etre recu par les Samaritains. col. 3350, 3449. A Carthage, Tertullien provoquait Her-
Le Pentateuque pent done etre appele avec raison un mogene ad originate instrumentum Moysi, a propos
livre mosai'que, bien qu'il ne soit pas emane en entier de la creation du monde. Adv. Hermogenem, xix, t. n,
de Moise. S'il manque d'unite dans le plan et lamethode, col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv, 22, ibid., col. 414.
il y a unite dans 1'idee, » p. 142. Les Juifs croyants ont A Alexandrie, Origene tenait Moise non seulement
done (oujours admis et admeltenl encore Tauthenticite comme legislateur, mais aussi comme ecrivain, puisque
mosai'que du Pentateuque. La tradition etait si stride les lettres qu'il employa pour ecrire ces cinq livres,
qu'elle a porte les rabbins a accepter meme des exage- tenus pour sacres chez les Juifs, sont diffe'rentes des
raiions et des fables pour la defendre. lettres egyptiennes. Cont. Cels., in, 5-6, t. xi, col. 928.
3° La tradition perpetuelle de I'Eglise catholique. II parle des ecrits de Moise, livres clairs et sages, que
— L,a tradition juive, introduite par Jesus et ses Apotres Moise ou plutot 1'Esprit divin qui etait en Moise et
dans I'Eglise, s'y manifeste de bonne heure et se conti- dont 1'inspiration Fa fait prophete, a ecrits. I&id., iv, 55,
nue sans interruption de siecle en siecle jusqu'a nos col. 1120. Cf. In Gen., horn, xm, n. 2, t. xn, col. 231;
jours. II suffit de constater son existence dans les pre- In Num., horn, xxvi, 3, ibid., col. 774. Eusebe de Cesa-
miers siecles, car personne ne nie serieusement sa ree parle du grand Moi'se, le plus ancien de tous les
perseverance et son unanimite. Les Peres apostoliques prophetes, qui a decrit sous 1'inspiration divine la crea-
citent assez souvent des passages du Pentateuque tion du monde et 1'histoire des premiers hommes. H. E.,
com me paroles d'Ecriture inspiree, sans nommer 1'au- i, 2, t. xx, col. 56; cf. 3, col. 69. Saint Eusthate d'An-
teur, conformement a leur maniere habituelle de citer tioche, De engaslrimylha contra Origenem, 21, t. xvin,
la Bible, mais ils nesontpas cependant tout a faitmuets col. 656, reproche a Origene d'appeler fables ce que Dieu
sur 1'activite litteraire de Moi'se. Ainsi le pseudo-Bar- a fait et ce que le tres fidele Moi'se a consigne par ecrit.
nabe, s'il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres Cf. pseudo-Eusthate, In Hexaemeron, ibid., col. 708
apostolici, 2e edit., Tubingue, 1901, t. i, p. 66-70, plu- Marius Victorin, De verbis Script., Factum est, 1;
sieurs lois, et xn, 2-9, p. 74-76, plusieurs paroles de t. vin, col. 1009, declare que Moyses nos docuit libra
Moi'se, ne considere pas ce personnage exclusivement Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32,
comme legislateur et comme chef d'Israe'l. II cite sous t. xxvu, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avail
le nom du prophete Moise une parole prononcee par ordonne a Moi'se d'ecrire un cantique et le Deutero-
Dieu lui-meme, Exod., xxxin, 1, 3, parce que le prophete norne tout entier. Diodore de Tarse declare que Moi'se a
1'avait entendue et relatee dans son recit. Epist., vi, 8, ecrit le recit de la creation. Fragmenta in Gen.,
10, 13, p. 54, 56. De meme encore le jeiine de Moi'se sur t. xxxni, col. 1561-1562. Didyme d'Alesandrie, De Tri-
le mont Sinai est cite comme une parole du prophete. nitale, II, vn, 3, t. xxxix, col. 565, expliquant .' Fa-
Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clement de Rome cite, lui ciamus hominem ad imaginem nostrum, dit que
aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Ecri- Moi'se dans la Genese par la personne du Pere et du
ture sainte. Ilaflirmeune fois que xa'i 6 u.a-/.ap'.o; TU<TTO<; Fils parle au Saint-Esprit. Saint Gregoire de Nysse
6Epi~a>v ev o/w Tai G"iaT> MwJcrv;- -ra oiaTayjifva auTuJ atlribue a Moi'se les deux premiers chapitres de la
TiavTx icrr.u.S'.OL><raTO cv Ta:; tspaic fi'.oi.Q'.:. 1 Cor,, XLI, 1, Genese qui, de prime abord, paraissent contraires. In
ibid., p. 152. Hexaemeron, prorem., t. XLIV, col. 61. Saint Ambroise,
Les Peres apologistes apprennent aux paiens, a qui ils Jlexaemeron, VI, n, 8, t. xiv, col. 245, declare que
s'adressent, que Moise a ecrit sous 1'inspiration divine, Mo'ise, quoiqu'il fiit insiruit dans toute la sagesse des
qu'il est le premier des prophetes et le plus ancien de Egyptiens, a meprise, parce qu'il etait inspire, la
tous les e'crivains et qu'il a raconte par 1'esprit pro- vaine doctrine des philosophes et a decrit la creation
phetique la creation du monde. S. Justin, Apol., i, 59, du monde. Saint Epiphane, Hxr., xxvi, 3, t. XLL,
t. vi, col. 416; Cohort, ad Grate., 28, 30, 33, 34, ibid., col. 337, dit que ce legislateur etait inspire pour redi-
col. 293, 296-297, 361; S. Theophile, Ad Autol., in, 23, ger la loi contre les parricides, et xxxin, n. 9, col. 572,
75 PENTATEUQUE 76
pour ecrire foutce qu'il [a ecrit. Faustin, De Trinitate, nue dans I'Eglise a admettre 1'authenticite mosaique
c. \, 5-7, t. XHI, col. 41, 42, attribue a Moi'se le debut du Pentateuque. Pour le moyen age et les temps roo-
de la Genese, et fait des emprunts aux livres de Moi'se. dernes, voir Hoberg, Moses und der Pentateuch, p. 72-
Saint Hilaire de Poitiers, De Trinitate, i, 5, t. x, 73. Personne jusqu'au xvie et au xviie siecle n'a emis
col. 28, parle des livres, quos a Moyse atque prophe- le rnoindre doule a ce sujet. Nous exposerons plus
tis^scriptos esse Hebreeorum religio tradebat. Saint loin les doutes et les negations des critiques modernes.
Chrysostome, In Gen., horn, n, 2-3, t. LIII, col. 27, 28, La masse des exegetes et des theologiens catholiques
reconnaissait dans le debut de la Genese les paroles du aussi bien que des fideles est demeuree attachee a
bienheureux Moi'se qui, pour se faire cornprendre des 1'ancienne tradition, et aujourd'hui encore, nonobstant
Juifs, parlait, comme plus tard saint Paul, un langage le travail de la critique, admet 1'authenticile mosaique
grossier. II attribuait aussi a Moi'se le recit du deluge du Pentateuque. L'enseignement traditionnel a ete ve-
et il expliquait comment cet ecrivain n'a rien dit des ritablement unanime, ininterrompu et perpetuel dans
soixante-dix premieres annees de Noe. Ad Stagirium a I'Eglise catholique.
dxmone vexatum, n, 6, t. XLVII, col. 457. Saint Jerome 4° Criteres internes ou caracleres mosaiques du
ditexpressementque le Pentateuque est de Moise. Prss- Penlateuque, — Us sont tires du fond meme ou de la
falio in lib. Josue, t. xxvm, col. 461; Prologus galea- forme litte'raire du livre. Par eux-memes, ils sont in-
ius, ibid., col. 548. II enumere les cinq livres : Genese, suffisants a prouver 1'authenticite mosaique du Penta-
Exode, Levitique, Nombres et Deuteronome comme teuque, mais ils confirment la tradition juive et chre-
etant de Moi'se ainsi que les onze Psaumes LXXXIX- tienne. — 1. Caract'eres mosaiques du fond. — a]
xcix. Epist. CXL, 2, t. xxii, col. 1167. La parole sou- L'auteur du Pentateuque connait exactement les
vent citee centre 1'authenticite du Pentateuque : Sive choses d'Egypte. — Bien que les nombreux documents
Moysen dicere volueris auctorem Pentateuchi, sive hieroglyphiques de 1'ancienne Egypte, dechiffres re-
Esdram ejusdem instauratorem operis non recuso cemment, ne fournissent aucune preuve directe des
(De perpetua virginitate JB. Marise. liber adversus faits racontes par Moise dans 1'histoire de Joseph, la
Helvidium, n. 7, t. xxin, col. 199), ne concerne pas venue des Israelites en Egypte. leur sejour au pays de
le livre entier, mais seulement la glose : usque in Gessen, leur oppression et leur exode, ils donnent ce-
hodiernum diem, Gen., xxxv, 4; Deut., xxxiv, 6 (selon pendant des preuves indirectes de la vraisemblance et
les Septante), que le saint docteur refuse de rapporter de 1'exactitude des recits qui rapportent ces evene-
soit a Moi'se soit a Esdras. Saint Augustin voit les cinq ments. Sur le voyage d'Abraham en Egypte, voir F. Vi-
livres de Moi'se figures par les cinq pierres que David gouroux, La Bible et les decouvertes modernes, 6 e edit.,
choisit dans le torrent pour en armer sa fronde, Paris, 1896, t. i, p. 453-480; pour 1'histoire de Joseph,
Seym., xxxj, c. N, ^\\, t. xxxvm, col. 198,199, et dans voir op. cit., t. n, p. 1-213; ECHANSON, t. n, col. 1558-
Jes cinq portiques de la piscine de Bethsaide. Serin., 1559; JOSEPH, t. in, col. 1657-1669; pour le sejour des
cxxiv, c. in, ibid.,, col. 687. II enseigne que le recit de Israelites en Egypte, leur oppression et leur exode, voir
la creation, dont le sens 1'a preoccupe durant toute sa op. cit., t. n, p. 215-439; BRIQUE, t. i, col. 1931-1934;
vie, a ete ecrit par Moise. Conf., xi, 3; xii, 14, 30, GESSEN, t. in, col. 218-221; CORVEE, t. n, col. 1030-1031.
t. xxxii, col. 811, 832, 843; De Gen. ad lit., VIII, m, 7; Les plaies d'Egypte, sans perdre leur caractere miracu-
IX, XHI, 23, t. xxxiv, col. 375, 402; Decivitate Dei, XI, leux, sont conformes aux phenomenes naturels de la
iv, 1, t, XLI, col. 319. Theodore de Mopsueste tient contree et sont des maux propres au pays. La couleur
Moise pour 1'auteur de la Genese. Sachau, Theodori egyptienne de ces recits est indeniable. Or, elle ne
Mopsuesteni fragmenta syriaca, Leipzig, 1869, p. 8, 9. prouve pas seulement leur veracite; elle montre aussi,
Cf. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Afri- au moins indirectement, leur aulhenticite mosaique,
canus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 98. Tons les details sont si exacts, si egyptiens, qu'ils n'ont
Saint Cyrille d'Alexandrie, Cont. Julian., I, t. LXXVI, pu etre inventes apres coup, qu'ils ont du plutot etre
col. 524-525, prouve que Moise a precede tous les sages relates par un Israelite qui, comme Moise, avait ete
de la Grece qui 1'ont connu et estime, et il explique eleve en Egypte, La tradition, eut-elle recu des 1'origine
que le contenu de ses recits est admirable, parce que une forte empreinte egyptienne, aurait perdu ,de sa
1'ecrivain etait inspire de Dieu. Saint Isidore de Peluse, fraicheur et de son coloris, si elle avait ete conservee
Epist., I . IV, epist. CLXXVI, t. LXXVIII, col. 1268, explique longtemps dans la memoire du peuple avant d'etre
pourquoi Moi'se a fait preceder sa legislation d'un recit consignee par ecrit. Un redacteur posterieur, fut-il
historique. Theodoret, In Malach., arg., t. LXXXI, bien au courant de la situation particuliere de I'Egypte,
col. 1960, .declare que Moise, le grand legislateur, est le de ses usages et de ses coutumes, n'aurait pu rendresa
premier q-ui nous ait laisse par ecz'it des oracles divins. narration aussi conforme, dans les plus petits details,
Procope de Gaza, In Gen., prolog., t. LXXXVH, col. 24, a la realite historique que les decouvertes egyptolo-
affirme que le livre qu'il entreprend de commenter est giques nous ont revelee. Seul, un Israelite, ayant vecu
de Moise. Les explications qu'il donne montrent Men longtemps en Egypte, a ete capable de donner au recit
qu'il regardait la legislation, contenue dans les livres 1'exactitude minutieuse qu'on y constate.
du milieu, comme redigee par cet ecrivain. D'ailleurs, Les critiques modernes ne contestent guere cette
il declare expressement que le Deuteronome, resume couleur egyptienne des recits, et ils reconnaissent que
des livres precedents, est de la main de Moise. In Deut., 1'auteur du document qu'ils appellent elohiste etait tres
ibid., col. ,893-894. Junilius, De partibus divinse legis, au courant des choses egyptiennes. II reproduit deux
1. I, c. YIII, t. LXVIII, col. 28; cf. Kihn, op. cit., p. 480, mots egyptiens fortement se'mitises : abrek, voir t. i,
sait, ex traditione veterum, que Moise a ecrit les cinq col. 90-91, et sdfenat pa'eneah, nom egyptien donne a
premiers livres historiques de 1'Ancien Testament, bien Joseph. Gen., XL/, 43, 45. II nomme Putiphar, Gen.,
que leurs titres ne contiennent pas son nom, et que xxxvn, 36, etc., Sephora et Phua, les sages-femmes
lui-meme ne dise pas : Dixit Dominus ad me, mais, egyptiennes, Exod., i, 15, les villes de Phithom et de
comme s'il parlait d'un autre : Dixit Dominus ad Ramesses, Exod., i, 11, et la mer Rouge. Exod., xm,
Moysen. De son cote, saint Isidore de Seville est tres 18; xv, 22. II connait exactement la constitution de
explicile dans les attributions du Pentateuque a Moise. 1'armee egyptienne. Exod., xrv, 7. Paul de Lagarde et
Etym.,\I, i, 4; n,l, t. LXXXII, col. 229, 230. II indique Steindorff s'appuyaient sur une interpretation contes-
memele temps mis par Moiise a redigerle Deuteronome. table du nom egyptien de Joseph, du nom de salemme
QUSESI. in V. T., in Deut., I, 2, t. LXXXIII, col. 359. Aseneth et de celui de Putiphar pour rapporter 1'his-
II est inutile de multiplier les citations. On a conti- toire de Joseph dans le document elohiste a 1'epoque
PENTATEUQUE IS
er
de la seconde dynastie saite, apres Psammetique I tains usages pharaoniques sont mentionnes dans le
•(655-610). Mais M. Xaville a refute les explications don- Deuteronome : 1'arrosage avec les pieds, vi, 10, mode
nees. Proceedings of the Society of biblical Archse.0- d'irrigation particulier a 1'Egypte, voir, t. in, col. 926-
logij, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771, 1082-1083; 929; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-meme se
t. in, col. 1668. La conclusion qu'on en tirait relative- rapproche de celui des scribes egyptiens; la bastonnade,
ment a la date tardive du document elohiste n'estdonc infligee a la mode egyptienne, xxv, 2, voir, \. \,
pas fondee. Les autres critiques qui la remontent plus col. 1500; les pierres enduites de chaux, dont on se
haut ne depassent pas 1'epoque des rois d'Israel, et ils sert pour ecrire, xxvn, 1-8. De tout cet ensemble il
pensent que 1'auteur avait eu personnellement a cette resulte manifestement que 1'auleur du Pentateuque
epoque une connaissance directe de 1'Egypte a la suite connaissait les moeurs de 1'Egypte, ses usages, ses
•des alliances des rois d'Israel avec les Pharaons. Ils en coutnmes, d'une maniere si parfaite qu'il a du vivre
-concluent qu'on ne peut discerner dans ses descriptions longtemps dans ce pays et precisement a 1'epoque des
ce qui convient a 1'epoque des faits de ce qui se rap- evenements qu'il raconte.
porte a son temps. Mais la couleur egyptienne n'est pas b) L'auteur a ecrit son livre pour les Israelites,
speciale aux recits du soi-disant document elohiste; sortis de 1'Egypte et n'occupant pas encore le pays
elle se remarque dans 1'ensemble du Pentateuque,sans de Chanaan. — Le souvenir de 1'Egypte est frequem-
•distinction des sources; elle est tout aussi reelle pour ment rappele aussi bien dans les lois que dans les
les plaies d'Egypte, par exemple, dans les parties du recits historiques des quatre derniers livres du Penta-
recitque les critiques attribuentau document jehoviste, teuque. L'oppression que les Israelites y avaient subie
et plusieurs traits ne sont justes que pour 1'epoque des etait un motif souvent indique de ne pas retourner
evenements et ne conviennent pas a 1'Egypte des Pha- dans un pays ou Ton avait tant souffert et la delivrance
raons, contemporains des rois et des prophetes d'Israel. de la servitude est un evenement recent et tres impor-
On a constate, en effet, que 1'Egypte, decrite dans tant pour Israel. Le recit de ces evenements est ecrit
Thistoire de Joseph, du sejour des Israelites et de leur sous le coup de 1'impression profonde qu'ils avaient
•exode, est 1'Egypte du xve siecle avant notre ere. Ce qui laissee. L'anniversaire de 1'exode est celebre par une
est dit de 1'etat du pays, des principales villes de la fete solennelle, la fete de la Paque, qui en rappelle
frontiere, de la composition de 1'armee, est vrai de les circonstances historiques. La consecration des
1'epoque des Ramses. Ce pays y apparait comme un premiers-nes au Seigneur se rattache aussi a la dixieme
royaume unique, place sous le gouvernement d'un plaie d'Egypte, dont les Israelites avaient ete exemptes.
seul roi; elle n'est pas encore morcelee en douzepetits La fete des Tabernacles est destinee a rememorer aux
Etats, comme elle 1'etait au temps d'lsai'e, xix, 2. Voir Hebreux que leurs ancetres ont habile sous la tente
t. u, col. 16J2. Les villes de Phithom et de Ramesses, dans le desert, quand Dieu les tira de la terre
baties par les Israelites, Exod,, i, 11, ont eu reelle- d'Egypte. Lev., XXTII, 43. Quand les Israelites se
ment Ramses II, sinon comme premier fondateur, du revoltent et murmurenl centre Moi'se, ils regrettent la
moins comme restaurateur. II n'est parle ni de Migdol vie facile qu'il menaient en Egypte comparativement
ni de Taphnes et on n'y releve aucun des noms semi- aux privations qu'ils subissent au desert, et ils vou-
tiques de villes qui furentusites sous la dynastie buba- draient retourner dans ce pays d'abondance. Moi'se
tiste contemporaine de Salomon. L'armee estcomposee lutte constamment centre ces desirs insenses du
de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. n, col. 567- peuple, et il cherche a eloigner le plus possible les
570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires etran- Israelites du pays de leur servitude. Pour repondre a
gers, pareils aux Lubirn, qui en faisaient partie plus leurs plaintes, il declare que ce n'est pas lui, que c'est
tard. Jer., XLVI, 9; II Par., xn, 3. Voir t. i, col. 992- Dieu qui les a fait sorlir d'Egypte. II recommande de
994; t. iv, col. 238-241. Les relations de 1'Egypte avec de pas agir conformement aux usages de 1'Egypte.
les pays etrangers supposent aussi une epoque ancienne. Lev., xvin, 3. Pour calmer Dieu irrite centre Israel,
II n'est parle ni du royaume d'Ethiopie qui dominait Moi'se fait valoir 1'opinion des Egyptiens. Num., xiv,
1'Egypte sous le regne d'Ezechias, ni des rois assyriens 13, 14. Plusieurs dispositions legislatives sont portees
qui conquirent 1'Egypte sous la dynastie ethiopienne. a cause de 1'Egypte qu'on vient de quitter. La loi sur
Voir t. n, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt, 1'etranger, qu'il ne faut ni contrister ni affliger, est
dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759. motiyee par le fait que les Israelites ont ete etrangers
De cet accord entre le Pentateuque et les anciens do- en Egypte. Exod., xxn, 21. L'Israelite ne sera pas
cuments egyptiens on peut conclure que les recits ont esc\a\e de ses freres a perpetuite, parce que Dieu a
ete rddiges peu apres les evenements et a 1'epoque ou affranchi tout Israel de la servitude de 1'Egypte.
le souvenir des faits etait encore recent. Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur
Cette conclusion est confirmee par la ressemblance, qu'elles ne seduisent et n'entrainent a 1'idolatrie le
purement exterieure il est vrai, mais tres reelle, des peuple choisi, tire par Dieu de 1'Egypte. Deut., iv,
institutions rituelles et sacerdotales, etablies par Moi'se 15-20. On recommande au roi futur, qui regnera en
au desert avec les rites egyptiens. Voir t. rv, col. 335. Israel, de ne pas ramener son peuple en Egypte.
L'arche d'alliance, placee dans le tabernacle, ressem- Deut., xvn, 16. La delivrance de la servitude egyptienne
blait en quelque chose au naos des temples egyptiens. est un des plus puissants motifs, invoques et repetes
Voir t. i, col. 912. Le tabernacle presentait lui-meme, dans le Deuteronome pour inciter les Israelites a
•dans son ensemble, les me'rnes dispositions que ces observer fidelement les prescriptions donnees par le
temples. Les divergences provenaient de la diversite Seigneur qui avait sauve Israel. Si les Israelites sont
des materiaux employes et de la necessite d'avoir, fideles aux prescriptions divines, ils ne souffriront
durant le sejour au desert, un temple portatif. Le ratio- aucun des maux que Dieu a infliges aux Egyptiens.
nal d'Aaron est pareil au pectoral des pretres egyptiens. Exod., xv, 26; Deut., vir, 15. S'ils sont infideles, ils
Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche subiront comme chatiment les memes maux dont ils
du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigouroux, La avaient deja ete afiliges en Egypte. Deut., xxvin, 27, 60;
Bible et les decouvertes modernes, 6 e edit., Paris, 1896, xxix, 25. L'exode est done pour le narrateur comme
t. ir, p. 529-547; Les Livres Saints et la critique pour le legislateur un fait recent, dont le souvenir est
rationalists, Paris, 1902, t. in, p. 86-99; Sayce, La encore tres vivant et tres capable de produire une
lumiere nouvelle apportee par les monuments an- forte impression. Ecrit longtemps apres les evenements,
dens, trad. Trochon. Paris, 1888, p. 77-98; J. Heyes, le reeit n'aurait pas eu un accent si saisissant, et la
Bibel und Aegypten, Munster, 1904, p. 142. Cer- sortie d'Egypte n'aurait pas ete le seul et unique
79 PENTATEUQUE 80-
Menfait divin, rappele a la memoire des descendants situation de nomades, qui ne peuvent avoir de sanctuaire-
d'Israel. C'elait de ceux-la memes qui avaient ete oppri- fixe. Pretendre, comme le font les critiques, qu'ib
rnes en Egypte et qui venaient d'etre delivres que n'est qu'une projection du Temple de Jerusalem
1'auteur ravivait des souvenirs recents et communs. dans le passe, c'est une hypothese, qui est commandee
Leurs descendants eloignes n'auraient pas pu etre par les besoms de la cause et qui ne rend pas compte-
frappes a ce point par la memoire de fails, dont ils de tous les details de la construction et du service.
n'avaient pas ete les temoins oculaires. D'ailleurs, il faut pour cela attribuer a 1'auteur du code
D'autre part, rien dans le Pentateuque n'indique que sacerdotal, qui Taurait construit de toutes pieces, une
les Israelites aient deja occupe definitivement le pays imagination creatrice qui ne repond guere aux caracteres
de Chanaan. Leurs ancetres, Abraham, Isaac et Jacob, qu'on lui prete. On pretend aussi que la couleur locale
qui avaient quitte la Chaldee, n'y ont vecu qu'en des lois du desert est 1'oeuvre du meme auteur, qui se
nomades et en etrangers. Dieu leur avait seulement reportait en esprit a 1'epoque mosai'que. Le principal
promis de donner a leur posterite la terre ou ils argument, sur lequel on appuie cette explication, est la-
vivaient. Lespromesses reiterees, faitesauxpatriarches, promulgation de la plupart de ces lois sacerdotales au-
sont mentionnees pour rappeler les droits d'Israe'l a la pied du Sinai'. Or, a ce moment, rien n'etait plus etran-
possession future de la Terre promise. Si Jacob vient ger a la pensee de Moi'se que la prevision d'un sejour
en. Egypte pendant la famine, c'est avec le dessein de prolonge d'Israel au desert. Moi'se n'a done pu rediger
retourner en Chanaan. Gen., XLVI, 4. II demanda d'etre les lois sina'rtiques en vue d'une situation qu'il ne
enseveli avec ses peres au champ d'Ephron, Gen., XLIX, prevoyait pas encore. Mais la redaction definitive de
29-31, et son desir fut accompli. Gen., L, 4-13. Joseph ces lois a bien pu etre faite apres la revolte dont le-
demanda aussi que ses ossements fussent emportes par sejour dans le desert pendant quarante ans fut la puni-
ses freres, lorsqu'ils retourneraient au pays de la tion; elle aurait par suite ete rendue conforme a cette-
promesse. Gen., L, 23-24. Dieu confia a Moi'se la mission situation nouvelle. Aussi, quand le temps de 1'epreuve
de faire sortir son peuple de 1'Egypte et de le conduire est ecoule, quand la legislation, temporaire et locale,,
dans la terre des Chananeens. Exod., in, 8; vi, 2-8. du desert touche a sa fin, Moi'se promulgue a la genera-'
Quand, irrite contre Israel, il veut 1'exterminer tout tion nouvelle qui va traverser le Jourdain et conquerir
entier, Moi'se lui rappelle la promesse faite aux pa- le pays de Chanaan, des lois appropriees a la vie
triarches et obtient ainsi la grace des coupables. sedentaire et agricole qu'elle va mener dans la Terre
Exod., xxxn, 13; xxxm, 1. Le Seigneur promet la pos- Promise. Du reste, a vrai dire, seules les lois qui
session de Chanaan aux Israelites, s'ils pratiquent fide- concernent les campements et le transfert de 1'arche et
lement ses lois. Lev., xx, 24. Cette promesse est fre- du tabernacle, presentent ce caractere temporaire et
quemment rappelee dans leDeuteronome. Leslivresdu provisoire. Primitivement, elles ne devaient etre appli-
milieu sont le recit de la marche d'Israel vers la Terre quees que pendant le voyage. Le legislateur, parvenu*
Promise. Moi'se y conduit son peuple et il compare la au pays de Chanaan, les aurait abrogees et remplacees
terre, qu'il faudra conquerir, a 1'Egypte. Deut., xi, 10. par des dispositions nouvelles. La revolte des Israelites
Dieu 1'avait caracterisee comme une terre ou coule le apres le retour des espions a change la situation, etdes-
lait et le miel, Exod., in, 8,17, et les espions, de retour prescriptions, portees pour une duree fort limitee, ont pu<
de leur exploration, decrivent le pays par ce trait. etre appliquees pendant quarante ans. Celles qui regar-
Num., xin, 28. Les Israelites sont done en route vers la daient la descendance et les sacrifices pouvaient etre-
Terre Promise. Une des plus grandes preocupations de pratiquees partout et en tout temps, hors du camp aussi
Moi'se est de les determiner a y entrer et a en faire la bien que dans le camp. 11 n'y a plus done, de ce chef,,
conquete. Ils devaient gagner rapidement le pays. S'ils de. difficulte, et 1'empreinte du desert que conservent
sejournent quarante ans au desert, c'est en punition de les lois du culte Israelite demeure un indice de la date-
la revolte qui suivit le retour des espions envoyes en de leur promulgation et de la redaction du code qui
Palestine. Le delai ecoule, Moi'se conduit le peuple les contient. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la cri-
jusqu'aux frontieres, et choisit, avant de mourir, Josue tique rationaliste, t. in, p. 79-89; R. Cornely, Inlroduc-
comme chef de 1'armee, et le charge de faire la conquele, tio specialis in hist. V. T. libros, part. I, Paris, 1887r
Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique ratio- p. 57-60.
nalists, Paris, 1902, t. in, p. 28-46. D'ailleurs, la forme elle-meme de la legislation du
Le recit n'est pas compose, comme on 1'a pretendu, par Pentateuque temoigne de son origine mosai'que. II n'y
un ecrivain qui habite a 1'ouestdu Jourdain, c'est-a-dire a pas d'ordre rigoureux dans la disposition des lois.
dans la Palestine ou Moi'se n'a jamais penetre. En effet, L'auteur les enregistre a 1'occasion, en racontant les.
1'expression be'eber hay-yarden ne designe pas neces- faits qui les ont amenees. Elles ne constituent pas ua-
sairement la conlree situee sur la rive gauche du Jour- code systematique. Elles ont .ete prises au jour le jour,
dain. La signification doit etre determinee par le con- suivant les occurrences. En dehors de la loi morale et
texte, et dans le meme verset, Num., xxxn, 19 (hebreu), religieuse, revelee par Dieu d'un seul coup, ou a des
elle designe successivementles deux rives. F. Vigouroux, dates fixes, beaucoup de regies civiles sont le resultat-
Manuel biblique., 12« edit., Paris, 1906, t. i, p."467-468. de consultations adressees a Moi'se. Des cas speciaus
On ne constate dans le Pentateuque aucune allusion exigent des solutions nouvelles et precisent 1'applica-
certainea la situation historique quiasuivila conquete. tion des lois generales. Des lois complementaires, des
Rien ne fait supposer que le peuple habite dans des retouches, des repetitions dependent de circonstances
villes et dans des maisons; la legislation convient a des parfois imprevues. Les premieres lacunes sont ainsi
nomades, vivant au desert et sous la tente.ll n'est parle comblees. Neanmoins la legislation n'est pas complete-.
ni de Jerusalem ni de la royaute comme existante. Les L'organisation politique n'est pas reglee. La loi sur la
allusions, signalees par les critiques, notamment dans royaute est pleine de lacunes et ne vise qu'un avenir
les morceaux poetiques etprophetiques, visent 1'avenir, eloigne. Aussi Israel, apres la conquete de la Palestine,
et c'est le plus sou vent par un prejuge contre la pro- n'aura pas de chef commun; chaque tribu sera, pour
phetie qu'on y voit un indice du passe. Les lois sacer- ainsi dire, isolee et independante. Josue n'est charge
dotates de 1'Exode et du Levitique ont rempreinte du que de conquerir et de partager la Terre Promise. Ces-
desert a un degre tel que leur redaction a une autre caracteres de la legislation du ^Pentateuque ne peuvent
epoque et en un autre lieu est hautement invraisem- convenir qu'a Moise et au temps du sejour d'Israel au
blable. Leur cadre invariable est le camp d'Israel. Le desert. Ils confirment done i'origine mosaique des lois-
Tabernacle, par exemple, est portatif et repond a la Israelites et du livre qui les conlient. F. Vigouroux,.
81 PENTATEUQUE
op. cil., t. in, p. 69-79; R. Comely, loc. cit., p. 64-66. vrir 1'ceil de la terre », Exod., x, 5, 15; Num., xxn, 5T
2. Caracteres nwsaiques de la forme Ifateraire. — 11, signiftant couvrir la surface de la terre, sont tre*
La langue du Pentateuque, malgre 1'irnmobilite relative antiques. Les mots 'omer et 'issdron ne se lisent aussi
de 1'hebreu, presente des particularites, qui ne se ren- que dans le Pentateuque. Voirt. in, col. 273. Enfin, en
contrent deja plus dans le livre de Josue. Ce sont des plus des mots egyptiens deja mentionnes, on trouve
mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombes en dans le Pentateuque des expressions hebraiiques qui
desuetude ou ont ete modifies. On y reconnait done des ne sont que des transcriptions de mots egyptiens.
archaismes, indices assures de 1'antiquite du livre. Voir Ainsi tebah, designant 1'arche de Noe et la nacelle-
t. I, col. 911. Ce sont le pronom masculin hu', employe dans laquelle Moi'se fut expose sur le Nil,est regyptien<
155 fois sur 208 pour la forme feminine hi'; na'ar, au tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ».
masculin, pour designer une jeune fille; les pronoms Les roseaux dont e'tait faite la tebdh de Moise sont
hd'el au lieu de 'elleh, et hallezeh. R. Graffin, jEtude appeles gomeh; c'est 1'egyptien ham, qui est la meme-
sur certains archaismes du Pentateuque, dans le chose que gam, « jonc. » L'enfant fut expose sur la
Compte rendu du Congres scientifique des catholiques, « levre du Nil » ; or la levre exprimait metaphorique-
Paris, 1888, 1. i, p. 154-165; F. Vigouroux, Manuel bi- ment en egyptien le rirage. Yeor est le nom meme du
blique, 12« edit.,Paris, 1906, t. i, p. 434-435; Les Livres Nil. Lesvaches grasses du songe dePharaon paissaient
Saints et la critique rationalists, Paris, 1902, t. in, des ahu, expression egyptienne qui signifie « verdure,
p. 122-126. Les critiques ont cherche a echapper a cet roseaux ». Joseph est revetu de lin, ses, mot usite dan&
argument linguistique de differentes facons. La plupart, la Genese comme sur les monuments hieroglyphiques.
rencontrant les archaismes dans le code sacerdotal, la Yoir t. in, col. 1668. Le roseau que les Israelites em-
source la plus recente, selon eux, du Pentateuque, pre- ploient pour fabriquer des briques est nomme de son
tendent que, fussent-ils reels, ils ne prouvent pas 1'an- nom egyptien qas. Sur les hartummtm, voir t. n r
tiquite du document qui les contient; unecrivain recent col. 1443-1444. L'arbuste dans lequel Moi'se voit Dieu a
peut a dessein, paramour de l'archaismeetpourvieillir 1'Horeb est appele seneh, qui est le sent des inscrip-
sonceuvre, employer des expressions anciennes, tombees tions et des papyrus de la XIXe dynastie, Le tambour,
de son temps en desuetude. Mais d'autres ne reconnais- tof, dont Marie, soeur de Moi'se, se sert, porte un nom
sent pas meme dans ces particularites du Pentateuque egyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on depose la
des archaismes reels, ils n'y voient que des singularity's manne, sinsenet, les pots de viande, que regrettent les
d'orthograph'e etd'ecriture,introduces par les massoretes Israelites, sir, sont des mots egyptiens sennu, seri,
dans leur edition du texte du Pentateuque. Ainsi pen- qu'on ne retrouve plus dans les autres livres de la
dant longternps la voyelle du pronom Nin n'etait pas Bible. La corbeille destinee a contenir les premices,
ecrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible, tene', est la tena, « corbeille, » des Egyptiens. F. Vi-
on avail pour les deux genres les simples lettres Nn; gouroux, La Bible et les decouvertes modernes,& edit. r
seule, la lecture differencial le masculin du feminin. La Paris, 1896, t. n, p. 586-591. Toutes ces particularites.
presence du i dans le pronom feminin n'est pas an- lingtiistiques reunies sont des indices evidents de 1'an-
cienne, et les quiescentes i et > n'ont ete ajoutees qu'a tiquite du Pentateuque; elles confirrnent par suite
une epoque assez recente. En transcrivant le Nin femi- Pauthenlicite mosaique de ce livre.
nin, les massoretes ont marque sous le n le point de la I I I . OBJECTIONS CONTRE L'AUTHENTICITY MOSAIQUE
voyelle i; ils lisaient done hi' et non hu'. S'ils ont con- DU PENTATEUQUE. — 1° Histoire de ces objections. —
serve 1'anomalie Kin, c'est par un respect exagere pour 1. Les precurseurs des critiques modernes. — Les
1'unique manuscrit du Pentateuque qu'ils ont transcrit gnostiques, qui rejetaienttoutl'AncienTestamentcomme
et ponctue, et la lecon de leur manuscrit s'explique par etant 1'ceuvre du mauvais principe, ne niaient pas
le fait que, vers le commencement de notre ere, 1'ecri- Fauthenticite mosai'que du Penlateuque, ils soutenaient
ture hebraique ne mettait que peu ou pas de difference seulement que le mauvais principe avail trompe Moiise.
entre le ~\ et le >. Ces affirmations sont loin d'etre cer- Ptolemee, disciple de Valentin, distinguait dans la
taines, voir t. in, col. 504-505; rien ne donne droit legislation mosaique les lois divinement revelees, les
d'accuser les massoretes d'etre des faussaires. Les lois portees par Moi'se de sa propre autorite et les lois
massoretes, au rapport du Talmud de Jerusalem, traite promulguees par les anciens du peuple. II ne niait
Taanith, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179- pas explicitement que cette legislation ait ete redigee
180, consulterent trois manuscrits du Pentateuque et parMoiise. Lettrea Flora reproduite par saint Epiphane,
maintinrent les onze exceptions de la forme feminine User., xxxin, 8, t. XLI, col. 560-561. D'apres le meme
x>n sur le temoignage de deux de ces manuscrits. saint, Hser., xvni, 1, ibid., col. 257, et saint Jean
L'emploi du masculin nyj pour le feminin mya pourrait Damascene, Hser., xix, t. xciv, col. 689, les nazareens
bien n'etre aussi, dit-on, qu'une simple irregularite pre"tendaient que les livres de Moi'se avaient ete fabri-
d'orthographe; a supposer qu'il soitun idiotisme.ancien, ques et que la loi, donnee aux Juifs par ce legislateur,
il ne serait pas a lui seul une marque de haute anti- differait de celledu Pentateuque. Au in6 siecle, 1'auteur
quite. Les pronoms archai'ques ne seraient non plus des Homeliesclementines,hom.iu,&l,t. n,col. 141,144,
que des differences orthographiques. A. Loisy, Histoire faisait dire a saint Pierre que la loi, donnee par Dieu
critique du texte et des versions de la Bible, dans a Moise, avail ete confiee oi'alement aux anciens, mise
L'enseignement biblique, Paris, 1892, t. i, p. 51-56. par ecrit apres la mort de Moi'se, perdue, retrouvee et
Comment se fait-il done qu'ils n'existent que dans le enfin brulee au temps de Nabuchodonosor. Le recit de
Pentateuque? la mort de Moiise n'ayant pu etre ecrit par le defunt, le
En outre des formes archai'ques, on signale encore Pentateuque qui le contenait etait par suite d'une
dans le Pentateuque des mots anciens, tels que ^"n autre main. A part cette derniere observation qui est
vraie, les objections des heretiques n'ont rien de scien-
».rtzi et Grin, Gen., i, 2, et la tournure y-iKn n s n, Gen.,
T : v TT -- tifique et sont de pures inventions sans valeur.
i, 25, des expressions etdes phrases plus tard inusitees : II faut passer jusqu'au temps de la Reforme pour
'dbib,« epi, » et le premier mois de 1'annee, voir t. I, rencontrer de nouveaux doutes sur 1'authenticite mo-
col. 46; bdnah, dans le sens de concevoir; kibsan, saique du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scrip-
i four; » kdsas, « compter; » makes, « somme comp- turis libellus, Wittemberg, 1520, en vint par le meme
tee; » miksdh, <i compte ; » ye'dsef 'el-'ammav, « etre raisonnement que 1'auteur des Homelies Clementines^
reuni a ses peuples, » ou simplement ye'dsef, « etre a douter que Moi'se ait redige les recits historiques du
reoni. » Certaines phrases poetiques, telles que « cou- Pentateuque. Moise n'a pu racenter sa mort. Or 1&
83 PENTATEUQUE 84
•sujet de celte narration est identique a celui des recits serees dans son livre. Quant au Pentateuque, il n'a
precedents. Tous ces recits sont done d'une meme forme d'abord qu'un ecrit avec Josue, les Juges, Ruth,
main, qui n'est pas celle de Moi'se, ni celle d'Esdras, les livres de Samuel et des Rois, ceirvre d'un historien
mais celle d'un inconnu. La legislation venait de Moi'se, qui racontait 1'histoire juive depuis la creation jusqu'a
•et le Pentateuque n'en demeurait pas moins le pltis la ruine de Jerusalem par Nabuchodonosor. Son auteur
saint de tous les livres de la Bible. Au xviie siecle, les est probablement Esdras, le seul scribe dont le zele
•doutes se multiplierent. Le philosophe anglais Hobbes, pour la Loi soit mentionne dans FEcriture. Esdras a au
Leviathan, 1. Ill, c. xxxin, Londres, 1651, declarait moins redige le livre de la Loi ou le Deuteronome, qu'il
d'abord que le titre : « les.cinq livres de Moiise, » ne a lu et fait expliquer au peuple. II Esd., vm, 9. Plus
•voulait pas dire que Moi'se en etait 1'auteur, mais seu- tard, Esdras prit soin d'ecrire 1'histoire complete des
lement qu'il en etait le sujet principal. Le recit de la Juifs, en y inserant le Deuteronome a sa place. Peut-
mort de Moi'se est une addition posterieure. L'ensemble etre meme a-t-il intitule les cinq premiers livres de
•du Pentateuque est plus recent que Moi'se, qui en a cette histoire « livres de Moise », parce qu'ils conte-
cependant redige quelques parties, notamment Deut., naient surtout la vie de ce personnage. Mais Esdras n'a
xi-xxvn. Isaac de la Peyrere, Syslema theologicum ex pas mis la derniere main a cette histoire. Faisant une
Prseadamitarum hypothesi, 1. IV, s. 1., 1655, p. 173- simple compilation de documents anterieurs, il les a
182, ne regardait pas non plus le Pentateuque actuel seulement transcrits, sans les ordonner. C'est pourquoi,
comme 1'ceuvre originale de Moise. Les derniers ver- dans le Pentateuque, les lois et les recits historiques
•sets du Deuteronome, certains passages, Num., xxn, sont melanges sans ordre logique ou chronologique;
14-15; Deut., i, 1; in, 11, 14, sont des additions; ies les memes faits sont repetes, et parfois diversement.
•details sur Seir, Deut., n, conviennent a 1'epoque de Cf. P. L. Couchoud, Benoit de Spinoza, Paris, 1902,
David; les obscurites, les confusions, les lacunes et les p. 102-104. Les additions et recherches dans I'o3uvre
alterations du texte actuel ne proviennent pas de de Moi'se sont faciles a expliquer comme un comple-
Moi'se. Celui-ci cependant avail ecrit 1'histoire des Juifs ment apporte dans la suite des temps a 1'ouvrage pri-
a partir de la creation du monde et redige sa propre mitif. Les autres assertions de Spinoza ne reposcnt
legislation; mais son livre a ete abrege, retouche et sur rien de positif.
modifie, comme le prouve 1'etude du texte. Ce n'est pas Pour repondre aux objections de Spinoza et defendre
encore la negation de 1'origine mosaique du Penta- 1'autorite historique et divine des livres de Moiise,
teuque. Richard Simon a emis des hypotheses nouvelles sur la
Baruch Spinoza (1634-1677), Tractatus theologico- composition du Pentateuque. II attribuait a Moise per-
politicus, c. vin, ix, dans Opera, 2e edit, de Van Vlo- sonnellement toute la partie legislative de ce livre. Quant
ten et Land, La Have, 1895, t. n, p. 56-69, rejette aux recits historiques, il reconnaissait que ce legisla-
1'authenticite mosaique du Pentateuque. II reproduit teur lui-meme avait redige, mais d'apres d'anciens
les objections d'Abenesra et il les interprete dans le memoires, la Genese entiere. L'histoire de son temps,
sens de la negation de 1'authenticite mosaique. II y il ne 1'avait pas ecrite de sa main; il 1'avait fait ecrire
joint ses observations personnelles : 1° II est parle de par des scribes publics, dont 1'existence est constatee
Moi'se a la troisieme personne, Num., xir, 3; xxxi, 14; plus tard et qui etaient charges officiellement de redi-
Deut., xxxin, 1, tandis que Moise parle a la premiere ger les Annales d'Israe'l. Bien que leur institution par
personne de la loi qu'il avait promulguee et ecrite. Moise ne soit pas mentionnee dans le Pentateuque, elle
Deut., n, 1-17, etc. A la fin du Deuteronome, le recit est neanmoins vraisemblable. Au sentiment de Richard
reprend a la troisieme personne; ce qui prouve que le Simon, ces scribes publics etaient inspires pour abre-
livre dans son elat actuel est d'une autre main que de ger, en les ordonnant, les modiflant et les completant,
celle de Moi'se. 2° Le recit de la mort, de la sepulture les Annales officielles. Comme ils resumaient celles-ci,
«t du deuil de Moi'se. 1'eloge de ce prophete superieur ils ont laisse dans leurs abreges des repetitions en vue
aux autres prophetes, faits au passe, temoignent d'une de ne pas trop modifier les actes publics. Ayant ete
epoque posterieure de redaction. 3° Certaines localites, execute par ordre de Moi'se, leur travail pouvait legi-
telles que Dan, Gen., xiv, 14, portent les noms qu'elles timement etre attribue a ce dernier. Certaines incohe-
•eurent longtemps apres Moi'se seulement. 4° Parfois le rences du texte actuel proviennent, en outre, d'un
recit historique depasse la vie de Moi'se. Ainsi, la ces- deplacement de feuillets, opere a 1'epoque ou les livres
sation de la manducation de la manne, Exod., xvi, 14, de la Bible avaient la forme de rouleaux. Elles ne
n'eut lieu qu'a 1'arrivee des Israelites aux frontieres du prouvent rien centre 1'autorite divine et 1'origine
pays de Chanaan. Jos., v, 12. Les rois idumeens mosaique du Penlateuque. Voir Histoire critique du
nommes Gen., xxxvi, 31, vont jusqu'a David, qui sub- Vieux Testament, preface non paginee, et le 1.1, c. i-vi,
jugua leur royaume. II Sam., vm, 14. De tout cela il Rotterdam, 1685, p. 1-45; Re'ponse au livre intitule :
ressort plus clair que le jour que le Pentateuque a ete Sentimens de quelques theologiens de Hollande, c. vi-
redige par un ecrivain posterieur a Moi'se. Moi'se tou- ix, Rotterdam, 1686, p. 55-94; De ^inspiration des
tefois a ecrit des livres, mentionnes dans le Penta- livres sacres, etc., Rotterdam, 1687, p. 20-34. 114-125,
teuque et differents de ce livre, a savoir : 1° le livre 137-147, 150 sq.; Leltres choisies, lettres xxvm-xxx,
des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, qui contenait 2e edit.. Paris, (.1730, t, in, p. 206-236; Critique de la
sans doute le recit de la defaite d'Amalec, Exod., xvn, Bibliotheque des auteurs eccle'siastiques, Paris, 1730,
14, et toutes les stations decrites par Moi'se, Num., t. n, p. 449; t. m, p. 154-247. Cf. A. Bernus, Richard-
xxxiii, 2; 2° le livre de 1'alliance, Exod., xxi, 4, 7, re- Simon, Lausanne, 1869, p. 78-80, 83-89; H. Margival,
duit aux lois, Exod., xx, 22-xxin, 33; 3° un livre Richard Simon et la critique biblique au jr//e siecle,
d'explication de toutes les lois mosaiques, Deut,, i, 5, dans la Revue d'histoire et de litterature religieuses,
lois qu'il avait imposees de nouveau, Deut., xxix, 14, 1897, t. ii, p. 540-545.
livre qu'il avait ecrit en y relatant la renovation de L'arminien Jean Leclerc, sous le voile de 1'anonyme,
1'alliance, Deut.,xxxi, 9; c'est le « livre de la loi », attaqua Richard Simon et nia 1'authenticite mosaique
augmente par Josue, Jos., xxiv, 25, 26, livre perdu, du Pentateuque. II signalait dans les livres de Moi'se des
mais insere partiellement dans le Pentateuque, avec le details et des chapitres entiers qui, d'apres lui,
cantique. Deut., xxxn. Quoiqu'il soit vraisemblable que supposent une epoque posterieure a Moise. Dans son
Moi'se ait ecrit d'autres lois, on ne peut cependant etat actuel, le Pentateuque est une compilation, non
1'afn'rmer, car les anciens pouvaient les avoir redigees pas d'ouvrages ofiiciels, extraits des archives publiques,
eux-memes et 1'auteur de la vie de Moise les avoir in- mais bien d'ecrits prives, dont quelques-uns, comme
PENTATEUQUE 86
-celui des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, etaient ante- by Jews and Christians, Londres, 1792; Critical remarks
rieurs a Moise. Celui-ci n'a redige que la partie princi- on the Hebrew, Londres, 1800, t. I, parla le premier de
pale des livres que la tradition lui a attribues. L'auteur nombreux fragments plus ou moins etendus, divergents
du Pentateuque, si au courant des choses chaldeennes, et meme contradictoires, reunis et mis en ordre par
•a du vivre en Chaldee. Or, les Juifs.n'avaient pas passe un redacteur pour former le Pentateuqu'e actuel. Ces
1'Euphrate avant la captivite. L'auteur a done vecu fragments se groupaient en deux series, caracterisees
apres 722; mais il n'est pas Esdras, puisque les Sama- paries noms divins, Elohim et 3eho\a\\. Vater, Commen-
ritains possedaient auparavant le Pentateuque. C'est tar iiber den Pentateuch, 3 in-8«, Halle, 1802-1805,
plutot le pretre Israelite, envoye par le roi d'Assyrie repandit cette nouvelle hypolhese en Allemagne. Moi'ss
aux Samaritains, IV Reg., xvn, 24-28, qui a compose le a bien pu rediger quelques-uns des fragments, entree
livre de la loi pour leur instruction. Son travail a ete dans la composition du Pentateuque; mais il n'est pas
•commence apres la decouverte de la loi dans le Temple le compilateur du recueil. Celui-ci n'a fait que juxtapo-
sous Josias. Plus tard, les pretres de Jerusalem ont mis ser dans Fordre chronologique des fragments d'epoques
leur loi d'accord avec le Pentateuque samaritain. Sen- differentes, qui sont demeures disparates.Les lois enpar-
timens de quelques theologiens de Hollande sur VHis- ticulier avaient ete promulguees selon les occurrences.
toire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, La premiere collection, le Deuteronome, existait deja
p. 107-129; Defense des Sentimens de quelques theolo- au temps de David et de Salomon; on la retrouva sous
giens de Hollande, lettre vne, Amsterdam, 1686, p. 166- Josias. Les fragments historiques et legislatifs, compo-
188. Plus tard, Leclerc attenua son premier sentiment. ses dans 1'intervalle, y furent joints. Le Pentateuque
Tout en maintenant que le Pentateuque dans son etat avait ete termine a une date inconnue, peut-etre dans
actuel etait posterieur a Moiise, il declarait que les addi- les derniers temps du royaume de Juda. De Wette se
tions etaient si peu considerables qu'on ne pouvait refu- rallia a cette hypothese. Dissertatio critica qua aprio-
ser a Moi'se la composition du livre. Genesis sive Mosis ribus Deuteronomium Pentateuchi libris diversum
prophetsB liber primus, proleg., diss. lit, Amsterdam, aliud cu/usdam recenlioris auctoris opus esse mons-
1693. En 1686, Antoine Van Dale soutint qu'Esdras tratur, in-4°, lena, 1805; Beitrage zur Einleitung in
etait 1'auteur du Pentateuque, mais qu'il avait utilise le das A. T., Halle, 1807, t. u. Pour lui, la Genese et
livre de la loi, decouvert au Temple, et d'autres ecrits, 1'Exode sont 1'epopee nationale des Israelites, formee,
historiques et prophetiques. comme les oeuvres d'Homere, de fragments mythiques
2. Hypothese documentaire. — La premiere syste- divers. Voir t. iv, col. 1377. Le Levitique est le recueil
matisation de la composition du Pentateuque consista des lois attributes a Moise et soi-disant' donnees au
•dans la supposition de sources diverses, compilees et Sinai. Les Nombres forment un appendice, sans plan,
utilisees par 1'auteur. Jean Astruc, Conjectures stir les ajoutes aux trois premiers livres qu'ils continuent. Le
memoires originaux dont il parait que Moise s'est Deuteronome comprend des lois posterieures, censees
servi pour composer le livre de la Genese, Bruxelles promulguees par Moise au pays de Moab et differentes
(Paris), 1753, determina le premier le contenu et la de la legislation sinaiitique. La collection des cinq livres
nature des memoires anterieurs que Moise avait em- est posterieure a la decouverte du Deuteronome sous
ployes pour rediger la Genese, et les parties du recit Josias. Plus tard, il fixa au temps de la captivite a
actuel qui leur avaient ete empruntees. Les repetitions Babylone la composition du Deuteronome et la derniere
et les divergences des recits lui servirent de point de redaction du Pentateuque. Lehrbuch der historisch-
depart dans le discernement des sources, etla diversite kritische Einleilung in A. T., 3e edit., Berlin, 1829,
des noms divins, Elohim et Jehovah, lui fit designer les Pour L. Berthold, Ilistorisch-kritische Einleitung,
deux principales sources combinees par Moi'se, 1'une Erlangen, 1813, part. Ill, p. 768-842, quelques frag-
elohiste et 1'autre jehoviste. Une troisieme nommait ments, dont le Pentateuque est compose, pouvaient elre
Dieu Jehovah-Elohim. Astruc distinguait encore neuf de Moiise lui-meme ou, au moins, etaient de son temps.
autres sources, qui n'etaient que fragmentaires. II La plupart ont ete redigc-s au commencement du regne
supposait enfin que Moi'se avait dispose sur quatre de Saul. Les recueils se sont formes progressivement
colonnes les materiaux preexistants, et que les copistes par le travail de quatre ou cinq ecrivains. La collection
avaient mele et confondu ces quatre recits; de la pro- complete n'a ete faite que sous Salomon. Hartmann,
venaient les repetitions et les incoherences de la Genese Historisch-krilische Forschungen uber die Bildung,
actuelle. Voir t. i, col. 11964197. Eichhorn, Einleitung das Zeitaller und der Plan der fimf Bucher Moses,
in das A. T., Leipzig, 1780, t. T, etendit la distinction Rostock, 1831, p. 552-700, pretendait que Moise ne
des sources elohiste et jehoviste aux deux premiers savait pas ecrire et que les Israelites n'avaient eonnu
chapitres de 1'Exode. II a, en outre, caracterise ces 1'ecriture que sous les Juges. Selon lui, les plus an-
sources, non seulement par 1'emploi des noms divins, ciennes parties du Pentateuque sont posterieures a Sa-
mais encore par leur contenu et leur style. II ne se lomon, et les recueils ecrits de lois appartiennent aux
croyait pas en mesure de determiner leur origine. II derniers temps de la rqyaute. Les elements les plus
pensait d'abord que Moi'se avait redige la Genese et le importants du Pentateuque existaient a 1'epoque de
debut de 1'Exode, en les combinant; plus tard, il ne Jeremie et d'Ezechiel. On n'y fit plus tard qu'un petit
parla plus que d'un redacteur. Le reste du Pentateuque, nombre d'additions, d'ailleurs bien reliees au reste.
sauf quelques interpolations, comprenait la legislation L'etat actuel du texte est contemporain de la captivite
et le journal de voyage de Moi'se. Charles David Ilgen, a Babylone. P. von Bohlen, Genesis, Koenigsberg, 1835,
Die Urknnden des jerusalemischen Tempelarchivs in introduction, adopta les conclusions de Hartmann avec
Hirer Urgestalt, Halle, t. I (seul paru), distingua trois cette seule difference qu'il regardait le Deuteronome,
documents, deux elohistes et un jehoviste, ayant leur decouvert sous Josias, comme la partie la plus ancienne
genre propre de redaction. En les combinant, le redac- du Pentateuque.
teur a du les modifier pour les mettre d'accord. Aussi 4. Hypothese complementaire. — L'hypothese frag-
n'est-il pas facile d'en discerner dans le texte actuel mentaire n'eut guere de succes. Par reaction contre
tous les elements constitutifs. 1'emiettement des fragments, on en arriva a considerer
3. Hypothese fragmentaire. — Un nouveau courant le Pentateuque comme 1'ceuvre d'un premier ecrivain,
se dessina bientot, suivant lequel le Pentateuque etait completee plus tard par un redacteur, comme une his-
un conglomerat de fragments detaches et disparates. toire complete et suivie a laquelle on rattacha en guise
Alexandre Geddes (voirt. in, col. 145), pretre catholique de supplements des lambeaux de toute sorte. Kelle,
interdit, The holy Bible or the Books accounted sacred Verurtheilsfreie Wiirdigung der mosaischen Schrif-
87 PENTATEUQUE
ten, Freyberg,1812, soulint que la Genese etait un livre nait Phistoire depuis la creation jusqu'a la consecration^
primitivementbien ordonne,mais dont les recits avaient du Temple de Salomon; y) un recit compose par un>
ete deformes et le plan disloq-ue par des interpolations Ephraimite du xe ou du ixe siecle, contemporain d'Elie
successives. H. Ewald, Die Komposition der Genesis, ou de Joel, qui racontait Phistoire de Moi'se d'apres-
Brunswick, 1823, en raison du plan, de Punite du le premier document; S) un recit de la fin du ixe ou
style et de 1'origine dufond, soutint que la Genese etait du commencement du vme siecle; e) un ecrit jehoviste^
1'ceuvre non pas de Moise, il est vrai, mais d'un seul ceuvre d'un judeen de la premiere moitie ou du milieu
auteur qui n'avait recourii ni a des documents ni du viie siecle, sous Osias ou Joatham. Ce dernier est le
meme a des fragments anterieurs. Le meme critique, redacteur de 1'Hexateuque. Le Deuteronome formait un
rendant compte de Pouvrage de Stahelin, Kritische livre a part, redige dans la premiere partie du regne-
Untersuchung i'/ber die Genesis. 1830, favorable a Phy- de Manasse par un juif qui vivait en Egypte et com-
polhese documentaire, declara que le Pentateuque en- plete sous Josias par la benediction de Moise, xxxiv.
tier avait a sa base un ecrit unique, elohiste, compre- Geschichte Israels, Goettingue, 1843, 1845, t. i, p. 60-
nantquelques morcea'uxanlerieurs telsque le Decalogue 164; t. H, p. 1-25. Dans les editions suivantes, 2e, Goet-
et le livre de 1'alliance, et .dans lequel un redacteur tingue, 1851, 1853, t. i, p. 80-175; t. n, p. 14-45; 3«r
insera comme complements des extraits d'un ecrit je- Goettingue, 1864, t. I, p. 94-193, le Deuteronome de la<
hoviste posterieur. Sludien und Kritiken, 1831, p. 595- fin du vir siecle a ete retouche par le dernier redac-
606. F. Bleek, abandonnant 1'hypothese documentaire, teur de 1'Hexateuque, qui y a ajoute la benediction de
enseigna que 1'ecrit elohiste primitif avait ete complete Moi'se. Seul, Michel Nicolas, Etudes critiques sur la
par un redacteur jehoviste au moyen de ses propres Bible. Ancien Testament, Paris, 1862, p. 46-94, a-
recits et d'autres complements. Le Deuteronome est adopte une partie des conclusions d'Ewald.
plus recent et a ete joint a 1'ecrit primitif complete Les vues de Knobel n'ont pas eu plus de succes. Ce
sous le regne de Manasse dans la premiere moitie du critique distinguaittrois documents: a) le Grundschrift,
vn e siecle. De libri Geneseos origins atque indole his- elohiste, compose sous Saul au moyen de sources ante-
toricse observationes, 1836. rieures; b) le livre du droit, Rechtsbuch, moins com-
Le principal tenant de 1'hypothese complementaire plet que le precedent et fait d'apres lui, contenant des
fut F. Tuch. Commentar uber die Genesis, Halle,1838. lois morales et la legislation theocratique, oeuvre d'un
A son sentiment, Pelohisle est le Grundschrift, « ecrit levite du royaume du nord, qui vivait a 1'epoque ou ce
fondamental, » comprenant toute la partie legislative et royaume a ete detruit par les Assyriens; c) le livre
les principaux recits historiques et derivant de sources des guerres, Kriegsbuch, ainsi nomme en raison deses
ecrites. II a ete complete par le redacteur jehoviste, nombreux recits de bataille, compose d'apres le livre
peut-etre d'apres un autre document, mais certaine- du juste et le Grundschrift. Ce dernier document n'a
ment d'apres la tradition orale et des sources ecrites. jamais eu une existence separee. Son auteur qui em-
L'elohiste est anterieur a Salomon, et le jehoviste con- ployait le nom de Jehovah, un judeen du temps de Jo-
temporain de ce roi. De Wette accepta cette hypothese saphat, un levite probablement, a complete Pouvrage
dans les 5e et 6e editions de son Einleitung, 1840,1845. entier par des traditions et des legendes populaires
Stahelin 1'adopta aussi et 1'appliqua a tous les livres pour Phistoire primitive et a Paide de documents pour
nommes dans le titre de son ouvrage. Kritische Unter- Phistoire patriarcale. Le Deuteronome, qui est un ou-
suchungen uber den Pentateuch, die Bucher Josua, vrage distinct, est plus recent, son auteur a vecu sous
Richter, Samuelis und der Konige, Bale, 1843. II rap- Josias et sa langue ressemble a celle de Jeremie. Kri-
portait 1'elohiste au commencement de 1'epoque des tik des Pentateuch und Josua, p. 489-599.
Juges et le jehoviste au regne de Saul. C. von Lengerke, H. Hupfeld, Die Quellen der Genesis und die Art
Kanaan, Volks und Religionsgeschichte Israels bis ihrer Zusammensetzung, Berlin, 1853, a fait entrer
zum Tod des Josua, Koenigsberg, 1844, modifia les 1'hypothese documentaire dans une voie nouvelle, que
dates, rapportant 1'elohiste au debut du regne de Salo- les critiques ont depuis lors generalement suivie. II a
mon et le jehoviste a 1'epoque des rapports de Juda distingue dans la Genese trois documents independants:
avec 1'Assyrie, vers le regne d'Ezechias. Franz Delitzsch, a) le premier, elohiste, qui est Pancien Grundschrift,
Die Genesis, Leipzig, 1852, se rallia aussi momentane- au moins dans son ensemble; b) un second, elohiste,
ment a cette hypothese. qui raconte Phistoire des patriarches; c) le jehoviste
5. Nouvelle hypothese documentaire. — Cependant dont le contenu se rapproche beaucoup du precedent.
Pancienne hypothese des sources avait ete reprise. Un redacteur les a reunis et harmonises de facon a for-
Gramberg, Libri Geneseos secundum fontes rite di- mer une histoire complete et suivie. E. Bohmer a con-
gnoscendos adumbratio nova, 1828, et Stahelin, Kri- firme les vues de Hupfeld, son maitre. Liber Geneseos
tische Untersuchung uber die Genesis, 1830, distin- pentateuchicus, Halle, 1860; Das erste Buch der
guaient dans la Genese deux documents elohiste et Thora, 1862. Etendant ses recherches au Pentateuque
jehoviste, compiles plus tard. F. Bleek, Beitrcige zu den entier, Th. Noldeke, Untersuchungen zur Kritik des
Forschungen uber den Pentateuch, dans Studien und A. T., Kiel, 1869, p. 1-144; Histoire litteraire de I'A.
Kriliken, 1831, p. 488-524, pretendit que 1'Hexateuque T., trad, franc., Paris, 1873, p. 17-59, dislingua quatre
actuel avait eu au moins deux redacteurs : 1'auteur de documents : le jehoviste, un second jehoviste plus
la Genese qui, avant le schisme des dix tribus, avait ancien, le Grundschrift (elohiste), et le Deuteronome
redige, selon le plan de 1'Hexateuque, une histoire dans le plus recent des quatre. Les quatre premiers livres
laquelle il avait reproduit litteralement des chants, des du Pentateuque et Josue avaient ete formes avant la re-
narrations et des lois anterieurs, en les combinant avec daction du Deuteronome. E. Schrader, Einleitung de
les donnees de la tradition orale; 1'auteur du Deutero- de Wette, 8e edit., Berlin, 1869, ne reconnaissait que
nome qui, vers la fin du royaume de Juda, a insere deux documents principaux : a) 1'elohiste ou Grund-
son osuvre dans le premier recit, qu'il modifiait et schrift, ceuvre d'un pretre de Juda contemporain de
completait surtout dans la partie qui forme le livre David; b) le second, elohiste, compose par un Israelite
actuel de Josue. H. Ewald, abandonnant 1'hypothese du nord peu apres le schisme des dix tribus. Le jeho-
fragmentaire, distingua cinq documents : a) le livre viste les reunit en les remaniant et en y ajoutant de
des alliances, ecrit historique, redige au temps de nouveaux morceaux, entre 825 et 800, sous le regne de
Samson, qui allait d'Abraham a 1'epoque des Juges; Jeroboam II. Le Deuteronome, iv, 44-xxvni, 69, formait
6) le livre des origines, le Grundschrift elohiste, oeuvre un ouvrage special, redige peu avant sa decouverte au
d'un levite du debut du regne de Salomon, qui conte- Temple par un ecrivain qui touchait de tres pres a Je-
.89 PENTATEUQUE 90
•remie. Pendant la captivite, il fut joint aux quatre pre- Leipzig, 1906. Quelques critiques ont nie 1'unite litte-
miers livres; il subit alors des retouches et recut des raire de son ceuvre et distingue plusieurs elohistes,
additions. deux au moins, sinon trois, E1, E 2 , E3. Dans 1'ecole de
Un revirement d'opinion modifia ensuite les dates Wellhausen, on pretend que 1'elohiste est plus recent,
attributes a deux de ces documents : le Grundschrift, d'une centaine d'annees, que le jehoviste. Les traditions
•considere comma le plus ancien, passa pour le plus de celui-ci paraissent, dit-on,plus fraiches,plus simples
recent et le Deuteronome ne tint plus la derniere place. et plus nai'ves. Maisd'autres critiques, Dillmann,Kittel,
La theorie du developpement religieux en Israel, pro- Konig et meme WincHer, pour des raisons differentes,
posee par Reuss en 1830 et 1834, puis par Vatke, Die soutiennent la priorite de E. Les dates proposees sont
Religion des A. T. nach den kanonischen Buchern done divergentes; elles s'echelonnent du ix e auvm e sie-
entwickelt, Berlin, 1835, t. i, et par George, Die alte- cle avant notre ere. Toutefois, 1'auteur aurait insere
ren judischen Feste mit einer Kritik der Gesetzge- dans son ceuvre des documents anterieurs: morceauxpoe-
bung des Pentateuchs, Berlin, 1835, fut reprise par tiques, tiresdu livre des guerresde Jehovah,Num.,xxxi,
•Graf, Die geschichtlichen Bucher des A. T., Leipzig, 14,15, el du livre du juste ou des justes, Jos., x, 12,13,
1865, 1866, et dans Merx, Archiv fur wissenschaftliche voir t. in, col. 1873—1875, a savoir le chant du puits,
Erforschung des A. T., Halle, 1869, t. I, p. 366-477, Num., xxi, 17, 18, voir t. i, col. 1548, et le chant d'He-
•€t appliquee a la critique litteraire de 1'Hexateuque. sebon, Num., xxi, 27-30, voir t. in, col. 660, et peut-etre
Elle a donne naissance au systeme des quatre docu- aussi le cantique de Moi'se apres le passage de la mer
ments qui est aujourd'hui predominant parmi les cri- Rouge, Exod., xv, 1-18, voir t. iv, col. 1211-1212; en
tiques, adversaires de 1'authenticite mosai'que du Pen- outre, les oracles de Balaam, Num., xxin, xxiv (au moins
tateuque. En voici le resume : en partie),etla benediction des tribus d'Israel par Moi'se,
a) Document elohiste, E. — Nomme ainsi, parce que Deut., xxxm, voir t. iv, col. 1213-1214; lois morales, le
son auteur s'abstient systematiquement, avant la reve- Decalogue, Exod., xx, 1-17; lois civiles et rituelles, le
lation de Jehovah a Moiise au Sinai', d'employer ce nom livre de 1'alliance, Exod., xxi, 1-xxm, SB, -voir t. I,
revele, et designe Dieu sous le nom d'Elohim, ce docu- col. 388, code Israelite le plus ancien, dil-on, qu'on a
ment est le moins etendu et le moins important des quatre. rapproche du code d'Hammourabi, recemment decou-
II n'a ete insere dans 1'Hexateuque que par lambeaux, vert. Voir t. iv, col. 335-336.
<et par suite on a discute sur son point de depart. On 6) Document jehoviste, J. — On lui a donne ce nom,
pense generalement qu'il ne contenait pas d'histoire parce que son auteur a constamment employe le nom de
des origines et qu'il debutait par 1'histoire des palriar- Jehovah, meme avant sa revelation sur le Sinai. C'est
ches. On lui attribue Gen., xx, 1-17; xxi, 6-32a; xxn, encore un livre historique; mais il remonte jusqu'aux
1-14, 19; xxvin, 11,12, 17,18, 20-22; XXK, 1,15-23, 25- origines de 1'humanite, et apres 1'histoire primitive, il
28, 30; xxx, l-3a, 6, 8, 17-20a, 21-23; xxxi, 2, 4-18a, 19- raconte 1'histoire des patriarches, ancetres d'Israel, et
45, 47, 51-55; xxxn, 1-3, 146-22, 24; xxxin, 186-20; du peuple juif au moins jusqu'apres la conquete de la
xxxv, 1-8, 16-20; xxxvn, 26, 5-11, 14a, 15-18a, 19, 20, Terre Promise. On lui attribue les passages suivants
22, 236,24, 28a, 29, 30, 316, 32a, 34, 36; XL, 1-XLH,37; du Pentateuque : Gen., 11, 46-iv, 26; v, 29; vi, 1-8; vn,
XLIH, 14, 236; XLV, 1-XLVI, 5a; XLVII, 12; XLVIII, 1, 2, 1-5, 7-10, 12, 166, 17, 22, 23; vm, 26, 'Sa, 6-12, 136, 20-
8-22; L, 15-26; Exod., i, 15-u, 14; m, 1-6, 9-15, 21, 22; iv, 22; ix, 18-27; x, 849, 21, 24-30; xi,l-9, 28-30; xn, l-4a,
17,18, 206, 21; VH,206,21o, 24;ix, 22, 23a, 35; x,8-13a, 6-20; xni, 1-5, 7-lla, 126, 20-22; ix, 18-27; x, 8-19, 21,
20-27; xi, 1-3; xn, 31-36, 376-39; xv, 1-21; xvir, 3-6, 24-30; xi, 1-9, 28-30; xn, l-4a, 6-20; xin, 1-5, 7-lla,
£xvm, 27; xix, 26-19; xx, 1-21; xxi, 1-xxni, 33; xxiv, 126-18; xv; xvi, 16, 2, 4-14; xvm, 1-xix, 28, 30-38; xxi,
3-8,12-15a, 186;xxxi, 186-xxxii, 8,15-xxxm, 23. Dans la, 2a, 33; xxn, 15-18; xxiv, 1-xxv, 6, 116,18, 2i-26a,
le livre des Nombres, le partage entre 1'elohiste et le 27-xxvi, 33; xxvn, l-45;xxvin, 10, 13-16,19; xxix, 2-14,
jehoviste est si difficile a operer que les plus recents 31-35; xxx, 36-5, 7, 9-16, 24-xxxi, 1, 3, 46,48-50;xxxn,
critiques renoncent a le faire et se bornent a attribuer 3-13a, 22, 2i-xxxiii, 17; xxxiv, 26, 3, 5, 7, 11, 12, 19,
a JE les passages qu'ils distinguent du code sacerdo- 25, 26, 30, 31; xxxv, 14, 21, 22a; xxxvn, 3, 4, 12, 13,
tal, a savoir Num., x, 29-xn, 15; xin, 176-20, 22-24, 266- 146, 186, 21, 23a, 25-27, 286, 31 a, 326, 33, 35; XXXVIH;
31, 326, 33; xiv, 3, 4, 8, 9, 11-25, 31-33, 39-45; xvi, 16, xxxix; XLII, 38; XLIII, 1-13, 15-23a, 24-xuv, 34; XLVI,
2a, 12-15, 25, 26, 276-32a, 33, 34; xx, 16, 'Sa, 5, 14-21; 28-XLVii, 6, 13-27a, 29-31; XLIX, 16-28a; L, 1-11, 14;
xxi, 1-3, 46-9, 12-35; xxn, 2-xxv, 5; xxxn, 1-17, 20-27, Exod., i, 6, 8-12; n, 15-23a; m, 7, 8, 16-20; iv, 1-16,
38-42. Quelques versets du Deuteronome, x, 6, 7; xxvn, 19, 20a,22-vi, 1; vn, 14-18, 23, 25-29; vin, 4-lla, 16-ix,
5-7a; xxxi, 14, 15, 23;xxxm, 1-28; xxxiv, 5, 6, provien- 7, 13-21, 236-34; x, 1-7, 136-19, 28, 29; xi, 4-8, 21-27,
draient de E, et xxxiv, 10-12, de JE. Certains critiques 29, 30; xin, 3-22; xiv, 5-7, 10-14, 19, 20, 216, 24, 25,
retrouvent un elohiste dans les livres de Josue, des 276, 30, 31; xv, 22-27; xvi, 4; xvu,16, 2, 7; xix, 20-25;
Juges, de Samuel et des Rois. Son recit irait jusqu'a la xx, 22-26; xxiv, 9-11; xxxn, 9-14; xxxiv, 1-28. Pour les
mort de Saul (Cornill) ou memejusqu'au temps d'Achab Nombres, la part du jehoviste est si etroitement melee
{Bacon). a celle de 1'elohiste qu'on ne peut les distinguer avec
C'etait done un livre historique, commencant a Abra- certitude, voir col. 89. Dans le Deuteronome, on
ham et racontant Thistoire de Moi'se et de la conquete n'attribue au jehoviste que xxxiv, 16-4. Le jehoviste
de la Palestine d'apres une tradition differente de celle racontait aussi 1'histoire de la conquete de la Palestine,
qu'a reproduite le document jehoviste. Elle comprenait si meme il ne parlait pas des Juges. J. Lagrange, Le
le Decalogue et le livre de ralliance.comme legislation livre des Juges, Paris, 1903, p. xxni-xxxn.
donnee a Moise sur le mont Horeb. Ses recits seraient Ce document envisageait les faits qu'iJ rapportait au
tres objectifs et tres precis. L'auteur, qui etait au cou- point de vue religieux et moral, et 1'histoire qu'il con-
rant des choses egyptiennes, etait deja domine par les tient est a lafois nationale et religieuse. Pour laperiode
vues religieuses des premiers prophetes d'Israel. II re- primitive, il a reproduit la tradition populaire et quel-
digeait une histoire theocratique plutot qu'une histoire ques chants de 1'age heroiique : le chant de Lamech,
nationale. II einployait des expressions speciales, et son Gen., 11, 23, 24, voir t. iv, col. 41-42, et la benediction
style parait uni et coulant, quoique parfois peu chatie. de Jacob mourant. Gen., XLIX. Cf. J. Lagrange, Lapro-
Comme presque toutes les traditions qu'il rapporte se phctie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vn,
rattachent a des localites du royaume d'Israel, on pense p. 539-540; Fl. de Moor, La benediction de Jacob,
generalement qu'il etait de ce royaume. 0. Procksch, Bruxelles, 1902. L'histoire des patriarches est fonciere-
Das nordhebraisches Sagenbuch. Lie Elohimquelle, ment la meme que dans 1'ecrit elohiste; elle ne se
91 PENTATEUQUE
diversifie que par quelques particular! tes. De plus no- 1896, ont isole, mais d'une facon divergente, dans le-
tables divergences sont signalees dans 1'histoire de code les passages dans lesquels le legislateur emploie
Moise et de la conquete de Chanaan. L'auteur reproduit, le singulier (tu) et ceux oil il se sert du pluriel (vou§}~
Exod., xxxiv, 11-26, une forme, exclusivement religieuse Cf. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gcettingue,
et rituelle, du Decalogue, revele au Sinai', ou au moins 1900, p. ni-vi. Tous les critiques admettent par suite,
un fragment d'un ecrit legislatif. Dans lerecit des fails, non pas un seul ecrivain deuteronomiste, mais toute
cet hislorien suit 1'ordre chronologique. II se plait a une ecole, animee uu meme esprit. Ils discernent done,
indiquer I'etymologie des noms de personnes et de en dehors du Deuteronome primitif, D 1 , des couches,,
-lieux, et il rapporte des details qui lui sont propres. II secondaires, D 2 , D 3 , qui ont penetre aussi dans le livre
envisage 1'histoire de Fhumanite et d'lsrael en confor- de Josue. Cf. F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903,.
mite avec les idees religieuses et morales des prophetes. p. 57-60.
Jehovah est le Dieu du monde en tier, le Dieu tout-puis- Le Deuteronome depend des documents precedents-
sant, la providence de son peuple de choix. Les critiques et pour 1'histoire et pour la legislation. Dans les intro-
declarent que le jehoviste est le meilleur narrateur de ductions historiques et dans les allusions que contien-
tout 1'Ancien Testament. Son livre est une sorte d'epo- nent les exhortations, il resume les faits racontes dan&
pee nationale. Parce que le theatre des evenements 1'elohiste et le jehoviste. Cf. Fr. de Hummelauer,
dont on lui attribue le recit est souvent Hebron ou ses Deuteronomium, Paris, 1902, p. 149-158. Les details-
environs, on regarde generalement 1'auteur comme un nouveaux qu'il donne proviennent peut-etre des frag-
judeen. Toutefois, on s'est demande si 1'ouvrage etait ments perdus de ces deux histoires. II n'impose pas-
d'un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y recon- non plus une legislation nouvelle. II exhorte ses audi-
naitre des traces d'au moins deux mains differentes, teurs a pratiquer fidelement la legislation donnee par
J1 etJ 2 . Voir Kuenen, Histoire critique des livres de Dieu au Sinai ou a 1'Horeb, iv, 9-15, a garder 1'alliance
I'A. T., trad, franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158, 162- contracted avec Dieu et a observer le Decalogue, v, 1-33.
163; Budde, Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883, Le code lui-meme s'inspire du livre de 1'alliance, en
p. 521-531; Cornill, Einleitung in das A. T., 3e et developpe les dispositions, en tire les consequences et
4e edit., Fribourg-en-Brisg-au et Leipzig, 1896, p. 43-46; y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu'il est
C. Bruston, Les deux jehovistes, Montauban, 1885. adapte a une situation differente. Toutefois, c'est plus-
Quant a la date de la composition, on la fixe commu- qu'une mise au point de 1'ancien droit religieux; c'est
nement auix e siecle'vers 850, au moins pour J 1 . Quant aussi une reaction contre le passe et 1'introduction d'un
a J'2, pour ceux qui admettent son existence, il serait esprit nouveau dans les moeurs et les pratiques popu-
du vine ou du Yii e fiecle. laires. II va a 1'encontre du livre de 1'alliance, et s'ii
c} Le Deuteronome, D. — Les critiques ont longuement s'en rapproche, c'est pour prendre sa place. II se
discute sur le contenu primitif de cette legislation qui donne comme le code complet et homogene, promul-
se presente comme ayant ete promulguee par Moi'se au gue par Moi'se au pays de Moab, comme le code de
pays de Moab avant 1'entree des Israelites dans la Terre 1'avenir que les Israelites devront observer quand ils
Promise. Considerant le caractere disparate du contenu, seront etablis en Chanaan. Le livre de 1'alliance repre-
visible malgre 1'unite apparente du livre, ils ont pense sente aux yeux de son auteur le culte ancien de
que le Beuteronome actuel n'est pas une ceuvre homo- Vepoque ou chactsn faisait ce qui \ui semblait bon.
gene, mais qu'il comprend un fond primitif, complete, Tout en sanctionnant quelques usages d'autrefois, il
remanie et finalement arrange pour servir de conclu- s'ecarte fortement du passe par la centralisation du
sion au Pentateuque. Les plus moderes conservent au culte, a laquelle il rattache et la celebration des fetes-
Deuteronome primitif, D, 1'ensemble des c. i-xxxi, re- et les fonctions des ministres sacres. S'il n'est pas une
touches par un redacteur, Rj. Cf. F. Montet, Le Deute- fiction .pure, il est ou bien un precipite et une cristal-
ronome et la question de VRexateuque, Paris, 1891, lisation des idees des prophetes precedents, qu'il con-
p. 49-116; Driver, Einleitung in die Literatur des dense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, a
A. T,, trad, allemande, Berlin, 1896, p. 98-103; Deute- Moi'se, le premier des prophetes, ou bien la codifica-
ronomy, Londres, 1895; A. Van Hoonacker, L'origine tion des coutumes anciennes, ayant recu par 1'usage force
des quatre premiers chapitres du Deuteronome, Lou- de lois, ou enfln, pour quelques critiques, 1'utilisation
vain, 1889. D'autres restreignent le noyau a v-xxvi, de sources ecrites anterieures. Le seul element nou-
avec iv, 45-49, comme introduction, et une conclusion, veau consiste dans 1'exhortation ou parenese a observer
qui varie selon les individus (Kuenen, Konig, Reuss, la loi, surtout dans les motifs d'obeir a Dieu : la fide-
Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium, lite a garder 1'alliance contracted avec Dieu et Pamour
Tubingue, 1899. Un troisieme groupe le reduit a xn, de ce Dieu, qui a tant aime son peuple choisi. L'ecrivain
1-xxvi, 19. Wellhausen, Die Composition des Hexa- a aussi ses expressions propres et un style tres carac-
teuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu'on en avait teristique. Les locutions speciales correspondent, du
fait plus tard deux editions differentes, comprenant, la reste, au contenu et au genre litteraire. Le Deutero-
premiere, i, 1-iv, 44; xn-xxvi; xxvn, et la seconde, iv, nome est un code de lois, expose et explique dans une
45-xi, 39; xn-xxvi; xxvni-xxx, finalement combinees homelie; c'est une serie de discours prononces pour
par le redacteur qui a insere le Deuteronome dans encourager a la pratique de la loi divine. Les ordon-
1'Hexateuque. Cornill, Einleitung, p. 27-28, a dispose nances portent des noms techniques, et 1'homeliste a
un peu autrement la part de chaque edition. Wilde- des formules prefere'es qu'il repete constamment et qui
boer, Die Literatur des A. T., 2e edit., Goettingue, sonnent comme des refrains. C'est un predicateur qui
1905, p. 177; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, exhorte avec onction et persuasion. II parle clairement
Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 274-275, et pour etre compris du peuple; il s'insinue doucement
L. Gautier, Introduction a I'A. T., Lausanne, 1906,1.1, dans 1'esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas
p, 79-8i. L. Horst, Etudes sur le Deuteronome, dans d'insister sur 1'observation fidele de la loi divine. Son
la Revue de 1'histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 28- exhortation traine meme en longueur; il veut toujours
65, a considere le code lui-meme, xn-xxvi, comme un arriver au fait et il n'y parvient jamais. II revient en
recueil ou plulot une compilation d'elements preexis- arriere et repete ce qu'il a dit. Son style n'est pas con-
tants, reunis sans ordre et souvent comme au hasard. cis, et 1'uniformite des formules finit par le rendre
Staerk, Das Deuteronomium, Leipzig, 1894, et Steuer- fastidieux.
nagel, Der Rahmen des Deuteronomium, Halle, 1894; Quant a la date de la composition du Deuteronome,
Die Enstehung des deuieronomischen Gesetzes, HalJe, elle est tres diverse selon les divers critiques. Le point
93 PENTATEUQUE
de depart de sa determination esl le fait de la decou- sacerdotale et rituelle des livres du milieu. Cette deno-
verte de ce livre au Temple de Jerusalem, a la 18e annee mination ne convient qu'a la partie principale du do-
du regne de Josias. II Reg., xxn, 3-xxm, 23. Quelques cument, qui est a la fois un livre historique et un code;
critiques francais ont denie toute valeur historique au elle a ete neanmoins adoptee. Ce document, qui a
recit de ce fait et pretendu qu'il avait ete fabrique fourni au dernier redacteur le cadre de 1'Hexateuque,
d'apres le Deuteronome, dont ils rabaissaient la publi- a ete conserve en entier, sauf de rares lacunes; aussi,
cation apres le retour de la captivite, sinon meme sous reconstitue a part, forme-t-il un tout suivi et coor-
la domination perse. L. Havet, Le Christian ism e et ses donne. On attribue a son auteur la division de la Genese
origines, Paris, 1878, t. in, p. 137-157; G. d'Eichthal, en toldot, ou tableaux genealogiques. Voici la part qui
Eludes sur le Deuleronome, dans ses Melanges de lui revient dans la Genese : i, 1-n, 4a; v, 1-28, 30-32;
critique bibliqiie,Paris, 1886, p. 85-108; Hoort, Etudes vi, 9-22; vii, 6, 11, 13-16 a, 18-21, 24; vm, l-2a, 36-5,
sur le Deuteronome, dans la Revue de I'/iistoire des 13a, 14-19; ix, 1-17, 28, 29; x, 1-7, 20, 22, 23, 31, 32;
religions, 1888, t. xvn, p. 11-22; t. xvm, p. 320-334; xi, 10-27, 31, 32; xn, 46, 5; xm, 6, 116-12a; xvi, la,
M. Vernes, Une nouvelle hypothese stir la composition 3, 15, 16; xvn; xix, 29; xxi, 16, 26-5; xxm; xxv,
du Pentateuque. Examen des vues de M. G. d'Eichthal, 7-11 a, 12-17, 19, 20, 266; xxvi, 34, 35; xxvn, 46-
Paris, 1887; Precis d'histoire juive, Paris, 1889, p. 795. XXVIH, 9; xxix, 24, 29; xxxi, 18 b; xxxm, 18#; xxxiv,
Mais la verite historique du recit est demonlree, 1, 2 a, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-24, 27-29; xxxv, 9-13. 15, 22b-
cf. Piepenbring, La reforme et le code de Josias, dans xxxvu, 2a; XLVI, 56-27; XLVII, 7-11, 27b, 28; XLVIH,
la Revue de I'histoire des religions, t. xxix, ei adniise, 3-7; XLIX, la, 286-33; L, 12, 13. Dans la suite, Exod.. i,
pour le fond au moms, par tous les critiques. Ils en 1-5, 7, 13, 14; n, 236-25; vi, 2-vn, 13, 19, 20a, 216,
concluent que D1 est anterieur a 621, puisqu'il a ete re- 22; vm, 1-3, 116-15; ix, 8-12; xi, 9-xii, 20, 28, 37a,
trouve cette annee-la. Mais le disaccord le plus profond 40-xia, 2; xiv, 1-4, 8, 9, 15-18, 21 a, 21c-23, 26, 27a,
regne sur la date precise de sa composition. La plupart 28, 29; xvi, 1-3, 5-xvn, la; xix,l, 2a; xxiv, 1,.2, 156-
des critiques de 1'ecole de Wellhausen ne la remontent ISa; xxv, l-xxxi,18a; xxxiv,29. —Num., x, 28 (y com-
guere avant 621. Selon eux, la trouvaille n'a ete ni for- pris le Levitique); xm, 1-17a, 21, 25, 26a, 32a; xiv,
tuite ni imprevue; elle a ete premeditee etfaite en vue 1, 2, 5-7, 10, 26-30, 34-38; xv, 1-xvi, la, 26-11, 16-24,
de realiser une reforme religieuse. Le livre avait done 27a, 326, 35-xx, la, 2, 3b, 4, 6-13, 22-29; xxi, 4a, 10,
ete redige dans ce dessein, cache et presente comme 11; xxir, 1; xxv, 6-xxxi,54; xxxn, 18, 19, 28-33; xxxm,
1'osuvre de Moi'se. Du reste, il apparait comme un com- 1-xxxvi, 13; Deut., iv, 41-43; xxxn, 48-52; xxiv, la.
promis entre le parti prophetique et le parti sacerdotal Le recit de P se poursuivait dans le livre de Josue.
ou, au moins, comme le programme religieux et poli- S'il fournissait peu de details sur la conquete, il etai4
tique du parti prophetique du temps. Mais si le code plus etendu sur le partage du pays de Chanaan.
avait ete fabrique en vue de la reforme, il ne devrait Dans ce document, la legislation est plus developpee
contenir que les lois propres a amener la reforme. Or que I'histoire; celle-ci, d'ailleurs, n'est que le cadre
il comprend beaucoup d'ordonnances qui n'ont aucun historique des institutions religieuses d'Israel. Elle re-
rapport a ce projet. Cf. P. Martin, De I'origine du monte jusqu'aux origines et presente les premiers
Pentateuque (lithog.), Paris, 1887-1888, t. u, p. 243-270. temps de I'humanite comme les debuts du peuple theo-
Aussi Cornill et Bertholet tiennent-ils le Deuteronome cratique, dont 1'institution commence a la sortie
pour un produit et un resume de 1'enseignement des d'Egypte. Elle n'est pas tres detaillee : les evenemenls
prophetes, comme un precipite et une crystallisation de principaux sont longuement racontes; mais pour les
leurs vues. Colenso et Renan en attribuaient la pater- faits intermediaires, 1'auteur precede par tableaux ge-
nite au prophete Jeremie. Mais les critiques pensent nealogiques ou se borne a indiquer les stations d'Israel
plutot que Jeremie a connu le Deuteronome, dont il a au desert. La preparation de I'histoire de Moi'se com~
partiellement pris 1'esprit et imite le style. Voir t. in, prend trois alliances de Dieu avec Adam, Noe et Abra-
col. 1278. Pour quelques-uns, le livre serait pourtant ham. Si on y joint I'histoire de Moi'se, qui rapporte-
du temps de ce prophete. D'autres, rejetant 1'hypothese 1'alliance du Sinai', le code se divise en quatre periodes,.
d'une fraude et de la fabrication intentionnelle du qui lui ont fait donner par Wellhausen le nom de Vier-
Deuteronome, pensent que ce code a ete rcellement bundesbuch, «le livre des quatre alliances.» La qualrieme-
perdu de vue a la fin du vme siecle et qu'il aurait ete alliance embrasse toute la legislation mosaique. Celle-ci
redige au cours de ce siecle sous les regnes d'Ezechias est essentiellement sacerdotale et rituelle, et elle a
ou de Manasse. Pour exclure le temps d'Ezechias, plu- pour but d'etablir le peuple saint par excellence (hiero-
sieurs consfatent 1'absence de points de contact et cratie) et la societe religieuse en Israel. Voir t. iv,
d'affmite entre le Deuteronome et le prophete Isaiie, col. 330-332. Bien que le code sacerdotal regie princU
contemporain et conseiller de ce roi. Le Deuteronome palement les manifestations exterieures du culte, il
tend plutot a realiser les vues d'Osee et d'Isai'e. On y n'exclut pas les lois morales, dont il suppose Fobser-
voit des lors un programme de reforme religieuse ela- vation exacte. Sa terminologie est tres nettement carac-
bore sous le long regne de Manasse par reaction centre terisee, et elle comprend natu-rellement de nombreu-
1'idolatrie introduite par ce roi en Juda. Voir t. iv, ses expressions techniques qui designent les choses du
col. 642. Quelques-uns neanmoins onl pense a la re- culte. L'auteur repete souvent les memes formulas dans
forme d'Ezechias, II Reg., xvm, 4-6, quoique, en dehors ses recits aussi bien que dans ses recueils de lois.
de la suppression des hauts-lieux, elle ne presente au- Quelques-unes sont stereotypees. II a le souci de 1'exac-
cun caractere deuteronomiste. Voir t. n, col. 2142-2144. titude et de la precision, mais il tombe dans la prolixite.
Klostermann a reconau le Deuteronome dans le livre Son style est peu image, et sa langue est abstraite.
lu au peuple sous Josaphat. II Par., xvn, 9. Mais ce Le code sacerdotal etait lui-meme une compilation.
pieux roi n'a pas detruit les hauts-lieux, I Reg., xxir, L'enchainement des materiaux parait brise par de
44; aussi d'autres critiques pensent-ils que Je livre de longues additions intercalees; certaines lois sont repe-
1'alliance fut la regie de sa reforme. Voirt. m, col. 1648. tees; quelques dispositions sont divergentes. Tous les
Kleinert rapportait le Deuteronome a la fin de 1'epoque morceaux cependant ont le meme esprit, le meme ca-
des Juges. ractere general et le meme style; s'ils viennent de la
d) Le code sacerdotal, P. — C'est 1'ancien elohiste meme ecole, ils ne sont pas de la meme main. Ausei
ou premier elohiste ou encore le Grundschrift, nomme les critiques ont-ils distingue dans le code trois couches
enfinpar Wellhausen Priestercodex (d'oii le sigle P) ou differentes : a) un ecrit historique et legislatif, appele
* code sacerdotal », parce qu'il contenait la legislation priesterliche Grundschrift, « Pecrit fondamental sacer-
96
1
•dotal, » P cm Ps, parce qu'il fait le fond du code; Les disciples de Wellhausen la fixent apres le retour
P) un recueil particulier des lois, que Klostermann a de la captivite. Certains indices, tires du contenu du
nomme Heiligeitsgesetz, « loi de saintete, » H, P2 ou livre, la comparaison du code avec la legislation reli-
Ph, Lev., xvii-xxvi, parce qu'il traite specialement de gieuse d'Ezechiel et avec les prophetes qui ont suivi ce
la saintete levitique, code plus ancien (contemporain retour, tendent, a leur jugement, a reporter le code apres
d'Ezechiel, ou un peu posterieur, sinon meme, selon le retour des Juifs a Jerusalem. Esdras en particulier
quelques-uns, 1'ceuvre de ce prophete), incorpore pos- aurait lu au peuple le code sacerdotal, II Esd., IX, 1-x,
terieurement dans 1'ecrit fondamental sacerdotal; 39, qu'il avait apporte de Babylonie et dont il serait,
yj des parties secondaires, P3, P*, P°, seJon Kuenen, sinon 1'auteur unique, du moins le principal inspira-
Ps ou P* selon d'autres critiques, retouches et addi- teur. Cf. G. Wildeboer, De la formation du canon de
tions qui proviendraient peut-etre de couches superpo- I'A. T., trad, franc., p. 78-79. Done Pa a ete compose
sees et seraient 1'oeuvre d'une ecole plutot que d'une au plus tot a la fin de la captivite a Babylone, sinon
seule main. Bertholet et Baentsch ont distingue, en meme en Palestine apres le retour. Mais les critiques
outre, deux recueils de lois : a) un rituel de sacrifices, qui pensent avec raison qu'Esdras a lu au peuple le
Opferthora, P°, Lev., I-YII; fi) des preceptes; relatifs a la Peutateuqne entier, voir col. 69, estiment que le code
"purete legale, Reinheitsvorschriflen, P r , Lev., xi-xv, avait ete redige anterieurement, apres Ezechiel, mais
qui auraient ete inseres dans HPa reunis, avant que le avant le retour des premiers captifs (536).
travail de Ps ait commence. Si le code est de date si tardive, a quelles sources
Selon les partisans de la premiere hypothese docu- ont ete puises les materiaux mis en O3uvre? Tous les
mentaire, le Grundschrift, qui correspond presque critiques reconnaissentque, pour ses recits historiques,
entierement au code sacerdotal, passait pour la partie 1'auteur depend de J et de E, probablement deja com-
la plus ancienne du Pentateuque. C'etait le livre du bines. II en a extrait des tableaux genealogiques et son
mosai'sme, le document qui refletait le mieux 1'esprit scheme historique jusqu'a la sortie d'Egypte; mais,
de Moi'se, son auteur. Quelques critiques cependant, tels selon les disciples de Wellhausen, il a manipule les
queC. Brus[Qft,L'hist:oiresacerdotaleel, le Deuteronome materiaux employes conformement a son but et a son
primitif, Paris, 1906, et A. Dillmann, Ueber die Com- plan. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch,¥rib9VLr§,-
position des Hexateuch, dans Lie Bucher Numeri, en-Brisgau, 1893, p. 358-376. Dillmann et Driver
Deuteronomium und Josua, 2e edit., Leipzig, 1886, pensent toutefois que 1'auteur a recouru a d'autres
tiennent le code pour anterieur au Deuteronome et pla- sources historiques que JE; qu'il n'a pas invente les faits
cent sa composition au moins au milieu du vm e siecle, qu'il est seul a rapporter et qu'il n'a pas non plus fal-
a une epoque ou les deux royauraes de Juda et d'Israel sifie de parti-pris la tradition Israelite. Quant a la
etaient encore puissants. Le comte de Baudissin rabaisse legislation speciale de P, 1'ecole de Wellhausen la
sa date vers la moitie du vne siecle. Die Geschichte der regarde comme la constitution a priori de la hierocra-
alttestamentlichen Priesterthums, 1889; Einleitung tie juive, tracee pour servir de regie a la restauration
in die Bucher des A. T., Leipzig, 1901. Mais la plu- religieuse qui suivit le retour a Jerusalem, projetee
part des critiques font du code sacerdotal le docu- dans le passe et attribute a Moise. Mais d'autres cri-
ment le plus recent qui soit entre dans la composition tiques pensent que les auteurs du code n'ont pas cree
de 1'Hexateuque. Us pretendent qu'aucun des livres de toutes pieces leur systeme liturgique, qu'ils y ont
bibliques, rediges avant ou pendant la captivite, n'a introduit un grand nombre d'elernents empruntes au
connu la legislation si compliquee de ce code. Les culte ancien et qu'ils ont ordonne systematiquement
institutions religieuses ou les pratiques rituelles, que les usages preexistants en les developpant et en les
signalent ces livres, prouvent bien 1'existence d'un adaptant a une situation noirve^e. La \radvlkm otale
•culte organise; mais elles n'ont point de rapport avec le fut codifiee a 1'aide sans doute de reglements ecrits
rituel minutieux de P. Quelques-unes meme, telles que avant la captivite.
1'offrande des sacrifices en tout lieu, et par d'autres e) Les redacteurs et la composition definitive. — Ces.
personnes q~ae pa? des ^ceites, sont opposees aux quatre documents, qui sont entres dans la trame de
prescriptions formelles du code et en particulier a la 1'Hexateuque, n'ont pas ete meles et combines par une
•concentration du culte qu'il regie et sanctionne. Si le seule main; plusieurs redacteurs y ont travaille et, a
code existait, on le violait sans scrupule, et les histo- en croire les critiques, sauf Dillmann qui a un systeme
riens sacres n'ont pas un mot de blame pour ces viola- special, la redaction du texte actuel a passe par trois
tions de la loi. Ce silence s'explique par la non-exis- stades principaux : a) Un premier redacteur jehoviste,
tence du code, anime, d'ailleurs, d'un autre esprit que RJe ou RJ, a combine J et E, en les remaniant pour
celui qui-. se manifeste dans ces livres. Les premiers les harmoniser et les adapter au point de vue prophe-
rapprochements de fond et de forme avec le code se tique, a 1'epoque deuteronomiste, avant ou plus ou
remarquent dans Jeremie; mais la ressemblance, lors- moins longtemps apres la redaction du Deuteronome. —
qu'elle existe, n'est pas complete, et il est plus vrai- P) Quand le Deuteronome eut ete completement acheve,
semblable que 1'auteur du code a fait des emprunts au c'est-a-dire pendant la captivite (vie siecle), un redacteur
prophete. II en est de meme, dit-on, avec Ezechiel. anime du meme esprit que ce livre Rd, incorpora D a
Pour ne parler que du nouveau culte organise par ce JE, en faisant subir a ce dernier quelques modifications
prophete, XLIV, 10-XLVi, 15, il tient, sous le rapport du necessaires pour accorder ses recits avec la loi deute-
sacerdoce, des fetes et des sacrifices, le milieu entre D ronomique. Probablement meme, plusieurs ecrivains
•et P, puisque ses descriptions sont plus detaillees que de la meme ecole travaillerent a cette redaction. —
celles du Deuteronome et plus simples que celles du Y) Un dernier redacteur, penetre" de 1'esprit et de la
code. II en resulte que le programme du prophete, re- lettre du code, RP, combine JED avec P, en retouchant
•dige en 573 ou 572, voir t. n, col. 2152, est anterieur les deux ecrits pour les raccorder. Le nombre et
au code qui est plus complet et plus perfectionne. On 1'etendue des retouches, la nature des remaniements ne
a cherche a confirmer cette conclusion par 1'etude de la sont pas determines avec certitude. La table des peu-
langue de P, qui serait plus recente et contiendrait des ples, Gen., xiv, quelle que soitsa date, aurait eteintro-
ararnaiismes. Mais de bons juges, Driver, Journal of duite alors pour la premiere fois dans le Pentateuque.
philology, t. xi, p. 201-236; Einleitung, p. 145-146, Selon Kuenen, la division en cinq livres aurait ete
168-170, ont reconnu qu'on n'en pouvait rien conclure faite par ce redacteur, qui est le dernier et definitif
.au sujet de 1'age du code. Quant a la date precise de sa redacteur du Pentateuque. Ce travail, ceuvre d'une
redaction, au moins pour Pa, 1'accord n'est pas fait. ecole de scribes plutot que d'un seul individu, serait,
97 TENTATEUQUE
pour les disciples de Wellhausen, posterieur a la pro- resultats qu'ils croient acquis; leur consensus est tres.
mulgation du code par Esdras en 444, et aurait ete restreint et ils se separent les uns des autres sur un
termine a la fin du ve siecle. D'autres critiques, nous plus grand nombre de points particuliers, parce que
1'avons dit deja, pensent que le code d'Esdras etait le leurs principes de critique sont arbitraires et leurs.
Pentateuque actuel (hormis quelques additions poste- appreciations subjectives. La nouvelle theorie docu-
rieures), forme par son ecole et sous sa direction en mentaire, malgre la fiere assurance avec laquelle on
vue d'harmoniser tous les documents legislatifs d'Israel 1'affirme demontree, n'a pas rallie tous les suffrages,,
et de constituer un code complet et unique. La der- et des esprits independants, meme en dehors du catho-
niere redaction du Pentafeuque aurait done ete execu- licisme el dans la categorie des hebrai'sants, en sont
tee en Babylonie, peu avant le retoura Jerusalem et les adversaires resolus. J. Halevy, L'histoire des ori-
en vue de la restauration prochaine. gines d'apres la Genese, dans les Recherches bibliques,.
En outre des ouvrages cites, voir Reuss, IShistoire Paris, 1895 et suiv., t. i et n; Green, The higher Criti-
sainteet la loi, Paris, 1879, t. in, de La Bible; Driver, cism of the Pentateuch, 1895; Rupprecht, Die Kritik
Einleitung in die Literatur des alien Testaments, nach ihren Recht und Vnrecht, 1897; B. Jacob, Der
trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170; Cornill, Ein- Pentateuch. Exegetisch-kritische Forschungen, Leip-
leitung in das A. T., 3e et 4e edit., Fribourg-en-Bris- zig, 1905; Orr, The problem of the Old Testament,
gau, 1896, p. 16-79; A. Westphal, Les sources du Londres, 1906.
Pentateuque, 2 in-8°, Paris, 1888, 1892- Holzinger, Sur la part qui revient dans le texte actuel a chaque
Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8°, Fribourg-en- document, sur la date des diverses sources et sur le
Brisgau, 1893; Wildeboer, Die Literatur des A. T,, travail des redacteurs, il y a presque autant de senti-
GcBttingue, 1895; 2« edit., 1905, passim; Addis, The ments que de critiques. On a renonce a distingueir
documents of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892, 1'elohiste du jevohiste dans une partie des recits des
1893; Briggs, The higher criticism of the Hexateuch, Nombres; leur part d'attribution est moins netteme'nl
2e edit., New-York, 1897; Steuernagel, Allgemeine delimitee que les indications donnees plus haut le laissent
Einleitung in den Hexateuch, Goettingue, 1900; supposer; nous avons du nous borner aux conclusions
Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol., principales. La conlinuite des documents n'est pas noi>
Londres, 1900; Carpenter, The Composition of the plus demontree; il reste des lacunes, des trous qui ne
Hexateuch, Londres, 1902; Gautier, Introduction a sont pas combles. Les critiques reconnaissent n'etre
I'A. T., Lausanne, 1906,1.1, p. 53-253; Strack, Einleitung d'accord qu'en gros et pour 1'ensemble; mais les diver-
in das A. T., 6" edit., Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Man- gences sont plus notables qu'on le dit; les tables d'Hol-
genot, Uauthenticite mosaique duPentaleuque, Paris, zinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur 1'age
1907, p. 16-201. des documents, les manieres de voir sont tres divergentes.
2° Reponse aux principales objections critiques. — Sans doute, les critiques placeront tous D apresE, mais
II est impossible et inutile de discuter ici en detail ce sera le seul point ou 1'accord sera parfait. Sur
toutes les difficultes que les critiques modernes ont 1'autorite de E et de J, sur celle de D et de P, les avis
accumulees centre 1'authenticite mosaique du Penta- demeurent partages. Cf. W. de Baudissin, Einleitnng
teuque. Plusieurs, du reste, ont deja ete ou seront in die Bucher des A. T., Leipzig, 1901, e p. 72-77, cite
resolues dans des articles speciaux de ce Dictionnaire, par M. Vigouroux, Manuel biblique, 12 edit., Paris,
auxquels nous renverrons. Apres avoir dit un mot de 1906, t. i, p. 440-444. Les parties dites redactionnelles
la methode et des conclusions des critiques, nous exa- sont plus discutees encore. A peine s'entend-on a les
minerons les principaux arguments generaux ou parti- discerner; mais on ne sait le plus souvent a qui les
culiers centre Vorigine mosaique du Pentateuque. attribuer. Stahelin et Kittel ont supprime le pre-
i. Methode suivie et incertitude des conclusions. — mier stade de redaction de 1'Hexateuque et ont
Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de attribue au redacteur deuteronomiste, Rd, la reunion
la tradition juive et chretienne, qui attribue a Mo'ise simultanee de J, de E et de D. A. Dillmann a propose
la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique trois autres stades de redaction du Pentateuque :
la tradition et 1'histoire ne puissent sur ce point etre a) union de Pa avec E et J ; b) union de PsEJ avec D;
negligees. C'est au livre lui-meme et a son contenu c) union de PaEJD avec P h . Toutes ces divergences,
seul qu'ils demandent 1'explication de son origine. Us que les critiques cherchent a attenuer, prouvent a
analysent minutieusement le texte, relevent et exa- 1'evidence que les conclusions ne sont pas certaines et
gerent les inconsequences, les contradictions apparentes que la theorie documentaire n'est qu'une hypothese,
et les repetitions pour conclure a la diversite des tres savamment echafaudee, incapable cependant d'in-
sources. La methode suivie est juste en principe, et firmer et de remplaeer la tradition constante des Juifs
rien ne s'opposea la distinction de documents differents et des Chretiens en faveur de 1'authenticite mosaique du
que Moi'se aurait reunis et combines pour rediger Pentateuque.
1'histoire anterieure a son temps, contenue dans le 2. Les arguments generaux contre Vantiquite et
livre de la Genese. Mais les critiques etendent la dis- I'unite du Pentateuque ne prouvent pas la non-authen-
tinction des sources a 1'Hexateuque entier et pre- ticite mosaique de ce livre. — a] II n'est plus necessaire
tendent que ces livres dans leur etat actuel sont formes aujourd'hui de demontrer contre les anciens critiques.
de documents posterieurs de beaucoup a Moi'se. Us 1'existence de 1'ecriture a 1'epoque de Moi'se, ni meme
s'appuient sur-les anomalies du texte actuel, anomalies la connaissance que les Hebreux en avaient et l'usage-
la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent a la qu'ils en faisaient a 1'epoque de leur sortie d'Egypte.
simple lecture du texte et qui ne peuvent etre des signes Yoir t. n, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deute-
certains de documents distincts. Aussi, d'accord pour ronome, dans lequel le discours direct, place dans la
nier 1'origine mosaique du Pentateuque, ils ne peuvent bouche de Moiise, est un simple precede litteraire, 1&
s'entendre, 1'histoire de leurs travaux en fait foi, sur la Pentateuque, dit-on, ne se presente pas comme 1'ceuvre
distinction des sources elles-memes, sur leurs caracteres de Moiise; le style y est impersonnel, et il y est parle d&
et la date de leur apparition. Les solutions les plus diver- lui comme du heros de 1'histoire d'une facon objective.
gentes ont vu le jour et se sont succede rapidement. Exod., vi, 26, 27; xi, 3; Num., XY, 22, 23; Deut., xxxm,
Chacun abondait dans son sens et proposait avec assu- 4. Son eloge, Num.,xn, 3, provient d'une plume etran-
rance une explication nouvdle, qu'un autre declarait gere; il esl fait en des termes qui ne peuvent convenir
bientot inacceptable et insuffisante. Les disciples d'une a une autobiographic. On repond que Moi'se, ecrivant
meme ecole sont assurement d'accord sur quelques des Annales plutot que ses Memoires, aurait fort biea
DICT. DE LA BIBLE. V. - 4
99 PENTATEUQUE 100
pu parler de lui-meme a la troisieme personne, dresser col. 725-726; JETHRO, col. 1521-1522. De meme, certaines
sagenealogie comme celle d'un etranger et se louer en lois qu'on oppose comme provenantde codes differents,
termes moderes. Mais ces particularites peuvent bien se sont que des dispositions successives et complemen-
aussi etre attributes aux scribes ou secretaires qui ecri- taires. Voir t. iv, col. 338.
vaient sous sa direction. 3. Arguments particuliers tires de la legislation
b) Quant aux indications hfstoriques et geographi- hebraique qui prouveraient et la diversite des codes et
ques, qui seraient des anachronismes au temps de leur promulgation postmosaiq ue, — L e s critiques ont
Moi'se, quelques-unes, deja signalees par Abenesra, sont cherchea etablir la distinction des trois codes hebrai'ques:
regardees par beaucoup d'exegetes comme des gloses livre de Falliance, Deuteronome et code sacerdotal, par
inserees plus tard dans le recit de Moise, par exemple la diversite de leurs principales dispositions religieuses,
Gen., xii, 6; xm, 7; xix, 37-38; Deut., m, 11, 14. et leur succession dans cet ordre par la progression
Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tar- successive de ces dispositions et leur observance tardive
dive du Pentateuque; avant 1'invention de Pimprimerie, de la part des Israelites. Sans parler de la loi morale
les additions et la raise au point de certains details dans ou du Decalogue, qu'on trouve sous Irois formes
la transcription des manuscrits etait chose facile et na- speciales : cense, d'apres eux, promulgue au Sinai dans
turelle. On pense generalement aussi que la liste des rois le document elohiste, Exod., xx, 1-17, puis dans le
d'ldurnee, Gen., xxxvi, 31, a etc continuee jusqu'a document jehoviste, Exod., xxxrv, 14-26, enfin promulgue
1'epoque de David. Voir t. in, col. 834. La cessation de a 1'Horeb,'Deut., v, 6-18, les institutions religieuses
la rnanducation de la manne, Exod., xvi, 35, qui n'arriva d'Israel auraient passe par trois phases et se seraient
qu'apres le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu developpees, non pas dans 1'intervalle des 40 annees du
etre mentionnee par Moise. peu avant sa mort, alors sejour au desert, mais bien au cours des ages et sous
que les Israelites etaient deja sur les confins de la des influences variees, notamment sous 1'action des
Palestine. Les livresdes guerres de Jehovah et du Juste prophetes, qui epuraient et spiritualisaient progress!ve-
etaient des anthologies de poemes. Commences avant ment les idees de leur peuple. Passons en revue a ce
Moise, qui y fit des emprunts, ils ont ete enrichis de point de vue les principales dispositions legislatives,
pieces plus recentes, telles que 1'elegie de Saiil et de dans lesquelles le progres serait le plus nettement
Jonathan par David. II Reg. (Sam.), i, 18. Les noms an- marque.
ciens de plusieurs localites ont ete remplaces par ceux a) La pluralite des autels et Vunite de sanctuaire. —
qu'elles eurent apres la conquete du pays de Chanaan. Le livre de 1'alliance permettait de dresser des autels
Ainsi Dan, voir t. n, col. 1244-1245, et Cariath-Arbe, en tout lieu ou Dieu avait manifeste son nom, pourvu
voir t. i, col. 884; t. m, col. 554. Dans le cantique de que 1'autel soit de terre ou de pierres brutes et non
Moi'se, Exod., xv, 16-17, le pays de Chanaan n'est pas taillees, et a la condition aussi qu'il n'ait pas de degres
expressement designe sous le nom de terre des Hebreux, de peur que le sacrificateur, en les gravissant, ne de-
et sa possession par les Israelites n'est que future. couvre sa nudite en presence de Dieu. Exod., xx, 24-26.
c) Les .doubles recits de la Genese, s'ils etaient cons- Si les Israelites n'ont pas la liberte d'eriger des autels
tates, prouveraient seulement que Moi'se aurait utilise partout ou il leur plait, puisqu'il est necessaire que le
des documents differents, par exemple pour la creation lieu ait deja ete sanctifie par une intervention divine,
et le deluge. Voir t. n, col. 1345. Mais 1'existence de cependant il n'y a ni sanctuaire unique ni lieu fixe
tous ceux que les critiques signalent est loin d'etre pour tous. L'unitede sanctuaire est imposee soi-disant
demontree. Ainsi on affirme gratuitement que les par Moi'se et pour 1'avenir seulement, quand Israel aura
relations d'Abraham et d'Isaac avec Abimelech, roi de penetre dans le pays de Chanaan el que Dieu aura
Gerare, ne sont que le meme fait dedouble; les circons- manifeste, le lieu unique ou il veut eire honore.
tances differentes des recits prouvent la distinction des Deut., xii, 5. Enfin, cette unite que le Deuteronome
deux evenements, repetes dans des situations analogues presentait comme un but a realiser est supposee dans
pour le pere et pour le fils. Voir 1.1, col. 54. II en est de le code sacerdotal comme ayant toujours existe. Elle
meme des deux enlevements de Sara, voir 1.1, col. 19, et n'est pas prescrite explicitement; mais toute 1'organi-
du cas analogue survenu a Rebecca. La fuite d'Agar ne sation du culteautour du tabernacle exige sa realisation,
peut etre eomparee a son expulsion. Voir t. i, col. 262. puisque ce code ne soupconne pas qu'un sacrifice put
La^promesse d'un fils fut reiteree par Dieu a Abraham etre offert ai\\e\irs. L'histoire d'Israel confirme par les
dans des occasions differentes. Voir t. i, col. 78. Les faits cette superposition de lois relatives a 1'autel. A
pretendues etymologies multiples des noms propres 1'epoque des Juges, nonobstant 1'existence du sanctuaire
de personnes ou de lieux s'expliquent aisement. de Silo, ou 1'arche est deposee, I Sam., i, 9; in, 2, 3,15;
Yoir BERSABEE, t. i, col. 1629-1638; BETHEL, col. 1672- Jer., vn, 12, on offre ailleurs des sacrifices. Jud., vi,
1674; GALAAD, t. m, col. 45; MAHANAIM, t, iv, col. 571; 26-28; xi, 11, 31; xm, 15-23. Michas a une maison de
ISSACHAR, t. in, col. 1005-1006; JOSEPH, col. 1655; Dieu, xvii, 5. Les Danites etablissent un sanctuaire a
ZABULON. II en est de meme dans 1'Exode et les Lais qu'ils ont conquise, xvin, 11 sq. Apres que 1'arche
JXbmbres. Les pretendus doubles recits concernant des eut ete prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses
fails qui se sont reellement produits deux fois, tels localites,a Masphath, a Ramatha, a Galgala, etc.I Sam., vi,
que le double envoi des cailles, voir t. n, col. 33, et le 14, 15; YII, 9, 17; ix, 12; xi, 15; xm, 9, 12; xvi, 2, 3;
double miracle du rocher frappe. D'autres, comme la xx, 29; xxi, 1,6; xxn, 10, 13; II Sam., vi, 12, 13, 17,
double vocation de Moi'se et la double revelation du nom 18; XXIY, 18-25. Meme apres la construction du Temple
de Jehovah, Exod., m, 2-14; vi, 2-13, voir t. in, de Jerusalem, on sacrifiait sur les hauts-lieux en Juda,
col. 1230-1231, 1233; la double designation d'Aaron I (III) Reg., ni, 2-4; xv, 14; xxn, 44; II (IV) Reg., xn,
comme interprete de son frere, Exod., rv, 14-16; vi, 30- 3; xiv, 4; xv, 4, 35, etdans le royaume d'Israel, a Bethel
VH, 2, ne sont que des repetitions faites par Dieu des eta Galgala. I(III) Reg.,xn,26-33; Amos,in, 14;iv,4,5;
m6mes promesses. Pour 1'organisation successive des Y, 5; vn, 13; Ose., iv, 13; ix, 15; xn, 11. Elie et Elisee
anciens et des juges au desert, voir t. i, col. 554-555. ne reclament pas contre la pluralite des autels; ils
Quant aux diversites de details qui prouveraient la blament seulement le culte idolatrique qui est accompli
distinction des recits, la plupartsont de simples anoma- sur les hauts-lieux. Elie se plaint de la destruction des
lies, qui ne sont pas inconciliables et qui n'empechent autels de Jehovah, I (III) Reg.,xix, 10, 14; il dresse lui-
pas une heureuse harmonisation de 1'ensemble. Sur les meme un autel de pierres au Carmel, xvin, 30, 32, et
femmes d'Esau, voir ADA, t. i, col. 165; BASEMATH, Elisee sacrifie chez lui, xix, 21. La loi de 1'unite de
col. 1492; sur le beau-perede Moi'se, voir HOBAB, t. m, sanctuaire n'a ete observee a Jerusalem qu'apres la
101 PENTATEUQUE 102
chute de Samarie et en application de la loi deutero- les premices des fruits de la ferre et les premiers-nes
nomique. Elle n'est done pas mosai'que. Telle est des bestiaux, ainsi que le rachat du prcmier-ne de
Tobjection. 1'homme. Exod., xxii, 28-29 (hebreu, xxin, 19). II deman-
La succession des ordonnances relatives a 1'autel dait qu'aux jours de fete, quand il se presentait devant
s'explique et s'harmonise avec les faits de 1'histoire Dieu, Israel ne vint pas les mains vides. Exod., xxnr,
Israelite, sans qu'elles cessent d'avoir ete portees par 15. On ne devait melanger rien de fermente aux sacri-
Moi'se. Au pied du Sinai', avant que Je tabernacle n'ait fices ni rien conserver des victimes pour le lendemain.
ete dresse, Moi'se avait permis d'elever a Dieu des Exod., XXHI, 19. Les sacrifices paraissent done etre une
autels simples et sans degres en tout lieu ou le Sei- oflrande spontanee des biens de la terre au Seigneur
gneur manifesterait son nom. Apres Padoration du et leur ceremonial est reduit au minimum. Le Deute-
veau d'or et quand le tabernacle eut ete erige, pour ronome precise et developpe les lois sur les premiers-
prevenir les rechutes dans Pidolatrie, Moi'se avait nes des animaux, xv, 19-23, les premices, xxvi, 1-11,
ordonne aux Israelites d'offrir des sacrifices et d'im- et les dimes, xxvi, 12-15. L'offrande des premices est
moler, meme les animaux destines a la boucherie, rattachee au souvenir de la sortie d'Egypte et de la prise
aupres du sanctuaire unique du desert. Lev., xvn, 3-9. de possession du pays de Chanaan, et elle presente,
Voir CHAIR DES ANIMAUX, t. n, col. 491-498. Cette loi comme celle de la dime, le caractere d'une oeuvre de
n'a pu etre pratiquee qu'au desert, a 1'epoque ou Israel, bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphe-
reuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle. lins et les levites. Le code sacerdotal enfin distingue
Elle n'a pu etre imaginee au temps d'Esdras, alors qu'il differentes especes de sacrifices et decrit minutieuse-
n'y avait ni camp ni tabernacle. Surlepoint d'introduire ment tous leurs rites. A 1'holocauste et au sacrifice
Israel au pays de Chanaan, le sage legislateur abrogea d'actions de graces il joint la simple oblation et les sa-
1'obligation d'immoler tous les animaux aupres de crifices pour le peche et le delit. II introduit encore
1'arche, en maintenant pour 1'avenir la loi du sanc- 1'offrande de 1'encens. L'idee du sacrifice est elle-meme
tuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. En atten- changee : au lieu de 1'offrande familiale, spontanement
dant que Dieu eut fait choix de Jerusalem, il n'etait faite a Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les
pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du pauvres, il est une institution officielle et publique, un
sanctuaire ou reposait 1'arche. Voir HAUTS-LIEUX, t. in, service commande, soumis a des rites minutieux. Or,
col. 453-454. Meme apres 1'erectiou du Temple de Jeru- ce rituel detaille du Levitique n'apparait nulle part
salem, la loi de 1'unite du sanctuaire n'etait pas si ri- observe avant la captivite. On offrait assurement des
goureuse qu'il ne fut permis d'eriger d'autres autels et sacrifices, des holocaustes, mais librement et simple-
d'y offrir des sacrifices legitimes. Au Temple, se faisait ment pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On
le service regulier, quotidien, prescrit par la loi mo- ne se preoccupait pas de savoir quelle victime devait
sai'que. Dans les circonstances extraordinaires, on pou- etre immolee, quand, ou, par qui et comment elle de-
vait dresser des autels; les prophetes et les rois les vait etre offerte. Bref, le code sacerdotal n'etait pas
pluspieuxle faisaient sans scrupule et ne pensaientpas observe, par la raison bien simple qu'il n'existait pas
manquer a une loi divine qui n'avait pas une significa- encore.
tion si absolue et si restrictive qu'ori le pretend. Voir Les faits ne repondent pas a la theorie, et les livres
AUTEL, t. i, col. 1266-1268. II n'est done pas necessaire historiques ne sont pas muets, comme on le pretend,
de soutenir avec M. Poels, Evcamen critique de 1'his- sur 1'offrande publique et solennelle des sacrifices. Us
toire du sanctuaire de 1'arche, Louvain, 1897, t. I mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. in,
(seul paru), en depit de la geographic, que le haut-lieu col. 732. S'ils ne parlent pas du sacrifice quotidien,
de Gabaon est idenlique a Masphath, a Kiriath-Jarim et s'ils ne decrivent pas les rites, on n'est pas en droit
a Nob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjath Jearim, de conclure de leur silence que ce service ne se prati-
Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu du quait pas et que les rites n'etaient ni observes ni
culte dans la legislation rituelle des Hebreux, dans le appliques. On peut legitimement supposer que le ser-
Museon, avril-octobre 1894, t. xm, p. 195-204, 299-320, vice ordinaire se faisait regulierement a Silo, et plus
533-541; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois tard a Jerusalem, aupres de 1'arche. II y avait la un
codes un sanctuaire unique servant de demeure a sacerdoce en permanence. Les historiens n'enregistrent
Jehovah et de centre exclusif du culte public et natio- que les faits, supposant les rites connus de tous. D'ail-
nal, et des autels multiples, consacres au culte prive et leurs, si les prophetes les plus anciens, Amos et Osee,
domestique pour 1'immolation ordinaire du betail, protestent si energiquement centre le formalisme
accompagnee de rites religieux que tout Israelite pou- excessif des pratiques rituelles de leur temps et pre-
vait aceomplir. Le Deuteronome ordonnait de detruire chent le culte en esprit et en verite, c'est une preuve
seulement les hauts-lieux ayantservi au culte des idoles. peremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque
Sans doute, cette prescription ne fut pas observee fide- les pretres et le peuple y attachaient plus d'importance
lement, Jud., n, 2, 3, et les hauts-lieux detruits furent qu'aux dispositions inte'rieures. Si Dieu blame les sa-
releves, parce que les Israelites retomberent frequem- crifices reiteres a Bethel, c'est que leur offrande n'em-
ment dans 1'idolatrie. De meme, le culte de Jehovah peche pas Tiinpiete et la multiplication des peches.
sur les hauts-lieux, quoique illicite apres la construc- Arnos, iv, 4, 5. S'il hait leurs fetes, leurs holocaustes
tion du Temple de Jerusalem, continue, non seulement et leurs voeux, Amos, v, 21, 22, c'est parce que les
dans le royaume schismatique d'Israel, mais meme Israelites sont coupabJes. La maison d'Israel ne lui a-
dans celui de Juda. L'usage en etait tellement inretere t-elle pas offert des victimes durant les quarante annees
que les rois les plus pieux durent le tolerer. On y mela de son sejour au desert? Amos, v, 25, et pourtant eile
meme parfois des pratiques idolatriques au culte de a ete punie, parce qu'elle etait infidele. Ou mieux peut-
Jehovah. Les prophetes s'eleverent avec vigueur centre etre faut-il lire ce verset difficile ainsi : a Avez-vous,
ce culte mixte, et leur enseignement finit par faire alors que vous m'offriez des sacrifices dans le desert
abolir tardivement tous les hauts-lieux, conserves pendant quarante ans, porte aussi Sakkout et Kion? »
malgre la loi et au detriment de la purete du culte. Le crime actuel des Israelites est plus grand que leur
Voir HAL-TS-LIEUX, t. iv, col. 455-457; IDOLATRIE, rebellion au desert; elle sera punie, nonobstant les
col. 810-813. L'histoire de la multiplicite des autels et sacrifices qu'ils offrent au Seigneur. Cette interpreta-
du sanctuaire unique de Dieu en Israel ne prouve done tion suffit a enlever la pretendue opposition qu'on
rien centre la legislation mosai'que qui les concerne. trouve entre cette parole du prophete et le code sacer-
b) Les sacrifices. — Le livre de Falliance exigeait dotal, qui mentionne 1'offrande quotidienne des sacri-
103 PENTATEUQUE 104
fices au desert. A moins encore qu'Amos ne fasse ticuliers. Apres la decouverte du Deuteronome, la Paque
allusion a 1'apostasie d'Israel a Cades. Voir t. iv, est celebree pour la premiere fois conformement aux
col. 120B-1204. De meme, la parole de Jeremie, yir, 21- rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxm, 21-23.
23, sulvant laquelle Jehovah, a la sortie d'Egypte, Pendant la captivite, Ezechiel, XLV, 18-25, ne connait
n'aurait pas exige d'holocaustes et de sacrifices, ne encore que trois solennites, avec un sacrifice d'expia-
prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le tion au premier jour du premier et du septieme mois.
prophete fait peut-etre simplement allusion a la propo- Le code sacerdotal avec ses cinq fetes est done poste-
sition que Dieu fit aux Israelites en Egypte de les de- rieur a la captivite, concluent les critiques negatifs.
Hvrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas Les anciennes fetes ne sont mentionnees dans les
encore la mention des sacrifices et qui fut d'abord re- livres historiques que quand les circonstances en ont
jetee. Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les fourni 1'occasion, et Ton ne peut arguer de la rarete de
sacrifices, le prophete, par un contraste saisissant, leur mention centre leur non-existence. Leur periodi-
insiste sur 1'obligation de la loi morale, et sur la fide- cite reguliere n'avait pas besoin d'etre signalee par les
lite a cetteloi, dont 1'inobservation serachatiee, malgre historiens qui relatent seulement les circonstances ex-
1'observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur traordinaires, comme celle de la Paque sous le regne
aux yeux de Dieu. de Josias. La coutume de monter a Jerusalem offrir
L'holocauste et le sacrifice pacifique ont done tou- des sacrifices existait a 1'epoque du schisme des dix
jours e'te en usage, quoique leurs rites ne soient pas tribus, puisque Jeroboam Ier eJeve des autels a Dan et
decrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour le a Bethel, pour empecher ses sujets d'aller a Jerusalem,
peche n'a pas ete imagine par Ezechiel, XLV, 22-25. I (III) Reg., xn, 26-31, et il etablit au moins une fete
Osee, iv, 8, et Michee, vr, 7, le nomment expressement, pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commenta-
puisque manger le hatta't signifie clairement manger teurs ont pense qu'apres I'etablissement des Hebreux
les victimes offertes pour le peche; il est aussi men- au pays de Chanaan, 1'usage s'etait introduit de ne
tionne dans le Ps. xxxix (XL), 7. L'idee en avait ete faire qu'un seul pelerinage chaque annee au sanctuaire
exprimee bien auparavant. I Sam., in, 14. Le sacrifice du Seigneur. Voir t. n, col. 2219. Osee. xn, 9, fait allu-
pour le delit n'est pas toujours nettement distingue du sion a la fete des Tabernacles et a sa signification histo-
sacrifice pour le peche. 11 Test formellement toutefois rique; Isai'e, xxix, 1; xxx, 29, parle du cycle des fetes.
dans le passage relatif aux revenus des pretres sous le Ezechiel rappelle seulement les trois fetes qui exigeaient
regne de Joas. II (IV) Reg., xir, 16. Deja, a 1'epoque 1'assemblee religieuse de tout Israel au Temple. Voir
des Juges, les Philistins, punis pour s'etre empares de t. i, col. 1129-1130. La fete de 1'Expiation n'est pas men-
1'arche, renvoyerent cette arche avec des 'dsdm pour tionnee dans 1'Ancien Testament en dehors du Pents-
obtenir le pardon de leur faute. I Sam., vi, 3-15. Le teuque,voir t. u, col. 2139, et sa celebration n'est relatce
sacrifice pour le delit est aussi nomme dans Isai'e, par Josephe que sous Jean Hyrcan ou Herode. En faul-
LIU, 10. Les quatre espcces de sacrifices etaient done il conclure qu'elle n'avait pas lieu auparavant, au
connues en Israel avant Ezechiel, et si le code sacer- moins depuis le retour des Juifs en Palestine? Le si-
dotal les distingue pour la premiere fois, c'est qu'il a lence des anciens ecrivains ne prouve pas davantage sa
ete promulgue par Moi'se au desert. non-celebration.
c) Les fetes. — Le livre de 1'alliance, Exod., xxm, d) Les pretres et les levites. — Le code de 1'alliance,
14-17, ordonne la celebration de trois fetes annuelles : promulgue avant 1'institution du sacerdoce aaronique,
]a fete des azymes, qui dure sept jours et qui est deja ne parle pas, objecte-t-on, de pretres, et 1'alliance dont il
rattachee au souvenir de la sortie d'Egypte, mais sans contient les dispositions est conclue par des sacrifices,
etre encore la Paque; la fete de la moisson et celle de immoles par de jeunes Israelites. Exod., xxiv, 5. Le
la recolte des fruits. Ces deux dernieres ont un carac- Deuteronome mentionne frequemment les pretres et
tere nettement et exclusivement agricole, et on peul les levites. II etablit leurs droits, xvm, 1-8, mais il ne
penser que la premiere, qui a lieu au printemps, se reconnait pas de distinction hierarchique entre eux.
rapportait aussi a 1'agriculture. La duree de celles-ci II ignore le grand-pretre. II distingue seulement, ^. 7,
n'est pas non plus fixe«. Le Deuteronome, xvi, 1-17, ne le levite qui habite dans le pays du levite attache au
connait encore que trois fetes annuelles, qui doivent service du sanctuaire unique. Le premier est ordinaire-
etre celebrees au sanctuaire unique. La premiere reunit ment classe avec la veuve, 1'orphelin, 1'indigent et
la solennite de la Paque a la fete des azymes• La cele- 1'etranger pour recevoir les largesses du pieux Israelite.
bration de la seconde est fixee a sept semaines apres la Les levites, eloignes du sanctuaire, n'avaient done pas
premiere! La troisieme est nommee « fete des taber- encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sa-
nacles », et sa duree est de sept jours. Leur caractere cerdoce est une institution sociale, hierarchisee, dont les
est different : ce sont des fetes de joie, de reconnais- droits et les fonctions sont determines tres exactement.
sance et de charite fraternelle. Dans le code sacerdotal, La hierarchic comprend le grand-pretre, fils aine et
ces trois fetes rentrent dans un cycle plus complet de successeur d'Aaron, et les levites, membres de la tribu
cinq solennites, dont les rites sont minutieusement de- de Levi. Les pretres sont richement dotes. Les levites,
crits. Lev., xxm, 4-44. II ajoute la fete des trompettes n'ayant pas eu de domaine distinct dans le partage de
et celle du grand-pardon, et il modifie le caractere des la Palestine, habitent des villes speciales et sont entre-
fetes de la Pentecote et des tabernacles, en les ratta- tenus, eux et leurs families, par le prelevement des
chant a un souvenir historique, Toutes sont celebrees premices et le paiement de la dime. En tout cela, ce
au sanctuaire unique; leur date, leur duree et leurs code estmanifestementenprogressur le Deuteronome;
ceremonies sont fixees dans les moindres details. Enfin, il lui est done posterieur.
la celebration de ces fetes n'est pas signalee dans les D'autre part, on pretend que 1'histoire d'Israel con-
livres historiques les plus anciens. Une fete, solennisee firme cette. progression de la legislation sacerdotale,
par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque annee Dans les documents elohiste et jehoviste, Aaron n'ap-
a Silo. Jud., xxi, 19. Les parents de Samuel allaient parait comme pretre que dans 1'episode du veau d'or,
chaque annee honorer Dieu en ce sanctuaire. I Sam., Exod., xxxn, 5, 6, et la tribu de Levi, qui punit les
I, 3, 7, 21; ii, 19. Jeroboam Ier etablit dans son royaume coupables,,n'y a pas de droits speciaux. A 1'epoque des
au huitieme mois une fete pareille a celle qui avait Juges, il n'est fait mention d'aucun pretre ;il est ques-
lieu en Juda. I (III) Reg., xii, 32, 33. Les anciens pro- tion de levites dans deux episodes, racontes en appen-
phetes, Amos et Osee, parlent plusieurs fois de fetes dice. Jud., XVH-XXI. A Silo, il y a cependant une
religieuses, mais sans les designer par des noms par- famille sacerdotale, celle d'Heli, I Sam., i, n, mais
105 PENTATEUQUE 106
sans lien avec Aaron. L'arche renvoyee par les Philis- cre'ant une caste infe'rieure, exclusivement composee
tins est recue par les levites, I Sam., vr, 15; mais d'eux; il les reduit au rang de simples levites, de ces
Eleazar, fils d'Abinadab, est consacre pour la garder levites, 'dont le nom et les fonctions etaient connus et
dans la maison de son pere. I Sam., vn, 1. Samuel, determines par la tradition. Ezechiel, XLVIII, 11. dis-
fils d'un Ephraimite, joue un role sacerdotal, II offre tingue ces deux classes, et il avait mentionne aupara-
des sacrifices, aussi bien que les rois Saul, David et vant, XL, 45, des gardiens du temple, et des ministres
Salomon, sans pretres. Absalom en offre aussi. II Sam., de 1'autel, XL, 46. Les fils de Sadoc, a qui il reserve
xv, 12. A la cour de David, il y avait des pretres, Sadoc les fonctions sacerdotales a cause de leur fidelite, etaient
et Abiathar. II Sam., vin, 17; xx, 25. Les fils de David, eux-memes des fils de Levi, XLIII, 19; XLIV, 15. Quand
II Sam., vm, 18, et le Jaiirite, II Sam., xx, 26, men- il elabore son programme de restauration future, il en
tionnes comme pretres, ne faisaient pas partie du sacer- emprunte le cadre aux institutions existantes, mais il y
doce, si la lecon massore tique kohen n'etait, comme on introduit des materiaux de sa creation. II maintient
1'a pense, qu'une alteration de soken, designant unchef done les deux grandes classes des ministres du culte;
ou un officier. Is., xxn,15. Salomon destitua Abiathar. rnais divisant ceux-ci sous le rapport de leur fidelite a
I (III) Reg., II, 26, 27. A la dedicace du Temple, c'est Dieu, il n'admet au ministere de 1'autel que les pretres
Je roi qui sacrifie, benit 1'assemblee et prononce la demeures fideles, en les designant comme fils -de Sa-
priere de la consecration; les pretres et les levites doc, et il reduit au simple rang de serviteurs des
portent simplement 1'arche et les ustensiles sacres. I pretres les anciens ministres infideles. Le caractere
"(III) Reg., vin, 3, 4. Jeroboam Ier etablit dans le ideal de la reforme laissait au prophete la liberte d'ex-
royaume d'Israe'l des pretres pris parmi le peuple et clure les levites et d'omettre le grand-pretre, comme
n'appartenant pas aux fils de Levi. I (III) Reg., xn, 31. la fete de la Pentecote sans nuire a leur realite histo-
IJ y avait clone des pretres et des levites, mais pas rique. A. Van Hoonacker, Les pretres et les levites dans
encore de grand-pretre. Plus tard, Joiada, ordinaire- le livre d'Ezechiel, dans la Revue biblique, 1899, t. vm,
ment qualifie « pretre », II (IV j Reg., xi, 9, 15, 18; p. 180-189, 192-194. Voir t. n, col. 2155, 2156, 2161.
xn, 2, 7, 9, est dit « grand-pretre » une seule fois. II Quant au grand-pretre, il est mentionne dans les livres
(IV) Reg., xn, 10. Sous Achaz, Urie est dit aussi sim- historiques, chaque fois qu'il est intervenu dans les
plement pretre. II (IV) Reg., xvi, 10-16. Sous Josias, affaires publiques. Son institution remonte a Aaron et
Helcias est appele « grand-pretre », II (IV) Reg., xxu, n'est pas une creation artiiicielle de 1'auteur du code
4, 8; XXIH, 4, et « pretre » tout court. II (IV) Reg., sacerdotal. Voir't. in, col. 295-308.
xxn, 10, 12, 14. Saraia est nomme « premier pretre », Les redevances, versees aux pretres et aux levites,
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., LII, 24. Aupres d'Helcias, ne sont pas non plus une invention recente. On pre-
figurent des « pretres en second », II (IV) Reg., XXIH, 4, tend bien que les pretres n'avaient primitivement
et a cote de Saraia, Sophonie, « pretre en second. ->•> aucun droit a recevoir une part de la victime des
II (IV) Reg., xxv, 18; Jer., LII, 24. Durant la captivite, le sacrifices, ceux-ci etant des repas sacres auxquels les
pretre Ezechiel distingue les pretres, fils de Sadoc, des particuliers qui les offraient invitaient les pretres du
pretres levitiques; mais cette distinction est faite envue sanctuaire ou avait eu lieu 1'immolation. Le Deutero-
de 1'avenir; c'est une innovation introduite pour des nome, xvm, 1-8, leur attribua des parts determinees.
raisons historiques. Les levites seront des pretres de- Le code qu'on appelle sacerdotal les augmenta notable-
grades de leurs fonctions anciennes en punition de ment et distingua ce qui revenait au grand-pretre, aux
leur idolatrie; ils seront reduits au role de serviteurs pretres et aux levites. Lev., vn, 28-34; Num., v, 8-10;
des pretres et de portiers du nouveau Temple. Ezech., xvin, 8-32. Quant aux villes levitiques, Num., xxxv, 1-
XLIV, 10-14. Les pretres et les levites, fils de Sadoc, 8; Jos., xxi, 1-40, lidee en a ete suggeree par Ey.echiel,
qui sont demeures fideles, continueront leurs fonctions XLVIII, 10-14. En fait, les livres historiques mentionnent
et seront astreints a des regies de purete determinees. en quelques circonstances les redevances dues aux
Ils n'auront pa? de propriete, vivront de 1'autel, rece- pretres. Les fils d'Heli n'etaient prevaricateurs qu'en
vront les premices et habiteront des domaines traces ce qu'ils n'observaient pas les prescriptions legales et
au cordeau au milieu de la Terre Sainte. Ezech., XLIV, depassaient leur droit en s'attribuant ce qui leur plai-
15-XLV, 5. Le prophete ne connait pas encore le grand- sait des victimes offertes. I Sam., n, 12-17. Et 1'homme
pretre. Le code sacerdotal avec sa hierarchie a trois de Dieu qui reproche a leur pere sa faiblesse, regie
degres, avec sa distinction des pretres et des levites quels seront a 1'avenir les revenus des pretres de Silo.
des 1'origine, Num.,ni, 5-13, est posterieur a Ezechiel. Ibid., 36. Sous le regne de Joas, les revenus des pre-
Sa legislation detaille'e sur les fonctions et les revenus tres se payaient en argent. II (IV) Reg., xn, 4-16. A la
des deux classes est en progres sur le prophete orga- reforme religieuse de Josias, les pretres infideles
nisateur de 1'avenir. Ses villes levitiques remplacent furent prives des revenus du culte et ne garderent pour
les domaines imagines par Ezechiel. vivre qu'une partie de leurs droils. II (IV) Reg., xxin,
On a demontre ailleurs, voir t. iv, col. 200-203, qu'il 9. Sur la dime, voir t. u, col. 1432-1435, et sur les
y eut en Israel des 1'origine du peuple une tribu de villes levitiques, t. iv, col. 216-221.
Levi, a qui Dieu fit attribuer les fonctions sacerdotales e] Loi sur les betes nwrtes. — Le livre de 1'alliance
•en recompense de sa fidelite lors de 1'adoration du veau interdit absolurnent aux Israelites, qui forment un
d'or. Exod., xxxii, 26-29. On a prouve aussi, ibid., peuple saint, de manger les betes mortes, et ordonne
•col. 203-205, que cette tribu comprit deux categories de de les abandonner aux chiens. Exod., xxn, 31. Le Deu-
ministres sacres : les pretres et les simples levites. On, teronome, xiv, 21, aulorise a les donner ou a les ven-
a raconte enfin, ibid., col. 208-211, 1'histoire des des- dre aux etrangers. Le code sacerdotal ne voit plus dans
cendants de Levi jnsqu'a la fin de la captivite. Quant 1'acte de manger une bete morte qu'une impurete le-
au plan de restauration religieuse d'Ezechiel, voir t. n, gale, exigeant une simple ablution. Lev., xvn, 15-16.
-col. 2155-2156, etait-ce une reforme pratique ou seu- Ces dispositions diverses ne s'excluent pas, La prohi-
lement une restauration purement ideale, irrealisable bition, fondee sur la saintete speciale des Israelites,
et irrealisee? Si Ton admet la seconde alternative, qui demeure, nonobstant les remarques successives qui s'y
ne peut meme etre nice, il en resulte que le prophete ajoutent. Quand, au desert, il n'y a pas d'etranger au
n'est pas 1'auteur de la distinction entre pretres et milieu d'Israel, il faut laisser aux chiens toute bete
levites. Loin de la creer, il la suppose existante; il lui morte; lorsque Israel aura au milieu de lui ou a cote
emprunte le cadre de ses institutions futures. S'il de- de lui des etrangers, qui ne sont pas obliges a la sain-
.grade les pretres coupables d'idolatrie, ce n'est pas en tete speciale des Israelites, on pourra leur donner ou
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leur vendre, selon les cas, les betes mortes. Enfin, turellement dans I'hypothese que. pour composer le
1'Israelite qui aura manque a cette prescription n'aura Pentateuque, Moi'se a employe differents secretaires ou
encouru qu'une impurete legale que 1'ablution fera scribes ecrivant sous sa direction. Chacun d'eux avait
disparaitre. Les ordonnances differentes visent des cas son style propre, et la diversite du langage n'est pas
differents et ne constituent pas des codes successifs. surprenante dans une oeuvre a laquelle plu'sieurs mains
f) Loi sur les esclaves. — Selon le livre de 1'alliance, ont collabore. Pour la Genese en particulier, certaines
1'esclave hebreu ne peut etre aehete que pour six particularites de style et de lexique peuvent aussi pro-
annees; il est necessairement libere pour la septieme; venirdes sources utilisees etreproduites sans retouches.
et s'il veut se Her a perpetuite, une ceremonie spe- Enfin, le texte hebreu actuel ne represente pas absolu-
ciale doit le constater. Exod., xxi, 2-6. Le Deutero- ment 1'original; il a pu etre remanie,et toutes les par-
nome, xv, 12-18, reproduit cette loi, mais 1'explique, ticularites linguistiques ne peuvent fournir un argu-
. en obligeant le maitre a faire des presents a 1'esclave ment certain de la pretendue diversite des documents.
libere et en specifiant que ces dispositions s'appliquent Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901,
a la femme esclave. La loi nouvelle du pretendu code p. 138-144. Ainsi explique, 1'argument philologique,
sacerdotal, Lev., xxv, 39-46, ne fixe qu'un cas particu- qui ne prouve rien a lui seul, perd toute sa force
lier. En determinant les privileges de 1'annee du ju- probante en faveur de la distinction des sources du
bile, elle regie que, cette annee-la survenant, tout es- Pentateuque.
clave hebreu est libere, meme si les six annees de son L'authenticite mosaique du Pentateuque a ete soute-
engagement ne sont pas revolus. Voir t. m, col. 1750- nue par de nombreux critiques et defendue centre les
1854. Jeremie, xxxiv, 8-22, annonce seulement la puni- attaques des adversaires. Nous signalerons en terminant
tion encourue par la violation d'une loi de liberation, les principaux ouvrages ou articles consacres a cette
imposee apres la delivrance de la servitude d'Egypte. demonstration ou a la polemique avec les critiques
Yoir t. n, col. 1921-1923. allemands : Hengstenberg, Die Bi'icher Moses und
4. Arguments philologiques invoques en faveur de Aegypten, Berlin, 1841; YV. Smith, The Book of Moses
la diversite des documents. — Nous ne reviendrons or the Pentateuch in Us authorship, credibility and
pas sur la diversite des noms divins, Elohim et Jeho- civilisation, 2 in-8°, Londres, 1868; Ch. Sehoebel, De-
vah, qui a servi de point de depart a la distinction des monstration de I'authenlicite du Deuteronome, Paris,
documents elohiste et jehoviste. Elle a perdu beaucoup 1868; Demonstration de Vauthenticate mosaique du
de son importance premiere et elle n'est plus aujour- Levitique et des Nombres, Paris, 1869; Demonstration
d'hui pour les critiques qu'un des nombreux exemples de Vauthenticite mosaique de I'Exode, Paris, 1871;
de la variete du vocabulaire des ecrivains qui ont redige Demonstration de I'authenlicite de la Genese, Paris,
les sources de 1'Hexateuque. Voir d'ailleurs ELOHIM, 1873; Le Moise historique et la redaction mosaique
t. ii. col. 1701-1703, et JEHOVAH, t. in, col. 1230-1234. du Pentateuque, Paris, 1875 (cestravaux ont paru d'abord
Au sentiment des critiques, chaque document a ses en articles dans les Annales de philosophie chretienne,
expressions propres, ses tournures speciales et son 1867-1875); Knabenbauer, Der Pentateuch und die un-
style distinctif. Yoir E. Mangenot, L"authenticate gldubige Bibelkritik, dans Stimmcn aus Maria-Laach,
mosa'ique du Penlateuque, Paris, 1907, p. 56-58, 85-87, 1873, t. iv; Bredenkamp, Geselzwnd Propheten,Erlan-
111-115, 144-147. Mais il importe de remarquer par gen, 1881; G. Elliot, Vindication of the Mosaic au-
quelle methode on les a determines. On a choisi un thorship of the Pentateuch,Cincinnati, 1884; E. C. Bis-
certain nombre de morceaux qui presentaient des diffe- sel, The Pentateuch,its origin and s^n/cfoo-e,, New-York,
rences de langue plus marquees; on a etudie leurs 1885; F. Yigouroux, Manuel biblique, 12e edit., Paris,
particularites lexicographiques et grammaticales, et on 1906, t. i, p. 397-478; Les Livres Saints et la critique
a discerne ainsi les termes soi-disant caracteristiques, rationalists, Paris, 1902, t. in, p. 1-226; t. iv, p. 239-
qui ont servi a reconnaitre les autres morceaux appar- 253; 405-415; Ubaldi, Introduclio in Sacrum Scriplu-
tenant a la meme source. Le precede a paru quelque ram, 2e edit., Rome, 1882, t. I, p. 452-509; R. Comely,
peu arbitraire. On range dans une serie tous les pas- Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris,
sages qui presentent les memes caracteres linguistiques 1887, p. 19-160; J. P.P. Martin, Introduction a la cri-
et dans une autre ceux qui ont d'autres caracteres. Les tique generate de I'A. T. De Vorigine du Pentateuque,
deux series sont par suite differentes. Mais, on ne tient 3 in-4", Paris, 1886-1889 (lithog.); G. Yos. Mosaic
pas -cornpte d'un nombre plus considerable d'expres- origin of Ihe Pentateuchal codes, Londres, 1886;
sions communes, employees partout. Quant a 1'appre- Y\T. II. Green, Moses and the Prophets, New-York,
ciation des expressions dites caracteristiques, il faudrait 1883; The Hebrew Feasts, New-York, 1885; The Penta-
considerer la diversite des rnalieres et du genre litte- teuchal question, dans Mosaica, .Chicago, 1889-1892,
raire. Un code legislatif ne se redige pas dans les t. v-xin; The higher Criticism of the Pentateuch,
memes termes qu'un recit historique ou qu'un discours New-York, 1895; The unity of the book of Genesis,
parenetique. La Genese et les parties narratives des New-York, 1895; cardinal Meignan. De I'Eden a Mohe,
Hvres du milieu sont naturellement differentes de la Paris, 1895, p. 1-88; Lex mosaica, or the Lav: of Moses
legislation. Le legislateur n'emploie pas les memes and the higher criticism (Essais de Sayce, Rawlinson,
mots qu'un historian ou un predicateur. Ainsi, il n'est Trench, Lias, Wace, etc.), Londres, 1894; Baxter,
pas etonnant que la legislation mosaique ait des termes Sanctuary and sacrifice. Londres, 1896; Ed. Bohl,
techniques, concernant les choses du culte, qui ne se Zum Gesetz und zum Zeugniss, Yienne, 1883; A. Zahn,
retrouvent pas ailleurs. On peut admettre toutes les Ernste Blicke in den Wahn der nwdernen Kritik des
particularites de vocabulaire et de style, remarquees A. T., Gutersloh, 1893; .Das Deuteronomium, 1890;
dans le Deuteronome, sans qu'elles prouvent que les Israelitische undjudische Gescliichte, 1895; Ed. Rup-
discours, qui cornposent ce livre, n'ont pas ete rediges precht, Die Anschauung der krit.Schule Wellhausen's
par Moi'se lui-meme. Le genre litteraire choisi et le ton vom Pentateuch, Leipzig, 1893;Z^as Ralhsel des Fimf-
parenetique exigeaient ces differences. Cf. P. Martin, bucliesMose und seine false he Lusung, Giitersloh,1894;
Introduction a la critique generals de I'A. T., Paris, Das Rathsels Losung oder Beitrdge zur richtigen Lo-
1886-1887 (lithog.), t. i, p. 576-604. Les critiques ont sung des Pentateuchraihsels, 3 vol., 1897; Die Kritik
renonce a demontrer la modernite du code sacerdotal nach ihrem Recht und Unrecht, 1897; abbe de Broglie,
par sa langue propre; 1'etude de cette langue apprend Questions bibliques, edit. Piat, Paris, 1897, p. 89-169;
comment 1'auteur ecrivait, elle n'indique pas la date du J. B. Pelt, Histoire de I'A. T., 3^ edit., Paris, 1901,1.1,
livre. Du reste, la diversite du style s'explique tout na- p. 291-326; J. Kiev, Die Pentateuchfrage. Ihre Ge-
109 PENTATEUQUE 110
schichte und [lire Systems, Munster, 1903; J. Thomas, Gen., xi, 10-26; elles ont donne lieu a trois chronolo-
The organic unity of the Pentateuch, Londres, 1904; gies differentes de Fhistoire primitive, sans qu'il soit
G. H. Rouse, The Old Testament in New Testament possible de determiner laquelle des trois se rapproche
light, Londres, 1905; H. A. Redpath, Modern criticism le plus de 1'original. Voir GHRONOLOGIE, t. n, col. 721-
and the book of Genesis, Londres, 1905; G. Hoberg, 724. Mais les nombres ne sont pas seuls divergents dans
Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905; ces trois recensions. Le Pentateuque samaritain con-
H. M.Wiener, Studies in biblical Law, Londres, 1904; tient, en outre, des additions et des modifications, dont
J. Orr, The problem of the Old Testament considered les trois plus celebres substituent Garizim a Hebal.
v:ith reference to recent criticism, Londres, 1906. Exod., xx, 17; v, 21; xxvn, 4, 5. Voir t. in, col. 461;
Cf. H. Hopfl, Die hohere Bibelkritik, Paderborn, 1902, t. iv, col. 1270, 1274. Or, on ne peut decider si ce sont
p. 1-96. des interpolations faites par les Samaintains dans 1'in-
III. XOTE THEOLOGIQUE DE L'AUTHENTICITY MO- tention d'autoriser le culte celebre a leur temple de
SAIQUE DU PENTATEUQUE. — L'authenticite mosaique Garizim, ou si les Juifs auraient change Garizim en
du Pentateuque reposant principalement sur le temoi- Hebal, Deut., xi, 29, dans un but polemique. B. Kenni-
gnage des ecrivains inspires, sur la parole de Jesus- cott, The State of the printed hebreiv Text of the
Christ et des Apotres et sur la tradition catholique, il Old Testament considered, 1753-1759, t. I, p. 21-117, a
y a lieu de se demander si, etant affirmee par 1'Ecriture donne la preference au texte samaritain; maisGesenius,
et la tradition ecclesiastique. elle rentre dans le do- Be Pentateuchi samaritani. origine, indole, auclori-
maine de la revelation divine, ou bien si, n'etant pas tate, Halle, 1815, le croyait plus altere que le texte he-
formellement enseignee par Dieu aux hommes, elle breu et rejetait en bloc toutes ses lecons propres.
n'a pas ete revelee et par suite peut librement etre Cependant le Pentateuque samaritain a probablement
discutee par les catholiques et abandonnee sans detri- quelques bonnes lecons. 11 a, du reste, des rapports
ment pour la foi qui ne sera pas en cause. etroits avec le texte grec des Septante et tous deux
Depuis 1887, un certain nombre d'exegetes et de representent certainement un texte hebreu ancien et
critiques catholiques, pretres seculiers ou religieux, different du texte massoretique; ce qui s'expliquerait
avaient exprime publiquement, avec la tolerance de si le texte samaritain ne remontait guere plus haut
leurs superieurs et sans avoir ete, avant 1906, blames que 1'epoque d'Alexandre le Grand, quand les Samari-
ou repris par 1'autorite ecclesiastique, que la these tains, ayant rompu definitivement avec les Juifs, orga-
de 1'authenticite mosaique du Pentateuque ne s'impo- niserent leur culte sur le mont Garizim. Voir GARIZIM,
sait pas a la foi des Chretiens et pouvait etre librement t. in, col. 111-112. Cf. L. Gautier, Introduction, t. H,
debattue ou contestee, parce qu'elle ne faisait pas partie p. 556-557. De son cote, la version des Septante, com-
de la revelation divine. A leur sentiment, 1'origine parativement au texte massoretique, presente des addi-
mosaique du Pentateuque n'est pas formellement tions, des omissions, des transpositions, des lectures
revelee dans 1'Ecriture ni enseignee par 1'Eglise comme differentes, qui ne sont pas toutes le fait des traducteurs,
certaine. mais qui proviennent souvent de Petat anterieur du
Les theologiens qui n'admettent pas ce sentiment ne texte hebreu. Voir Swete, An Introduction to the Old
sont pas cependant d'accord entre eux. Pour les uns, Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 234-236, 243,
1'authenticite mosaique du Pentateuque, bien que n'etant 442, 446. Enfm, le texte massoretique, quoique tradi-
pas explicitement revelee, Test iniplicitement et for- tionnel dans sa vocalisation, ne represente pas absolu-
mellement, exprimee qu'elle est dans la revelation en ment 1'original; il a reproduit, du reste, dans les keri
terrnes equivalents, puisqu'elle se tire des formules re- un certain nombre de variantes anterieures. voir t. iv,
velees par simple explication et sans qu'il soil bcsoin de col. 856, 858, et il conserve dans sa teneur actuelle des
recourir a une deduction proprement dite. La negation indices d'alteration, par exemple, Deut., x,6, voir MO-
de cette verite serait done une erreur, et la contradic- SERA, ibid., col. 1318; Exod., xi, 3, et des transpositions,
toire serait erronea in f i d e . Mechineau, L'origine mo- comme Exod., xxx, 1-10, qui devrait etre plutot apres
saique du Pentateuque, p. 34. Pour les autres, 1'authen- Exod., XXYI, 35. De cet etat des trois recensions, il faut
ticite mosai'que du Pentateuque est seulement une conclure que le texte du Pentateuque a subi, au cours
verite certaine (theologice certa), parce qu'elle se seculaire de sa transmission, des retouches et des altera-
deduit necessairement des textes bibliques et parce tions. Or, celles-ci ne semblent pas etre exclusivement
que la tradilion catholique appuie et confirme cette 1'oeuvre des copistes, mais parfois de reviseurs. Nous
conclusion. Elle n'est enoncee dans la revelation que n'avons done plus le texte du Pentateuque dans sa purete
virtuellement; on Ten tire par deduction ou raisonne- complete; il nous est parvenu remanie, retouche dans
ment. Par suite, conformement a 1'enseignement des details qui, sans atteindre a la substance du fond,
commun des theologiens, elle ne s'imposerait pas a permettent aux critiques modernes de reconnaitre dans
1'adhesion cornrne de foi divine. Mais rattachee a la le texte actuel des gloses et des modiiications. P. Mar-
revelation, enseignee par 1'Eglise, dans son magistere tin, Introduction a la critique generale de TA. T.,
ordinaire, elle est certaine theologiquement, et sa Paris, 1886-1887 (lithog.), t. i, p. 17-129; J. Brucker,
negation pourrait etre dite erronee, ou au moins Authenticite des livres de Moise, dans les Etudes,
temeraire; elle ne serait pas heretique, puisqu'elle 1888, t. XLIX, p. 332-338.
n'a pas ete jusqu'ici condamnee expressement comrne V. STYLE. — Le style du Pentateuque, nous 1'avons
telle par 1'Eglise. J. Brucker, Authenticite des livres deja remarque, n'est pas uniforme, et il n'y a en cela
de Moise, dans les Etudes, mars 1888, p. 327. Cf. ibid., rien de surprenant si, comme il est legitime de le sup-
Janvier 1897, p. 122-123; E. Mangenot, L'authenticite poser, Moise a reproduit des documents anterieurs et
mosaique du Pentateuque, p. 267-310. a pu conner a des secretaires la redaction d'une partie
IV. TEXTE. — Le texte original de Moi'se ne nous est de son oeuvre.
pas parvenu dans toute sa purete premiere, il a subi des On peut distinguer dans ce livre, sous le rapport du
retouches de diverse nature. Yoir plus haut, col. 63. style, trois sortes de passages. II y a d'abord des
La seule comparaison du texte massoretique avec le tableaux statistiques et desrecueils de lois, qui n'exigent
Pentateuque samaritain et la version des Septante suf- que de 1'exactitude etde la precision. On ne reprochera
flrait a le demontrer. On sait que ces trois recensions pas a 1'ecrivain la secheresse des genealogies, de la
pre;entent entre elles des differences nonibreuses. Les table ethnographique, de la liste des stations du desert,
plus saillantes concernent les chiffres de I'age des pa- et autres morceaux analogues. Pareillement, les lois
triarches antediluviens, Gen., v, 1-31, et postdiluviens, i etaient formulees en termes juridiques, clairs, precis,
ill PENTATEUQUE 112
•et codifiees dans des cadres ressemblants, sinon iden- ticle, puisse avoir ce sens, mais une femme determined,
tiques. Le legislateur n'a d'autre souci que la precision et d'apres tout le recit biblique, dans lequel le mot
•et la clarte. femme precede de Farticle designe constamment Eve,
Le narrateur est ordinairement simple et naturel, la femme seduite par le serpent, plutot qu'une femme
naais il a aussi les qualites du conteur oriental. Les future, presente seulement a la pensee divine, une
recits sont vivants et saisissants. II excelle a peindre femme unique en son genre et tres excellente, la mere
fe caractere des personnages; il exprime leurs senti- du Messie. La m£me inimitie, Dieu 1'etablira aussi
ments intimes. multiplie les dialogues. II aime la entre la descendance du serpent et la descendance de
nrise en scene, et il decrit les evenements en quelques la femme. Puisqu'il s'agit d'une inimitie morale, on
traits bien frappes. Son histoire est le plus souvent doit exclure la posterite du serpent. Appliquee au
-anecdotique. Elle renferme de fort belles pages. Sans demon, 1'expression « descendance » est necessaire-
parler du recit de la creation, qui a une forme speciale, ment metaphorique. Elle designe ou les esprits mau-
on. a admire de tout temps 1'achat du champ d'Hemor vais, dont Satan est le chef, ou les hommes pervers,
par Abraham comme une scene pittoresque des mceurs qui se sont mis sous 1'empire du demon. Matth., xxm,
patriareales, 1'histoire si emouvante de Joseph et en 33; Joa., vm, 44. Si telle est la descendance du ser-
particulier sa reconnaissance par ses freres, la narra- pent seducteur, la rigueur du parallelisme semble
tion dramatisee des plaies d'Egypte et de la delivrance exiger que la « descendance » de la femme ait aussi un
•des Israelites. sens collectif et designe la posterite de la femme, qui
Le Deuteronome appartient a un genre litteraire sera en haine et en lutte avec la lignee du serpent, le
special. C'est un corps de lois, expose et explique genre humain, qui sera un jour victorieux du demon.
dans u"ne serie de discours. Si la legislation a sa forme Mais plusieurs exegetes, s'appuyant sur 1'autorite des
particuliere, les exhortations dans lesquelles elle est Peres qui ont reconnu dans ia femme, figuree par Eve,
•encadree ont leur style propre. L'orateur ne se borne la mere du Messie, S. Justin, Dial, cum Tryph., 100,
pas a rapporter les prescriptions legislatives; il vent t. vi, col. 709-712; S. Irenee, Cont. hser., Ill, xxm,
surtout porter ses auditeurs a les pratiquer. II les 7; V, xix, 1; c. xxr, 1, t. vii, col. 964, 1175-1176,
Justine done et y joint souvent les motifs de les obser- 1179; S. Cyprien, Testim. adv. Judseos, II, ix, t. iv,
ver. C'est un predicateur et un homeliste. II expose col. 704; S. Epiphane, Hser., LXXVII, 18, 19, t. XLII,
ionguement son sujet, en phrases pleines et riches, col. 729; S. Leon le Grand, Serm., xxn, t. LIV,
•en periodes bien remplies. II aime a revenir sur les col. 729; pseudo-Jerome, Epist. ~vi, ad amicum segro-
recommandations qu'il repete, et les memes manieres tum de viro perfecto, t. xxx, col. 82-83; S. Isidore
de dire se pressent constamment sur ses levres. Les de Peluse, Epist., I. I, epist. ccccxxvi, t. 'LXXVIII,
formules speciales, tres caracteristiques, qui font partie col. 4J7; S. Fulbert de Chartres, Serm. iv, de nat.
de ce que les critiques nomment le style deuterono- B. V., t. CXLI, col. 320-321; S. Bernard, Horn,, n,
miste, reparaissent continuellement, et constituent des super Missus est, 4, t. CLXXXIII, col. 63, 1'entendent
sortes de refrains. Ses longues periodes ne s'achevent d'un « rejeton » unique, le Messie. Us observent que,
pas toujours, et on a signale des anacoluthes, vi, 10-12; lorsque ynr presente un sens collectif, le pronom qui
\m, 11-17; ix, 9-11; xi, 2-7; xxiv, 1-4. Moi'se ici a le
s'y rapporte se met regulierement au pluriel. Gen., xv,
ton du predicateur. Ses qualites dominantes sont 1'onc-
13; xvn, 8, 9, etc. On ne signale que trois exceptions
tion et la persuasion. Quoiqu'il ne manque pas d'ener- a cette regie. Gen., xvi, 10; xvn, 17; xxiv, 60. Or ici le
gie, il n'a pas la vehemence des prophetes. II s'exprime pronom est au singulier. Le nom signifie done un re-
avec clarte pour etre compris du peuple auquel il jeton en particulier, sens qu'il a Gen., iv, 25; II Reg.,
s'adresse. II s'insinue doucement dans 1'esprit de ses vn, 12,13; I Par., xvn, 11, 12-.
auditeurs, et il ne se lasse pas d'insister sur Fob'serva- Le resultat final de cette inimitie sera une lutte,
tion fidele de la loi divine. L'abondance de son diversement decrite dans la Vulgate et le texte hebreu.
exhortation tourrie parfois en longueurs. II remonte Tandis que la Vulgate, apres les Septante, attribue la
«n arriere et repete ce qu'il vient de dire. victoire sur le demon a la femme : Ipsa conteret caput
VI. PROPHETIES MESSIANIQUES. — Le Pentateuque tuum, le texte original la rapporte a sa descendance
contient les plus anciennes propheties messianiques. (posterite ou rejeton). La lecon latine est fautive et on
—1° Le protevangile. ~ La premiere a ete promulguee 1'explique souvent par une erreur de copie. Tous les
au paradis terrestre par Dieu lui-meme a Adam et a manuscrits hebreux sauf trois, les anciennes versions,
five apres leur peche. Elle est renfermee dans la mys- tous les Peres grecs et la plupart des latins ont le mas-
terieuse sentence, prononcee contre le serpent seduc- culin ipse. Le premier verbe hebreu est d'ailleurs a la
eur : « J'etablirai une inimitie entre toi et la femme, troisieme personne du masculin, et le pronom suffixe du
entre ta descendance et sa descendance; celle-ci te bri- second verbe est aussi masculin. Le pronom X7,n se rap-
sera la tete et tu lui briseras le talon. » Gen., HI, 15. porte done a y-n et non a nw.s. En outre, dans le texte
Ces paroles ne s'adressent pas au serpent et elles ne T •
signifient pas 1'aversion naturelle, instinctive, des hebreu, la lutte est exprimee par le meme verbe, re-
hommes pour les serpents. Le serpent avait servi pete dans les deux membres de phrase. La signi-
d'instrument a un etre intelligent et mechant, a un fication de ce verbe *pvf a ete discutee. II ne se rencontre
esprit mauvais qui 1'avait fait parler avec perfidie et qu'ici et Job, ix, 7; Ps. cxxxix, 11. On le traduit ou
perversite. Les Juifs ont reconnu en lui le demon ten- bien « briser, ecraser », ou bien « dresser des embuches,
tateur de la femme. Sap., n, 24; Apoc., xn, 9; xx, 2; observer, epier, chercher a atteindre ». Les Septante,
Heb., n, 14. Voir t. n, col. 1368, 2119. Aussi la sen- les Peres grecs qui ont cite leur version et Onkelos ont
tence divine s'etend-elle plus loin que le serpent visible adopte la seconde interpretation, generalement acceptee
et atteint-elle directement 1'esprit tentateur. Un jour, par les critiques modernes, Quoique saint Jerome, Li-
Dieu etablira entre lui et la femme une inimitie mo- ber qusest. hebr. in Genesim, t. xxu, col. 943, preferat
rale, telle qu'elle peut exister entre deux etres raison- la signification : conterere, il a traduit le second verbe
nables ennemis 1'un de Fautre, Num., xxxv, 21, 22, par insidiaberis. Suivant cette interpretation, les com-
•entre Dieu et 1'homme. Ezech., xxv, 15; xxxv, 5. Cette battants s'observent, s'epient et s'appretent a s'attaquer
inimitie, qui differe de 1'horreur naturelle que les conformement a leur nature. La race de la femme cherche
hommes eprouvent pour les serpents, regnera entre le a ecraser la tete du serpent, car c'est lui, et non sa des-
demon et la femme, non pas le sexe feminin en gene- cendance, qui est attaque, et le serpent, qui rampe sur
ral, quoique 1'expression hebrai'que, iTOKn, avec 1'ar- la terre, vise le talon de 1'homme et cherche a le mordre.
113 PENTATEUQtJE 114
"Suivant la premiere interpretation, la descendance de la diction de Sem est exprimee sous forme optative :
femme brisera done la tete du serpent et celui-ci lui « Beni soit Jehovah, 1'Elohim de Sem! Que Chanaan
mordra le talon. L'expression est evideniment metapho- soit son esclave! » Jehovah, le Dieu de la revelation,
rique. Dans 1'Ecrilure, briser la tete de quelqu'un de la grace et du salut, est appele 1'Elohim de Sem.
signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre inca- C'est la premiere fois que, dans 1'Ecriture, Jeho-
pable de nuire, le vaincre. Amos, n, 7; Ps. LXVII, 22; vah est dit 1'Elohim d'un homme. Plus tard, il se
Cix, 6. La posterite de la femme brisera done la puis- nommera lui-meme 1'Elohim d'Abraham, d'Isaac et de
sance de Satan et detruira son empire tyrannique. La Jacob. Gen., xxvm, 13; Exod., in, 6. Cette denomination
rnetaphore est continuee dans la suite du verset. Le exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces
serpent, ecrase par le pied de son adversaire, se re- patriarches : il est le Dieu de leur famille; il a con-
tournera contre lui et 1'attaquera au seul endroit tracte alliance perpetuelle avec eux et il leur reserve a
qu'il puisse atteindre encore, au talon qu'il cherchera eux et a leur posterite des benedictions speciales. Or,
a atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites ces benedictions ne sont qu'une consequence de celle
•de la lutte, il y a toute la difference d'un talon blesse et de Sem. Le fait que Jehovah est dit 1'Elohim de Sem,
d'une tete broyee. Les commentateurs catholiques, qui signifie done que ce fils de Noe aura comme apanage
reconnaissent dans la descendance de la femme un re- d'avoir avec Dieu des relations speciales et de conserver
jeton special, qui est le Messie, voient dans 1'ecrasement la vraie religion. De sa race viendra le salut et le re-
•de la tete du serpent la victoire definitive remportee par dempteur promis a 1'humanite pecheresse.
le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa rnort sur la 3" Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac
croix, a veritablement brise la tete du serpent infernal, et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu a Abraham
Joa., xii, 31; Col., n, 15; I Joa., HI, 8, et dans la mor- et renouvelees par lui a Isaac et a Jacob, avaient une
sure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix, portee messianique. — 1. Promesse d'une nombreuse
ceuvre. des suppots de Satan, mais cette morsure, posterite. — Apres avoir ordonne a Abraham d'emigrer
quoique mortelle, est suivie de la resurrection du vain- au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire
queurdu demon. Calmet, CommentairelitteralsurlaGe- sortir de lui un grand peuple. Gen., xii, 2. Les reitera-
nese, 2 e edit., Paris, 1724, 1.1 a, p. 39-40; Patrizi, Bibli- tions de cette promesse divine en ont precise le sens,
•carum qusestionumdecas, Rome, 1877, p. 47-53; Id., De puisque la posterite d'Abraham devait e'tre aussi nom-
>on, hoc est de immaeulata Maria Virgine a Deo prse- breuse que la poussiere de la terre, Gen., xni, 16, et
dicta, Rome, 1853; C. Passaglia, De immaculate) Dei- les etoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d'Abram
parse conceptu, Rome, 1853, t. n, p. 812-954; Msr Gilly, est-il change par Dieu en celui d'Abraham, « pere de
Precis d'introduction, Nimes, 1867, t. n, p. 345-356; la multitude. »Dieurendra le patriarche cVief de nations
M9r Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. r, et fera sortir des rois de lui. Gen.,xvn, 4-6. Cette nom-
p. 235-236; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e edit., breuse posterite lui viendra non d'Ismael, mais d'Isaac,
Paris, 1906, t. I, p. 567-571; Fillion, La sainte Bible, fils de Sara. Gen., xvn,16; xvni, 10-15; xxn, 17. Cf. Heb.,
Paris, 1888, t. i, p. 32; E. Mangenot, Les prophe'ties xi, 12. Cette promesse est reiteree presque dans les
messianiques. Le protevangile, dans Le pretre, Arras, memes termes a Isaac, Gen., xxvi, 4, et a Jacob, Gen.,
1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protevangile xxvm, 14, et elle a ete realisee par la nombreuse lignee
est messianique au sens litteral. Pour d'autres, il ne d'Isaac. Mais plusieurs Peres ont pense que la promesse
Test qu'au sens spirituel; la prophetie vise directe- divine n'avait pas son accomplissementparfait, si Ton ne
ment Eve et sa descendance, qui sont des figures du considerait pas dans la posterite d'Abraham, son rejeton
Messie et de sa mere, vainqueurs du demon. Les targums leplus illustre, Jesus-Christ, Matth., i, 1, et les fils qu'il
d'Onkelos et de Jerusalem avaient compris le sens mes- lui a engendres par la foi. Rom., iv, 16, 17. Cf. S. Ire-
sianique general de cetle prophetie. Clement d'Alexan- nee, Cont. hser., IV, vu, 1, 2, t. vn, col. 991-992;
drie, Cohort, ad gentes, i, t. vm, col. 64, y avait vu S. Ambroise, De Abraham, I, in, 20-21, t. xiv,
seulement 1'annonce prophetique du salut. Saint Chry- col. 428; S. Cyrille d'Alexandrie, Glaph. in Gen.,
sostome, Horn., xvn, in Gen., n. 7, t. LIII, col. 143; Ill, 2, t. LXIX, col. 113; Raban Maur, Comment:, in
saint Auguslin, De Genesi contra manichseos, 1. II, Gen., n, 12, 17, t. cvn, col. 533, 541; Rupert, De Tri-
c. xvni, t. xxxiv, col. 210; saint Jerome, Liber quazst. nitate et operibus ejus, xv, 10, 18, t. CXLVII, col. 375,
hebr. in Gen., t. xxm, col. 943; saint Ephrem, Opera 383. — 2. Promesse d'etre une source de benedictions.
syriaca, Rome, 1732, t. i, p. 135; saint Gregoire le — Elle est exprimee dans le texte hebreu en ces
Grand, Moral, in Job, 1. I, c.' xxxvi, n. 53, t. LXXV, termes : « Sois benediction. » Gen., xn, 2. L'imperatif
col. 552,1'ont entendue de la lutte des hommes avec le a le sens du futur. Elle est expliquee par le verset sui-
serpent infernal et .de leur triomphe par leurs bonnes vant : « Je benirai ceux qui te beniront; je maudirai
ceuvres sur les perverses suggestions de Satan. Cor- ceux qui te maudiront; et toutes les families de la terre
neille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732, seront benies en toi. » Elle s'est realisee du vivant meme
p. 66-67; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin, d'Abraham : Lot, Gen., xiv, 16, Ismael, Gen., xvn, 20,
1829, t. i, p. 26-46; Reinke, Beitrage zur Erklarung sont benis a cause de lui; Pharaon, Gen., xii, 17, et
des A. T., Giessen, 1857, t. n, p. 272 sq.; Corluy, Abimelech, Gen., xx, 7, 17, ont ete chaties par Dieu a
Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. I, son occasion. Elle devait enfin etre universelle. On a
p. 347-372; card. Meignan, De I'Eden d Moise,.Paris, voulu, il est vrai, la restreindreauxtribuschananeennes
1895, p. 165-192; Crelier, La Genese, Paris, 1889, et aux populations voisines, qui etaient en relations
p. 54-56; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et
Paris,. 1895, p. 159-167, ont vu dans five et sa posterite la reiteration de cette promesse n'a fait qu'accentuer sa
les figures du Messie et de sa mere. Que la signification portee universelle. D'autre part, elle ne se reduisait pas
messianique du protevangile soit litteraleou spirituelle a des benedictions temporelles. Le verbe bdraq est em-
seulement, le trait initial qui commence a donner la ploye ici a la forme niphal ou passive. Plusieurs
physionomie du Messie, c'est qu'il sera un fils d'Eve, un commentateurs, apres saint Chrysostome, In Gen.,
descendant de la femme coupable, un membre de cette horn, xxxi, n. 4, t. LIII, col. 288, 1'entendent comme
humanite qu'il arrachera a 1'empire du demon. s'il etait a la forme hithpahel ou reflechie, employee
2° La benediction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Apres Gen., xxu, 18; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre
avoir maudit Cham, son fils irrespectucux, dans la desireront pour elles ton sort heureux. » Les Septante,
personne de Chanaan, voir t. n,col. 513-514, 532, Noe les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Peres
benit Sem et Japheth, ses fils respectueux. La bene- grecs et latins maintiennent le sens passif, cite par
115 116
saint Pierre, Act., in, 25, et par saint Paul. Gal., m, 8. Juda, Lyon, 1880; Corluy, Spicilegium dogmatico-
La preposition 2, unie a la forme passive, designe 1'au- biblicurn, t. i, p. 456-474; Lamy, dans le Dictionnaire
teur ou 1'instrument et signifie ici en toi ou par toi, de apologetigue de la foi catholique de Jaugey, col. 1624-
sorte que la benediction divine, qui se repandra sur 1649; card. Meignan, De I'Eden a Moise, p. 435-464;
les families de la terre sera en la personne d'Abraham Lagrange, La prophetic de Jacob, dans la Revue bi-
ou viendra par son intermediaire. Saint Paul a expli- blique, 1898, t. VH, p. 530-531, 540; F. de Hummelauer,
que le sens de cette promesse. Gal., HI, 7-9. Abraham Comment, in Gen., p. 592-597.
ayant ete justifie par la foi, Gen., xv, 6; Rom., iv, 3; 5° La prophetie de Salaam. —* Voir t. i, col. 1392-
Jac., ii, 23, tous les croyants sont ses fils. Rom., iv, 11, 1397. Cf. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 118-
12. Or 1'auteur de 1'Ecriture, decidant de justifier les 160; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 775-779;
gentils par la foi, a annonce d'avance a Abraham que card. Meignan, De Mo'ise d David, Paris, 1896, p. 194-
toutes les nations seront benies en lui, si elles ont la 282.
foi et bien qu'elles ne pratiquent pas la loi mosai'que. 6° Le prophete annonce par Mo'ise. Deut., xvin, 15-
II en resulte done que tous les gentils, qui sont fils 19. — Moise, parvenu au terme de sa vie, rappelle aux
d'Abraham parce qu'ils partagent sa Toi, auront part a Israelites la promesse que Dieu lui avait faite de sus-
sa benediction. Cf. J. Boehmer, Das biblische « 1m citer du milieu d'eux un prophete semblable a lui. Ce
Namen », Giessen, 1898, p. 50. Le P. Comely, Com- prophete ne peut etre Job, comme 1'ont pretendu
ment, in Epist. ad Cor. alterant et ad Gal., Paris, quelques rabbins, ni Josue qui etait peut-^tre deja institue
1892, p. 480, 1'etend a tout le salut messianique. Or, comme successeur de Moi'se, Num., xxvn, 18-23, pour
cette benediction les gentils la recevront par Abraham conduire Israel, rnais pas pour continuer sa mission
et le Christ son rejeton. prophetique. Les commentateurs catholiques se sont
4° La benediction de Jacob mourant a Juda. Gen., partages en deux camps dans 1'interpretation de cet
XLIX, 8-10. — Elle est certainement dans la bouche de oracle messianique. Le plus grand nombre s'appuyant
Jacob une prophetic en meme temps qu'un testament. sur la tradition juive qui, au temps de Jesus, recon-
Juda obtient la preeminence, refusee a Ruben, a Si- naissait dans ce prophete le Messie lui-meme, Joa., i,
meon et a Levi, ses freres aines, a cause de leurs 21; vi, 14; vn, 40, devant annoncer aux hommes toutes
fautes. Voir t. in, col. 1073; t. iv, col. 201. Le premier choses, Joa., iv, 25; cf. Deut., xvm, 18, predit par
en Israel, il aura gloire, force et souverainete. II don- Moi'se, Joa., i, 45, v, 45, 46; sur 1'interpretation de
nera des rois a son peuple a partir de David. « Le saint Pierre, Act., in, 22, -23, de saint Etienne, Act., vn,
sceptre ne sortira pas de Juda, ni le baton de com- 37, et de la plupart des Peres, 1'ont entendu du Messie
mandement d'entre ses pieds, jusqu'a ce que vienne seul et. de sa mission prophetique. Patrizi, Biblicarum
« celui auquel il appartient», a qui est (due) 1'obeissance qusestionum decas, p. 161-175; F. Vigouroux, Manuel
des peuples! » jL 10. La premiere partie du verset est biblique, t. i, p. 779; Corluy, Spicilegium dogmatico-
claire. II s'agit du baton de commandement et du baton biblicum, t. i, p. 447-455. Mais, a partir de Nicolas de
de justice, qui sont les symboles de 1'autorite civile et Lyre, un autre courant s'est produit, qui voit dans cet
judiciaire de la tribu de Juda. Les Egyptians et les Assy- oracle 1'annonce prophetique de toute la serie des pro-
rians avaient de ces longs batons entre les pieds. Voir phetes d'Israel, y compris le Messie, le dernier des
t. i, col. 1510-1512. Seule, la seconde partie du verset prophetes et 1'objet principal des oracles messianiques
est obscure, au moins dans le texte massoretique. La de ses devanciers. Moi'se, en effet, quand.il prononja
lecon rib'tf, Silo, n'a aucune signification pour la cet oracle, voulait montrer aux Juifs qu'ils ne devaient
pas consulterlesdevins, puisque Dieuleur avait promis
tribu de Juda, qui ne s'est jamais etablie en ee lieu.
une suite continue de veritables prophetes, qui ieur
Voir SILO. Ce n'est que par pure conjecture qu'on a
feront connaitre les volontes divines et Ieur annonce-
substitue a ce nom celui de Salem, qu'aucun texte n'a
conserve. D'ailleurs, la liaison locale avec le premier ront toutes choses. Si les contemporains de Jesus et
membre de la phrase n'a pas de sens; on ne compren- ses Apotres appliquent cet oracle au Messie seul, c'est
drait guere que le sceptre que Juda tient entre ses que la serie des prophetes anterieurs, qui 1'avaient
prepare, etait close; c'est que le Messie etait vraiment
pieds n'en sorte pas jusqu'a ce qu'il soit arrive en un
lieu, puisqu'il est au repos et pas en marche. Celte le dernier des prophetes, dont on attendait alors la
venue prochaine. Act., in, 22-26. Corneille de la Pierre,
lecon, en ten due dans le sens de « paix », ne se justifie
Comment, in Deut., Lyon, 1732, p. 764; Calmet, Com-
guere au point de vue philologique et elle ne s'harmo-
nise pas avec le contexte, car Juda, deja au repos apres mentaire litteral, t. I b, p. 497-498; card. Meignan,
le pillage, ^. 9, ne peut pas perdre le sceptre, en s'eta- De Mo'ise a David, p. 292-313; F. de Hummelauer,
blissant pacifiquement sur son territoire. II ne reste- Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 371-377. Dans les
rait, si 1'on maintient la lecon rib'tf, qu'a en faire un deux interpretations, le sens est identique : le Messie
sera un prophete Israelite, pareil a Moise, qui annon-
nom symbolique du Messie, signifiant « le pacifique ». cera aux hommes toutes les volontes divines.
Mais la lecon rhtf, appuyee par tous les anciens, sauf VII. COMMENTAIRES. — Us sont tres nombreux; nous
par saint Jerome, parait preferable. On la traduit, en n'indiquerons que les principaux. — 1° De I'epoque
sous-entendant sin : « celui a quile sceptre appartient. » patrisLique. — 1. Peres grecs et syriens. — S. Hippo-
Ezechiel, .xxi, 32 (Vulgate, 27), a uneformule analogue, lyte, Fragmenta in Hexaemeron (Gen., Num.), t. x,
quofque plus explicite. Le sens est ainsi tres clair : col. 583-606; dans Die Griechischen christlichen Schrif-
Juda conserve le sceptre jusqu'a ce que vienne celui a testeller, Leipzig, 1897, t. i, p. 51-119 (chaine arabe);
qui il est destine et a qui les peuples rendront obeis- Ronwetsch, Die georgisch erhaUene Schriften von
sance. Celui-la est vraisemblablement un rejelon de Hippolytus : Der Segen Jakobs,der Segen Moses, etc.,
Juda, qui prendra le sceptre, conserve longtemps dans dans Texte und Untersuch., Leipzig, 1904, t. xi,
sa tribu, et qui regnera sur les peuples. Cette pro- fasc. 1, p. 1-78 ; Origene, Selecla in Genesim, t. xn,
phetie a ete realisee par 1'empire universel de Jesus- col. 91-145; Homilies in Genesim, ibid., col. 145-262;
Christ; le Messie, sorti de Juda, a vraiment conquis Selecta et Homilise in Exod., Lev., Num. et Deut.,
1'obeissance de tous les peuples. Voir t. in, col. 1770- ibid., col. 263-818; Fragmenta, t. xvii, col. 11-36;
1771. Cf. Reinke, Die Weissagung Jacobs, Munster, S. Basile, Homilissin Hexaemeron, t. xxix, col. 3-208;
1849; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e edit., Paris, S. Gregoire de Nysse, In Hexaemeron, t. XLIV, col. 61-
1906, t. I, p. 733-739; Patrizi, Biblicarum qusestionum 124; De hominis opificio, ibid., col. 124-297; De vita
decas, p. 69--118; A. Lemann, Le sceptre de la tribu de Moysis, ibid., col. 297-430; S. Jean Chrysostome, Homi-
117 PENTATEUQUE 118
life LXVH in Genesim, t. LIU, LIV, col. 23-580; Sermones de jRosenmuller, Scholia in V. T., dont les deux pre-
IX in Genesim, t. LIV, col. 581-630; Severien de Gabales, miers volumes concernent le Pentateuque; 3e edit.,
Orationes in mundi creationem, t. LVI, col. 429-500; 1821, 1824; Scholia in V. T. in compendium redacta,
Homilia de serpente, ibid., col. 499-516; S. Ephrem, 1828, t. i (Pentateuque). Au xixe siecle, le Pentateuque
Comment, in Pentateuchum, dans Opera syriaca, t. i, a ete souvent commente par les protestants, dont plu-
p. 1-115; le commentaire qui suit, p. 116-295, a ete revu sieurs ont entierement verse dans le rationalisme. — En
par Jacques d'Edesse; S. Cyrille d'Alexandrie, Deado- Allemagne, Tuch, Commenlar uber die Genesis, Halle,
ratione in spiritu, t. LXVIII, col. 133-1125; Glaphyra, 1838; 2e edit, par Arnold et Merx, 1871; Baumgarten,
t. LXIX, col. 13-677; Theodoret, Qusestiones in Gen., Theologischer Commentar zuni A. T., Kiel, l843-1844r
Exod., Lev., Num., Deut., t. LXXX, col. 76-456; Diodore t. i; dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum
de Tarse, Fragmenta in Gen., Exod., t. LXVI, col. 633- A. T., Leipzig, A. Knobel avait explique la Genese,
648; Procope de Gaza, Comment, in Octateuchum, 1852, 1'Exode et le Levitique, 1857, les Nombres, le
t. LXXXVII, col. 21-992; Photius, Amphilochia, t. ci, Deuteronome et Josue, 1861; a partir de la 3e edition,
col. 48 sq.; Nicephore, Catena in Octateuchum et li- la Genese fut refondue par A. JDillmann (6e edit., 1892);
bros Regum, Leipzig, 1772. Sur les chaines grecques trad, anglaise, 2 vol., Edimbourg, 1897; une 2e edition
du Pentateuque, voir Faulhaber, Die Katenenhand- de 1'Exode et du Levitique fut faite par le meme, 1880,
schriften der spanischen Bibliotheken, dans Biblische et une 3e par Ryssel, 1897; une 2e edition des Nornbres,
Zeitschrift, 1903, t. i, p. 151-159, 246-247. du Deuteronome et de Josue par Dillmann parut en
2. Peres latins. — S. Ambroise, In Hexaemeron, 1886. Le Theologisch-homiletisches Bibelwerk, edite a
t. xiv, col. 123-274; De paradiso terrestri, ibid., Bielefeld et Leipzig, contient un commentaire de la
col. 275-314; De Cain et Abel, ibid., col. 315-360; De Genese, par Lange, 2e edit., 1877, de 1'Exode, du Levi-
Noe et area, ibid., col. 361-416; De Abraham, ibid., tique et des Nombres par le meme, 1874, du Deutero-
col. 419-500; De Isaac et anima, ibid., col. 501-534; nome, par Schroder, 1866; 2e edit, par Stosch, 1902,
De Joseph patriarcha, ibid., col. 641-672; De benedi- Le Biblischer Commentar uber das A. T., de Keil et
clionibus patriarcharum, ibid., col. 673-694; S. Jerome, de Franz Delitzsch, contient la Genese et 1'Exode com-
Liber hebraicarum qusustionum in Genesim, t. xxin, mentes par Keil, 3e edit,, Leipzig, 1878; du Levitique,
col. 935-1010; S. Augustin, De Genesi contra Mani- des Nombres et du Deuteronome,par le meme,2 e edit.,
cheos libri duo, t. xxxiv, col. 173-220; De Genesi ad 1870; trad, anglaise, 3 in-8«, Edimbourg, 1881, 1885; le
litteram imperfectus liber, ibid., col. 219-246; 1. XII, Kurzgefasster Kommentar zu den heiligen Schriften
ibid., col. 245-486; Qusestiones in Heptateuchum (pour A.und N. T., de Strack et de Zockler, Munich, com-
le Pentateuque), ibid., col. 547-776; Paulin, De bene- prend 1'explication des quatre premiers livres du Pen-
dictionibuspatriarcharum libelhis, t. xx, col. 715-732; tateuque par Strack, 1894 (la Genese a paru a part en
Rufm, De benedictionibus partriarcharum libri duo, 2e edition, en 1905), et celle du Deuteronome, de Josue
t. xxi, col. 295-336; pseudo-Jerome, De benedictionibus et des Juges par (Ettli, 1893. Le Handkommentar zum
Jacob patriarchss,t.x\m, col. 1307-1318; S. Isidore de A. T. de Nowack, public a Goettingue, contient la Ge-
Seville, Qusestiones in V. T. Pentateuch., t. LXX.XIII, nese de Gunkel, 1901; ^ edil., 190^-, YExode, \e Le\v-
col.207-370; S. Patere, Expositio V. et N. T.,t. KX.XXIX, tique et les Nombres de Ba&vitscVv, 1^0'i, e\, \e I)eu\eYO-
col. 685-784 (pour le Pentateuque); S. Bede, Hexaeme- nome de Steuernagel,1900. Le KurzerHand-Kommentar
ron, t. xcr, col. 9-190; In Pentateuchum commentarii, zum A. T., de Marti, edite a Fribourg-en-Brisgau, ren-
ibid., col. 189-394; De tabernaculo et vasibus ejus et ferme les commentaires de la Genese, 1898, de l'Ex:ode,
vestibus sacris, ibid., eol. 59S-498', pseudo-Bede., JDe seoa 1SQQ, des Nocabres, 1903, par Holzinger; du Levitique,
dierum creatione, t. xcm, col. 207-234; Qusestiones su- 1901, et du Deuteronome, 1899, par Bertholet. Com-
per Pentateuchum, ibid., col. 233-416; ALcuin, Inter- mentaires speciaux de la Genese, par Franz Delitzsch,
rogationes. et responsiones in Genesim, t. c, col. 515- Leipzig, 1852; 4e edit., 1872; 5e edit, sous le titre •
566; "Raban Manr, Comment, in Gen., t.'c\n, col. 443- Neuer Commentar uber die Genesis, 1887; Gossrau,
670; Comment, in Exod., Lev., Num. et Deut., t. cvm, Commentar zur Genesis, Halberstadt, 1887; Schultz,
col. 9-998; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxm, Das Deuteronomium erkldrt, Berlin, 1859; J. Bohmer,
col. 67-506 (pour le Pentateuque); Angelome, Comment. Das ersteBuck Nose, Stuttgart, 1905. — E n Angleterre,
in Gen., t. cxv, col. 107-244. The Holy Bible according to the authorized Version,
2° Du moyen age. — S. Bruno d'Asti, Expositio in editee par Cook a Londres, contient le Pentateuque en
Pentateuchum, t. CLXIV, col. 147-550; Rupert de Deutz, 2 in-8°, Londres, 1877, t. i et n. The Pulpit Commen-
De SS. Trinitate et operibits ejus, t. CLXVII, col. 197- tary, edite par Spence et Exell a Londres, contient la
1000 (pour le Pentateuque); Hugues de Saint-Victor, Genese, par Whitelaw; 1'Exode, par Rawlinson; le Le-
Adnotationes elucidatorise in Pentateuchum, t. CLXXV ? vitique, parMeyrick; les Nombres par Winterbotham,
col. 29-86; Honorius d'Autun, Hexaemeron, t. CLXXII, et le Deuteronome par Alexander, 1897. The Exposi-
col. 253-266; De decem plagis sEgypti, ibid., col. 265- tor's Bible, de Londres, renferme la Genese de Dods,
270; Abelard, Expositio in Hexaemeron, t. CLXXVIII, 1887, 1'Exode de Chadwick, 1890, le Levitique de Kel-
col. 731-784; Ernaud, Tractatus in Hexaemeron, logg, 1891, les Nombres de Watson, 1889, et le Deute-
t. CLXXXIX, col. 1515-1570; Hugues de Rouen, Frag- ronome de Harper, 1895. La Cambridge Bible for
menta in Hexaemeron, i. cxcn, col. 1247-1256; Tho- Schools and Colleges et The Century Bible n'ont pas
mas, Postilla seu expositio aurea in librum Geneseos, encore de commentaires du Pentateuque. The interna-
Opera, Paris, 1876; t. xxxi, p. 1-194; Hugues de tional critical commentary on the Holy Scriptures of
Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588, 1.1; Nicolas de Lyre, the Old and New Testaments, d'Edimbourg, comprend
Postilla, Rome, 1471, t. i ; Tostat, Opera, Venise, 1728, deja les Nombres de Gray, 1903, et le Deuteronome de
t. i-iv; Denys le chartreux, Comment, in Pentateuchum, Driver, 1895. Commentaires particuliers : Wright, The
Opera omnia, Montreuil, 1896, 1897, t. I, n. book of Genesis in hebreiv, Londres, 1859; 2e edit.
3° Des temps modernes. — i. Protestants. — Sans 1896; G.V. Garland, Genesis with notes, Londres, 1878;
parler des commentaires de Luther et de Melanchthon Spurrell, Notes on the hebreiv text of the book of Ge-
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notons ceux de J. Gerhart (-j-1637), In Gen., Deut.; Genesis, Londres, 1904; Leviticus, Leipzig, 1894; Gins-
d'Abraham Calov, In Gen., de Jean Drusius, Louis de burg, The third book of Moses, called Leviticus, Lon-
Dieu, Louis Cappel,Cocceius et Grotius, au xvnesiecle; dres, 1884; Howard, The books of Numbers and Deu-
de Jean-Henri Michaelis, Jean Le Gere (1710 et 1735), teronomy according to the LXX with critical notes,
119 PENTATEUQUE — PENTECOTE 120
•Cambridge, 1857; Maclaren, The books of Exodus, Le- yijxlpa TWV VEWV, dies primitivorum, « jour des premi-
viticus and Numbers, Londres, 1906; Id., Books of ces. » Num., xxvm, 26. Le mot TrevTrptoaTri, supposant en
Deuteronomy, etc., Londres, 1906. — En France, Ed. hebreu hamissim, « cinquante » ou « cinquantieme »,
Reuss, L'histoire sainte et la loi, 2 vol., Paris, 1879, est employe de differences manieres, dans Tobie, n, 1:
dans La Bible, traduction nouvelle avec introduction Y! eoprr, usvTY)xo<7tr(, « la fete (de) Pentecote; » dans
•et commentaires.— En Hollande, Net Oude Testament, II Mach., xii, 32; I Cor., xvi, 8, et dans Josephe, Bell,
par Kuenen, Hosykaas, Rosters et Oort, 2 vol., Leyde, jud., II, in, 1 : 7revTT)xooTr); « Pentecote; » dans les
1900, 1901. Actes, n, 1; xx, 16 : -^[Jilpa Ti\; IlsvT-oxoar/ji;, « jour de
2. Juifs, — Les commentaires de Raschi (1040-1150), la Pentecote. » — Les Juifs ont ensuite appele plus
Abenesra (1092-1167) et de David Kimchi (1160-1235) sur communement la Pentecote 'aseret, en chuldaique
le Pentateuque sont reunis dans les Bibles rabbiniques. 'asarfd', .dans Josephe, Ant. jud., Ill, x, 6, a<jap6dc,
Celui d'Abarbanel a ete edite a Venise, 1'an 5539 du « nom qui signilie Pentecote. » Cf. Erachin, xi, 3;
monde (1579 de 1'ere chretienne, in-f°, voir t. i, Midr. Koheleth, 110, 2, etc. Ce nom vient de 'dsar, qui
col. 16). S. Cahen a traduit le Pentateuque hebraiique signifie « clore » et « rassembler », d'ou le sens de
«n francais, Paris, 1831; Kalisch, Historical and cri- « cloture » ou d' « assemblee » pour 'aseret. Gesenius,
tical commentary on the old Test, with a new transla- Thesaurus, p. 1059, soutiexvt que le mot veut toujours
tion, Londres : Genese, 1885; Exode, 1855; Levitique, dire assemblee, comme Jer., ix, 2; Jos., i, 14; I Reg.,
1867, 1872; Hirseh, Der Pentateuch ube.rselzt und x, 20, etc. Cependant les Septante 1'ont traduit plu-
erlautert, 2« edit., 2 in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893, sieurs fois par ££63tov, « denouement, cloture, » Lev.,
1895; Hoffmann, Das Buch Leviticus ubersetzt und xxnr, 36, Vulgate : coetus, « assemblee; » Num., xxix,
erkldrt, Berlin, 1906. 35, ou la Vulgate ne traduit pas 'aseret; B-eut., xvi, 8,
3. Catholiques. — Gajetan, Commentarii in quinque Vulgate : collecla, « assemblee. » Toujours est-il que les
mosaicos libros, in-f°, Rome, 1531; Jerome Oleaster, docteurs juifs ont pris ce mot dans' le sens de « cloture »
Comment, in Pentateuchum, 4 in-f°, Lisbonne, 1556; et Font consacre a designer specialement la Pentecote,
Aug. Steuchus d'Eugubio, V. T. ad hebraicam verita- consideree surtout comme la cloture du temps de la
tem recognitio, sive in Pentateuchum annotaliones, Paque.
in-4°, Venise, 1529; Santo Pagnino, Catena argentea 2° Date. — D'apres Ja Loi, la date de la Pentecote
in Pentateuchum, in-f°, Anvers, 1565; Louis Lippo- etait ainsi H~s.ee : a partir du lendemain du sabhat de
man, Catena in Genesim, Paris, 1546; in Exodum, la Paque, ou Ton avait offert la gerbe nouvelle, on
Paris, 1550; G. Hammer, Commentationes in Genesim, comptait cinquante jours, et, le lendemain de la sep-
in-f°, Dillingen, 1564; Benoit Pereira, Comment, et tieme semaine, on offrait une oblation nouvelle.
•disputationes in Genesim, in-f°, Rome, 1589; Dispu- Lev., xxm, 15,16. LesCarai'tes entendaient par ce sab-
taliones centum viginti septem in Exodum, Ingolstadt, bat celui qui tombait dans le cours des fetes de la
1601; Asorius Martinengus, Glossse magnse in Genesim, Paque. D'apres leur maniere de comprendre le texte,
•2 in-f°, Padoue, 1597; Jean Lorin, Comment, in Levi- les sept semaines de la Pentecote pouvaient done com-
ticum, Lyon, 1619; in Numeros, Cologne, 1623; in mencer du second au huitieme jour apres la Paque.
Deuteronomium, Anvers, 1625; J. Tirin, Comment, Les sadduceens professaient la meme opinion. Cf.
in V. et N. T., Anvers, 1632; Corneille de la Pierre, Menachoth, x, 3; Schiirer, Geschichte des judischen
Comment, in V. et N. T., Lyon, 1732, t. i; reedite par Volkes in Zeit. J. C., Leipzig, t. n, 1898, p. 413, 414.
Migne, Cursus completus Scriptural sacree, t. v-vii; D'apres 1'interpretation la plus commune, qui pratique-
Corneille Jansenius, Pentaleuchus, Louvain, 1641; ment a prevalu parmi les Juifs, ce sabbat n'etait autre
J. Bonfrere, Pentateuchus Mosis commenlario illu- que le 15 nisan. Le lendemain du sabbat ou 16 nisan
stralus, in-f°, Anvers, 1625; Cl, "Frassen, Disquisitiones commencaient les septsemaines au lendemain desquelles
in Pentateuchum, in-4°, Rouen, 1705; Calmet, Com- on fetait la Pentecote. De la sorte, il y avait sepl se-
mentaire litteralsur tous les livres de I'A. et du N. T., maines pleines entre la Paque et la Pentecote. Pour
2e edit., Paris, 1724, t. I et n; Brentano, Dereser et les Caraites, la Pentecote tombait toujours le lende-
Scholz, Die heilige Schrift des A. und N. T., Franc- main du sabbat. Cf. Chagiga, n, 4; Siphra, f. 248, 1.
fort-sur-le-Main, 1820, t. i-in; La Sainte Bible, edi- Elle ne coi'ncidait avec celle des autres Israelites que
tee a Paris, contient la Genese par Crelier, 1889; quand la Paque tombait un vendredi.
1'Exode et le Levitique, par le meme, 1886; les Nombres 3° Le rituel de la fete. — 1. Ce jour-la, il y avait
•et le Deuteronome, par Trochon, 1887, 1888. Le Cursus assemblee du peuple et le travail, sauf celui de la pre-
Scripturse sacrae des jesuites allemands, edite a Paris, paration des aliments, etait interdit, comme au premier
contient un commentaire du Pentateuque par le P. de et au septieme jour de la Paque. L'offrande caracteris-
Hummelauer : in Genesim, 1895; in Exodum et Levi- tique de la Pentecote etait celle de deux pains leves. On
ticum, -1897; in Numeros, 1899; in Deuteronomium, y ajoutait en holocauste sept agneaux d'un an, un jeune
1901. Commentaires particuliers : Fr. de Schrank, taureau et deux beliers, et en plus un bouc et deux
-Commentarius litteralis in Genesin, 1835; Th. J. Lamy, agneaux d'un an en sacrifice pour le peche. Lev., xxm,
Comment, in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883, 15-21. D'apres les Nombres, xxvin, 26-31, 1'holocauste
1884; A. Tappehorn, Erkldrung der Genesis, Paderborn, se composait de sept agneaux, deux jeunes taureaux et
1888; G. Hoberg, Die Genesis nach dem Literalsinn un belier. — 2. En principe, la fete ne durait qu'un
erklart, Fribourg-en-Brisgau, 1899; B. Neteler, Das jour. Mais, depuis la captivite, les Juifs qui residaient
Buch Genesis der Vulgata und des hebraisches Textes hors de la Palestine la celebraient deux jours de suite.
ubersetzt und erklart, Munster, 1905; Fillion, La Sainte Cf. Gem, Pesachim, 52, 1; Gem. Rosch haschana, 5,
Bible, Paris, 1888, t. i. E. MANGKNOT. 1. Peut-etre agissaient-ils de la sorte dans la crainte de
se tromper sur le vrai jour de la fete. Josephe, Ant.
PENTECOTE (grec : Ttsvr/ixoaTr,; Vulgate : Pen- jud., Ill, x, 6, dil qu'on immolait ce jour-la en holo-
tecoste), la seconde des trois grandes fetes des Juifs. causte trois jeunes taureaux, deux beliers et quatorze
1° Noms. — La fete est appelee hag haq-qdsir bik- agneaux, ce qui represente, a un belier pres, le total
kure, eoprrt 9sptcr[*ou TrpwToyew/juaTw.v, solemnitas de ce que prescrivent chacun de leur ccHe le Levitique
messis primitivorum, « fete de la moisson et des pre- et les Nombres. Les victimes indiquees par les
mices, » Exod., xxm, 16; hag sdbu'ot, IOPTYJ £6§o[Jiaowv, Nombres etaient offertes a titre supplementaire.
solemnitas hebdomadarum, « fete des semaines, » Cf. Menachoth, iv, 2. — 3. Les deux pains a offrir
j£xod., xxxiv, 22; Deut., xvi, 10; yom hab-bikkurim, devaient etre faits avec de la farine de froment nouveau
121 PENTECOTE 122
recolte en terre Israelite. Sur le soir de la Pentecote, Mais ils ajoutent : « La Loi divine n'a pas besoin d'un-
ou, si le jour suivant etait le sabbat, apres la fin du jour saint dans lequel on rappelle avec honneur son
sabbat, on achetait aux frais du tresor trois mesures de souvenir. Le motif de la fete des semaines est le com-
froment, on les pas salt a la meule et ensuite a travers mencement de la moisson du froment... II est indiscu-
douze cribles. On retirait deux dixiemes d'ephi de table que la Loi a ete donnee le jour de la fete des
farine, on y ajoutait de 1'eau chaude et du levain et semaines, mais il n'a pas ete institue de fete pour la
1'on confectionnait les deux pains. Us devaient avoir rappeler. » Abarbanel, In Leg., f. 262. Cependant, les
sept palmes de long, sept palmes de large et, aux extre- auteurs juifs plus modernes n'hesitenl pas a attribuer
mites, des cornes de quatre doigts. Le matin du jour a la Pentecote un sens historique et a celebrer ce
suivant, a la suite des sacrifices publics, on offrait les jour-la la promulgation de la Loi. Cf. Munk, Pales-
deux pains a 1'est du parvis interieur, mais on ne les tine, Paris, 1881, p. 188. Pour beaucoup meme, cette
portait pas jusqu'a 1'autel, a cause du levain qu'ils idee devient d'autant plus preeminente que 1'ohjet pri-
renfermaient. L'un des deux pains etait ensuite donne mitif de la fete a moins de raison d'etre dans les pays
au grand-pretre, s'il le voulait; 1'autre se partageait ou ils vivent disperses. Dans 1'enseignement populaire,
entre les pretres, qui le mangeaient dans le Temple. on s'exprime ainsi : « La Pentecote ou fete des
Ces deux pains constituaient des premices. A partir de semaines est celebree le cinquantieme jour a compter
leur presentation, il etait permis d'apporter au Temple du second jour de la Paque, le six du mois de sivan
des offrandes proveriant des recoltes de 1'annee. (troisieme mois). C'est 1'anniversaire de la promulga-
Gf. Menachoth, xi, 9; Erachin, n, 2. — Sur le cere- tion de la loi sur le mont Sinai'. Cette fete dure deux
monial snivi pour presenter les premices au Temple, jours. » Wogue, Catechisme, Paris, 1872, p. 59.
voir PBEMICES. — 4. Apres 1'offrande des differents sa- 5° Symbolisme de la fete. — 1. La Pentecote con-
crifices prescrits, le peuple etait invite a se rejouir sacre solennellement la fin de la moisson, qui avait ete
dans des festins, atixquels on invitait les levites et inauguree le lendemain de la Paque. Elle est ainsi
tous ceux qui vivaient dans 1'entourage du chef de la comme une suite de la solennite precedente, de
famille. Deut., xvi, 11. — 5. La fete de la Pentecote laquelle elle depend par sa date. Ellerappelaital'Israe-
etait celebree partout par les Israelites, meme hors de lite que le Dieu qui 1'avait tire de la servitude d'Egypte
Jerusalem et de la Palestine. Tob., n, 1 (texte grec). avait promis de le conduire « dans une terre fertile et
On omettait aJors naturellement ce qui etait special a spacieuse, dans une terre ou coulent le lait et le
la liturgie du Temple. Judas Machabee rentra a Jeru- miel », Exod., m, 8, que ce Dieu avait tenu sa pro-
salem avec son armee victorieuse pour celebrer la fete messe, et que chaque annee il donnait a son peuple
des semaines ou Pentecote. II Mach., xn, 30. La 1'abondance des moissons et des benedictions ter-
Pentecote qui suivit la resurrection de Notre-Seigneur restres. C'etait done une fete d'actions de graces. —
avait amene a Jerusalem « des hommes pieux de toutes 2. La caracteristique de la fete consistait dans 1'offrande
les nations qui sont sous le ciel », c'est-a-dire des de deux pains leves. A la Paque, on avait oflert les
divers pays ensuite "enumeres. Act., n, 5-11. Du temps premices d'une moisson qui commenfait, mais qu'on
de saint Paul, on fetait encore la Pentecote a Ephese. ne pouvait guere encore utiliser pour 1'alimentation de
I Cor., xvi, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacrse, 1'homme. A la Pentecote, la moisson se terminait et
Utrecht, 1741, p. 237-240; Iken, Antiquitates hebraicse, Ton pouvait en presenter a Dieu le resultat definitif r
Breme, 1741, p. 316-319. tel que 1'industrie humaine le traitait pour 1'approprier
4° La Pentecote et la loi du Sinat. — 1. Partis de a la nourriture. On apportait au sanctuaire deux pains
I'Egypte le quinzieme jour du premier mois, Exod., leves, mais par respect pour la loi qui ne permettait
xn, 26-34, les Hebreux arriverent au Sinai le premier pas 1'introduction du levain dans le culte du Seigneur,
jour du troisieme mois, Exod., xix, 1, et tvois jours "voiv LEV\YN, col. 198, on we les offrait pas sur Vautel..
apres, Exod., xix, 16, Dieu commenca a manifester sa — 3. Les pains, au nombre de deux, n'etaient sans
presence sur le Sinai', par des nuees, des eclairs et des doute pas sans rapport avec les deux jours de fete dont
tonnerres. II s'ecoula done quarante-huit ou quarante- 1'un commencait et Fautre terminait le temps de la
neuf jours entre la Paque d'Egypte et la promulgation moisson; les deux jeunes taureaux ou les deux beliers
de la Loi au Sinai'. Malgre cette coincidence entre la representent la meme idee, tandis que les sept agneaux
promulgation de la Loi et la fete de la Pentecote, les se rapportaient aux sept semaines du temps de la mois-
textes qui prescrivent la celebration de la fete ne font son. Le jeune taureau ou le belier, seul de son espece,
jamais allusion aux evenements du Sinai', et meme, pouvait rappeler 1'idee du Dieu unique auquel elait
dans le rituel mosai'que, rien n'est destine a comme- offert 1'holocauste. Cf. Bahr, Symbolik des mosaischen
morer ces evenements. Philon et Josephe n'etablissent Cultus, Heidelberg, 1839, t. n, p. 645-652.
nulle part aucune correlation entre la fete et le don 6° La Pentecote du Nouveau Testament. — 1. C'est
de la Loi. La promulgation de la Loi nouvelle a la le jour meme de la Pentecote juive, a la troisieme
fete de la Pentecote donna probablement aux Chretiens heure, c'est-a-dire vers neuf heures du matin, que le
1'idee de rattacher a la meme fete le souvenir de la Saint-Esprit descendit sur les Apotres et les disciples
promulgation du Sinai. Saint Jerome, Ep., LXXVIII, 12, rassembles au nombre de cent vingt. Act., n, 15. Des
ad Fabiol., t. xxn, col. 707, etablit la coincidence phenomenes exterieurs analogues a ceux du Sinai"
entre 1'evenement du Sinaii et la Pentecote, qui en signalerent sa venue et furent remarques par la multi-
celebre le souvenir. Saint Augustin, Cont. Faust., tude qui se trouvait dans la ville. Act., n, 6. Le Saint-
xxxii, 12, t. XLII, col. 503, affirme la meme relation et Esprit apparut sous forme de langues de feu. Voir
voit dans la promulgation de la Loi au Sinai" la figure LANGUE, t. iv, col. 74. II communiqua aux Apotres le
de la descente du Saint-Esprit a la Pentecote. don des langues. Voir LANGUES (DON DES), t. iv,
Saint Leon, De Pentecost., serm. /, t. LIV, col. 400, col. 74-81. — 2. L'ancienne Pentecote etait la fete de la
pense comme les precedents. Les auteurs juifs poste- moisson; avec la nouvelle commence la moisson evan-
rieurs ne connaissent pas plus que leurs anciens la gelique, et des le jour meme saint Pierre fait une
celebration d'une fete pour rappeler la manifestation recolte d'environ trois mille ames. Act., n, 41. La Loi
du Sinai. Us admeltent la coincidence signalee par nouvelle est promulguee ce jour-la, cinquante jour&
saint Jerome. « La fete des semaines est le jour ou la apres la redemption, comme 1'avait ete jadis la loi du
Loi'fut donnee. Ce qui constitue 1'honneur de ce jour, Sinaii, cinquante jours apres la delivrance de la servi-
c'est que sa date depend de la fete solennelle prece- tude d'Egypte. C'est ce qui fait dire a saint Jerome,
dente, la Paque. » Maimonide, More nevochim, ill, 41. Epist. Lxxvui, 12, ad Fabiol., t. xxii, col. 707, qu' « oft
123 PENTECOTE — PERCNOPTERE 124
•celebre la solennite de la Penteeote et qu'ensuite le avec les Elamites, leurs voisins, et les rois d'Assyrie,
mystere evangelique recoit son complement dans la Sargon et Sennacherib, leur firent plusieurs fois la
descente du Saint-Esprit ». Cf. J. G. Harenberg, De guerre. Les inscriptions cuneiformes appellent cette
vniraculo pentecostali, dans le Thesaurus de Ease et tribu Puqudu. E. Schrader, Keilinschriften und Ge-
Iken, Leyde, 1732, t. n, p. 569-594; Kellner, Heortolo- schichtsforschung,l818,ip. 108,111,113; Frd. Delitzsch,
gie, Fribourg-en-B., 1901, p. 72-75. Wo lag das Paradies, p. 182, 195, 240. La tribu de
H. LES&TRE. Puqudu dut etre soumise a la domination de Nabucho-
PEQOD (hebreu : Peqod), norn qui se lit dans deux donosor et lui fournir des soldats quand son armee
passages de la Bible : Jer., L, 21, et Ezecb.., xxm, 23. assiegea et prit Jerusalem, ainsi que 1'annonce Ezechiel.
Les anciens commentateurs en ont fait generalement Plus tard, quand Cyrus s'empara de Babylone, Peqod
un nom common. Us ont traduit ce mot dans Jeremie dut etre soumise aux Perses et punie, selon la .predic-
dans le sens de « visitation » divine, c'est-a-dire de tion de Jeremie, du mal qu'elle avait fait aux Juifs dans
chatiment, et ont cru que le prophete appelait ainsi 1'armee de Nabuchodonosor. F. VIGOUROUX.
symboliquement Babylone pour annoncer le cMtiment
que Dieu allait lui infliger. Dans Ezechiel, ils ont donne PERCNOPTERE (hebreu : rdhdm ; Septante ;
a Peqod le meme sens que pdqid, « chef, prefet. » Vulgate : porphyrion), espece de vautour,
IIEsd., xi, 9; xiv, 22;xii, 42. La Vulgate a traduit, dans
Jeremie, Peqod par visita, et dans Ezechiel par nobiles
Dieu dit dans Jeremie au futur vainqueur de Babylone,
d'apres saint Jerome : « Monte centre le pays des Do-
minateurs et visile (chatie) ses habitants. » — Depuis
que les documents cuneiformes nous ont mieux fait
connaitre la geographie assyro-babylonienne, onne peut
plus douter qu'il ne faille traduire ainsi ce passage :
« Monte contre la terre de Merdtaim (region du sud
de la Babylone, Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies,
p. 41,182), et contre les habitants de Peqod. » — Dans
Ezechiel, d'apres la Vulgate, Dieu dit a Ooliba, person-
nification de Jerusalem et du royaume de Juda : « Je
susciterai contre toi... les fils de Babylone et tous les
Chaldeens, nobles, rois et princes. » II faut traduire
1'hebreu : « Je ferai venir contre toi les fils de Baby-
lone et tous les Chaldeens, Peqod, So'a et Qo'a (Sutu
ou Su et Qutw ou qu, tribus voisines de la Babylonie,
Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 233). » La ver-
sion des Septante, qui avail pris les noms propres pour
des noms communs, dans Jeremie, de meme que la
Vulgate, a reconnu ici des noms propres qu'elle a trans-
crits par $axoox (Alexandrinus : x«\ 3>ovS), Soui et
T^ou!. Symmaque et Theodotion avaient fait de meme :
$axou5 r.ai Sou^ xal KouL Origene, Hexapl., Ezech.,
xxni, 23, t. xvi, 3. col. 2557. Saint Jerome a suivi dans
la traduction de ce passage la version d'Aquila et s'il n'a
pas accepte Pinterpretation des Septante et des autres
traducteurs grecs, c'est, dit-il, In Ezech., xxm, 23,
t. xxv, col. 219, parce qu'on ne trouve pas les noms de
Phacud, Sue et Cue comme noms de peuples dans
1'Ecriture; ce qui n'est pas exact pour Peqod et ne 16. — Le percnoptere.
peut rien prouver d'ailleurs contre 1'existence de ces
tribus orientates, la Bible n'ayant pas eu occasion de range parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 18; Deut., xiv,
les nommer ailleurs. 17. — Les versions font du rdhdm un porphyrion,
Peqod est le nom d'une tribu de la Babylonie meridio- espece d'oiseau qui apparlient a 1'ordre des ^chassiers.
nals et de la contree ou elle habitait, pres de 1'embou- Voir PORPHYRION. Mais ce nom designe le vautour
chure du fleuve Uknu. Les gens de Peqod etaient de d'Egypte, vultur ou neophron percnopterus, « a ailes
race arameenne; ils s'allierent en diverses circonstances noires, >> connn des Arabes sous le nom de rahmah*
125 PERCNOPTERE PERDRIX 126
Cet oiseau, long d'une soixantaine de centimetres, a le de ses perdreaux pour les rassembler en lieu sur. —
plumage blanc mele de brun et de roussatre, les La perdrix grecque ou bartavelle, caccabis saxatilis,
grandes plumes des ailes noires, les pieds jaunes; la tete abonde en Palestine, dans les regions rocheuses du
est denudee et de couleur jaune clair (fig. 16). Le desert de Judee et dans les gorges de la foret du Carmel.
percnoptere et moins fort que les autres rapaces de son Elle se plait dans les pays montagnetix. On en trouve
. espece ; aussi evite-t-il de se meler a eux. II vit ordinai- aussi tres frequemment dans les parties sauvages de la
rement par paires et sa ponte est de deux ceufs, rare- Galilee, courant par compagnies, comme des poules
ment de trois. Ce qui distingue surtout cet oiseau, c'est domestiques, au milieu des rochers. Les bandes en sont
son genre d'alimentation. II se nourrit de cadavres nombreuses en automne; elles se dispersent en hiver,
d'animaux et de detritus de toute nature, debarrassant sans doute pour se procurer plus facilement leur nour-
ainsi le sol de tout ce qui pourrait empester, et, a ce riture. La grosse perdrix rouge, perdix schukkar, s'en-
titre, meritant la protection dont Thomme 1'entoure. vole ou court rapidement devant les cavaliers, qui la
On le trouve dans les parties chaudes de 1'ancien poursuivent a fond de train et arrivent a la tuer quand
monde, des Pyrenees au sud de 1'Inde, et dans presque elle est fatiguee. La perdrix du desert, ammoperdix-
toute 1'Afrique. II est tres commun en Egypte; on le heyii, a des nuances plus delicates. Elle est grosse a
voit represente sur les monuments (fig. 17). En Pales- peu pres deux fois comme une caille, et a le plumage
tine, on le Yencontre en ete, jamais en hiver. II y vit d'un gris jaunatre, le male seul portant aux joues une
familierement dans le voisinage de 1'homme et s'abat sorte de col d'un blanc de neige. « Cette perdrix a
sans crainte jusque dans les villages, pour chercher sa tellement la couleur du sol environnant, qu'on lui
nourriture dans les tas d'immondices. On comprend marche presque sur le corps avant de 1'apercevoir...
que le percnoptere, malgre les services qu'il rend, ait ete Ces perdrix, fort peu sauvages, constituent un manger
range parmiles oiseaux impurs. Cf. Trislram, The natu- delicat... On parvient a les prendre avec la main en les
ral [history of the Bible, Londres, 1889, p. 180. —
Michee, I, 16, dit a sa nation : « Fais-toi chauve comme
le neser, car (tes enfants) s'en vont en captivite loin de
toi. » Le mot hebreu designe ordinairement 1'aigle ; mais
c'est un nom generique qui a une signification gene-
rale et ici il se rapporte au vautour percnoptere, qui
seul est chauve; il en est de meme dans Job, xxxix,
27; Prov., xxx, 17, ou il est dit qu'il se nourrit de
cadavres. Cf. Buhl, Gesenius' Handwort., p. 550.
H. LESETRE.
PERCY Thomas, theologien anglican, ne a Bridg-
north en 1728, mort a Dromore le 30 septembre 1811.
D'une condition modeste, il prit ses grades a Oxford et
entra dans les ordres. Qhapelain du due de Northum-
berland et du roi, il devint doyen de Carlisle en 1778,
et quatre ans plus tard, evtique de Dromore en Irlande.
Parmi ses ecrits on remarque : The Song of Salomon
newly translated from the original Hebreiv : with a
commentary and annotations, in-12, Londres, 1764;
et un manuel souvent reimprime qui a pour titre : A 18. — La perdrix.
Key of the New Testament giving an account of the
several books, their contents, their authors, and of the poursuivant dans les trous des rochers ou elles vont se
times places and occasions, on which they were wr~*- retirer. Lorsqu'elles sont ainsi pourchassees pendant
ten, in-12, Londres, 1765. — W. Orme, Biblioth. bi-~ quelques instants, elles restent parfaitement immobiles
blica, p. 346. B. HEURTEBIZE. en cachant leur tete et souvent meme une partie de
leur corps entre deux pierres ou dans la fente d'un
PERDRIX (hebreu : qore* ; Septante : TiepSii; Vul- rocher... Get oiseau, qui est loin cependant d'etre inin-
gate : perdix), oiseau de 1'ordre des gallinaces, que telligent, croit evidemment ne plus etre vu parce qu'il ne
caracleYise 1'absence d'ergots, remplaces par une simple peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Cette
- saillie tuberculeuse du tarse. L'espece perdrix comprend maniere d'agir est une exception pour les especes de
les perdrix proprement dites, les cailles (voir t. n, ce groupe. » Lortet, La tfyrie d'aujourd'hui, Paris,
col. 34), les francolins, etc. 1884, p. 403, 406, 469. On rencontre ce genre de per-
1° Description. — Les perdrix proprement dites (fig. 18) drix dans 1'Arable petree, le bassin de la mer Morte, le
ont a peu pres la taille du pigeon. Elles portent un desert de Judee et surtout les environs de la grotte
plumage gris, melange de diverses couleurs, ont la d'Odollam. Comme tous les autres oiseaux, elles
tete petite, le corps ramasse, les ailes courtes, se nour- aiment a se refugier a 1'abri des tamaris et des zizy-
rissent d'herbes, de graines, d'insectes, de vermisseaux, phus. Dans les riches plaines de Genezareth, d'Acre et
d'oeufs de fourmis, etc., vivent en compagnies de plu- de Phenicie, le genre perdrix est principalement repre-
sieurs individus, nichent a terre, ordinairement dans sente par le francolin, francolinus vulgaris, bien
les sillons, et y pondent de douze a vingt ceufs que la connu dans 1'Inde et dans quelques rares regions du
femelle est seule a couver. Elles sont timides et defian- sud de 1'Europe. Le male est un bel oiseau, avec sa
tes et, d'un vol saccade et bruyant, changent continuel- poitrine noire, ses flancs largement mouchetes de
lement de sejour, bien qu'elles n'entreprennent que blanc et son collier chatain frange de taches noires et
rarement de longs voyages. Elles font entendre un cfi blanches. Le francolin se cache dans lesherbes epaisses
guttural, dur et sec. Ce cri a valu a la perdrix son et dans les cultures des plaines marecageuses, de telle
nom hebreu de qore', du verbe qdrd', « crier. » La per- sorte qu'il est bien plus aise de 1'entendre que de 1'aper-
drix est activement chassee par les oiseaux de proie, cevoir. — Au nom hebreu de gore" se rattache aussi
les renards et 1'homme, qui la recherche a cause de un autre gallinace, le coq de bruyere des sables, ptero-
ses qualites comestibles, A 1'approche de 1'ennemi, le cles, tres abondant dans les districts arides de la
male s'envole d'un cote pour attirer 1'attention; la Palestine. Cet oiseau ressemble assez au pigeon et
femelle part d'un autre, puis revient en courant aupres frequente par myriades les terrains sablonneux de
42*7 PERDRIX — PERE 12&
I'Asie et de 1'Afrique. On en voit jusque dans le nord efrangers. II est a remarquer que le texte hebreu ne
de 1'Espagne et dans les Landes franchises. Le coq des suppose nullement que des oaufs soient pris par Ja
sables commun, pterocles arenarius, le khudry des perdrix a d'autres oiseaux. D'ailleurs les faits ne justi-
Arabes, se trouve dans le desert de Judee. Une autre fient pas cette affirmation. Le coucou va porter ses-
espece, le pterocles setarius, le kata des Arabes, se oaufs dans le nid d'un autre oiseau qui les couve a
montre de temps en temps par milliers dans les parties son insu, mais on ne cite pas d'oiseau qui aille s'empa-
decouvertes de la vallee du Jourdain et dans le desert rer des oeufs d'un autre pour les couver lui-meme. Le
qui est a Test. Le desert de Judee et les abords de la texte hebreu dit seulement : gore1 ddgdr veld' ydldd f
mer Morte sont encore frequentes par deux autres « la perdrix a couve et n'a pas engendre. » En suppo-
especes, le pterocles exustus et le senegalensis, dont le sant les deux termes de la phrase unis par un pronom
plumage presente, avec des traits delicats, une tonalite relatif, « la perdrix a couve (ce qu'elle) n'a pas engen-
generate enharmonic avec celle du terrain. Dela vient dre, » il suffirait, pour justifier 1'assertion, de dire, non
que les oiseaux du genre perdrix echappent si facile- pas que la perdrix a pris des oeufs, mais qu'on lui en
.ment a la vue de leurs ennemis. Cf. Tristram, The a mis a couver qu'elle n'avait pas pondus, et que ces
natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 224-229. oeufs, appartenant a des oiseaux qui n'etaient pas de
2° La perdrix dans I'Ecriture. — La Sainte Ecriture son espece, ont donne des poussins qui Pont abandonnee
fait trois fois mention de la perdrix. David constate que pour se livrer a leurs allures propres. Ainsi 1'homme
Saul le poursuit« comme on poursuivrait une perdrix aequiert injustement des richesses qui, a un moment,
dans les montagnes ». I Reg., xxvi, 20 Cette comparai- 1'abandonnent et sont perdues pour lui, par un juste
son est parfaitement justifiee. On a vu plus haul retour des choses. Le verbe ddgdr veut dire « amasser »
comment les perdrix des differentes especes communes pour couver, quand il s'agit des oiseaux. Mais sa signi-
en Palestine sont poursuivies a travers les rocbers et fication ne s'etend pas jusqu'a 1'idee d'aller chercher des
finissent par se laisser prendre, quand la fatigue les a ceufs ailleurs que dans le nid ou ils sont deposes.
harassees. Ainsi Saul comptait epuiser les forces de Quant au verbe ydldd, il signifie « engendrer » et
David par une poursuite acharnee et fmir par s'emparer « pondre »,en parlantdes oiseaux. Mais comme ce pas-
de lui. — On lit dans 1'Ecclesiastique, xi, 32 (28) : sage de Jeremie est le seul ou ydldd soit employe a
propos d'oiseaux, on ne voit pas pourquoi ce verbe ne
Comme la perdrix de chasse dans sa cage, pourrait pas signifier « engendrer » dans le sens de
Ainsi est le cceur de 1'orgueilleux,
Et comme 1'espion il guette la mine,
« faire eclore », d'ou la traduction possible : « La per-
Changeant le bien en mal, il dresse des pieges. drix a couve et n'a pas fait eclore, » c'est-a-dire n'a pas
mene a terme sa couvee. Cf. Vatable, dans le Script.
Cette perdrix de chasse, rclpSiE O'/JPSUTVIC, est celle qu'on Sacr. cursus compl. de Migne, Paris, 1841, t. xix,
. employait comme appeau. On dressait pour cet usage col. 175. « Sur ce passage de Jeremie, ecrit Tristram,
des alouettes, des (inottes, des pigeons, des cailles et The natural history, p. 225, on a propose, plusieurs
surtout des perdrix. Celles-ci etaient ensuite placees commentaires ingenieux, dont quelques uns sont con-
dans une cage qu'on dissimulait en partie au moyen traires aux faits. On a affirme que la perdrix derobe
d'un couvert de feuillage. En avant de la cage, un filet les ceufs d'autres oiseaux, les couve pour son propre
manoeuvre par un chasseur cache, pouvait s'abattre sur compte, d'ou la traduction du passage : Elle rassemble
les oiseaux qu'attiraient les cris des perdrix prison- des oeufs qu'elle n'a pas pondus. Mais il n'est pas vrai
nieres, ou les empetrer de telle sorte qu'il etait ensuite que la perdrix derobe les couvees des autres. II n'y a
aise de les prendre a la main. Cf. Tristram, The natu- qu'une vraie interpretation. La perdrix pond un tres
ral history, p. 163-164. L'orgueilleux mechant et per- grand nombre d'ceufs. Une fois, j'ai trouve un nid de
fide est compare a 1'oiseau qui sert d'appeau ; il trente-^six oeufs dans desert de Judee/Mais elle a beau-
attire aupres de lui, mais pour perdre et faire lomber coup d'ennemis, parmi lesquels 1'homme n'est pas Je
dans ses pieges. — Enfin, Jeremie, xvn, 11, emprunte moindre, qui recherchent son nid et lui derobent ses
aux mceurs de la perdrix cette autre comparaison : -ceufs. Les oeufs de perdrix sont assidument recherches
par les Arabes qui en font leur nourriture. Ils sont aises
Une perdrix couve (des oeufs) qu'elle n'a pas pondus; a trouver et laquantitedetruiteannuellementestsurpre-
Tel est 1'homme qui aequiert des richesses injustement; nante. Durant un printemps, en Palestine, pres de huit
Au milieu de ses jours, il doit les quitter,
Ei a sa fin il n'est plus qu'un insense.
cents ceufs de perdrix grecque, caccabis saxatilis, ont ete
apportes a notre camp; nous avions 1'habitude de les utili-
Ce texte semble supposer que la perdrix va s'emparer ser chaque jour, encore tout frais, pour faire des ome-
d'oeufs d'oiseaux d'une autre espece, qu'elle les couve et lettes. Autre fois on lesramassait sansdoute dans le meme
qu'ensuite les poussins abandonnent celle qui n'est pas but. La pensee du prophete est done que 1'homme
leur mere. Cette derniere se trouverait alors dans le devenu riche par des rnoyens injustes n'aura guere la
cas de la poule qui a couve des oeufs de canards, jouissance de sa prosperity mal acquise, mais qu'il la
comme on dit proverbialement en francais. Le chaldeen perdra prematurement, comme la perdrix qui commen-
traduit : « "Voici, comme la perdrix rassemble des ceufs ce a couver, mais est rapidement depouillee de tout
qui ne sont pas a elle, et en les chauffant couve des espoir de couvee. » La comparaison porterait ainsi, non
poussins qui pourtant ne la suivent pas, ainsi en est-il sur la maniere dont les richesses injustes sont acquises,
de tout mechant qui possede des richesses mal acquises.» mais sur la rapidite avec laquelle elles disparaissent.
On lit dans les Septante : « La perdrix a crie, elle a II faudrait done traduire :
rassemble ceux qu'elle n'a pas engendres, » et dans la La perdrix couve, sans mener a terme;
Vulgate : « La perdrix a couve ceux qu'elle n'a pas Ainsi 1'homme qui aequiert des richesses injustement.
engendres. » Saint Ambroise, qui a toute une lettre H. LESETRE.
sur les mceurs de la perdrix, Ep. xxxu, t. xvi, col. 1069- PERE (hebreu : *ab; Septante : 7tarr,p; Vulgate :
1071, accepte le fait de la perdrix s'emparant d'ceufs pater), celui qui a engendre des enfants avecle concours
etrangers. Cf. Hexaem., vi, 3, t. xiv, col. 246. Saint de la mere. Le nom de pere est employe par la Sainte
Jerome, In Jer., in, 17, t. xxiv, col. 789. pour justifier Ecriture dans des sens divers, tantot par rapport aux
cette assertion, s'appuie sur les auteurs d'histoire natu- hommes tantot par rapport a Dieu.
relle, qu'il. cite d'ailleurs assez vaguement. Saint Angus- I. PAR RAPPORT AUX HOMMES. — 1° Pere au sens
tin, Cont. Faust., xm, 12, t. XLII, col. 289, explique le naturel, Gen., n, 24; ix, 18, etc. — Sur les droits du
menae texte, mais sans s'arreter au rapt des oeufs pere, voir FAMILLE, t. n, col. 2170. Les devoirs envers
129 PERE 130
sont souvent rappeles aux enfants. Exod., xx, 12; sage, a commencerpar les Septante, ontcruyreconnaitre
Matth., xv, 4; xix, 5; Marc., vu, 10; x, 19; Luc., xvrn, le mot hebreu dead, «pere ». Ce sont les textes egyptiens
20; Eph., vi, 2, etc. Les coups ou les maledictions qui nous informent que, loin d'etre hebreu, le titre de ab
adresses au pere etaient punis de mort. Exod., xxi, 15, en pirdo designe un inspecteur ou intendant royal atta-
17. Voir MERE, t. iv, col. 995. che tout specialement a la maison pharaonique. Plu-
2° Grand-pere. — Abraham est appele pere de Jacob, sieurs des precieux papyrus historiques du temps de la
bien qu'Isaac separe Tun de 1'autre. Gen,, xxvm, 13. XIXe dynastic, dont les textes, sous forme de simples let-
Jacob appelle peres Abraham et Isaac. Gen., XLIX, 2lf. tres et communications, ont ete composes par des scribes
3° Ancetres. — Gen., XLVI, 34; Num., xiv, 18, etc., et employes de la cour, se rapportent a ces ab en
et particulierement ceux d'un peuple. Tres frequem- pirdo, ces officiers superieurs du pharaon dont le haut
ment, il est parle aux Israelites de leurs peres, c'est-a- rang est clairement indique par le style plein de res-
dire des premiers hommes de leur race qui ont recu les pect de la part de ces scribes de rang inferieur. » •
promesses divines et ont ete temoins des merveilles Rrugsch, L'Exode et les monuments egyptiens, 1875,
de la puissance de Dieu. Exod., m, 15; xm, 5; Num., p. 17. On ne voit pas que le titre de « pere » ait ete
xx, 15; Ruth, rv, 17; III Reg., xiv, 15; IV Reg., xiv, 3; employe dans le protocoleegyptien.Ily avait seulement,
xvin, 3; Tob., in, 13; Judith, v, 7; Ps. xxn (xxi), 5; a la cour du pharaon, des rokhou ou « commis » du roi,
XLIV (XLIII), 2; Is., LI, 2; XLIII, 27; Jer., xvi, 11, 12; qui pouvaient traiter avec lui sans intermediaire et qui,
I Mach., x, 52; II Mach., i, 25; Joa., vn, 22; Act., in, descendants eloignes des princes et des princesses de
13, etc. Quelquefois, on donne le nom de pere a un jadis, etaient plus ou moins apparentes au souverain
ancetre tres eloigne. Adam est le pere commun de tous regnant; puis des samlrou ou « amis », anciens com-
les hommes. Eccli., XL, 1; XLIX, 19. David est le pere pagnons du prince dont ils avaient partage Feducation
du roi Asa, III Reg., xv, 11, et ensuite du Christ. Luc., et les jeux. Cf. Maspero, Histoire ancienne de I'Orient
I, 32. — Rejoindre ses peres, dormir avec ses peres, classique, 1.1, p. 280, 281. On peut s'etonner que Joseph
c'est mourir et passer dans une autre vie ou Ton re- ait pris, vis-a-vis de ses freres, un titre purement egyp-
trouve les ancetres. Gen., xv, 15; XLVII, 30; Deut., xxxi, tien et probablement inconnu d'eux; mais ce titre etait
16; II Reg., vn, 12; III Reg., n, 10; xiv, 20; xvi, 6; suffisamment explique pour eux par ceux qui suivent,
xxii, 40; IV Reg., xxi, 18; I Mach., n, 69, etc. Le roi 'ddon, « seigneur », et mosel, « prince », de toute
Antiochus Eupator exprime cette idee sous la forme 1'Egypte. Le Samaritain traduit ici 'db par re'eh,
pai'enne quand il ecrit que son pere a ete « transfere
parmi les dieux ». II Mach., xi, 23. « ami, conseiller ». En egyptien, I | •$•, db, voulant dire
4° Souche d'un peuple. — Sem est le pere de tous « coeur », on pourrait expliquer le titre dans le sens d'ami.
les fils d'Heber, Gen., x, 21; Abraham, celui d'une
multitude de nations, Gen., xvii, 4; Eccli., XLIV, 20; Mais, '3i ab, signifie aussi « propose, inspecteur »; pe
Moab, celui des Moabites, et Ren-Ammi, celui des abu n pirao, « les inspecteurs royaux, » Papyrus Anas-
Ammonites, Gen., xix, 37; Esau, celui des Idumeens. tasi, v, 24; ce qui convient a la fonction de Joseph. —
Gen., xxxvi, 9, 43, etc. Ezechiel, xvi, 3, dit que le 2. Le roi Assuerus appelle Aman son « second pere »,
pere des Israelites etait un Amorrheen, afin de signifier c'est-a-dire son ministre et son conseiller. Esth., xm, 6.
que les fils de Jacob sont partis de Chanaan pour aller — 3. La meme appellation etait en usage a la cour des
en Egypte, ou ils sont devenus un peuple. Les Israelites rois syriens. I Mach., xi, 32. Matathias mourant recom-
revendiquent souvent comme peres, c'est-a-dire mandait a ses fils d'avoir confiance en leur frere Simon,
comme fondateurs de leur nation, Abraham, Matth., homme de conseil et destine a etre pour eux un pere.
HI, 9; Luc., i, 73; HI, 8; xvi, 24; Joa., vrir, 39, 53, 56; I Mach., n, 32.
Act., vn, 2; Rom., iv, 1, 12, 16; Jacob., n, 21; Isaac, 9° Auteur. — Job, xxxvin, 28, parle du pere de la
Rom., ix, 10; Jacob, Joa., iv, 12, et meme David. pluie, c'est-a-dire de celui qui 1'a creee. Les chefs
Marc., xi, 10; Act., iv, 25. d'Israel, devenus idolatres, disent au bois : « Tu es mon
5° Instituteur d'un genre de vie. — Jabel est le pere pere, » et a la pierre : « Tu m'as mis au monde, » Jer.,
de ceux qui habitent sous la tente et au milieu des n, 27, c'est-a-dire attribuent leur existence aux idoles
troupeaux,, Jubal le pere de ceux qui jouent des instru- de bois ou de pierre.
ments. Gen., iv, 20, 21. Jonadab, fils de Rechab, est 10° Pere adoptif. — Saint Joseph est appele pere de
le pere des Rechabites, qui s'abstiennent de vin. Jer., Jesus, en ce sens qu'epoux de Marie, il a ete appele a
xxxv, 6, 8. Phinees est le pere de ceux qui se montrenl remplir les fonctions de pere adoptif aupres du divin En-
zeles pour la cause de Dieu. I Mach., n, 54. fant. Luc., n, 33,48. Les Juifs ont adopte le diable pour
6° Maitre. — Michas demande a un levite d'etre son pere, en se comportant a son egard comme des enfants
pere et son pretre. Jud., xvn, 10; xvni, 19. David dociles et en obeissant a ses inspirations. Joa., vin, 44.
appelle Saul son pere. I Reg., xxiv, 12. Elisee donne 11° Vieillard. — A raison de son age, il doit etre
ce nom a Elie, IV Reg., n, 12, et lui-meme le recoil traite comme un pere. I Tim., v, 1. —r La Vulgate
du roi d'Israel, IV Reg., vi, 21; xm, 14, et du roi de ajoute a Bacchus le nom de pere, qui ne se lit pas
Syrie. IV Reg., vm, 9. Les serviteurs de Naaman 1'ap- dans le texte grec. II Mach., xiv, 33. — Dans Job,
pellent pere. IV Reg., v, 13. Les relations de maitre a xxxiv, 36, *dbi ne signifie pas « mon pere », comme
disciple sont assimilees aux relations de pere a fils. traduit la Vulgate; c'est un mot de sens douteux ou
Voir FILS, t. n, col. 2252. Saint Paul dit aux Corin- une simple interjection dont les Septante n'ont pas
thiens qu'ils pourraient avoir dix mille maltres, mais tenu compte. — Le mot 'db entre dans la composition
qu'ils n'ont qu'un pere, 1'apotre qui les a engendres de beaucoup de noms propres. Voir AB, t. i, col. 12.
en Jesus-Christ. I Cor., iv, 15. II. PAR RAPPORT A DIEU. — Dieu est le pere par ex-
7° Bienfaiteur. — Job, xxix, 16, a ete le pere des cellence et toute paternite a en lui son origine. Eph.,
pauvres. L'homme de bien doit 6tre comme un pere in,''15. Mais Dieu est pere a des titres divers. —
pour les orphelins. Eccli., iv, 10. Razias etait « ap- 1° Pere de tous les hommes. — Cette idee n'apparait
pele le pere des Juifs a cause de sa bienfaisance. » qu'aux temps voisins de 1'Evangile. « 0 Pere, c'est votre
II Mach., xiv, 37. Jiliacim, intendant d'Ezechias, devait Providence qui gouverne » le vaisseau sur la mer.
etre un pere pour les habitants de Jerusalem, Is., xxii, Sap., xiv, 3. Notre-Seigneur apprend aux hommes a
21, mais il ne sut pas conserver sa situation. reconnaitre le Pere celeste, le Pere qui est dans les
8° Conseiller. — 1. En Egypte, Joseph est constitue cieux, Matth., v, 16, 48, etc., qui s'occupe de tous et
pere du pharaon. Gen., XLV, 8.« Les traducteurs de ce pas- fait lever son soleil sur les mechants comme sur les
DICT. DE LA BIBLE. V. - 5
131 PERE — P E R E E 132
bohs. Matth., v, 45. II leur enseigne a 1'invoquer en d'lsai'e, vni, 23 (Vulgate, ix, 1), la locution est prise
1'appelant « notre Pere ». Matth., vi, 9; Marc., xi, 25; comme un veritable nom propre equivalant au nom de
Luc., xi, 2, 13. II veut qu'on ne donne a personne le Per£e, ou Transjordane, de 1'historien juif, Elle rem-
nom de pere, c'est-a-dire en 1'entendant dans le sens place, depuis la captivite", le nom de Galaad, pour de-
de createur et de souverain Maitre, parce que les signer de meme que dans les temps anciens toute lapartie
hommes n'ont qu'un seul Pere, celui qui est dans les orientale de la terre d'Israel. Dans 1'enumeration des
cieux. Matth., xxm, 9. — 2° Pere des Israelites. — regions dont les populations accouraient pour ecouter
Jehovah est le pere et le createur d'Israel. Deut., fa !parole de Jesus, la « Transjordane » ou Peree est
XXXH, 6. Les prophetes le rappellent, Is., LXIV, 8; oite"e apres la Galilee, la Decapole, Jerusalem et la Judee.
Jer., in, 4; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israe- Matth., iv, 25; cf. Marc., HI, 7-8.
lites de ne pas faire honneur a cette paternite. Mai., i, II. LIMITES ET ETENDUE. — Josephe recense la Peree
6. Isa'ie, LXIII, 16, va jusqu'a dire, en s'adressant a avec la Judee, la Samarie et la Galilee, comme une des
Dieu : « Vous etes notre pere; car Abraham nous quatre grandes divisions de la terre d'Israel. Elle est
ignore et Israel ne nous connait pas, » ce qui signifie beaucoup plus vaste que la Galilee, mais aussi plus
que la paternite d'Abraham et de Jacob est absolument accidentee et plus sauvage, quoiqu'encore abondante
negligeable en regard de celle de Dieu, et que d'ailleurs en fruits, couverte d'arbres, specialement de vignes,
les patriarches ne peuventrien pourleurs descendants. d'oliviers, de palmiers et bien arrosee par des sources et
— 3° Pere du juste. — David invoque Dieu comme son des cours d'eau permanents. Elle s'etend en longueur
pere. Ps. LXXXIX (LXXXVIII), 27. Jehovah proraet d'etre du sud au nord, de Macheronte (Menkour) ou de la
un pere pour Salomon, si ce prince lui est fidele. Moabitide et de 1'Arnon a Pella, et du Jourdain, a
II Reg., vii, 14; I Par., xvii, 13. Le fils de Sirach s'adresse 1'ouest, a la frontiere d'Arabie ou jusqu'a Hesebon
a Dieu comme au souverain Maitre de sa vie. Eccli., (FLesbdri), Philadelphie ('Amman) et Gerasa (Djeras),
xxm, 1, 4. II lui dit : ((Seigneur, tu es mon pere! » a 1'orient. Bell, jud., Ill, m, 3. Ainsi limitee, la Peree
ce que les versions traduisent par: « Seigneur, pere de comprend seulement la partie meridionale extreme de
mon Seigneur. » Eccli., LI, 10. Dans la Sagesse, n, 16, la Decapole, si meme elle ne 1'exclut pas tout entiere.
les impies constatent que le juste se glorifie d'avoir II s'agit sans doute de la Peree politique, telle qu'elle
Dieu pour pere. — 4° Pere du Chretien. — Dieu est fut quand Pompee declara libres les principales villes
un pere pour le Chretien, en vertu de 1'adoption divine de la Decapole, ou quand, a la mort d'Herode 1'ancien,
meritee par le Fils et operee par le Saint-Esprit, Rom., Auguste les annexa a la province de Syrie. Cf. Ant.
vni, 15; Gal., iv, 6, par consequent dans un sens bien jud., XIV, iv, 4; XVII, xi, 4; Bell, jud., I, vn, 7. La
superieur a celui de la paternite qui s'exerce envers Peree etait en cette condition au temps du Sauveur.
les hommes en general, les Israelites ou les justes de Cependant 1'historien juif, en appelant Gadara la
1'ancienne Loi. — 5° Pere de son Fils eternel. — Vis-a- metropole de la Peree, Bell, jud., IV, vn, 3, en recule
vis de ses creatures, Dieu est pere, sans distinction de ainsi la frontiere septentrionale jusqu'au Yarmouk,
personnes divines, par droit de creation, de conserva- aujourd'hui le Seri'at el-Menddereh, limite du terri-
tion, d'election, de redemption el d'adoption. Mais, toire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre
au sein merne de 1'auguste Trinite, 1'une des personnes cette derniere ville, etaient enclavees Pella (Fahel),
a le titre de Pere vis-a-vis d'une autre personne qui a Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beit er-Rds), et Gerasa
le titre de Fils et qui est eternellement engendree par (Djeras), c'est-a-dire la moitie des villes de la Deca-
la premiere. Notre-Seigneur est ce Fils du Pere, et sa pole. C'etait a peu pres tout le territoire des anciennes
filiation eternelle n'est en rien modifiee par son incar- tribus de Gad et de Ruben, le pays de "Adjloun actuel
nation. II parle du Pere celeste, qui exerce sa puissance et la Belqd septentrionale au nord de Youadi Modjib,
et sa bonte sur toutes les creatures en tant que Dieu 1'ancien Arnon, divise en deux parties a peu pres
unique et indivisible; mais il nomme aussi tres sou- egales par la Zerqd, 1'ancien Jaboc. Les Talmuds, qui
vent un etre divin qu'il appelle « mon Pere », devant considerent la Peree au point de vue des observances
lequel il s'abaisse en tant qu'homme, Joa., xvn, 4; legates, y font entrer encore plusieurs localites du Hau-
Matth., xxvi, 39; Marc., xiv, 36; Luc., xxn, 42, etc., ran et du Djedour, comme Neve (Ndoua), Edrei (ed-
mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les Dera'a) et quelques autres qui appartenaient a la tribu
droits d'egalite. Joa., x, 30; xiv, 9; Matth., xxvm, 19, de Manasse orientale. Cf. Mischna, Baba Batra, III, 2;
etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Pere Ketouboth, xm, 9; Tosiftha, meme traite a la fin;
dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36; Talmud Bab., Sanhedrin, n, b, etc. Cf. A. Neubauer,
xxvi, 39, 42; Luc., n, 49; x, 21; xxn, 29; xxm, 34, Geographie du Talmud, in-8», Paris, 1868, p. 56, 241-
46; Joa., I, 14; n, 16; m, 35; v, 17; vm, 27; xiv, 6, 9, 251. Voir la carte de GAD, t. in, col. 28.
etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu'ils III. POPULATION. — Au temps du Sauveur, la Peree
lui reprochaient de « dire que Dieu e"tait son pere, se etait occupee par les races les plus diverses, — Les
faisant lui-meme 1'egal de Dieu. » Joa., v, 18. Voir Moabites, qui avaient profile de la scission du royaume
FILS DE DIEU, t. 11, col. 2254; JESUS-CHRIST, t. in, d'Israel pour se reinstaller dans la partie situee
col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jesus Messie et Fils de Dieu entre 1'Arnon et le Jaboc, ne 1'avaient plus quitte"e.
d'apres les Evangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267- Les Ammonites s'etaient avances vers 1'ouest, et au
337. II. LESETRE. temps des Machabees ils occupaient Jaser et les alen-
tours. I Mach., v, 6-9. A eux s'etaient meles les Nabu-
PEREE (nepata), « region au dela » et a 1'est du theens et diverses autres branches ismaelites ou arabes.
Jourdain, nom d'une province de Palestine au temps Cf. I Mach., x, 25; ix, 35,36; Ant. jud., XII, iv, 11, etc.
du Sauveur. Apres la deportation en Assyrie des tribus orientales
I. NOM ET A.CCEPTIONS. — Employe par Josephe, d'Israel, les Syriens de Damas avaient pu occuper
Bell, jud., Ill, m, 3, ce nom correspond a la locution completement la contree. Josephe, Bell, jud., xvin, 1,
Ttspav TOU 'lopSavov, -« au dela du Jourdain », commu- nous les montre peuplant les villages de la Peree, tant
nement usitee dans les Septante pour traduire 1'expres- au sud qu'au nord du Jaboc, et son recit les suppose, si-
sion 'eber hay-Yarden du texte hebreu, souvent em- non formant le fond de la population, du moins nom-
ployee pour designer toute la region orientale occupee breux dans les principales villes du pays, a Philadelphie
par les Israelites. Dans 1'Ancien Testament en general ou 'Amman, a Hesebon, a Gerasa, a Pella, a Gadara. —
et parfois dans le Nouveau, comme Joa., I, 28, in, 26; A ces elements purement orientaux et Semites, etait
x, 40 et Math., iv, 15, ou 1'Evangeliste reproduitle mot venu se joindre lors de 1'invasion greco-macedonienne
133 PEREE — PERGAME 134
1'element occidental ou japhetique.' Pella de Peree, Ben. Pererii, Valentini, commentariorum et dispu-
comme son homonyme d'Apamee, doit sans doute son tationum in Genesim tomi quatuor. Get ouvrage
origine a des soldats de 1'armee d'Alexandra qui, s'etant d'abord imprime a Rome, 1591-1595, le fut ensuite plu-
arretes au pied des monts de Galaad, et non loin au nord sieurs fois a Lyon et a Cologne. — 2» Un commen-
du Carith (ouadi Ydbis), avaient voulu donner a leur taire sur Daniel, en 16 livres, dedie au cardinal Caraffa,
ville le nom de la patrie de leur maitre. Elle aurait pour in-f°, Rome, 1587 : Ben. Pererii, Valentini, commen-
fondateur, ainsi que Dion, s'il faut en croire Etienne tariorum in Danieletn prophetam libri sexdecim. II
de Byzance, Alexandre lui-meme (332 avant J.-C.). Cf. fut reimprime a Lyon 1'annee suivante, a Anvers en
Reland, Palgestina, p. 736-737. Les autres villes de la 1594. Les editions de Treves (1618 et 1625) ne donnent
Decapole dont les noms semitiques indiquent une ori- que la 4e partie de ce travail. — 3° Des Dissertations
gine plus ancienne durent etre relevees ou agrandies et considerables sur YExode, Ingolstadt, in-4°, 1601 ; Lyon,
embellies, pour recevoir des colonies de meme genre. 1602 et 1607; sur YEvangile de S. Jean, Lyon, in-4«,
Vers la meme epoque, les Juifs trop a 1'elroit dans la 1608 et 1610; sur 1' Apocalypse, Lyon, in-4«, 1606; Ve-
Judee etaient revenus dans cette Transjordane que leur nise, in-8°, 1607; sur VEpitre aux Romains, Ingolstadt,
avait donnee Moi'se. Devant la fureur des autres popu- in-4°, 1603; Lyon, 1604; Ben. Pererii, Valentini, sele-
lations toutes pai'ennes, les Machabees avaient du ra- ctarum disputationum in Sacram Scripturam tomi
mener leurs freres dans la terre de Juda, I Mach., v, quatuor. Ses autres ouvrages d'exegese restes manus-
45. Apres les conquetes, en cette region, de Jean Hyrcan crits sont : 1° In B. Matthsei et B. Lucse Evangelia
(135-107), d'Alexandre Jannee (106-39) et de son fils Hyr- comment arii ; 2° Passio secundum IV Evangelistas
can (79-40), les Juifs s'etablirent de nouveau dans un explicata; 3° Explicatio aliquot capitum S. Evangelii
grand nombre de villes de la Peree ou se trouvaient secundum Matthseum et Lucam; 4° Prolegomena in
des Syriens et en releverent un grand nombre d'autres Epistolam Divi Pauli ad Romanos; 5° Exposilio
qui avaient ete ruinees. Josephe, Ant. jud., XIII, 4. Evangelii S. Joannis; 6° Diverses dissertations sur des
De gre ou de force, une multitude de pai'ens embras- points speciaux. P. BLIARD.
serent alors la religion des Juifs. Cf. Ant. jud., XIII,
XY, 4; Bell, jud., II, xvm, 1. Pompee, en 63, soustrait PEREZ DE VALENCE Jacques, theologien espa-
Gadara, Pella, Dion a la domination des Juifs et declare gnol, ne a Ayora, diocese d'Orihuela, mort en 1490 ou
leurs habitants autonomies. Ant. jud., XIV, iv, 2, 4. 1491. Religieux augustin, il occupa les premieres char-
C'etait sans doule le meme motif qui determina plus ges de son prdre avant de devenir eveque de Chrysopolis
tard Auguste, apres la mort d'Herode (404), a enlever et suffragant de Frederic Borgia, cardinal de Valence,
Gadara a Herode Antipas (4-39), et a la rattacher a la plus tard pape sous le nom d' Alexandre VI. On a publie
Syrie, parce que cette ville etait « grecque ». Ant., de Jacques Perez : Expositio in caput in Threnorum,
XVII, xi, 4. Elles etaient toutefois plus grecques, par in-f°, Paris, 1482; Centum et quinquaginta Psaltni
leur caractere exterieur et la religion, que par le nom- cum diligentissima etiam titulorum omnium expo-
bre de leurs habitants hellenes, puisque 1'historien, sitione, in-f°, Valence, 1484; Expositio in Cantica
Ant., XIII, xv, 4, nomme Gadara meme une ville « de canticorum, in-f°, Venise,1498; Expositio in Exodum,
Syrie » et qu'au commencement des troubles de Judee in-f<>, Paris, 1533. — Voir N. Antonio, Biblioth. His-
(61), les Juifs se jettent sur elle pour venger, par le pana vetus, 1. 1, p. 329. B. HEURTEBIZE.
massacre des Syriens, leurs freres trailes de meme a
Cesaree. Bell, jud., II, xvm, i. — Telle etait la popu- PERGAME (grec : TO Espyafjiov, v\ Tlipja.\LQt;; ce
lation de la Peree quand le Christ commenca la pre- nom n'apparaissant qu'au datif et a 1'accusatif dans le
dication de 1'Evangile. Les foules qui accouraient de la Nouveau Testament, sans article, on ignore quel genre
et de la Decapole pour 1'entendre etaient, sans doute, lui attribuait 1'ecrivain sacre), ancienne capitale de la
pour le plus grand nombre, des Juifs de la region et Mysie, dans le district de Teuthranie, region accidentee
A des juda'isants » ou convertis. Voir Reland, Pal&stina, etmontagneuse; puis metropole de la province romaine
Utrecht, 1714, p. 197-200. Cf. DECAPOLE, t. n, col. 1333- de I'Asia propria, en Asie Mineure. Aujourd'hui,
1336; GALAAD, t. m, col. 45-59; MOAB, t. iv, col. 1138- Bergamo ou Bergama (fig. 19). Pergame est mention-
1178. L. HEIDET.
Le Cai'cos etait autrefois navigable, A Pergame, le Keteios reussit a s'emparer du tresor"et|de] la citadelle, qu'il
est presque toujours a sec; le Selinos a un peu d'eau, transmit a son neveu Eumene, petit dynaste des environs,
qui arrose quelques jardins. Du sommet de 1'acropole, fondateur de la brillante famille des Attalides. Attale Ier
la vue s'etend jusqu'a la mer et jusqu'a Mitylene. recut d'Eumene unterritoireconsiderablementagrandi,
II. HISTOIRE DE PERGAME. — 1° A I'origine. — Ante- grace a des victoires remportees soit sur Antiochus de
rieurement a la dynastie qui etablit la puissance de Syrie, soit sur les Gaulois, ou Galates, qui envahirent
Pergame, cette ville n'a qu'une histoire assez obscure, 1'AsieMineure en 279. Ilprit le titre de roi, apres avoir
ou presque toute legendaire. Elleparait avoir ete fondee battu a son tour ces derniers (240); et voyant Favantage
par des colons grecs, qui, d'apres la tradition la plus qu'il y aurait a profiter de 1'amitie des Remains, dont
vraisemblable, etaient orignaires d'Arcadie. VoirHessel- 1'influence commencait a se faire sentir en Asie Mineure,
meyer, Die Urprunge der Stadt Pergamos in Kleina- se fit leur fidele allie. Sous son regne, Pergame devint
sien, 1885; E. Chroamer, Pergamos, Leipzig, 1888. La non seulement la capitale d'un royaume considerable
premiere mention faite de Pergame dans un texte his- et 1'une des villes les plus importantes de 1'Asie ante-
torique ne remonte qu'au debut du ive siecle avant rieure, mais aussi un grand centre commercial et artis-
J.-C. Xenophon, Anabas., VII, vm, 8; Hellenic., HI, tique, et une metropole d'une magnilience vraiment
I, 6. Les plus anciennes monnaies qu'on ait d'elle royale. La prosperite et la splendeur de la cite s'ac-
datent des annees 420-400 avant notre ere*. crurent encore sous Eumene II, Strabon, Kill, iv, 2, qui
2° Sous les princes de la. famille des Attales. — Au y multiplia les monuments somptueux, sacres ou pro-
commencement du me siecle avant J.-C., Pergame fanes. II 1'enrichit notamment d'une bibliotheque
acquit tout a coup une grande celebrite, grace a ses admirable pour 1'epoque, ou 1'on comptait plus de
princes et rois, les Attalides, dont voici la liste : Phile- 200 000 volumes ou rouleaux; grace a elle, Pergame fut
137 PERGAME 138
aussi le centre d'un grand mouvement litteraire et bre d'adherents, comme a Ephese. Apoc., n, 6. — Les
scientifique. Elle fut transported plus tard a Alexandrie, interpretes se demandent, sans pouvoir se mettre
Antoine en ayant fait present a Cleopatre. Pline, H. N., entierement d'accord, pourquoi, dans la lettre de saint
m, 2. Eumene donna egalement aux arts une impul- Jean a «1'ange v> de Pergame, cette ville est appelee a
sion considerable, et etablit a Pergame une ecole de deux reprises, Apoc., H, 13, « le trone (ou 1'habitation)
sculpture tres illustre, qui posa la base de 1'art dit de Satan. » La pensee generate est claire : ces mots
pergamenien. La ville avait alors, comme autre source signifientevidemmentque 1'eveque de Pergame exercait
de richesses, la fabrication des parfums et des coupes son ministere dans un endroitqui presentait des difficul-
d'argile, le travail de 1'ivoire, la taille des pierres fines, tes particulieres; mais il est difficile d'indiquer avec
et surtout la preparation des parchemins. A cette epoque, certitude le motif pour lequel Satan etait cense avoir
en effet, on n'exportait pas encore les papyrus d'Egypte, son siege a Pergame plutot qu'ailleurs. — 1° D'apres
et 1'on se servait en Asie, pour les livres, de peaux de d'assez nombreux commentateurs, cela viendrait de ce
raoutons, de chevres et de veaux, auxquelles on faisait que 1'esprit de persecution, qui est vraiment un espri
subir une preparation speciale. Comme Tart de preparer satanique, Apoc., H, 10, faisait alors rage a Pergame
ces peaux atteignit a Pergame une perfection particu- plus que dans aucune autre ville d'Asie; un passage de
liere, on ne tarda pas a leur donner le nom de charts', la lettre, Apoc., n, 13, mentionne le martyre du « temoin
pergamense, qui subsiste encore sous la forme de fidele » Antipas. — 2° Une autre interpretation se rattache
« parchemin. » A la mort d'Eumene II, son frere au culte vraiment extraordinaire dont le dieu Esculape
Attale II prit les renes du gouvernement, comme tuteur fut 1'objet a Pergame, a toutes les epoques de son his-
du jeune Attale III, fils du roi defunt. II est question toire, mais surtout sous la domination romaine. C'est,
d'Attale II au premier livre des Machabe"es, xv, 22. en effet, sous les Remains que fut bati, dans la ville
Voir ATTALE II, t. i, col. 1227-1228. Attale III mourut basse,auxfraisde 1'Asieentiere, Philostrate, Apoll.,iv,l,
sans heritier en 133, apres avoir legue son royaume le celebre Asclepeion ou temple d'Esculape, dont les
aux Remains, par un testament que Salluste soup- dependances etaient considerables, et qui jouissait du
conne d'avoir ete simule, Histor., v; cf. Horace, Od., II, droitd'asile. Les malades y accouraient de tres loin, dans
xvin, 5, mais dont onreconnait aujourd'hui la sineerite. Pespoir d'obtenir des guerisons miraculeuses; ils atten-
— Ces divers princes battirent successivement monnaie,
et Pergame continua ensuite, jusqu'a la fin du III6 siecle
de notre ere, d'user de ce privilege. Ses monnaies les
plus courantes sont les cistophori, ainsi nominees
parce qu'elles portaient gravee la cista mystica, avec
d'autres objets rappelant le culte de Bacchus. On y voit
aussi les insignes des trois autres grandes divinites de
Pergame : Zeus, Athene, Esculape.
3° Sous la domination romaine. — Apres la mort
d'Attale III, le royaume de Pergame fut incorpore a 21. — Monnaie de Pergame.
J'empire romain, sous le nom A'Asia propria, et, pen- Tfete d'Esculape a droite. — ^. Serpent. AGKAEHIOr [C£2TH]POC-
dant deux siecles encore (jusqu'en 129 de 1'ere chre-
tienne), la ville demeura la capitale de la province. daient que le dieu leur dictat en songe des ordonnances
Strabon, XIII, \i, 23,1'appelle li«<pavri;rcoXt?.Cf. Pline, infaillibles. Tacite, Ann., in, 63; Pausanias, III, xxvi,
H. N., v, 30. Elle etait le siege d'un tribunal su- 8. Esculape etait, d'apres Martial, IX, xvi, 2, le per-
preme; elle avait a sa tete, comme d'autres villes gamenus deus par excellence. Or, ce dieu avait pour
d'Asie, un asiarque, sorte de magistral municipal inde- embleme le serpent, comme on le voit par de notn-
pendant, qui presidait les fetes civiles et religieuses. breuses monnaies de 1'antiquite (fig. 21). D'un autre
On y avait installe une ecole de medecine, dont sortit cote, Satan est, dans la Bible, le « serpent antique ». Cf.
le celebre Galien. Les Remains conlinuerent les tradi- Gen., in, 1 sq.; Apoc., xn, 9; XXH, 2, etc. — 3« Selon
tions artistiques des Attalides, et contribuerent aussi d'autres, 1'allusion porteraitspecialement sur ce fait que
beaucoup a orner soil Pacropole, soit la ville basse, qui Pergame etait devenue, des le regne d'Auguste, un
leur durent de beaux monuments. Pergame ne demeura centre du culte rendu a Rome et aux empereurs. —
done pas alors sans gloire, bien qu'Ephese et Smyrne se 4° On a pense aussi tout specialement a 1'au'tel gigantes-
fussenl developpees a ses depens etl'eussent peu a peu re- que qui fut erige en 1'honneur de Zeus Soter sur le
jetee dans 1'ombre. Vers la fin du premier siecle apres plateau de 1'acropole, par les soins d'Eumene II, entre
J.-C., a 1'epoque ou fut composee 1'Apocalypse, Ephese les annees 183 et 174 avant J.-C. II etait tout entoure de
lui ravit meme, sinon offieiellement, du moins dans I'ap- colonnades, et avait pres de 35 m. de Iongsur37m.de
preciation populaire, sontitre de capitale de la province; large. Sa facade exterieure etait ornee d'un haut-relief
c'est pour cela sans doute que Pergame n'est citee qu'au qui representait la lutte des geants avec les dieux, en
troisieme rang parmi les sept eglises, a la suite souvenir des victoires que les Attalides avaient rem-
d'Ephese et de Smyrne. Apoc., n. Voir W. M. Ramsay, portees sur les Galales (fig. 22). — 5° Enfin, et telle est
dans le Diction, of the Bible de Hastings, t. in, p. 750- peut-etre 1'interpretation la plus naturelle,on a suppose
751. Au second siecle de notre ere, elle avait encore que si Pergame est appelee le « trone de Satan »,ce n'est
120000 habitants; mais, plus tard, elle deperit graduel- pas seulemenl pour un de ces motifs particuliers, mais
lement, surtout sous les empereurs byzantins. Elle surtout parce qu'elle etait devenue chaque jour davan-
compte aujourd'hui environ 14 500 habitants, Turcs, tage, depuis le commencement du in* siecle avant notre
Grecs, Armeniens, etc. ere, un centre general d'idolatrie. A cote du culte rendu
III. PERGAME ET LE CHRISTIANISME. — Nous ignorons a Rome et a 1'empereur, a Esculape et a Jupiter, il y
dans quelles circonstances speciales le christiatfisme avait celui qu'on offrait a Athena Polias Nikephoros, a
avait penetre a Pergame. Ce fut peut-etre des 1'epoque Bacchus, a Venus, etc., comme 1'indiquent encore les
de saint Paul. Cf. Act., xix, 10. Du moins, le passage ruines de vingt temples divers, echafaudes sur la mon-
de 1'Apocalypse qui la concerne suppose qu'elle posse- tagne et eparpilles dans la ville basse. Par ce culte et
dait, a la fin du premier siecle, une chretiente conside- par les orgies qui s'y associaient, Pergame etait vrai-
rable, fervente et parfaitement organisee, bien que, ment devenue le trone de Satan.
malheureusement, la secte impure des Nicolai'tes, voir IV. ETAT ACTUEL DES MONUMENTS DE PERGAME. —
NICOLAITES, t. iv, col. 1616-1617, y eut un certain nom- Jusqu'aux vingt dernieres annees du xixe siecle, les
139 PERGAME — PERGE 140
mines de Pergame, malgre leur etendue considerable, Amazonengruppe des Attalischen Weihgeschenks, eine
ne disaient presquerien aux peu nombreux voyageurs Studie zur Pergamenischen Kunstgeschichte, Berlin,
qui a^aient ^es ^isiler. Mais \e gowernement prussien 1896; J. L. Ussing, Pergamos, dens Historic og Monu-
entreprit en 1878, sous 1 'habile direction de MM. Hu- menten, Copenhague, 1891; Come, Pro Pergamo,
mann, Bohn, Conze, etc., des families importantes, qui Berlin, 1898; E. Schweizer, Grammatik der Pergame-
durefent jusqu'a 1'annee 1886. Elles nous ont livre le nischen Inschriften, Beilrage zur Laut-und Flexions-
plan completdes monuments de l!acropole et de la ville, lehre der gemein-griechischen Sprache, Berlin, 1898,
en meme temps qu'elles mettaient a jour des debris E. Pontremoli et M. Colignon, Pergame, restaurat'ion
tres precieux d'archltecture, de sculpture, etc. En has et description des monuments de VAcropole, Paris, 1900;
de la colline, on voit les restes plus ou moins bien con- W. Dorpfeld, Der sudliche Thor von Pergamon,
serves des remparts, d'un aqueduc souterrain, de quais, Berlin, 1901, dans les Abhandlungen der konigl.
de ponts, d'un stade, de thermes, d'un theatre, d'un preussisch. Akademie der Wissenschaften; Conze, Die
amphitheatre, de 1'Asclepeion, etc. En haut, sur les Kleinfunde aus Pergamon, dans le meme recueil,
quafre terrasses superposees du plateau de 1'acropole, Berlin, 1902; G. Cardinal!, 11 regno di Pergamo, Ri-
on admire les restes d'un gymnase, de 1'autel de Jupiter, cerche di storia e di dirittp pubblico, Rome, 1906;
de plusieurs des temples mentionnes ci-dessus, d'un enfin la grande publication artistique Altertumer von
palais royal, de la bibliotheque d'Eumene II, d'un Pergamon, dont les parties suivantes ont ete publiees:
theatre, etc. Be nombreuses sculptures, statues, etc., t. n, Das Heiligtum der Athena Polias Nikephoros,$av
sorit devenues les ri chesses opimes du musee de Berlin. R. Bohn, Berlin, 1897; t. in, lre partie, 3. Schram-
V. BIBLIOGRAPHIE. — 1° Auteurs classiques : Strabon, men, Der grosse Altar, der obere Markt, Berlin, 190ft;
xin, 4; Martial, ix, 17; Pline, H. N., XXXV, iv, 10; t. iv, Die Theater-Terrasse, par R. Bohn, Berlin, 1896;
Tite-Live, XXXII, xxxin, 4; Polybe, xvi, 1; xxxn, 23; t. v, 2e partie, Das Trajaneum, par H. Stiller, Berlin,
Ptolemee, V,u,14;Josephe, Ant.jud.,XIV. — 2°Auteurs 1895;- t. vin, Die Inschriften von Pergamon, par
modernes : "Macfarlane, Visit to the seven Apocalyptic Max Frankel, avec la collaboration de E. Fabricius et
Churches, 1832; Arundell, Discoveries in Asia Minor, C: Schuchhardt, Berlin, 1895. L. PILLION.
i. n, p. 302-307; von Prokesch-Osten, Denkwurdig-
keiten und Erinnerungen aus dem Orient, Stutt- PERGE (Grec : IHpyri, Vulgate : Perga), ville de
gart, 1836-1837, t. in, p. 304 sq.; von Schubert, Reise Pamphylie, situee a 1'ouest du Cestrus, a environ
in's Morgenland, 2« edit., Erlangen, 1840, 1.1, p. 316- 60 stades (12 kil.) de 1'embouchure. Strabon, XIV, iv, 2
318; Van Capelle, Commentatio de regibus et anli- (fig. 23). Saint Paul et saint Barnabe dans leur pre-
quitatibus Pergamenis, Amsterdam, 1842; Welcker, miere mission viennent de Paphos a Perge en remon-
Tagebuch einer griechischen Reise, Berlin, 1865, t. n, tant le fleuve. Act., xin, 13-14. Les Apotres y sejour-
p. 193 sq.; Ergebnisse der Ausgrabungen zu Perga- nerent probablement peu et ne paraissent pas y avoir
mon, trois rapports publies sur les families allemandes preche. Conybeare et Howson, The Life and Epistles of
par MM. Humann, Conze et Bohn, en 1880,1882 et 1888, St. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 131, suivis par
dans le Jahrbuch der konigl. preussischen Kunstsamm- C. Fouard, S. Paul et ses missions, in-8°, Paris, 1892,
lungen;Thiersch,Die Konigsburg von Pergamon, Stutt- p. 26-28, croient que saint Paul et ses compagnons
gart, 1883; Urlichs, Pergamon, Geschichte und Kunst, arriverent a Perge a 1'epoque ou les habitants fuient
Leipzig, 1883; E. Reclus, Nouvelle geographic univer- les plaines malsaines du rivage pour se refugier sur
selle, t. ix, L'Asie anterieure, Paris, 1884, p. 598-612; les Hauteurs du Taurus; W. Ramsay, The Church in
Humann, Fuhrer durch die Ruinen von Pergamon, the Roman empire, 1893, p. 16-18, croit au contraire
Berlin, 1885; Fabricius et Trendelenburg, 1'article que cette migration est de date recente et qu'elle n'est
Pergamon dans les Denkmaler des klassischen Al- pas anterieure aux Turcs. C'est a Perge que Jean Marc
tertums de Baumeister, t, n, p. 1206-1287, ;Berlin, quitta saint Paul et s'en retourna a Jerusalem. Act., xin,
1889; U. Pedroli, 11 regno di Pergamo, Studi e ricer- 13. Voir JEAN MARC, t. HI, col. 1166. A leur retour de
che, Turin, 1896; E. Le Camus, Les sept Eglises de Pisidie, saint Paul precha a Perge. Act., xiv, 24.
I'Apocalypse, Paris, 1896, p. 247-264; G. Habich, Die Perge etait la seconde ville de Pamphylie, le centre des
141 PERGE — PERIBOLE 142
indigenes, tandis qu'Attalie etait une colonie grecque. 1897, p. 119-142. Perge porte aujourd'hui le nom de
A Perge se trouvait un temple celebre d'Artemis, la Murtana. E. BEURLIER.
me'me divimte que 1'Artemis d'Ephese. Les monnaies
iui donneut le titre de reine de Perge, Totvaffffa, en PERIBOLE (hebreu : geder, « mur; » Septante :
pfoaTOc,TOpt'Solos;Vulgate : peribolus), enceinte, mur
formant enceinte. — Ezechiel, XLII, 7, 10,parle d'un mur
ixterieur, long de cinquante coudees et parallele aux
chambres du Temple, de maniere a laisser un espace
vide entre les chambres et le mur. Les Septante tra-
duisent par raptora-co;, « lieu ou Ton se promene, » ce
qui convient a 1'espace vide et non au mur. La Vul-
gate emploie le mot peribolus, de nepi6olo;, qui veut
toujours dire « enceinte » ou « cloture ». — Sous
Simon Machabee, on grava sur des tables d'airain le
23. — Monnaie de Perge. — Tete laurde d'Artemis a droite. — recit de ce qui avait ete fait pour I'independance et
fi). APTEMIA | HEPFAI. Artfjmis en chiton court, debout a la gloire de la nation, et on placa ces tables sur le pe-
gauche, le earquois sur 1'epaule, appuyee sur un sceptre et te- ribole du Temple, en un lieu apparent. I Mach., xiv,
nant une couronne de laurier. A ses pieds une biche; dans 48. II est a croire que le mot peribole ne designe pas
le champ I. ici le mur meme du Temple, a distance duquel etaient
tenus les gentils, mais un mur d'enceinte donnant
dialecte pamphylien et plus communement celui d'Ar- sur le parvis des gentils et menageant le lieu apparent
temis de Perge. C. Lankoronski, Les miles de Pam- qui permettait a tous de lire rinscription. — Dans le
fihylie el de Pisidie, in-f°, Paris, 1890-1891, t. i, Temple d'Herode, le parvis des gentils contenait un
p. 17-37, 39, 49, 62. Inscription, n. 33 et 36, p. 172-173. peribole, ou mur d'enceinte, probablement a la place
W. Ramsay dans le Journal of Hellenic Studies, 1880, du peribole macbabeen. Josephe, 'Bell, jud., V, v, 2,
p. 147-271; Hill, Catalog, of British Museum, Pam- en parle en ces termes : A 1'interieur des portiques,
phylia, in-8°, Londres, 1897, p. 129-131, Le temple d'Ar- « tout 1'espace a ciel ouvert etait dalle de pierres de
temis etait situe pres de la ville sur une hauteur. On toutes sortes. Quand on se rendait par la au second
Temple, tout autour s'elevait une barriere en pierre,
8pv9ouTo? Xt6tvoc, de trois coudees de hauteur, fort
elegamment construite. A intervalles egaux, se dres- '
saient des colonnes pour rappeler. les unes en
caracteres grecs, les autres en latins, la loi de purete
en vertu de laquelle il n'est permis a aucun etranger
d'entrer dans I'&^iov (le saint), car le second Temple
etait appele aytov (le saint). » Pareille defense etait
deja en vigueur au temps d'Antiochus le Grand,
puisque ce prince reconnait « qu'il n'est permis a
aucun etranger de penetrer dans le peribole du Temple,
interdit aux Juifs eux-memes quand ils n'ont pas e"te
purifies conformement a la loi de leurs peres. »
Josephe, Ant. jud., XII, m, 4. L'historien juif dit
ailleurs, Ant. jud,, XV, xi, 5; Sell, jud., VI, n, 4, que
1'infraction a cette defense comportait la peine de mort,
et que 1'autorite romaine avait sanctionne 1'application
de cette loi meme a des Remains. Cf. Philon, Legal.
ad Caium, 31, edit. Mangey, t. n, p. 577; Middoth,
H, 3; Kelimj i, 8. On a revoque en doute 1'assertion
de Josephe concernant la peine de mort infligee aux
etrangers qui franchissaient le peribole. Mais, en 1871,
la verite de 1'assertion a du etre reconnue, lorsque
Clermont-Ganneau, Revue archeologique, nouv. ser.,
t. xxni, 1872, p. 214-234, 290-296, pi. x, retrouva une
colonne de pierre portant, en grec, 1'une des inscrip-
~-N'!eporte"princip3le tions mentionnees par Josephe. Cette inscription,
*~~Portes secoatfstres actuellement a Constantinople, au musee Tschnili-
Kioschk, et dont le musee judaique du Louvre possede
un moulage, est ainsi congue :
^AHGEU^
PEVEIOW EHT01
PI TO IEPON TPYd>AKTOY KA1
HEPIBOAOY OZ A AN AH
q>0H EAYTQI A1UOZ EZ
24. — Plan de Perg(s TAI AIA TO E5AKOAOY
D'apres Lankoroski, Les villes de^drnphyue> t. i, p. 174. OEIN 0ANATON
« Que nul etranger ne penelre au dedans de la barriere
y tenait chaque annee une grande assembled. Strabon, qui entoure I'!ep6v (les parvis reserves) et du peribole ;
XIV, iv, 2. II en reste quelques ruines, Le temple et celui qui serait pris serait cause pour lui-me'me que
son enceinte avaient droit d'asile. Arch. Epigraph. la mort a'ensuivrait. » Cf. Schurer, Geschichte des ju-
Mittheilungen aus Oeslerreich, 1897, p. 67; C. Lanko- dischen Volkes im Zeit. J. C., Leipzig, t. u, 1898, p. 271-
ronski, Les Villes de Pamphylie, 1.1, p. 174, n. 39; Hill, 275. En consequence de cette defense, les Juifs surveil-
Catalogue of the Greek coins of Lycia, Pamphylia, laient avec soin les entrees du peribole. Aussi s'emurent-
143 PERIBOLE — PERLE 144
ils violemment quand ils crurent que saint Paul avait « Le mechant sert de rancon pour le juste, » les Sep-
fait franchir 1'enceinte sacree a un gentil, Trophime tante rendent kofer, « rancon, » par TTSptxaOapp-a. Le
d'Ephese. Jls entrainerent 1'Apotre hors du Temple dont mot Trept'fvKAa se prete egalement a un sens analogue.
ils firent aussitot fermer les portes. Act., xxi, 29, 30. Dans 1'edition sixtine du livre de Tobie, v, 18, on lit :
Le peribole etait appele soreg et 1'on donaait le nom « Que 1'argent devienne le Trept'^Yjua de notre enfant, »
de hel a 1'espace compris entre cette barriere et les c'est-a-dire sa rancon. D'apres Hesychius et Suidas,
bailments du Temple lui-meme. Cf. Middoth, n, 3. les Atheniens jetaient a la mer 1'homme dont ils fai-
Ce traite de la Mischna n'attribue a la barriere que dix saient leur victime expiatoire en disant : « Sois notre
palmes (Om67) de hauteur; 1'indication de Josephe, uept'^fia- » Cf. Comely, 1 Epist. ad Cor., Paris, 1890,
Bell, jud., V, v, 2, parlant de trois coudees (tm57), p. 111. Dans 1'idee de saint Paul, les Apotres seraient
parait plus vraisemblable. L'espace circonscrit par le done comme des victimes expiatoires, rejetees par le
peribole s'elevait de quelques degres au-dessus du monde et associees au Christ pour completer ce qui
terre-plein du parvis des gentils. Cf. Josephe, Ant. manque a ses souffrances. Col., i, 24. Leur abjection
jud., XV, xi, 5. Treize portes donnaient acces dans le participerait ainsi a celle du Messie, dont il est dit
hel et devant chacune se dressait Fune des colonnes dans Isai'e, Mil, 3, 5 :
mentionnees plus haut. Saint Paul semble faire al-
lusion a ce mur de separation, medium parietem II etait m^prise et abandonne des hommes...
Mais c'^taient vraiment nos maladies qu'il portait...
macerise, dans son jEpitre aux Ephesiens, n, 14. Voir II a et6 transperce a cause de nos peches.
TEMPLE, H. LESETRE.
Saint Paul serait a la fois « balayure et rebut » et en
PERIL (grec : -/svSuvos; Vulgate : periculum), meme temps « rancon et victime expiatoire », a
risque de perdre la vie. — L'hebreu n'a pas de mot Fexemple du Messie. Le second sens est rendu pro-
particulier pour rendre 1'idee de peril. II se sert des bable par la gradation que suit 1'Apotre : les predica-
locutions benefes, « pour la vie », au risque de la vie, teurs de 1'Evangile sont traites « comme les derniers
II Reg., xviii, 13 (qeri); xxin, 17; III Beg., n, 23; des hommes, comme des condamnes a mort »; apres
Lam., v, 9; Prov., vn, 23, et berdsenu, « pour notre le denuement, les coups, les maledictions, les persecu-
tete », au risque de notre tete. I Par., xn, 19. L'Eccle- tions, les calomnies, 1'idee d'expiation parait se pre-
siastique, xxxiv, 13, dit qu'il a ete plusieurs fois en senter plus logiquement que celle du mepris et de
peril de mort, mais qu'il en a ete tire par son expe- 1'humiliation. I Cor., iv, 9-13. H. LESETRE.
rience, Vulgate : « par la grace de Dieu ». Dans deux
autres passages de ce livre, on peut recourir au texte PERKINS Guillaume, theologien calviniste, ne en
hebreu pour y trouver ce qui correspond a 1'idee de 1558 a Warton dans le comte de Warwick, mort en
peril. On lit dans les Septante et la Vulgate, in, 27 : 1602. II etudia a 1'universite de Cambridge. Ministre
« Qui aime le peril y perira. » II y a dans 1'hebreu : calviniste, il acquit une grande reputation comme
« Qui aime les richesses, tobot, soupirera apres elles. » predicateur. Dans ses ceuvres publiees a Londres, 1616,
Plus loin, XLIII, 26, les versions traduisent : « Ceux 3 in-f°, on remarque : A digest or harmonic of the
qui naviguent sur la mer en racontent le peril. » II y old and new Testament; Exposition of Galatians,
a dans 1'hebreu : « Ceux qui descendent sur la mer en Exposition of Christ's sermon on the Mount; Commen-
raconteront 1'extremite, qd$ah, » diront, s'ils le peuvent, tary on Hebr. xi; Exposition of Jude; Exposition of
jusqu'ou elle s'etend. Tobie, iv, 4, rappelle a son fils les Revelation /, //, and in. — Voir W. Orme, Bibliotheca
perils que sa mere a courus pendant qu'elle le portait biblica, p. 347; Walch, Biblioth. theologica, t. iv,
dans son sein. Esther, xiv, 1, 4, en peril de mort, de- p. 701, 758, 857. B. HEURTEBIZE.
mande a Dieu son assistance. Plusieurs fois, il est ques-
tion des perils affrontes par les princes Machabees PERLE (grec : (Aapyapityj; Vulgate : margarita),
et leurs compatriotes. I Mach., xi, 23; xiv, 29; II Mach., substance qui se forme dans 1'interieur de plusieurs
i, 11; xi, 7; xv, .17. — Les Apotres etaient en peril especes de coquilles marines. — 1° Un certain nombre
sur la barque pendant la tempete. Luc., vin, 23. Saint de coquilles sont tapissees interietttemeat par une
Paul a et£ en peril a ioute heure. I Cor., xv, 30. II substance calcaire argentee, secretee par le manteau du
enumere tous ceux par lesquels il a passed II Cor., xi, mollusque, comme la coquille elle-meme dont la com-
26. Dieu Ten a delivre. II Cor., i, 10. D'ailleurs au- position chimique est identique. Cette substance s'ap-
cun peril ne le detachera de 1'amour du Christ. Rom., pelle nacre. Parfois, a la suite d'une blessure faite au
vin, 35. H. LESETRE. mollusque par la piqure d'un petit ver, par un grain de
sable ou un petit corps etranger introduit et enferme
PERIPSEMA (grec : Trsp'/ir^a), qualiflcatif que se dans la coquille, il se produit une concretion isolee
donne saint Paul, I Cor., iv, 13 : « Nous sommes comme de matiere nacree, sous forme ronde, oblongue ou irre-
les 7rspi)ta9appi.aTa du monde et le ireps^rifia de tous. » guliere. C'est la perle. Elle est generalement adherente
Le mot TTsptxaOapjjiaTa designe le produit d'un nettoyage a la coquille, mais peut aussi se secreter a 1'interieur
complet, les balayures d'une maison, et le mot du manteau et des organes. D'abord tres petite, elle
Trept'4/yjjxa, de 7T£pt<{/aw, « frotter tout autour, » le residu s'accrolt par couches annuelles. Ce qui fait son prix,
ou la raclure d'un objet qu'on a remis en etat. L'Apotre c'est sa grande durete, sa dimension et surtout son
voudrait done dire qu'il est traite par la plupart des eclat chatoyant qui reproduit celui de la nacre. Sa colo-
hommes comme la balayure et le rebut de 1'humanite. ration va du blanc azure au blanc jaunatre, au jaune d'or
Cf. "Is., LIII, 3. Cependant les deux mots grecs sont et au noir bleuatre; on trouve meme des perles roses,
susceptibles d'un autre sens. Le premier est un bleues et lilas. Les principales coquilles perlieres sont
compose de xa6ap(ta, nom donne a des miserables que ['avicula margaritifera (fig. 25), la meleagrina mar-
Ton entretenait a Athenes aux frais de 1'Etat, pour en garitifera, appelee aussi printadine ou mere-perle, la
faire des victimes expiatoires en cas de malheurs pinna marina, Yunio margaritiferus, mulette oumou-
publics. Cf. Aristophane, Plut., 454; Eg., 1133; Dollin- lette perliere, etc. On trouve aussi des perles dans les
ger, Paganisme et Judaisme, trad. J. de'P., Bruxelles, huitres et les moules ordinaires; mais elles sont ternes
1858, 1. 1, p. 315. Dans 1'ancienne Italique, TtspixaOapjia et sans valeur. Les Chinois et les Indiens font produire
etait rendu par lustramentum, pour lustramen, des perles d'un certain prix a des moules et des
« objet expiatoire. » Cf. S. Ambroise, In Ps. cxvin, huitres, en introduisant dans le manteau de ces bivalves
vni, 7, t. xv, col. 1297. Dans les Proverbes, xxi, 18 : de petits corps durs qui determinent la secretion nacree.
145 PERLE —PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE 146
Les anciens recueillaient les coquilles perlieres dans la 3° Dans le Nouveau Testament, la mention des perles
mer Rouge, dans la mer des Indes, cf. Pline, H. N., ix, est tres claire. Notre-Seigneur compare le royaume
54; xxxiv, 48; Strabon, xv, 717, et dans le golfe Per- des cieux a un marchand qui trafique sur les perles-
sique, aux environs de 1'ile de Tylos. Cf. Pline, H. N., En ayant rencontre une de grand prix, il vend tout ce
vi, 32; Strabon, .xvi, 767; Athenee, m, 93; Elien, Hist, qu'il a pour 1'acheter. Matth., xin, 45, 46. II ne craint
animal., x, 13. Les perles ont ete estimees a Ires haut pas d'engager momentanement toute sa fortune, parce
prix dans 1'antiquite. Pline, H. N., ix, 54, dit qu'elles qu'il est sur de revendre la perle avec gros benefice a
occupent le sommet parmi les choses precieuses. quelque riche amateur. Saint Paul recommande aux
Cf. Pline, H. N., vi, 24; ix, 56, 58; xxxm, 12; xxxiv, femmes chretiennes d'eviter le luxe dans leur parure
48; xxxvil, 6. Les Remains en faisaient grand cas. La et de savoir se passer de perles. I Tim., H, 9. La femme
femme de Caligula, 1'imperatrice Lollia Paulina, en qui represente la grande Babylone est ornee de perles.
possedait dans sa parure pour 40 millions de sesterces Apoc., xvn, 4; xvni, 16. Babylone faisait commerce de
(pros de 10 millions de francs). On en mettait a toutes ces precieux objets. Apoc., xvin, 12. — Le Sauveur
les parties du costume. Cleopatre, dans une fete donnee defend de jeter les perles devant les pourceaux, qui les
par Marc-Antoine, en avala une qui valait des centaines louleraient aux pieds. Matth., vn, 6. La doctrine et la
de mille francs. Horace, Sat., II, in, 238-240, parle grace de 1'Evangile ne doivent pas etre communiquees
d'un personnage qui prit une perle a 1'oreille de Metella a des ames indignes qui les profaneraient.
et la fit dissoudre dans du vinaigre, pour avaler tout H. LESETRE.
d'un trait un million de sesterces (pres de 250000 francs). PERSANES (VERSIONS) DE LA $1BLE. -
Le gout de ces objets couteux s'etait egalement repandu 1° Sous les rois de Perse, Cyrus et ses successeurs,
en Grece et en Orient. un grand nombre de Juifs s'etablirent dans toutes les
2" Les perles ont ete certainement connues en Pales- parties de leur empire, et il est a croire que dans les
tine, au moins depuis 1'epoque de Salomon. Mais on ne synagogues on expliqua les Ecritures dans la langue du
sait pas d'une maniere certaine quel mot pouvait les pays. Nous savons du moins par le Talmud, tiota,
designer. Le mot gabis est le nom du cristal, probable- 49b, que les Israelites -qui habitaient en Perse, en par-
ment du cristal de roche, et non des perles. Voir laient la langue en meme temps que 1'hebreu. Mais s'il
CRISTAL, t. n, col. 1119. Les peninlm ne sont que des a existe des traductions persanes de 1'Ecriture a leur
pierres precieuses, d'apres les versions. Prov., in, 15; usage, il ne nous en est rien parvenu. On ne possede
vm, 11; xx, 15; xxxi, 10. Ces pierres precieuses peuverit rien non plus des anciennes versions du Nouveau Tes-
sans doute etre des perles, puisque ces dernieres sont tament, qui ont du etre faites d'assez bonne heure,
des secretions calcaires; elles pourraient etre aussi du puisque le christianisme se repandit en Perse des les
corail rouge ou une substance analogue. Voir CORAIL, premiers siecles. Saint Jean Chrysostome, Horn. II, 2,
t. n, col. 957. A Suse, il y avait dans le palais royal in Joa., t. LIX, col. 32, dit expressement que de son
un dallage fait avec de 1'emeraude et du dar. Esth., r, temps 1'Evangile de saint Jean etait traduit en persan,
6. Le mot dar est le nom des perles en arabe. Les Sep- et Theodoret de Cyr, Grate, affect, curat., ix, t. LXXXIII,
tante traduisent par Xt'6oc m'vvivos,,« pierre de pinne, » col. 1045, dit que les Perses « venerent les ecrits de
de pinna marina, ce qui indiquerait une incrustation Pierre, de Paul, de Jean, de Matthieu, de Luc et de
de nacre provenant des coquilles du mollusque perlier. Marc, comme venant du ciel, » ce qui semble indiquer
La Vulgate rend dar par lapis parius, « pierre deParos,» qu'ils etaient traduits en leur langue. De toutes ces
marbre. II est assez probable en efiet qu'il s'agissait de versions primitives, rien n'a survecu.
marbre translucide et nuance comme les perles ou la 2° Le Pentateuque. — Maimonide parle d'une
nacre. Dans le Cantique, r, 10, on dit a 1'Epouse : traduction persane du Pentateuque anterieure a Maho-
« Nous te ferons des torim avec des hdruzim. » D'apres met. L. Zunz, Die gottesdienstlichen Vortrdge der
les versions, il s'agit de « chalnes d'or marquetees d'ar- Juden historiscfi entwickelt, Berlin, 1832, p. 9. Celle
gent ». II est possible que les deux mots hebreux que nous possedons est bien moins ancienne. Elle a ete
designent des colliers dans la composition desquels imprimee pour la premiere fois a Constantinople en
entraient les perles, le corail et les pierres precieuses. 1546, en caracteres hebreux, et reimprimee, en carac-
Us ne se rencontrent pas ailleurs, et ce sens leur con- teres perses, dans la quatrieme partie de la Polyglotte
vient Men, par comparaison avec les termes arabes de Walton. Elle a pour auteur Rabbi Jacob ben-Joseph
correspondants. Cf. Buhl, Gesenius' Handworterbuch, Taous (« le Paon »), qui vivait a Constantinople dans
p. 278, 885. la premiere moitie du xvie siecle. Quelques critiques
147 PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE 148
ont voulu la faire remonter plus haut, mais il est verset, en caracteres hebreux. — N° 120 (ancien 42).-
impossible de lui dormer une origine anteislamique, Job, du me'me traducteur, mais avec de nombreuses va^
parce qu'elle est ecrite en ne'e-perse et abonde en riantes. Hebreu et persan comme au n° 118. —N° 122
mots arabes, ce qui ne se rencontre que dans les (ancien 41). Job (incomplet). La traduction est presque
livres ecrits depuis la conversion de la Perse au maho- toujours d'accord avec la precedente. — N° 121 (ancien
metisme, De plus, Babel, Gen., x, 10, est traduit par 224), Esther, texte hebreu ponctue, suivi verset par
« Bagdad »; or Bagdad ne fut batie qu'en 763 (1'an verset de la traduction persane, en caracteres hebreux.
145 de 1'Hegire). A. Kohut, Kritische Beleuchtung der En tete du manuscrit se trouve un calendrier litur-
persischen Pentateuch-Uebersetzung des Jacob Ben- gique quifinit a 1'annee 1523. — N° 128 (ancien 45).
Joseph Tavus unter stetiger RucksicJitsname auf die Daniel, avec une histoire apocryphe de ce prophete
dltesten Bibelversionen, in-8°, Leipzig .et Heidelberg, (cette histoire a ete publiee en caracteres hebreux avec
1871, de meme que Lorsbach, dans le lenaer All. Lit. une traduction allemande par Zotenberg, dans Ad. Merx,
Zeitung, 1816, n, 58; Zunz, dans Geiger Wissenschaft- Archiv fur wissenschaftliche Erforschung des Alien
liche Zeitschrift, 1839, t. iv, p. 391, et Munk, Notice Testamentes, 1869, t. i, p. 385-427. — N° 129 (ancien
sur Rabbi Saadia Goon, Paris, 1838, p. 62-87, s'ac- 46). Daniel. Cette version s'accorde avec celle du n° 128.
cordent a faire naitre R. Jacob vers 1510. La traduc- — N° 130 (ancien 236). Livres deuterocanoniques, en
tion, faite sur 1'hebreu, est d'une litte"ralite excessive : caracteres hebreux. La traduction de Tobie est faite
Taous evite les anthropomorphismes et emploie des d'apres le texte hebreu public pour la premiere fois a
euphemisMnes; il se sert du Targum d'Onkelos et de la Constantinople en 1516 et reproduit dans le t. iv de la
version arabe de Saadia, des commentaires de Kimchi Polyglotte de Londres. Judith esttradutt d'apres le texte
et d'Aben Ezra; dans plusieurs passages, il laisse hebreu public a Venise vers 1650, Bel et le dragon,
1'hebreu sans le traduire. Gen., vn, 11; xn, 6, 8, etc. ; d'apres 1'hebreu contenu dans le meme. volume ou se
Exod., in, 14; xvn, 7; Num. xxi, 28, etc., Deut., in, trouve 1'hebreu de Judith.
10, etc. Son oeuvre a peu de valeur critique. « L'auteur Parmi les manuscrits persans, ecrits en persan, la
de cette traduction, etant juif, dit Richard Simon, Hist, Bibliotheque nationale, Catalogue des manuscrits per-
critique du vieux Testam., p. 307, a affecte partout sans de la Bibliotheque nationale de Paris, in-8°,
les hebrai'smes, et c'est ce qui fait qu'elle ne peut 1905, possede les traductions suivantes de livres de
pas etre d'un grand usage, si ce n'est dans les 1'Ancien Testament : N° 1. Une traduction persane des
synagogues des Juifs de Perse. » Psaumes, d'originejuive, copiee en 1316 sur un manus-
3° Manuscrits de diverses traductions persanes de crit judeo-persan du Lar, avec les variantes de deux
livres de 1'Ancien Testament. — II existe en manuscrit autres manuscrits. — N° 2. Proverbes, Ecclesiaste, Can-
des traductions persanes de plusieurs livres de 1'Ancien tique des Cantiques, Esther, Ruth. Ecrit a Agra en 1604
Testament. La Bibliotheque nationale de Paris en possede d'apres un manuscrit judeo-persan. — N" 3. Proverbes,
plusieurs. Le Catalogue des manuscrits hebreux,Paris, Ecclesiaste, Cantique des Cantiques, Esther (non acheve).
in-4°, 186% signale les suivants (cf. Catalogus codicum La traduction est la meme que la precedente, avec
manuscriptorum Bibliothecse, regite, in-f°, t. i, Paris, quelques variantes. — N° 4. Isai'e, Jeremie, Lamentations
1739, Codices hebraici, p. 4-5) : — N° 70 (ancien 34), (deux versions), Baruch. Copie en 1606 a Hamadan
Genese et Exode, renfermant Fhebreu original et, apres d'apres un manuscrit judeo-persan. — N° 5. Judith,
chaque verset, la version persane, de m£me que le traduit sur la Vulgate, par le P. Gabriel, capucin (com-
n° 7i (ancien 35) qui contient le Levitique, les Nombres mencement du xvne siecle).
et le Deuteronome. Cette version persane, ecrite en La Bibliotheque imperiale de Saint-Petersbourg pos-
caracteres hebreux, reproduit la paraphrase chaldai'que sede aussi plusieurs versions persanes qui faisaient
d'Onkelos; elle est diffe"rente de celle qui a ete impri- partie de la collection du karai'te Abraham Firkowitz
mee dans la Polyglotte de Constantinople et dans le et de la societe d'Odessa. Cf. A. Harkavy etH. L. Strack,
t. vi de la Polyglotte de Walton. — N° 90 (ancien 38), Catalog der hebralschen Bibel-Handschriften in
Josue, les Juges, Ruth, Esdras etNehemie, en caracteres St-Petersburg, in-8°, Saint-Petersbourg et Leipzig,
hebreux. Traduction tres litterale sur 1'hebreu. Ecrit en 1875. — N° 139. Petits prophetes, contenant Michee,
1601. — N° 91 (ancien 39). Livres de Samuel, des Rois i, 13, jusqu'a Malachie, in, 2. — N° 140. Haphtaroth,
et des Paralipomenes, en caracteres hebreux. Ecrit en hebreu ponctue, avec la traduction persane; la ver-
dans la ville de Lar, comme le precedent, en 1601. — sion persane est ecrite en caracteres arabes. — N° 141.
N° 97 (ancien 44). Isaiie, Jeremie et Ezechiel, en carac- Pentateuque hebreu et persan. L'hebreu est ponctue,
teres hebreux. Ezechiel s'arrete au ch. x, 4. La version mais d'une.facon particuliere. La version est ecrite en
est faite sur le texte massoretique, d'apres la paraphrase petits caracteres et suit Poriginal verset par verset,
chaldai'que de Jonathan. Ecrit au commencement du mais elle est tres differente de la version de R. Jacob
xvie siecle. — N° iOO (ancien 25). Jeremie, en carac- Taous. — N° 142. Fragments de Job.
teres hebreux. La version est tres differente de celle du Walton, dans les Prolegomenes de sa Polyglotte. xvi,
n° 97; elle a ete faite sur la paraphrase chaldai'que. — 9, p. 694. mentionne deux Psautiers manuscrits traduits
N° 101 (ancien 47). Lamentations et les douze petits sur la Vulgate.
prophetes, en caracteres hebreux. Traduction faite sur La bibliotheque du British Museum a Londres pos-
le texte hebreu, mais avec de nombreux contre-sens. — sede (voir Margoliouth, Catalogue of the Hebrew and
N°- 116 (ancien 43). Proverbes, Cantique des Can-, Samaritan manuscripts in the British Museum, in-4°,
tiques, Ruth, Ecclesiaste, Esther, texte hebreu ponctue Londres, part. I, 1899) : N° 159, version persane des
accompagne verset par verset de la traduction persane, Psaumes par Baba ben Nurial, faite a Ispahan vers
faite sur 1'hebreu et ecrite en caracteres hebreux. — 1740, par ordre de Nadir Chah. Cette traduction est
N° HI (ancien H3). Proverbes, Ecclesiaste et Cantique precedee du texte hebreu du Pentateuque et suivie de
avec traduction persane, suivant verset par verset, divers poemes en caracteres persans rabbiniques. —
1'hebreu qui est ponctue. Elle est ecrite en caracteres N° 160, meme version persane des Psaumes. Carac-
hebreux. En general, elle s'accorde avec celle du teres rabbiniques persans du xvnie ou xixe siecle.
n° 116, mais avec beaucoup de variantes. C'est le ma- La Bibliotheque bodleienne d'Oxford possede trois
nuscrit dont s'est occupe Hassler, dans les Theolo- exemplaires (Nos 1827-1829) de la traduction persane
gische Studien und Kritiken, 1829, p. 469-480. — des Psaumes faite par un religieux portugais, le P. Juan,
-N° 118 (ancien 40). Job et les Lamentations, texte 1610; deux exemplaires (un imomplel) dune autre
hebreu ponctue avec traduction persane, verset par traduction differente des Psaumes (N°s 1830-1831};
149 PERSANES (VERSIONS) DE LA BIBLE — PERSE 150
une traduction de Judith, d'apres la Vulgate (N° 1832). dans les inscriptions cuneiformes, Pdrca, en perse,
4° Traductions persanes des Evangiles. — 1. Impri- Pars et Fdrs, en arabe, Fdris.
mees. — ,Les Chretiens des provinces occidentals de I. GEOGRAPHIE. — La Perse proprement dite (fig. 26)
la Perse, se rattachant a 1'Eglise syriaque, se servirent occupait primitivement la partie la plus meridionale de
d'abord de la Peschito. Aussi une des premieres traduc- la grande chaine de montagnes qui s'etend de la mer
tions des Evangiles qui fut faite en persan derive-t-elle Noire au golfe Persique tout le long de la rive gauche
de la Peschito. Elle a ete publiee dans la Polyglotte de du Tigre. Le pays etait borne au sud et au sud-ouest
Walton, d'apres un manuscrit appartenant a Pococke et par le golfe Persique, au nord-ouest et au nord par la
ecrit en 1341, avec une traduction latine de Sam. Clericus Susiane et la Medie, a Test par de grands deserts. La
el de Thorn. Grovius. La traduction latine a ete reimpri- region qui avoisine la mer se compose de banes d'ar-
mee par Bode, in-4°, Helmstadt, 1751, avec une preface gile et de sable paralleles au rivage; elle a ete modi-
historique et litteraire. Une seconde traduction des nee sur plusieurs points par le travail des alluvions.
Evangiles, faite sur le texte grec, fut publiee d'apres deux Le sol esl tantot marecageux, tanlot rocheux et mal
manuscrits, 1'un de Cambridge, 1'autre d'Oxford; avec arrose, partout malsaiife et sterile. Cf. Pline, H. N., xn,
les variantes du manuscrit de Pococke traduit d'apres 20. Au dela, plusieurs chaines de hauteurs s'elevent
la Peschito, p*ar un professeur arabe de Cambridge, graduellement 1'une derriere 1'autre, dans toute la
Abraham Wheloc, etparPierson. QuatuorEvangeliorum longueur du pays, pour alteiridre le plateau. Cette
versio persica, in-f°, Londres, 1652-1657. Elle est accom- region moyenne est ordinairement boisee et fertile en
pagnee d'une traduction latine. — Nadir Schah fit faire cereales, sauf dans plusieurs cantons du nord et de
en 1740, par les jesuites Duhan et Desvignes, une nou- Vest. Cf. Strabon, xv, 727. Quelques rivieres seulement,
velle traduction persane des quatre Evangiles, qui a ete 1'Oroatis, 1'Araxes, le Bagradas, parviennent a traver-
publiee par Dorn a Saint-Petersbourg en 1848. Voir ser les hauteurs et les sables et a se jeter dans le golfe.
Dorn, dans Rail. Allg. Literalurzeitung, 1848, t. n, D'autres n'ont pas d'ecoulement; leurs eaux forment
p. 464. — Colebrooke a fait imprimer a Calcutta en 1804 au fond des valle'es des lacs dont le niveau varie avec
une version des Evangiles. De meme L. Sebastian! a les saisons. La partie montagneuse se decoupe en pics
Seramporeenl812. H. Martyn a editea Londres en 1821 aigus, converts de neige, separes par des ravins aux
The New Testament, translated from the Greek into parois presque verticales, au fond desquels se preci-
Persian. — La societe biblique a publie depuis diverses j)itent de furieux torrents. Le sommet le plus eleve, le
traductions persanes completes ou partielles des Ecri- Kouh-i-Dina, au nord, atteint 5200™; au sud, le
tures. Djebel Boukoun monte jusqu'a 3230m.
2. Manuscrites. — Lefonds persan de la Bibliotheque Sur lehaut plateau, le climat se ressent de la seche-
nationale de Paris contient les manuscrits suivants : resse du sol et de 1'absence de rivieres. La purete de
N° 6. Les quatre Evangiles. Traduction anonyme, copiee 1'atmosphere est telle qu'on peut distinguer a 1'ceil nu
en 1756. — N° 7. Traduction des quatre Evangiles, les satellittes de Jupiter; la planete elle-meme y jette
dont il est parle plus haut, faites par des missionnaires, de si vifs rayons qu'elle porte une ombre tres nette sur
et des docteurs armeniens sur la Vulgate par 1'ordre une surface claire. On s'explique ainsi le gout des
qu'en donna le roi de Perse Nadir Schah, en 1736. Copie anciens mages pour 1'observation des astres et le culte
de 1'original, faite par les soins de P. Lagarde (f 1750). qu'ils rendaient a certains d'entre eux. Voir MAGE,
— N° 8. Autre traduction des Evangiles; faite sur le grec, t. iv, col. 544. Par centre, comme cette purete de
ecrite pour le roi Louis XIII en 1616, par un mission- 1'atmosphere n'oppose aucun obstacle aux rayons
naire franpais. — N°P. Meme traduction avec quelques soZaires et au rayonnement nocturne, on peut passer,
legeres divergences. Ecrite en 1631. — N° 10. Evangile en moins de quelques heures, de 7 a 62 degres centi-
de saint Matthieu. Copie sur un tres ancien manuscrit du grades. En hiver, avec des tourbillons de neige, la
Vatican. Cetle version se rapproche beaucoup de celle temperature peut descendre a — 30°.
qui est contenue dans le n° 0. — N° 11. Autre copie La race etait endurcie a la fatigue par la vie dans la
(incomplete) de FEvangile de saint Matthieu, faite sur montagne. Elances et robustes, la tete fine sous leur
le manuscrit precedent. — N° 12. Evangeliaire pour le epaisse chevelure et leur barbe bouclee (fig. 27), les
commun du temps. Copie en 1374. Perses etaient intelligents et passionnes pour la guerre.
La Bibliotheque bodleienne possede le Nouveau Tes- Plusieurs tribus se partageaient le pays : les Pasa-
tament traduit par le R. H. Martin, deux exemplaires gardes, les Maraphiens et les Maspiens, qui exercaient
(Nos 1833-1834) et plusieurs traductions plus ou moins la preponderance, les Panthialeens, les Derousieens et
completes des Evangiles (Nos 1835-1840). Voir Sachau et les Carmanes, qui menaient la vie sedentaire, les
" Ethe, Catalogue of the Persian manuscripts in the Daens, les Mardes, les Dropiques et les Sagartiens,
Bodleian Library, in-4°, Oxford, 1889, col. 1050-1056. qui preferaient 1'etat nomade. De gros villages avaient
La Bibliotheque de Berlin possede le manuscrit d'une ete batis sur le bord de la mer, Armouza, Sisidona,
traduction persane de FEvangile de saint Matthieu Apostana, Gogana et Taoke, ce dernier possedant un
(N° 1096) qui est pour le fond la me'me que celle qui palais royal. Cf. Herodote, i, 125; Nearque, dans
a ete publiee a Londres par Whelock, in-f°, 1657. Le Arrien, Hist, indie., xxxvn, 5, 7, 8;xxxix, 3; Strabon,
N" 1097 contient entre autres choses la traduction des XV, in, 3. A Tinterieur s'elevaient les villes de Carma-
douze premiers chapitres de saint Matthieu, faite en na, au nord-est, cf. Ptolemee, vi, 8, de Gaboe, au nord,
1799. Voir W. Pertsch, Verzeichniss der persischen avec un palais, cf. Plotemee, vi, 4; Strabon, XV, in,
Handschriften, t. iv des Handschriften Verzeichnisse 3, de Persepolis et de Pasagardes, au centre du pays.
der k. Bibliothek zu Berlin, in-4°, Berlin, 1888, Cf. E. Reclus, Geographic universelle, t. ix, p. 168-187;
p. 1043-1045. Maspero, Histoire ancienne, t. in, p. 456-459.
Voir Rosenmtiller, De versions Pentateuchi persica II. HISTOIRE. — Les Perses ne sont pas nommes dans
comment., in-4°, Leipzig, 1813; J. Furst, Bibliotheca la table ethnographique, mais ils etaient, comme les
judaica, t. in, p. 453; J. Mc Clintock el J. Strong, Cyclo- Medes, japhetites et de race iranienne. Gen., x, 2. Pri-
paedia of Biblical Literature, t. vii, New-York, 1889, mitivement confines dans leurs vallees ardues, ils
p. 984; The Bible of every Land, in-4°, Londres, 1860, avaient du s'etendre au nord-ouest aux depens de
p. 64-71. F. VIGOUROUX. 1'Elam, au moment ou ce pays avail ete affaibli par la
puissance assyrienne. Voir ELAM, t. n, col. 1638. Ils
PERSE (hebreu; Paras; Septante : neon's; Vul- elisaient leurs rois dans la famille d'un de leurs chefs
gate : Persis), contree d'Asie. Le nom de la Perse est, primitifs, Akhamanisch, 1'Akhemenes des Grecs, dont
151 PERSE 152
la legende s'est emparee. Cf. Elien, Var. hist., xn, 21. lig. 18. Dans la Bible, Daniel parle toujours des Medes
Tchaispi ou Teispes, son successeur et peut-6tre son et des Perses, Dan., V, 28; vi, 8,12,15; le livre d'Esther,
fils, profita de la mine de Suse par Assurbanipal pour I, 3, 14, 18, 19, nomme au contraire les Perses et les
s'enaparer de la partie orientale de 1'Elam. C'etait le Medes, sauf dans nn endroit ou il est question du livre
pays d'Ansan, el lui-meme prit des lors le titre de roi des rois de Medie et de Perse, Esth., x, 2, qui conte-
d'Ansan, Cf. Herodote, vn, 11, et 1'inscription de Be- nait les annales du royaume commencees sous les
histoun, col. i, lig. 5, 6. Ce titre est attribue a Cyrus anciens rois. Voir CYRUS, t. n, col. 1191-1194. — Les
«t a ses trois predecesseurs par les monuments babylo- rois de Perse se succederent dans 1'ordre suivant,
niens de Cyrus, Cylindre, lig. 20, 21, dans les Bei- jusqu'a la conquete d'Alexandre le Grand :
trage zur Assyriologie, t. n, p. 20, 21, d'ou Ton con- Cyrus 550 Artaxerxes I" 465
clut que la conquete du pays d'Ansan est bien 1'ceuvre Cambyse 529 Darius II 424
da Teispes, et qu'il n'existe pas de lacune dans la serie Srnerdis le M a g e . . . . 523 Artaxerxes II Mn&non . 405
chronologique entre ce dernier et Akhe"menes. parius I" . . . . . . . 551 Artaxerxes III Ochus . . 359
Xerxes I" . . . . . . . 485
Phraorte, roi des Medes (647-625), qui songeait » Darius III C o d o m a n . . . 336
II fut vaincu et perit dans son attaque centre les Assy- t. n, col. 1306; ARTAXERXES II, 1.1, col. 1042; DARIUS III,
riens. Son fils Cyaxare (624-585), pour s'assurer la vie- t. n, col. 1306. — Alexandre le Grand, roi de Mace-
toire, reorganisa son armee, composee de Medes et de dome, conquit 1'empire des Perses en 331. Voir ALEXAN-
Perses. Cf. Herodote, vn, 62. Ces derniers prirent part DRE LE GRAND, t. I, col. 345. Apres sa mort, la Perse
a la lutte centre Assurbanipal, a la prise de Ninive, fit partie du royaume de Syrie, gouverne par les Seleu-
et aux diverses campagnes du roi des Medes. Yoir cides. Yoir SYRIE. Mais ensuite les rois Parthes la
MEDIE, t. iv, col. 919. disputerent a ces derniers et Arsace VI finit par s'en
A Teispes avait succede Cambyse, et a Cambyse son emparer en 138. Voir ARSACE, t. I, col. 1034. Les Arsa-
fils Cyrus, vers 559. Celui-ci pensa que les Perses, au- cides y regnerent jusqu'en 226 apres J.-C.
trefois domines par les Medes, pouvaient et devaient a III. MCEURS ET COUTUMES DES PERSES. — Herodote, i,
leur tour exercer la souverainete dans Pempire medo- 131-140, fournit quelques details sur la maniere de
perse. En 553, il se revolta centre Astyage, fils et suc- vivre des Perses. Les Perses pratiquaient la polygamie,
cesseur de Cyaxare; il le defit, s'empara d'Ecbatane et epousant plusieurs femmes et ayant en outre des
substitua une administration perse au gouvernement concubines en grand nombre. Us se faisaient gloire
mede. L'empire n'etait pas change eetepieurement; d'avoir beaucoup d'enfants; mais les homines ne s'en
mais tandis que les rois precedents avaient et£ les chefs occupaient qu'a 1'age de cinq ans; jusqu'a vingt, ils
des Medes et des Perses, Cyrus et ses successeurs leur apprenaient a monter a cheval, a tirer de 1'arc et
furent rois des Perses et des Medes. Voir 1'inscription a dire la verite. Assez sobres du cote de la nourriture,
de Behistoun, col. i, lig. 34, 35, 40, 41, 46, 47; col. n, ils 1'etaient beaucoup moins dans 1'usage du vin et
153 PERSE 154
s'enivraient a tout propos, meme quand il s'agissait de naient plus a leurs gouts raffines. Ils s'y rendaient
deliberer sur des choses serieuses. Les grands festins pour ceindre la couronne, apres la mort de leur pre-
donnes par Xerxes Ier repondaient parfaitement au decesseur, cf. Plutarque, Artaxerxes, 3, mais ils n'y
gout de ses sujets. Le vin royal y etait servi en abon- demeuraient pas. Darius Ier prefera le sejour de Perse-
dance. Esth., i, 5-11. Le texte sacre remarque que « le polis; il developpa la ville, y eleva de splendides bati-
vin avait mis la joie au coeur du roi, » et, s'il observe ments et tint m6me a ce que son tombeau fut creuse
que « chacun buvait sans que personne lui fit violence, » dans les rochers a pic des environs, ou plusieurs de
c'est que sans doute 1'utilite de cette violence ne se ses successeurs vinrent le rejoindre (fig. 28). Cf.
faisait nullement sentir. Curieux des usages de I'etran- M. Dieulafoy, L'art antique de la Perse, t. n, pi. x;
ger, ils adoptaient tout ce qui pouvait eontribuer a Flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir
leurs plaisirs. Aussi leurs mceurs s'effeminerent au PKRSEPOLIS. Xerxes Ier agrandit et orna le palais de
point que, malgre Jeur nombre et leurs ressources, ils Persepolis. Artaxerxes Ier prefers Suse. II y edifia un
furent incapables de tenir tele aux Grecs. S'estimant palais plus vaste que tout ce qu'on avait fait jusqu'alors.
eux-memes au-dessus de tous les autres peuples, ils Cf. Dieulafoy, L'acropole de Suse, p. 274-358.
meprisaient ces derniers a proportion de leur eloigne- Les rois perses recevaient leurs vassaux et les am-
ment. On s'explique ainsi qu'ils se soient montres si bassadeurs etrangers sur leur trone d'or, au fond de
outres de la conduite des Grecs a leur egard et se leur apadana ou salle de reception. Voir PALAIS, t. iv,
soient imagine qu'ils les reduiraient aisement. col. 1972. On ne les apercevait qu'un instant. Ils por-
Leur legislation ne permettait a personne, pas meme taient une robe de pourpre avec des broderies d'or.
Plutarque, Artaxerxes, 24, estime un de ces vetements
a 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette
bleue et blanche formait diademe autour de la kidaris
du roi. On ne 1'entrevoyait lui-meme qu'a 1'ombre d'un
parasol et au vent d'un chasse-mouches. II ne parais-
sait d'ailleurs en public qu'a cheval ou sur son char,
entoure de sa garde. Les hommes de sa famille et des
six anciennes families princieres pouvaient 1'aborder a
toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14.
Une lettre d'Artaxerxes a Esdras mentionne ces sept
conseillers. I Esd., vn, 14. Ce droit confere a six fa-
milies venait de ce que sept Perses s'etaient concertes
pour tuer Smerdis le Mage et faire designer Tun d'eux
pour roi, a condition que chacun des six autres aurait
toujours libre acces aupres de 1'elu et que celui-ci ne
pourrait prendre femme que dans la famille de ses
compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la conven-
tion fut observee. Herodote, in, 76,84. La frequentation
de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occu-
paient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, His-
loire ancienne, t. in, p. 736-746.
Sur la religion des Perses, voir MAGE, t. rv, col.544;
MEDIE, col. 921; MICHEL, col. 1069. II ne faut pas juger
de cette religion, a 1'epoque des Achemenides, par la
forme systematique et philosophique qui lui a ete im-
posee par Zoroastre ou les reformateurs designes sous
27. — Perses de Persepolis. ce nom, et n'atriomphe que bien des siecles plus tard.
D'apres G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. v,p. 179,191. D'apres Herodote, I, 131, 132, les Perses ne represen-
taient pas les dieux; mais, sur le sommet des mon-
au roi, de faire mourir un hommepour un seul crime. tagnes, ilsoffraient des sacrifices a la divinite supreme,
Le mensonge leur etait odieux et ils trouvaient hon- qui est le ciel, au soleil, a la lune, a la terre, au feu, a
teux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques 1'eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la deesse
de respect proportionnees a la condition de chacun. Ils Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu,
ne pouvaient supporter les lepreux, dentils attribuaient et coupaient la victime par morceaux qu'ils faisaient
la maladie a un peche commis centre le soleil. Cf. bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours
Ctesias, Res persic., 41. On sait par la Bible, Dan., vi, d'un mage, pour la prosperite du roi et celle de
8; Esth., vin, 8, qu'un decret signe de 1'anneau royal tous les Perses en general, et disposaient ensuite de la
etait irrevocable, et que, pour 1'empecher d'avoir son victime.
effet, il fallait un autre decret qui rendit le premier Les Achdmenides etaient certainement polytheistes.
impraticable. Esth., vm, 10, 11. Cf. I Esd., vi, 11. He- On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra,
rodote,ix, 108, 110, montre Xerxes se refusant a revo- Anahata, et aussi Ahriman, le principe du mal concre-
quer une parole donnee, malgre le plus grave incon- tise pour eux sous forme du dieu malfaisant. C'est
venient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de parce que les fourmis, les serpents et d'autres reptiles
refuser les graces qu'on lui demande le jour du festin ou volatiles etaient I'reuvre de ce dieu, que les mages
royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir ANGA- les tuaient de leurs propres mains. Herodote, I, 140.
RIER, t. i, col. 575. Les archives du royaume etaient Les Perses croyaient a la survivance de Fame. Apres la
tenues avec grand soin. I Esd., iv, 15,19; Esth., vi, 1; mort, 1'ame se trouvait exposee a des dangers, centre
x, 2. Sur 1'ecriture perse, voir Vigouroux, La Bible et lesquels les vivants pouvaient la defendre par des sa-
les decouvertes modernes, 6e edit., t. i, p. 137-146. Sur crifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces
la monnaie, voir DARIQUE, t. 11, col. 1294. Sur 1'admi- dangers se specialiserent dans un jugement subi sur
nistration^rovinciale, voir SATRAPE. le pont Cinvat, et a la suite duquel les ames etaient
Les rois parses tenaient a habiter dans de magni- envoyees au bonheur, ou a 1'enfer, ou a un etat inter-
fiques palais. Le site austere de 1'antique Pasargades et mediaire. A la fin du monde, tous ressuscitent,
la simplicite de la demeure royale de Cyrus ne conve- subissent une nouvelle epreuve qui purifie les pecheurs
PERSE 156
et arrivent enfin a etre sauves, a 1'exeeption d'Ahriman tions a quelque lieu d'etonner, surtout dans le premier
et de quelques autres. passage. Les Lydiens d'Asie Mineure et les Libyens du
Les Perses connaissaient aussi certains cas d'impu- nord de 1'Afrique etaient en communication facile avec
rete; il leur etait defendu de souiller 1'eau, parce que Tyr par mer. Les Perses au contraire auraient eu a
1'impurete se communique surtout par elle. Us ne vou- traverser let Medie, la Babylonie et la Syrie pour
laient pas non plus souiller la terre avec le contact des atteindre cette ville. Aussi se pourrait-il que le mot
cadavres. Us laissaient devorer ceux-ci par les oiseaux paras designat, dans le premier texte, les Pharusiens,
et les chiens, ou ne les inhumaient qu'enduits de cire de 1'lle de Pharos, a 1'embouchure du Nil, qui etaient
pour empe'eher le contact, cf. Herodote, r, 140, et plus d'excellents archers. Dans le second texte, il s'agit
tard les deposaient dans les tours du silence. Ces pra- d'une armee ideale, dans laquelle la presence des
tiques se conciliaient avec leur foi a la resurrection. Perses etonne moins a cote des Scythes, des Arme-
^On a souvent cherche a etablir des relations d'influence niens, des Ethiopiens et des Libyens. Pourtant, comme
reciproque ou de dependance sur certains points entre les Perses sont associes a ces deux derniers peuples
la religion des Perses et celle d'Israel. Ces relations africains, on peut douter qu'ici encore paras designe
sont difficiles a preciser et surtout a justifier. « En la Perse.
fait, presque tous les points ou Ton croit voir des rap- 3° Daniel, v, 28, annonca a Baltasar que son royaume
ports etroits, meme la resurrection, appartiennent allait etre donne aux Medes et aux Perses. La nuit meme,
selon nous a la reforme. Que si Ton compare le judai'sme Cyrus prit la ville. Le prophete se trouva ensuite en
28. — Yue des ruines de Persepolis. D'apres F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 102.
a la reforme elle meme, 1'influence des Perses ne sau- rapport avec Darius le Mede, qui gouvernait la Babylo-
rait etre anterieure aux environs de 1'an 150 avant J.-C. nie au nom de Cyrus le Perse, mais d'apres la loi des
Or il est constant qu'a cette epoque le judai'sme etait Medes et des Perses, plusieurs fois invoquee. Dan., vr,
deja dans une fermentation extraordinaire, en possession 8, 12, 15, 28. Voir DARIUS LE MEDE, t. n, col. 1298. —
de toutes les idees qu'on dit empruntees au mazdeisme.» Dans une de ses visions « pour le temps de la fin,»
Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 45, 46. c'est-a-dire ici pour le temps qui doit aboutir a 1'epoque
IV. LES PERSES DANS LA BIBLE. — 1° Dans son cantique messianique, le prophete voit successivement un belier
de victoire, Judith dit que « les Perses ont fremi de sa a deux cornes, qui figure 1'empire des Medes et des
vaillance et les Medes de son audace. » Judith, xvi, 12. Perses, et un bouc velu, qni figure la monarchic
Les faits racontes dans le livre de Judith doivent se pla- grecque. Dan., vm, 20-22. — La Iroisieme annee de
cer vraisemblablement sous les regnes d'Assurbanipal. Cyrus, roi de Perse, le prophete a une autre vision sur
en Assyrie, et de Manasse, en Juda. Voir t. in, col. 1830, les destinees du peuple d Israel. Cette vision a lieu
A cette epoque, Phraorte, roi des Medes, s'appretait a deux ans apres 1'edit qui a autorise le retour des Israe-
entrer en campagne centre le monarque assyrien. lites en Palestine. I Esd., i, 1-3, Daniel n'a pas profile
Judith parle done des Perses et des Medes, non comme de 1'autorisation et la plupart des exiles sont demeures
de vassaux, mais comme de rivaux des Assyriens. Elle volontairement en Babylonie. L'ange qui iui apparalt
nomme ceux-ci au troisieme rang, les Medes au second lui dit : < Le chef du royaume de Perse m'a resiste
et les Perses au premier, ce qui donnerait a penser que vingt et un jours, et Michel, un des premiers chefs, est
le cantique a ete compose a une epoque ou 1'Assyrie venu a mon secours, et je suis demeure la aupres des
avait ete aoumise par les Medes et ou ceux-ci subissaient rois de Perse. » Dan., x, 13. L'ange'qui parle au pro-
la domination des Perses. phete est probablement Gabriel, qui s'etait deja montre
2° Ezechiel, xxvn, 10, dit que les Perses, les Lydiens et a lui. Dan., ix, 21. Le chef du royaume de Perse n'est
les Libyens servaient dans 1'armee de Tyr et etaient ses pas un homme, mais un sar, comme Michel, tandis que
hommes de guerre. Ailleurs, xxxvnr, 5, il met dans les rois sont appeles malke Paras. S'il resiste vingt et
1'armee de Gog des Perses, des Ethiopiens et des un jours, c'est qu'il souhaite que tous les Israelites ne
Libyens. La presence des Perses dans ces enumera- quittent pas le royaume de Perse, ou leur presence est
157 PERSE —- PERSfiPOLIS 158
avantageuse. Michel, qui est le protecteur du peuple de son, The five great monarchies of the ancient eastern
Dieu, vient cependant en aide au premier ange pour World, fifth Monarchy, t. iv, 1867; G. W. Benjamin,
faire cesser 1'opposition de 1'ange des Perses. Voir Persia, in-12, Londres, 1888; F. Justi, Geschichte des
MICHEL, t. iv, col. 1068-1069. Cf. Rosenmiiller, Daniel, alten Persiens, in-8°, Berlin, 1879; A. von Gutschmid,
Leipzig, 1832, p. 348-351. L'ange revele ensuite au pro- Geschichte Irans und seiner Nachbarldnder von
phete les destinees de la Perse : « II y aura encore Alexander dem Grossen bis zum Vntergang der Ar-
trois rois en Perse; le quatrieme posssedera de plus saciden, in-8°, Tubingue, 1888; Ker Porter, Travels in
grandes richesses que tous les autres, et quand il sera Georgia, Persia, with numerous engravings, 2 in-4°,
puissant par ses richesses, il soulevera tout centre le Londres, 1821-1828; Flandin et P. Coste, Voyage en
royaume de Javan. Et il s'elevera un roi vaillant, qui Perse (Perse ancienne), Paris, texte, in-8°; planches,
aura une grande puissance etfera ce qui lui plaira... » in-f°, 1843-1854. H. LESETRE.
Dan., xi, 2, 3. Ces trois rois qui doivent suivre Cyrus
sont Cambyse, Darius Ier et Xerxes Ier, en negligeant PERSEE (grec: IlepffEuc), le dernier roi de Macedoine
1'ephemere Smerdis. Le quatrieme, a partir de Cyrus, (fig. 29). La Vulgate 1'appelle: Persen Cetseorum regem.
est Xerxes Ier, puissant par ses richesses et qui mil II succeda a Philippe V, qui passait pour son pere, mais
tout en mouvement contre la Grece. Les cinq autres on ignore s'il etait son fils legitime ou illegitime ou
rois ne sont pas nommes dans la prophetie; mais avec suppose (179 avant J. G.). En 171, il fit la guerre avec
eux la Perse perdit peu a peu de sa puissance. Deux plus de bravoure que de succes. II la soutint d'abord
grands princes sont surtout mis en relief : Xerxes Ier habilement, mais en 168 il fut defait a Pydna, pres de
qui alia porter le defi aux Grecs jusque chez eux, I'Azam actuel, sur la cote occidentale du golfe de
Alexandre le Grand qui releva le defi au cceur meme de
1'empire perse. Voir DANIEL, t. n, col. 1275.
4° La delivrance des Israelites exiles fut 1'ceuvre de
Cyrus, roi de Perse, des la premiere annee de son
arrivee au pouvoir souverain. II Par., xxxvi, 22, 23;
I Esd., 1-11. Le livre d'Esdras raconte ensuite ce qui
. fut fait par les rois de Perse au sujet des Juifs : 1'au-
torisation de rebatir le Temple, I Esd., in, 7; rv, 3;
les tentatives hostiles des ennemis des Juifs aupres de
Xerxes et d'Artaxerxes, I Esd., iv, 7; la Jettre d'Ar-
taxerxes inlerdisant la restauration de la ville, I Esd., iv,
18-22; 1'edit de Darius confirmant 1'autorisation donnee
par Cyrus de rebatir le Temple'et assignant des redevances
po\vc les sacrifices, I Esd., ~vi, 6-12,; le retonr d'Esdras
sous Arlaxerxes, I Esd., vii, 1-6, et, en general, la 29. — Monnaie de Perse"e, roi de Macedoine.
bienveillance dont firent preuve les rois de Perse. Tete de Persee a droite, diad6mee. — $. Dans une couronne^
I Esd., ix, 9. Nehemie remplissait les fonctions d'echan- aigle ^ploye, tenant un foudre. Dans le champ : BALI | AEQS
son aupres d'Artaxerxes, quand il obtint de revenir a HEP ( EEQL et un monogramme.
Jerusalem pour en relever les murailles. II Esd., n,
1-10. Salonique, par L. JEmilius Paulus. II se rendit, avec sa
5° Tous les evenements rapportes dans le livre d'Esther famille, a Samothrace, entre les mains du vainqueur
se passent a Suse et dans le royaume des Perses, sous qui 1'emmena a Home et le fit figurer a son triomphe.
le regne de Xerxes. Voir ASSUERUS, t. I, col. 1141; Avec lui finit le royaume de Macedoine. Apres un court
ESTHER, t. n, col. 1973; MARDOCHEE, t. iv, col. 753. emprisonnement, il fut autorise a se retirer a Albe ou
6° La victoire d'Alexandre le Grand sur Darius, roi des il mourut. Le bruit de sa defaite arriva jusqu'en Pales-
Perses et des Medes, est rappelee I Mach., i, 1. On tine et contribua a donner aux Juifs une haute idee
raconte ensuite comment Nehemie, renvoye en Judee de la puissance militaire des Remains. I Mach., vni, 5.
par le roi de Perse, retrouva une eau epaisse a 1'en-
droit ou Ton avail jadis cache le feu sacre, que cette PERSEPOL1S (grec : HspireTCoXt?), une des capitales
eau, repandue sur le sacrifice, s'etait enflammee, et que du royaume de Perse sous les Achemenides. Elle est
le roi de Perse, informe de 1'evenement, fit enclore le nominee une fois, II Mach., ix, 2, d'apres un grand
lieu ou 1'on avait trouve 1'eau et ainsi le rendit sacre. nombre de commentateurs. Antiochus IV Epiphane, a
II Mach., i, 19-35. Voir NAPHTHAR, col. 1597. — En court d'argent, tenta de piller le temple de cejte ville,
Perse s'elevaient les temples que les deux rois Antio- d'apres ces commentateurs, mais les habitants le forcerent
chus III et Antiochus IV chercherent en vain a piller. a fuir honteusement. — Alexandre le Grand avait deja
I Mach., vi, 1-4; II Mach., i, 13-16; ix, 1,2; voir NANEE, mis le feu a Persepolis, lors de sa guerre contre les
t. iv, col. 1473. — Enfin, c'est de Perse que les Mages Perses, pour venger, dit-on, la prise d'Athenes par
arriverent pour adorer 1'enfant Jesus. Matth., n, 1-12. Xerxes. Clitarque, dans Athenee, xin, p. 576; Dio.dore
Voir MAGE, t. iv, col. 543-545. — Les Perses ne sont de Sicile, XVII, LXXI, 2,3; LXXII, 6; Plutarque, Alexand.,
pas nommes dans le Nouveau Testament, mais seule- 38; Quinte-Curce, v, 7, 3. D'apres Diodore de Sicile,
ment les Medes. Act., n, 9. loc. cit., et quelques autres, Arrien, in, 18, 11; Pline,
BIBLIOGRAPHIE. — Herodote, I; Xenophon, Anabasis, H. N., vi, 26, la ville entiere aurait ete la proie des
Hellenica, Cyropsedia; J. Gilmore, Fragments of the flammes; d'apres Strabon, XV, in, 6, et Plutarque,
Persika of Ctesias, in-8°, Londres, 1889; J. Malcolm, loc. cit., le palais royal aurait ete seul detruit. Une
History of Persia from the earliest Ages to the pre- partie de ses monuments avait certainemsnt echappe a
sent Times, 2 in-4°, Londres, 1815; B. Brisson, De la destruction. Ptolemee, vi, 44; vii, 5, 13. On y voit
regio Persarum principatu, 1691; in-8°, Strasbourg, encore des mines importantes. Strabon, XV, in, 6, dit
1710; J. H. G. Kern, Specimen historiarum continens que Persepolis etait, apres, Suse, la plus riche des villes
scriptores grgscos de rebus persicis Achssmenidarum de Perse, quand elle fut incendiee par Alexandre, et ses
monumentis collates, in-8°,~ Liege (1855); M. Dieu- ruines attestent encore son ancienne splendeur; il est
lafoy, L'art antique de la Perse, 2 in-f°, Paris, douteux, malgre les suppositions contraires, qu'elle se
1884-1889; G. Perrot et Chipiez, Histoire de Vart dan» soit relevee jamais de ce desastre.
Vantiquite, t. vi, Perse, 1890, p. 403-897; G. Rawlin- Persepolis etait situee pres de la plaine de Merdascht,
159 PERSEPOLIS — PESTE 160
au confluent de FAraxe (Bendamir) et du Medus des Juifs qui se regardaient comme des privilegies,
(Pulouan), a 40 kilometres environ de Pasargades, la soit a 1'erreur des paiiens qui refusaient a 1'esclave les
capitale primitive de la Perse, avec laquelle on 1'a au- droits de 1'homme libre. Les ennemisdeNotre-Seigneur
trefois confondue a tort. Darius, fils d'Hystaspe, fut le reconnaissent eux-memes qu'il ne juge pas les hommes
premier roi qui y etablit sa cour. D'apres Ath6nee, Deip- sur leur exterieur. Matth., xxn, 16; Luc., xx, 21. II est
nosoph., xii, p. 513, les rois de Perse residaient a Per- prescrit de ne porter aucunjugementen tenant compte
sepolis pendant trois mois en automne, mais son affirma- de 1'exterieur des personnes, de leur puissance, de leur
tion n'est pas confirmee par les autres ecrivains anciens. richesse, etc. Lev., xix, 15; Deut., i, 17; xvi, 19;
Xenophon, Cyrop., VIH, p. 22; Plutarque, De exil., xii> Job, XXXH, 21; Prov., xvm, 5; xxiv, 23; Jacob., n, 1, 9.
edit. Didot, t. iv, p. 730; Zonaras, in, 26. Quoi qu'il en Parcontre, il faut avoir egard a la personne du vieillard
soil de ce point, il est certain que Persepolis, depuis pour le respecter. Lev., xix, 32. H. LESETRE. "
Darius Ier, fut avec Suse une des residences royales. La
magnificence de ses ruines (fig. 28, col. 155), remplitles PESCHITO. Voir SYRIAQUES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
voyageurs d'admiration. Elles portent aujourd'hui le nom
de ChelMinar « les quarante colonnes ». On y voit en- PESTE (hebreu : deber, qeteb, qoteb, mdvet, reSef;
core les restes de deux superbespalais el eves par Darius Septante : quelquefois XOIJJLOI;, mais presque toujours
iils d'Hystaspe et par son fils Xerxes, en meme temps Oavatoc, « mort » ; Vulgate : pestilentia, pestis), mala-
que le reste d'autres edifices. — Voir M. Dieulafoy, L'art die epidemique qui se propage rapidement dans une
antique de la Perse, in-f°, t. HI, 1885; G. N. Curzon, population et fait perir les hommes en grand nombre/
Persia, 2 in-8°, Londres, 1892, t. n, p. 115-196. I. NATURE DE LA PESTE. — 1° Son origine. — La peste
La ville de Persepolis est-elle reellement la ville dont est due a un bacille tres court, a bouts arrondis, qu'on
parle 1'auteur du second livre des Machabees? II y a des trouve dans le pus des bubons pesteux, dans le foie,
raisons d'en douter. Le premier livre des Machabees, la rate et le sang des pestiferes, Ce bacille a ete decou-
vi, 1, place 1'evenement qui est rapporle II Mach., ix, vert en 1894, a Hong-Kong, par \ersin, de 1'Institut
2, en Elymai'de, et non dans la Perse proprement dite Pasteur. Cf. Yersin, Ann. de I'lnstitut Pasteur, Paris,
ou se trouvait Persepolis. On peut traduire le nom de Per- sept. 1894, p. 662; Netter, La peste et son microbe,
sepolis « ville ou capitale des Perses » et entendre par la Paris, 1900. II ne resiste pas a une dessiccation prolon-
Suse. Voir ELYMAIDE, t. n, col. 1712. Le temple que voulait gee pendant trois ou quatre jours, ni a une temperature
piller le roi seleucide etait dedie a Nanee. II Mach., ix, 2. de 58° pendant quelques heures ou de 100° pendant
Nanee etait une deesse elamite qui devait etre honoree quelques minutes, ni a 1'action des disinfectants habi-
a Suse et non a Persepolis. Voir NANEE, t. iv, col. 1473. tuels%
2° Sa transmission. — La peste est une maladie
PERSIDE (grec : Hspo-e'e, feminin de Ilspdcxdc, contagieuse qui se transmet par le contact direct avec
« Perse »; Vulgate: Persis), chretienne de Rome, saluee la malade ou avec des objets infectes par lui. L'air ne
par saint Paul, Rom.,xvi, 12 : « Saluez Perside, la bien- transporte pas le germe infectieux, sinon a tres faible
aimee, qui a travaille beaucoup pour le Seigneur. » distance; 1'isolement est done une cause d'immunite. Le
On ne sait plus rien sur elle. Le nom de Persis se lit sol conserve le bacille, mais en attenuant sa virulence.
comme celui d'une affranchie, Corpus inscript. Int., Certains animaux contractent et transmettent facile-
t. vi, n. 23959. ment la peste. Les rats et les souris sont les premiers
attaints et succombent en masse a la veille ou au debut
PERSONNE (hebreu : pdneh; Septante ritpoo-wTiov; d'une epidemie. Puis viennent les buffles, les pores,
Vulgate : persona), tout etre intelligent, divin ou hu- les chiens, les poules, etc. Les mouches paraissent etre
main. — L'idee abstraite de personne est etrangere a des agents directs de transmission Le bacille pesteux
1'hebreu. On y emploie le mot pdneh, « face », pour penetre dans 1'economie surtout par les lesions de 1'en-
designer uue personne en particulier. La face de veloppe cutanee, mais aussi en partie par les voies res-
Jehovah est prise pour sa personne meme. Exod., xxxm, piratoires et le tube digestif. II s'attaque a toute 1'hu-
14; Deut., rv, 37; Ps. xxi (xx), 10; LXXX (LXXIX), 17; manite, sans distinction de race, de sexe ou d'age. Sa
Lam., iv, 16; Is., LXIII, 9. Saint Paul pardonne « a la propagation est favorisee par la famine, la misere, la
face » du Christ, c'est-a-dire a cause de la personne du malproprete, le manque d'hygiene, les exces, 1'encom-
Christ. II Cor., n, 10. — D'autres fois, le mot pdnai, brement qui multiplie les points de contact. L'altitude
« ma face », se prend dans le sens de « ma personne ». et la temperature n'ont que peu d'intluence sur le deve-
II Reg., XVH, 11; Is., m, 15, etc. Une seule fois le mot loppement et la duree des epidemies.
personne se lit avec le sens que nous lui donnons en 3° Son developpement dans I'organisme. — Apres
francais. II Cor., i, 11. — Leplus souvent, les versions une periode d'incubation de trois a dix jours, quel-
se servent du mot Ttpoffwuov, persona, pour rendre les quefois de vingt-quatre heures seulement, la maladie
locutions hebrai'ques ndsd" pdnim, « lever la face », debute par des frissons, un violent mal de tete et une
hikkir pdnim, « regarder la face », gur mip-pene, fievre intense, accompagnee de delire et d'accablement.
« craindre devant la face », qui signifient en realite : Au bout de deux ou trois jours, si le cas est benin, la
juger quelqu'un d'apres 1'exterieur et se laisser influen- convalescence commence. Le plus souvent, la fievre,
cer plus que de raison par les apparences. Les versions le delire et Pinsomnie augmentent. Les bubons, ou
traduisent un peu servilementpar fftsnetv si? gonflements ganglionnaires, apparaissent a 1'aine, puis
respicere personam, « regarder au visage », a 1'aisselle et enfin au cou; ils grossissent et suppurent
Ttpdo-wirov, acciperepersonam, « recevoir la personne ». du huitieme au dixieme jour. En meme temps ou peu
II est vrai que les deux mots grec et latin designent apres, les charbons, ou tumeurs gangreneuses entou-
originairement la figure etle masque, et se rapprochent rees d'une zone tres rouge, se montrent et se developpent,
ainsi du sens de pdneh. Les auteurs sacres rappellent de preference aux jambes et au cou. La mort peut
frequemment que Dieu ne juge pas les hommes selon arriver a cette periode. La duree de la maladie est
les apparences, ou, comme nous traduisons en francais, d'environ huit jours, bien que la mort se produise par-
« ne fait pas acception » des personnes. L)eut., x, 16; fois des le deuxieme ou troisieme jour, ou meme plus
II Par., xix, 7; Job, xxxiv, 19; Sar., vi, 8; Act., x, 34; tot. La predominance des bubons fait doniier a la mala-
Rom., II, 11; Gal., n, 6; Eph., vi, 9; Col., m, 25; die le nom de peste bubonique. Elle devient peste
I Pet., i, 17. On voit que les Apotres reviennent sou- pneumonique si le mal se localise surtout sur Pappareil
vent sur cette idee pour 1'opposer soit aux pretentious pulmonaire. Des hemorragies sou&-cutanees peuvent
161 PESTE 162
produire des laches noires sur la peau; c'est alors la A. Boudin, Histoire de Marseille, cite par L. Laruelle,
peste hemorragique ou mort noire. Quand les symptomes La peste dans Vetat actuelde la science, dans la Revue
de depression s'accentuent, la maladie ressemble a des questions scientiftques, Bruxelles, juillet 1897,
une grave fievre typhoide et prend le nom de peste p. 41-43. Voir tout 1'article, p. 39-73, et E. Deschamps,
typhoidique. II y a done differentes varietes de pestes, Peste, dans le Traite de medecine de Brouardel,
les unes malignes, les autres benignes et moins conta- Paris, 1903, t. n, p. 52-58. Tel etait le spectacle que
gieuses. La peste est souvent foudroyante, notamment devaient presenter equivalemment les villes anciennes
au debut des epidemics; elle tue alors ses victimes en quand la peste y eclatait. Les rares vietimes de la
<juelques heures. Parfois, au contraire, elle est si at- peste qui echappent a la mort demeurent languissantes,
tenuee que les malades peuvent continuer a vaquer a plus ou moins paralysees et atteintes dans leur intelli-
leurs occupations. C'est alors la peste ambulatoire. gence. La peste, qui se repandait dans tout 1'ancien
4° Ses ravages. — La peste est, avec la fievre jaune, monde, est aujourd'hui confinee dans quelques foyers,
la plus meurtriere des maladies. Au debut de 1'epide- en Afrique, la Cyrenaique, et en Asie, 1'Assyrie, 1'Irak-
mie, presque personne n'echappe; on estime qu'ensuite Arabie, la Perse, le Turkestan, 1'Afghanistan, 1'Hindous-
la mortalite est en inoyenne de 50 a 60 pour cent, pou- tan et la Chine. Elle ne determine pas toujours, dans
vant aller cependant a 90 ou 95-pour cent. La periode les endroits ou elle est endemique, les memes desastres
d'activite de 1'epidemie est de huit mois environ; qu'autrefois en Europe. Mais elle a eu de temps en
ensuite la mortalite baisse lentement. Depuis la peste temps des reveils terribles, et Ton a pu constater que
d'Athenes, decrite par Thucydide, Bell. Pelop., H, 48, sa virulence ne s'etait pas attenuee avec les siecles. En
1'histoire a enregistre un certain nombre de pestes tres 1894, elle fit a Canton, en quelques semaines, 60 000
meurtrieres. La peste noire, qui sevit en Asie et en victimes. En revanche elle n'a jamais envahi 1'Ameri-
Europe de 1346 a 1361, couta la vie a 24 millions que. — Voir H. F. Miiller, Die Pest, in-8°, Vienne, 1900.
d'hommes en Europe, et probablement a un plus grand II. LA PESTE DANS LA BIBLE. — 1° Ses caracteres. —
nombre en Asie. Quelques details empruntes a la des- La peste apparait dans la Bible comme un mal qui
cription de la peste de Marseille, en 172Q, donneront effraie par sa soudainete et ses ravages. Sa nature
une idee de ce qui devait se passer dans les villes de infectieuse ressort de cefaitqu'elleaccompagne souvent
1'antiquite quand 1'epidemie les visitait. « Marseille la famine dans les villes assiegees, ou toute hygiene
presente alors le plus epouvantable spectacle; cent est rendue impossible. Mais les ecrivains sacres ne
miile personnes se craignent, veulent se fuir et se fournissent aucun detail permettant d'identifier la peste
rencontrent partout. Les liens les plus sacres sont dont ils parlent. Les noms qui la designent en hebreu
rompus. Tout ce qui languit est deja repute malade, sont des termes generaux, impliquant 1'idee de mort,
tout ce qui est malade est regarde comme mort. On mais convenant a diverses calamites. Pour rendre ces
s'echappe de sa propre maison, ou quelques parents differents termes, les Septante n'ont guere que le mot
rendent le dernier soupir; on n'est recu dans aucune QdcvaTo?, « mort», dont la signification est tres etendue.
autre. Les portes de la ville sont encombrees d'une Cf. Ose., xni, 14. II est done a croire que les termes
foule empressee de se derober au souffle empoisonne. du texte hebreu visent des affections morbides assez
Les gens du peuple campent sous des tentes... Hen est diverses, n'ayant de commun que leur caractere viru-
qui vont chercherun refuge sur le sommet des collines lent, leur extension rapide et la multiplicity de leurs
ou dans le fond des cavernes. Les marins se croient ravages. Le typhus, la peste noire, le cholera, et d'autres
plus heureux parce qu'ils vivent dans des barques sur epidemics analogues ont done pu sevir sur les Israe-
leport. Mais la mer et les ruisseaux, les collines et lites et leurs voisins, sans qu'il soit possible de preci-
les cavernes ne protegent point centre les atteintes de ser, en aucun cas, la nature specifique du mal. Cf.
la contagion... Toutes les boutiques fermees, le com- W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stutt-
merce arrete, les travaux interrompus, toutes les rues, gart, 1901, p. 100-101.
toutes les places, toutes les eglises desertees; ce n'est 2° Pestes mentionnees dans la Bible. — 1. Apres la
encore la qu'un premier coup d'ceil de la devastation peste du betail, qui constitue la cinquieme plaie
de Marseille. Quelques jours apres, 1'aspect de Marseille d'Egypte, Exod., ix, 3-6, un autre genre de peste
etait effrayant. De quelque cote qu'on jette les yeux, on s'abattit, sous forme de pustules, sur les hommes et
voit les rues jonchees des deux cotes de cadavres qui les animaux. Exod., ix, 8-11. Ce fut la sixieme plaie.
s'entretouchent et qui, etant presque pourris, sont Voir PUSTULES. Sur le mal epidemique qui frappa les
hideux et effroyables a voir. Comme le nombre des Philistins detenteurs de 1'Arche, voir OFALIM, t. iv,
forcats qu'on a pour les prendre dans les maisons est col. 1757. — 2. La peste signalee sous David, a la suite
beaucoup inferieur pour pouvoir dans tous les quartiers du denombrement, dura trois jours et fit perir 70 OCO
les retirer journellement, ils y restent souvent des se- hommes. Reg., xxrv, 15; I Par._, xx/, 12-14. L'exe'cution
maines entieres et ils y resteraient encore plus long- de la sentence divine est alors confiee a un ange, « qui
temps, si la puanteur qu'ils exhalent et qui empeste promene la mort dans tout le territoire d'Israel. »
les voisins ne les determinait, pour leur propre conser- Cette peste est presentee comme un chatiment divin,
vation, de faire un effort sur eux-memes et d'aller les que David lui-meme prefera a une famine de trois ans
retirer des appartements ou ils sont pour les trainer et a une guerre de trois mois. Elle commence et elle
sur le pave. Ils vont les prendre avec des crocs et les s'arrete sur 1'ordre de Dieu. II y a done la une epide-
iirent de loin avec des cordes jusqu'a la rue; ils font mie qui peut etre naturelle en elle-meme et analogue
«ela pendant la nuit pour etre libres de les trainer le a celles qui sevissaient de temps en temps, mais qui
plus loin qu'ils peuvent de leurs maisons et de les fut surnaturelle dans ses circonstances. — 3. Sous le
laisser etendus devant celle d'un autre qui fremit, le roi Ezechias, 1'ange de Jehovah fit perir en une nuit
lendemain matin, d'y trouver ce hideux objet qui 185 000 hommes de 1'armeede Sennacherib, aux environs
3'infectaet lui porte 1'horreur et la mort. On voit tout de Jerusalem. IV Reg., xix, 35; Is., xxxvii, 36. Josephe,
le cours, toutes les places, tout le port, traverses de ces Ant, jud., X, i, 5, attribue ce ravage a une peste,
cadavres qui sont entasses les uns sur les autres. Sous Xo^txVi vodo;. Mais les textes ne donnent aucun detail
chaque arbre du cours et des places publiques, sous permettant de reconnaitre le genre de maladie. II ne
1'auvent de chaque boutique, on voit entre tous ces serait pas impossible que 1'agent employe par Dieu ait
cadavres un nombre prodigieux de pauvres malades et ete le typhus, qui se distingue de la peste par 1'absence
meme des families tout entieres, etendus miserablement de bubons et de charbons, mais dont on a observe
sur un peu de paille ou sur de mauvais matelas. » frequemment le developpement au milieu des armees
DICT. DE LA BIBLE. V. -6
163 PESTE — PETAU 164
en campagne, au point de lui faire donner le nom de « de la parole funeste », comme ont lu les versions.
typhus des camps. « Le typhus est une des affections II n'a a craindre, Ps. xci (xc), 3, 6 :
les plus graves, les plus meurtrieres. La proportion de Ni la peste (deber) qui marche dans les tenebres,
mortalite ne saurait etre calculee; elle varie essentielle- Ni la contagion (qeteb) qui ravage en plein midi.
ment suivant les lieux, les circonstances au milieu
desquelles la maladie ectate. Ainsi, dans quelques epi- Deux p.rophetes, Jeremie et Ezechiel, reviennent fre-
demies, presque tous les malades succombent, ou bien quemment sur la menace de la peste. Us joignent ordi-
la mortalite en enleve la moitie, les deux tiers. » nairement trois fleaux : 1'epee, la famine et la peste.
Grisolle, Traite de pathologie interne, Paris, 1874, t. I, Jer., xiv, 12; xxi, 7,9; xxiv, 10; xxvn, 8,13; xxix, 17-
p. 71. L'intervention de Dieu aurait rendu le mal parti- 18; xxxn, 24, 36; xxxiv, 17; xxxvni, 2; xm, 17, 22;
culierement meurtrier pour les soldats de Sennacherib. XLIV, 13 ; Ezech., vn, 15; xii, 16. Dans une ville assie-
Herodote, ir, 141, confirme le fait, tout en le denatu- gee, IPS trois fleaux s'appellent 1'un 1'autre. L'ennemi
rant. D'apres cet historien, 1'armee assyrienne campait empeche le ravitaillement et souvent »accapare les
devanl Peluse, dans le delta du Nil, quand une multi- sources; la famine et les maladies infectieuses sont
tude de rats rongerent dans le cours d'une nuit les bientot la consequence du siege. C'est la ce dont les
carquois, les arcs et les courroies des soldats, si bien prophetes menacent Jerusalem. Ezechiel, XXVIH, 33,
que, devenus incapables de se servir de leurs armes, appelle contre Sidon la peste et 1'epee; il ne parle pas
les Assyriens n'ettrent plus qu'a prendre la fuite le de famine, parce que la ville pouvait se ravitailler par
lendemain. Cette invasion de rats est curieuse a noter. mer. Une autre fois, faisant echo a la menace de Moi'se,
Peut-etre pourrait-elle etre 1'indice d'une peste a il annonce 1'envoi contre Jerusalem de « quatre chati-
laquelle, comme il arrive d'ordinaire, ces rongeurs au- ments terribles, 1'epee, la famine, les betes malfaisantes
raient succombe les premiers. — Sur la maladie du roi et la peste. » Ezech., xiv, 19, 21. La mention des trois
Ezechias, voir ULCERE. — 4. Amos, iv, 10, mentionne principaux fleaux s'est perpetuee dans 1'Eglise. L'une
une peste qui sevit de son temps, sous le roi Jeroboam des invocations des litanies des Saints demande encore
II, bederek, « a la maniere » de la peste d'Egypte, et que les fideles soient preserves a peste, fame et bello.
non ev <5Sw, in via, « surle chemin » de 1'Egypte, comme 4° La peste des animaux. — Jeremie, xxi, 6, predit
traduisent les versions, qui ont pris derek dans son qu'a Jerusalem Dieu frappera de. la peste nommes et
sens ordinaire de « route ». Le prophete fait e"galement betes. Les animaux d'Egypte furent atteints par les pus-
allusion a la puanteur des camps montant jusqu'aux tules de la sixieme plaie, ix, 9-iO. La plaie precedente
narines, ce qui permet de penser que 1'epidemie s'eten- avait ete particuliere a ceux qui se trouvaient dans les
dit surtout sur les armees de Jeroboam. — Bien d'au- champs, chevaux, anes, chameaux, boaufs et brebis.
tres pestes que celles-la se produisirent sans nul doute Exod., ix, 3, 6. Les animaux domestiques ont toujours
dans le cours de 1'histoire d'Israel. La plupart furent ete extraordinairement nombreux dans les champs de
limitees, moins meurtrieres et dues a des causes pure- la Basse-Egypte et parfois les epizooties y exercent de
ment naturelles. Josephe, Ant. jud., XV, vu, 7, cite prodigieux ravages. Cf. Vigouroux, La Bible et les
une peste qui, au temps d'Herode, fit perir beaucoup decouvertes modernes, 6e edit., t. n, p, 329. Le texte
d'hommes du peuple etde courtisans. Quelques annees sacre ne permet pas de preciser le genre de peste qui
plus tard, la disette fut accompagnee d'une nouvelle constitua la cinquieme plaie. Le typhus du gros betail,
peste; le double mal se prolongea durant deux ans et la fievre charbonneuse, la peripneumonie contagieuse
causa de grands ravages. Ant. jud., XV, ix, 1. Notre- ou d'autres causes infectieuses ont pu facilement entrer
Seigneur avait predit que des pestes et des famines en activite sur I'ordre de Dieu, tout en resultant natu-
pre'cederaient la ruine de Jerusalem. Matth., xxiv, 7; rellement de la putrefaction engendree. par les ca-
Luc., xxi, 11. Pendant le siege de la ville, la peste ne davres des grenouilles de la seconde plaie, ou des pi-
put manquer de se joindre aux autres maux, quand il qures envenimees des cousins et des mouches des deux
fallut laisser les cadavres sans sepulture dans les rues, plaies suivantes. Cette plaie n'atteignit du reste que les
dans les maisons et autour des murailles. Cf. Josephe, animaux laisse"s dehors, dans les champs. Cf. S. Augus-
Bell, jud., V, xii, 3; xni, 7; VI, i, 1, etc. tin, In Heptat., n, 33, t. xxxiv, col. 608. Les autres
3° Les menaces de peste. — 1. Le Seigneur menace les devaient etre frappes par la sixieme plaie, sans cepen-
Israelites infideles de trois fleaux : 1'epee, c'est-a-dire la dant en perir. C'est ce qui permit ensuite au pharaon
guerre, la peste et la famine. Lev., xxvi, 25. Apres une de pouvoir atteler sa charrerie pour la mettre a la
revolte du peuple au desert, Jehovah veut le detruire par poursuite des Hebreux. Exod., xiv, 6-9. — 5° Les ver-
la peste etne pardonne que sur les instances de Moi'se, sions parlent quelquefois de pestilence, Ps, I, 1, et
en stipulant cependant qu'aucun des coupables ne verra d'homme pestilent, Prov., xv, 12; xix, 25; xxi, 11;
la Terre Promise. Num., xiv, 12, 23. La menace de la xxix, 8; I Mach., x, 61; xv, 3, 21, dans des passages
peste et de toutes sortes de maladies est encore rappelee ou il n'est question que d'impiete ou d'impies. Les
dans le Deuteronome, XXVIH, 21-26. Dans son cantique, Juifs appellent saint Paul « une peste », TOV avSpa
Moiise y joint la mention de la famine, des betes feroces TOUTOV >oi[j.6v, hunc hominem pestiferum, Act., xxiv, 5,
et de 1'epee. Deut., xxxn, 24, 25. Cette menace repondait c'est-a-dire un homme qu'ils jugent dangereux comme
a une crainte deja ancienne parmi les Hebreux. Quand la peste. H. LESETRE.
Moise se presenta pour la premiere fois devant le pha-
raon, il lui demanda 1'autorisation d'emmener son PETASE (grec : Trlrairo;), chapeau a fond bas et a
peuple a trois jours de marche dans le desert, « pour larges bords dont etaitcoiffe le dieu Mercure. II Mach,,
offrir des sacrifices a Jehovah, afin qu'il ne nous frappe iv, 12, dans le texte grec, Voir MERCURE, 2°, t. iv, col. 992.
pas de la peste ou de 1'epee. » Exod., v, 3. — 2. Des
prieres sont adressees au Seigneur dans le Temple de PETAU Denis, theologien francais, ne a Orleans
Salomon, pour qu'il preserve les Israelites de la peste en 1583, mort a Paris le 11 decembre 1652, entre au
et des autres fleaux, III Reg., vui, 37; II Par., vi, 28, noviciat de Nancy en 1605, professa d'abord la rheto-
et le Seigneur promet de les exaucer. II Par., vu, 13. rique puis, pendant 22 ans, la the'ologie dogmatique au
Ces prieres sont reiterees sous Josaphat, II Par., xx, 9. college de Clermont a Paris avec un r<are succes.
Du reste, la peste est le chatiment de 1'infidelite; quant Petau n'appartient a 1'exegese que par la paraphrase en
au juste, qui met sa confiance dans le Seigneur, il est vers grecs de tous les Psaumes de David et des can-
a 1'abri « de la peste funeste », mid-deber havvot, et tiques de la Bible : Atovuo-t'ov TOU neraSt'oy... Trapa-
non mid-ddb&r, dub Xdyou Tapo^wSov?, a verbo aspero,
165 PETAU — PfiTRA 166
•uwv EV TOCI? Upas? 616X01?; cette paraphrase est accom- de 600 kilometres de la Palestine. Thothmes III s'etait
pagnee d'une sorte de traduction latine pour la coinrao- deja emparede Pethor, lors de ses conquetesdans 1'Asie
dite de ceux qui ne savent pas le grec. In-12, Paris, anterieure, comme on le voit sur les listes de Karnak
1637. —On peut signaler aussi ses commentaires sur ou le pharaon enumere ses victoires. H. Brugsch, Ge-
Job et Osee restes manuscrits, ainsi qu'une paraphrase schichte Aegyptens,\Sll, p. 454, n. 280; W. M. Miiller,
en vers grecs sur les Lamentations de Jeremie et des Asien und Europa nach altdgyptischen Denkmdlern,
remarques sur Jeremie, Ezechiel et Daniel. 1893, p. 291. Cf. J. Menant, Annales des rois d'Assy-
P. BLIARD. rie, 1874, p. 98; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Si-
PETERSEN Jean Guillaume, theologien protestant bliothek, t. I, p. 133, lig. 37-40; p. 163, lig. 36; p. 173,
et visionnaire allemand, ne a Osnabruck en 1649, mort lig. 85-86. C'est a tort que J. Marquart, Fundamente
pres de Magdebourg le 31 Janvier 1727. Apres avoir israelitischer und judischer Geschichte, 1896, p. 74,
etudie a Lubeck, a Giessen et a Rostock, il fut nomme et H. Winckler, dans Schrader, Keilinschriften und
pasteur a Hanovre, puis surintendant dans le diocese das alte Testament, 3e edit., p. 148, pretendent que
de Lubeck. Ministre a Lunebourg, il fut accuse de Pethor etait en Egypte.
renouveler les erreurs des Millenaires et force, en 1692,
de renoncer a la predication. On lui reprochait en outre PETRA (hebreu : ybo, Sela', « pierre »; employe
de regarder toutes les religions comme egalement parfois sans article, Is., xvi, 1; XLII, 11, quelquefois avec
bonnes. 11 se retira alors pres de Magdebourg, conti- 1'article, ybpn, has-Sela', Jud., i, 36; IV Reg., xiv, 7;
nuant avec 1'aide de sa femme a propager toutes ses
erreurs. Nous citerons parmi les ecrits de ce vision- Septante : IIsTpa, YI Tletpa; Vulgate : Petra), ville de
naire : Psalmen Davids, nach demMaas der ertheilten 1'Idumee (fig. 30). Voir Ed. Robinson, Biblical Resear-
Gabe Christi, in deni reichesten prophetischen Sinne, ches, 2e edit., 1856, t. n, note xxxvn, p. 521-524. D'apres
durch den Schlussel Davids aufgeschlossen, in-4°, le sentiment general des interpretes, il est question de
Francfort et Leipzig, 1719; Zeugniss lesu aus. dem ko- cette ville dans les quatre passages bibliques cites plus
niglichen • Propheten lesaia durch den Geist der haut, et probablement aussi II Par., xxv, 12, texte paral-
Weissagung, von Capitel zu Capitel erkldrt, worin-
nen gezeiget wird, dass der Geist Goltes nebst der
vergangenen, auch auf die gegenwdrtige, ingleichen
auf die nachfolgende Zeit nach seinem volligen Sinn
gedeutet habe, in-4°, Francfort, 1719; Zeugniss lesu
in dem Propheten Jeremia, in-4°., Francfort, 1719;
Zeugniss lesu aus dem Propheten Ezechiel, durch
den Geist der Weissagung dargethan, in-4°, Franc-
fort, 1719; Sinn des Geistes in dem Propheten Daniel,
in-4°, Francfort, 1720; Apostolischer Zusammenhang,
darinnen das verkldrte Evangelium so wohl in der 30. — Monnaie de Petra.
Apostelgeschichte : als,in alien Episteln Paulli, Petri, Buste d'Hadrien a droite, tfete laur^e, epaules drapees.
loannis, lacobi and ludse in der Connexion, als dem KPATWP. — ^. P6tra assise sur un rocher tenant daus la main
gauche un trophe'e. Dans la droite un patere. IIETPAMHTPO-
Schlussel der ivahren Exegesis und Erforschung des HOAIG.
Sinnes und des Geistes hervorleuchtet und gezeiget istf
in-4°, Francfort, 1722; Erkldrung der zwdlf kleinen
Propheten, in-4°, Francfort, 1723. Erkldrung des Ho- lele a IV Reg., xiv, 7. — Le texte, Jud., i, 36, mentionne
henliedes Salomonis, in-8°, Budingen, 1728. J.-G. Pe- simplement Petra comme formant la limite du territoire
tersen ecrivit lui-meme sa biographic : Lebensbe- des Amorrheens. — IV Reg., xiv, 7, il est dit qu'Amasias,
schreibung J. W. Petersen's, der heiligen Schrift Doc- roi de Juda, « battit 10 000 Idumeens dans la vallee du
toris, vormals Professoris zu Rostock, in-8°, Halle, 1717, Sel, » c'est-a-dire de la mer Morte, et qu' « il s'empara
et sa femme deux ans plus tard 1'imita en publiant : de Sela' » ou Petra. — II Par., XXY, 11-12, nous lisons
Leben Frauen J. E. Pelersen, Gebohrner von und qu'apres cette victoire d'Amasias, ses troupes se saisi-
zu Merlau, Rerun Dr J. W. Petersen's Eheliebaten, rent d'un grand nombre d'Idumeens, qu'ils menerent
in-8°, s. 1. (Halle), 1719. — Voir en outre Walch, sur la hauteur de Petra (hebreu, Sela'; Vulgate : ad
Biblioth. theologica, t. iv, p. 496, 528, 538, 545, 552, prseruptum cujusdam petrw), d'ou ils les precipiterent.
557, etc. C. HEURTEBIZE. — Isai'e, xvi, 1, suppose idealement que les Moabites, bat-
tus par les Hehreux et refugies a Petra, envoient de la le
PETHOR (hebreu : Petor; Septante : <$a6oupa; tribut au roi de Jerusalem, pour faire leur soumission;
Alexandrinus : BaGoupa), ville de Mesopotamia, patrie XLII, 11, le meme prophete invite les habitants de Sela'
de Balaam. La Vulgate a traduit ce nom de lieu par a chanter avec tout 1'univers la gloire du Dieu d'Israel.
ariolum, « devin, » dans Num.,xxn, 5, tandis queles — Le prophete Abdias fait au moins allusion a Petra
Septante 1'ont conserve comme nom propre. Dans le aux $. 2-4 de sa prophetie :
second passage ou le texte hebreu mentionne cette ville, [Edom], je te rendrai petit parmi les nations...
Deut., xxin, 4 (Vulgate, 5), il est omis par les Septante et L'orgueil de ton cceur fa egare,
par saint Jerome. C'est a Pethor que Balac, roi de Moab, Toi qui habites le creux des rochers (sela'),
envoya chercher Balaam, afin de lui faire maudire les Qui t'assieds sur les hauteurs,
enfants d'Israe'l. Voir BALAAM, t. i, col. 1319. Le Deute- Et qui dis en toi-meme :
ronome nous apprend que Pethor etait une ville d'Aram Qui me precipilera jnsqu'a terre?
Quand tu eleverais ton aire comme 1'aigle,
Naharaiim ou Mesopotamie et les Nombres, qu'elle etait Quand tu la placerais au milieu des 6toiles,
situee sur « le fleuve du pays des fils de son peuple » Je t'en precipiterai, dit Jehovah.
(Vulgate par erreur : des tils d'Ammon) c'est-a-dire de
PEuphrate. Le nom de cette ville, enassyrien Pitru, se I. IDENTIFICATION. — II n'y a pas de doute que Pan-
lit sur 1'obelisque de Salmanasar. Voir Eb. Schrader, cienne Sela' ne corresponde a la Petra des Grecs et
Keilinschriften and Geschichtforschung, 1878, p. 140, des Romains. Les passages de la Bible qui la mention-
220, 231. Elle etait situee sur le haut Euphrate, au nent la placent tous dans 1'Idumee et font d'elle une
confluent de ce fleuve et du Sagur, qui vient de I'ouest, ville importante de cette region. Les caracteres de Petra
a une centaine de kilometres au nord-est d'Alep, a plus conviennent fort Men a ce que les ecrivains sacres
167 168
nous disent de Sela* : aussi est-ce d'une maniere a mentee; les moindres ravins sont des precipices. Les
peu pres unanime qu'on a identifie de tout temps les rochers nus qu'on voit de toutes parts consistent parfois
deux localites. Voir Eusebe, Onomastica sacra, Goettin- en calcaire; mais le plus habituellement en gres, et
gue, 1870, p. 147, 286. L'ancien nom hebreu de Petra ces gres ont des colorations merveilleuses, dont les
semble avoir ete conserve sous la forme Sal', que 1'ecri- visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le
vain arabe Yalkout emploie pour designer une forteresse jaune dominent; mais on rencontre toutes les nuances,
situee precisement dans 1'ouadi Mouca, sur 1'empla- depuis le rouge presque npir jusqu'au rose tendre, et
cement de Petra. Noldeke, Der arabische Name von depuis le jaune fence jusqu'au jaune citron; au lever
Petra, dans fa Zeitscfirift der deutsehen morgenlan- et au coucher du soleil ces teintes sont tres agreables
dischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les mines a contempler. Aufrefo/s, la vallee etait cuJtivee avec
de Petra sont situees dans la vallee que les Arabes ap- soin; elle est maintenaut sans culture aucune, quoique
pellent Ouadi Mouca, « Vallee de Moi'se, » et ils lui ont 1'eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de
attribue ce nom parce qu'ils placent en ce lieu 1'un des murs de soutenement prouvent qu'on avait des jardins
rochers qui, frappes par Moise, fournirent aux Hebreux en terrasses.
une eau miraculeuse durant leur marche a travers le Le gres est tres friable de sa nature; aussi les mon-
desert. « Le fond de la cuvette ou etait autrefois la ville tagnes de Petra n'ont-elles pas echappe a Terosion du
elle-rneme, est bossue, mamelonne; 1'ouadi Mouca la temps, et elles continuent de se desagreger chaque
coupe sensiblement par le milieu en allant de Test a jour; en s'effritant ainsi, elles prennent les formes les
1'ouest. Ce nom de Ouadi Mouca a ete donne par les plus variees, les plus bizarres. Lorsque d'en haut on
Arabes a 1'ensemble de Petra et a son debouche vers jette un coup d'oeil sur le sommet des rochers, on
TArabah. » J. de Kergorlay, Petra, dans la Revue des dirait une mer etrange, dont les vagues se seraient
deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Petra a donne figees. Emplacement singulier, sans doute, pour y ins-
son nom a 1'Arabie Petree; en effet, 1'epithete « Petree » taUer une ville importante. L'histoire de Petra va nous
n'a pas le sens de pierreuse, rocheuse; il s'agit du dis- faire comprcndre pourquoi il fut choisi.
trict de 1'Arabie dont Petra etait la capitale : ^ xa-ra III. HISTOIRE DE LA VILLE. — Un profond mystere
IHrpav 'Apa6ta. Agathemerus, Geographic expositio enveloppe la fondation de Sela", qui se perd dans les
campendiara, vi, 21, dans C. Muller, Geographi grseci temps les plus recules. A 1'origine, les habitants de
minores, edit. Didot, t. n, p. 499. la contree etaient les Horreens (voir HORREENS, t. in,
II. SITUATION GEOGRAPHIQUE. — Petra etait situee par col. 757-758), c'est-a-dire des Troglodytes. Ils sont men-
30° 19 de latitude N. et35« 31 de longitude E., au cosur tionnes Gen., xiv, 6, a 1'epoque d'Abraham etde Chodor^
<!es montagnes d'Edom, a peu pres a mi-chemin entre lahomor. C'est par eux que doivent avoir ete creusees
1'extremite sud de la mer Morte et la pointe nord du les premieres grottes de Petra, qui n'etaient encore que
golfe d'Akabah. Voir la carte, t. nr, col. 330. On compte de grossieres cavites. Plus tard, les Horrheens furent
cinq jours de marche pour la premiere partie, six pour supplantes par les Edomites, qui descendaient d'Esaii,
la seconde; environ 100 kil. a partir de la pointe d'Aka- Deut. 11,12, 22. Grace a ceux-ci, Sela* acquit alors une
bah. Petra se trouvait a 500 milles remains de Gaza, importance nouvelle, bien qu'elle ne fut pas leur capi^
Pline, H. N., vi, 22, au pied du mont Hor, Josephe, tale; cet honneur appartenait a Bosra. Voir BOSRA 1,
Ant. jud., IV, iv, 7, sur les contreforts orientaux de la 1.1, col. 1859. Vers la fin du ixe siecle avant notre ere?
longue et profonde vallee, nominee Arabah, qui unit la elle fut conquise par Amasias de Juda, qui la detruisit
mer Morte a la mer Rouge. Elle appartient maintenant en partie et lui donna le nom de Jectehel. Voir JECTEHEL,
a la province du Hedjaz. Elle etait comme isolee du t. in, col. 1216. Aussi n'est-il plus question d'elle pen-
reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques dant quelque temps dans les saints Livres. Amos, I,
qui 1'entourait. « A Test, a 1'ouest, se dressent des 12, ne mentionne pas Sela1 parmi les villes du pays
parois abruptes; au nord, les hauteurs decoupees par d'Edom. Toutefois, elle etait trop bien situee, pour ne
des ravins paralleles limitent 1'horizon d'une arete pasredevenir une ville tres importante.
continue; au sud, les pentes sont plus douces, mais C'est aux Nabutheens qu'elle dut la periode la plus
la aussi une muraille de gres forme le rebord du bas- florissante de son histoire. Ce petit peuple d'origine
sin. ». E. Reclus, Nouvelle geogr. universelle, t. ix, semitique, voir NABUTHEENS, t. iv, col. 1444, venu
1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'etalaient les d'Orient on ne sait pas au juste a quelle epoque, etait
habitations et les monuments de Petra n'est aisement beaucoup plus trafiquant que guerrier. II possedait des
abordable que de deux cotes. On peut y penetrer richesses enormes, et il avait besoin, sur 1'un des che-
par le sud-ouest, en suivant un sentier de montagne mins frequentes par les caravanes, d'un endroit sur,
rude et escarpe. L'entree la plus naturelle, comme difficilement accessible, a 1'abri d'un coup de main des
aussi la plus pittoresque, est du cote de Test; elle maraudeurs arabes, qui put servir d'entrepot a ses mar-
consiste dans un long defile, qui porte le nom arabe chandises, et de residence aux vieillards, aux femmes
de Slk. Rien n'est plus saisissant que cette gorge et aux enfants, durant ses deplacements commerciaux.
etroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute Petra convenait admirablement pour ce but. D'un cote,
de 80, 100 et 200 metres, qu'bn suit pendant plus d'une par sa situation m£me. elle etait facile a defendre centre
heure, en longeant le cours d'eau principal de Petra, une invasion; de 1'autre, elle se trouvait au centre des
auqnel le Sik sert de lit. Strabon, XVI, iv, 21, et Pline, routes les plus frequentees d'alors par ]e commerce :
R. N., vi, 32, mentionnent aussi cet etrange couloir, route d'Egypte a Damas, route deGaza, route d'Akabah,
ou parfois deux charneaux charges ont de la peine a route du golfe Persique, etc. Pline, H. N., vi, 32. De
passer de front, et dont mainte portion est inaccessible nombreux marchands romains et etrangers s'y etaient
au soleil. Les tombes et les temples tailles dans le roc installes a 1'epoque de Strabon, loc. cit., et Diodore de
y font leur apparition assez longtemps avant qu'on Sicile, xix, 98, compare a des armees les caravanes qui
n'arrive a Petra. . traversaient ces parages. Vers 1'an 300 av. J.-C., et
En sortant du Sik, on se trouve dans le bassin ou meme un peu plus tot, Petra nous apparalt done tout a
etait batie la ville. Sa forme est a peu pres quadran- coup comme la capitale des Nabutheens, qui s'en
gulaire. D'apres Pline, H. N., vi, 32,: sa largeur etaient empares a leur tour, peut-6tre au ve ou au
etait de deux milles remains ; ce qui correspond assez ive siecle. A deux reprises au moms, les Seleucides,
exactement aux mesures indiquees par les voyageurs qui gouvernaient alors la Syrie, essayerent de la reduire,
les plus recents : de 1500 a 1800 m. du S. au N.; de car ses richesses les tentaient; mais ils furent repous-
1000 a 1200 de 1'E. a I'O. La nature est dechiree, tour- ses vigoureusement. Diodore de Sicile, xix, 95. Josephe
169 170
nous apprend que, vers i'an 70 avant notre ere, elle siecle plus tard, 105 apres J.-C., Trajan 1'incorpora a
servait de residence a 1'un des princes arabes nommes 1'empire; il 1'agrandit et remhellit considerablement.
Aretas, et qu'elle fournit ensuite un refuge a Hyrcan II, Dion Cassius, LXVIII, 14. Son successeur, Adrien, la prit
roi de Jerusalem. Josephe, Ant. jud., XIV, n, 3; Bell, en afifection singuliere, lui donna son nom, « Hadriana »,
jud., I, vi, 2. et tailla dans ses enormes rochers de nouveaux edi-
Al'epoquedePompee, Petra devint tributaire de Rome, fices. Mais,peu de temps apres, le commerce se detourna
comme tout le reste du lerritoire des Nabutheens. Un \ers Palmyre; les Nabutheens cesserent d'avoir le
171 PETRA
monopole des transports et la decadence de Petra ornees de facades, de colonnes ou de pilastres, de fron-
commenca. Sous les empereurs byzantins, ce .n'etait tons, etc. Le tout est monolithe, le gres se pretant aise-
plus qu'une simple bourgade. Les Arabes acheverent ment, par la souplesse de son grain, a toutes sortes de
sa ruine au vne siecle, lorsqu'ils en furent devenus sculptures. L'architecture de ces divers edifices est
maitres, et elle devint bientot un lieu de desolation extr^mement variee : on y trouve les styles egyptien,
complete. Au moyen age, entre les annees 1260 et syrien, grec, remain. Les tombes sont souvent super-
1277, elle recut la visite du sultan d'Egypte Bibars, qui posees et elles atteignent presque les sommets les plus
fut frappe, lui aussi, de la coloration de ses rochers et eleves des montagnes; on avait pratique des escaliers
de ses monuments tailles dans le roc. "Voir Quatre- dans le roc, pour arriver jusqu'a elles. En un endroit,
mere, Memoire sur les Nabateens, dans le Journal on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont
asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit 10,15,20 m. de hauteur. Parfois, la chambre sepulcrale
completement de vue.EUe n'a ete retrouvee qu'en 1812, etait de dimensions considerables; une entre autres,
par le celebre explorateur allemand Bufckhardt. Ce qui a de 10 a 12 m. de haut et 18 m. de large.
furent deux Frangais, L. de Laborde et Linant de Bel- Quelques-uns des monuments de Petra sont en dehors
lefonds qui leverent, en 1830, le premier plan exact de son enceinte. Dans le Sik, a une certaine distance
des ruines; non sans peril, car les Bedouins qui habi- de la ville, on aper^oit tout a coup, avec une legitime
tent ou frequentent ces parages sont agressifs, supers- admiration, a un tournant du defile, le Kazneh Fir-
litieux et pillards. On compte les visiteurs qui s'y sont
succ^de a d'assez rares intervalles. Voir leur liste dans
Libbey, The Jordan Valley, t. n, p. 325. L'antique
Sela' n'est plus habitee aujourd'hui que par quelques
miserables families, qui vivent dans les tombes. Elle
a eu sa part de la malediction lancee centre 1'Idumee.
Cf. Jer., XLIX, 14-19. — Au commencement du ve siecle
de notre ere, Petra etait un siege metropolitain, qui
dependait du patriarcat de Jerusalem. On ignore a
quelle £poque et dans quelles circonstances le christia-
nisme y avait penetre. La tradition d'apres laquelle
saint Paul serait venu a Petra lorsqu'il se retira en
Arabie apres sa conversion, cf. Gal., i, 17, pourrait
bien n'4tre qu'une legende.
IV. ETAT ACTUEL. — Bien que Petra ne soit plus
aujourd'hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus,
loc. cit., p. 797, ses ruines comptent parmi les plus re-
marquables que nous ait leguees 1'antiquite.
De la cite meme, batie dans la vallee, il ne reste a
peu pres rien. Elle a ete « tellement bouleversee,
<ju'en certains endroits il est difficile de retrouver les
traces des rues, des places ou des carrefours. Un- grand
temple bien delabre, les debris des decorations qui
ornaient la voie triomphale sur les bords d'un oued
flesseche, des culees de ponts, quelques colonnes et
des dizaines d'hectares de pierres culbutees pele-mele,
sous lesquelles s'abritent des legions de serpents et
de scorpions, voila, a 1'heure presente, Fantique ville »
de Petra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1907,
p. 824. 32. —Kazneh Firaoun. D'apres une photographic.
Dans la partie meridionale de 1'emplacement de la
cite, on distingue en particulier une plate-forme qui aoun ou « tresor de Pharaon », taille dans la paroi
parait avoir ete 1'agora ou le forum, les restes d'un rose du rocher et orne de deux rangees de colonnes
temple, un arc de triomphe et surtout, tout a fait a superposees, avec des bas-reliefs dans 1'intervalle; il
I'ouest, le Qasr Fir'aoun ou « Chateau de Pharaon », est dans un etat de conservation remarquable, et c'est
vaste edifice carre qui etait probablement un temple. une veritable merveille dans ce desert (fig. 32). C'est
C'est 1'edifice le mieux conserve de la ville proprement une tombe d'ordre corinthien; les salles interieures
dite; mais son style n'a rien d'extraordinaire, et il date sont tres simples. Dans la direction opposee, au nord-
sans doute d'une epoque relativement tardive. Au sud-est est et environ a une heure de marche de la ville, on
on admire, entierement taille dans le roc, un amphi- trouve le Deir, le « couvent », qui reproduit en grand et
theatre qui a jusqu'a 33 rangees de gradins, et qui pou- avec moins de grace le plan du Kazneh. Ses propor-
vait contenir 3000 spectateurs. Dans la partie septen- tions sont colossales : 45 m. de developpement sur 40
trionale, au nord de la riviere, specialement du cote de hauteur; 1'eglise de la Madeleine a Paris n'est pas
fle 1'est, on voit quelques-uns des monuments les plus aussi grande. Ainsi qu'il a ete dit plus haut, quelques-
somptueux de Petra. Ce sont des tombeaux egalement unes des tombes remontent vraisemblablement jusqu'a
creuses et sculptes dans le rocher : entre autres, une 1'epoque lointaine des Horreens. Deux Hauts-Lieux,
grande tombe a trois etages de colonnes — on en decouverts reeemment, 1'un au sommet d'une montagne
compte jusqu'a dix-sept au second etage — une tombe qui domine la vallee de Petra, 1'autre a I'ouest, du
eorinthienne, un autre tombeau muni d'une terrasse cote du mont Hor, sont pareillement tres anciens. Sur
et de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarterly
directions, et particulierement au nord et a I'ouest du Statement, octobre 1900; Mittheilungen des deutsch.
parallelogramme forme par la vallee, les. montagnes Palastina Vereins, 1901, n. 2, p.21,et sur^out la Revue
qui entourent Petra sont remplies de tombes plus sim- biblique Internationale, t. xn, avril 1903, p. 280-288.
ples, taillees elles aussi dans le rocher et ne presen- La plupart des edifices proprement dits ne datent que
tant aucun ornement exterieur. On pent les compter du dernier siecle anterieur a notre ere ou des deux
par milliers. Les tombes plus riches sont elegamment premiers siecles apres J.-G.
173 PETRA — PETROPOLITANUS (CODEX) 174
V. BIBLIOGRAPHIE. — Reland, _Palssstina ex monu- pas _le mot miS'eret et font envelopper directement la
mentis veteribus illustrata, 1714; Burckardt, Reisen pate dans les manteaux. — Suivant la conduite des
in Syrien, 1823, t. n, p. 703-708; Leon de Laborde et Israelites, Dieu benira ou maudira leur tenff et leur
Linant de Bellefonds, Voyage dans I'Arable Petree, mis'eret, c'est-a-dire leur corbeille a provisions, cf.
\ Paris, 1830-1834; E. Robinson, Palsestina und die sud- t. n, col. 963, et leur petrin. Deut., xxvm, 5,17 (dans les
lich angrenzenden Lander, Halle, 1842, t. in, p. 60, Septante : « tes magasins et tes restes », et dans la
128, et 760; J. Wilson, The Lands of the Bible visi- Vulgate : « tes greniers et tes restes »). Les versions
ted and described, Edimbourg, 1847, t. i, p. 291-336; n'ont compris, dans aucun des quatre passages, la
A. Stanley, SinoA and Palestine, Londres, 1860, p. 87-98; signification du mot mis'eret. Ce mot, d'ailleurs, ne
K. Ritter, The comparative geography of Palestine and se retrouve plus en dehors de ces passages. Les Israe-
the Sinaitic Peninsula, trad, angl., Edimbourg, 1866,
t. i, p. 421-425, 434-451; E. H. Palmer, The Desert of
Exodus, Londres, 1871, t. n; due de Luynes, Voyage
d'exploration a la mer Morte et sur la rive gauche du
Jourdain, a Petra, etc., Paris, 1871, p. 274; Visconti,
Viaggio in Arabia Petrea, 1872; Ebers et Guthe,
Palsestina in Bild und Wort, nebst der Sinaihalbin-
sel..., Stuttgart, 1884, t. n, p. 233-250; V. Guerin, La
TerreSainte, 2«partie, Paris, 1884,p. 313-323; E.Hull,
Mount Seir, Sinai and Western Palestine, dans le
Palestine Exploration Fund Quarterly Statement,
Londres, 1886; H. E. Hart, Some Account of the
Fauna and Flora of Sinai, Petra and Wady Arabah,
Londres, 1891; G. Dalman, Petra und seine Felshei-
ligthumer, in-8°, Leipzig, 1908.; F. Buhl, Geschichte
der Edomiter,"Leipzi§, 1893; A. Sargerton-Galichon,
Sinai, McCan, Petra : sur les traces d'lsrael et chez les
Nabateens, Paris, 1904; Brunnow et von Domoszweski,
Die Provincia arabica, t. i, Strasbourg, 1904; W. Lib-
bey, The Jordan, Valley and Petra, New-York, 1905.
L.^ PILLION.
PETREL,oiseau de mer. Voir MOUETTE, t. iv, col. 1327.
PETRI, PEETERS Barthelemy, theologien beige
catholique, ne vers 1547 a Op-Linter pres Tirlemont, 33. — Petrin egyptien. Tombeau de Rekhmara.
mort a Douai le 26 fevrier 1630. Apres avoir pendant « Au-dessus d'un vase de farine, on lit: cuisson des pains. Un
dix ans enseigne la philosophic a Louvain, il fut force homme delaie la farine avec une pelle » dans le petrin; « un
en 1580 par les guerres de chercher un refuge a Douai autre verse 1'eau (?) avec une outre (?). La pate est deposee
en forme de cube sur une planche epaisse. Deux hommes,
oil il fut pourvud'un canonicat dans J'eglise Saint-Ame assis sur des escabeaux, la petrissent sur des planches en
et d'une chaire de theologie ou il enseigna jusqu'a sa foFme de pains coniques. » Ph. Virey, Le lombeau de B.ekh-
mort. II publia : Actus Apostolorum a S. Luca con- mara, p. 47.
scripti et in eosdem Actus comnientarius perpeluus,
in-4°, Douai, 1622. II termina apres la mort de Guillaume lites ont continue sans nul doute a se servir de petrins;
Estius la publication des commentaires de ce theolo- mais les auteurs sacres n'ont plus eu 1'occasion de les
gien sur les Epitres : In omnes divi Pauli et septem mentionner. H. LESETRE.
catholicas ApostolorumEpistolas commentarii, 2 in-f°,
Douai, 1614-1616. Les notes sur le chapitre v de la pre- PETR1NDSME. Voir BAUR, t. i, col. 1523.
miere Epitre de saint Jean et sur les deux autres Epitres
de cet Apotre sont de Barthelemy Petri. Voir Paquot, Me- PETROPOUTANUS (CODEX). Deux manus-
moires pour servir a Vhistoire litteraire des Pays-Bas, crits, 1'un de 1'Ancien Testament, 1'autre du Nouveau,
t. vm, p. 76; Valere Andre, Bibliotheca Belgica, p. 109. sont generalemenl connus sous ce nom.
D. HEURTEBIZE. 1. Le premier est un palimpseste de 88 feuillets in-
PETRDN (hebreu : mi&eret), ustensile dans lequel octavo : les feuillets primitifs au nombre de 44 ont ete
on petrit la farine (flg. 33). — Les grenouilles de la plies en deux. II contient des fragments du Livre des
deuxieme plaie d'Egypte montereiit jusque dans les fours Nombres selon la version des Septante : i, 1-30; I, 40-
et les petrins. Gf. Exod., vii,28 (Vulgate, vm, 3). Les Egyp- n, 14; n, 30-m, 26; v, 13-23; vi, 6-vn, 7; VH, 41-78;
tiens se servaient de petrins plus longs que larges. Voir vm, 2-16; xi, 3-xin, 11; xin, 28-xiv, 34; xv, 3-28; xv, 32-xvi,
t. iv, fig. 512, col. 32, un autre petrin dans lequel deux 31; xvi, 44-xvai, 4; xvni, 15-26; xxi, 15-22; xxn, 30-
hommes a la fois petrissaient le pain avec les pieds. II 41; xxm, 12-27; xxvi, 54-xxvn, 15; xxvm, 7-xxix, 36;
etait facile aux grenouilles de s'introduire dans ces xxx, 9-xxxi, 48; xxxn, 7-xxxiv, 17; xxxvi, 1-13. Tis-
petrins poses a terre. Les Septante rendent les mots chendorf qui 1'a edite dans ses Monumenta sacra ined.,
hebreux par cpupdp,aTa xal xXigavot, « les masses de nova coll., 1.1, Leipzig, 1855,1'attribue au vie siecle, a cause
pate et les fours », et la Vulgate par « les fours et les des abreviations qu'il renferme, bien que 1'ecriture ait
restes d'aliments ». — Au depart d'Egypte, les Hebreux un aspect plus archa'ique. On le designe en critique
emporterent leur pate avant qu'elle fut levee, serrerent par la lettre H.
dans leurs manteaux les petrins qui la contenaient et II. L'autre Petropolitanus' consiste en un seul
les mirent sur leurs epaules. Exod., xn, 34. II s'agit feuillet arrache a la couverture de bois d'un manuscrit
ici evidemment de ces petrins plus petits, de forme syriaque. 11 est du vne siecle et contient Act., n, 45-m,
ronde, qu'on posait sur un support et dans lesquels un 8. Tischendorf dans sa huitieme edition du Nouveau
seul homme debout petrissait avec les mains. Voir Testament 1'appelle G (lettre qui designait autrefois le
t. i, flg. 590, col. 1891. Tous ces petrins paraissent fa- manuscrit des Actes de la Bibliotheque Angelica,
briques en jonc ou en osier, comme les corbeilles ordi- designe maintenant par L). Von Soden lui attribue
naires. Dans ce second passage les versions ne rendent le symbole a 1002. p. PRAT.
175 PEUPLIER — PEVERELLI 176
PEUPLIER (hebreu : libneh; Septante : pagSo? spontaneite douteuse. Les jeunes rameaux etles feuilles-
ffTupaxjvy;, Gen., xxx, 37; ^guicr;, Ose., iv, 13; Vulgate : sont glabres, com me Chez toutes les especes de la sec-
poputea, populus), un des grands arbres de la Palestine. tion Aigirus, avec les bourgeons visqueux et les eta-
I. DESCRIPTION. — Les PeupJiers composent avec mines au nombre de 12 a 30. F. HY.
les Sanies toute la famille des Salicinees, arbres II. EXEGESE. — Les anciens et les modernes sont
et arbrisseaux earaeterises par les fleurs dis- egalement parjages sur le sens du mot libneh : les uns
posees en chatons dioiques. Les graines, a la maturite, y voient le styrax officinalis, 1'aliboufier; les autres le
s'echappent en grand nombre d'une capsule bivalve, peuplier blanc. L'etymologie ne saurait trancher le dif-
emportees par le vent sous la forme de flocons blancs ferend. Libneh vient de la racine Idban, « etre blanc. »
grace aux poils soyeux dont elles sont revetues. Les Ce nom peut s'appliquer au styrax comme au peuplier.
Peupliers se distinguent par leur taille franchement L'aliboufier donne une sorte de lait blanchatre qui se
arborescente, leurs feuilles a limbe elargi et porte sur coagule et forme la gomme ou resine de styrax. Cette
un petiole comprime suivant le plan median, leurs resine blanche aurait pu donner son nom a 1'arbre lui-
etamines enfin plus nombreuses dans chaque ileur. meme, comme en arabe ou ^j-*-^, lobna, designe 1'ali-
Dans aucun autre genre, peut~£tre, le dimorphisme boufier et son produit. Le nom de libneh convient aussi
sexuel n'est plus accentue, au point que le vulgaire et mieux encore au peuplier, a cause de la blancheur
donne souvent des noms differents aux pieds males et de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles.
femelles de la meme espece. Les premiers sont aussi Parmi les traductions anciennes on trouve une grande
preferes et presque exclusivement propages par \a ct»\- divergence d'YtiteYfyve-tatvon.. Si pour Gen., xxx, 37, les
ture a cause de leur croissance rapide, de leur tige plus Septante, suivis par 1'arabe de Saadias et par 1'ethiopien^
elevee, de leur vegetation de tout point plus vigoureuse traduisent par pd6So? (j-rupaxtvy) branche d'aliboufier;
dans Ose., iv, 13, ils rendent libneh par XSUXTJ, le peu-
plier. La Vulgate traduit dans les deux endroits par
populus, populea, peuplier. Les exegetes modernes
comme Gesenius, Thesaurus, p. 740; Michaelis, Supple-
ment, ad Lexica hebraica, t. n, p. 1404; E. Fr. C. Rosen-
muller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde,
in-8°, Leipzig, 1830, t. iv, p. 261, preferent la traduction
styrax, a cause du rapprochement de 1'hebreu libneh
avec 1'arabe lobna. D'autre part 0. Celsius, Hierobo-
tanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 292; H. B. Tris-
tram, The natural History of the Bible, in-12,
Londres, 1889, p. 389, preferent la traduction peuplier
blanc. Le contexte est plutot en faveur de ce dernier
sentiment. Dans Gen., xxx, 37, « Jacob prit des ba-
guettes vertes de libneh, d'amandier et de platane. II
y pela des bandes blanches, en mettant a nu le blanc
des baguettes; puis il placa les baguettes ainsi pelees
en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des
rameaux d'aliboufier pouvaient servir aussi bien que
des branches de peuplier a cet usage. Mais pres des
34. — Populus alba. deux grands arbres mentionnes, FamandiQr et le pla-
Rameau, fleurs et chatons dioi'ques; graines. tane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble
plus naturellement place qu'un arbuste comme le
les feuilles paraissant plus vite auprintemps, et tombant styrax officinalis. Le second passage, Ose., iv, 13, est
plus tard en automne. En outre, ils n'ont pas 1'inconve- plus decisif encore. II s'agit de I'idolatrie d'lsrael.
nient passager mais tres reel des plantes fructiferes au « Ils offrent, dit le prophete, des sacrifices sur les
moment ou se dispersent les semences cotonneuses. sommets des montagnes; ils brulent de 1'encens sur
Lesespeces de Palestine se repartissent en trois series les collines sous le chene, le libneh, et le terebinthe,,
distinctes. 1° La plus commune au bord des eaux dans parce que 1'ombrage en est bon. » Le chene et le-
toute la plaine littorale de Syrie, 1'Ypreau, Populus alba terebinthe sont de grands arbres a 1'ombrage epais, pres
de Linnee (fig. 34), est facile a reconnaitre au feutre desquels on serait etonne de trouver mentionne un
couleur blanc de neige qui revet les jeunes rameaux et arbuste comme 1'aliboufier, tandis que le beau et large
le dessous des feuilles. Dans la region montagneuse du peuplier blanc trouve une place naturelle. Peut-etre
Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula, que les exegetes qui ont prefere traduire libneh par
de la meme section des Peupliers blancs, pour les 1'aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pense sur-
squames ciliees de ses chatons, mais a feuilles vertes tout au port elance et peu touffu du peuplier pyramidal.
sur les deux faces, et, en plus, une race intermediate Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n'est pas
entre les deux precedentes, dont elle est probablement deplace pres du chene et du terebinthe aux frais om-
un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, a bois brages. Aussi preferons-nous traduire libneh par
tenace, tronc elance, et feuillage cendre. 2° Le curieux peuplier blanc. Voir STYRAX. E. LEVESQUE.
Peuplier de PEuphrate, si remarquable par le polymor-
phisme de ses feuilles, tantot larges et deltoides, tantot PEUR. Voir FRAYEUR, t. n, col. 2399.
etroites au point de simuler un Saule, est un arbre de
la region desertique a rameaux etales avec une cime PEVERELLI Barthelemi, exegete italien, ne a Ve-
glauque, dissemine depuis 1'Afrique septentrionale rone en 1695, mort a Modene le 22 octobre 1766, entra
jusqu'a 1'Himalaya, mais surtout abondant dans la au noviciatde la Compagnie de Jesus, le 29 octobre 1713,
depression du Jourdain et en Mesopotamia. II ressemble enseigna d'abord les humanites puis 1'Ecriture Sainte a
aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus et ses Modene. Ses lecons sur les Actes des Apotres : Lezioni
squames lanciniees, mais possede les etamines indefmies sacre e niorali sopra il santo libro de gli Atti Aposto—
de la section suivante. 3° Dans les vallees du Liban le lid, Verone, 1766-1777, 2 in-4°, sont tout a la fois un&
Peuplier noir est aussi repandu, surtout sous la forme ceuvre de science et une ceuvre de piete; elles s'adressent
pyramidale, que dans PEurope moyenne, quoique de a l'intelligence et au coeur. P. BLIARD.
PEZRON — PHACEE "178
PEZRON Paul, savant chronologiste de 1'ordre de sacro Codice denuntiatas, in-4°, Wittenberg, 1666; Prx-
Citeaux,*ne en 1639 a Hennebont en Bretagne, mort a lectiones in prophetiam Jonae recognitas et in justum
Chessy le 10 oetobre 1706. II fut admis dans 1'ordre de commentarium redacts^, quibus emphases vocum
Citeaux a 1'abbaye de Prieres et y exerca les fonctions eruuntur, verus Sacrse Scriptures sensus exponitur?
de maitre des novices. En 1677 .11 fut nomm6 sous- sententise varise, et Judseomm et christianorum addu-
prieur du college des Bernardins a Paris, ou il se fit rece- cuntur, falsse refelluntur et qugestiones dubise resol-
voir docteur. II enseigna ensuite la theologie jusqu'en vuntur, in-4°, Wittenberg, 1671; Dubia vexala Scrvp-
1690 et fut alors choisi comme visiteur de son ordre. turse Sacrse, sive loca difficiliora Veteris Testamenti
En 1697 il fut elu abbe de la Charmoye; mais quelques succincte decisa, in-4°, Dresde, 1679; Critica sacra de
annees plus tard, en 1703, il se demit de cette charge sacri Codicis partitione, editionibus variis, linguis
aim de pouvoir se livrer plus facilement a la priere et orientalibus, in-8°, Dresde, 1680; Theologia mystica
a Petude. II a public : Essay d'un commentaire Veteris Testamenti per typos rariores promulgata et
litteral et historique sur les Prophetes, in-12, Paris, ad hisloriam Novi Testamenti adplicata, in-8°, Stral-
1693 : 1'auteur entreprend d'y expliquer les prophetes sund, 1727. — Voir J. E. Pfeiffer, Memoria A. Pfeifferi?
selon Pordra chronologique; Histoire evangelique con- theologi Lubecensis, in-4°, Rostock, 1700; Walch, Bibl.
firmee par la Judaique et la Romaine, 2 in-12, Paris, theologica, t. iv, p. 233, 577, 581, 791.
1696. Dom Pezron est surtout connu par son ouvrage : B. HEURTEBIZE.
L'Antiquite des temps retablie et defendue contre les PHACEE (hebreu : Peqah; Septante : $axee),
Juifs et les nouveaux chronologistes, oil I'on prouve dix-huitieme roi d'Israel (759-739, ou 750-731). Phacee
que le texle hebreu a ete corrompu par les Juifs, avec etait fils de Romelie, personnage inconnu ou peut-etre
un canon chronologique depuis le commencement du decrie, comme le donnerait a supposer 1'affectation avec
monde jusqu'd Jesus-Christ, in-4°, Paris, 1687. Dom laquelle Isaie, vn, 4, 5, 9; vui, 6, appelle le roi d'Israel
Pezron y retablit la chronologie du texte des Septante. simplement « le fils de Romelie ». Phacee n'entra
Ses conclusions furent attaquees par dom Martianay, d'ailleurs dans 1'histoire que par la porte du crime. II
de la congregation de Saint-Maur et par Le Quien- etait officier de Phaceia, saliso, « son officier », par
II leur repondit par la Defense de Vantiquite du temps consequent attache a sa personne. II ne tarda pas a
contre le P. Jean Martianay : ou I'on soutient la tra- conspirer contre lui pour le faire disparaitre et prendre
dition des Peres et des Eglises contre celle du Talmud sa place, comme avaient fait recemment, dans ce mal-
etou I'on fait voir la corruption de I'Hebreudes Juifs, heureux royaume d'Israel, Sellum pour Zacharie, et
in-4°, Paris, 1691. Dom Pezron publia en outre dans Manahem, pere de Phaceia, pour Sellum. Phaceia ne
les Memoires de Trevoux : Dissertation touchant I'an- regnait que depuis deux ans, quand Phacee reussit a
cienne demeure des Chananeens et de I'usurpation le frapper a Samarie, dans la tour de la maison royale..
qu'ils ont faite sur les enfants de Sem, 1704, p. 15; Avec le roi perirent deux de ses officiers fideles, Argob
Dissertation sur les anciennes et veritables bornes de et Arie. Pour reussir dans son entreprise criminelle,,
la terre promise, 1705, p. 1015. — Voir D. Frangois, le meurtrier s'etait assure le concours de cinquante=
Biblioth. generale des ecrivains de VOrdre de S. Be- Galaadites. D'apres la Vulgate, ces derniers sont au
noit, t. ii, p. 387. B. HEURTEBIZE. contraire du parti de Phaceia et perissent avec lui.
Leur nombre precis indique des conjures plutot que
PFAFF Christophe Matthieu, exegete protestant, ne des victimes. Josephe, Ant.jud., IX, xi, 1, on ne salt
a Stuttgart le 25 decembre 1686, mort le 19 novembre sur quelle donnee, dit que le crime eut lieu au milieu
1760. Docteur et professeur de theologie a Tubingue, d'un festin. IV Reg., xv, 25.
il fut chancelier de PUniversite de cette ville et membre Devenu roi dans de telles conditions, Phacee ne
de PAcademie des sciences de Berlin. Parmi les nom- pouvait que favoriser en Israel les habitudes idolatriques
breux ecrits de cet auteur on remarque : Notes exege- raises en honneur par ses predecesseurs. II n'y manqua
ticse in Evangelium Matthsei quibus sensus ejusdem pas. IV Reg., xv, 28. II regnait depuis deux ans a Sa-
litteralis perspicue breviterque evolvitur, in-4°, Tubin- marie, quand, a Jerusalem, un jeune prince de vingt-
gue, 1721. —Voir C. P. Leporin, Verbesserte Nachricht cinq ans, Joatham, succeda a son pere, Ozias, qui avait
von C. M. P faff en's Leben, Controversien und Schrif- regne cinquante-deux ans. D'autre part regnait en Syrie
ten, in-4°, Leipzig, 1726; Walch, Bibl. theologica, t. iv, Rasin II, qui jadis, en meme temps que Manahem,
p. 390, 637, 915, 917. B. HEURTEBIZE. avait ete oblige de preter hommage au roi d'Assyrie,
Teglathphalasar III, quand celui-ci avait soumis la
PFEFFINGER Daniel, theolpgien protestant, n Syrie septentrionale. Phacee et Rasin, au lieu de
vers 1661, mort le 24 novembre 1724. Professeur de s'entendre avec le roi de Juda pour faire face ensemble
theologie et de langues orientales, il publia : Notas in aux incursions assyriennes, prefererent comploter tous
prophetiam Haggai, in-4°, Strasbourg, 1703; Disser- les deux contre leur voisin du sud. Des le temps de
tationes in Epistolam ad Ephesios, in-8°, Strasbourg, Joatham, F leurs entreprises hostiles se dessinerent.
1721. — Voir J. Wieger, Programma in J. D. Pfeffingeri IV Reg., xv, 37. Cependant elles ne prirent corps que
obitum, in-f°, Strasbourg, 1724; Walch, Bibl. theolo- quand un jeune roi de vingt ans, Achaz, fut monte sur
gica, t. iv, p. 591, 702. B. HEURTEBIZE, le trone de Jerusalem, la dix-septieme annee de Phacee.
Rasin et ce dernier se porterent ensemble contre la
PFEIFFER Auguste, theologien et orientaliste pro- capitale de Juda pour Pattaquer. Leur projet n'allait
testant, ne a Lauenbourg le 27 oetobre 1640, mort a a rien moins qu'a detroner Achaz pour mettre a sa
Lubeck le 11 Janvier 1698. Archidiacre de Peglise Saint- place le fils de Tabeel, personnage inconnu, peut-etre
Thomas a Leipzig, professeur de langues orientales et Rasin lui-meme, en tous cas un prince tenu par la
de theologie, puis surintendant des eglises de Lubeck, Syrie dans une etroite dependance. Is., vii, 6. Voir
Auguste Pfeiffer publia un grand nombre d'ouvrages, TABEEL. L'armee syrienne s'avancait a travers le ter-
parmi lesquels nous devons citer : Commentarius in ritoire d'Ephraim. A Papproche des ennemis, Achaz
Obadiam, prsster genuini sensus evolutionem et colla- et tout son peuple furent saisis d'epouvante. Le pro-
tioneni, interpretum exhibens versionem latinam et phete Isaie s'efforca de les rassurer contre les menaces
encamen commentarii Is. Abarbanelis Judssi doctis- de Rasin et du fils de Romelie, « ces deux bouts de
simi, sed christianis infensissimi et inter alia abster- tisons fumants », dont le dessein ne devait pas avoir
gens indignissimam Judseorum calumniam, christia- d'effet, et sur lesquels allaient s'abattre bientot les
nos esse Idumssos eosque manere pcenas Idumseis in fureurs de PAssyrie. Is., vii, 1-9; vm, 1-4. Malgre leurs.
179 PHACEE — PHADA'iA 180
efforts, les rois de Syrie et de Samarie ne purent roi de Juda eut ensuite son tour, comme il fallaiLs'y
vaincre Achaz a Jerusalem. Us se tournerent alors attendre et comme Isaiie 1'avait annonce. II Par.,
chacun de leur cote. Rasin alia s'emparer d'Elath, sur xxvin, 20.
la mer Rouge et fit dans le royaume de Juda un grand Une des inscriptions de Teglathphalasar, Cuneiform
nombre de prisonniers qu'il deporta a Damas. IV Reg., Inscriptions of Western Asia, t. HI, pi. x, 2; cf.,
xvi, 6; II Par., xxvm, 5. Phacee, operant pour son Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes,
compte, battit 1'armee d'Achaz et lui tua cent vingt 6e edit., t. HI, p. 522, 523, raconte la campagne contra
mille hommes en un jour. Zechri, guerrier d'Ephrai'm, la terre de Pilasta, la Palestine. Parmi les villes prises
mit a mort Maasias, fils du roi, Eyrica, intendant de la a 1'entree de la terre de Bet-ljiu-um-ri, maison d'Amri
maison royale, et Elcana, le premier ministre. En ou d'Israel, on a cru reconnaitre celles de Galaad et
toules ces rencontres,, les Israelites firent a leurs freres d'Abel-Beth-Maacha (Abiilakka). Mais il est possible
deux cent mille prisonniers, femmes, fils et filles, qull faille lire plutot Galza et Abilakka. Cf. Rost, Die
qu'il§ emmenerenta Samarie avec un butin considerable. Keilschrifttexte Tiglat-Pilesers III, 1.1, p. 78-79. L'ins-
II Par., xxvm, 6-8. Sur la valeur de ces chiffres, voir cription ajoute, lig. 26-28 : « La terre de Bet-Hu-um-ri...
NOMBRE, t. iv, col. 1682-1683. la totalite de ses habitants, avec leurs biens, je trans-
Dieu ne permit pas cependant que des freres se portai en Assyrie. »
traitassent comme des etrangers. L'armee Israelite Phacee avait echappe a la deportation, probablement
revenait a Samarie avec ses captifs et son butin, quand en se cachant dans les montagnes. II ne survecut
un prophete de Jehovah, nomme Oded, se presenta au- guere au desastre. Parvenu a la royaute par 1'assassi-
devant d'elle et lui reprocha la fureur avec laquelle elle nat, il fut assassine a son tour par Osee, fils d'Ela, qui
avait tue tant d'hommes de Juda. On allait maintenant regna a sa place. II Reg., xv, 30. L'inscription de Te-
reduire en esclavage des milliers de survivants. Mais glathphalasar relate le fait. Voir OSEE, t. iv, col. 1905.
Ephrai'm, lui aussi, n'etait-il pas coupable envers Ce qui se degage de ces recits, c'est que Phacee fut un
Jehovah? Le praphete concluait au renvoi des prison- ambitieux sans scrupule, qui ne reeula pas devant 1'al-
niers, si Ton voulait echapper a la colere de Dieu. Son liance avec les etrangers pour 1'oppression de ses freres
observation etait trop juste pour ne pas eveiller la pitie de Juda, mais qui ne sut et ne put rien faire pour la
dans 1'ame des vainqueurs. Quelques-uns des chefs defense de son propre royaume, qu'il vit le premier
d'Ephrai'm appuyerent energiquement les paroles tres serieusemententamerparies conquerantsassyriens.
d'Oded. L'armee abandonna ses captifs et son butin. H. LESETRE.
Par les soins des chefs, on fournit aux prisonniers des PHACIiBA (hebreu : Peqafyydh; Seplante : ^ay.ec-t'ac),
vetements et des chaussures; on les fit manger et boire, dix-septieme roi d'Israel (761-759, ou 752-751). 11 etait
on les oignit, on fit monter sur des anes ceux qui fils de Manahem, a la mort duquel il devint roi. Son
defaillaient et on les reconduisit tous a Jericho, ou on regne de deux ans se resume en ces mots, si souvent
les remit aux mains de leurs compatriotes. II Par., redits au sujet des rois d'Israel : « II fit ce qui est mal
xxvm, 9-15. Ce jour-la, grace a 1'initiative du prophete aux yeux de Jehovah et ne se detourna pas des peches
•et a 1'intelligence des chefs, un grand acte de frater- de Jeroboam, fils de Nabat, qui avait fait pecher Israel. »
nite fut accompli en Israel. L'intervention de Phacee II Reg., xv, 24. II est possible que le tribut paye
n'apparait pas dans cet evenement. Peut-etre tout se naguere au roi d'Assyrie, et que Manahem avait fait
fit-il a son insu, ou du moins n'osa-t-il pas s'opposer a peser sur les riches, ait indispose ces derniers contre
un mouvement qui entrainait tout son peuple. son fils. Un des officiers du roi le mit a mort et frappa
Les choses n'en resterent pasla. Achaz, effraye de la cam- avec lui deux personnages dont le nom a ete conserve,
pagne menee si rudement contre lui par les deux allies, Argob et Arie, fideles a Phaceia et, a ce titre, partageant
prit alors un parti desastreux pour 1'independance natio- probablement son impopularite. II Reg., xv, 25. Voir
nale. II envoya des messagers a Teglathphalasar pour PHACEE, col. 178. H. LESETRE.
lui dire : « Je siiis ton serviteur et ton fils; monte et
delivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main PHADABA (hebreu : Peddydh, une fois Pedd-
du roi d'Israel, qui se sont leves contre moi. » IV Reg., ydhu; « Jehovah rachete ou delivre »), nom de six ou
xvi, 7. II faut ajouter que les Idumeens et les Philis- sept Israelites. M. Bliss a trouve au sud de la colline
tins avaient atta que Juda a leur tour, lui avaient emmene
des captifs et pris des villes. II Par., xxvm, 16-18. Le
roi d'Assyrie se hata d'acquiescer a une demande qui
repondait merveilleusement a ses ambitieux projets. En
vain Isai'e chercha-t-il a faire tomber les illusions d'un
peuple qui « se rejouissait au sujet de Rasin et du
fils de Romelie », menaces par 1'Assyrien. En vain
predit-il que ce sauveur deviendrait pour Juda un
envahisseur et un conquerant. Is., vin, 6, 7. Teglath- 35. — Cachet d'un Phada'ia.
phalasar descendit et s'abattit d'abord sur le royaume in>T3 bKVW, ISmtf'el Pedayahu.
d'Israel, sans que le roi de Syrie osat venir au secours
de son allie. Arrivant par la vallee de 1'Oronte, du d'Ophel, a Jerusalem, un cachet scarabeoi'de qui porte
Leontes et du haut Jourdain, il prit successivement le nom de Phadai'a ecrit en hebreu ancien (fig. 35).
les villes d'Ajon, d'Abel-Beth-Machaa, de Janoe, de Voir Academie des Inscriptions et JBelles-Lettf-es,
Cedes, d'Asor, puis Galaad, la Galilee et tout le pays de Comptes rendus, 23 juillet 1897, p. 374.
Nephthali, c'est-a-dire toute la partie septentrionale du
royaume d'Israel, et il en deporta les habitants en 1. PHADAIA (Septante : $aSat'a; Aleocandrinus :
Assyrie. II Reg., xv, 29. II est dit ailleurs, I Par., v, EkSSsXa), pere de la reine Zebida, mere du roi Joakim.
26, que Teglathphalasar emmena captifs les Rubenites, II etait originaire de Ruma. IV Reg., xxm, 36.
les Gadites et la demi-tribu de Manasse, et qu'il les
conduisit a Hala, a Chabor, a Ara et au fleuve de Gozan. 2. PHAOAIA (Septante : <J?<xSata?), fils du roi de Juda
Apres les Israelites, le roi d'Assyrie tomba sur les Jechonias et pere de Zorobabel. I Par., in, 18-19. Le
Philistins, ces autres ennemis de Juda, et sur les VoMcanus et 1'Alexandrinus, I Par., HI, 19, indiquent
Syriens, contre lesquels il fit deux campagnes. Tous ces Salathiel comme pere de Zorobabel, comme le font
evenements se passerent dans les annees 734-732. Le d'ailleurs Agg., i, 1, etc.; I Esd., ra, 2, etc.; Nehe-
181 PHADAIA — PHALEG 182
mie, II Esd., xn, 1; Matth., i, 12; et Luc., in, 27; il II Esd., vn, 38; celle de Phahath Moab en avait 2818.
est ainsi le neveu, non le fils de Phadai'a. II faut done II Esd., vn, 11 (2812, d'apres I Esd., n, 6). Elle se
ou que le texte I Par., in, 27, soit altere ou, comme on composait de deux branches, celle de Josue et celle de
1'a suppose, que Zorobabel fut le fils de Phadai'a et de Joab, comme on le lit expressement, II Esd., vn, 11,
la femme de Salathiel qui serait devenue son epouse « fils de Josue et de Joab » (la conjonction et manque
apres la mort de son frere, en vertu de la loi du levi- dans II Esd., n, 6, mais on doit tres vraisemblablement
rat. Voir ZOROBABEL. Phadai'a etait probablement ne a 1'y suppleer). Nous ignorons ce qu'etaient ce Josue et
Babylone ou son pere avait ete emmene en captivite. ce Joab; nous connaissons seulement un Joab descen-
dant de Juda, nomme I Par., iv, 14, cf. n, 54, sans
3. PHADAIA (hebreu : Peddydhu; Septante : <I>a8aVa), pouvoir dire si c'est celui dont il est parle dans Esdras
pere de Joel. Joel fut mis par David a la tete de la et dans Nehemie. Esdras, a son retour en Palestine,
demi-tribu de Manasse cisjordanique. I Par., xxvn, 20. emmena avec lui 218 hommes « des fils de Joab »,
I Esd., vin, 9; il les enumere a part, apres avoir
4. PHADAIA (Septante : $<xSai'a), fils de Pharos qui, compte plus haut, au i/. 4, deux cents hommes de
du temps de Nehemie, travailla a la reconstruction des Phahath-Moab.
murs de Jerusalem. II Esd., in, 25. Tout ce que nous savons des descendants de Phahath
Moab, lorsqu'ils furent revenus dans leur patrie, se re-
5. PHADAIA (Septante : $aSata?), Israelite qui setint sume dans ces trois points : — 1° Esdras obligea huit
a la gauche d'Esdras, lorsque celui-ci fit au peuple la d'entre eux qui sont nornmes par leurs noms, a repu-
lecture de la loi a Jerusalem. II Esd., vm, 4. Quelques dier les femmes etrangeres qu'ils avaient epousees.
interpretes le confondent avec Phadai'a 4, d'autres avec I Esd., x, 30. — 2° Hasub, qui etait probablement un
Phadaia 7. des chefs de la famille, travailla a la reparation d'une
partie des murs de Jerusalem et de la tour des Four-
6. PHADAIA (Septante : $a5aca), fils de Colai'a, de la neaux ou des Fours (t. n, col. 2344). Quelques com-
tribu de Benjamin, ancetre de Sellum qui habita a Jeru- mentateurs confondent cet Hasub avec celui qui repara
salem au retour de la captivite. II Esd., xi, 7. Dans une autre partie des murs de Jerusalem, II Esd., HI,
I Par., ix, il ne figure pas parmi les ancetres de Sel- 23, mais c'est sans raison. — 3° Lorsque les principaux
lum. d'entre les Juifs signerent avec Nehemie 1'alliance que
le peuple fit avec Dieu, le representant de la famille
7. PHADAJA (Septante : $a8at'a), levite a qui Nehe- de Phahath Moab signa apres Pharos, le second sur
mie confia, en meme temps qu'a quelques autres quarante-quatre parmi les chefs du peuple. II Esd., x,
Israelites, la garde des magasins qui contenaient le pro- 14.
duit de la dime du ble, du vin et de 1'huile. II Esd.,
xai, 13. Divers commentateurs pensent que ce Phadaia PHALAIA (hebreu : Peld'ydh, « Jehovah fait des
est le meme que Phadaia 4 ou Phadaia 5, mais on ne choses admirables » ; Septante : ^sXta, omis daiis
peut ni 1'affirmer, ni le nier avec certitude; quoi qu'il II Esd., vin, 7), un des levites qui aiderent Esdras a
en soit, Nehemie avait choisi Phadai'a comme repre- expliquer la loi au peuple, II Esd., vm, 7, et qui
sentant des levites et defenseur de leurs interets. signerent plus tard, avec Nehemie, 1'alliance contracted
entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 10. — Un fils
PHADASSUR (hebreu : Peddhsur, «[celui que] le d'Elioenai, de la race royale de David, appele Peldydh
rocher delivre »; Septante : ffraSocaoup, $aSaa-aoup), dans le texte hebreu, porte le nom de Pheleia dans la
chef d'une famille de la tribu de Manasse et pere de Vulgate. I Par., in, 24.
Gamaliel, du temps de 1'exode. Num., i, 10; n, 20; vn,
54, 59; x, 23. Voir GAMALIEL 1, t. in, col. 102. PHALANGE, ordre de bataille usite chez les Grecs,
consistant en la disposition des troupes par colonnes,
PHADON (hebreu : Pddon, « delivrance »; Sep- en files espacees pour la marche, rapprochees pour la
tante : <£a6wv), 'chef d'une famille de Nathineens, qui charge et serrees pour 1'attaque. La Vulgate a traduit par
revint en Palestine avec Zorobabel apres la captivite ce mot « phalanges », I Reg., xvn, 8, 1'hebreu ma'arkot
de Babylone. I Esd., n, 44; II Esd., vn, 47. (Septante: itapataS'?), qui designe 1'armee d'Israel rangee
en ordre de bataille par Saul centre les Philistius et centre
PHAHATH MOAB (hebreu : Pahat Mo'ab, « gou- Goliath. — Sur la maniere dont les Syro-Macedoniens
verneur de Moab »; Septante : 4>aa6 Mwa6), chef disposaient leur ordre de bataille, voir I Mach., \i,
d'une des principales families de la tribu de Juda. On 35.
explique ordinairement ce nom comme signifiant
« gouverneur (ou pacha) de Moab ». Pour expliquer PHALEA (hebreu : Pilhcf; Septante : $ayXai), un
cette signification, on a fait toutes sortes d'hypotheses, des chefs de famille qui signerent 1'alliance entre Dieu
dont aucune.n'est pleinement satisfaisante. La plus na- et son peuple au temps de Nehemie. II Esd., x, 24.
turelle, si le nom n'est pas altere, consiste a supposer
que le chef de la famille exerea reellement un certain PHALEG (hebreu : Peleg, « division »; Septante :
pouvoir dans le pays de Moab. II est question, I Par., <5aXsx; Josephe, Ant. jud., I, xi, 5), descendant de
iv, 21-22, des descendants de Sela, fils de Juda, qui Sem, fils d'Heber, frere aine de Jectan et pere de Reii,
« dominerent sur Moab ». Quoi qu'il en soit, les des- un des ancetres d'Abraham. Gen., x, 25; xi, 16, 17, 18,
cendants de Phahath-Moab formaient une des princi- 19; I Par., i, 19, 25. II fut appele Phaleg, dit la Genese,
pales families juives au retour de la captivite de Baby- x, 25, « parce qu'en ses jours la terre fut divisee. » On
lone : elle est nominee la quatrieme dans les deux a donne de cette phrase les explications les plus diverses,
listes de captifs qui revinrent en Palestine du temps de Les uns 1'ont entendue de la dispersion des peuples
Zorobabel, I Esd., n, 6; II Esd., vn, 11; et le cinquieme dont parle la Genese a propos de la construction de la
dans la liste des compagnons d'Esdras, I Esd., vin, 4; tour de Babel, xi, 9; d'autres, du partage de la terre par
son chef signa le second 1'alliance du temps de Nehe- Noe entre ses petits-fils ou bien de la separation des en-
mie parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14. Elle etait fants d'Heber dont les uns seraient alles en Arabic,
aussi tres Importante par le nombre de ses membres, pendant que les autres demeuraient en Babylonie. Ces
la plus nombreuse apres celle de Senaa le Benjamite. explications sont peu vraisemblables, de meme que 1'opi-
Celle-ci comptait pres de 4000 membres, I Esd., n, 35; nion de ceux qui voient dans cette division une allusion
183 PHALEG — P H A N U E L 184
a une catastrophe terrestre, tremblement de terre, Erup- XLVI, 9; Exod., vi, 14: Num., xxvi, 5; I Par., v, 3. II
tion volcanique, au commencement de la canalisation eut pour fils £liab et devint le chef de la famille des-
en Babylonie,~etc. Les expressions du texte sacre sont Phallonites. On compte parmi ses descendants Dathan
si vagues qu'on ne peut aujourd'hui en preciser le sens et Abiron. Num., xxvi, 5, 8.
avec certitude : si elles semblent plutot faire allusion a
la dispersion du peuple, Gen., xi, 9, il faut remarquer PHALLUITES (hebreu ; hap-Pallu'l; Septante ':
que la Genese, xi, 4, 8, 9, emploie le verbe pus, « dis- 6 Srijioc toO $aXXout; Vulgate : Phalhtifse), descendants-
perser », et non le verbe pdlag, « diviser », pour marquer de Phallu. Num., xxvi, 5.
tfe\Vfc ^j#si<ass&.. — Dbrers commentateurs out voulu
sans raison suffisante prendre le nom de Phaleg comme PHALON1TE, dans la Vulgate, I Par., xi, $7. Voir
un nom ethnographique ou un nom geographique et PHALLONITE.
ils Font rapproehe" de celui de la ville de Phaliga,
mentionnee par Isidore de Charax comme situee au PHALTI (hebreu : Palti; Septante : $aXti), nom de-
confluent du Chaboras et de 1'Euphrate, mais il n'est deux Israelites et nom ethnique. Phalti, nom d'homme^
nullement question de cette ville avant cet auteur, qui signifie « (Dieu) est mon liberateur ».
vivait seulement au me siecle avant J.-C. — Phaleg en-
gendra Reii a 1'age de 30 ans et mourut a I'age de 1. PHALTI, fils de Raphu, de la tribu de Benjamin.
239 ans, laissant des fils et des filles. Gen., xi, 18-19. II II fut 1'un des douze espions que Moi'se envoya dans la
est nomme dans la genealogie de Notre-Seigneur en terre de Chanaan pour 1'explorer. Num., XIH, 9.
saint Luc, ill, 35.
2. PHALTI, fils de La'is, de Gallim. Saul lui donna en
PHALEL (hebreu : Pdlal, « [Dieu] juge »; Septante : mariage sa fille Michol qu'il avait deja mariee avec-
<I>a),a/; Alexandrinus : $«Xa£), fils d'Ozi. Du temps de David. I Reg., xxv, 44. Apres la mort de Saul, David se
Nehemie, il rebatit une partie des murs de Jerusalem, fit rendre Michol par Abner. Phalti la suivit en pleu-
« vis-a-vis de Tangle et de la haute tour qui fait saillie rant jusqu'a Bahurim ou Abner 1'obligea de retourner
en avant de la maison du roi, pres de la cour de la chezlui. II Reg., in, 15. Dans ce dernier passage, Phalti
prison. » II Esd., in, 25. est appele Phaltiel, ce qui est la forme complete de son;
nom, El (Dieu) etant sous-entendu dans Phalti.
PHALET (hebreu : Pelet, « delivrance, evasion »;
Septante : <S>aXsx; Alexandrinus : $a>,sr, I Par., n, 47), 3. PHALTI, pour Phaltite. II Reg., xxni, 26. Heles est
nom de deux Israelites, dans le texte hebreu. Dans la designe dans ce passage comme etant « de Phalti » f
Vulgate, le nom de 1'un des deux est ecrit Phallet, selon la traduction de la Vulgate. Ailleurs il est dit
I Par., XH, 3. Le Phalet de notre version latine etait Phellonite. Voir PHALLONITE.
de la tribu de Juda et de la famille de Caleb 1'Hesro-
nite, le quatrieme des six fils de Johaddai.I Par., n,47. PKALTIAS (hebreu : Pelatydh, « Yah est mon libe-
rateur; » Pelatydhu, sous une forme plus complete dans-
PHALETH (hebreu : Pelet; Septante : $aXe9), nom Ezechiel, xi, 1, 13), nom de quatre Israelites dans le
de deux Israelites, dans le texte hebreu. La Vulgate texte hebreu. 11 ne differe que par le nom divin, qui est
ecrit le nom de 1'un d'eux Pheleth, Num., xvi, 1. Celui ici exprime. de Phalti et de Phaltiel ou Phalthiel,
qu'elle ecrit Phalet etait de la tribu de Juda, fils de Dans la Vulgate, deux de ces noms sont ecrits Phaltias
Jonathan, de la descendance de Jerameel. I Par., n, 33- (dans quelques exemplaires Phalthias), le troisieme est
ecrit Pheltias, Ezech., xi, 1, 13, et le quatrieme Pheltia.
PHALLET (hebreu : Pelet; Septante : II Esd., x, 22.
Alexandrinus: 4>aXX^ir), fils d'Azmoth et frere de Jaziel,
de la tribu de Benjamin. Les deux freres sont comptes 1. PHALTIAS (Septante : ^aXeTrt'a), descendant de
parmi les gibborini de David. Ils etaient alles se joindre David, fils d'Hananiaset pere de Jesai'as. I Par., in, 21-
a lui a Siceleg. I Par., xn, 3.
2. PHALTIAS (Septante : ^aXasTT^a), le premier
PHALLONITE (hebreu : hap-Peloni, I Par., xi, 27, nomme des quatre fils de Jesi, de la tribu de Simeon.
36; xxvn, 10; Septante : 6 #eXom: I Par., x, 27; 6 *eX- Ils se mirent a la tete de cinq cents hommes de leur
XwvfjJ'. 36; 6 it. 3>aXXovc; Vulgate : Phallonites, I Par., tribu, pour aller combattre dans la rnontagne de Seir
xxvn, 10; Phalonites, I Par., xi, 27; Phelonites, f . 36), les restes des Arnalecites qui s'y etaient refugies et, les
originaire de Bethphaleth, d'apres un certain nombre ayant vaincus, s'y elablirent a leur place. I Par., iv, 42-43.
de commentateurs. Deux des gibborim de David,
Helles ou Heles (t. m, col. 567), I Par., xi, 27; xxvn, |PHALTIEL (hebreu : PaltVel, voir PHALTIA; Sep-
10, et Ahia 1 (t. i. col. 291), I Par., xi, 36, sont dits tante : 4>aXTtY)).), nom de deux Israelites.
Phallonites ou Peilonites. Cette denomination semblerait
designer une ville de Peloni ou Pelon, mais comme 1. PHALTIEL, ills d'Ozan, chef de la tribu d'lssa-
on ne connait aucune ville de ce nom et que dans char, qui fut choisi par Moiise pour representer sa tribu
II Reg., xxni, 26, Heles est appele hap-Palti, « le dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 26.
Phaltite » (Vulgate : de Phalli), beaucoup de critiques
croient que la lecon de II Reg. est la meilleure et que 2. PHALTIEL, le meme que Phalti, le mari de-
hap-Palti veut dire que Heles etait originaire de Michol. II Reg., in, 15. Voir PHALTI 2.
(Beth)phaleth (t. i, col. 1709), ville du Negeb au sud de
la Palestine, dans la tribu de Juda. II -y a cependant PHANUEL(hebreu : Penuel, « face de Dieu; » Sep-
contre cette identification une difficult^ serteuse qui tante : $avour,i), nom de trois Israelites et nom de lieu ..
n'est pas resolue : c'est que Heles etait Ephraimite,
d'apres II Par., xxvn, 10, et que Bethphaleth etait une \ . PHANUEL, fils d'Hur et petit-fils de Juda. II fut le
ville de Juda, nom d'Ephraim. On a imagine d'autres pere de Gedor. I Par., iv, 4. -.
hypotheses, mais toutes sont purement conjecturales.
2. PHANUEL, le dernier nomme des onze fils de Sesac,-
PHALLU (hebreu : Pallu'; Septante : $aXXo?, $aX- de la tribu de Benjamin, qui s'etablirent a Jerusalem^
, second fils de Ruben, le fils aine de Jacob. Gen., I Par., YIII, 25.
185 PHANUEL — P H A R A 186
3. PHANUEL, de la tribu d'Aser, pere de la prophe- seulement des montagnes d'ou sort le Zerqd, sur le
tesse Anne. Luc., 11, 36. "Voir ANNE, 5, t. i, col. 630. chemin qui monte de la vallee aux montagnes, se
dirigeant vers Salt, Djebehat et Amman, voie que dut
PHANUEL (hebreu : Peni'el, « face de Dieu, » prendre Gedeon poursuivant les Madianites et les
Gen., xxxn, 30, 31; Penii'el, ibid., 32; Jud., vin, 8,17; Bene-Qedem. Ce qui parait avoir fait hesiter les pales-
I (III) Reg., xii, 25; Septante : efSo? ©eou, Gen., xxxn, tinologues, c'est que le nahr ez-Zerqa passe a un
30; stSoc TOU ©sou, 32; 4>«vouYJ>, partout ailleurs), lo- kilometre au sud du tell, alors que la Bible indique
calite situee sur les rives du Jaboc ou Jacob lutta avec Phanuel au sud de la riviere; mais son cours actuel
1'ange et ou s'eleva une ville du m£me nom. Elle est est un cours nouveau que 1'eau s'est fraye a travers les
mentionnee sur les monuments egyptiens sous la forme siecles. L'ancien lit de la riviere, large de vingt metres
\ 1 ^fs Jb£, Penualu. W. M. Muller, Asien und et profond de cinq ou six, se voit au nord du tell qui
/•"••"i JF 1 ^U est immediatement sur la rive meridionale. De la on
Europa, p. 168. apercoit a trois kilometres vers 1'ouest et non loin du
I. IDENTIFICATION ET DESCRIPTION. — Phanuel etait a Jourdain un autre tell de meme forme. C'est a celui-ci,
Test du Jourdain et de Socoth, puisque Gedeon fran- semble-t-il, qu'il faut placer Socoth.
chit le fleuve et passa par Socoth avant d'arriver a II. HISTOIRE. — Jacob, venant de Mesopotamie et
Phanuel. Cf. Jud., vin, 4, 5, 8. II etaitf sans doute en ayant quitte Mahanaim pour s'avancer vers le Jourdain,
vue et non loin du Jourdain, dont Jacob disait en arri- etait arrive sur la rive du Jaboc, ou il avait etabli son
vant au Jaboc : « J'ai passe ce Jourdain. » Gen., xxxn, campement. De la il envoya en avant ses servileurs
10. Le meme arrivant de Galaad et Mahanai'm qu'il faut avec les presents destines a apaiser son frere Esau
chercher au nord du Jaboc, la rive opposee, ou il allait qui s'avancait a sa rencontre. S'etant leve pendant la
passer le lendemain et rencontrer 1'ange, est neces- nuit, il fit passer le gue du Jaboc a toute sa famille et a
sairement la rive gauche ou meridionale du Jaboc, ses troupeaux, et le passa apres eux. Reste seul sur le
aujourd'hui le Nahr-Zerqd. Cf. Gen., xxxn, 13, 21-23. bord de la riviere, un personnage mysterieux, que
Phanuel parait etre oubliee depuis longtemps, car la Genese appelle un homme, 'is, xxxn, 23, et le pro-
I'Onomasticon se contente de 1'indiquer « pres du Ja- phete Osee, xii, 3-4, ua ange, se presenta et se mit a
boc », et les anciens ecrivains juifs n'en font plus men- lutter avec lui jusqu'au lever de 1'aurore. En quittant
tion. Les savants anglais pensent qu'on doit chercher Jacob, 1'ange lui donna le nom d'Israel, et Jacob en
ce lieu probablement sur les pentes septentrionales du souvenir du fait appela 1'endroit Phanuel, disant :
Djebel Osa*. Armstrong, Wilson et Conder, Names and « Jai vu mon Dieu face a face et mon ame a ete sauvee. »
Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 138; Gen., xxxin. Levant les yeux, Jacob vit son frere Esau
Conder, Heth and Moab, Londres, 1887, p. 177-179. qui s'avancait vers lui. De la, il se retira a 1'endroit
Rich, von Riess le croit plutot sur la rive septentrionale qu'il appela Socoth et ou il s'etablit avant de monter
du Jaboc, c'est-a-dire du cote oppose. Bibel-Atlas, Fri- vers Sichem. Gen., xxxni. — Dans le partage de la Terre
bourg-en-Brisgau, 1887, p. 231. M. Merill, East of Jour- Promise, Phanuel dut echoir, avec Socoth et toute la
dan, 2« edition, New-York, 1883, p. 384, le suppose au partie orientale de la vallee du Jourdain, a la tribu de
Teloul ed-dehab, au nord de la riviere et non loin de Gad. Cf. Jos., xnr, 27. — Phanuel etait devenue une
sa sortie des montagnes. M. Gotl. Schumacher prefere ville forte au temps de Gedeon. Le liberateur d'Israel
MedoiMr-Nol, village situe a une heure et quart au nord- poursuivant les Madianites, ayant franchi le Jourdain,
est d'un excellent gue de la Zerqd, se trouvant au nord demanda aux habitants de Socoth du pain pour ses
de Am es-Zerqd. Dans Mittheilungen und Nachrichten hommes fatigues, afin de pouvoir continuer la pour-
des deutschen Palastina-Vereins, 1901, p. 2. Quelques suite de 1'ennemi. Ceux-ci refuserent en ajoutant a
autres auteurs ont propose, quoique en hesitant beau- leur refus le mepris et 1'injure. Les habitants de Phanuel
coup, le Tell Der'alla. Cf. Buhl, Geographic des firent de meme. « Quand je reviendrai victorieux,
alien Paldstina, Leipzig, 1896, p. 260. La similitude de j'abattrai cette tour, » jura Gedeon. A son relour, il tint
ce nom avec Tar'eldh identified dans les Talmuds avec son serment et mit a mort les principaux habitants
Succoth, a fait penser qu'il s'agit de la meme localite. de la ville. Jud., vin, 4-17. —Jeroboam Ier, apres avoir
Ibid. Cf. A. Neubauer, Geographic du Talmud, Paris, restaure Sichem, fit de meme pour Phanuel. Ill Reg.,
1860, p. 218-219; Schumacher, loc. cit., 1889, p. 21; xn, 25. D'apres Josephe, Ant. jud., VIII, vin, 4, il s'y
Armstrong, etc., loc. cit., p. 166. L'identification de fit construire un palais. II n'est plus question depuis.
Der'alla avec Tar'eldh n'est pas sans vraisemblance, de Phanugl. L. HEIDET.
mais celle de Tar'eldh avec Socoth est contestable.
L'itineraire de Gedeon poursuivant les Madianites, PHARA, nom d'un Israelite et d'une ville.
Jud., vin, 4-5, parait indiquer cette localite tout pres
du Jourdain et Phanuel, ou « il monta » de Socoth, 1. PHARA (hebreu : Purdh, « rameau »; Septante :
plus a 1'est et plus pres de la montagne. II semble tou- $apa), serviteur de Gedeon. II alia pendant la nuit avec
tefois qu'il y ait la un souvenir des faits racontes sonmaitre dans le camp des Madianites. Jud., vn, 10-11.
Gen., xxxii. Cette identification, si elle n'est pas d'une
certitude absolue, parce que les donnees positives font 2. PHARA (Septante : <5apa6wv/), ville de Judee, for-
defaut pour designer ce tell, me semble d'une tres tifiee par Bacchide pendant la guerre centre Jonathas.
grande probabilite. Les diverses indications bibliques I Mach., ix, 50. Le nom de cette ville est douteux. La
s'appliquent parfaitement a lui et on ne trouve d'autres Vulgate distingue deux villes, Thamnatha et Phara; de
sites ou d'autres vestiges de villes auxquels on puisse meme Josephe, Ant»jud., xni, r, 3, @ajj.va6a xat "fca-
les rapporter de meme. pa6w; et aussi la version syriaque. Les Septante ne font
Le Tell Der'alla est un grand tell au sommet aplati, qu'une seule ville de TT-TJV ©a^vaOa $apa6wvt. Si la lefon
s'elevant de sept a huit metres au-dessus de la plaine du grec etait la veritable, ce qu'on peut contester, nous
environnante, ou Ton constate des restes d'anciennes n'aurions dans 1'Ecriture aucune autre trace de i'exis-
constructions, et semblable a tous ces anciens tell que tence de Phara, mais si 1'on admet la distinction de
1'on a reconnu etre formes de debris d'anciennes cites. Tamnatha et de Phara ou Pharathon, nous retrouvons
D est a deux kilometres et demi environ vers le sud le nom de cette derniere dans le livre des Juges, xn, 13,
d-'Abou'Obeidah, ou les musulmans venerent le torn- 15, et dans 1'histoire des rois. II Reg., xxin, 30; I Par.,
beau du general de ce nom, compagnon de Mahomet; a la xi, 31; xxvn; 14. Sur cette identification et sur la ville
lisiere orientale du Ghor, et a deux ou trois cents metres m6me, voir PHARATHON, col. 204.
187 PHARA'i — P H A R A N 188
PHARAI (hebreu : Pa'arai; Septante : Oipacospyt', des paturages suffisants pour les chameaux; ca et la
par corruption de $aapat 6 eAp6t), un des vaillants sol- meme, quelques endroits sont suseeptibles de culture.
dats de David. II Reg., xxm,35. Dans I Par., xi, 37, il est E. H. Palmer, The Desert of the Exodus, t. n, p. 327-
appele Naarai'. Voir NAARAI, col. 1428. II etait d'Arab, 348.
ville de la tribu de Juda, de Arbi, dit la Vulgate. III. HISTOIRE. — 1° Le nom de Pharan est mentionne
II Reg., XXIH, 35. Voir ARBI, t. i, col. 886. pour la premiere fois dans la Genese, xiv, 6. L'auteur
sacre indique dans son recit la limite septentrionale
PHARAM (hebreu : Pir'dm; Septante : $i5wv; du desert et I'extrgme point sud qu'atteignit 1'expedition
Atexandrinus : ^epadjx), roi amorrheen de Jerimoth, de Chodorlahomor et de ses allies contre les rois de
du temps de Josue, qui avec trois autres rois du sud de la Pentapole et les pays yoisins. Apres avoir battu les
la Palestine repondit a 1'appel d'Adonisedec roi de Jeru- Raphaim, les Zuzim et lesEmim, les confederes battirent
salem et marcha avec eux contre les Gabaonites qui aussi « les Chorreens ou Horreens, dans les montagnes
s'etaient soumis aux Israelites. Jos., x, 3. Us furent tous de Seir, jusqu'a 'El-Pdrdn, qui est pres du desert. » La
battus par Josue devant Gabaon et s'etant enfuis, ils se Vulgate traduit 'El-Pdrdn, par campestria Pharan,
refugierent dans la caverne de Maceda, mais ils y « plaine de Pharan », les Septante, par r\ -cepe^svOo; TOU
furent pris et mis a mort, apres qu'on leur eut mis le <£apdv, « le terebinthe de Pharan ». Plusieurs savants
pied sur le cou (voir PIED), par ordre du vainqueur, modernes croient que 'El-Pdrdn d^signe la ville d'Aila
puis pendus a cinq poteaux et enfin ensevelis dans la ou Elath. Voir ELATH, t. n, col. 1643. Le texte est trop
caverne. Jos., x, 10, 20-27. peu precis pour qu'on puisse trancher la question avec
certitude. D'jffi-Pdran, les envahisseurs n'ayant rien a
PHARAN (hebreu : Pd'rdn; Septante piller dans le desert de Pharan, ne pousserent pas plus
nom d'un desert de 1'Arabie Petree, d'une chaine de loin vers le^sud; ils se dirigerent vers la fontaine de
montagnes et, d'apres certains comrnentateurs, d'une Masphath ('En Mispdt), qui est le meme lieu que Cades,
localite. Gen., xiv, 7, situe dans le desert de Pharan. Cades
est place plusieurs fois dans le desert de Sin, Num.,
1. PHARAN (DESERT DE) (hebreu : midbdr-Pd'ran, xx, 1; xxvn, 14; xxxin, 36; Deut., xxxn, 51, mais Sin
Gen., xxi, 21; Num., x, 12; xm, 1, 4, 27 (hebreu : xu, etait le nom particulier de la partie septentrionale du
16; xm, 3,26); 1 Reg., xxv,l; Septante : ep^o? $apav, desert de Pharan. Cf. Num., xm, 27 (26). Voir CADES!,
Num., xm, 4, 27; TOU <J?apdv, Num., x, 12; xm, 1; Gen., t. n, col. 21. — 2° Dans le desert de Pharan habita Is-
xxi, 21; Septante : 4>apav At-pJutou), desert de 1'Arabie mael, fils d'Abraham et de sa servante Agar, que Sara
Petree, appele aujourd'hui Badiet-et-Tih, « desert de fit chasser afm qu'Isaac devint seul heritier des biens
1'Egarement », parce que les Israelites y errerent plu- paternels. Gen., xxi, 10, 21. — 3° Mais le desert de Pha-
sieurs annees. Num., xiv, 32-33. ran doit sa principale renommee a ce que les Israelites
I. IDENTIFICATION. — Le desert de Pharan est forme y ont erre pendant trente-huit ans : il a ete ainsi le
par le large plateau de 1'Arabie Petree qui est borne a theatre des evenements les plus remarquables de 1'his-
1'est par la partie de la vallee de 1'Arabah, s'etendant toire du peuple de Dieu pendant cette periode. Voici les
du sud de la mer Morte au golfe Elanitique (voir ARA- principaux. Mais tout d'abord, comme semblent 1'exiger
BAH, t. i, col. 821); a 1'ouest par le desert de Sur, Gen. les textes bibliques, prenons le desert de Pharan dans
xvi, 7 (voir SUR); au sud par le Djebel et-Tih, et au un sens moins restreint et etendons-le jusqu'au massif
nord par les montagnes des Amorrheens, c'est-a-dire du Sinai'. — Le premier Episode saillant est 1'incendie
par la frontiere meridionale du pays de Chanaan, d'une partie du camp d'Israel a Tab'erdh, Num., xi, 1-3,
Deut., i, 19-20, ou de la Palestine, aux environs de en punition des murmures du peuple contre Dieu et
Bersabee- Voir H. S. Palmer, Sinai from the fourth contre Moiise. Voir EMBRASEMENT, t. n, col. 1729, et IN-
Egyptian dynasty to the present day, Londres, 1878, CENDIE, t. m, col. 864. Plusieurs sont d'avis qu'on pour-
p. 198, 205; E. H. Palmer, The desert of the Exodus, rait 1'identifler avec la station Qibrot-Hattadvah. Cf. La-
1831, t. ii, p. 508-510. grange, L'itineraire des Israelites, dans la Revue bi-
II. DESCRIPTION. — Le Badiet et-Tih est un grand blique, 1900, p. 275. — Qibrof-B'attadvah etait en tout
plateau desert qui compte environ deux cent quarante cas dans le voisinage. Cette localite fut ainsi appelee,
kilometres de longueur, du sud au nord, et a peu pres « Sepulcres de concupiscence », comme traduit la Vul-
autant de largeur. Dans sa longueur il est coupe par gate, a cause des nombreux Israelites qui y furent
1'ouadi el-Arisch, qui le divise ainsi en deux parties. frappes par la main de Dieu, a la suite de leurs mur-
La partie orientale, plus elevee que la partie occiden- mures contre la manne, lors du second envoi des
tale, est un plateau calcaire d'une surface irreguliere, cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Voir SEPULCRES DE CON-
une contree montagneuse coupee de grands et de petits CUPISCENCE. — De Qibrot-Hattadvah les Hebreu x se
ouadis dont beaucoup se dirigent vers le nor.d. Le cote mirent en marche pour Haseroth, autre endroit du
meridional se termine en un long escarpement, abrupt desert de Pharan, pris dans un sens plus large. Voir
vers le sud et s'abaissant doucement vers le sud-est. HASEROTH, t. in, col. 445. C'est la que Marie, sosur de
La surface du plateau est aride, sans physionomie Moi'se, de concert avec Aaron, parla contre son frere.
marquee, et son aspect n'est releve que par quelques Erappee de la lepre, elle fut sequestree sept jours hors
groupes isoles de montagnes. La contree est presque du camp, et le peuple dut attendre sa guerison pour se
sans eau, a Fexception de quelques sources, entourees remettre en voyage. Num., xu. — Partant d'Haseroth
de tamaris et d'acacias et frequentees par les gazelles les Israelites gagnerent le sommet du plateau ftet-Tih,
dans les grands ouadis; 1'eau ne s'obtient souvent dans et allerent planter leurs tentes dans le desert de Pha-
le lit des ouadis qu'en creusant de petits puits, themail, ran, au sens strict du mot, c'est-a-dire dans la partie
et en la puisant avec la main. A peu pres partout, le de cette solitude qui renfermait Cades (Atn-Qadis). II
terrain est tres dur et recouvert de petits cailloux. ne fallut pas moins de dix-neuf etapes pour atteindre
Malgre 1'aridite du sol, une grande quantite d'herbes ce terme final. Les dix-neuf stations, dont plusieurs
brunes et dessechees sont eparses a la surface, et four- nous restent inconnues, sont enumerees Num., xxxin,
nissent un combustible pour le campement. Pendant la 17-36. Cf. Lagrange, L'itineraire des Israelites, dans la
plus grande partie de 1'annee, le terrain semble brule Revise biblique, 1900, p. 277; L. de Laborde, Commen-
et mort; mais il arrive, avec la pluie', a une vie sou- taire geographique sur I'Exode et les Nombres, in-f°,
daine. Dans les ouadis, la vegetation est beaucoup Paris, 1841, p. 120-127. A Cades, situee dans la partie
plus abondante que dans les plaines. La, il y a toujours septentrionale du desert de Pharan qu'on appelle aussi
P H A R A N — PHARAON 190
quelquefois desert de Sin, Moise regut de Dieu 1'ordre de misericorde et de justice acccomplie dans le passe en
d'envoyer dans la Terre Promise, les douze espions se montrant de nouveau a son peuple :
charges de 1'explorer, Sur la route qu'ils suivirent, Dieu vient de The'man
cf. E. H. Palmer, The Desert of the Exodus, t. n, Et le Saint de la montagne de Pharan.
p. 510-513, 351. Voir ESPION, 2°, t. n, col. 1966. A leur Les donnees de ces textes sont trop vagues pour
retour, le rapport decourageant qu'ils firent au peuple nous permettre d'etablir avec certitude 1'identite des
provoqua une re volte, Dieu la punit en condamnant monts de Pharan. D"oii la divergence d'opinion parmi
tous les Israelites ages de vingt et un ans lors de leur les savants. Les uns les identifient avec le Djebel
sortie d'Egypte, a mourir dans le desert. Caleb et Josue Moukrah (1050 metres d'elevation) a 46 kilometres au
furent seuls exceptes de cette peine. Le peuple, cons- sud A'Am-Qadis, a 80 kilometres a 1'ouest d'Edom, et a
terne de cette sentence et passant alors de Pabatteinent 200 kilometres au nord du Sinai". Le Djebel Moukrah
ala presomption, voulut, malgre Moiise, envahir le pays occupe la partie meridionals du plateau accidente
de Chanaan et il se tit tailler en pieces, par les Ama- qu'habitent aujourd'hui les Arabes Azdzimeh.'W. Schultz,
lecites et les Chananeens dans les environs d'Horma. Das Deuteronomium erklart, 1859; Palmer, The Desert
Voir HORMA 1, t. m, col. 755. II fut refoule sur Cades. of the Exodus, p. 510, 288, 344-345. — D'autres, au
Num., xin-xiv. Alors commenca pour les enfants d'ls- contraire, retrouvent les montagnes de Pharan dans la
rael, du cote de la mer Rouge, celte vie errante de chaine qui du Sinai se projette vers le nord-est, tout
trenle-huit ans, dans le desert. le long de la cote ouest du golfe Elanitique jusqu'a
Les derniers incidents du sejour des Israelites dans Edom. Driver, Deuteronomy, Edimbourg, 1902, p. 391.
le desert de Pharan, depuis que la generation cou- — Har-Pd'rdn peut signifier aussi « la region monta-
pable y eut seme ses ossements, eurent encore lieu a gneuse et sauvage qui est situee au sud de la Pales-
Cades. Marie, soeur de Moi'se y mourut; Moi'se donnant tine. » L.-C1. Fillion, Bible commentee, t. vi, p. 520.
suite aux plaintes ameres du peuple a cause du manque A. MOLINI.
d'eau, y frappa le rocher et en fit jaillir une source I. PHARAON (hebreu : Pare'dh; Septante : *a-
abondante d'eau, qu'on appela Me-Meribdh ou « Eaux paw), tilre des rois d'Egypte. — I. SIGNIFICATION. — Le
de contradiction ». Voir EAUX DE CONTRADICTION, t. n, sens du terme pharaon n'est point douteux dans la Bible :
col. 1523. De Cades, Moise envoya des messagers au c'est le nom generique des rois d'Egypte, au temps d'Abra-
roi d'Edom pour obtenir la permission de traverser ham, de Moise et de 1'Exode, des rois et des prophetes.
son territoire/afin de gagner ainsi les frontieres de la Gen., xn, 15-20; Exod., vi,41; III Reg., ix, 16; Is., xxxvi,
Terre Promise : mais Edom refusa formellement. Quel- 6, etc. Pour deux d'entre eux seulement le nom gene-
que temps apres, se rapprochant de la Terre Promise rique se rencontre a eote du nom propre : « Pharaon
dans la direction de Test, les enfants d'Israe'l quitterent Nechao » et « Pharaon Ephree », de la XXVI6 dynastie.
definitivement le desert de Pharan. Num., xx, 1-22. Quatre autres sont designes simplement par leur nom
Le nom de Pharan ne parait plus que deux fois dans propre, dont deux de la XXIIe dynastie, Sesac et Zara;
1'histoire sainte. David, persecute par Saul, se refugia et deux de la XXV e , Sua et Tharaca. Voir ces noms/
dans le desert de Pharan, apres la mort de Samuel, Ces exceptions n'infirment en rien 1'usage general et
I Reg., xxv, 1, d'apres le texte hebreu, le Codex Ton peut dire que pour les auteurs sacres tout roi
Alexandrinus et .la Vulgate. Le Codex Vaticanus lit d'Egypte s'appelait Pharaon, de la meme maniere que
Maon, a cause de la suite du recit. Voir MAON, t. iv, plus tard toute reine d'Ethiopie s'appela Candace, que
col. 703. — Adad 1'Idumeen, fuyant devant Joab, tra- dans les temps modernes tout empereur de Russie
versa avec ses hommes le desert de Pharan et emmena s'appelle tsar.
avec lui plusieurs habitants du pays qui 1'accompa- II. ETYMOLOGIE. — L'origine du mot pharaon est
gnerent en Egypte oil il se refugia. Ill Reg., in, 18. egyptienne. 'O $apawv xar' AtyuuT^ouc ^afftXsa a-t)\).a.i-
A. MOLINI. vst. Josephe, Ant. jud., vm, 6, 2, nous en avait deja
2. PHARAN (hebreu : "El-Pd'rdn; Septante : rspsgcv- prevenus. Rosellini, Monumenli storici, 1832, i, p. 116-
6os TOU <£ap<xv; Vulgate : campestria Pharan, Gen., 117; Lepsius, Die Chronologie der Aegypter, 1849,
xiv, 6), 1'extreme point meridional de 1'expedition de p. 336, et Chabas, Le papyrus magique Harris, 1860,
Chodorlahomor contre les rois de la Pentapole. El- p. 1860, p. 178, note 2, ont propose successivement
Pharan, d'apres les Septante et la Vulgate, etait dans comme origine du mot pharaon 1'expression egyptienne
le desert; d'apres 1'hebreu, pres du desert. L'appellation
de Pharan lui vient probablement du desert du meme \£ *? 1, pa ra, « le soleil, le dieu Ra >>. Avec plus
nom, dont il aurait ete dans des temps tres recules la d'apparence de raison, Stern, Koptische Grammatik,
derniere limite orientale. D'apres les Septante, 'el desi- 1880, p. 92, et Zeitschrif t fur dg. Sprache, t.xxn, 1884,
gne un terebinthe qui etait connu et celebre dans le p. 52, a affirme que Pharaon etait identique a ~}ff rt)I-
pays. Beaucoup de commentateurs croient que cette
traduction est exacte. D'apres d'autres, 'el serait le nom pa our da, « le grand prince ». Mais ce titre frequent,
antique de la ville d'Elath, mais ce n'est qu'une con- qu'on rencontre en particulier dans le traite entre
jecture. Voir plus haut, col. 188. Ramses II et les Khetas et dans une stele du temps de
A. MOLINI. Scheschanq IV, « etait celui que la chancellerie egyp-
3. PHARAN (MONTAGNE DE) (hebreu: har Pffrdn; tienne donnait aux princes asiatiques ou africains, soit
Septante : 6'poc $apav), montagne du desert de Pharan. qu'ils reconnussent, soit qu'ils ne reconnussent pas la
Elle est nommee dans deux passages de 1'Ecriture : suzerainete des Pharaons. » Maspero, Sur deux steles
Deut, xxxni, 2; Hab., in, 3. L'un et 1'autre font allusion, recemment decouvertes, dans Recueil des travaux re-
en langage poetique, aux merveilles operees par Dieu latifs d la philologie et d I'archeologie egyptiennes et
a 1'epoque de la sortie d'Egypte. Dans 1'exorde du can- assyriennes, t. xv, 1893, p. 85. De bonne heure cepen-
tigue ou iJ benit les tribus d'Israe'l, Moi'se s'ecrie : dant, E. de Rouge, Note sur le mot Pharaon, dans le
Bulletin archeologique de I'Atheneum frangais, 1856,
Jehovah est venu du Si'na'z, p. 66-68, avait indique 1'etymologie vraie de ce mot en
II s'est lev£ pour eux de Sei'r,
II a resplendi des montagnes de Pharan, le derivant de ^_, per da, « la grande maison, le
II est sorti du milieu des saintes myriades. palais ». II se reneontrait avec 1'olxo? p.sYa; de la tra-
De sa droife jaillissaient sur eux des jets de .lumiere.
dition grecque conservee par Horapollon, Hierogly-
Habacuc, in, 3, supplie Dieu de renouveler I'oauvre phica, i, 61, edit. Leemans, 1835, p. 58. Cf. Maspero,
191 PHARAON 192
Histoire ancienne de I'Orient classique, t. i, 1895, grande maison ». Cf. Erman, Aegypten, loc. cit., et
p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales, Maspero, Les contes populaires de I 'ancienne Egypte,
voir Erman, Aegypten und dgyptisches Leben, edit, 3e edit. (1905), p. 14, note 1.
anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264. 2° Per da a cette epoque est presque toujours suivi
Aujourd'hui tout le monde est d'accord que Pharaon, du souhait royal par excellence •?• 4 jl,a»A; oudjasenb,
Pare'oh, est la forme hebrai'see de per da, comme le
« vie, sante, force! » ce qui est un signe, dans le fond,
J-<*!•—*-fW4^i'*~-~|e::|||£:::j Pi-ir--u- de Sargon parait que la metonymie prend corps de plus en plus, que le
en Stre la forme assyrianisee. Cf. Oppert, Memoire sur nom du palais marche vers une person nifi cation et va
les rapports de I'Egypte et de I'Assyrie, 1869, p. 15. etre attribute au maitre lui-me"me du palais. En effet,
L'etude des textes egyptiens de plus en plus nombreux la personnification est un fait accompli sous le nouvel
nous a fourni sur 1'expression per da, et sur son evolu- empire. — A la XVIII6 dynastie, une lettre, adressee
tion dans la langue des donnees d'un haut interet pour a Amenophis IV (Khounaton), porte en suscription
la Bible.
III. HISTORIQUE. — Ici nous avons pour guide principal, , per da dnk oudja senb Neb : « Pharaon v. s.
sans nous y astreindre de tous points et sans nous dis-
penser derecourir aux sources, un remarquable article f.! le Maitre! » tandis qu'a 1'interieur la titulature
de Griffith : Chronological value of Egyptian words complete du roi remplit les trois premieres lignes.
found in the Bible, dans les Proceedings of the Society Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxvin et p. 92. A la
of biblical arch&ology, t.-xxm, 1901, p. 72-76. Sous XIX« dynastie, per da prend le determinatif personnel
1'Ancien Empire ou les inscriptions officielles sont
" " _ _ J T I i ' <( Pnaraon v. s. f! » et devient une ex-
les seuls temoins de la langue, le mot ^ est pris au
pression courante pour designer le roi, comme dans le
sens litteral de « grande maison », palais du souverain : Conte des deux freres, ecrit au temps de Ramses II.
4~- i ^^, per da n souten. Mariette, Mastabas, C 1, Birch, Select papyri, t. n, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10;
p. 112. II entre surtout en composition avec toute une pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot
serie de titres : « Ami unique de la faveur de la « Pharaon » se presente toujours sans e"tre accompagne
grande maison », ibid., C 25, p. 160; « connu de la du nom royal jusqu'a la XXII6 dynastie. A cette epoque
grande maison », ibid., D 51, p. 314; « medecin de la seulement on commence a le faire suivre du nom du
grande maison », ibid., D 11, p. 203; « surintendant roi. De ce fait 1'un des Scheschanq (Sesac) estle premier
du jardin » ou « domaine de la grande maison », In- exemple, dans une stele hieratique : J J T I I'
scription d'Ouni, dans E. de Rouge, Recherches sur . « « n i n nra Ji M i » i
IKS monuments qu'on pent attribuer aux six pre- ffltt Vlfltt V ^ ^ ^ i P ' « le pharaon v. s. f.
mieres dynasties, pi. vn, lig. 9. Dans tous ces titres Shashaka v. s. f. ». Spiegelberg, Eine Stele aus der Oase
nous voyons per da s'ecarter de son sens primitif, Dachel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A
une metonymie s'ebauche, si bien que partout nous la XXVe dynastie abondent les documents le"gaux et dans
pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n'en est les dates des papyrus de 1'epoque de Taharqa on trouve
pas encore le synonyme adequat, ce n'en est qu'une per da precedant le nom royal. Revillout, Quelques textes
paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le demotiques archaiques, papyrus 3228 du Louvre. A
Saint-Siege pour le pape, la Sublime Porte pour le partir de ce moment jusqu'a la fin de la periode paiienne,
sultan. Cf. W. M. Muller, art. Pharaoh, dans Cheyne, tous les rois en demotiques sont intitules « Pharaon »,
Encyclopedia biblica, t. in, col. 3687. — Au moyen ^_^
ou avec e cartoucne
empire, XHe-XVII8 dynastie, avec les papyrus nous .EH'
sortons des textes officiels et de leurs artifices. Desor- "* " ^^—
"* " ' "
mais c'est 1'idiome populaire, plus fidele interprete de les Coptes, 1'ancien per da perdit le am et devint nepo,
la nature du langage et de ses particularites, qui va Griffith, Stories of the high priest of Memphis, 1900,
nous fournir des exemples. La encore per da se mon- p. 73, note 7; puis le n initial, considere a tort comme
tre tantot avec un sens franchement litteral, tantot 1'article, disparut a son tour et il resta epo, ppo, OTpw.
avec un sens plus vague derriere lequel se cache le Steindorff, Zeitschrift fur ag. Sprache, t. xxvn, 1889,
roi. Ainsi, a la XII« dynastie, il est question de taxes p. 107; Sethe, Das dgyptische Verbum, 1.1,1899, p. 22.
sur le betail pour « la grande maison ». Griffith, Hie- IV. LE MOT PHA.RAON ET LA CRITIQUE DE LA BlBLE. —
ratic Papyri from Kahun and Gurob, 1898, pi. xvr, et On a voulu tirer contre Tauthenticite du Pentateuque
p. 30. A la XIII6 dynastie on parle de « la porte de la une objection de la maniere dont y figure le mot Pha-
promenade du roi dans la grande maison ». Mariette, raon. Les uns ont dit: « Dela part d'un homme (Moi'se)
Papyrus egyptiens du musee de Boulaq, t. ir, 1878, eleve a la cour du roi, nous aurions pu nous attendre...
n. XVIII, pi. xxx; de « provisions envbyees a la grande a des renseignements plus precis sur les noms propres...
maison », ibid., pi. xxxm. Dans un document qui est II y en a si peu que, dans toute cette histoire (1'Exode),
pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons il est toujours question du roi Pharaon, qu'il s'agisse
encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die de celui dont la fille recueillit 1'enfant dans le fleuve,
Mdrchen des Papyrus Westcar, 1890, pi. vm et p. 10. ou de celui devant lequel le vieillard octogenaire se'
Deux remarques sont a faire sur les textes de cette presente pour demander la liberte de son peuple. Le
periode : 1° Le mot per da s'y trouve ordinairement redacteur n'eprouve pas le moindre besoin de distinguer
par leurs noms des personnages si importants. La no-
au duel, ^ , per(oui] aa(oui), « les deux grandes tice qu'il survint un autre roi qui ne savait rien de Jo-
maisons », particularity qui tient a ce que 1'Egypte fut seph... n'est pas precisement 1'indice d'un temoignage
de tout temps divisee en deux terres, la terre du Sud immediat. » Reuss, L'histoire sainte et la loi, t. n,
et la terre du Nord. L'union des deux terres se faisait 1879, p. 80-81. Sans nous arr^ter a relever 1'expression
dans la personne du roi, qui devenait ainsi le. double inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres
roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et, Saints et la critique rationaliste, t. iv, 1902, 5e edit.,
par suite, ce qui se rapportait a lui revetait un carac- p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu'en ne desi-
tere de dualite pour repondre a sa double personnalite. gnant le roi que par son titre generique de Pharaon
Ainsi «la Maison Blanche (magasin royal) » etait « la Moise est en parfait accord avec les usages d'Egypte a
double Maison Blanche », le Palais etait « la double son epoque. II nomme le roi comme on le nommait du
193 PHARAON D ' A B R A H A M 194
temps de Ramses II, comme faisait, par exemple, 1'au- ag.Sprache, t. xxxvn, 1899, p. 99-101. J. H. Breasted,
teur du Conte des deux Freres. On ne peut done lui A history of Egypt, in-8°, New-York, 1905, et Ancient
demander une meilleure mise au point.« Ce fut surtout Records of Egypt, t. i, 1906, p. 25-39, accepte de con-
au temps des Ramses, quand le peuple d'lsrael etait fiance cette chronologic. Mais ainsi que le- remarque
prisonnier en Egypte, que ces mots (per da) servirent a Maspero, Revue critique, nouvelle serie, t. LXII, 1906,
denommer le roi du Delta et de la Thebaide...Lorsque p. 142, « lors meme qu'on admettrait 1'authenticite des
nous donnons aujourd'hui a Ramses le nom de Pha- calculs eleves sur cette observation, la reduction syste-
raon, nous employons 1'expression meme dont se ser- matique du nombre de siecles assignes aux dynasties
vaient ses contemporains pour le designer. » V. Loret, anterieures a la XVIII« n'est qu'une affaipe de senti-
L'Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18. Par ment. M. Borchardt ayarit a choisir pour I'epoque dela"
cette simple observation nous voyons aussi le cas qu'il XIIe dynastie entre deux periodes sothiaques dont 1'une
faut faire de cette autre affirmation, au sujet du sejour le reportait au debut du troisieme millenaire avant
d'Abraham en Egypte, Gen., XH, 15 sq. : « Le recit J.-C., et 1'autre au debut du quatrieme, a choisi la
contient une pale representation des choses d'Egypte; premiere a priori parce que 1'autre ne lui convenait
il ne connait ni le nom du Pharaon ni le nom de sa pas, et Ed. Mayer s'est range a cette facon de penser
capitale. >i Gxmkel, Genesis, 190V, p. 156. Sans derate, SUT Yavrtorile de Borchardt : en bonne critique ils au-
au temps d'Abraham, per da n'etait pas encore devenu raient du se borner a poser 1'alternative et a indiquer
1'expression usuelle pour designer le roi. Mais rappe- leur opinion personnelle sans Feriger en axiome ne
lons-nous que Moi'se vit, ecrit et meurt en pleine varietur. » Voir dans Archaeological Report, 1904-1905,
epoque ramesside. Voudrait-on qu'il eut fait de 1'ar- de YEgypt Exploration Fund, p. 43-44, un resume de
chaisme ou du style de basse epoque! Et precisement, la question et des discussions qu'elle a soulevftes
ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le entre Allemands. Faut-il maintenant avec d'autres
mot Pharaon — seul point en question ici — est pour retarder I'arrivee d'Abraham en Egypte? C'est en parti-
nous 1'ceuvre de Moi'se, c'est que le mot Pharaon reste culier 1'opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews
indetermine sous sa plume. Le preciser par 1'adjonc- and Herodotos, 3« edit., 1902, p. 16 sq. II faut Ten
tion d'un prenom serait nous rejeter au moins a la croire si 1'on accepte les calculs de Flinders Petrie,
XXII 0 dynastie, c'est-a-dire apres 1'an 1000. C'est juste- Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xn, p. 163-
ment pour placer la composition du Pentateuque vers 185. Celui ci reprend resolument la periode sothiaque
cette date que d'autres ont emis des conjectures d'ap- abandonnee par Borchardt et Ed. Meyer, tache de
parence plus scientifique. Us veulent bien que le titre 1'etayer a 1'aide de dates trouvees au Sinai, et assigne
« Pharaon » soit employe familierement dans la litte- comme origine a la XIIe dynastie 1'an 3459. Reste alors
rature populaire du Nouvel-Empire. Mais c'est plus 1'espace suffisant pour caser entre la XIIe dynastie (3459-
tard seulement, affirment-ils, qu'il devient le mot usuel 3246) et la XVIII6, qu'on admet de part et d'autre com-
pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions mencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIII6 dy-
comme honef,« sa majeste », et souten. Par consequent nastie et les suivantes qui comprennent la periode des
les Hebreux ne purent le recevoir qu'apres Fan 1000 Hyksos. Reste aussi pour les dynasties XIII-XVII, si
avant J.-C. W. M. Muller, art. Pharaoh., loc. tit. M. W. peu cpnnues,« assez de jeu dans la chronologic relative
M. Muller oublie que 1'evolution du mot per da est de PEgypte pour que, dit Maspero, loc. cit., nous y
complete sous la XVIII6 dynastie, temoin 1'adresse de puissions ranger les faits nouveaux sans etre obliges a
la lettre a Amenophis IV. Pharaon est done des lors le demolir et a reconstruire un systeme rigoureux a
mot usuel, le terme courant et a la portee de tousqu'un chaque decouverte d'un regne inconnu.» Etantdonnees
historien emploiera de preference. Et pourquoi les He- ces incertitudes de la chronologic generale, qui
breux vivant en Egypte et meles aux Egyptiens, pour- s'aggravent encore dans les details, il n'est done pas
quoi Moi'se surtout, eleve dans le palais royal, auraient- possible actuellement d'identifier le Pharaon d'Abraham
ils ignore ce fait et parle autrement que les gens qui ni meme la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon
les entouraient? Ce raisonnement garde toute savaleur n:en rappelle pas moins la vallee du Nil. Quoi qu'on en
meme dans 1'hypothese peu recevable de ceux qui ait dit, il agit et parle en roi egyptien. L'exactitude de
veulent faire coi'ncider 1'Exode avec les temps troubles 1'ecrivain sacre et la cdnfiance qu'il merite ressortent
d'Amenophis IV. W. M. Jluller, loc. cit., pretend tirer pleinement du recit.
une confirmation de son dire dansle fait qu'en Asie,au 2° Le pharaon, dit la Genese, XH, 16, fit bon accueil a
xiv« siecle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunei- Abraham. Ce n'etait pas la premiere fois que des Semites
formes de Tell Amarna adressees a Amenophis III et a trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoum-
Amenophis IV de la XVIII« dynastie. Mais on ne peut hotep a Reni-Hassan nous fournit un tableau d'immigrants
etablir de parite entre les auteups de ces lettres, des asiatiques qui peut servir d'illustration a la descente
roitelets syriens, vivant en dehors de la vie egyptienne, d'Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-meme
et les Hebreux habitant la terre meme des Pharaons, en Egypte. Voir t. n, la planche entre les colonnes
et Moi'se surtout « instruit dans toute la sagesse des 1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, en-
Egyptiens », Act., vn, 22, et auquel nous ramene a fants, trente-sept personnes. Quand meme Pinscription
chaque instant, comme a 1'auteur du Pentateuque, ce ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race a
que nous revele 1'egyptologie. Cf. Reyes, Bibel und leurs traits, a leurs ve'tements multicolores, a leurs
Aegypten, 1904, p. 24. C. LAGIER. armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbe des
hommes est noire et pointue, leurs armes sont 1'arc, la
2. PHARAON D'ABRAHAM. — 1° C'est le premier que javeline, la hache, le casse-tete et le boumerang. Si la
mentibnne la Bible. Gen., XH, 15. Avec Ebers, Aegypten plupart des hommes n'ont pour vehement que le pagne
und die Bucher Mose's, t. i, p. 256-258, et d'autres, ce bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau,
Pharaon doit-il etre cherche parmi les Amenemhat o.u les les femmes, de longues robes de bon gout et de belle
Osortesen de la XII e dynastie, c'est-a-dire aux environs elegance, le tout raye, chevronne, quadrille de dessins
de 1'an 2000? II n'y aurait pas d'hesitation possible si bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, seme de
nous devions admettre comme certaine la recente chro- disques blancs centres de rouge. Des anes portent le
nologie basee par Ed. Meyer, Aegyptische Chronologic, mobilier. Un autre ane est muni d'une sorte de selle a
dans les Abhandlungen der koniglichen preussischen bords releves ou sont assujettis deux enfants.. G'est le
Akademie, 1904, surun lever de Sothis decouvert dans grand veneur Neferhotep qui a rencontre ces Amou, le
un papyrus de Kahun par Borchardt. Zeitschrift fur scribe royal Kheti les a aussitot inscrits et, en les pre-
DICT. DE LA BIBLE. V. - 7
195 P H A R A O N DE JOSEPH 196
sentant a son maitre, il lui Iransmet la requete du chef a la seconde cataracte, jusqu'a Semneh, et que les
de la tribu, Abescha. Celui-ci demande a s'etablir sur les districts de 1'or furent ouverts aux expeditions annuelles.
terre&de Pharaon. En signe de soumission, il offre les Nous apprenons par la tombe d'Ame'ni que cet officier
produits du desert, du kohl, un bouquetin et une dirigea deux expeditions aux mines de 1'Etbaye, suivi la
gazelle. Knoumhotep le recoit, lui et les siens, avec premiere fois d'une escorte de quatre cents, la seconde
le ceremonial usite pour les personnages de distinc- fois de six cents hommes. A chaque fois il ramena au
tion. Ceci se passait sous la XIIe dynastie, en 1'an VI Pharaon Osortesen I«r tout 1'or qui lui avait ete
d'Osorte"sen II, avant la venue d'Abraham en Egypte. demande. Newberry, loc. cit., pi. vm, p. 21-26. Au
Cf. Newberrj, Beni-Hasan, part, i, pi. xxxi, xxxvm et retour d'une de ses campagnes en Nubie, Osortesen
p. 69 (Memoire I de I'Archaeological Survey). III delegua a Abydos son tresorier Ichernefret pour
3° Abraham avait une raison de plus d'etre bien orner le sanctuaire d'Osiris, ses barques et tout le mobi-
traite: il etait aceompagne de Sara,'remarquable par sa lier avec 1'or rapporte. Stele i204 de Berlin,, publiee
beaute, et qu'il faisait passer pour sa soeur. Les sujets par H. Schaefer, dans les Untersuchungen zur Ge-
du Pharaon en pre"viennent aussitot leur maitre. Et schichte und Alterthumskunde Aegyptem de Sethe,
Sara enlevee est placee dans le harem royal. En Egypte, t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux tresors decouverts
comme dans tout 1'Orient, le roi, outre 1'epouse prin- a Dahchour par M. de Morgan confirment cette abon-
cipale, avait un harem ou il s'arrogeait le droit d'in- dance de 1'or sous la XIIe dynastie. Fouilles a Dahchour,
troduire toute femme libre a sa convenance. Un grand 1894, pi. xv-xxv et p. 60-72; Fouilles a Dahchour, 1894-
offlcier en etait le gouverneur. II avait sous lui un 1895, pi. v-xin et p. 51-53, 58-65, 67-68.. Sous la XVIH«
scribe et divers fonctionnaires. Cf. Erman, Aegypten dynastie cette richesse excitera I'auri sacra fames des
und agyptisches Leben, edit, ariglaise, p. 74. Tout ce roitelets syriens. II leur faut de 1'or, de 1'or pur, ils y
monde etait attentif a prevenir les desirs et les passions reviennent sans cesse dans leur correspondance. « Que
de leur seigneur, comme les courtisans du Conte des mon frere, ecrit 1'un d'eux a Amenophis HI, m'envoie
deux Freres. Une boucle de cheveux parfumes a ete de 1'or en grande quantile, sans mesure; qu'il rn'en
apportee par leNil. Les scribes et les sorciers s'ecrierent ehvoie plus qu'il n'a fait a mon pere. Car dans la terre
aussitot : « Cette boucle de cheveux appartient a une de mon frere 1'or est aussi commun que la poussiere. »
fille dePhra-Armachis qui aenelle 1'essence de tousles Winckler, loc. cit., n. 25.
dieux! » Des messagers a la hate se metlent en cam- Quant a 1'objection tiree de la presence du chameau
pagne et Ton amene la personne que le Pharaon salue parmi les dons du Pharaon a Abraham, voir CHAMEAU,
grande favorite. Maspero, Les contes populaires de t. n, col. 524-525. Ajoutons que les etudes et les fouilles
I'ancienne Egypte, 36 edit. (1905), p. 13-14. Mais les recentes confirment sur ce point les donnees de la Bible.
preferences des Egyptiens allerent de tout temps aux Le musee de Berlin possede un vase en terre cuite re-
filles de 1'Asie. Dans YOstracon 2S62 du Louvre nous presentant un chameau accroupi, charge de quatre
voyons le prince Samentou, fils de Ramses II, accepter jarres et monte par son conducteur. Von Bissing, Zur
dans son harem une fille Semite de basse naissance, Geschichte des Kameels, dans la Zeilschrift fur tig.
« suivant une ancienne coutume pratiquee par les Pha- Sprache, t. xxxvm, 1900, p. 68-69, estime que cet objet
raons comme par les sujets. » Spiegelberg, Ostraca remonte aux derniers Ramessides, 1100-1000 avant J.-C.
hieratiques du Louvre, dans Recueil des travaux, Flinders Petrie, dans ses fouilles de 1907, Gizeh and
t. xvi, 1894, p. 64-65. Les roitelets syriens pour se faire Rifeh, p. 23, a trouve aux environs d'Assiout, dans une
bien venir du Pharaon, sous la XVIII6 dynastie, neman- tombe de la XIX e dynastie, la represenlation bien au-
quent pas. de le pourvoir de femmes esclaves et se pre- thentique d'un chameau. Le meme Flinders Petrie,
valent du present. C'est ainsi qu'Abkhiba de Jerusalem Abydos, part, n, 1903, pi. x, n. 224 et p. 27, 49 (Me-
rappelle qu'il a envoye au Pharaon vingt et une esclaves. moire xxiv de VEgypt Exploration Fund) avait deja
Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, n. 181, trouve en Abydos une fete de chameau en terre cuite,
p. 309. Amenophis II admit dans son harem au moins contemporaine des objets de la I re dynastie.
trois princesses Semites, dont 1'une, comme suite, C. LAGIER.
n'amena pas moins de trois cent dix-sept compagnes 3. PHARAON DE JOSEPH. — 1° En admettant, comme
choisies. Petrie, A history of Egypt, t. n, 3e edit., on le fait generalement aujourd'hui, que TExode eut
1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que 1'on pour- lieu dans les premieres annees de Menephtah qui com-
rait multiplier, suffisent a ppouver que 1'enlevement de menca de regner vers 1225, et en ajoutant a ce chiffre
Sara etait un geste vraimf nt pharaonique. On sait ce les 430 ans que les Hebreux passerent en Egypte,
qui en resulta. « Et Pharaon appela_ AJbraham et lui Exod., XH, 40, nous obtenons la date approximative de
dit : Qu'est-ce que tu as fait? Pourquoi ne m'as-tu pas 1655, epoque de leur arrivee dans la terre de Gessen,
fait savoir que c'etait ta femme ? Pour quel motif m'as- epoque aussi des Hyksos egyptianises, mais a leur de-
tu dit qu'elle e"tait ta soeur, de telle sorte que je la clin. Cela concorde avec la tradition. Jean d'Antioche,
prisse pour femme? » Gen., XH, 18-19. II semble que les dans Hist, grsec. fragm., fragm. 30, edit. Didot, t. iv,
grandes plaies dont Dieu frappa le Pharaon a cause de p. 555. Or, parmi les derniers rois Hyksos, XVI6 ou
Sara aient reveille dans son cceur la crainte de 1'adul- XVII6 dynastie, se trouvent les Apapi, et c'est precise-
tere. Tout defunt avail en effet a repondre a ses juges ment sous un Apapi, d'apres la tradition encore, que
sur cet article et la porte du sejour des dieux lui etait Joseph devint vizir d'Egypte : Xeyouai -rtvsc... TW TSTdprw
fermee s'il ne pouvait dire : « Je n'ai pas eu commerce £T£^ TYj; pacrdeta? aOroO ("Acpwiptc) TOV 'Iw<TT)9 eXOstv el?
avec une femme mariee. » Pierret, Le Livre des morts 8o-3Xov. OXITOC y.a.tiGrt\Ge. TOV 'laxyjjip xuptov
des anciens figyptiens, c. cxxv, p. 374. xat uaffyi? TYJ? potaiXsia? auTou TW \X,' '£rtt. tf^<;
4° Sara fut done rendue a Abraham et celui-ci avec . Syncelle, Chronographie, edit. Dindorf,
tous ses biens et les presents qu'il avait recus remonta 1829, p. 204. L'un des Apapi, peut-etre le second, serait
« vers la region meridionale... Et il etait tres riche et done le Pharaon de Joseph. Voir JOSEPH, t. HI, col. 1657.
possedait beaucoup d'or et d'argent. » Gen., xiu, 1,2. Centre ce calcul on a invoque la stele de Menephtah.
Cet or ne lui venait pas de la terre de .Chanaan qui Voir MENEPHTAH, t. iv, col. 956-957. En 1'an V de Me-
n'en produisait pas, mais dela munificence du Pharaon. nephtah, disent quelques-uns, les Hebreux sont en
De tout temps Tor abonda en Egypte apporte par les Palestine ou ils se trouvent en conflit avec les Egyp-
Nomades, et le Pharaon en etait 1'unique dispensateur. tiens, ce qui permet a Menephtah d'affirmer qu' « Israel
II y abonda surtout a partir de la XIIe dynastie lorsque est d6racine; qu'il n'y en a plus de graine » ou « de
les limites de Pempire furent reportees par la conquete posterite ». W. Miiller, loc. cit., col. 3688; Steindorff,
197 PHARAON DE JOSEPH 198
ZeitschriftfurdieAlttestamentliche Wis$enschaft,t. xv, coutumes pharaoniques, feteront de m^me « le jour de
1896, p. 330, etc. A cela on a fait deux reponses princi- la naissance du dieu bon » Epiphane, Pierre de Ro-
pales: — a) Les troupes de Menephlah, si tant esl qu'elles sette, texte hierogl. lig. 10, « la fete de la nouvelle
pousserent jusqu'en Palestine, purent y trouver des annee — ra fe.vibli<x, — de Sa Majeste, » le dieu £ver-
Israelites, mais non ceux de 1'Exode. Jacob en effet des- gete Ier. Decret de Canape, lig. 3. Et ces jours solennels
cendit en Egypte seulement avec ses fils et leur famille, sont une occasion de faveurs pour leurs sujets, Pierre
au nombre de soixante-dix personnes, Gen., XLVI, 27; de Rosette, lig. 47, comme pour Pechanson du Pha-
raais une partie de la tribu, de cette tribu qui avait raon de Joseph, Gen,, XL, 21, comme pour les prison-
deja fourni a Abraham trois cent dix-huit hommes pour nlers a 1'avenement de Ramses IV, Maspero, Notes sur
combattre Chodorlahomor, Gen., xiv, 14, resta au pays. quelques points de grammaire el d'histoire, dans
D'autres Israelites durent revenir dans 1'intervalle. Tout Recueil des travausc, t. 11, 1880, p. 115-117, ou ceux de
ce monde campait dans la region d'Hebron, autour du la Pierre de Rosette, lig. 14. Ce dernier passage semble
tombeau d'Abrabam ou Joseph avait ramene le corps de
son pere. Gen., L, 13. Pendant que les Israelites de
Gessen poursuivaient leur marche au desert, c'est dans
ce lieu de ralliement des groupes epars que Menephtah
put ecraser les Hebreux restes dans le pays ou revenus
d'Egypte soit apres la fin de la disette, soit lors du
voyage de Joseph, soit a d'autres epoques. Cf. Daressy,
Revue archeologique, 3e serie, 1898, t. xxxui, p. 262-
266. — b) « II me semble, dit Edouard Naville, que nous
avons ia une allusion tres courte au fait que 1'Exode a
eu lieu, » que nous avons aussi « la version egyptienne,
ou plutot le nom que les Egyptiens donnaient a cet
tion. Quibell, Hierakonpolis, part, i, 1900, pi. xxix. 5° Quand la Bible fait dire a Joseph par le Pharaon :
3° Deux ans apres, le pharaon eut le double songe des « De ta bouche dependra tout mon peuple, » elle ne
sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des xx
sept epis pleins et des sept epis desseches. L'esprit fait que traduire un titre egyptien "y* » , ra-heri
« frappe », il convoque ses conseillers, comme cela ou ro-berif « bouche superieure. » Le fonctionnaire
arrive dans toutes les grandes circonstances : les sages~ qui portait ce titre etait le premier intermediaire "entre
et les magiciens. Gen., XLI, 1-8. C'est ainsi qu'Osorte- les fonctionnaires et le Pharaon : toutes les affaires
sen Ier, songeant a reconstruire le Temple d'Heliopolis, passaient par lui. Un certain Rahotep etait « la bou-
assemble son conseil et expose son plan que tous che du roi de la Haute-Egypte et 1'oracle du roi de
approuvent. L. Stern, Urkunde uber den Ban des la Basse-Egypte ». Brugsch, Worterbuch, t. vi, p. 671.
Sottnentempels zu On, pi. i, lig. 1-17, dans Zeitschrift Tenouna de la XVIII6 dynastie s'intitule « grande bou-
fur ag. Sp. t. xn, 1874, p. 85 sq. C'est ainsi encore che superieure du pays tout entier ». Id., Recueil des-
que Ramses II, d'apres la stele de Kouban, sollieite monuments, pi. LXVI a. Avant d'etre roi, Ramses III
d'assurer 1'eau aux caravanes des mines d'or, s'inspire fut eleve par son pere a la dignite de « grande bouche-
de ses conseillers pour la construction de nouvelles superieure de tous les pays d'Egypte ». Chabas, JRe-
citernes. Prisse d'Avennes, loc. cit., pi. xxi. Si le cas
etait ardu, ce n'etait plus seulement les sages ou
hakamim qu'on appelait en deliberation,mais aussiles
magiciens ou hartumim. Voir DIVINATION, t. n, col. 1443-
1444; MA.GIE, t. iv, col. 563. « La sorcellerie avait sa place
dans la vie courante aussi bien que la guerre, le com-
merce, la litterature, les metiers qu'on exercait, les di-
vertissements qu'on prenait... Le pretre etait un magi-
cien... Pharaon en avait toujours plusieurs a cote de lui...
et qui etaient ses sorciers attitres. » Maspero, Les contes,
preface, p. XLVI. Us possedaient les secrets de Thot, gar-
daient soigneusement les ecrits hermetiques par lesquels
ils avaient puissance sur la nature. Cf. Maspero, loc. cit.,
p. 102-103, et Histoire ancienne, 1.1, p. 145-146, 279-280.
Ce sont ces memes conseillers, sages ou devins (fig. 37),
dont Je prophete raillera plus tard 1'impuissance a
sauver le pharaon et 1'ngypte des Assyriens. Is., xix,
11-13. Le pharaon de Joseph ne fit done, en convo-
quant les sorciers, qu'agir suivant la pratique courante.
C'est, d'apres la tradition, ce meme Apapi qui ayant
construit un temple a Soutek reva d'imposer aux The-
bains le culte de son dieu. Les grands ou sages ne
purent lui dire quel moyen employer, landis que le
college des devins et des scribes trouva un expedient
qui lui plut. Maspero, Les contes, p. 238-242. Mais cetle
fois les devins furent impuissants a resoudre le cas.
4° L'echanson retabli dans sa charge se souvint alors
de Joseph qui expliqua le double songe. « Puisque
Dieu t'a montre tout ce que tu as dit, tu seras etabli
sur ma maison et au commandement de ta bouche 38. — Tradition du sceau. — Au nom de Toutankhamon, le grand
tout le peuple obeira, je ne serai plus grand que toi chancelier remet au prince Houi le sceau de gouverneur ou
que par mon trone, » ditle Pharaon a Joseph. Gen., XLI, vice-roi d'fithiopie. XVIII" dynastie. L'Jnscription se traduit :
39-40, Le fait d'appeler Joseph a une si grande charge « Remise du sceau de la dignite de royal fils par le grand
n'a rien que de tres naturel de la part d'un roi chancelier, afin que prospere la dignite du royal fils de Kousch
Houi. » (Son commandement) va de Nekhen (El-Kab) a Keri
Hyksos, puisque sous les dynasties indigenes la meme (Djebel Barkal). — D'apres Newberry, Scarabs, pi. n. — L'an-
chose se presente. A la cour de Menephtaht, le Chananeen neau et son chaton sont colores en jaune pour indiquer qu'ils
Ben-Matana est le premier porte-parole du Pharaon. Ma- sont en or. Les deux personnages portent la robe de fin lin.
riette, Abydos, t. n, pi. L; Catalogue general des monu- ^Tombe de Houi a Thebes. Colline de Kournet Mourai, pres du
ments d'Abydos, p. 422, n. 1145. N^samon et Neferka- petit temple de Deir el-Medinet.
ram-per-Amon, sous leurs noms egyptianises, sont deux
esclaves arrives a etre 1'un, surintendant des domaines cherches sur la XIX* dynastie p. 14, 27. Mais cette
d'Amqn-Ra, 1'autre, procureur du Pharaon. Papyrus Ab- fonction n'entrainait pas necessairement avec elle celle
bot, pi. iv et passim. Ce qui avait lieu pour des esclaves de vizir. Meme dans le Papyrus Hood-Wilbour, lig 14,
pouvait a plus forte raison avoir lieu pour des etrangers elle ne vient qu'apres la fonction de marechal de la
de marque. A la cour de Thebes, sous la XVIIIe dynas- cour. Cf. Maspero, Etudes egyptiennes, t. n, p. 25-26.
tie, etaient eleves a 1'egyptienne et combles d'honneurs C'est pourquoi apres avoir etabli Joseph sur toute sa
les fils des princes syriens, qu'on renvoyait ensuite a maison, le Pharaon qui veut faire mieux encore dit de
1'occasion commander dans leurpays. Mariette, Kamak, nouveau : « Voici que je t'ai etabli sur toute la terre
pi. xvii. Un chef de Gaza, Yabitiri, avait ete conduit d'Egypte. » Et en meme temps il lui fait la tradition
tout jeune en Jigypte par un inspecteur egyptien. « Je du sceau royal et de la robe de fin lin que nous
m'attachai au roi mon maitre, ecrit Yabitiri au Pharaon voyons portee par Rekhmara, vizir de Thothmes III,
et je demeurai a la porte du roi mon maitre... Le joug dans 1'exercice de ses fonctions. Chez Newberry, The
du roi mon maitre est a mon cou et je le porterai. » life of Rekhmara, pi. xii, Rekhmara est assis dans
Winckler, Die Thontafelnvon Tell el-Amama, n. 214. la longue robe de vizir; pi. xn et XXIH, il fait scel-
Ce sera plus tard le cas de Hadad 1'Idumeen qui, nous ler les provisions du temple d'Amon, et il nous dit,
1'avons vu, epousa la soeur de la reine et dont le fils pi. xvii, lig. 3, que lui-me'me il scelle de son sceau les
fut eleve parmi les princes du sang. Jeroboam sera portes du Tresor. Dans une tombe thebaine, Toutan-
accueilli de m£me par Sesac. Ill Reg., xi, 40. khamon nommait Houi a la dignite de vice-roi de Chus
201 PHARAON DE JOSEPH 202
et lui remettait en grande pompe le sceau royal sous la aujourd'hui encore les sais des equipages cairotes.
forme d'un anneau d'or massif (fig. 38). Joseph revolt Cf. en particulier Newberry, The rock tombs of el-
de plus un collier d'or. Voir COLLIER, t. n. fig. 308, Amarna, loc. ci£., pi. xnr, xv, xvi, xvn, ou Khounaton
col. 837. C'etait la recompense royale par excellence. sur son char est suivi de la reine et de ses filles ega-
La scene se reproduit souvent dans les tombeaux des lement sur leurs chars. — Sur abrek, du heraut de
grands fonctionnaires et les inscriptions ne manquent Joseph, cf. Spiegelberg, Aegyptologische Randglossen
pas de noter le nombre de fois que le Pharaon gratifia zum Alten Testament, 1904, p. 14-18, et voir ABREK,
de la sorte le defunt. Ahmes d'El-Kab, le bras droit de t. i, col. 90; sur le nom donne a Joseph, voir SAFNAT
son homonyme Ahmes Ier dans 1'expulsion definitive PA'NEAH. En changeant le nom de Joseph, le Pharaon
des Hyksos, recut jusqu'a sept fois 1'or de la vaillance. se conformait a une coutume egyptienne. Plus haut
E. de Rouge, Memoire sur le tombeau d'Ahmes, 1849, nous avons deja rencontre portant des noms egyptiens
p. 61. II suffira de renvoyer a Newberry, Rock Tombs plusieurs etrangers. Un certain Sarebibina, grand-
of el-Amarna, part, n, 1905, pi. XXXIH et p. 36-37 pretre d'Amon et pretre de Baal et d'Astarte, sous Ame-
(Memoire xiv de 1'Archeological Survey), ou Merira est nophis IV, s'appelait en egyptien Aba'i. Lepsius, Denk-
-39..— Triomphe d'Am^nophis III. Stele decouverte dans le temple funeraire de Menephtah. Musee du Caire 1377. — Le tableau est
double. La partie de gauche, incomplete ici, montre le pharaon sur son char marchant sur les Syriens. — La partie de droite est
complete : le pharaon foule sous son char les vils Ethiopiens dont les chefs ' sont H6s sur les chevaux. En legende, on lit :
<' (Le Dieu bon) maltre du glaive, puissant a les enehainer (ses ennemis du Sud); detruisant la race de la vile Kous, ame-
nant leurs chefs en prisonni ers vivants. »
accable d'or litteralement, eta la stele C d23du Louvre maler ausAegyptenund Aethiopien, publies par Naville,
ou Seti Ier de son balcon tend les mains vers son favori Sethe et Borchardt, t. i, p. 16-17. Un chef des orfevres,
Horkhem pendant qu'on passe au cou de celui-ci le Kertana, devint Nefer-renpit. Naville, Das agyptische
collier d'or. Cf, Vigouroux, La Bible et les decou- Totenbuch der 18-20 Dynastie, 1886, Introduction
vertes modernes, 6e edit. t. n, p. 128-129. p. 64. Ben-Matana, que nous connaissons, fut pour
6° II fallait que le peuple qui devait. obeir a Joseph tous les Egyptiens Ramses-m-per-ra, « Ramses dans le
connut aussi son elevation, et c'est pourquoi Pharaon temple de Ra » avec le surnom de Mer-on « aime
le fait monter sur son second char. Gen., XLI, 43. Ce d'Heliopolis ». La princesse hetheenne qu'epousa Ram-
n'etait plus la litiere des anciens temps portee a epaules ses II ne nous est connue que par le nom egyptien
d'hommes ou assujettie entre deux anes, mais le vrai que lui imposa le Pharaon : Our-ma-neferou-ra, « la
char asiatique introduit en Egypte avec le cheval par grande qui voit les beautes de Ra ». Maspero, Histoire
les Hyksos. A partir de cette epoque les monuments re- ancienne, t. n, p. 405-406.
presentent partoul le Pharaon paradant, combattant et 7° Quant au mariage de Joseph avec une fille d'un
triomphant sur un cbar enleve par de grands chevaux pretre d'Heliopolis, il etait des plus honorables. Le
{fig. 39). II en est de meme pour les hauls fonction- sacerdoce d'Heliopolis occupait J'undes premiers rangs
naires. Naturellement la hierarchic des chars suivait la par son antiquite et par la qualite de sondieu. A defaut
hierarchic des personnages, et comme Joseph etait de ses filles, le Pharaon alliait ses favoris a des filles
elabli le premier apres le roi, il devait marcher inime- de pretre. Lui-meme ne croyait pas deroger en choisis-
diatement apres lui. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten, sant parmi elles son epouse principale. La femme
I fasc., p. 250-253. Grace aux tombes de Tell el-Amarna, d'Amasis, la mere de Psammetique III, etait de race
il n'est pas difficile de reconstituer Pharaon sur son Sacerdotale. Wiedemann, Aegyptische Gesc/iic&te,1880,
char et son cortege, s'avancant au vent des grands even- p. 659.
tails, precede de ses coureurs que nous rappellent 8° On ne pouvait entrer en Egypte ou en sortir sans
203 PHARAON DE JOSEPH — PHARATHON 204
I'assentiment du Pharaon. Aux immigrants autorises a PHARATHON (hebreu : Pir'dfdn ; Septante : $<x-
s'y etablir etait,assignee la place qu'ils devaient habiter.
pa0c6v; Alexandrinus : 4>paa6wv), ville d'Ephraim,
Nous avons vu les Amou^du tombeau de Khnumhotep patrie du juge Abdon, flls d'lllel, ou il fut enseveli.
demander a se fixer en Egypte. XtesJSchccsou au temps Jud., xn, 13-15. De la fut aussi Banaias, un des vaillants
de Menephtah ne penetrent avec leuf s troupeaux dans chefs de 1'armee de* David. II Reg., xxm, 30; 1 Par.,
les paturages laisses libres par le depart des Hebreu* xi, 31; xxvn, 14. Cette ville etait batie sur la montagne
qu'avec Pautorisation des gardes qui veillaient a la d'Amalec. Voir AMALEC, t. i, col. 427. Elle fut plus tard
frontiere, et aussitot le Pharaon en est prevenu. Anas- fortifiee, munie de murs eleves, de portes et de serrures,
tasi VI, pi. vi, 4. Dans le traite entre le roi hetheen par Bacchide, general de 1'armee d'Antochius. I Mach.r
Khetasar et Ramses II, les contractants s'engageaient ix, 50. Quelques commentateurs ont doute si la <Papa-
reciproquement a se rendre les transfuges. Lig. 22-25, Owvc des Machabees (Alexandrinus et Sinaiticus 2 :
dans Records of the past, 1™ serie, t. iv, p. 30. L'Egyp- <Papa6wv; Vulgate : Phara; Josephe, Ant. jud., XIII,
tien Sinouhit refugie chez les tribus voisines du Sinai' i, 3 : <Papa6«6) etait identique a la Pharathon des
ne peut rentrer en Egypte que sur 1'invitation du Pha- Juges, parce que les villes fortifiees par le general
raon alors regnant. Maspero, Les contes, p. 71-73. Nous greco-syrien sont atlribuees a la Judee. Mais la phrase
ne sommes done pas surpris de voir le Pharaon de peut s'interpreter differemment : II batit des villes fortes
Joseph autoriser Jacob et sa famille a demeurer en en Judee et [en outre] les forteresses de Jericho, etc. ;
Egypte et leur designer un territoire, Gen., XLVII, 1-6, ou bien la Judee est prise ici dans I'acception plus gene-
pas plus que nous ne serous surpris de voir Menephtah rale qui lui a ete souvent attribute de « pays d'Israel ».
resister au depart des Israelites jusqu'a la dixieme Thamnata et Thopo (Taphua [?]), citees en ce passage,
plaie. C. LAGIER. n'appartiennent pas non plus a la province dee Judee.
Pharatha, d'apres le rabbin Estori ha-Parchi (xm siecle),
4. PHARAON DE L' « OPPRESSION ». Exod., I, etait situee « a environ six heures de Sichem, a 1'ouest
10, etc. Voir RAMSES II. declinant un peu au sud et appelee Fer'affd'. » Caftor
va-Pherach, edit. Luncz, Jerusalem, 1897-1899, p. 288.
5. PHARAON DE L'EXODE. Voir MENEPHTAH, t. IV, Fer'atff est aujourd'hui un petit village de moins de
col. 955-957. deux cents habitants, a douze kilometres environ a
1'ouest-sud-ouest de Naplouse, 1'ancienne Sichem. On
6. PHARAON (FlLLE DU). — I Par., iv, 18. Dans une s'y rend de cette ville par deux sentiers escarpes, dif-
genealogie, il est question d'une fille de Pharaon : Hi ficiles et formantde nombreux detours; et ce sont sans
auteni filii Bethise filiae Pharaonis quam accepit Me- doute ces difficultes qui ont induit 1'ecrivain juif en
red. Mered avail peut-etre rendu de grands services au erreur sur la distance reelle entre ces deux localites,
Pharaon. Dans 1'histoire de 1'Egypte, il .n'est pas rare -car on ne peut contester qu'il ne designe la meme loca-
de voir le roi recompenser ses serviteurs en les mariant lite. Fer'atd' s'eleve sur une colline de 555 metres
a 1'une de ses nombreuses filles. Bethia serait-elle une d'altitude au-dessus du niveau de la mer Mediterranee.
fille de Ramses II ? Convertie a son mariage, elle aurait Les belles pierres, regulierement taillees que Ton voit
Tecu un nom nouveau, rvru, Bityah, « la fille de Jeho- dans les murs des habitations modernes ou que 1'on
vah », nom d'autant plus auguste que son rang etait trouve eparses aux alentours, attestent que le village ac-
plus eleve. Voir BETHIA, t. i, col. 1686; JUDAIA, t. HI, tuel, s'il s'agit de Thamna d'Ephraim, comme permet
col. 1778; MERED, t. iv, col. 996. de le croire 1'ordredes villes procedant du sud au nord,
a succede a une localite antique de quelque importance.
7. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE DAVID. — On rencontre aussi des sarcophages en pierre de
Quand 1'armee de David battit les Idumeens, Adad, de style grec et des tombes antiques. A sept ou huit cents
la race royale d'Edom chercha un refuge aupres du metres, au nord-est du village, un petit sanetuaire-
Pharaon, III Reg., xi, 15-22. Ce Pharaon etait probable- musulman dedie a Youely Abou-Djoud est en grande
ment Psousennes II. Voir ADA.D 3,1.1, col. 166. veneration dans le pays. L'identification d'Estori repro-
duite par le rabbin Jos. Schwarz, Tebuoth ha-Arez,
8. LE PHARAON BEAU-PERE DE SALOMON. — Un edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 187, a ete adoptee par
Pharaon donna a Salomon sa fille en mariage. Ill Reg., Ed. Robinson, heue bibliscke Forschungen in Palastina,
HI, i. Voir SALOMON. Berlin, 1887, p. 175; Guerin, Samarie, t. n, p. 179-180,
et la plupart des palestinologues. Cl. R. Conder cepen-
9. LE PHARAON DE JEROBOAM ET DE ROBOAM. dant identifie Far'attd' avec Ephra, Jud., vi, 11, et
— Voir SESAC. L'Ecriture lui donne le titre de roi et propose de voir Pharathon dans Fir'aun. The sur-
non celui de Pharaon. vey of Western Palestine, Memoirs, t. n, p. 162-163,
164. Cf. Armstrong, Wilson et Gonder, Names and
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 137.
10. LE PHARAON ENNEMI D'ASA. — II est appele Fir'aun est un grand village de sept a huit cents habi-
« roi d'Ethiopie », II Par., xiv, 9, mais il etait sans tants, situe a trois kilometres au sud de Tul-Karem, sur
doute aussi roi d'Egypte. Voir ZARA. une des collines qui bordent la plaine cotiere mediter-
raneenne. Son nom procede sans doute de la meme
11. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'OSEE, ROI etymologic que Fer'atd'; mais tandis que celui-ci con-
D'ISRAEL. — II est appele roi d'Egypte. IV Reg., xvn, serve la forme historique arabisee du nom de Fer'atdri,
4. Voir SUA. comme 'Andtd, par exemple, celle de 'Anafot, on
s'expliquerait difficilement comment contrairement au
12. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'EZECHIAS, fait le plus constant dans la modification des noms
ennemide Sennacherib. Is., xxxvi, 6. Voir THARACA. anciens en Palestine, ce serait le t intermediate qui
aurait disparu tout en laissant subsister la syllabe
13. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE JOSIAS. — finale on. La Chronique samaritaine (xn« siecle)
Voir NECHAO, col. 1547. connail deja le nom de Fer'atd dans sa forme actuelle
et en fait rernonter 1'origine a 1'epoqtfe des Juges.
14. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE SEDECIAS, Suivant un recit legendaire, le lieu aurait ete ainsi
dont il est question dans Jeremie et dans Ezechiel. appele, de la racine fdra\ parce que la, a 1'occident
Voir EPHREE, t. H, col. 1882. C. LAGIER. du mont sacre de Garizim, les Israelites dissidents par
205 PHARATHON - PHARISIENS 206
rapport a eux, se seraient retires et « multiplies a vient de Josephe, du Talmud et du Nouveau Testament.
1'instar des rameaux d'un arbre touffu ». Chron. sa~ Josephe parle souvent des pharisiens et les passages
marit., ch. XLI, edit. Juynboll, Ley.de, 1848, p. 41. qui suivent sont surtout a etudier : Bell, jud., II.
L. HEIDET. vm, 14; Ant. jud., XIII, v, 9; XIII, x, 5-6; XVII,
PHARATHONITE (hebreu : hap-PirAtom; Sep- n, 4; XVIII, i, 2-4; Vita, 2, 38. Le portrait qu'il nous
tante : 6 <I>apa6wviTy)£; 6 <l>apaflwv{)> originaire de Pha- en trace est doublement precieux, parce qu'il est d'un
rathon. Un des juges d'Israe'l, Abdon, Jud., xin, 13,15, contemporain et d'un homme qui fut quelque temps
et Banaias, un des vaillants soldats de David, II Reg., affilie au pharisaiisme. Malheureusement, 1'historien
XXIH, 30; I Par., xi, 31; cf. xxvii, 14, e"taient de Phara- juif, desireux d'etre compris de ses lecteurs pai'ens,
thon. Voir PHARATHON. nous les presente comme une e"cole philosophique, les
assimile aux sto'iciens et les met constamment en oppo-
PHARES, nom, dans la Vulgate, de deux Israelites sition avec les sadduceens et les esseniens, qui seraient
qui ont des noms differents dans le texte hebreu. d'apres lui des sectes (oupsVEi?) du meme genre. Ces
reserves faites, les details qu'il no as donne sont fort
1. PHARES (hebreu : Peres, « breche »; Septante : instructifs et trouvent dans les faits leur confirmation.
4>ap£?), fils de Juda et de Thamar et frere jumeau de — Le Talmud contient, de nombreux details sur les
Zara. Voir THAMAR. Au moment de la naissance, Zara pharisiens, principalement dans leur contraste avec
presenta le premier la main et la sage-femme y attacha les sadduceens et le vulgaire ('am hd'-dres). On trou-
un fil cramoisi, mais il retira la main et son frere, qui vera dans Schurer, Geschichte des judischen Volkes,
fut appele pour cela Phares, sortit le premier. Gen., 2« edit., t. n, Leipzig, 1898, p. 384-388, les textes de la
XXXVHI, 28-30. Ces details sont donnes par la Genese, a Mischna a ce sujet. Bien que la Mischna n'ait etc
causedePimportancedesdroitsd'ainesse. Ces droits pa- redigee dans son etat actuel que vers la fin du second
raissent avoir ete donnes a Phares, car il est toujours siecle, par Juda le Saint, beaucoup de parties sont an-
nomme le premier dans les listes genealogiques. Gen., terieures et supposent 1'existence du temple. Mais ce
XLVI, 12; Num., xxvi, 20; I Par., n, 4; Matth., i, 3. Ses qu'il y a dans le Talmud (Mischna, Ghemara et Mi-
descendants furent b6"nis de Dieu, selon le souhait des drasch) de plus interessant que les textes particuliers,
parents de Booz, Ruth, iv, 12. ils devinrent tres nom- c'est 1'esprit pharisaique dont il est impregne d'un
breux; Phares fut la tige de la mission royale de David bout a 1'autre. Non seulement le Talmud est 1'ffiuvre
etl'ancetre de Notre-Seigneur. Matth., i, 3; Luc., m, 33. des pharisiens, mais il pent etre regarde comme
La poster! te de Juda forma quatre families principales, 1'image vivante et 1'incarnation du pharisai'sme. — Les
et Phares fut la souche de deux d'entre elles, celle des allusions du Nouveau Testament aux pharisiens ne
Hesronites et celle des Hamulites, par ses detix fils sont qu'accidentelles et les informations qu'elles nous
Hesron et Hamul. Num., xxvi, 20. Les deux autres fils fournissent ne sont le plus souvent qu'indirectes. Mais
de Juda ne furent chefs que d'une famille chacun, Sela les pharisiens jouentun tel role dans 1'histoire evange-
de celle; des Selaites, et Zare de celle des Zareites. Num., lique et apostolique que cette source de renseigne-
xxvi, 20. La genealogie des descendants de Phares est ments devient pour nous d'une tres haute importance.
donnee, Ruth, iv, 18-22, jusqu'a David, et plus en detail, Les recits et les discours de 1'Evangile eclairent d'un
I Par., n, 5, 9-in, 24, jusqu'apres la captivite de Baby- jour tres vif les donnees etrangeres et trouvent aussi en
lone. Outre les rois de Juda, tous descendants de elles leur commentaire et leur explication.
Phares, les livres historiques de 1'Ancien Testament II. LES NOMS DES PHARISIENS. — Le mot « pharisiens))
nous font connaitre parmi les Pharesites, les generaux est en hebreu witfinB, en arameen 7»uf>-i3, etat empha-
de David, Jesboam, I Par., xxvii, 3, ainsi que Joab et tique NiirrnB, d'ou vient le grec ^aptaatot. C'est done
ses freres, Abisa'i et Azael. fils de Sarvia, so3ur de
David, I Par., n, 16, qui descendaient de Phares au le participe passif de \ri2, pdras,« separer »; et la seule
moins par leur mere; leur pere n'est nomme nulle question estde savoir si les pharisiens sont ainsi appeles
part dans 1'Ecriture. Du temps de Zorobabel, 468 des parce qu'ils s'eloignent des choses impures, capables
fils de Phares habiterent Jerusalem. II Esd., xi, 4-6. de produire une souillure legale, ou parce qu'ils se se-
Cf. I Par., ix, 4. parent des personnes dont le contact et le commerce
les souilleraient. Une raison d'adopter le premier sens
2. PHARES (hebreu : Peres; Septante : $ap£«), le pourrait etre que le derive rrons ou rwns signifie
premier nomme des fils que Machir eut de Maacha. II 1'eloignement des choses impures, f exemption de toute
etait de la tribu de Manasse. I Par., vn,,16. impurete. Mais des raisons plus puissantes militent en
faveur du second sens. D'abord I'eloignement des choses
3. PHARES, un des mots prophetiques qui furent impures entraine necessairement I'eloignement des
ecrits sur la muraille de la salle du festin de Baltassar. personnes impures, c'est-a-diie de celles qui n'observent
Voir BALTASSAR 2, t. i, col. 1421-1422. pas les prescriptions relatives aux aliments ou aux
contacts impurs. Ensuite loute 1'histoire des pharisiens
PHARESITES (hebreu hap-Parsi; Septante^: Sv^o; nous les montre separes du vulgaire et formant entre
6 3>ap£a\; Vulgate : Pharesitx), descendants de'Phares, eux une sorte de cercle ferme. Enfin les ecrivains an-
fils de Juda. Num., xxvi, 20. Voir PHARES, 1. ciens adoptent unanimement cette acception. Clemen-
tinas horn., xi, 28, t. n, col. 296 (les pharisiens et les
PHARIDA (hebreu: Peridd', IIEsd., ix, 57; Perudd', scribes (H elcnv aytopiajAevot); Origene, In Matth., xxin,
I Esd.,11, 55; Septante: <J»epi8a, II Esd., ix, 57; <t»aSoupa, 2, t. xm, col. 1611 (dividunt seipsos quasi meliores a
I Esd.,n, 55), eponyme d'une famille de « serviteurs de multis... qui interpretantur divisi et segregati); In
Salomon » qui retournerent de la captivite de Babylone Matth., XXHI, 23, t. xm, col. 1626; Ibid., xxin, 29, t. xin,
en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 55; II Esd., ix, col. 1633 (recte Pharissei sunt appellati, id est preecisi) ;
57. Dans le premier passage, la Vulgate ecrit Pharuda, In Joa., vi, 13, t. xiv, col. 240 (5nf)pr,$jLe\(K rtvs^
conformement a 1'orthographe du texte original. Les xa\ araatwSsc?); Ibid., xm, 54, t. Xiv, col. 504;
« serviteurs de Salomon » etaient des Nathineens. Pseudo-Tertullien, Contra hser., a la fin du De prse-
Voir NATHINEENS, t. iv, col. 1486. script., t. n, col. 61 (additamenta quaedam legi ad~
struendo a Judasis divisi sunt); S. Epiphane, Cant,
PHARISIENS. — I. LES SOURCES. — Tout ce que h&r., XVI, 1, t. XLI, col. 249 (iXeyovro 8e *apt<rat ( n
nous savons des pharisiens — ou a peu pres — nous 8ta TO afoptajXEVoUs esvat «UTOU? am* TWV oe>,)i<«>v); S. Je^
PHARISIENS 208
rome, Adv. Luciferian:, 23, t. xxm, col. 178 (Pharissei circoncision, la celebration du sabbat, les sacrifices, en
a Judaeis divisi, propter quasdam observationes super- un mot tout le culte judai'que. Le 15 du mois de cas-
fluas, nomen quoque a dissidio susceperunt); In leu, un autel de Jupiter Olympien remplaca dans le
Matth,, xxii, 28, t. xxvi, col. 163 (unde et divisi vocaban- Temple 1'autel de Jehovah, et le 25 du me'me mois on y
tur a populo). Le Talmud donne de 1'etymologie du immolait des victimes. Cette profanation fit eclater le
nom des pharisiens la meme explication. On peut voir soulevement des Machabees qui trouverent bientot un
les passages dans le Lexique de Buxtorf et la definition ferme appui dans un parti qui s'etait forme un peu
des pharisiens dans VAruch. — Le sens du mot « pha- auparavant pour resisler a 1'hellenisme et pour mainte-
risien » etant « separatiste », il n'est guere probable nir intactela religion mosa'ique. Les Assideens, nn'cn,
que les pharisiens eux-memes se soient donne ce nom; o! 'AfftSaiot, «les hommes pieux. » — c'est ainsi qu'on
ilsfinirent par 1'accepter; mais tout porte a croire qu'il les nommait et qu'ils s'etaient peut-etre nommes eux-
leur fut attribue d'abordparleurs adversaires. En effet, memes — sont les ancetres des pharisiens ou pour
selon loute apparence, les pharisiens apparaissent pour mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom pres, des
la premiere fois dans 1'histoire sous le nom de an>on, pharisiens. Depuis Wellhausen, Die Pharisaer und
hasldim, « les homines pieux », lors du soulevement des die Sadducaer, Greifswald, 1874, p. 78-86, 1'identite est'
Machabees, Le nom de pharisiens est encore relativernent generalement admise. Cf. I Mach. i, 65-66; n, 42; vu,
rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux 12-13; II Mach. xiv, 6. Cohen, Les Pharisiens, t. i,
fois), il est mis dans la bouehe des sectes hostiles. En- p. 106, emet 1'hypothese que les assideens, en dispa-
fin nous savons que les pharisiens s'appelaient entre raissant, donnerent naissance aux deux sectes des pha-
eux anan, hdberim,<i associes ou compagnons ». — Un risiens et des esseniens : « Une fraction (les assideens)
fait tres digne de remarque et trop peu remarque, c'est la restant fidele a la tradition nazireenne, se refugia,
synonyrnie apparente, dans leNouveau Testament, entre contre les orages de ces temps malheureux, dans un
scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les ascetisme obstine. L'autre fraction (les pharisiens) — et
pharisiens sont tres souvent nommes ensemble comme ce fut la plus nombreuse — se separant de ses freres
une classe a part, mais ce qu'un Evangile attribue a en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en
un pharisien est par un autre Evangile attribue a un avant d'un pas resolu, aspirant ouvertement a diriger
scribe ou reciproquement. C'est que, a 1'epoque neo- dans les voies nouvellesle judai'sme reforme. » Si 1'ori-
testamentaire, les scribes appartenaient en general au gine assignee aux esseniens est tres contestable, la
parti pharisien; aucun scribe sadduceen n'a laisse un descendance des pharisiens du vieux parti assideen
nom dans 1'histoire et cela n'est pas pour surprendre, semble etablie.
car les sadduceens rejetant toute tradition, le metier de 2° Les pharisiens sous les Asmoneens. — C'est sous
scribe etait chez eux presque reduit a rien. Tous les le roi Jean Hyrcan] (135-105) que les pharisiens appa-
pharisiens n'etaient pas scribes, puisqu'on distinguait, raissent pour la premiere fois dans 1'histoire sous la
meme parmi les pharisiens, 1'ignorant (isV'jn) et le sa- denomination de pharisiens. Voici comment Josephe,
Ant. jud., XIII, x, 5-6, raconte 1'anecdote. Dans un
vant (nan), mais a peu pres tous les scribes etaient festin, ou les principaux d'entre les pharisiens etaient
pharisiens. Cependant les Evangelistes ont conscience invites, le roi pri'a les convives de ne pas lui menager
que les mots « scribes » et « pharisiens » ne sont pas leurs conseils. Pendant que les autres se recriaient,
pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils men- en exaltant a 1'envi les vertus du monarque, un des
tionnentles pharisiens a cote des scribes, Matth.,xii,38; assistants, nomme Eleazar, lui dit que ce qu'il aurait
xv, 1; xxm, 2, 13,14, 15, 23, 25, 27, 29; Marc., viz, J , de mieux a faire pour plaire a Dieu serait de se de-
5; Luc., v, 21, 30; vi, 7; xi, 53; xv, 2; cf. Act., v, 34. mettre du souverain pontificat. Comme -le roi en de-
Ils signalent meme quelquefois les scribes appartenant mandait la raison : « C'est, ajouta 1'autre, qu'au rap-
au parti pharisien, Marc., n, 6 (oJ ypa^atet? TWV $apt- port des anciens ta mere a ete captive. » Un saddu-
ffcctwv); cf. Luc, v, 30. Saint Jean ne parle pas des ceen, present a la scene, lui insinua alors que pour
scribes, sauf une fois dans Tepisode de la femme adul- sender les veritables sentiments des pharisiens a son
tere, vui, 3. Saint Luc emploie le mot ^pa^a-rev!; con- egard il n'avait qu'a leur demander quel supplice me-
curremment avec VOJAIXO; et vofjioStSaaxaXo?. Voir SCRI- ritait 1'insolent. Tous opinerent, non pas pour la mort,
BES et SADDUCEENS. mais poor la prison ou la peine du fouet; et le roi
III. HISTORIQUE. — 1° Origine des pharisiens. — jugeant par la qu'ils lui etaient hostiles et qu'ils pre-
L'esprit de separation, si caracte"ristique des pharisiens, naient secretement parti pour le coupable, se declara
commence a se manifester chez les Juifs revenus de desormais contre eux et se jeta dans les bras des sad-
1'exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. Des cette duceens. D'apres le Talmud de Babylone le fait se
epoque, la terminologie usitee dans la suite entre en serait passe sous Alexandre Jannee (104-76). Surl'avis
vigueur, quoique dans un sens different. Obeissant aux d'un sadduceen du nom d'Eleazar, le roi aurait feint de
exhortations d'Esdras et de Nehemie, les Israelites de- vouloir se demettre du pontificat afin de savoir ce que
vots se separent des habitants du pays ('am hd'dres), les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnant
c'est-a-dire des pai'ens ou des Juifs infideles qui etaient dans lefpiege, lui aurait dit : « 0 roi, contente-toi de la
restes en Judee apres la deportation. I Esd., vi, 21; couronne royale et laisse la couronne des pontifes aux
ix, 1; x, 11; II Esd., ix, 2; x, 29. Mais les pharisiens descendants d'Aaron. » A ces mots, Alexandre Jannee
proprement dits, qui se separent de la masse du peuple aurait fait mettre a mort tous les pharisiens. Des deux
trop peu zelee pour 1'observation rigoureuse de la loi, anecdotes la derniere est certaineinent la plus invrai-
ne remontent pas si haut. Leur premiere apparition a semblable. Voir E. Montet, Le premier conflit entre
lieu lors de la grande persecution entreprise par les pharisiens et sadduceens d'apres Irois documents
rois de Syrie en vue d'helleniser la Palestine. En mon- orientaux, Paris, 1887. Ces recits legendaires peuvent
tant sur le trone (175 avant J.-C.), Antiochus Epiphane contenir un fond de verite. Les pharisiens ne pou-
avait jure d'exterminer la religion juive,etil fut puissam- vaient pas voir de bon ceil les Asmoneens usurper et
noentseconde dans ce dessein par la lachete et 1'ambition retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les
d'un certain nombre de personnages influents apparte- visees profanes et les ambitions mondaines de Jean
nant an sacerdoce, entre autres les grands-pretres Hyrcan n'etaient point pour leur plaire. Les cruautes
Jesus, surnomme Jason, et Menelas. En 170, le monarque de ses deux fils et successeurs immediats, Aristobule
sacrilege avait penetre dans le lieu saint et enleve le et Alexandre, n'etaient pas non plus de nature a les
tresor du Temple. Peu de temps apres il interdisait la concilier et ils avaient contre ces deux princes un grief
209 240
nouveau, celui d'avoir ajoute a la qualite de pontife le Orleans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments pre-
titre de roi que Jean Hyrcan n'avait pas ose prendre. pares par un paien. De la vaisselle d'un palen.
A la mort d'Alexandre Jannee, les pharisiens rentrerent 2° Les pharisiens et la theologie. — Les pharisiens
en faveur. Ici encore il faut, dans le recit de Josephe, et les sadduceens etaient en disaccord sur trois points
faire la jpart de la legende. Sur le conseil du raonarque principaux : 1'immortalite de 1'ame, la resurrection des
expirant, sa femme Alexandra se serait livree aux justes et le libre arbitre. — A) L'immortalite de I'dme.
mains des pharisiens, leur permettant de reparer a leur — Les sadduceens etaient materialistes : ils n'admet-
gre les injustices de son mari, sans epargner sa taient ni anges, ni esprits. Act., xxin, 8. Ils affirmaient
memoire ni meme son cadavre. Touches de ces que Tame perit avec le corps. Josephe, Bell, jud., II,
avances, les" pharisiens auraient accorde au roi defunt vm, Ik; Ant. jud., XVIII, i, 4 : SaSoouxat'oi; TOCC ^X^ 6
de magniflques funerailles et pris sous leur protection Xoyo? a'jva^avi^s'. TOS; uw^aitv. Les pharisiens au con-
ses deux enfants Aristobule et Hyrcan qui lui succe- traire etaient spiritualistes : ils admettaient la survi-
daient, celui-ci comme roi, celui-la comme pontife. vance des ames, celles des mechants comme celles des
Ant. jud., XIII, xv, 5; xvi, 2; Bell, jud., I, v, 1-2. bons. Josephe, Ant. jud., XVIII, i, 3: 'AOavatov la-^uv
Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirerent TOCI; ^ux a '? w''ft; autoi; etvat. — B) La resurrection
une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre des justes. — II est evident que pour les sadduceens il
Jannee s'etait servi pour les persecutor. Les massacres ne pouvait etre question de resurrection, puisque 1'arne
et les exils arbitraires leur alienerent bien tot lescoeurs ne survivaitpas. Matth., XXH, 23; Marc., xn, 18, Luc., xx,
etfurent pour beaucoup dans la revolution qui fit pas- 27; Act., xxm, 8. Les pharisiens, de leur cote, ensei-
ser le sceptre des mains d'Hyrcan II a celles d'Aristo- gnaient bien que les mechants sont punis dans 1'autre
bule et qui amenerent, avec 1'intervention de Pompee, monde, mais ils reservaient aux justes seuls le privi-
la perte de Faulonomie juive. Dans les temps troubles lege de la resurrection. Josephe exprime cela en
qui suivirent on n'entend plus parler des pharisiens. termes qui rappellent la metempsyehose des platoni-
Us rentrent en scene a 1'avenement d'Herode auquel ciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell.
six mille d'entre eux refusent le serment de fidelite. jud., II, Vm, 14 : '^u^v Tr&aav JASV acpOapTov (xsta6atvstv
Frappes d'une forte amende et plusieurs meme punis 8s £t? £t£pov crwpia TY)v aYa6wv (AOVXJV, TOC; §£ T&V 9au),wv
de mort, ils restent en defaveur durant tout ce regne; ai'St'w Tt[Atopi'a xo)vd^£<j0au Mais ce texte est mis en lu-
mais leur credit aupres du peuple n'en devenait que miere par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui
plus grand. Ant. jud., XVII, 11, 4. A partir d'ici les presente le dogme de la resurrection sous un jour
pharisiens, grace au Nouveau Testament et au Talmud, orthodoxe, le seul qui cadrat avec les idees juives. —
apparaissent en pleine lumiere historique; mais toule C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josephe
la periode precedente est fort obscure, parce que les est des plus confuses, parce qu'il revet les concepts
pharisiens, qui par leurs scribes et leurs legistes se semitiques d'une terminologie hellenique. A Ten croire,
trouvaient maitres de la litterature, ont enseveli dans les esseniens auraient fait tout dependre du des tin; les
un silence systematique la dynastie des Asmoneens. sadduceens, tout rapporte au libre arbitre; les phari-
Judas Machabee lui-meme est a peine nomme dans le siens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud.,
Talmud et 1'on ne fait exception que pour le chef de XIII, V, 9 : Ttva xai ou Tiavta TTJS eijiapixlvijc spyov stvat
la famille Matathias. Voir Gaster, The Scroll of the
Hasmonseans (Megillath BeneHashmunai), dans Trans- YsvEwOat. Sans meme parler de ce schematisme suspect,
actions of the ninth internal. Congress of Orientalists, la notion du destin est tellement contraire aux idees
t. IT, Londres, 1893, p. 3-32. semitiques qu'il est difficile de deviner ce que Josephe
IV. DOCTRINES DES PHARISIENS. — 1° Les pharisiens a voulu dire. Peut-etre se rapprocherait-on de la verite
et les traditions. — Les pharisiens, dit Josephe, .se en remplagant le destin par la grace et le secours de
faisaient remarquer par leur exacte interpretation de Dieu ou encore par la providence et la predestination.
la Loi, Bell, jud., II, vm, 14 : ol (JLETO. dxptSeta; SOXOTJV- Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve,
T£? £|/iY£i<70at T« vd(xt[xa. Cf. Vita, 38; Ant. jud., XVII, Bell, jud., II, vm, 14 : st^apfxIvY) T£ xal <S)EW npodaTr-
II, 4. Nous le savions deja par saint Paul qui s'ex- Tovat TOxvta, xal TO [j.£v TipatTEtv TOC St'xata xa\ [JLY) •x.txra.
prime presque dans les memes termes. Act., xxn, 3; TO 7t),£t(7Tov im Tote avpOomotc xeinQai, fJor|9£iv 8s £t;
xxvi, 5; Phil., in, 5. Mais ce qui les distinguait des E^aoTov xai TYJV EtjiapjAEv/jv. D'apres cela, les esseniens
sadduceens, c'etait 1'admission de la tradition orale qui auraient ete fatalistes ou mieux predestinationistes, les
interpretait et au besoin compleiait la Loi, tandis que sadduceens auraient ete rationalistes et precurseurs de
les sadduceens, en principe du moins, refusaient de Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et
rien reconnaitre en dehors de la Loi ecrite. Josephe, sauvegarde le libre arbitre de Fhomme tout en recon-
Ant. jud., XIII, X, 6 : N6[n[xa -rsva TtapeSoffav TW 8r\[i.u> naissant la necessite du concours divin. Mais, encore
o\ tfraptcratot EX 7iaT£pwv StaSo^c, ait£p ouxdvayiypaitTai une fois, il convient de se defier de ce schematisme.
EV TOIS Mwuffe'wi; vd(i.oi<;. Les ICvangelistes mettent aussi 3° Les pharisiens et la politique. — Aux yeux des
en relief ce caractere des pharisiens. Matth., xv, 2; pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils
Marc., vir, 3. Le Talmud va jusqu'a dire qu'on est moins jamais, a proprement parler, un parti politique. Les
coupable en allant centre la Thora qu'en rejetant les assideens, leurs ancetres, s'etaient rallies aux Macha-
prescriptions des scribes. Sanhedrin, xi, 3; cf. Abolh, bees aussi longtemps que 1'independance de la patrie
in, 11; v, 8. Repousser ces traditions c'etait rompre fxit une condition essentielle de la liberte religieuse.
ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud., XIII, Ce resultat obtenu, ils se retirerent peu a peu de la
xvi. 2. Geiger, Sadduccier und Pharisder, dans Jud. lutte et ne suivirent jamais les Asmoneens dans leurs
Zeitschrift, t. n, 1863, est done bien mal inspire lors- visees ambitieuses de domination et d'agrandissement.
qu'il pretend que le pharisai'sme etait 1'image anticipee II n'est pourtant pas tout a fait exact de dire que les
du protestantisme. — Les traditions se divisaient en tra- pharisiens, par principe et comme parti religieux, fai-
ditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques saient abstraction de la politique. II y eut toujours
(Uagada). Voir MIDRASCH, t. iv, col. 1078-1079. Sur les parmi eux deux courants opposes : les uns acceptaient
unes et sur les autres on peut consulter Schurer, Ges- le fait accompli et se soumettaient a la domination
chichte desjudischen Volkes, 3e edit., t. in, 1898, p. 330- etrangere, comme a un chatiment divin, aussi longtemps
350, Pour constater a quelles minuties pueriles descen- que la liberte religieuse leur etait accordee, n'attendant
dait la casuistique des pharisiens, il n'y a qu'a parcourir un sort meilleur que d'un evenement providentiel; les
1'ouvrage de J. de,Pauly et Neviasky, Rituel du Judaisms, autres, regardant le joug de 1'etf anger comme essentiel-
211 PHARISIENS 212
lement contraire a la theocratic judaiique et aux privi- « Confiance, mon fils, tes peches te sont remis, » ils
leges d'Israel, epiaient toutes les occasions de revolte s'ecrierent: « Celui-la blaspheme! » et le miracle fait in-
et comptaient parmi les zelotes les plus ardents. On vit continent par le Sauveur ne leur dessilla point les yeux.
ces deux tendances rivales se manifester lors de 1'ave- Matth., ix, 1-8; Marc., n, 1-12; Luc., v, 11-26. Saint Mat-
nement d'Herode et au moment du grand soulevement thieu et saint Marc attribuent cette reflexion aux scribes;
national de 1'an 66 de notre ere. -saint Luc, aux scribes et aux pharisiens : la variante
V. LES PHARISIENS ET i/EvANGiLE. — 1° Prelude aux est sans importance. — b) Deuxieme grief : frequen-
hostililes entre Jesus et les pharisiens. — A) Saint tation des pecheurs. Peu de temps apres, Jesus et ses
Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les disciples assistaient au festin donne par saint Matthieu
pharisiens etaient les ennemis-nes de quiconque ga- recemment converti. Les pharisiens se scandaliserent
gnait 1'estime ou les sympathies du peuple. Leur atti- de les voir en compagnie de paiiens et de publicains;
tude a 1'egard du Baptiste fut une sourde defiance et mais Jesus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce
peut-etre une hostilite declaree. Pendant que toutes ne sont pas les hommes .Men portants qui ont besoin
les classes de la societe accouraient en masse au Jour- du medecin, mais les malades... Je suis venu appeler
dain pour y recevoir le bapteme du Precurseur, les les pecheurs (a la penitence) et non pas les justes. »
pharisiens et les sadduceens s'y rendaient aussi, mais Matth., ix, 9-13; Marc., n, 13-17; Luc., v, 27-32. lei
pour 1'epier et le prendre en faute. C'est du moins saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens; les deux
1'impression laissee par le recit de saint Matthieu rap- autres Synoptiques nomment les pharisiens et les
portant les paroles severes que leur adresse Notre-Sei- scribes. Dans la meme occasion, on fit un grief a Jesus
gneur, in, 7 : « Race de viperes, qui vous a enseigne a de ne pas jeuner, lui et ses disciples. Saint Matthieu,
fuir la colere imminente? Faites done de dignes fruits il est vrai, ix, 14, attribue ce reproche aux disciples de
de penitence. » Dans saint Luc, in, 7, ces paroles sont Jean-Baptiste; mais la maniere dont le grief est for-
adressees a la foule en general; mais le premier Evan- mule montre que ces disciples de Jean-Baptiste etaient
gile nous montre qu'elles visaient principalement les de connivence avec les pharisiens ou qu'ils etaient pha-
pharisiens et les sadduceens. Nous ne voyons pas ce- risiens eux-memes. En effet, Marc, n, 18, et Luc, v, 33,
pendant qu'ils aient trempe dans le compiot contre la mentionnent expressement les pharisiens. — c) Troi-
vie du Baptiste : les rancunes d'Herode Antipas et la sicme grief : violation du sabbat. II est tres vraisem-
haine d'Herodiade previnrent leur vengeance. blable que les pharisiens, si pointilleux sur 1'observa-
.B) Origine du conflit enlre Jesus et des pharisiens. tion exacte du sabbat, incriminerent souvent la con-
-r Le solennel temoignage que Jean rendit a Jesus duite de Jesus. Les Synoptiques rapportent a ce sujet
dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens; mais il deux fails caracteristiques, qu'ils racontent dans le
n'etait pas besoin de cela pour exciter leur antipathie. meme ordre et a peu pres dans les memes termes. Un
Us ne pouvaient manquer de s'apercevoir que la popu- jour de sabbat, les disciples traversant un champ de ble
larite du nouveau thaumaturge amoindrissait leur presque mur arrachaient quelques epis pour apaiser leur
influence et que sa doctrine etait le contrepied de leur faim et les mangeaient apres les avoir broyes dans leurs
enseignement. Le discours sur la montagne contient doigts. Aussitot les pharisiens de crier a la violation du
deja la condamnation de leur formalisme, v, 20: « Je repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les
vous le dis, si votre justice n'est pas plus abondante disciples cueillir quelques epis dans un champ etran-
que celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez ger — car 1'usage et la Loi elle-m£me le permettaient
pas dans le royaume des cieux. » L'autorite avec la- — mais de les voir preparer leur nourriture un jour
quelle Jesus enseignait faisait 1'admiration des foules de sabbat, contrairement a leur absurde interpretation
qui ne pouvaient s'empecher de la mettre en contraste de la Loi. Jesus leur repond qu'ils ne comprennent
avec la maniere sournoise et embarrassee des scribes rien a 1'esprit de la legislation : Misericordiar,i volo
et des pharisiens. Matth., vn, 18-29; cf. Marc., i, 22. et non sacrificium; que la Loi n'est pas faite pour les
Ceux-ci avaient du remarquer dans tout le Sermon sur cas de necessite, comme le prouve 1'exemple de David
la montagne, en particulier dans le parallele entre consommant les pains de proposition; que d'ailleurs
1'ancienne et la nouvelle loi, Matth., v, 17-48, un anta- le Fils de 1'Homme est maitre du sabbat et peut en dis-
gonisme latent dirige contre eux, et la declaration de penser qui il veut. Matth., xn, 1-8; Marc., n, 23-28; Luc,,
Jesus qu'il n'etait pas venu abolir la loi mais I'accom- vi,.1-6. — L'autre fait met encore plus en relief 1'aveugle
plir ou la completer, n'etait pas faite pour les rassurer. prevention des pharisiens. Jesus allait guerir un para-
Le conflit, desormais inevitable, eclata a 1'occasion de la lytique : il lui suffisait pour cela d'une parole et
guerison du paralytique. Avant de lui rendre la sante d'un acte de volonte. Or, les pharisiens s'indignaient
du corps, Jesus lui avait dit : « Mon fils, tes peches te d'avance de cette pretendue violation du sabbat. Le Sau-
sont remis. » Et les pharisiens presents de s'ecrier veur les confond en leur rappelant qu'ils n'hesitent
aussitot: « Celui-la blaspheme : qui peut remettre les pas eux-memes a relever une brebis tombee dans un
peches si ce n'est Dieu seul ? » A la verite, saint Matthieu, fosse. Combien plus est-il permis de soulager un
VHI, 3, et saint Marc, n, 6, ne mentionnent en cet endroit malheureux. Matth., xn, 9-14; Marc., m, 1-6; Luc., vi,
que les scribes, mais saint Luc nomme expressement les 6-11.
scribes etles pharisiens, v, 21, ou ce qui estpour lui la B) Les embuches des pharisiens. — Plusieurs fois les
meme chose les pharisiens et les docteurs de la loi pharisiens, soit seulssoit unisaux sadduceens, essayerent
(vo[jt.o8t8a<7xaXoi), et il ajoute qu'ils etaient venus de la de prendre Jesus en defaut et de le faire tomber dans
Galilee, de la Judee et de Jerusalem, v, 17, sans aucun un piege. Apres le miracle de la multiplication des sept
doute dans des vues malveillantes. pains, ils lui demandent « un signe du ciel ». Marc et
2° Lulte ouverte entre Jesus et les pharisiens. — Matthieu notent expressement que c'etait pour le
A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs princi- « tenter ». Marc., vm, 11 (7retpa?ovTe« auTov); Matth.,
paux sont rapportes par les Synoptiques dans le meme xvi, 1. Jesus, qui accomplissait sous leurs yeux prodige
ordre et rattaches aux memes circonstances exterieures; sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosite malveil-
mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux lante et mit aussitot en garde ses disciples contre « le
derniers, divers evenements, il n'est pas sur que les levain des pharisiens et d'Herode », comme parle Marc,
Evangelistes entendent marquer une succession chro- vni, 15, ou contre « le levain des pharisiens et des
nologique. — a) Premier grief: remission des peches. sadduceens », comme s'exprime Matthieu, xvi, 6, ce
La guerison du paralytique amena le premier conflit qui montre que les ennemis du Sauveur s'etaient deja
entre Jesus etles pharisiens. Quand Jesus ditarinfirme: coalises. Ils esperaient, si Jesus ne faisait pas droit a
213 PHARISIENS 214
leur requite, persuader aux foules que c'etait un faux gniflques tombeaux et de les persecutor ou de les
prophetevincapable de prouver sa mission divine. — La mettre a mort. II termine par cette accablante apos-
seeonde embuche fut encore mieux tendue. Us lui deman- trophe : « Serpents, race de viperes, comment echap-
derent s'il etait possible de renvoyer sa femme pour perez-vous a la condamnation de la gehenne? » On
n'importe quel motif. Us etaient surs de sa reponse ne- peut lire dans les commentaires de Knabenbauer, de
gative et par consequent assures de le mettre en con- Schegg ou de Schanz, les textesrabbiniques justifiant et
tradiction avec la loi de Moi'se qui avail autorise le expliqnant ces imputations du Sauveur. Voir Mc Klin-
divorce, Marc., x, 2-11; Matth.. xix, 1-9; Jesus repeta tock, Cyclopaedia of biblical... Literature, t. vni, 1889,
ce qu'il avait dit dans son sermon sur la montagne, p. 69-70, des details curieux sur les cas d'impurete le-
Matth., v, 31-32; cf. Luc., xvi, 18, rejetant la tolerance gale et le payement des dimes.
du divorce sur 1'imperfection de la loi mosaique et sur B) La revanche des pharisiens. — Une circonstance
la durete de coeur des Juifs. — La conspiration la mieux assez significative c'est que, dans les jours qui precedent
ourdie fut cependant la troisieme. Fallait-il ou non immediatement la passion, les pharisiens cessent de se
payer le tribut a Cesar? Matth., xxn, 15-22; Marc., xn, montrer. Dans le recit meme de la passion, les Evange-
13-17; Luc., xx, 20-26. En disant non, Jesus se posait listes ne les nomment plus (sauf Jean, xvm, 3, pour
.en adversaire de 1'ordre de choses etabli et devenait 1'expedition nocturne de Gethsemani et Matthieu, xxvn,
criminel oolitique; en disant oui, il s'alienait les sym- 62, quand il s'agit de faire garder le sepulcre). II les
pathies d'un grand nombre de ses auditeurs. On pourrait remplacent par ; les scribes, c'est-a-dire par les repre-
deviner, alors m6me que saint Matthieu, xxn, 16, et sentants des pharisiens au sein du sanhedrin. 11 est
saint Marc, xn, 13, n'en feraient pas mention expresse, remarquable que les sadduceens s'effacent aussi et que
que les partisans d'Herode etaient ici de concert les princes des pretres, c'est-a-dire les chefs du parti
avec les pharisiens. Mais les sadduceens eux-memes sadduceen, qui entraient dans le sanhedrin, prennent leur
n'etaient pas loin; car ils vinrent a la rescousse des place. Maintenant les scribes et les princes des pretres
que Jesus eut ferme la bouche a ses autres adversaires sont pleinement d'accord contre leur commun adversaire.
et essayerent de 1'embarrasser sur le dogme de la re- Ils ont su gagner les anciens, les notables qui ne sont
surrection en lui posant le cas d'une femme qui aurait ni scribes ni pretres et qui forment un tiers du san-
eu successivement sept maris. Matth.,xxn,34-40; Marc., hedrin. La coalition des adversaires de Jesus datait de
xn, 28-34; Luc., xx, 39-40. Presque aussitot apres, un loin. Des le debut du ministere public, les pharisiens
scribe ou legiste voulut savoir quel etait le plus grand s'etaient concertes avec les herodiens sur les moyens de
des commandements. Le recitde saint Marc, xn, 28, 34, le perdre. Matth., xxn, 16; Marc., in, 6; cf. xn, 13. Pour
ne fait pas supposer d'inlentions malveillantes, mais atteindre ce but, les pharisiens et les sadduceens ou-
celui de saint Matthieu, xxn, 35-40, note le dessein de bliaient leurs rivalites et leurs querelles. Matth., xvi,
prendre Jesus en defaut (TtscpdCwv aik<$v). A partir de 1, 6, 11, 12; xxn, 34. Mais, en ce moment, leur entente
ce jour les scribes et les pharisiens cesserent de « ten- est parfaite et leur plan arrete, « Les princes des pre-
ter » Jesus. Matth., xxn, 46. Mais la mesure de leurs tres, dit saint Luc, xix, 47-48, et les scribes et les pre-
iniquites etait comble et leur condamnation etait prete miers du peuple cherchaient a le perdre; mais ils ne
a fondre sur eux. Cf. Luc., xviu, 10-14. savaient comment faire, car tout le peuple etait sus-
3° Le denouement de la lulte. — A) Le grand dis- pendu a ses levres. » Desormais les trois fractions du
cours contre les pharisiens. — Ce fut seulement deux sanhedrin marchent toujours ensemble. Luc., xx, 1;
ou trois jours avant sa passion, que Jesus prononca le xxn, 66; Marc., xiv, 43, 53; Matth., xxvn, 41. Mais on
terrible requisitoire enregistre par les Evangelistes. Ce voit que 1'aristocratie sacerdotale joue le role principal
discours est place par les trois Sypnoptiques en con- et dirige Faction.
nexion avant la derniere tentative des pharisiens; mais 4° Les pharisiens et 1'Eglise naissante. — La mort
tandis que saint Marc et saint Luc se contentent de de Jesus semble avoir assouvi les rancunes des phari-
1'indiquer sans le reproduire, Marc., xn, 38-40, Luc., siens, tandis que la haine des sadduceens, loin de
xx, 45-57, saint Matthieu lui donne un developpement s'apaiser, ne cessait de croitre. Ceux-ci, vivant du temple
et une forme schematique, ou Ton ne peut nier le des- et de 1'autel, etaient profondement remues, nonobstant
sein de resumer et de coordonner les principales ac- 1'indifferentisme religieux d'un grand nombre d'entre
cusations du Sauveur contre ses perfides ennemis. Sept eux, par tout ce qui menacait la religion nationale. Les
fois Jesus renouvelle ses objurgations en commencant disciples n'eurent pas d'ennemis plus irreconciliables.
toujours par la formule : « Malheur a vous, scribes et Dans le contlit qui ne tarda pas a se produire, ce fut un
pharisiens hypocrites. » Matth., xxin, 13, 15, 23, 25, 27, pharisien, Gamaliel, qui prit publiquement la defense
29. Une seule fois, jfr. 16, la formule change : Vx vobis des Apotres et tit entendre raison a leurs persecuteurs :
duces cssci. Le huitieme vds qui se trouve dans la Vul- au contraire, 1'aristocratie sacerdotale, composee de
gate et dans un certain nombre de manuscrits grecs, sadduceens (Act., v, 17 : Princeps sacerdotum et omnes
JL14, esttres probablement mterpole d'apres Marc., xn, qui cum illo erant;qus& est hseresis Sadducseorum;c(.
20, et Luc., xx, 47; en effet, non seulement il fait defaut v, 24), avait pris 1'initiative des mesures de rigueur.
dans les meilleurs manuscrits, mais il interrompt evi- Act., v, 17-42. Plus tard saint Paul, poursuivi pour in-
demment la suite des idees. — Jesus-Christ reproche fraction a la Loi qui interdisait d'introduire des etran-
aux Pharisiens : 1° de fermer aux autres le royaume gers dans le Temple, s'appuya resolument sur le parti
des cieux, c'est-a-dire I'acces de 1'Eglise, sans y entrer des pharisiens et se fit gloire d'avoir ete jadis pharisien
eux-memes; 2° de parcourir la terre et les mers a la lui-meme. Act., xxin, 6-10; cf. xxn, 3. II ne faut pas
recherche d'un proselyte pour en faire un fils de per- meconnaitre ce qu'il y a\ait de serieux dans le phari-
dition; 3° d'enseigner que le serment fait par le sai'sme. Si le zele des pharisiens etait souvent aveugle
Temple ou par 1'autel est invalide et que le serment ou mal ticlaire, il n'en etait pas moins sincere. Les con-
fait par 1'or du Temple ou par la victime posee sur victions fortes au service de la passion sont plus faciles
1'autel est valide; 4° de payer exactement la dime de la a tourner au bien qu'un scepticisme arme d'indifference.
menthe, de 1'anis et du cumin et de negliger la justice Saint Paul depassait tous ses compatriotes par 1'ardeur
et la misericorde; 5° de laver soigneusement les vases de son pharisaiisme : malgre cela — ou plutot a cause
et les ustensiles et de compter pour rien 1'impurete de de cela — la grace divine eut vite raison de lui. II est
Tame; 6e de ne faire attention qu'a 1'exterieur et aux a croire qu'une partie de 1'eglise-mere de Jerusalem
dehors et d'etre, au fond du cceur, comme des sepul- se recruta au sein des pharisiens. Ainsi s'explique 1'at-
cres blanchis; 7° d'elever aux prophetes de ma- tachement aux pratiques de 1'ancienne Loi qui la carac-
215 .PHARISIENS 216
terisa si longteraps. Act., n, 46-47; in, 1; xxi, 20, etc. action a accomplir; 6° celui qui agit par crainte et
Ce fut un Ires grand danger pour 1'Eglise au berceau. 7° celui qui agit "par amour." En voici une explication
On s'apereut bientot que les pharisiens, en embrassant plus detaillee : le premier ressemble a quelqu'un qui
la religion du Christ, n'avaient pas depouille le parti- chargerait les commandements divins sur les epaules
cularisme qui etait leur caractere dominant. L'assem- pour les transporter; le deuxieme a celui qui dirait:
blee des Apotres a Jerusalem fut rendue necessaire grace pretez-moi de 1'argent pour que j'accomplisse le pre-
a. leurs agissements; tout fait penser que le conflit cepte; le troisieme : je vais accomplir ce devoir reli-
d'Antioche fut provoque par eux, et Ton peut sans te- gieux, puis me permettre une transgression legale et
merite les soupconner d'etre entres dans les complots les contrebalancer 1'un par 1'autre; le quatrieme semble
qui essayerentd'entraver 1'oeuvre de Paul et 1'admission dire : je me rends compte de tout ce que j'ai et c'est
des Gentils dans 1'Eglise. Act., xv, 5. Of. J. Thomas, par bonne volonte que j'obeis a la religion ^ le cin-
L'Eglise et les judaisants a Vdge apostolique, dans les quieme qui a conscience de ses devoirs, tache d'effacer
Melanges d'histoire et de litterature religieuse, in-8°, ses pcches par sa bonne conduite; le sixieme agit par
Paris, 1899, p. 1-196. crainte comme Job; leseptieme par amour comme Abra-
VI. TRAITS CARACTERISTIQUES DU PHARISIEN. — « En- ham et ce dernier degre est le meilleur de tous. » Les
veloppee comme d'un etroit reseau par les six cent explications du Talmud de Babylone, Sota, 22 6 et les
treize prescriptions du code mosai'que renforcees de definitions de I'Aruch different tres sensiblement. Voir
traditions sans nombre, la vie du pharisien etait une Lightfoot, Horse hebraicee et talmudicse, sur Matth,, in,
intolerable servitude. Les purifications rituelles pres- 7, Works, Londres, 1684, t. u, p. 125. Les enonciations
crites a la suite des souillures que causait le seul con- sibyllines des deux Talmuds sont diversement inter-
tact d'objets impurs, remplissent plusieurs traites du pretees. Le nom de la premiere classe, par exemple,
Talmud : par exemple tout le sixieme et dernier seder >D2-vT urns, est derive par le Talmud de Babylone de DS'or,
de la Mischna intitule Teharoth et comprenant douze « Sichem », et non de DSW, sekem,« epaule», et explique :
traites. Impossible de quitter sa maison, de prendre de « qui accomplit la loi a contre-coeur,;comme les Sichemi-
la nourriture, de faire une action quelconque, sans tes, Gen., xxxiv, 10, recurent la circoncision. » La se-
s'exposer a mille infractions. La peur d'y tomber para- conde >spa Tiri-is, « le pharisien qui hesite », designerait
lysait 1'esprit et obliterait le sens superieur de la mo- le pharisien qui dirait a celui qui demande un ser-
ralite naturelle. Toute la religion degenerait en un vice : « Attendez un peu; je suis occupe a faire une bonne
formalisme mesquin. L'homme etait tente de se croire action. » La cinquieme classe voudrait dire d'apres
1'artisan de sa propre justice; il ne devait rien qu'a I'Aruch : « Personne ne peut me montrer que j'ai mal
lui-meme; il devenait le creancier de Dieu. A quoi bon agi. » Quoi qu'il en soit de ces commentaires, nous pou-
le repentir, la priere ardente et humble, les soupirs vons conclure de ces textes que beaucoup de ceux qui
vers le ciel du pecheuret du publicain? N'etait-il pas, se disaient pharisiens obeissaient a des mobiles peu
lui, le juste qui jeunait deux fois par semaine, le lundi avouables.
et le jeudi, selon la coutume de sa secte, qui payait Les jugements des auteurs sur les pharisiens sont
exactement la dime de la menthe, de 1'anis et du cumin, assez divergents. Pour certains, le pharisai'sme aurait
qui n'oubliait jamais aucun rite traditionnel? Le pha- represente 1'orthodoxie juive. « Les Pharisiens refle-
risai'sme nourrissait 1'amour-propre, la presomption et taient fidelement les aspirations, les idees du peuple,
1'orgueil. II fomentait aussi 1'hypocrisie. L'ideal du pha- et d'un autre cote ils exercaient, par leur enseignement
risien etait eleve, mais il n'avait pour I'atteindre que son et leur autorite, sur ces memes idees une influence
orgueil. Ce mobile ne suffisant pas, sa seule ressource tres grande. Toutes les faces du caractere national,
etait dedissimuler ses defaillances et de les tourner favorables et defavorables, toutes les nuances de 1'es-
en vertus devant le vulgaire ('am hd-dres], objet de ses prit public se retrouvaient en eux. » Dollihger, Paga-
craintes et de ses mepris.Quelsstratagemes decasuiste nisrne-et judalsme, trad, franc., Bruxelles, 1858, t. iv,
retorspour temperer larigueurdu jeune,pour moderer p. 130. Selon d'autres, les sadduceens auraient ete les
1'incommodite du repos sabbatique! Ainsi le traite Eru- conservateurs tandis que les pharisiens auraient incarne
bin permet de placer un domicile fictif au terme du 1'idee de progres. Kohler, dans The Jewish Encyclopee-
voyage autorise un jour de sabbat pour le prolonger dia, t. ix, 1905, p. 662-665, Ces vues en apparence con-
d'autant et d'unir fictivement plusieurs domiciles pour tradictoires ne sont pas inconciliables. Sur beaucoup
porter des aliments de 1'un dans l'autre,sans enfreindre de points, les sadduceens, s'attachant a la lettre de la
la loi du repos. » Voir F. Prat, Theologie de saint Paul, Loi, pouvaient passer pour plus conservateurs; tandis
f. 7 • P- 33-34, et comparer Bousset, Die Religion des Juden- que les traditions pharisiennes, entenduesau sens large
l turns, Berlin, 1903, Die Frommen, p. 161-168. Les pre- comme enseignement ou opinion des sages, avaient 1'air
tentions exclusives des pharisiens a la justice legale, d'innovations. Dans le droit criminel par exemple, les
leur suffisance, leur presomption, leur ostentation, leur sadduceens etaient plus rigoristes; ils appliquaient,
orgueil en un mot, ne sont guere contestes. Sur ce sans distinction et sans misericorde, la peine dutalion :
point, les accusations de 1'Evangile et le requisitoire de les pharisiens temperaient cette rigueur et admettaient
saint Paul (surtou t Rom., ix, 31-32; x, 1-4; se trouvent plei- des compensations pecuniaires. Comparez Josephe,
nement justifies. Mais il s'est trouve des auteurs pour Ant. jud., Xlll, X, 6 : "AXXw; is. xod cpucm upb? xa? xo-
nier la sincerite du portrait que PEvangile nous trace de Xa<r£i; eTcietxtb; s^oufftv ot 4>apt(7aiot. Bell, jud., II, vin,
leur hypocrisie. II ne sera done pas hors de propos d'en 14 (les sadduceens sont moins sociables et plus rudes
appeler a 1'autorite du Talmud qui est, comme nous dans leurs rapports); Ant.jud., XX, ix, 1 : slat (oiSao-
1'avons dit, 1'oeuvre de pharisiens. Le Talmud de Jeru- Svxatot) irepi ta; xpia&t; <ou.oc uapa Tiavra? TOU; 'louSatoyc-
salem, aussi bien que celui de Babylone, distingue sept — D'un autre cote, les pharisiens faisaient appel a leurs
especes de pharisiens dont la derniere seulement, ou traditions pour attenuer 1'incommodite du repos sab-
tout au plus les deux dernieres, sont exemptes de du- batique et pour ecarter 1'obligation des visites au Temple
plicite. Voici d'abord le passage du Talmud de Jerusa- prescrites par la Loi. Leur but etait de transformer
lem, d'apres M. Schwab, Traite des Berakholh, Paris, le jour du Seigneur en jour de fete et en jour de joie.
1871, p. 171 : « II y a sept pharisiens : 1° celui qui Les fictions dont nous avons parle plus haut etaient
accepte la loi comme un fardeau; 2° celui qui agit par destinees a les y aider. En tout cela, les sadduceens,
interet;3° celui qui se frappe latete centre le'murpour preoccupes surtout de la frequentation et du service
eviter la vue d'une femme; 4° celui qui agit parosten- du Temple, voulaient qu'on s'en tint a la lettre de la
tationj 5° celui qui prie de lui indiquer une bonne Thora.
217 PHARISIENS — PHAROS 218
VII. BIBLIOGRAPHIE. — Ugolini, Trihssresium sive Encyclopaedia, t. ix, 1905, p. 661-666. — .Comme ar-
dissertatio de tribus sectis Judssorum (dans Thesaurus ticles de revues, nous devons nous .borner a signaler:
dntiq. sacr., t. xxn), et Triglandius, Trium scriptorum Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Saddu-
illustrium de tribus Judseorum sectis syntagma, ceens, dans le Journal asiatique, 1887, p. 415-423;
1703, ont recueilli un certain nornbre d'anciennes dis- Hanne, Die Pharisder und Sadducaer als politische
sertations sur les pharisiens; Carpzov, Apparatus hi- Parteien, dans Zeitschrift fur wissensch. TheoL, Halle,
storico-criticus antiquitatum sacri Codicis, Helmstedt, 1867; Miiller, Pharisder und Sadducaer oder Judais-
1748, p. 173-215, en donne la bibliographic. Parmi les mus und Mosaismus, dans les comptes'rendus de 1'Acad.
monographies plus recentes on peut citer: Grossmann, de Vienne, philos. et hist., t. xxx\7,1860, p. 95-164; Gei-
De Pharis&ismo Judaeorum Alexandrine, Leipzig, ger, Sadducaer und Pharisder, dans Jud. Zeitschrift,
18't6-1850; De collegia Pharisasorum, Leipzig, 1851; t. n, 1863, p. 11-54; Kriiger, Beitrdge zur Kenntniss
Biedermann, Pharisder und Sadducaer, Zurich, 1854; der Pharisder und Essener, dans Theolog. Quartal-
Wellhausen, Die Pharisder und Sadducaer, Greifs- sc/zri/Y, Tubingue, 1894, p. 431-496. F. PRAT.
wald, 1874; Cohen, Les Pharisiens, 2 in-8°, Paris, 1877;
Montet, Essai sur les origines des partis sadduceen et PHARMACIEN (hebreu : roqeah; Septante : d
pharisien et leur histoire jusqu'a la naissance de {/.upEt^;; Vulgate : unguentarius), celui qui prepare les
Jesus-Christ, Paris, 1883; Narbel, Etude sur le parti remedes (fig. 40). Le nom est le m§me que celui du
pharisien, son origine et son histoire, Paris, 1891; parfumeur, a cause des preparations a 1'huile dont 1'un
Elbpgen, Die Religionsanschauung der Pharisder, et 1'autre s'occupaient principalement. Le mot roqeah
40. — Preparation et administration des remedes. — Une peinture decouverle dans la maison des Vettii a Pompei represente
sous la forme d'Amorini, le medicus qui chez les anciens preparait et administrait les remedes. — A droite est un pres-
soir d'ou jaillit 1'huile medicinale dans un petit bassin circulaire. De chaque cote deux Amorini tiennent un gros marteau
dont ils frappent des coins de bois qui, en penetrant au dedans, font descendre les planches mobiles du pressoir, lequel £crase
les matieres d'ou est extraite 1'huile medicinale. — Plus loin, une Psyche assise remue avec une longue cuiller 1'huile pose'e sur
un trepied dans un petit bassin. Deux Amorini debout en font autant. — A gauche un petit Amorino est au coinptoir et tient une
grosse bouteille. Sur le comptoir est placee une balance. Sur le cot6 posterieur du comptoir est un rouleau de papyrus contenant
le formulaire. A cote est une armoire avec des vases de verre et une statuette d'Apollon, dieu de la sante. — A gauche est une
Psyche dont le maintien indique une malade. Un Amorino, tenant un vase et une cuiller, va lui administrer le remede qui y
est contenu. Derriere Psyche est la servante de la malade. Voir Domus Vettiorum, in-f°, Naples, 1898, p. 6, pi. xiu.
Berlin, 1904. — En dehors des monographies, les ne se trouve que dans le texte hebreu de 1'Ecclesias-
quatre ouvrages suivants donnent des renseignements tique, xxxvin, 8, avec le sens de pharmacien. On lit
precieux : Geiger, Urschrift und Uebersetzungen der en effet dans ce passage :
Bibel, Breslau, 1857, p. 101-158; Weber, Judische Le Seigneur fait produire a la terre ses remedes,
Theologie auf Grund des Talmud und verwandten Et 1'homme sense1 ne les dedaigne pas...
Schriften, Leipzig, 1890, p. 10-14, 44-46 (seconde edition II a donne aux hommes la science
d'un ouvrage publie d'abord sous un autre titre); Pour qu'ils se fissent un nom par ses dons merveilleux.
Schurer, Geschichte des jiidischen Volkes im Zeitalter Par eux 1'homme procure la guerison
Jesu Christi, 3e edit., t. n, Leipzig, 1892, p. 380-419; Et il parvient a enlever la douleur.
Le pharmacien en fait des medicaments,
Bousset, Die Religion des Judenthums, Berlin, 1903, Et son osuvre est a peine achevee
•p. 161-168. — Toutes les encyclopedies bibliques ont sur Que par lui la sante se re'pand sur la terre.
les pharisiens des articles d'importance et de valeur Eccli., xxxvm, 4-8.
inegale : Twisleton, dans le Dictionary of the Bible de
Smith; Ginsburg, dans Cyclopaedia of biblical Litera- Cf. Ezech., xxx, 21. Le pharmacien n'etait pas d'ordi-
ture de Kitto; Reuss, dans Real-Encyclop. de Herzog, naire distinct du medecin. — Sur les remedes employes
1« edit.; Sieffert, Ibid., 2e et 3« edit.; Daniel dans par les pharmaciens israelites et cites dans la Sainte
Allgemeine Encyclop. de Ersch et Gruber; Hamburger, Ecriture, voir MEDECINE, t. iv, col. 912, 913.
dans Realencycl. fur Bibel und Talmud; Kaulen, dans H. LESETRE.
Kirchenlexicon, lre et 2e edit.; Hausrath, dans Bibel- PHARNACH (hebreu: Pamdk; Septante: <5apvdx),
lexikon de Schenkel; J. Strong, dans Cyclopaedia of zabulonite, pere d'Elisaphan. Celui-ci etait le chef de
biblical, theological and ecclesiastical Literature, la tribu de Zabulon du temps de Moi'se, un des douze
New-York, t. vm, 1894, p. 68-76; Eaton, dans Hastings, Israelites qui furent charges de presider au partage de
Dictionary of the Bible, Edimbourg, t. in, 1900, la Terre Promise. Num., xxxrv, 25.
p. 821-829; Prince, article Scribes and Pharisees,
dans Encyclopaedia biblica, Londres, t. iv, 1903, PHAROS (hebreu : Par'os, « mouche »; Septante :
col. 4321-4329; Kaufmann Kohler, dans The Jewish ; dans I Esd., n, 3, $apec), chef d'une famille dont
219 PHAROS — PHASELIDE 220
les descendants au nombre de 2172, 1 Esd., n, 3; II Esd., PHARURIM (hebreu : Parvdrim; Septante :
vii, 8, retournerent de Babylonie en Palestine avec ptji), partie des dependences du Temple. IV Reg., xxm,
Zorobabel. Un autre groupe, comprenant 150 hommes, 11. L'auteur sacre raconte dans ce passage que le roi
sous leur chef Zacharie, revint plus tard en Judee avec Josias « fit disparaitre les chevaux que les rois de Juda
Esdras. I Esd., vm,3. Sept des « fils avaient dedies au soleil a 1'entree de la maison de
de Pharos » avaient epouse des fem- Jehovah, pres de la chambre de Nathanmelecb, 1'eunuque
mes etrangeres et Esdras les obJigea qui etait a Parvartm ». Au premier livre des Parali-
a les repudier. I Esd., x, 25. — Pha- pomenes, xxvi, 16-18, nous lisons au sujet des portiers
dai'a « fils de Pharos », repara une du sanctuaire : « A Sephim et a Hosa [echul la garde
partie des murs de Jerusalem . II Esd . , du] cote de 1'occident, avec la porte Sallekef sur Je
in, 25. — Parmi les chefs du peuple chemin montant (Vulgate : juxta portam quss ducit ad
qui signerent 1'alliance que Ndhemie viam ascensionis)... II y avait... au Parbdr, a I'occi-
41. — Pierre gra- fit renouveler entre Dieu et les dent quatre [levites] sur le chemin, deux au Parbdr. »
vee an nom de Israelites, le premier nomme est (Vulgate : In cellulis quoque janitorum ad occidentem
Pharos. Pharos, probablement le represen- quatuqr in via, binique per cellulas.) Le Parbdr dont
tant de la famille de ce nom. II Esd., il est question ici, d'apres le contexte, etait situe a
x, 14. Un sceau antique en cornaline porte le nom de 1'ouest du Temple, pres de la porte appele'e Salleket
Pharos grave en lettres pheniciennes (fig. 41). Voir (dejectio), a 1'endroit peut-etre ou est la Bab Silsilis
,W. von Landau, Beitrage zur Alter tumskunde des actuelle. Le chemin mentionne conduisait du Temple
Orients, t. iv, in-8°, Leipzig, 1905, p. 43. a la colline appelee aujourd'hui le mont Sion, en tra-
versant la vallee du Tyropoeon. — On ne s'entend pas
sur la signification precise du mot parbdr. La plupart
PHARPHAR (hebreu : Parpar; Septante : $apcpap;
croient que ce mot est le meme que celui de parvdrim
Alexandrine s : iapcpapa); la seconde des rivieres qui (au singulier parvdr), les deux ne different entre eux
arrosent la ville de Damas. Elle est mentionnee par que par une lettre, 3, b, et i, v. La Vulgate a traduit
Naaman, qui, dans IV Reg., v, 12, repond au prophete parbdr par « cellules ». Gesenius, Thesaurus, p. 1123,
Elise*e, lorsque celui-ci lui consellle d'aller se laver entend par parvarim des portiques ou des colonnades
dans le Jourdain pour se guerir de la lepre : « L'Abana ouvertes qui entouraient le Temple; il rapproche ce
et le Pharphar, les rivieres de Damas, ne sont-ils pas mot du perse farouar, « maison d'e'te, kiosque ».
meilleurs que toutes les eaux d'Israel? » — Le Phar- D'autres ont traduit parbdr par « faubourgs », parce
phar s'appelle aujourd'hui Nahr el-Aouadj, voir ABA- que c'est le sens donne par les Targuens et le Talmud
NA, t. I, col. 14, et un de ses affluents porle encore
aux mots parydrin et parvilm. Buxtorf, Lexicon chal-
le nom de Barbar. II a deux sources principals, daicum, 1640, p. 1804, 1805. Cf. Josephe, Ant. jud.,
1'une sur la pente orientale de 1'Hermon, au-dessous XV, xr, 5, qui dit que deux des portes du Temple
du pic central; Fautre, a quelques kilometres au sud, d'Herode debouchaient a 1'ouest e!; TO upoaaTetov, dans
pres du village de Beit Djann. Les deux cours d'eau
le faubourg de la ville. Voir TEMPLE. — Les six portiers
se reunissent pres de Sasa et, par un lit profond
dont parle I Par., xxvi, 16, avaient leur poste, quatre
creuse au milieu des rochers, vont se jeterdans.la direc- probablement en dehors de la porte, du cote du chemin,
tion de Test dans un lac marecageux, le Bahret Hidja-
et deux a Pinte"rieur de la porte. — Pour les chevaux du
neh, a six kilometres environ au sud du lac ou debouche
soleil qui etaient a Pharurim, voir NATHANMELECH,
le Barada, 1'ancien Abana. L'Aouadj ne passe pas a Da-
mas meme, mais a douze kilometres de la ville ; il merite
col. 1485.
neanmoins le nom de fleuve de Damas, parce qu'il
arrose toule la plaine qui porte le nom de la ville, et, PHAS£, nom donne a la Paque, dans la Vulgate,
dans tous les livres de 1'Ancien Testament, Exod., xu,
par d'anciens canaux, ses eaux en arrosent les champs
11, etc., excepte Ezech., XLV, 21, et I Esd., vi, 19, 20, ou
et les jardins presque jusqu'aux murailles de la cite.
cette fete est appelee Pascha, comme dans tout le Nou-
Le cours du Nahr el-Aouadj est d'une soixantaine de
veau Testament, lorsqu'elle n'est pas designe"e par son
kilometres et son volume d'eau est a pen pres le quart
autre nom de « fete des Azymes ». Voir PAQUE, t. iv,
de celui du Barada. — Voir J. L. Porter, Five years in
Damascus, 3 in-12, Londres, 1855, t. i, p. 299, 311-312, col. 2094, et AZYMES, 2°, t. i, col. 1313.
318-321, 389; t. n, p. 12-14, 247-248; Id., The Rivers
of Damascus, dans le Journal of sacred Literature, PHAS£A (hebreu : Pase'ah, « boiteux »; Septante :
t. v, octobre 1853, p. 45-57; Ed. Robinson, Notes on $aa-r(), chef d'une famille de nathineens qui retourna
biblical Geography, the A'waj, dans la Bibliotheca de captivite en Palestine avec Zorobabel. I Esd., n, 49;
sacra, t. vi, 1849, p. 366-371. F. VIGOUROUX. III Esd., vn, 51. Un des membres de cette famille
appele Joiada restaura avec Mosollam la porte Ancienne
de Jerusalem. II Esd., in, 6. Certains commentateurs
1
PHARSANDATHA (hebreu : Parsanddtd' ; Sep- font cependant de Phasea « pere de Joiada » un per-
tante : 3><xp<7avv£? ; Alexandrinus : <£apa-avs<nrav), le sonnage distinct du chef de la famille nathineenne. —
premier nomme des dix fils d'Aman qui furent mis a Le texte hebreu mentionne un descendant de Juda qui
mort a Suse par les Juifs le 13 du douzieme mois porte le me'me nom, mais la Vulgate 1'a ecrit Phesse.
appele Adar apres la chute et 1'execution de leur pere, I Par., iv, 12.
Esther, ix, 7. Le nom de Pharsandatha est en perse,
d'apres certains philologues, Fracna-data, « donne par PHASELIDE (grec : ^aaviXf?), ville de 1'Asie Mineure,
priere ». Cf. J. Oppert, Commentaire du livre d'Esther, situee sur les confins de la Lycie et de la Pamphylie
1864, p. 21. (fig. 42). C'etait une «olonie dorienne. Herodote, n,
178. Sa position etait tros favorable pour le commerce.
Batie dans un isthme, elle n'avait pas moins de trois
PHARUDA. I Esd., n, 55. Voir PHARIDA, col. 205. ports. C'etait la premiere terre qui apparaissait au na-
vigateur dans le voyage de Cilicie a Rhodes. Tite Live,
PHARUli (hebreu : Pariiah; Septante ; xxxvii, 23; Ciceron, Verr., iv, 10 (22). Des le ne siecle
Alexandrinus : "fcappov; Lucien : Bapaaoux)* P^re de avant J.-C., sous le regne d'Amasis, elle avait a Naucra-
Josaphat. Salomon chargea Josaphat de la levee des tis, en Egypte, une part dans rHellenium, qui etait une
tributs sur la tribu d'Issachar. Ill Reg., JV, 17. sorte de bourse de commerce pour les Grecs. Herodote,
221 PHASELIDE — PHASGA 222
II, 178. Son trafic etait tres considerable. Strabon, XIV, 14. Saint Jerome, Onornast., edit. Larsow, 1862, p. 73
in, 9; Thucydide, n, 69; vm, 88; Polybe, xxx, 9. Le et 227, explique aussi le sens de Phasga par abscissum
mont Solyme, au-dessous duquel elle etait situee, ser- et excisum. On peut 1'interprater par « section, partie ».
vait comme de phare aux navires qui se dirigeaient Gesenius, Thesaurus, p. 1114. — Sur les 'asdof Pisgdh,
vers Phaselide. « Sur la cote orientate de Lycie, dit mentionnees Deut., m, 17; iv, 49; Jos., xn, 3; xm,20,
Elisee Reclus, Nouvelle geographic universelle, t. v, voir ASEDOTH, t. i, col. 1076.
1884, p. 480, se dresse, a 2375 metres, la montagne de 1° L'Ecriture dit expressement que le Phasga est dans
Takh talou, le Solyma des anciens, a la base entaillee le pays de Moab, Num., xxi, 20; vis-a-vis de Jericho,
de gorges, aux pentes moyennes couvertes d'arbrisseaux; Deut., xxxiv, 1, et du desert de Jesimoth, Num., xxi,
c'est sur ie versant meridional de ce pic superbe que 20, a 1'est de la pointe septentrionale de la mer Morte.
brule jour et nuit la Chimere dont parlent les geogra- Deut., iv, 49; Jos., xii, 3. — Le mont Phasga fait partie
phes grecs et remains etqui adonne lieu a tantde fables de la chaine des Abarim. Deut., xxxn, 19, compare avec
La source du feu, le Yanar ou Yanar-tach, jaillitd'une xxxiv, 1. Les monts Abarim s'etendent du nord au sud,
ouverture profonde d'un metre environ, au-dessus de a 1'est de la mer Morte, depuis Touadi Hesban jusqu'au
laquelle s'elevent les debris d'un temple. Aucune fumee Zerka Mam. Voir ABARIM, t. i, col. 17. Le mont Nebo
n'accompagne la flamme; a quelques metres de dis- etait un des pics des Abarim. Voir NEBO 2, t. iv, col. 1544.
tance, la roche serpentineuse d'ou s'elance le feu Phasga est-il un autre nom de la chaine ou d'une partie
mysterieux n'a pas une temperature superieure a celle de la chaine des Abarim, ou bien un des pics du mont
Nebo ou bien enfin simplement un nom commun,
designant le sommet du mont Nebo? Dans ce der-
nier cas, la phrase du Deuteronome, xxxiv, 1, « Moise
monta sur le mont Nebo, au sommet du Phasga, »
devrait se traduire : « Moi'se monta sur le mont
Nebo, au sommet de la hauteur. » On peut alleguer
en faveur de cette version, outre les passages des
Septante rapportes plus haut, le Targum de Jeru-
42. — Monnaie de Phaselide.
salem et celui du Pseudo-Jonathan qui rendent inva-
Poupe de galere; dans le champ *ASII. — R). Minerve Proma- riablement Pisgdh par ramata, « colline, elevation »,
chos. A droite un monogramme dans un cercle, a gauche <l>. et ne le regardent pas comme un nom propre. Cette
explication est difficile a concilier avec les textes qui
des terrains environnants; des arbres croissent dans representent le Phasga comme une montagne au pied
le voisinage et un ruisseau serpente sous 1'ombrage... de laquelle camperent les Israelites, cf. Num., xxm, 14
Une autre ouverture du rocher, semblable a celle du et xxiv, 2, et d'ou jaillissaient des sources d'eau.Deut.,
Yanar, est maintenant eteinte. » —Phaselide a 1'epoque in, 17; iv, 49; Jos., xii, 3; xm, 26. Les divers passages
des Romains, devint un repaire de pirates. P. Servilius danslesquels 1'Ecriture nomme le mont Phasga semblent
les attaqua et detruisit la ville. Ciceron, Verr., iv, 10 : s'expliquer plus commodement en admettant que c'etait
Elle perdit son independance en 72-75 avant J.-C. Elle une montagne de la chaine des Abarim distinguee, par
fut restauree, mais elle ne recouvra jamais sa premiere ce nom propre, des aulres parties de la chaine. C'est du
prosperite. On y voit encore des ruines de ses anciens mont Nebo que Moise, Deut., xxxn, 49, contemple la
monuments; son port est devenu un marais d'ou s'exha- Terre Promise avant de mourir. Or nous lisons, Deut.,
lent des miasmes deleteres. Elle porte aujourd'hui le xxxiv, 1, « Moi'se monta des plaines de Moab sur le
nom de Tekrova. mont Nebo, au sommet du Phasga; » ce dernier som-
C'est a 1'epoque ou la piraterie ne predominait pas met parait done bien n'etre qu'un pic du Nebo, mais,
encore a Phaselide que les Romains ecrivirent aux habi- a cause de son elevation, il designait sans doute aussi
tants de cette ville et de quelques autres, situees la plu- toute la montagne. — Les voyageurs modernes n'ont pas
part sur la route que suivait le commerce maritime de trouve de traces du nom de Phasga dans la Moabitide.
la Lycie en Italic, pour leur demander de porter aide Quelques-unsd'entreeuxidentifientle Phasga avecleDje-
et appui a Simon Machabee et aux Juifs. I Mach., xv, bel ou Rds Siaghah, C. R. Conder, Palestine, 1889, p. 259,
23. Phaselide avait done une colonie juive vers 139 avant mais le Djebel Neba, a Test du Siaghah est plus eleve.
notre ere. — Voir Fr. Beaufort, Karamania ar descrip- 2° Le mont Phasga est nomme pour la premiere fois
tion of the south Coast of Asia minor, in-8°, Londres, dans les Nombres, xxi, 20. En s'approchant de la Terre
1817, p. 53-65; Ch. Texier, Asie Mineure, in-12, Paris, Promise pouren faire la conquete, les Israelites allerent
1862, p. 697-699; G. F. Hill, Catalogue of Greek, Coins camper « de Bamoth (voir BAMOTH-BAAL, t. I, col. 1423)
in the Brit. Museum, Lycia, 1897, p. LXVII. a la vallee qui est dans le pays de Moab au sommet du
F. VIGOUROUX. Phasga, en vue du desert (de Jesimon) ». De la, Moi'se
PHASIiRON (grec : <J>a<7ipwv), nom d'une tribu na- fit demander a Sehon, roi des Amorrheens, qui regnait
butheenne, « les fils de Phaseron, » qui fut battue par a Hesebon, dans le voisinage, 1'autorisation detraverser
Jonathas Machabee, I Mach., ix, 66, dans les environs pacifiquement son territoire. Sehon ne 1'accorda point,
de Bethbessen. Gette tribu est inconnue. mais, au contraire, attaqua Israel. II fut battu et les
Israelites allerent camper sur la rive orientale du Jour-
PHASGA (hebreu : Pisgdh), montagne du pays de dain vis-a-vis de Jericho. — Balac, roi de Moab, ne se
Moab. Dans le texte hebreu, ce nom est toujours pre- sentant pas de force a les arreter,eut recoursa Balaam,
cede de I'article : hap- Pisgdh. II n'est jamais employe et lui demanda de maudire ses ennemis, afin qu'il put
seul, mais precede tantot de ro's, « sommet du Phasga », ainsi les mettre en fuite. Balaam prononca son second
tantot de 'aSdot, mot qui est diversement interprete. oracle, au sujet d'Israel, du champ de Sofim (Vul-
On n'est pas d'accord sur le point de savoir si Pisgdh gate : « d'un lieu eleve, » in locum sublimem), au som-
est un nom propre ou un nom commun; les deux opi- met du Phasga. Num., xxm, 11-24. — Le Phasga est
nions ont des partisans. La Vulgate 1'a toujours consi- nomme ensuite plusieurs fois comme rnarquant la fron-
s dere comme un nom propre; les Septante 1'ont rendu tiere orientale de la Terre Promise qui doit s'etendre a
tantot comme un nom propre et tantot comme un nom 1'est « jusqu'a la mer de sel ou mer Morle » au pied de
commun : ^a^ya dans Deut., m, 67; xxxiv, 1; Jos., 'Asdof hap-Pisgdh. Deut., in, 17; iv, 49; Jos., xn, 3.
xii, 3; xiii, 20; et xopuyy) TOO Xe>a£euji.lvou, « sommel — Moise donna 'Asdof hap-Pisgdh a la tribu de Ruben.
du (mont) tattle », escarpe, dans Num., xxi, 20; xxm. Jos., xm, 20. — Enfin Moise, sur 1'ordre de Dieu,
223 PHASGA — PHATURfiS 224
« monta des plaines de Moab sur le mont Nebo, au presserent le roi de le faire mettre a mort et obtinrent
sommet du Phasga. » Deut., xxxiv, 1. C'est la qu'il _de lui de le jeter dans la citerne boueuse de Melehias
contempla la Terre Promise et qu'il rnourut. — Quant d'ou il fut retire par 1'eunuque ethiopien Abdemelech.
a la vue dont on jouit de cette montagne sur la Pales- Jer., xxxvm, 1-13. — Ce Phassur est peut-etre le meme
tine, voir NEBO, t. iv, col. 1544. que le « Phassur, fils de Melehias », qui est nomme
I Par., ix, 12, et II Esd., xi, 12, comme ai'eul d'Adai'as,
PHASHUR (hebreu : Pashur; Septante : $a<rso-jp), lequel figure parmi les pretres qui habiterent Jeru-
chef d'une famille sacerdotale. II Esd., vn, 41. Son salem au retour de la captivite, mais on ne peut etablir
nom est ecrit Pheshur I Esd., n, 38; x, 22; II Esd., qu'il soit le chef eponyme des « fils de Phashur » qui
x, 3, dans la Vulgate. « Les fils de Phashur » retour- revinrent de captivite avec Zorobabel. Voir PHASHUR,
nerent de Babylonie en Palestine avec Zorobabel au col. 223. — Quelques commentateurs croient aussi que
nombre de 1247. I Esd., u, 38; II Esd., vn, 41. Six le fils de Melehias est le pere de Gedelias, Jer., xxxvm,
d'entre eux sont nommes par leur nom dans I Esd., x, 1, mais ce n'est guere vraisemblable, Gedelias « fils de
22, oomme ayant epouse des femmes etrangeres, Phassur » etant nomme dans ce j. 31, avant « Phassur,
qu'Esdras les obligea a repudier. —Phashur (Pheshur), fils de Melehias », et sans 1'indication d'aucun lien de
ou le chef de la famille de ce nom, signa du temps de parente. Le nom de « Phassur, fils de Melehias »,
Nehemie 1'alliance contractee entre Dieu et son peuple. manque, il est vrai, dans les Septante, mais il se lit
II Esd., x, 3. — Dans le texte hebreu, plusieurs autres dans 1'hebreu cornme dans la Vulgate.
Ismaelites sont nommes aussi Pashur. La Vulgate ecrit
les noms de trois d'entre eux qui furent contemporains 3. PHASSUR (Septante : Haujcwp), pere de Gedelias.
de Jeremie Phassur (voir ce mot) et Pheshur, dans Gedelias fut un des ennemis de Jeremie. Jer., xxxviii,*
II Esd., xi, 12, celui qu'elie appelle Phassur dans I Par., 1. Certains commentateurs confondent ce Phassur avec
ix, 12. — Certains commentaires identifient le Phashur 1'un des precedents. Voir PHASSUR 1 et 2.
dont les fils revinrent a la captivite avec un des Phas-
sur nommes par Jeremie : ce n'est pas impossible, mais 4. PHASSUR (Septante : 3>a<rxwp)> pere de Jeroham,
peu probable. Voir PHASSUR 2. aieul d'Adai'as et fils de Melehias. I Par., ix, 12. Quelques
commentateurs le prennent pour un personnage diffe-
PHASPHA (hebreu : Pispdh; Septante : $<x<icps<), rent de Phassur 2, mais la distinction des deux n'est
second fils de Jelher, un des principaux chefs de pas certaine. Le livre de Nehemie, II Esd., xi, 12,
famille de la tribu d'Aser. I Par., vn, 38. mentionne aussi Phassur (dont elle ecrit le nom Peshur),
fils de Melehias, comme ancetre du prdtre Adai'a, fils
PHASSUR (hebreu : Pashur), nom de six Israelites. de Jeroham. SeuJement dans ce passage la genealogie
La Vulgate ecrit le nom de deux d'entre eux Phashur est plus complete; elle contient quelques noms qui
et Pheshur. Voir ces deux noms. sont omis dans I Par., ix, 12.
1. PHASSUR (Septante : Ilau/wp), pretre, fils d'Em- PHATABA (hebreu : Petahydh, « Jehovah delivre »;
mer. Un des oracles de Jeremie, xx, 1-6, est dirige Septante : ^sGsVa), un des Levites qui avaient epouse
contre lui. Phassur etait inspecteur en chef (hebreu : une femme etrangere. Esdras 1'obligea a la repudier.
pdqu nagid; Vulgate : princeps) ou intendant du temple I Esd., x, 23. Nous le retrouvons dans II Esd., ix, 5, le
de Jerusalem. Ayant entendu Jeremie prophetiser la dernier de ceux des Levites qui du temps de Nehemie
ruine de Jerusalem et du Temple, il le frappa et le fit adresserent a Dieu une longue priere pour le renou-
mettre aux ceps dans le Temple a la porte Haute de vellement de 1'alliance entre lui et son peuple. Dans ce
Benjamin. II ne le delivra que le lendemain. Jeremie passage, les Septante omettent son nom et la Vulgate
lui dit alors : « Jehovah ne t'appelle plus Phassur Fecrit Phathahia. — Le texte hebreu mentionne deux
(etymologie incertaine; Gesenius, Thesaurus, p. 1135, autres Petahydh qui sont appeles dans notre version
1'explique par « securite tout autour »), mais Mdgor latine Pheteia, I Par., xxiv, 16, et Phathahia, II Esd.,
Missdbib (terreur tout autour), parce que voici ce que xi, 24.
dit Jehovah. « Je te livrerai a la terreur toi et tous tes
amis. » Tous ses amis seront frappes par 1'ennemi, PHATHAHIA (hebreu : Petahydh), nom de deux
Juda sera livre au roi de Babylone, et Phassur et les Israelites dans la Vulgate. Voir PHATAJ'A.
siens seront emmenes en captivite. Jeremie, jL 6, ter-
mine sa prophetie en reprochant au fils d'Emmer 1. PHATHAHIA (Septante omettent son nom), levite.
d'avoir prophetise des mensonges. II devait done avoir II Esd., ix, 5. C'est le meme que la Vulgate appelle
predit que Juda serait delivre des attaques des Chal- Phataia. I Esd., x, 23.
deens. Le texte sacre ne nous dit rien de plus sur le
sort de Phassur et de sa famille, mais on ne saurait 2. PHATHAHIA (3>a6ai!a), fils de Mesezebel, descen-
douter que la prophetie qu'il avait faite contre eux n'ait dant de Zara, de la tribu de Juda, contemporain de
ete realisee. — Phassur, fils d'Emmer, peut etre le Nehemie. II etait « sous la main du roi » Artaxerxes,
meme que Phassur, pere de Gedelias. Voir PHASSUR 3. c'est-a-dire son representant ou son mandataire ou son
conseiller pour toutes les affaires qui concernaient les
2. PHASSUR (Septante : riaaxwp), fils de Melehias, Juifs. II Esd., xi, 24.
contemporain de Jeremie comme le precedent, pretre
selon les uns, cf. I Par., ix, 12> prince du peuple, selon PHATHUEL (hebreu : Pefuel; Septante : ,
les autres. II fut mele a deux evenements de la vie de pere du prophete. Joel Joel. I, 1. On ne connait que
Jeremie. Le roi Sedecias 1'envoya aupres du prophete son nom, et encore ce nom est-il diversement ecrit dans
avec le pretre Sophonie pour lui demander de consulter les manuscrits grecs et dans les versions. Voir JOEL 15,
Jehovah au sujet de la guerre que lui faisait les Chal- t. m, col. 1582.
deens, dans 1'espoir d'en obtenir une prediction favo-
rable, mais Jeremie annonca la prise de Jerusalem. PHATURES, PHATHURES, PH^TROS (hebreu :
Jer., xxi, 1. — Plus tard, nous retrouvons le fils de Patros; Septante : y^ IlaOoupYj; et ^ $a6oup^i;; Vul-
Melehias, Jer., xxxvm, 1, parmi les grands de la cour gate : Phatures, dans Jeremie, xuv, 1, 15; Phathures,
qui, ayant entendu Jeremie prophetiser la ruine de dans Ezechiel, xxix, 14; xxx, 14; Phetros, Is., xi, 11),
Jerusalem, pendant qu'il etait dans la cour de la prison, la Haute Egypte.
225 226
I. ETYMOLOGIE ET SIGNIFICATION. — Phathures ou Phe- rent politiquement a rendre reelle, de nominale qu'elle
tros est un mot egyptien hebraiise. II se decompose de etait auparavant, la demarcation deja si tranchee par la
1'avis general, en pa ta risi, j£ rr? 1^ V ,ou P-to-res, nature elle-mSme, entre la Haute et la Basse Egypte.
Le nom d'Egypte ou Mesraim se restreignit a la derniere.
« la terre du sud », et il designe la Haute Egypte, la II. LA TERRE DU SUD CHEZ LES PROPHETES. —• 1° Isai'e,
Theba'ide des Grecs, le Said des Arabes, par opposition xi, 11, prophetisant la venue du Messie, annonce qu'il
a pa ta mehit, f£ " " * \\ > ou P-to-mehet, « la terre apportera au monde le regne de la justice, et speciale-
du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et ment qu'« il e"tendra de nouveau sa main », comme il
leurs variantes, voir Brugseh, Dictionnaire geogra- avait deja fait pour la sortie d'Egypte, et qu'« il rappel-
phique de I'ancienne Egypte, Supplement, 1880, lera le reste de son peuple » disperse aux quatre points
p. 1399. La plus ancienne histoire de 1'Egypte est una- cardinaux. II le rappellera en particulier du sud, c'est-
nime a nous montrer la division du pays en deux a-dire de I'Egypte, de Phetros et de 1'Ethiopie. On ne
terres et en meme temps son union dans les mains s'explique pas que les Septante lisent ici aub BaSuXwvta;
d'un seul chef. Deja les rois des premieres dynasties pour a Phetros, contrairement au texte hebreu suivi
font 1'union des deux terres etlaflgurentpar lesam-looui, par la Vulgate. Quoi qu'il en soit, Phetros est le meme
c'est-a-dire la ligature du lotus, embleme de la Haute mot que Phatures. Jer., XLIV, 1, 15. Isaie estpleinement
Egypte, et du papyrus, embleme de la Basse Egypte. d'accord avec 1'etat de cboses existant en Egypte de son
Quibell, Hierdkonpblis, part. I, 1900, pi. XXXVH-XXXVIII temps, lorsqu'il distingue la terre du sud de Mesraim
et p. 11. Chaque region avait sa couronne propre, cou- devenue au sens restreint I'Egypte proprement dite. De
ronne blanche pour la Haute Egypte, couronne rouge plusil suitl'ordre geographique, allant du nord au sud
pour la Basse Egypte. Les deux couronnes reunies for- jusqu'a lYthiopie, jadis soumise a I'Egypte, maintenant
independante d'elle et parfois la dominant. Asarhadon
maient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com-
ne fait pas autrement quand il se declare « le roi des
rois d'Egypte (Musur], de la Haute Egypte (Palurisi) et
de 1'Ethiopie (Kusi}. » Budge, The history of Esarad-
don, n° 5, p. 16 19. —• 2° Jeremie, XLIV, 1 : « Parole
qui fut transmise par Jeremie a tous les Juifs qui habi-
taient le pays d'Egypte, a Magdal, a Taphnes et dans
Memphis, et dans la terre de Phatures. » il. 15 : « Et,
"toutle peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) a
Phatures, repondirent a Jeremie... » Jeremie suit aussi
1'ordre geographique et met en parallele Mesraim et
Phatures, soit qu'il annonce aux Juifs refugies et dis-
1 2 3 perses en Egypte le chatiment de leur idolatrie par la
43. — Couronnes d'Egypte. main de Nabuchodonosor, soit qu'il cite la reponse de
1. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent. ces memes Juifs opiniatres dans leur incredulite. Tous
ceux de Mesraim et ceux de Phatures (#. 15), Dieu les
mencait plus ou moins loin de Memphis, suivant les atteindra en Mesraim ou ils occupent trois villes, Mag-
epoques, et se terminait a Bigeh et a Phite. Des 1'An- dal a la frontiere orientale, Taphnis un peu plus haut
cien Empire, il eut ses gouverneurs dont la residence dans les terres et enfin Memphis a la pointe de Delta;
ne parait pas avoir ete fixe. Ouni, que Merenra de la il les atteindra pareillement en Haute Egypte (t- 1); d'un
VI« dynastie nomma a la dignite de —* V <==' 4>, fyatj-. mot, dans les deux regions distinctes ou s'etend la dis-
a mer res, « chef gouverneur du midi », residait a la persion. Gf. Ezechiel, xxx, 13-14, oil 1'onvoit la meme
cour. Le territoire de la province meridionale descen- opposition entre Mesraim et Phatures. — 3° Dans Eze-
dait alors jusqu'a Memphis. E. de Rouge, Recherches chiel, xxx, 14, le Seigneur predit la dispersion de la
sur les monuments qu'on pent attribuer aux six pre- terre de Phatures. Au chap, xxix, 12-13, le Seigneur vient
mieres dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le meme de dire : « Je disperserai les Egyptiens parmi les na-
honneur apres Ouni etait gouverneur d'Elephantine. tions, et je les separerai dans tousles pays... Apres qua-
J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscrip- rante ans je rassemblerai les Egyptiens du milieu des
tions de I'Egypte antique, t. I, p. 172. Quand plus tard peuples parmi lesquels ils avaient ete disperses. » II
Thebes eut obtenu la suprematie et fut devenue Nout- ajoute, $. 14 : « Je ramenerai les captifs d'figypte; je les
Risit, « la ville par excellence du sud », la grande placerai dans la terre de Phatures,dans la terre de leur
capitale, c'est la que resida le gouverneur du midi. A naissance, et ils y feront un royaume humilie. » Dans
une epoque ou les Hebreux vivaient encore tranquilles 1'etat actuel de nos connaissances, la realisation^ cette
en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thebes, vizir de prophetie reste obscure par plus d'un cote. Ni les docu-
Thotmes III, etc., joignait a ses autres charges celle de ments assyriens et egyptiens, ni Josephe et les autres
ecrivains ne font la lumiere sur ces quarante annees
gouverneur du midi. Mais alors JL , Resit, la region suivies du retablissement de I'Egypte dans un royaume
du midi, si elle a\\ait toujours jusqu'a Bigeh, ne limite a la terre du sud.Cf. W. M. Miiller, art. Pathros,
descendait plus que jusqu'a Siout, puisque c'est dans dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. in, p. 693.
ces limites que Rekhmara percoit les taxes de son Une seule chose est certaine : apres les invasions des
commandement. Newberry, The life, of Rekhmara, Assyriens, I'Egypte etait frappee a mort. et malgre son
1900, pi. v-vi et p. 26. Apres les Ramessides et la renouveau sous Amasis, elle etait bien « un royaume
disparition des rois pretres, les Bubastites de la humilie ». Les Perses allaient venir. Peut-etre est-ce
XXII6 dynastie firent de la Thebai'de dechue un apa- dans la periode qui va d'Amasis aux Perses (570-525)
nage royal et la maintinrent de la sorte sous leur de- qu'il faudra placer la restauration signalee par le pro-
pendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero, phete? II y eut la, semble-t-il, un moment d'accalmie
Histoire ancienne des peuples de VOrient, 6e edit., et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte deli-
1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains vree des Ethiopiens. Mais il est un point de la prophetie
des Ethiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du ou nos connaissances nous permettent de verifier 1'exac-
vme siecle, puis sous les Saiites, vne et vie siecles, elle titude d'Ezechiel. II dit expressement que Phatures est
devint une principaute theocratique regie par des la terre d'origine des Egyptians, terra nativilatis
femmes de sang royal. Toutes ces peripeties contribue- suse. En cela il est d'accord avec la tradition egyptienne
DICT. DE LA BIBLE. V. -8
227 FEATURES — PHENICIE 228
consignee par Herodote 11, 4, 15, et Diodore 11, 50, j qui est aussi appele Pelet dans le texte hebreu,
Thinis, ^p 1 , Theni, dans la Haute-Egypte, fut en est appele Phaleth, dans ia Vulgate. I Par., H, 33.
effet le berceau etla premiere capitale de 1'Egypte, Menes, PHELETHIENS (hebreu : hap-Peleti; Septante :
le premier roi historique, en etait originaire, les deux 6 $eXs90) gardes du corps du roi David. II Reg., vm,
premieres dynasties sont appelees thinites. Brugsch, 18; xv, 18; III Reg., i, 38, 44; I Par., xvm, 17. La Vul-
Histoire d'Egypte, lr« partie, 2e edit., Leipzig, 1875, gate nomine aussi les Phelethiens, IV Reg., xi, 19,
p. 29-30. De plus, les inscriptions attestent la priorite parmi les gardes qui accompagnerent le roi Joas lors de
du sud en le placant toujours avant le nord ; ainsi, par son intronisation, mais I'hebreu et les Septante n'en
exemple, le Pharaon est constamment en premier lieu font pas mention et parlent seulement des Cerethiens.
roi de la Haute Egypte. Enfln Amelineau a decouvert Dans tous les autres passages cites plus haul, les Phe-
(1895-1898) les tombes des plus anciens rois a Abydos, lethiens sont toujours joints aux Cerethiens et nommes
necropole de Thinis, et cette decouverte est venue a leur suite. On croit communement que leur nom
donner a la tradition la plus eclatante confirmation. n'est qu'une variante de celui de Philistin. Cf.
Cf. Petrie, The royal Tombs, 2 in-8°, 1900-1901 (Mc- Ezech., xxv, 15; Soph., ir, 5. Voir CERETHIENS, t. n,
moires XVIII et XXI de V Egypt Exploration Fund). col. 441.
Venus d'Asie par la mer Rouge et 1'ouadi Hammamat,
suivant 1'opinion la plus probable, les Egyptiens s'eta- PHELONITE. I Par., xi, 36: Voir PHALLONITE,
blirent done dans les environs d'Abydos. Ce fut la col. 183.
qu'ils naqulrent en quelque sorte comme peuple et
d'ou ils s'etendirent au sud et au nord sur toute la PHELT1 (hebreu : Piltai; Septante : <J>e).£n')> repre-
vallee du Nil % Cf. J. de Morgan, Recherches sur les sentant de lafamille sacerdotale de Miaminet Moadiadu
origines de VEgypte, t. 11, 1897, p, 214 sq. temps du grand-pretre Joacim. II Esd., xn, 17. Voir
C. LAGIER. MIAMIN 3, col. 1058.
PHAU (hebreu : W3, P&u, Gen.,xxxvi,39; nv2, Pd'i,
I Par., i, 50; Septante : ^wytop), ville d'ldumee ou PHELTIA (hebreu : Pelatydh [voir PHALTIAS,
residait Adar (appele Adad I Par., i, 50), roi d'Edom. col. 184]; Septante : <J>aXTi<i), un des chefs du peuple
Le site de cette ville est inconnu. U. J. Seetzen, Reisen qui du temps de Nehemie signerent 1'alliance entre
%durch Syrien, Paldstina, t. HI, Lund, 1835, p. 18, pro- Dieu et les Israelites. II Esd., x, 22.
pose de reconnaitre Phaii dans Phau'ara. F. Buhl,
Geschichte der Edomiter, 1893, p. 38, combat cette PHELTIAS (hebreu : Pelatydh et Pelatydhu [voir
identification. PHALTIAS, col. 184]; Septante : ^aXttae), fils de Banai'as,
contemporain d'Ezechiel, un des chefs du peuple. Le
PHE, lettre hebraique. Voir PE, col. 1. prophete, dans une vision, xi, 1-13, fut transporte a la
porte orientale du Temple de Jerusalem et il vit la
PHEDAEL (hebreu : PedtiKel « Dieu delivre »; vingt-cinq hommes au milieu desquels etaient Jezonias,
Septante : $aoar|X), fils d'Ammiud, de la tribu de Neph- fils d'Azur, et Pheltias. Dieu lui ordonna de prophetiser
thali. II fut chef de sa tribu et Moi'se le chargea de la contre eux et comme il prophetisait, Pheltias mourut.
representer dans le partage de la Palestine, avec les
chefs des autres tribus Israelites, ^ PHENENNA (hebreu : Peninndh,« corail ou perle; »
Septante : <J>svvava), seconde femme d'Elcana, pere de
PHEGIEL (hebreu : Pag'fel, Septante : <£oyatr|X, Samuel. Elle avait des enfants et Anne, la premiere
<£aY£r,X), fils d'Ochran, chef de la tribu d'Aser, du femme et la femme preferee d'Elcana, n'en avait point.
temps de Moi'se. II offrit au Tabernacle les rnemes pre- Phenenna, jalouse sans doute de la preference que mon-
sents et les memes sacrifices que les autres chefs de trait son mari, reprochait sa sterilite a Anne qui etait
tribus. Num., I, 13; u, 27; vir, 72, 77. II marchait a la humiliee et blessee de ses reproches. I Reg., I, 1-8.
tete des Aserites. Num., x, 26. Quand ses prieres lui eurent obtenu de Dieu un fils qui
fut Samuel, Anne s'ecria dans son cantique, a 1'adresse
PHELDAS (Pildds; Septante : $aX§£?), le sixieme de Phenenna, I Reg., 11, 5 :
des huit fils de Nachor, frere d'Abraham et de Melcha, La sterile enfante sept fois,
sa niece. Gen., xxn, 22. Le nom iunbs a ete trouve Et celle qui avait beaucoup de fils est fletrie.
dans les inscriptions nabutheennes. M. A. Levy, Ueber
die nabataischen Inschrlften, dans la Zeitschrift der PHENICE (grec : $oivi£; Vulgate : Phcenice), port
deutschen morgenlandischen Gesellschaft, t. x:v, 1860, de Crete. Act., xxvn, 12. Voir PHCENICE.
p. 440.
PHENICIE, nom donne a la cote de Syrie et au terri-
PHELEIA (hebreu : Peld'ydh [voirPHALAi'A, col. 182J; toire compris entre le mont Liban a Test et la mer Me-
Septante : ^aSous; A lexandrinus : <&aXata), troisieme diterranee a 1'ouest. Sa longueur a ete tres differente
fils d'Elioenai", de la race royale de David. I Par., in, selon les diverses epoques. Elle s'etendait depuis Gebal
24. ou Byblos jusqu'a Dor ou Tantourah, mais on 1'a pro-
longee aussi jusqu'a Joppe et meme Rhinocolure, a la
PHELELIA (hebreu : Pelalydh, « Jehovah juge »; frontiere del 'Egypte, avant 1'etablissement des Philistins
Septante : <l>aXaXia), pretre, fils d'Amsi et pere de dans la Sephelah. Jamais elle n'a designe un Etat unique,
Jeroham qui etait lui-meme pere d'Adaia, contempo- gouverne par un meme chef; elle fut toujours divisee en
rain de Nehemie. II Esd., xi, 12. C'etait un des des- un certain nombre de villes possedant chacune un terri-
cendants de Pheshur ou Phassur, fils de Melchias. toire particulier et une domination plus ou moins etendue.
I. NOM. — 1° Le nom de Phenicie nous vient des Grecs
PHELETH (hebreu : Pelef, Septante : $aX!6), pere et non des Pheniciens eux-memes. La forme grecque
de Hon, de la tribu de Ruben. Hon prit part a la re- est <I>oivn«), Odys., iv, 83; Herodote, in, 5; Thucy-
volte de Core et des deux autres Rubenites Dathan et dide, H, 69; Strabon, XVI, n, 21; Ptoleniee, v, 15, 21,
Abiron centre Moiise et Aaron. Num., xvi, i. Les Sep- et la forme latine, Phoenice. Ciceron, Acad., ir, 20;
tante et le texte samaritain appelient Pheleth fils de Tacite, Hist., v, 6; Pomponius Mela, i, 12; Pline,
Ruben. — Un descendant de Jeranqieel de la tribu de H. N., v, 13. Les auteurs latins plus recents ecrivirent le
229 PHENICIE 230
nom Phoenicia et cette forme a prevalu parmi les mo- Chanani... Cf. GeseniuSj'Thesaurus, p. 696; Schro-
dernes, mais elle ne se trouve pas dans 1'Ecriture. Ce der, Die phdnizische Sprache, in-8°, Halle, 1869, p. 6
nom ne se lit que dans les livres ecrits en grec, (et les citations, ibid.}. Sur le nom Chanaan-Phenicie,
puisqu'il est d'origine grecque, c'est-a-dire dans le se- voir W. M. Miiller, Asien und Europa, p. 205-208.
cond livre des Machabees, in, 5, 8; iv, 4, 22; vni, 8; x, Le nom geographique de Chanaan ne designe pas direc-
11, et dans les Actes, xi, 19; xv, 3; xxi, 2; xxvn, 12 : tement le peuple qui habitait sur la cote, mais le pays
4>otvtxYi etPhcenice. Saint Marc, vn, 26, mentionne une lui-meme d'apres son caractere physique. Chanaan
Syro-phenieienne Svpocpotvurcra, Syrophcenissa. signifle « le pays bas », qui longeait la Mediterranee,
2° L'Ancien Testament, en dehors de II Mach., ne par opposition au pays haut, Aram ou la Syrie, formee
designe pas autrement la Phenicie que par le nom par les montagnes qui s'elevaient a 1'ouest. Cur
general de terre de Chanaan. Gen., x, 19; Is,, xxm, dicta sit terra Chanaan interpretatio hujus nominis
11; Abd., 20. Cf. Matth., xv, 22, appelant « Chana- aperit. Chanaan quippe interpretatur Humilis,
neenne » la femme que saint Marc, vn, 26, appela dit saint Augustin, Enarr. in Ps. civ, 7, t. xxxvn,
Syro-phenicienne, et les Septante rendant (quelquefois col, 1394.
a tort), Jos., v, 12, la locution « terre de Chanaan » par 3° L'etymologie du mot grec $oivi| est controversee.
•f\ <fr<uvixYj ourj -/wpa TWV <f or/fxwv. Exod., XVI, 3,5; Jos., Le nom de la Phenicie parait tire, d'apres les uns, du
v, 1; Is., xxm, 2; Job, XL, 15 (30). Cf. Deut., in, 9. nom de ses habitants. Les Grecs les appelerent <J>ow-x.E?,
Voir CHANAAN 2, t. n, col. 537. Mais il faut observer d'ou les Latins tirerent Phcenices et Pceni, a cause de la
que ce nom de Chanaan n'est pas reserve seulement a couleur rouge-brun de leur peau (qpotvo;). R. Pietsch-
la Phenicie; il est plus etendu et s'applique a des ter- mann, Geschichte der Phonizier, Berlin, 1889, p. 13.
ritoires et a des peuples qui n'etaient pas phe"niciens. D'apres d'autres, les Hellenes anterieurs a Homere
L'absence d'un nom general pour la Phenicie provient donnerent au pays situe a 1'ouest du Liban le nom de
de ce que les cites pheniciennes etaient independantes $oivt'-/cv), parce que ce qui les frappa le plus, quand ils
les unes des autres et n'etaient unies par aucun lien le visiterent, ce fut le palmier qui y est indigene et
politique. La table ethnographique de la Genese, x, 15- eleve sa couronne de palmes au-dessus de 1'olivier, du
50. — Coupe de travail phenicien, trouvee dans Tile de Chypre. Musee du Louvre.
fabriquaient pour 1'exportation de nombreux objets en comptoirs qui faciliterent leur negoce. Voir A. Daux,
metal, statuettes, coupes, pateres, etc., et les vendaient a Recherches sur les emporia pheniciens, dans le Zeugir
1'etranger (fig. 50). Iliad.,xxm, 740-744; Odys., iv, 615; et le Bysacium, in-8°, Paris, 1869.
xv, 115. Leur art est de qualite inferieure; c'est une Les Pheniciens achetaient en Palestine les chenes de
imitation un peu gauche et maladroite de 1'art assyrien Basan, pour en faire des rames, Ezech., xxvii, 6, le
et surtout de 1'art egyptien, mais ces oeuvres n'en fai- froment de Mennith (voir MENNITH, t. iv, col. 972), le
saient pas moins leur chemin a travers le monde qui, baume, le miel, 1'huile et la resine, JL 17, les ceintures
'en dehors des bords de 1'Euphrate et du Nil, ne con- fabriquees par les femmes israelites, Prov., xxxi, 24, et
naissaient rien de mieux dans ces temps antiques. Voir sans doute toutes les productions du pays. Cf. Joel,
G. Perrot, Histoire de 1'art dans I'antiquite, t. m, in, 3-6, En echange, ils donnaient les etofFes et les
p. 403-439, 518-535; Clermont-Ganneau,' L'imagerie bijoux de leurs artistes (fig. 51); les Tyriens allaient
phenicienne, Paris, 1880, p. 2. vendre leur poisson jusqu'a Jerusalem, avec toute espece
Ezechiel, dans son chapitre xxvn, enumere une partie de marchandises, omnia venalia, et ce ne fut pas sans
des pays avee lesquels trafiquait la ville de Tyr: la Syrie peine que Nehemie les obligea a respecter le repos du
Damas, la Palestine, 1'Egypte, 1'Arabie, la Babylonie, sabbat. II Esd., XIH, 16-21..
237 PHENICIE 238
Les Pheniciens n'exercerent pas toujours leur com- cole pour ne pas reveler le pays ou il allait s'approvi-
merce sans violer les lois de la justice. Us s'etaient sionner. L'Etat le dedommagea de sa perte volontaire.
souvent rendus odieux par leurs pirateries et par leurs Les Pheniciens reussirent ainsi a conserver longtemps
rapines. Us enlevaient par la ruse et la violence tous 1'empire de la mer. On comprend sans doute que ce
ceux qu'ils pouvaient surprendre, hommes, femmes,
enfants, pour les vendre comme esclaves. La fraude,
Odyss., xiv, 883, etait pour eux, en meme
milieu de la Grande Verte (la mer), a 1'etat de courbes pu leur resister par leurs propres forces, Accho, Acha-
et d'inclines pour les volontes de sa majeste le roi du zib, Aphec, Jud., i, 31; cf. Eccli., XLVI, 21, et qui avaient
midi et du nord, Ramenkheper, vivificateur eternelle- ete attributes a Aser, lors du partage de la Terre
ment. Ses victoires sur tous les pays [ont porte] chez Sainte. Cf. Jos., xix, 26.
eux le degout [de combattre (?)]. Leurs apports sur leur Les cites du voisinage de Sidon, Sarepta, Heldun,
dos, ils presentent 1'hommage [pour que leur soient peut-e" tre Reryte (Beyrouth), Ecdippe el Accho accepterent
donnes] les souffles de vie, comme desireux de subsister sa suzerainete. Elle se distingua particulierement pen-
par I'emanatioh de sa majeste... » Ph. Virey, Le tom- dant cette periode par ses progres dans les arts, dans la
beau de Rekhmara, dans les Memoires de la mission guerre et dans la navigation. Les premiers navigateurs
du Caire, t. v, fasc. 1, p. 33. Les Egyptiens avaient de grecs les rencontrerent dans toutes les parties de la
bonne heure envahi la Phenicie. JVlediterranee ou ils s'aventuraient, et Ton savait qu'ils
I/. LA PHENICIE SOUS LES EGYPTIENS. — La plus an- frequentaient de plus des regions inconnues aTrlellade.
cienne inscription egyptienne qui mentionne la Phe- Une guerre qu'ils eurent a soutenir contre les Philis-
nicie la nomme Dahe ou Zahi. W. Max Miiller, Asien tins, qui s'etaient etablis au sud de leur pays sur les
und Europa, p. 176-182. D'apres ses calculs, entre 1587 rives de la Mediterranee, leur merita une grande repu-
et 1562 avant notre ere, Aahmes atteignit son territoire. tation d'audace, mais elle fut pour eux un echec fatal
II nomme des Fenkhu qui travaillaient dans des car- a leur puissance. Les Philistins, conduits par le chef
rieres. Tholhmes Ier, vers 1541-1516, envahit toute la des Ascalonites, assiegerent Sidon par terre, la bloques
Syrie jusqu'a 1'Euphrate. Thothmes III, vers 1503-1449, rent et voulurent la forcer a se rendre, mais ses habi-
.mentionne la 23e annee de son regne vine victoire sur tants se sauverent par mer et se refugierent a Tyr, Jus-
les Fenkhu et les autres habitants de la Syrie; la 29e an- tin, Hist. Philipp.,Ti\rm, 3. Avant cette defaite, a 1'epoque
nee, il fait une campagne contre les Rutennu, Tunep, des Juges et anterieurement a la judicature de Jephte,
Arvad et Zahi et s'empare d'un riche butin; sa 30e an- les Sidoniens avaient opprime les Israelites, Jud., x,
nee, il prend Cedes, Simyra et Arvad; sa 34e annee, il 12, mais nous n'avons aucun detail a ce sujet.
fait payer tribut au pays de Zahi, de Rutennou et d'Asi iv. SUPREMATIE DE TYR. — L'hegemonie passa alors
(Cypre). Amenophis III, vers 1414-1379, tient sous sa a Tyr. C'etait vers 1250 avant notre ere. Voir J. Kenrick,
domination la Phenicie et la Syrie tout entiere. Les let- Phoenicia, p. 343. Elle dura jusqu'en 877. Du temps de
tres de Tell el-Amarna nomment les gouverneurs de Tyr, Josue, Tyr est appelee « une ville forte », Jos., xix, 29
de Beryte, de Simyra, de Gebal, d'Accho, de Sidon, etc., et elle ne le cedait probablement alors qu'a Sidon en
,qui representaient le Pharaon dans ces villes a cette importance. L'arrivee dans ses murs des Sidoniens
epoque. Voir Keilinschriftliche Bibliothek, t. v, 18%, vaincus lui assura la suprematie. Dans le Voyage d'un
p. 131, 133, 151, 267, 271, etc. Ramses II envahit a son Egyptian, trad. Chabas, 1866, p. 169, vers 1350, elle est
tour le pays et une inscription de lui se voit encore pres mentionnee comme un port « plus riche en poissons
du Nahr-el-Kelb (le Lycus). — M. W. M. Miiller, Asien qu'en sable ». Vers 1130, la colonisation de Gades
243 PHENICIE 244
(fig. 57), au dela des colonnes d'Hercule, sur le rivage Les Pheniciens donneraient en echange les bois neces-
de 1'Atlantique, marque un nouvel 61an et une hardiesse saires et les ouvriers qui dirigeraient et executeraient
plus grande qu'auparavant dans les entreprises commer- les travaux de construction et de decoration. Hiram
ciales et dans le rayon d'action de la Phenicie. Ce fu- avait fait elever lui-m£me des temples a ses dieux,
rent les Tyriens qui effectuerent les plus longs voyages, Melkarth et Astoreth, Menandre, Fragm. i, p. 446; il
Herodote, i, 1, et qui chercherent a nouer le plus de envoya au roi d'Israe'l un excellent architecte qui s'ap-
relations pour ouvrir a leur commerce toute espece de pelait aussi Hiram.
debouches. L'histoire saintenous en fournit des exem- La construction du temple de Jerusalem et uu palais
ples remarquables. Lorsque David fut acclame roi a royal dura vingt ans. Ill Reg., vi, 38; VH, 1; cf. ix, 10.
Hebron, Abi-Baal occupait le trone de Tyr (fig. 58). Dius, Quand tout fut acheve, Salomon, pour reconnaitre les
services que lui avait rendus Hiram, lui ceda de son
propre gre vingt villes de Galilee, dans le voisinage
d'Acho, qui faisait probablement partie du royaume de
Tyr. A cause de ce voisinage, elles semblaient done
devoir elre a la convenance du roi phenicienn, mais
elles etaient placees sur un plateau nu et desole, qui
deplut au prince tyrien; il exprima son mecontente-
ment en donnant au territoire le nom de Chabul, « re-
but, balayures. » III Reg., ix, 10-13. Voir CHA.BUL, t. n,
col. 473. Leur amitie mutuelle n'en fut pas d'ailleurs
rompue pour cela. Saint Justin, Dial, cum Tryph., 34,
57. — Monnale de Gades. t. xi, col. 549, reproche a Salomon d'avoir adore les
Tete d'Alex'andre le Grand. — ^. Meba'ale Agadir. idoles a Sidon. Menandre, Fragm. n, p. 447 (dans
« Deseitoyens de Gades ». Deux poissons. Clement d'Alexandrie. Strom, i, 21, t. vin, col. 840),
raconte que le roi de Tyr lui donna une de ses filles en
Fragm. n; Menandre, Fragm. i, dans Histor. Grsec. mariage. Cf. Ill Reg., xi, 1 (Sidoniennes). Quoi qu'il
fragm., edit. Didot, t. iv, p. 398, 446. Cf. Josephe, en soit de ces faits, il est certain que les deux rois
Cont. Apion., i, 17, 18. II eut pour successeur son s'entendirenl pour aller faire un commerce fructueux a
fils Hiram, age de dix-neuf ans. Ibid. Gelui-ci semble Ophir. Voir OPHIR 2, col. 1289. Les Pheniciens etaient
avoir discerne promptement les hautes qualites de Da- les maitres de la Mediterranee, mais il ne 1'etaient pas
vid et le profit qu'il pourrait tirer de son alliance. Peu de la mer Rouge. Us fournirent des matelots au roi de
apres la prise de Jebus par le jeune roi, il lui envoya Juda qui mil a profit leur habilete dans le golfe Per-
des ambassadeurs avec des cedres du Liban, des macons sique, III Reg., ix, 26. ce qui les enrichit les uns et les
et des charpentiers pour lui hatir un palais. I Par., xiv, autres.
1. Cf. II Reg., Vii, 2. Les bonnes relations durerent Hiram inourut a 1'age de 53 ans, apres un regne de
33 ans. II eut pour successeur son fils Raleazar. Menandre
Fragm. i, p. 446. Apres lui, le trone fut occupe par
Abd.-Asboreth, qui perit de mort violente. Dans 1'espace
de 34 ans, trois rois moururent assassines et la dy-
nastie regnante fut changee trois fois, Ithobal ou Eth-
Daal, en montant sur le trone, y ramena la tranquil-
lite. II etait en m^me temps grand-pretre d'Astoreth.
II fit alliance avec Achab, roi d'Israel, et lui donna sa
fille Jezabel eh mariage. Ill Reg., xvi, 31. Menandre lui
attribue la fondation de Botrys, sur la cote, au nord de
Gebal. Fragm. iv, p. 447. En fondant cette ville, Ithobal
avait peut-etre pour but de se defendre centre 1'Assy-
rie qui etait alors pour la Phenicie une menace per-
petuelle.
58. — Sceau en sardoine ayant appartenu ^73 >3Nb a « Abi-Baal. » Ithobal eut pour successeur son fils Ralezor ou
Musee de Florence. Grossi au double. Raal-asar, et celui-ci, son fils Matgen ou Mattan. Tyr
etait alors divisee entre le parti aristocratique et le
pendant tout leur regne. Ill Reg., v, 1. Lorsque David parti populaire. Justin, Hist. Phil., xvm, 5. Mattan
prepara les materiaux pour la construction du temple craignait que le parti populaire ne 1'emportat. Pour
de Jerusalem, les sujets d'Hiram, Sidoniens et Tyriens, l'emp£cher, il donna sa fille Elisa a son frere Si-
« lui apporterent beaucoup de cedres. » I Par., xxn, 4. charbas, 'grand-pretre de Melkarth, qui epousa ainsi
Sous son fils Salomon, les rapports devinrent encore sa niece et de la sorte devint 1'heritier presomptif du
plus etroits. A la mort de David, Hiram lui envoya une royaume. A sa mort, Mattan laissait un fils appele
ambassade. Ill Reg., v, 1; Josephe, Ant. jud., VIII, Pygmalion, age de 8 ou 9 ans. Le parti populaire le
n, 6, et Salomon en profita pour lui demander son choisit pour son roi, et Sicharbas et Elisa rentrerent
concours dans 1'ceuvre de la construction du Temple. dans la vie privee. Au bout de sept ans, le jeune Pyg-
Josephe reproduit les lettres qu'il dit avoir ete echan- malion fit tuer son beau-frere, qui etait en meme temps
gees entre les deux monarques en cette circonstance; il son oncle. Elisa (Didon), sa soeur, reussit a lui echap-
assure qu'elles etaient conservees dans les archives de per et se sauva avec une flotte d'abord en Chypre, puis en
Tyr et de Jerusalem. Ant. jud., VIII, n, 7-8. II leur Afrique ou elle batit la ville devenue si celebre sous le
fut facile de s'entendre. Les Pheniciens avaient tout in- nom de Carthage, 143 ans apres la construction du
teret a vendre leur bois du Liban et a recevoir en temple de Jerusalem, raconte Josephe, ]Cont, Apion., i,
N echange les denrees qui abondaient en Palestine, et dont 18. Sur ce recit, cf. la critique de 0. Meltzer, Geschichte
la -Phenicie avait besoin pour sa nombrense popula- der Karthager, 1870, p. 111-141; G. Rawlinson, Phoeni-
tion. L'accord fut conclu a ces conditions : Salomon cia, p. 122-126.
fournirait annuellement ,pendant la duree du contrat, Voici la liste des rois de Tyr depuis Hiram jusqu'a
20000 cors d'orge, autant de froment, 20000 baths Pygmalion, avec les annees de leur regne, d'apres Piet-
d'huile et la meme quantite de vin. Ill Reg., v, 3-12. schmann, Geschichte der Phonizier, p. 299. Menandre,
245 PHENICIE 246
d'ou sont tires ces chiffres, loc. cit., ne les donne que mort d'Alexandre, la Phenicie echut a Laomedon, en
jusqu'a Pygmalion. 320 a Ptolemee Lagus, en 314 a Antigone. En 287, elle
Avant J.-C.
fut de nouveau soumise a Ptolemee Lagus, et elle de-
meura pendant pres de. 70 ans sous la domination des
Hiram 969-936
Baalbazer 935-919 Lagides qui les gouvernerent avec sagesse, jusqu'au
Abdastart 918-910 regne de Philopator. Ce roi monta sur le trone en 222, et
Metuastart 909-898 se montra faible et raauvais administrateur. Antiochus III
Astharymos . 897-889 en profita. En 219, il chassa les Egyptiens de Seleucie,
Phelles (Smois) — 888 le port d'Antioche, et prit possession de Tyr et d'Accho
Ithobaal 887-856 qui avait recu alors le nom dePtolemai'de. En 198, a la
Baalazar. . • 855-850
Mettenos 849-821 suite de la victoire d'Antiochus sur Scopas, Polybe, xvr,
Pygmalion 820-774 18; Josephe, Ant. jud., XII, in, 3, la Phenicie devint
definitivement la possesion des Seleucides. La fonda-
V. LA PHENICIE SOUS LES ASSYRIENS. — Quand les tion d'AIexandrie 1'avait rendue jalouse de 1'Egypte;
Pheniciens avaient ete affranchis des invasions egyp- elle s'accommoda fort bien du gouvernement des rois de
tiennes, ils n'avaient pas tarde longtemps a avoir a re- Syrie, qui la traiterent avec fayeur, participerent a ses
douter celles des Assyriens. II est possible que vers 1'an fetes, II Mach., iv, 18, visiterent ses principales villes,
1140, Nabuchodonosor Ier, roi de Babylone, ait fait deja II Mach., iv, 44-50. Elle les paya de retpur. Tite
une incursion en Phenicie. Cf. Winckler, Geschichte Live, xxvn, 30. Pendant le regne d'Antiochus Epiphane,
Babyloniens und Assyriens,, 1892, p. 95 et note!8,p. 329, ce prince, ayant condamne injustement a la mort, a Tyr
mais les Assyriens devaient etre pour ce pays un ennemi meme, les Juifs qui avaient denonce les crimes de Me-
bien plus a craindre. Theglathphalasar Ier, vers 1100, nelas, voir t. iv, col. 964, les Tyriens touches de leur
poussa ses troupes jusqu'a la Mediterranee pres d'Arvad. sort, leur donnerent une sepulture honorable, II Mach.,
Au ixe siecle, vers 877, sous le regne d'lthobal, Assurbani- iv, 49, mais il n'en avait pas toujours ete ainsi. Us
pal pilla le pays. Eb. Schrader, Keilinschriftliche Biblio- s'etaient joints aux ennemis des Juifs au commencement
thek, t. i, 1889, p. 122. La Phenicie n'eut pas moins a de la persecution. I Mach., v, 15. Plus tard, entrairies
souffrir qu'Israel sous les successeurs de ce prince. par leur avidite mercantile, ils accepterent les propo-
Parmi les tributaires de Salmanazar II figurent Tyr, sitions des generaux d'Antiochus, quandils leur offrirent
Sidon, Gebal, et Arvad, de meme que Jehu d'Israel. de leur vendre a has prix les prisonniers qu'ils espe-
Mattanbaal d'Arvad combattit contre les Assyriens avec raient faire dans la guerre contre Judas Machabee, ce qui
Achab d'Israel a la bataille de Karkar (854 avant J.-C.). leur assurerait, en les revendant, un gain considerable.
Au vine siecle, Theglathphalasar III, qui ravagea Israel, _ II Mach., vm, 11. Ils accoururent en foule a la suite de
regut aussi le tribut d'Arvad, de Tyr et de Gebal, a qui 1'armee syrienne, I Mach., in, 41, apportant avec eux
il fit plusieurs fois la guerre. Voir Pietschmann, Ge- une grande quanlite d'or et d'argent. Nicanor avait
schichte der Phonizier, p. 299 sq., Salmanasar IV, compte payer avec le benefice de la vente des esclaves
d'apres un fragment de Menandre, dans Josephe, Ant. juifs les deux mille talents d'argent que son maitre
jud., IX, xiv, 2, assiegea Tyr pendant cinq ans. Les Antiochus devaitpayer aux Romains. II Mach,, vm, 10.
ennemis les plus redoutables d'Israel et puis de Juda. Voir ANTIOCHUS IV, t. i, col. 698. II fut completement
Sargon, Sennacherib, Asarhaddon, Assurbanipal tinrent battu par Judas Machabee. Les cupides marchands
e
la Phenicie sous leur joug. Au vi siecle, le vainqueur pheniciens eurent la vie sauve, mais il leur fallut don-
de Jerusalem, Nabuchodonosor'II, assiegea Tyr et Sidon. ner au vainqueur 1'argent qu'ils avaieat apporte.
Sidon fut prise apres avoir perdu par la peste la moi- II Mach., vm, 25; Josephe, Ant. jud., XII, vii, 4.
tie de ses defenseurs. Ezech., xxvin, 21-23. Tyr resista C'est le dernier evenement dans lequel les Pheniciens
pendant treize ans. Menandre, loc. cit. Cf. Ezechiel, xxvi, se trouvent meles a 1'histoire juive. — Ils s'helleniserent
2, 8-12,17-18, vers 585. Les propheties contre la grande de plus en plus sous le gouvernement des Seleucides.
ville phenicienne commencaient ainsi a s'accomplir. Leurs monnaies porterent des legendes grecques a cote
Les habitants de la Palestine avaient eu plus d'une fois des legendes pheniciennes, les noms grecs devinrent a
a se plaindre de la cupidite et des violences des Pheni- la mode. Antipater et Apollonius, philosophes stoiciens
ciens. Ps. LXXXII (LXXXIII), 8; Ezech., xxvi, 2; Joel, in, de Tyr, Strabon XVII, n, 22, Philon de Byblos, Dius,
3-6; Amos, i, 9; I Mach., v, 15; II Mach., vm, 10. Les Theodote, Philostrate, Boethus et Diodote, peripateci-
prophetes avaient predit le chatiment que Dieu infligerait ciens de Tyr, Hermippe de Beryte etudierent la phi-
a Tyr et a Sidon. Is., xxm, 1-17; Jer., xxv, 22; xxvn, losophic grecque, Strabon, XVII, n, 22; leurs littera-
3; XLvii, 4; Ezech., xxvi-xxvm; Ose., ix, 13-15; Joel, in, teurs ecrivirent leurs ouvrages en grec.
4-8; Amos, i, 9-10; Zach., ix, 3-7. Ces menaces ne de- VII. LA PHENICIE EST SOUMISE AUX ROMAINS. —
vaient cependant s'executer completement que plus tard. Le royaume des Seleucides prit fin 1'an 83 avant J.-C.
— La Phenicie passa du joug de Babylone sous celui de et la Phenicie dut alors se soumettre a Tigrane, le roi
Cyrus, vainqueur de Nabonide et de Baltassar. d'Armenie contemporain de Lucullus et de Pompee. Ce
VI. LA PHENICIE SOUS LA DOMINATION PERSE ET ne fut pas pour longtemps. Les Romains attaquerent
GRECQUE. — Les Pheniciens n'eurent pas alors a se Tigrane en 69 et ne tarderent pas a le deposseder de
plaindre de la domination perse. Cyrus ne les inquieta la Syrie et de la Phenicie. Ce fut alors la fin pour tou-
pas. Cf. Herodote, in, 19, 44. Vers cette epoque ils jours de son independance. La Phenicie fit partie de la
purent fournir des materiaux aux Juifs pour la recon- province de Syrie sous un proconsul ou un propreteur.
struction du temple de Jerusalem, I Esd., in, 7, et ils Cependant Tyr, Sidon et Tripoli resterent cites libres.
furent payes en ble et en vm. Cambyze les comprit Les Actes, XH, 20-23, supposent cette autonomie relative.
dans la menie satrapie que la Palestine, la Syrie Ils nous apprennent qu'Herode Agrippa etait en dis-
et Cypre, et il eut recours a leur marine. Hero- cussion 1'an 44 avec Tyr et Sidon et que ces deux villes
dote, in, 19. II n'essaya pas de les forcer a le lui envoyerent une ambassade a Cesaree pour calmer sa
servir contre Carthage. Leurs marins aiderent les colere. Herode ne leur aurait point cherchequerelle, si
Perses contre les Grecs, jusqu'en 351 ou Sidon se re- ces cites avaient ete completement gouvernees par Rome,
volta. Ochus les soumit bientot. — Ils conserverent leurs car autrement il aurait eu sur les bras les Romains
rois jusqu'apres la bataille d'Issus (333), ou ils furent eux-me'mes, ce a quoi il n'aurait eu garde de s'exposer.
asservis par Alexandre le Grand, qui infligea un long VIII. LE CHRISTIANISME EN PHENICIE. — Le chris-
siege et un dur chatiment a Tyr. Voir TYR. Apres la tianisme ne tardapas a s'implanter en Phenicie, comme
247 PHENICIE — PHERATH 248
I'avaient predit les prophetes. Ps. LXXXVI (LXXXVII), 4; Constitutions apostoliques, v, 7, t. i, col. 846; Tertul-
cf. Zach., ix, 4. Notre-Seigneur avait daigne visiter le lien, De resur. earn., 13, t. n, col. 811; S. Ambroise,
pays de Tyr et de Sidon, dont il avait declare 1'incredu- De exces. fratr., ir, 59, t. xvi, col. 1331, etc. Ces au-
lite moins coupable que celle des Juifs, Matth., xi, 21-22; teurs font sejourner le phenix en Arabie ou dans 1'Inde;
Luc., x, 13-14, et il avail gueri la fille de la Chananeenne il n'apparait en Egypte que pour y perir et y renaitre.
qui etait possedee. Matth., xv, 21; Marc., vii, 24-31. Des — Dans un passage ou il parle de ses esperances de
Pheniciens avaient ete temqins de ses miracles, Luc., vr, longue et heureuse vie, Job, xxix, 18, s'exprime ainsi :
17. Quelques-uns des nouveaux Chretiens qui avaient
quitte Jerusalem apres le martyre de saint Etienne se Je disais : Je mourrai dans mon nid,
J'aurai des jours norobreux commele hdl.
disperserent en Phenicie et y precherent la foi aux
3u\fe qu\ \iabita\ent le pays. Act., xi, 19. Quand Le mot hdl, frequemment employe dans la Bible
saint Paul, lors de son troisieme voyage de mission hebraique, y a toujours le sens de « sable », et la com-
(an 58), se rendant en Palestine a son retour de Grece paraison du sable est usitee pour donner 1'idee d'un
et d'Asie Mineure, debarqua a Tyr, il y trouva une eglise peuple nombreux, Gen., xxn, 17; Jos., xi, 4; I Reg.,
deja etablie et y sejourna pendant sept jours, bien ac- xm, 5; I*, x, 22, etc., et aussi d'un petit nombre
cueilli par les nouveaux, Chretiens, hommes, femmes d'annees que Ton assimile a un grain de sable. Eccli.,
et enfants. Act., xxi, 3-6. Le christianisme fut florissant xvii, 8, 9. Dans ce dernier passage, cent ans sont com-
dans cette ville pendant les deux premiers siecles. pares a un grain de sable; Job, au contraire, se pro-
Origene s'y retira vers 250 et c'est la qu'il mourut. mettait des jours nombreux comme le sable. Cependant
VII. BIBLJOGRAPHIE. — Corpus inscriptionum semiti- les massoretes ont note ici le mot hdl d'un signe indi-
carum, in-f°, part, i, t. i, Paris, 1881-1889; Scylax, Peri- quant qu'il n'a pas le meme sens que dans les autres
plus, dans C. Miiller, Geographi minores, edit. Didot, passages. Les Septante 1'on traduit primitivement par
in-4°, Paris, 1855-1861,1.1; Falconer, Voyage of Hanno, 9otvtE, qui veut dire a la fois « palmier » et « phenix ».
Londres, 1797; F. C. Movers, Die Phonizier, 2 tomes en Comme le palmier se nomme en hebreu tdmdr et non
4in-8°, Bonn, 1841-1856; Walpole, Ansayrii, in-8°, Lon- pas hoi, les Septante avaient done eu en vue tout d'abord
dres, 1851; John Kenrick, Phoenicia, in-8°, Londres, le phenix. Pour corriger 1'amphibologie du mot grec, on
1855 ;W. Gesenius, Scripturse linguseque Phoenicise mo- substitua ensuite 1'expression crs/s^o? ipomy.oc, « tronc
numenla, 3 in-4°, Leipzig, 1857; E. Renan, Mission de de palmier ». Les talmudistes assurent que dans ce
Phenicie, in-4°, Paris, 1864; Voyage d'un Egyptien passage de Job il est question du phenix, Sanhedrin,
en Syria, en Phenicie, traduit par Chabas, in-4°, Paris, fol. 108, 2, et les commentateurs rabbiniques affirment
1866; Hans Prutz, Aus Phdnizien. Geographische la me'me chose. D'apres eux, le phenix serait le seul
Skizzen und historische Studien, in-8°, Leipzig, 1876; de tous les animaux qui aurait refuse de partager le
di Cesnola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877;.Id., Salami- fruit defendu avec Eve, et plus tard Noe aurait souhaite
nia, in-8°, Londres, 1882; G. Perrot etChipiez, Jiistoire au phenix une vie sans fin. Cf. Buxtorf, Lexic. talmud.,
de I'art dans Vanliquite, t. in, 1885; G. Rawlinson, col. 720. Le phenix aurait ete appele holi par les Egyp-
History of Phoenicia, in-8°, Londres, 1889; Id., Phoe- tiens, si Ton en croit les hieroglyphes interpretes par
nicia, dans Story of the Nations, in-8°, Londres, 1889; G. Seyffarth, dans la Zeitschrift der deutsch. morgenl
B. Pietschmann, Geschichteder Phonizier,in-8<>^Berlin, Gesellsch, t. in, p. 64, et les mots alloe ou alloe, repro-
1889; A. Mayr, Aus den phonischen Nekropolen von duisant hdl, sont traduits dans les glossaires coptes-
Malta, in-4°, Munich,1905'; W. von' ( Landau, Die Beden- arabes par semendel ou semendar, noms communs
tung der Phonizier im Volkerleben, in-8°, Leipzig, 1906. aux deux animaux qui echappent a Faction du feu, la
F. VlGOUROUX. salamandre et le phenix. L'idee d'oiseau parait appelee
PHENIX, oiseau fabuleux, dont les auteurs anciens dans le texte de Job par celle du nid, mehtionne au
font souvent mention. Cf. Metral, Le Phenix, Paris, vers precedent, et le phenix etait dans 1'antiquite le
1824. D'apres He'rodofe, rr, 73, le phenix arrivait d'Ara- symhole de la longue vie; on disait proverbialement :
bie, tous les cinq cents ans, apportait avec lui le corps ipot'vixoc STV) PIOUV, « vivre les annees du phenix ».
de son pere, enveJoppe de myrrhe, et le deposait dans Lucien, Hermot., 53. II faut observer cependant qu'au
le temple du soleil. Lucien, Hermot., 53; Pline, H. N., lieu de qinni, « mon nid », les Septante, Saint Ephrem
x, 2; Ovide, Amor., n, 6, 54; Metam., xv, 391; Clau- et Barhebrseus ont lu qdnai pour qdneh, « roseau »,
dien, Laud. Stil., n, 417; Horapollon, n, 57, etc., font dans le premier vers, ce qui rendrait moins probable
aussi mention du phenix. Tacite, Annal., \i, 28, rap- la mention d'un oiseau dans le second. Rosenmuller,
porte differentes traditions a son sujet, en concluant que Jobus, Leipzig, 1806, t. n, p. 694; Welte, Das Buch Job,
« tout est incertain et augmente de fables », mais que Fribourg-en-B., 1849, p. 283; Delitzsch, Das Buch lob,
du moins « il est sur qu'on voit quelquefois cet oiseau Leipzig, 1876, p. 381-383; Knabenbauer, In Job, Paris,
en Egypte. » On a voulu reconnaitre le phenix dans 1886, p. 342, etc., regardent comme possible ou meme
1'oiseau d'Osiris, le bonou; mais cet oiseau est un van- probable la designation du phenix par le mot hdl. Elle
neau ou une espece de heron. Cf. Maspero, Histoire ne peut etonner de la part d'un auteur familier avec les
ancienne des peuples de I'Orient, t. i, p. 131, note 2. choses de 1'Egypte et de 1'Arabie. La mention d'un
Les premiers ecrivains ecclesiastiques ont fait grand mythe, pris comme simple terme de comparaison par
etat de la fable du phenix, parce qu'ils y voyaient un un ecrivain sacre, ne souleve pas non plus de difficulte,
symbole de la resurrection. "Voici la forme que prend la cette mention n'impliquant a aucun degre la realite du
fable dans la Didascalie, 20, trad. Nau, Paris, 1902, mythe allegue. Cependant cette explication ne s'impose
p. 108 : Le phenix K est unique, car s'il avait une fe- pas. D'autres interpretes se contentent d'entendre le
melle, les hommes en verraient bientot beaucoup, mot hdl dans son sens habitue! de « sable », adopte
tandis que maintenant on n'en voit qu'un qui entre en par la Vulgate. Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 454; Le
Jigypte tous les cinq cents ans, et va a 1'autel qui est Hir, Le livre de Job, Paris, 1873, p. 354.
appele du Soleil. II rassemble du cinnamome, puis, H. LESETRE.
priant vers 1'orient, le feu s'allume de lui-meme, le PHERATH (hebreu : Perdtdh, avec le he local;
brule et le reduit en cendre; puis, de cette cendre, il Septante : EuqipaTY)?; Vulgate : Euphrates),1 lieu ou
se forme un ver, qui croit semblable a lui et devient un Jeremie, sur 1'ordre de Dieu, alia cacher dans le creux
phenix parfait; puis il s'eloigne et retourne d'ou il est d'un rocher la ceinture neuve qu'il venait d'acheter, ou
venu. » Cf. Ibid., p. 166. La meme legende se retrouve il la trouva ensuite toute pourrie. Jer., xm, 1-7. Les
dans S. Clement, 1 'Cor., 25, t. i, col. 261; les anciens interpretes et commentateurs ont generalement
249 PHERATH 250
cru qu'il etait la question du fleuve de 1'Euphrate. I Reg., xin, 6, et auxquelles faisaient allusion ces en-
Bochart cependant, Geographia sacra, 3e edit., Opera, nemis d'Israel, xiv, 11, en voyant Jonathas monter de
1692, t. I, col. 956, et quelques autres apres lui, y ont la vallee qui est sous Machmas, c'est-a-dire de I'Ouadi-
vu plutot la petite ville d'Ephrata. Cf. Knabenbauer, In Soueinit, 1'un des affluents de VOuadi-Farah, qu'il re-
Jer., 1889, p. 183-186. Les palestinologues modernes joint un peu plus bas. C'est probablement dans 1'une
contes'ent 1'ancienne identification et voient le Pherath d'elles que Jeremie cacha sa ceinture. Les juifs fideles,
ou plutot Phdrah (le n, t, n'etant que le n transforme au temps de la persecution d'Antiochus, durent cher-
par la presence du n local) de Jeremie dans VOuadi cher avec Mathathias et ses fils un refuge dans cette
Fdrah, ou vallee de Pharah, avec 1'article haf-Fdrah meme vallee et les circonvoisines. Cf. I Mach., I, 56;
(Septante: $ao«; Vulgate, Aphara). Jos., xvm,23. Voir n, 26, 31. Au temps de la guerre de Judee, Simon ben
APHARA, t. I, col. 721 ,/Sur une trentaine de fois que les Gioras ne trouvait pas de cachette plus sure que ces
auteurs nomment 1'Euphrate, a l'e.xception de deux ou grottes, pour y renfermer ses tresors, et que la vallee
trois cas isoles, c'est presque toujours « le fleuve d'Eu- pour y sejourner avec ses partisans. Bell, jud., IV, IX,
phrate », ou sa nature est deterrainee par le contexte : 4. Josephe appelle 1'endroit Pharan, mais le n est sans
59. — "Vue de 1'ouadi Far ah, au nord-est de Jerusalem, non loin d'Anatoth. D'apres une photographic de M. L. Heidet.
en Jeremie, xin, sur quatre fois que le nom est repete doute le signe de 1'accusatif. En ces memes lieux, ou
de suite, non seulement cet appositif ne lui est pas ad- les Assideens avaient accueilli les Machabees et les
joint, mais c'est celui de « rocher » ou « region ro- fugitifs d'Israel plutot qu'ils ne s'etaient joints a eux,
cheuse ». « Prends la ceinture que tu as achetee et qui I Mach., n, 42, etll Mach., xiv, 67, les ames redoutant
ceint tes reins; leve-toi et va a Perdtha et cache-la dans les dangers du monde vinrent, au ve siecle de 1'ere
un creux du rocher, » binqiq has-sdla'. Jer., xin, 4. chretienne, y reprendre la vie de mortification des
Quand le Seigneur veut instruire le peuple par un Esseniens, comme sous 1'ancienne loi. C'est a Farah, a
symbole prophetique, pour frapper davantage-son atten- six milles a 1'ouest de Jerusalem, que les Chariton, les
tion, c'est toujours sous ses yeux qu'il le fait exposer; il Euthyme, les Theoctiste, les peres de la vie cenobitique,
serait etrange, en ce cas, qu'il envoyat Jeremie a une 1'inaugurerent en Palestine. Cf. Cyrille Scyth., Vita
distance de presde trente jours de marche. S. Euthijmii, n. 12, 41, 114, 184; Acta sanct., ja-
Forme par la jonction de 1'ottad' er-Redeiddh et de nuarii t. II, p. 668, 672, 688, 691; Vita S. Charit&nis,
Vouad? ibn 'Idd, appele encore ouddi-Andtd, parce ibid., septembris t. YII, p. 576.
qu'il passe sous cette localite qui est 1'antique Ana- A cette epoque, la ville de Phara, qui avait vraisem-
thoth, patrie de Jeremie, Vouadi-Fdrah commence a blablement pris son nom de la vallee, le portait encore,
trois kilometres au nord-est de ^Andtd (fig. 59). De a quelques stades en aval des grottes qui formaient la
chaque cote de la vallee s'elevent, a une hauteur de Laure de Phara ou Pharan; ses ruines sont conoues
plus de cent metres, de gigantesques rochers perces aujourd'hui sous le nom seulement de Khirbet el-
d'innombrables grottes, les unes naturelles, les autres Qoreini. Au pied des grands rochers, jaillit une source
artificielles. Plusieurs d'entre elles sont sans doute de pure et abondante qui se deverse dans des bassins
celles ou se cacherent les Israelites fuyant devant naturels ou se jouent de nombreux petits poissons, des
les Philistins, aux premiers temps du regne de Saul, crabes et des grenouilles et forme un ruisseau qui va
251 PHERATH PHIGOL 252
s'unir, environ six kilometres plus has, au Nahr el- qu'en ce passage le nom de Pherezeen ait une signifi-
Kelt. Au-dessus de la fontaine, des moines russes ont jete cation generique pour designer les autres habitants de
en 1905, la ou se voient les restes de 1'ancienne eglise, les la contree, distincts des Chananeens proprement dits,
fondements d'un nouveau monastereet occupent les an- car ce sont ordinairement les Amorrheens qui sont pre-
ciennes grottes. —Voir Schick, dans Zeitschrift des deut- sentes comme les habitants du territoire qui deviendra
schen Palastina Yereins, t. in, p. 6; Buhl, Geographic des celui de Juda et de Simeon. Cf. Gen., xrv, 7,13; Deut.,
alien Palastina, in-8°, 1896, p. 99-100. i, 7, 19, 27, 44; Jos., x, 5, 6, 12; Jud., i, 36. — Les
L. HEIDET. Pherezeens furent vaincus avec les autres peuplades
PHEREZEEN (hebreu : hap-Perizzi; Septante : de Chanaan et en partie extermines par Josue et les
^spe^atoi, dans la Genese en general et en quelques Israelites. Jos., ra, 10; ix, 1; xi, 3, 8; xii, 8; xxiv, 11;
endroits; plus communement $ep£s«'o?, au sing.; Judith, v, 20. Ce qui en resta fut soumis au tribut et a
correspondant a 1'hebreu qui conserve partout ce la corvee; on les retrouve dans cette condition sous le
nombre. La Vulgate emploie quatorze fois Pherezeeus regne de Salomon, travaillant aux constructions elevees
et huit fois Pheresasi], peuplade du pays de Chanaan par ce roi. Ill Reg., ix, 20; II Par., vin, 7. Ils sont
dont le territoire fut promis a Abraham et conquis par signales encore en general avec les elements chana-
les Israelites. Le Pherezeen est nomme seul avec le neens, apres la captivite, et on reproche aux Juifs peu
Chananeen, Gen., xm, 1; xxxiv, 30, et Jud., i, 4, pour fideles a la loi de prendre de leurs filles en mariage-
designer avec ce dernier toutes les populations du pays. I Esd., ix, 1. L. HEIDET.
Serait-ce pour specifier une classe particuliere d'entre
elles? Selon Gesenius, Thesaurus, p. 1156, Perizzi a la PHERMESTA (hebreu : Parmastff; Septante: Map-
meme signification qaePerdzi, « campagnard, paysan ». (j.afftu.a), le septieme des fils d'Aman, qui fut mis a mort
Ce nom serait ainsi 1'equivalent de celui de fellah, fel- par les Juifs de Suse. Esther, ix, 9. D'apres J. Oppert,
lahin, employe aujourd'hui pour designer la elasse des Partiiasta' est le perse Paramaistd, « celui qui se met
cultivateurs par opposition a toutes les autres classes. au premier rang. » Commentaire du livre d'Esther,
Quelle que soit la signification etymologique du nom, on 1864, p. 22.
ne peut cependant admettre que dans les cas precites
le Pherezeen designe ainsi une categoric, tandis que PHESDOMIM (hebreu : Pas Dammim; Septante :
le Chananeen representerait la population des villes ou $affoSa(ji[v; Alexandrmus : $aaoSo[At), localite de Juda.
celle exercant les professions industrielles et liberales. IPar.,xv,13.Lenom complet est'Efes Dammim,comme
Dans la plupart des cas le Pherezeen est cite parmi il se lit I Sam. (I Reg.), xvn, 1 (Vulgate : in ftnibus Dom-
toutes les autres populations comme une d'entre elles, mim). L'aleph initial de ce nom propre parait avoir
c'est-a-dire comme une tribu ou une nation. De plus, disparu devant 1'article dans I Par., xi, 13 : 023, bap-
s'il designait ainsi toute une categorie, il devrait repre- Paz, pour be-hap-Paz. Voir DOMMIM, t. n, col. 1483.
senter les « campagnards » de toute la Terre Promise,
ceux de la plaine comme ceux de la montagne, ceux PHESHUR. I Esd., n, 38; x, 22; II Esd., x, 3. Voir
de la region septentrionale comme ceux du midi, PHASHUR, col. 223. — II Esd., xi, 12. Voir PHASSUR 4,
tandis qu'il est expressement donne pour une des col. 224.
peuplades de la montagne seulement, in montanis,
Jos., xi, 3, et de la par tie meridionale, in meridie, PHESSE (hebreu : Paseah [voir PHASEA, col. 220];
ibid,, xii, 8. L'opposition du Pherezeen au Chananeen Septante : Bso-ariE; A lexandrinus : <3>£<7cni), second fils
ne 1'indiquerait-elle pas plutot comme le representant d'Esthon, de la tribu de Juda et de la famille de Caleb.
des populations autochlones, tandis que le Chananeen I Par., iv, 12.
representerait la race conquerante et dominatrice,
comme le fellah represente aujourd'hui la race abori- PHETEIA (hebreu :Petahydh [voir PHATAIA, col. 224];
gene et le turc 1'etranger dominateur? Si aucune indi- Septante : ^stata), pr^tre, contemporain de David, chef
cation positive n'appuie cette conjecture, on peut re- de la dix-neuvieme famille sacerdotale. I Par., xxiv, 16.
marqner toutefois que le Pherezeen n'est pas nomme
dans la table ethnographique de la Genese, x, 6-20, PHETHROS (hebreu : Pafros), la Haute Egypte.
parmi les tribus descendant de Chanaan ou de Cham. Is., xi, 11. Les Septante traduisent dans ce passage Ba-
La population pherezeenne parait avoir ete concentree a, mais ils ont rendu ailleurs le mot hebreu par
dans la partie montagneuse qui devint le partage des pyi<:, de meme que la Vulgate 1'a rendu par Pha-
fils de Joseph, Ephraim et Manasse, c'est-a-dire dans la tures. Voir PHATURfes, col. 224.
contree qui forma plus tard la province de Samarie.
Jacob etant encore a Sichem, disait a Simeon et a Levi, PHETRUSIM (hebreu:Patrusim; Septante: HaTpo-
ses fils, qui venaient de massacrer les habitants de la crwvtsifx), descendants de Mesrai'm. Gen., x, 13-14;
ville: « Vous me mettez dans le plus grand embarras, en I Par., i, 12. La forme plurielle du mot indique qu'il
me rendant odieux aux habitants de ce pays, aux Cha- s'agit ici d'un nom ethnique designant une collectivite
naneens et aux Pherezeens. » Gen., xxxiv, 30. Quand d'hommes. Phetrusim « est evidemment forme avec le
les fils de Joseph, d'Ephraim et de Manasse se plai- mot Patros ou 1'pn a reconnu depuis longtemps p-to-
gnaient de manquer d'espace pour s'^tablir, Josue leur res, « le pays du midi », la Thebaiide. » E. de Rouge.
repondait : « Puisque vous etes un peuple nombreux, Recherches sur les monuments qu'on peut attribuer
montez a la foret et faites-vous la de 1'espace dans le aux six premieres dynasties, p. 8. Les Phetrusim sont
pays des PherezeenB et des Raphaim, puisque la mon- done les habitants de Phatures ou Phetros, la terre du
tagne d'Ephraim est etroite pour vous. Jos., xvn, 14- sud, la Haute Egypte. Voir PHATURES.
16. Abraham les avait trouves etablis jusqu'aux alentours C. LAGIER.
de Bethel. En parlant de la rixe survenue entre les PHICOL (hebreu : Pikol; Septante : <5tx6X et <£txwX),
pasteurs du patriarche et de Lot son neveu, alors chef de 1'armee d'Abimelech, roi de Gerare. L'etymolo-
etabli entre Bethel et Haii : « En ce temps, fait remar- gie de ce nom est inconnue; il est probablement chana-
quer Pauteur sacre, le Chananeen et le Pherezeen ha- neen. On ne sait si c'est un nom propre ou un titre de
biterent ce pays. Gen., xm, 7. Les fils de Juda et de dignite. Si 1'on admet avec beaucoup de commentateurs
Simeon, trouverent les Chananeens et les Pherezeens que la Genese parle de deux Phicol, et non d'un seul,
devant eux quand ils faisaient la conquete de leur ter- il est plus naturel de supposer que ce mot est simple-
ritoire particulier. Jud., i, 4-5. II est possible toutefois ment le titre du general qui commandait les soldats d'Abi-
253 ' PHIGOL PHIHAHIROTH 254
melech. La Genese, xxv, 22, dit que Phicol ou le Phicol que sur des monuments ptolemafques. Mais on peut
accompagna le roi de Gerare, lorsqu'il alia trouver Abra- croire que, la comme ailleurs, les Grecs n'innoverent
ham pour faire alliance avec lui. Nous retrouvons les pas; ils restaurerent un ancien culte, agrandirent ou
deux memes personnages ou deux personnages desi- reconstruisirent le temple, respectant une tradition
gnes par le meme nom, Gen., xxvi, 26, qui vont faire locale et antique. Par suite, il reste probable qu'Osiris,
alliance avec Isaac. Si 1'Abimelech du temps d'Isaac des la plus ancienne epoque, eut un sanctuaire a Pike-
etait le fils de celui qui avait fait alliance avec Abraham, heret, Store-City of Pithow, p. 30. Et Pikeheret sem-
il est vraisemblable que le Phicol de Gen., xxvi, 26, blerait etre le mgme mot que la Phihahiroth de la
etait le successeur de celui de Gen., xxi, 22, et c'est le Bible.
sentiment le plus vraisemblable. Voir ABIMELECH 1 et 2, 2° Mais ou placer Phihahiroth? Ici la Bible ne nous
t. i, col. 53, 54. fournit qu'un point de repere : la retraite des Hebreux
vers le sud par le bord occidental du golfe arabique.
PH1GELLE, Chretien d'Asie. II Tim., i, 15. Voir Mais dans 1'Exode station et jour de marche n'etant
PHYGELLE. pas synonymes, nous ne savons combien ils marcherent
dans cette direction. De plus, nous ne savons pas da-
PHIHAHIROTH (hebreu, Pi Hahirot; Hahirot; vantage la position de Magdala et de Beelsephon. Les
Septante : 'Empw9, Eipw9, ETtauXi?), localite d'Egypte. theories sur 1'etendue de la mer a 1'epoque de la
I. DE RAMESSES A PHIHAHIROTH. — Reunis a Rames- XIXe dynastie viennent encore compliquer la question.
ses, quelque part a 1'entree de 1'Ouadi Toumilat, les Certains savants veulent que la mer ait alors commu-
Israelites s'engagerent dans 1'Ouadi le long du canal nique non seulement avec les lacs Amers, mais aussi
et vinrent camper a Socoth dans les environs de Phi- avec le lac Timsah, au moins par intermittences, ce
thorn. Voir PHITHOM. Exod., xn, 37. La ils touchaient qui permettrait de chercher Phihahiroth sur les bords
a 1'extremite nord du lac Timsah et au desert. Deux de ce dernier lac et Beelsephon en face sur le bord
routes s'ouvraient devant eux : la route du nord, la oriental ou se trouve la colline actuelle de Toussoum :
plus courte, longeant d'abord les terres cultivees, puis c'est la theorie de Naville. D'autres, et c'est le grand
le bord de la Mediterranee, et de la, courant en droiture nombre, nient qu'on puisse attribuer cette extension
au pays des Philistins et a la cote syrienne, la route du aux temps historiques; ce serait dans la pre-histoire
sud, plus longue et plus difficile, a cause des montagnes que la mer en se retirant aurait laisse derriere elle le
qu'il faut traverser, route que suivaient encore les Be- lac Timsah, peut-etre meme les lacs Amers, suivant
douins avant le percement de 1'isthme. C'est par cette quelques-uns. Par consequent, Phihahiroth serait a
seconde route que les Hebreux devaient marcher. « Par- reculer vers le sud, jusqu'au seuil de Chalouf, Lecoin-
tis de Socoth, ils camperent a Etham, aux confins tre, La campagne de Mo'ise pour la sortie d'Egypte
extremes du desert. » Exod., xin, 17, 18, 20. Voir (1882); et meme jusqu'a Adjroud qui n'est pas sans
ETHAM, t. n, col. 2002-2003. Maintenant, comme 1'armee rappeler vaguement Phihahiroth. Ebers, Durch Gosen
de Pharaon approche, et que Dieu veut sauver son zum Sinai, 2e edit., 1881, p. 509.
peuple, et le sauver par un prodige capital dans Vhis- III. HYPOTHESE DE M. NAVILLE. — 1° Le savant egypto-
toire des Juifs, il lui fait abandonner la route d'Etham logue regarde comme difficile de ne pas admettre qu'au
qui contournait vraisemblablement le lac Timsah par temps de Ramses II, le golfe s'etendit beaucoup plus au
son extremite septentrionale, et le ramene en arriere nord qu'aujourd'hui. La mer Rouge ne comprenait pas
sur le bord occidental et vers le sud pour placer la mer seulement les lacs Amers, mais aussi le lac Timsah. II
entre lui et le desert. II le fit camper a Phihahiroth, entre appuie son dire du temoignage des anciens, confirme
Magdala et la mer, vis-a-vis de Beelsephon. Exod., xiv, suivant lui par les etudes geologiques des modernes.
1-2. C'etait une folie au point de vue humain, puisque En consequence, 1'ancien canal aurait ete borne a
les Hebreux allaient etre pris entre la mer, les mon- 1'ouadi Toumilat, ou a peu pres. Tout d'abord Strabon,
tagnes et 1'armee de Pharaon. Mais Dieu avaitsesvues. xvn, 3, 20, place Heroopolis a 1'extremite du golfe ara-
II. LE NOM ET LE SITE. — 1° On a cherche 1'etymolo- bique. Pline, H. N.f VI, xxxin, 2, dit que sur le golfe
gie de Phihahiroth du cote de 1'hebreu. Le Targum et d'^Eant (arabique) se trouve Heroum. Tous les ecri-
la Peschito regardent >s, pi, dans ce nom comme Petat vains de 1'antiquite, meme les plus recents d'entre eux,
construil de rra, peh, c< bouche », tandis que pour le parlant d'Heroopolis, semblent supposer le voisinage
de la mer. Agathemere fait commencer le golfe ara-
premier m>n, hirot, signifie montagne ou rocher, et pour bique a Heroopolis : 'Apaftt'o? xoXmx;.., apxerat aub
le second, « fosse » ou « canal ». Cf. S. Jerome, Epist. 'Hpcowv jioXsto;. Miiller, Geographi grseci minores,
LXXVHI, adFabiolam, t. xxn, col. 702. Mais Phihahiroth edit. Didot, t. 11, p. 465. Artemidore affirme que les
etant unnom egyptien,il faut nous en tenir a 1'egyptien. navires partaient d'Heroopolis pour la terre des Troglo-
Dans ses fouilles de Tell el-Maskhouta, Naville a ren- dytes, dans Strabon XVI, iv, 5. D'ou Ton peut sure-
contre sur une stele de Ptolemee Philadelphe le nom de ment conclure que non seulement au temps de 1'Exode,
8 ? , Pikeheret ou Pikerehet, « la demeure du mais meme sous les Romains, le golfe s'etendait jusque
dans le voisinage d'Heroopolis, a 1'ouest d'lsmaiiliah.
serpent sacre >>. Store-City of Pithom, 4e edit., 1903, Store-City of Pithom, p. 10, 25-26. Nous verrons tout
pi. vin, ix, lig. 7, x lig. 26. Pikeheret etait un sanctuaire a 1'heure ce qu'il faut penser de ces textes.
d'Osiris dans la terre de Socoth. II joue un role impor- Ce point lui semblantacquis, M. Naville cherche asi-
tant dans la stele. Les listes geographiques des temples tuer en consequence Pikeheret-Phihahiroth. Par la stele
donnent aussi Pikeheret sous la forme Askeheret, de Philadelphe et par les textes geographiques, on a vu
que Pikeheret etait un sanctuaire d'Osiris. Les Grecs,
I 8 . E.-J. de Rouge, Inscriptions et notices re-
M <=*• A ^L J par suite, durent 1'appeler Serapeum, Or, I'ltineraire
cueillies a Edfou (Haute Egypte), t. n, pi. CXLV. Elles d'Antonin, edition Wesseling, p. 170, mentionne un
la nomment alternativement avec Pi-tum et parlent de Serapiu ou Serapeum a dix-huit milles d'Ero ou Heroo-
son serpent sacre, Diimichen, Geographische Inschrif- polis, et ce ne peut etre que Pikeheret, puisque c'est
ten, t. in, pi. xxxin, et, comme la stele de Philadelphe, le seul sanctuaire d'Osiris que Ton connaisse dans le
la placent dans la region de Socoth. II y avait done voisinage d'Heroopolis. Si Ton cherche maintenant la
deux temples dans le VIII6 nome, proches Fun de place qu'il a d u occuper, elle nous estindiquee au pied
Fautre, Pi-tum et Pikeheret, ce dernier dans le voisi- du Djebel Maryam, falaise plate qui forme comme le
nage de la mer. Sans doute Pikeheret ne se rencontre fond du lac Timsah sur la rive occidentale. A sa base
1
255 PHIHAHIROTH 256
et sur les bords du canal se trouve un vaste emplace- decouvert des ruines et des inscriptions, surtout dans
ment remain, en partie recouvert par les lagunes. II le voisinage de Chalouf, pres de 1'ancien canal (appele
ne concorde pas tout a fait avec la distance de Vltine- aujourd'hui canal des Pharaons), qui fut retrouve par
raire, mais I'ltineraire ne merite 'pas une confiance le general Bonaparte. » E. Lefebure, Les fouilles de
absolue. La seulement put etre le Serapeum, et non a M. Naville a Pithom, dans la Revue des religions, t. xr,
huit kilometres plus loin, endroit que les ingenieurs 1885, p. 322. Les traces de ce dernier canal semblent
francais ont appele de ce nom. Ce dernier endroit por- montrer que cinq cents ans avant J.-C. les lacs Amers et
tait bien une stele de Darius, mais s'il y a place pour le lac Timsah etaient separes et ne differaient guere de
une tour de garde, un migdol, il n'y a pas trace d'ha- ce qu'ils sont aujourd'hui. — Strabon, XVII, I, 26, fait
bitations. Store-City of Pithom, p. 25. Que ce soit bien franchir au canal les lacs Amers : Stappsi 8k xou o:a TWV
la la situation de Pikeheret, les textes egyptiens et la TCixpaiv xaXov f/.lv wv Mfrvtov. Et il nous « represente ces
version des Septante le confirment. La stele de Phila- lacs comme dessales par le canal soit qu'il prenne
delphe parle de taxes annuelles en chevaux ou en be- quelque partie pour le tout, soit qu'il confonde les lacs
tail affectees au sanctuaire de Pikeheret, pi. x, lig.17-20. avec le canal lui-meme, qui etait large et poissonneux. »
D'autre part, le Papyrus Anastasi VI, pi. iv, nous a E. Lefebure, loc. cit., p. 323. — Pline, qui suit Strabon
appris que sous Menephtah les Shasou d Atuma deman- et d'autres auteurs, compile sans bien comprendre et
.derent a conduire leurs troupeaux dans les paturages semble meme faire partir le canal de la mer Rouge
• IS pour venir aboutir aux lacs, usque ad fontes amaros.
qua appartenaient au domaine ou a la ferme I X C"3 H. N., vi, 33. Quoi qu'il en soit, Strabon et Pline nous
ah, de Pharaon, dans la terre de Socoth. Ce mot ati montrent le canal se prolongeant bien plus loin que
designe un domaine avec paturages ou Ton eleve et 1'Ouadi Toumilat a travers des lacs qa'ils distinguent
nourrit les chevaux et tout betail. Si nous passons de la mer Rouge. Philadelphe, dans la stele de Phi-
maintenanl a 1'Exode, nous trouvons que les Septante thom, parle du « Grand lac noir », Kemour,et du « lac
ont rendu vis-a-vis de Phihahiroth, de 1'hebreu et de du Scorpion » (Timsah actuel) comme etant navigables et
la Vulgate, par drcevaviri TYJC eTrauXe'a)?, « devant le do- communiquant par le canal avec la mer Rouge, ce
maine, la ferme », 1'equivalent exact de 1'egyptien ah. qui permettait aux marchandises .du pays des Troglo-
Ainsi, tandis que 1'hebreu donne le nom propre du dytes de venir debarquer dans le lac Timsah, pi. x.
sanctuaire d'Osiris, les Septante nous parlent du do- On ne peut done accorder a M. Naville que le canal
maine que le Papyrus Anastasi VI nous a fait connai- se soit borne a 1'ouadi Toumilat. Les lacs Amers de
tre comme etant dans la terre de Socoth ou se trouve Pline et de Strabon ne peuvent se placer que dans le
Pikeheret. Nous avons ainsi le cadre du campernent des site actuel de ce nom et ils correspondent, semble-t-il,
Israelites : au nord-ouest, Phihahiroth-Pikeheret sur au grand lac noir de Ptolemee II. Par consequent, si
le lac Timsah, non loin de Phithom, proche de 1'actuel plus loin Strabon, XVII, Hi, 20, dit qu'Heroopolis est
Djebel Maryam ; au sud-est, Migdol ou Magdala,la butte sur le golfe arabique, si Pline le repete avec lui, loc.
marquee par la stele des Perses, a peu de distance de cit., nous ne devons pas les prendre a la lettre, pas
1'actuelle station du Serapeum sur le canal; a Test, la plus que nous ne prenons a la lettre Josephe disant
mer et, au dela, sur la rive asiatique, Beelsephon, que la mer Rouge s'etend jusqu'a Coptos, qui est sur
1'actuelle colline de Toussoum. Voila ce qui semble le Nil. De Bell, jud., IV, x, 5. « Les Anciens, qui
probable a M. Naville. Store-City of Pithom, p. 31. appelaient mer toute grande etendue d'eau, ontregarde
2° La geographic de 1'isthme, selon M. Naville, a les lacs Amers et leur canal tantot comme faisant
contre elle le temoignage d'Herodote qui vit 1'Egypte partie et tantot comme ne faisant pas partie de la mer
sous les Perses. A lui tout seul cet auteur suffit a Rouge. On ne peut meme comprendre autrement le
ruiner la these que nous venons d'exposer. II dit du passage ou Aristote dit que Sesostris, le premier, essaya
canal qu'il avail « quatre journees de navigation... On de canaliser la mer Rouge, tr\v IpuOpocv SaXa-rtav £rac-
commenca a le creuser, poursuit-il, dans cette partie paSr] otopuTTsiv. Metereolog. i, 14. Les lacs Amers
de la plaine d'Egypte qui est du cote de 1'Arabie. La etaient une mer interieure a peine separee de 1'autre,
montagne qui s'etend vers Memphis, et dans laquelle si bien que Ton pouvait les reunir toutes les deux sous
sont les carrieres, est au-dessus de cette plaine et lui un meme nom, quand le sujet n'exigeait pas une pre-
est contigue. Le canal commence done au pied de cision d'ailleurs peu conforme aux habitudes de 1'anti-
la montagne; il va d'abord pendant un long espace, quite. » E. Lefebure, loc. cit., p. 324. Quant aux auteurs
d'occident en orient, il passe ensuite par les gorges qui avec Artemidore font partir les navires d'Heroo-
de cette montagne et se forte au midi dans le golfe polis pour la terre des Troglodytes, cela ne prejuge en
d'Arabie. » n, 158. « La signification du passage et rien la question des lacs. Heroopolis etait la derniere
1'intention de 1'auteur sont visibles : Herodote decrit ville d'Egypte, la plus connue, que 1'on rencontrait
les deux directions du canal, 1'une de 1'ouest a Test avant de s'engager dans les lacs relies a la mer Rouge.
dans le sens del'Ouadi Toumilat, 1'autre de Test au sud, On pouvait done dire que la navigation commencait a
dans le sens des lacs Amers. La montagne dont il parle cette place. II n'y a pas d'autre consequence a en tirer.
est le versant meridional dela chaine qui longe 1'Ouadi, On ne peut rien tirer non plus du Clysma que la se-
et la gorge de cette montagne correspond a 1'ouverture conde inscription latine de Phithom place a neuf
septentrionale du bassin qui contient les lacs Amers. milles d'Ero. Clysma signifie port et pouvait convenir
La topographic de 1'historien ne s'accorde en aucune a bien des localites differentes, comme les mots Migdol
facon avec la carte de M. Naville qui place 1'ancien ri- et Serapeum. Ce Clysma etait quelque part sur le lac
vage de la mer Rouge entre Pikeheret et le lac Timsah, Timsah et differait de 1'autre Clysma que I'ltineraire
ne laissant ainsi aucun moyen de tracer le coude de- d'Antonin place sur la mer Rouge a soixante huit
crit par le canal de Test au sud, ni de comprendre en milles d'Heroopolis. Reste le texte d'Agathemere qui
outre, comment les vingt lieues de 1'Ouadi Toumilat pourrait recevoir la meme explication que les autres
auraient exige quatre jours de voyage, quand la journee textes. Mais il faut remarquer de plus que cet auteur
de navigation, en Egypte, etait de treize a quatorze copie Eratosthene. Celui-ci, dans Strabon, XVI, iv, 4,
lieues. — On remarquera que la description d'Herodote dit que 1'on a a sa droite la Troglodytique quand on
est confirmee de plusieurs manieres, et nptamment longe la cote depuis Heroopolis : oirsp Icrriv ev 8e£t5
par les traces du canal creuse ou recreuse par les aTtouXeo-jfftv dtTtb 'Hpwwv itoXeca;. II fait done simple-
Perses depuis les lacs Amers jusqu'aux environs de ment Heroopolis le point de depart de la navigation,
Suez. Entre ces deux points la Commission d'Egypte a tandis qu'Agathemere change les mots concernant
257 PHIHAHIROTH PHILADELPHIE 258
Heroopolis dont il fait le commencement du golfe suivie, et c ette route avait ses circuits et ses detours
arabique. Son 'temoignage en perd toute sa valeur. Nous aurions ainsi 1'explication de la difference entre
Mais peut-6tre que la geologic de-nnera raison a M. Na- ces distances et celles des modernes qui mesurent en
ville? Linant de Bellefonds lui est tout entier favorable ligne droite. Yigouroux, loc. cit., p. 399.
et il s'en prevaut a plusieurs reprises. Store-City of V. CONCLUSION. — Que conclure maintenant par rap-
Pithom, p. 25, 26, etc. Partant d'un point commune- port a Phihahiroth? fividemment, il faut reculer cette
ment admis, savoir que la mer Rouge et la mer Medi- station plus au sud que ne le fait Naville, que ne le
terranee ont communique dans lestempsprehistoriques, suppose Linant. Mais combien plus au sud la reporter?
il signale trois atterrissements successifs intervenus En admettant qu'au temps d'Herodote, c'est-a-dire au
entre les deux mers. Le premier est anterieur a 1'his- ve siecle avant J.-C., la largeur de 1'isthme ait repondu
toire, c'est celui qui existe entre les lagunes les plus a peu pres a ce qu'elle est aujourd'hui, s'ensuit-il qu'au
au sud du lac Menzaleh et le lac Timsah, nomme seuil temps de 1'Exode, c'est-a-dire au xme siecle avantJ.-d,
de Gisr. Le second se trouve entre le lac Timsah et les il en ait ete de meme? Le seuil de Chalouf, par son
lacs Amers, c'est le seuil du Serapeum. Le troisieme origine tertiaire, semble nous 1'assurer. Mais ce seuil
est situe entre les lacs Amers et lefond du golfe actuel, est un soulevement, de 1'avis de tous les geologues; et,
c'est le seuil de Chalouf. Selon 1'auteur, 1'atterrissement suivant 1'ingenieur Lecointe, ce soulevement qui corres-
du Serapeum s'est produit apres Moi'se, a plus forte pond a un affaissement du cote de la Mediterranee, se
raison celui de Chalouf, et il explique dans ce sens les poursuit toujours, puisque le fond du canal recreuse
textes des anciens. Linant, Me'moires sur les princi- par Amrou est reste par places, a Chalouf specialement,
paux travaux d'utilite publique executes en Egypte « dans un etat de conservation vraiment merveilleux ;
depuis la plus haute antiquite jusqu'd nos jours, les talus sont reguliers, les aretes vives, le fond de
Paris, 1872-1873, p. 178-194, surtout p. 195-197, ou 1'au- cailloux et d'argile parfaitement plat et sans trace d'en-
teur se resume. Les autres geologues sont moins affir- sablement... Sa cote est de 17m76, tandis que celle de la
matifs. Us s'accordent en general pour dire que la hauteur de la mer Rouge est de 18rn36 : il n'aurait
mer Rouge n'a pas du depasserle Serapeum depuis les done plus aujourd'hui que soixante centimetres a demi
temps historiques. Mais ils admettent par contre que maree, et resterait toujours a sec a maree basse : par
les lacs Amers, a une epoque recente, n'ont fait qu'un suite le canal serait hors de service. » Loc. cit., p. 38.
avec la mer Rouge. Cf. Lecointre, La campagne de Le meme auleur en deduit que le seuil a du se relever,
Mo'ise pour la sortie d'Egypte (1882), p. 37-38. La dif- au minimum, de quatre metres vingt depuis Ptolemee
ficulte git done tout entiere dans le seuil de Chalouf, Philadelphe et « qu'a 1'epoque de Moi'se, il devait etre
Par sa nature, il est hors de doute qu'il est bien an- profondement submerge ». Loc. cit., p. 39. II s'en faut
terieur a Moi'se, puisqu'il est d'origine tertiaire. Cf. que tous se soient rallies a cette opinion. Le dernier
0. Fraas, Aus dem Orient : geologische Beobachtun- mot sur la question, controversee entre savants qui ne
gen am Nil, auf der Sinai-Halbinsel und in Syrien, cherchent pas a supprimer le caractere miraculeux du
1867, p. 170-173; O.Ritt, Histoire de I'lsthme de Suez, passage de la mer Rouge, le dernier mot est aux fouilles
p. 5. Mais ce seuil a pu etre souleve par les modernes nouvelles el a leurs revelations. En attendant, on peut
tremblements de terre ou Jes mouvements du sol. penser avec les uns que Phihahirot se trouvait en face
C'est 1 'opinion de M. Ritt, loc. cit., p. 4-5. II n'insiste des lacs Amers, avec les autres, qu'elle etait vers
pas et passe a des preuves d'un autre ordre, aux Adjroud, en face de la mer Rouge proprement dite.
mesures donnees par les anciens sur la largeur de Cette derniere opinion repose sur la tradition juive
1'isthme. « Herodote, dit-il, rapporte que la distance alexandrine, acceptee par les premiers Chretiens, et
du mont Casius, formant cap sur la Mediterranee, a la qui peut n'etre qu'une accommodation aux conditions
mer Erythree etait de mille stades, c'est-a-dire d'envi- g6"ographiques de 1'epoque. Peut-etre encore nous
ron cent kilometres, le stade unitaire employe par le forcerait-elle a reporter trop haut Phihahiroth pour
savant historien dans toutes ses observations equivalant que son identification si seduisanteavec Pikeheret n'en
a peu pres a cent metres. Or, d'apres 1'examen de la souffrit pas. Pourtant, qui ?ait? L'innombrable multi-
carte, la distance du cap Casius a la mer Rouge est un tude des Hebreux avec leurs troupeaux et leurs bagages
peu superieure a la plus petite largeur de 1'isthme. II occupait une immense place et le « vis-a-vis de Phiha-
resulte done de 1'assertion d'Herodote, que 1'isthme de hiroth » peut nous donner de la marge.
Suez n'avait pas plus de quatre-sdngt-dix a quatre-vingt- C. LAGIER.
quinze kilometres de large, il y a deux mille ans; c'est- PHILADELPHIE (grec : $daSeX<spia), ville ancienne
a-dire que la mer Rouge devait faire, a cette epoque, de Lydie, en Asie Mineure, sur la rive meridionale du
une pointe d'environ cinquante kilometres dans 1'inte- Kogamos, affluent de 1'Hermus, actuellement Alachehr,
rieur de 1'isthme. Loc. cit., p. 5. Cf. Linant, loc. cit.,
p. 161-165. M. Vigouroux repond que M. Ritt « suppose
que le stade d'Herodote n'etait que de trois cents pieds;
en realite, il etait du double, c'est-a-dire de six cents,
comme nous le lisons formellement dans la description
du lac Moeris, ou il est dit que le stade equivaut a
cent oryges et 1'oryge a six pieds. Herodote, 11, 149. Le
stade etait done de six cents pieds. Par consequent la CO. — Monnaie de Philadelphie (dernifere partie du i" siecle de
distance du mont Casius au golfe de Suez, etait, non notre ere). = Tete de Diane, a gauche, avee un carquois. —
pas de quatre-vingt-quinze, mais de cent quatre-vingt- tf. Apollonjouant de la lyre : <J>lAAiEA*EQN EPMinnOG
cinq kilometres : c'est plus que la distance actuelle, la- APXIEPETC.
quelle ne depasse pas cent treize kilometres environ. »
La Bible et les decouverles modernes, t. 11, 6e edit., c'est-a-dire « la bigarree », dans le vilayet d'Aidin,
1896, p. 397-398 et p. 390-396, utilisees ci-dessus. C'est dans le pachalik d'Anatolie, a 118 kil. de Smyrne, qui
meme. trop, et nous restons perplexes sur la nature du lui est reliee par une ligne de chemin de fer. Elle etait
stade employe ici par un auteur qui change a ce sujet batie sur les derniers contreforts du mont Tmolus, au
d'une page a 1'autre. Lecointre, loc. cit., p. 93-99. Les bord du haut plateau central de 1'Asie Miheure
chiffres d'Herodote, repond-on, confirmes par ceux de (fig. 60). Voir la carte de Lydie, t. iv, col. 448. Elle est
Strabon, XI, i, 5, 6; XVII, 1, 21, de Pline, H. N., v, mentionnee deux fois dans le Nouveau Testament :
2, de Yltineraire, s'appliquent sans doute a la route Apoc., i, 11, dans la liste des sept Eglises de 1'Asie
DICT, DE LA BIBLE. V.- 9
259 260
proconsulate auxquelles saint Jean devait envoyer le sur laquelle elle se dresse est couverte de jardins et
livre de ses visions; Apoc., in, 7, en tete de la lettre d'arbres; la plaine est un champ immense, bien cul-
adressee a 1'ange, c'est-a-dire a 1'eveque de la ville. Elle tive, que traversent de nombreux canaux d'irrigation.
futfondee par Attale II Philadelphe (voir ATTALE II, 1.1, La population s'occupe beaucoup d'agriculture, comme
col, 1227-1228), roi de Pergame entre les annees 159- au temps de Strabon, qui comparait son sol a celui de
138 avant J.-C., auquel appartenait son territoire, et Catane, en Sicile, sous le rapport de la fertilite.
dont le surnom servit a la designer. En 133 avant J.-C., Cf. Strabon, XH, 8; xnr, 4. Son vin etait deja tres
elle passa sous _la domination romaine, avec tout le renomme dans les temps aneiens, Virgile, Georg., n, 98,
royaume de Pergame. Voir PERGAME, t. rv, col. 137. et elle en exportait de grandes quantites; ses monnaies
Situee tout aupres de la region volcanique nominee portaient souvent, pour ce motif, la tete de Bacchus ou
Katakekaumene, « district brule, » qui est tres expose celle d'une bacchante. Les ruines de 1'ancienne cite
aux tremblements de terre, elle eut beaucoup a souf- sontpeu nombreuses; elles consistent dans les restes
frir de ce fleau; elle etait presque en ruines a 1'epoque d'un theatre, d'un stade, de deux enceintes, etc. Mais
de Strabon, XIII, iv, 10. Mais elle ne tarda pas a se nous devons a Philadelphie une lettre de 1'Apocalypse
relever, Elle porta pendant quelque temps, au ier siecle Hi, 7-13, qui ne mourra jamais. Son eveque y regoit
de 1'ere chretienne, le nom de Neocesaree, qu'on lit de grands eloges, comme celui de Smyrne, Apoc., li, 8-
sur des monnaies contemporaines des regnes de 11, etpas un seul reproche. La communaute chretienne-
Tibere, de Caligula et de Claude. Sous Vespasien, elle qu'elle abritait etait peu considerable encore, Apoc.
recut 1'epithete de Flavia. On lui donna aussi, a 1'epoque in, 8, et les Juifs essayaient de la troubler, Apoc., in'
de sa plus grande prosperite, le titre de « petite 9; mais pasteurs et fideles resistaient vaillamment a
Athenes », a cause du grand nombre de ses temples cette « synagogue de Satan ». Notre-Seigneur n'a
et de ses fetes. Cf. J. G. Droysen, Geschichte des Hel- done qu'a les louer, a leur promettre une brillante
lenismus, 2e edit., 3 vol., in-8°, Gotha, 1878, t. in, recompense et a leur recommander de conserver avec
2e partie, p. 276. A 1'epoque byzantine, c'etait encore soin le don precieux qu'ils ont recu. Apoc., ni, 10-11.
une ville grande et peuplee, qui faisait un commerce Dans 1'epitre interessante qu'il leur ecrivit quelques
considerable. Philadelphie eut ]a gloire de ne tomber annees plus tard, saint Ignace d'Antioche met egale-
au pouvoir des Turcs qu'en 1390, apres huit annees de ment les Chretiens de Philadelphie en garde contre
vigoureuse resistance, alors que toutes les autres villes les juifs. Cf. Funk, Die apostolischen Vater, in-8°,
d'Asie Mineure etaient deja entre leurs mains. Tubingue, 1901, p. 98-102. Aujourd'hui encore, 1'ele-
Alachehr (fig. 61), qui a succede a la cite" antique, ment chretien est de beaucoup preponderant parmi
est a 200 metres au-dessus du niveau de la me*1, et domine la population d'Alachehr; la benedition du Christ
une vaste et fertile plaine. De loin, elle a un aspect a porte bonheur a cette Eglise comme a celle de
inaposant; mais elle est mal batie et tres malpropre, Smyrne.
comme la plupart. des villes orientales. Son activite Nous ne savons pas dans quelles circonstances spe-
commerciale est encore tres importante. La terrasse ciales le christianisme avait penetre a Philadelphie.
261 PHILADELPHIE — PHILEMON (EPITRE A) 262
D'apres les Constitut. Apost., vn, 46, t. I, col. 1053, son 2. PHILEMON (EPITRE A). — Cette lettre se distin-
premier ev£que, nomine Demetrius, aurail ete ^institue gue des autres Epitres de I'Apotre par des caracteres
par saint Pierre lui-meme. L'apologiste saint Miltiade, tout particuliers. C'est d'abord la plus courte : elle n'a
dans Eusebe, H. E.} v, 17, t. xx, col. 473, mentionne que quelques lignes. Elle semble, de plus, avoir ete
une prophelesse, nommee Ammia, qui aurait appar- ecrite tout entiere de la main de Paul, t-19, cas fort
tenu a 1'Eglise primitive de Philadelphie. Durant la rare pour les Epitres de saint Paul. Enfin elle n'est
periode byzantine, cette ville etait le siege d'un eveche adressee ni a une eglise, ni a un chef d'eglise comme
qui dependait du centre metropolitain de Sardes. — les lettres pastorales, mais a une famille, plus exacte-
Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, in-8°, t. i, ment encore, a un ami personnel, pour une affaire
p. 34; Curtius, Nachtrag zu den Seitrdgen zur Ge- d'ordre" prive,
schichte und Topographic Kleinasiens, dans les I. CONTENU DE L'EpiTRE. — Malgre son peu d'etendue,
Abhandlungen der Berliner Akademie, 1873; Ramsay, ce billet presente les divisions habituelles des grandes
Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, epitres: preambule, corps dusujet, epilogue.— l*Pream-
1890, p. 86; Id., Cities and Bishoprics of Phrygia, bule, f 17. — II se compose de 1'adresse et de 1'action de
2 in-8°, t. i, p. 196; t. n, p. 353; Mar Le Camus, Les graces. L'adresse mentionne en premiere ligne Phile-
sept Eglises de VApocalypse, in-4°, Paris, 1896, p. 203- mon, le chef de famille, a qui la lettre est principa-
216. L. PILLION. lement destinee. Elle y ajoute les noms d'Appia sa
femme et d'Archippe son fils. Les autres membres de
PHILARQUE (grec : 6 cpuXapxr)?; Vulgate : Philar- la famille du riche Colossien sont designes par ces
ches), chef de tribu, chef de troupes comme <puXap)(o<;. mots « 1'eglise qui se reunit dans ta maison ». L'action
Cf. ^iptSapx?!?, I Mach., x, 65. Nos editions de la Vul- de graces, en louant, d'une facon delicate, la foi et la
gate donnent ce mot comme un nom propre, et beaucoup charite de Philemon, prepare la requete que I'Apotre
de commentateurs acceptent cette interpretation, mais va lui presenter,^ 1-7.
la phrase grecque : rbv 8s cpu/.apxT' f&v Tcepl TtfxdOsov, 2° Corps de I'Epitre, f . 8-21. — Saint Paul y sollicite
s'entend plus naturellement du « commandant ou chef le pardon d'Onesime, avec un art consomme. L'Apotre
de ceux qui etaient avec Timothee », c'est-a-dire de ses n'aborde son sujet qu'avec mille precautions. 11 n'e-
soldats. II Mach., vin, 32; cf. f . 30. Le texte sacre nous nonce pas de suite 1'objet de sa demande. II rappelle
dit que Judas Machabe'e ayant battu Timothee et Bac- d'abord a Philemon quel est celui qui la lui adresse,
chide, les vainqueurs mirent a mort le philarque, f 8-9, c'est Paul lui-meme. Au besoin, il pourrait
« homme tres pervers, qui avail fait aux Juifs beaucoup commander, il aime mieux, par amour, le supplier
de mal. » et demander, comme service personnel, ce qu'il pour-
rait exiger comme apotre. Comment Philemon pour-
1. PHILEMON (grec, $i\-r\\i.<t>v), riche Chretien de rait-il refuser cette grace a celui qui passe sa vie
Colosses a qui saint Paul ecrivit une de ses lettres. au service des gentils, qui endure, en ce moment
Le nom qu'il portait etait tres repandu en Phrygie, meme, toutes les souffrances de la captivite, et qui est
comme le temoignent Ovide, Metam., vm, 631; Aristo- arrive a 1'age de la vieillesse? A ces motifs, Paul joint
phane, Aves, 762, et de nombreuses inscriptions. ceux qu'il trouve dans la personne de son client, ^ 10-
Wieseler, Chron. des Apost. Zeitalt., 1884, p. 452, 16. Celui en faveur de qui il intercede est son « fils
a pretendu conclure d'un passage de 1'Epitre aux spirituel », qu'il a enfante dans sa prison; c'est cet
Golossiens, iv, 7, que Philemon etait originaire de Onesime qui, jusqu'ici, il est vrai, n'a guere justifie la
Laodicee, et que la lettre qui lui est adressee etait celle signification de son nom (Onesime, en grec, signifie
que 1'Apotre envoya, par les soins de Tychique, a cette « utile ») mais qui, desormais, en est teliement digne,
derniere Eglise, Col. iv, 16. Mais il est plus naturel de que Paul Faurait volontiers garde aupres de lui pour
supposer que Philemon habitait, comme son esclave 1'aider dans 1'oeuvre de 1'Evangile et faire pour lui tout
Onesime, Col., iv, 9, « l'un d'entre vous, » la ville de ce que Philemon ferait lui-meme s'il etait^present, mais
Colosses. On y montrait encore sa maison au temps de Paul n'a voulu devoir cette precieuse assistance qu'a la
Thexidoret, InEpist.adPhilem.,Procem.,t.'£X.vi, col. 601, bonne volonte de Philemon lui-meme. De plus, celui
et les Constitutions apostoliques , iv, 46, t. i, col. 1053, pour qui parle I'Apotre n'est plus un simple esclave,
en font Feveque de cette cite. D'apres les Menees c'est « un frere »et un frere pour Peternite, frere aime
grecques du 22 novembre, il aurait subi la le martyre de Paul et, a plus forte raison, de Philemon qui 1'avait
en compagnie d'Appia, d'Archippe et d'Onesime. J.-B. aime autrefois comme maitre, en sorte que si Onesime
Lightfoot, The Apostolic Fathers, Ignatius, Londres, a ete separe de Philemon pour un temps, c'est alia
1884, t. n, p. 535. Saint Paul n'ayant jamais ete a Co- qu'il le recouvre pour 1'eternite, non plus comme un
losses, il est probable que Philemon et les siens 1'avaient esclave, mais comme un frere bien-aime. L'Apotre pro-
connu dans un voyage a Ephese. Act., xix, 26; I Cor., nonce alors le motdecisif : «Recois-le, jr. 17-21, comme
xvi, 19. En tout cas, c'est a 1'Apotre lui-meme, qu'il tu me recevrais moi-meme< » II est vrai qu'Onesime ne
devait sa conversion, f . 19. s'est pas enfui seulement de chez son maitre, mais qu'il
Philemon parait avoir joui d'une certaine fortune : lui a cause quelque grave dommage. Mais Paul s'offre
il a des esclaves; il recoil de nombreux amis dans sa pour le reparer. II s'engage, par ecrit, a indemniser
maison, jr. 22; il est connu par sa liberalite envers les Philemon, bien qu'au fond celui-ci soil son debiteur
pauvres, y. 5-7; la communaute chretienne se reunit puisqu'il lui doit son salut. Cette idee remplit 1'ame de
chez lui, jh 2. L'epithete de cruvepyd;, que lui donne Paul de confiance. II reproduit sa priere, au jK 20. sur
Paul, ,t. 1» laisse entendre qu'il servait avec zele la un ton qui ecarte jusqu'a la possibilite d'un refus. Bien
cause de 1'Evangile parmi ses compatriotes. C'etait une plus, au verset suivant, il attend de Philemon quelque
ame genereuse, droite, loyale, toute devouee a la per- chose de mieux encore. Quoi done? Le tour de phrase
sonne de 1'Apotre, ^. 13, 17, 22. — Les traditions le est general et laisse aux interpretes la place a diverses
presentent tantot comme pretre, tantot comme eveque hypotheses. Les uns supposent un bienfait quelconque
ou comme diacre; les martyrologes grecs 1'appellent en plus du bon accueil reserve a Onesime, d'autres
simplement « un saint apotre' ». Lightfoot, Ignatius, (De Wette, Oltramare, Reuss, Godet), 1'affranchissement
H, p. 535. Philemon semble avoir ete marie : sa femme pur et simple.
est sans doute cette Appie qui figure avec lui, dans 3° Epilogue, 22-25. — L'Apotre prie Philemon de lui
1'adresse de PEpitre a cote d'Archippe lequel, vraisem- preparer un logement, car il espere suivre de pres
blablement, etait leur tils. C. TOUSSAINT. Onesime a Colosses. Les autres versets contiennent les
263 PHILEMON (EPITRE A) 264
salutations des compagnons de Paul, ce sont les memes nan, 5am* Paul, 1869, introd., p. xi. Von Soden, dans
noms que dans 1'Epitre aux Colossiens, a part celui de le Eand-Commentar zum N. T., t. m, part, i, Fribourg-
Jesus Justus qui probablement n'etait pas connu de en-B., 1893, p. 73, admire, dans cette lettre, un temoi-
Philemon. Par contre, Epaphras est mentionnele pre- gnage charmant de la delicatesse et de 1'humour de
mier de tous, etant 1'ami personnel de Philemon. II 1'Apotre, et tout a la fois de 1'elevation de sentiment et
<§tait alors a Rome et partageait 1'appartement que le de langage avec laquelle il savait traiter les choses con-
prisonnier Paul avail loue. Col., iv, 10-12. cretes de la vie. Les objections tirees du vocabulaire
II. LlEU ET DATE DE LA COMPOSITION DE L'EPiTRE. — de 1'Epitre meritent a peine de retenir 1'attention. Les
De 1'aveu de presque tous les critiques, 1'Epltre a Phi- sept aua| ^sy^jxsva qu'on y signale, dvaTCljrrtstv, CXTCOTC-
lemon a ete redigee en meme temps que les Epitres aux v£tv,ay_pv)(jTOc, eitiTaa-ffeev, £svta, ovc\ac<i6ou, 7rpocrocpeO>eiv,
Colossiens et aux Ephesiens. « Ces trois lettres, dit n'enlevent pas 1'impression generale que le style de
Sabatier, forment un groupe distinct dans 1'ensemble 1'Epitre ne soit celui de Paul, en particulier celui des
des Epitres de la captivite et ne doivent point etre autres Epitres de la captivite. On retrouve, en effet,
separees. Ecrites en rneme temps, portees en Asie plusieurs des expressions favorites de Paul: iTc^vwo-tc,
Mineure par les memes messagers, elles gardent des irappYjata, •rcapay.V/iffts. La belle metaphore ov £ysvvr)<j(X
traces frappantes de cette parente d'origine. Philem., sv rot? Ss<T[j.oTc, ). 10, rappelle 1 Cor., rv, 15,1'adverhe
10, et Col., iv, 9; Philem., 23, 24, et Col., iv, 10,12, 14; Toc/a, $. 15,1'Epitre aux Romains, v, 7. II y a, en outre,
Philem., 2, et Col., iv, 17. Ces Epitres, en effet, se sup- nombre de coincidences verbales avec les Epitres aux
posent 1'une 1'autre. A. Sabatier, L'ApotrePaul, 3e edit., Colossiens, aux Ephesiens, aux Philippiens, par exem-
1896, p. 233. D'apres leur contenu, elles ont ete certai- ple, Statue? XpicnroO 'lY)<7oO,li, 1, 9; Eph.,m, i; cruvspY^;
nement ecrites durant une des deux captivites de Paul. et (TocTpaTtwTTie, v, 1, 2; Phil., n, 25; dvr,xov, v, 8;
Mais est-ce celle de Rome ou celle de Cesaree? Les Eph., v, 4; Col., Ill, 18; (ruvatxixaXwroc, V, 23; Col., IV,
exe"getes modernes ne sont point d'accord sur ce point. 10; a5e>,?b; ayomviToc, v, 16; Eph., vi, 21; Col., iv, 7.
Voir leurs arguments, pour ou contre, a 1'article CO- IV. MERITE LITTERAIRE. — Tous les critiques s'accor-
LOSSIENS (EPITRE AUX), t. II, Col. 867. dent a reconnaitre, dans 1'Epitre a Philemon, un vrai
III. AUTHENTICITE. — On ne trouve pas de traces cer- petit chef-d'oeuvre de 1'art epistolaire. Erasme, In Phi-
taines de 1'Epltre a Philemon chez les Peres aposto- lem., 20, dene m4me Ciceron de depasser 1'eloquence
liques. Br. F. Westcott, Canon of the N. T., 1884, de ces quelques lignes. On ne salt ce qu'il faut le plus
p. 48. Les premieres citations formelles de 1'Epitre a admirer dans cette page, unique en son genre parmi
Philemon viennent d'Origene qui 1'attribue a Paul et les ecrits de Paul, la finesse, la grace, la delicatesse de
en extrait plusieurs passages. In Jerem., horn, xix, 2; sentiment etde langage, les tournures heureuses, les in-
Comm. series in Matth., § 66, 72, t. XTII, col. 501, 1707, sinuations habiles, les sous-entendus pleins de tact et
1715. Tertullien, Adv. Marc., v, 11, t. n, col. 254, re- d'a-propos. Cette Epitre nous revele la souplesse du
marque que la brievete de cet ecrit 1'a mis a 1'abri genie de Paul. « Ce ne sont, dit Sabatier, que quelques
des falsifications de Marcion. D'apres saint Epiphane, lignes familieres, mais si pleines de grace, de sel, d'affec-
H&r., XLII, 9, t. xu, col. 708, la lettre a Philemon occu- tion serieuse et confiante, que cette courte Epitre
pait dans le recueil de Marcion 1'avant-derniere place, brille, comme une perle de la plus exquise finesse,
apres les Epitres aux Colossiens et aux Laodiceens et dans le riche tresor du Nouveau Testament. Jamais
avant celle aux Philippiens, tandis que, d'apres Tertul- n'a mieux ete realise le precepte que Paul lui-meme
lien, elle venait apres celle-ci, comme la derniere. On donnait a la fin de sa lettre aux Colossiens: « Que votre
la trouve mentionnee dans le canon de Muratori, a cote « parole sorte toujours revetue de grace, assaisonnee de
des trois Epitres pastorales. Voir t. n, col. 170. Les « sel, de maniere a savoir comment vous devez repondre
deux anciennes versions syriaque et latine la conte- « a chacun. Col., iv, 6 .•» L'Apotre Paul, 3e edit., p. 234,
naient. Saint Jerome, Comm. in Epist. Philem., 236. La conservation de cette Epitre est due sans doute
Proozm., t. xxvi, col. 601, observe pourtant que plu- au respect, a 1'affection, au culte de la famille de Phi-
sieurs ne la croyaient pas ecrite par saint Paul ou que, lemon pour tout ce qui emanait de.1'Apotre Paul.
si elle etait de luj, elle n'etait pas inspiree, car elle ne V. LA QUESTION DE L'ESCLAVAGE. — On a parfois re-
contenait rien pour 1'edification : c'etait plutot une proche a Paul d'avoir renvoye Onesime a son maitre
lettre de recommandation qu'une lettre doctrinate. A au lieu de prendre occasion de cet incident pour pro-
quo! 1'illustre exegete repondait : on trouve, dans toutes clamer, au nom de 1'Evangile, 1'emancipation des
les lettres de Paul, des details se rapportant aux choses esclaves. II faut, au contraire, louer 1'Apotre de ne
de la vie, par exemple, II Tim., iv, 13, ou 1'Apotre s'etre point pose en Spartacus imprudent et d'avoir
donne 1'ordre de lui rapporter son manteau et ses livres, traite avec une si grande sagesse un point de doctrine
et d'ailleurs jamais cette lettre n'aurait ete recue par si grave et si delicat. On doit lui savoir gre d'avoir
toute I'Eglise, si Ton n'avait pas cru qu'elle fut dePaul. trace la ligne de conduite que le christianisme devait
Saint Chrysostome, In Philem. Prol., t. LXII, col. 702, prendre a 1'egard d'une institution qui tenait, par tant
reproduit a peu pres les memes raisons contre ceux qui de liens intimes, a la vie politique, sociale, economique,
consideraient cette Epitre au-dessous de la dignite du des societes anciennes. En renvoyant 1'esclave a son
grand Apotre. A partir de ce moment, 1'authenticite de maitre, Paul reconnait, respecte 1'institution existante
notre Epitre n'a laisse aucun doute dans les esprits. mais il ne lui donne pas, comme on 1'a pr^tendu, une
Elle n'a ete mise en question que par Christian Baur sorte de consecration qui la rende intangible. II pose,
qui lui denia son origlne paulinienne, opinion plus ou au contraire, les principes qui doivent, dans un avenir
moins adoptee par Weizsacker, Pfleiderer, Steck, von plus ou moins rapproche, la faire disparaitre du monde
Manen. Pour ces critiques, 1'Epltre a Philemon est Pem- civilise. Par le fait qu'il fait de 1'esclave Chretien le
bryon d'un roman Chretien analogue a celui des Reco- frere de son maitre et qu'il efface dans le Christ toutes
gnitions Clementines, destinees a mettre en exemple la les differences sociales, il ruine, par la base, cette
Velle idee chretienne que chaque fidele se retrouve lui- oppression de 1'homme par 1'homme. Voir ONESIME,
me"me dans chacun de ses freres- Cette hypothese n'a t. iv, col. 1812.
aucun fondement. VI. BIBLIOGRAPHIE. — J.-B. Lightfoot, S. Paul's
La lettre a Philemon est d'une telle originalite et Fame Epistles to the Colossians and to Philemon, in-8°,
de Paul 1'a si bien marquee de son empreinte ineffaca- Londres, 1892; H. K. von Soden, Die Briefe an die
ble, qu'on ne peut douter de son authenticity. "Voir Kolosser, Epheser, Philemon, Fribourg, 1893, p. 73;
P. Sabatier, L'Apotre Paul, 3e edit., p. 235, 236; Re- Meyer, Comment, uber die Brief e an die Kolos. und
265 PHILEMON (EPITRE A) — PHILIPPE II HERODE 266
Phil., t. vm, ix; H. Oltramare, Comment, sur les Thessalie et lui imposa uue paix humiliante. Philippe
Epitres de saint Paul aux Colossiens, aux Ephesiens termina sa vie en vains efforts pour regagner une partie
et a Philemon, in-8°, Paris, 1891; Vincent, dans de sa puissan.ce perdue. Le premier livre des Macha-
Intern. Critic. Commentary, Epist. to the Philip, and bees, vin, 5, rappelle la defaite de Philippe V et celle
to Philemon, p. 157, Edimbourg, 1897; Holtzmann, de Persee comme une preuve de la grande force des
Der Brief an Philemon, krilisch untersucht dans Remains.
Zeitschrift fur wissenschaftliche Theologie, 1873,
p. 428441. C. TOUSSAINT. 3. PHILIPPE, « Phrygien d'origine, » et par caractere
plus cruel qu'Antiochus IV Epiphane lui-meme qui
PHILETE (grec : $iXifroc, « aime »), chretien* infi- 1'avait nomme gouverneur de Jerusalem, 170 avant J.-C.
dele a sa foi qui partagea 1'heresie d'Hymenee, en disant II Mach., v, 22. II fit bruler dans les cavernes des en-
que la resurrection etait deja accomplie. II Tim., H, virons de Jerusalem les Juifs qui s'y etaient refugies
17-18. Vbir HYMENEE, t. in, col. 391. On ne sait rien pour celebrer le sabbat et qui ne se defendirent point
autre chose de certain sur sa vie. Ge qu'on lit dans le pour respecter le repos de ce jour. II Mach., vi, 11.
Pseudo-Abdias, Apostolicse historiae, iv, 2-3, dans J. A. Plus tard, effraye de la resistance et des progres de
¥abricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, 1719, Judas Machabee qui avait battu Apollonius et Seron,
t. ii, p. 517-520, sur ses rapports avec 1'apotre saint generaux d'Antiochus, Philippe demanda des secours
Jacques, fils de Zebedee, est fabuleux. On trouve sepa- contre lui a Ptolemee, gouverneur syrien de la Coele-
rement les npms d'Hymenee et de Philete parmi ceux de syrie et de la Phenicie, qui lui envoya Nicanor, fils de
la maison de Cesar dont les cendres avaient ete depo- -Patrocle et Gorgias. Voir NICA.NOR, t. iv, col. 1613, et
sees dans des Columbaria de Rome. Voir J. G. Walch, GORGIAS, t. HI, col. 277. II Mach., vm, 8-9.
De Hymenaeo et Phileto, dans ses Miscellanea sacra, Philippe etait frere de lait, o-jvTpoqpos, collactaneus,
Amsterdam, 1744, p. 81-121; J. Ellicott, The Pastoral d'Antiochus IV Epiphane. II Mach., ix, 29. Le pre-
Epistles of St. Paul, 4* edit., Londres, 1860, p. 133-134. mier livre des Machabees, vis 14, 1'appelle « un des
amis » du roi. Sur ce titre, voir AMI 2, 7°, t. i, col. 480.
PHILIPPE (grec: ^t'Xwrco;,« ami deschevaux »),nom Quand Antiochus IV entreprit sa campagne en Perse,
de deux rois de Macedoine, d'un oncle d'Antiochus il voulut emmener son familier avec lui. La, sentant sa
Epiphane, de deux Herodes, d'un apotre et d'un diacre. fin approcher, il le chargea de la regence et lui remit
son diademe, ses insignes royaux et son anneau, afin
1. PHILIPPE II, fils d'Amyntas (fig. 62) roi de Mace- qu'il les transmit a son fils, Antiachus, encore mineur
doine (360-336 avant J.-C.), et pere d'Alexandre le Grand. (163 avant J.-C.). I Mach., vi, 14-15. Mais a la nouvelle
de la mort d'Epiphane, Lysias qui etait en Syrie s'em-
para du pouvoir au nom du jeune Antiochus qui n'etait
qu'un enfant et dont il etait le tuteur (voir ANTIOCHUS V,
t. i, col. 700) et lui donna le nom d'Eupator. I Mach., vi,
17. Philippe, qui ne se sentait pas le plus fort, n'osa
pas revenir aussitot a Antioche. II se rendit en Egypte,
emportant avec lui le corps d'Antiochus IV, aupres de
Ptolemee Philometor, afin de lui demander appui contre
Lysias. II Mach., ix, 29. II reussit sans doute dans ses
demarches et pendant que Lysias faisait la guerre en
Judee contre Judas Machabee, Philippe, avec 1'aide des
62. — Monnaie de Philippe II, roi de Mace'doine. troupes syriennes qui etaient revenues de Perse "et de
Tete de Jupiter laure"e, a droite. — ^. *lAinnor. Cavalier Medie, occupa Antioche. I Mach., vi, 56; II Mach., xm,
marchant a droite et portant une palme. 23. Lysias, informe de cet evenement, s'empressa de
fairela paix avec les Juifs (voir LYSIAS 1, t. iv, col. 458) et
G'est seulement en cette derniere qualite qu'il est de retourner avec son arrnee en Syrie"; il reprit Antioche,
nomme I Mach., i, 1; vi, 2. I Mach., vi, 63, et d'apres Josephe, Ant. jud., XII, ix,
7, s'empara de la personne de Philippe et le fit mettre
2. PHILIPPE V, roi de Macedoine (220-179 avant a mort. — Un certain nombre d'historiens distinguent
J.-C.) (fig. 63). II etait fils de Demetrius II, et lui >uc- le frere de lait d'Antiochus Epiphane de Philippe le
ceda sur le trone. Voulant agrandir son royaume, il Phrygien, mais plus communement on admet que c'est
entra en conflit avec les Remains pendant qu'ils un seul et meme personnage. Quelques critiques veu-
etaient en guerre avec Carthage et profita de la cir- lent revoquer en doute le voyage de Philippe en Egypte,
II Mach., ix, 29, parce qu'il n'est pas mentionne
I Mach., vi, 56. La preterition de I Mach., vi, 56, ne
prouve nullement que le voyage n'ait pas eu lieu. — Tite
Live, xxxvii, 41, mentionne un Philippe qui avait le
commandement des elephants dans 1'armee syrienne a
la bataille de Magnesie (190 avant J.-C.), mais rien
n'autorise a 1'identifier aveccelui dont parlent les livres
des Machabees.
63. — Statere de Philippe V, roi de Macedoine.
Tete de Philippe V, diademed, a droite. — fi). BASIAEQ[I;] 4. PHILIPPE ler HERODE, premier mari d'Herodiade
*IA.innor. Hercule debout, a gauehe, portant sa massue et et pere de Salome. Les Evangelistes ne le designent que
une come d'abondance. sous le nom de Philippe. Matth., xiv,3; Marc., vi, 17;
Luc., in, 19. Voir HERODE 4, t. m, col. 649.
Constance pour eonsolider son pouvoir. Mais lorsque
la victoire de Zama ^eut permis aux Remains de 5. PHILIPPE II HERODE, tetrarque de Trachonitide
1'attaquer a leur gre, en 200, il ne put leur resister et d'lturee. Luc., m, 1. H rebatit 1'ancienne Paneas,
longtemps, malgre sa bravoure. II lutta contre eux qui prit de lui son nom de Cesaree de Philippe.
"jusqu'en 198, ou 1'arrivee de T. Q. Flaminius lui fut Matth., xvi, 13; Marc., vm, 27. Voir HERODE 5, t. m,
fatale. Celui-ci le battit en 197 a Cynoscephale en col. 649-650.
267 268
6. PHILIPPE (SAINT), un des douze Apotres (fig. 64). lippe dans leur catalogue des Apotres, mais saint Jean,
I. SAINT PHILIPPE D'APRES LES EVANGILES. — II e"tait ne comme lui sur les bords du lac de Tiberiade, nous
originaire de Bethsai'de en Galilee, comrae Simon Pierre fournit sur sa personne, outre le recit de sa vocation,
et Andre, Joa., i, 44; xn, 21. Cette communaute d'ori- quelques renseignements particuliers propres a inte-
gine explique comment il etait particulierement lie resser ses lecteursjl'Asie Mineure. Philippe assista aux
avec saint Andre. Joa., xn, 22; vi, 5-8. C'etait aussi un noces de Cana, car il doit 6tre compris parmi « les
ami de Nathanael ou Barthelemy. Joa., I, 45-46. Saint disciples » qui y avaient ete invites avec Jesus. Joa., n,
Philippe est nomme le cinquieme dans toutes les listes 2. Clement d'Alexandrie, dans ses Stromates, in, 4 T
des Apotres et les trois Evangelistes nomment imm4- t. vm, col. 1129,|le nomme ^cornme etant le disciple a
diatement apres lui son ami Barthelemy. Matth., x, 3; qui Jesus aurait dit : « Laisse les morts ensevelir leurs
Marc., in, 18; Luc., vi, 14; cf. Act., i, 13. Get apotre morts », Matth., vm, 22, quand ce disciple, que 1'Evan-
est done place irnmediatement apres les deux freres geliste ne designe pas par son nom, lui aurail demande
Pierre et Andre et les deux fils de Zebedee, et ce rang lui d'aller ensevelir son pere. Le Maitre aurait voulu le
revient historiquement, paree qu'il fut un des premiers former ainsi au detachement necessaire a un apotre,
disciples du Sauveur. Lorsque saint Jean-Baptiste eut mais nous ignorons sur quel fondement Clement
d'Alexandrie appuie son identification.
Ce qui est certain, c'est que Notre-Seigneur voulut
lui inspirer pleineconfianceenlui, lors du miracle de la
multiplication des pains. A la vue de la foule qui 1'en-
tourait, Jesus lui demanda : « Ou acheterons-noue du
pain, pour que ce monde puisse manger? » Jesus, ajoute
1'Evangeliste, « disait cela pour 1'eprouver, car il savait
ce qu'il allait faire. » Philippe s'attendait si peu a un mi-
racle, qu'il lui repondit : « Deux cents deniers de pain
ne sufflraient pas pour que chacun en eut un mor-
ceau. » Joa., vi, 5-7. Saint Jean Chrysostome conclut
de la que Philippe avait particulierement besoin des
instructions du Sauveur. Horn. XLII, i, in Joa., t. LIX,
col. 239. Tentat fidem Philippi, consilium petere mi-
nime indigens, dit J. Corluy, Comment, in Ev. Joan-
nis, 2« edit., Gand, 1880, p. 135. Des commentateurs
modernes ont suppose, en se placant a un point de vue
plus positif, que si Philippe avait ete interroge directe-
ment, c'est parce qu'il etait charge des provisions et
que s'il avait parle de deux cents deniers, c'est parce
que c'etait la somme qui etait alors dans la possession
des Apotres. CK Pillion, flvangile selon saint Jean,
1887, p. 118.
Saint Jean nous a conserve dans son Evangile deux
autres episodes ou 1'apotre Philippe joua un role. Parmi
les pelerins qui s'etaient rendus a Jerusalem a 1'occa-
sion de la fete de Paques, il y avait des proselytes grecs
qui desiraient voir Jesus. Attires peut-e"tre par le nom
grec de Philippe ou bien le connaissant auparavant, ils
64. L'apotre saint Philippe. T^pe traditionnel. s'adresserent a lui afin qu'il les presentat au Maitre.
D'apres Albert Diirer. Philippe semble n'avoir pas ose le faire lui seul. II
appela son ami Andre qui etait moins timide et les
revele a Andre, qui etait son disciple, ce qu'etait Jesus, deux ensemble previnrent Notre-Seigneur qui adressa
Andre s'empressa de communiquer la grande nouvelle a la foule un discours, confirme par une voix du ciel.
a son frere Simon et il 1'annonca aussi sans doute a Joa., xii, 20-30. — Une autre fois, et c'est la quatrieme
son ami Philippe qui etait probablement comme lui ou saint Jean parle nommement de saint Philippe, dans
disciple de Jean-Baptiste. Ces faits se passaient a Betha- le discours apres la Gene, Jesus dit a ses Apotres
nie au dela du Jourdain. Joa., i, 28. Le lendemain Jesus, qu'ils avaient vu son Pere. Philippe ne comprit pas ce
ayant rencontre Philippe, lui dit: « Suis-moi, » Joa.,i, que le Maitre entendait par la, qu'ils avaient vu le Pere
43, et 1'heureux e"lu se mit aussitot a sa suite, ayant ete" dans le Fils qui est un avec lui, et attachant a ces
appele directement le premier de tous les Apotres. II ne paroles un sens materiel, il repondit a Jesus dans 1'es-
tarda pas a faire part de son bonheur a son ami Na- poir de voir quelque theophanie comme les patriarches.
thanael et 1'amena a son nouveau Maitre. Joa., i, 45,48. « Seigneur, montrez-nous le Pere et cela nous suffit. »
La maniere dont Philippe parle a Nathanael du « pro- « II y a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as
phete » qu'avait predit Moiise et qu'il venait de rencon- pas connu? » repliqua le Sauveur (d'apres letexte grec).
trer semble indiquer que la venue du Messie aVait ete «Philippe, celui qui m'a vu a vu aussi le Pere. Comment
deja auparavant un sujet d'entretien entre les deux peux-tu dire : Montrez-nous le Pere. Ne crois-tu pas que
amis. Comme Nathanael etait de Cana, Joa., xxi, 2, on je suis dans le Pere et que le Pere est en moi? »
est porte a croire que c'est a son arrivee dans cette Joa., xiv, 7-10. La demande faite par Philippe avec la
ville que Philippe rencontra Nathanael. Cf. Joa., u, 1. simplicite de son caractere fournit ainsi a Jesus-Christ
Celui-ci ne put croire d'abord que quelque chose de 1'occasion de donner a ses Apotres sur son union avec-
ban put venir de Nazareth : « Viens et vois, » lui dit son Pere celeste une lecon profonde qui resta profon-
Philippe, et son ami fut bientot convaincu. Joa., i, 46- dement gravee dans la memoire de saint Jean.
49. Philippe avait d'ailleurs mal renseigne son ami, Philippe etant natif de Bethsai'de et, li,e comme it
n'etant pas encore bien instruit lui-meme, en lui par- 1'etait avec les fils de Zebedee et Nathanael, dut dtre I'un
lant de Jesus comme fils de Joseph et originaire de des deux disciples anonymes, Joa., xxi, 2, a qui Jesus
Nazareth. Joa., i, 45. ressuscite apparut sur les bords de la mer de Galilee;.
Les trois synoptiques se contentent de nommer Phi- ce n'est toutefois qu'une hypothese. — Get apotre n'est
269 PHILIPPE (SAINT) L'EVANGELISTE 270
nomme qu'une autre fois dans le Nouveau Testament, contiennent guere que des fables. Voir ACTES APOCRYPHES
avec les dix autres qui etaient rassembles dans le Ce- DES APOTRES, vii, Acta S. Philippi, 1.1, p. 164. Sur un
nacle, apres 1'Ascension, Act., i, 13, et il recut avec eux le pretendu Evangile de saint Philippe, voir EVANGILES
Saint-Esprit le jour de la Pentecote. Act., n, 1-3. APOCRYPHES, II, 50, t. Ill, Col. 2117.
II. SAINT PHILIPPE D'APRES LA TRADITION. — A partir F. VlGOUROUX.
de ce moment nous ne savons plus rien sur cet apotre 7.PHILIPPE (SAINT) L'EVANGEUSTE (grec : <&i\iK-
qiie par les temoignages de la tradition qui ne sont T:O; 6 EvavYsXiarric), un des sept premiers diacres. II
pas en tout concordants. Les plus anciens ecfivains est nomme pour la premiere fois dans les Actes, vi, 5,
ecclesiastiques ne 1'ont pas toujours distingue exacte- le second des sept diacres que les Apotres chargerent
ment de 1'Evangeliste Philippe, un des sept diacres. de s'occuper des veuves des juifs hellenistes convertisa
Voir PHILIPPE 7. Eusebe lui-meme, H. E., in, 31, la foi. II est distingue de 1'apotre du m£me nom, dans
t. xxi, col., 281, les confond ensemble. le livre des Actes, xxi, 8, par le titre d'evangeliste.
Ce qui se degage avec le plus de certitude des tradi- Voir EVANGELISTE, t. n, col. 2057. Ce fut, apres
tions anciennes, c'est que saint Philippe evangelisa la saint Etienne, celui des sept diacres qui joua le role le
Phrygie. D'apres le Breviaire remain et plusieurs marty- plus important. II annonca le premier 1'Evangile aux
rologes, il avait evangelise d'abordla Scythie et la Lydie. Samaritains et baptisa le premier Gentil.
Tous les monuments sont d'accord pour lui faire passer La persecution qui suivil la lapidation de saint Etienne
les dernieres annees de sa vie a Hierapolis en Phrygie, Tobligea a quitter Jerusalem. Act., vn, 1. II se rendit a
Polycrate, eveque d'Ephese dans la derniere partie du la ville de Samarie, y precha Jesus-Christ et y opera
ne siecle, qui avait tous les moyens d'etre bien informe, de nombreux miracles. II fit de nombreuses conver-
dit dans sa lettre au pape Victor dont un fragment sions et confera le bapteme a beaucoup de Samaritains,
nous a ete conserve par Eusebe, H. E., in, 31, t. xx. hommes et femmes, et aussi a Simon le Magicien. Les
col. 280 : « ...Philippe, qui fut'un des douze Apotres, et Apotres, ayant appris a Jerusalem qne Samarie avait
mourut a Hierapolis, ainsi que deux de ses filles qui refu la parole de Dieu, Pierre et Jean s'empresserent
avaient vieilli dans la virginite. Son autre fille... fut d'aller administrer aux nouveaux fideles le sacrement
enterree aiiphese. » Gf. Theodoretde Cyr, InPs. cxvi, de confirmation. Simon le Magicien toutefois se montra
i, t. LXXX, col. 1808; Nicephore, H. E., n, 44, t. CXLV, indigne de la grace en offrant a saint Pierre d'acheter
col. 880; dans les ceuvres de S. Jerome, De vilis pour de 1'argent le pouvoir de conferer le Saint-Esprit.
apost., t. xxm, col. 721. D'apres tous ces auteurs a Act., vni. 5-24.
1'encontre de Cai'us, voir PHILIPPE 6, 1'apotre saint Phi- 2° Un ange du Seigneur commanda alors au diacre
lippe fut marie et eut trois filles, dont deux resterent Philippe de se diriger vers le midi de la Judee, sur la
vierges et dont la troisieme mourut a Ephese ou elle route de Jerusalem a Gaza. La, il rencontra 1'eunuque
etait probablement mariee. Papias, qui fut eveque de Candace, reine d'Ethiopie. Voir CANDACE, t. n,
d'Hierapolis, connut les filles de 1'apotre et apprit d'elles, col. 131. Tous les details de la rencontre sont donnes
au rapport d'Eusebe, qu'un mort avait ete ressuscite de par les Actes, vm, 26-29. Saint Luc avait pu les appren-
son temps, par leur pere sansdoute. Eusebe, H, E., in, dre dela bouche meme du diacre evangeliste, pendant
39, t. xx, col. 297; Nicephore, H. E., in, 2, t. CXLV, le sejour qu'il fit plus tard dans sa maison avec
col. 937. Cf. Clement d'Alexandrie, Strom., in, 6, t. vni, saint Paul a Cesaree, et il les depeint au yif- L'Ethio-
col. 1156. L'antique necropole d'Hierapolis, dont les pien, assis sur son char, lisait le chapitre LIII d'lsaie,
nombreux tombeaux ont ete conserves par les eaux pe- mais il ne le comprenait pas. Philippe 1'accoste, monte
trifiantes de la ville, au milieu desquelles ils sont in- avec lui sur le char, lui explique le sens messianique
crustes, contient une inscription ou il est fait allusion a de la prophetie, 1'evangelise, et arrive aupres d'une
une eglise dediee a saint Philippe, en souvenir de son fontaine, sur la demande du neophyte, lui confere le
apostolat: TOU evSdiiov 'ArcoaToXov xot OsoXoyoy $tXc'7nrou. bapteme. Une tradition identifie cette fontaine avec
W. M. Ramsay, The Cities und Bishoprics of Phrygia, celle d'el-Hanieh, entre Am Karim et Bethlehem; et on
Londres, 1895-1897, p. 552. Les restes de 1'Eglise qu'on 1'appelle la Fontaine de saint Philippe. Lievin, Guide
voit encore a Hierapolis, au nord a 1'entree de la grande Tndicateur de la Terre Sainte, 4e edit., 1897, t. n,
necropole, pres des anciens tombeaux, sont peut-etre p. 29-30. Cf. V. Guerin, Judee, t. i, p. 109. & La tradi-
ceux de 1'Eglise qui avait ete consacree a la memoire tion qui rattache a l'Ai'n-el-Hanieh les souvenirs (de
du saint apotre. Voir E. Le Camus, Voyage aux sept saint Philippe) est, je 1'avoue, dit V. Guerin, Judee,
Eglises de VApocalypse, in-4°, Paris, 1896, p. 189-190. t. in, p. 293-294, depuis longtemps consacree, en quel-
Cf., dans le Dictionnaire, le plan d'Hierapolis, fig. 147, que sorte, par les temoignages presque unanimes de
t. in, col. 705. tous les pelerins qui 1'ont visitee... Mais cette tradi-
La mort de saint Philippe est racontee de facons tres tion, qui ne parait pas remonter a une epoque ante-
diverses. Clement d'Alexandrie, Strom., iv, 9, t. vm, rieure a celle des Croisades, doit evidemment ceder le
col. 1281, dit faussement que les apotres Matthieu, pas, pour tout esprit impartial, a la tradition primitive,
Philippe et Thomas moururent de mort naturelle. Le telle qu'elle est consignee dans le Pelerin de Bordeaux,
Pseudo-Hippolyte, De duodecim Apostolis, t. x, col. 952, dans Eusebe et dans saint Jerome (qui placent la fon-
et la plupart des documents anciens disent que taine de saint Philippe a I'Am ed-Diroueh) au-dessous
saint Philippe fut martyrise sousDomitien a Hierapolis, de Bethsur, Onomast., edit., Larsow et Parthey, 1862,
et qu'il fut crucifie la tete en has. II devait avoir envi- p. 104,105, (et qui sont)... les plus serieuses autorites
ron 87 ans. Voir Acta sanctorum, maii t. i, p. 10. que Ton puisse consulter en pareille matiere... En outre,
Sa sceur Marianne et ses deux filles qui etaient avec lui les circonstances elles-memes du recit des Actes des
a Hierapolis furent enterrees plus tard a cote de lui, Apotres relativement a ce bapteme semblent s'opposer
d'apres les Menologes grecs. Dans un sermon attribue materiellement a 1'hypothese qui .place a 1'Ain el-Ha-
a saint Jean Chrysostome, Horn, de XII Apost., t. LIX, nieh le lieu de cet evenement. Le texte sacre nous dit
col. 495, on lit que « Philippe conserve Hierapolis par que 1'eunuque de la reine d'Elhiopie etait sur unchar...
ses miracles ». Les reliques du saint ont ele depuis Or la route qui passe pres de l'Ai"n el- Hanieh ne pa-
transporters a Rome dans 1'eglise des Saints-Apotres, rait pas avoir ete jamais carrossable. Au contraire,
oil elles sont placees avec celles de saint Jacques le la route a cote de laquelle coule 1'Ain ed-Dirroueh
Mineur, fils d'Alphee, sous le grand autel. L'Eglise conserve encore ca etla, les traces d'un, ancien passage. >»
latine celebre la fete de ces deux Apotres le ler mai. — Saint Jerome, dans PEpitaphe de sainte Paule, t. xxn,
II existe des Actes apocryphes de saint Philippe qui ne col. 886, dit qu'elle visita la fontaine sur la «, vieille
271 PHILIPPE (SAINT) L'EVANGELISTE — PHILIPPES 272
route » qui mene a Gaza. « L'epithete de vetus, vieille, liste. Les temoignages anciens qui attribuent trois filles
donnee par saint Jerome a la route conduisant a Gaza a 1'apotre et le font eveque d'Hierapolis, ont ete rap-
par Hebron explique tres bien, ditV. Guerin, p. 293, le portes plus haul. Voir PHILIPPE 6, col. 269. Un passage
sens gue Ton doit donner a celle de deserta, deserte, de Cai'us, cite par Eusebe, H. E., in, 31, t. xx,
employee dans les Actes'pour designer la meme voie. II col. 281, attribue au diacre Philippe ce qui regarde en
ne faut pas prendre ce dernier mot a la lettre et croire realite 1'Apotre du meme nom: Get ecrivain ecclesias-
que cette route etait reellement deserte, puisqu'elle tique etait contemporain du pape Zephyrin (202-219).
traversait des villes et des villages; elle etait seulement Eusebe, H. E., H, 25, col. 208. D'apres YHistoire litte-
abandonnee alors par la plupart de ceux qui se ren- raire de la France, t. i, 1, p. 356, il etait originaire de
daient a Gaza, lesquels en prenaient une autre plus la Gaule. II eut a Rome'une discussion publique avec
occidentale, cornme le font encore les caravanes le montaniste Proclus. qu'il publia plus tard sous le
d'aujourd'hui. » titre de AtaXoyo; 7:pb; IlpdxXov; c'est dans ce dialogue
La fontaine d'Ai'n ed-Dirroueh est sur le bord de la que nous lisons : x Apres cela les quatre filles de Phi-
route actuelle de Jerusalem a Hebron, au has de la lippe furent prophetesses a Hierapolis en Asie, ou Ton
colline sur laquelle sont les restes de 1'antique Bethsur. voit leur tombeau et celui de leur pere Philippe. » Ce
L'eau de la fontaine s'ecoule a un metre environ au- nombre de quatre et le titre de prophetesses montrent
dessus de la chaussee, a Test, par un bloc de marbre qu'il faut entendre par la Philippe 1'Evangeliste.
rouge cannele, dans un reservoir fait en partie de sar- Act., xxi, 8. Cai'us est la seule autorile ancienne qu'on
cophages. Le filet d'eau est assez abondant. Les femmes puisse citer en faveur de cette opinion, qui compte en-
des environs vont y puiser de 1'eau dans des outres et core aujourd'hui des defenseurs. Cependant la plupart
laver leur linge dans le reservoir. Les ruines d'une des critiques reconnaissent que le temoignage de Cams
vieille eglise batie au-dessus de la source conservent le n'a pas la valeur de celui de Polycrate qui ecrivait avant
souvenir du bapt^me de Feunuque ethiopien. L'eau lui et vivait non loin d'Hierapolis. Voir J.-B. Lightfoot,
est absorbee sur place dans la terre comme 1'observe St. Paul's Epistles to the Colossians and to Philemon,
saint Jerome. Onomast., p. 105 (Notes prises surleslieux Londres, 1875, p. 45.
en mars 1888). Apres que 1'eunuque eut ete baptise, le Un Menologe grec, dans Lipsius, Die apokryphen
nouveau converti et 1'ajpotre se separerent. Les fonctions Apostelgeschichten, 1889-1890, t. in, p. 3, appelle les
que 1'Ethiopien remplissait a la cour de la reine Can- quatre filles de saint Philippe Hermione, Charitine,
dace font croire qu'il etait reellement eunuque. Le Irai's et Eutychiane. D'apres les traditions les plus an-
langage des Actes ne permet pas de supposer que c'etait ciennes, leur pere devint eveque de Tralles et il y mou-
un juif ne en Ethiopie; il devait elre un proselyte de rut de mort naturelle. Ada Sanctorum, junii t. i, p. 609-
la porte, Is., LI, 4-5, son etat Fempechant d'etre un Des martyrologes plus recentsle font mourir a Cesaree.
proselyte de justice. Deut., xxm, 1. Ce fut, comme le Du temps de saint Jerome, on montrait encore dans
remarque Eusebe, H. E., n, 1, t. xx, col. 137, Trpwro? cette derniere ville, la maison ou le diacre Philippe
i% eOvwv, « le premier des gentils converti » et a ce avait recu saint Paul et les chambres de ses quatre filles.
titre 1'acte de saint Philippe est particulierement me- Le saint docleur raconte que sainte Paule y fit un
morable. II remplit bien eh cette circonstance ses pelerinage. Epist. cvm, 8, t. XXH, col. 82. L'Eglise
fonctions d'evangeliste. En conferant le bapteme a un celebre la fete de 1'evangeliste saint Philippe le 6 juin.
descendant de Cham, a un homme de cette race m6- F. VIGOUROUX.
prisee, a un eunuque et a un Ethiopien, cf. Amos, ix, PHILIPPES (grec : $t)uira:>i; Vulgate, Philippi),
7, il liiontrait que Jesus-Christ etait le Sauveur de tous ville tres ancienne et citadelle tres forte de la Mace-
les hommes et qu'il n'excluait personne de son royaume. doine (fig. 65). Elle etait situee entre les monts Hemus
Get e"venement accompli sans temoins, et en faveurd'un
proselyte qui quitta aussitot la Palestine, eut moins
d'eclat que plus tard la conversion du centurion Cor-
neille, mais elle en etait comme le prelude. De retour
en Ethiopia, le neophyte, d'apres la tradition, y precha
1'Evangile et convertit la reine elle-meme. Eusebe,
H. E., n, 2, t. xx, col. 137; S. Jerome, In. Is., LIII,
t. xxiv, col. 509; Nicephore, H. E.,u, 6, t. CXLV, col. 769.
Quant a Philippe, «1'Esprit du Seigneur le ravit a la vue
de 1'eunuque, » Act., VHI, 39, et il precha 1'Evangile a
Azot, dans les villes philistines et sur toute sa route
jusqu'a Cesaree, $. 40, ou habitait probablement sa 65. — Monnaie de Philippes.
famille. TI CLAUDIUS CAESAR. AUG. PM. TRP. IMP. Tete de 1'em-
3° Saint Philippe recoit, saint Paul a Cesaree. — pereur Claude, a gauche. — ^. COL AUG IUL PHILIP. Entre
Nous ne retrouvons le diacre Philippe que plusieurs deux cippes, statues de Jules Cesar et d'Auguste, placees sur
un pigdestal sur lequel on lit DIVUS AUG.
annees plus tard, et c'est la derniere fois qu'il est nom-
me dans les Actes, xxi, 8. Saint Paul venant de Ptole-
mai'de et allant a Jerusalem, a la fin de sa troisieme et Pangee, a 1'est du fleuve Strymon, pres de la fron-
mission, recut chez lui 1'hospitalite eomme chez une tiere de Thrace et de la riviere Ganges ou Gangites, sur
ancienne connaissance. L'apotre des gentils devait une colline elevee (fig. 66). Cf. Appien, De bellis civ.,
s'entendre pleinement avec celui qui avait baptise le iv, 106. Elle dominait une vaste plaine, d'une grande
premier gentil. II demeura plusieurs jours a Cesaree fertilite, mais dont quelques parties sont marecageuses.
avec ses compagnons ,dans la maison du diacre Philippe Elle n'etait separee de la mer Egee que par environ
et c'est la que le prophete Agabus annonca a saint Paul trois heures de marche, et avait pour port la petite
sa prochaine captivite. Saint Luc nous apprend, Act.,xxi, ville de Neapolis Datemon, aujourd'hui Cavalla. Voir
9, que leur hote avait quatre filles « qui propheti- NEAPOLIS, t. iv, col. 1542. Ce fut d'abord une colonie
saient », et qui instruisaient sans doute ceux qui vou- fondee par les habitants de 1'ile de Thasos, skuee non
laient se convertir au christianisme, aidant leur pere loin de la. Elle porta en premier lieu le nom de
dans son ceuvre d'evangeliste. C'est la mention de ces Krenides, ou « Fontaines », a cause des sources tres
quatre filles qui a amene la confusion des traditions abondantes qui 1'arrosent. En 356 avant J.-C., elle fut
relatives a Philippe 1'apotre et a Philippe 1'evange- conquise par Philippe II de Macedoine, pere d'Alexandra
273 -274
le Grand, qui 1'agrandit considerablement, la fortifia Pannee 53. Appele en Macedoine par une vision surna-
et lui donna son propre nom. Sa situation strategique turelle, Act., xvi, 9, Papotre des gentils tra versa lamer
etait fort importante, car elle commandait tout a la Egee, et vint en droite ligne a Philippes, avec
fois les routes de Grece et de Thrace. De plus, on avait Silas, Timothee et saint Luc. Durant un sejour rapide,
decouvert des gisements tres riches d'or et d'argent il reussit a fonder une chretiente vaillante et genereuse,
dans la montagne voisine, le Pangee, et ces deux malgre 1'opposition des Juifs et des autorites romaines.
motifs reunis avaient excite la convoitise du roi Phi- Voir PAUL (SAINT), t. iv, col. 2209. C'etait la premiere
lippe. La recherche de 1'or fut la grande affaire de fois que Paul annohcait Pevangile en Europe. La per-
toute la region pendant plusieurs siecles, et la ville secution qui eclata apres son depart contre les neophytes
en obtint un redouble naent de prosper! te. ne fit qu'exciter davantage leur zele. I Thess., II, 2.
Des Pannee 168 avant J.-C., elle tomba sous la domi- Saint Paul fit a Philippes une seconde visite plus pro-
nation de Rome. C'est dans sa vaste plaine qu'en 42 longee, pendant son troisieme voyage, vers 1'annee 58,
avant notre ere Octave et Antoine, heritiers de Cesar, apres avoir quitte Ephese. Act., xx, 1-2. Cette fois, la
remporterent une victoire decisive sur Brutus et Cassius, ville n'est pas mentionnee nommement par 1'historien
les derniers defenseurs de la republique. Devenu em- sacre; mais le texte suppose de la facon la plus evi-
pereur, Octave etablit a Philippes une colonie de vete- dente que Paul vit alors toutes les chretientes de Ma-
rans, et lui donna le nom de Colonia Augusta Julia cedoine. II y revint encore une troisieme fois, de
Philippensium. Cf. Pline, H. N., iv, 18; Act., xvi, Corinthe, pendant ce meme voyage, Act., xx, 3-6, vers
12. Ce fut un quatrieme element apporte a la popula- la Paque de 1'annee 59. De Rome, a la fin de sa pre-
tion, qui se composait deja de Macedoniens, de Grecs miere captivite, il ecrivit aux Philippiens une de ses
et de Thraces. Apres la bataille d'Actium, 31 avant lettres les plus intimes, voir PHILIPPIENS (EpiTRE AUX),
J.-C., d'autres veterans furent envoyes a Philippes. qui montre a quel degre il leur etait attache et combien
Cf. Dion Cassius, LI, iv, 6. II n'est done pas etonnant il etait paye de retour. Cf. Phil., i, 1; n, 12; iv, 3, 10;
qu'on ait trouve sur 1'emplacement de la ville de nom- II Cor., xi, 8-9.
breuses monnaies et inscriptions latines (fig. 66). Phi- Un passage des Actes, xvi, 12, relatif a la ville de
lippe recut alors le « jus italicum », qui accordaita ses Philippes, a de tout temps cree quelque difficulte aux
habitants des droits et des privileges presque egaux a interpretes. Le texte presente en cet endroit plusieurs
ceux des citoyens de Rome. Yoir Marquardt, Romische variantes, qui prouvent qu'on ne le comprenait pas
Staatsverwaltung, 2 in-8°, Leipzig, t. i, 1873, p. 187. tr£s bien et que les copistes cherchaient a le rendre
Les debuts du christianisme a Philippes sont ra- plus clair. On lit, d'apres la lecon la plus commune,
contes tout au long, dans les termes les plus drama- qui est vraisemblablement la meilleure : d$
tiques, au livre des Actes, xvi, 12-40. Rien de plus TjTtC I(TT\V TVpWTY] T^{ (ASpCOO? TY)C MaXsSovia? TToXtC,
modeste, et aussi rien de plus touchant. C'etait pen- vt'a. Vulgate : Philippos, quse est prima partis
dant le second voyage apostolique de saint Paul, vers donix civitas, coloma. Le Codex B supprime 1'article
275 PHILIPPES 276
devant pspidos; leCodex Dsubstitue xsyaXv), « capitale, » 1895, h. 1., lit Trpwrric au lieu de jrptor>j TTJ; : « Ville de
aux motsrcptoTr)rij;, (xspt'So?. Cf. E. Nestle, Novi Tesla- la premiere region de la Macedoine. » MM. Westcott et
menti supplementum, ia-8°, Leipzig, 1896, p. 60. Ce Hort, The New Testament in the anginal Greek, Cam-
passage peut avoir deux sens, auxquels se ramenent bridge, 2 in-12, 1882, t. n, p. 96-97, transformed
les principales interpretations des commentateurs : (xspfSoi; en IhspsSo? : « Viile chef-lieu de la Macedoine
1° Philippes etait une ville macedonienne de premier Pieride. » On nommait ainsi la region a laquelle appar-
rang; 2° e'est la premiere des villes de Macedoine tenait Philippes. Cf. Herodote, VH, 212; Thucydide, n,
qu'atteignit saint Paul. Le premier sens serait contraire 99. Mais ce ne sont la que de simples conjectures.
a Phistoire, si Ton pretendait, avec quelques auteurs, D'autres, specialement W. Meyer dans son commen-
que Philippes etait alors la capitale de la province de taire de ce passage, Kritisch-exegetisch. Commentar
Macedoine : c'est Thessalonique qui possedait ce privi- uber das Neue Test., part, in, Die Apostelgeschichte,
lege. D'autres interpretes se sont souvenus que, des Pan- 8e edit., in-8°, Goettingue, 1899, p. 278, 280, rattachent
nee 167 avant J.-C., la Macedoine avait etc distribute en le mot Troli; a xoXfovta, et traduisent : « La premiere
quatre districts, dont les inscriptions mentionnent clai- ville colonie fondee dans ce district. » Mais cette asso •
rement 1'existence, voir MACEDOINE, t. iv, col. 475 — elation ne saurait etre justifiee sous le rapport de la
MaxsSovwv Ttpwrif)?, M. Seur^pa?, M. TEtapT^;, c'est-a-dire syntaxe. II resterait a dire que la proposition aurait
(monnaie) des Macedoniens de la premiere, de la une signification locale. : pour saint Paul, arrivant du
seconde, de la quatrieme (division) — et ils ont dit cote de la mer Egee et de 1'ile de Samothrace, Phi-
que Philippes etait la premiere ville, le chef-lieu de lippes etait la premiere ville proprement dite de Mace-
la Macedonia prima, dont elle faisait partie. Mais doine placee sur sa route; car le port de Neapolis, ajoute-
cela aussi est inexact, car la metropole offlcielle de ce t-on, aurait appartenu a, la Thrace, non a la Macedoine.
district etait Amphipolis. Cf. Tite-Live, XLV, 29-30. Peut- Voir van Steenkiste, Actus Apostolorum breviter expli-
etre pourrait-on, avec quelques commentateurs, regarder cati, in-8», ¥ edit., Bruges, 1882, p. 246; J. Felten, Die
les mots itptoT?) Trfc [Aspc'So?... comme un de ces titres Apostelgeschichte uberselzt und erklart, in-8°, Fri-
d'honneur que les villes grecques convoitaient alors bourg-en-Brisgau, 1892, p. 311-312. Cf. NEAPOLIS, t. rv,
si ardemment et qu'elles aimaient a se faire octroyer col. 1542. Cette interpretation supprime la difficulte;
par les Romains; dans ce cas, le sens serait : Philippes mais elle est difficile a justifier.
etait une ville importante, jouissant de grands privi- La chretiente de Philippes a eu aussi 1'honneur de
leges, etc. Cf. C. T. Kuinoel, ;4cJa Apostolorum, 2e edit., recevoir une lettre de saint Polycarpe. Cf. Funk, Die
in-8°, Leipzig, 1827, p. 542. On trouve, en effet, d'an- apostolischen Vater, in-8°, Tubingue, 1901, p. 110-116.
ciennes monnaies sur lesquelles la cite porte le titre La ville s'est maintenue durant tout le moyen age; elle
de 7cp»iTr). Voir Rettig, Qusestiones Philippenses, in-8°, est souvent mentionnee dans 1'histoire des guerres du
.Giessen, 1831, p. 5. On a propose aussi quelques modi- xive siecle. Plus tard, elle fut detruite par les Turcs.
fications au texte, en vue de le rendre plus clair. Les ruines, completement inhabitees, portent le nom
M. Frd. Blass, Acta Apostolorum, in-8°, Grettingue, de Filibedjik. EUes consistent dans les substructions
277 PHILIPPES — PHILIPPIENS (EPITRE A U X ) 278
d'un amphitheatre et dans les restes d'un stade, d'un aupres de la valeur qui s'attache, pour la theologie, ,,au
temple de Claude, etc. Elles ont fourni des inscrip- chap, n de eette lettre, encore qu'il ait ete ecrit sans
tions tres interessantes. — Voir Leake, Travels in nor- aucune preoccupation dogmatique, dans le seul but de
thern Greece, 1835, t. in, p. 214-225; Heuzey, Explora- proposer en exemple le renoncement du Verbe fait
tion archeologique de Macedoine, Paris, 1864-1876; chair. La conception christologique de I'Apotre a su
W. Ramsay, St. Paul the Traveller and the Roman trouver, a cet endroit, des expressions qui surpassent
Citizen, in-8°, 5« edit., 1900, p. 206-226; Id., The Church en clarte et en precision toutes celles des autres
in the Roman Empire, in-8°, 1896, p. 156-158; F. Vi- Epitres. A'ce point de vue seul 1'Epitre aux Philippiens
gouroux, Le Nouveau Testament et les decouvertes serail deja hors de pair.
archeologiques modernes, 2e edit., p. 211-229; Corpus II. LES RELATIONS DE SAINT PAUL AVEC L'EdLISE DE
inscriptionum latinarum, t. in, lre partie, p. 633-707, PHILIPPES. — Aucune Eglise n'a ete en rapports aussi
et le Supplementum, 7337-7358. etroits et aussi suivis avec I'Apotre; aucune ne lui a
L. FILLION. donne autant de consolations. II 1'appelle lui-meme
PHILIPPI Henri, chronologiste, ne aux environs «.sa joie et sa couronne ». iv, 1. C'est vers 1'automne
de Saint-Hubert (grand-duche de Luxembourg) le de Tan 52, dans son second voyage, que saint Paul
30 mars 1575, mort a Ratisbonne le 30 novembre 1636. precha 1'evangile a PhilippeS et y fonda la. premiere
Admis le 26 aout 1597 dans la Compagnie de Jesus, il communaute chretienne de Macedoine en compagnie
professa plusieurs annees les belles-lettres, la theologie de Silas, de Timothee et de 1'auteur des Actes. Voir
et 1'Ecriture Sainte aux universites de Gratz, Vienne et Act., xvi. Les premieres et les plus nombreuses conver-
Prague. Le P. Philippi s'occupa surtout de chronologic. sions paraissenl s'etre produites parmi les femmes
Ses travaux en cette matiere, qui se rapportent a 1'exe- d'un certain rang, deja affiliees au judai'sme. La plus
gese, peuvent encore, meme a notre e"poque, etre con- connue est Lydie, riche marchande de pourpre, origi-
suites avec profit. Ce sont d'abord des ouvrages gene"- naire d'Asie Mineure, qui fut baptisee par Paul avec
raux : 1° Generalis synopsis sacrorum temporum... toute sa maison et donnaThospitalite a la troupe apos-
intelligentise sacrarum litterarum accommodata, in-4°, tolique. Voir LYDIE, col. 447. Ce fut la le commence-
Cologne, 1624; 2° Manuale chronologicum veteris Te- ment del'Eglise dePhilippes. On saita la suite dequels
stamenti, in-8°, Anvers, 1635; 3° Chronologies veteris Te- evenements Paul et Silas durent quitter la commu-
stamenti accuratum examen, Cologne, 1637. — On peut naute naissante. Act., xvi, 16-40. Voir PAUL, t. iv, col. 2208,
signaler ensuite, comme traites plus particuliers : La nouvelle Eglise devait compter peu de Juifs; elle
Notse et qussstiones chronologies in Pentateuchum etait surtout composee de gentils, les femmes paraissent
Moysis, in-4°, Vienne, 1633; — lnlibrosJosue,Judicum, y avoir tenu une place considerable. Leur influence s'y
Ruth, Regum, Paralipomenon, Esdrse, Nehemize, in-4°, maintint longtemps, puisque dans cette lettre I'Apotre
Cologne, 1637; — In libros Tobise, Judith, Esther, regarde la mesintelligence de deux d'entre elles,
Prophetarum, in-4°, Cologne, 1637; — In duos libros Eyodie et Syntyque, comme un serieux danger pour
Machabs&orum, in-4°, Cologne, 1637. P. BLIARD. 1'Eglise de Philippes tout entiere, iv, 2, 3.
II parait qu'en Macedoine les femmes jouerent, de
PHILIPPIENS (EPITRE AUX). - I. IMPORTANCE. tous temps, un role social plus considerable que par-
— Cette lettre, la plus epistolaire entre les Epitres, est tout ailleurs. C'est ce qu'attestent, en grand nombre,
une de celles qui offrent, a divers„ points de vue, le les inscriptions de ce pays. La jeune Eglise, apres le
plus d'intere"t parmi les ecrits de saint Paul. Ce qui depart precipite de I'Apotre, ne cessa de croitre et de
charme d'abord le lecteur, c'est le ton intime et fami- prosperer. Saint Luc, que plusieurs critiques supposent
lier, 1'abandon touchant avec lequel I'Apotre epanche originaire de cette ville, voir Luc, col. 376, y continua
ses joies, ses tristesses, ses esperances. L'epitre aux pendant pres de cinq ans 1'ceuvre de son maitre. Les
Philippiens est une lettre d'ami. Aucune discussion ni persecutions ne parvinrent pas a ebranler les genereiix
argumentation theologique. Si I'Apotre parle des judai- neophytes, II Cor., vin, 2 : ils resterent fideles a Paul
sants, ce n'est pas avec une intention de polemique, et a son Evangile. L'Apotre ne revit probablement ses
mais pour premunir son troupeau, i, 17; in, 2,18. De chers Philippiens qu'a son depart d'Ephese vers 1'an 58,
meme le beau passage sur la kenose (exiuanivit) du lors de son troisieme voyage a Corinthe. II se rendit
Christ, n, 7, si riche en conclusions dogmatiques, n'est alors en Macedoine pour 1'ceuvre descollectes.On croit
la que pour appuyer une exhortation pratique a 1'abne- qu'il ecrivit a Philippes sa seconde lettre aux Corin-
gation et au devouement. L'ame de Paul se reflete done thiens, II Cor., n, 13; vn, 5; vin, 1; ix, 2, 4. II avait
ici dans ce qu'elle avait de merveilleusement tendre, de- sous les yeux le spectacle de leur foi, de leur genero-
licat, aflectueux, reconnaissant, pour une communaute site, de leur ardeur. Ils etaient prets, dit-il, non seule-
repondant a peu pres a son ideal. On s'attend a ce qu'une ment a donner leurs biens, mais a se donner eux-
lettre ecrite dans de pareils sentiments exprime mieux m^mes, II Cor., vin, 1-5, pour I'oauvre du Seigneur. Au
que toute autre la situation personnelle de 1'auteur. printemps de 1'annee suivante, en se rendant a Jerusa-
Les Philippiens tenaient a etre mis au courant de lem pour y porter la collecte, saint Paul passa la se-
tout ce qui concernait leur apotre bien-aime. De fait, maine de Paquesa Philippes. Act., xx, 5, 6; il y retrouva
la presente Epitre est le meilleur document pour com- saint Luc. Les Epitres pastorales surtout, I Tim., 13,
bler les lacunes de la fin du livre des Acles. L'his- laissent entendre que I'Apotre realisa le vceu qu'il enon-
torien y peut recueillir des donnees certaines sur les caitdanssa lettre aux Philippiens, i, 26; n, 24, et qa'apres
derniers mois de la captivite de Paul a Rome. II con- sa premiere captivite il revit sa chere Eglise. Durant les
state les progres de 1'Evangile dans la cite et jusque intervalles plus ou moins longs qui separerent ces di-
dans la maison des Cesars, 1'effet produit, dans les vers sejours, les relations les plus amicales ne cesserent
pretoires, par les chaines du vaillant prisonnier, les jamais entre la communaute de Philippes et son fonda-
luttes qu'il soutient contre des ennemis envieux et teur. A diverses reprises, les Philippiens envoyerent
jaloux qui essaient d'exciter les Juifs contre lui et des secours d'argent a leur pere bien-aime, deux fois a
d'aggraver une position deja si penible, les espoirs Thessalonique, iv, 16; une fois, a Corinthe, II Cor., xi,
meles d'inquietudes qui traversent Fesprit de Paul et 9, et a Rome, Phil., iv, 18. Cette derniere fois, ils ne se
donnent a sa lettre un fond de melancolie qui con- contenterent pas de secours materiels, ils envoyerent
traste avec les autres sentiments exprimes dans la Epaphrodite, le chef de leur eglise, aupres du prison-
lettre, enfin les projets qu'il nourrissait dans le cas ou nier. Paul, qui connaissait les sentiments eleves de
il serait rendu a la liber te. Mais tout cela n'est rien ces ames genereuses, ne craignait pas d'accepter d'eux
279 PHILIPPIENS (EPITRE AUX 280
un service qu'il aurait refuse de la part d'autres Eglises. tour sur les analogies entre cette epitre et celle aux
II trouvait aussi la, chaque fois, 1'occasion de leur en- Remains, comme si, remarque von Soden, il n'y en
voyer des remerciements et des nouvelles de. ses tra- avait pas de plus frappante encore avec 1'Epitre aux
vaux. Aussi a-t-on suppose, avecquelquevraisemblance, Corinthiens. Le meme auteur allegue encore 1'absence
qu'il leur ecrivit d'autres lettres que celles que nous de toute controverse avec le judaisme semi-gnostique
possedons. Dans son Epitre aux Philippiens, Polycarpe combattu dans 1'Epitre aux Colossiens, pretendant qu'il
semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux est contraire a toute psychologic de ne pas prolonger
et glorieux Paul leur ecrivit « des lettres », ETuuToXau jusque dans 1'Epitre aux Philippiens, une preoccupation
Ad Phil., in, t. v, col. 1008. II se peut toutefois, cotnme le aussi envahissante, si cette Epitre avait ete ecrite, en
remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant 1'usage des realite, apres 1'Epitre aux Colossiens. Or, remarque
Grecs et des Latins, puisse etre circonscrit a une lettre excellemment Ramsay, Paul n'avait pas a envoyer a
unique. Quoi qu'il en soit, un passage de la presente Philippes un traite contre des heresies qui ne s'y etaient
Epitre de Paul, HI, 1, parait sous-entendre d'autres jamais montrees. Aussi Fopinion de Lightfoot et de Farrar
lettres anterieures. qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de
III. LIEU ET DATE DE COMPOSITION. — La lettre aux moins en moins acceptee des exegetes. II semble done,
Philippiens a ete ecrite en prison. I, 7, 13, 14, 17. d'apres la chronologie la plus recue, que 1'Epitre aux
Est-ce a Rome ou a Cesaree? L'opinion generate des Philippiens date de la fin de 1'an 63, tout au plus des
critiques, meme de ceux qui datent de Cesaree les premiers mois de 1'an 64.
Epitres aux Colossiens, aux Ephesiens, a Philemon, IV. AUTHENTICATE. — Les temoignages en faveur de
penche pour la premiere hypothese. On a definitivement de 1'origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont
abandonne celle de Paulus (1799), Bottger (1837), Rilliet a peu pres les memes que pour les grandes Epitres.
(1841), Thierseh (1879), qui placaient a Cesaree la redac- Des la fin du ler siecle, Clement de Rome parait s'e"tre
tion de cette Epitre. Les termes m£mes de la lettre inspire du passage christologique deja cite, Phil., n, 6-8,
lui sont defavorables. Le pr^toire tout court, i, 13, s'en- quand il ecrit : « Le Christ appartient a ceux qui ont
tend mieux de la cour imperiale que du palais d'Herode des sentiments humbles et qui ne s'elevent pas au-
a Cesaree, Act., xxni, 35; la maison de Cesar, iv, 22, ne dessus de son troupeau. Le sceptre de la majest^ de
peut s'appliquer a la maison du gouverneur Felix; les Dieu, le Seigneur Jesus-Christ n'cst pas venu avec la
predicateurs envieux et jaloux dont se plaint 1'Apotre, jactance de 1'orgueil, 1'arrogance, quoiqu'il I'ait pu,
1,17, supposent une eglise bien plus considerable que Phil., n, 6-8, mais avec des sentiments humbles.
celle de Cesaree. Son espoir d'etre bientot rendu a la Voyez, freres bien-aimes, quel exemple nous est pro-
liberte, I, 25, 27; H, 24, son projet de revenir a Phi- pose, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d'humi-
lippes, se concoivent mieux a Rome qu'apres 1'appel a lite, que ferons-nous, nous qu'il a amenes sous le joug
Cesar. Le point difficile est de savoir si-cette, lettre a de sa grace? » I Cor.} xvi, 1. On trouverait encore
precede ou suivi les Epitres aux Colossiens, aux Ephe- d'autres reminiscences en comparant entre eux :
siens, a Philemon, ou, en d'autres termes, si elle a ete J Cor.,XLvn, = Phil., iv,15;i&.,xxi = Phil., i, 27;i&.,n
Ecrite au commencement ou a la fin des deux ans de == Phil., i, 40; n, 15. Diverses expressions des epitres
captivite dont parlent les Actes, xxvni, 30. Ici les opi- de saint Ignace offrent des ressemblances caracteristi-
nions se partagent. La majorite des critiques (Meyer, que avec 1'Epitre aux Philippiens, Rom., H = Phil., n,
Weiss, Godet, fLipsius, Holtzmann, Zahn, Jiilicher, 17; Philad., vm = Phil., n, 3; Smyrn., iv = Phil., iv,
Ramsay) penchent vers la seconde maniere de voir. Us 18; t&.,xi=Phil.,in, 15; et surtout :ii.,n,3 = Phil.,in,
font remarquer qu'on ne peut expliquer sans un long 15, 16, « Etant parfaits, aspirez aussi aux choses par-
sejour a Rome les succes de la predication de Paul faites. » — L'epitre de Polycarpe aux meines Philip-
dans 1'e pretoire, i, 12, dans la maison de Cesar, iv, 22. piens, n, 1, est encore plus explicite: «Le glorieux Paul
II faut, de plus, un temps suffisant pour les deux qui, etant personnellementparmi vous, vous a enseigne
voyages, aller et retour/entre Rome et Philippes, indi- exactement.et surernent la parole de la verite; lequel
ques dans 1'Epitre; message de Rome a Philippes pour aussi etant absent vous a ecrit des lettres (ou une lettre)
annoncer la captivite de 1'Apotre, voyage dVpaphrodite que vous n'avez qu'a etudier pour etre edifies dans la
de Philippes a Rome, annonce de sa maladie en Mace- foi qui vous a ete donnee. » Or une de ces lettres est
donie, lettre au messager qui apprend a Epaphrodite certainement celle-ci, car le meme Polycarpe semble
et a Paul 1'inquietude des Philippiens au sujet de cette y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10; H =
maladie; toutes ces allees et venues, ces echanges de Phil., n,10; ix = Phil., n, 16; x = Phil., n,2,5;xii =
nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un Phil., m, 18. On rancontre des reminiscences sembla-
intervalte assez long. Qu'on ajoute a cela le fond de bles dans le Pasteur d'Hermas, dans les Testaments
tritesse, presque de decouragement, qui se detache de des douze patriarches, dans 1'epitre a Diognete, t. n,
la lettre, 1'absence de Luc et d'Aristarque, n. 20, en- col. 1168; dans Theophile d'Anlioche, cite par S. Je-
voyes sans doute en mission par 1'Apotre, 1'isolement rome, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxn, col. 1020, enfin
ou se trouve le prisonnier, 1'attente imminente de son dans la belle lettre des Eglises de Vienne et de Lyon,
proces, 1'incertitude de plus en plus grande sur Tissue Eusebe, H. E., v, 1, 2, t. xx, col. 433, ou se trouve
de, son appel a Cesar, la possibilile d'une condamna- reproduit le passage sur les abaissements du Christ, n, 6.
tion a mort, on trouvera la tous les indices d'une cap- II parait, d'apres les Philosopliumena, x, 11, t. xvi, 3,
tivite deja longue qui touche a sa fin. Aces arguments, col. 3426, que les Sethiens, se servaient de Phil., n,
Lightfoot repond qu'il n'y a pas de verset decisif, pas 6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des ecrits du Va-
meme, i, 12, en faveur d'une longue detention; que lentinien Theodote, Clement d'Alexandrie, Strom., ill,
les succes de Paul dans Rome, i, 13-17, peuvent avoir 4, t. vui, col. 1196, a conserve deux citations de 1'Epitre
eu lieu des Jes premiers mois de son arrivee dans la aux Philippiens, u, 7. Elle a sa place, avec toutes les au-
Ville eternelle, que 1'absence de salutations, de la part tres, dans les versions syriaque et latine et elle se trou-
de Luc et d'Aristarque ne prouve rien, les arguments a si- vait dans le recueil de Marcion. Mentionnee par le canon
lentio etant, par eux-memes, toujours tres precaires; de Muratori, voir CANON, t. n, col. 170, elle est attribute
que le ton general de la lettre est celui de la j.oie et de a saint Paul, a la fin du iie siecle, par saint Irenee, Cont.
la confiance, non celui de la tristesse et de 1'abatte- hser., iv, 18; v, 13, t. vn, col. 1026, 1158. Tertullien, De
ment; enfin, que les 1200 kilometres entre Rome et resur., 23; Cont. Marc., v,- 20; De prsescr., 26, t. 11,
Philippes, par la voie Egnatienne, peuvent etre par- col. 826,843, 522, 557; Clement d'Alexandrie, Psedag., I,
courus dans Pespace d'un mois. Farrar insiste, a son 524, t. viii, col. 312, 408; Strom, iv, 12, 13, 94, t. vm,
281 PHILIPPIENS (EPITRE A U X ) 282
col. 11%. Origene et Eusebe reconnaissent aussi son ori- trouve une opposition entre le Christ de 1'Epitre aux
gine paulinienne qui a ete adtnise par toute 1'antiquite. Philippiens et celui de la premiere Epitre aux Corin-
Les premiers doutes, a ce sujet, ne commencent qu'avec thiens, xv, 45. D'apres celle-ci, dit-il, saint Paul concoit
Schrader qui attaque 1'authenticite d'une partie de la le Christ dans sa preexistence, eomme un homme
presente Epitre, in, 1-iv, 9. En 1845, Baur et ses dis- celeste, avOpwrco? sTtoupavto?, alors que dans 1'autre
ciples la rejettent completement. Voici leurs griefs. Get Epitre, il en fait un etre purement divin, ev [xopcpfj 6eou
ecrit, disent-ils, est depourvu de toute originalite : uuccp'/wv, qui ne devient homme que parTlncarnation,
c'est une imitation des autres Epitres. On y trouve, de appartenant, par suite, a un ordre d etres plus eleve
plus, des idees semi-gnostiques, une doctrine sur la que I'humanite, meme celeste. — II suffit, pour lever
justification qui n'est pas celle de Paul, des anachro- la contradiction, de replacer, dans son contexte, le
nismes evidents comme 1'existence de 1'episcopat et du passage allegue de 1'Epitre aux Corinthiens, ou PApo-
diaconat, autant d'indices de 1'epoque reelle ou ce pas- tre parle, non de la preexistence du Christ, comme
tiche aurait ete compose, c'est-a-dire au second siecle, dans 1'Epitre aux Philippiens, mais du Christ apres
quand s'opere la reconciliation des deux partis en lutte sa resurrection, revetu du corps spirituel, incorrup-
dans 1'Eglise, partis symbolises ici par les deux diaco- tible et lumineux qu'est celui des justes qui ressus-
nesses, Evodie et Syntyque, iv, 2. Le nom de Clement citent. La doctrine christologique de cette ?Epitre n'est
dont la tradition faisait un ami de Pierre et que 1'au- pas davantage en opposition avec celle des autres Epi-
teur de 1'Epitre presente comme un collaborateur de tres pauliniennes. Seulement elle reproduit, sous une
Paul, n'est qu'un mythe destine a concourir a cette forme peut-etre plus philosophique, ce qu'avait ensei-
oeuvre de conciliation. gne 1'Epitre aux Galates, rv, 4 : « Or, quand le temps
Ces difficultes de Baur ne presentent guereplus qu'un est venu, Dieu a envoye son Fils, ne d'une femme; »
interet purement historique depuis les travaux de Lii- 1'Epitre aux Romains, vm, 3 : « Dieu a envoye son
nemann, Pauli ad Phil. Ep. contra Baurium defen- propre Fils dans une chair semblable a la chair du
dit, 1847; B. Bruckner, Ep. ad Phil. Paulo auctori peche;» la He Epitre aux Corinthiens, vm, 9: « Jesus-
vindicata contra JRaurium, 1848; Ernesti, dans les Stu- Christ, lui qui, etant riche, s'est fait pauvre a cause de
dien und Kriiiken, 1848, p. 858-924; Schenkel, Bibel- nous. »
lexicon, 1872, t, iv, p. 531. Cependant, apres plusieurs 2° La justification. — On a encore objecte que celui
annees, 1'Epitre aux Philippiens fut de nouveau coin- qui, dans les Epitres aux Galates et aux Romains, a si
battue par llitzig, 1870; Kneucker, 1881; Huisch, 1873; energiquement oppose entre elles la justification par
Hcekstra, 1875; Bindermann, 1885, et surtont par Dieu, Stxatoo-uv/i -r\ ex 9cou, et la justification par la foi,
Holsten qui reprit 1'attaque avec plus d'ardeur; aban- SixouoauvY) £7i\ TTJ TTi'aTei, n'a pu dire, comme le fait
donnant les arguments ruineux de son maitre, les rap- 1'Epitre aux Philippiens, HI, 6, que sa justice legale
prochements imaginaires avec le gnosticisme et les etait ajj.Ejj.7TTO?, « irreprochable. » Mais il est facile de
allusions aux legend.es du second siecle, il pretendit voir que 1'Apotre se place, en cet endroit, au point de
prouver que la langue et les doctrines de 1'Epitre aux vue juif, exterieur, charnel qu'il combat lui-meme. Ra-
Philippiens n'etaient pas celles des autres ecrits de contant son passe, il veut rappeler son zele pour le
1'Apotre. II dressa un catalogue tres minutieux des ex- judai'sme et montrer qu'il n'etait, sur ce point, inferieur
pressions propres a cette Epitre et les mit en regard a aucun de ses contemporains. II a done recherche avec
des locutions habituelles aux grandes Epitres de saint ardeur la justice legale, mais c'est pour en avoir expe-
Paul, Voir Lightfoot, dans le Speaker's Commentary rimente 1'impuissance qu'il 1'a plus tard rejetee avec
on Phil., p. 43. Onytrouve une quarantaine d'hapaxle- tant d'energie. Aussi, meme les auteurs qui tiennent en
gomena, mais cela ne prouve rien. On en compte plus defiance les Epitres aux Ephesiens et aux Colossiens
de cent dans 1'Epitre aux Romains et plus de deux cents (Jiilicher, Hilgenfeld, Pfleiderer, Lipsius, Holtzmann)
dans la premiere Epitre aux Corinthiens. « Toutes les sont unanimes a defendre celle-ci. L'authenticite de
raisons avancees dans ce dornaine centre 1'authenticite 1'Epitre aux Philippiens est done un resultat defini-
n'ont de valeur que pour celui quiTait de 1'apotre Paul, tivement acquis dans le domaine de la critique scien-
cet esprit le plus vivant et le plus mobile de tous ceux tifique. Voir Knowling, The witness of the Epistles,
que le monde a jamais vus, un homme d'habitude p. 63.
et de routine, qui devait ecrire chacune de ses lettres V. INTJ^GRITE. — L'expression TO XotTtbv, au reste,
comme toutes les autres, ne faire querepeter dans les qui ouvre le c, m de 1'oipitre, a donne lieu a divers
suivantes ce qu'il avait dit dans les precedentes, et le doutes sur 1'unite de 1'Epitre tout entiere. Clemen sou-
redire toujours de la meme maniere et dans les memes tient que Fepitre actuelle se compose de deux lettres
termes. Des que Ton a renonce a cette maniere de de 1'Apotre a 1'eglise de Philippes, la seconde compre-
voir, toutes les objections contre 1'authenticite de la nant n, 19-24; in, 2-iv, 3; iv, 8, 9. Seulement c'est
lettre aux Philippiens tombent d'elles-memes. » Schu- 1'editeur et non Paul lui-meme, qui aura fondu les
rer, dans la Litteratur Zeitung, 1877. D'ailleurs, la deux lettres en une seule. Die Einheit d. paulin.
terminologie paulinienne n'est pas absente de notre Briefe, 1894. Pour Spitta, Zur Geschichte und Lift,
Epitre. On y releve une vingtaine de mots exclu- d. Urchristenthums, 1893, 1'Epitre actuelle est inter-
sivement employes par saint Paul, tels que |3pa6etov, polee : il n'y verrait de la main de 1'Apotre que les
Soxtpi, 2v86i?i;, xsvouv, etc., etrangers aux autres passages suivants : i, 1-7, 12-14, 18-26; n, 17-29; iv,
livres du Nouveau Testament. De plus, nombre de 10-21, 23; tous les autres auraient ete ajoutes par une
tournures de phrases, de figures, de precedes de style, main etrangere. — Toutes ces hypotheses n'arrivent
certaines repetitions de mots rappellent les grandes pas a expliquer pourquoi saint Paul n'a pas encore
Epitres les plus authentiques. « Cette lettre, dit Schen- remercie les Philippiens de leur envoi d'argent, auquel
kel, dans Bib. Lexik., 1872, t. iv, p. 531, porte la ga- il a deja fait allusion, i, 5, 11; n, 30. La lettre ne
rantie de son authenticity dans son style et ses expres- doit done pas se terminer au ch. in. La locution TO
sions memes, dans la fraicheur du sentiment intime XOITTOV n'est pas, en soi, la conclusion obligee de toute
qui 1'a dictee, dans la serenite d'esprit et la tendresse lettre de Paul; elle lui sert assezsouvent de transition
de cffiur qui s'y expriment de la maniere la plus natu- pour passer d'un sujet a un autre; 1 Cor., vn, 29;
relle, et sans la moindre trace d'affectation. » Phil., iv, 8; I Thes., iv, 1; IIThes., in, 1. Voir Jacquier,
Quant aux divergences de doctrine, Holsten, dans Histoire des livres du N. T. t. i, p. 352, 1903; Light-
Jahrb. fur prot. Theol., t. i, p. 125; t. n, p. 58, 282, en foot, St. Paul's Epistle to the Philippians, 4e £dit., 1885,
allegue deux principales. 1° La christologie. — Holsten p. 69.
283 PHILIPPIENS (EPITRE AUX) 284
VI. OCCASION ET BUT DE L'EPITRE. — La lettre aux predication. A son exemple, et animes par la facon
Philippiens est, avant tout, une lettre de remereietnent. dont il supportait sa captivite, ses disciples et les autres
Si 1'Apotre reserve pour la fin sa dette de reconnais- Chretiens de Rome pr^chaient. Iln'y a pas jusqu'a la ja-
sance, c'est pour mieux marquer combien elle lui tient lousie de ses ennemis, sans doute les judaisants, qui n'ai-
a coeur. Quand on ecrit pour un objet determine, on dat au progres de 1'Evangile. Car cette Emulation aboutit,
peut le trailer soit en commencant, soit en finissant. a la fin, a etendre la connaissance du Christ. Aussi Paul
Comme il s'agissait, d'autre part, d'une affaire d'argent, s'en rejouit-il sincerement. Pour lui,le Christ est tout.
Paul aura prefer^ debuter par les nouvelles et les Que lui importe Favenir? II est sur que de toute facon
exhortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois, le Christ sera glorifie, soit par sa vie, soit par sa mort,
I, 5-11; ir, 30, dans le courant de la leltre, aux secours $. 19-21. II s en remet done au choix de Dieu. II attend
que les Philippiens lui avaient envoy es, n, 25; iv, 18, avec confiance Tissue de son proces, car, en toute hy-
coname on 1'a vu plus haut, col. 278. Epaphrodite pothese, il est sur d'y trouver son profit. En effet, s'il
s'acquitta de sa mission avec le plus grand devouement. est condamnej a mort, il sera reuni- au Christ; s'il
En meme temps qu'il remettait a 1'Apotre 1'offrande recouvre la liberte, il en profitera pour de nouvelles
des fideles, il lui donnait les nouvelles les plus conso- conquetes apostoliques. II croit pourtant que cette
lantes de 1'Eglise de Philippes. A part quelques rivali- seconde alternative est la plus probable, qu'il pourra
tes de peu d'importance, rien n'etait venu troubler la revoir les Philippiens, travailler a leur perfectionne-
paix. La persecution n'avait fait que montrer la patience ment et se procurer ainsi un surcroit d'honneur, au
des fideles. Les judaisants essayaient en vain de les jour de la Parousie, f . 21-26.
surprendre : 1'autorite de Paul etait la trop veneree b) Exhortation a I'union, a la concorde, a la fide-
pour qu'on put oser quelque chose centre lui. S'il y lite dans toute leur conduite, i, 27-n, 18. — Apres ces
avait des scandales de Chretiens relaches, c'etait assu- premiers epanchements d'amitie, 1'Apotre en vient au
rement en dehors de Philippes. L'etat de 1'Eglise etait seul reproche que meritat 1'Eglise de Philippes ou, plus
done des plus satisfaisants. L'Apotre dut en ressentir exactement, une portion minime de cette Eglise. II
une grande joie. Mais une nouvelle epreuve vintobscur- s'etait recemment passe une querelle d'amour-propre
cir cette eclaircie. Epaphrodite qui s'elait associe aux entre deux personnes de qualite, Evodie et Syntyque —
travaux de 1'Apotre captif tomba dangereusement malade peut-etre deux diaconesses — qui avait quelque temps
et faillit mourir, ir, 26. On 1'apprit a Philippes avec un trouble les esprits et divise les cceurs. Le cas avait ete
vif chagrin et Ton souhaita son retour. Epaphrodite desi- de peu d'importance. Aussi 1'Apotre n'y fait-il qu'une
rait lui-m£me revoir sa patrie pour calmer les inquie- legere allusion. II va droit a 1'obstacle de I'union fra-
tudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de ternelle : 1'egoi'sme qu'il faut combattre par 1'humilite
forces pour pouvoir se remettre en route, 1'Apotre vou- et le renoncement. II faut entrer dans 1'esprit d'abne-
lant faire cesser au plus tot les craintes de tous, s'em- gation dont le Christ nous a donne un exemple si
pressa de congedier le convalescent, lui remetlant, pour sublime. Lui qui jouissait d'un etat divin etqui eutpu,
les Philippiens, cette Epitre pleine de tendresse, ecrite par consequent, paraitre ici-bas dans une gloire egale
de la main de Timothee, n, 25, 28, lettre toute intime a celle de Dieu,il n'apasjugeopportun de s'approprier
d'un pere qui ecrit a sa familleponr la remercier d'une un tel honneur, mais, au contraire, il s'est depouille de
marque d'affection, lui donner de ses nouvelles, lui cet etat divin en entrant dans 1'etat de serviteur, vivant
adresser des exhortations et des conseils, lui faire espe- en tout a la maniere humaine et poussant meme
rer son prochain retour, n, 24. Telle est la situation Pabaissement jusqu'a mourir sur une croix. Mais plus
d'ou est sortie cette Epitre. il s'est abaisse, plus il a ete eleve, 11, 5-11. A cette ex-
VII, ANALYSE DE L'EPITRE. — Bien que 1'unite de hortation speciale a 1'abnegation volontaire, saint Paul
cette lettre vienne plutot de la logique des sentiments ajoute trois recommandations qui se rapportent a la
que de celle des idees, on peut cependant y trouver les fidelite chretienne en general, la premiere en vue du
trois grandes divisions des autres Epitres. salut des lecteurs eux-m£mes, $. 12, 13, la seconde,
1° Prologue, I, 1-11. — II renferme 1'adresse, Faction pour 1'edification du monde exterieur, f . 14,15; la troi-
de graces et les voeux de 1'Apotre pour sa chere com- sieme, en vue de leur Apotre, f . 17-18.
munaute de Philippes. L'adresse, #. 1-2, a ceci de spe- c) Nouvelles de Timothee et d'Epaphrodite, n, 19-
cial qu'elle mentionne les huo-xfmot et les Stdbtovoi 30. — Apres 1'exhortation d'autres nouvelles. Elles con-
comme les deux elements essentiels de 1'organisation cernentles deux compagnons d'oeuvrede saint Paul, qui
ecclesiastique a Philippes. L'action de graces, f . 3-8, sont actuellement avec lui : Timothee qui avait travaille
prend les tons les plus delicats, les plus affectueux avec lui a la fondation de leur eglise et qu'il se propose
pour exprimer aux Philippiens la joie que Pauleprouve de leur envoyer sous peu, puis Epaphrodite leur mes-
de leur zela pour la predication de 1'Evangile, depuis sager aupres de lui. II enverra Timothee des qu'il
le jour de leur conversion jusqu'a cette heure ou ils aura vu la tournure que prendra son proces, il espere
viennent depreter leur concours a i'oeuvre apostolique. le suivre sans retard, ^. 19-24. Quant a Epaphrodite, il
Aussi 1'Apotre demande-t-il a Dieu, 9-11, pour eux, les ne veut pas tarder un instant a le leur rendre. II ra-
dons surnaturels les plus excellents en charite, en conte la grave maladie qu'il a contractee a Rome, sa
science, en purete morale. convalescence inesperee, 1'accueil empresse qu'ils de-
2° Corps de I'Epitre, i, 12-rv, 9. — Les nouvelles y vront faire a un homme qui lui a ete si utile! j. 25-30.
alternent avec les exhortations. On ne peut done songer B) Partie morale, HI, 1-iv, 9. — Au dernier moment,
a un ordre methodique. Mais comme les nouvelles pre- Paul, qui peut-e"tre songeait a abreger sa lettre, revient
dominent au debut de la lettre et ses exhortations aux divers avis qu'il juge utiles aux Philippiens. II les
vers la fin, on la divise generalement en deux parts a met en garde: — a) Contre les judaisants qu'il traite avec
peu pres egales. — A) Partie historique, i, 12-u, 30. Elle la plus grande severite et une energie d'expressions
comprend divers morceaux.—a) Nouvelles personnelles, toute semitique, HI, 2-14. II montre, par son propre
i, 12-26. L'Apotre s'empresse de rassurer les Philippiens ; exemple, le cas qu'il faut faire de la justice legale : elle
sa situation presente tourne de plus en plus aux interels n'est que poussiere et ordure aupres de la vraie justice,
et au progres de 1'Evangile. Son arrivee a Rome a ete le qui est celle du Christ. — b) Contre les mautiais exem-
point de depart d'un redoublement de zele dans la pre- ples de Chretiens mondains et sensuels dont 1'Apotre
dication de 1'fivangile. La prison de Paul est, en un sens, parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pas de
plusfeconde que ne 1'avaitetesa libre activite. Ses chai- leur Eglise. Ces ennemis de la croix du Christ qui des-
nes, trainees au pretoire, sont a elles seules comme une honorent, par leur vie sensuelle, sans doute par 1'ivro-
285 PHILIPPIENS (EPITRE AUX) — PHILISTINS 286
gnerie, le nom chretien, etaient etrangers a la commu- Agar Beet, A commentary on St. Paul's Epistles to the
naute, 18, 19. — c) Contre les dissensions, iv, 29. Philippians, 1891; *R. A. Lipsius, Briefe an die Gala-
L'Apotre louche d'un mot le cas qu'il visait plus haut, ter, Romer, Philipper, dans le Handcommentar zum
d'une maniere generate, n, 2-11, celuides deux femmes, Neuen Testament, bearbeitet von Holtzmann, Lipsiusj
Evodie et Syntyque, qui, sans doute, avaient joue Schmiedel, von Soden, 2* edit., t. n, part. 2, Fribourg-
un role important dans la fondation de 1'Eglise de Phi- en-B., 1892. C. TOUSSAINT.
lippes.
3° Epilogue, iv, 10-23. — Saint Paul remercie, dans PHILISTIE, pays des Philistins. La Vulgate appelle
les termes les plus delicats, la generosite des Philip- exceptionnellement Philisthcea le territoire occupe par
piens. Suivent quel'ques salutations. II charge 1'assem- les Philistins, Is., xiv, 29, 31,comme elle appelleaussi
blee de saluer elle-meme tous ses membres et il la sa- quelquefois ses habitants Pal&stini, Gen., xxi, 33, etc.
lue de Ja part des collaborateurs qui 1'entourent ainsi Dans le passage d'lsai'e, saint Jerome a rendu par Phi-
que de la part des membres de 1'Eglise de Rome, sur- listhsea le nom hebreu PeleSef qui la et ailleurs, Ps. LX,
tout de ceux de la maison de 1'empereur. 10; LXXXIII, 8; LXXXVII, 4; cvni, 10, etc., designe pro-
. VIII. TEXTE. — Cette Epitre ne presente pas de dif- prement le pays des Philistins. Voir PHILISTINS, i.
ficultes speciales au point de vue du texte. Elle se
trouve dans les manuscrits suivants : N, A, B, C, D, F, PHILISTINS, peuple qui habitait le sud-ouest dela
G, K, L, P, 17, 31, 37, 47, 67, 80, 137, et dans les ver- Palestine (fig. 68).
sions latines, egyptiennes (copte, memphitique, sahi- I. NOM. — Les Philistins sont appeles en hebreu or-
dique), syriaque, armenienne, gothique, ethiopienne. dinairement Pelistim; quelquefois Pelistiyim; au sin-
Voir Weiss, Kritische Text Untersuchungen und Text gulier, Pelisti. Ces mots designent les habitants du
Herstellung, 1896. pays lui-meme, lequel est appele aussi Peleset. Les
IX. BIBLIOGKAPHIE. — S. Jean Chrysostome, In Phi- Septanle appellent les Philistins <5u),i(m£t'fji. (variante :
lipp. horn., t. LXII, col. 205-298; Theodore de Mop- $Oa<m£i'[A) dans le Pentateuque, Josue et 1'Ecclesias-
sueste, In Epist. B. Pauli commentaria, t. LXVI, tique, XLVi,18; XLVii,7; L,26; IMach., m, 24; 'AXXo'^uXot,
col. 922-926; Theodoret, Opera, t. LXXXII, col. 557-589; « etrangers, » dans les autres livres de 1'Ancien Testa-
Pseudo-Athanase, Synops., t. xxvm, col. 420; CEcume- ment. Us ne sont pa-s nommes dans le Nouveau. La
nius, t. cxvin, col. 1256-1325; Theophylacte, t. cxxiv, Vulgate les appelle Phllistseus, Philistiim, Philistini,
col. 1140-1204; S. Thomas d'Aquin, In omnes divi Palsestini. Les documents egyptiens, d'apres 1'opinion
Pauli Apostoli Epistolas commentaria; Estius, In la plus repandue parmi les egyptologues, les appellent
omnes Pauli Apostoli Epistolas commentarii. — Com-
mentateurs modernes: * Henry Alford, Greek Testa- ^j_ • i| &AJI, Ptirusati = Pulusati (les Egyptiens
ment, 1849-1861; *de Wette, Kurzgefasstes exegetisches transcrivaient la lettre I par un r, parce qu'ils ne dis-
Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848; *H. A. tinguaient pas les deux sons 1'un de 1'autre dans leur
Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch uber die langue et dans leur prononciation).
Briefe an die Philipper, 5e edit., 1886; J. Beelen, II. ORIGINE DES PHILISTINS. — Elle a ete longtemps
Commentarius in Epistolam ad Philippenses, in-4°, tres controversee et aujourd'hui encore on ne peut la
Lou vain, 1852; *C. J. Ellicott, A critical and gram- determiner avec une entiere certitude. L'Ecriture ne
matical Commentary on St. Pauls' Epistles to the Phi- 1'indique nulle part d'une maniere explicite, mais elle
lippians, 1888; *H. von Soden, Der Brief des Apostels les fait venir de Caphtor. Nous lisons dans le Deute-
Paulus an die Philipper, 1889;*J.-B. Lightfoot, St.Paul's ronome, n, 23 : « Les Heveens, qui habitaient dans des
Epistle to the Philippians, 12* edit., 1896; *B. Weiss, villages jusqu'a Gaza (c'est-a-dire dans le pays qui de-
Der Philipperbrief ausgesetzt, 1859; *A. Klopper, Der vint celui des Philistins) furent detruits par les Caph-
Brief des Apostels Paulus an die Philipper, 1893; *J. torim, qui, etant sortis de Gaphtor, s'6tablirent a leur
287 PHILISTINS • 288
place. » La Vulgate appelle les Caphtorim Cappadociens Les Septante et la Vulgate ont traduit le nom de
et Caphtor, la Cappadoce. Amos, ix, 6, met a son tour Caphtor par « Cappadoce ». Sur 1'identificalion du nom
dans la bouche de Dieu ces paroles; « N'ai-je pas fait hebreu, voir CAPHTORIM, t. n, col. 211. D'apres les ren-
venir les Philistins de Caphtor (Vulgate : Palsestinos de seignements fournis par les documents egyptiens, les
Cappadocia) ? » Jeremie, XLVI, 4, appelle aussi les Philistins, ou auvmoins une partie d'entre eux, durent
Philistins « les restes de 1'ile de Caphtor » (Vulgate : done venir de la cote meridionale de 1'Asie Mineure, en
Palsssthinos reliquias insulse Cappadocix). Mais TEcri- longeant les cotes de Syrie, peut-etre avec les Hetheens,
ture ne precise pas la situation de Caphtor. La table et s'etablir finalement dans la Sephela.
ethnographique, Gen., x, 13-14, nous apprend seule- Des savants modernes ont voulu identifier Caphtor
ment que les Caphtorim etaient des descendants de avec 1'ile de Crete et considerent les Philistins comme
Mesrai'm. Cf. I Par., i, 12. Le texte de la Genese, dans des Cretois d'origine. Us s'appuient principalement
sa forme actuelle, represente les Philistins comme issus sur le nom de Ceretheens donne a une tribu philis-
des Casluim et ne signale aucun rapport de pa- tine et a une partie des gardes du corps de David. Voir
rente directe entre eux et les Caphtorim : Chasluim, CERETHEENS, t. n, col. 441. De la distinction qu'etablit
de quibus egressi sunt Philisthiim et Caphtorim, plusieurs fois le texte sacre entre ]e Ceretheen et ]e
comme traduit la Vulgate. D'apres les autres textes Phelethien = Philistin, I Reg., xxx, 14; II Reg., viii,
scripturaires qui ont ete rapportes, il est tres vraisem- 18; xv, 18; xx, 3, 7, 23; III Reg., i, 38, 44; IV Reg.,
blable qu'il y a une transposition dans le f . 14 de xi, 19; I Par., xvm, 17, et du parallelisme ou de la
Gen., x, et que c'est apres le mot Caphtorim et non synonymic qu'etablissent entre les Ceretheens et les
avant, qu'il faut lire 1'incidente : « et d'ou sont sortis les Philistins, Sophonie, u, 5 (hebreu : go'i Keretim; Sep-
Philistins. » Quoi qu'il en soit, et de quelque maniere tante : Ttapotxot KpY)tSv, Vulgate : gens perditorum) et
qu'ou interorcte le passage de la table ethnographique, Ezechiel, xxv, 16 (hebreu: Keretim; Septante :
1'origine chamitique des Philistins n'en demeure pas Vulgate : interfectores), on doit conclure qu'il y avait
moins etablie par son temoignage. en effet des Philistins d'origine cretoise et des Phi-
Les documents egyptiens ont fourni de nouvelles lu- listins venus d'autres contrees. Les decouvertes de
mieres sur ce peuple. Le nom de Purusati donne par les M. Arthur J. Evans en Crete ont montre que cette ile
Egyptiens aux Philistins porte a croire que c'etait la leur etait un ancien foyer de civilisation tres avance. Evans,
nom national et qu'on ne doit pas en chercher 1'etymo- Cretan Pictograph and prae-Phoenician Script, in-8°,
logie, comme on 1'a fait souvent jusqu'a nos jours, dans Londres, 1895; Id., The Mycenaean Tree and Pillar
une racine semitique. La maniere dont ils sont represen- Enlt audits Mediterranean Relations, with illustrations
tes sur les monuments, leur costume, leur armure, leur from recent Cretan finds, in-4°, Londres, 1901; Id.,
type sont ceux que les documents egyptiens attribuent The prehistoric Tombs of Knossos, in-4°, Londres, 1906.
aux peuples de la cote meridionale de 1'Asie Mineure et La presence de diverses tribus philistines dans la Se-
des iles de la mer Egee. W. M. Miiller, Asien und Eu- phela s'explique facilernent par 1'arrivee successive dans
ropa, p. 342, 362. Les inscriptions egyptiennes appellent cette contree de divers emigrants qui se sont ensuite
la cote meridionale de 1'Asie Mineure Kefto et meme plus on moins unis ou fondus ensemble par suite de la
Kptdr, W. M. Miiller, Die Urheimath der Philistaer, communaute d'interets. Les Ceretheens semblent avoir
dans Stud, zur vorderas. Geschichte, 1900, p. 5; H. Sayce, habite 1'extremite meridionale de la Palestine. I Reg.
The higher Criticism and the verdict of the Monu- (Sam.), xxx, 14. Mais les details nous font defaut sur
ments, 2e edit., p. 13, et ce nc-m rappelle le Caphtor 1'histoire de ces diverses emigrations. .Nous savons ce-
biblique. De tout cela on peut conclure que les Pheni- pendant qu'une des invasions principales eut lieu sous
ciens n'etaient pas de race semitique, a 1'encontre de le regne du pharaon Ramses III. Les monuments
plusieurs savants, tels que Schwalley, Die Basse der (fig. 69) de ce roi nous les montrent emvnenant avec
Philistaer, dans la Zeitschrifl fur wissenschaftliche eux, sur des chars traines par des boeufs, leurs femmes
Theologie, 1891, p. 103-108. On a voulu, sans autre et leurs enfants. W. M. Miiller, Asien und Europa,
preuve qu'une coincidence fortuite, expliquer le nom p. 366.
des Philistins dans le sens d'cc emigrants », en le deri- On a essaye de faire des inductions sur 1'origine
vant de la racine wbs, pis, « emigrer, » qui existe des Philistins d'apres leur langage. Malheureusement
encore en ethiopien, mais cette etymologie suppose la langue que parlaient primitivement les Philistins
que c'est un nom qui leur a ete donne par les habi- ne nous est pas connue. On sait que le roi de Geth, du
tants du pays ou ils ont emigre et nous avons vu qu'il temps de David et de Salomon, s'appelait Achis (hebreu :
est probable que c'est au contraire leur nom primitif. 'Akis); les inscriptions assyriennes d'Asarhaddon et
II est vrai que les Septante, dans quelques'livres de d'Assurbanipal nommentun Ikausu, roi d'Accaron, qui
1'Ecriture, col. 286, ont traduit leur nom par dXXo^uXot, rappelle le nom d'Achis (cf. W. M. Muller, Die Urhei-
mais ce nom qu'on peut rendre par « etrangers » n'est math der Philister, dans Studien zur vorderasiati-
pas necessairement la traduction du mot « Philistins ». schen Geschichte, 1900, p. 9); un roi de Dor est nomme
289 PHILISTINS 290
Bidir dans le papyrus Golenischeff, ibid., p. 37. On d'etymologie satisfaisante. Les^ Septante [traduisent ce
peut supposer que le titre de seren (seranim) donne nom le plus souvent par a-arpaTrac, I Reg. (Sam.), v, 8,
dans 1'Ecriture aux chefs des cinq principales villes des 11; vi, 4,12, 16, 18; w, 1; xxix, % 6,1; et aaTpomiia,
Philistins est un mot de leur langage primitif. Mais ces Jos., xm, 3; Jud., in, 3; aussi par OC'PXOVTS?, Jud., xvi,
donnees sont trop maigres pour en tirer quelque con- 5, 8, 18, 23, 27, et par atpa-r^oc', I Par., xn, 19. La
clusion sur la nature de leur langue originelle. Apres Vulgate a reffuli, Jos,, JMJ, 3; satmp<&, Jud., ///, 3; r?r,
leur arrivee en Palestine, ils semblent avoir adopte 8; I Reg., v, 8,11; vi, 12,16; vn, 7; xxix, 2, 6, 7, prin-
assez vite le langage du pays; leurs noms dans 1'Ancien cipes, Jud., xvi, 5,18, 23. 27; I Par., xii,|19;prot)inci«,
Testament et dans les documents cuneiformes, sont I Reg., vi, 5, 18. Semnim designe done certainement
pour la plupart semitiques ou chananeens. le chef de chacune des cinq grandes villes philistines,
II. GEOGRAPHIE. — L'etendue du pays occupe par les Gaza, Azot, Ascalon, Geth et Accaron. Jos., xui, 3.
Philistins n'a pas ete la meme aux diverses epoques de Ces chefs avaient tout a la fois une autorite militaire
ieur histoire. Leur territoire, apres 1'occupation de la et civile. Ils avaient sous leurs ordres des sarim ou
Terre Promise par les Hebreux, embrassait surtout la commandants de troupes, I Reg. (Sam.), xvin, 30 (man-
plaine maritime de la Sephelah qui s'etendait d'Ascalon que dans les Septante; Vulgate : principes); xxix, 3
au nord jusqu'au desert de Gaza au sud et des posses- (<7aTpduau, aTpaTYjyo!; principes}, en temps de guerre. Les
sions de la tribu de Juda a Test a la mer Mediterranee textes parlent tantot « des armees », I Reg. (Sam.), xxm,
a 1'ouest. Jos., xm, 2-3; I Reg. (Sam.), vi, 12; Is., ix, 3; xxix, 1, et tantot « de 1'armee », xxvni, 1. Chacun des
12 (hebreu, 11). C'etait la Philistie propre. Les Grecs seranim avait sans doute ses troupes personnelles, cf.
employaient ce nom, dont nous avons fait Palestine, I Reg. (Sam.), xxvni, 1; xxix, 2, mais ils agissaient
-dans un sens imprecis et il s'etendit peu a peu jusqu'au toujours ensemble et d'un commun accord. Leurs forces
Jourdain. Reland, Palsestina, 1714, p. 38. Les Philis- etaient divisees par groupes de mille, subdivises en
tins, ma^gre les conquetes qu'ils firent a diverses centaines. I Reg. (Sam.), xxix, 2. G'est tantot le chef
epoques, demeurerent toujours eux-memes renfermes de Gaza, nomme le premier, Jos., xm, 3; Amos, i, 6-7,
dans leur territoire, qui comprenait cinq villes princi- tantot le chef d'Azot, tantot celui de Geth ou d'une autre
pales, leur servant de centre : Gaza, Azot, Ascalon, des cinq villes qui paralt avoir ete a la tete des Philis-
Geth et Accaron, I Reg. (Sam.), vi, 17; Jos., xm, 3; tins. I Reg. (Sam.), v, 1; vi, 17; I Par., xx. 6. Chaque
Jer., xxv, 20; Soph., n, 4-7, etc. (voir ces noms), et seren, gouvernait outre sa ville capitale, les depen-
•quelques autres bourgs ou villages fortifies ou non dances du voisinage. IPar.,xvm, 1; I Reg. (Sam.), v, 6|;
mures, Jabne ou Jamnia, II Par., xxvi, 6; Siceleg, Jos., xv, 45-47.
I Reg. (Sam.), xxvii, 5, et autres. Deut., n, 23; I Reg. On ne sait si la dignite des seranim etait hereditaire
(Sam.), vi, 18. ou elective et si le titre de roi, donne quelquefois aux
La plaine de la Sephelah est plate et unie, avec de le- chefs philistins, implique une fonction particuliere. Ce
geres ondulations; suffisamment arrosee, fertile et n'est pas probable. Aucun des rois nommes dans 1'Ecri-
presque partout cultivable. Voir SEPHELAH. La cote, de- ture ne regnait sur toutes les villes de la Philistie et
puis le Carmel jusqu'a Gaza, formee de dunes et de col- ceux qui sont nommes dans les documents cuneiformes
lines de sable peu elevees, ne possede pas de grands ports sont a la tete des villes ou nous savons qu'il y avait des
naturels. Les villes maritimes, Azot, Ascalon, Gaza, seranim. Jer., xxv, 20; Zach., ix, 5. La division du
avaient de petits ports (fjiatou^a?), mais peu stirs, et les pays en cinq districts, qu'on retrouve des le commen-
Philistins ne purent jamais rivaliser pour leur com- cement, peut avoir ete le resultat de la maniere dont
merce avec les Pheniciens. En revanche, la route qui les emigrants avaient fait la conquete du pays, peut-etre
longeait la mer avait une importance capitale pour les successivement. Leur politique semble avoir consiste
caravanes qui devaient passer a Gaza pour se rendre surtout, dans leurs rapporis avec les Israelites, non
en Egypte, ou en Phenicie, et pour remonter en Syrie, pas a s'emparer de leur territoire, mais ales empecher
en Babylonie et en Assyrie. Les conquerants egyptiens de former un tout compact dont ils auraient eu a re-
etaient obliges de suivre cette voie pour porter leurs douter la puissance. Des que Jes Israelites veulent
armes au nord et sur les bords de 1'Euphrate et du s'unifier sous Heli et Samuel, il les attaquent. I Reg.
Tigre; les rois de Ninive et de Babylone devaient faire (Sam.), vn, 7; de meme du temps de Saul, xm-xiv;
de m£me, en sens contraire, pour soumettre la vallee quand David ne regne que sur le sud de la Palestine,
du Nil. Les invasions egyptiennes dans 1'Asie anterieure ils le laissent en paix; des que les douze tribus se sou-
et les invasions babyloniennes en Egypte remontent a mettenta lui, ils lui font la guerre. II Reg., v, 17. Pour
une antiquite reculee. dominer plus surement les Israelites, au moment ou ils
III. ORGANISATION POLITIQUE. — 1° Gouvernement. — faisaient effort pour s'unir entre eux, les Philistins leur
Les Philistins etaient un peuple assez avance en civi- imposerent le desarmement et leur interdirent la fabri-
lisation. Ils avaient une organisation superieure a celle cation des armes, au co'mmencement du regne de Saul.
des tribus qui habitaient a leur arrivee la terre de I Reg. (Sam.), xm, 19-23. La superiorite de leur orga-
Chanaan, et leur superiorite militaire les mit en etat de nisation militaire les mettait d'ailleurs en etat d'imposer
s'etablir avec solidite sur le territoire dont ils s'empa- leur volonte a leurs voisins.
rerent. Voir W. M. Miiller, Asien und Europa, p. 364- 2° L'armee philistine. — Les Philistins se distin-
366. guaient par leur valeur guerriere. On comptait parmi
Les Philistins avaient cinq seranim ou chefs parti- eux des soldats redoutables, surtout par leur force
culiers. On peut supposer que c'etait parce qu'ils appar- exceptionnelle. Voir GOLIATH, t. in, col. 268. L'histoire
tenaient a cinq tribus differentes d'origine. Toutes ces de David, II Reg. (Sam.), xv, 18, 19, 22, et ce qui nous
tribus avaient sans doute des liens de parente et elles est raconte des Ceretheens et des Pheletiens (voir ces
avaient pu etre attirees, a la meme epoque ou a des mots), attestent qu'ils avaient le gout des armes et qu'ils
epoques differentes, par les besoins de 1'emigration, sur en faisaient metier. Ils etaient divises et groupes d'une
la cote occidentale de la Palestine. Les Pulusati etaient maniere reguliere, I Reg., xxix, 2, armes de 1'arc, xxxi,
peut-etre venus les premiers, les Geretheens ensuite. 3; I Par., x, 3, mais ce qui faisait surtout leur force
Cf. W. M. Miiller, Die Chronologic der Philisterein~ et mettait Israel dans 1'impossibilite de leur resister
wanderung, loc. tit,, p. 30-42. — Le nom general de se- en plaine, c'etaient leurs chars. I Reg. (Sam.), xin, 5;
ranim donne a leurs chefs leur est particulier et doit etre II Reg. (Sam.), i, 6; cf. Jud., i, 19. Leurs fantassins
un reste de leur langue primitive. II n'est jamais em- avaient des armes defensives comme des armes offen-
ploye qu'au pluriel. On n'en a pas encore decouvert sives, le bouclier, le casque, la cuirasse, 1'arc, la lanee,
DICT. DE LA BIBLE. V. - 10
291 PHILISTINS 292
la pique et l'e"pee large et courte (fig. 69). 1 Reg., xvu, lites en Palestine. — Nous ne savons rien de 1'histoire
5-7. Ils etaient aussi marins et 1'hisloire enregistre des Philistins avant leur arrivee en Palestine. Nous
quelques-unes de leurs campagnes navales. Des navires ignorons aussi 1'epoque de cette arrivee. Du temps
partis d'Ascalon, au commencement de leur sejour dans d'Abraham, il y avait deja des Philistins (Palsestini dans
la Sephelah, battirent les vaisseaux de Sidon et sacca- la Vulgate) dans la terre de Chanaan, Gen., xxi, 33, 34,
gerent la ville pendant les premieres annees du xne siecle mais ils paraissent avoir habite alors plus au sud que les
avant notre ere. Justin, XVIII, in, 5. Les monuments emigrants du meme nom qui s'etablirent plus tard
de Ramses III nous ont conserve la forme de leurs dans la Sephelah. Ils avaient a leur te"te un chef qui
navires (voir fig. 230, t. iv, col. 861) et aussi le souvenir portait le titre de roi, melek, et s'appelait Abimelech.
de leur defaite par ce pharaon qui les battit sur terre et II demeurait a Gerare, Gen., xxxvi, 1, au sud de Gaza.
sur mer avec leurs confederes. Soit que cette defaite eut Sur les rapports du roi de Gerare avec Abraham et
ralenti leur ardeur, soit surtout qu'ils trouvassent plus Isaac, voir ABIMELECH, 1.1, col. 53, 54, et GERABE, t. in,
de profit, avec moins de danger, a rester tranquilles dans col. 200. II faut observer que quelques savants ne
leur riche plaine, et a se contenter du commerce interieur croient pas qu'Abimelech fut un veritable Philistin; ils
ou cotier, ils semblent avoir renonce, d'ailleurs d'assez supposent que le titre de « roi des Philistins » lui est
bonne heure, aux expeditions aventureuses sur mer. atte-ibue, non pas parce qu'il etait de leur race, mais
3° Agriculture et commerce. — Les Philistins, tout parce qu'il habitait dans la contree qui recut plus tard
en s'exercant a la guerre, ne negligeaient pas 1'agri- le nom de Philistie. Quoi qu'il en soit, tout le monde
culture. Ils cultivaient le ble, dans leur riche plaine de admet que des Philistins etaient en possession de la
la Sephelah, qui 1'a toujoursproduitenabondance. Jud., Sephelah du temps de Moiise, etles Israelites, sur 1'ordre
xv, 5; cf. IV Reg., vm, 2. Ils s'adonnaient aussi sans de Dieu, eviterent de se rendre dans la Terre Promise,
doute au commerce, la situation de leur territoire, « par le chemin du pays des Philistins, » quoiqu'il fut
comme nous 1'avons vu col. 289, le rendait un lieu le plus court, parce qu'ils n'etaient pas capables de forcer
de passage pour les caravanes qui trafiquaient entre le passage et de lutter centre des hommes aguerris tels
1'Eypte et les pays asiatiques et ils devaient rnettre a que les habitants du pays. Exod., xni, 17. Les Caph-
profit cette circonstance si avantageuse. torim (Philistins) avaient deja chasse auparavant les
4° Religion. — En s'etablissant sur la cote occiden- Heveens de Gaza, a une epoque de date inconnue. Deut.,
tale de la Mediterranee, les Philistins y apporterent n, 23.
avec eux la religion de leurs peres. Le L'histoire anterieure du pays ne nous est connue que
culte de Dagon, Jud., xvr, 23; I Reg, tres imparfaitement et d'une maniere tout a fait frag-
(Sam.), v,2; I Par., x, 10; IMach.,x,84; mentaire, an moyen des rares renseignements epars
xi, 4; voir DAGON, t. 11, col. 1204, et dans les documents cuneiformes et hieroglyphiques.
celui de Beelzebub, IV Reg., i, 2, 3, 6, Depuis longtemps deja les plaines qui s'etendent sur
16; voir BEELZEBUB, t. i, col. 1547, leur le rivage occidental de la Mediterranee avaient ete te-
etait propre, comme celui de Derketo, moins des grands conflits qui avaient mis aux prises
connu par Diodorede Sicile,n,4 (fig. 70). 1'Afrique septentrionale avec 1'Asie occidentale.
70. — Derketo Mais selon la coutume de la plupart des Les lettres de Tell el-Amarna fournissent la preuve
Calcedoine anciens peuples, a leur culte national qu'anterieurementau xve siecle avant notre ere la civili-
grav6e du ils durent joindre dans la Sephelah le sation babylonienne et probablement sa domination
Musee1 du culte des dieux deja adores dans le s'etaient implantees sur la cote palestinienne et dans
Louvre. pays. Peut-etre Astoreth ou les Astartbes toute la Palestine. Sous la xvin6 dynastie egyptienne,
furent-elles du nombre des divinites le pays de Chanaan faisait partie de 1'empire pharao-
adoptees; peut-etre aussi veneraient-ils deja ces deesses, nique sous le nom de IJaru. Les noms des villes philis-
compagnes de leurs dieux, avant leur emigration. tines et de nombreuses villes palestiniennes reviennent
I Reg. (Sam.), xxxi, 10; Herodote, i, 105. Ils avaient constamment dans les lettres de Tell el-Amama, Gaza,
des temples consacres a Dagon et Ton y venerait sa Ascalon, Joppe, Lachis, Geth, Gazer, Ai'alon, Jerusalem,
statue, I Reg., v, 2-5; xxxi, 9-10; I Par., x, 10; I Mach., etc. Thothmes HI, Seti I«r, Ramses II, Menephtah
x, 83-84; on lui offrait des sacrifices zebaff.. Jud., xvi, avaient cherche a s'assurer la possession du pays
2-3. Des pretres, kohdnim, etaient voues a son culte. et entretenu des soldats a Gaza. Maspero, Histoire an-
I Reg. (Sam.), vi, 2. On lui demandait conseil dans cienne des peuples de I'Orient, 4e edit., 1884, p. 313;
les circonstances. difficiles. I Reg. (Sam.), \7i, 2. On H. Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 529, 581.
consultait aussi les devins (qosmim; Vulgate : divinl), Ramses II fit le siege d'Ascalon. II nous en a laisse la
qui paraissent avoir joui d'un grand credit, vi, 2. Leurs representation sur les murs du grand temple de Karnak,
'onenim (Vulgate : augures) etaient renommes. Is., voir t. i, fig. 286, col. 1061, et elle nous montre que les
n, 6. Les Philistins avaient une coutume religieuse Philistins n'y etaient pas encore etablis; du moins les
singuliere a Azot. A la suite de la chute de la statue de hommes que combat le pharaon ne ressemblent-ils en
Dagon, dans le temple fameux de cette ville, quand aucune facon a ceux que va nous faire connaitre
1'arche y avait ete deposee, ils ne marchaient pas sur Ramses III. — C'est du temps de ce derner roi qu'eut
le seuil de la porte, mais le franchissaient d'un bond. lieu la plus grande invasion philistine. Ramses III nous
I Reg. (Sam.), v, 4. Cf. Soph., i, 9. Ils emportaient a conserve sur les bas-reliefs de Medinet-Abou les
avec eux dans leurs guerres les statues de leurs dieux principaux episodes de la grande campagrie que les
('asabehem; Septante : 6soi; Vulgate : sculptilia sua). Pwhfsatield'autrespeuplesde la mer entreprirenl contre
II Reg. (Sam.), v, 21. Voir JDOLE, 20°, t. in, col. 821. 1'Egypte sous son regne. Le texte qui accompagne les
Ils attribuaient leurs victoires a la protection de leurs tableaux de la guerre est peu explicite et tres incom-
divinites et consacraient leurs trophees dans leurs plet, mais nous voyons par 1'ensemble que les ^confe-
temples. I Reg. (Sam.), v, 1-2; xxxi, 9. Ils ne prati- deres furent battus sur terre (fig. 71) et sur mer (voir
quaient pas la circoncision, ce qui les distinguait des col. 291), et il leur fit des prisonniers (fig. 72). Nean-
autres habitants de la Palestine et des Egyptiens, et moins pour se debarrasser d'eux, le roi d'Egypte leur
les faisail mepriser par les Israelites qui les appelaient fit des concessions et il accorda aux Pulusati la plaine
avec dedain « incirconcis ». Jud., xiv, 3; xv, 18; I Reg. de la Sephelah pour s'y etablir. Les nouveaux venus
(Sam.), xiv, 6; xvu, 26, 3&; xxxr, 4; II Reg. (Sam.), i, trouverent des Emigrants deja etablis dans le pays^
20. ils s'unirent a eux et apporterent aux anciens occu-
IV. HISTOIRE. — 1° Avant I'etablissement des Israe- pants un accroissement de .force considerable dont les
PHILISTINS 294
consequence ne tarderent pas a se faire sentir pour les le gouvernement d'Heli que les Philistins commencerent
Israelites. a attaquer, et de fafon redoutable, les Israelites dont
2° Histoire des Philistins depuis Vepoque de Josue ils furent des lors les ennemis acharnes pendant des
jusqu'au regne de Saul — Lorsque les douze tribus siecles. Ils avaient peu redoute les descendants de Jacob,
avaientconquis la Terre Promise, elles avaient du renon- tant que ceux-ci etaient restes divises en tribus separees
cer a s'emparer de la plaine des Philistins, n'etant ni et independantes, mais quand elles travaillerent a former
assez fortes ni assez bien armees pour en chasser les un seul peuple uni et fort, dont la cohesion devenait
possesseurs. Gette plaine faisait partie de leur heritage, un peril pour les habitants de la Sephelah, les Philistins
Jos., xv, 4, 45-47, mais au moment du partage du pays les combattirent avec acharnement. Ils remporterent
71. — Pulusati battus sur terre par le pharaon Ramses III. Bas-relief de Medinet-Abou.
D'apres Champollion, Monuments de I'figypte, pi. 120.
elle n'etait pas encore entre leurs mains. Jos., xm, 2-3; contre Israel d'eclatantes victoires a Aphec a la fin de la
Jud., in, 3. La tribu de Juda, a qui elle avait ete judicature d'Heli et s'emparerent de 1'arche sainte.
attribute, fit quelques tentatives pour s'y etablir, etrem- I Reg. (Sam.), iv, 1-11. Voir APHEC 3, t. i, col. 728';
porta quelques succes contre Gaza, Ascalon et Accaron, ARCHE D'ALLIA.NGE, 1.1, col. 920. Les chatiments divitis
Jud., i, 18, mais elle ne put s'y maintenir. Les Philis- obligerent les vainqueurs a renvoyer 1'arche a Israel.
tins, qui ne se sentaient pas sans doute encore assez I Reg. (Sam.), v-vi. Samuel ayant succede a Heli com me
forts a cette epoque, ne semblent d'ailleurs avoir rien juge d'Israel rassembla tout le peuple a Masphath. Les
fait en ce moment pour s'opposer a 1'etablissement des Philislins en prirent ombrage et marcherent de nouveau
Israelites dans la terre de Ghanaan. Ils eurent meme en arnaes contre eux, mais cette fois, ils furent battus a
d'abord des relations de bon voisinage, Jud., xiv, 1, 7,10, Eben-Ezer (La Pierre du Secours). Le succes des
11. Ce ne fut que lorsque 1'arrivee de nouveaux emigrants Israelites fut tel qu'ils recouvrerent les places qu'ils
du temps de Ramses HI eut augmente leur puissance, avaient perdues et que teurs ennemis les laissereat en
qu'ils se mirent a harceler les Hebreux. Jud., x, 6, 7, paix jusqu'a 1'avenement de Saul, vn, 5-13.
11. Samgar frappa six cents d'entre eux. Jud., in, 31. 3° Guerres des Philistins contre Saul. — L'election
Samson eut a lutter contre eux pendant toute sa vie. d'un roi qui reunit sous son pouvoir les douze tribus
Jud., xiv-xvi. Voir SAMSON. Mais ce fut surtout sous d'Israel etait propre a inspirer des inquietudes attx
295 296
Philistins pour leur independence. C'etait specialement la tribu de Juda et camperent a Ephes Dommim, entre
centre eux que la royaute avait ete etablie, viu, 20. Aussi Socho et Azeca. Saul, pour les arreter, se porta avec
lutterent-ils avec acharnement centre Saul pendant son armee dans la vallee du Terebinthe, a une vingtaine
toute sa vie et ne furent-ils satisfaits qu'apres avoir de kilometres au sud-ouest de Jerusalem. La le geant
aneanti sa puissance a Gelboe et 1'avoir reduit a se Goliath defia les Israelites. Le jeune David releva le
donner la mort. Pendant cette longue guerre 'qui dura defi, le tua. et entraina ainsi la defaite de toute Parmee
tout leregnede Saiil, c'est-a-dire pendant quaranteans, philistine, xvii. "Voir GOLIATH, t. in, col. 268. Les
il y eut des deux cotes alternatives de succes et de Israelites poursuivirent leurs ennemis jusqu'a Geth et
revers, mais, quoique Saiil eut fait de grands efforts pour a Accaron, mais ils les laisserent en paix dans leur
former une armee, les Philistins furent le plus souvent territoire, xvnr. David put se refugier chez Achis, le
vainqueurs. Saiil entreprit d'abord de les chasser des roi de Geth, pendant la persecution de Saiil et il y fut,
environs de sa ville natale, Gabaa, qui lui servait de ainsi qu'ensoite a Siceleg, a 1'abri des poursuites de
residence et ou ses ennemis s'etaient etablis, x, 5;xn, 9; son ennemi, xxi, 10-15; xxvu. La paix n'etait pas
xin, 3. Grace a la bravoure de Jonathas, fils aine de Saiil, cependant etablie entre Israel et la Philistie. II y avait
les Philistins furent battus a Gabaa, et Saiil appela aus- sans doute de temps en temps des incidents de fron-
sitot tout le peuple a prendre les armes centre les Phi- tiere et des escarmouches comme dans 1'episode de
listins, XIH, 2-4. Ces derniers ne perdirent pas de temps Ceilah, xxm, 1-5, mais ce ne fut qu'a la fin du regne
pour repondre a ces menaces. Avec trois mille chars de Saul que la guerre entre les deux peuples recom-
(nombre marque par une note de la Massore, quoique menca avec violence. Cette fois le theatre de la bataille
le texte porte trente mille, chitfre trop eleve, par erreur, fut le nord de la Palestine, a 1'extremite occidentale de
et en contradiction avec le chiffre suivant qui porte la plaine d'Esdrelon. Les Philistins avaient-ils ete
six mille cavaliers, c'est-a-dire six mille soldats montes attires en cet endroit par le desir de faire une razzia
sur des chars) et de nombreux fantassins, ils allerent fructueuse dans la riche plaine, comme autrefois les
camper a Machmas et remplirent de terreur les Madianites au temps de Gedeon, ou par 1'espoir d'y battre
Israelites qui coururent en foule se cacher dans les envi- plus facilement les ennemis en terrain plat avec le
rons et meme se refugier au dela du Jourdain. xin, 5- secours de leurs chars, ou pour couper en deux le terri-
7. Cependant les Philistins, apres qu'un de leurs avant- toire du royaume et en briser la force, on est reduit aux
postes eut e'te' battu par la vaillance de Jonathas et eut conjectures. Quoi qu'il en soit, Saiil avait cherche a se
porte la frayeur dans tout leur camp, furent defaits proteger centre eux en s'adossant au mont Gelboe,
depuis Machmas jusqu'a Aialon, xin, 16-xiv, 21. tandis que les Philistins campaient a Sunani, mais ce
Ce ne fut qu'au bout de plus de vingt ans que les fut en vain, la defaite d'Israel fut complete, Saiil et
Philistins purent reprendre I'offensive. Saiil, apres sa Jonathas perirent dans la bataille, les vainqueurs s'em-
victoire, avait aussi battu les Ainalecites, mais a cause parerent des villes qu'abandonnerent leurs habitants
de sa desobeissaace aux ordres de Dieu,' i] avait ete et penetrerent jusgu'au dela du Jourdain, xxvm, 1-
rejete et David avait ete sacre secretement a sa place. xxix, 1-2; xxxi, 1-10. Si les Philistins avaient voulu
Ce dernier evenement venait de s'accomplir, lorsque diviser les douze tribus pour briser leur force, ils
les Philistins rassenoblerent leurs troupes a Socho dans avaient pleinement reussi. Les luttes intestines qu'a-
297 PHILISTINS 298
mena Ja mort de Saul ne pouvaient que fortifier la } IV Reg., xvn, 4, mais ne 1'avait pas sauve. II fut battu
suprematie des Philistias. Us chercherent a Za maiate- etfait prisonmer a Raphia par Sargon, fe vainqueur de
nir en attaquant David sans retard. Samarie. Sargon deposa aussi Azuri, roi d'Azot, et le
4° Du regne de David a celui d'Achaz. — Des remplaca par son frere Ahimiti; mais quand Sargon
que David eut ete reconnu comme roi par les douze se fut eloigne, les habitants d'Azot chasserent Ahimiti
tribus et que 1'unite du royaume eut ete ainsi recon- et le remplacerent par Yamani. Le roi de Ninive
stitute, ils s'avancerent en armes dans la vallee de marcha en 711 contre les rebelles et "s'empara d'Azot,
Raphai'm au sud-ouest de Jerusalem et etablirent Is., xx, 1, de Geth, etc., deporta les habitants du pays,
meme un poste a Bethlehem. I Par., xi, 16. Les les remplaca par des colons qu'il fit venir de Test de
Israelites reunis pouvaient lutter avantageusement 1'Assyrie et les placa sous le gouvernement d'un Assy-
centre eux, et avec un chef comme David, ils battirent rien. Ce fut pour peu de temps. Sous le regne de
deux fois leurs ennemis a Raphai'm et, dans la seconde Sennacherib, Mitinti d'Azot figure parmi les tributaires
rencontre, les poursuivirent depuis Gabaa jusqu'a Ge- de Sennacherib. Ezechias, qui avait secoue le joug des
zer. II Reg. (Sam.), v v 17-25; I Par., xiv, 8-16. Assyriens, avait battu les Philistins, IV Reg., xvm, 8,
Sept ans plus tard environ, la situation des bellige- et les avait entraines en par tie dans sa revolte.
rants etait tellement changee que ce fut David qui prit Quand Sennacherib porta la guerre en Palestine,
1'offensive et s'empara de Geth. I Par., xvm, 1. La Sidqa d'Ascalon, 1'un des chefs philistins, fut defait par
puissance des Philistins etait desormais brisee. L'Ecri- ce roi et envoye captif en Assyrie; Sarludari, fils d'un
ture mentionne encore quatre combats centre les Phi- ancien roi d'Ascalon, fut mis sur le trone a sa place. Le
listins, qui eurent lieu vers la fin du regne de David ou roi d'Accaron, Padi, avait refuse de se revolter contre le
a des dates inconnues, II Reg. (Sam.), xxi, 15-22, mais roi de Ninive. Ses sujets 1'avaient saisi et envoye captif
ils furent sans grande importance et servirent surtout a Ezechias roi de Juda. Sennacherib obligea le roi de
a faire eclater la bravoure de quelques-uns des soldats Juda a le lui rendre etle retablit sur le trone. II sac-
d'Israel. cagea en meme temps plusieurs villes des Philistins.
Sous le regne de Salomon, les villes philistines, Depuis lors ces derniers semblent etre restes fideles
en conservant leur autonomie, III Reg., H, 39, lui aux Assyriens. Asarhaddon et Assurbanipal enumerent
payerent sans doute tribut, III Reg., iv, 21, 24; IIPar., parmi leurs tributaires Silbel de Gaza, Mitinti d'As-
ix, 26, mais le schisme des dix tribus leur permit de calon, Ikausu d'Accaron, Ahimilki d'Azot. Quand 1'Egypte
relever la tete. Roboam pour les arreter fortifia contre voulut secouer le joug de 1'Assyrie sous le regne de
eux Geth et les villes limitrophes de leur territoire. Tharaka, les Philistins resterent fideles aux Assyriens.
II Par., xi, 8. Ils reussirent a prendre Gebbethon et a Herodote, n, 157, raconte que le roi d'Egypte Psamme-
s'y etablir. Cette place commandait les defiles qui me- tique assiegea Azot pendant 29 ans. Cf. Jer., xxv, 20.
naient de la plaine de Saron a Samarie. Voir GEBBETHON, Le temple d'Ascalon, dedie a « Aphrodite Urania », dit
t. in, col. 142. Les rois d'Israel Nadab et Baasa firent Herodote, i, 105, fut pille par les Scythes.
done de longs efforts pour la leur reprendre. HI Reg., 6° Les Philistins tributaires des Chalde'ens et des
xv, 27; xvi, 15, 17. Du temps de Josapbat, roi de Perses. — Apres la chute de 1'empire assyrien, lorsque
Juda, quelques Philistins lui payaient encore tribut, Nechao II porta la guerre sur 1'Euphrate (608), il prit
II Par., xvn, 11, mais sous sonfils Joram, s'etant joints Gaza a son passage. Herodote, n, 159. Sa defaite a
a des pillards arabes, ils saccagerent le palais du roi, Carchamis ne tarda pas a amener Nabuchodonosor en
xxi, 16-17. Du temps de Joas, Hazael, roi de Damas, Egypte et il semble n'avoir rencontre aucune resistance
prit la ville de Geth. IV Reg., xn, 17. Les Philistins dans le pays des Philistins, fort maltraite pendant toutes
parvinrent sans doute a la reprendre apres son depart, ces guerres. Soph., n, 4-7; Jer., xvn, 1-7; Ezech., xxv,
car Ozias, en leur faisant la guerre, detruisit les murs 15-17. Nabonide fit lever des tributs jusqu'a Gaza pour
de cette ville avec ceux de Jamnia et d'Azot. II Par., la construction du grand temple de Sin a Harran. Keil-
xxvi, 6. Cf. Amos, vi, 2. La haine des habitants de la inschriftliche Bibliothek, t. in, 2, p. 98.
Sephelah contre les Israelites s'en augmentait toujours. Lorsque Babylone fut tombee au pouvoir des Perses
Nous apprenons par les prophetes, Joel, in, 4-6; et que Cambyse marcha contre 1'Egypte, Gaza fut la
Amos, i, 6-10, que, unis aux Idumeens et aux Pheni- seule ville philistine qui s'opposa a son passage.
ciens, ils avaient fait la traite des esclaves et vendu les Polybe, xvi, 40. Quand Darius organisa son empire, les
Juifs dont ils s'etaient empares. Pendant le regne Philistins, avec la Palestine, firent partie de la cin-
d'Achaz, ils mirent a profit les embarras que les Idu- quieme satrapie. Herodote, m, 91. Ils fournirent leur
meens et les Syriens causaient a ce roi pour s'emparer contingent a la flotte de Xerxes. Herodote, vii, 89.
des villes de Juda qui etaientdans leur voisinage. IIPar., Pendant quelque temps, Ascalon parait avoir ete sou-
xxvm, 18. Cf. Is., ix, 11. Mais le moment approchait mise a Tyr, du moins, Scylax, dans son Pe'riple,
ou les habitants de la Sephelah allaient avoir affaire a 1'appelle « une ville tyrienne. » Geographi min., edit.
des ennemis plus redoutables que Juda, aux Assyrians, Didot, t. i, p. 79. Gaza jouit alors d'une grande pros-
selon la prophetic d'lsai'e, xiv, 28-31. Ils avaient eu perite. Herodote, m, 15. On ne sait rien de precis sur
deja a soufl'rir de leur part lors de leurs premieres les villes philistines pendant les dernieres annees de la
invasions contre le royaume du nord de la Palestine. monarchic perse. Mais lelivre deNehemie, IIEsd.,xm,
5° Les Philistins aux prises avec les Assyriens. — 23-24, nous apprend que, de son temps, la cornmu-
Le pays des Philistins avait ete soumis au tribut par naute de malheurs ayanl attenue sans doute la haine
les rois d'Assyrie en meme temps qu'Israel et 1'Idumee qui divisait Philistins et Israelites, plusieurs Juifs
par Rammannirar III. Teglathphalasar HI comptait, avaient epouse des femmes philistines, originaires
vers 734, parmi ses vassaux, Mitinti d'Ascalon et d'Azot, qui avaient appris a leurs enfants a parler la
Hanon de Gaza, qui avaient pris part avec Rasin de langue de cette ville, de sorte qu'ils ne connaissaient
Damas et Phacee d'Israel a la revolte contre Ninive meme pas la langue juive.
(734-732). Rukipti succeda a son pere Mitinli comme roi 7° Les Philistins a I'epoque des Lagides et des Se-
d'Ascalon et fit sans doute sa soumission au roi d'Assy- leucides. — Sous Alexandre le Grand et ses successeurs,
rie. A 1'approche des Assyriens, Hanon de Gaza s'en- la Philistie soutint de frequentes guerres. Alexandre
fuit en Egypte, el sa capitale fut prise et pillee. Apres assiegea Gaza, qui lui refusait le passage, quand il se
le depart des vainqueurs, il y revint, et en 720 nous le rendait de Tyr en Egypte, et la traita durement (332).
trouvons parmi les allies de So ou Seve, le Schabak Diodore de Sicile, XVII, XLYIII, 7; Arrien, n, 265;
egyptien, qui avait promis son appui a Osee d'Israel, Q. Curce, iv, 67. — Apres sa mort, la Syrie echut a
299 PHILISTINS — PHILON 300
Laomedon. En 320, Ptolemee Ier s'empara de Gaza et bere. Josephe, Ant. jud., XVII, xi, 4-5; XVIII, n, 2;
de Joppe. Antigone les prit en 315. Ptoleftiee les reprit vi, 3; Bell, jud., II, vi, 3; ix, 1; E. Schurer, Gesch,
en 315, Diodore de Sicile, xix, 80, mais il en fut chasse des jud. Volkes im Zeitalt. J. C., 3« edit., t. n, 1898,
1'automne suivant par Demetrius et Antigone. Diodore, p. 78. — Pendant toutes ces revolutions, Ascalon conserva
xix, 93. Ptolemee fit une nouvelle tentative en 302 et ses franchises, conquises en 104 avant J. C. — 4. En 66
elle fut en partie couronnee de succes. La Philistie de notre ere, au commencement de la revolte des Juifs
resta a ses successeurs. Antiochus le Grand, en 219, centre Rome, les Juifs de Cesaree furent egorges par
entreprit de la reprendre. II s'empara de Gaza et c'est les autres habitants de la ville, avec la connivence du
dans cette ville, en 218, qu'il prepara 1'invasion de procurateur Gessius Florus. Des massacres eurent lieu
1'Egypte. Une grande bataille fut livree a Raphia en 217, aussi a Ascalon. Josephe, Bel?., jud., II, xvm, 5. Les
le roi de Syrie fut battu et Ptolemee recouvra les villes Juifs revoltes brulerent de leur cote Ascalon, detruisirent
philistines. Polybe, v, 82-86. Un nouvel effort d'An- Anthedon et Gaza. Bell, jud., II, xvm, 1. Cestius Gallus
tiochus en 201 le rendit maitre de Gaza, les Egyptians prit Joppe et en massacra la population juive, mais les
furent baltus a Phaneion en 200 et toute la Syrie Juifs la reprirent et s'y tinrent jusqu'a ce qu'elle fut
tomba ainsi au pouvoir des Seleucides. detruite par Vespasien. Bell, jud., II, XVIH, 10; xx, 4;
La domination des successeurs d'Alexandre contribua III, ix, 2. Ainsi s'etait accomplie peu & peu la ruine de
beaucoup a la diffusion de la civilisation grecque en la Philistie. Cf. Zach., x, 5-7. Le nom des Philistins
Philistie. .Deja auparavant, sous les rois perses, les n'apparait plus dans le Nouveau Testament.
rapports commerciaux des Philistins avec les Grecs V. BIBLIOGRAPHIE. — Frisch, De origine, diis et terra
avaient introduit dans les villes philistines des mon- PalsBStinorum, Tubingue, 1696; Wolf, Apparatus
naies du type athenien. E. Schurer, Geschichte des jud. Philistaeorum bellicorum, Wittenberg, 1711; F. Hitzig,
Volkes im Zeitalt. J. C., 3<> edit., t. n, 1898, p. 84; Urgeschichte und Mythologie der Philistaer, Leipzig,
E. Babelon, Les Perses Achemenides, 1893, p. LV-LXIV, 1845; Bertheau, Zur Geschichte der Isrealiten, Gcet-
47-52, pi. vin. Sous les Seleucides, on se mit a parler tingue, 1842, p. 186-200, 280-285, 306-308; G. Bour, Der
grec, on donna aux dieux les noms des dieux grecs, Prophet Amos, Giessen, 1847, p. 76-94; Knobel, Die
on imita les institutions grecques. Antiochus Epiphane, Volkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 215-225; Fr.
qui cherchaa helleniser les Juifs, ne duteprouveraucune W. Schultz, dans Herzog, Real-Encyklopadie, 2e edit.,
difficulte a etablir les moeurs grecques dans la Sephelah. t. xi, 1883, p. 618-636; Kneucker, dans Schenkel, Bibel-
8° Histoire des Philistins a I'epoque des Machabees. Lexicon, t. iv, 1872, p. 541-559; Ritter, Erdkunde, t. xvn,
Leur assujettissement par les Remains. — 1. Du temps Berlin, 1852, p. 168-192; Stark, Gaza und die philis-
des Machabees, les Syriens eurent d'ordinaire les Phi- tdische Kuste, lena, 1852; Hanneker, Die Philistaea,
listins comme auxiliaires dans leur lutte centre les Eichstadt, 1872; V. Guerin, Judee, t. n, 1869, p. 45-51;
Juifs; ils en avaient dans leurs armees, ils partaient Schwally, Die Rasse der Philistaer, dans Hilgenfeld,
souvent de la Sephelah pour attaquer les fils de Matha- Zeitschrift fur wissenschaftliche Theologie, t. xxxiv,
tias; les Philistins achetaient comme esclaves les pri- 1890, p. 103, 265; W. M. Miiller, Asien und Europa
sonniers juifs. I Mach., in, 41. Les Hasmoneens eurent nach altdgyptischen Denkmalern, 1893, p. 386-390.
ainsi souvent a les combattre. Judas Machabee prit F. VIGOUROUX.
Azot et la pilla. I Mach., v, 68. Bacchide fut oblige, pour PHJLOLOGUE (grec: 4>d6Xoyoi;), Chretien deRome,
eviter ces incursions, de fortifier Ernmaiis, Bethoron, salue par saint Paul. Rom., xvi, 15. Ce nom etait
Thamnatha, Pharathon,Gezer.I Mach., ix, 50-52. Jona- commun parmi les esclaves et les affranchis de la
thas, ayant pris le parti d'Alexandre Balas centre De- maison imperiale. Corpus inscript. lat., t. vi, 4116;
metrius, essaya en 147 de s'emparer de Joppe, mais sans Pape, Worierbuch der griechischen Eigennamen,
succes; il battit cependant Apollonius pres d'Azot et 3e edit., t. ii, col. 1626. Origene suppose qu'il pouvait
brula le temple de Dagon. I Mach., x, 75-85; cf. xi, 4. etre le mari de Julie, nommee avec lui. Voir JULIE,
Ascalon lui ouvrit ses portes. I Mach., x, 86. II recut t. m, col. 1866. Le pseudo-Dorothee. De septuaginta
en .don Accaron d'Alexandre Balas. I Mach., x, 89. Plus discip., 41, Patr. Gr., t. xni, col. 1063, dit qu'il etait
tard, Jonathas soumit Ascalon et obligea Gaza a traiter un des soixante-dix disciples et que saint Andre le fit
avec lui (145-143). I Mach., xi, 60-62. Simon Machabee eveque de Sinope dans le Pont. Cf. Pseudo-Hippolyte,
prit a son tour Joppe et y etablit ensuite des Juifs. De septuaginta Apostolis, 41, t. x, col. 955, qui repete
ainsi qu'a Gaza. I Mach., xn, 33; xir, 11, 43-48. les memes choses. On celebre sa fete le 4 novembre.
Jean Hyrcan semble avoir perdu ces villes qui lui Voir Acta sanctorum, novembris t, n, 1894, p. 222-224.
furent enlevees par Antiochus Sidetes, mais ce dernier
dut les lui rendre a cause de 1'intervention de Borne. PHILOMIiTOR, « aimant sa mere, » surnom donne
Alexandre Jannee se rendit maitre de Raphia, d'Anthe- par antiphrase a Ptolemee VI, roi d'Egypte, qui detes-
don et de Gaza. Josephe, Ant. jud., XIII, xni, 3; Bel. tait sa mere. II Mach., iv, 21; ix, 29; x, 13. Voir PTO-
jud., I, iv, 2. — 2. Pompee rendit leur autonomie aux LEMEE VI.
villes philistines, mais il les incorpora dans la province
de Syrie (63 avant J. C.). Josephe, Bell, jud., I, vn, 7. PHILON, ecrivain juif, contemporain de Jesus-
Gabinius (57-55 avant J. C.) rebatit les villes detruites ou Christ.
maltraitees par les Juifs. Josephe, Ant. jud., XIII, xiv, I. SA VIE. — On n'a que fort peu de renseignements
53; Bell, jud., I, vm, 4. Cesar rendit Joppe aux Juifs. sur la vie de Philon. D'apres Josephe, Ant. jud., XVIII,
Ant. jud., XIV, x, 6. Antoine donna a Cleopatre toute la vm, 1; cf. Eusebe, H. E., n, 4, t. xx, col. 148, il appar-
cote de la Mediterranee depuis I'tgypte jusqu'au fleuve tenait a une famille distinguee; son frere Alexandre (ou
Eleuthere, a 1'exception de Tyr et de Sidon (36 avant plutot le fils de son frere, Ewald, Geschichte dies Volkes
J. C.). Plutarque, Anton., 36; Josephe, Bell, jud., I, Israels, 3e edit., Gcettingue, 1868, t. vi, p. 259) exercait
xvm, 5. Auguste (30 avant J. C.) donna a Herode Gaza, en Egypte les fonctions d'alabarque, probablement de
Anthedon, Joppe et la tour de Straton dont Herode fit fermier general des impots sur la rive droite du Nil,
Gesaree. — 3. Quand le royaume d'Herode fut divise, Gaza fonctions qui furent plusieurs fois confiees a de riches
fut sous la dependance directe du gouverneur de Syrie; il Juifs. Saint Jerome, De vir. ill., 11, t. xxin, col. 625, dit
en fut de meme pour Joppe et Gesaree a la deposition que Philon etait de famille sacerdotale; mais cette indi-
d'Archelaus (6 de notre ere). Azot et Jamnia furent don- cation ne trouve sa confirmation chez aucun historien,
nees a Salome; leurs revenus, apres la mort de Salome, pas mfime chez Eusebe, et les ecrits de Philon ne font
furent attribues a 1'imperatrice Livie et plus tard a Ti- aucune allusion a ce point, Ils sont d'ailleurs tres sobres
301 PHILON 302
de details concernant leur auteur. Cclui-ci y mentionne meure, sur Gen., iv, 16-25, t. i, p. 226-261. — 6. Des
settlement ses frequentes retraites dans le desert pour y geants, sur Gen., vi, 1-4, t. i, p. 272-299. — l.De Vagri-
jouir de la contemplation, sans un grand resultat, Leg. culture, sur Gen., ix, 20, 1.1, p. 300-328, avec un second
allegor., n, 21, edit. Mangey, t. I, p. 81; la part qu'il livre intitule: De la plantation de Noe, sur Gen., ix, 20,
prenait aux festins des fetes, Leg. allegor., in, 53, t. i, t.i, p. 329-356. — 8. De I'ivresse, sur Gen., ix, 21, t. i,
p. 118; le soin avec lequel il s'adonnait a la philosophic, p. 357-391. Eusebe et saint Je'rome indiquent deux
De special, leg., n, 1, t. n, p. 299, et son voyage pour les livres ; il n'en reste qu'un, probablement le premier. —
fe"tes a Jerusalem. Fragm. de Provident., t. n, p. 646. 9. De la sobriete, sur Gen., ix, 24-27, t. i, p. 392-403,
Le seul evenement historique auquel ait ete mele Philon intitule dans Eusebe et saint Jerome: De ce qu'un esprit
est 1'ambassade a Caligula, en 1'an 40 apres J.-C. On sait sobre souhaite et maudit. — 10. De la confusion des
que quand Caligula se mit en tete de se faire rendre langues, sur Gen., xi, 1-9, t. i, p. 404-435. — 11. Dela
partout les honneurs divins, et m6me d'installer sa sta- migration d'Abraham, sur Gen., xii, 1-6, t. i, p. 436-
tue dans le Temple de Jerusalem, les Juifs s'abstinrent 472. — 12. De Vheritier des chases divines, sur Gen.,
partout de participer a ce culte. Malmenes a cette occa- xv, 2-18, t. i, p. 473-518. — 13. De I'union a contracter
sion par leurs concitoyens greco-egyptiens, les Juifs pour s'instruire, sur Gen., xvi, 1-6, t. i, p. 519-545. —
d'Alexandrie envoyerent a Rome une deputation a la 14. Des exiles, sur Gen., xvi, 6-14, t. i, p. 546-577.
tete de laquelle fut place Philon; une deputation con- Saint Ambroise utilise ce traite dans son De fuga sse-
traire 'suivit la premiere, sous la conduite d'Apion, culi, t. xiv, col. 569-596. — 15. Du changement de noms,
ennemi declare des Juifs, Philon et ses collegues trou- sur Gen., xvn, 1-22, t. i, p. 578-619. — 16. Des songe's,
verent 1'empereur a Pouzzoles et ne purent 1'aborder. sur Gen., xxvm, 12; xxxi, 11, et xxxvii, 40, 41, t. I,
A Rome, ils furent recus par Caligula dans la maison p. 620-699. Eusebe el saint Jerome indiquent cinq livres
de Mecenes, eurent a y subir toutes sortes d'affronts et sur ce sujet; il y en aurait done trois de perdus et
finalement se virent congedier sans avoir rien obtenu. ceux qui restent sont probablement le Hroisieme et le
Peu de temps apres, 1'assassinat de 1'empereur resolut quatrierne.
la difficulte. Philon a fait lui-meme le recit de son III. EXPOSITION DE LA LEGISLATION MOSA1QUE.*—1. De
ambassade, De legat. ad Caium, t. n, p. 545-600. Cf. la creation du monde, t. i, p. 1-42, comme base natu-
Reurlier, Le culte imperial, Paris, 1891, p. 264-271. Au relle de toute la legislation. — 2. Sur Abraham, t. n,
debut de cet ecrit, Philon dit de lui-meme qu'il etait 1-40, la vie des patriarches montrant en action la loi
alors un vieillard, yspwy. On en conclut que sa nais- non ecrite. — 3. Sur Joseph, t. n, p. 41-79. Philon
sance remontait a une vingtaine d'annees avant Jesus- avait ecrit sur Isaac et Jacob des livres qui sont perdus
Christ. D'apres Eusebe, H. E., n, 17, t. xx, col. 173, et auxquels il fait allusion au debut du traite sur Joseph.
que saint Jerome reproduit dans sa notice, t. xxm, — 4. Du decalogue, t. n, p. 180-209. —. 5. Des lois spe-
col. 627, Philon se serait rendu une seconde fois a ciales, en quatre livres comprenant plusieurs traites :
Rome, sous Claude, et y aurait connu saint Pierre; a I. De la circoncision, t. n, p. 210-212; De lamonarchie,
Alexandrie, il aurait ete en rapport [avec les Chretiens en deux livres, traitant de 1'unite de Dieu, t. u, p. 213-
de saint Marc. Ces derniers renseignements sont re- 232; Des honoraires des pretres, t. n, p. 232-237; Des
gardes comme sujets a caution. On ignore la date de la viclimes, t. n, p. 237-250; De ceux qui offrent les vic-
mort de Philon, A la lecture de ses ecrits, on voit que times, t. H, p. 251-264. — II. Sur les troisieme, qua-
Philon n'avait rien de 1'etroitesse du pharisien, attache tricme et cinquieme preceptes, t. n, p. 270-277, et
principalement a la lettre de la Loi. II etait au contraire specialement Du septennaire, t. n, p. 277-298. Le traite
homme de mysticisme et de culte interieur. Cf. De che- Des devoirs envers les parents manque. La plus grande
rub., 27. t. i, p. 155, 156; De plantat., 30, t. I, p. 348; partie en a ete editee par Mai', De cophini festo et de
Desomn., T, 42, t. i, p. 657. II avait un sentiment tres colendis parentibus, Milan, 1818; tout le texte 1'a ete
eleve de piete et d'obeissance envers Dieu et il profes- par Tischendorf, Philonea, Leipzig, 1868, p. 1-83. —
sait que delaisser son service, c'etait renoncer au III. Sur les sixi'eme et septieme preceptes, t. n, p. 299-
bonheur. Cf. Ritter, Philo und die Halacha, Leipzig, 334. — IV. Sur les trois derniers preceptes, t. n,
1879. p. 335-358, et De la justice, t. n, p. 358-374. — 6. Des
II. SES ECRITS. — Philon a laisse de nombreux ecrits, trois vertus, De la force, t. n, p. 375-383; De la cha-
dont quelques-uns se sont perdus. Eusebe, H. E., n, rite, t. ir, p. 383-405; De la penitence, t. n, p. 405-
18, t. xx, col. 183, et saint Jerome, De vir. ill., 11, 407; il faut y joindre le morceau Sur la"-noblesse, dont
t. xxm, col. 628, donnent le catalogue de ceux qu'ils la source est la vertu, non la naissance, t. n, p. 437-444.
connaissaient. On peut les classer comme il suit : Les vertus se rapportent au decalogue parce qu'elles
i. QUESTIONS ET SOLUTIONS. — Dans le projet de aident a en accomplir les preceptes. — 7. Des recom-
Philon, elles devaient porter sur tout le Pentateuque. penses et des peines, t. n, p. 408-428, et Des execra-
Eusebe ne connait que ce qui concerne la Genese et tions, t. ii, p. 429-437, formant un seul traite.
1'Exode. Une version armenienne a conserve la plus iv. ECRITS SPECIAUX. — 1. Vie de Moise, en trois
grande partie des questions sur la Genese et 1'Exode; livres, t. n, p. 80-133, 134-144, 145-179. Eusebe ne cite
une ancienne version latine, ignoree des premiers edi- pas cet ecrit, mais settlement un traite Sur le taber-
teurs du texte grec de Philon, reproduit les questions nacle, qui n'en estqu'une partie. — 2. Que tout homme
sur la Genese; en grec, on ne possede qu'un tres grand de bien est libre, t. n, p. 445-470. — 3. Contre Flaccus,
nombre de fragments epars dans les Peres, les Chaines t. n, p. 517-544, et De 1'ambassade d Cams, t. n, p. 545-
et les anciens recueils de commentaires. 600, deux livres qui se rapportent aux persecutions
//. COMMENTAIRES ALLEGORIQUES SUR LA GENESE. — auxquelles furent en butte les Juifs d'Alexandrie, sur-
Us se composent de differents traites : 1° Allegories des tout sous Caligula. — 4. De la Providence, seulement
lois, trois livressur Gen., n, 1-17; n, 18-m 1; ill, 8-19, en armenien et traduit en latin par Aucher, Philonis
edit. Mangey, t. i, p. 43-137. — 2. Des cherubihs et du Judsei sermones tres, Venise, 1822, p. 1-121. — 5. Sur
glaive de ftamme, sur Gen., in, 24; iv, 1, t. i, p. 138- Alexandre et que les animaux ont une raison a eux,
162. — 3. Des sacrifices d'Abel et de Cain, sur Gen.,iv, egalement en armenien, cf. Aucher, p. 123-172. —
2-4, t. i, p. 163-190. Saint Ambroise s'est beaucoup servi 6. Hypothetiques, apologie des Juifs, qu'on a tout lieu
de ce traite dans son De Cain et Abel, t. xiv, col. 315- de croire identique au traite suivant. — 7. Sur les Juifs,
360. — 4. Que le pire cherche a nuire au mieux, sur ou apologie des Juifs. On n'en a que des fragments dans
Gen., iv, 8-15, t. i, p. 191-225. — 5. De la posterite de Eusebe, Pr&par. evang., vin, 6, 7, t. xxi, col. 606-614.
Cain qui se croit sage et de son changement de de- — 8. De la vie contemplative, t. n, p. 471-486. C'est
303 PHILON 304
une description de la vie des therapeutes, qui avaient dirige sa pensee. II connalt et cite les grands poetes,
transporte 1'essenisme aux environs d'Alexandrie. Eusebe Homere, Euripide et les autres. Platon est pour lui le
pensait que ces contemplatifs etaient des Chretiens, dis- maitre « sacre » par excellence, ispwraroc, cf. Quod
ciples de saint Marc. Saint Jerome le croit aussi, et a oninis probus liber, t. u, p. 447, et saint Jerome, De
leur suite, beaucoup d'auteurs 1'ont admis. Cf. Mont- vir. ill., 11, t. xxm, col. 629, transcrit le dicton qui
faucon, Le livre de Philon de la vie contemplative, courait a ce propos parmi les Grecs : « C'est ou Platon
Paris, 1709. On fait valoir centre 1'authenticite de 1'ou- qui philonise ou Philon qui platonise. » II appelle
vrage que Philon ne fait allusion a cette colonie de Philon un « Platon juif », Epist. LXX, 3, t. xxn r
therapeutes dans aucun autre endroit de ses ecrits, que col. 666. Cf. Epist. xxil, 35, col. 421. Aux yeux de Phi-
le persiflage du Banquet de Platon qu'on y rencontre, Ion, Parmenide, Empedoele, Zenon, Cleanthe sont des-
De vit. contempl., 7, ne concorde guere avec 1'admi- hommes divins. Cf. De Provid., u, 48. II est egalement
ralion professee par Philon pour le grand philosophe pythagoricien, cf. Clement d'Alexandrie, Strom., i, 15,.
grec, que 1'ascetisme decrit dans cet ouvrage n'est,'a 72; n, 19,100, t. viii,, col. 767, 1039; Eusebe, H. E., n,
proprement parler, ni juif, ni Chretien, etc. Neanmoins, 4, 3, t. xx, col. 148. Les recentes etudes sur la philo-
ces raisons ne sont pas absolument convaincantes, et sophic stoi'cienne demontrent que Philon a emprunte
1'authenticite du traite a encore, parmi les modernes, & Zenon et a son ecole la theorie de la nature a la fois-
de nombreux partisans, tels que Delaunay, dans la providence, juge, cite universelle, dont Moi'se et le
Revue archeologique, t. xxn, 1870, p. 268-282; t. xxvi, grand-pretre sont les citoyens par excellence. De sep-
1873, p. 12-22; Renan, dans le Journal des savants, temar., t. u, p. 279; De monarch., t. n, »p. 227. Cf. Hans
1892, p. 83-93; Massebieau, dans la Revue de I'histoire von Arnim, Quellenstudien zu Philo von Alexandria,
des religions, t. xvi, 1887, p. 170-198,284-319; Conybeare, Berlin, 1880, p. 101-140; Massebieau, Le classement,
Philo about the contemplative Life, Oxford, 1895; p. 11-12. « Philon doit a sa foi juive les croyances
Wendland, Die Therapeuten und die philonische religieuses qui orientent sa pensee : la transcendance
Schrift, dans le Jaftrb. fur class, philol., 1896, p. 695- divine, la necessite d'un intermediaire par qui Dieu
772, etc. On remarque surtout 1'analogie que pre"sente a git et se manifeste; il a recu de Platon les specula-
ce traite avec les autres ecrits de Philon au point de tions brillantes qui la dominent; la theorie des idees,
vue de la langue et des idees, de sorte que la these de 1'exemplarisme, mais c'est aux stoi'ciens qu'il emprunte
1'authenticite parait en somme mieux etablie que la toute la charpente qui la soutient, c'est-a-dire toute sa
these contraire. theorie sur le monde, sur sa constitution intrinseque
v. CEUVRES APOCRYPHES. — Sont considered comme sur le role qu'y jouent la raison et la loi. » J. Lebreton,
inauthentiques les ouvrages suivants, ordinairement Les theories du Logos au debut de I'ere chretienner
attribues a Philon : 1. De I'incorruptibility du monde, Paris, 1906, p. 70. Cependant, au-dessus de tous les
t. n, p. 487-516, qui soutient la these de 1'eternite du philosophes, il place Moi'se, auquel tous, d'apres lui,.
monde. — 2. Du monde, t. n, p. 601-624, compilation ont emprunte ce qu'ils ont de vrai. Cette idee avait et<§
tiree des autres ecrits de Philon. — 3. Sur Samson et formulee, avant Philon, pnr Aristobule, 170-150 avant
sur Jonas, seulement en armenien eten latin. — 4. In- J.-C., cf. Clement d'Alexandrie, Strom., v, 14, 97, t. ix,
terpretation des noms hebreux, oeuvre probablement col. 145, voir ARISTOBTJLE, t. i, col. 964, et meme par
anonyme attribute a Philon par Origene, au temoignage Hermippe Callimaque, 246-204 av. J.-C., cf. Origene,.
de saint Jerome, Lib. de nomin. hebraic., t. xxni, Cont. Cels., i, 15, t. xi, col. 682. Philon la reproduit^
col. 771, qui juge a propos de la refondre totalement et Vit. Mosis, t, u, p. 163, et Josephe, Cont. -Apion., i, 22
de la completer. — 5. Livre des antiquites bibliques, init., la reprend a son tour. Pour Philon, la Loi de
qui raconte I'histoire biblique d'Adam a Saiil. Le texte Moi'se est 1'expression parfaite de la sagesse divine; elle
latin suppose un texte grec, qui lui-meme suppose un est la seule source de toute philosophic,'c'est a cette
original hebreu. Cf, Massebieau, Le classement des source qu'ont puise tous les grands penseurs grecs. Pour
oeuvres de Philon, dans la Ribliotheque des hautes justifier ce systeme, Philon voit surtout dans 1'Ecriture
etudes, Scienc. relig., t. i, 1889, p. 1-91. — 6. Abrege des allegories, ce qui lui permet d'y retrouver les doc-
des temps, posterieur a Philon. — En outre, sontperdus trines les plus variees de la philosophie grecque. En
vingt et un livres mentionnes par Philon lui-meme ou realite, il pr£te a 1'Ecriture les idees que sa culture
cites par des auteurs posterieurs. — La meilleure edi- grecque lui suggere. C'est le triomphe de 1'hellenisme,
tion complete des ceuvres de Philon etait celle de Man- dont il croit faire une doctrine essentiellement mosaique.
gey, Londres, 1742, 2 in-f°; elle sera desormais rem- Juif et Grec a la fois, Philon s'imagine realiser ainsi
placee par 1'edition critique, en cours de publication, 1'unite de deux civilisations et de deux peuples. Pour
de Cohn et Wendland, Berlin, 1896-1906, t. i-v. La lui, comme bientot apres pour saint Paul, « il n'y a pas
traduction latine a ete faite par Sigismond ^Gelenius, de difference entre le Juif et le Grec. » Rom., x, 12.
Bale, 1554; une traduction francaise a ete publiee par Seulement 1'Apotre parle ainsi parce que le meme Christ
Bellier, Paris, 1588, et revue par Morel, Paris, 1612. est devenu le Seigneur de tous, taudis que Philon, qui
Cf. Schiirer, Geschichte des judischen Volkes im Zeit. ignore totalement 1'enseignement et 1'action du Christ,
J. C., Leipzig, t. HI, 1898, p. 487-542, qui donne toute pourtant son contemporain, n'a realise qu'une vaine et
la bibliographic concernant Philon. On voit que 1'ecri- superficielle tentative. Les elements si divers qu'il
vain juif s'occupe surtout du Pentateuque. On peut dire combine ensemble n'arrivent a former qu'une unite
que les trois quarts de son oeuvre s'y rapportent. II ne factice. Voici quelles sont ses idees principales:
cite d'ailleurs que fort peu les autres Livres sacres. — //. DIEU. — Dieu est 1'absolu par essence; il est eter-
Dans la plupart de ses ecrits, Philon est assez mediocre nel, immuable, simple, libre, se suffisant a lui-meme.
ecrivain. Sa composition est lache, avec des longueurs II est le souverain bien, la souveraine beaute, la souve-
et des repetitions; les idees sont souvent confuses, for- raine unite. II est arroioc, sans propriete particuliere^
mulees sans clarte ou imparfaitement exposees; 1'abus sans TtowTYic, c'est-a-dire sans qualite positive qui le
des metaphores contribue a rendre la pensee plus inde- determine ou le limite. On peut dire qu'il esl, mais
cise. Philon n'est pas un ecrivain chatie; c'est un pen- non ce qu'il est. II n'est cependant pas une abstraction ;
seur assez superficiel qui se contente d'ecrjre comme il jouit d'une personnalite absolue, qui reunit en elle
il parle. toute perfection.
III. SES DOCTRINES. — /. LEUR SOURCE. — La forma- ///. LES ETRES INTERMEDIATES. — Dieu, etant 1'etre
tion intellectuelle de Philon se montre a la fois juive et absolu et immuable, ne peut entrer en rapport avec le
grecque; mais c'est surtout le philosophisme grec qui monde changeant et imparfait. II y a done des etres
305 PHILON 306
intermediaires qui agissent sur ce monde sans que Ion affirme nettement I'ide'e de creation. Dieu a tout
Dieu ait a se commettre avec lui. Philon prend ces tire du neant, Leg. alleg., in, 3, 1.1, p. 89; il a appele
etres intermediaires la ou il les trouve; il emprunte du neant a 1'Stre. De justit., 9. t. n, p. 367, etc. Philon
les « idees » a Platon, les « energies » aux stoi'ciens, reproche aux philosophes d'avoir ignore la creation.
les « anges » a la theologie juive et les « demons ou ge- De opif. mund., 1, 61, t. I, p. 2, 41. D'autres fois, par
nies » a la mythologie grecque. Ces forces spirituelles, une singuliere inconsequence, il la nie. De plantat., 1,
identiques-malgrela diversite des noms, sonttes agents t. i, p. 329; De pro fug., 2, t. i, p. 547. Ailleurs, De
de Dieu en ce monde; c'est par elles qu'il le gouverne. somn., n, 6, t. i, p. 665, il suppose comme preexis-
Les intermediaires ainsi supposes sont en nombre illi- tante une matiere informe, indeterminee, sans qualite,
mite; quelquefois Philon les reduit a trois, quatre ou a laquelle Dieu donne la forme, la determination, la
cinq, ou meme a .deux, 1'energie creatrice appelee Dieu, qualite et une ame. Cf. De opif. mund., 5, t. I, p. 5.
et 1'energie royale appelee Seigneur. Philon leur accorde En tous cas, Dieu n'agit sur la matiere que par son
la personnalite, mais parfois la leur refuse. II les place Logos et les etres intermediaires. Ceux-ci continuent
si avant dans 1'essence divine qu'on a peine a les en 1'ceuvre premiere en veillant a la conservation et au
distinguer; et cependant, il faut bien qu'ils en soient gouvernement du monde. Les astres sont des e"tres
distincts, pour eviter a Dieu ce contact avec le monde intelligents, composes d'une ame et d'un corps, mais
que 1'ecrivain declare impossible. Cf. Zeller, Die Phi- dont la volonte toujours droite ne peche jamais. De opif.
losophic der Griechen, Leipzig, 1881, t. in, 2, p. 365. mund., 24, t. i, p. 17.
iv. LE LOGOS. — Pour Philon, le Logos est a la tete vi. L'HOMME. — Toutes les ames preexistent a 1'union
de tous ces etres. II est 1'agent par excellence de la avec le corps. Elles habitent les regions aeriennes. II
puissance divine. II n'est ni incree, comme Dieu, ni en est qui s'approchent de la terre et finissent par
cree comme les autres etres. II est parole creatrice, et s'unir a des corps mortels. Si elles le font pour se
non-seulement 1'organe de Dieu vis-a-vis du monde, livrer a la philosophie, elles retournent ensuite a la
mais encore le mediateur entre le monde et Dieu. On demeure celeste; mais elles sont perdues si elles se
ne peut savoir cependant si, dans la pensee de Philon, laissent absorber par le corps. De gigant., 3, t. I,
il se confond avec Dieu ou s'il constitue une personne p. 263, 264. « L'homme est mortel selon le corps, et
distincte de lui. II est certain que les idees juives ne immortel selon 1'ame. » De opif. mund., 46,1.1, p. 32.
permettaient pas d'admettre une seconde personnalite Mais Philon ne sait affirmer Pimmortalite que pour les
divine qui eut paru inconciliable avec le dogme de justes. II parle des Juifs persecutes qui « se precipitent
1'unite absolue de Dieu. Voir LOGOS, t. iv, col. 325-327, volontiers vers la mort, comme vers I'imrnorlalite. »
Le Logos exerce surtout son activite dans le monde Leg. alleg., 16, t. n, p. 562. II ne dit rien de la sanction
moral; il est 1'inspirateur de tout bien, 1'initiateur de reservee aux mechants, ni rien de la resurrection,
toute vie superieure, le guide du salut, le legislateur, malgre ce qu'il pouvait lire a ce sujet dans les livres
le grand-pretre, 1'intercesseur, 1'introducteur dans la de Daniel, des Machabees et de la Sagesse.
vie eternelle. Philon a certainement connu le livre de vil. LA RELIGION. — Elle consiste a connaitre et a
la Sagesse, compose au moins un demi-siecle avant honorer le Dieu unique. Le vrai pretre est aussi un
lui, dans le milieu helleniste et alexandrin ou il vecut prophete, illumine de Dieu. De justit., 8, t. n, p. 367,
lui-meme. Cf. Sap., xm, 8, 9, et De proftig., 38, t. i. 368. Le Juif doit exercer le proselytisme, De victim.,
p. 577. Dans sa description du Logos, il s'en est inspire 12, t. n, p. 260, 261, mais avec douceur, parce que les
d'autant plus volontiers que 1'auteur du livre sacre idolatres sont victimes de leur education et de leur
s'inspirait lui-meme de Platon. Voir SAGESSE (LIVRE DE ignorance. De monarch., i, 7, t. n, p. 220. Quant
LA). « II est incontestable qu'il y a entre les doctrines aux apostats, ils sont dignes de toutes les poursuites
platoniciennes et philoniennes d'une part, et les en- et de tous les chatiments, Aux Juifs qui seraient tentes
droits du livre de la Sagesse de 1'autre part, un accord d'innover, en matiere de religion, il rappelle qu' « il
frappant, affectant non seulement le fond des pensees, n'est pas avantageux d'ebranler les coutumes des an-
mais encore 1'expression. II n'est pas possible que pa- cetres. » Adv. Flacc., 6, t. n, p. 523.
reille concordance soit 1'effet du hasard. Nous avouons via. LA MORALE. — Le grand principe de la morale
done volontiers que, dans sa description de la Sagesse, philonienne est le degagement de la matiere, source de
1'auteur sacre a fait des emprunts au platonisme et tout mal. Comme les stoi'ciens, Philon impose 1'obli-
qu'il a, en suivant Platon, marche dans une voie a peu gation de combattre et de contenir les passions, les
pres parallele a celle ou .entra plus tard 1'alexandrin besoins et les affections sensuelles. II se distingue
Philon. » J. Corluy, La Sagesse dans I'A. T., dans le d'eux, cependant, en ce qu'ils estimaient cette lutte a la
Congres scient. internal, des cathol., 1889, t. I, p. 81. portee des forces humaines, tandis que. pour lui, on
Aujourd'hui, on admet assez generalement le caractere ne peut la mener a bien qu'avec le secours de Dieu.
stoiicien du Logos de Philon. Cf. Zeller, Die Philoso- Seul, Dieu peut faire croitre la vertu dans 1'ame, et
phic der Griechen, p. 385; Schiirer, Geschichte, t. in, cette vertu consiste a tout faire en vue de Dieu. II suit
p. 557; Bousset, Die Religion des Judentums in neu- de la que la foi en Dieu est le premier des devoirs,
test. Zeitalter, Berlin, 1903, p. 346. Pour Philon, le tandis que 1'incredulite est le pire des crimes. La re-
Logos est encore Tame du monde, idee qu'il emprunte compense de la vertu sera la vue meme de Dieu dans
a Platon. « Ce que 1'ame est dans 1'homme, le del, je I'autre monde. Mais, des ici-bas, on peut s'elever
pense, 1'est dans le monde... II y a done deux natures jusqu'a cette vue de Dieu par 1'extase. En etat d'extase,
indivisibles, la raison qui est en nous, et cette autre 1'ame s'eleve au-dessus de tous les etres, meme du Lo-
raison divine. » Quis rer. divin. hssr., 48, t. I, p. 506. gos, et plonge dans 1'essence divine elle-meme. On
« Le Logos tres ancien de Celui qui est, est entoure du arrive a 1'extase en se depouillant de soi-meme pour
monde comme d'un vetement... Comme il est le lien de s'abandonner passivement a 1'action de Dieu. On est
toutes choses, il tient ensemble et resserre toutes les alors anime, comme les cordes d'un instrument, par le
parties, ne les laissant ni se dissoudre ni se disperser. » souffle d'en haut et, de fils du Logos, on devient fils de
De proftig., 20, t. i, p. 562; cf. De migr. Abrah., 1, Dieu et presque 1'egal du Logos. Philon pretend avoir
t. i, p. 436. Cf. J. Lebreton, Les theones du Logos au atteint plusieurs fois cet etat extatique. Cf. Quis rerum
debut de I'ere chretienne, p. 63-90; Hackspill, Etude divin. hseres, t. i, p. 482, 508, 511. Le regne messia-
sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau nique, tel qu'il le conceit, n'est guere que 1'extension
Testament, dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383. de cet etat d'extase a toute la nation juive. Les Juifs
v. LB MONDE. — Dans bon nombre de passages, Phi- pratiqueront alors de si sublimes vertus que les na-
307 PHILON 308
iions, frappees d'admiration, les renverront tous dans les oracles que contient le Pentateuque onl pour au-
leur pays, ou le sol se couvrira de moissons spontanees, teur, les uns Dieu lui-meme immedialement, les autres
pour que les saints ne soient pas deiournes de leur le prophete qui est 1'instrument de Dieu. Dieu d'ail-
contemplation. Une nombreuse poslerile et une longue leurs ne parlait pas lui-meme; il se contentait de
vie leur seront alors accordees. On reconnait ici les former dans 1'air les syllabes. Philon considere la ver-
idees millenaristes familieres aux coreligionnaires de sion des Septante comme reproduisant 1'hebreu avec
Philon. Cf. Dollinger, Paganisme et judaisme, trad. une exaclilude rigoureuse, au poinl qu'on peul regarder
J. de P., Bruxelles, 1858, t. rv, p. 249-262; Drummond, les traducleurs comme de vrais propheles. C'esl lui
Philo Judssus or the Jewish-Alexandrian Philosophy, qui pretend que les traducteurs, comme s'ils eussent
Londres, 1888; Schiirer, Geschichte, t. in, p. 542-562, ete inspires, rendirent tous 1'hebreu par des expres-
et les auteurs qu'il cite; Ed. Herriot, Philon le Juif, sions identiques, bien qu'ils travaillassent separement.
Paris, 1898; J. Martin, Philon, Paris, 1907. II ajoule qu'en me"moire de ce fail, on celebrait chaque
On voit comment Philon, qui se pique de philoso- annee, dans 1'ile de Pharos, une fete qui attirait a la
phic et de litterature, utilise les philosophes grecs avec fois les Juifs et les Grecs, Cf. Vit. Mosis, n, 5-7, t. n,
un parfait ecleclisme. « 11 emprunta, sans choix, a p. 139-140. Cependant, il n'indique pas le nombre des
chaque philosophe, les theories purement physiques... traducteurs, et laisse entendre que ces derniers n'ont
Mais comme Philon venerait les philosophes et que son travaille que sur le Pentateuque. On comprend que,
orthodoxie n'etait pas toujours assez avisee, il n'arri- dans ces conditions, il ne fasse pas de difference, au
vait pas a bien discerner chez les philosophes leur point de vue de 1'inspiration, entre le texte de la ver-
reelle doctrine. II lisait le Timee, et c'etait avec une sion grecque et le texte hefareu. II y a lieu toutefois de
admiration et un respect presque aussi absolu que s'il se demander comment il a pu, s'il savait 1'hebreu,
s'etait agi de la Genese. Done, dans ses ouvrages, il affirmer une exactitude de traduction qui n'existe pas.
mele au hasard Fenseignement de la Bible avec celui Sur le texte des Septante dont se sert Philon, cf. Schii-
des philosophes; il garde avec une parfaite quietude rer, Geschichte, t. in, p. 489. — 2° Son allegorisme.
toute son orthodoxie; et lorsque, a propos de Dieu, de — Philon avail eu des devanciers dans Pemploi de la
la creation et de la providence, 1'enseignement des melhode ailegorique. Plus de quatre siecles avant lui,
philosophes ruinerait celui de la Bible, Philon n'aper- les philosophes grecs avaienl commence a reduire leurs
coit pas la contradiction; il n'a jamais conscience que mythes religieux a de simples allegories, afm d'en
le Timee ne s'accorde pas avec la Genese; il n'a jamais pouvoir fournir une explication plus rationnelle et
songe ;a se demander si 1'accord existe. II a pass6 sa d'empecher le peuple de se prevaloir des exemples
vie a lire les philosophes, et onpeut bien affirmer qu'il scandaleux des dieux. Theogenede Rhegium, Heraclite,
ne les a jamais cornpris, et que jamais non plus le Metrodore de Lampsaque s'appliquerent a donner aux
souci de choisir dans leurs oeuvres les veriles qui s'y legendes de la mythologie grecque des interpretations
trouvent, et de faire servirtoutes ces verites a 1'eclair- physico-allegoriques. Cf. Tatien, Oral,, 27, t. vi,
cissement du dogme, n'a guide son etude. » J. Martin, col. 864. Les sloiciens Zenon, Cleanthe, Chrysippe,
Philon, p. 42, 43. « La philosophic de Philon est si adopterent les memes precedes d'interpretation, cf.
fuyante et si incertaine, que Ton hesite toujours a en Ciceron, De nat. dear., m,24, malgre les protestations
trop presser les maximes. » Lebreton, Les theories du de Platon et d'Isocrate. Cf. Dollinger, Paganisme et
Logos, p. 88. A 1'egard des doctrines bibliques, il prend judaisme, t. n, p. 48-50, 141, 142; Decharme, La cri-
des libertes bien autrement reprehensibles. Ses theo- tique des traditions religieuses chez les Grecs, Paris,
ries sur les etres intermediates et sur le Logos, sur 1904, p. 270-355. A Alexandrie meme, la mythologie
1'existence de la matiere independamment de Dieu, sur egyptienne avail ete 1'objet de semblables interpreta-
1'impossibilite ou est Dieu d'agir directement sur elle, tions de la part des philosopbes grecs. On voit, au de-
sur sa nature essentiellement mauvaise, sur 1'origine but du traite de Plutarque sur Isis et Osiris, comment
des ames et la formation de 1'homme, sur 1'extase et chaque ecole pretendait retrouver dans les legendes
1'obtention sur terre de la vue de Dieu, sont en contra- egyptiennes ses principes et sa doctrine. Les Juifs eux-
diction formelle avec la doctrine des Livres Saints. memes y voyaienl quelque chose de leurs croyances el
« Philon ne voit pas comment la doctrine enseignee dans de leur histoire. Cf. De Is. et Osir,, 31. L'idee d'imiter
la Bible montre, dans des fails concrets, tres differents ce precede d'interpretation devait venir nalurellemenl
de vaines allegories, la toute-puissance absolue d'un aux Juifs hellenisles, desireux de faire accepter par le
Dieu maitre el pere de 1'homme. II ne voit pas que 1'in- monde grec les recils merveilleux de la Bible. Sans
terveation de Dieu au debut de 1'histoire presage une nier la valeur historique de ces recits, qu'on ne pou-
autre intervention encore : il ne voit pas le dogme de vait assimiler aux mythes grecs, ils s'efforcerent de
la chute et la promesse du Redempteur. Le messianisme les interpreter comme des allegories scientifiques ou
est 1'aboutissement du judaisme; le messianisme ne morales. Ainsi Aristobule allegorisa, a 1'usage de
tient aucune place dans la pensee de Philon. Si son Ptolemee VI, les anthropomorphismes du Penta-
ame est restee religieuse, 1'idee grecque a dissous en teuque, et Aristee faisait remonter a Moise lui-
lui la foi juive. » A. Dufourcq, L'avenir du christia- meme les principes de 1'allegorisme. Cf. Eusebe,
nisme, Paris, 1904, p. 87. II est a croire que la plupart Prxpar. evang., vm, 9, I. xxi, col. 636. Voir ARISTO-
des ecrits de Philon etaient composes quand Jesus- BULE, 1, t. i, col. 964; ALEXAJSDRIE (ECOLE EXEGETIQUE
Christ precha son Evangile. On ne peut done dire si le D'), t. i, col. 360. Les therapeutes etaient des allego-
silence qu'il garde a son sujet provient d'un parti-pris ristes. « Ils interpretent la loi mosai'que allegorique-
ou d'une inattention assez explicable de sa part. On menl, persuades que les mols de celle loi ne sonl que
sait que Josephe, ecrivant un demi-siecle apres lui, a les signes et les symboles de verites cachees. De plus,
probablement garde le meme silence. Voir t. in, ils possedent des ecrils d'anciens sages, fondaleurs de
col. 1516. leur secle, qui leur ont laisse beaucoup de monuments
IV. SON EXEGESE. — 1° Son texte biblique. — Phi- de la sagesse ailegorique dont ils fonl leurs modeles...
Ion interprete la Bible exclusivement d'apres la traduc- La loi entiere leur apparall comme un etre organique,
tion des Septante. II avail cerlainement la connaissance qui aurait pour corps le sens litteral, et pqur ame le
de 1'hebreu, comme le montrent ses etymologies des sens cache ». Philon, De vit. contempl., 3, t. n, p. 475,
noms; celles-ci sont souvent fort arbitraires, mais Philon 476. Cf. Karppe, Etude sur les origines et la nature de
ne depasse pas sur ce point ce que se permettaient les Zohar, Paris, 1901, p. 15-17. Les Juifs palesliniens culti-
docteurs palestiniens.Pour lui, 1'Ecriture est inspiree; vaient eux-m£mes le genre ailegorique dans leurs Mi-
309 310
draschim. Voir MIDRASCH, t. iv, col. 1079,1080. Philon, L'Egypte symbolise le corps, Chanaan la piete, la
avec son estime pour les philosophes grecs et son desir tourterelle la sagesse divine, la colombe la sagesse hu-
de faire accepter les ecrits bibliques comme les tresors maine, etc. En un mot, tout dans la Bible, hommes,
de la parfaite sagesse, ne pouvait manquer de faire ap- choses, evenements, devient sujet d'allegorie et meme
pel a toutes les ressources de 1'allegorisme et de trans- n'est mentionne que dans ce but. Sans doute, il y a
porter ainsi dans le domaine de Phellenisme une me- des allegories dans la Sainte Ecriture. Voir ALLEGORIE,
thode deja en faveur aupres des redacteurs de la Hagada t. i, col. 368. Mais encore faut-il qu'il existe un rap-
palestinienne. Cf. Frankel, Ueber den Einfluss der pa- port naturel et justifiable entre le sens litteral et le
Idstinischen Exegese auf die alexandrinische Herme- sens allegorique ou mystique. Voir MYSTIQUE (SENS),
neutik, 1851, p. 190-200. II n'etait done pas le premier t. iv, col. 1371-1374. Philon ne doutait pas de la valeur
a se servir de 1'allegorisme pour expliquer les Livres objective de ses interpretations; il s'imaginait que,
Saints; mais il faut reconnaitre qu'avant lui personne, dans 1'extase, c'etait Dieu me'me qui 1'inspirait. « J'ai
dans le monde juif, n'avait encore employe cette me- appris plus d'une fois une merveilleuse doctrine;
thode d'une maniere aussi etendue et aussi systema- c'etait mon ame qui me Tenseignait. II lui arriva en
tique. Cf. R. Simon, Hist. crit. du Vieux Testament, effet d'etre soulevee par Dieu et de prophetiser cela
Rotterdam. 1685, p. 92, 97, 98, 371, 373. — Toutefois, meme qu'elle ne savait pas. » De cherub. >§, t. i,p.!43.
Philon ne neglige pas le sens litteral du texte sacre; Cf. De migr. Abrah., 7, t. i, p. 441. Son systeme n'en
mais il le traite comme secondaire et uniquement des- est pas moins, dans son application, subjectif et arbi-
tine a ceux qui ne sont pas capables de s'elever a une traire. II a porte au dela des limites permises 1'exagera-
sagesse superieure. C'est un corps dont le sens allego- tion d'un principe vrai. Aussi, bien qu'elle soit presque
rique est 1'ame, et 1'interet de 1'ame demande qu'on completement exegetique, son ceuvre n'apporte-t-elle
prenne soin du corps. 11 dit, en s'inspirant des idees qu'une contribution insignifiante a 1'intelligence des
qu'il a pretees aux therapeutes : « Quelques-uns, bien Livres Saints. Cf. Comely, Introd. in U. T. libros sa-
assures que le texte des lois symbolise des realites in- cros, Paris, t. I, 1885, p. 598-599.
telligibles, s'appliquent avec grand soin a ces realites ' V. SON INFLUENCE. — 1° Nouveau Testament. — On a
•et ne font plus aucun cas de la lettre. Je blame leur signale un certain nombre de resemblances de pensee
parti-pris; il fallait, en effet, avoir souci de 1'un et de ou d'expression entre Matth., HI, 10; vn; 18, 19, et De
1'autre, recherche.r avec grand zele [les cboses invisi- agricult., 2, 3, t. i, p. 301; Matth., vn, 13,14, et Leg.
bles, et conserver comme un precieux tresor 1'element alleg., n, 24, t. i, p. 84; Matth., xxin, 23-28, et De
visible... II faut assimiler la lettre au corps, et le sens cherub., 27, 28, t. i, p. 155, 156; Joa., v, 3, et De vi-
mystique a 1'ame. De meme done que Ton doit veiller ctim., 8, t. n, p. 257; Rom., I, 25, et De sacrif. Abel,
sur le corps, parce qu'il est la demeure de 1'ame,ainsi 20, t. i, p. 177; I Cor., xv, 47-49, et Leg. allegor., i, 29,
Ton doit tenir compte de la lettre. » De migr. Abrah., 1.1, p. 62; II Cor., v, 6, et De agricult., 29, t. i, p. 310,
16, t. i, p. 450-451. « La lettre des Saintes Ecritures etc. Dans 1'Epitre aux Colossiens, les rapprochements
ressemble a 1'ombre des corps,les sens mysterieux de- possibles seraient au nombre de plus de vingt-cinq.
gages des Ecritures sont la vraie realite. » De confus. Ces analogies prouvent seulement que la terminologie
ling., 38, t. i, p. 434. Cf. Col., n, 17; Heb., x, 1. Phi- et les idees de Fecole d'Alexandrie etaient assez repan-
Ion tient surtout a ecarter du texte sacre les concep- dues au temps des Apotres pour que ceux-ci pussent
tions anthropomorphiques. II dit a leur sujet : « Pour y faire des allusions plus ou moins formelles. Dans
ce qui est de la propre interpretation, 1'esprit le plus 1'Epitre aux Hebreux, les ressemblances sont d'un
lent ne manquera pas de concevoir qu'ici, il faut saisir, autre ordre. Elles portent sur les points suivants :
en dehors de la lettre, une autre chose. » De somn., 1. Caractere et mission du grand-pretre, Heb., v, 1, 2,
16, t. T, p. 635, 636. La lettre ainsi releguee a 1'arriere- et De monarch., n, 12, t. n, p. 230; De proem., 9, t. n,
plan, Philon allegorise en toute liberte. II se refuse a p. 417. — 2. Le vrai grand-pretre est le Logos, Heb., v,
entendre litteralement les six jours de la creation, Leg. 5-10; vn, 25, elDe pro fug., 20, 1.1, p. 562; De leg. spec.,
alleg., i, 2, t. i, p. 44; le recit de la formation d'Eve, in, 24, t. 11, p. 322; De somn., I, 37, t. i, p. 653; Vit.
Leg. alleg., n, 7, t. i, p. 70; le paradis terrestre, De Mos., in, 14. — 3. Le Temple et la liturgie, Heb., ix, x,
vnund. opif., 54, t. r, p. 37; la tentation d'Eve, De et De somn., i, 37, t. i, p. 653; Vit. Mos., HI, 1-18;
mund. opif., 56, t. i, p. 38, etc. Abraham recoit 1'ordre Legal, ad Caj., 39, t. n, 591. — 4. Difficulte du pardon,
de sortir de son pays, de sa parente, de la maison de Heb., vi, 4-6, et De proem., i, t. n, p. 409. — 5. Le
son pere. Gen., xn, 1-3. Dieu indique par la ce qu'il faut serment de Dieu, Heb., vi, 13, et Leg. alleg., in, 72,
faire pour purifier 1'ame : 1'eloigner du corps, de la t. i, p. 127; De sacrif. Abel, 28, t. i, p. 181. — 6. Le
sensibilite et de la conversation. De migr. Abrah., 1, pontife Melchisedech, Heb., vii, 1, et Leg. alleg., in,
t. i, p. 436. Le traite De congressu -explique le texte 25, t. i, p. 102, 103, etc. D'autres ressemblances sont
ou il est dit que Sara envoya Abraham a sa servante purement verbales, Heb., iv, 12, et Quis rer. divin.
pour en avoir des enfants. Gen., xvi, 1-6. Sur ce theme? hseres, 48,1.1, p. 506; Heb., in, 5, et Leg. alleg., in, 81,1.1,
Philon explique que, desirant epouser la philosophic, il p. 132; Heb., v, 8, etDe agricult., 23, t. i, p. 315, etc.
comme'nfa par entrer successivement en rapport avec Rien n'autorise a supposer un document anterieur
trois servantes de celle-ci, la grammaire, la geometric auquel les deux auteurs auraient puise chacun de leur
et la musique, et qu'il en apporta les fruits a Pepouse cote. Plusieurs savants en concluent que le redacteur
legitime. De congress., 14, t. i, p. 530. Certaines lois de YEpitre aux Hebreux connaissait plusieurs traites
meme ne peuvent se prendre dans le sens litteral, par de Philon. Quoi qu'il en soit, il ne depend de lui en au-
exemple, celle qui exempte les fiances du service mili- cune maniere pour le fond meme des idees. Pour eviter
taire. Deut., xx, 5. Cette loi signifie simplernent que toute confusion entre sa doctrine et celle de Philon, il
ceux qui n'ont pas fait grand progres dans la vertu ne s'abstient meme d'employer le nom de Logos et fait du
doivent pas s'exposer a la tentation. De agricult., t. i, Christ le Fils meme de Dieu. Voir HEBREUX (EPITRE
p. 322. Ces exemples montrent comment Philon traite AUX), t. in, col. 543, 544. Cf. Petau, De incarn. Verbi,
les recits bibliques. Les personnages ont aussi leur si- XII, xi, 1, 2; Siegfried, Philo von Alexandria als Aus-
gnification allegorique. Adam est I'homme inferieur, leger des Alten Testaments, lena, 1875, p. 321-330. II
Cam Pegoisme, Noe la justice, Sara la vertu feminine, faut de plus observer que la plupart des ressemblances
Rebecca la sagesse, Abraham la vertu acquise par la entre les ecrits de Philon et des Epitres de saint Paul
science, Isaac la vertu produite par la nature, Jacob la s'expliquent par le livre de la Sagesse et parce que ces
vertu qui resulte de la pratique et de la meditation, etc. idees etaient devenues courantes dans les milieux juifs.
311 PHILON — PHILOSOPHIE 312
2° Exegetes posterieurs. — Le systeme allegorique de cipes, obeissant aux m£mes besoins, Philon et les kab-
Philon inspira ceux qui apres lui etudierent ou ensei- balistes aboutirent aux memes resultats, et rien ne
gnerent dans 1'ecole d'Alexandrie. 11 est presque exact ressemble mieux a I'oBuvre du premier que le Zohar?
de dire qu'il « avait absorbe, comme un immense reser- qui rencherit encore sur 1'allegorisme de 1'ecrivain
voir, tous les petits ruisseaux de 1'exegese biblique a d'Alexandrie. Cf. Sepher ha-Zohar, edit. Lafuma-Giraud,.
Alexandrie, pour deverser ensuite ses eaux dans les ri- Paris, 1906.
vieres et les canaux a mille bras de 1'interpretation VI. BIBLIOGRAPHIE. — Fabricius, Dissertatio de Pla-
juive et chretienne des Saintes Ecritures. » Siegfried, tonismo Philonis, in-4°, Leipzig, 1693; Stahl, dans
Philo von Alexandria, p. 27. II eut a Alexandrie meme YAllgemeine Bibliothek der Biblischen Literatur-
d'illustres imitateurs, Clement d'Alexandrie, qui admet- d'Eichhorn, t. iv, fasc. v, p. 770-890; Plank, Commen-
tait la creation instantanee et tendait a introduire tatio de principiis et causis interpretationis Philo-
1'allegorie dans Pexplication du paradis terrestre, nianse allegoricse, 1807; Grossmann, Qusestiones phi~
Strom., v', 11; vi, 16, t. ix, col. 109, 370, 376; voir lonianse, part, i, De theologies Philonis fontibus et
CLEMENT D'ALEXANDRIE, t. n, col. 803; Origene qui, auctoritate, 1829; Gfrorer, Philo und die alexandri-
comme Philon, distinguait dans I'Jicriture un corps et nische Theosophie, 2 in-8°, Stuttgart, 1831-1835; Dahne,
une ame, Periarchon, iv, 11, t. xi, col. 365; In Levit., Geschichtliche Darstellung der judisch-alexandrini-
homil. v, 5, t. xii, col. 456. excluait 1'anthropomorphisme schen Religionsphilosophie, 2 in-8°, 1834; Creuzerr
et appliquait avec grande hardiesse le systeme de 1'in- Kritik der Schriften des Juden Philo, dans les
terpretation allegorique; voir ORIGENE, t. rv, col. 1874- Theologische Studien und Kritiken, 1832; Kirchbaum,
1878; saint Athanase, Oral, n cont. Arian., 49, 60, Derjudische Alexandrinismus, Leipzig, 1841; Bucher,
t. xxvi, col. 249,276, et saint Cyrille, Glaphyr. in Gen., Philonische Studien, 1848; M. Wolf, Die Philonische
i, t. LXIX, col. 13, 16, qui, en beaucoup de points, Philosophic, Leipzig, 1849; 2B edit., Gothenbourg, 1858;
suivent la tradition alexandrine. Voir ATHANASE (SAINT), J. Biet, Essai historique et critique sur 1'ecole juive
t. i, col. 1209; CYRILLE D'ALEXANDRIE (SAINT), t. n, d'Alexandrie, in-8°, ^Paris, 1854; F. Delaunay, Philon
col. 1185. A la meme tradition se rattache, au vne siecle, d'Alexandrie, jn-8°, Paris, 1867; C. Siegfried, Philo
Anastase le Sinai'lique, In Hexaemer., 1, t. LXXXIX, von Alexandria als Ausleger des Allen Testaments,
col. 961,968, qui blame cependant 1'abus du sens alle- in-8°, lena, 1875; Ed. Ryle, Philo and Holy Scrip-
gorique chez Origene, et dit que Philon, Papias, Ire- ture, in-16, Londres, 1895; Ed. Herriot, Philon le 3uiff
nee, Justin, Pantene, Clement et les deux Gregoire de in-8«, Paris, 1898; J. Martin, Philon^Paris, 1907.
Cappadoce entendaient dans un sens mystique les six II. LESETRE.
jours et le paradis terrestre. Voir ALEXANDRIE (ECOLE PHILOSOPHIE (grec : ipiXoo-ocpi'a; Vulgate : philoso-
EXEGETIQUE D'), 1.1, col. 358. La reaction centre 1'allego- phia), ensemble d'idees fondamentales et rationnelles
gisme se produisit a Antioche de Syrie. Voir ANTIOCHE sur Dieu, 1'homme, le monde et leurs relations.
(ECOLE EXEGETIQUE D'), t. i, col. 683. Cf. Vigouroux, La I. PHILOSOPHIE HEBRAi'QUE — 1° Les Hebreux avaient
cosmogonie mosaique, Paris, 1882, p. 20-57. — L'idee regu de leurs ancetres chaldeens un certain nombre de
de Philon sur la dependance des philosophes grecs par notions theoriques et pratiques sur les etres qui font
rapport a Moi'se est adoptee par saint Justin, Apol., i, 1'objet des connaissances fondamentales de 1'esprit hu-
59', Dial, cum Tryph., 1,1. ^i,col. 416, 491, par Tatiea, xnain. Ces notions, conservees et approfondies par le
Orat., 36-41, t. vi, col. 880-888, Clement d'Alexandrie, bon sens des generations successives, avaient cependant
Strom., i, 21, t. vin, col. 819; v, 3, t. ix, col. 31, Theo- subi 1'iniluence des croyances religieuses, issues elles-
doret, Grsec. Affect., n, t. LXXX, col. 840, et presque memes des traditions primitives, mais defigurees et
tous les Peres des cinq premiers siecles. Cependant materialisees par le long travail de 1'erreur et des pas-
Origene, Cont. Cels., i, 16; vn, 27,'t. xi, col. 687, 1459, sions. Les revelations faites a Abraham et aux patri-
et saint Augustin, Le civ. Dei, xvm, 27, t. XLI, col. 583. arches et surtout la legislation donnee par Dieu" a
sont moins affirmatifs. — Eusebe et saint Jerome con- Moiise remirent toutes choses au point pour les Hebreux.
siderent Philon comme un ecrivain important et lui Des lors furent fixes pour eux les grands principes
consacrent une notice. Deux autres Peres luiemprun- meconnus ou a peine soupconnes par les penseurs
tent frequemment ses pensees, Clement d'Alexandrie, prives des lumieres de la revelation : existence, unite,
cf. la preface de Potter, Oxford, 1715, reproduite dans spiritualite, puissance creatrice et providence de Dieu,
Migne, t. VHI, et saint Ambroise, dans ceux de ses contingence et inferiorite du monde et de tous les
livres ou il traite les memes sujets que Philon, In etres qui le composent, double nature corporelle et
Hexaemer., De paradis., De Cain etAbel, De Noe et spirituelle de 1'homme, sa liberte et-sa responsabilite.
area, De Abrah., De fug. ssec., De Jacob. Cf. Siegfried, C'est done de la revelation que procedait la philosophic
Philo von Alexandria, p. 371-391. — En appliquant a hebrai'que, c'est sur elle qu'elle s'appuyait, c'est par
leurs explications des textes sacres 1'allegorisme philo- elle qu'elle corrigeait ses ecarts, quand les tendances
nien, les Peres alexandrins, meme Origene, n'avaient naturelles des Israelites les poussaientau polytheisme ou
pas depasse cerlaines limites, imposees par la necessite au materialisme. A cet egard, il etait juste de dire :
de sauvegarder le sens litteral de la Sainte Ecriture. « La crainte de Jehovah (c'est-a-dire la religion) est
L'opposition que rencontra de bonne heure 1'exegese le commencement de la sagesse. » Prov., i, 7. Celui-la
allegorique empecha d'ailleurs leur methode de faire loi etait sage et savant, il s'elevait meme a un niveau tres
dans 1'Eglise. II n'en fut pas de meme pour 1'exegese superieur a celui des philosophes de 1'antiquite, parce
juive. Obligee de se derober a 1'explication litterale qu'il connaissait Dieu, 1'homme et le monde par les
d'un bon nombre de passages bibliques, elle recourut inspirations de sa foi. Pour les sages hebreux, « la divi-
de plus en plus a 1'allegorisme pour se tirer d'embarras, nite n'est pas le resultat d'une suite de syllogismes; il
A 1'allegorie des choses, elle ajouta celle des mots, des n'existe dans leurs livres aucune trace de ces specula-
chiffres, des lettres elles-memes, pour aboutir a la kab- tions metaphysiques que 'nous trouvons chez les Hindous
bale. Philon, sans doute, n'y fut pour rien; le Talmud et chez les Grecs: il n'y a chez eux ni theologie savante,
taeme Vignore absolument. ^eanmoms «. il existe entre ni philosophic dans le sens que nous attachons a ce
la kabbale et le nouveau platonisme d'Alexandrie de mot, et, pour faire connaitre Dieu, ils s'adressent au
telles ressemblances, qu'il est impossible de les expli- cceur de 1'homme, a son sentiment moral, a son ima-
quer autrement que par une origine commune. » gination. L'Hebreu croyait au Dieu createur qui s'etait
A. Franck, La kabbale ou la philosophic religieuse revele a ses peres et dont 1'existence est au-dessus du
des Juifs, Paris, 1889, p. 213. Partis des memes prin- raisonnement des hommes. La morale des Hebreux est
313 PHILOSOPHIE 314
celle de la conviction, du sentiment intirne d'un Dieu 20, 23; Joa., x, 11; xn, 25; Act., xx, 24; Rom., xvi,
juste et bon; les maximes de leurs sages et de leurs 4, etc. II remplace me*me le pronom personnel pour
prophetes ont jailli d'une source divine, elles se sont designer la personne elle-meme. Matth., vi, 25; xxvi,
manifestoes tout a coup par un sublime "elan et ne sont 38; Luc., i, 46, 47; Act., n, 43, etc. La sensibilite y a
pas les resultats d'une froide reflexion et d'un orgueil- parfois son siege. Matth., XI, 29; xxvi, 38; Marc., xiv,
leux stoiicisme. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 418. 34; Luc., n, 35; xn, 19, 20; Apoc., xvm, li, etc. Les
II n'existe done pas, a proprement parler, de philoso- termes abstraits pour designer la sensibilite et les sens
phic hebraiique; Jes Hebreux regoivent de la revelation n'existent pas. Des verbes servent a indiquer les ope-
leurs idees toutes faites; tout au plus en tirent-ils les rations de ces derniers, sans qu'on se soucie toujours
consequences immediates; 1'observation leur est fanii- d'etablir un rapport logique entre 1'idee et 1'expression.
liere, comme a tous les Orientaux, mais la speculation Ainsi o n . « voit >; la chaleur, Is., XLIV, 16, le bruit,
leur demeure a peu pres etrangere. Leur sagesse a un Marc.,v, 38, la vie, Joa., m, 36, la corruption, Luc., n,
caractere positif et traditionnel; ils recoivent la verite 26; Joa., vm, 51; Act., 11, 27, au lieu de les « sentir »;
de leurs prophetes et de leurs sages; ils 1'admettent ou on « goute » la mort, Matth., xxvi, 28; Joa., vni, 52, etc.,
la repoussent pratiquement, suivant les dispositions du au lieu de la « souffrir ». Rien ne marque explicitement
moment; ils ne songent guere a justifier par le raison- la distinction entre la sensation et le sentiment. Les
nement deductif leurs conclusions vraies ou fausses. nuances manquent pour 1'expression des sentiments
— 2° Bien quo renseignes authentiquernent par la reve- intermediaires; pour dire « aimer moins », on est
lation sur les theses capitales de la vraie philosophic, oblige d'avoir recours au verbe « hai'r ». Luc., xiv, 26.
les Hebreux ne laissent pas de garder, sur les points Les passions ne sont pas distinguees des desirs. L'in-
secondaires, les theories qui sont celles de leur temps telligence est habituellement nommee leb, « co3ur »,
et de leur milieu, ou qui meme leur sont particulieres. xapSca, cor. Voir CCEUR, t. u, col. 823. La raison, la
La revelation respecte chez eux ces manieres impar- conscience' n'ont pas de nom special; la loi est ecrite
faites de penser, pour autant qu'elles ne sont pas en dans le creur, Rom., n, 15, et non dans la conscience.
contradiction avec les donnees essentielles de leur foi. L'imagination n'est pas mentionnee; Fintention ne se
Ainsi la nature spirituelle et transcendante de Dieu est distingue pas du co3ur ou elle se forme. Le nom abs*
affirmee avec la plus parfaite nettete. Neanmoins, les trait de la vertu se rencontre a peine. Cf. Vigouroux,
Hebreux tiennent a concevoir Dieu d'une certaine Le Nouveau Testament et les decouv. archeol. mod.,
maniere; de la les anthropomorphismes si frequents Paris, 1896, p. 61-76. Cette psychologie etait done assez
dans la Bible, surtout dans les anciens livres. Voir AN- rudimentaire et ne comportait pas une analyse tres
THROPOMORPHISMES, t. i, col. 662. Dieu a interdit toute profonde des facultes de 1'ame et de leur exercice. —
representation de la divinite et personne ne 1'a vu, Pareillement, les Hebreux ne se font qu'une idee
meme parmi les plus privilegies. Exod., in, 6; xxiv, 10, imparfaite de la nature de 1'ame, de sa distinction
11; xxxni, 18-23; Joa., i, 18. Neanmoins les Israelites d'avec le corps et des conditions de sa vie separee. De
s'imaginent qu'un veau d'or peut etre une image de la peut-etre leur embarras pour concevoir clairement sa
Jehovah, Exod., xxxn, 1, 4; III Reg., xa, 28, et les survivance apres la mort, quand le corps lui-meme
prophetes sont obliges de leur rappeler que Dieu ne se n'etait plus la pour la servir et tombait en dissolution.
nourrit pas de la chair de leurs sacrifices. Ps. L (xux), Voir SCHEOL. Ainsi s'explique en partie leur lenteur a
12, 13. Ces tendances grossieres ne se corrigent com- degager completement la notion de son immortalite,
pletement qu'apres le retour de la captivite, et les con- comme aussi a trouver la solution du probleme de
querants remains conduits par Pompee sont singu- 1'epreuve des bons et de la prosperite des mechants sur
lierement etonnes, avec leurs idees polytheistes, de la terre. Voir MAL, t. iv, col. 601-604. Les revelations
constater dans le temple de Jerusalem, nulla intus et les bienfaits divins dont ils ont ete 1'objet, les pre-
deum effigie, vacuani sedem et inania arcana, « aucune cautions qui ont ete prises.pour les isoler des autres
image de divinites a 1'interieur, un sanctuaire vide etde peuples, les persecutions et la haine dont ils finissent
vains mysteres. » Tacite, Hist., v, 9. Voir ELOHIM, t. 11, par devenir les victimes, enfm les propheties qu'ils
col. 1701; JEHOVAH, t. in, col. 1235. Cf. de Broglie, entendent dans un sens temporel et exclusivenient
L'idee de Dieu dans I'Ancien Testament, Paris, 1892, favorable a leur nation, deviennent pour les Israelites
p. 45-194. — 3° Les notions necessaires sur la nature, le pretexte a une appreciation tres exageree de leur su-
la destinee et les devoirs de 1'homme sont egalement periorite par rapport aux autres hommes. Ils oublient
fournies aux He"breux par la revelation. Voir ADAM, que, s'ils ont ete les premiers beneflciaires de la revela-
t. i, col. 171; AME, col. 453; MORALE, t. iv, col. 1260. tion, c'est afin de la conserver et de la transmettre au
Mais comme celle-ci n'a pas a intervenir dans la reste de 1'humanite, et non de la monopoliser comme
maniere dont on concoit le fonctionnement de 1'etre un bien qui leur est du. II y a la une meconnaissance
intelligent, la psychologic des Hebreux est purement de Pegalite originelle des hommes et de 1'independance
humaine et specialement semitique. Us comprennent de Dieu dans la repartition de ses dons, que saint Paul
les operations de Tame et ses rapports avec le corps est oblige de redresser. Rom., n, 1-ni, 20. — 4° La reve-
•comme on pouvait le faire de leur temps et dans leur lation ne faisait connaitre aux Hebreux que deux idees
milieu, pretant au souffle, au sang, au coeur, aux reins, fondamentales au sujetdu monde: la creation de toutes
aux entrailles, aux os, une action dans la vie de choses par Dieu et Faction de sa providence sur tous
Tame, dans ses pensees, ses volontes et ses sentiments. les etres crees. A elles seules, ces deux idees font
Cf. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, de la cosmogonie mosai'que une oeuvre philosophique
Leipzig, 1861, p. 149-285. Les termes qu'ils emploient qui n'a ete depassee par aucun systeme. Voir COSMO-
refletent ces conceptions. La substance spirituelle et GONIE MOSAIQUE, t. n, col. 1034. Quant aux explications
pensante prend chez eux le nom de rudh, « souffle », de detail, les Hebreux sont restes tributaires de la
, spiritus. Le corps est appele bdsdr, « chair », science de leur epoque, science des apparences au-
l, caro, le mot aw^a, corpus, etant plus habituel- dessus de laquelle ils n'ont eu ni le desir ni le moyen
lement reserve pour designer le cadavre. Matth., xiv, de s'elever. Seu lenient leurs idees religteuses, se com-
12; xix, 5; xxvii, 58; Marc., x, 8; xv, 48; Luc., XVH, binant avec leur connaissance fort restreinte des lois
37; xxui, 52, 55'; Joa., xix, 31, 38, 40; Act., ix, 40, etc. de la nature, les ont portes a supposer tres frequem-
Le nefesr hebreu, -J/ux^' anima, est le nom du com- ment une action directe de Dieu la ou nous ne voyons
pose humain et par consequent de la vie. Matth., n, que le jeu normal des forces creees et regimes par lui.
20; vi, 25; x, 39; Marc., in, 4; x, 45; Luc., vi. 9; xn, II. LA PHILOSOPHIE DES AUTEDRS SACRES. — 1° Moiise
315 PHILOSOPHIE 316
et les prophetes sont des philosophes en ce sens que Juifs hellenistes, tout en restant conforme a la doctrine
leurs ecrits enseignent la vraie sagesse, beaucoup moins revelee. On sait que les Juifs de la Palestine voyaient
par le cote theorique que par le cote pratique. Us reglent de fort mauvais osil cette sorte de decentralisation de la
les rapports de 1'homme avec Dieu et avec ses sem- pensee hebrai'que et cette intrusion de la culture grecque,
blables : vis-a-vis de Dieu, respect, obeissance, amour, justement suspecte a bien des egards. Josephe, Ant.
culte conforme a la loi, mais sincere et exempt de for- jud., XX, xi, 2, se fait I'interprete de cette antipathic :
malisme; vis-a-vis du prochain, justice sous toutes ses « On n'estime pas chez nous, dit-il, ceux qui apprennent
formes et bienveillance. II n'y a pas de meilleure phi- a parler la langue de beaucoup de nations et qui
losopbie que celle qui conduit a de pareilles conclu- recherchent dans leurs discours 1'elegance et les orne-
sions et aide a en faire des regies pratiques et obeies. ments du langage, parce qu'on regarde cette recherche
— 2° D'autres ecrivains sacres ont traite plus directe- comme a la portee des esclaves aussi bien que des
ment et plus exclusivement les questions philosophiques, hommes libres. On ne tient pour sages que ceux qui
telles que les concevaient les Hebreux. Ce sont d'abord ont acquis la science des lois et savent interpreter avec
certains Psalmistes, qui se sont occupes des questions competence la valeur des choses et des paroles dans les
de morale. Ps. (Vulgate) i, xxxvi, LXXII, cxi, cxxxvm. saintes Lettres. » Le livre de la Sagesse, par sa maniere
CXLIV, etc. Le livre de Job est le type d'une large dis- de presenter les idees hebrai'ques et de les exprimer,
cussion philosophique. Le probleme pose est celui de sort evidemment du cadre traditionnel et se rapproche
la relation de cause a effet qu'il faut supposer entre ,le de 1'hellenisme. La sagesse n'y apparait plus seulement
mal moral et le mal physique. Plusieurs interlocuteurs sous la forme poetique usitee dans les livres prece-
defendent des solutions diverses en faisant appel tantot dents; elle y prend une allure plus philosophique. Elle
au raisonnement, tantot et beaucoup plus frequemment, est un « souftie de Dieu >•>, une « emanation de sa
a 1'experience. La discussion n'est pas menee avec une gloire », un « eclat de la lumiere eternelle », vii, 25,
logique serree, comparable a celle des dialogues de 26; elle «. cohabite avec Dieu »,elle «initie a la science
Platon. Elle sepoursuit cependant majestueuse, vivante, de Dieu », elle « choisit parmi ses ceuvres » celles qu'il
incisive, avec une allure tout orientate, pour aboutir a doit realiser, vin, 3, 4; elle est « assise pres du trone
une double solution : une solution de principe, la sou- de Dieu », ix, 4, et s'identifie avec le Logos tout-puis-
mission a la toute-puissante et insondable volonte de sant qui a son trone royal dans le ciel. xvm, 15. C'est
Dieu, et une solution de fait, le retour du juste a la deja un acheminement vers le Logos de saint Jean.
prosperite apres son epreuve momentanee. Voir JOB Voir LOGOS, t. iv, col. 323. L'auteur sacre ne s'ecarte
(LIVRE DE), t. m, col. 1570-1576. L'Ecclesiaste est une pourtant point des donnees anterieures sur la sagesse;
sorte de traite de la beatitude, consistant sur la terre a il veut surtout montrer en elle un attribut divin a la
servir Dieu tout en jouissant avec moderation des biens communication duquel sont appeles les hommes de
qu'il accorde a 1'homme. Le raisonnement y tient peu bien. Cette sagesse se meut et penetre 1'univers, vii,
de place; 1'auteur procede surtout par aphorismes qui 24; vm, 1, comme ce que les stoiiciens appelaient 1'ame
s'inspirent du bon sens et par des appels a sa propre du monde. Elle est la source de la temperance, de la
experience et a celle des autres. Voir ECCLESIASTE (LE prudence, de la justice et de la force, vm, 7. Ce sont
LIVRE DE L'), t. n, col. 1534. Le livre des Proverbes est la les quatre vertus cardinales de Platon. L'auteur
par excellence le livre de la sagesse hebrai'que. II con- s'inspire aussi de la psychologic platonicienne dans sa
tient 1'eloge de la sagesse, dont il cherche 1'origine en conception de 1'ame, vm, 20, dont le corps n'est que
Dieu meme, et traite des devoirs de la vie morale, de la « tente terrestre «. ix, 15. II ne procede plus par
la vie domestique et de la vie civile. C'estunite officiis, courtes sentences, comme les ecrivains palestiniens;
mais compose suivantla methode orientale. On n'y voit sa pensee se deroule en assez longs developpements,
nl deductions logiques, ni developpements suivis, mais dans lesquels le raisonnement predomine. L'idee elle-
seulement de breves sentences, des observations, des meme perd sa forme concrete et imagee d'autrefois
conseils, des tableaux de mceurs, le tout tendant a pour prendre un tour abstrait et philosophique. La ou
rendre la vie vertueuse et en meme temps aussi suppor- 1'auteur dit : « Qui tient des discours impies ne saurait
table que possible, pour soi et pour les autres. Les rester cache... Facilement on la trouve (la sagesse)
plus hautes lecons de morale s'y m^lent aux preceptes quand on la cherche, » Sap., i, 8; vi, 13, ses predeces-
les plus elementaires de la prudence et de la civilite. Le seurs avaient ecrit : « L'oreille qui entend et 1'ceil qui
meme genre de philosophie pratique "se retrouve dans voit, c'est le Seigneur qui a fait 1'un et 1'autre... La
le livre de 1'Ecclesiastique. Seulement le groupement sagesse crie dans les rues, elle eleve sa voix sur les
logique des penseesy est beaucoup plus sensible. D'apres places. » Prov., xx, 12; i, 20. Un sorite en regie est
le fils de Sirach, la vraie sagesse vient toujours de Dieu meme employe pour prouver que le desir de la sagesse
et se manifeste surtout par raccomplissement des devoirs conduit a la royaute eternelle. Sap., vi, 17-20. Les dix
envers lui. Mais elle preside egalement a tous les actes derniers chapitres sont une philosophie de 1'histoire
eta toutes les relations des hommes, afin dereudrela des Egyptiens, au moment de Texode des Hebreux,
vie bonne et heureuse ici-bas. Voir ECCLESIASTIQUE (LE tendant a montrer Finferiorite de 1'idolatrie par rap-
LIVRE DE L'), t. n, col. 1551-1553. La morale de ces livres port au culte du vrai Dieu. D'ailleurs les grandes
est inferjeure a celle de 1'Evangile; mais, en general, erreurs des philosophes grecs sont presentes a 1'esprit
elle s'eleve fort au dessus de la morale des sages du de 1'ecrivain sacre. Par sa theodicee si claire et si
paganisme. — L'un des traites de la Mischna, Pirke ferme, il premunit a la fois centre le pantheisme des
Aboth, « sentence des peres, » contient, en cinq cha- stoiiciens, 1'abstraction rationaliste des peripateticiens
pitres, une collection analogue de conseils pratiques, et le nihilisme des sceptiques. — 2° Platon a exerce
parmi lesquels plusieurs insistent sur la necessite d'etu- une large influence sur les idees du juif Philon; mais
dier la loi. Ce recueil est d'une date posterieure a 1'ere cette influence est demeuree etrangere aux ecrivains
chretienne (70-170), mais se refere parfois a des autori- sacres, puisque le Logos de saint Jean n'emprunte
te"s plus anciennes. Sa philosophie ne depasse pas celle rien a celui du disciple de Platon. Voir LOGOS, t. iv,
des livres precedents, si tantest qu'elle 1'egale. col. 323. — 3° Par centre, quelques ecrivains juifs ont
III. INFLUENCE DE LA PHILOSOPHIE GRECQUE. — 1<> Elle cru que les philosophes grecs, Pythagore, Socrate,
se fait sentir dans un des livres de 1'Ancien Testament, Platon, avaient puise dans les livres de Moiise. Cette
la Sagesse, oauvre dont 1'auteur appartenait a la com- idee a ete mise en avant par Aristobule, vers 170-150
munaute judeo-hellenique d'Alexandrie. II est naturel avant Jesus-Christ. Philon 1'a egalement soutenue. Cf.
que ce livre inspire reflete les manieres de penser des Schiirer, Geschichte des judischen Volkes im Zeit.
317 PHILOSOPHIE PHILOXENE 318
J. C., Leipzig, t. in, 1898, p. 386, 547. Josephe, Cont, particulier des anges, avec des genealogies intermi-
Apion., u, 16, pretend que les philosophes grecs ont nables, des mythes, des questions subtiles et ridicules,
eu Moiise pour maitre et pour guide dans tout ce qu'ils le tout pour aboutir a des pratiques immorales et
ont dit de juste sur Dieu. Les livres de Moi'se n'ont pu condamnables, a une science de mauvais aloi, I Tim.,
exercer d'influence directe sur les penseurs grecs vi, 20, que les systemes gnostiques devaient plus tard
avant leur traduction par les Septante, sous Ptolemee ddvelopper etrepandre. Saint Paul combat ces doctrines
Philadelphe, 284-246 avant Jesus-Christ. II se peut que avec energie, sans cependant leur opposer d'arguments
dans leurs voyages, surtout en Egypte, Pythagore et precis : il n'y a pas d'argumentation philosophique
Platon aient eu quelque connaissance des enseigne- contre le vague et 1'insaisissable. Cf. Duchesne,
ments mosai'ques. Mais on ne saurait dire en quelle Histoireanciennede I'Eglise, Paris, 1906, t. I, p. 66-75.
mesure et rien n'est prouve a cet egard. Dans les re- L'Apotre a sa dialectique particuliere pour etablir les
proches qu'il adresse aux philosophes du paganisme, theses dont il a besoin. Cetle dialectique n'est pas
saint Paul ne fait aucune allusion a une transmission toujours conforme aux regies de la logique classique ;
de la doctrine mosaiique sur Dieu. II suppose au con- mais elle constitue une argumentation ad hominem
traire que ces philosophes ont parfaitement pu connaitre contre laquelle ses adversaires demeuraient impuissants.
Dieu par ses ceuvres, et que la raison suffisait a les Ainsi, d'apres saint Paul, Abraham fut Justine par sa
instruire de son existence et de sa nature. Rom., i, foi avant d'etre circoncis; done la justification ne peut
18-20. Si 1'enseignement de la revelation etait arrive venir de la circoncision. Rom., iv, 9-22. Abraham eut
jusqu'a eux, ils auraient ete beaucoup plus coupables. deux fils, 1'un dela servante, 1'autre de la femme libre.
IV. LA PHILOSOPHIE DU NOUVEAU TESTAMENT. — 1° Les Or la servante venait du Sinai', et c'est au Sinai' que les
ecrivains du Nouveau Testament se rattachent a leurs Israelites ont regu la loi. Done cette loi etait une loi de
ancetres hebrai'ques quand ils touchent aux questions servitude et en consequence les Juifs ne sont pas les
qui peuvent se rapporter a la philosophie. Les ensei- ills de la femme libre. Gal., iv, 22-28. L'Epitre aux
gnements evangeliques, avec leur impeccable rectitude, Hebreux pr^sente des arguments de meme nature.
apportent la solution definitive aux principaux pro- Melchisedech a beni Abraham, done il lui est supe-
blemes qui tourmentent la raison humaine, dans la rieur, done le sacerdoce de Melchisedech est superieur
mesure ou cette solution interesse la vie chretienne. lui-meme au sacerdoce des descendants d'Abraham,
Pour le reste, Notre-Seigneur ne dit riendont puissent par consequent au sacerdoce aaronique. Heb., vn, 1-10.
profiler soit la philosophie speculative, soit les sciences En realite, saint Paul s'en tient aux precedes de rai-
profanes, abandonnees a la libre activite des hommes. sonnement qu'il a appris des docteurs juifs. Quand il
Ce sont surtout des idees de bon sens que le Sauveur s'adresse a des Chretiens venus du paganisme, il fait
met en relief : « La vie est plus que la nourriture et meme profession de r6pudier la sagesse humaine, avec
le corps plus que le vetement. » Matth., vi, 25. « Le sa dialectique subtile et son beau langage, afin de laisser
sabbat est fait pour 1'homme, non 1'homme pour le a la puissance dela croix de Jesus-Christtoutela gloire
sabbat. » Marc., n, 27. « Celui a qui on remet moins, de la predication e"vangelique. I Cor., n, 1-5. Comme
aime moins. » Luc., vn, 47. « Ce qui souille 1'homme la philosophie humaine n'a pas su arriver a la con-
n'est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en naissance de Dieu, 1'Apotre veut faire accepter par les
sort. » Matth., xv, 11, etc. D'autres fois, ce sont des Grecs la croix du Sauveur, mais sans se servir « des
traits de vive lumiere projetes sur les questions de paroles qu'enseigne la sagesse humaine ». I Cor.,i, 21;
theodicee ou de morale : « Mon Pere est sans cesse en n, 13. C'est la 1'esprit m£me de 1'Evangile. La doctrine
action. » Joa., v, 17. « Dieu est esprit et ceux qui du Sauveur domine de haut toutes les philosophies, elle
1'adorent doivent le faire en esprit et en verite. » eclaire beaucoup de leurs obscurites et recline beaucoup
Joa., iv, 24. « Qui fait le mal hait la lumiere, qui pra- de leurs erreurs. Mais elle ne les met pas directement
tique la verite vient a la lumiere. » Joa., in, 20, 21, etc. a contribution, parce que les systemes philosophiques
La seule doctrine philosophique que Notre-Seigneur ne durent pas toujours et n'atteignent qu'un petit nom-
ait rencontree sur son chemin est celle des sadduceens, bre d'esprils, tandis que 1'Evangile est destine a tous
qui niaient la resurrection des corps et 1'immortalite les hommes et a tous les temps, et ne fait appel qu'au
de 1'ame, Matth., xxn, 23; Marc.,xn, 18; Luc., xx, 27; bon sens pour gagner la raison et a la grace pour pro-
Act., iv, 1, 2, et aussi 1'existence des anges. Act., xxni, duire la foi. — Voir PHILON, col. 300; H. L. Mansel,
8. II y avait la une sorte de materialisme, qui allait Philosophy, dans Kitto, Cyclopaedia of Biblical Lite-
me'me jusqu'a revoquer en doute 1'actiondeDieu sur ses rature, 3* edit., t. in, 1866, p. 517-531; B. F. Westcott,
creatures. Le Sauveur les refuta en leur rappelant que, dans Smith, Dictionary of the Bible, t. n, 1863, p. 849-
d'apres 1'Eeriture, Dieu est le Dieu des patriarches et le 858; Frz. Delitzsch, System der biblischen Psycholo-
Dieu des vivants, c'est-a-dire celui pour qui tous sont gie, 2« edit., Leipzig, 1861; Buch, Weisheitlehre der
vivants, Luc., xx, 38, d'ou il suit que les patriarches son Hebraer, Strasbourg, 1851; M. Nicolas, Les doctrines
encore vivants par leur ame. — 2° A Athenes, saint Paul religieuses des Juifs, Paris, 1860. H. LESETRE.
eut a conferer avec des philosophes epicuriens et stoii-
ciens. Act., xvn, 18. Voir EPICURIENS, t. n, col. 1894; PHILOX&NE, eveque de Mabboug, un des ecri-
STOICIENS. A 1'Areopage, 1'Apotre traite la question des vains syriens Jacobites les plus feconds. II naquit a
attributs de Dieu et de ses rapports avec I'homme dans Tahal dans le Beit-Garmai, contree sise entre le Tigre
les termes les plus philosophiques. Mais I'affirmation et les montagnes du Kurdistan au sud du petit Zab. II
de la resurrection des morts lui aliene son auditoire. etudia a Edesse sous Ibas (435 a 457), et fut chasse"
Act., xvn, 23-32. Dans ses jipitres, il fait allusion a cette d'Antioche par le patriarche Calendion (482 a 485)
sagesse qu'estiment tant les Grecs, I Cor., I, 22-25; il est parce qu'il corrompait la doctrine de I'Eglise. II se
oblige de recommander aux Colossiens, n, 8, de se tenir consacra des lors a la defense de la doctrine condam-
en garde centre une certaine philosophie qui est con- nee au concile de Chalcedoine, fut nomme eveque de
traire aux enseignements de 1'Evangile. Col., n, 16-23. Mabboug (Hieropolis), par Pierre le Foulon, en 485, et
Souvent il rencontra dans ses missions des docteurs changea alors son nom, qui etait Aksenaya, contre ce-
dont les reveries empruntaient une certaine forme lui de Philoxene. II alia plusieurs fois a Constantinople
philosophique pour s'opposer avec plus de succes aux et decida enfin 1'empereur Anastase a reunir a Sidon
doctrines evangeliques. Act., xx, 30; I Tim., iv, 1-7; un concile qui deposa Flavien d'Antioche et le rem-
vi, 20; II Tim., n, 16-18; in, 13, etc. S'inspirant sur- placa par Severe. Mais Justin I«r suivit une politique
tout de fables judaiques, ceux-ci preconisaient un culte religieuse opposee a celle d'Anastase, il retablit, le
319 PHILOXENE — PHINON 320
24 mars 519, la communion avec Rome, exila les evS- remontrances; ils lui r^pondirent de maniere a le satis-
ques Jacobites et deporta Philoxene a Philippopolis en faire ainsi que tout Israel. Jos., XXH, 13-14, 30-33.
Thrace, puis a Gangres en Paphlagonie ou il mourut Phinees succeda comme grand-pretre a son pere
vers 523. Eleazar. II remplissait ses fonctions lorsque les onze
Parmi ses nombreux ouvrages, dont une petite partie tribus declarerent la guerre a celle de Benjamin pour
seulement est publiee, nous citerons son commentaire venger le crime commis a Gabaon contre la femme du
sur les Evangiles conserve en partie dans deux manus- Levite dela montagne d'Ephraim. Jud., XX, 28. D'apres'
crits du British Museum, a Londres. L'un de ces ma- le texte hebreu, 1'arche d'alliance semble avoir ete a ce
nuscrits est date de 1'an 511 et renferme des fragments moment a Bethel, ]>. 26-27, el non a Silo, comme avant
du commentaire sur saintMatthieu et saint Luc. Quelques et apres cette epoque. Dans le partage de la Terre Pro-
annees plus tot, en 505 ou 508, Philoxene avait charge mise, Phinees avait recu pour heritage dans la mon-
le chorev^que Polycarpe de faire sur le grec une ver- tagne d'Ephraim, la ville de Gabaa, ou, comme Pappelle
sion litterale de PAncien et du Nouveau Testament. la Vulgate, Gabaath, qui fut surnomme « de Phinees »,
Cette version, nominee « Philoxenienne », jouit d'un pour la distinguer des autres localites du meme nom.
certain credit durant le vie siecle, mais ne tarda pas a Voir GABAATH DE PHINEES, t. in, col. 14. C'est laqu'avait
etre supplantee par d'autres et il n'en reste que des ete enseveli le grand-pretre Eleazar, Jos., xxiv, 32, et
fragments dans quelques manuscrits. Cf. Wright, Sy- c'est la, d'apres une addition des Septante, que fut aussi
riac Literature, London, 1894, p. 13-14; Rubens Duval, enseveli Phinees. « Phinees, dit le texte grec, remplit
La litterature syriaque, Paris, 3e edit., 1907, p. 50, 64. les fonctions de grand-pretre jusqu'a sa mort, a la place
F. NAU. d'Eleazar, son pere, et il fut enterre dans la ville de
PHI NEE, PHINEES (hebreu : Pmehds, « bouche Gabaath. » Le lieu traditionnel de sou tombeau (fig. 73)
d'airain eclatante; » Septante : $ivle?), nom de trois est tres frequente par les pelerins juifs et samaritains.
Israelites. D'apres certains commentateurs, le nom est
d'origine egyptienne et peut signifier en cette langue
«le negre ». Voir E. Nestle, Die israelitischen Eigen-
namen, in-8°, Haarlem, 1876, 112. Cf. Zeitschrift der
deutschen morgenl. Gesellschaft, t. xxv, p. 139.
II. M. NAVILLE A TELL EL-MASKHOUTA, 1883. — L'Egypt le limon du Nil et on les fait secher au soleil. Pour
Exploration Fund venait de s'organiser. Elle confia a leur donner de la cohesion, on y melange de la paille. »
M. Ed. Naville le soin d'explorer les ruines de Tell el-Mas- Egypt after the War, p. 81. Ceci parait nous indiquer
khouta. Celui-ci eommenca par etudier les monuments deux choses : a un moment la pailJe fut supprimee
transportes a Ismailiah. II se convainquit que le dieu aux Hebreux sans que leur tache en fut diminuee,
d'Heliopolis sous sa double forme de Turn, le soleil comme le rapporte 1'Exode, v, 11; et, bien qu'ils se
couchant, et d'Horemkhou (Harmachis), le soleil levant, repandissent dans toute 1'Egypte pour y ramasser des
avait ete le dieu de la cite a identifier, et il en augura roseaux au lieu de paille, v, 12, il leur arriva parfois
que ce n'etait pas Ramesses mais Phithom, la ville ou de ne pouvoir en reunir en quantite suffisante pour
la demeure de Turn, qu'il decouvrirait a Tell el-Mas- toutes les briques a fournir. S'il en etait besoin, le
khouta, Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les recit de Moi'se trouverait la une confirmation. Ramesses
fouilles au point ou avaient eu lieu celles de 1876, et Phithom etaient des forteresses autant que des ma-
M. Naville trouva d'abord qu'il etait a Tangle sud-ouest gasins, comme cela convenait a un pays frontiere,
d'une enorme enceinte rectangulaire, encore visible toujours menace par les nomades que les riches plaines
par places, faite de briques crues et enfermant toute la de 1'Egypte sollicitaient aux razzias; comme cela con-
butte, soit une surface de quatre hectares environ. venait surtout au debouche des routes vers la Syrie, a
Immediatement devant lui il reconnut un temple. Les 1'entree du desert ou se reunissaient les armees et les
monolithes et les sphinx enleves par ses devanciers en caravanes, ou des soldats devaient se tenir toujours
marquaient 1'entree. Le naos trouve plus loin corres- prets a marcher pour sauvegarder la Palestine, la
pondait au sanctuaire. Ce temple une fois delimit^, seule contree qui restat aux Egyptiens des anciennes
Naville poussa ses recherches vers Fangle nord-est de conquetes de Thoutmes III. Les Septante ont done pu
la grande enceinte. II rencontra sous le sable de sin- rendre 1'hebreu misknot, « magasins », par uoXeK 6j(u-
gulieres constructions rectangulaires, nombreuses, aux pac, villes fortifiees, cf. II Par., vin, 4; xvn, 12; ail-
dimensions inegales, sans communication entre elles, leurs encore simplement par udXeig ou le contexte
solidement baties en murs de briques, d'au moins deux indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit
metres d'epaisseur, C'etait evidemment une serie de le meme hebrai'sme par urbes munitissimas, II Par.,
greniers enfermes avec le temple dans la grande en- vni, 4; urbes muratas, xvi, 4; xvn, 12, et ici par urbes
ceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces tabernaculorumf villes ou Ton dresse pavilion, cam-
greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser, pement. Toutes ces expressions sont egalement vraies.
une porte etait reservee a mi-hauteur ou vers le has. IV. LES NOMS DE LA VILLE. — Tell el-Maskhouta repre-
Le signe hieroglyphique AiA., shenut, « grenier », re- senterait vraiment le site de Phithom, suivant M. Naville.
presente deux de ces chambres isolees 1'une de 1'autre Cela resulte des monuments trouves par lui. Les plus
et reposant sur une large assise de terre battue. Au interessants sont : — 1° Un fragment de gres rouge ap-
cours de ces decouvertes, deja si preeieuses, quelques partenant au naos d'lsmaiiliah : il porte le titre divin de
monuments et des inscriptions sortirent des decom- « maitre de la region de Thuku » ou « Thukut ». Store-
bres : une vieille cite livrait quelques feuillets de son City of Pithom, pi. in B.— 2° Une statue en granit rouge,
histoire,-et non les moins interessants. figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, « lieutenant
III. LE FONDATEUR DE LA VILLE. — Le nom de d'Osorkon II, le bon commemorateur de la demeure
Ramses II se lisait deja, avons-nous dit, sur tous les
monuments transportes a Ismai'Jiah. Naville le ren- de Turn, l-.-' dj, maitre de An (Heliopolis). » Frontis-
contra encore sur un faucon de granit noir, embleme pice et pi. iv. — 3° Un fragment de statue du prophete
d'Horus, et sur un fragment retrouve du naos. II n'est Pames-Isis, « chef des greniers, scribe du temple de
sorti des fouilles aucun monument anterieur a ce Turn; » ilsupplie la dame de An, Hathor, que la statue
prince, ni aucun de Menephtah. A supposer meme que qui porte son nom soit a jamais fixee dans « la de-
Turn ait recu la un culte plus ancien, il n'en demeure meure de Turn, le grand dieu vivant de la ville de
pas moins certain que Ramses Ilest 1'unique construc-
teur de la grande enceinte et des edifices qu'elle con- Thukut », ., PI. vu A. — 4° Une statue en granit
tenait. II doit £tre regarde comme le veritable fonda- noir, un homme assis, Aak, « chef des prophetes de
teur de la ville. D'ou il suit que si cette ville est Phi- Turn, premier prophete de la ville de Thukut. » II
thom, Ramses II es* a n'en pas douter le pharaon de s'adresse aux pretres : « Vous tous, pretres, qui entrez
1'oppression, et ce furent bien les Hebreux, au milieu dans cette demeure sacree de Turn, le grand dieu de
des plus cruelles vexations, qui la batirent avec son la ville de Thukut, dites : Le roi donne Poffrande, etc. »
temple, ses greniers et son enceinte, en meme temps PI. v. — 5° Une grande stele de Ptolemee Philadelphe,
qu'ils batissaient Ramesses. Ce qu'ils eurent a souffrir, piece capitale. Elle fut trouvee non loin de 1'endroit
1'Exode, v, 7-19, nous I'apprend et nous pouvons en ou etait le naos. Philadelphe y est represente trois
juger par 1'enorme quantite de briques amoncelees a fois en adoration, dont deux fois devant Turn, « le
Phithom, pendant qu'a Ramesses et ailleurs se pour- grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vni. Dans le
suivait la meme besogne, dans les monies conditions. corps de 1'inscription, « il aime Turn, le grand dieu
"Voir BRIQUE, 1.1, col. 1931-1934. Naville a observe que vivant de la region de Thukut, » pi. ix, lig. i, x, lig. 28,
les murs des greniers etaient remarquablement bien « de la ville de Thukut. » PL ix lig. 2. « En 1'an VI,
batis, avec du mortier entre les couches de briques quand on lui eut appris qu'etait achevee la restauration
cpues. Celles-ci ont quarante-quatre centimetres de du sanctuaire de son pere Turn, le grand dieu de la
long, sur vingt-quatre de large, et douze d'epaisseur. ville de Thukut, Sa Majeste vint a Thukut, le trone de
Tout y indiquait une ceuvre de la bonne epoque, faite. son pere Turn. » PI. ix, lig. lt etc. — Les cinq monu-
pour durer. Store-City of Pithom, p. 11. Villiers ments enumeres sont ou dedies a Turn ou appartiennent
Stuart qui vint le visiter pendant les fouilles a ecrit a un pretre attache au culte de ce dieu. Le nom geo-
(citation de M. Naville): « J'examinai avec le plus grand graphique de Thukut se presente sur quatre d'entreeux.
soin les murs des chambres, et je remarquai que cer- Sous Ramses II il porte le signe d'une terre frontiere ;
taines parties Etaient faites de briques sans.aucun me- plus tard il est donne comme le nom de la capitale
lange de paille [ou de roseaux]. Je ne me souyiens d'une region du meme nom. Ce nom est generalement
pas d'avoir vu en Egypte des briques de cette sorte. associe a celui du dieu Turn, « le grand dieu de Thukut,
Dans un climat sec comme celui d'Egypte, il n'est pas qui reside dans Thukut, le grand dieu vivant de Thu-
necessaire de cuire les briques : on les fabrique avec kut. » La seule stele de Philadelphe le contient au
325 PHITHOM 326
.moins douze fois tantot avec le determinatif des tienne |• TI A © , Ro-ab, « porte orientale », que les
villes ©, tantot avec celui d'une region de quelque
textes de Denderah accolent au nom de Pi-tum,
etendue ^ . II s'agit done bien de Thukut, soil cornme Diimichen, loc. cit., 1.1, pi. xcvm, lig. 12; t. n, pi. xxix,
ville soit comme region, et du culte de Turn dieu de la lig. 3, et que nous retrouvons dans la grande stele de
ville et de la region de Thukut. De plus le nom de Pi- Philadelphe, pi. vm, 3e tableau ou, derriere Turn, se
tum se lit trois fois sur la statue de Ankh-renp-nefer, tient Osiris « le mailre de la porte orientale », comme
deux fois dans la grande stele ptolemaiique avec le deter- ayant son sanctuaire ou serapeum a 1'extremite de la
minatif des villes ©, pi. ix lig. 10,13, ou il est parle des region de Thukut. Pour 1'Egypte, 1'Orient c'etait 1'Arabie,
revenus affectes au temple, des statues et des pretres pla- les Grecs donnerent ce nom aux contrees qui louchaient
ces devant « les dieux de Pi-tum-Thukut ». Pi-turn y a la directement au desert de Test. Outre Gessen d'Arabie,
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.
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, Ha-tum,« la divine demeure de
Turn, le grand dieu qui reside dans Thukut. » PI. v A,
il y eut le nome d'Arabie, le XXe, situe entre labranche
pelusiaque et le desert, tout de meme qu'a 1'autre
extremite du Delta il y avait le nome libyque. — Nous
vn A, lig. 2, 3. II s'agit done bien aussi de Phithom.
avons vu plus hautla correspondance entre les textes de
Tout ce qu'on peut dire c'est que Pi-tum designait plus Naville et ceux des papyrus et des temples au sujet de
specialement 1'enceinte avec son temple et sesgreniers, Thukut region etThukut-Pi-tum. Cette correspondance
tandis que Thukut, designait, en outre, la ville grou- va plus loin qu'il n'etait necessaire de 1'etablir pour
pee autour de 1'enceinte sacree. En resume, les textes notre sujet. Elle s'etend d'abord aux nomsdes principales
de Tell el-Maskhouta nous apprennent que la ville situee divisions du nome, son territoire, son canal, ses ter-
en cet endroit s'appelait Pi-tum, qu'elle etait dans la
rains inondes. Elle s'etend encore au nom du nome
la region de Thukut dont elle prit aussi le nom dans lui-meme et a celui d'une de ses localites, As-keheret
la suite. Si nous joignons ces donnees a ce que nous
ou Pi-keheret (Pi-hahiroth ?), le sanctuaire [osirien du
apprennent les Papyrus de la XIX" dynastie, nous
nome. En effet, tous ces noms que les temples donnaient
voyons qu'a cette epoque il n'est pas question de la
deja se sont retrouves a Tell el-Maskhouta. Store-City
ville de Thukut, mais uniquement de la region de
of Pithom, p. 5-8. Mais ce que les temples ne disaient
Thukut, le plus souvent ecrite V | ^ Anastasi, v, pas, c'etait la situation precise du VIII6 nome de la
pi. xix, lig. 2, 3, 8; xxv, lig. 2. Une lettre de 1'an VIII Basse-Egypte dont Pi-tum-Thukut etait le chef-lieu.
de Menephtah parle de nomadesvoisins de cette region Desormais « tout change grace aux fouilles de Naville.
qui furent autorises a passer la frontiere « a la forte- Le huitieme nome ne peut plus cotoyer le lac Menza-
resse de Menephtah dans la terre de Thukut, vers les leh, comme le croyait Brugsch, etune grande decoupure
lacs de Pi-tum de Menephtah dans la terre de Thukut, de la topographic encore flottante du Delta se fixe et se
pour y vivre en faisant paitre leurs troupeaux dans le precise immediatement, sur la carte, autour de Tell
grand elat ou domaine de Pharaon. » Anastasi, iv, 4. el-Maskouta. » E. Lefebure, Les fouilles de M. Naville a
Cf. Brugsch, Dictionnaire geographique de I'ancienne" Pithom, dans la Revue des religions, t. xi,1885, p. 310.
Egypte, 1889, p. 642; Chabas, Recherches pour servir Cf. J. de Rouge, Geographic ancienne de la Basse-
a I'histoire de la XIXe dynastie, p. 107. A 1'encontre Egypte, 1891, p. 45-55. — Si Tell el-Maskouta etait
e
des papyrus de la XIX dynastie, les textes geogra- Phithom, elle etait aussi Heroopolis. Quand Naville
phiques de Denderah, Edfou et Philae, tons d'epoque decouvrit les greniers de Phithom, il s'apergut qu'a la
ptolemai'que, nous montrent Thukut comme etant, sans basse epoque on avait nivele le sol au-dessus et rempli
perdre son nom de region, le nom vulgaire ou civil de toutes les chambres avec des briques, du sable, de la
la capitale duVIII e nome de la Basse-Agypte. Diimichen, terre, des debris de calcaire, au grand detriment du
Geographische Inschriften, t. I, pi. LXII, LXIV. Le nom temple de Turn. Le but avait ete d'y asseoir un camp, et
sacre de cette meme ville etait Ha-tum, loc, cit., t. in, deux inscriptions revelerent que ce camp etait 1'ceuvre
pi. CXLVI, etc., « la demeure de Turn », le dieu principal des Remains. La premiere inscription fragmentaire,
du nome; il etait aussi Pi-tum, loc. cit., t. n, pi. LXXXVIII; qui avait du faire partie d'une porte, finit apres cinq
t. in, pi. xxix, « qui est a la porte orientale ». II y a signes peu lisibles par
done pleine correspondance entre les textes de Naville POLIS
et les textes deja connus par les papyrus et les temples. ERO
De ce que Pi-tum nous parait n'avoir emprunte que CASTRA
plus tard le nom de la region qui dependait d'elle,
nous devons conclure qu'au temps de 1'Exode la Socoth mots tout a fait distincts et pour lesquels le doute
de la Bible, Exod., xn, 37; xin, 20; Num., xxxm, 5, 6, n'est pas possible. L'autre inscription est datee (306 ou
est prise dans le sens de region. On ne peut supposer 307), car elle contient les noms des empereurs Maxi-
d'ailleurs qu'une aussi grande multitude que celle des mien et Severe, des cesars Maximin et Constantin.
Israelites en route pour la Palestine ait pu s'arreter, Elle donne une distance de neuf milles entre Ero et
dans la ville meme, ville fortifiee dont les portes ne se Clysma :
ABEROINCLUSMA
seraient pas ouvertes pour elle, et, se fussent-elles
ouvertes, qui n'aurait pu la contenir. Que ni3p, M .Vim 0
Sucoth ou Socoth, soit le mot egyptien Thukut, cefa PI. xi. Le nombre des milles est en latin et en grec.
est clair. Le §= egyptien se prononcait th et on le C'est un cas frequent dans les pays ou le grec etait
transcrit souvent en grec par <j et en hebreu par D. parle. Cf. Corpus inscr. latin., in, 1, n. 205, 309,
Brugsch, Zeitschrift fur dgyptische Sprache, t. xm, 312-315, 347, 464. Phithom sous les Grecs avait done
1875, p. 7. Pour n'en citer qu'un exemple, pris entre echange son nom contre Heroopolis, HPOT, comme
1'a lu Naville sur un petit fragment trouve en place.
beaucoup d'autres, la j ?=> J ©, Thebneter ou Theb- 'Hpw, dit Etienne de Byzance, De urbibus et populis,
nuter des Egyptians, est devcnue la SsSewu-ro;, Seben- Amsterdam, 1678, p. 298-299, est une ville egyptienne
nytust des Grecs. Store-City of Pithom p. 7. — II reste que Strabon appelle 'Hptiwv woXiv. Nous 1'avons vu, les
a nous demander pourquoi Herodote appelle Pi-tum Septante avaient deja rendu Phithom par Heroopolis, et
« ville d'Arabie » : IlaTUfAoc yj'Apag^. Les Septante Josephe, marquant a cet endroit la rencontre de Jacob
nomment ,aussi la terre de Gessen Fea^ 'Apa6ta?. et de Joseph, lui donna le nom me"me que Phithom por-
Gen., xxxvi, 34. Arabie, Arabique signifientici Orient, tait de son temps. Les Remains en firent iLro. A la fin du
oriental, et c'est la traduction de 1'expression egyp- iv« siecle de notre ere (vers 385), sainte Silvie suivit la
327 PHITHOM PHCEBE 328
route de 1'Exode, le texte des Seplante en mains, de la Tell el-Maskliouta ont projete sur 1'authentique recit
mer Rouge a Ramesses. Sur tous les noms bibliques elle de Moiise, nous n'oserions pas affirmer de facon absolue
questionne les moines et les clercs qui 1'accompagnent. que tous les doutes prudents sont leves. II faut encore
Ceux-ci localisent sans le moindre embarras les villes compter avec «les surprises possibles des recherches
mortes et nous rappellent les drogmans du temps entre Ismai'liah et Suez, sur la rive occidentale du canal.
d'Herodote et du notre. II en resulte que les Israelites, C. LAGIER.
pour une part egale, avancaient et reculaient, allaient PH1THON (hebreu : Piton; Septante : '$i6wv), le
a droite, puis a gauche : nam mihicredat voloaffectio premier nomme des fils de Micha, petit-fils de Jonathas
vestra, quantum tamenpervidere potui, filios Israhel et arriere-petit-fils du roi Saul. I Par., vm, 35; ix, 41.
sic ambulasse, ut quantum irent dextra, tantum re-
verterentur sinistra, quantum denuo inante ibant, PHLEGON (grec : <J>X£ywv, « ardent, brulant >;),
tantum denuo retro revertebantur. Cependant elle ne Chretien de Rome, salue par saint Paul. Rom., xvi, 14.
put etre induite en erreur sur le site d'Ero, car cette Le Psendo-Dorothee, Patr.gr., t. xm, col. 1060, et le
ville subsistait encore. II n'est pas certain toutefois Pseudo-Hippolyte, Pair, gr., t. x, col. 160, le comptent
qu'elle n'en fasse pas une ville distincte de Phithom. parmi les soixante-douze disciples de Notre-Seigneur
Mais 1'important pour ce qui n6us touche ici, c'est et disent qu'il devint eveque de Marathon dans 1'Attique.
qu'eile en donne le nom remain : Heroum autem civi- Les Grecs et les Latins 1'honorent comme martyr le
tas... mine est come (xwjir,), sed grandis, quod nos 8 avril. Acta sanctorum, edit. Palme, aprilis 1.1, p. 739.
dicimus vicus... Ipse vicus nunc appellatur Hero.
Itinera hierosolymitana sseculi iv-vin, p. 47-48, dans PHOCHERETH (hebreu : Pokeret, « prenant au
Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, filet »), chef ou ancetre d'une famille de Nathineens,
t. xxxviu, Vienne, 1898. — D'oii vient ce nom de « fits des serviteurs de Salomon », qui retourna de
'Hpw? M. Naville avait d'abord pense qu'il venait de captivite en Palestine avec Zorobabel. Le texte hebreu
C*"3, ar, pluriel dru, « magasins », ce qui aurait porte : Bene Pokeret has-sebaim, dans les deux pas-
sages ou il est nomme, I Esd., n, 57; II Esd., vii,
tres bien convenu aux 'are misknot de Phithom. 59, et a en juger par les listes des Nathineens, que
Exod., I, 11; Store-City of Pithom, p. 10. Mais il est donnent les deux livres et dans lesquelles le mot
reyenu sur cette interpretation et 1'a corrigee dans une « fils » est suivi exclusivement du nom seul du pere
note, loc. cit., etdans le Sphinx d'Upsala, t. v, p. 197. ou chef, sans autre indication, on doit conclure que
« Puisque le sphinx est un lion, il doit porter les dif- Pokeret has-$eba'im ne forme qu'un nom propre, a
ferents noms qui sont donnes a cet animal. Nous en moins qu'on ne suppose que le mot bene, « fils «, est
eonnaissons plusieurs, en particulier un qui est peut- tombe devant has-sebalm. Les deux opinions ont leurs
etre d'origine semitique, __^ _AP&, dr. La transcription partisans, Les uns pensent qu'il faut lire en effet :
grecque en serait HP et de la vient le nom de 'Hpw « les fils de Pokeret-Has-sebaim y>, nom ou surnom
qui est donne a Turn, dans la traduction de 1'obelisque qui signifie « celui qui prend au piege des gazelles,
d'Hermapion. Ammien Marcellin, xvn, 4. Ero c'est chasseur de gazelles ». D'autres lisent : « les fils de
Turn represente par un lion, un sphinx; Eropolis, Phochereth; les fils d'Asebaim. » Les Septante ont
Ero castra, c'est la ville, le camp du sphinx, de Turn. » traduit: uioi ^ay v epx9, uio\ 'AceSosiyj., I Esd., 11, 57, et;
Quoi qu'il en soit, la penetration de d'Anville n'avait •jlot <&axapa6, yto\ SacraiV, H Esd., VII, 59. La Vulgate
pas ete en defaut, ni celle des savants francais, depuis a pris ha?-sebaim pour un nom de lieu : filii Phoche-
Le Pere, en passant par Dubois-Ayme et Quatremere, reth, qui erant de Asebaim; I Esd., n, 57; filii Pho-
jusqu'a Champollion. Le premier avait vu Heroopolis chereth, qui erat ortus ex Sebaim, mais cette inter-
dans Phithom et delimite 1'espace ou il fallait la cher- pretation n'est pas facile a justifier. Voir'ASEBAIM, t. I,
^her, les autres en devinerent 1'emplacement. Elle ne col. 1075.
devait pas etre confondue, comme le voulut d'abord
Lepsius, Chronologie, p. 357, avec le Thohu, Thou ou PHOEBE (grec : $oi6-/j, « radieuse » ou « lune »),
Thoum de YItineraire d'Antonin, loc. cit., dont la diaconesse de Cenchrees, recommandee par saint Paul
situation a quarante-deux milles d'Heliopolis et a aux Chretiens de Rome et placee en tete des recom-
vingt-quatre milles avant d'atteindre Heroopolis ne mandations. Rom., xvi, 1-2, On admet generalement
s'accorde pas avec notre Phithom. que ce fut Phoabe qui porta aux fideles de Rome 1'Epitre
V. CONCLUSION. — Les fouilles de Phithom ont donne ecrite aleur adresse par saint Paul. L'Apotre fait d'elle
lieu a des conclusions secondaires, dont les unes un grandeloge. Ill'appelle« notre soaur, qui sert (Staxo-
atteignent la plus grande vraisemblance, comme 1'iden- voc) 1'Eglise qui est a Cenchrees » un des deux ports de
tification du pharaon de 1'oppression et, par suite, du .Corinthe. Ce titre de Staxovo; TTJ? exxXrjo-tai; semble 5n-
pharaon de 1'Exode. « Ramses II construisant Pithom diquer une fonction speciale et determinee, quoiqu'il
correspond bien au puissant roi de 1'oppression, tandis ne soit pas possible de preciser en quoi elle consistait.
que Menephtah Ier negligeant Pithom rappelle bien le S. Jean Chrysostome, Horn., xxx, 2, in Rom., t. LX,
pharaon malheureux de la Puite. » E. Lefebure, loc. col. 663. Voir DIACONESSE, 3°, t. n, col. 1401. C'est le
cit., p. 320. Les autres conclusions sont moins certaines, seul passage du Nouveau Testament ou il soit question
impossibles merne, comme celle qui veut que le golfe d'une femme 8-.ay.6vo?, mais on peut y voir comme
de la mer Rouge, meme au temps des Remains, se soit 1'origine des diaconesses, de ces ministra* que Pline
etendu jusqu'a neuf milles d'Heroopolis, c'est-a-dire le Jeune, Episl., X, xcvi, 8, dit avoir existe dans
jusqu'a Clysma qui aurait ete situee a 1'extremite du lac 1'Eglise claretienne. Cf. DIACONESSE, t. n, col. 1400. Saint
Timsah. On en devine les consequences pour determiner Paul ajoute qu'elle a ete 7tpo<7Tcmc, « aide », c'est-a-
le point ou les Hebreux passerent la mer Rouge. Store- dire qu'elle a rendu de grands services « a lui-meme et
City of Pithom, p. 24-27. Mais ce sujet a ete traite. a beaucoup d'autres. » Elle devait etre riche et, habi-
"Voir PHIHAHIROTH. Le point capital ici etait de voir que tant Cenchrees, le port ou debarquaient les voyageurs
la pins importante ville de 1'Exode est a peu pres sure- qui venaient d'Ephese en Grece, elle avait eu souvent
ment identified; que tout le debut de ce meme Exode 1'oecasion d'etre ulile aux nouveaux Chretiens qui pas-
s'expliqne, bien qu'on ne sache encore avec certitude saient par la. L'insistance avec laquelle 1'Apotre appuie
tra prendre Ramesses; que Socoth, la seconde station sa recommandation montre quelle importance il y
des Hebreux, est au voisinage de Phithom. Toutefois attachait et combien il tenait a ce qu'on fit bon accueil
quelque vive que soit la lumiere que les fouilles de a la messagere de son Epitre. Nous ignorons quelles
329 PHCEBE — PHOGOR
affaires parliculieres Phoebe pouvait avoir a Rome. commentaire de W. Meyer, etc. Cela revient a dire que
Saint Paul, sans s'expliquer autrement, demande seule- le port de Phoanice etait ouvert, non pas du cote d'ou
ment aux Chretiens de la capitale de 1'erapire de lui venait le vent, inais dans la direction opposee, du cote
preter leur concours en tout ce dont elle aura besoin. ou le vent soufflait. Si le port avait ete expose au Libs
On croit communement que Phoebe etait une veuve, et et au Khorus, il n'aurait nullement repondu aux con-
won une vierge. Voir Ada sanctorum, t. I septem- ditions requises pour un hivernage. — 3° Comme il a
bris, edit. Palme, p. 605, n. 18. L'Eglise celebre sa ete dit plus haut, aucun autre- port de la cote meridio-
fete le 3 septembre. Les martyrologes ne savent de sa dionale de 1'ile de Crete ne parait avoir convenu a
vie que ce que nous en apprend saint Paul. la situation decrite. C'est bien a tort qu'on a parfois
accuse saint Luc de n'awir pas exacleinent rendu le
PHCENICE (grec : 4>o-'viE), port de mer mentionne langage des marins qui 1'auraient renseigne sur Phoe-
Act., xxvn, 12, a 1'occasipn du voyage maritime de nice. Les habitants affirment que 1'ancien nom de la
saint Paul, comme un excellent hivernage, situe sur ville etait Phoeniki. — Voir Hceck, Krela, Go?ttingue,
la cote meridionale de Tile de Crete, a Test de.Bons- 1823-1824, t. i, p. 387-388; C. Bursian, Geographic von
Ports et de Lasea. Cf. Act., xxvn, 9. Son nom lui Griechenlancl, t. n, Leipzig, 1870, in 8°, p. 545-546,;
venait sans doute des palmiers (en grec, cpofvtE) qui,
comme nous 1'apprend Theophraste, Hist, plantar.,
n, S, croissaient en nombre dans ces parages. Mis
en danger par le mauvais temps, le vaisseau qui con-
duisait saint Paul a Rome se dirigeait vers ce port,
pour y passer. 1'hiver, lorsqu'une terrible tempete le
rejeta en pleine mer. Ptolemee, III, xvn, 3, et Strabon,
X, iv, 3, parlent 1'un et 1'autre d'un portcretois du norn
de « Phoinix ». Strabon en fait un village llorissant,
xawxia, et le place sur « 1'isthme » de Crete, c'est-a-
dire dans la partie la plus etroite de File, entre le mont
Ida et les montagnes de 1'extremite occidentale, sur le
territoire de Lampa ou Lappa, ville d'une certaine im-
portance. Voir CRETE, carte, fig. 404, t. n, col. 1113. Le
passage de Ptolemee est plus obscur, et semble desi-
gner tout a la fois un port nomme « Phoinikoi », et une
ville appelee « Phoinix », egalement situes sur la cote
meridionale.
D'apres MM. James Smith et le commandant Spratt,
qui ont tout parliculierement etudie les details relatifs
au voyage et au naufrage de saint Paul dans la Medi-
terranee, il n'y a pas de doute que Phcenice ne corres-
ponde au port actuel de Loulro, qui est « la seule baie 74. — C6te sud de 1'ile de Crete.
de la cote sud dans laquelle un batiment puisse mouil-
ler en toule securite durant 1'hiver, parce que les Spratt, Travels and Researches in Greta, t. n, p. 247;
vents du sud, repousses par les hautes montagnes qui Conybeare and Howson, The .Life and Epistles of
la dominent, ne vierinent jamais a terre, et parce que St. Paul, in-12, Londres, 1875, p. 641-642; A. Breu-
la mer qu'ils soulevent arrive presque morte a la cote, sing, Die Nautikder Allen, in-8°, Breme, 1886, p. 186^;
de sorte que les bailments roulent, mais les amarres A. Treve, Une travers<>e de Cesaree... aPuteoles, in-8°,
ne fatiguent pas. » Spratt, Instructions sur Vile de Lyon, 1887, p. 25-26; H. Balmer, Die Romfaltrt des
Crete, trad, franc., Paris, 1861, p. 44. Cf. J. Smith, The Apostels Paul und die Sevfahrtskunde im romischen
Voyage and Shipwreck of St. Paul, 4e edit., in-8°, Kaiserzeitalter, Leipzig, 1906, 3e partie, chap. T.
Londres, 1888, p.261. Loutro, situee a 1'est du cap Plaka, L. FlLLION.
qui correspond au cap Hermaea des anciens, est pre- 1. PHOGOR (hebreu: hap-/Vor;Septante: ^wywp).,
cisement sur le territoire de 1'antique cite de Lappa- montagne de Moab, mentionnee seulement dans Num,,
II est vrai que, d'apres le texte des Actes, « Phcenice xxni, 28. Balac, roi de Moab, conduisit Balaam sur son
est un port de Crete qui regarde du cote du Libs, » sommet afin qu'il put voir de la le camp des Israelites
ou vent du sud-ouest, ventafricain, « et du cote du Kho- et le maudire. Cette montagne etait situee en face de
rus » ou vent du nord-ouest, tandis que la baie de Loulro Jesimon, c'est-a-dire du desert au nord-est de la mer
est au contraire ouyerte dans la direction du sud-est et du Morte, dans le voisinage de 1'embouchure du Jourdain.
nord-est. La difficulte est tres reelle. On a essaye de la Son emplacement n'est pas rigoureusement determine;
resoudre de plusieurs manieres : 1° II est possible que elle devait se trouver pres de Bethphogor. Voir BETH-
1'ancien port de Phoenice ait consisle en un double PHOGOR, t. I, col. 1710. C'est la qu'on rendait un culte
bassin, dont Tun aurait ete abrite centre les vents du impur a Beelphegor. Voir BEELPHEGOR, t. i, col. 1543.
sud, et 1'autre centre les vents du nord. Voir Ramsay, — Phogor, Num., xxv, 18 (Vulgate : idolum Phogor}*,
dans Hastings, Diction, of the Bible, in-4°, t. in, p. 863; est pour Beelphegor.
3. Belser, Die Apostelgeschichte uberselzt und erklsert,
in-8°, Vienne, 1905, p. 317. — 2° Comme 1'ont fait re- 2. PHOGOR (Septante : <T>aywp), une des on^e villes
marquer de nombreux commentateurs, a la suite de de la tribu de Juda ajoutees par les traducteurs grecs
M. J. Smith, les mots « qui regarde du cote du Libs... » au texte hebreu. Elle etait situee entre Bethlehem et
ne sauraient signifier que le port etait ouvert aux vents du Elham. Jos., xv, 60. Eusebe et saint Jerome en font
sud-ouest et du nord-ouest, c'est-a-dire aux vents occi- mention. « II y a un autre village de Fogor, dit saint
dentaux, si dangereux dans ces regions, mais plutot, que Jerome, qu'on voit non loin de Bethlehem; il s'appelle
les cotes qui entouraient la baie se dressaient dans cette maintenant Phaora. » Onomastic., edit. Larsow et Par-
double direction, et, par suite, la garantissaient eontre they, 1862, p. 363. On identifie generalementaujourd'hui
eux. Presque tous les exegetes recents adoptent ce senti- ce Phogor avec le Khirbet Beil-Foghour, qui a con-
ment; entre aulres MM. Vigouroux, Fouard, Felten, serve le nom antique, a huit kilometres au sud-ouest
Cook dans la Speaker's Bible, Wendt dans la 8e edit, du de Bethlehem. C'est un amas de ruinessituees sur une
331 PHOGOR — PHRYGIE 332
colline. M. V. Guerin, Judee, t. in, p. 314, y a trouve bornes de la Phrygie. Aux temps les plus anciens, les
encore une vingtaine de maisons, d'apparence arabe, Phrygiens paraissent avoir occupe une partie conside-
en partie debout, mais abandonnees, ainsi que les rable de la peninsule asiatique. Leur domaine allait
jardins qui Jes avoisinent. Dans les environs est la jusqu'a la mer Egee et a 1'Hellespont. Cf. Diodore, viii
source appelee Am Fag hour, qui coule dans un ancien 11, d'apres lequel, pendant vingt-cinq ans, au debut du
canal degrade; sur les flancs de la colline, qui limite ixe siecle avant J.-C., ils furent maitres de la mer. Troie
au sud la vallee a-rrosee par 1'Ai'w Faghour, sont d'an- est souvent appelee phrygiennepar les vieux classiques,
ciennes chambres sepulcrales creusees dans le roc; ainsi que la Lydie meridionale. Neanmoins, lorsqu'on
qnelques-unes d'entre elles servent de refuge a des parle de la Phrygie proprement dite, ou de la Grande
bergers. Beelphegor avait-il**ete honore autrefois en ce Phrygie, r) neyaXr) $puyia, par opposition a la Petite
lieu? C'estce que plusieurs supposent, mais on ne peut Phrygie, nommee aussi Phrygie hellespontide, Strabon,
donner la d'autre indice de son culte que le nom. X, in, 6, on designe surtout 1'extremite occidentale du
grand plateau qui occupe le centre de 1'Anatolie actuelle,
PHOLLATHI (hebreu : Pe'ulfai; Septante : avec les montagnes avoisinanfes, jusque vers le fleuve
le huitieme et dernier nomme des fils d'Obededom Halys, aujourd'hui Kizil-Irmak, a Test. Au nord, elle
qui avait garde 1'arche d'alliance dans sa maison. Phol- confinait a la Bithynie; au sud, a la Pisidie. On peut
lathi etait un descendant d'Asaph, de la tribu de Levi dire aussi, d'une maniere plus speciale, qu'au premier
et un des portiers du Tabernacle du temps de David. siecle de notre ere, la Phrygie etait limitee au nord par
I Par., xxvi, 5. la Bithynie; au sud par la Lycie, la Pisidie et 1'Isaurie;
a Test par la Galatie et la Lycaonie; a 1'ouest par la
PHORATHI (hebreu : Pordtff; Septante : <Papa8«6a; Carie, la Lydie et la Mysie (fig. 76).
Aleccandrinus : BapSaGa; Sinaiticus : <3>apaa6a), le II. GEOGRAPHIE PHYSIQUE. — Sous ce rapport, la Phry-
quatrieme . des gie presentait
dix fils d'Amon beaucoup de va-
qui fut mis a riete, selon les
mort par les regions dont elle
Juifs. Esth., ix, etait composee.
8. Le nom doit Dans son ensem-
etre perse et si ble, la Phrygia
Ton adopte la le- magna consis-
con grecquePM- tait en un vaste
radatha, peutsi- plateau, dont 1'al-
gnifier •« donne titude moyenne
parladestinee ». est de 900 a 1000
metres. Ce pla-
PHOSECH teau est coupe en
(hebreu : Pdsak; divers endroits
Septante : <f>a- 75. — La Phrygie personnifiee. Q par des vallees
alx), le premier profondes, en-
Tete'laurde de Caracalla, a droite, epaule drapee, poitrine cuirassee. $. En haut: 1 nH.
nomme des trois En exergue : AAOAIKEON NEQXOPQN. A gauche : *PVriA; a droite : KAPIA. Au tre autres celles
fils de Jephlat, milieu, la deesse urbaine « Laodicee », assise sur un trone, tourrelee, tenant de sa main du Meandre et
de la tribu d'A- droite e'tendue une statuette de Zeus Laodicien et de la gauche une corne d'abondance; de FHermos a
ser. IPar.,vii,33. devant elle, la Phrygie debout portant sur la tete le kalathos; dans sa main droite l'ouest,du Thym-
sont deux epis, et dans la gauche un sceptre appuye sur son e'paule. Derriere le trone brios au nord-
PHOTINE, est la « Carie » portant le kalathos et tenant un rameau et une corne d'abondance. est,duSangarios
nom donne a la au nord, du Ly-
femme samaritaine convertie par Notre-Seigneur, Joa., cus, etc. Qa et la se dressent des groupes isoles de mon-
rv, 6-32, sans doute parce qu'elle avait recu la lumiere tagnes, parmi lesquelles on peut citer le Dindymos,
d'en haut, JcpwTetvr;, de. qjwc, «lumiere». Voir S. Nil, aujourd'hui Mourad-Dagh. Les cours d'eau sont plus
Epist., n, 31, t. LXXIX, col. 212; Etymolog. magnum, rares au nord et au sud, plus frequents au centre et au
edit. Craisford, in-f°, Oxford, 1848, p. 276, 53. Le mar- sud-ouest. Les parties de la contree qu'arrosent des ri-
tyrologe marque sa fete comme martyre au 20 mars. vieres etaient fertiles, et produisaient en abondance du
Voir Acta sanctorum, martii t. in, p. 80. ble, des fruits et du vin. Cf. Homere, II., n, 862j in,
,184; xn, 719. Les autres districts etaient arides et peu
PHRYGIE (grec : t&pyyt'a), province d'Asie Mineure, productifs, notamment la region meridionale qui avoi-
mentionnee une fois dans 1'Ancien Testament, II Mach., sine la Pisidie; du moins, tres riches en sel — ils con-
v, 22, et trois fois dans le Nouveau, Act., n, 10; xvi, 6; tiennent plusieurs lacs sales — ils convenaient fort bien
xvm, 23. Son nom lui venait de ses anciens habitants, a 1'elevage des moutons : aussi la race des brebis phry-
les ^puysi; — on trouve aussi les variantes Bpuyej, giennes a laine noire etait-elle renommee au loin. La
Bps-jye? et Bpiye? — c'est-a-dire les « hommes libres », Phrygie etait aussi un pays de commerce, grace aux deux
suivant 1'interpretation donnee a ce mot par Hesychius, routes qui la traversaient et qui la mettaient en com-
au mot Bpt'YE;. Lexicon, edit. M. Schmidt, 5 in-4°, lena, munication soit avec 1'Occident, soit avec 1'Orient. L'une
1858, t. I, p. 398. allait de Byzance en Armenie, par Ancyre et Tavia; 1'autre
I. LlMITES DU TERKITOIRE PHRYGIEN. — Elles demeu- partait de la cote, a 1'ouest, et se dirigeait vers les passes
rerent toujours assez vagues, et peut-etre n'existe-t-il du Taurus, par Sardes, Synnade et Icone, saint Paul
pas, en Asie Mineure, d'expression geographique dont dut les utiliser 1'une et 1'autre, la seconde surtout, du-
il soit plus difficile de determiner le sens d'une maniere rant ses courses apostoliques. — Les carrieres de
precise. En effet, 1'etendue de la Phrygie varia beaucoup marbre n'etaient pas rares en Phrygie, non plus que
aux differentes epoques de son histoire, ainsi qu'il sera les mines d'or, comme le temoigne la legende de son
dit plus has. Pour savoir au juste ce que signifie ce ancien roi, Midas. L'art phrygien fut florissant au
nom, lorsqu'on le rencontre dans un ancien auteur, on ixe et au vine siecle avant J.-C.; il consistait surtout en
doit done se demander tout d'abord de quelle periode broderies, en tapis, dans la fabrication des voitures, etc.
il s'agit et queiles etaient alors, au moins en gros, les — Les villes du pays etaient baties pour la plupart dans
333 PHRYGIE 334
les vallees creusees par les fleuves; Homere vantait historiquB et politique, cette province a passe par des
deja leur beaute. Les principales etaient : au nord, vicissitudes multiples, dont nous n'avons a relever ici
Dorylseon et Kotygeon; a Test, Amorion, Synnade et que les points les plus saillants. Suivant les anciens
Ipsos; dans la vallee du Meandre, Keleae ou Apamee auteurs, cf. Herodote, n, 2; Pausanias, I, xiv 12; Clau-
Kibotos, ancienne residence des rois phrygiens; puis dien, In Eulrop.,n, 251, etc., il exista d'assez bonne
Laodicee, t. in. col. 82; Hierapolis, t. in, col. 702; heure, dans la vallee du Sangarios, un royaume auto-
Colosses, t. n, col. 860, celebres dans 1'histoire des ori- nome. Toutefois, la Phrygie ne forma que pendant une
gines chretiennes. periode assez restreinte un Etat independant. On en-
III. LES HABITANTS. — 1° Les Phrygiens etaient un tend dans Homere, Iliad., n, 862 et in, 187, des echos
peuple tres ancien. D'apres la tradition grecque, ils de son ancienne grandeur. Parmi ses premiers rois,
appartenaient a diverses tribus originaires de Mace- on cite Gordios, et surtout Midas, dont on a retrouve
doine et de Thrace, qui avaient emigre en Asie Mineure. naguere le tombeau, avec 1'inscription « Midas, leroi ».
Cf. Herodote, vn, 73; Strabon, X, in, 16; Pline, H. N., Mais, entre les annees 680 et 670 avant J.-C., a partir
v, 41. Mais Herodote, VH, 73, signale aussi leur parente de Finvasion formidable des Cimmeriens, 1'histoire de
avec les Armeniens, et il est fort possible, comme la Phrygie devint « une histoire d'esclavage, de degra-
1'admettent de nombreux auteurs, qu'ils aient forme dation et de decomposition ». Encycl. britannica,
dans la peninsule asiatique une race un peu melangee. 9e edit., t. xvm, p. 851. Lorsque ces terribles envahis-
G'etait un peuple doux et paciflque, effemine meme et seurs eurent ete expulses d'Asie Mineure, vers la fin
passif, qui demeura sans vigueur pour resister aux du vie siecle ou au commencement du ve, la Phrygie
influences etrangeres; aussi fut-il deborde de toutes tomba au pouvoir de Cresus, ^>oi des Lydiens. Un peu
plus tard, vers 546, les Perses s'en emparerent a leur
tour; elle fut ensuite conquise par Alexandre le Grand,
qui la legua a ses successeurs. Les Galates 1'envahi-
rent aussi en 278; mais, refoules par Attale Ier de
Pergame, ils ne reussirent a garder defmitivement que
la partie nord-est du territoire.
Lorsque les Remains furent devenus maitres de la
region qui avait forme la Grande Phrygie, ils en ratta-
cherent les districts occidentaux a la province d'Asie
proconsulate, sous le nom de Phrygia asiana (49
avant J.-C.). tandis que les districts orientaux et meri-
dionaux etaient joints a la province de Galatie, sous le
titre de Phrygia galatica (36 avant J.-C.). Elle cessa
par la-meme d'avoir une existence politique separee.
Son nom ne reparut officiellement, comme designa-
tion d'une province, que vers la fin du me siecle apres
J.-C., lors de la nouvelle division de 1'empire ro-
main. Voir J. Marquardt, Organisation de 1'empire
romain, trad, franc., t. n, Paris, 1892, p. 237-239, 313-
314.
76. — Carte de la Phrygie. V. LA PHRYGIE ET LES JUIFS. — Favorises par les
successeurs d'Alexandre le Grand, qui leur accorderent
parts, aux differentes epoques de son histoire, et jamais en Asie Mineure des droits egaux a ceux des Grecs et
il n'exerca un role important, sous le rapport poli- des Macedonians, de nombreux Israelites ne tarderent
tique, parmi les peuples anciens. pas a s'etablir dans les regions phrygiennes. Josephe,
2° Les rochers abondent sur le territoire phrygien; Ant. jud., XII, in, 4, raconte exprcssement qu'An-
aussi les habitants en profiterent-ils de bonne heure, tiochus le Grand, roi de Syrie (224-187 avant J.-C.),
pour y creuser des habitations, des sanctuaires, des transporta 2000 families juives, de Mesopotamie et de
tombeaux, dont on a retrouve de nombreux restes, Babylonie, en Phrygie et en Lydie. Le Talmud range ces
specialement dans le district montagneux du Sanga- Juifs de Phrygie parmi les descendants des dix tribus
rios supe'rieur. II y a la des echantillons tres interes- qui avaient forme le royaume schismatique du nord,
sants de 1'architecture et de la sculpture phrygiennes. sans doute parce qu'ils venaient de la Babylonie. II les
Voir W. M. Ramsay, The Rock Necropolis of Phrygia, juge assez severement, car il va jusqu'a dire que « les
dans le Journal of Hellenic Studies, t. in, p. 1-68,156- bains et le vin phrygiens les avaient separes de leurs
263; t. v, p. 241-262. freres. » Ce langage figure signifie qu'ils etaient devenus
3° La langue des Phrygiens, autant qu'on peut en tres relaches sous le rapport religieux, et qu'ils avaient
juger par les rares specimens qui sont parvenus jusqu'a adopte sur plusieurs points les moeurs des paiens. Voir
nous, appartenait a la famille indo-germanique. Voir Neubauer, La geographic du Talmud, in-8°, Paris,
de Lagarde, Gesammelte Abhandlungen, Leipzig, 1868, p. 315; Talmud Babli, Sabbath, 147 b. Cf. Act.,
1866, p. 276-280; Lassen, dans la Zeitschrift der xvi, 1. D'autre part, ils exercerent eux-memes une
deutsch. morgenldndischen Gesellschaft, t. x, p. 369- influence salutaire sur les Gentils parmi lesquels ils
375. Elle passait pour remonter jusqu'a 1'epoque des vivaient, et ils les preparerent ainsi a recevoir la foi
premiers humains. Herodote, n, 2; Pausanias, I, xiv, chretienne. Saint Luc nous apprend que, de leur cote,
12. ils se convertirent en grand nombre a la religion de
4° Les Phrygiens avaient aussi, a 1'origine, leur reli- Jesus dans ces parages. Cf. Act.,, xin, 14, 43, 49-50;
gion a part, dont maint detail passa dans celle des Hel- xiv, 19, etc.
lenes. Leurs divinites principales etaient Men ou Manes, VI. LA PHRYGIE DANS L'ANCIEN ET LE NOUVEA.U
Cybele et Attis. Au culte qu'ils leur rendaient se me- TESTAMENT. — 1° Nous ne nous arreterons pas au pas-
laient les plus honteuses orgies. La legende religieuse sage II Mach,, v, 22, ou il est simplement affirme que
florissait en Phrygie, et elle a fourni des traits abon- Philippe, qui avait ete nomme gouverneur de Jeru-
dants a la mythologie grecque, entre autres 1'histoire salem par Antiochus Epiphane, vers 1'an 170 avant
de Philemon et Baucis. J.-C., appartenait a la race phrygienne, TO jxb V^ot
IV. HISTOIRE DE LA PHRYGIE. — Sous le rapport
335 PHRYGIE — PHUA 336
2° Au premier des trois endroits ou elle est mention- plus "vraisemblable, d'apres 1'epitre qui lui fut adres-
nee dans le Nouveau Testament, Act,, 11, 10, la Phrygie see par saint Paul, que 1'Apotre n'eut pas une part
est prise aussi dans un sens assez general. Elle y apparait immediate a sa fondation. Voir L.-C1. Fillion, La
comme une des nombreuses contrees de la Diaspora Sainte Bible commentee, t. vin, Paris, 1905, p. 395.
d'oit il etait venu des pelerins juifs a Jerusalem, pour Selon d'anciennes traditions, saint Jean 1'evange-
assister a la fetQ de la Pentecote : «... Ceux qui habitant liste aurait exerce plus tard un ministere person-
la Mesopotamie, la Judee, la Cappadoce, le Pont, FAsie, nel dans la meme vallee du Lycus. — La Phrygie a
la Phrygie, la Pamphilie, 1'Egypte... » Dans cette enu- joue un role important dans 1'histoire de 1'Eglise pri-
meration extraordinaire, dont on a vainement cherche mitive, et on y voit encore les restes nombreux de
le principe directeur, le mot « Phrygie » doit repre- monuments Chretiens, anterieurs a 1'epoque de Cons-
senter tout le territoire de celte contree, tel qu'il exis- tantin.
tait a 1'epoque de saint Paul, c'est-a-dire, aussi bien la VII. BIBLIOGRAPHIE. — Bergmann, De Asia Roma-
Pfirygia galatica que la Phrygia asiana. — Les deux norum provincia, in-8", Berlin, 1846; 1'article Phry-
aulres passages du livre des Actes ou il est question de gien, dans la Realencyklopsedie der classischen Al-
la Phrygie se rapportent, 1'un au second voyage aposto- ter thumswissenschaftf t. v, p. 1569-1580; Becker-Mar-
lique de Paul et 1'autre a son troisieme voyage. Us me- quardt, Handbuch der romischen Alterthumer, Leipzig,
-ritent d'etre etudies simultanement. Act., xvi, 6 : « Us 1843-1867, t. in, p. 136-139, 155-162; K. Bitter, Ver-
(Paul et Timothee) traverserent la Phrygie et le pays de gleichende Erdkunde des Halbinsellandes Klein-Asien,
Galatie, » T/JV 4>puyt'av xai [T/JV] FaXatiiiviv ^wpav. Act., Berlin, 1859-1860, t. i, p. 520-680; Ch. Texier, Descrip-
xvni, 23 : « (Paul) ayant traverse successivement le tion de 1'Asie Mineure, in-8°, Paris, 1863, p. 153-175;
pays de Galatie et la Phrygie, » T-^V FaXanxYiv ywpav W. M. Ramsay, Cities and bishoprics of Phrygia,
xal <J>pu-<f(av. Dans les deux textes, le narrateur emploie 2 in-8°, Londres, 4895-1897; Id., Historical geogra-
les memes termes geographiques, mais avec une phy of Asia Minor, in-8°, Londres, 1890; Id., The
inversion occasionnee par la direction differente que Church in the roman empire, in-8°, Londres, 1893;
suivait 1'Apotre. Dans le,' premier cas, Act., xvi, 6, Perrot et Chipiez, Histoire de I'art dans Vantiquite,
saint Paul venait de Lycaonie, et, empeche par 1'Esprit- in-4», Paris, 1890; t. v, La Phrygie, p. 1-235, A. Torp,
Saint d'annoncer 1'Evangile dans 1'Asie proconsulaire, Zu den phrygischen Inschriften aus romischer Zeit,
il se dirigea vers la Bithynie, apres avoir traverse une in-4°, Christiania, 1894; Id., Zum Phrygischen, Chris-
partie de la Phrygie et de la Galatie. Dans le second tiania, in-4°, 1896; G. Radet, En Phrygie : Rapport
cas, Act., xvni, 23, 1'Apotre se proposait expressement sur une mission scientifique en Asie Mineure, in-8°,
de parcourir la Galalie et la Phrygie, pour se rendre de Paris, 1895 (extrait des Nouvelles archives scienti-
la a j^phese. Si nous nous reportons a ce qui a ete dit fiques, t. vi); K. Ouvre, Un mois en Phrygie, in-18,
plus haut de Fhistoire de la Phrygie, il n'est pas eton- Paris, 1896; Reber, Die phrygischen Felsendenk-
nant qu'a deux reprises cette province soil ainsi associee maler, in-8°, Munich, 1897; V. H. Barclay, Cata-
a la Galatie. En effet, nous avons vu qu'avant 1'epoque logue of the greek coins of Phrygia, in-8°, Londres,
de saint Paul, la Phrygie avait ete demembree par les 1906. L. FILLION.
Bomains et rattachee aux provinces de Galatie etd'Asie.
Dans nos deux textes, le mot Phrygie designe done PHRYGIEN (grec : $py£), 'originaire de Phrygie,
plus particulierement la Phrygia asiana. — Selon II Mach., v, 22. Un officier d'Antiochus Epiphane r
d'autres, 1'expression -rvjv ^puytav -/.at [TYJV] Fa)aTiy.r,v appele Philippe, etait Phrygien dbrigine. Voir PHI-
y/opav, ou vice versa, designerait un seul et meme LIPPE 3, col. 266.
district, qui etait tout a la fois phrygien et galate :
phrygien .'sous le rapport ethnologique, et galate sous PHUA, nom dans la Vulgate d'une Egyptienne et de
le rapport politique, depuis son annexion a la Galatie. deux Israelites qui portent tous des noms differents en
— Les interpretes discutent aussi sur la nature du mot hebreu.
$puytav dans les deux passages en question. Suivant
les uns, il serait de part et d'autre un adjectif, de sorte 1. PHUA (hebreu : Puvvdh; Septante : 4>o-ji), le
qu'on devrait traduire, Act., xvi, 6 : « Ils~ traverserent second des quatre tils d'Issachar. Gen., XLVI, 13;
la region phrygienne et galate; » Act., xvni, 13, «Ayant Num., xxvi, 33; I Par., vii, 1. Ses descendants furent
traverse la region galate et phrygienne.» Selon d'autres, nommes les Phuai'tes. Num., xxvi, 23.
'fcp'jytav serait au eontraire un substanlif, Act., xvi, 6 :
« Us traverserent la Phrygie et la region galate; >N 2. PHUA (hebreu : PiCah ; Septante : $oua), une des
Act., XVIH, 23 : « Ayant traverse la region galate et la deux sages-femmes egypliennes que le pharaon char-
Phrygie. » D'apres une troisieme opinion, ^puytav gea de faire perir tous les enfants males qui naitraient
serait pris adjectivement dans le premier passage, aux Hebreux. Exod., i, 15. Elle n'executa pas, ainsi que
Act., xvi, 6, et snbstantivement dans le second. Act., 1'autre sage-femme Sephora, les ordres du roi et lui re-
xvni, 23. L'emploi d'un seul article, du moins d'apres pondit, pour lui expliquer comment les nouveau-nes des
la lecon la plus accreditee, semble favoriser le premier Hebreux n'avaient point peri, que les femmes des He-
sentiment. II est aussi question implicitement de la breux n'avaient pas besoin de leur ministere. Les uns
Phrygie au passage Act., xix, 1, peragratis superiori- pensent que Sephora et Phua etaienf Egyptiennes,
bus partibus. En effet, d'apres le contexte, les « parlies d'autres qu'elles etaient Israelites. Josephe, Ant.jud., IIr
superieures », ainsi nominees a cause de leur altitude ix, 2, est de la premiere opinion; la plupart des com-
elevee, ne sont autres que les regions centrales de mentateurs juifs, saint Augustin, Cont. mend., xvv
1'Asie Mineure, c'est-a-dire la Galatie et la Phrygie, t. XL, col. 539, et beaucoup d'autres sont de la seconde.
que saint Paul venait de parcourir. Les premiers alleguent que le roi d'Egypte ne pouvait
Ainsi done, la Phrygie eut le grand honneur de re- compter que sur des Egyptiennes pour en obtenir ce
cevoir [au moins a deux reprises la visite de 1'apotre qu'il voulait d'elles; les seconds disent que les femme&
des Gentils, qui y jeta les premieres semences de la foi Israelites n'auraient pas accepte les services des femmes
chretienne. On ignore cependant si c'est par lui direc- egyptiennes, et que celles-ci n'auraient pas consent! a
terrient, ou par ses disciples, que furent fondees les servir celles-la. L origine egyptienne* de Sepliora et de
Eglises, si brillantes peu de temps apres, de Colosses, Phua parait plus vraisemblable. — Le nom de Phua.,
de Laodicee et de Hierapolis, situees dans la vallee du
Lycus. En ce qui concerne celle de Colosses, il parait j(? V "V »f, Poua, se lit sur une stele du musee
337 PHUA — PHURIM (FfiTE DES) 338
du Caire. Voir Mariette, Catalogue general des monu- confluent dedeux ruisseaux perpetuels,1'ouadiThana...
ments d'Abydos, 882. C'etait le nom d'une femme et 1'ouadi Fenan qui remonte vers Chaubak. L'eau etait
egyptienne quivivait sous la XIII6 ou la XIV« dynastie. done aboridante; un aqueduc a peine rompula condui-
Voir Lieblein, Dictionnaire des noms hieroglyphiques, sait dans un grand reservoir, et la situation, un peu
supplem.,'in-8°, Leipzig, 1892, p. 704, n. 1798. Quoique au-dessus de 1'Araba, etait meilleure que celle de Jeri-
deux sages-femmes seulement soient nominees, il cho et de Segor... Aujourd'hui trois bergers gardent
devait y en avoir un plus grand nombre, mais comme (ces mines), en repetant sans le comprendre, le nom
1'observe Aben-Esra, elles etaient les deux principales. de la vieille tribu edomite : Kharbet Fenan. Voir PHI-
— Di-eu, pour les recompenser de leur conduite, NON, col. 320. L'homophonie des noms est parfaite,
« leur fit des maisons. » Exod., i, 21, c'est-a-dire fit elle a resiste aux transformations des hellenistes, le
prosperer leur famille. site est caracterise par la presence des mines; nul
doute que nous ne soyons a Phunon. » Cette identifi-
3. PHOA'(hebreu : Pii'dh; Septante : $o<jx), de la cation est d'une extreme importance pour la determi-
tribu d'Issachar, pere du juge d'Israel Thola. Jud.,x,l. nation de la route suivie par les Israelites dans cette
Phua est, d'apres le texte hebreu, ben-Dodo, ce que Ja partie de leur exode. Moi'se put tirer des mines de
Vulgate traduit « Phua, oncle d'Abimelech », et les Phunon le cuivre necessaire pour la fabrication du ser-
Septante : « Phua, tils de son oncle. » Le plus probable pent d'airain. Num., xxi, 8-9. Get episode miraculeux
est que Dodo est un nom propre. Voir DODO 1, t. n, eut lieu dans cette region, et c'est la que le place la
col. 1459. carte mosai'que de Madaba. — Phunon devint un siege-
episcopal pendant les premiers siecles du christia-
PHUAITES (hebreu : hap-Puni; Septante :
t ) Vulgate : Phuaitse), descendants de Phua, 131s
d'Issachar. Num., xxvi, 23.
pl. v, lig. 3; dans 1'armee federate des. Chetas se bat- pas 1'epithete de \\ (khesi, « vils ») dont on est si
tant centre Ramses II. Lepsius, Denkmaler, Abth. in,
165. Cf. Delattre, LeLtres de Tell el-Amama, 7e serie, prodigue envers les autres. » Sur la representation du
dans Proceedings of the Society of Biblical Archae- tombeau de Rekhmara, il faut faire les memes re-
ology, t. xv, 1892-1893, p. 347-348, note de Wiedmann. marques : les gens de Punt viennent en amis, leurs
Allant plus loin ; comme au temps des Prophetes les traits sont ceux des Egyptiens, leurs produits, or,
mercenaires de 1'armee egyptienne etaient surtout des gommes resineuses, oeufs et plumes d'autruche, ivoire,
Libyens, on pourrait avancer qu'il n'etait pas derai- arbre a encens,la boswellia Car teri, singes et guepard,
sonnable de rendre Put par At'gus?. A cela il n'y a « presque tout ce que Ton y voit rappelle 1'Afrique
qu'une difficulte, mais elle est capitale, c'est que la bien plus que 1'Arabie; et si quelques trails peuvent
lecture peti, pate est fautive, comme le prouvent les s'appliquer a cette derniere contree, ils iui sont com-
transcriptions assyriennes des Lettres de Tell el- muns avec les terres extremes du continent africain. »
Amarna : bitali, n. 72 de Berlin, lig. 27, pidati, n. 102, Hamy, Etude sur les peintures ethniqites d'un tombeau
verso lig. 59, bi-it-ta-ti, n. 37 du British Museum, thebain de la XVllle dynastie, p. 21, tirage a part du
lig. 47. Cf. Delattre, loc. cit. Or pidali et variantes Bulletin de la Societc anthropologique de Paris, t. x.
nous donnent en egyptien pedate, pedati qui, comme La representation de Deir el-Bahari est de toutes la plus
formation, ne concorde pas avec Put. Cf. W. M. Miiller, earacteristique, malgre ses mutilations. II s'agit d'une
art. Put, dans Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, expedition pacifique envoyee a Punt par la reine Hat-
t. iv, col. 177. II est done necessaire de nous tourner chepsou. Cf. Naville, loc. cit., p. 11-21. En substance,
ailleurs. — Le premier, E. de Rouge attira 1'attention Naville observe que la flottille egyptienne debarque sur
sur un peuple que nous rencontrons dans les docu- une terre africaine. Leshuttes des indigenes, arrondies
et surmontees d'un toit conique,sont baties sur pilotis,
ments egyptiens de toutes les epoques : | crainte !&•*. ^..des fauves et peut-etre de 1'inondation. Une
Punt. Recherches sur les monuments qu'on pent echelle y donne acces. Elles ne different point des
altribuer aux six premieres dynasties, 1866, p. 4-5. huttes qu'on retrouve aujourd'hui dans 1'Afrique cen-
II deduisait qu'on pouvait reconnaitre Phuth dans le trale. La faune du pays ne comporte que des especes
nom de Punt. Cf. Ebers, Aegypten und die Bucher africaines : boeufs a cornes courtes, boeufs a cornes
Mose's, 1868, p. 64; Brugsch, Die altaegyptische Voel- longues et recourbees, que de nos jours encore on
kertafel, p. 38, 45, 51, 59, 66, dans Ye -Congres inter- exporte du Soudan en Egypte; girafes, chiens blancsaux
national des Orientalistes, Berlin, 1882, ue partie, longues oreilles pendantes, cynocephales, singes verts,
ler fasc., section africaine; Weisbach-Beng, Die Alt- peaux de panthere, hippopotames. Bien africains aussi
persischen Keilinschriften, 1893, p. 36-37; W. M. sont les arbres a encens ou a myrrhe, les ebeniers,
Miiller, Asien und Europa nach altdgyptischen Denk- 1'or et 1'antimoine. Les habitants sont plus significatifs
rnalern, 1893, p. 115. Ce dernier auteur, art. Put, loc. encore. On remarque parmi eux trois types : deux
cit., ajoute : « Les Egyptiens prononcaient le t apresw sortes de negres et les gens de Punt proprement dits.
avec un son que les Grecs rendirent par 6 (cf. <I>ouS Des negres, les uns ont la peau noire, et sont probable-
rendu constamment, non d'apres 1'hebreu, maisd'apres ment venus de 1'interieur pour leur commerce; les
la prononciation egyptienne), les Semites par teth. autres ont la peau bronzee ou rougeatre, differents des
Ainsi Put est pourPw(n)t, et celatres regulierement. » premiers par leur visage ovale, leur nez fin et droit ou
L'opinion d'E. de Rouge est de plus en plus generale- d'une courbe legere, leurs attaches delicates, leurs che-
ment admise aujourd'hui. veux frises, tenant le milieu entre les boucles des
IV. RAGE DE PUNT. — Le portrait des indigenes de Arabes et la laine crepue des Noirs, tous traits que
Punt nous a ete conserve, entre autres, par le temple Deniker, The races of Man, p. 438, regarde comme le
de Deir el-Bahari, Mariette, Deir el-Bahari, 1877, lot de la race ethiopienne, dont les Gallas, avec leurs
pl. 5. 13-16; Naville, Deir el-Bahari, t. in, 1898, epaules larges et leur tronc en forme de cone ren-
e
pl. LXIX, LXXIV, LXXVI (XVI Memoire de VEgypt Explo- verse sur des hanches peu developpees, sont le meilleur
ration fund); par le Tombeau de Rekhmara, public specimen. Quant aux gens de Punt, ils ont la peau
par Ph. Virey, dans Memoires de la mission archeolo- carminee, la taille elancee et bien prise, le nez aquilin,
gique francaise au Caire,t. v, fasc. i, 1889, pl. iv; par la barbe longue et terminee en pointe, la chevelure
les constructions d'Horemheb a Karnak (muraille est blonde qui s'etage en petites meches ou se divise en
de la Cour qui precede le dixieme pylone, section com- nattes soignees. Leur costume est fait d'un simple
prise entre le temple d'Amenophis II et le pylone lui- pagne. Si la femme du chef est difforme, si la fille est
meme). Cf. NO-AMON, t. iv, col. 1643-1644, fig. 445 a. De en voie de le devenir, c'est un genre de beaute toujours
cette derniere representation nous lisons, Lettre de apprecie dans les regions du Haut-Nil. Cf. Speke, Les
M. Bouriant a M. Max Muller, dans Recueil des tra- sources du Nil, edition francaise, 1865, p. 183; Schwein-
vaux relatifs a la philologie et a Varcheologie egyp- furth, Au coeur de 1'Afrique, edition francaise, 1875,
tiennes et assyriennes, t. xvn, 1895, p. 41-43 : « Le t. I, p. 282. En tout, les gens de Punt apparaissent
mur (section de mur en question) se divise en deux comme des Chamites, appartenant a la race rouge dont
parties, separees par une porte donnant a 1'exterieur les Egyptiens sont une autre branche. C'est done a tort
de la Cour. La parlie la plus meridionale, celle, par <jue Lepsius, Nubische Grammatik, Einleitung,p. xcvi,
consequent, qui est soudee directement au pylone, et, apres Iui, Glaser, Punt und die sudarabische Race,
portait un grand tableau representant le roi amenant p. 66, ont voulu en faire des Pheniciens qui fonderent
a la triade thebaine un certain nombre de captifs... plus tard la colonie de Carthage. On rapproche ainsi
Sur la partie du mur situee au dela de la porte, un seul lesnoms : Puna, Phuna, Phoenix ($ocvt^), Pceni,Puni.
peuple est represente, mais traite en ami; il n'est ni Mais Puna, pour Punt, est une lecture incorrecte. En
enchaine ni meme relie au roi par la corde tradition- outre, 1'adjectif latin punicus est derive du nom
nelle. C'est celui de Punt, dont les chefs apportentl'or, Pcenus, qui est 1'equivalent exact de 4>ocvtE. Or, entre
la gomme et les plumes d'autruche. Le type de ces 4><Hvi£ et Punt, il n'y a ni ressemblance ni rapport
individus se rapproche assez du type egyptien pour d'aucune sorte. La vocalisation greco-romaine ^otvtxsi;-
faire croire a une commune origine; dans tous les cas Posni repousse toute equivalence entre I'M ou plutot
les chairs sont rouges, on peut encore le constater, et le w de Punt et Yu de Puni. Cf. Ed. Meyer, Geschichte
le vetement n'est pas autre chose que celui des Egyp- des Alterthums, 1884-1902, t. I, p. 216; Bissing, Ge-
tiens. Detail curieux a signaler : les chefs ne portent schichte Aegyptens in Umriss, 1904, p. 45.
347 348
V. LE PAYS DE PUNT. — II est avant tout « les Echelles de Massaouah, et pour cette epoque seulement valent
de 1'encens », khetiou nou dntiou, ®—• 1W ^' * les conclusions documentees de Krall, Studien zur
'•='->*• JK Jm i i Geschichte des alien Aegyptens, iv, Das Land Punt,
^ A in' Naville' loc- cit-> P1- LXXXIV, lig. 13, la dans les Sitzungsberichte de P Academic imperiale de
terre des parfums par excellence, ceux que les dieux Vienne, t. cxxi, 1890, p. 1-87; voir en particulier,
preferent et qu'a respirer les hommes eprouvent une p. 21-22. En effet, Maspero, Notes sur quelques points
joie celeste. «. Je t'ai donne, dit Amon a Hatchepsou, degrammaire et d'histoire, dans Recueildes travaux,
tout le pays de Punt, y compris les terres des dieux de t. XVH, 1895, p. 76-78, a montre qu'a la XII« dynastie
la Terre divine... Les Echelles de 1'encens, c'est en Ton croyait que le Nil debouchait par la dans la mer
verite le lieu de mes delices. Je 1'ai cree pour (y trou- Rouge, vers 1'ile du roi des Serpents, qui repondrait a
ver) le Men de mon coaur, dans la compagnie de Mout, File des Topazes des Anciens, dans la region moyenne
d'Hathor, d'Ourrit, dame de Punt. » Naville, loc. cit., du golfe Arabique. Mais sous la XVIII6 dynastie, la flot-
lig. 10-13. Nous voyons par ce texte que Punt s'appelait tille de la reine Hatchepsou parait avoir depasse ces
limites. Ce n'est pas sur la cote meme, mais dans Pes-
aussi la Terre divine j ^^, ta neter. Punt et Taneter tuaire d'un fleuve que les Egyptiens debarquent, comme
sont d'ordinaire synonymes. Toutefois le second sem- cela resulte de 1'examen des representations de Deir el-
ble avoir un sens plus vague et plus etendu que le pre- Bahari. Partant de ce fait, Maspero, De quelques navi-
mier et 1'on comprend des lors que parfois on le place gations, p. 20-22, a cherche le point d'arrivee de la
aunord relativement a Punt. Cf. Maspero, Dequelques flottille dans 1'une des rades accessibles, que signale le
navigations des Egyptiens, 1878, p. 6. Par dela Punt Periple de la mer Erythree, § 8-11, dans Miiller, Geo-
et la Terre divine s'etendaient les regions fabuleuses, graphi Grseci minores, i. i, edit. Didot, p. 265-266, et
Vile des Doubles, la Terre des Esprits. — De ce qui a il a songe a la riviere del'Elephant dont 1'Ouadi, « situe
ete dit, il ressort deja que le Punt connu des Egyptiens entre le Ras el-Fil (cap Elephas) et le cap Guardafui,
etait en Afrique et Ton a pu soupconner qu'il se trouvait parait avoir ete assez considerable pour que des navires
a Test du Nil. Les documents hieroglyphiques vont d'un faible tirant d'eau pussent y penetrer et meme y
nous permettre de preciser davantage. « Je suis venu, evoluer a leur aise. C'etait la, et la seulement, qu'a
dit Amon a Thoutmes III, et je t'accorde d'ecraser la 1'epoque romaine on recueillait la meilleure qualite
terre d'Orient, de fouler aux pieds les habitants des d'encens; c'est la probablement que les Egyptiens d'Hat-
contrces divines.» Mariette, Karriak, 1875, pi. xi, lig. 15. chopsitou atterrirent. Us remonterent le fleuve jusqu'a
De meme a Ramses III : « Je tourne ma face vers 1'endroit ou le flux et le reflux ne se faisaient plus sen-
I'Orient... : je te 1'assujettis en son entier...; je reunis tir, et ils mouillerent en face d'un village epars sur la
pour toi les produits de Punt, gommes odorantes, en- rive, au milieu des sycomores et des palmiers. » His-
cens, cinnamome..., 1'odeur agreable en estdevant toi. » toire de I'Orient classique, t. n, 1897, p. 245-248 et
Champollion, Monuments de I'Egypte et de la Nubie, notes. Ils auraient done ete en pleine cote des Somalis,
Notices descriptives, t. i, p. 727. Tous les matins le dans la region des Aromates des Anciens. Cf. Geograph.
soleil arrivait de Punt chez les Mazaiou, c'est-a-dire Grseci minores, Tabulae, pars prima, tab. xn. Naville
d'Orient en Occident. Mariette, Papyrus de Boulaq, ne pense pas autrement que Maspero. Cf. The tomb
t. n. pi. xr, p. 2, lig, 4; cf. p. 1, lig. 4-5. G'est done Men a of Hatchopsitu, Londres, 1906, p. 26, 27, 30, 31. Le
1'Orient de I'Egypte que se trouvait le pays de Punt. On meme auteur, p. 25, fait une remarque qui vaut d'etre
pouvait s'y rendre par les routes de terre et de mer. notee : « J'estime une erreur, dit-il, de considerer le
C'est par les routes de terre que Hirkhouf, prince nom de Punt comme s'appliquant a un territoire aux
d'Elephantine, y parvint sous la VIe dynastic et en ramena limites definies, soit a un Etat ou royaume, soit a un
un pygmee, comme avait fait quatre-vingts ans plus groupe d'Etats. C'etait une vague appellation geogra-
tot un autre fonctionnaire de la Ve dynastie. Maspero, phique embrassant un pays d'une vaste etendue, le res-
Histoire de 1'Orient classique, t. i, 1895, p. 396-397. sort de plusieurs nations de races diverses, sans aucun
432-433, pense que c'est par les vallees qui s'ouvrent lien entre elles. » II juge meme, loc. cit., p. 26, que
vers la mer Rouge un peu avant la seconde cataracte 1'appellation s'etendait a la cote Arabique de la mer
que Hirkhouf toucha au pays dePunt. E. Schiaparelli, Rouge. Aux gens de Punt vivaient plus ou moins me-
Una tomba egiziana inedita-della VI* dinastia, dans lees les tribus chamitiques du desert, celles princi-
Atti della R. Ace. dei Lincei, seria 4 a , t. x, 1893, palement qu'on appela plus tard les Troglodytes et
part. 1% Memorie, p. 22, estime que ee fut plus au les Ichtyophages (les Ababdehs et les Bicharis de nos
sud encore que remonta Hirkhouf pour aller prendre jours), les Bedjas qu'on dit les descendants des Ble-
contact avec la Terre divine, p. 48-53. Dans la suite, on myes, les Sahos et les Afars de la cote Abyssine, les
prefera la route de Coptosparl'Ouadi Hammamat, jus- Somalis et les Gallas. Plus avances dans les terres,
qu'a Qogeyr sur. la mer Rouge. De la, des chalands ayant touchant meme au Nil et occupant les vallees de 1'est
ete construits sur place, on filait en course le long des a la hauteur de la deuxieme cataracte, dissemines vrai-
cotes vers le sud, on percevait les tributs des terres divi- semblablement jusqu'a 1'Atbara, etaient contigus au pays
nes, surtout 1'encens dont on avait besoin pour le culte de Punt les Mazaiou qui fournirent de tout temps a
des dieux. Ainsi fit Hounou, 1'ami unique de Sankhara I'Egypte de solides et nombreux contingents et dont le
Mentouhotep, le dernier roi de la XI« dynastie. Lepsius, nom finit par devenir synonyme de soldats. Cf. le copte
JDenkmaler, Abth. n, pi. 150a; Maspero, loc. cit., p. 494- JUATOJ. Le nom de Punt couvrit vaguement toutes ces
495. Ainsi fit un certain Khentkhetouer, en 1'an XXVIII regions. C'est pourquoi, sous le nom de Put-Punt, les
d'Amenemhat II et, il consigna son heureuse croisiere Prophetes purent designer les mercenaires que plu-
sur une stele de 1'Ouadi Gasous. Erman, Stelen aus sieurs de ces contrees envoyaient a I'Egypte. — D'autre
Uddi Gasus bei Qoser, dans Zeitschrift fur dgyptische part, les Egyptiens ne connaissaient de Punt que quel-
Sprache, t. xx; 1882, p. 203-205. Ainsi feront tous les ques points, surtout les stations cotieres qui etaient des
rois aux epoques prosperes. On n'oubliera plus le entrepots pour les produits de Pinterieur. Sur cet inte-
chemin de Punt que plus tard rendra plus abordable le rieur, ils n'avaient que de vagues idees, et Ton s'ex-
canal du Nil a la mer Rouge. Cf. Maspero, De quelques plique que d'apres leurs donnees obscures les savants
navigations, p. 27-32; Naville, The Store-City'of Pi- aient d'abord diverge beaucoup dans la manier'e de si-
thorn, 4e edit., 1903, p. 21, 33. — Jusqu'a la XIIe dynas- tuer la Terre divine, qu'ils 1'aient meme etendue a la cote
tie, il semble que les Egyptiens n'aient connu de ce asiatique de la mer Rouge, a PYemen et a PHadramaut.
pays que la partie situee a la hauteur de Souakim et Pour la bibliographie des opinions diverses ou succes-
349 PHUTH — PHYLACTERES 350
sives sur ce sujet, voir Maspero, loc. cit., p. 247, note 3. dans la main, un zikkaron, « memorial, » ou des totdfot
Nous devons retenir une chose surtout, c'est que les gens devant les yeux. Le sens du mot totdfot n'est pas bien de-
de Punt etaient de purs Africains, qu'entre eux et les termine; on ignore de quel radical il provient. Cf. Buhl,
Egyptiens il n'y eut jamais que des rapports amicaux. Gesenius' Handworterb., p. 295. Les Septante le tradui-
C'est en volontaires qu'ils livrent leurs tributs aux sent par «<raX£-jTov, « quelque chose de fixe, » la Vulgate
envoyes de Pharaon ou qu'ils les apportent en Egypte. par appensum quid, « quelque chose de suspendu, » et
Les Egyptiens, de leur cote, les traitent en freres plus par les verbes movebuntur, « seront agites, » collocate,
qu'en allies et ecrivent d'ordinaire le. nom de Punt « placez. » La signification de totdfot est vraisemblable-
sans le determinatif des peuples etrangers. Pour eux, ment analogue a celle de 'of. II s'agit de part et d'autre
Bes, Hath'or, et d'autres dieux de la valleedu Nil etaient d'un signe, d'un memorial, d'un zikkdron, [xvrifjidauvov,
originaires de Punt. Tout sembledonc indiquer qu'entre monumentum, objet destine a rappeler une idee, comme
les E,gyptiens et les gens de Punt il y avail des affini- il est dit dans le premier de ces textes. Exod., xiu, 9. —
tes de sang et comme le souvenir d'un habitat com- 2° Les Juifs de 1'epoque evangelique pensaient que les
mun : c'etait apparemment les deux branches d'un recommandations du legislateur devaient se prendre
meme tronc. Et Ton est en droit de penser que les dans le sens le plus litteral. En consequence, ils ecri-
habitants de Punt ne sont qu'une portion des conque- vaient les passages indiques par le legislateur et se les
rants venus primitivement de 1'Orient vers 1'Egypte. mettaient sur le front et dans la main, au moins pen-
Cette portion s'arreta en route, se fixa sur la cote afri- dant la priere. II est a croire que cette pratique, basee
caine de la mer Rouge, la depassa m£me et s'enfonea sur 1'interpretation servile du texte sacre, n'entra en
plus ou moins dans 1'interieur, pendant que la grande vigueur qu'apres la captivite, quand le formalisme pha-
masse des immigrants, suivant 1'Ouadi Hammamat,abor- risien commenca a exercer son influence et a substi-
dait par infiltrations successives a Coptos ou Petrie a -mis tuer peu a peu la lettre de la loi a son esprit, les tra-
au jour les statues du dieu Min qu'il regarde comme ditions humaines aux prescriptions divines. On a un
les plus anciens monuments dynastiques, Coptos, 1896, exemple analogue d'interpretation dans la mezuza. Voir
p. 7. 9, et s'etablissait dans les environs d'Abydos ou se MEZUZA., t. iv, col. 1057. Du temps de Notre-Seigneur,
trouvent lestombes des premiers rois. Cf. J. Capart, Les les totdfot etaient en honneur sous le nom de « phy-
debuts de I'art en figypte, 1904, p. 278-280. Naville, La lacteres ». Le divin Maitre en parle sans en reprouver
religion des anciens Egyptiens, 1906, p. 9-12, pense que l'usage,maisseulement pour en blamer 1'abus. Josephe,
les immigrants suivirent une route plus meridionale. Ant. jud., IV, VHI, 13, les mentionne sans leur donner
Pour recapituler, les textes de 1'Ecriture pris dans de nom; il dit seulement que les Israelites ecrivent et
leur ensemble nous obligent a situer en Afrique le portent sur leur front et leur bras ce qui rappelle la
peuple de Phuth-Put. Or, precisement, les textes hie- puissance de Dieu et sa bonte envers eux. Saint Justin,
roglyphiques nous donnent le nom d'un peuple et d'un Dial, cum Tryph., 46, t. vi, col. 576, reconnait dans
pays, Punt, qui est 1'equivalent exact de Put. Ce peuple cet usage une prescription de la Loi. Un certain nom-
de Punt, d'apres les produits de son sol et sescaracteres bre d'auteurs, anciens ou modernes, sont du meme
ethnographiques est purement africain, mais africain avis; la Loi, selon eux, prescrivait reellement de porter
etroitement apparente aux Egyptiens avec lesquels il est par ecrit, sur le front et a la main, plusieurs de ses
en rapports d'amitie constants, II couvre de son nom preceptes. Rosenmuller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 471,
tout un groupe de tribus, chamitiques comme lui, dit que Dieu commanda cette pratique aux Israelites
qui lui sont melees ou contigues, s'etendent dans la afin de faire tourner au profit de la Loi le penchant
partie orientals du Nil, au-dessus de la premiere ca qu'ils avaient pour les amulettes, a 1'exemple de tous
taracte jusque vers 1'Atbara, pepiniere de soldats pour les peuples anciens. II est probable que 1'interpreta-
1'Egypte. Quaut a lui, il habite principalement les tion litterale des recommandations sur les totdfot s'ins-
cotes de 1'Etbaye, de 1'Abyssinie, des Somalis, penetre pira de la loi tres positive qui concerne le sisit. Voir
meme les Gallas, faisant le commerce de ses produits FRANCE, t. n, col. 2394. On crut que les 'of et les totd-
et servant d'intermediaire pour les produits de 1'inte- foi devaient etre des objets materiels, comme les fran-
rieur. II marque probablement, a 1'origine, la derniere ges. — 3° 11 n'est pas possible cependant de faire re-
station des futurs conquerants de la vallee du Nil dont monter 1'usage des phylacteres au dela des siecles qui
il se detacha pour se iixer aux Echelles de 1'encens. precedent imrnediatement 1'ere chretienne. Cf. Frz. De-
C. LAGIER. litzsch, dans le Handworterb. des bibl. Altert. de
PHUTIEL (hebreu : Puti'el; Septante : $ouTiv]X), Riehm, t. i, p. 310. Parmi les Juifs eux-memes, les
pere de la femme du grand-pretre Eleazar, fils d' Aaron Caraiites ne les admettaient pas, convaincus que les
et grand-pere de Phinees. Exod., vi, 25. Voir PHINEES 1, textes allegues devaient s'entendre dans le sens figure.
col. 319. Saint Jerome, Ep. LII, 13, t. XXH, col. 537; In Matth.,
iv, 23, t. xxvi, col. 168, tout en affirmant par erreur que
PHYGELLE (grec : ^uyeXXo,;, « fugitif [?] »), chre- c'etait le Decalogue que 1'on ecrivait sur les phylacteres,
tien d'Asie qui, se trouvant a Rome pendant que saint dit que les pharisiens interpretaient mal la Loi et qu'il
Paul y etait prisonnier, 1'abandonna, de meme qu'Her- s'agissait de la porter dans le cceur et non exterieure-
mogene. II Tim., i, 15. Nous ne savons pas en quoi ment. De fait, dans les temps anterieurs a la captivite,
consista 1'abandon de Phygelle, s'il refusa simplement on ne trouve aucune trace de 1'usage des phylacteres.
de venir en aide a saint Paul ou s'il alia jusqu'a 1'apos- Saint Matthieu est le premier a en faire mention, sans
tasie. Voir HERMOGENE, t. in, col. 633. Ce qu'ont dit les cependant les supposer recents. II est certain que si
anciens a son sujet, et en particulier 1'Ambrosiaster, In 1'auteur sacre avait voulu que ses paroles fussent en-
Tim., I, 15, t. xvn, col. 487, est purement conjectural. tendues dans un sens materiel, il s'en serait explique
plus nettement, comme il le fait quand il s'agit de
PHYLACTERES (grec : cpuXaxTvipta; Vulgate : prescriptions de ce genre, a propos des franges, par
phylacteria), inscriptions que les Juifs portaient a exemple. Pour dire qu'il ne faudra jamais oublier les
leur front, au bras ou a la main. commandements divins, le legislateur ajoute : « Tu les
, I. LEUR ORIGINE. — l°Dans quatre passages du Pen- inculqueras a tes enfants, tu en parleras quand tu seras
tateuque, Exod.,xm, 9^16; Deut., vi,8; xi, 18, le legis- dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te
lateur, pour inculquer aux Israelites la necessite de coucheras et quand tu te leveras. » Deut., vi, 7. Ces
1'obeissance aux preceptes divins, dit que ces preceptes recommandations n'ont pas ete prises, et avec raison,
doivent etre pour eux '6t,CTYKJL£IOV,signum, un signe selon la rigueur de la lettre. Pourquoi celles qui sui-
351 PHYLACTERES 352
vent, et qui se rapportent aux totdfot, auraient-elles du que les docteurs ont decide sur le sujet. Maimonide
1'etre ? Bon nombre d'expressions equivalentes se ren- s'en occupe dans Hilchoth Tephillin. On avait regie
contrent d'ailleurs dans les Livres sacres, sans qu'on jusque dans les details les plus minutieux ce qui con-
ait songe a leur donner une interpretation materielle. cerne les Tephillin. On en distinguait de deux sortes,
II est dit, par example, qu'il faut « attacher a son cou » la tefillah set r'os, ou phylactere pour la tete (fig. 78),
la misericorde et la verite, Prov., in, 3, ainsi que 1'en- et la tefillah set ydd, phylactere pour la main, cf. Me-
seignement du pere et de la mere, « lier sur ses doigts nachoth, iv, 1, ou sel zeroa*, pour le bras (fig. 79
et ecrire sur la table de son cceur » les lecons du sage. et 80), cf. Mikvaoth, x, 3. La tefillah du front sev
Prov., vii, 3, etc.; cf. Cant., vm, 6. Ces expressions composait d'une petite cassette de basane, divisee en
figurees out toujours ete comprises dans le sens d'une quatre compartiments, dans chacun desquels on enfer-
grande attention, d'un soin vigilant, pour ne rien ou- mait 1'un des quatre passages presents, soigneusement
blier de ce qu'il faut retenir et pratiquer. Les anciens ecrits sur parchemin. La cassette, appliquee sur le
Hebreux entendaient de meme les recommandations
.relatives a la Loi.
II. LA. PRATIQUE JUIVE. — 1° Les totdfot prennent,
dans 1'Evangile, le nom de cp-j^a/rrjpia. Matth., xxm,
6. Le mot cpuXaxr/iptov vient de ouXacrativ, « garder, »
el signifle « moyen de garder, preservatif, amulette ».
Bien que le verbe a-j^ao-o-Etv ait quelquefois le sens
25; Luc., vm, 41, 47; xvn, 16; Joa., xi, 32; Act., xvi. PICQUIGNY (BERNARD1N DE). Voir BERNARDIN
29, etc. Voir t. i, fig. 37, col. 236; t. n, fig. 541, DE PICQUIGNY, 1.1, col. 1620.
col. 1637. — Baiser les traces des pieds de quelqu'un,
Is., LX, 14; Esth., xm, 13, ou lecher la poussiere de PIERRE (SAINT) (grec LTsipo?), apotre et .chef du
ses pieds, Is., XLIX, 23, c'est lui temoigner soumission college apostolique (fig. 82).
et respect. — Mettre sous les pieds de quelqu'un, c'est I. PIERRE DANS LES RECITS EVANGELIQUES. — C'est la
placer sous sa domination. Ill Reg., v, 3; Ps. vm, 8; periode de preparation ou de formation de 1'apotre.
ex (cix), 1; Eph., I, 22; Hebr., n, 8. — 2° Tremper ses pieds Elle s'etend depuis sa vocation jusqu'a 1'Ascension du
dans 1'huile, Deut., xxxm, 24, ou dans le beurre, Sauveur.
Job, xxix, 6, c'est posseder en abondance les biens de I. PIERRE AVANT L'APPEL DE JESUS. — 1° Son nom. —
la terre. Les tremper dans le sang, Ps. LXVIII II recut a la circoncision celui de Simon, qui, dans les
(LXVII), 24, c'est triompher de ses ennemis. — Job, manuscrits grecs du Nouveau Testament, apparait sous
xxix, 15, dit qu'il a etc le pied du boiteux, pour la forme de Su^ewv, cf. Act., xv, 14; II Pet., i, 1, etc.,ou
indiquer qu'il a exerce la charite envers les malheu- deSt>wv. Cf. Matth., x, 2; Marc.,i, 16; Luc., v, 3; Joa ,
reux, quelle que fut leur infirmite. — 3° Les pieds qui i, 41, 52, etc. La premiere est employee par les Septante
trebuchent, Deut., xxxii, 35, qui errent, IV Reg., xxi, comme 1'equivalent du nom hebreu ]iyan; (Sim'on),
8; II Par., xxxm, 8, signifient 1'epreuve et le malheur;
les pieds menaces ou saisis par les lacets supposent la qui se presente pour la premiere fois Gen., xxix, 33,
persecution. Ps. ix, 16; xxv (xxiv), 15; LVII (LVI), 7; pour designer le second fils de Jacob. La seconde, qui
cv (civ), 18; Jer., xvm, 22; Lam., I, 13, etc. Les pieds se rapproche davantage de 1'usage grec, est employee
au large, Ps. xxxi (xxx), 9, ou sur le roc, Ps. XL (xxxix), EcclL, L, 1; I Mach., n, 1; Luc., n, 25, et souvent
3, indiquent la prosperite et la stabilite. — 4° Les pieds, ailleurs. Voir aussi Josephe, Bell, jud., IV, m, 9. Dans
avec lesquels on marche, sonl souvent pris comme le 1'idiome arameen, elle est devenue |in»D (Simon).
symbole de la conduite, c'est-a-dire de la maniere dont Voir Dalman, Die Worte Jesu, in-8°, 1898, p. 41, n. 1;
on marche dans le chemin du devoir. Job, xm, 27; Blass, Grammatik des neutestam. Gnechisch, in-8°,
xxm, 11; Ps. xiv (xm), 3; xxxvi (xxxv), 12; cxix 1896, p, 30. La Vulgate dit toujours Simon. Le nom de
(cxvm), 59, 101; Prov., i, 15; iv, 27; Eccle., iv, 17; Simon etait tres commun chez les Juifs au temps de
Hebr., "xii, IS, etc. Les pieds du mechant courent vers Jesus-Christ. Cf. Matth., x, 4; xiu, 55; xxvj, 6; xxvn,
le mal. Ps. xiv (xm), 3; Prov., i, 16; vi, 18; Is., LIX, 32; Luc., xxvn, 40; Act., x, 6. — Plus tard, Matth., xvi,
7; Rom., HI, 15, etc. 18; cf. Joa., I, 42, Simon regut de Jesus la denomi-
III. Locutions diverses. — Ne « lever la main et le nation symbolique de N3>s, Kefd', mot arameen,
pied » qu'avec la permission de quelqu'un, c'est de-
pendre totalement de lui. Gen., XLI, 44. — « Poser la dont on a fait en grec Kricpac, et qui, comme Phebreu
plante des pieds » sur un territoire, c'est 1'occuper ou *p, kef, Job, xxx, 6; Jer., iv, 29, a la signification de
le posseder. Deut., n, 5; xi, 24; Jos., i, 3; xiv, 9. Le « pierre, rocher »; en grec, FIsTpoc, qui, transcrit en
« lieu des pieds » de Jehovah est le Temple. Is., LX, 13; latin, est devenu Petrus (masculin de petra), Pierre en
Ezech., XLIII, 7. — « De la plante des pieds au sommet francais. Rien ne prouve que les substantifs Kepha" et
de la tete » designe le corps tout entier. II Reg., xiv, Ilsrpo? aient jamais ete employes comme noms propres
25; Job, n, 7; Is., i, 6. — Comme on comptait souvent avant d'etre appliques a saint Pierre. Neanmoins, d'apres
en frappant du pied, le pluriel regdlim est pris avec le Edersheim, The Life and Times of Jesus the Messiah,
sens de « fois » apres un nombre. Exod., xxm, 14 : t. i, p. 475, note, d'autres Juifs auraient ete pareille-
sdlos regalim, « trois (coups de) pieds », c'est-a-dire ment appeles Pelros. — On a fait les remarques sui-
« trois fois Tan tu me feteras ». Cf. Num., xxii, 28. — vantes au sujet de 1'emploi de ces deux noms dans les
La « voix des pieds » est le bruit que font les pieds en ecrits du Nouveau Testament : 1° Dans le quatrieme
. marchant. Ill Reg., xiv, 6; IV Reg., vi, 32. — « Etre sur ^vangile, la double appellation, Simon-Pierre, est la
les pieds » de quelqu'un, c'est le suivre. Exod., xi, 8; plus frequente; on 1'y rencontre jusqu'a dix-sept fois;
Deut., XI, 6; etc. — Isaiie, vii, 20; xxxvi. 12, emploie le 2° dans les autres Evangiles, les deux noms n'appa-
mot « pieds » pour eviter un terme grossier. L'expres- raissent combines ensemble qu'a deux reprises, en des
sion « d'entre les pieds » signifie de la descendance de circonstances tres importantes pour 1'apotre, Matth., xvi,
quelqu'un. Gen., XLIX, 10; Deut., xxvni, 57. « Couvrir 16; Luc., v, 8; 3° apres la resurrection et 1'ascension,
ses pieds », Jud., m, 24; I Reg., xxiv, 4, veut dire le titre d'honneur, Cephas ou Pierre, remplaga peu a
satisfaire aux besoins de la nature. Voir LATRINES, t. iv, peu le nom primitif Simon, comme le montre son
col. 125. H. LESETRE. emploi tres frequent (dix-neuf fois dans saint Matth.,
dix-huit dans saint Marc, seize dans saint Luc, quinze
PIEGE, engin dispose pour prendre des auimaux. dans saint Jean et tres souvent au livre des Actps); 4°le
On utilise dans ce but des lacets, des filets, des fosses, Sauveur lui-meme revient a 1'ancien nom, lorsqu'il
des trappes, etc. Voir CHASSE, t. n, col. 621; CROCODILE, adresse a 1'apotre un reproche, cf. Marc., xiv, 37, ou
t. n, col. 1123; FILET, t. in, col. 2245; FOSSE, t. HI, un avertissement, Luc., xxii, 31; 5° saint Paul emploie
357 PIERRE (SAINT) 358
volontiers le nom arameen Cephas. Cf. I Cor., i, 12; truction, les regardant tous deux comme « des hommes
111,22; Gal., i, 10; H, 9,11, 14. illettres et des gens du peuple ». Act., iv, 13 r
2° Sa patrie. ~ Simon etait originaire de « Bethsai'de, av6po)7ros aypajAjxaTot... xa\ cStwtai, homines sine lit-
la ville d'Andre et de Pierre », comme aussi de Papotre teris et idiotse. Cf. S. Jean Chrysostome, Horn, xxxu,
Philippe. Joa., i, 44. Elle etait situee en Galilee, non 3, In Matth., i. LVII, col. 381. Mais il faut prendre ces
loin de Capharnaum, sur la rive droite du lac de Tibe- expressions dans le sens que leur donnaient alors les
riade. Plus tard, cependant, Pierre abandonna Beth- Juifs; ainsi comprises, ^lles signifient seulement que
sai'de, pour s'etablir a Capharnaum, car plusieurs textes les deux apotres n'avaient pas etudie dans les ecoles
evangeliques, cf; Matth., vm, 5, 14; Marc., i, 21, 29; rabbiniques et qu'ils n'etaient que des hommes ordi-
Luc., iv, 31, 38, parlentde la maison qu'il possedait, ou naires, sans influence, par contraste avec les docteurs
du moins qu'il habitait dans cette derniere ville. de la loi, les pretres, etc. Neanmoins, Simon n'etait pas
3° Sa famille. — Les Evangiles nous fournissent denue de toute instruction. Depuis longtemps, en effet,
aussi quelques renseignements interessants sur la fa- des ecoles avaient ete etablies dans les communautes
juives de toute la Palestine, et les pharisiens veillaient
a ce que 1'enseignement des maitres fut serieux et
solide. Voir J. Simon, L'education et Vinstruction des
enfants chez les anciens Juifs, d'apres la Bible et le
Talmud, in-8°, Leipzig, 3e edit., 1879. LUdiome en usage
dans la contree etait 1'arameen occidental, dont les
Evangelistes nous ont conserve quelques echantillons.
Cf. Matth., xxvn, 46; Marc., v, 41; Joa., xx, 16, etc.
Nous apprenons, Matth., xxvi, 13, que c'etait la langue
maternelle de saint Pierre; mais de tres bonne heure
il dut comprendre et parler plus ou moins parfaite-
ment le grec dit hellenistique (voir plus has, col. 392;,
qui, dans la region du lac, etait connu de la plupart
des habitants, comme 1'affirment les anciens auteurs.
De nombreux paiens s'etant fixes dans ces parages,
ce grec vulgaire servait de moyen de communication
entre eux et les Juifs. — 2. La formation religieuse de
Simon avait-eu lieu d'abord sous 1'influence de la fa-
mille, puis sous celle de la synagogue. Ses relations
intimes avec Jean-Baptiste, cf. Joa., i, 35, attestent sa
granle piete et la foi tres vive avec laquelle il atten-
dait le Messie. Ses discours et ses Epitres prouvent
qu'il connaissait la Bible, si chere a tous ses coreli-
gionaaires; il la cite assez frequemnaent, et son Ian-
gage en est tout colore, comme il sera demontre plus
loin (col. 393).
5° Sa profession. — Avant d'etre appele par Notre-
Seigneur, Simon exercait sur la mer de Galilee le me-
tier de pecheur. Matth., iv, 18; Marc., i, 16; Luc., v, 2;
Joa., xxi, 3. Le bateau dont il se servait etait sa pro-
priele personnelle. Luc., v, 3. Les pecheurs du lac de
Tiberiade formaient alors une classe nombreuse, car
les poissons abondaient dans ses eaux (c'est encore le
cas aujourd'hui), et il s'en faisait un commerce consi-
derable dans la Palestine entiere. C'etait une profession
assez remuneratrice; aussi rien ne donne a penser que
Pierre ait ete pauvre avant de s'attacher au Sauveur;
hien plus, nous 1'entendrons lui-meme affirmer plus
82. — Statue de saint Pierre, iv siecle, dans les cryptes
vaticanes. D'apres une photographic. Voir D. Dufresne, tard qu'il avait conscience d'avoir abandonne, pour
Les cryptes vaticanes, 1902, p. 14. suivre Jesus, des biens qui n'etaient pas sans valeur.
Cf. Marc., x, 28. Si les beaux horizons du lac durent
mille de saint Pierre. — 1. Son pere s'appelait 'I exercer une impression durable sur Fame sensible et
d'apres Matth., xvi, 17; Joa., I, 42 ; xxi, 15, 16, 17 (textus ardente de Pierre, il est tres juste aussi de dire que
receptus). Voir JONA ; t. in, col. 1603. — 2. L'Evangile son rude metier, accompagne de tant de privations, de
nous apprend aussi que Simon avait un frere nomine fatigues et de perils, ne contribua pas peu a developper
Andre, lequel eut egalement 1'honneur de compter son energie, sa perseverance, son activite et son habi-
parmi les amis privilegies de Notre-Seigneur. II n'est lete pratique.
pas possible de dire avec certitude lequel des deux II. LES APPELS SUCCESSIFS DE SIMON PIERRE. —
freres etait 1'aine; ce serait Simon, d'apres la plupart Nous devons en distinguer trois, d'apres les recits tres
des auteurs qui se sont occupes de cette question. — nets et tres formels des Evangelistes. Le premier, seu-
3. Simon s'etait marie avant de recevoir 1'appel de lement preliminaire, etablit entre Jesus et Simon de
Jesus, II est parle expressement de sa belle-mere. simples relations d'amitie. Le second fut decisif: il fit
Matth., vm, 14; Marc., i, 30; Luc., iv, 38. Saint Paul du pecheur de Galilee un disciple du Sauveur dans le
mentionne sa femme. I Cor., ix, 5. sens strict. Le troisieme fut d'un ordre encore plus
4° Son education intellectuelle et morale. — Nous releve, puisqu'il transforma Pierre en apotre du
sommes reduits sur ces deux points a de simples con- Christ.
jectures. — 1. La vie de Simon-Pierre montre qu'il pos- 1° Premiere rencontre de Jesus et de Simon, et pre-
sedait une intelligence peu commune. D'autre part, les mier appel de ce dernier. — C'etait sur la rive orien-
membres du sanhedrin porterent sur lui et sur son ami tale du Jourdain, a Bethanie ou Bethabara. Joa., i, 28.
saint Jean un jugement severe sous le rapport de 1'ins- Andre et celui qui fut plas tard le disciple bien-aime
359 360
(par consequent, le narrateur lui-meme) s'etaierit mis Kouroun-Hattin, qui se dresse a peu pres en face de
a la suite de Jesus, que le precurseur, dont ils etaient Tib6riade7 a environ trois heures du lac de Genesareth.
les~ fervents disciples, leur avail designe comme Dans la region, c'est vraiment « la montagne » par
1'Agneau de Dieu. En revenant, tout emu, d'aupres de excellence fro opoc, avec 1'article). Voir Stanley, Sinai
celui en qui il avait reconnu le Messie, Andre trouva and Palestine, p. 368. Les trois synoptiques racontent
son frere, qu'il se hata de conduire au Sauveur. Re- aussi cet! evenement, qui fut d'une gravite exception-
gard penetrant du Christ sur Simon (iy/Aity*/;), accom- nelle dans la vie de Jesus. Cf. Matth., x, 1-4; Marc., HI,
pagne de cette parole, qui revelait toutl'avenir du futur 13-19; Luc., vi, 12-16. Saint Marc et saint Luc en font
chef de I'Eglise : « Tu es Simon, le fils de Jean; tu ressortir 1'importance par les formules solennelles qui
seras appele Pierre. » C'est-a-dire : jusqu'a ce jour tu introduisent leurs narrations. Un trait special est a
n'as ete qu'un homme ordinaire; bientot tu seras trans- noter en ce qui concerne saint Pierre : dans les trois
forme, et tu deviendras un rocher inebranlable, sur listes du corps apostolique citees a cette occasion,
lequel je batirai un glorieux edifice. Toutefois, ici, le comme aussi dans la quatrieme, que nous fournit le
nom de Cephas ou de Pierre est seulement promis a livre des Actes, i, 13, il est toujours mentionne le pre-
Simon; il ne le recevra d'une maniere proprement dite mier, quoique la plupart des autres Apotres n'obtiennent
qu'apres sa noble confession. Cf. Matth., xvi, 18. II est pas constamment la meme place. Saint Matthieu appuie
probable que Simon avait alors un pen plus de trente sur cette circonstance d'une facon particuliere, car,
ans, car on suppose qu'il etait un peu plus age que apres avoir ouvert sa liste en ces termes : « Voici les
Notre-Seigneur. Apres cet appel, il demeura pendant noms des douze apotres : le premier Simon, qui est
quelque temps aupres de son nouveau Maitre, qu'il appele Pierre, » il cesse tout a coup de signaler d'autres
accompagna, avec son frere Andre, ses amis Jacques numeros d'ordre, et continue en disant : « Et Andre,
et Jean, Philippe et Nathanael, d'abord en Galilee, ou son frere; Jacques... et Jean... » Les Peres, les doc-
il fut temoin du changement de 1'eau en vin a Cana, teurs et les commentateurs catholiques, et meme d'assez
puis a Jerusalem pour la fete de Paque, et de nouveau nombreux protestants, voient avec raison dans ce trait
en Galilee, apres avoir traverse la Samarie. Le petit la preuve de la primaute tres reelle que saint Pierre
groupe se dispersa alors pour un temps. Cf. exercait sur ses collegues lorsque I'Evangeliste com-
Joa., H-IV. posa son recit. D'ailleurs, cette primaute sera bientot
2° Second appel. — II fit de Simon le disciple pro- confiee a Simon par Notre-Seigneur en un langage
prement dit du Sauveur, et eut lieu apres la premiere encore plus saisissant. Et puis, « ce n'est pas seule-
Paque de la vie publique de Jesus. Q est raconte par ment en cet endroit que Pierre occupe le premier rang
les trois synoptiques. Cf. Matth., iv, 18-22; Marc,, i, dans le college apostolique; 1'histoire evangelique lui
16-20; Luc., v, 1-11. Les recitsde saint Matthieu et de fait jouer presque a chaque page un role preeminent.
saint Marc sont presque identiques; celui de saint Luc Tantot il parle au nom de tous les autres disciples,
en differe notablement pour les details, a tel point que Matth., xix, 27; Luc., xii, 41; tantot il repond lorsque
divers commentateurs ont suppose qu'il y est question les Apotres sont interpelles en commun par leur Maitre,
d'un episode distinct. Mais la ressemblance generate est Matth., xvi, 16, etci; quelquefois Jesus s'adresse a lui
trop grandeentre les trois narrations, pour qu'elles se comme au personnage principal, meme parmi les dis-
rapportent a des faits differents. Tout s'explique, si ciples privilegies. Matth., xxvi, 40; Luc., xxu, 31. Ces
Ton adrnet que saint Luc raconte plus explicitement details, sans parler d'autres traits plus frappants encore,
les circonstances de 1'appel, et met en un plus saisis- auxquels nous arriverons bientot, forment le meilleur
sant relief la personnalite de Pierre. D'ailleurs, de commentaire des mots Primus Petrus. » L.-C1. Fillion,
part et d'autre nous apprenons que Simon fut. appele Saint Pierre, in-12, Paris, 1906, p. 24.
par Notre-Seigneur tandis qu'il exercait ses fonctions 4° Entre 1'appel de saint Pierre a I'apostolat et la con-
de pecheur, et que ces memes fonctions lui furent fession glorieuse qui lui meritera d'etre eleve a une
presentees comme un symbole de son role futur : dignite encore plus haute, nous ne connaissons qu'un
« Ne crains point; desormais, ce sont des hommes tres petit nombre d'incidents auxquels il ait pris une
que tu prendras vivants. » Une peche miraculeuse fut part directe. — 1. Saint Luc, vm, 45, cite une reflexion
associee a sa vocation. Andre, Jacques et Jean devinrent familiere qu'il fit a Jesus au moment de la guerison d&
en meme temps que lui les disciples de Jesus, et, I'hemorrhoi'sse : « Maitre, les foules vous pressent et
comme lui, ils quitterent tout sans hesiter, pour s'atta- vous accablent, et vous dites : Qui m'a touche ? » Comme
cher definitivement a Notre-Seigneur. Depuis ce mo- precedemment, saint Marc se sert a cette occasion de
ment, Simon vecut aupres du divin Maitre, recevant de la formule remarquable « Pierre et ceux qui etaient
lui chaque jour, avec les autres disciples, la formation avec lui », Quelques instants apres, Simon etait choisi,
necessaire pour la haute destinee qui lui etait reservee. avec les fils de Zebedee, a 1'exclusion des autres Apotres,
Les Evangelistes ne mentionnent, a cette epoque, que pour etre temoin de la resurrection de la fille de Jai're,.
d'assezrares incidents auxquels il fut personnellement Marc.,v, 37; Luc., vm, 51. C'est grace a lui sans doute
mele. II eut 1'honneur de donner 1'hospilalite au que saint Marc, son Ills spirituel et son « interprete »,
Sauveur dans sa maison de Capharnaum, durant 1'apres- nous a conserve la parole principale du Sauveur sous
midi d'un jour de sabbat, et Jesus Ten recompensa en sa forme primitive : Talitha coumi, Marc., v, 41. —
guerissant sa belle-mere, malade de la fievre. Cf. Matth., 2. Un peu plus tard eut lieu le prodige que saint
vm, 14-15; Marc., i, 29-31; Luc., iv, 38-39. Le lende- Matthieu, xw, 28-32, raconte immediatement apres la
main, comme le Sauveur etait sorti de grand matin pour premiere multiplication des pains. Pierre nous appa-
prier, la foule, que ses nombreux miracles avaient jetee rait dans cet episode avec tous les traits distinctifs de
dans I'enthousiasme, le eherchaitavecanxiete; « Pierre son caractere : il est tout d'abord ardent, plein d'entrain
et ceux qui etaient avec lui » (Marc., i, 36 : formule et de courage, puis il se laisse tout a coup abattre
remarquable, dans laquelle les exegetes reconnaissent par la difficulte : « Maitre, si c'est vous, ordonnez que
a bon droit « la primaute par anticipation ») allerent j'aille a vous sur les eaux. Jesus lui dit : Yiens. Et
dans toutes les directions pour le retrouver. II leur fit Pierre, descendant de la barque, marchait sur 1'eau
alors evangeliser une partie de la Galilee. Marc., i, 39; pour aller a Jesus. Mais voyant la violence du vent, il
Luc., iv, 43-44. eut peur; et comme il commencaita enfoncer, il<s'ecria i
3° L'appel a I'apostolat et les divers incidents qui Seigneur, sauvez-moi. Et aussitot Jesus, etendant la-
le suivirent. — Cet appel, le plus solennel de tous, eut main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi,
pour theatre probable le sommetdela montagnenommee pourquoi as-tu doute? » — Quelques heures se passent,.
361 PIERRE (SAINT) 362
et c'est une foi tres vive, comme aussi un amour gene- ter et lui dire qu'il avait parle en vertu d'une revela-
reux, que Simon-Pierre manifeste pour son Maitre. tion speciale; en eflet, les Apotres savaient depuis
Jesus venait de prononcer dans la synagogue deCaphar- longtemps que leur Maitre etait le Christ. Le second
naiim, le discours ou il promet la sainte Eucharistie. titre esplique done et developpe le premier : le Messie,
Joa., vi, 22-59. D'assez nombreux disciples furent tel que Pierre se le representait, etait reellement le
cheques de ses paroles, qu'ils interpretaient d'une Fils de Dieu.
maniere toute charnelle. Reste seul avec les Douze, le 3° Recompense de Pierre. — Ce passage est propre
Sauveur leur demanda : « Et vous, est-ce que vous a saint Matthieu, xvi, 17-19. Jesus repondit a 1'apotre :
voulez aussi me quitter? » Aussitot, Pierre repondit au « Et je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je ba-
nom de tous, avec toute la vigueur de sa conviction : tirai mon Eglise, et les portes de 1'enfer ne prevaudront
« Seigneur, a qui irions-nous? Vous avez les paroles point contre elle; et je te donnerai les clefs du royaume
de la vie eternelle. Et nous, nous avons cru et nous des cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lie
avons connu que vous etes le Christ, le Fils de Dieu » aussi dans les cieux, et tout ce que tu delieras sur la
(ou, d'apres une variante qui pourrait bien avoir ete terre sera aussi delie dans les cieux. » Des sa premiere
la lecon primitive : le Christ, le Saint de Dieu, c'est-a- rencontre avec le fils de Jonas, Jesus lui avait predit
dire, celui que Dieu a consacre, mis a parl, pour accom- qu'il serait appele KefcC. Cf. Joa., I, 43. Voir plus haut,
plir le role qui lui a ete destine). Cf. Joa., vi, 60-72. col. 356. II lui donne maintenant ce nom symbolique;
L'apotre regardait done alors Jesus comme le vrai Messie. et part de la pour 1'instiluer chef de son Eglise, com-
— 3. Vers cette epoque, les scribes et les pharisiens re- paree a un edifice spirituel. « Sur cette pierre », c'est-
procherent aux disciples de se dispenser des ablutions a-dire, comme il ressort evidemment du texte, sur
traditionnelles qui precedaient les repas. Jesus prit Simon lui-meme, en tant qu'il etait Kefa', rocher
energiquement la defense des siens, et prononca a cette mystique. C'est a tort qu'on a interprete parfois ces
occasion la parole celebre : « Ce n'est pas ce qui entre mots comme il suit : sur Jesus en personne; ou bien,
dans la bouche qui souille 1'homme. » Pierre, qui ne sur cette confession de Pierre; ou encore : sur le college
le comprit point, en demanda 1'explication : « Inter- apostolique uni a Pierre. Batie sur ce roc d'une soli-
pretez-nous cette parabole. » Matth., xv, 1-20. dite a toute epreuve, 1'Eglise de Jesus sera elle-meme
I I I . LA PROFESSION DE FOI DE SIMON PIERRE ET SA a jamais inebranlable; les portes (la partie pour le
RECOMPENSE. — 1° L'occasion. Cf. Matth., xvi, 13-15; tout) de 1'enfer, ou plus exactement, du sejour des
Marc., vin, 27-29; Luc., ix, 18-19. — Jesus a commence morts (TTJ^CU a8ou) envisage comme une citadelle dont
de rassembler les brebis dispersees d'Israel, et il a les portes ont une solidite extraordinaire, seront im-
institue des pasteurs pour les nourrir et les diriger; puissantes contre elle. Ce sombre sejour, a la puissance
mais il faut aussi, pour tenir sa place lorsqu'il aura duquel personne ne peut se soustraire, ne triomphera
quitte cette terre, un pasteur supreme des ames, et il done pas de 1'Eglise du Christ. — Les images suivantes
va maintenant Petablir. Ce fait memorable eut lieu expliquent la premiere. Celle des clefs se rattache tres
dans la Galilee du nord, au pied de 1'Hermon, non naturellement a celle de la construction mystique qui
loin de Cesaree de Philippe. Jesus approchait de la est 1'Eglise. Elle fait de Pierre 1'intendant supreme, le
ville; tout a coup, au sortir d'une priere solitaire, il chef visible de ce bel edifice, puisque celui qui possede
posa aux Douze, dont il etait entoure, cette question, les clefs d'une maison, et qui a le droit de s'en servir
destinee a preparer les revelations qui suivent: « Que pour ouvrir ou fermer les portes comme bon lui semble,
disent les hommes qu'est le Fils de Fhomme? » C'est- jouit par la meme d'une autorite sans limite sur la mai-
a-dire: Quel jugement porte-t-on a mon sujet? La reponse son. Cf. Is., xxn, 22; Apoc., i, 18 et in, 7. La figure :
des Apotres fournit un compte rendu tres exact des dif- « Tout ce que tu lieras... » est encore plus expressive
ferentes opinions qui avaient cours en Israel au sujet pour marquer une puissance absolue; en effet, le Sau-
de leur Maitre : « Les uns, qu'il est Jean-Baptiste ; les veur affirme ainsi que toutes les decisions de Pierre se-
autres, Elie; les autres, Jeremie ou quelqu'un des ront ratifiees par Dieu lui-meme. Les rabbins emploient
prophetes. » La masse du peuple considerait done souvent les verbes Her et delier dans le sens d'inter-
Jesus, a cette epoque de sa vie publique, comme un dire et de permettre. Voir Edersheim, Life and Times
personnage extraordinaire; mais beaucoup avaient cesse of Jesus the Messiah, t. n, p. 84; Dalman, Worte Jesu,
de le regarder comme le Messie, parce qu'il s'etait p. 174-178. Us signifient plutot dans ce passage : con-
refuse a flatter lenrs prejuges grossiers. Jesus reprit : damner et acquitter. — Sans doute, Jesus devait dire
« Et vous (vous, mes disciples privilegies, qui me con- plus tard a tous les Apotres, presque dans les memes
naissez mieux que personne), qui dites-vous que je termes : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lie
suis? » La crise terrible de sa passion approche, et il aussi dans le ciel, et tout ce que vous delierez sur la
yeut savoir s'il pourra compter, pour continuer son lerre sera delie aussi dans le ciel. » Cf. Matth., xvin, 18.
ceuvre, sur ceux qu'il avait le plus aimes. Mais, comme le remarque tres bien Bossuet, Discours
2° Confession de Pierre. — II repondit au nom de sur I'unite de 1'Eglise, ler point, « cette parole : Tout
tous. Saint Marc, vui, 29, et saint Luc, ix, 20, ne donnent ce que tu lieras,... dite a un seul, a deja range sous sa
qu'un resume de sa profession de foi; mais saint puissance chacun de ceux a qui on dira : Tout ce que
Matthieu, xvi, 16,1'a conservee plus completement: Su vous remettrez... II y a done dans la chaire de Pierre
H. 6 XptoToi;, 6 ufos TOU ©soy TOU £WVTO?. La definition la plenitude de la puissance. » La primaute de Pierre
que Pierre donne du Sauveur est aussi exacte qu'ener- et 1'indefectibilite de 1'Eglise, telles sont done les pro-
gique (notez 1'emploi de 1'article devant tous les mots messes faites ici par Jesus.
eapables de le recevoir); la nature et le role uniques de IV. DEPUIS LA PROMESSE DE LA PRIMAUTE JUSQU'A
Jesus y sont netternent marques. Simon reconnaissait LA PASSION DU SAUVEUR. — 1° Le fils de Jonas se fait
en lui non seulement le Messie promis aux Juifs, mais le tentateur de Jesus. Matth., xvi, 21-23; Marc., vui,
le Fils de Dieu dans un sens strict et absolu. II n'est 31-33. — Get episode, qui eut lieu aussitot apres la
pas douteux que telle est ici la signification des mots confession de Simon-Pierre, ne nous presente pas
Filius Dei viventis, comme Font toujours affirme, a la 1'apotre sous un jour aussi favorable. « La chair et le
suite des Peres, les exegetes et les theologiens catho- sang » avaient encore quelque prise sur lui. Comme
liques, et meme de nombreux ecrivains protestants. Si, Jesus, pour preparer de plus en plus ses amis les plus
dans la pensee de Pierre, ce second litre etait un simple intimes a 1'epreuve redoutable qui les attendait, venait
synonyme du premier, comme le pretendent les com- de leur annoncer pour la premiere fois, en termes
mentateurs rationalistes, Jesus n'aurait pas pu le felici- tres clairs, la proximite de sa passion, le coeur aimant
PIERRE ( S A I N T ) 364
de Pierre en fut terrific; il ne pouvait comprendre en- riche, qui avait refuse de vendre ses biens pour suivre
core que le Christ dut subir une telle humiliation. Le Jesus. Le « bon Maitre » s'etait ecrig avec tristesse :
prenant done a part, il s'ecria : « A Dieu ne plaise, « En verite, je vous le dis, un riche entrera difficile-
Seigneur! cela ne vous arrivera pas. » Se detournant ment dans le royaume des cieux. » Pierre lui demanda:
de Simon, pour mieux marquer sa peine, Jesus lui dit : « Nous, voici que nous avons tout quitte et que nous
« Va-t-en derriere moi, Satan; tu m'es un objet de vous avons suivi; qu'y aura-t-il done pour nous? » II
scandale, car lu n'as pas le gout des choses de Dieu, recut pour lui-meime et ses collegues dans 1'apostolat
mais des choses des hommes. » G'est par le meme Ian- une promesse magnifique.Cf. Matth., xix, 27-30; Marc.,
gage que le Christ avail autrefois chasse loin de lui le x, 28-31; Luc., xvm, 28-30.
demon en personne, a la suite de sa tentation dans V. SAINT PIERRE DURANT LA SEMAINE DE LA PASSION.
le desert. Matth., iv, 10. En eJFet, Pierre, guide en ce — Ici encore, il a sa place a part et joue un role pre-
moment par des pensees et des sentiments tout humains, ponderant parmi les membres du college apostolique.
ne tendait a rien moins qu'a empecher Jesus d'accom- 1° Saint Marc nous a conserve deux paroles pronon-
plir la volonte de Dieu. cees par Simon-Pierre dans la joufnee du mardi. La
2° Pierre sur la montagne de la Transfiguration. premiere fut proferee dans la matinee, lorsque les
Matth., xvn, 1-8; Marc., ix, 1-7; Luc., ix, 28-36. — Ce Apotres constaterent Peffet produit sur le figuier sterile
grand miracle, qui tient une place si importante dans par la malediction de Jesus. Pierre, « se ressouvenant,
la vie du Sauveur, fut accompli quelques jours seule- dit a Jesus : Rabbi, voici que le figuier que vous avez
merit apres les faits qui precedent. Simon-Pierre eut maudit s'est desseche. » Marc., xi, 20-21. — II prononca
le grand honneur d'etre choisi par son Maitre pour en la seconde dans Fapres-midi. Comme Jesus venait de
etre temoin, avec les deux fils de Zebedee. Ici encore, prophetiser la ruine du Temple, Pierre, Jacques, Jean
il joua un role special, tres conforme a son tempera- et Andre lui demanderent en particulier : « Dites-nous
ment ardent et a sa tendre affection pour Notre- quand ces choses arriveront, et quel signe il y aura de
Seigiieur. Au moment le plus solennel du myslere, votre avenement et de la consommation du 'siecle. »
lorsqu'il vit que Moi'se et Elie etaient sur le point de se Marc., xm, 1; Matth., xxiv, 3; Luc., xxi, 7. C'est pro-
retirer, il s'ecria : « Seigneur, il est bon pour nous bablement saint Pierre qui fut le. porte-parole, selon
d'etre ici; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une sa coutume.
pour vous, une pour Moi'se et une pour Elie. » II ne 2° Le jour du jeudi-saint, il fut charge par Jesus,
respirait que bonheur et suavite sur la sainte mon- avec saint Jean, de preparer tout ce qui etait requis
tagne, et il aurait voulu que ces instants delicieux pour le feslin pascal et de decouvrir, au moyen d'un
fussent a jamais prolonges. « II ne savait ce qu'il signe particulier, le cenacle ou le Maitre devait faire
disait, » fait remarquer saint Marc, ix, 6. Dans son la Paque avec ses disciples. Cf. Luc., xxn, 8. Le soir,
extase,il oubliait que de telles joies ne sauraient durer lorsque Jesus et les Apotres se trouverent reunis,
indefiniment ici-bas. Un passage de sa II6 Epitre, i, 16- Notre-Seigneur, Joa., xm, 1-10, voulut laver les pieds
18, composee environ trente-cinq ans plus tard, decrit, des Douze, pour marquer symboliquement les disposi-
en quelques traits pleins de vie, le mystere de la tions avec lesquelles ils devaient recevoir la sainte Eu-
Transfiguration, le citant comme une preuve incontes- charistie. Dans le dialogue qui s'engagea alors entre Jesus
table de la certitude parfaite des verites prechees par et Pierre, 1'apotre se peint tout entier avec sa foi, son
les apotres. enthousiasme, son amour. Peu d'instants apres, lorsque
3° Le miracle du didrachme. — II est plac£ un peu le Sauveur eut predit qu'un de ses Apotres le trahirait,
plus tard dans le recit de saint Matthieu, xvn, 23-26. Pierre sut obtenir, par 1'intermediaire de son ami
Un jour que Jesus et ses apotres revenaient a Caphar- saint Jean, la designation du trailre. Joa., xm, 22-26.
naiim, les collecteurs de 1'impot du Temple, n'osant — La prediction de la chute prochaine de Pierre est
peut-etre pas s'adresser directement a Notre-Seigneur, mentionnee par les quatre Evangelistes, Matth., xxvi,
demanderent a Pierre, qui etait connu dans la ville : 30-35; Marc., xiv, 26-31; Luc., xxn, 31-34; Joa., xm,
« Votre Maitre ne paie-t-il pas le didrachme? » c'est-a- 33-38; mais ils ne la combinent pas de la meme ma-
dire la double drachme ou le demi-sicle. Simon re- niere avec les incidents voisins; du moins, ils la placent
pondit affirmativement; mais il s'etait trop avance, en tous a la suite de la cene. II ne parait guere vraisem-
engageant son Maitre sans le consulter. Celui-ci lui blable que Jesus 1'ait reiteree a plusieurs 'reprises,
demontra done qu'en tant queMessie il n'etait pas tenu comme 1'ont suppose quelques interpretes. Saint Luc
de payer ce genre d'imposition. Toutefois, pour ne pas 1'associe a une prophetie consolanle, qu'il est seul a
etre une occasion de scandale, il consentit a acquitter signaler, xxn, 31-32, et qui rappelle la magnifique
le tribut; mais, voulant en meme temps attester ses promesse faite autrefois pres de Cesaree de Philippe :
droits, il se procura par un prodige la somme qu'exi- « Simon, Simon, voici que Satan vous a reclame, pour
geait la toi. vous cribler comme le froment; mais j'ai prie pour toi,
4° La suite du recit evangelique mentionne encore, afin que ta foi ne defaille pas, et lorsque tu seras con-
vers cette epoque, trois questions du prince des verti, affermis tes freres. »
apotres. Elles manifestent son esprit pratique, et aussi 3" A Gethsemani, Pierre fut de nouveau choisi, avee
1'attention intelligente avec laquelle il ecoutait les le- Jacques et Jean, pour assister a 1'une des scenes les
cons du Sauveur. — La premiere concerne le pardon des plus douloureuses de la vie de son Maitre. Matth., xxvi,
injures, vertu toute chretienne que Jesus venait de re- 37; Marc., xiv, 33. D'apres saint Marc, xiv, 37, [c'est a
commander instamment : « Seigneur, combien de fois lui que Notre-Seigneur adressa doucement ce reprocher
pardonnerai-je a mon frere, lorsqu'il aura peche contre apres la premiere phase de son agonie : « Simon, tu
moi? Jusqu'a sept fois? » Non, ce n'etait pas assez : n'as pas pu veiller une heure! » Mais, un peu plus
« Jusqu'a soixante-dix-sept fois, » sans fin. Cf. Matth., tard, Pierre essaya, au peril de sa propre vie, de de-
xvin, 21-22. Dans une autre circonstance, Luc., xxn, fendre le Sauveur, lorsque les ernissaires du sanhedrin
41-43, Jesus venait d'exhorter ses auditeurs a une se presenterentpour Parreter. Avant de quitter le cenacle,
vigilance de tous les instants, pour qu'ils fussent bien il s'etait muni d'un glaive, dont il voulut assener uu
prepares a son second avenement. Pierre demanda : coup sur la tete de Malchus; mais il ne 1'atteignit qu'a
« Seigneur, est-ce a nous (a nous, vos Apotres) que 1'oreille. Matth., xxvi, 51; Marc., xiv, 47; Luc., xxn,
vous dites cette parabole, ou est-ce aussi a tous ( a tous 50; Joa., xvm, 10-11. Jesus blama cet acte de violence.
les chretiens)? » — Pierre adressa sa troisieme ques- 4° Au moment de 1'arrestation du Christ, Pierre prit
tion a Notre-Seigneur apres le depart du jeune homme la fuite avec les dix autres Apotres; mais bientot, devenu
365 PIERRE (SAINT) 366
plus calme, et oubliant son propre peril pour ne songer souvent donne a cette section le nom d'Actes de Pierre.
qu'a la triste situation de son Maitre, « il suivit Jesus II est encore question de Simon au chap. xv. Partout
de loin, jusque dans la cour du grand pretre. » Matth., 1'historien sacre nous le montre, selon le mot de Bossuet,
xxvi, 58; Marc., xiv, 54; Luc., xxn, 54; Joa., xvm, 15. « a la tele de tout, menant pour ainsi dire ses freres
Le quatrieme Evangile nous apprend formellement que les Apotres au combat, » occupant le premier rang et
c'est grace a son ami, le disciple bien-aime, que Pierre exereant une superiorite tres reelle, que personne ne
reussit a penetrer dans la cour du palais pontifical. songe a contester. .
Desireux de « voir la fin », Matth., xxvi, 58, c'est-a- 1° Part tres grande qu'il prend a la fondation de
dire, Tissue du proces de Notre-Seigneur, il s'assit au 1'Eglise de Jerusalem-. — 1. Au cenacle, immediatement
milieu des serviteurs du grand pretre, aupres du feu apres 1'ascension de Notre-Seigneur, il se mit, meme
de braise qu'ils avaient allume dans la cour, a cause do en presence de Marie, Act., i, 14, a la tete des « freres »,
froid. et il presidaau remplacement de Judas. Act., i, 12-26. II
5? La, un autre danger, auquel il ne pensait pas, prononca, a cette occasion, le premier deshuit discours
1'atteignit et le renversa tristement. Les quatre Evange- que saint Luc nous a conserves de lui. Cf. Act., i, 15-22.
listes racontent le douloureux episode de son triple 2. Le jour de la Pentecote, lorsqu'une foule enorme,
reniement. Cf. Matth., xxvi, 69-75; Marc., xiv, 66- eomposee d'Israelites qui habitaient toutes les regions
72; Luc., xxn, 55-62; Joa., xvm, 16-18, 25-27. Chacune de 1'empire romain, eut entoure le cenacle, attiree par
des narrations presente un certain nombre de diver- le bruit violent qui avait accompagne la descente de
gences, qui ne vont jamais jusqu'a la contradiction, 1'Esprit-Saint, Pierre prit de nouveau la parole, pour
quoi qu'on ait pretendu en sens contraire. La meil- expliquer la nature de ce mystere qu'avait predit le
leure explication qu'on puisse donner de ces variantes prophete Joel, et pour precher hautement Jesus-Christ.
consiste a dire qu'il y eut, dans ce petit drame, trois Act., n, 1-41. Une transformation admirable s'etait
actes principaux, dont chacun se composa de plusieurs produite en lui, naguere si timide. Trois mille con-
scenes convergentes : les narrateurs ont fait leur choix versions furent le resultat de ce qu'on a tres jus-
parmi ces scenes particulieres, 1'essentiel consistant tement appele «le premier coup de filet du pecheur
pour eux dans les trois actes, a cause de la prophetic d'hommes.»
recente de Jesus. Voir Fouard, Vie de Notre-Seigneur 3. Quelque temps apres, il guerit miraculeusement un
Jesus-Christ, in-8;, 2« edit., Paris, 1882, t. n, p. 350-352; paralytique, qui mendiait depuis de longues anne'es a
L.-C1. Fillion, L'Evangile selon saint Jean, in-8°, Paris, la Belle-Porte du temple. Un grand concours de peu-
1887, p. 334-335. Le chant du coq rappela le malheu- ple s'etant forme autour de lui et de saint Jean, qui
reux apotre a la realite. Sortant aussitot du palais, il se 1'accompagnait, il prononca sa troisieme allocution,
mit a pleurer en sanglotant (IxXauaev). Sa faute avait dans laquelle il attribue nettement la guerison a son
ete grande, assurement; mais c'etait seulement une veritable auteur, Jesus-Christ, dont elle attestait le ca-
faute de surprise, de faiblesse, qui n'atteignit ni sa foi, ractere messianique. Cinq mille conversions nouvelles
ni son devouement. II la repara du reste, par un pro- eurent lieu en cet instant. Act., in, 1-26. Mais ce fut
fond et perpetuel repentir. 1'occasion d'un premier conflitdes autorites juivesavec
VI. APRES LA RESURRECTION DE JESUS. — Pierre 1'Eglise naissante. Irrites de voir que les deux apotres
continua de recevoir alors des marques de la predilec- proclamaient publiqaement la resurrectiofi de Jesus et
tion du divin Maitre, soit a Jerusalem, soil un peu plus sa toute-puissance, quelques pretres et sadduceens les
tard en Galilee. — Lorsque les saintes femmes, averties firent emprisonner. Le lendemain, Pierre et Jean com-
par un ange que Jesus etait ressuscite, eurent annonce parurent devant le sanhedrin tout entier, pour donner
a leur tour « aux disciples et a Pierre », Marc., xvi, des explications sur leur conduite. Dans son quatrieme
7, les faits dont elles avaient ete temoins, Pierre et le discours, Pierre rendit un eclatant temoignage a Jesus-
disciple bien-aime firent ensemble au sepulcre la visite Christ en face du tribunal supreme des Juifs. Comme
que saint Luc se contente de mentionner brievement, le miracle avait eu de nombreux temoins, on n'osa pas
xxiv, 12, mais que saint Jean raconte d'une maniere condamner les accuses'; mais on les relacha, apres leur
dramatique, xx, 2-10. D'apres le troisieme Evangile, avoir interdit severement de precher au nom de Jesus-
Pierre s'en alia, « admirant en lui-meme ce qui etait Christ. C'est alors que Pierre- prononca son celebre
arrive. » Bientot son admiration se changea en une Non possumus. Act., iv, 1-22.
complete certitude, car Jesus daigna lui apparaitre 4. Malgre la saintete de vie des premiers Chretiens,
en ce meme jour. Luc., xxiv, 34; cf. I Cor., xv, 5. — signalee a deux reprises par I'auteur des Actes, n,
Saint Jean, xxi, 1-22, expose tout au long les details 42-47; iv, 32-35, un douloureux episode ne tarda pas
d'une autre apparition que le Sauveur ressuscite fit, a prouver que Timperfection et le mal se glissent promp-
qiielque temps apres, a sept apotres reunis sur les tement au sein des societes les meilleures : Ananie et
bords du lac de Tiberiade, et dont saint Pierre eut, Saphire « mentirent a 1'Esprit-Saint et frauderent sur
pour ainsi dire, tous les honneurs. A la suite d'une le prix de leur champ », pour se donner 1'apparence
peche miraculeuse, analogue a celle qui avait accom- d'une liberalite genereuse. Pierre, en sa qualite de chef
pagne son appel au role de disciple, cf. Luc., v, 1-11, de 1'Eglise, eut a chatier cet orgueil doublement cri-
Jesus exigea de lui une triple protestation d'amour, en minel. Act., v, 1-11. Son autorite supreme, mise en un
reparation de son triple reniement; puis il lui confirma tres vif relief par cet evenement, fut encore rehaussee
solennellement son titre de chef du corps apostolique par les eclatants prodiges que Dieu lui donna d'accom-
etde 1'Eglise entiere, en lui disant: « Pais mesagneaux, plir : son ombre meme guerissait les malades sur les-
pais mesbrebis. » Voir L.-C1. Fillion, L'Evangile selon quels elle passait. Act., v, 12-16. Comme ses collegues
saint Jean, 1887, p. 384. II lui predit ensuite une mort dans Papostolataccomplissaientaussi des miracles nom-
tragique, par ce langage figure : « Lorsque tu auras- breux, il se produisil des conversions multiples. Alors la
vieilli, un autre te ceindra et te conduira ou tu ne colere du grand-pretre et du sanhedrin ne connut pas
voudras pas. » de bornes : les Douze, arr^tes tous ensemble, furent
II. SAINT PIERRE DANS LES ACTES DES APOTRES. — conduits devant le tribunal, et Pierre, dans sa cinquieme
C'est le debut de la periode d'action pour notre heros, allocution, protesta avec un courage inebranlable et
apres la periode de preparation dont les Evangiles con- rendit temoignage a la resurrection de son Maitre.
tienneutle tres riche expose. Le livre des Actes renferme Leurs juges iniques les auraient infailliblement cbn-
dans sa premiere partie, chap, i-xi, des details si nom- damnes a mort, sans 1'intervention du sage Gamaliel,
breux sur le ministere du prince des Apotres, qu'on a qui les sauva. Us furent done remis en liberte, non
367 PIERRE (SAINT) 368
sans de nouvelles menaces, dont i)s continuerent de 4° .Sairit Pierre est emprisonne par Herode et de-
ne tenir aucun compte. Act., v, 17-42. livre miraculeusenient. Act., xn, 1-17. — Ce double
2° Avec le concours de Pierre, I'Eglise se developpe incident eut lieu vers 1'an 43 de notre ere, quelque
en Samarie et en Judee. Act., vm, 8-25. — 1. En Sa- temps avant la mort du roi Herode Agrippa Ier, petit-
marie. — Le livre des Aetes ne fait aucune mention fils d'Herode le Grand. Ce prince, apres avoir fait de-
directe de Pierre pendant la persecution violente qui capiter saint Jacques le Majeur par haine du chris-
eclata bientot contre I'Eglise; nous y apprenons seu- tianisme, donna 1'ordre, pour plaire davantage encore
lement que les apotres demeurerent alors a Jerusalem, aux Juifs, que cet acte cruel avait combles de joie,
ou leur presence etait necessaire pour confirmer les d'incarcerer saint Pierre, en attendant qu'on le condui-
Chretiens dans la foi. Act., vm, 1. Lorsqu'il est de sil a son tour au supplice. Mais, la nuit meme qui
nouveau question de lui, nous le trouvons, d'apres le preceda le jour ou il devait etre execute, un ange le
texte grec, a Sebaste, en Samarie, ou le saint et vail- delivra en des circonstances merveilleuses. Sorti de sa
lant diacre Philippe avait opere de nombreuses conver- prison, Pierre alia directement dans la maison de Marie,
sions, entre autres celle de Simon le magicien. Sur le mere de Jean-Marc, le futur evangeliste, chez laquelle
desir des Apotres, Pierre, en compagnie de saint Jean, il trouva de nombreux Chretiens assembles. Apres leur
se rendit en Samarie, pour affermir les fideles dans avoir raconte 1'histoire de sa delivrance, « il s'en alia
leurs bonnes dispositions. G'est alors que le magicien dans un autre lieu, •» que nous essaierons de fixer
osa lui offrir de 1'argent pour obtenir le pouvoir de ulterieurement, d'apres les donnees de la tradition. Voir
faire descendre, comme lui, 1'Esprit-Saint par la simple col. 373-374.
imposition des mains. L'apotre rejeta cette offre avec 5° Pierre au concile de Jerusalem. Act., xv, 1-27. —
indignation, et revint a Jerusalem, en annoncant avec Quelques annees se passent. Lorsque Pierre est de
succes la bonne t nouvelle dans les bourgades samari- nouveau mentionne au livre des Actes, il est a Jerusa-
taines situees sur son chemin. lem (vers 1'an 50, 51 ou 52) et preside 1'assemblee des
2. En Judee. — Lorsque la paix eutete completement Apotres et des Anciens, qui allait trancher definitive-
rendue a I'Eglise, le prince des apotres en protita pour ment la controverse soulevee avec tant de violence par
visiter officiellement les chretientes qui s'etaient for- les judai'sants, sur divers points de la chretiente. Paul
mees, pendant la persecution, sur divers points de la et Barnabe etaient venus tout expres d'Antioche, pour
Judee, grace au zele des fideles de Jerusalem, obliges consulter 1'autorite supreme sur cette question. Les
de se disperser. Saint Luc raconte deux grands prodiges debats furent tres vifs, car les partisans de Ferreur
accomplis par saint Pierre durant cette premiere de exigeaient avec un acharnement extraordinaire le
toutes les visites pastorales : la guerison d'un paraly- maintien de la circoncision et des autres principaux
tique a Lydda, Act., ix, 32-35, et la resurrection de rites du judaiisme. Lorsque les deux partis eurent ex-
Tabitha a Joppe. Act.,, ix, 36-43. Voir PARALVTIQUE, t. iv, pose leurs arguments, Pierre prit la parole avec toute
col. 2153, et TABITHA. 1'autorite que lui conferait sa charge. Le petit discours
3° Saint Pierre, sur I'ordre de Dieu, ouvre aussi les qu'il prononca (le huitieme et dernier de ceux que
port.es de I'Eglise aux patens. — 1. Conversion du nous lisons dans les Actes), proclame hautement la
centurion Corneille. — Avant de remonter au ciel, liberte pleine et entiere des Chretiens issus du paga-
Jesus avait dit a ses Apotres : c Vous me servirez de nisme, par rapport aux observances judai'ques. Le
temoinsa Jerusalem, et dans toute la Judee et la Samarie, prince des Apotres disparalt du recit des Actes, apres
et jusqu'aux extremites de la terre. » Act,, i, 8. Pierre a cette conduite si digne de lui.
deja realise les deux premieres parties de cet ordre; voici III. SAINT PIERRE DANS I'EPITRE DE SAINT PAUL AUX
qu'il va maintenant rendre temoignage a Jesus devant GALATES. — l°Paul, dans les chap. I e t n de cette lettre,
les paiens, et les introduire a leur tour dans le divin signale coup sur coup deux faits nouveaux relatifs a
bercail. Quoiqu'il fut reserve a saint Paul d'etre I'apotre Cephas, c'est-a-dire a saint Pierre. Esquissant d'abord
des Gentils par excellence, il convenait que le vicaire en quelques lignes les incidents qui suivirent de tres
du Sauveur fut choisi de preference a tous les autres pres sa propre conversion, il raconte en ces termes sa
Apotres pour recevoir d'une maniere officielle dans premiere entrevue avec le prince des Apotres : « Je
I'Eglise les premiers convertis du paganisme. Cet epi- vins a Jerusalem pour voir Pierre. » Gal., I, 18-20. Le
sode est raconte longuement par saint Luc, Act., x, 1- verbe la-op^o-at signifie toujours que la personne ou la
48, a cause de son importance extraordinaire. L'ecri- chose contemplee est digne d'un interet particulier;
vain sacre expose tour a tour les deux visions par les- en 1'employant, saint Paul met en un vif relief 1'auguste
quelles Corneille et Pierre furent divinement avertis, dignite qu'il reconnaissait et qu'il venait honorer dans
chacun de son cole; le voyage de Simon-Pierre a Ce- Cephas.
saree de Palestine, ville ou le centurion etait alors en 2° Quelques lignes plus bas, Gal., n, 11-21, Paul si-
garnison; 1'entrevue des deux heros de la narration, gnale un fait plus surprenant encore,.dont les protes-
qu'entouraient plusieurs amis de part et d'autre; 1'elo- tants out souvent exagere la portee, pour amoindrir
quent discours prononce a cette occasion par I'apotre 1'autorite de saint Pierre. II s'agit de ce qu'on nomme
(le sixieme du livre des Actes); enfin la descente de habituellement « le conflit d'Antioche ». C'etait, ce
1'Esprit-Saint sur les nouveaux convertis et leur bap- semble, peu de temps apres 1'assemblee de Jerusalem,
teme. Voir CORNEILLE, t. n, col. 1012. ct Pierre se trouvait avec I'apotre des Gentils dans la
2. Lorsqu'il revint a Jerusalem, Pierre eut a justifier metropole de la Syrie. Voici les faits, tels que les ex-
sa conduite devant les Chretiens assembles. On lui re- pose saint Paul : « Lorsque Cephas vint a Antioche, je
prochait d' « etre entre chez des paiens et d'avoir mange lui resistai en face, parce qu'il etait blamable {xaTeyvw-
avec eux », et beaucoup plus encore, quoiqu'on ne mit CTIAEVO?). En effet, avant 1'arrivee de quelques personnes
pas cette raison en avant, d'avoir participe a leur con- envoyees (de Jerusalem) par Jacques, il mangeait avec
version. En vertu d'antiques prejuges, la plupart des les paiens (c'est-a-dire, les Chretiens d'origine pa'ienne);
fideles d'origine israelite etaient demeures hostiles aux mais, quand elles furent venues, il se retira et se mit a
convertis du paganisme, et, malgre les oracles si clairs 1'ecart, craignant ceux de la circoncision (les Juifs con-
des' prophetes, ils avaient de la peine a croire que vertis). Et les autres Juifs userent de la meme dissimu-
1'Eglise de Jesus dut etre ouverte a tous les hommes lation que lui, de sorle que Barnabe aussi fut entraine
sans exception. Pierre expliqua sa conduite dans son dans cette dissimulation. Mais, quand je vis qu'ils ne
septieme discours, et elle fut approuvee de tous. Act., marchaient pas droit selon la verite de 1'Evangile, je
xi, 1-18. dis a Cephas, en presence de tous : Si toi, qui es Juif,
369 PIERRE (SAINT) 370
tu vis a la maniere des pai'ens, et non comnae les Juifs, 1'Eglise, surtout par Eusebe de Cesaree et saint Jerome.
pourquoi forces-tu les pai'ens de judaiser?... » D'autres sont plus ou moins associes a des details mer-
Souvent, dans les temps anciens, on a essaye d'echap- veilleux, legendaires, dont il est necessaire de se defier;
per, par des hypotheses assez etranges, aux conse- dans cette categoric se placent les Actes apocryphes de
quences facheuses que Ton croyait devoir decouler de saint Pierre, les ecrits connussousle nom de litterature
cet episode pour la dignite de saint Pierre. — 1. On a Clementine, etc. Neanmoins, ces sources de second
pretendu qu'il s'agit d'un autre Cephas que Simon ordre contiennent elles-memes quelques faits histori-
Pierre. Voir Clement d'Alexandrie, dans Eusebe, H. E., ques, qui se degagent assez facilement, grace a la tra-
1,12, t. xx, col. 117. Mais cela est inadmissible, puisque, dition serieuse et a la critique, des fables dont ils sont
d'une part, quelques lignes plus hau't, Gal., i, 18, Paul entoures. II faut noter encore que la tradition propre-
a deja mentionne le prince des Apotres sous le nom de ment dite nous fournit des donnees assez restreintes
Cephas, et que, d'autre part, tout son recit suppose sur la vie et le ministere apostolique de saint Pierre. Du
que celui avec lequel il entra en discussion etait un moins, elle nous renseigne tres clairement sur les points
personnage jouissant d'une autorite superieure. Aussi, essentiels
presque tous les Peres et les anciens auteurs ecclesias- 7. LA PREMIERE PERIODS SE LA VIE DE SAINT PIERRB.
tiques, comme la plupart des commentateurs modernes — A ce sujet, la tradition se borne a quelques points
et contemporains, ont-ils identifie ce Cephas et saint d'importance tres secondaire. La mere de Simon se
Pierre. Voi-r CEPHAS, t. n, col. 429. — 2. On a suppose serait nommee Johanna. Cf. Cotelier, Constit. aposl., n,
(Origene, d'apres S. 3erome,Epist. cx.li, ad August., 63, t. i, col. 755. Sa femme aurait porte le nom de Per-
4, t. xxn, col. 918; S. Jean Chrysostome, Horn, in petue ou celui de Concordia qui ne conviennent pas a
illud : In faciem ei restili, 15, t. LI, col. 384; S. Je- une Juive, Pair, gr., t. i, col. 1365, note 43. D'apres
rome lui-meme, Jn Epist. ad Gal.., n, 11, t. xxvi, saint Jerome, Adv. Jovinian., i, 26, t. xxm, col. 245,
col. 341) que, si saint Pierre et saint Paul ont agi comme elle serait morte d'assez bonne heure, avant que Pierre
le raconte ce dernier, e'etait en vertu d'une entente ne devint le disciple de Jesus. Au contraire, au dire de
prealable, afin de donner une lecon tres forte aux ju- Clement d'Alexandrie, Strom., vii, 11, t. ix, col. 488, elle
daisants dans la personne du prince des Apotres. Cette aurait subi le martyre a Rome, peu de temps avant lui.
conjecture s'appuie sur une fausse interpretation du II 1'aurait accompagnee au lieu du supplice, en 1'encou-
mot uTtoxptstc, « dissimulation. » En effet, en employant rageant par ces paroles : « 0 toi, souviens-toi du Sei-
ce terme, saint Paul a seulement voulu dire que Ce- gneur, x Plusieurs adoptent ce dernier sentiment en
phas, Barnabe et leurs imitateurs avaient change de concluant de I Cor., ix, 5, que saint Pierre, comme
conduite par de simples motifs de circonslance, par d'autres apotres, se faisait accompagner, durant ses
timidite et faiblesse, et non par suite d'une convicti on courses apostoliques, par sa femme, traitee comme une
intime. Voir a ce sujet S. Augustin, Epist. xxvni et sceur. Saint Jerome, loc. cit., mentionne une tradition
LXXXII, ad Hieronym., t. xxm, col. 112, 276. Pour in- d'apres laquelle Pierre aurait eu plusieurs enfants.
terpreter les fails, il faut les envisager de la facon la Cf. Clement d'Alexandrie, Strom., in, 6, t. vn, col. 1156.
plus simple et la plus naturelle. Pierre, en arrivant a On lui a longtemps attribue une fille du nom de Petro-
Antioche, partagea sans ,la moindre hesitation la vie et nille, que mentionnent les Acta Nerei et Achillei, 15,
les repas des Chretiens d'origine paienne, ainsi qu'il et les Acta Philippi. Tischendorf, Apocal. apocr., p. 149,
avait deja fait autrefois chez le centurion Corneille, 155. Mais on reconnait generalement aujourd'hui que
Act., xi, 3; mais, plusieurs Chretiens issus du judaifsme cette attribution provient simplement d'une fausse ety-
etant venus a leur tour dans cette meme ville, comme mologie. En effet, le nom « Petronilla » ne derive pas de
il les savait tres attaches aux observances legales, il se « Petrus », mais de « Petronius ». Par son pere, sainte
trouva dans une situation fort delicate : s'il continuait Petronille appartenait a la celebre « gens Flavia », c'est
de vivre avec les Gentils, il froissait les Chretiens de pour ce motif qu'elle fut enterree dans la catacornbe de
Jerusalem ; s'il se separait des fideles d'origine paienne, Domitilla. Voir Lightfoot,St. Clement of Rome, 1.1, p.37;
il les offensait eux-memes. II lui parut cependant qu'il F. X. Kraus, Real-Encyclopssdia der christl. Alterthu-
valait mieux, dans 1'interet de son rninistere, exerce sur- mer> t. n, p. 607; Acta sanctorum, maii t. vn, p. 420.
tout aupres des judeo-chretiens, de se decider en faveur //. QUELQUES VOYAGES DU PRINCE DES APOTRES. —
de la seconde alternative. II en avait certainement le 1° Nous venons de le voir, saint Paul fait une allusion
droit, puisque les Juifs convertis etaient libres encore tres claire aux courses apostoliques de saint Pierre.
d'observerlaloi.Maissonexemple suscitait deux grands Notre heros serait-il alle a Corinthe? Saint Denys,
perils : d'un cote, quelques esprits exageres pouvaient eveque de cette ville vers le milieu du mesiecle, 1'affirme
en conclurequeles pratiques legales continuaient d'etre comme une chose tres connue. Voir Eusebe, H. E., n,
strictement obligatoires pour les Chretiens issus du 25, t. xx, col. 209. S'adressant aux Remains, il leur dit:
judai'sme, et pas seulement facultatives; d'autre part, les « (Pierre et Paul,) etant entres dans notre Corinthe,
pai'ens convertis eux-memes pouvaient craindre qu'on nous ont instruits; puis, partis ensemble pour PItalie,
ne les assujettit a ces pratiques. Paul reclama au nom apres nous avoir enseignes, ils ont subi le martyre en
de ces derniers. II ne dit pas en termes expres ce que fit meme temps. » Saint Clement pape, I Cor., XLVII. 1.1,
saint Pierre; mais il n'est pas douteuxquecelui-ci ne se col. 308, semble admettre aussi ce sejour de saint Pierre
soit humblement soumis aux observations tres justesde a Corinthe. Neanmoins, la plupart des critiques con-
son « bien-aime frere Paul ». II Petr., in, 15. Sur cette temporains le mettent au rang des hypotheses.
question, voir Pesch, Ueberdie Person des Kephas, dans 2° On regarde aussi, d'une maniere assez generale,
la Zeitschrift fur kathol. Theologie, t. vn, 1883, p.456- comme peu fonde le sentiment, d'ailleurs tres ancien,
490; F. Vigouroux, Les Livres Saints et to critique ra- d'apres lequel saint Pierre aurait evangelise les cinq
tionaliste, 5e edit., t. v, p. 456-476 (ils donnent la liste provinces d'Asie Mineure auxquelles esl adressee sa
des principaux auteurs qui ont cru, dans le cours des premiere Epitre : le Pont, la Galatie, la Cappadoce,
temps, que le Cephas d'Antioche est distinct du prince 1'Asie proconsulaire et la Bithynie. I Pet., i, 1. Ori-
des Apotres). gene, qui est le premier a mentionner cette opinion, In
, IV. SAINT PIERRE D'APRES LA TRADITION. — Ici, une Gen., in, t. xii, col. 92; cf. Eusebe, H. E., in, 1, t. xx,
distinction est necessaire, car les documents sont loin col. 216, en parle comme d'une simple conjecture, basee
de posseder tous la meme valeur historique. II en est seulement sur ce que saint Pierre a ecrit aux Chretiens
que nous pouvons suivre en toute securite; tels sont en de ces provinces : « Pierre parait (£oixsv) avoir preche
general les renseignements fournis par les Peres de dans le Pont,la Galatie... »Eusebe fait de meme,ff.E.,
371 PIERRE (SAINT) 372
in, 4, t. xx, col. 220: « Que Pierre ait preche le Christ... p. 82-90; Th. Zahn, Einleitung in das N. T., t. ir,
dans ces provinces, cela ressort ouvertement de 1'Epi- p. 17; Belser, Einleitung in das N. T., p. 697-698, —
tre. » Saint Epiphane, User., xxvn, 6, t. XLI, col. 374, Mais laissons de cote le faux et le douteux, pour nous
saint Jerome, De Vir ill., 1, t. xxrn, col. 138, et saint occuper de faits reels et certains. Or, il en est deux
Leon, In Nat. apost. Petri et Pauli serm., LXXXII, 5, qu'une tradition tres nelte et tres ancienne, dont nous
t. LIV, col. 425, presentent le fait en termes positifs; avons des temoignages multiples, a rendus indubitables.
mais ils ne paraissent pas avoir eux-memes appuye leur C'est 1'installation successive de la chaire de saint Pierre
sentiment sur d'autre preuve que la mention des cinq a Antioche et a Rome : deux evenements d'une impor-
provinces dans 1'Epitre. Du reste, cette lettre ne contient tance capitale.
aucun detail duquel on puisse conclure que 1'auteur ///. LA CHAIRE DE SAINT PIERRE A ANTIOCHE DE ST-
connaissait personnellement les destinataires; elle sup- RIE. — 1° Ce fait est parfaitement garanti par Eusebe
pose plutot, I Pet., i, 12, 25; v, 12; cf. II Pet., in, 2, que et par saint Jerome. « Pierre fonda la premiere Eglise
ceux-ciavaient ete evangelises par d'autres predicateurs d'Antioche, » lisons-nous dans le Chronicon d'Eusebe,
que saint Pierre. Aussi est-il mieux de dire que, si un t. xix, col. 539. II s'agit sans aucun doute, de la chre-
sejour du prince des Apotres en Asie Mineure n'estpas tiente mentionnee Act., xi, 19, et composee uniquement
impossible en soi, il ne parait pas avoir ete demontre de Juifs convertis, par contraste avec la deuxieme Eglise
historiquement. Voir Comely, Introd., t. n, 3e part., de la meme ville, en grande partie formee de Chretiens
p. 619; Lipsius, Apokr. Apostelgesch., t. n, le part., issus du paganisme, et developpee grace au zele de
p. 4 6. M. Hundhausen, Das erste Pontificalschreiben Paul et de Barnabe. Act.,xi, 20-26. Dans sa traduction
des... Petrus, 1873, p. 96, croit a la predication de saint du Chronicon, saint Jerome n'a pas donne le sens exact
Pierre en Asie Mineure, tout en admettant que 1'apotre de ce passage, car il dit : « Petrus, cum primum An-
ne fit que traverser rapideraent les provinces en tiochenam ecclesiam fundasset, » tandis que le texte
question. porte, avec la nuance que nous venons d'expliquer :
3° On a pretendu aussi, mais seulement a partir du T?|v Iv 'AvTcoxs'a raptor/iv... IxxX/iat'av. Ailleurs, H.E.,lVf,
xvie siecle, que saint Pierre serait alle etauraitsejourne xxxvi, 2, t. xx, col. 288, Eusebe suppose aussi la trans-
a Babylone, vers la fin de sa vie. Le motif allegue, c'est lation de la chaire de saint Pierre a Antioche, car il
que la 7a Pelri, v. 13, transmet aux chretientes d'Asie affirme qu'Evodius succeda en 42 au prince des Apo-
Mineure les salutations de 1'Eglise de Babylone ('c\ iv tres comme eveque de cette ville. Saint Jerome, de son
BaSuXwvt cFUvexXexTV]); d'oii il suit, disent les partisans cote, est tres formel sur ce meme point: Simon Pe-
de cette opinion, que 1'apotre residait a Babylone lors- trus..., princeps Apostolorum..., post episcopatum
qu'il composa son ecrit. C'est Erasme, In 1 Pet., xv, Antiochensis ecclesise... Romam pergit. De vir. ill.,
13, qui inventa le premier cette explication. De nom- 1, t. xxm, col. 608. Nouspouvons citer encore le temoi-
breux protestanls 1'adopterenl aussitot, pour enlever a gnage de saint Leon le Grand, In Nat. apost. Petri et
la theorie de la venue et du sejour de saint Pierre a Pauli Serm., LXXXII, 5, t. LIV, col. 425 : Jam Antio-
Rome un de ses principaux arguments. Mais il n'est chenam ecclesiam, ubi primum christiani nominis di~
pas douteux que le nom de Babylone ne soit pris ici gnitas est orta, fundaveras. Cf. Epist., cvi et cxix, t. LIV,
dans un sens metaphorique. En effet, — 1 . telle a ete col. 1007,1042; Origene, Horn. vi inLuc.,t. xm, col. 1815;
1'opinion unanime des ecrivains ecclesiastiques des S. Jean Chrysostome, Homilia. in Ignalium martyr.,
premiers siecles : entre autres, de Papias et de Clement t. L, col. 591; Theodoret, Dial. Immut., t. LXXXIII,
d'Alexandrie, dans Eusebe, H. E., n, 15, t. xx, col. 73, p. 81; le Chronic. Pasch., t. xcn, col. 557; les Constit.
d'Euseibe lui-meme, ibid., de saint Jerome, De vir. ill., 8, apost., vn, 46, t. i, col. 1049; le Liber pontif., edit. Du-
t. xxm, col. 65$, du Yen. Bede, In Petr., v, 13, t. xcm, chesne, p. 51-55, 118; la litterature dite Clementine,
col. 6*7, d'CEcumenius et de The"ophylacte, et les com- dont les sources remontent au moins au commence-
mentateurs catholiques les ont suivis, a part de tres rares ment du iae siecle, notamment Recognit., x, 68, t. I,
exceptions. On est surpris de compter parmi ces excep- col. 468; Horn., xx, 23, t. n, col. 1452.
tions les savants et judicieux ecrivains Hug, Einleitung 2° L'epoque et la duree du sejour de saint Pierre a
in die Schriften des N. T., 3e edit., t. n, p. 550, et Antioche ne sauraient etre determinees avec certitude.
A. Maier, Einleit. in die Schrift. des N. T., p. 413. — II est possible, nous venons de le voir d'apres Eusebe,
2. Ce nom symbolique convenait fort bien pour designer que Pierre ait pris en mains legouvernement de 1'Eglise
Rome, qui n'avait que trop parfaitement remplace 1'ari- d'Antioche des 1'annee 36 de notre ere, Evodius lui
tique Babylone sous le rapport du paganistne, de 1'am- ayant succede en 42,1'episcopat du prince des Apotres
bition et de I'lmmoralite. — 3. Les Juifs 1'employaient dans la metropole de la Syrie aurait par la-meme dure
couramment dans ce sens. "Voir Schoeltgen, Hor. hebr. et sept ans, comme Eusebe 1'affirme en propres termes. Cf.
talmud., p, 1050 et 1125; les Grades sibylhns, v, 143, S. Gregoire le Grand, Epist., vn, 40, t. LXXVII, col. 899.
158, etc. — 4. Saint Jean fait de meme dans son Apoca- Une autre tradition, qui parait moins digne de foi, lui
lypse, xiv, 8, et xvin, 2,10, et personne n'a jamais songe attribue une duree de dix ans. Voir Duchesne, Liber
a prendre a la lettre, dans cet ecrit, le nom de Baby- pontif., p. 50. Quoi qu'il en soit, il est certain que saint
lone. — 5. II n'existe aucune tradition proprement dite Pierre, meme apres s'etre fixe a Antioche, ne fit pas de
au sujet d'un voyage de saint Pierre a Babylone, et ce cette ville sa residence exclusive; rien ne s'opposait a
silence est difficile a expliquer, si 1'apotre avait reelle- ce que, de ce centre, il allat visiter les chretientes
ment entrepris ce voyage. Voir P. Martin, Saint Pierre, auxquelles sa presence etait utile ou necessaire. Divers
sa venue et son mar tyre a Rome, dans la Revue des auteurs ont suppose que Pierre ne transporta sa chaire
Questions historiques, t. xm, 1873 (article tres docu- a Antioche qu'apres avoir ete miraculeusement delivre
mente et rempli de temoignages empruntes a des ecri- de la prison ou Herode Agrippa 1'avait enferme, Act.,
vains orientaux). Lipsius, il est vrai, loc. cit., t. n, xn, 1-11, par consequent, apres 1'annee 43. Mais,
2e part., p. 145-146, 175, mentionne, d'apres Assemani, sans compter qu'Eusebe signale une date de beaucoup
Bibliotheca orientalis, t. in, 2e part., p. vi, des ecri- anterieure, ce sentiment a contre lui le recit des Actes,
vains nestoriens, qui affirment que saint Pierre visita qui suppose que, vers 1'an 43 ou 44, saint Paul et saint
Babylone; mais ces auteurs sont relativement recents, Barnabe avaient la direction de 1'Eglise d'Antioche. Sur
et leur assertion n'a pas d'autre base que le passage les relations de saint Pierre avec la capitale de la Syrie,
I Pet., v, 13, interprete a la lettre. Voir Farrar, The voir H. Kellner, Die Feste Cathedra Petri und der an-
early Days of Christianity, 1884, p. 595-596; Comely, liochenische Episkopat Petri, dans la Zeitschrift fur
Introd., t. n,3e part., p. 621-623; Hundhausen, loc. cit., kathol. Theologie,lmpruck, 1889, p.566-575; W. Esser,
373 P I E R R E (SAINT) 374
Der antiochenische Episkopat Petri and die Feste Pierre a Rome avant sa delivrance miraculeuse de pri-
Cathedra Petri, dans le Katholik, 1890, t. i, p. 321-335, son, xn, 1 sq. Or, ce dernier fait ne saurait s'etre passe
449459. ' anterieurement a la Paque de 1'annee :42j puisque He-
IV. LA CHAIRE DE SAINT PIERRE A ROME. — 1° Pierre rode Agrippa Ier fut institue roi de Judee par 1'empe-
lui-me'me, nous 1'avons vu, col. 371, date de Rome, la reur Claude, lequel monta sur le trone le 25 Janvier 41.
Babylone mystique, sa premiere Epitre. I Pet., v, 13- Le meme fait n'est certainement pas posterieur a 1'an
Plusieurs Peres apostoliques supposent ou affirment, 44, durant lequel mourut Agrippa. II est done tres pos-
dans un langagetres formel, sa venue et son apostolat sible que le trait du recit des Actes, xn, 17, « II s'en
a Rome : saint Clement, 1'un de ses premiers succes- alia dans un autre lieu, » se rapporte au depart de
seurs (vers96), 1 ad Cor., 5, 1.1, col. 217; saint Ignace saint Pierre pour Rome. Voir P. Allard, Histoire de$
(vers 115), ad Rom., iv, 3, t. v, col. 808; Papias (vers persecutions pendant les deux premiers siecles, Paris,
130), dans Eusebe, H. E., n, 15, t. xx, col. 172. Plus 1885, p. 15; Hundhausen, Das erste Pontificalschreiben
tard, nous avons, dans le meme sens, les temoignages ...Petrus, p. 16; Felten, Die Apostelgeschichte uber-
de saint Denys de Corinthe (vers 170), ibid., n, 25, 7-8, setzt und erkldrt, 1892, p. 240, etc. — 3. Alors
col. 209; de saint Irenee, venu a Rome en 177, Cont. meme que cette date n'a pas le caractere d'une entiere
haer., Ill, i, 1 et 2, t. vu, col. 845; des Philosophou- certitude, et qu'elle n'est pas mathematiquement de-
mena, v, 20, t. xvi, col. 3226, part. 3; de Clement montrable, elle nous parait du moins tres vraisem-
d'Alexandrie (vers 1'an 200), dans Eusebe, H. E., II, xv, blable. Des historiens catholiques assez nombreux 1'ont
2, et VI, xiv, 5, t. xx, col. 172, 552; du pretre romain adoptee de nos jours. Voir, entre autres, Funk, article
Cai'us (meme date), ibid., n, 25, 7-8; deTertullien (meme Petrus dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte?
date), De Prescript., xxxvi, t. n, col. 49; Scoripac., 2e edition, t. ix,col. 1861. Elle coincide d'ailleurs assez
15, t. n, col, 15; Adv. Marc., iv, 5, t. n, col. 366; plus bien avec 1'assertion d'Apollonius (vers 200; dans Eu-
tard encore, d'Origene (vers 250), Expos, in Gen., t. in, sebe, H. E., V, XVHI, 14, t. xx, col. 480) et de Clement
dans Eusebe, H. E., in, 1, t. xx, col.216; de saint Cy- d'Alexandrie, Strom., vi, 15, t. ix, col. 264, d'apres la-
prien, Epist. LIX ad Cornel., t. m, col. 806; au ive quelle Notre-Seigneur aurait enjoint a ses disciples de
siecle, d'Eusebe, H. E., II, xiv, 6, t. xx, col. 172; De~ demeurer a Jerusalem pendant les deux premieres
monstr. evang., Ill, v, 65, t. xxn, col. 209; de Lactance, annees qui suivraient son ascension. Si Lactance, De
Imtitut. div., iv, 21, t. vi, col. 516; de saint Jerome, De morte persecut., 2, t. vn, col. 195, fixe une date beau-
vir. ill., i, 8, t. xxin, col. 654, et In Gal. n, 11-13, t. xxvi, coup plus tardive (apres 1'annee 64), c'est sans doute
col. 341, etc. Voir sur cette question Baronius, Annul., parce qu'il fait allusion au dernier voyage de saint
ad ann. 44 et suiv.; Tillemont, Memoires pour servir a Pierre a Rome.
I'histoire ecclesiastique, edit, de 1701, t. i, p. 162; 3° La duree du sejour de Pierre dans la capitale du
Nat. Alexander, Hist, ecclesiastica, t. in, dissert. XIII, monde romain ne saurait etre non plus determinee
p. 168; Dollinger, ChristenthumundKirche, Ratisbonne, avec certitude; les bases chronologiques ne sont pas
1860, 'p. 95-105; Windischmann, Vindiciss Petrinss, assez sures pour cela. Voici les faits principaux. Dans
Ratisbonne, 1836; Ginzel, Neue Untersusch. uber den la version armenienne du Chronicon d'Eusebe, t. xix,
Episkopat und Martyrtod des heil. Petrus in Rom, dans col. 539, on doit lire : « Le chef de 1'Eglise demeura la
laOEsterreich. Vierteljahrschriftfurkathol. Theologie, (a Rome) pendant vingt-cinq ans. » C'est ce que porte la
1877, p. 469; C. Fouard, Saint Pierre et les premieres version latine de saint Jerome, t. xxvii, col. 571: Viginti
annees du christianisme, p. 535-545; Hundhausen, Das quinque annis ejusdem urbis episcopus perseverat. Le
erste Ponlificalschreiben des Petrus, p. 35-60; Lecler, saint docteur nous fait connaitre en ces termes son
De Romano sancli Petri episcopatu, Louvain, 1888 sentiment personnel, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607 :.
(p. 9 1'auteur donne une liste complete des ecrivains Romam pergit, ibique viginti quinque annis cathe-
catholiques qui ont defendu la meme these); Schmid, dram sacerdotalem tenuit, usque ad ultimun^ annum
Petrus in Rom, oder Noras vindiciss Petrinse, Lu- Neronis, id est, quartum decimum (1'an 67 de notre
cerne, 1892; Felten, die Apostelgeschichte, Fribourg- ere). Cette duree de vingt-cinq ans pour le pontifical
en-Brisgau, 1892, p. 240-244; T. Livius, St. Peter, romain de Pierre est aussi mentionnee dans les diffe-
Bishop of Rome, or the Roman Episcopate of the rentes editions du Liber pontificalis. Voir celle d&
Prince of the Apostles, Londres, s. d.; Me Giffert, A Mar Duchesne, p. xx, 2, 50, 118. Toutefois, les details
History of Christianity in the apostolical Age, 1897, par lesquels le fait est developpe dans cet ecrit celebre-
p. 591-597. varient au point d'etre contradictoires. II n'en demeure
2° La date du premier voyage de saint Pierre a Rome pas moins frappant de constater que, de tres bonne
demeurera probablement toujours incertaine. Nous heure (des le ne siecle, d'apres Funk, (. c., col. 1864),.
avons cependant, pour essayer de la fixer, les docu- on mentionne cette duree de vingt-cinq ans. Nous pou-
ments suivants. — 1. Suivant Eusebe, H. E., II, xiv, 6, vons done fort bien admettre, en nous conformant
t. xx, col. 172, saint Pierre serait alle a Rome sous le aux donnees d'Eusebe et de saint Jerome, qui parais-
regne. de Claude (41-54). Orose, Hist., vu, 6, t. xxxi, sent resumer les anciens temoignages sur ce point, que
col. 1078, est un peu plus precis : Exordia regni Clau- saint Pierre fut eveque de Rome entre les annees 42
dii. D'apres la traduction du Chronicon d'Eusebe par et 67.
saint Jerome, n, 153, t. xxvn, col. 577, ce voyage aurait 4° De son activite apostolique dans la capitale des Ce-
eu lieu la seconde annee du meme regne (42-43). Saint sars, il ne nous est parvenu que trois details. D'abord,
Jerome, De vir. ill., 1, t. xxni, col. 608, adoptela meme comme il fallait s'y attendre, les epreuves ne lui man-
date pour son propre cornpte. La traduction arme- querent pas, ainsi que 1'affirme saint Clement, / ad Cor.,.
nienne du Chronicon, H, t. xix, col. 539, declare aussi v, 4, t. i, col. 217. En second lieu, sa predication
qu'Evodius succeda en cette meme annee a saint Pierre obtint un merveilleux succes. Comme nous 1'apprend
sur le siege episcopal d'Antioche. II est vrai qu'unpeu Eusebe, H. E., n, 15, t. xx, col. 172, en s'appuyant sur
plus haut, n, 150, la meme traduction armenienne as- les temoignages de Papias et de.Clement d'Alexandrie
signe a 1'an 39 1'arrivee de saint Pierre a Rome; mais (voir, de ce dernier, Hypotypos., vi, dans Eusebe,.
il y a en cela une erreur evidente. La date tres nette- H. E., VI, xiv, t. xx, col. 552), les fideles de Rome de-
ment fixee^ar saint Jerome est selon toute probabilite meurerent toujours avides de Ventendre, et ils for-
la veritable. — 2. Si nous parcourons la premiere partie cerent instamment son disciple saint Marc de la mettr&
du livre des Actes, i, 1; xn, 25, nous voyons qu'il n'y a par ecrit, pour qu'ils n'en perdissent jamais le souve-
pas de place pour un voyage et un sejour de saint nir. C'est ce qui occasionna la composition du second
375 PIERRE ( S A I N T )
Evangile. En troisieme lieu, il ^ut probablement, tout « Tu etendras tes bras... » C'est ce que reconnaissait
4 fait a la fin de sa vie, une nouvelle rencontre avec deja Tertullien, Scorpiac., 15, t. i, col. 151 : Tune
Simon le magicien. Bien que les details qui entourent Petrus ab altero cingitur, cum cruci adstringitur.
-cet episode dans la litterature Clementine et dans les 4° La date de sa mort. — Suivant M9r Duchesne,
autres ecrits apocryphes soient legendaires en grande Hisloire ancienne de 1'Eglise, Paris, 1906, t. i, p. 64,
partie, le fait meme est atteste et regarde comme his- « c'est... en 64 qu'il convient de placer son martyre. »
torique par des ecrivains ecclesiastiques aussi anciens Le savant historien ajoute dans une note : « Eusebe le
que judicieux, tels que saint Irenee, Tertullien, saint met en 67 ou 68; cependant, cornme il indique en
Hippolyte, Eusebe, etc.; c'est pourquoi divers critiques meme temps la persecution de Neron, son attribution
contemporains en parlent comme d'un evenement cer- n'est pas sans ambiguite. La persecution de Neron...
tain, tout en le degageant des fables dont il est envi- commenca a 1'ete de 64. » Nous preferons nous en
ronne; d'autres, il est vrai, le rejettent totalement. tenir a la date d'Eusebe, et tout specialement a 1'annee
Voir C. Fouard, Saint Pierre, p. 551, L. Duchesne, 67, la quatorzieme du regne de Neron, qui est adoptee
Les Origines chreliennes, p. 87-113, etc. En tout cas, par saint Jerome et par la plupart des historiens mo
il est. bien evident que le prince des Apotres, meme dernes et contemporains. Voir Gams, Das Jahr des
apres s'etre installe a Rome, n'y sejournait pas per- Martyrtodes der Apostel Petrus und Paulus, Ratis-
petuellement; il s'en allait parfois, lorsque les besoins bonne, 1867; A. Bartolini, Sopra I'anno 67 dell' era
de 1'Eglise reclamaient ailleurs sa presence. C'est volgare, se fosse quel del martirio de' gloriosi apostoli,
ainsi que nous le trouvons a Jerusalem, pour 1'assem- Rome, 1868. D'apres saint Epiphane, Hser., xxvii, 6,
hlee qui s'y tint vers 1'an 50, Act., I, 15 et a Antioche t. XLI, col. 373, c'est des la douzieme annee de
un peu plus tard. Gal., n, 11. Neron (en 66), qu'aurait eu lieu le martyre de saint Pierre.
V. LES DERNIERS INCIDENTS DE SA VIE; SON MARTYRS Deja le catalogue liberien cite le 29 juin comme le jour
ET SON TOMBEAU. — 1° Rien n'est completement cer- de cette glorieuse mort. Les Ada Petri et Pauli font
tain rion plus sur les fails qui precederent immediate- de meme. Cf. Tischendorf, Ada Apostol. apocr., p. 39.
men t la mort de saint Pierre. Arrete par 1'ordre de On ne saurait faire rigoureusement la preuve; mais
Neron, il fut, d'apres une tradition longtemps en hon- d'assez nombreux critiques acceptent cette ancienne
«eur, mais aujourd'hui battue en breche (voir Kraus, donnee comme veritable. Voir Erbes, Die Todeslage
Real-Encyklopadie der chrisll. Alterthumer, t. n, der Apostel Paulus und Petrus, dans les Texts und
p. 611), j ete dans le cachot nomme Tullianum, dans Untersuchungen, nouvelle serie, t. iv, I re partie, 1899.
d'obscur caveau de la prison Mamertine, au pied du 5° Saint Pierre subit-il le martyre en meme temps
Capitole. Voir H. Grisar, Histoire de Rome, trad. Ledos, que saint Paul? Plusieurs anciens auteurs le disent
1906, t. i, p. 207-210. formellement; entre autres, Denys de Corinthe, dans
2° Le theatre de sa mort fut Rome : il n'y pas le Eusebe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209 : « Us ont rendu
moindre doute sur ce point. Nous en avons pour ga- temoignage a la meme'epoque, » y.a-ra TOV OCUTOV xatpov.
•rants saint Clement pape, / ad Cor., v et vi, 1.1, col. 217, Cf. Eusebe, Chronic., traduction armen., t. xix, col. 524,
.220; Cams dans Eusebe, H. E., II, xxv, t. xx, col. 209; et traduct. de saint Jerome, t. xxvn, col. 589. Saint
S. Denys de Corinthe, ibid., II, xxv, 8; Origene, ibid., Jerome, De vir. ill., 5, t. xxm, col. 617, dit, en
Ill, i, 1, col. 216; Tertullien, Adv. Marc., iv, 5, t. n, parlant de Paul : Eodem die quo Petrus Romse pro
•col. 375; Eusebe, Demonstr. evang., Ill, v, 65, t. xxn, Christo capite truncatur. Les traditions romaines s'ex-
-col. 209; saint Jerome, De vir, ill., 1, t. xxm, col. 608; priment dans le meme sens. D'autres anciens ecri-
de meme les Ada Petri et Pauli (Tischendorf, Ada vains, sans affirmer directement ce fait, le supposent :
Aposlolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 35), la lit- tels saint Clement pape, Cams, Origene, Tertullien, I. c.
terature Clementine. Voir Clementinas, edit, de Lagarde, De nombreux historiens contemporains se rangent a cette
Leipzig, 1865, p. 6. Le temoignage des Clementines opinion. Voir Funck, dans le Kirchenlexikon de Wet-
•est remarquable; en effet, les heretiques qui les ont zer et Welte, edit. Kaulen, t, ix. col. 1863. Le poete
composees auraient difficilement songe d'eux-memes a Prudence, Peristeph., 12, t. LX, col. 556-557, 560, fait
faire mourir saint Pierre a Rome, si le fait n'avait pas mourir saint Paul un an apres saint Pierre. Cf. aussi
ete reel. 11 est frappant aussi de voir que « si plusieurs saint Augustin, Serm., ccxcv, 7, et Serm., CCCLXXXI,
Eglises revendiquent 1'honneur d'avoir ete fondees par t. xxxvm-xxxix, col. 1352, 1683, qui ajoute cependant
Pierre, aucune, sauf Rome, n'a revendique la gloire que le jour du martyre fut le meme.
de son martyre.» A. Ernn,L'Ap6tre Pierre, p. 63, notel. 6° Le prince des Apotres fut enseveli tout pres du
L'endroit special de Rome ou le vicaire du Christ subit lieu de son supplice, sur la colline Vaticane, comme le
le martyre ne fut probablement pas 1'emplacement disait deja le pretre remain Cams, dans Eusebe,
actuel de 1'Eglise San Pietro in Montorio, sur le Janicule, H. E., n, 25, t. xx, col. 207 : « Si tu veux aller sur
mais celui de la basilique de saint Pierre, swv la col- le Vatican ou sur \a route d'Ostie, tu trouveras les
line vaticane. Voir,, Marucchi, Elements d'archeologie trophees (ta TpoTroua) de ceux qui ont fonde cette Egli-
•chretienne, t. i; p. 11. se, » c'est-a-dire les tombeaux glorieux de siint Pierre,
3° Pierre subit le martyre pour son Maitre, comme ce- enterre au Vatican, et de saint Paul, enseveli pres de la
lui-ci le lui avait predit (Joa., xxi, 22. Voir Denys de « via Ostiensis ». Saint Jerome signale le meme fait,
-Corinthe et Ca'ius, I. c.; Tertullien, Adv. Marc., rv, 5, De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607. Une tradition identique
t. 11, col. 375. Son genre de mort fut le crucifiement, a eteconservee par le Liber pontificaUs, edit. Duchesne,
ainsi que nous 1'apprennent Origene, dans Eusebe, p. 52-53,158-159, et les Ada Petri et Pauli, 84, edit.
H. E., Ill, I, 2, t. xx, col. 216; Tertullien, De prescript., Lipsius, p. 216. C'est la que le pape Anaclet construisit
36, t. i, col. 461, et Scorpiac., 15, t. n, col. 151; saint la Menwria beati Petri (Lib. pontif., edit. Duchesne,
Jerome, Devir. ill., 15, t. xxm, col. 631; Eusebe, Dem. p. 55 et 125); la que Constantin batit une basilique, sur
evang., Ill, v, 65, t. xxn, col. 209, etc. Origene et saint 1'emplacement de laquelle s'eleve aujourd'hui 1'oeuvre
Jerome ajoutent que, sur sa demande, le prince des admirable du Bramante et de Michel-Ange.
Apotres fut crucifie la tete en has, pour n'etre pas egale V. PORTRAIT MORAL ET PHYSIQUE DE SAINT PIERRE;
a son-Maitre. Seneque, Consol. ad Marc., 20, mentionne SON ENSEIGNEMENT D'APRES LES DISCOURS DU LIVRE DES
en termes formels cette aggravation du crucifiement, ACTES. — 7. CABACTERE DU PRINCE DES APOTBES. — II
•comme etant usitee de son temps. D'apres 1'explication n'a pas toujours ete decrit exactement. C'est ainsi que
la plus naturelle, c'est bien le supplice de la croix qui divers ecrivains, soil catholiques, soit protestants,
•est designe dans la prophetie du Sauveur, Joa., xxi, 22 : attribuent a 1'apotre trop de defauts naturels : les uns,
377 PIERRE (SAINT) 378*
pour relever la puissance de la grace; les autres, pour Cette reserve faite, il est tres interessant de les par-
amoindrir sa valeur personnelle. Son portrait moral courir, pour les envisager sous le rapport doctrinal.
est cependant aise a reproduire, car ses grandes lignes Voir *B. Weiss, Lehrbuch der bibl. Theologie des N,
sont esquissees aussi clairement que possible dans les T., 4* edit., Berlin, 1884, p. 114-116,123-144; *Lechlerr
recits evangeliques et au livre des Actes. La fougue, Das apostolische und nachapostolische Zeitalter, 3 e ed. r
1'ardeur impetueuse en etaient le trait le plus saillant: ses Leipzig, 1885, p. 225-241; *Mc Giffert, A History of
paroles ne le demontrent pas moins bien que ses actes. Christianity in the apostolical Age, 1897, p. 48-63,
Voir Matth., xvi, 22; xvn, 4; Marc., xiv, 29; Luc., v, 482-486; *Bovon, Theologie du Nouv. Test., 2« ed.,
8; Joa., vi, 69; xin, 9, 37, etc. A cet entrain vehement, 1905, t. 11, p. 51-70.
qui lui fit si souvent prendre la parole au nom des Les discours les plus importants au point de vue que
autres Apotres, cf. Matth., xv, 15; xvi, 16; xviu, 21; nous etudions sont : 1° celui que saint Pierre adressa
Marc., i, 36; xi, 21; Luc., vin, 45; Joa., vi, 69-70, au peuple le jour de la Pentecote, Act., n, 14-40;
etc., se joignaient la mobilite et 1'impressionnabilite, 2° celui qu'il prononca dans la cour du Temple, apres-
cf. Matth., xiv, 30; Luc., v, 8, 1'enthousiasme, la guerison du paralytique, Act., in, 12-26; 3° celui
Matth., xiv, 28-29, lacandeur, Matth., xvi, 22; xvn, 4, qu'il adressa au centurion Corneille et a ses amis.
la franchise et la loyaute, Matth., xix, 27; Luc., v, 5, Act., x, 34-43. En effet, ces trois allocutions avaient pour
la generosite et la vaillance, Matlh.," iv, 18-20 ; but direct de gagner les auditeurs a la foi chretienne.
Joa., xviu, 10; Act., n, 14; in, 12-26, iv, 8; v, 29, Neanmoins, les cinq autres discours de Pierre, Act., ir
etc.,parfois la presomptionetl'obstination,Matth., xxvi, 16-22; iv, 8-12; v, 29-32; xi, 4-17; xv, 7-11, et la priere
33, la timidite, Gal., n, 11-12, et meme la faiblesse. des fideles, iv, 24-30, sont aussi tres instructifs sous ce-
Matth., xxvi, 40, 69. A ces divers points de vue, la na- rapport. Des idees dogmatiques, morales, apologetiques
ture de Pierre refletait celle des Galileens, ses compa- et polemiques tres variees y sont exprimees. On a dit tres
triotes, telle que I'historien Josephe nous Fa decrite. justement (B. Weiss, 1. c., p. 116) qu'on n'a pas suffi-
Voir Ant. jud., xvi, 17; Bell. jud.. Ill, in, 2. II etait samment apprecie ces discours au point de vue theolo-
avant tout un homme d'action, comme ilsut lemontrer gique. Ce sont les documents les plus anciens que
de la facon la plus admirable apres la mort de Jesus- nous ayons pour nous renseigner sur la predication,
Christ. Son coeur etait chaud, genereux, devoue, ainsi apostolique au debut de 1'histoire de 1'Eglise. Sur leur
qu'on le voit par de nombreux passages du Nouveau authenticite, voir ACTES DES APOTRES, t. i, col. 152..
Testament. Voir L.-C1. Pillion, Saint Pierre, p. 182-185. On peut les resumer tous en un mot tres exact : ils
//. SA REPRESENTATION SUB LES MONUMENTS FIGURES. sont un temoignage rendu a N.-S. Jesus-Christ. La-
— Le portrait physique de saint Pierre est tres souvent doctrine en est tres simple, comme le demandaient les;
reproduit sur les anciens monuments (sarcophages, circonstances; elle est cependant tres riche aussi.
mosai'ques, fonds de verres, fresques des Catacombes). 1° Rapports de la religion nouvelle avec celle de-
Voir Smith, Dictionary of Christian Bibliography, 1.11, VAncien Testament. — Ces rapports sont tres intimes;
p. 1621; Lipsius, Die apokryph. Apostelgeschichte und les deux religions sont etroitement alliees. La seconde
Apostellegenden, t. n, le partie, p. 213; F. X. Kraus, se rattache a la premiere comme a sa racine, a sa pre-
Realencyklopddie der christl. Alterthumer, t. n, p. 67; paration. Saint Pierre est tres formel sur ce point, et
0. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo in Roma, 1900, il y revient frequemment. Dans ses discours, comme-
p. 161-169. plus tard dans ses ecrits, il repete sans se lasser que
« Saint Jerome In Gal., i, 18, t. xxvi, col. 329, le christianisme s'appuie de toutes manieres sur les=
rapporte, d'apres un ancien livre apocryphe, que oracles prophetiques, qui 1'ont annonce d'avance, et
saint Pierre aurait ete chauve; et parfois il est figure dont il est la realisation parfaite. Cf. Act., n, 14-21,
comme tel. Mais, sur les monuments les plus anciens, 24-36; iv, 11; x, 43. II cite en ce sens Moise, Act., HI,
il porte la barbe, des cheveux courts et frises; son 22-23, les Psaumes, Act., n, 25-36; iv, 11, les grands
visage est rond; ses traits sont ordinaires, comme et les petits prophetes, en particulier Joel, Act., n, 17-
ceux de la plupart des gens du peuple; toutefois, quoi- 21; Jere'mie, xxxi, 34, tous les oracles de 1'Ancien-
qu'il ne soit nulle part idealise, sa physionomie respire Testament in globo. Act., in, 24. Ce fait ne pouvaifr
toujours 1'intelligence et la bonte. Plus tard, on le re- qu'interesser et frapper vivement les auditeurs juifs de
presente avec une tonsure : c'est le fruit d'une legende Fapotre.
signalee par plusieurs ecrivains du vie ou du vn e siecle, 2° La christologie. — C'est le point de depart, le
et suivantlaquelle saint Pierre aurait ete ignominieuse- point central et aussi le terme de la predication de-
ment tondu par les ennemis de 1'Evangile. » L.-C1. saint Pierre, Jesus est le Messie predit par Dieu a son-
Fillion, Saint Pierre, p. 188-189. Voir t. iv, col. 2188, peuple, impatiemment attendu -et desire par les Juifs
fig. 579, la figure a droite. aux differentes epoques de leur histoire. Act., in, 22.
III. EXSEIGNEMENT DOCTRINAL DES DISCOURS DE Dieu 1'a en quelque sorte legitime, accredite par des-
SAINT PIERRE. — Plus loin, nous aurons a specifier la miracles et des signes nombreux, Act., n, 22, 36; x,
doctrine que le prince des Apotres enseigne dans cha- 38; il a fait descendre sur lui son Esprit. Act., x, 38,-
cune de ses Epitres. II est bon d'indiquer ici celle qui cf. Marc., i, 10. Jesus est le prophete annonce par
se degage de ses huit discours du livre des Actes. No- Moi'se, le serviteur de Jehovah predit par Isai'e. Act., HI,.
tons cependant qu'on aurait tort de vouloir determiner 13, 26; iv, 27, 30. Sa mort ignominieuse entrait elle-
.rigoureusement par ces discours, comme on 1'a fait meme dans le plan divin. Act., n, 23; in, 18; iv, 11,
parfois, quel etait 1'enseignement caracteristique soit 25-28; v, 30; x, 39. La preuve la plus frappante de son?
de saint Pierre, soit des autres Apotres, au debut de caractere messianique consiste dans sa resurrection,,
1'histoire de 1'Eglise. On ne doit pas oublier que ces dans son ascension et dans sa glorification sublime
allocutions furent des improvisations rapides, dictees aupres de son pere. Act., n, 33-35; v, 31, etc. Saint
par les circonstances, qu'elles furent necessairement Pierre ne manque jamais d'opposer ces faits glorieux
breves, et que Simon-Pierre ne se proposa nullement a la mort humiliante du Sauveur. Cf. Act., n, 36;
d'y developper le symbole Chretien, soit en general, in, 15; iv, 10; v, 30; x, 40. En effet, humainemenfr
soit meme sur tel ou tel point particulier. II serait done parlant, la croix de Jesus etait la negation de son carac-
inutile d'y chercher, et de pretendre y trouver, un sys- tere messianique, tandis que sa resurrection en est la-
teme dogmatique, parce que c'est avant tout une pre- preuve la plus convaincante; aussi 1'apotre fait-il de-
dication apostolique, dont nous n'avons d'ailleurs qu'un ce dernier mystere le centre de toute sa predication..
echo necessairement afifaibli, quelque fidele qu'il soit. Cf. Act., i, 8/22; 11, 2-32, 36; in, 15; iv, 10; v, 30; x,.
379 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT)
42, etc. Vivant et triomphant dans le ciel, il demeure 2. PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT). — I. LA
toujours uni a son Eglise et lui envoie sans cesse de QUESTION D'AUTHENTICITE. — Nous etudierons successi-
. precieux secours. Act., n, 33; HI, 16; iv, 10. II reviendra vement les preuves extrinseques et les arguments
un jour, puissant et glorieux, pour juger tous les intrinseques; puis, nous refuterons les principales
hommes, Act., in, 26; x, 42, et alors commencera one objections des neo-critiques.
ere de consommation pour son Eglise. II est la pierre /. PREUVE ExrsiNSEQUE. — Les temoignages ren-
angulaire sur laquelle repose tout 1'edifice Chretien. dus a notre Epitre par les ecrivains ecclesiastiques
Act., iv, 11. — Les discours de Pierre n'affirment pas abondent depuis les temps les plus recules. Aucun de
explicitement et directement la divinite de Jesus-Christ, ces anciens auteurs « n'a doute de son authenticity,
mais ils la supposent constamment. Le point essentiel ni meme entendu parler de doute la concernant »
consistait a demontrer d'abord aux Juifs que Jesus (Olshausen). Si I'on se place au ive siecle et que 1'on
,«tait le Messie depuis longtemps promis. II est le Saint remonte en arriere, on est tout d'abord frappe de ce
<le Dieu par excellence, 6 octo; o-ou, Act., n, 27, le fait que, dans toutes les listes qui enumerent leslivres
saint et le juste, Act., in, 14, le prince de la vie, Act., in, canoniques du Nouveau Testament, a part une seule,
15, le Seigneur de toutes choses. Act., x, 36. II est le la lettre est citee et attribute a saint Pierre. C'est le
Seigneur par antonomase (6 xupio?), comme Dieu lui- canon de Muratori qui fait exception : ce qu'il dit
meme, Act., i, 24; n, 20, 21, 36; in, 20; vn, 59-61; des ecrits de saint Pierre est d'ailleurs tres obscur; il
xi, 23, 24, etc., ou le Seigneur Jesus. Act., i, 31; iv, 33; porte en cet endroit des traces visibles de corruption,
xv, 11, etc. Dieu ejait avec lui d'une maniere toute et il est possible que la Ja Petri ait ete mentionnee
•speciale, Act., x, 38; en lui seul est place le salut du dans le texte primitif, comme le pensent des critiques
monde. Act., iv, 12; v, 31. Assis sur le trone de Dieu, de premier ordre. VoirTh.Zahn, Gesch. des neutestam.
il est evidemment son egal. De grands miracles s'accom- Kanons, t. 11, I™ part., p. 110. Eusebe, H. E., in, 25,
plissent en son nom. Act., HI, 6, 16; iv, 30, etc. A tous t. xx, col. 268, mentionne expressement L'Epitre parmi
<ces points de vue, il est uh etre unique, d'une dignite les livres admis d'une maniere incontestable, et il afflrme,
et d'une puissance extraordinaires. Mais il est homme in, 3, t. xx, col. 217, que « les anciens pretres Font
aussi : c'est Jesus de Nazareth, « homme approuve de citee dans leurs ecrits comme etant tres authentique. »
Dieu. » Act., n, 22, et, a ce titre, descendant royal de Au commencement du in6 siecle et des la fin du ne,
David, Act., n, 30. nous pouvons constater 1'etat de choses suivant. Pour
3° La soteriologie. — Avec Jesus-Christ a commence I'Eglise d'Alexandrie, nous avons, d'une part, le temoi-
1'ere de redemption annoncee par les prophetes. Act., n, gnage du docte Clement, qui, non seulement cite la
7; in, 24; x, 43. Les moyens de s'approprier le salut lettre et 1'attribue a Pierre, Strom., in, 18, t. vm,
apporte par lui consistent: — 1. Sous le rapport negatif, cot. 1213; Psedagog., i, 6, t. vm, col. 301 (cf. I Pet., i,
a faire penitence et a rompre avec le peche, Act., n, 6-9; n, 2-3), mais en a donne une breve explication
•38; in, 26; — 2. Sous le rapport positif, a accepter sans dans ses Hypotyposeis (cf. Eusebe, H. E., vi, 14, 1,
hesitation la predication apostolique, qui est la parole t. xx, col. 549), et, d'autre part, 1'attestation non
de Dieu lui-me"me, Act., iv, 29; v, 32; x, 41-42, etc., a moins claire d'Origene, dans Eusebe, H. E., vi, 25,
-croire en Jesus-Christ comme au Sauveur depuis 8, t. xx, col. 481; — pour les Eglises d'Afrique, le
longtemps predit, Act., n, 36; x, 43, et a recevoir le temoignage soit deTertullien, qui, s'il omet de la men-
bapteme en son nom, de maniere a faire .partie de la tionner dans son enumeration des Instrumenta apos-
societe des elus. Act., n, 38. En echange de cette foi en tolica, c'est-a-dire des ecrits composes par les apotres,
sa personne et pour rendre plus certaine 1'acceptation lui emprunte, plusieurs passages (cf. De oral., 20, t. i,
individuelle du salut, Jesus remet les peches des croyants col. 1182, et I Pet., in, 3; Scorpiace, xiv, t. n, col. 150,
sinceres, Act., n, 38; in, 19; x, 43; il leur commu- et I Pet., n, 17; voir Ronsch, das Neue Testament Ter-
nique son Esprit, selon les antiques promesses, Act., n, tullian's, p. 556-563], et la donne expressement comme
16, etc.; il leur accorde le salut eternel. Act., in, 1'oeuvre du prince des Apotres, soit de saint Cyprien
15; iv, 11-12; v, 31, etc. Israel, en tant que peuple de (cf. De bono patientise, 9, t. iv, p. 628; Contr. jud., in,
1'alHance, avait un droit special a la redemption mes- 36, t. iv, col. 756); — pour les Eglises de Syrie, celui de
sianique, cf. Act., n, 39; in, 26; v, 31; x, 36, 42, etc.; la Peschito, dont notre lettre a toujours fait partie; —
mais tous les peuples du monde, sans exception, pour les Eglises des Gaules, celui de saint Irenee, qui
devaient y participer aussi. Act., n, 17, 39; in, 25; x, lui emprunte plusieurs citations, en declarant qu'elle
34-35; xv, 7. — On le voit par ce simple sommaire, rien a ete composee par saint Pierre (cf. Adv. hser., IV,
n'est plus precis que 1'enseignement doctrinal du prince ix, 2, t. vn, col. 998, et I Pet., i, 8; ibid., xvi, 5,
des Apotres, malgre son caractere eiementaire. Les col. 1019, et I Pet., iv, 16); — pour I'Eglise de Rome,
Epitres nous le presentent sous une forme plus large le temoignage de 1'Itala, qui a toujours contenu la
et plus complete. 1& Petri, comme le prouvent les citations de Tertul-
VI. BIBLIOGRAPHIE. — Voir C. Fouard, Saint Pierre et lien et de saint Cyprien, et celui de saint Hippolyte
les premieres annees du christianisme, Paris, 1886; (cf. Fragm. in Dan., xn, 7, edit. Lagarde, 185, 20, et
Mar Le Camus, L'ceuvre des Apotres, t. i, Fondation de I Pet., i, 12).
I'Eglise chretienne, Paris, 1891; Xavier, Historia S. La premiere Epitre de saint Pierre est aussi tres
Petri, 1639; P. Scheuren, Petrus der Apostelfurst u. frequemment citee dans le cours du ne siecle, et a
Slatt halter Christi, nach der h. Schrift, den Vatern... 1'epoque des Peres apostoliques. Voir la lettre des
dargestellt, Aix-la-Chapelle, 1846; Janvier, Hist. de saint Eglises de Lyon et de Vienne, en 177, dans Eusebe,
Pierre, Tours, 1875; *J. S. Howson, Studies in the Life H. E., v, 1 et 2, t. xx, col. 436; comp. I Pet., v, 6
of St. Peter, Londres, 1883; *A. Birks, Studies in the et 8; S. Justin, Dial. c. Tryph., 103, t. vi, col. 717
Life and Character of St. Peter, Londres, 1887; fcf. I Pet., v, 8); S. Irenee, Adv. hser., I, 18, 3, t. vti,
*Couard, Simon Petrus der Apostel des Herrn,i8SQ; col. 645, cf, I Pet., in, 20; Clement d'Alexandrie,
Henriot, Saint Pierre, sonaporfolat, son pontifical, son Strom., IV, xn, 83, et I Pet., i, 12; t. vra, col. 1108;
episcopal; histoire, traditions et legendes, Lille, 1891; Hermas, Vis., iv, 3, 4, et Pet., i, 7; Sim., ix, 21, 3,
* H. G. Thomas, The Apostle Peter, outline Studies xxvni, 4-7, et Pet., iv, 14-16; Sim., ix, 16, et 1 Pet.,
in his Life, Character and Writings, Londres>, 1904; in 19-20; Papias, dans Eusebe, H. E., Ill, xxxix, 1,
L.-CI. Pillion, Saint Pierre, Paris, 1906; * A. Brun, Essai t 'xx, col. 500; Polycarpe, Philipp., i, 2, et I Pet., i, 8;
sur I'apotre Pierre, Montauban, 1905. ii 1, et I Petr., i, 13, 21; n, 2, et I Pet., in, 9; vm, 1,
L. FILLION. et I Pet., n, 22, 24. Cf. Eusebe, H. E., iv, 14, t. xx,
381 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 382
col. 350; S. Clement de Rome, 1 ad Cor., 16, 17 et etroites avec 1'Eglise de Jerusalem et avec le prince des
33, t. i, col. 240, 244, 273, et I Pet., n, 21; xxn, 2, Apotres, Act., xv, 22; — V) la mention de saint Marc,
et I Pet., in, 10; XLIX, 5, et I Pet., iv, 8. Les temoi- v, 13, dont saint Pierre connaissait depuis longtemps
gnages de Papias et de saint Polycarpe ont d'autant la mere, Act., xii, 12, et qu'il avait alors aupres de lui
plus de force, que les Eglises gouvernees par eux comme un fils spirituel et un compagnon devoue,
(Hierapolis et Smyrne) faisaient partie de la region a voir Eusebe, H. E., m, 36, t. xx, col. 300; — c) la
laquelle est adressee 1'Epitre. Celui de saint Clement mention de Babylone, v, 13, c'est-a-dire de Rome,
a aussi une grande autorite, la lettre ayant ete composee ou le prince des Apotres se trouvait a la fin de sa
a Rome meme, comme il sera dit plus loin. — Letemoi- vie. — d) v, 1 sq., 1'auteur designe certainement par
gnage le plus ancien de tous, et par suite 1'un des plus le mot upso-g^Tspot les pr£tres-eveques preposes aux
importants, est celui de la JIa Petri, laquelle se pre- chretientes d'Asie Mineure auxquelles la lettre est
sente, in, 1, comme etant la seconde lettre de 1'apotre adressee. II se presente lui-meme comme leur o-uvTrpsd-
Pierre. II est vrai qu'il a existe autrefois des doutes au g-jTspo?. Or, tout le ton de la lettre montre qu'il est
sujet de son authenticite, et qu'un grand nombre de de beaucoup leur superieur a tous; ce qui est bien ,
critiques heterodoxes la rejettent comme apocryphe (voir evident, puisqu'il est le chef de 1'Eglise entiere. Un
ci-dessous, col. 402-410); mais elle est tres ancienne faussaire, bien loin de parler avec une telle humilite,
aux yeux de ces critiques eux-memes, car ils placent aurait fait valoir hautement le titre du prince des apo-
generalement sa composition entre les annees 88 et 90. tres. — e) Nous avons a signaler aussi des allusions
Son temoignage demeure done ferme en toute hypothese. assez frequentes aux paroles de Jesus-Christ. Cf. I, 10,
Telle est la preuve extrinseque, qui demontre 1'authen- etLuc.,x,24-25;i,13,etLuc.,xn,35;i,17,-etMatth.,vi,9;
ticite de 1'Epitre de saint Pierre. Ces deux faits s'en n,17, et Marc.,xii, 17; m,14,etiv, 14, avecMatth., v,10-ll;
degagent : 1° 1'Epitre a ete connue de tres bonne heure iv, 13, et Matth., v, 12; v, 3, et Marc., x, 42-43; v, 6, et
dans toute 1'Eglise; des que celle-ci a possede un re- Matth., xxiu, 12. Comp. aussi n, 6-8, avec Matth., xxi, 42,
cueil de litterature qui lui fut propre, la Za Petri y est et Luc., xx, 17. Cf. Act., iv, 11. Ce dernier rapproche-
citee comme un ecrit qui exerce une influence consi- ment est particulierement frappant, car la combinaison
derable; 2° a partir de saint Irenee, c'est directement de la pierre angulaire avec la pierre de scandale ne se
et nommement a saint Pierre que tous les auteurs ec- trouve qu'en ces quatre passages, dont deux citent les
clesiastiques attribuent 1'Epitre. paroles de Jesus et les deux autres les paroles de saint
Pour eluder un si puissant argument, les adversaires Pierre. — f) Plusieurs fois aussi, cf. Pet., i, 19-21;
de 1'authenticite eprouvent, on le coneoit, un tres grand n, 21-25; m, 18-19; iv, 1, etc., 1'auteur fait allusion a
embarras,etil ne peuventlui opposer que de tres pauvres divers evenements de la vie du Sauveur, et meme, ce
raisons. Voir Jiilicher, Einleitung in das N. T., 1894, qui est encore plus significatif, aux relations person-
p. 131. 1° L'objection qu'ils tirent du silence du canon nelles qu'il avait eues avec lui. Le texte I Pet., i, 8 :
de Muratori a ete brievement refutee plus haut. 2° Ils « (Jesus-Christ) que vous aimez quoique vous ne 1'ayez
s'appuient aussi sur une double allegation de Pierre de pas vu, » sernble etablir sous ce rapport une distinction
Sicile (vers 870), Historia Manichseor., c. xvii. D'apres speciale entre 1'auteur de la lettre et les lecteurs :
cet auteur, d'une part, les « pauliniens », qui vou- ceux-ci ne connaissaient le Christ que par oui' dire;
laient etablir un christianisme purement base sur la lui, il 1'a vu de ses propres yeux. C'est bien a tort, on
doctrine de saint Paul, ne recevaient pas la 7a Petri; le voit, qu'on a accuse la Ja Petri de « rnanquer de
d'autre part, Theodore de Mopsueste, suivant une souvenirs directs du ministere et de 1'enseignement de
donnee fournie par Leonce de Byzance dans son Jesus. » J. Monnier, La 7re Epitre de 1'apotre Pierre,
ecrit Contra Nestor, et Eutych., 1. IV (entre 560 et Macon, 1900, p. 515. Celui qui 1'a composee a ete reel-
600), t. LXXXVI, col. 1650, aurait abrege et rejete les lement temoin de la vie publique, de la passion et de
Epitres catholiques. Mais tout cela ne prouve « rien du la resurrection de Notre-Seigneur. S'il parle plus sou-
tout », comme 1'a fort bien dit Credner, Einleit., t. n, vent de la passion, c'est a cause de 1'importance spe-
p. 648; car les faits en question sont d'une date tres ciale qu'avait ce mystere pour les lecteurs, plonges
tardive. D'ailleurs, le second de ces faits n'est pas alors dans 1'epreuve. Voir Westcott, An introduction
meme certain, puisque aujourd'hui encore les Nes- to the Study of the Gospels, 5e edit., Londres, 1875,
toriens, qui ont conserve le canon biblique de Theo- p. 174-175. — g) Une preuve intrinseque qui merite
dore de Mopsueste, regardent la Ire Epitre de saint toute notre attention, c'est la ressemblance qui existe,
Pierre comme canonique. Voir Kihn, Theodor von soit pour le fond, soit pour la forme, entre 1'Epitre et
Mops., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 64.3° En troi- les discours de saint Pierre contenus dans le livre des
sieme lieu, les neo-critiques s'appliquent a affaibiir la Actes. Des deux cotes, peu de pensees abstraites et
force des citations faites par les anciens auteurs. Ainsi, speculatives, mais les faits principaux de la vie du
d'apres Harnack, Chronologic, p. 463, saint Polycarpe Sauveur, presentes d'une maniere concrete comme la
n'aurait pas regarde notre Epitre comme 1'oeuvre de base de notre salut. Cf. en particulier I Pet., I, 10-12,
saint Pierre, puisqu'il ne la lui attribue pas nom- et Act., in, 18-25 et x, 43; I Pet., i, 20, et Act., n, 23, et
mement, tandis qu'il mentionne expressement saint m, 20; I Pet., H, 4, et Act., x, 11; I Pet., n, 24, et Act.,
Paul en lui empruntant des citations. Mais la con- v, 30, et x, 39; I Pet., in, 22, et Act., n, 33-34, et v, 31, etc.
clusion est illegitime; en effet, saint Polycarpe ne De part et d'autre aussi, 1'auteur aime a rattacher sa
cite pas davantage les noms de saint Jean, des synop- doctrine aux oracles de 1'Ancien Testament. Ce trait
tiques, de saint Clement pape et des auteurs de est vraiment caracteristique. De nombreuses pensees
1'Ancien Testament, lorsqu'il leur fait quelque em- de 1'Epitre, comme celles des discours, ont un vete-
prunt. Si 1'eveque de Smyrne fait une exception en ment biblique. « On sent que 1'auteur se meut dans un
faveur de 1'apotre des Gentils, c'est simplement parce domaine familier, et que sa piete plonge ses racines
qu'il s'adressait a une Eglise fondee par lui. dans la terre nourriciere de 1'ancienne Alliance. II en
H. ARGUMENTS INTRTNSEQUES. — Us COnfirment la parle la langue, il en refletelapensee. » A. Brun, Essai
preuve fournie par la tradition. La lettre se donne elle- sur Vapotre Pierre, p. 79. Cf. Lechler, Apost. und
meme, i, 1, comme ayant ete composee par « Pierre, nachapost. Zeitalter, 3e ed., p. 440-443; K. Burger,
apotre de Jesus-Christ ». Or, de nombreux details dans le Kurzgefasster Komment. de Strack et Zockler,
qu'elle renferme sont en parfait accord avec ce ren- N. Test., 4» Abth., p. 153 de la 2e edit. Voir en par-
seignernent.'Entre autres : — a) la mention de Silvain, v, ticulier les passages, i, 16, 17, 24-25; n, 4, 6, 7, 9,
12, personnage important qui avait eu des relations 10, 22, 24; in, 6, 9, 10, 11, 20; iv, 8, 18, etc. -
383 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 384
A) L'Epitre reflete veritablement le caractere de saint gien mediocre (Renan), ou du moins une nature « re-
Pierre, tel que nous le revelent les recits des Evangiles ceptive, impressionnable » (Salmon). Suivant Harnack,
et des Actes des Apotres. Sa personnalite y apparait Lehre der zwolf Apostel, t. u, p. 106-109, et Chrono-
tout entiere, comme fait celle de saint Paul dans ses logic, t. i, p. 455-465, les premieres et les dernieres
propres lettres. Nous y contentions 1'homme pratique, lignes de 1'Epitre, I, 1-2; v, 12-14, n'appartiendraient
1'homnie d'action, 1'homme au temperament ardent et pas au texte primitif; elles auraient ete ajoutees a la
genereux, rhomme qui exhorte avec bonte, en em- lettre, lorsque celle-ci fut officiellement declaree cano-
ployant des expressions et des images pittoresques. nique. Le document primitif, i, 3-v, 11, que ce fut une
C'est done d'une maniere tres injuste que divers cri- lettre ou non (ce que M. Harnack avoue ne pouvoir de-
tiques regardent notre Epitre comme un produit litte- terminer), serait 1'oeuvre de « quelque docteur ou pro-
raire denue d'originalite. Voir en sens contraire Scharfe, fesseur distingue », qui 1'aurait peut-etre compose a
Die Petrinische Stromung der neutestam. Litleratur, Rome, entre les annees 83-93, ou meme vingt ans plus
189B. Les images concretes et frappantes y abondent; tot. loutefois, d'une part, 1'adresse de la lettre, qui est
cf. i, 7,13,18, 23, 24; n, 2, 4, 5, etc. L'auteur drama- si concrete et caracteristique, et, d'autre part, la con-
tise son exposition au moyen d'epithetes vigoureuses, clusion, dont les details conviennent si bien a saint
i, 4, 7, 8, 19; v, 10, etc.; il emploie des verbes compo- Pierre, protestent contre cette hypothese; et puis,
ses et varie les prepositions pour mieux exprimer les qu'aurait ete ce document original, comme nous 1'avons
nuances de sa pensee, i, 2, 3, 5,12,13, etc.; il a recours vu, et attribue au prince des apotres des la plus haute
aux contrastes pour mieux insister sur 1'idee, i, 6, 8, antiquite? Le Dr Harnack sent si bien la faiblesse de
11; n, 4, 7, etc. Tout cela manifeste un esprit original, sa conjecture, qu'il se declare pret, au cas ou on la
puissant, ardent, comme 1'etait celui de Simon-Pierre. trouverait inexacte, a « regarder 1'improbable (c'est-a-
Voir Belser, Einleit., p. 701. dire, ce qui est improbable a ses propres yeux) comme
///. OBJECTIONS DES CRITIQUES CONTRE L'AUTHEN- possible, et a revendiquer 1'epitre pour Pierre lui-
riciTE. — 1° Histoire de leurs attaques. — Sans meme, plutot que de supposer qu'elle a ete ecrite par
doute, ces differentes preuves intrinseques n'ont pas un pseudo-Petrus. » Chronolog., t. i, p. 464.
la meme valeur- que les temoignages cites plus haut; 2° Premiere object-ion. — L'argument tire des affinites
mais elles les corroborent singulierement, Neanmoins, de la Ja Petri avec les Epitres pauliniennes et 1'Epitre
quoique si bien .accreditee de toutes manieres, la de saint Jacques, est mis frequemment en avant par les
/a Petri ne pouvait pas plus echapper que les autres critiques contemporains. D'apres eux, cette afflnite serait
parties du N. T. aux precedes dissolvants de la critique telle, que la lettre ne pourrait pas avoir ete composee
rationaliste. Deja Semler, en 1784, avait emis des doutes par saint Pierre, mais seulement par un disciple de saint
serieuxsur 1'authenticite, que Cludius, un peu plus tard, Paul. Voir McGiffert, I. c., p. 593-595; Julicher, Einleit.,
a ete le premier a nier franchement, dans son livre p. 132-133; H. Holtzmann, Einleit., p. 313-316. Cette as-
Uransichten des Christenthums, Altona, 1808, p. 296-300. sertion remonte aux dernieres annees du xvme siecle;
Eichhorn, en 1818, a marche sur ses traces. F. Baur, mais elle a ete surtoutdeveloppeeau debut duxix 6 siecle,
Theol. Jahrbucher, 1856, t.n, p. 193-198, et ses disciples par Scholz, Der schriftstell. Werth und Charakter
(notamment Schwegler, Das nacJiapostol. Zeilalter, des Johannes, 1811, p. 12, par Eichhorn, Einleit. in
Tubingue, 1846, t. n, p. 2-16; H. Holtzmann, dans das N. T., 1814, t. HI, § 284-286. Ce dernier rattache pres-
Schenkel, llibel-Lexikon, t. iv, p. 495-498.; Hilgenfeld, que toutes les pensees et les expressions de la 7a Petri
Einleit. in das N. T., p. 625-630) se sont particuliere- aux Epitres de saint Paul. Le savant catholique Hug,
ment distingues par la violence de leurs attaques, mais Einleit. in die Schrift. des N. T., 4e edit., t. n, §166,
sans pouvoir se mettre d'accord entre eux pour les les protestants Schott, Jsagoge, 1830, § 96, de Wette,
details de leurs theories, ni pour la date de 1'Epitre, etc. Lehrbuch der Einleit., 5e edit., 1848, § 172, et d'autres
Celle-ci serait, comme tant d'autres parties du Nouveau reconnurent aussi, mais avec plus de mesure, qu'il
Testament, un ecrit de conciliation, Unionsschrift, existeun certain nombre de ressemblances premeditees
destine a celebrer 1'harmonie finalement etablie entre entre notre Epitre et celles de saint Paul : saint Pierre
les deux grands partis hostiles, le Petrinisme et le aurait fait ces emprunts a dessein, parce qu'il ecrivait
Paulinisme. Elle demontrerait, en meme temps, com- a des chretientes fondeespar saint Paul (Hug); ou bien,
ment les idees pauliniennes peuvent etre mises a profit il aurait voulu manifester sa conformite de pensees
dans 1'interet du parti judeo-chretien. Baur, loc. cit., avec 1'Apotre des Gentils, soit contre les heretiques
p. 219-222. De la ces reminiscences perpetuelles des (Schott), soit sur 1'ensemble de la doctrine chretienne
epitres de saint Paul qu'on pretend decouvrir dans la (de Wette). Voir aussi la Zeitschrift fiirwissenschaftl.
7a Petri (voir plus has, col. 385) et qui donneraient, Theologie, 1874, p. 360-375; 1881, p. 178-186, 332-342.
assure-t-on, « 1'impression que la lettre provient d'un D'assez bonne heure on protesta contre cette affirma-
disciple de Paul. » Mais, comme on 1'admet universel- tion, specialement contre sa forme la plus exageree, et
lement aujourd'hui, « cette theorie (de 1'ecole de Tu- on essaya de demontrer, tantot dans les articles de Re-
bingue), qui est profondement ebranlee d'une maniere vues, — Rausch, dans le Krit. Journal de Winer et En-
generale, est refutee en particulier dans 1'application gelhardt, t. vm, 1828, p. 396; Liicke, dans les Theol.
qui en a ete faite a I Pet. » Harnack, Chronologie, Studien und Kritik., 1833, p. 528, — tantot dans les
t. i, p. 456. D'apres Julicher, Einleit., p. 134-136, de la ouvrages proprement dits (Mayerhoff, Hist. krit. Ein-
lre edit., la lettre, a cause de ses relations avec 1'Epitre leit. in die petrin. Schriften, 1835, p. 104; B. Bruck-
aux Romains, aurait ete composee par un Chretien qui ner, edition remaniee du commentaire de L. de
residait alors a Rome, mais qui etait originaire d'Asie Wette, 1853, Introd., § iv; B. Weiss, Der petrin. Lehr-
Mineure. Selon von Soden, Hand-Comment, zum begriff, p. 381, que saint Pierre n'a utilise nulle
N. T., t. in, 2e part., p. 117, la lettre aurait Silvain pour part les lettres de saint Paul, ou du moins que le fait
auteur. Cf. v, 12. Me Gillert, History of Christianity in est tres douteux et ne saurait etre prouve avec certitude,
the apostolical Age, p. 598, 1'attribue a saint Barnabe. ou enfin que les pretendus emprunts se bornent a des
D'autres critiques s'en sont tenus a 1'opinion tradi- reminiscences et a des echos plus ou moins conscients.
tionnelle, mais en admettant que 1'tpitre est dans un L'ouvrage du Dr B. Weiss est particulierement remar-
etai d'inferiorite et de dependance par rapport aux quable sur ce point. Sans nier que saint Pierre ait
ecrils de saint Paul; ce qu'on explique en disant que connu les ecrits de saint Paul et qu'il ait pu s'en appro-
Pierre, pratique avant tout, n'avait pas une grande prier quelques pensees ou expressions, lorsqu'elles ca-
originalite litteraire (Bleek, etc.), que c'etait un theolo- draient avec le theme qu'il avait a traiter, 1'auteur
385 PIERRE (PREMlfiRE EPITRE DE SAINT) 386
r
releve en detail les exagerations dans lesquelles on est B. Weiss, loc. cit., p. 13. Le D von Soden, loc. cit., va
tombe ; puis il restreint le debat a 1'Epitre aux Ephe- me"me jusqu'a regarder comme douteux le point de
siens et a celle aux Remains (chap, XII-XIH), avec les- contact de la 1* Petri avec 1'Epitre aux Ephesiens. Le
quelles, dit-il, la Ja Petri presente des ressemblances me"me auteur, Hand-Commentar zum N. T., t. HI,
tres reelles. Ce sentiment est admis de nos jours par 2e partie, p. 97-98, remarque que 1'auteur de la 1* Petri,
un assez grand nombre de critiques, dont quelques-uns tout en utilisant les osuvres de saint Paul, a complete-
ajoutent 1'Epitre de saint Jacques a celles de saint Paul ment laisse de cote la terminologie de 1'apotre des Gen-
aux Remains et aux Ephesiens. Voir Th. Zahn, Einleit. tils, et qu'il ne mentionne pas meme les idees specifi-
in das N. T., t. n, p. 30; Comely, Inirod., t. in, p. 626-' quement pauliniennes. En resume, on compte dans la
627; Reiser, Einleit., p. 694. Ja Petri environ soixante expressions qu'on ne ren-
a) Relations de la Ia Petri avec 1'Epitre aux Re- contre ni dans saint Paul, ni dans les autres livres du
mains. — M. B. Weiss reconnait qu'il existe des points Nouveau Testament. Parmi les ressemblances alleguees,
de contact evidents entre divers passages de I Pet., et plusieurs proviennent d'un fonds commun de pensees
les chap, xn-xm de la lettre aux Remains. De meme et d'expressions qu'aucun auteur chretien ne pouvait
Kiihl, Die Brief'e Petri, p. 40. Hofmann, dans son com- eviter (tels les mots TU<TTC?, iXui?, £&>?}, %iip<.<7y.oi, etc.).
mentaire de notre Epitre, Die heilig. Schriflen des N. Dans sa IIe Epitre, in, 15, saint Pierre affirme avoir
T., 1875, t. vi, p. 208, mentionne comme des reminis- lu les Epitres de son « frere bien-aime » Paul; il est
cences de 1'un ou de 1'autre des deux ecrivains, 1° le done difficile de ne pas admeltre 1'existence, dans son
verbe «ru(7yY)yi.aT(?s(T9at (il n'est pas employe ailleurs ecrit, de quelques reminiscences tres reelles; mais
dans le N. T.), associe dans I Pet., i, 14, a raT? Ttpotspov il demeure toujours independant, original, et n'imite
iutOufAiaii;, et dans Rom., xn, 2, arw alwvi TOUTW; 2° 1'ad- ni de pres ni de loin d'une maniere proprement
jectif Xoftxrfs, employe dans I Pet., n, 2, a propos du dite.
lait de la divine parole, et Rom., xir, 2, a propos du c) La Ia Petri et VEpitre de saint Jacques. — Ici
service de Dieu; 3° la locution xootbv avtt xaxov auoSt- encore, on signale un certain nombre de ressemblances.
Sovtsf, qu'on trouve identiquement dans I Pet., m, 9, el Les deux Epitres sont adressees aux fideles de la 8ia-
Rom., xir, 17. Les critiques etablissent encore les rap- a-Ttopa, I Pet., i, 1, et Jac., i, 1; mais avec de grandes
prochements suivants : I Pet., n, 5, et Rom., xn, 1; differences pour le sens. Le passage 1 Pet., i, 6-7, a
I Pet., n, 13-14, et Rom., xm, 1-6; I Pet., in, 8-9, et beaucoup d'analogie avec Jac.,i, 2-3 (noter en particu-
Rom., xn, 9-10; I Pet., iv, 7, et Rom., xm, 12; I Pet., lier 1'expression TO SOTUJJ.COV -5p,wv r»}? Ttc'diswc, qu'on ne
iv, 10-11, et Rom., xn, 6-8. Us alleguent encore I Pet., trouve pas ailleurs dans le N. T.). Cf. aussi I Pet., n, 1,
n, 24, et Rom., vi, 2, 6,18; 1 Pet., n, 6-7, et Rom., ix, et Jac., i, 21; I Pet., iv, 8, et Jac., v, 20; I Pet., v, 5-9,
33; I Pet., iv, 1, et Rom., vi, 6. II regne certainement et Jac., iv, 6,10. Mais, dans ces divers passages, les di-
quelque ressemblance entre ces divers passages; mais, vergences sont plus grandes que les ressemblances. II
des deux cotes aussi, il y a une independance tres en est de meme par rapport a la regeneration chre-
reelle. Comme le dit fort bien le Dr Kiihl, I. c,, p. 18, tienne, I Pet., i, 23, et Jac., i, 18, et aux desirs de la
les ressemblances signalees permettent seulement de chair, I Pet., n, 11, et Jac., iv, 1. La citation de trois
supposer que saint Pierre, qui a ecrit en dernier lieu, passages identiques de 1'Ancien Testament dans les
avait lu 1'epitre aux Remains, et qu'il s'en est appro- deux ecrits, cf. I Pet., v, 5, 9, et Jac., iv, 7; I Pet.,
prie, tout en demeurant tres original, des pensees et iv, 8, et Jac., v, 20; I Pet., i, 24-25, et Jac., iv, 10-11, ne
des expressions qui s'harmonisaient avec le but de sa prouve pas davantage qu'il existe une dependance pro-
lettre. prement dite entre leurs auteurs.
b) La Ta Petri et 1'Epitre aux Ephesiens. — « On a 3° Seconde objection. — Les adversaires de 1'authen-
souvent attire 1'attention sur une certaine ressemblance ticite font une autre objection, a laquelle ils attachent
de notre lettre avec 1'Epitre de saint Paul aux Ephe- aussi une grande importance. La lettre suppose, disent-
siens. Si 1'on n'entend pas cela d'un emprunt propre- ils, qu'a 1'epoque me"rne ou elle fut publiee, les chre-
ment dit des pensees, mais d'un certain accord dans les tiens etaient sous le coup d'une persecution generale
expressions, les concepts et les constructions, nous et officielle dans 1'empire; ce qui ne saurait convenir
1'admettons aussi. » Reiser, Einleit., p. 694. Be meme qu'au regne de Trajan, puisque la persecution de Neren
le Dr Zahn, Einleit., t. 11, p. 30 et 36, qui tire simple- ne depassa guere les limites de Rome. II suit de la que
ment de ce fait la conclusion que saint Pierre connais- saint Pierre, mort au plus tard en 67, ne peut pas etre
sait 1'epitre aux Ephesiens, et que la Ia Petri est au- 1'auteur de la lettre. Voir H. Holtzmann, Einleit.,
thentique, attendu qu'un faussaire de la premiere 3 e edit., p. 494; Jiilicher, Einleit., p. 135; McGiffert,
partie du second siecle n'aurait eu aucune raison de History of the apostol. Age, p. 596-597. Mais cette ob-
faire des emprunts proprement dits a saint Paul. On a jection a pour base une fausse interpretation de I Pet.,
rapproche les uns des autres les passages suivants : iv, 15-16, et des passages analogues, i, 6; n, 12; in, 9,
I Pet., i, 3, et Eph., I, 3 (debut identique, mais qu'on 15-16; iv, 4, 12-14. Aucun de ces textes n'exige 1'exis-
retrouve dans la IIe aux Cor.; d'ailleurs, la suite differe tence d'une persecution sanglante et officiellement or-
totalement des deux parts; I Pet., i, 14-18, et Eph., iv, ganisee par 1'empereur, ou par ses representants dans
17-18 (exhortation a mener une vie toute chretienne); les provinces, soit sous Trajan, soit meme anterieure-
I Pet., i, 20, 10-12, et Eph., i, 4; in, 6-11; I Pet., n, 4- ment sous Neron. II n'y est question ni de juges et de
7, etEph., n, 20-22; I Pet., in, 4 (scpumb? T?(; xapSias tribunaux, ni de prison, de supplices ou de confisca-
owOpayjio?), et Eph., Ill, 16 (saw avQpwrco;); I Pet., Ill, 18 tions. Ce n'est point de la part des autorites constitutes
(iva Tjjxai; TtpoaayayY) TO> 6sw), et Eph., II, 18 (Si' aurou que les fideles avaient alors a souffrir, mais de leurs
exofjisv r»)v Ttpoaaytoyviv Trpb; TOV TOaipa); I Pet., Hi, 22, anciens coreligionnaires, qui leur faisaient sentir leur
et Eph., i, 20-22, etc. Quelques neo-critiques, entre mecontentement et leur haine de mille manieres, dans
autres Sieffert, Hilgenfeld's Zeitschrift, 1881, p. 179, les relations quotidiennes de la vie. Cf. I et II Thess.,
trouvent les ressemblances si nombreuses entre les ou saint Paul mentionne quelque chose de semblable
deux ecrits, qu'ils leur attribuent le meme auteur, le- pour les Thessaloniciens. Voir aussi Rom., xii, 14-16;
quel ne serait ni saint Pierre ni saint Paul. Yoir aussi Eph., iv, 27; v, 15-16; Heb., x, 32-34; Jac., n, 13-17.
G-unkel, Die Schriften des N. T. neu ubersetzt, 1907, L'auteur, dans ce passage, en parJant des autorites ci-
t. n, 3" partie, p. 27. Mais cela est tout a fait inadmis- viles, n'a pas de reproche special a leur adresser; il
sible. "Voir T. Zahn, Einleit., t. n, p. 36; Kiihl, I. c.; les caracterise meme comme punissant les mechants
Keil, Comment, uber die Briefe des Petrus, p. 12-14; et reconfortant les bens. II aurait difficilement agi de
DICT. DE LA BIBLE. V. - 13
387 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 388
la sorte, si elles avaient persecute ouvertement les force que procure 1'union a Jesus-Christ, et specialement
Chretiens. — Les arguments par lesquels les neo-cri- les exemples du divin Crucifie. L'auteur jette souvent
tiques s'efforcent de demontrer que la l*tPeiri n'est sur Jesus en croix un regard plein d'amour. — Une
pas 1'ceuvre du prince des Apotres n'ont done rien de occasion plus speciale fut le depart de Silvanus pour
solide. 1'Asie Mineure. Ce disciple avait eu, comme compagnon
II. OCCASION ET BUT DE L'EPITRE. — Us ressortent assez de saint Paul, des relations intimes avec quelques-unes
clairement du fond meme de 1'ecrit, qui les rattache des chretientes de cette region. Cf. Act., xvi, 19; xvii,
aux circonstances parmi lesquelles se trouvaient les des- 4, 15; XVHI, 5; II Cor., i, 19; iv, 7-14; 1 Thess., I, 1,
tinataires. — 1° Les Eglises d'Asie Mineure auxquelles etc. C'est lui, d'apres v, 13, qui fut charge de porter
il est adresse, sans e"tre, comme il a ete demontre la lettre.
plus haut (col. 386), sous le coup d'une persecution III. SUJET. — L'auteur a precise lui-meme le sujet en
violente et officiellement organisee, avaient nean- indipiant son but, v, 12. Voir aussi i, 13; v, 9-10.
moins beaucoup a souffrir, Les pai'ens et les Juifs Aucune pensee dogmatique ou polemique ne domine
au milieu desquels ils vivaient leur infligeaient la lettre et ne lui communique une forme speciale,
toutes sortes de vexations penibles. Ce fait n'a rien comme cela a lieu pour la plupart des Epitres de
d'etonnant, quand on se place dans la situation des saint Paul. L'opinion contraire, soutenue par 1'ecole
membres de la primitive Eglise : les nouveaux conver- de Tubingue, est aujourd'huicompletementabandonnee.
tis abandonnaient non seulement leurs idoles, leur Si quelques concepts ont plus d'importance que les
culte, leurs superstitions, cf. I Pet., i, 18, mais en autres, c'est, d'une part, celui de la saintete que
grande partie aussi leur maniere anterieure de penser doivent pratiquer les Chretiens, par suite de leur voca-
et leur genre de vie; et leurs anciens coreligionnaires tion me'me; d'autre part, celui de la souffrance bien
ne leur pardonnaient pas ce qu'ils regardaient comme supportee, a 1'exemple de Jesus-Christ (« le vrai Chre-
une apostasie tout a la fois religieuse, nationale et tien dans la souffrance, » dit Julicher, Einleit., ie edit.,
sociale. Voir Tacite, Ann., 44; Suetone, Nero, 16. On p. 132); enfin, celui de 1'esperance, car les amis du
leur reprochait aussi leur vie simple, qui etait comme Christ seront recompenses eternellement comme lui,
un reproche perpetuel pour leurs compatriotes pai'ens, apres avoir mene une vie sainte, et supporte comme
I Pet., iv, 4, et Ton ne comprenait pas qu'ils ne retom- lui patiemment les peines de la vie. L'auteur ne s'at-
bassent point dans leurs exces d'autrefois. On les con- tache nullement a exposer les principes; ses intentions
tristait, i, 6-7, on les calomniait, on les accusait de sont avant tout pratiques, en conformite avec le but
crimes divers, n, 12, et in, 16 : tout cela, soil par suite qui vient d'etre marque. Avant toutes choses, il se
de 1'ignorance et des prejuges, soit par mauvais vou- propose d'exhorter ses lecteurs a demeurer fermes
loir et mechancete proprement dite. D'apres iv, 12, un dans la foi, malgre les souffrances qu'ils endurent
mouvement particulier de haine et d'hostilite venait pour elle. S'il signale de nombreux points de doctrine
d'eclater contre les chretientes d'Asie. Ces vexations (voir plus has, col. 394), s'il «temoigne », comme il dit,.
etaient recentes, et les fideles n'y etaient pas encore c'est une maniere transitoire et secondaire, en tantque
habitues; de la, pour eux, le trouble et le danger du son temoignage pouvait servir de base a ses exhorta-
decouragement, et, par suite, de 1'apostasie, car le de- tions. Saint Paul separe d'ordinaire tres nettement la
mon ne manquerait pas de mettre a profit cette situation partie .pratique de ses Epitres de la partie dogmatique;
pour les tenter, cf. I Pet., v, 8. Le prince des Apotres il n'en est pas de meme de saint Pierre dans cette
leur ecrivit done pour les consoler au milieu de leurs lettre, ou 1'exhortation et 1'instruction se tiennent per-
epreuves et pour les affermir dans la foi. Pour cela, il petuellement et s'appuient Tone sur 1'autre. Le manque
leur montre que la souffrance est comme la vocation de caractere dogmatique n'empeche pas cet ecrit de
du chretien, et qu'elle leur procurera plus tard une former un tout bien compact, et jamais encore on n'a
grande gloire, de me'me qu'elle est des ici-bas pour songe a attaquer son unite.
eux une grande grace. II les engage en meme temps a IV. DIVISION ET ANALYSE DE L'EPITRE. — II n'y a pas
bien remplir, malgre tout, leurs devoirs envers la de plan precis, tant la pensee est spontanee et pour
societe, envers eux-memes et envers 1'Eglise. ainsi dire sans premeditation. Le ton est presque
2° Comme on le voit, le but de 1'Epitre est tout pra- toujours celui de 1'exhortation paternelle; cc qui exclut
tique, nullement dogmatique ou polemique. L'auteur une marche systematique des pensees. L'auteur passe
1'expose lui-meme a la fin de la lettre, v, 12 : « Je d'une recommandation generale a des recommanda-
vous ai brievement ecrit, pour vous exhorter et pour tions particulieres, el vice versa, sans s'occuper de
vous attester que cette grace de Dieu a laquelle vous mettre un ordre tres logique dans ses idees. Elles ne
etes attaches est la veritable (c'est-a-dire, que votre reli- sont pas cependant depourvues de tout enchainement.
gion est la seule vraie). Obsecrans et contestans Les groupes plus ou moins considerables de versets
(irapaxaXwv xac. irctjxapTupwv) : ces deux participes qui developpent une meme pensee se rattachent les
resument tout le contenu de 1'Epitre, ou 1'exhortation uns aux autres, de maniere a former trois series d'ex-
alterne avec 1'enseignement proprement dit. Comme hortations, encadrees entre un courtfpreambule, 1,1-2,
examples de ces « attestations » ou temoignages, qui et une conclusion tres breve aussi, v, 12-14. La saluta-
donnent plus de poids a 1'exhortation, voir I, 3-12, 18- tion initiale, I, 1-2, se compose des trois elements ac-
21, 23, 25; n, 3-10,19-20; in, 14-16; iv, 12-14; v, 7, 10, coutumes : le nom de 1'auteur, la designation des
12. L'apotre exhorte ses lecteurs, en pensant a la situa- destinataires, un souhait pieux et affectueux.
tion douloureuse ou ils se trouvaient; il atteste el il 1° La premiere/les trois sections, i, 3-n, 10, peut s'inti-
temoigne qu'en depit des adversites qu'elle occasionne, tuler : Privileges accordes par Dieu aux chreliens et
la religion chretienue est la grace des graces pour ses saintete qu'ils exigent. Elle s'ouvre par une action de
adeptes sinceres et genereux, et qu'il faut y perseverer graces a Dieu, pour les dons entierement gratuits de la
avec courage. C'est 1'exhortation qui domine; elle va regeneration spirituelle et du celeste heritage, que
d'un bout a 1'autre de 1'Epitre, sous des formes variees. Jesus-Christ a merites pour les Chretiens, i, 3-5; dons
Elle porte sur la saintete, 1'obeissance, la charite fra- tellement precieux, qu'ils doivent etre une cause perpe-
ternelle et le support du prochain, les devoirs envers luelle d'allegresse, meme parmi les epreuves,de la vie,
la societe et la famille, la vigilance, et surtout'la pa- i, 6-9. Les prophetes avaient annonce depuis lotfgtemps
tience dans 1'epreuve. Le temoignage a pour objet, tan- ce salut apporte aux hommes par le Christ, et les
tot direct, tantot indirect, les bienfaits paternels de anges sont desireux de le connaitre a fond, i, 10-12.
Dieu, la splendeur de 1'heritage reserve aux fideles, la Apres ce beau debut, 1'apotre exhorte ses lecteurs a
389 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 390
mener une vie digne de 1'immense bienfait qu'ils ont teurs, avail ete annonce dans ces differentes regions
recu de Dieu, il signale tour a tour la necessite gene- par saint Paul, et par ses eollaborateurs Barnabe, Epa-
rale d'une vie sainte, quelques-uns des devoirs sp£- phras, Silvain, etc., soit directement, comme en Gala-
ciaux qui en decoulent et le grand modele de perfec- tie, Act., xv, 40; xvi, 6; Gal., iv, 13; en Asie, Act,,
tion que nous devons suivre. Appeles au salut, les Chre- xix, 1, soit indirectement (des Chretiens de 1'Asie pro-
tiens doivent etre pleins d'esperance en Dieu, qui consulaire avaient pu porter la bonne nouvelle en
leur a accorde cette grande faveur, et lui devenir Bithynie et en Cappadoce, comme cela avait eu lieu
semblables, en pratiquant la saintete, 1,13-16. L'exhor- pour la Phrygie, d'apres Col., n, 1). Nous avons vu
tation a la saintete est motivee aussi par la justice di- plus haut (col. 371) ,que saint Pierre Iui-m6me a pu
vine et par notre redemption, qui a coute la vie a exercer son ministere apostolique dans 1'une ou 1'autre
Jesus-Christ, i, 17-21; puis la charite mutuelle des de ces provinces, mais que le fait est loin d'etre cer-
Chretiens est envisagee comme un element de leur tain, et que 1'hypothese contraire est meme de beau-
perfection^ i, 22-25. La saintete chretienne etant la coup la plus vraisemblable.
consequence de la regeneration, il faut travailler a Les membres des Eglises ainsi fondees avaient ap-
1'accroltre sans cesse, H, 1-3, et c'est en s'approchant partenu en grande partie au paganisme. Voir S. Je-
du Christ, vraie source de la perfection spirituelle, et rome, Adv. Jomn., i, 39, et 11, 3,;t. xxnr, col. 275, 300,
en adherant intimement a lui, qu'on peut realiser cet quoique ailleurs il soit d'un autre avis, et S. Augus-
ideal, n, 4-10. tin, Cont. Faust., xxn, 896, t. XLII, col. 460, Plusieurs
2° La seconde serie d'exhortations, u, 11-iv, 6, envi- passages de 1'Epltre rendent cette opinion tout a fait
sage les Chretiens au milieu du monde, et leur rappelle certaine. D'apres i, 14, les lecteurs avaient vecu autre-
quelques-uns de leurs devoirs generaux et particuliers. fois dans une complete ignorance religieuse; d'apres I,
C'est un petit traite de morale pratique, dont voici les 18, leurs ancetres avaient vecu dans 1'idolatrie;
principaux details. Dans une courte introduction, n, d'apres n, 9-10, Dieu Jes avait appeles a sa merveil-
11-12, 1'auteur formule une pensee importante : il faut leuse lumiere et avait fait d'eux son peuple privilegie\
que les fideles aient une conduite tres sainte, capable eux qui n'etaient rien auparavant; d'apres in, 6, leurs
d'edifier meme les pai'ens. De cette recommandation femmes etaient devenues des filles de Sara, ce qui
generate, il passe a plusieurs domaines speciaux, sur prouve qu'elles ne 1'etaient point par la naissance;
lesquels les vrais disciples de Jesus sont tenus de ma- d'apres iv, 2-4, avant leur conversion, ils s'etaient livres
nifester leur perfection. II traite successivement des au culte des faux dieux et a toutes les immoralites du
obligations des Chretiens envers le pouvoir civil, n, 13- paganisme. Ces details ne sauraient convenir a des
17, des devoirs des esclaves, auxquels il presente comme judeo-chreliens, mais seulement a des paiiens d'origine,
modele Jesus-Christ humilie et outrage, n, 18-25; les comme 1'ont admis et 1'admettent encore de nos jours
relations reciproques des epoux, HI, 1-7. Saint Pierre la plupart des interpretes et des critiques. Voir Hund-
revient ensuite a 1'exhortation generate, qu'il fait por- hausen,\Das erste Pontificalschreiben des Petrus, p. 45,
ter sur les points suivants : sommaire des devoirs du note n. II n'est done pas etonnant que Cassiodore,
Chretien a 1'egard du prochain, in, 8-12; la fidelite a Instit. div., 14, t. LXX, col. 1125; Junilius Africanus, De
Dieu malgre les epreuves, qui, bien supportees, sont part, leg., I, 6, t. LXVIII, col. 16, et le Codex Fuldensis
par elles-meTnes une recompense pour le chretien, in, aient intitule notre Epitre : « ad Gentes ». Cependant
13-17; encore 1'exemple du Christ, qui a souffert pour Origene, dans Eusebe, H. E,. HI, 1, t. xx, col. 216,
nous, tout innocent qu'il fut, et qui a preche 1'Evan- Didyme d'Alexandrie, ibid., in, 4; t. xx, col. 220; le
gile, non seulement aux vivants, mais aussi aux ames pseudo-Athanase, Synops., 53, t. xxxvni, col. 40,
detenues dans les limbes, in, 18-22; ideal du chretien, saint Jerome, De vir. ill., 1, t. xxni, col. 638, etc.,
qui consiste a mener une vie tout exempte de peche, croyaient au contraire que 1'Epltre avait ete principa-
iv, 1-6. lernent composee pour des Chretiens issus du judaiisme.
3° La troisieme serie d'exhortations, iv, 7-v, 11, ren- Leur raison principale consistait dans une interpreta-
ferme des recommandations qui concernent la vie in- tion inexacte du mot SiacrTropa? (dispersionis), qu'on,
time des chretientes particulieres. Introduite par cette lit a la premiere ligne. Comme ce mot designait d'ordi-
transition, « Le jugement de Dieu approche et reclame naire les Juifs « disperses » plus ou moins loin de la
des dispositions parfaites, » elle entre en d'assez nom- Palestine, a travers 1'empire remain, cf. II Mach., i, 27;
breux details pratiques, que Ton peut grouper sous ces Joa., vn, 35; Jac., I, 1, on a suppose qu'il doit rece-
divers chefs : vertus a pratiquer en vue de la proximite voir ici sa signification habituelle. Mais saint Pierre 1'a
du jugement divin, iv, 7-11; confiance en Dieu parmi determine et precis^ par les expressions ixXsxtol
les epreuves, car, si 1'on participe aux souffrances du •rcapsm8Y)!J.o[, electi advense,^ dont la premiere etait
Christ, on aura egalement part a sa gloire, iv, 12-15; alors une appellation specifique des Chretiens, choisis
obligations mutuelles des pasteurs et de leurs ouailles, et mis a part en vue du salut futur, I Pet., 11, 9;
v, l-5a; autres vertus que tous les Chretiens sont tenus de Rom., vm, 33; Col., in, 12; II Tim., n, 10; Tit., I, 1,
pratiquer, v, 5b-ll. — La lettre se termine par un epilogue etc., tandis que la seconde, d'apres 1'usage biblique, a
assez court, v, 12-14, compose d'une petite reflexion de pour but de rappeler aux destinataires de 1'Epitre
1'auteur a propos de son ecrit, et de quelques salu- qu'ils devaient se regarder, a la maniere d'Abraham,
tations. Gen., xxni, 3, de Jacob, Gen., LVII, 3, comme des
V. DESTJNATAIRES DE L'EpiiRE. — Us sont designes etrangers sur cette terre d'exil, et avoir constamment
de la facon la plus nette dans le premier verset, i, a la pensee le souvenir de la celeste patrie. Cf. i, 17;
1 : « Aux elus etrangers et disperses dans le Pont, la II, 11; Heb., XI, 9. Le mot SiacrTropa est done pris
Galatie, la Cappadoce, 1'Asie et la Bithynie. » Les cinq ici, non pas dans le sens technique qu'il avait autre-
provinces mentionnees faisaientpartie del'Asie Mineure, fois, mais dans un sens metaphorique, pour designer
dont elles occupaient le nord (le Pont et la Bithynie), le nouveau peuple de Dieu.
1'ouest (1'Asie proconsulaire), la partie centrale et orien- Le livre des Actes montre qu'il y avait des elements
tale (la Galatie et la Cappadoce). Comme la province juifs considerables dans plusieurs des contrees enume-
du Pont est nominee la premiere, notre Epitre a porte rees ci-dessus. Cf. Act., XVIH, 24-28; xix, 8-10, etc. II
aussi, aux temps anciens, dans 1'Eglise latine, le nom est done vraisemblable qu'un certain nombre des des-
de Epislola ad Ponticos. Cf. Tertullien, Scorpiac., tinataires de la 7a Petri etaient Israelites de naissance;
12, t. n, col. 146; S. Cyprien, Testim., HI, 36-37, mais ils formaient eertainement une minorite. Aussi
t. iv, col. 756. L'Evangile, d'apres certains commenta- est-il surprenant que divers critiques contemporains,
391 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 392
B. Weiss, Krit. Untersuch. zu den kathol. Briefen, VII. DATE DE L'EPITRE. — 1° D'apres les critiques qui
1892, et Der Petrin. Le/irbegriff, 1855, p. 99; Kuhl, ne croient pas a 1'authenticite, la lettre aurait ete com-
Die Briefe Petri, p. 22; Nosgen, Geschichte der neu- posee : a) sous Domitien, 81-96 apres J.-C. (von Soden,
testam. Offenbarung, t. n, p. 37, aieiit repris a leur entre 92 et 96; Harnack, entre 83 et 93, mais peut-Stre
compte le sentiment d'Origene, de Didyme, etc., qui des 73, ou meme des 63); b) sous Trajan, 96-117 (Baur,
meritait d'etre a tout jamais abandonne. Voir Keil, Keim, Lipsius, Pfleiderer, Julicher); c) sous Adrien,
Comment, uber die Briefe des Petrus, p. 20-24. Void 117-138 (Zeller); d) entre les annees 140 et 147 (Volkmar).
leurs principales raisons : 1° Us s'appuient sur la res- Ces divers sentiments ont ete refutes d'avance par ce
semblance qui existe entre 1'adresse de la 1s- Petri et qui a ete dit au sujet de 1'authenticite (col. 380). —
celle de 1'Epitre de saint Jacques, i, 1. II est vrai que, 2° Parmi les auteurs qui regardent 1'Epitre comme
dans cette derniere, il est aussi question de la 8ta<r7ropa; 1'oeuvre de saint Pierre, il en est qui lixent une date
mais ce mot y est determine par 1'addition « les douze trop avancee : entre autres, le Ven. Bede, In Petr., v,
tribus », qui en restreint le sens aux seuls Juifs con- 13, t. xin, col. 68, sous le regne de Claude, 41-54; Ba-
vertis. — 2° Us alleguent que les pensees et le style de ronius, Annal., ad. ann. 45,16, en 45; Foggini, De Ro-
notre Epitre sont vraiment des echos de 1'Ancien Tes- mano D. Petri itinere, 1742, p. 196-198, entre 42 et 49;
tament; ce qui conviendrait fort peu a des lecteurs B. Weiss, Petrin. Lehrbegriff, p. 365-367; Einleit.,
d'origine pa'ienne, mais seulement a des destinataires 3" edit., p. 427-430, et Kuhl, Die Briefe Petri, p. 50,
judeo-chretiens, familiarises avec la loi, les prophetes a une epoque anterieure aux Epilres de saint Paul.
et les Psaumes. Nous repondons que saint Paul cite — D'apres 1'opinion la plus vraisemblable, qui a tou-
assez souvent aussi les livres de 1'Ancien Testament dans jours eu des adherents tres nombreux, la Ia Petri
plusieurs de ses lettres adressees a des paiiens convertis, fut composee vers la fin de 1'annee 63, ou au commen-
tout specialement dans I Cor., II Cor. 'et GaL Nous cement de 64. On arrive a cette conclusion grace aux
dirons encore, sur ce meme point, que les citations ou donnees suivantes: — a) La lettre suppose que le chris-
allusions de saint Pierre expriment des pensees claires tianisme avait fait de grands progres dans 1'Asie Mi-
par elles-memes; il n'etait done pas necessaire que les neure; or, un tel developpement n'a eu lieu qu'a la
lecteurs comprissent qu'elles etaient empruntees a la suite du sejour de trois ans que Paul fit a Ephese du-
Bible juive. D'ailleurs, 1'Ancien Testament n'etait-il pas rant son troisieme voyage apostolique, entre 54 et 57.
lu en grec dans les assemblies religieuses des premiers Cf. Act., xviii, 23; xix, 1, 10. L'Epitre n'a done pas etc"
Chretiens? — 3° Nos adversaires essaient, mais sans ecrite avant cette derniere annee. — b) L'Apotre des
succes, de demontrer que les passages enumeres plus Gentils avait ete delivre de sa prison en 63, et etait parti
haut, i, 14, 18; n, 9-10; in, 6; iv, 3, ne conviennent pour 1'Espagne ou pour 1'Orient; de la probablement
qu'en apparence aux pa'iens et s'appliquent en realite a le silence de la lettre a son sujet. — c) La persecution
des Juifs convertis. Mais il faut faire violence a ces di- de Neron n'avait pas encore eclale lorsque 1'Epitre fut
vers textes, pour obtenir d'eux un tel resultat. Voir composee (elle ne commenca que vers la fin de 64);
Belser, Eirileit. in-das N. T., p. 695-696. — Dans leur mais on en voyait deja les signes precurseurs. —
ensemble, les lecteurs avaient ete convertis depuis assez d) Saint Marc, mentionne a la fin de la lettre, v, 13,
longtemps, puisqu'ils avaient leurs pretres et leur orga- etait encore a Rome, ou saint Paul 1'avait appele na-
nisation ecclesiastique reguliere. Cf. v, 1-5. Les mots guere, durant sa premiere incarceration, ,CoI., iv, 10
sicut mode geniti infantes..., n, 2, ne prouvent pas (1'Epitre aux Colossiens date de 63). — e) Si saint Pierre
qu'ils venaient de passer tout recemment au christia- a reellement connu 1'Epitre aux Ephesiens (voir la
nisme, car c'est la une figure qui peut s'appliquer a la col. 385), il n'a pu composer sa lettre qu'apres 1'epoque
vie entiere de la pluparl des Chretiens. Us formaient ou saint Paul ecrivit Iui-m6me a 1'Eglise d'Ephese,
un corps parfaitement constitue parmi leurs voisins de- c'est-a-dire en 63. — Sur toute cette question voir en-
meures paiiens. core H. Holtzmann, Einleitung, 3" edit., p. 318-320;
VI. LE LIEU DE LA COMPOSITION. — Nous lisons a la fin E. Scherfe, Die petrinische Stromung der neutestam.
de 1'Epitre, v, 13 : « L'eglise qui est a Babylone vous Literatur, 1893, p. 633; Ramsay, The Church in the
salue. » D'ou il suit que la lettre a ete ecrite de la ville Roman Empire, 1893, p. 279-295.
qui est appelee ici Babylone. Mais nous avons demontre VIII. IDIOME ET STYLE DE L'EPITRE. — 1° La Ia Petri
plus haut (col. 371), que ce nom doit etre interprete a ete composee en grec; il ne saurait exister aucun
d'une maniere symbolique. 11 ne saurait en aucune doute a ce sujet. Seul, saint Jerome a suppose, Epist.
facon designer 1'antique capitale des Babyloniens, a la- cxx, ad Hedib., 11, t. xxii, col. 1002, que la langue
quelle la tradition n'a jamais rattache un sejour de primitive aurait et6 1'arameen. Ainsi qu'il a ete dit plus
saint Pierre. II ne saurait non plus se rapporter, haut (col. 358), Simon-Pierre, originaire des bords du
comme on 1'a parfois suppose, a la cite egyptienne de lac de Tiberiade, avait pu apprendre de bonne heure a
Babylone, situee pres du Caire. Cette opinion estdenuee parler le grec, qui etait d'un usage frequent dans ces
de tout fondement. Ce n'est point au prince des Apotres, parages; il se developpa dans la connaissance de cette
mais a son disciple saint Marc, que les Eglises d'Egypte, langue, durant ses courses apostoliques a travers des
et en particulier celle d'Alexandrie, ont toujours attribue contrees habitees par des races helleniques. Saint Jean,
leur origine. La Babylone mystique mentionnee par saint Jacques le Mineur et saint Jude etaient, comme
1'auteur de 1'epitre n'est autre que Rome meme, comme lui, Juifs d'origine, et pourtant il est certain qu'ils ont
le dit saint Jerome, De vir. ill., 8, t. xxm, col. 621. ecrit en grec. Si saint Marc est appele, depuis les
C'est tres exactement que, malgre les mots ev Ba6uXwvi, temps les plus anciens, 1' « interprete » (Ip^vsuTri?) de
de nombreux manuscrits grecs ont cette suscription Pierre, cela vient, soit de ce qu'au debut de ses voyages
finale : £YPa?Yl °""> 'Pw^c. Voir Tischendorf, N. Test., (vers 43) Pierre, ne se croyant pas suffisamment exerce
edit, vin, t. n, p. 300, et aussi H. Ewald, Sieben Send- pour parler a des Grecs proprement dits, se faisait aider
schreiben, 1890. p. 2; F. Baur, Das Christenthum und par son disciple de predilection, soit plutot de ce que
die christl. Kirche, p. 130; Schwegler, Nachapostoliches Jean-Marc « a redige son Evangile d'apres les predica-
Zdtalter, t. n, p. 16; E. Renan, L'Antechrist, p. 122; tions de saint Pierre ». Voir t. iv, col. 717.
Hilgenfeld, Einleit., p. 632; H. J. Holtzmann, Einleit., 2° La lettre est ecrite en un grec correct, assez bon
2« edit., p. 521; Julicher, Einleit., 1814, p. 132; von meme, mais qui n'a pas 1'elegance de celui de saint
Soden, Hand-Commentar zum N. T., t. m^2 e part., Jacques. L'agencement des phrases presente parfois
3« edit., p. 115; Me Giffert, History of the ctpotstolical quelque rudesse; par exemple, lorsqu'elles sont pro-
Aye, p. 598. longees au moyen de participes ou de pronoms relatifs
393 PIERRE (PREMlfiRE E PITRE DE SAINT) 394
accumules. L'emploi des synonymes, le maniementassez — Un point particulierement frappant, c'est 1'emploi
habile des verbes (surtout des verbes composes), des que saint Pierre fait sans cesse de 1'Ancien Testament.
temps et des prepositions, la structure rythmique des Tantot il montre que le salut apporte par le Christ est
phrases denotent aussi une connaissance suffisante de la realisation integrate des promesses que Dieu avait
la langue grecque. Les hebraismes ne sont ni frequents faites aux anciens prophetes, i, 10-12; tantot il s'appro-
ni choquants. On peut citer, parmi les principaux : prie dans le detail, comme il a ete marque plus haut,
8ca<77Topa, i, 1; fils d'obeissance, i, 14; 1'acception des col. 900, les pensees et les expressions meme de 1'an-
personnes, 1,17; la parole du Seigneur, i, 25; un peuple cienne Alliance. Fait remarquable : ce petit ecrit, qui
d'acquisition, u, 9; le mot « vase » pour designer le ne contient que deux citations proprement dites de
corps humain, in, 7. Le style est generalement simple, 1'Ancien Testament, i, 16, et H, 6, renferme un nombre
comme la pensee; par moments, il est plein de gran- considerable de reminiscences ou d'echos bibliques.
deur. Cf. i, 3-9, 17-21; n, 21-25; v, 6-10, etc. L'auteur Cf. i, 14, 15; n, 3. 4, 7, 9, 10, 22-24; in, 10-12, 13, 14;
aime a exprimer la m3me pensee en termes tour a tour iv, 8,17,18; v, 5, 7, etc.
negatifs et positifs, cf. i, 14, 18, 23; n, 16; in, 3, 9, 21; X. L'ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DE L'EP!TRE. — On doit
iv, 2; v, 2-3; il fait ca et la un usage intelligent des se souvenir, lorsqu'on cherche a determiner 1'enseigne-
epithetes, cf. i, 3, 18, 22; n, 2, etc.; il oppose d'une ment d'un ecrit avant tout pratique, comme 1'esi
maniere caracteristique le pluriel au singulier, par celui-ci, qu'on tomberait dans une exageration singu-
exemple, iv, 2 : avOptimov eutQytxtai? et OeXr^ai-i fteou, etc. liere, si 1'on concluait que tel ou tel point doctrinal qui
II a recours a des images vivantes, dramatiques, qu'il y est omis etait inconnu de 1'auteur, ou n'avait pour
empruntea la vie de famille, i, 3, 14,17, 22-23; n, 2; lui qu'une importance secondaire. On a done eu tort
a la vie des champs, J, 4; v, 2, 8; a la vie militaire, i, de chercher et de vouloir trouver ici, soit un type de la
5; n, 11; iv, 1; a la vie nomade, 1,1,17; n, 11; au culte doctrine chretienne durant la periode apostolique, soit
sacre, n, 5; in, 15; a la metallurgie, i, 7; iv, 12, etc. Le (c'estle cas pourM.B. Weiss)un christianisme juifante-
vocabulaire de 1'Epitre renferme un riombre assez con- rieur a saint Paul, soit une theologie de saint Pierre
siderable de termes qui ne sont employes dans aucun en opposition avec celle de saint Paul, ou, selon d'autres
autre livre du Nouveau Testament. On en a compte (tant les opinions sont subjectives et arbitraires sur ce
jusqu'a soixante-deux, dont beaucoup se rencontrent point) ayant pour but de la confirmer. Nous 1'avons
dans la traduction des Septante. Parmi ces expressions, deja dit, le dogme "n'apparait dans cette lettre que par
il en est de treselassiques; avayxao-Twi;, avar/ycr.?, avit- accident et d'une maniere secondaire, pour appuyer
XoiSopstv, ocTCoyEvscrBai, duoGsfft;, {hoOv, ejMiXoxYj, siuxa- les exhortations pratiques. Saint Pierre n'a nullement
Xu[/,;xa, oivo^uyta, oj^ptov, oitX'iCetv, TtatpoTtapaSoTo?, etc. songe a inserer ici son Credo, ou un systeme doc-
D'autres, plus remarquables encore, ne paraissent pas trinal complet; il nous fait seulement connaitre un
avoir ete employees avant saint Pierre; neanmoins, leur cote special de sa predication. Et pourtant, en grou-
formation est tres reguliere et leur signification est gene- pant sous divers chefs les principaux enseignements
ralement tres nette (a part celle du premier terme) : positifs qui sont epars dans la Ia Petri, on trouve un
dAXoTptoEuiuxoTto?, a[j.apavTtvoc, avaysvvav, dvsxXaXr]- sommaire assez riche du dogme chretien. — On est
TO? , dirpo<7a>7roX^|j.Tw<;, eyxojiSoyffQai, TcepiOeacc, upo- frappe d'abord de la grande ressemblance qui existe
|AapTvp£<j6ai, aOsvo'iiv, auvTrpEdSuTepdc, etc. D'autres entre cet enseignement et celui des discours de saint
locutions, comme ^apt<r[xa, ^iXaSeXcpia; faisaient par- Pierre, tels que les Actes des Apotres nous les ont
tie du langage chretien. La dependance des Septante transmis. Voir plus haut, col. 382. Comme point fon-
est tres frappante, sous le rapport soit des reminis- damental nous avons, de part et d'autre, cette grande
cences, soit du vocabulaire, soit de la syntaxe : ce idee : le christianisme a 1'Ancien Testament pour base;
qui n'a rien de trop surprenant, car il etait aise il a realise, grace a la mort et a la resurrection de
a Pierre d'avoir cette traduction avec lui durant ses Jesus-Christ, les oracles prophetiques de 1'ancienne
voyages. Alliance relatifs au salut promis a 1'humanite coupable,
3° Le texte grec de 1'Epitre ne presente au critique Toutefois les discours de saint Pierre ne nous reve-
aucun probleme serieux. Les principaux manuscrits lent qu'une face de son enseignement, tel qu'il etait
qui nous 1'ont transmis sont les suivants : x, A, B, G, tout a 1'origine de 1'Eglise, tandis que sa premiere
K2, L2, P2, puis 13, 40, 44, 137. Comme il a ete dit ci- Epitre est adressee a des chretientes qui existaient
dessus (col. 380), 1'Epitre est contenue dans la Pes- deja depuis assez longtemps, et auxquelles, par con-
chitto. On possede des fragments de 1'ancienne version sequent, 1'apotre presente des conseils plus varies et
latine dans plusieurs manuscrits anciens : I Pet., iv, plus developpes qu'aux premiers Chretiens, d'origine
17-v, 14, dans le palimpseste Fleury (h); i, 8-19; n, juive ou pai'enne. II est remarquable qu'il ne men-
20-in, 7; iv, 10-v, 14, dans le ms. de Munich (q); i, 1- tionne nulle part ici la loi judai'que, ni la justification
12; n, 4-10, dans le Codex Bobbiensis (s). Voir Old Latin par la foi.
Biblical Texts, n. IV, p. xx-xxi, 46. Le D1 B. Weiss Voici les principaux points de 1'enseignement doctri-
a soigneusement revise vle texte grec, Die kalhol. nal de la la Petri. — 1° Sur Dieu. — Naturellement, une
Brief e, Texlkrit. Untersuchungen und Textherstel- place souveraine lui est accordee, et son nom revient a
lung, 1892. tout instant. Des le debut de la lettre, i, 2, nous ren-
IX. CARACTERE GENERAL DE L'£P}TRE. — L'esperance controns la formule trinitaire. Non content de nommer
est une de ses notes dominantes. Cf. i. 3, 21; in, 15; en passant les trois personnes divines, 1'auteur signale
iv, 13; v, 1, 4. Elle atteste dans son auteur une nature le role special de chacune d'elles dans le mystere de
tres personnelle et independante, mais aussi un tempe- la redemption. A plusieurs reprises, il est parle de
rament tout pratique, qui n'a pas 1'interet speculatif, Dieu, du Pere, qui est le « Createur fidele », iv, 19,
ni la profondenr mystique de saint Paul et de saint le Dieu vivant, i, 23,1'auteur de notre salut par 1'in-
Jean. Voir von Soden, loc. cit., p. 121. Elle renferme termediaire du Christ, i, 3, 23; de Jesus, son divin
quelques belles pensees originales. On peut mentionner, Fils, i, 13, etc.; de 1'Esprit-iSaint, qui est tout a la fois
entre beaucoup d'autres : la designation des Chretiens 1'Esprit de Dieu, iv, 14, et celui de Notre-Seigneur, I,
comme des advense et perigrini sur cette terre, 11, 11; 11. L'Espvit-Saint vient de Dieu; il a reeu de lui une
le rapprochement etabli entre le bapleme et le deluge, mission temporelle a remplir, i, 12. II assiste les predi-
HI, 21; letitre d'ap-^ntoi^r^ donne a Notre-Seigneur, v, cateurs de 1'Evangile, i, 12; il opere la sanctification
4; la passion de Jesus souvent representee comme un des ames, i, 2, 22; il atteste la realite de I'heritage
modele pour les Chretiens eprouves, n, 12; HI, 16, etc. futur, rv, 14.
395 PIERRE (PREMIERE EPITRE DE SAINT) 396
2° La christologie. — a) La personne du Christ. Jesus cet etat spirituel qu'il est descendu aux enfe^s. Ensulte
est Dieu, Fils de Dieu, i, 3. L'apotre le nomrae a cote il est ressuscite et monte au ciel. La predication
du Pere et du Saint-Esprit, comme leur egal, i, 2; il (xYjpvrrstv) qu'il a portee dans les limbes n'a pas con-
1'eleve au niveau de Dieu et nous le montre assis a la siste, comme on 1'a parfois affirme, dans une sentence de
droite du Pere, in, 22. Jesus-Christ s'est incarne pour condemnation lancee par lui contre les pecheurs. Son
nous sauver et a pris toute notre nature, composee message est tout d'amour, ainsi qu'il est dit iv, 6 :
d'une ame et d'un corps,"in, 18. II possede une par- « L'Evangile a ete annonce aux morts. » Or, 1'Evangtte
faite saintete, i, 19; n, 22-23; in, 18. II est le Messie est la bonne nouvelle par excellence; d'ou il suit que
predestine de toute eternite, I, 20, promis par les pro- Notre-Seigneur a du annoncer aux ames des justes
phetes, qui avaient annonce longtemps d'avance ses retenues dans les limbes sa mort redemptrice, sa re-
souffrances et sa gloire, i, 10-12; n, 4-6. Aussi Pierre surrection et son ascension prochaines, et leur propre
lui attribue-t-il les tilres de Christ, I, 11, 19; u, 21; delivrance. — Qu'il suffise de signaler deux interpreta-
in, 16, 18; iv, 1, 13, etc., de Jesus-Christ, i, 1,2, 3, 7, tions inexactes donnees a la predication de Jesus : d'apres
13; H, 5, etc, de Notre-Seigneur Jesus-Christ, i, 3. — saint Augustin, c'est par la bouche de Noe que le
b) L'ceuvre redemptrice du Christ a pour point de depart Christ aurait preche 1'Evangile aux pecheurs qui vi-
la mort et la passion du Sauveur, HI, 18; iv, 1. Cette vaient a Pepoque du deluge; selon d'autres, Jesus
mort douloureuse et ignominieuse a eu le caractere d'un aurait apporte la bonne nouvelle aux morts, c'est-a-dire
sacrifice proprement dit, par lequel Jesus a expie les aux pecheurs, par 1'entremise des Apotres. Sur cette
peches des hommes, comme Isai'e 1'avait prophetise, n, question importante, voir Dietelmaier, Hisl. dogma-
21-24; HI, 18; son sang divin nous a servi de rancon et tica de descensu Christi ad inferos, 1741 et 1762;
de purification, i, 2, 18-19. Non content de dire que les Giider, Die Lehre von der Erscheinung Christi unter
souffrances du Christ ont une valeur infinie pour nous den Todten, 1853; 2ezschwitz, De Christi ad inferos
racheter, saint Pierre envisage aussi leur valeur morale descensu, 1857; Schweitzer, Hinabgefahren zurHolle,
et les presente comme un exemple pour les Chretiens, 1886; Spitta, Christi Predigt an die Geister, 1893;
n, 21; in, 17-18; iv, 1, 13. La consequence du sacrifice Bruston, La descente du Christ aux enfers, 1897;
expiatoire de Jesus-Christ, c'est le pardon des peches, Stevens, Theology of the Neiv Test., 1899,' p. 304;
i, 2, la regeneration chretienne, i, 3, la liberte chre"- C. Clemen, Niedergefahren zu den Toten, ein Beitrag
tienne, 11, 16, 1'heritage imperissable qui nous attend zur Wiirdigung des Apostolikums, Giessen, 1900;
dans le ciel, I, 4. — c) Entre sa mort et sa resurrection, Turmel, article dans les Annales de philosophic chre-
Jesus est descendu dans les limbes, ou il a annonce la tienne, n<> de fevrier 1703, p. 508-533; Id., La
bonne nouvelle aux ames des justes, in, 19-iv, 6. Ce descente du Christ aux enfers, Paris, 1904; 2e edit.,
dogme est tout specialement interessanta noter ici, car, 1905. — d) Jesus est ressuscite d'entre les morts, con-
parmi les ecrivains inspires, saint Pierre est seul a le formement aux anciens oracles; la foi et 1'esperance
mentionner en termes explicites. II est vrai que Jesus des Chretiens s'appuient sur ce fait capital. Cf. I, 3-5,
lui-meme avail dit au bon larron : « Aujourd'hui, tu 18-21, etc. C'est Dieu lui-meme qui a ressuscite etglo-
seras avec rnoi dans le paradis. » Luc., XXIH, 43. Or, rifie son Fils, i, 21; in, 21-22. Le Christ est monte au
cette parole ne saurait s'appliquer au ciel, ou 1'ame de ciel, ou il est eleve au-dessus de toutes les creatures,
Jesus-Christ ne monta pas ce jour-la, non plus que i, 21; in, 18, 22. Dans cet etat, il est encore actif pour
celle du bon larron; elle designe doncle « limbus jus- glorifier son Pere, iv, 11; car tout ce qui se fait de bon
torum », auquel il est peut-etre encore fait une triple dans 1'Eglise est opere par lui. — e) II reviendra a la
allusion par saint Paul, Rom., x, 7; xiv, 19; Eph., fin du monde, i, 4, 5, 7, 8, 13, 21; iv, 13; v, 4, 10. Son
iv, 9. Le passage I Pet., in, 19-22, ne manque pas second avenement est designe par le mot duoxaXu'l/t!;,
d'obscurite; mais 1'opinion commune a toujours ete, « revelation >>, i, 7, 13; iv, 13. Ce retour sera terrible
depuis les temps les plus anciens, qu'il decrit le des- pour les mediants, iv, 17, mais il apportera aux bons
census ad inferos de Notre-Seigneur Jesus-Christ. le salut definitif, le ciel, qui est 1'objet supreme de notre
Telle etait deja 1'interpretation de saint Justin, Dial. c. esperance I, 4, etc.
Tryph., 82, t. vi, col. 669, de saint Irenee, Adv. hser., 3° L'eschatologie. — L'auteur mentionne la fin du
IV, xxvn, 2; v, 1, t. VH, col. 1058, de Tertullien, De ani- monde iv, 6, et le second avenement de Jesus-Christ
ma, VH, 55, t. n, col. 657, etc. Voici la partie principale i, 13; iv, 13. Pour mieux encourager les Chretiens
de ce passage, in, 18-20: « Le Christ aussi est mort une d'Asie Mineure a supporter avec patience les epreuves
fois pour nos peches, lui juste pour des injustes, aiin auxquelles ils etaient en butte, il leur propose plusieurs
de nous offrir a Dieu, ayant ete mis a mort quant a la fois la pensee du glprieux et eternel heritage qui les
chair, mais rendu a la vie quant a 1'esprit; par lequel attend dans le ciel cf. i, 4-9; iv, 18; v, 10-11, etc. Mais
aussi il est alle precher aux esprits qui etaient en prison, le Dr B. Weiss exagere, lorsqu'il pretend, Lehrbuch der
qui autrefois avaient ete incredules, lorsque, au temps bibl. Theologie, § LI, p. 172, que cette idee etait, pour
de Noe, ils s'attendaient a la patience de Dieu, pendant saint Pierre, 1'idee centrale de la vie chretienne. — Le
qu'etaitpreparee 1'arche, dans laquelle peu de personnes, prince des Apotres croyait-il que le retour de Jesus-
a savoir huit seulement, furent sauvees a travers 1'eau. » Christ serait prochain? On 1'a souvent repete parmi les
Les ames emprisonnees sont evidemment celles des prolestants, en se basant sur le texte: « La fin de toutes
justes, et non celles des damnes, qui ne pouvaient choses approche, » iv, 7, et aussi sur v, 1, autre]passage
tirer aucun fruit de la bonne nouvelle apportee par le dans lequel on a pretendu trouver la persuasion ou
Christ. Parmi les auditeurs de Jesus dans les limbes, etait Simon Pierre qu'il serait bientot temoin de
il se trouvait des contemporains de Noe, qui, d'abord 1'avenement de Jesus-Christ. Mais comment Fapotre,
incredules, s'etaient convertis avant de perir dans les apres avoir entendu son Maitre affirmer, Matth., xxiv,
eaux du deluge; ils sont cites comme type de tous les 36, que 1'epoque de la fin du monde est un secret
pecheurs venus a resipiscence anterieurement a 1'ap- reserve au Pere celeste, se serait-il hasarde a faire une
parition du Messie. On retrouve cet enseignement^dans prediction sur ce point? Le second texte allegue" revient
VEvangile (apocryphe) de Pierre, 41-42, et dans I'Evan- simplement a dire : J'espere qu'un jour je serai avec
gile de Nicodeme, n, 10. D'apres 1'enseignement de vous dans le ciel. Quant au premier, il doit s'interpre-
saint Pierre, c'est entre la mort de Jesus et sa resur- ter d'une maniere generate, car il ne signifie nulle-
rection qu'a eu lieu sa descente mysterieuse dans les ment que Pierre regardait le retour de Jesus comme
limfces. En effet, le Christ meurt quant a sa chair, imminent. Comme saint Paul, cf. I Thess., iv, 12-17;
mais il est vivifie quant a son esprit; c'est done dans II Thess, n, 2-11; I Cor., xv, 5-58, etc., saint Jacques,
397 PIERRE ( D E U X I E M E EPITRE DE SAINT) 398
Jac., v, 7-9, et saint Jean, cf. I Joa,, n, 18, il savait que acker, Stuttgart, 1853; 4e edit, par A. Keller, Gotha, 1868;
ee grand jour pouvait arriver d'un moment a 1'autre, B. .Weiss, Der Petrinische Lehrbegriff, Berlin, 1855;
puisque desormais le mystere de la redemption etait ac- du meme, Lehrbuch der Theologie des N. T., 3e ed.,
compli. Mais a quelle date precise Jesus reviendrait-il p. 144 sq.; Lechler, Das apostol. und das nacha-
juger les vivants et les morts? II 1'ignorait. Cf. II Pet., postol. Zeitalter, 2e edit., p. 421-439; A. Krawutzky
m, 8-9, ou il dit qu'il peut s'ecouler encore mille ans (catholique), Petrinische Studien, 2 in-8°, Dresde, 1872-
et plus avant la fin du monde. Voir Estius, Cornelius a 1873; Bovon, Theologie du Nouv. Test., 1893, t. n,
Lapide, Hundhausen, etc., In 1 Pet., iv, 7. De nombreux p. 430-445; Briggs, The Messiah of the Apostles, 1895,
commentateurs protestants n'interpretent pas autrement p. 21-35; McGiffert, History of the apostolical Age,
ce passage. — Les Chretiens doivent sou vent penser au p. 482-487; Stevens, Theology of the N. T., 1899, p. 293-
jugement de Dieu et le redouter, i, 17; in, 9-10; iv, 7, 311. L. FILLION.
17-19. Cette crainte est pour eux le commencement de
la sagesse. 3. PIERRE (DEUXIEME EPITRE DE SAINT). —
4° L'Eglise. — Formee de tous ceux qui ont ete rache- I. DESTINATAIRES. — Des ses premieres lignes, i, 1,
tes par Jesus-Christ, elle est une society tres auguste, que 1'auteur les designe lui-mfime, en s'exprimant ainsi :
1'auteur designe par plusieurs titres magnifiques, em- « A ceux qui ont obtenu avec nous une foi du meme
pruntes a 1'Ancien Testament. Cf. n, 9-10. Ses membres prix, par la justice de notre Dieu et Sauveur Jesus-
sont comme des pretres, qui offrent perpetuellement Christ. » Avec nous : cela signifie, d'apres le contexte,
a Dieu des victimes spirituelles, n, 5, 9. Elle est un Edi- avec les apotres; d'ou il suit que la lettre s'adresse
fice pareillement mystique, dont chaque fidele est une aux coreligionnaires de ces derniers, aux Chretiens.
pierre vivante, et dont Jesus-Christ et la pierre angu- L'expression ayant, a premiere vue, un caractere gene-
laire, ir, 8. Elle est un troupeau symbolique dont ral, on en a conclu parfois que 1'Epitre a ete composee
Notre-Seigneur est le pasteur supreme,, iv, 10-11; v, 1- pour toute la chretiente. Mais le passage in, 1, ou 1'au-
4. Quant a son organisation, rien de plus simple : a teur dit expressement a. ses lecteurs que cette lettre est
la t£te de chaque Eglise particuliere etaient les anciens la seconde qu'il leur envoie, est directement contraire a
(irp£<7ouT£poi), les pretres, charge's de nourrir et de diri- ce sentiment; en effet, il. en resulte de la maniere la
ger leurs ouailles; celles-ci devaient 1'obeissance. plus claire que les destinataires sont les monies que
5° Les devoirs des Chretiens. — a) D'abord il faut ceux de la premiere Epitre. II s'agit done de nouveau
croire, ou, comme dit notre auteur, i, 2, 21-22, il faut des Chretiens qui vivaient alors dans les cinq provin-
obeir a la verite, a 1'Evangile. Les Chretiens sont, en ce ces d'Asie Mineure enumerees I Pet., i, 1 (voir la
sens, « des fils d'obeissance », i, 14, tandis que les col. 389). — On ne trouvedans le cours de 1'ecrit aucun
incredules sont des rebelles, n, 8; m, 1, etc. La predi- detail dont on puisse conclure que les lecteurs primi-
dication de 1'Evangile est la source de la foi, T, 12. La tifs different de ceux de la Ia Petri. Au contraire, le
foi meme est un sentiment de confiance inebranlable, texte in, 15, ou il est parle d'une lettre qui leur avait
i, 8; en nous attachant a Jesus-Christ, elle est pour ete adressee par saint Paul, designe selon toute vrai-
nous le principe d'une force irresistible, v, 9. Elle com- semblance 1'Epitre aux Ephesiens; or, Ephese etait la
munique la vraie connaissance, i, 14, la connaissance capitale de 1'Asie proconsulate, 1'une des cinq provinces
de Dieu et de Jesus-Christ, i, 2, 8; in, 18. Elle est la en question, et il est possible que cette Epitre aux
condition indispensable du salut, i, 9. L'epreuve bien Ephesiens ait ete une lettre circulaire adressee par
supportee 1'epure et la fortifie, i, 7; v, 9. — b) II faut 1'Apotre des Gentils a d'autres chretientes d'Asie Mi-
aussi recevoir le bapteme au nom de Jesus-Christ, in, 21. neure.
Si la foi et le bapteme sont necessaires au salut, rien II. TEMPS ET LIEU DE LA COMPOSITION. — Aucun de
ne se fait sans la grace, qui est un don gratuit du ces deux points n'est determine en termes directs dans
« Dieu de toute grace », v, 10. La grace supreme est 1'Epitre. On peut cependant les preciser avec une cer-
celle du salut eternel, in, 7. — c) II faut mener une titude morale, au moyen de la reflexion faite par 1'au-
vie tres sainte, puisque Dieu lui-meme est la saintete teur, i, 14, au sujet de la revelation qu'il avait recue
parfaite, i, 15. De la, la necessite de se purifier sans naguere de Jesus-Christ relativement a sa mort pro-
cesse, i, 22, d'avoir une « bonne conscience », comme chaine. Selon toute probabilite, cette revelation ne doit
1'apotreaime a le repeter, cf. in, 16, 21, de lutter contre pas etre confondue avec Foracle mentionne Joa., xxi,
la chair, n, 11, que saint Pierre oppose a 1'esprit, comme 18-19. En effet, celui-ci ne de"signe que d'une facon tres
saint Paul, nr, 18; iv, 6, de remplacer 1'homme exte- generale 1'epoque de la niort de Pierre, cum senueris;
rieur par 1'homme interieur, ni, 3-4. Comme moyen de ce qu'il annonce, c'est le genre m^me de cette mort, le
parvenir a cette saintete, 1'auteur allegue 1'union intime crucifiement. II s'agit done plutot d'une revelation re-
et vitale avec Jesus-Christ, qui en est a la fois la source cente. Voir Spitta, Der zweite Brief Petrus, 1885, p. 88-
et le modele, n, 4-5. — d) Parmi les vertus speciales 89; Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben des Pe-
que le Chretien doit pratiquer, saint Pierre cite : 1° la trus, p. 207-209; Belser, Einleit., p. 716, etc. — Simon-
charite fraternelle, sur laquelle il insiste speeialement, Pierre sent done que sa fin est imminente. Or, comme
d'une maniere s'oit positive soit negative, i, 32; n, 1, il est demontre qu'il subit le martyre a Rome, en 67
15, 17; ni, 8-11,15; iv, 8-10; 2° les devoirs d'etat, en d'apres^l'opinion la plus probable (voir col. 376), nous
particulier ceux des Chretiens en tant que citoyens, 11, pouvons conclure de la qu'il a compose cette seconde
13-17, ceux des esclaves, n, 18-25, ceux des epoux,ni, 1-7. Epitre dans la capitale de Pempire, durant la premiere
Sur ces trois points, il existe une grande ressemblance partie de 1'annee 67, ou a la fin de 66. Telle est 1'opi-
entre les regies tracees par saint Pierre et les recom- nion de presque tous les critiques qui croient a 1'au-
mandations anterieures de saint Paul, Rom., xni, 1-7; thenticite de la lettre. II semble resulter de II Pet., in,.
Eph., v, 22-vi, 9; Col., in, 22-25, etc. 3° L'apotre recom- 1, qu'il ne s'ecoula pas un temps tres considerable en-
mande encore la sobriete, la vigilance, iv, 7; v, 8, tre les deux lettres du prince des Apotres. Si 1'auteur de
la pratique des bonnes ceuvres, n, 12; in, 11, et, avec la JIa Petri, comme nous le pensons (voir col. 410, et
une insistance particuliere, la patience, la resignation t. in, col. 1811), a eu sous les yeux 1'Epitre de saint
et meme la joie dans les souffrances, n, 19-25; in, 9; Jude et lui a fait des emprunts, son reuvre est natu-
iv, 12-14. rellement d'une date plus recente que cette derniere
Sur 1'enseignement doctrinal de la Ia Petri, voir composition, que Ton suppose avoir ete ecrite elle-
Poelmann, Theologia Petrina, 1850; C. F. Schmid, m^me vers 1'annee 65. Les exegetes qui, tout en admet-
Bibl. Theologie des N. T., herausgegeben von Weiz- tant 1'authenticite de noire Epitre, placent la mort de
399 PIERRE '(DEUXIEME EPITRE DE SAINT) 400
saint Pierre en 64, adoptent cette meme date pour sa des Ecritures. Cf. Hser., in, 4; t. VH, col. 882. Nean-
seconde lettre. Quant a ceux qui rejettent 1'authenticite, moins, malgre tout cela, ce ne sont pas les gnostiques
ils lui assignent les dates les plus variees, et cette di- proprement dits qui sont decrits dans celte lettre,
versite de sentiments manifeste a elle seule la faiblesse mais seulement leurs premiers precur seurs; car le
de leurs preuves. Credner et Bleek, a la fin du ler sie- portrait que notre Epitre trace des faux docteurs ne
cle; Schwegler et Volkmar, a la fin du n« siecle; Juli- coincide qu'a la surface avec le systeme gnostique^
cher, en Egyple, entre 158 et 175 (d'apres cet auteur, tel qu'il se developpa plus tard. Quoi que pretendent
Einleit., p. 152, « la lla Petri est certainement la nos adversaires, les expressions aZpl<rei; aitw>eta? r
partie la plus recente du Nouveau Testament, et aussi II Pet., II, 2, itXaorots ><5yoi;, H, 3, et {mspoyxa ;xa-
celle qui meritait le moms d'entrer dans le canon »); TatoTY|Toc, n, 18, sont trop vagues pour representer le
Chase (dans Hastings, Diet, of the Bible, t. in, col. 817), systeme en question. La premiere ne designe point
pas plus tard que!75, probablement vers 150,en Egypte, un corps de doctrine, mais un choix, une heresie; les
peut-etre a Alexandrie. deux autres font allusion a ce qu'il y avait de nul etde
III. OCCASION ET BUT DE L'EPITRE. — 1° a) Dans 1'in- vaia dans les discours des docteurs heretiques. Quant
tervalle qui s'etait ecoule depuis 1'envoi de la Ire Epitre, aux eons, que M. von Soden a cru decouvrir dans le
un fait tres grave s'etait produit dans les chretientes passage n, 10-11, ce sont tout simplement les bons ou
d'Asie Mineure. Des heretiques, dont la doctrine et la les mauvais anges, d'apres le sentiment commun. Voir
conduite etaient egalement perverses, s'y etaient intro- B. Weiss, Einleit. in das N. T., S« edit., 1897, p. 451;
duits, etmenacaient de les corrompre tout a fait. Ce sont Kaulen, Einleit., p. 565;Hundhausen, Der zweite Pon-
eux qui furent vraiment 1'occasion de 1'Epitre. Ils sont tificalbrief, p. 1-10; K. Henkel, Der zweite Brief des
deja mentionnes au chap tre ICT, 16,19-21; le chapitre n 4posteffursien,p.21-37, etc. S'il ya iciquelque chose de
s'occupe d'eux uniquement; on les retrouve au cha- la gnose, c'estla gnose a ses premiers debuts, telle qu'elle
pitre HI, 3-7,16-17. Ces hommes, qui avaient ete d'abord commencaa se^manifester environ vingt ans apres 1'as-
paiens et qui s'etaient convertis a la religion du Christ, cension du Sauveur. comme on le voit par les Epitres
avaient repris les mceurs du paganisme et se livraient de saint Paul aux Philippiens, aux Ephesiens, aux
sans pudeur aux vices les plus honteux. Cf. 11, 2-3, 10, Colossiens, par la premiere a Timothee, par les Epitres
13-14,18-20. Non contents de s'abandonner eux-memes de saint Jacques et de saint Jude. Ainsi done, « pour
a la licence, ils exereaient autour d'eux un ardent pro- eclaircir par d'autres donnees historiques le portrait
selytisme, s'efforcant de seduire, par leurs discours et des faux docteurs que nous presentent 1'Epitre de Jude
leurs exemples, les Chretiens parmi lesquels ils vivaient. et la JJa Petri, il n'est pas necessaire de descendre
Cf. H, 1-3, 14, 18-19. Ils faisaient aussi de Pantino- dans le second siecle. Nous en trouvons deja les traits
misme, vantant la liberte apportee par Jesus-Christ, essentiels dans la chretiente primitive ». Th. Zahn,
comme si elle avait autorise toutes sortes d'exces. Cf. Einl. in das N. T., t. n, p. 101; voir aussi le t. IT
i, 18-19. Al'immoralite de leur vie se joignaientde graves p. 197-202, 210. Entre ces premiers adversaires du
erreurs doctrinales. Ils se permettaient de trailer cer- christianisme, tels que les decrivent ces differentes
tains faits de 1'histoire sacree comme « des fables sage- Epitres, on reconnait une grande ressemblance : ils
menl inventees », i, 16. Ils avaient cesse de croire que ont des tendances antinomistes et refusent de se plier
le monde est dirige par une intelligence superieure, et entierement sous la loi chretienne,ils se livrent a toutes
qu'il y aura un second avenement du Christ, suivi du sortes d'exces, ils en viennent jusqu'a mepriser la per-
chatiment eternel des impies. Cf. HI, 9. Ils donnaient a sonne du Christ et a 1'abaisser pour devenir plus
la sainte Ecriture de fausses interpretations, afin de libres par la-meme.
pouvoir mieux appuyer sur elles leurs doctrines perni- c) A quel groupe special des premiers heretiques
cieuses, HI, 16. II est meme possible qu'ils allassent devons-nous rattacher les faux docteurs contre lesquels
jusqu'a nier la divinite de Notre-Seigneur. Cf. n, 1, et s'eleve la J/a Petri? On les a identifies tantot aux Ni-
Judse, 4. Comme beaucoup d'autres heretiques, ils ai- colai'tes de 1'Apocalypse (dans les temps anciens, OEcu-
maient 1'argent, et s'en faisaient donner en echange de menius, In II Pet., n, 1, t. cxix, col. 592; d?ns les
la communication de leurs erreurs, n, 3, 13. L'auteur temps modernes, Baronius, Annal., ad ann. 8, n. 8;
nous les presente comme des apostats veritables, n, de nos jours, Hug, Einleit., 3e edit., t. H, p. 572; Win-
20-22. Le tableau qu'il en trace au chapitre n est d'une dischmann, Vindicise, Petrinss, p. 34; Reithmayr, Ein-
vigueur remarquable. leit., p. 743; Comely, Introd., t. in, p. 636; T. Zahn,
6) Quels etaient les heretiques que saint Pierre stig- Enleit. in das N. T., t. n, p. 101), tantot avec les disci-
matise avec tant d'energie? Certains critiques con- ples et successeurs de Simon le magicien, etc. II est
temporains, entre autres Harnack, Chronologie, t. i, difficile de se prononcer la-dessus avec certitude. Toutes
p. 466-470; Jiilicher, Einleit., p. 151-152; von Soden, ces hypotheses ont du vrai, car les heretiques decrits
Hand-CommentarzumN. T., t. in,part. 2, p. 171, ont dans la 7Ja Petri presentent certaines ressemblances
pretendu qu'ils etaient identiques aux gnostiques du avec ces autres docteurs de mensonge; mais elles pa-
ne siecle; puis ils se sont servis dece fait comme d'un raissent toutes plus ou moins exagerees, attendu qu'au-
argument pour attaquer 1'authenticite de 1'Epitre. II est cune d'ellesne correspond absolumentau portrait trace
vrai que, des le debut de la lettre, II Pet., i, 2, saint par saint Pierre. II est probable que le prince des
Pierre mentionne la « vraie connaissance (sTuyvwcrc;) Apotres generalise, et qu'il stigmatise en meme temps
de Dieu et de Notre-Seigneur Jesus-Christ » comme toutes ces sectes diverses. Cf. Henkel, loc. clt., p. 32-
une benediction speciale qu'il souhaite a ses lecteurs, 37. — On a eu tort parfois, Fronmuller, In IIPet., m,
par opposition a la fausse science (yvwat?) des docteurs 3, p. 96; B. Weiss, Der Petrin. Lehrbegriff, p. 283;
heretiques, et qu'il revient plusieurs fois sur cette pen- Huther, Die Briefe Petri, p. 286; Bisping, Erkldrung
see. Cf. i, 3, 18; n, 20; m, 18. Mais saint Paul le fait der kathol. Briefe, p. 257, etc., d'etablir une distinc-
pareillement. Col., i, 6,9,10, etc. Il.est certain de meme, tion entre les ^euSoSiSaffxodot* magistri mendaces,
que « les germes de la Gnose apparurent des le com- que decrit le chap, n, jr. 2-3, et les ejiTratxTat, illu-
mencement de l;ere chretienne, et qu'il n'exista, dans sores, du chap, in, jL 3-4, comme s'ils avaient forme
les premiers temps de PEglise, aucun h^retique qui deux classes distinctes d'heretiques. II s'agit en (rea-
n'ait eu plus ou moins de traits communs avec'les lite d'une seule et meme categoric de faux docteurs,
gnostiques des temps plus rapproches. » Kaulen, Ein- qui prechaient simultanement la licence morale et des
leit., p. 515. II est egalement vrai que saint Irenee doctrines erronees sur la nature et sur le retour de
accuse les gnostiques de son temps de pervertir le sens Jesus-Christ. Apres les avoir decrits en termes gene-
PIERRE (DEUXIEME EPITRE DE SAINT) 402
raux dans le chap, n, 1'auteur revient, dans le chap. HI, a) Apres avoir brievement salue ses lecteurs, I, 1-2,
sur un trait special de leur doctrine perverse, la nega- 1'auteur les invite a grandir sans cesse dans les vertus
tion du second avenement de Jesus-Christ.Cf. n,10 et m, chretienne s : les bienfaits dont Dieu les a gratuitement
33 ou le meme trait caracteristique, qui post carnem combles et les magnifiques promesses qu'il leur a
in concupiscentia immunditise ambulant, eljuxta pro- faites sont pour eux de pressants motifs de vivre sain-
prias concupiscentise ambulantes, applique de part et tement. En agissant ainsi, ils realiseront de la facon la
d'autre, montre qu'il est vraiment question des memes plus sure le but de leur vocation, qui consiste, d'une
personnes. Le texte HI, 17, ne insipientium (a9l(7[j.wv, part, a connaitre de plus en plus Notre-Seigneur Jesus-
« des hommes sans loi ») errore traducti excidatis..., Christ, et, de 1'autre, a conquerir la place qui leur est
prouve aussi que les £[i7raTy.Tas etaient antinomistes preparee dans le ciel, i, 3-11. Pierre se sent presse de
comme les ^/euSoSiSaaxaXot. Rejetant toute loi, ils se leur adresser cette recommandation, car Jesus lui a re-
livraient a la debauche, et niaient le retour genant du vele que sa fin est proche; c'est done pour ainsi dire
Christ. Comme 1'auteur emploie plusieurs fois le futur son testament qu'il fait en leur ecrivant, i, 12-15.
a propos de ces faux docteurs, IT, 1, « erunt magistri Comme raison speciale de vivre tres saintement, il leur
mendaces; » in, 3, « venient in novissimis diebus illu- signale la certitude de 1'enseignement qui leur a ete
sores, » quelques interpretes ont suppose que sa des- preche, et il demontre successivement cette certitude
cription concerne 1'avenir et non le temps present. Ce par la predication des apotres et par les oracles des
sentiment est inexact, car il est evident, d'apres le sens anciens prophetes.
de 1'Epitre, que saint Pierre ecrit pour premunir ses b) Dans la seconde partie, dirigee ouvertement contre
lecteurs centre un peril actuel. D'ailleurs, dans les ver- les docteurs heretiques, 1'auteur commence par affirmer
sets 10-15 du chap. II (cf. II, 20, ysyovev; H,22, <ju(ig£6v)X£v), avec energie le chatiment futur de ces hommes per-
il parle des heretiques comme existant deja reellement. vers : Dieu, qui est fidele a delivrer les justes, sera
Cf. II Tim., in, 1-8, ou saint Paul s'exprime d'une fa- fidele aussi a punir ces miserables, de meme qu'il
con identique. Cette maniere de faire devait montrer avait autrefois chatie les anges dechus, les contempo-
que le danger, deja present, deviendrait plus grand rains impies de Noe, les infames habitants de Sodome
encore, parce que le mal irait en se developpant. et de Gomorrhe, n, 1-9. Saint Pierre trace ensuite une
2° Le but que se proposait 1'auteur est indique paries peinture vivante, bardie, de leur conduite ignoble;
details qui precedent. II est me*me enonce tout au long surtout de leur orgueil, de leur esprit de revolte, de
dans les dernieres lignesdel'Epitre,in,17-18,entermes leurs debauches. II les montre comme les predicateurs
tour a tour negatifs et positifs : « Vous done, freres, d'une fausse liberte, qui produit forcement 1'esclavage,
avertis d'avance, soyez sur vos gardes, de peur qu'en- et il assure qu'il aurait ete meilleur pour eux de ne
traines par 1'erreur de ces insenses, vous ne veniez a pas connaitre Jesus-Christ, n, 10-22.
dechoir de votre fermete; mais croissez dans la grace c) Dans la troisieme partie, 1'auteur refute deux
et dans la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur erreurs dogmatiques de ces docteurs de mensonge.
Jesus-Christ. » Saint Pierre voulait done premunir ses Ils tournaient en ridicule la croyance au second ave-
lecteurs centre le nouveau danger qui les menacait; nement du Christ et a la fin du monde. L'apotre re-
danger beaucoup plus grave que celui qui avait servi pond avec vigueur que ces deux evenements se
d'occasion et de but a sa premiere Epitre. Voir col. 387. passeront a 1'heure voulue par Dieu, et que, s'ils sont
Nous ignorons de quelle maniere il avait ete averti du retardes, c'est par un effet de la bonte du Seigneur,
fait desolant qui a ete signale plus haut. Les relations qui veut donner pleinement aux pecheurs le temps de
entre Rome et I'Asie Mineure etaient d'ailleurs faciles se repentir. Mais le jour du Seigneur viendra infailli-
et frequentes a cette epoque. Certain qu'il ne tarderait blement; les cieux et la terre actuels seront dissous
pas a mourir, cf. I, 14, Pierre se ,hata d'ecrire cette par le feu, non toutefois pour disparaitre, mais pour
seconde lettre,qui est avant tout, comme la precedente, faire place a de nouveaux cieux et a une nouvelle
une exhortation essentiellement pratique. terre oil habitera la justice, in, 1-10. Pierre conclut en
IV. ANALYSE. — La II3- Pelri se fait remarquer, engageant ses lecteurs a se tenir toujours prets, en vue
comme la premiere Epitre, par son unite, et par une du jugement divin, qui eclatera a 1'improviste; il en
marche simple et claire. Voir Keil, Comment, uber die appelle sur ce point au temoignage de son bien-aime frere
Briefe des Petrus, p. 179-182. Paul, in, 11-16. Enfin, il exhorte les fideles a se tenir
1° Voici d'abord, en general, le sujet traite par en garde contre les faux docteurs, et a croitre dans la
1'apotre. Dans les circonstances qui ont ete decrites, il eonnaissance et dans la grace du Sauveur Jesus, in, 17-18.
importait de rappeler des le debut aux Chretiens d'Asie V. AUTHENTICATE. — /. PREUVES EXTRINSEQUES (voir
Mineure la stricte obligation ou ils etaient de mener Hundhausen, Das zweite Pontificalschreiben:.., p. 19-
une vie tres sainte, et aussi la certitude parfaite de 100; Keil, Comment, uber die Briefe des Petrus, p. 184,
1'objet de leur foi. II fallait ensuite les mettre directe- Th. Zahn, Einleit., t. n, p. 89 sq.; Cornel y, Introd.;
ment et nettement en garde contre les seductions qui Henkel, Der zweite Brief des Apostelfursten Petrus
les menafaient de la part des docteurs heretiques. gepruft auf seine Echtheit, p. 47-89). — a) Si nous
C'est ce theme qui est traite ici par saint Pierre. II interrogeons la tradition sur ce point important, nous
presse ses lecteurs d'organiser leur vie d'une maniere n'aurons pas a signaler la meme unanimite de temoi-
conforme a la foi chretienne, de se preserver des doc- gnages que pour la Ire Epitre; nous trouverons cepen-
trines malsaines et des mauvais exemples de 1'heresie, dant des preuves satisfaisantes. De nombreux fails his-
enfin de se tenir prets en vue du second avenement de toriques, regardes tres justement comme indiscutables,
Jesus-Christ. II insiste aussi, des la premiere ligne, sur sont beaucoup moins accredites. Remarquons d'ailleurs
la divinite de Jesus-Christ, cf. i, 1, dont il ne cite que la JJa Petri est, dans son ensemble, moins pratique
ensuite jamais le nom sans y ajouter le titre « Notre- que la premiere lettre, qu'elle traite de sujets moins
Seigneur ». Cf. i, 2, 8, 11,14,16; in, 18. generaux, et qu'elle est nee de circonstances plus spe-
2° II y a trois parties dans la lettre : a) Necessite et ciales. II n'est done pas etonnant qu'elle ne soit pas
motifs de croitre dans la pratique de la vertu, i, 1-21; mentionnee et citee aussi frequemment dans les temps
b) Description des mosurs et des maximes des faux anciens.
docteurs, n, 1-22; c) Realite du second avenement de b) Neanmojns, elle etait connue de tres bonne heure
Jesus-Christ et instruction relative a la fin du monde, dans 1'Eglise comme un ecrit inspire et canonique. Au
in, 1-18. La premiere partie est morale; la seconde pole- premier siecle, le pape saint Clement y fait plusieurs
mique; la troisieme, tout ensemble pratique etdoctrinale. allusions tres probables. Cf. surtout 1 ad Cor., vn, 5;
403 PIERRE (DEUXlfiME EPITRE DE SAINT) 404
rx, 4, et II Pet., H, 5-7 : de part et d'autre, les c) II est vrai que plusieurs de ces anciens ecrivains
examples de Noe et de Lot sont cites conjointement, et, signalent des doutes qui existaient ca et la, de leur
dans les deux ecrits, a propos de Lot, il est dit que temps, touchant 1'authenticite et la canonicite de la
Dieu n'abandonne pas les siens, mais qu'il chatie leurs 11* Petri. C'est ainsi qu'Origene a dit (dans Eusebe,
ennemis; ce double rapprochement est frappant. H. E., vi, 25, t. xx, col. 585) : « Pierre n'a laisse
Cf. aussi I ad Cor., VH, 9, et II Pet., r, 12-13; 1 ad qu'une Epitre universellement reconnue, peut-etre
Co)'., ix, 2, et II Pet., i, 17; / ad Cor., xi, 1, et aussi une seconde, mais on n'est pas d'accord sur ce
II Pet., n, 6-8; 1 ad Cor., xxm, 2, et II Pet., i, 4; point. » Didyme d'Alexandrie 1'accepte et 1'a commen-
I ad Cor., xxv, 5, et II Pet., 11, 2. Au second siecle, tee, comme il a ete indique ci-dessus, col. 403; mais
on entend tres vraisemblablement aussi des echos de un fragment latin de son interpretation contient ce
notre Epitre dans le Pasteur d'Hermas (cf. Simil., 6, trait : Non igitur ignorandum prsesentem Epistolam
et II Pet., n, 1-3; plusieurs critiques serieux croient esse falsatam, quse licet publicetur, non tamen in ca-
qu'ici 1'emprunt est indeniable), dans la Didache, cf. in, none est. Mais il est assez communement admis, meme
6-8; IY, 1, et II Pet., II, 10 (il regne une grande ana- par des adversaires de 1'authenticite, que ces mots ne
logie de pensees et d'expressions entre les deux au- sont pas de Didyme lui-meme, ou bien que esse falsa-
teurs); dans TEpitre de Barnabe, cf. n, t. n, col. 729, el tam est une traduction fautive du verbe voOsusTou, qui
II Pet., i, 5-6; xv, 4, et II Pet., in, 8; dans 1'Epitre de signifie : «. Elle est declaree non authentique. >) Eusebe,
saint Polycarpe Ad Philipp., 1, t. v, col. 1012, cf. II Pet., dont nous avons vu plus haut le sentiment personnel,
in, 3; dans 1'ecrit de saint Theophile d'Antioche Ad tres favorable a notre Epitre, la range ailleurs parmi
A\ttolv \\, 9, \. NI, eol. 1064 (\\ e-xiste vine grande Yes- les livres qui n'etaient pas universellement admis
semblance entre le passage n, 9, et II Pet., i, 21; cf. aussi comme canoniques, TOC avTiXeyo'jjisva, bien qu'elle fut
II, 3, et II Pet., i, 19); dans le Dial. c. Tryph., de connue de la plupart des Chretiens (TOI; TioXXoti;) et
saint Justin, cf. t. vi, col. 669, et II Pet., i, 21; t. in, qu'elle fut etudiee par un grand nombre (710X^01?) avec
8; dans saint Irenee, Adv. hxr., cf. iv, 36, 3, t. vii, les autres ecritures, parce qu'elle leur paraissait utile.
col. 1224, et II Pet., n, 4-7; v, 23, 2; 28, 3, col. 1185, H. E., vi, 25, t. xx, col. 584; voir aussi in, 26, 3;
1200, et II Pet., HI, 8. Au troisieme siecle, Firmilius de in, 3,1. Saint Jerome fait une observation semblable :
Cesaree en Cappadoce parle, Ep. ad Cypr., 75, t. in, Secundam (epistolam) a plerisque ejus (Petri) esse
col. 1159, d'avertissements donnes aux fideles par saint negari propter styli cum priore dissonantiam. De
Pierre et par saint Paul, afin de les mettre en garde vir. ill, 1, t. xxm, col. 638. Cf. Epist. ad Hedib.,
centre les docteurs heretiques; or, cette reflexion ne cxx, t. xxii, col. 1002. Nous ferons remarquer, a la
saurait s'appliquer qu'a la 11* Petri, car il n'est nulle- suite du P. Comely, Introd., t. in, 2e part., p. 643, et
ment question des faux docteurs dans la premiere lettre d'autres auteurs, en particulier A. Schsfer, Einleit.
du prince des Apotres. L'auteur des Philosophoumena, in das N. T., p. 333, n. 3, que 1'expression a pie-
ix, 7, t. xvi, col. 3371, fait allusion a II Pet., n, 22. risque depasse la mesure, car, a 1'epoque du saint
Au dire d'Eusebe, H.. E., vi, 14, t. xx, col. 549, Cle- docteur (fin du iv e siecle), il est certain que notre
ment d'Alexandrie avait commente 1'Epitre de saint Epitre etait communement regardee [comme un livre
Jude et « les autres Epitres catholiques »; or, Eusebe inspire.
range la //a Petri dans cette categoric d'ecrits. Cf. //. d) Les doutes en question sont tres probablement la
E., n, 23, t. xx, col. 205. Ce commentaire de Clement cause du silence garde au sujet de cette Epitre par le
d'Alexandrie suppose que ^otre Epitre etait alors tres Canon de Muratori (vers 175), par Tertullien et par
estimee et repandue. Origene est le premier a la citer saint Cyprien, qui cependant connaissent et citent.la
nommement comme 1'ceuvre de saint Pierre. Voir precedente leltre. L'omission de la lla Petri par la
surtout Horn, iv in Lev., t. n, col. 437, ou il cite version syriaque primitive est pareillement surpre-
II Pet., i, 4; Horn, xm in Num., t. n, col. 676, ou il nante; mais elle est compensee par la presence de cet
cite II Pel., il, 16; Horn. VH in Jos., t. n, col. 857, ecrit dans VIta\a, au second siecle. Nous savons d'ail-
ou il dit : Petrus duabus Epistolorum suarum per- leurs par saint Ephrem, Opera syriaca, t. n, p. 342,
sonal tubis; Comm. in Matth., 15, t. HI, col. 692, et que les Syriens admettaient la canonicite de 1'Epitre
Comm. in Rom., i, 8, t. iv, col. 1178, ou il cite au ive siecle. Les doutes en question porterent surtout
II Pet., i, 2. Didyme d'Alexandrie, mort en 384, sur la difference de style avec la 7a Petri '(voir plus
attribue plusieurs fois notre lettre a saint Pierre, dans bas, col. 407), ou bien, comme c'est le cas pour le moine
son traite De Trinit., i, 15, 28, 29, etc., t. xxxix, Cosmas ^Indicopleuste (au xie siecle), ils durent leur
col. 304, 409, 416. Saint Athanase, Ex Epist. festal., origine a la prophetic relative a la destruction'du monde
39, t. xxvi, col. 1176, la range, avec les autres livres du par le feu. Cf. II Pet., HI, 7,10-13. Peu a peu ces doutes
Nouveau Testament, parmi « les sources du salut ». disparurent, de m6me que pour les autres parties deu-
Saint Cyrille de Jerusalem, Catech,, iv, 36, t. xxxni, terocanoniques du Nouveau Testament; aussi, a partir
col. 500, enumere les sept Epitres catholiques telles que de la fin du iv« siecle, on n'en voit plus de trace
nous les connaissons. L'historien Eusebe accepte per- serieuse. Les onze ou douze listes authentiques des
sonnellement la JIa Petri comme authentique et cano- ecrits inspires que nous a leguees le meme siecle con-
nique. H. E., n, 23^ t. xx, col. 205. Ailleurs, H. E., in, 3, tiennent 1'Epitre (voir Gaussen, Canon des Ecritures,
col. 217, il etablit une distinction essentielle entre elle t. i, p. 505), et les conciles de Laodicee en 364, de
et trois ecrits (les Actes, la Predication et 1'Apocalypse Rome en 375, d'Hippone en 393, de Carthage en 397;
de Pierre), qui circulaient sous le nom du prince des comptent officiellement notre lettre parmi les livres
^Ap6tres; ces derniers n'ont pas etc transmis parmi les inspires ;ce qui signifie, en meme temps, qu'on en attri-
livres generalement recus par 1'Eglise, tandis que la buait alors generalement la composition a saint Pierre.
SeuTepa eTttatoXvi est lue officiellement comme les autres Voila, certes, des temoignages plus que suffisants pour
ecrits inspires. Saint Jerome est, en ce qui le concerne croire a son authenticite. — II n'y a pas eu la moindre
personnellement, un partisan tres decide de 1'authenti- hesitation durant le moyen age jusqu'a Erasme (voir la
cite : Scripsit (Petrus) duas Epistolas, quse catholicss fin de son commentaire sur II Pet.), Calvin (In
nominantur. De vir. ill., 1, t. xxm, col. 607- II dit H Pet., Prolog.), et plus tard Grotius (Adnotat. in
ailleurs, Epist. cxx, ad Hedib., 11, t. XXii, col. 1002; 11 Pet., /, i), etc., qui firent revivre les anciens doutes.
cf. Ep. ad Paulin., LIII, 8, t. xxii, col. 548, qu'il y a Les protestants eux-memes refuserent d'abord de les
sept Epitres catholiques, composees par Jacques, Pierre, suivre; mais, a partir du xixe siecle, ils se sont mis a
Jean et Jude. regarder assez generalement 1'Epitre comme 1'ceuvre
405 PIERRE (DEUXIEME EPITRE DE SAINT) 406
d'un faussaire. On compte, aujourd'hui, ceux quiFattri- cences, les citations indirectes y abondent partout. Cf.
buent encore au prince des apotres. Voir leur enu- t, 19-21; n, 1, 4-8, 15-16; HI, 2, 5-8,10, 13,16, etc. —
meration dans Hundhausen, Das zweite Pontifical- e) Voici encore quelques traits communs aux deux Epi-
schreiben des Pelrus, p. 19; ajouter Spitta, Der tres : Pidee que les Chretiens ont ete regeneres et qu'ils
zweite Brief Petrus, p. 175. participent a la nature divine, 1 Pet., i, 23; II Pet., i,
//. PREUVES INTRINSEQUES. — Olshausen, 1'un de ces 4; 1'existence d'unevraie et d'une fausse liberte, I Pet.,
exegetes protestants qui, assurent-ils, n'ont pas reussi i, 22; II Pet., n, 19; la mention du deluge, I Pet., in,
a se former une opinion certaine au moyen des seuls 20; II Pet., ni, 6; le fait que sept personnes seulement
temoignages de 1'antiquite, ajoute : Rationibus... sub- echapperent a cette catastrophe, I Pet., m, 20; II Pet.,
jectivis fultus authentiam Epistolse persuasum habeo. 11, 5; plusieurs ressemblances frappantes sous le rap-
Dans Salmon, Introd. to the Study of the Books of port eschatologique. I Pet., i, 4, et II Pet., i, 11;
the N. T., 7« edit., p. 498. Interrogeons done maintenant I Pet., i, 7, et II Pet., i, 16; I Pet., i, 20, et II Pet., in,
1'Epitre elle-m&ne, et voyons ce qu'elle nous dit au 3. — f) Notons aussi les analogies qui existent entre
sujet de son authenticite. le commencement et la fin des deux lettres. Elles men-
Elle se donne des le debut, i, 1, comme 1'oeuvre de tionnent 1'une et 1'autre, des leurs premieres lignes,
v, Simon Pierre, serviteur et apotre de Jesus-Christ ». Pesperance du ciel comme un puissant encouragement
Plusieurs passages de la lettre confirment cette asser- pour les Chretiens. Cf. I Pet., i,_ 4-6; II Pet., I, 11.
tion. L'auteur se range, i, 16-18, parmi les temoins ocu- Elles s'ouvrent par le me'me souhait, qui n'apparait
laires de la transfiguration de Notre-Seigneur, et le nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. L'une
recit qu'il fait de ce prodige montre qu'il etait vraiment et 1'autre elles s'achevent par 1'indication tres precise
sur la <.< sainte montagne ». Cf. Matth., xvn, 1-4; Marc., ix, du but que se proposait leur auteur, I Pet., v, 12;
1-5; Luc., ix, 28-33. Or, ce prodige eclatant n'eut que II Pet., in, 17-18. — g) La seconde Epitre rappelle
trois temoins, Pierre, Jacques et Jean, et personne n'a partout le caractere ardent, Pautorite et le zele aposto-
jamais songe a attribuer la lettre aux deux flls de Ze- lique, la vigueur et Poriginalite du prince des Apotres,
be"dee. Plus loin, in, 15, 1'auteur nomme saint Paul son de sorte qu'elle respire constamment, comme la pre-
« frere bien-aime », c'est-a-dire son collegue dans Papos- miere, « 1'esprit de Pierre ».
tolat. Ces deux temoignages sont Ires explicites. II faut ///. OBJECTIONS DES CRITIQUES. —Dans ces condition's,
en rapprocher aussi la declaration II Pet., in, 1, qui on congoit que les adversaires de 1'authenticite « n'aient
identifie clairement 1'auteur de la premiere Epitre et pas essaye de proposer, avec quelque vraisemblance^
celui de la seconde, et le passage in, 2, ou celui qui a un auteur different» de saint Pierre. Burger, dans Strack
ecrit la lettre affirme de nouveau qu'il faisait partie du etZ'6ckler,Kurzgefasster Komment.,N. jTes£.,4efaseic.,
college apostolique. En rapprochantn, 20, de Matth., XH, p. 181. Neanmoins, malgre tant ;de preuves extrinsex
45, et ii, 14, de Matth., v, 27, on voit qu'il connaissait ques et intrinseques, ils ont combattu notre Epitre avec
fort bien les paroles du Sauveur. Ce n'est pas qu'il un acharnement extraordinaire. Voir E. Renan, L'Anle-
« fasse des efforts surprenants pour jouer le role d'apo- christ, p. vi; E. Reuss, Gesch. der heilig. Schriften des
tre », comme le pretendent E. Reuss, Die Geschichte N. Test., 3« edit., p. 256; Jiilicher, Einleit., p. 152.
der heil. Schriften des N. T., p. 256 de la 3" edit., 1860, B. Weiss lui-me"me, qui admettait autrefois 1'authenticite,
et H. Holtzmann, Einl. in das N. T., 3e edit.", p. 321, dans pense maintenant qu'on ne peut rien decider a ce sujet.
le but d'enlever toute force a 1'argument qui precede. Cf. Einleit., 3e edit., p. 450. Le D* Kiihl, Die Brief e
II ne joue jamais un role, mais il se presente simple- Petri, edit, de 1897, p. 370, affirme tres justement qu'on
ment tel qu'il e"tait en realite. On a aussi affirme que, a abuse des arguments intrinseques centre 1'Epitre, et
in, 2, il sort de ce meme role par megarde, et qu'il que plusieurs details qui, dans 1'hypothese de 1'authen-
s'exclut lui-meme du corps apostolique; mais, pour ob- ticite, paraissent tout a fait inoffensifs, ont ete bien a
tenir ce resultat on suit la legon aTtocrrtfXfov vifxwv, « de tort regardes comme des motifs de soupcon et de doute.
nos apotres », tandis que le texte le mieux garanti Parmi les exegetes protestants qui 1'admettent, nous
porte i[*wv, vestrorum. pouvons citer Nietzsche, Epistola Petri posterior, au-
Autre preuve tres forte. Non seulement cette seconde ctori suo... vindicata, 1785; C. Flatt, Genuina secunda
Epitre ne renferme absolurnent rien que saint Pierre Petri epistolee origo... defenditur, 1806; W. Dahl, De
n'ait pu ecrire; elle contient en outre des pensees iden- Authentia epistolas Petri posterioris atqueJudse, 1807,
tiques a celles de la premiere. Voir Hundhausen, Das Bertholdt, Olshausen (il a aussi compose un ouvrage spe-
zweite Pontificalschreiben, p. 62-90; Kaulen, Einleit., cial sur la question, De integritate et authentia poste-
p. 567; Belser, Einleit., p. 718 sq.; Krawutzcky, Pe- rioris Petri epistolse, 1823), Guericke, Thiersch, Stier,
trinische Studien, Breslau, 1877, t. n, p. 64-72. — Dietlein, Hofmann, Schulze, F. Keil, Bruckner, Spitta,
a) Les deux ecrits mettent singulierement en relief la A. Bruce, etc., qui apparliennent aux ecoles exegeti-
personne de Notre-Seigneur, qui est leur centre per- ques les plus diverses. Voir J. H. Holtzmann, Einleit,
petuel, et auquel tout se rapporte en verite. Relevons p. 325; Grosch, Die Echtheit des zweiten Briefes Pe-
en particulier 1'importance attachee a son second ave- tri, 1889, et surtout 1'excellent ouvrage du Dr Henkel
nement et a 1'obligation qu'ont les fideles de se preparer (catholique), Der zweite Brief des Apostelfursten
a cet acte supreme par une'vie tres simple. Cf. I Pet., Petrus geprilft auf seine Echtheit, Fribourg-en-Bris-
i, 7-8, 13-14; iv, 7-8, 13-14; v, 1-3; II Pet., i, 16, gau, 1904.
19; in, 10-12. — b) De part et d'autre, 1'auteur insiste Les objections alleguees sont de deux sortes : il y a
sur la pensee que Jesus-Christ nous a rachetes au prix celles qui concernent les pensees et celles qui regar-
de son sang divin, et qu'il nous a ainsi purifies de nos dent la forme. —1° Objections concernant les pensees.
peches.' Cf. 1 Pet., i, 2, 18-19; in, 21; II Pet., i, 9; 11, — On a pretendu que le fond des deux ecrits est trop
20-22. — c) Dans les deux lettres, la religion chretienne different pour qu'ils puissent provenir d'un seul et
est presentee comme la realisation des anciennes pro- meme auteur. H. Holtzmann, Einleit., p. 321-322. Mais
pheties, de sorte que le ministere des prophetes et ce- nous avons deja demontre indirectement, col. 405, que
lui des Apotres sont mis en relations intimes. Cf. cette allegation porte entierement a faux; aussi Reuss
I Pet., i, 10-12; II Pet., i, 16-19; in, 2. - d) La lui-meme, Geschichte der heil. Schriften des N. T.,
seconde Epitre suppose, comme la premiere, une con- p. 70, ne lui attache-t-il « aucune force decisive ». Comp.
naissance tres grande de 1'Ancien Testament. II est vrai Hofmann, Heil. Schriften des N. T., t. n, p. 128; t. ix,
qu'il n'y est cite qu'une fois] explicitement, II Pet., u, p. 208. Nos adversaires insistent en particulier sur le fait
28; cf. Prov., xxvi, 11; mais les allusions, les reminis- suivant : la H* Petri parle de la destruction ou plutot
407 PIERRE (DEUXIEME EPITRE DE SAINT) 408
de la renovation du monde actuel par le feu, in, 7,10, Testament, MayerhofF, Hist. krit. Einleit. indiePetrin.
12, tandis que cette doctrine est tout a fait etrangere a Schriften, p. 161-162, le trouve faible, pauvre et plat.
la premiere Epitre. Nous repondons que cet enseigne- II est aussi tres important, pour apprecier equitable-
ment n'est pas nouveau, mais tres conforme a celui ment la divergence indiquee, de se rappeler la diffe-
des prophetes de 1'Ancien Testament et de Jesus- rence considerable des sujets traites et du but que se
Christ lui-meme. Cf. Is., LXV, 17;LXVI. 22; Matth., xxrv, proposait 1'auteur. En outre, 1'emploi que saint Pierre
29, etc. Et pourquoi saint Pierre, qui a mentionne a fait, selon toute probabilite, de la lettre de saint
dans la Ire Epitre la descente de Jesus-Christ aux en- Jude, col. 410, n'a pas manque d'exercer une certaine
fers, dogme qui n'est qu'insinue rapidement ailleurs influence sur son propre style.
dans les ecrits du Nouveau Testament, ne parlerait-il Examinons maintenant quelques-unes des objections
pas, dans la IIe, d'un fait qu'il laisse de cote dans la de detail proposees sur ce point par les neo-critiques,
lettre precedente ? Les autres divergences s'expliquent — a) On a note en particulier, J. H. Holtzmann. Einleit.,
suffisamment par la difference du theme traite de part p. 322, une certaine monotonie que presente la IJa Petri
et d'autre. Par exemple, dans la I re Epitre, 1'auteur dans 1'usage des prepositions, tandis que 1'auteur de la
insiste sur 1'esperance, voir la col. 396, afin de mieux I^ Epitre sait mieux varier sous ce rapport. Ainsi, dans
consoler et encourager, par la promesse de 1'heritage le passage II Pet., i, 3-5, Sfoc revient quatre fois; ev
celeste, les Chretiens d'Asie Mineure, qui enduraient la jusqu'a sept fois dans les lignes qui suivent, i, 5-7. II est
persecution pour la justice; dans la IIs, il appuie da- vrai que, dans la premiere lettre, les prepositions sont
vantage sur la connaissance (ibdyvwat?) de Jesus-Christ, plus variees; ce qui n'empeche pas etc, sv et 8i'a d'y
qu'il oppose a la fausse science (yvwai?) des docteurs dominer aussi. Quant aux deux passages de II Pet.,
heretiques. Mais la premiere Epifre, tout en insistant qui viennent d'etre cites, les repetitions ont eu lieu
davantage sur 1'esperance, ne manque pas de mention- evidemment a dessein, et elles donnenl beaucoup de
ner aussi la vraie yvwdt;, cf. I Pet., in, 7, et la II6, force a la pensee. — b) II y a dans II Pet. ce qu'on a
Men qu'elle ne contienne pas expressement le mot appele a tort des « repetitions trainantes », des memes
sXTrc'c (esperance), exprime a plusieurs reprises 1'idee termes, a des intervalles tres rapproches. Holtzmann,
de 1'esperance chretienne. Cf. II Pet., i, 11, 19; in, 9, loc. cit., p. 322. Par exemple : i, 2-3, SeSwpYituvo; et
12-15. Dans la premiere lettre, le retour de Jesus- SsStopyjTat; i. 1-10, trois fois Taw-roc; ir, 1, deux fois
Christ a la fin des temps est appele arcoxaXu^t;, « reve- aTuoXst'a. Voir aussi i, 17, etc. Mais comment n'a-t-on
lation », et rcapouffia, « presence », dans la seconde. pas remarque que ces repetitions sont voulues, et
Mais est-ce la une difference? Voir la refutation de qu'elles ont pour, but evident de fortifier la pensee?
cette objection generate dans B. Weiss, Die Petrinische Du reste, il en existe de semblables dans la Ire Epitre.
Frage, p. 293; F. Keil, Comment, iiber die Briefe Cf, I Pet., i, 5-10, ou les mots « foi, croire, salut »
des Petrus, p. 194. sont employes coup sur coup ; i, 5-18 et in, 1-2, a pro-
2° Objections tirees du style, — On a objecte tres pos des expressions dvaffTpo^rj et avaatpicpediau — c) On
souvent aussi la difference de style entre la premiere met en avant un nombre assez considerable de termes
et la seconde Epitre, comme une preuve manifeste que (environ cinquante) qu'on ne trouve pas ailleurs dans
les deux ecrits ne peuvent pas avoir ete composes par le Nouveau Testament (entre autres a
le meme auteur. Voir Holtzmann, Einleit., p. 321-322. erroc, a|
La difference alleguee est tres reelle. Cf. von Soden, eyxatosxstv,
Hand-Comment, zum N. Test., t. m,2 e partie, p. 211; Xa@eiv, (xsaajxa, ofxi^Xrj, uapstdaystv, •nXaatdi;, <7Tpe6Xouv,
Henkel, Der zweile Brief des Apostelfursten Petrus, •raxivd;, T£<ppouv, ^wo-copo;), et dont plusieurs semblent
p. 56. Mais elle n'est nullement de nature a permettre de avoir ete inventes par 1'auteur lui-meme (notamment
nier 1'authenticite; sans compter que nous possedons Taprotpoilv, II, 4; rcapaippovta, II, 16; s^epafxa etxyXKTjAO?).
trop peu de produits litteraires de saint Pierre, pour Mais, selon la remarque tres juste de Reuss, Epltres ca-
porter un jugement convenable sur son style. Deja saint tholiq., p. 223, qui rejettepourtant 1'authenticite, « qu'est-
Jerome signalait cette difficulte, Epist. cxx, adHedib., ce que cela prouve? Est-il juste que chaque auteur
11, t. xxn, col. 1002; cf. De vir. ill., 1, t. xxm, col. 609. ecrive toujours de la meme maniere? » Les Apotres
II essayait.en meme temps d'en marquer la cause : Ex etaient souvent obliges de creer un langage nouveau
quo intelligimus pro diversitate rerum diversis euvn pour exprimer les idees chretiennes ; saint Pierre 1'a
usum esse interpretibus. Ibid. Plusieurs exegetes con- fait, comme saint Paul, comme saint Jean. Ainsi done,
temporains pensent que telle est, en effet, la meilleure « on ne saurait deduire de ces particularites de lan-
solution; entre autres, Comely, Introd,, t. n, 3e part., gage une necessite absolue d'affirmer que 1'auteur de-
p. 648; A. Schaefer, Einleit. in das N. T., p. 335; Kiihl, la Ire Epitre differe de celui de la IIe. » Burger, Kurz-
Die Briefe Petri, p. 367. Saint Marc ou Silvain auraient gefasst. Comment., p. 182, N. T., 4e fasc.
aide saint Pierre pour la composition de la premiere Nous, de notre cote, nous pouvons signaler des points
Epitre, et un autre disciple, pour la seconde. Le fait de contact tres nombreux entre les deux J&pitres sous
n'a rien d'invraisemblable en Iui-m6me; toutefois, il le rapport de la diction. Nous n'indiquerons que les
est loin d'etre certain, et il n'est pas necessaire de plus caracteristiques. Voir des listes plus completes
recourir a lui pour expliquer le petit probleme lin- dans Lumby, dans le Speaker's Commentary, t. iv
guistique que nous etudions. D'ailleurs, on peut dire du N. T., p. 228; Davidson, Introd. to the New Test.f
que saint ^Jerome exagere a propos de la difference de t. n, p. 462; Hundhausen, Das zweite Pontificalschrei-
style et que beaucoup de critiques contemporains font ben, p. 86-88; Keil, 'loc. cit., p. 199-202; Kiihl, Die
comme lui. Cf. Henkel, loc. cit., p. 58-59. Briefe Petri, p. 336; Henkel, Der zweite Brief de&
II est bon de noter ici, avant toute autre re- Apostelfursten, p. 47. — a) Les deux .iettres ren-
ponse, que, en ce qui concerne le style et la diction ferment un certain nombre d'expressions qui leur sont
en general, « la divergence des opinions est la regie communes et qui ne sont pas employees dans les autres
parmi les savants, » comme le dit fort bien M. Belser, livres du Nouveau Testament : ajjuofxo; et acnuXoC) I Pet.,.
Einleit., p. 705. Et pour justifier cette reflexion, le i, 19; cf. II Pet., HI, 14; litoTcteyetv, I Pet., n, 19, et
savant auteur cite les jugements contradictoires de Hi, 2; cf. II Pet., i, 16; eu7co6effcc, I Pet., ill, 21;
deux exegetes protestants sur, le chap. 11 de la 7Ia Petri : cf. II Pet., i, 14; TrercauTat ajxapttac, I Pet., iv, 1;
tandis que Hofmann, Die Briefe Petri, Judas, etc., cf. II Pet., n, 14. — b) Des deux cotes, on rencontre
p. 137-138, le juge admirable et le regarde comme des expressions et des tournures identiques, rares ou
unique en son genre parmi les ecrits du Nouveau relativement rares. Par exemple : I Pet., n, 9, T«C.
409 PIERRE (DEUXlfiME fiPITRE DE SAINT) 410
a; TOU... xaXIffavto?; II Pet., I, 3, TOU la force de 1'objection. Ajoutons qu'un grand nombre
'81' dpeTTi? (il est a remarquer que le mot a d'entre elles-(notamment sS-oSo? dans le sens de mort,
« vertu », independamment de ces deux passages, n'est cf. Luc., ix, 31; Osios, adjectif plusieurs fois employe
employe dans le Nouveau Testament que par saint paries Septante; (i^Ya^'oW) cf- Luc., ix, 43, etc.;
Paul, Phil., iv, 8, ou il est applique au^hommes; saint jivSos, qu'on trouve quatre fois dans les Epitres pasto-
Pierre seul 1'applique a Dieu); dOljmos, I Pet., iv, 3, rales, etc.) existent dans le vocabulaire des Septante ou
et d6e<i[Aoi;, II Pet., n, 7; SYI^OUV, pour masquer la re- du Nouveau Testament; par consequent, dans le grec
velation divine, I Pet., i, 11, et II Pet., i, 14; ava- avec lequel saint Pierre etait familier.Enfin, les termes
(rcpoiprj (le « mot favori » de saint Pierre), 1 Pet., i, 15, en question n'ont rien de rare ou d'extraordinaire.
18; n, 23; m, 1, 2, 16, et II Pet., n, 7; in, 11; Ainsi on signale, comme une coincidence remarquable,
aapxtxa, I Pet., II, 11, et II Pet., II, 10; 1'usage fait de part et d'autre du verbe avateXXw, pour
, I Pet., v, 10, et II Pet., i, 12, etc.; <pt),a- designer le lever d'un astre; 1'emploi du substantif
ta, I Pet., i, 22, et II Pet., i, 7; x°P*)Y £ n>, I Pet., Suva [At?, pour exprimer la puissance divine, et de locu-
iv, 11, et II Pet., i, 5,fcll, etc., — c) On signale encore tions aussi ordinaires que euasSsta, xara^povew, roxpwv,
1'usage tres special du participe k'^ovres (I Pet., n, 12, ywtoffxetv cm, Scxatov rjysio-Qa'., etc. Or, dans une argu-
ayant une bonne maniere d'agir; in, 16, ayant une mentation de ce genre, la plus grande partie de la
bonne conscience; iv, 8, ayant une charite conti- preuve consiste dans la rarete des tools employes. Le
nuelle; II Pet., n, 14, ayant les yeux pleins d'adul- raisonnement porte done absolument a faux : 1'auteur
tere), la construction avec le datif, I Pet., I, 12; n, 7; de II Pet. n'a fait aucun emprunta Josephe, auquel il
m, 15; iv, 2, 12; v, 9; II Pet., i, 1, 17; n, 1, 3, 5, 8, n'a rien prete lui-meme; ils ont ecrit 1'un et 1'autre en
17, 19, 20; m, 7; 1'emploi frequent du participe passif. grec, et c'est tout. Voir la refutation detaillee dans
Cf. I Pet., i, 4, 8, 20, 22, 23; n, 1; iv, 3; II Pet, i, 3, Salmon, Introd. to the N. T., p. 498-501, et dans 1'ou-
12,16; ii, 12, 14; m,2, 7. — d) Notons aussi des mots vrage special de B. Warfield. DT E. A. Abbott on the
ordinaires, mais qui reviennent souvent dans les deux genuineness of II Pet., 1883.
lettres : <J/uxvi, I Pet., i, 9, 22; n, 11, 25; in, 21; iv, VI. INTEGRITE DE L'EPITRE. — Divers critiques protes-
19; II Pet., n, 8, 14; slScS?, I Pet., I, 8, 18; n, 9; tants. ont nie 1'unite et 1'integrite de la ZJTa Petri. Voir
II Pet., i, 12, 14; ft?, cinq fois dans I Pet., quatre F. Keil, Comment, uber die Briefe des Petrus, p. 170.
fois dans II Pet. — e) On trouve dans les deuxEpitres Le plus recent est le D r Kiihl. D'apres ce savant, Die
1'emploi des substantifs abstracts, au pluriel : I Pet., Briefe Petri und Judse, 1897, p. 346-356, le chap, n
i, 11, les gloires; voir aussi n, 19, et iv, 3; II Pet., n, tout entier serait une interpolation. De plus, les versets
2,13, 18; in, 11. Et rien, dans toutes ces coincidences, 1 et 2 du chap, in, auraient ete remanies, de maniere
n'indique qu'elles aient ete voulues et recherchees a s'adapter a ce qui precede. A 1'origine, immediate-
par un faussaire qui se serait propose d'imiter le ment apres I, 21, on lisait, selon M. Kiihl, 1'exhortation
style du prince des Apotres : elles n'ont rien de trop suivante : « Pour vous, bien-aimes, souvenez-vous des
saillant, qui puisse exciter la mefiance; elles ne sont paroles predites par les saints prophetes, sachant
pas la repetition de pensees formulees dans la Ire Epitre. d'abord cela... » etc. Cf. in, 1-3. Cette theorie, qui ne
En somme, la comparaison du style des deux lettres s'appuie sur aucune preuve, n'a trouve aucun succes.il
aboutit plutot a une tres forte presomption en fa- regne une parfaite unite dans notre Epitre : le passage
veur de 1'authenticite de la IIe. — f) On peut citer que Ton pretend avoir ete interpole se rattache de la
pareillement des coincidences assez frappantes, tou- facon la plus naturelle, d'une part, a i, 21, de 1'autre a
jours au point de vue du style, entre notre Epitre et HI, 2. II n'y a, du reste, aucune difference sous le
les discours de saint Pierre dans le livre des Actes. rapport du style entre ce passage et ceux qui 1'en-
Voir Lumby, loc. cit.r p. 226; Salmon, Introd. to the tourent.
N. IV, p. 495; Henkel, loc. tit., p. 75-76. Voici quelques- VII. RELATIONS DE LA //» Petri AVEC L'EPITRE DE
unes des principales : apvsopiai, Act., in, 13-14, et SAINT JUDE. — Sur ce point important, voir le t. HI,
II Pet., n , l ; -rvwptCsiv, Act., n, 28, et II Pet., I, 16; col. 1811-1812. Aux ouvrages mentionnes, on peut
elSu); on, Act., II, 30, et II Pet., I, 14; r^spa xupfou, ajouter : *Keil, Comment, uber die Briefe des Petrus,
Act., n, 20, et II Pet., Hi, 10; xaTa(7x-/}vo!><r£i, Act., II, p. 202-208; * Kiihl, die Briefe Petri, p. 336-346; Comely,
26, et crxTivwpia, II Pet., i, 13, 14; eyai6eia, Act., Hi, Introd., t. ii, 3e part., p. 645-647; *H. Holtzmann, Ein~
12, et II Pet., i, 7; g£<7Tt<krK, Act., iv, 24, et II Pet., n, leit., 3e edit., p. 322-324; Belser, Einleit., p. 707-709,
1; <p£po|iai, Act., n, 2, et II Pet., i, 7, 17. 719-721; *J., Bovon, Theologie du Nouv. Test., t. n,
3° Objection tiree de la pretendue ressemblance qui 2«edit., p. 446-448; *A. Brun, L'Apotre Pierre, 1905,
exists entre la IIa Petri et les ecrits de I'historien Jo- p. 126-136.
sephe. — M. Edwin Abbott a developpe dans The Ex- VIII. LE TEXTE PRIMITIF ET SA TRANSMISSION. — NOUS
positor, II« serie, t. HI, 1882, p. 49-60, un nouvel argu- possedons le texte grec de la lla Petri dans les ma-
ment centre 1'authenticite de 1'Epitre, en pretendant nuscrits onciaux H A B C K r Lr P r . Les Peres grecs
que 1'auteur aurait fait de nombreux emprunts a I'his- fournissent ca et la des indications precieuses pour le
torien juif Josephe et imite son langage. Si le fait etait critique. Voir le texte grec ameliore par B. Weiss, Das
exact, comme les ecrits de Josephe datent de la fin du Neue Testament, Textkrilische Untersuchungen und
ier siecle, la JJa Petri ne saura/t etre I'osuvre de saint Textherstellung, t. HI, et aussi les editions critiques
Pierre. Le Dr Farrar admet comme un fait certain que de Tischendorf, Gebhardt, Westcott et Hort, Nestle, etc.
1'un des deux ecrivains a fait des emprunts a 1'autre. Le texte syriaque que nous avons est beaucoup moins
Cf. The Expositor, ibid., p. 403. Voir aussi von So- ancien que la Peschito, qui ne contenait pas notre
den, Hand-Commentar zum N. T., t. in, 2e part., Epitre, comme il a ete dit plus haut. On possede quel-
p. 210. — Remarquons d'abord que les ressemblances ques fragments assez rares des versions latines ante-
alleguees ne portent que sur les expressions, jamais rieures a saint Jerome, dans les manuscrits h, g, etc.
sur les pensees : Josephe et le Chretien qui a compose IX. ENSEIGNEMENT DOCTRINAL DE L'EPITRE (voir les
II Pet. expriment 'des idees tout a fait differentes, ouvrages mentionnes a propos de la Ia Petri; en par-
bien qu'ils aient parfois recours a des expressions ticulier, B. Weiss, Der Petrinische Leftrbegriff, Ber-
identiques. De plus, les expressions de ce genre lin, 1855, et Lehrbuch der bibl. Theologie des N. T.,
sont espacees les unes des autres dans les ecrits de 4« edit., Berlin, 1884, p. 536-546). - 1<> Sur Dieu. Dieu
I'historien juif; elles n'ont pas ete empruntees a des est le Pere de Notre-Seigneur Jesus-Christ, I, 17. II est
passages qui se suivent: ce qui diminue singulieremenl eternel, m, 8; c^est lui qui a tout cree et qui gouverne
411 412
le monde aciuel, in, 5-7. II est infiniment misericor- se laisser entrainer par eux, car le chatiment eternel
dieux, et il desire le salut de tous les hommes, in, 5, de 1'enfer leur est reserve, n, 1-20.
15. C'est de lui que vient la vocation au salut, i, 3. — X. BIBLIOGRAPHIE. — Pour la Ia et la IIa Petri. —
2° Les idees christologiques sont moins abondantes que 1° L. Mayerhoff, Hist.-krit. Einleitung in die petri-
dans la Ire Epitre. La lettre est d'ailleurs plus breve ; nischen Schriften, Hambourg, 1835; Harnack, Die
en outre, la description et la refutation des heretiques Chronologic, 1897, t. i, p. 450.
y tiennent une large place. Mais, ici encore, Jesus- 2° Commentaires sur les deux Epitres. — a) Catho-
Christ, i, 1, ou Notre-Seigneur Jesus-Christ, i, 2,8, 16, liques. Didyme d'Alexandrie (on n'en possede que des
ou le Seigneur et Sauveur, i, 11; m, 2, 18, ou Notre- fragments latins ou grecs, t. xxxix, col. 1750-1818),
Seigneur et Sauveur Jesus-Christ, i, 14; n, 20, m, 2, (Ecumenius, 1. cix, col. 451-722, Theophylacte, t. cxxv,
ainsi qu'il est appele, occupe la place principals. II y col. 1131-t. cxxvi, col. 104; Bede, Expositio super oa-
est aussi designe, a propos du recit de la transfigura- thol. Epistolas, t. xcni, col. 9430. Cramer, Catena in
tion, par le nom de « Fils bien-aime » de Dieu, i, 17. Epistolas catholicas, Oxford, 1840; Lorin, In cathol,
Dans la doxologie finale, m, 18, 1'apotre lui souhaite, Joannis et Petri epistolas, Lyon, 1609; Bisping, Er-
comme il le ferait pour Dieu lui-meme, la gloire dans ktdrung der katholischen Briefe, Miinster, 1871; Drach,
les siecles des siecles. Le but auquel doit tendre tout Les Epitres catholiques, Paris, 1873; Hundhausen, Die
chretien, c'est de le connaitre toujours davantage, i, 2, beiden Pontificalschreiben des Apostelfursten Petrus,
8; ni,18. SaintPierre n'a pas, comme dans sa Ire Epitre, Mayence, 1873-1878; Van Steenkiste, Epistolas catholicss
1'occasion d'insister sur la passion et sur la mort re- breviter explicate, Bruges, 1876; Maunoury, Commen-
demptrice du Christ. II signale du moins, en passant, taires sur les Epitres catholiques, Bar-le-Duc, 1888;
ce fait capital: Jesus est le Maitre qui nous a rachetes, L.-C1. Fillion, La Sainte Bible commentee, t. vni,
n, 1; cf. i, 9. II mentionne aussi deux de ses mysteres p. 658-715, Paris, 1904. — b) Commentateurs protes-
glorieux : d'un cote, au centre de sa vie publique, la tants ou rationalistes : De Wette, Kurze Erkldrung der
transfiguration, i, 16; de 1'autre, son retour a la fois Brief e des Petrus, Judas und Jakobus, 1847, 2e edit.,
glorieux, consolantet terrible, au jour du Seigneur ou en 1853, revue par B. Bruckner,3 e edit, en 1865; Hu-
au jour de Dieu, in, 10, 12. Ge second avenement est ther, Krit. exeget. Handbuch uber den ersten Brief
appele napoutrta, « la presence », m, 4, 12. Quelques des Petrus, den Brief des Judas und den zweiten
heretiques osaient en nier la realite : 1'apotre refute Brief des Petrus, 1™ edit., 1852; 5« edit., 1887, revue
leur objection principale, a laquelle ils affectaient de par Kiihl; 6e edit., 1897; Wiesinger, Der erste Brief
donner une forme scientifique, m, 2-10. Au retour du des Apostels Petrus (continuation du commentaire
Christ est rattachee la transformation du monde par le de Olshausen sur le N. T.), Kcenigsberg, 1856, et Der
feu, en vue de creer « de nouveaux cieux et une nou- zweite Brief Petri des Apost. Petrus und der Brief des
velle terre, ou la justice habitera », in, 13. Deja saint Judas, 1862; Schott, Der erste Brief Petri erklart,
Pierre avait annonce ce fait dans un de ses discours Erlangen, 1861, et Der zweite Brief Petri und der Brief
des Actes, in, 19-21. Cette grande catastrophe amenera Judd, 1862; Fronmiiller, Die Brief e Petri, dans le
la consommation du royaume de Dieu, selon ce que Bibelwerk de J. P. Lange, 1862,4e edit., par Fuller, en
Jesus-Christ lui-meme avait predit. Cf. Matth., xxiv, 1890; Ewald, Die sieben Sendschreiben des Neuen
29-42; Marc, xin, 24-35; Luc., xxi, 25-35.Le prince des Bundes, Gcettingue, 1870; Wordsworth, The New Tes-
Apotres mentionne aussi, mais seulement d'une ma- tament, with introduction and notes, t. iv, 2e edit.,
niere rapide, le royaume de Jesus-Christ, c'est-a-dire le 1872; Plumptre, dans la Cambridge Bible for schools
ciel et son bonheur eternel, i,ll. — 3°ISEsprit-Saint. and colleges, Cambridge, 1880 ; K. Hofmann, Die Briefe
Dans la lle Epitre, comme dans la Ire, il est question de Petri, Judse und Jacobi, Nordlingen, 1875; F. Keil,
FEsprit-Saint. C'est lui qui a inspire les prophetes, i, Kommentar uber die Briefe des Petrus und Judas,
21, dont les oracles sont une lumiere tres precieuse, Leipzig, 1883; von Soden, dans le Hand-Commentar
indispensable meme, pour arriver a la connaissance zum N. T., 3e edit., 1899; Burger, Die Briefe des Ja-
du Sauveur, i, 19. — 4° La soteriologie. Le salut est kobus, Petrus und Judas, dans le Kurzgefasst. Kom-
offert a tous; mais, pour 1'obtenir, il faut croire en ment. de Strack et Zockler, 2e edit., 1895; S. Gcebel,
Jesus-Christ, n, 1,17. Ceux qui ne croient pas sont des Die Briefe des Petrus mit kurzer Erkldrung, 1893;
« enfants de malediction », n, 14. La foi est aussi la F. W. ^Bugge, Commentaire (en langue danoise) sur les
base de toute la vie morale et spirituelle, i, 5, 6. Le deux Epitres de saint Pierre et I'Epitre de saint Jude,
christianisme est la voie de la verite, H, 2; cf. I, 12. La 1892; J. T. Beck, Erkldrung der Briefe Petri, 1895;
grace nous aide puissamment a nous sauver; mais il J. H. Jowett, Epistles of St. Peter, Londres, 1905.
est necessaire d'y faire des progres perpetuels, de 3° Sur la I re Epitre seulement: Usteri, Wissenschaftl.
marcher constamment vers la perfection, in, 18. C'est und praktischer Commentar uber den ersten Petrus-
seulement a la fin du monde, au dernier jour, que le brief, Zurich, 1887; Bob. Johnston, T.he first Epistle
salut sera proclame d'une maniere generate et defini- of Peter, Edimbourg, 1888; A. J. Mason, dans le Com-
tive, m, 15. Comme adversaires du salut, il yaau-dedans mentary for English Readers de Ellicott, Londres,
'de nous la chair et ses convoitises coupables, n, 18, et, 1889; L. Monnier, La 7re Epitre de 1'apotre Pierre,
en dehors de nous, le monde avec sa corruption dan- Paris, 1902; Abbe L. Gontard, Essai critique et histo-
gereuse, i, 4; li, 20. Par les merites de Jesus-Christ, rique sur la lTe Epitre de saint Pierre, in-8°, Lyon,
les Chretiens deviennent « participants de la nature di- 1905; D. Volter, Der erste Petersbrief, seine Entstehung
vine », i, 4. La connaissance de Notre-Seigneur ne doit und Stellung in der Geschichte des Urchristentums,
pas demeurer oisive en nous; mais il faut qu'elle pro- Strasbourg, 1906; H. Gunkel, dans Die Schriften des
duise des fruits pour la vie eternelle. A ce point de vue N. Test, ubersetzt; und fur die Gegenwart jsrklart,
pratique, saint Pierre nomme la religion chretienne Gcettingue, t. 11, 1906, p. 25; B. Weiss, Der erste
« la voie de la justice », n, 21. L'arbre mystique de la Petrusbrief und die neuere Kritik, in-8°, Berlin,
foi doit de meme faire murir en nous sept fruits deli- 1906.
cieux, i, 5-7. Une des sources de la foi consiste dans 4° Sur la IIe Epitre : W. 0. Dietlein, Der zweite
les Saintes Ecritures, dont Dieu est 1'auteur et dont il Brief Petrus, 1851; F. Steinfass, Der zweite Brief des
fournit Interpretation authentique, i, 20-21. Instarn- heil. Petrus, 1863; Plummer, dans le Commentary
ment, 1'apotre reeommande « les bonnes oeuvres, les for English Readers de Ellicott, Londres, 1883; Spitta,
ceuvres deplete », i, 3; m, 11. Les heretiques sont des Der zweite Brief des Petrus und der Brief des Judas,
ennemis dangereux; il faut les fuir, si Ton ne veut pas Halle, 1885; G. Hollmann, dans 1'ouvrage Die Schrif-
413 414
ten des N. Test., neuubersetzt und fur die Gegenwart et de nombreux Juifs, pretres et lai'ques. II manifesto
erklaert, t. n, 1906, p. 61; J. B. Mayor, Epistle of une grande severite a 1'egard des Juifs, dont il fait les
St. Jude and the second Epistle of St. Peter, in-8°, bourreaux immediats du Sauveur; il innocente au con-
Londfles, 1907. L. FILLION. tra ire le plus possible Pilate et les Romains. Son doceV
lisme apparalt en plusieurs endroits de la passion; par
4. PIERRE (ECRITS APOCRYPHES DE SAINT). — exemple, dans la suppression de 1'angoisse de Jesus sur
On en distingue quatre principaux : les Actes de Pierre, la croix. En somme, son ecrit n'enrichit en rien notre
voir t. i, col. 161-163; 1'Apocalypse de Pierre, t. i, connaissance de la vie de Jesus,
col. 765; 1'Evangile de Pierre et la Predication de 4° Les critiques sont loin d'etre d'accord sur la date
Pierre. Nous n'avons a parler ici que des deux der- de la composition de cet ecrit. Ce serait le commence-
nieres compositions. ment du ne siecle, d'apres Harnack, qui croit que saint
A) L'EVANGILE DE PIERRE. — 1° Origene le mentionne Justin a commente 1'Evangile de Pierre (fait d'ailleurs
In Matth., torn, x, 17, t. xm, col. 876. Eusebe le signale tres contestable et probablement inexact; voir V. H.
aussi, //. E., m, 3, t. xx, col. 217, en m6me temps Stanton, The Gospels as historical Documents, I r «part.,
que les Actes, la Predication et 1'Apocalypse; puis il Cambridge, 1903, p. 93 sq.); 1'annee 130 d'apres le
ajoute : « Nous ne les reconnaissons pas comme trans- Dr Zahn; I'anl50, selon Swete, etc. En tout cas, 1'ecrit
mis jusqu'a nous parmi les ecrits catholiques; car aucun existait un certain temps avant la fin du ne siecle, puis-
ecrivain ecclesiastique, soit dans les anciens temps, qu'il etait connu de Serapion et d'Origene.
soil de nos jours, n'a jamais fait usage des temoignages 5° Auteurs a consulter. Outre ceux qui ont ete indi-
qu'ils fournissent. ^ Voir aussi, in, 25, et S. Jerome, ques plus haut, voir H. von Schubert, Die Composition
De vir. ill., 1, t. xxm, col. 609, qui le classe egale- des pseudopetrin. Evangelienfragmentes, Berlin, 1893;
ment parmi les apocryphes, comme fait encore le Decre- D. Volter, Petrusevangelium oder Aegypterevange-
tum Gelasianum. Dans un autre endroit de son H. E., liumf Tubingue, 1893; A. Sabatier, L'Evangile de
vi, 12, t. xx, col. 545, Eusebe a conserve une lettre ecrite saint Pierre et les Evangiles canoniques, Paris, 1893;
par Serapion, eveque d'Antioche a la fin du ne siecle, Salmon, Introduction to the Study of the Books of
et relative a cet Evangile. Le saint eveque nous apprend the New Testam., 8" edit., 1897, p. 581-591; 0. Bar-
qu'il avait trouve 1'Evangile en question a Rhesus, loca- denhewer, Geschichte der altchristlichen Litteratur,
lite situee sur la baie d'Issus, en Asie Mineure, et qu'il 1.1, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 392-397; L. Hennecke,
1'avait d'abord approuve; mais, qu'apres 1'avoir etudie de Neutestam. Apokryphen, in deutscher Ubersetzung
plus pres, il le condamna, parce qu'il etait 1'oeuvre des und mit Erlauterungen, Tubingue, 1904, p. 27-32; et
Docetes, et qu'il ajoutait diiferentes choses « a la veri- aussi les articles suivants, inseres en diverses revues ;
table doctrine par rapport au -Sauveur ». Cette ceuvre Funk, Fragmente des Evangeliums und der Apoka-
apocryphe ne devait pas jouir d'une circulation consi- lypse des Petrus, dans la Theolog. Quartalschrift,
derable, car il est rarement parle d'elle dans 1'antiquite. t. LXXV (1893), p. 255-288; H. von Soden, Das Petrus-
2° Un Francais, M. U. Bouriant, decouvrit a Akmim evangelium und die kanonischen Evangelien, dans la
(Haute Egypte), dans un tombeau durant 1'hiver 1886- Zeitschrift fur Theologie u. Kirche, 1. in, 1893, p. 52-
1887, et publia en 1892 un fragment en langue grecque, 92; A. Hilgenfeld, Das Petrusevangelium uber Leiden
que les critiques sont d'accord pour regarder comme und Auferstehung Jesu, dans la Zeitschrift fur wis-
un reste de 1'Evangile de Pierre. Voir les Memoires pu- senschatfl. Theologie, annee 1893, t. i, p. 439-454; J.-B.
blies par les membres de la Mission archeologique au Semeria, L'Evangile de Pierre, dans la Revue biblique,
Caire,t, ix, Paris, 1892, p. 137-142. L'auteur parle a la t. m (1894), p. 522-560; A.-C. McGiffert, The Gospel
premiere personne (comp. chap, vn et xn), et s'iden- of Peter, dans les Papers of the American Society of
tifie avec le prince des Apotres : « Moi, Simon Pierre, Church History, t. vi, 1894, p. 99-130; E. Koch, Das
et Andre mon frere » (c. xiv). Le fragment se rap- Petrusevangelium und unsere kanonischen Evange-
porte au jugement de Notre-Seigneur devant Pilate el lien, dans la Kirchliche Monatsschrift, t. xv (1896),
Herode (il s'ouvre au moment ou Pilate se lave les p. 311-338; V. H. Stanton, The Gospel of Peter, its
mains), aux outrages dont il fut Fobjet, a son crucifie- early history and character considered in relation to
ment, a sa sepulture, a sa resurrection. On 1'a divise en the history of the recognition in the Church of the
quatorze petits chapitres et en soixante versets. On en canonical Gospels, dans le Journal of Theological Stu-
a donne plusieurs .'editions : J. A. Robinson, The Gos- dies, t. n, 1901, p. 1-25.
pel according to Peter and the Revelation of Peter, B) LA PREDICATION DE PIERRE (xvipuyjjia IIsTpou), qu'il
Londres, 1892; Lods, L'Evangile et 1'Apocalypse de ne faut pas probablement confondre avec la « Doctrine
Pierre, 1893; Th. Zahn, Bruchstucke des Evangel, und de Pierre » (Si8a<rxaX£a IHtpou), mentionnee par des
der Apokalypse Petrus, 1893; A. Harnack, Evangelium ecrivains moins anciens, a exerce une influence assez
des Petrus, Leipzig, 1893; Swete," The Akmim frag- grande dans 1'antiquite chretienne. 1° Elle semble avoir
ments of the apocryphal Gospel of Peter, 1732; 0. von ete connue des la fin du second siecle par Apollo-
Gebhardt, Das Evangelium and die Apokalypse des nius 'd'Asie Mineure (cf. Eusebe, H. E., v, 18, t. xx,
Petrus, Leipzig, 1893; Klostermann, Reste des Petrus- col. 480), par le gnostique Heracleon, par 1'auteur de
evangelium, der Pelrusapokalypse und des Kerygma PEpitre a Diognete, les apologistes saint Justin et Aris-
Petri, Bonn, 1894. tide. Voir Robinson, Texts and Studies, t. i, Ie partie,
3° Jesus-Christ y est toujours appele « le Seigneur »; p. 86-90. Clement d'Alexandrie s'en est servi certaine-
le dimanche y est nomme -r\ xyptaxvj le (jour) domini- ment, et c'est a lui que nous sommes redevables de plu-
cal, L'auteur fait successivement des emprunts aux sieurs des fragments qui sont parvenus jusqu'a nous,
quatre Evangiles canoniques : c'est ainsi qu'il prend le Voir Strom., i, 29; u, 15; vi, 5, »tc., t. vm, col. 929,
lavement des mains de Pilate dans le recit de saint 1008; t. ix, col. 264. Elle remonte done evidemment
Matthieu, 1'histoire du bon larron dans celui de saint plus haut que tous ces ecrivains : aux annees 110-
Luc, la transfixio lateris dans celui de saint Jean, et 130 d'apres Harnack, Chronologic, t. i, p, 472-474;
qu'il raconte la visile des saintes femmes au sepulcre aux annees 90-100 d'apres Th. Zahn, Gesch. des neu-
da'ns les naemes termes que saint Marc. On voit, d'un testam Kanons, t. n, ne partie, p. 820-832; vers
bout a 1'autre, qu'il les connait a fond; mais il les trans- 1'an 110 d'apres le Dr von Dobschutz, Texte und Unter-
forme et lesoenjolive a sa facon, en multipliant les details suchungen zur Geschichte der altchristl. Litteratur,
legendaires, en grossissant les miracles, etc. II rend xi, 1. Ce dernier auteur et M. Harnack regardent
temoins de la resurrection de Jesus les soldats romains 1'Egypte comme le pays d'origine de ce document, sur-
415 PIERRE (EGRITS APOCRYPHES BE SAINT) — PIERRE LOMBARD 416
tout a cause des allusions qu'on y trouve au culte des 8. PIERRE COMESTOR, theologien catholique fran-
animaux par les Egyptiens. C'est tres probablement le cais du xne siecle, ne a Troyes, mort a Paris, le 21 oc-
xYJpuYKOi qui est cite par Origene, De princ. (Prol.), I, tobre 1179 (d'apres certains auteurs, en 1198). II fut
8, t. xi, col. 119, sous le titre de Petri doctrina. surnomme Comestor ou le Mangeur, a cause, croit-on,
2° Les fragments que nous en possedons ont ete reu- de la grande quantite de livres qu'il devora. D'abord
nis par A. Hilgenfeld, Nov. Text, extra canonem recep- chanoine et doyen de Sainte-Marie de Troyes (1147), il
turn, 2e edit., 1884, fasc. iv, p. 51-65, par von Dobschutz, devint, en 1464, chancellor de PEglise de Paris et y occupa
Das Kerygma Petri kritisch untersucht, 1893, dans les jusqu'en 1169 la chaire de theologie. II se demit de ses
Texte und Untersuch., xi, 1, et Preuschen, Antilego- dignites dans les dernieres annees de sa vie et se retira
mena, die Reste der ausserkanon. Evangelien und a 1'abbaye de Saint-Victor de Paris ou il mourut. II
urchristl. Uberlieferungen, Giessen, 1901, p. 52-54,143- laissa des sermons qui furent publics d'abord sous le
145. Voir aussi E. Hennecke, Neutestamentlichen Apo- nom de Pierre de Blois, Pair, lat., t. cxcvin,
cryphen in deutscher Uberselzung,... mit Einleitungen, col. 1721-1844, mais il fut surtout celebre a cause de sa
Tubingue, 1904, p. 168-171. L'ecrit, autant qu'on peut en Seholastica Historia super Novum Testamentum, cum
juger par ces fragments, se composait de discours pro- additionibus atque incidentiis, qui fut consideree pen-
nonces par un personnage qui parle toujours a la pre- dant plus de trois siecles comme 1'ouvrage de ce genre le
miere personne du pluriel, au nom des douze apotres. plus parfait. Son Histoire s'etend depuis le commence-
Clement d'Alexandrie dans Origene, In Evang. Joa., ment du monde jusqu'au martyre de saint Pierre et de
torn, xnt, 17, t. xiv, col. 424, suppose que ce personnage saint Paul a Rome. L'auteur resume ou bien developpe
n'est autre que saint Pierre; bien plus, que le livre lui- et explique les livres historiques de 1'Ancien et du Nou-
meme 1'identifiait avec Pierre. Strom., vi, 7 : 6 Uirpo<; veau Testament, dont il cite souvent les propres ex-
ypoKpei, t. ix, col. 280. Origene, I. c., doute a bon pressions. Son commentaire ou sa paraphrase est tantot
droit de 1'authenticite, et Eusebe, H. E., in, 3. t. xx, litterale et tantot allegorique, entremelee de conside-
col. 217, range explicitement 1'ecrit parmi les apo- rations theologiques et philosophiques et de citations
cryphes. d'auteurs profanes. Le livre de Pierre Comestor eut
3° Quant au sujet traite, c'est le pur monotheisme dans les ecoles un succes semblable a celui du Maitre
que doivent pratiquer les Chretiens, par opposition aux des Sentences, et c'est son autorite qui parait Stre ordi-
erreurs du judaisme et du polytheisme. Les fideles sont nairement alleguee par les auteurs du moyen age quand
precisement nommes un Tpctbv ye'vo; entre les Juifs et ils emploient la formula : dic.it magister in historiis.
les pai'ens. Le livre renferme aussi des ordres de Notre- C'est a cause de 1'usage qu'on en fit dans les ecoles
Seigneur en vue de la predication de 1'Evangile chez qu'elle recut le nom de Historia seholastica. « II n'y
les pai'ens. En somme, 1'ecrit renferme une sorte d'apo- avait en ce temps-la, dit Richard Simon, Histoire cri-
logie du christianisme, ou un programme pour les tique du Nouveau Testament, t, n, p, 320, de plus
missionnaires Chretiens. grand et de plus estime pour 1'Ecriture Sainte que le
L. FlLLION. Pierre Comestor... On ne lisait la Bible que de la
5. PIERRE dans les noms de lieux. Le mot pierre, maniere qu'elle etait dans ce compilateur, et avec ses
'eben, ou rocher entre dans un certain nombre de gloses. Cet usage a dure longtemps en France. »
noms geographiques : L'Historia seholastica fut imprimee, in-f°, Reutling,
i« Pierre, ville principale d'Idumee, connue sous son 1471; Utrecht, 1473; Augsbourg, 1473; Strasbourg,
nom latin de Petra. Voir PETRA, col. 166. 1483 et 1502; Bale, 1486; in-4», Paris, 1513; in-f<>,
2° Pierre de Boen. Jos., xv, 6; xvm, 17. Voir ABEN- Haguenau, 1519; in-4°, Lyon, 1526; in-8°, Lyon, 1543;
BOHEN, 1.1, col. 34. Venise, 1728; in-4°, Madrid, 1699. Cette derniere edi-
3» Pierre de division (Vulgate : Petra dividens). tion a ete reproduite par Migne, dans la -Patrologie
I Reg., xxiii,28. Rocher du desert de Maon ou se retira latine, t. cxcvm, [col. 1053-1722. La Bible histwiale,
David pendant la persecution de Saul. Son ennemi ne de Guyart-Desmoulins (voir t. HI, col. 369), esl unetra-
put 1'y poursuivre, ayant ete oblige de marcher contre duction libre de I'Historia seholastica. Voir aussi t. n,
les Philistins. En souvenir de cet evenement, le rocher col. 2355. — Voir les notices d'Oudin, de Fabricius,
fut appele Sela* ham mahleqot, « Rocher de la deli- etc., dans Patr. lot., t. cxcvm, col. 1045-1054; dom
vrance. » II n'est pas identifie. Voir HACHILA, t. HI, 2°, Ceillier, Histoire generate des auteurs sacres, Paris,
col. 391. 1868, t. xiv, p. 744; Brial, dans Histoire litteraire de
4° Pierre du desert (Vulgate : Petra deserti).Is.,xvi, la France, t. xiv, Paris, 1817, p. 12; U. Chevalier, Re-
1. C'est la ville de Petra, col. 166. pertoire des sources historiques du moyen age. Bio-
5° Pierre d'fitam (Vulgate : Petra Etam). Jud., xv, bibliographie, et Supplement, col. 1813, 2778.
8. Voir ETAM 3, t. n, col. 1996.
6° Pierre d'Ezel (Vulgate : Lapis cui nom en est 9. PIERRE LOMBARD, surnomine le Maitre des
Ezel). Rocher aupres duquel David devait attendre son Sentences, ne probablement a Lumellogno, petite ville
ami Jonathas au commencement de la persecution de de Lombardie, vers la fin du xie siecle, mort a Paris,
Saul. I Reg., xx, 19. Voir EZEL, t. n, col. 1062. le 20 juillet 1164. Apres avoir etudie la theologie a
7° Pierre d'Horeb (Vulgate : Petra Horeb), rocher Bologne, a Reims et a Paris, ou il fut auditeur d'Abe-
d'ou Moise fit jaillir miraculeusement de 1'eau. lard, il devint lui-meme professeur de theologie dans
Exod., xra, 6. Voir MASSAH, t. iv, col. 853-854. cette derniere ville et fut elu en 1159 eveque de Paris;
8° Pierre d'Oreb (Vulgate : Petra Oreb). Jud., VH il renonca a cette dignite des 1'annee suivante et
25. Voir OREB 2, t. iv, col. 1857. Maurice de Sully lui succeda en 1160. II s'est rendu
9» Pierre du secours (Vulgate : Lapis adjutorii). surtout celebre par ses Sententiarum libri quatuor,
I Reg., iv, 1; v, 1; vn, 12. Voir EBEN-EZER, t. n,col. 1526. qu'il redigea entre 1145-1150 (Denille, dans I'Archiv
10" Pierre de Zoheleth (Vulgate : Lapis Zoheleth). fur Literatur und Kirchengeschichte, 1.1,1885, p. 611);
Ill Reg., i, 9. Voir ZOHELETH. mais on a aussi de lui des commentaires de 1'Ecriture
qui montrent avec quel soin il avait etudie les Livres
6. PIERRE ANGULAIRE. Voir ANGULAIRE (PIERRE), Saints: CommentariusinPsalmos davidicos,Patr. lat.,
t. i, col. 601. . t. cxci, col. 55-1296; Collectanea in omnes D. Pauli
Epistolas, col. 1297-1696; t. cxcn, col. 9-520. Le Com-
7. PIERRE DE JACOB. Gen., xxvin, 18, 22; xxxi, 45. mentaire sur les Psaumes emploie et developpe la
Voir BETYLE, 1.1, col. 1766. Glossa ordinaria (t. HI, col. 246); il recut le nom de
417 PIERRE LOMRARD — PIERRE 418
Magna Glossatura. Le Commentaire sur saint Paul 22; Zach., xn, 3. Voir FARDEAU, t. H, col. 2178. Un jet
est tire principalement des Peres. « Get quvrage, dit de pierre constituait une sorte de mesure pour les
dom Rivet, dans I'Histoire litteraire de la France, distances. Luc.; xxn, 41. — 2. Manipulation. — II y
est clair, methodique, et renferme, outre les pensees avail temps pour ramasser les pierres et temps pour
des Peres, de fort bonnes vues propres a 1'auteur. » les disperser. Eccle., in, 5. On enlevait les pierres des
La Glossa in Jobum et la Concordia evangelica, vignes, pour qu'elles ne genassent pas la culture, Is.,
qu'on a attributes a Pierre Lombard ne sont pas pro- V, 2; on les repandait au contraire sur un champ,
bablement authentiques. — Voir Histoire litteraire de quand on voulait le rendre sterile, IV Reg., in, 19, 25.
la France, t. xn, 1763, p. 585-609; A. Stochl, Geschichte On enlevait les pierres d'une route pour qu'elle devint
der Philosophic des Mitlelalters, Mayence, 1864, t. i, plus praticable, Jer., i, 26; mais ce sens, adopte par la
p. 390-411; J. Bach, Dogmengeschichte des Mittelal- Vulgate, est tout autre en hebreu. On pouvait etre
ters, Vienne, 1875, Th. n, p. 194-307,727-739; F. Protois, blesse par une pierre quand elle retombait pendant
Pierre Lombard, son epoque, sa 'vie, ses cents, son qu'on la roulait, Prov., xxvi, 27, quand on la detachait
influence, Paris, 1881; U. Chevalier, Repertoire des a la carriere, Eccle., x, 9, ou quand elle redescendait
sources historiques du moyen age. Bio-bibliographie, sur le tete de celui qui 1'avait jetee. Eccli., xxvn, 28.
2* edit., 1905-1907, p. 3722. — 3. Usages religieux. — L'autel devait etre fait de
pierres non taillees. Exod., xx, 25. Elie batit ainsi un
PIERRE (hebreu : 'ebe'n, seror, «le petit caillou »; autel avec douze pierres sur le Carmel. Ill Reg., xvm,
Septante : >,t0o?; Vulgate : lapis, petra, calculus, 31. Satil fit rouler une grande pierre, afin qu'on egor-
saxum), substance minerale qui compose ]a plus geat sur elle les victimes destinees au sacrifice. I Reg.,
grande partie des couches geologiques dusol. — Quand xiv, 33. Cf. Jud., ix, 5, 18. La Loi ordonnait aux
la pierre forme de grandes masses continues, enfouies Hebreux de dresser de grandes pierres dans le pays de
dans le sol ou en emej-geant, on 1'appelle rocher. Voir Chanaan, de les enduire de chaux, et d'y ecrire les
ROCHER. De ces masses, on extrait des maleriaux de commandements divins. L'ordre fut execute sur le
divers volumes pour les constructions. Voir CARRIERE, mont Hebal, et un autel de pierres brutes y fut dresse.
t. n, col. 318. On reserve le nom de pierres aux parties Deut., xxvii, 2-5. — 4. Monuments de souvenir. — Les
rocheuses qui sont meubles, par nature ou par suite habitants de la Palestine anterieurs aux Hebreux
du travail de 1'homme. Ces pierres peuvent etre de avaient, comme tous les anciens peuples, dresse ou
toutes tallies, depuis le grain de sable ou de gravier jus- utilise d'enormes pierres afin de perpetuer certains
qu'aux blocs qu'on employait aux grandes construc- souvenirs. La Palestine transjordane compte par cen-
tions. Voir t. n, col. 320; MAQON, t. iv, col. 513. Les taines les monuments megalithiques, dolmens, voir 1.1,
pierres de mediocre volume, amassees ensemble, fig. 120, col. 491, menhirs et cromlechs, connus depuis
forment un monceau, margemdh, acervus, Prov., longtemps. Plus recemment, on en a decouvert un
xxvi, 8, a moins que le mot hebreu ne designe la certain nombre d'autres dans la Palestine occidentale,
fronde, comme le pensent les Septante. — Le sol de la tels un dolmen aux environs du Nebo, encore a Test
Palestine renferme des pierres debeaucoup d'especes, du Jourdain, le double dolmen d'el-Hosn, au nord-
surtout des calcaires et des gres. Les roches eruptives ouest de la Syrie, etc. Cf. H. Vincent, Monuments en
y fournissent aussi, en quelques endroits, le basalte,le pierres brutes dans la Palestine occidentale, dans la
granit et le porphyre. Voir PALESTINE, t. iv, col. 2005. Revue biblique, 1901, p. 278-298; Canaan, Paris, 1907,
Quand les pierres sont calcaires, il est relativement p. 414-423. Jacob dresse ainsi une pierre comme mo-
facile de les tailler. Plus elles sont siliceuses, plus nument de son entente avec Laban, et il fait amasser
elles sont dures. Les silex fournissent la pierre que des pierres en monceau en signe d'alliance. Gen.,
les chocs peuvent transformer en couteaux assez aigus xxxi, 45-52. En memoire du passage du Jourdain,
pour operer la circoncision. Exod., iv, 25; voir t. 11, Josue ordonne de prendre douze pierres dans le lit du
col. 775. ileuve et ensuite de les dresser a Galgala. Jos., rv,
1° Pierres a I'etat naturel. — La pierre est lourde, 3, 20-24. Pour marquer la tombe d'Absalom, dans la
Prov., xxvn, 3, et resistante. Job, vi, 12. Les eaux foret d'Ephraim, on eleve au-dessus d'elle un monceau
creusent la pierre, grace aux matieres solides qu'elles de pierres. II Reg., xvm, 17._Les pierres sont bien
entrainent avec elles. Job, xiv, 19. Les racines des indiquees pour servir ainsi de memorial. Elles ont
plantes s'enfoncent entre les pierres. Job, vn, 17. II pour elles la duree, et la disposition particuliere qu'on
est dit des pierres du pays de Chanaan qu'elles sont leur impose indique assez qu'on a eu une intention en
comme du fer. Dent., vui, 9; cf. Is., LX, 17. Voir FER, les placant ainsi. A ce meme litre, elles fournissent
t. n, col. 2207. Les pierres d'une maison pouvaient aussi des bornes pour les champs. Voir BORNES, t. i,
subir un effritement que Ton considerait comme une col. 1854. — 5. Hostilites. — Les pierres peuvent servir
sorte de lepre. Lev.,xiv,20. Voir LEPRE, t. iv, col. 186. d'armes offensives. On mettait a morl certains cou-
r-t Certaines pierres, plus remarquables par leur cou- pables a 1'aide de pierres. Exod., vm, 26. Voir LAPI-
leur et leur eclat, etaient aptes a servir d'ornements. DATION, t. iv, col. 90. On jetait des pierres a quelqu'un
Voir PIERRES PRECIEUSES. pour le blesser, II Reg., xvi, 6, 13; Eccli., xxn, 25, ou
2° Pierres utilisees a I'etat brut.— 1. Usages do- Ton saisissait la pierre en main pour le frapper,
niestiques. — On se sert d'une pierre comme de siege. Exod., xxi, 18, ou se frapper soi-meme. Marc., v, 5. On
Exod., xvii, 12. Pour dormir, on met une pierre sous donnait plus de portee a la pierre en la projetant au
sa tele. Gen., xxvin, 11; Luc., ix, 58. « Les Arabes du moyen d'une fronde. Jud., xx, 16, etc. Voir FRONDE,
commun n'ont pour tout meuble dans leurs maisons t. n, col. 2408. Dans la suite, on eut des machines
que des nattes, sur lesquelles ils couchent, quelques pour lancer de grosses pierres centre les ennemis.
couvertures et rarement des coussins; ils se servent I Mach., n, 36; vi, 51. Voir BALISTE, t. i, col. 1414;
d'une pierre pour chevet, qu'ils mettent par-dessus la CATAPULTE, t. n, col. 346. Les pierres contribuaienl a
rialte. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Ams- 1'attaque ou a la defense en obstruant des portes. Jos.,
terdam, 1718, p. 176. Cette pierre n'etait guere plus x, 18; I Mach., v, 47. La pierre devenait dangereuse
dure que le chevet de bois donl se servaient les Egyp- par elle-meme quand elle etait placee sur le chemin
tiens. Voir t. iv, fig. 93, col. 826. On pesait a 1'aide de pour faire tomber le passant. Ps. xci (xc), 12; Eccli.,
pierres. Prov., xvi, 11. Voir POIDS. On cachait son xxvii, 29; xxxn, 25; Is., vm, 14; Matth., iv, 6; Luc.,
argent sous une pierre. Eccli., xxix, 13. On faisait cer- iv, 11. — Sur la pierre de scandale, Rom., ix, 23;
tains exercices physiques a 1'aide de pierres. Eccli., vi, I Pet., n, 8, voir SCANDALE. — 6. Autres usages. — Les
DICT. DE LA BIBLE. V. - 14
419 PIERRE PIERRE PRECIEUSE 420
pierres servaient a fermer des puits oti des excava- xi, 11. Dans les deserts rocheux, les pierres plus ou
tions diverses. Gen., xxix, 2, 3, 8, 10; Dan., vi, 17. moins hautes se dressent a perte de vue et ont 1'air
Jetee dans 1'eau, la pierre va au fond, a cause de sen d'etres immobiles : Dieu, par sa puissance, pourrait
poids, et entraine avec elle ceux qui y sont attaches. changer ces pierres en fils d'Abraham. Matth., in, 19;
Exod., xv, 5; Jer., LI, 63; II Esd., ix, 11; Apoc.,xvm, Luc., in, 8. Le paresseux est compare a une pierre
21. Voir MEULE, t. iv, col. 1054. — La pierre a feu est souillee d'ordure et qu'on ne peut toucher. Eccli., xxn,
mentionnee II Mach., x, 3. — Certaines pierres re- 1. Voir t. n, col. 2136. Rien de plusx;ommun que les
marquables, soit par leur grandeur naturelle, soit par pierres; 1'argent etait aussi commun a Jerusalem sous
le souvenir qu'on y attachait, ont donne leur nom a Salomon. Ill Reg., x, 27. — 2. Metaphores. — Avoir
plusieurs localites. Voir PIERRE 5, col. 415; EBEN, une alliance avec les pierres des champs, c'est vivre .en
EBEN-EZER, t. n, col. 1525,1526. paix sur le sol ou 1'on a sa tente. Job, v, 23. Quand on
3° Pierres travaillees. — Dans les plus anciens batit sa maison avec des gains iniques, la pierre crie
temps, les habitants de la Palestine ont commence a dela muraille, c'est-a-dire les etresinanimes protestent
tailler la pierre. Des dolmens subissent deja un travail eux-memes centre Pinjustice. Hab., n, 11. A defaut
reconnaissable, comme celui de Tell el-Mataba, qui est des enfants acclamant le Sauveur, les pierres elles-
regulierement troue. On taille ensuite des pierres pour memes auraient crie pour saluer en lui le Messie. Luc.,
les consacrer a des usages religieux, voir BETYLE, t. i, xix, 40. — 3. Symboles. — Dans un songe, Nabucho-
col. 1765, funeraires ou profanes. Voir STELE. Au Sinai', donosor vit une haute statue qu'une pierre vint briser
la Loi estdonnee sur des tables de pierre, Exod., xxiv, et dont ellene laissa pas trace; la pierre devint ensuite
12, que Moise brise, Exod., xxxii, 19, et remplace en- une grande montagne. Cette pierre representait le
suite. Exod., xxxiv, 1; II Cor., in, 7. Souvent, le nom Messie et son royaume, devant lequel devaierit dispa-
de «. pierre » sert a designer les idoles, a cause de la raitre toutes les autres puissances de la terre. Dan.,
matiere dont elles sont faites. Deut., iv, 28; xxvin, 36; n, 34-45. — Le Sauveur traite saint Pierre comme la
Sap., xni, 10; Jer., H, 27; Act., xvii. 29, etc. Onfabrique pierre sur laquelle il doit asseoir inebranlablement
en pierre divers objets rliles, meules, voir MEULE, 1'edifice de son Eglise. Matth., xiv, 18. Les fideles sont
t. iv, col. 1052, portes, voir PORTE, surtout pour les eux aussi des pierres vivantes et spirituelles appelees a
tombeaux, Matth., xxvn, 66; Marc., xv, 46; Joa., xi, 38, entrer dans la construction. Eph., n, 20-22; I Pet., n,
voir t. n, col. 1478, pressoirs, voir PRESSOIR, etc. On 4-8. — Au vainqueur, Dieu donnera une pierre blanche,
utilise la pierre a la construction des murs, des maisons, po»tant un nom ecrit, que connait seul celui qui la
des palais, du Temple, ainsi qu'au dallage de certains recoit. Apoc., H, 17. Le caillou blanc marquait, chez les
espaces. Voir PAVE, t. iv, col. 2237. Les Gibliens etaient anciens, les jours heureux et les votes favorables.
renommes pour leur habilete a mettre la pierre en Cf. Martial, ix, 53; Perse, n, 1; Ovide, Metam., xv,
eeuvre, voir GEBAL, t. in, col. 139, et on les employa 41. Pour saint Jean, il designe le sort heureux attribue
pour les grandes constructions salomoniennes. On tail- dans le ciel a celui qui a bien combattu sur la terre.
lait la pierre, IV Reg., xn, 12; Am., v, 11; I Mach., H. LESETRE.
xi, 10; on la polissait, quand il etait besoin, I Mach., PIERRE PRECIEUSE, pierre remarquable par sa
XHI, 27; on 1'appareillait pour que toutes ses faces fussent couleur, son eclat ou sa rarete. Les pierres precieuses
a angle droit les unes desautres. Ill Reg., v, 17 ; Is., ix, etaient recherchees des Orientaux qui les faisaient entrer
10; Lam., HI, 9; Ezech., XL, 42; Am., v, 11. On placait dans la composition do leurs bijoux, anneaux, bracelets,
d'enormes pierres pour servir de fondements a 1'edi- colliers, pendants d'oreille, dans 1'ornementation des
lice, III Reg., v, 17; Jer., XLIII, 9, 10, ou de pierres vetements, couronnes de rois, voiles, etc. II Reg., xn,
angulaires a 1'intersection des murs. Voir ANGULAIRE 30; I Par., xx, 2; Judith, X, 19; xv, 14; Cant., x, 14, etc.
(PIERRE), 1.1, col. 601. Les belles pierres de leur Temple Voir BIJOUX, 1.1, col. 1794.
ont toujours emerveille les Hebreux, qui prenaient I. NOM GENERAL. — On les appelle habituellement en
grand soin de les reparer a 1'occasion. Ill Reg., vi, 7- hebreu 'eben yeqdrdh, « pierre de prix » (cf. 1'assyrien
vxi, 12; IV Reg., xn, 12; xxn, 6. Ils aimaient les pierres ubnu aqartu, pierres precieuses, Frd. Delitzsch, Assy-
de leur Temple. Ps. cii (ci), 15. Les Apotres se firent risches Dandworterbuch, in-8°, Leipzig, 1896, p. 8).
un jour 1'echo de cette admiration et de cet amour, II Reg., xii, 30; III Reg., x, 2; I Par., xx, 2; II Par., ix,
aupres de Notre-Seigneur. Marc., xin, 1; Luc., XXT, 5. 1, 9,10; xxxn, 27; Ezech., xxvn, 22; xxviii, 13; Dan., xi,
— .Mais les plus solides amas de pierres n'etaient pas 38. Quelquefois 'eben yeqdrdh est employe non pour des
a 1'abri de la destruction, line ville pouvait etre si bien pierres pi'ecieuses proprement dites, mais pour des pier-
ruinee qu'il n'en restat pas un caillou, c'est-a-dire pas res de construction, comme le marbre, etc. L'expression
la plus petite pierre informe. II Reg., xvir, 12. Des 'eben yeqdrdh, pierre precieuse, est parfois rernplacee
monceaux de pierres representent seuls les cites rui- par une locution equivalente, comme 'eben hefes, Is., uy,
nees. Is., xvn, 1; Jer., xxvr, 18; Mich., i, 6; m, 12. Du 12, mot a mot « pierre de desir », pierre qui excite le de-
Temple d'Herode, qui semblait si solidement assis sur sir, la convoitise 'par sa beaute; ou comme 'ebne hen,
ses fondations, le Sauveur predit qu'il ne resterait pas Prov. xvii, 8, « pierres de grace, de beaute, » c'est-a-
pierre sur pierre. Matth., xxiv, 2. — La pierre, soit dire belles pierres. On rencontre aussi le mot 'e'len
isolee, soit enclavee dans des constructions, pouvait accompagne du nom d'une espece particuliere de pierres
recevoir des inscriptions, voir STELE, ou une decoration precieuses, par exemple 'eben soham, pierre de soham,
sculpturale. Voir SCULPTURE. ou onyx; 'eben sappir, pierre de saphir; 'eben eqdah,
4° Autres mentions de la pierre. — 1. Comparai- pierre d'eclat, Is., LIV, 12, escarboucle ou rubis. Le
sons. — L'eau gelee devient comme de la pierre. Job, mot 'eben « pierre » sans addition ne se trouve dans
xxxvni, 30. Etre comme une pierre signifie qu'on est le sens de pierre precieuse, que lorsque le contexte,
sous le coup de la stupefaction. I Reg., xxv, 37. Un comme une enumeration de pierres precieuses, vient
cceur de pierre est un coeur dur, insensible et inintelli- preciser la signification et ecarter toute amphibologie.
gent. Ezech., xi, 19; xxxvi, 26. Certaines pierres ont Les Septante traduisent ces diverses expressions par
quelque ressemblance avec le pain; le demon en prend Xt'6o; riiub; ou Xt6o$ y^pr^-coc, Xt'Oo; ly.XsxTo?, Xc'9o; TITO),U-
occasion de proposer a Notre-Seigneur le changement TeXri!;; et la Vulgate par lapis pretiosus ou gemma.
des pierres en pain, Matth., iv, 3; Luc., iv,-3, et le II. PROVENANCE. — L'Egypte, 1'Arabie, 1'Inde fourni-
Sauveur lui-meme, faisant allusion a la meme ressem- rent aux Hebreux les 17 ou 18 pierres precieuses men-
blance, dit qu'un pere ne donnerait pas une pierre a tionnees dans les textes bibliques. Elles leur arrivaient
son enfant qui reclame du pain. Matth., vn, 9; Luc., par les caravanes de marchands qui,de 1'Inde ou de
421 PIERRE PREGIEUSE 422
1'Arabie venaient en Phenicie apporter leurs richesses, breux et la comparaison de ces noms avec les termes des
ou par leurs relations avec PEgypte et la Phenicie. differentes langues semitiques, ou avec la langue du pays
A certaines epoques meme ils allerent eux-memes en d'origine de ces gemmes; les differentes versions an-
chercher jusque dans 1'Inde. « On ne saurait parcourir ciennes com me les Septante, 1'Itala et la Vulgate, la ver-
une galerie egyptienne sans etre surpris du nombre sion syriaque et les Targums, et les interpretations de
prodigieux de menues figures en pierre fine qui sont Josephe ou des Rabbins; les qualites ou les usages que
parvenues jusqu'a nous. On n'y voit pas encore le les textes sacres attribuent a ces pierres et leur groupe-
diamant, le rubis ni le saphir; mais a cela pres, le ment en series disposees avec art, permettant de mieux
domaine du lapidaire etait aussi etendu qu'il 1'est aujour- preciser les couleurs et les nuances; enfra les descrip-
d'hui et comprenait 1'amethyste, 1'emeraude, le grenat, tions des memes pierres dans les auteurs anciens, comme
1'aigue-marine, le cristal de roche, le prase, les mille Strabon, Diodore de Sicile, Theophraste, Pline 1'ancien,
varietes de 1'agate et du jaspe, le lapis-lazuli, le felds- et aussi dans les lapidaires, bien que ceux-ci s'occupent
path, 1'obsidienne... Le plus grand nombre de ces sub- davantage du sens mystique et des proprietes occultes
stances etaient taillees en perles rondes, carrees, ovales, des pierres precieuses.
allongees en fuseau, en poire, en losange. Enfilees et Ces ressources ont ete utilisees dans les articles con-
disposees sur plusieurs rangs, on en fabriquait des sacres a chacune de ces pierres. II reste ici a donner les
colliers, et c'est par myriades qu'on lesramasse dans le principaux groupements que 1'on rencontre dans la
sable des necropoles... La perfection aveclaquelle beau- Sainte Ecriture, et dont 1'observation peut etre utile a
coup d'entre elles sont calibrees, la nettete de la perce, la determination de chacune des pierres ainsi artiste-
la beaute du poli font honneur aux ouvriers. t> G. Mas- ment rangees.
pero, L'archeologie egyptienne, in-8°, Paris, 1887, p. 234. Trois groupements principaux meritent de fixer 1'at-
Ces pierres precieuses, les Egyptiens les trouvaient ou tention : les pierres du rational, Exod., xxvm, 17-20, et
chez eux, ou en Ethiopie et jusque dans la terre de xxxix, 10-13; les pierreries du roi de Tyr, Ezech., xxvm,
Fount, dans la presqu'ile du Sinai' et en Arabie. Les 13; et les pierres des fondements de la Jerusalem celeste.
documents de la XVIII6 dynastie les signalent parmi les Apoc., xxi, 18. Et'il est a remarquer que les deux der-
presents que les rois de Babylone, les princes de Mitani niers groupements 'dependent etroitement du premier.
ou des Hetheens envoyaient au Pharaon. G. Maspero, 1° Pierres du rational. — Les 12 pierres du pectoral
Hist.^ancienne des peuples de VOrient classique, in-8°, ou rational sont disposees 3 par 3 sur 4 rangees, et
Paris, 1897, t. n, p. 284. L'Egypte pouvait done fournir placees selon le texte massoretique de la facon sui-
aux Hebreux, des le temps de 1'Exode, toutes les pierres vante. Les rangees commencent de haut en bas, et les
necessaires a la confection du pectoral du grand-pretre. pierres dans chaque rangee vont suivant la coutmne
Plus tard, fixes en Palestine, ils voyaient passer par hebrai'que de dr.oite a gauche. Nous les disposons dans
leur pays les marchands qui, de Babylonie ou de Perse, le meme ordre pour la comparaison qui sera faite plus
allaient en Egypte. Ils pouvaient aussi entrer en relation bas avec le texte de 1'Apocalypse.
avec les marchands de Saba et de Reema qui appor- ler rang 3. Bdreqet 2. Pitddh 1. 'Ode'm
taient a Tyr toutes especes de pierres precieuses, 2e rang 6. Yahalom 5. Sappir 4. Nofek
Ezech., xxvir, 22. Sur les marches de cette grande ville 3e rang 9. 'Ahldmdh 8. Sfbo 7. Leseni
commercante, il leur etait facile d'acquerir les pierres 12. Yasfeh 11. Soham 10. Tarsis
precieuses apportees par les Syriens. Ezech., xxvn, 16.
Nous voyons aussi a 1'epoque de Salomon la reine de Les Septante dans Exod., xxvm, 17-20 et xxxix, 10-13,
Saba apporter au monarque une grande quantite de les traduisent et les rangent ainsi :
pierres precieuses. Ill Reg., x, 2,10. Salomon lui-meme 3. crjAapaySo? 2.. Toidi£iov 1. crapStov
equipait des flottes pour le pays d'Ophir, qui avec d ? au- (12) 6. tao-Trc? 5. (raTr^stpos 4. av9pa|
tres produits de 1'Inde revenaient chargees de pierres 9. a[Al6u(7TO? 8. axatv); 7. X t y u p t o v
precieuses. Ill Reg., x, 11, t. iv, col. 1832. Et on sail (11)12. (6)11. 10.
eombien les anciens ont vante la beaute et 1'abondance
des pierres precieuses de ce dernier pays. S. Jerome, On peut remarquer que dans le manuscrit hebreu
Epist., cxxxv, 3, t. xxn, col. 1073-1074; Lassen, Indische qu'ils traduisaient, les Septante ne trouvaient pas le
Alter thumskunde, in-8°, 1866,1.1, p. 364; Vigouroux, La jaspe a Ial2 e place, mais a la sixieme, t. in, col. 1143.
Bible et les decouvertes modernes, 6e edit., Paris, 1896, Plusieurs anciens copistes pouvaient avoir transmit
t. in, p. 390. II y avait en Israel des artisans habiles a 1'un pour 1'autre deux noms qui ont une certaine res-
travailler ces pierres, a les tailler, a les enchasser, a les semblance dans le texte hebreu nsw et nbrv, les deux
graver. Ainsi Beseleel a 1'epoque de 1'Exode etait re- mots commencant par un >, yod, et 1'ensemble des
nomme en cet art, Exod., xxxv, 33; et son travail etait lettres ayant, surtout dans 1'ancienne ecriture, grande
reste celebre. Eccli., XLV, 13.
III. DETERMINATION DES ESPECES DE PIERRES PRE- analogie, ^^S'V, yahalom, et 39W''\., yasfeh.
CIEUSES. — Pour classer et denommer ces pierres pre- De m^me les copistes des Septante ont du intervertir
cieuses, les Hebreux ne pouvaient, comme aujourd'hui, 1'ordre des deux dernieres pierres, le Soham a la
s'arreter a 1'analyse de leur composition chimique et a lle place de 1'hebreu etant 1'onyx, qui se trouve dans
leurs formes cristallines. Pour eux, comme pour les la lecon actuelle des Septante rejele en 12e lieu, t. iv,
anciens, on tenait compte de la couleur surtout, des col. 1824. Nous avons indique la correspondance avec
autres qualites exterieures, de 1'usage, etc., et ainsi sou- le texte hebreu massoretique par des chiffres entre
vent on comprenait sous un meme nom des pierres de parentheses. La Vulgate suit la traduction des Seplante,
couleur identique ou approchante, mais de composilion et, comme elle, place le jaspe eu 6e lieu au lieu du 12«.
tres differente. De plus, avec le temps les denominations Mais cette version latine n'intervertit pas la 11« et la
ont change; ainsi par exemple on admet generalement 12« pierre.
que ce que les anciens appelaient chrysolithe est notre 3. Smaragdui> 2. Topazius 1. Sardius
topaze, et que le saphir n'etait qu'un lapis-lazuli, etc. (12) 6. Jaspis 5. Sapphirus 4. Carbuncul'u.s
De la la difficulte de determiner exactement 1'espece 9. Amethystus 8. Achates] 7. Ligurius
de pierre comprise sous les noms qu'ils employaient. On (6)12. Beryllus 11. Onychinus 10. Chrysolithus
peut aboutir cependant a des determinations certaines
ou du moins probables, en tenant compte des divers ele- Nous trouvons dans Josephe en deux passages de
ments de solution suivants : Petymologie des noms he- ses ouvrages, Bell. jud.f\, v, 7, et Ant. jud., Ill, vn,
423
5, remuneration des pierres du rational. On voit qu'il dans la traduction grecque de la description du ra-
suit les Septante : il conserve les mots employes par tional.
cette version pour rendre les termes hebreux, et 1'ordre (6)1. (5)2. aaitcpscpo; (4)3.
des rangees ; mais il intervertit plusieurs fois la place (3) 4. (12) 5. <rap86vu? (1) 6.
des pierres dans les rangees, sans doute parce qu'il
(10)7. (11)8. papuUo? (2)9.
cite de memoire. Et dans les deux passages indiques,
(8) 10. (7)11. yaxtvOo; (9)12.
sur ce dernier point, il ne s'arrete pas a la me'me dis-
position. Nous naettrons entre parentheses le numero On peut remarquer que des manuscrits portent
de la place des memes pierres dans le texte hebreu ac- -/apx^Scov au lieu de xa^xs8(*)V ou xa^xirl^^v > ce ctu^
tuel. donnerait, au lieu de la calcedoine, 1'escarboucle et
repondrait alors exactement au nofek du rational,traduit
Dans Sell, jud., V, v, 7.
av0pa£ par les Septante, t. n, col. 56. La chrysoprase
3. (TiiapaySos 2. T6"7i:a£oc 1. <rap8iov de saint Jean n'est peut-e"tre pas la chrysoprase mo-
(5) 6. aairqpeipo; (12) 5. taairi? 4. av8pa| derne et ne serait qu'une des varietes de 1'agate, le seba
(7)9. >cpjptov (9)8. ajxgBuffTo; (8)7. cr/aT^i; du rational, t. n, col. 742. L'hyacinthe ne serait autre
(10)12. XPu<*ft'9os (6)11. pYjpuXXoi; (11)10. ovv£ chose que le ligure, leSem du rational, t. m, col. 78ft
et t. iv, col. 254.
Dans Ant, jud., Ill, vii, 5. A 1'exception du uapSovul et du-corcaStov, qui devraient
3. ajidpaySo; [2. 1. crap86vu? echanger leur place, les pierres de 1'Apocalypse con-'
(5) 6. aarojsipoi (12) 5. 4. av9pa£ servent la disposition generate des 4 rangees du ra-
(8)9. axarnc (9)8. 7. Xtyupo; tional, tout en variant 1'ordre des rangees et la dispo-
6(12). firipuXXos 11. 6'vu£ 10. sition des pierres dans chaque rangee, Ainsi les
3 premieres pierres de saint Jean sont les pierres de
2° Pierres precieuses du roi de Tyr dans Ezechiel, la 2e rangee du rational selon le texte lu par les Sep-
XXVHI^ 13. tante, mais enumerees a rebours. Avec la transposition
1. 'Odem, 2. Pilddh, 3. Yahdlom, 4. Tarsis, 5. £o- indiquee tout a 1'heure, la 2e et la 3e rangee de saint
Aam, 6. ydsfeh, T, sappir, 8. nofek, 9. bdreqet. Cette Jean re'pondraient a la l re et a la 4e du rational. Les
enumeration de ^9 pierres se termine par vezdhdb, « et trois dernieres pierres de saint Jean sont les pierres de
de J'or. » la 3e rangee, dans un ordre ni semblable, ni inverse,
Les Septante ou bien lisaient un texte plus complet mais different. En somme done 1'enumeration de 1'Apo-
et different en plusieurs points; ou bien plus proba- calypse est visiblement inspiree du rational, sans en
blement, leurs copistes ont ajoute 1rois pierres et etre cependant la copie. Les 12 pierres du rational
modifie 1'ordre afin de se rapprocher de 1'e'numeration representaient pour les Hebreux tout ce qu'il y avait de
du rational. On lit en effet : plus beau en pierreries. Aussi Ezechiel s'en inspire
1. erapfiioc, 2. T07ta?to:, 8. <7[J.apaySo<;, 4. av6pa|, pour joindre la richesse du roi de Tyr. Et saint Jean
5. aampsipoi;, 6. taamc. qui ne pouvait manquer de voir et d'indiquer le carac-
tere typique de la loi ancienne a 1'egard de la nouvelle
Apres ces six premieres pierres le lexte ajoute ici et d'Israel avec le peuple Chretien, signale ainsi le
dpyupio? xa\ xpuffco?, « 1'argent et 1'or, » et il reprend : rapport entre les 12 patriarches et les 12 tribus avec
i;, 9. du.s6u(jTO?, 10. les 12 Apotres et le peuple nouveau. Apoc., xxi, 12,14.
11. {3Y|pvX>,ioc, 12. Les noms des 12 enfants de Jacob etaient, comme on
salt, graves par ordre sur chacune des 12 pierres. On
C'est, on le voit, absolument la disposition des croit generalement que eel ordre est celui de la nais-
Septante pour les 12 pierres du rational, tandis que sance. 1. Ruben, 2. Simeon, 3. Levi, 4. Juda, 5. Dan,
dans le texte hebreu d'Ezechiel il n'y a que 9 pierres 6. Nephthali, 7. Gad, 8. Aser, 9. Issachar, 10. Zabulon,
et elles sont disposees dans un ordre different des 11. Joseph, 12. Benjamin. — Joseph qui donna nais-
pierres du rational, soit selon 1'hebreu, soit selon la sance aux deux tribus d'Ephraim et de Manasse, occu-
version grecque. Les pierres du texte hebreu d'Eze- perait la onzieme place, ou se trouve 1'onyx ou sardo-
chiel repondent, dans kla traduction des Septante ,'de nyx aux deux couleurs.
la description du rational, aux numeros 1, 2, 11, 10, Avec les .divers moyens d'information indiques plus
12, 6, 5, 4, 3. Saint Jerome sur ce passage d'Ezechiel haut et la comparaison des pierres dans les differents
avait remarque la difference de 1'hebreu et des Sep- groupements qui tous dependent du rational, on peut
tante, et il ajoutaitqu'Aquila, Symmaque et Theodotion etablir le tableau suivant (fig. 83 A) :
en cet endroit differaient totalement entre eux, et
3. Emeraude 2. Topaze des anciens 1. Sarde ou Gornaline
avec les Septante, pour 1'ordre, le nombre et me'me (Vert pur) (Vert jaune) (Rouge-sang clair)
les noms. La Vulgate comme 1'hebreu n'enumere que 6. Beryl ou 5. Saphir des anciens 4. Escarboucle
9 pierres et suitle meme ordre, sauf qu'il y a interver- aigue-marine Lapis-Lazuli ou Grenat syrien
sion entre le jaspe et le beryl. Le syriaque et le chal- (Vert bleudtre) (Bleu del) (Rouge lie de inn)
deen n'ont que huit pierres. 9. Amethyste 8. Agate ou 7. Ligure ou hyaeinthe
3° Les pierres de la Jerusalem celeste. — Nous trou- (Violet pur) Chrysoprase (Rouge orange
vons deja dans Tobie, xm, 16-17 (texte grec), un essai (Grisdtre clair) fonce)
de description de la Jerusalem celeste, ou entrent les [12. Jaspe. 11. Onyx ou varie'te' 10. Chrysolythe des
(Vert fonce) de Sardoine anciens (notre topaze)
pierres precieuses, mais moins developpe que dans (Blanc et rouge) (Jaune d'or)
1'Apocalypse. « Les murs de Jerusalem sont de saphir et
d'emeraude et de diverses pierres precieuses ; les rues L'arrangement harmonieux des couleurs demande
sont pavees de beryl et d'escarboucle. » Dans FApoca- que le beryl soit a la sixieme place et non a la douzieme.
lypse, xxi, 18-20, les pierres sont au nombre de 12 que Le jaspe fait moins bien,;place sous 1'emeraude, qu'a la
saint Jean ne range pas par series, mais que nous douzieme place. La disposition donnee dans le texte
disposons en 4 rangees pour les comparer plus facile- hebreu est done plus heureuse que celle des Septante,.
ment avec les pierres du rational. Nous faisons pre- IV. LlSTE ALPHABETIQUE .DES PIERRES PRECIEUSES DE
ceder chaque pierre d'un chiffre indiquant le numero LA BIBLE. — En dehors des pierres du rational qui for-
d'ordre dans le texle de TApocalypse. Le chiffre place ment comme 1'ecrin des plus belles pierres connues
entre parentheses indique la place correspondante des Hebreux, auxtemps anciens,il y a quelquesgemmes
DICT. DE LA B I B L E L E T O U Z E Y & A N E EDIT.
I. PIERRES DU RATIONAL
I COR A11.
^
riTAMANT=CORISDON U M I ' I D E
CHRYSOPRASE SAPHIR
XXVIH, 17; xxxix, 19; la seconde aussi de Penumeration ds ©sov. La piete et la crainte de Dieu ne sont done,
d'Ezechiel, xxvm, 13; la 9e pierre fondamenlale de la dans le passage d'lsai'e, qu'une seule et meme chose.
nouvelle Jerusalem. Apoc., xxi, 20. Ce n'est pas la Cf. Touzard, Isaie, xi, 2-3, et les sept dons du Saint-
belle pierre jaune d'or que nous nommons aujour- Esprit, dans la Revue biblique, 1899, p. 249-252.
d'hui topaze et que les anciens appelaient chrysolithe. Apres la restauration messianique, Jerusalem sera ap-
C'est une pierre d'Ethiopie, Job, xxvm, 19, qui pourrait pelee « Splendeur de la piete ». Bar., v, 4. Les auteurs
n'fitre qu'un peridot, ou une pierre vert olive, ou vert sacres celebrent la piete de Josias, Eccli., XLIX, 4,
jaune. Voir TOPAZE. et celJe d'Onias III. II Mach., in, 1. Les premiers an-
V. COMPARAISONS. — Les pierres precieuses en gene- cetres d'Israel n'ont pas laisse faiblir tiqofam, « leurs
ral, ou telle pierre deterrninee, servenl de terme de obeissances » ou « leurs esperances », Sutaiocruvat,
comparaison pour marquer une chose de grand prix. « leurs justices », pietates, « leurs temoignages de
Ainsi 1'attente de celui qui espere est une pierre pre- piete ». Eccli., XLIV, 10. Une recompense est reservee
cieuse. Prov., xvii, 8. Les levres savantes ont plus de a ceux qui s'endorment dans la piete, c'est-a-dire dans
valeur que les pierres precieuses. Prov., xxn, 5. La la fidelite au service de Dieu. II Mach., xn, 45.
sagesse est superieure a la topaze d'Ethiopie. Job., xxvm, 2° Dans le Nouveau Testament, la piete ne se con-
19. — Dans Ps. cxix, 127, ou le Psalmiste aime la loi de fond plus simplement avec la crainte de Dieu ou la
Dieu plus que 1'or fin, pdz, les Septante et la Vulgate religion en general; elle suppose quelque chose de plus
ont vu a tort une pierre precieuse, la topaze. genereux et de plus affectueux dans le service de Dieu,
VI. BIBLIOGRAPHIE, — Theophraste, De lapidibus; en reponse a la bonte et a 1'amour du Sauveur pour
Pline, H. N., xxxvii; S. Epiphane, De duodecim gem- les hommes, Tit., m, 4, et comme effet de la grace
mis (t. XLIII, col. 294-304) et son ancienne version plus puissante de la Loi nouvelle. Car 1'incarnation est
latine (toe. cit., col, 322-366); S. Isidore, Etymolog., « un grand mystere de piete », c'est-a-dire de 1'amour
xvi, 6-15, De lapidibus, t. LXXXII, col. 570-580; J.Braunius, de Dieu envers Phomme, provoquant 1'amour de
Vestitus Sacerdotum hebrseorum, in-8°, Leyde, 1680, 1'homme envers Dieu. I Tim., m, 16. Une « doctrine
1. II, c. vm-xix, p. 627-745; E. Fr. R. Rosenmiillcr, conforme a la piete » est celle qui s'inspire des grands
Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leip- mysteres de la foi. I Tim., vi, 3. Les Chretiens doivent
zig, t. iv, Ire partie; G. B. Winer, Biblisches Realwor- vivre « en toute piete et honnetete », par consequent
terbuch, in-8°, Leipzig, 1847,1.1, p. 281-284, Edelsteine; fideles a tous les devoirs de la vie surnaturelle et a ceux
Ch. William King, Antique Gems, in-8°, Londres, 1860; de la vie naturelle. I Tim., n, 2. Les femmes chre-
2e edit., 2 in-8°, 1872; The natural history of gems or tiennes font profession de piete, Osoo-ISssa, pietas, au
decorative stones, in-12, Londres, 1867; 2e edit., 1870; moyen des bonnes ceuvres. I Tim., n, 10. Saint Paul
de Saulcy, dans la Revue archeologique, aout 1869, recommande vivement a son disciple de s'exercer a
p. 91; Ch. de Linas, Les origines de Vorfevrerie cloison- la piete, comme a quelque chose qui peut et doit
ne'e, 3 in-8°, Paris, 1877, 1878, 1887; Clement Mullet, toujours grandir. I Tim., iv, 7. II veut qu'il recherche
Essai sur la mineralogie arabe, extrait du Journal « la justice, la piete, la foi, la charite, la patience, la
asiatique, 1868; E. Jannetaz et E. Fontenay, Diamant douceur. » I Tim,, vi, 11. La piete est done d'un degre
et pierres precieuses, in-8°, Paris, 1881; Ch. Barbot et superieur a la justice. « Elle est utile a tout : elle a
Baye, Guide pratique dujoaillier, in-8, Paris, s. d,; des promesses pour la vie presente et pour la vie a
dans Daremberg et Saglio, Diclionnaire des antiquites venir, » par consequent est profitable meme a la vie
grecques et romaines, t. n, 2e partie, in-4°, 1896, article du temps, loin de lui nuire. I Tim., iv, 8. « C'est une
Gemmse par E. Babelon, p. 1460-1488; dans Hastings, grande richesse que la piete contente du necessaire »
Dictionary of the Bible, t. iv, in-4°, 1902, p. 619-621, et ne s'embarrassant pas des biens inutiles de ce
article Precious Stones de W. M. Flinders-Petrie. — monde. I Tim., vi, 6. II y a des hommes vicieux,
On peut consulter aussi les divers lapidaires et les au- « ayant les dehors de la piete sans en avoir la realite. »
tres ouvrages cites aux articles speciaux sur chaque II Tim., m, 5. « Us ne voient dans la piete qu'un
espece de pierres precieuses. E. LEVESQUE. moyen de lucre, » parce qu'eux-memes sont prives de
la verite, I Tim., vi, 5, et que c'est « la verite qui
PIERRERIES/pierres precieuses. Voir PIERRES PRE- conduit a la piete ». Tit., i, 1. La vraie foi est done
CIEUSES. seule la source de la piete sincere. La grace enseigne
a renoncer a 1'impiete et aux convoitises mondaines,
PIETE (grec : iuoigeta; Vulgate : pietas], applica- pour vivre dans le siecle present avec temperance,
tion de toute sa volonte et de tout son coeur au service justice et piete. Tit., n, 12. Mais le monde ne s'accom-
de Dieu. — 1. Dans 1'Ancien Testament, 1'idee de piete mode pas de la piete, et « tous ceux qui veulent vivre
est represented par les mots hesed, « zele, devoue- avec piete dans le Christ Jesus, auront a souffrir perse-
ment » envers Dieu, Eccli., XLIX, 4, d'ou les noms de cution. » II Tim., in, 12. — Saint Pierre veut aussi
f
anse hesed, « hommes de piete », et hasidim, donnes qu'a leur foi les Chretiens ajoutent la vertu, le discer-
aux hommes pieux, Is., LVII, 1; irffh, « crainte », nement, la temperance, la patience, la piete, 1'amour
voir CRAINTE DEDIEU, t. H, col. 1099; sede'q, « justice ». fraternel, la charite, autant de dons qui viennent de
Voir JUSTICE, t. in, col. 1875. Dans Isai'e, xi, 2, 3, il Dieu. II Pet., i, 3, 6, 7. Us doivent veiller a la saintete
est dit que sur le rameau de Jesse reposera de leur conduite et a leur piete, en attendant le jour
L'esprit de science et de crainte de Jehovah,
du Seigneur, II Pet., in, 11, qui « sait delivrer de
Et il respirera dans la crainte de Jdhovah. Pepreuve les hommes pieux ». II Pet., n, 9.
H. LESETRE.
Dans les deux vers, le meme mot ir'dh est employe; PIETON (hebreu: ragli; Septante : ir£?d;; Vulgate :
il s'agit done, de part et d'autre, de la me'me crainte de pedes), homme de pied. Ce terme ne s'emploie que
Dieu, c'est-a-dire de la religion envers lui. Les versions, dans les denombrements de troupes, Exod., xn, 37;
pour ne pas repeter deux fois le meme mot, 1'ont tra- Num., xi, 21; Jud., xx, 2; I Reg., iv, 10; xv, 4;
duit une premiere fois par sucregeta, pietas, et la se- II Reg., x, 6; III Reg., xx, 29, et Pon oppose le pieton
conde par (pogoc, timor, « crainte ». Les deux mots au cavalier ou au soldat monte sur un char. IV Reg.,
ont ici exactement le meme sens, comme le montre la xin, 7; I Par., xvm, 4; xix, 18. On lit dans Jeremie,
double traduction grecque d'un meme verset des Pro- xii, 5 : « Si tu cours avec des pie tons et qu'ils te
verbes, i, 7, par les Septante qui yrendent successive- fatiguent, pourras-tu lutter avec des cavaliers? » Le
ment ir'af Yehovdh par.<p66o? Kypt'ov et par prophete s'applique a lui-meme cette remarque : il est
429 PIETON — PILA.TE ( P O N C E ) 430
e
haii et persecute par ses propres eoncitoyens; comment 4 edit., Leipzig, 1904, p. 487; pour 1'an 2 7, J. Belser
pourra-t-il tenir devant des ennemis plus forts, les Geschichte des Leidens nnd Sterbens des Herrn, in-8",
etrangers? H. LESETRE. Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 332. Le gouvernement de
Pilate eut done, comme celui de Valerius Gratus, une
PIGEON (Vulgate : columba}. Voir COLOMBE, t. 11, assez longue duree, et c'est uniquement sous le regne
col. 846. de Tibere qu'il fut exerce. Or, Tacite, Ann., i, 80; rv,
6, et Josephe, Ant. jud., XVIII, vi, 5, font remarquer
PILA, « mortier ». La Vulgate, Soph., i, 11, a que, par principe, ce monarque laissait longtemps ses
traduit par Pila le nom propre hebreu Maktes, loca- magistrats en fonction dans les provinces.
lite des environs de Jerusalem ou quartier de cette ville. 3° Caractere general et quelques episodes de son
Voir MACTHESCH, t. rv, col. 531. administration. — Ce qu'en racontent les auteurs sa-
cres et profanes montre, d'un cote, a quel point etait
1. PILATE (PONCE) (grec : HOVTIO? flfXato;), pro- penible et difficile, a cette epoque, la tache d'un gou-
curateur remain de la Judee au temps de Jesus-Christ. yerneur de Judee, et, d'un autre cote, combien Pilate
Independamment des recits evangeliques relatifs a la fit peu d'efforts pour rendre son administration conci-
passion de Notre-Seigneur, Matth., xxvn, Marc., xv, liante a Fegard des Juifs. La lettre d'Agrippa a Caligula,
Luc., xxin, Joa., xvm-xix, il est nomme plusieurs fois citee par Philon dans sa Legatio ad Caium, xxxvm,
dans le Nouveau Testament : Luc., in, 1, pour fixer trace de lui un portrait peu flatteur, dans lequel il y a
1'epoque a laquelle saint Jean-Baptiste inaugura son certainement quelque exageration, puisqu'il provient
ministere; Luc., xin, 1, a propos d'un acte particuliere- d'un ennemi jure, mais dont 1'histoire ne constate que
menl cruel de son gouvernement, Act., in, 13; iv, 27; trop bien 1'exactitude generale. Cette lettre dit de lui
xin, 28, et I Tim., vi, 13, comme responsable de qu'il etait « inflexible de caractere et dur avec arro-
la mort du Sauveur. Parmi les auteurs classiques, gance ». Elle lui reproche « la corruption, les vio-
Tacite est seul a le mentionner. Ann., xv, 44. Philon lences, la rapine, les mauvais traitements, les vexations,
et Josephe parlent souvent de lui, le premier dans sa de perpetuelles executions sans jugement prealable, des
Legatio ad Caium, xxxvm, le second dans ses Anti- cruautes sans nombre et insupportables ». Detestant
quites et dans le Bellum judaicum. Voir plus has, les Juifs et ne comprenant rien a leur temperament ni
col. 430 et431. a leurs sentiments religieux, il pretendit les gouverner
1° Son nom et son origine. — Son nom complet, d'apres sa propre volonte, et les faire flechir en tout et
qui n'apparait qu'une seule fois dans le Nouveau Tes- malgre tout. Mais, aussi faible et irresolu par moments
tament, Luc., m, 1, est Pontius Pilatus. II est possible qu'il etait d'ordinaire intraitable, il contribuait lui-
qu'il ait appartenu, soit par son ascendance propre- meme a amoindrir son autorite; aussi fut-\\ -vamcu a
ment dite, soit par adoption, a la gens Pontia, d'origine plusieurs reprises par ceux dont il croyait pouvoir aise-
samnite et celebre des le debut de 1'histoire romaine. ment triompher, et il finit merne par etre lout a fait
Voir le P. Ollivier, Ponce Pilate et les Pontii, dans la brise par eux. Son opiniatrete et sa maladresse occa-
Revue biblique Internationale, t. v, Paris, 1896, p. 247. sionnerent plus d'une fois des mouvements de rebel-
254, 594-600. Pilatus n'etait qu'un surnom, un cogno- lion, qu'il dut ensuite etouffer dans le sang.
men, dont il est difficile d'expliquer la provenance. Des les premiers mois qui suivirent son installation,
C'est a tort qu'on Fa rattache parfois a pileus, bonnet il froissa jusqu'au vif les habitants de Jerusalem, et
de laine dont on coiffait les esclaves lorsqu'on les tous les Juifs de Judee par la meme. Ses predecesseurs,
affranchissait; en effet, dans ce cas, on eut dit pileatu$. fideles a la politique d'apres laquelle Rome accordait
La veritable etymologie semble etre plutot pilum ou habituellement une grande liberte aux provinces con-
pila, « javelot, » de sorte que pilatus signifierait : quises, lorsqu'il ne s'agissait que de leurs atfaires in-
« arme du javelot. » Gf. Virgile, Mn., xn, 121-J22. terieures, s'etaient montres fort accommodants sur
D'apres sa fonction, Pilate devait appartenir a 1'ordre certains points qui touchaient aux idees religieuses des
des chevaliers romains. Juifs. C'est ainsi qu'ils avaient faitenlever, sur les eten-
2° Son titre et la duree de son administration. — dards du detachement militaire qui tenait garnison a
Pilate porte, dans le texte grec de saint Matth., xxvii, Jerusalem, toutes les images et effigies qui presen-
2, 11, 14, etc., et de saint Luc, xx, 20, comme aussi taient un caractere idolatrique. Pilate, au contraire,
dans Josephe, Ant., XVIII, HI, 1, le titre moins exact de voulut que les soldats envoyes par lui dans /a ville
r.yspuov. Cf. Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, 1, 10; xxvi, 30. sainte y entrassent avec leurs enseignes munies de
En latin, son titre officiel etait, non pas presses, comme tous leurs emblemes. II ne prit d'autre precaution que
nous lisons habituellement dans la Vulgate aux pas- de faire penetrer homines et drapeaux pendant la nuit.
sages qui s'occupent de lui et d'autres gouverneurs de La colere des Juifs fut grande, lorsqu'ils s'apercurent,
la Judee, mais procurator, dont 1'equivalent grec etait le lendemain matin, de 1'outrage qui leur avait ete fait.
iTrttpoTto;. Voir Tacite, Ann., xv, 44; Philon, Legal, ad En nombre considerable ils se rendirent a Cesaree, ou
Caium, xxxvm; Josephe, Bell, jud., II, ix, 2. Avant lui le procurateur avait sa residence ordinaire, et, pendant
a partir de la deposition d'Archelaiis, par Auguste, 1'an 6 cinq jours, ils protesterent avec une telle energie, que
de notre ere, quatre procurateurs s'etaient succede en Pilate, qui avait d'abord pris le parti de les faire mas-
Judee et en Samarie, — car leur juridiction s'etendait sacrer, dut ceder, en voyant qu'ils etaient prets a
aussi a cette seconde province. C'etaient : Coponius mourir tous, plutot que de supporter cet affront. Cf.
(6-9 apres J.-C.), Marcus Ambivius (9-12), Annius Rufus Josephe, Ant. jud., XVIII, HI, 1-2; Bell, jud., II, ix,
(12-15), Valerius Gratus (15-26). II fut done le cinquieme, 2-4. — Plus tard, malgre cette lec.on humiliante, il
et il exerca ses fonctions entre les annees 26 et 36 de commit une faute toute semblable,en faisant suspendre
1'ere chretienne; par consequent pendant dix ans, dans le palais qui lui servait d'habitation lorsqu'il se-
comme le dit Josephe en termes expres, Ant. jud., journait a Jerusalem, des boucliers d'or dedies a Tibere
XVIII, iv, 2. II entra en fonction la douzieme annee de et munis aussi d'inscriptions ou de symboles idola-
Tibere, Eusebe, H. E., i, 9, t. xx, col. 107, laquelle triques. Une insurrection faillit eclater. Averti par les
correspond, non pas a 1'an 27 apres J.-C., comme on 1'a Juifs, 1'empereur ordonna lui-meme d'enlever au plus
dit parfois, mais a 1'an 26. Cf. Ewald, Geschichte Christi tot la cause du desordre. Voir Philon, Legal, ad
und seiner Zeit, in-8», 2<= edit., Gcettingue, 1857, p. 36; Caium, xxxvm, edit. Mangey, t. n, p. 590; Eusebe
T. Keim, Geschichte Jesu vonNazara, in-8°, 1.1, Zurich, H. E., n, 6, t. xx, col. 154. — "Plus tard encore, Pilate
1867; E. Schxirer, Geschichte des judischen Volkesfm-80, se permit de puiser dans le tresor sacre du temple de
431 PILATE (PONCE)
Jerusalem, sous pretexte de se procurer ainsi lesfonds 1'interieur du pretoire, tantot discutant avec les Juifs,
'necessaires pour construire un aqueduc grandiose, qui qui etaient demeure"s en dehors. Les reflexions de 1'evan-
amenerait dans la capitale 1'eau des reservoirs de Sa- geliste et eelles du gouverneur nous permettent de lire
lomon, situes a environ 15 kilometres au sud-ouest de jusqu'au fond de 1'ame de ce dernier.
Bethlehem. Des troubles violents s'ensuivirent et le Le procurateur ne pouvait guere ne pas connaitre,
sang coula encore abondamment. Cf. Josephe, Ant. au moins denom et depuis quelque temps, Jesus-Christ,
jud., X.VIII, in, 2; Bell, jud., II,ix, 4; Eusebe, H. E., qui avait excite une si vive emotion datvs Jerusalem
II, vi, 6-7, t. xx, col. 114; E. Sthurer, Geschichte des durant les derniers jours. Quoi qu'il en soit, les evan-
jud. Volkes,te edit., t. i, p. 490-491. gelistes sont unanimes a affirmer que, malgre lagravite
Saint Luc, xin, 1, signale brievement un episode des crimes reproches a I'accuse par les princes des
egalement tragique de 1'administration de Pilate : « II pretres, Pilate fut promptement convaincu de sa par-
y avait la (pres de Jesus, a certain jour de sa vie pu- faite innocence. Des le premier instant, il avait perce
blique) quelques hommes qui lui annoncerent ce qui a jour la futilite de leurs accusations, etreconnu qu'ils
etait arrive aux Galileens, dont Pilate avait mele le sang le lui avaient livre « par jalousie », par haine. Cf.
avec celui de leurs sacrifices..» Nous ne connaissons Matth., xxvii, 18; Marc., xv, 10. Aussi refusa-t-il long-
cet incident que par le recit du troisieme Evangile; mais temps d'acquiescer a leur demande, dont l'injustice
il est en parfaite harmonie avec la conduite habituelle etait flagrante. Cf. Matth., xxvii, 23-24; Luc., xxm, 4,
de Pilate, comme aussi avec le caractere belliqueux 14, 22; Joa., xvm, 38; xix, 4, 6. Le recit sacre nous le
des Galileens, qu'on etait sur de trouver parmi les presente me"me comme prenant un grand interet a
Zelotes les plus exaltes, les plus remuants. Cf. Josephe, Jesus, d'abord a cause de son majestueux silence,
Ant. jud., XVIII, ix, 3, etc. II s'agit sans doute d'une Matth., xxvii, 14; Marc., xv, 4-5, puis a cause de ses
tentative de revolte, qui fut aussitot reprimee par le graves et sublimes reponses, Luc., xxm, 3; Joa., xvm,
gouverneur avec une implacable severite. Les rebelles 33-38; xxix, 9-11. De la ses efforts multiplies pour le
furent assaillis par les soldats de Pilate et egorges dans sauver : il proclame plusieurs fois et hautement son
les parvis memes du temple, au moment oujes pretres innocence (voir ci-dessus); il le renvoie a Herode,qui,
immolaienl les animaux que ces malheureux offraient lui non plus, ne le trouve pas coupable, Luc., xxm,
en sacrifice, de sorte que leur propre sang se jnela a 6-15; il propose de le faire flageller, pour apitoyer le
celui de leurs victimes. peuple, Luc., xxm, 16; il essaie d'user du droit de
4° -Sow role dans la passion du Sauveur est fort bien grace en sa faveur, Matth., xxvii, 15-23; Marc., xv,6-15;
resume dans ces mots de Tacite, Ann., xv, 44 : Christus, Luc., xxin, 17-25; Joa., xvm, 39-40; il le montre a la
Tiberio imperitante, per procuratorem Pontium Pi- foule, couronne d'epines et tout ensanglante, Joa., xix,
la turn, supplicio adfectus fuerat. Malgre la parole si 4-5; enfin, il degage sa re.sponsabilite par un acte sym-
misericordieuse et si delicate de la divine victime : bolique. Matth., xxvii, 24.
« Celui qui m'a livre a toi commet un plus grand Les Evangelistes mettent ainsi a nu sa conscience
peche, » Joa., xix, 11, Pilate deraeure a tout jamais impressionnee, qu'ebranlait, mais trop superficielle-
couvert d'infamie par Fattitude lache, egoi'ste, inique ment, le desir d'arracher a la mort ce juste, qui ne
qu'il prit a 1'egard de Jesus-Christ, en n'osant pas re- ressemblait a aucun des accuses conduits jusque-la
sister jusqu'au bout au fanatisme cruel des Juifs. Tou- devant son tribunal. Son ame superstitieuse, quoique
tefois, dans le Credo, les mots Passus sub Pontio incredule, fut tout particulierement frappee, lorsqu'il
Pilato ont ete inseres, moins pour mettre en relief entendit les Juifs reprocher a Jesus de s'etre fait Fils
1'odieuse injustice du procurateur, que pour,fixer la date de Dieu. Joa., xix, 7. II craignait que Notre-Seigneur ne
officielle de (la mort de Jesus-Christ, et pour montrer, fut quelque dieu ou demi-dieu de la mythologie, auX
par la-meme, que le christianisme repose sur une base represailles duquel il redoutait de s'exposer. Aussi
historique certaine. Cf. S. Augustin, De fide et sym- s'empressa-t-il de le questionner sur son origine : Unde
bolo, c. v, t. XL, col. 187. es tuf La reponse de Jesus le rassura. Cf, Joa., xix,
Les membres du Sanhedrin, prives par Rome du jus 9-12.
gladii, et n'ayant pas le droit d'executer la sentence de Finalement il ceda, « pour donner satisfaction au
mort qu'ils avaient portee contre Jesus, conduisirent peuple, » Marc., xv, 15; « il livra (Jesus) a leur volonte, »
Notre-Seigneur au pretoire, pour obtenir du procura- Luc., xxm, 24, surtout lorsque les Juifs 1'eurent me-
teur la ratification de leur jugement. C'est done devant nace tres ouvertement de la disgrace de Cesar. Joa.,
le tribunal de Pilate que se passa la seconde partie du xix, 12. II monta done sur son tribunal et proclama la
proces du Sauveur, celle qu'on nomme le proces civil, sentence du Sauveur. Joa.,xix, 15. II avait mis a profit
par opposition au proces ecclesiastique, qui avait eu les rudes lecons que lui avaient donnees les Juifs. Pour
lieu chez Cai'phe. Pilate se trouvait alors a Jerusalem, a ce magistrat egoi'ste, sans principes moraux, guide
- 1'occasion de la fete de la Paque, selon la coutume des seulement par les considerations mondaines et poli-
gouverneurs remains, pour prevenir par sa presence, tiques, qu'etaient les droits les plus sacres 'd'un inno-
et au besoin pour chatier aussitot le moindre mouve- cent, des lors que son interet personnel etait en jeu?
ment insurrectionnel. Sa conduite en cette circonstance La conservation de son emploi si lucratif et si hono-
solennelle, assez brievement esquissee par saint Mat- rable 1'emportait sur tout le reste. C'est ainsi que, mal-
thieu,' xxvii, 1-25, et par saint Marc, xv, 1-15, est de- gre sa vaine protestation, il prit une tres grande part
crite d'une maniere plus complete, au point de vue au crime le plus affreux qu'aient jamais enregistre les
psychologique, soit par saint Luc, xxin, 1-25, soit sur- annales de 1'histoire. Les Constitutions apostoliques, v,
tout par saint Jean, xvni, 28-xix, 16, dont Fadmirable 14, t. I, col. 877, lui reprochent a bon droit sa lachete
analyse jette de vives claries sur les narrations des (ivavSpia). Quant a la question celebre qu'il adressa au
synoptiques. Voir J. Belser, Geschichte des Leidens Sauveur. « Qu'est-ce que la verite? » Joa., xvm, 38,
des Herrn, p, 337-338; L.-C1. Fillion, Evangile selon c'etait simplement la parole d'un dilettante, d'un scep-
saint Luc, introd. critique et commentaires, Paris, tique, qui regardait la verite comme une chose indiffe-
1882, p. 381-388; fivangile selon saint Jean, introd. rente et comme un mot sans portee. Aussi n'attendit-il
critiq. et commentaires, Paris, 1887, p. 335-349. Le meme pas la reponse de Jesus. — Semblable a lui-meme
quatrieme Evangile nous rend vraiment temoins de ce jusqu'au bout, apres avoir ete battu, cette fois encore,
drame auguste et douloureux, parlageant le recit en par les Juifs, il les traita avec dedain, en refusant opi-
petites scenes tres vivantes, qui nous font contempler niatrement de modifier 1'inscription qu'il avait fait
Pilate, tantot faisant 1'in.terrogatoire de Jesus dans placer au-dessus de la 'croix, Joa., xix, 19-22, ^et en
433 PILATE (PONCE) — PILATE (FEMME DE) 434
permettant a Joseph d'Arimathie de donner au corps bienheureux, et qu'il sera un tetnoin du Christ lors de
sacre de Notre-Seigneur une sepulture honorable. Cf. son second avenement, pour juger avec lui les douze
Luc., xxm, 50-52; «foa., xix, 38. tribus d'Israel. Voir Tischendorf, Evang. apocr., p. 426-
5° Sa revocation et sa mart. — Un dernier acte de 431. Les Abyssins vonl meme jusqu'a 1'honorer comme
cruaute, dont Josephe, Ant. jud., XVIII, iv, 1-2, nous un martyr, et celebrent sa fete le 25 juin. Cf. Stanley,
a conserve les details, ne tarda pas a renverser les Lectures on the History of the Eastern Church, in-8°,
calculs de cet homme politique et a amener sa chute. Londres, 1865, 3e edit., p. 13. Le mot de Tertullien au
Un certain nombre de Samaritains, seduits par un im- sujet de Pilate, jam pro sua conscientia christianus,
posteur, s'etant mis a faire des fouilles sur le mont Apolog., 21, t. i, col. 12, provient d'un sentiment ana-
Garizim, pres de Sichem, dans 1'espoir d'y trouver des logue, qu'on retrouve dans 1'evangile de Nicodeme, i, 2,
vases sacres que Moi'se y aurait caches avant sa mort, ou Pilate estdesigne comme «incirconcis dans la chair,
le gouverneur les fit massacrersanspitie. Leurs parents mais circoncis de cceur ». Voir Tischendorf, Evang.
et amis, exasperes, allerent se plaindre a Vitellius, qui apocr., p. 236; Origene, Horn, in Matth., xxxv, t. xni,
etait alors legat de Syrie. Celui-ci, voyant que Pilate col. 1773. On savait gre au gouverneur de la Jude"e des
etait devenu insupportable a ses administres, 1'envoya tentatives, pourtant si molles, qu'il avait faites pour
a Rome pour qu'il essayat de se justifier devant 1'empe- arracher Jesus-Christ a la mort.
reur; mais il n'arriva qu'apres la mort de Tibere. 6° Sibliographie. — Karl Hase, Leben Jesu, 5e edit.,
Les derniers faits de sa vie sont enveloppes d'ombre in-12, Leipzig, 1865, p. 248-249, cite une litterature
et de mystere; du reste, ils furent de bonne heure considerable composee surP^aYe. "Vow aussi EYyvhard,
defigures par la legende. On ignore meme en quel lieu Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung
et de quelle maniere il mourut. Suivant Eusebe, H. E., von i884-1900, l re partie, p. 144-146. Parmi les livres
II, vn, t. xx, col. 155, et Chronicon, l re annee de Cams, les plus recents, voir J. Langen, Die letzten Lebenstage
t. xix, col. 538, il aurait ete banni a Vienne dans les Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 261-294;
Gaules, 'ou, accable par 1'infortune, il aurait peri de sa Mommsen, Romische Geschichte, in-8°, t. v, 4e edit.,
propre main. Voir aussi le Chronicon paschale, t. XCH, Berlin, 1894, p. 508 sq.; P. Waltjer, Pilatus, eene
col. 557-559, et Orose, Hist., vn, 5, t. xxxi, col. 1071. Studie, in-8°, Amsterdam, 1888; G. A. Muller, Pontius
On voit encore dans cette ville un monument de forme Pilatus, der funfte Procurator von Judda, Stuttgart,
singuliere, une pyramide sur une base carree, qu'on 1888; Gratz, historien juif, Geschichte der Juden, t. in,
nomme le « tombeau de Pilate », mais qui n'a rien p. 253-271; A. E. Innes, The Trial of Jesus Christ, a
pour justifier ce titre. Le nom de Pilate, que porte une legal monograph, Edimbourg, 1899, in-8°, p. 61-123;
montagne voisine de la ville de Saint-Etienne, se rat- E. Schiirer, Gesch. des judischen Volkes im Zeitalter
tache sans doute aussi a ce souvenir. D'apres 1'histo- Christi, in-8°, t. i, 4e edit., Leipzig, 1904, p. 487-492;
rien grec Malalas, Chronograpkia, x, t. xcvn, col. 390, J. Belser, Die Geschichte des Leidens und Sterbens,
Pilate aurait ete decapite par Neron. Comp. Jean d'An- der Auferstehung und Himmelfahrt des Herrn, in-8°,
tioche, dans Muller, Fragmenta historicorum grseco- Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 323-339, 346-372.
rum, t. iv, p. 574, edit. Didot, et Suidas, au motNepwv. L. FILLION.
II semble du moins probable qu'en toute hypothese il 2. PILATE (ACTES DE), livre apocryphe Voir EVAN-
mourut de mort violente. Voir E. Schiirer, Geschichte GILES APOCRYPHES, t. II, Col. 2116.
des jud. Volkes, 4e edit., t. i, p. 493-494, On trouve de
curieux details sur ses derniers moments dans le traite 3. PILATE (FEMME DE). — Elle n'est mentionnee
apocryphe Mors Pilati. Cf. Fabricius, Apocryph., t. in, dans les Evangiles que par saint Matthieu, xxvn, 19 :
p. 505; Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., 1832, « Pendant qu'il (Pilate) etait sur son tribunal, sa femme
t. i, p. 796-798; Tischendorf, Evangelia apocrypha, lui envoya dire : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste
Ire «idit., 1851, p. 432-435; 2° edit., 1876, p. 456-458. (Jesus-Christ), car j'ai beaucoup souffert aujourd'hui en
Plus tard, la legende continua a se developper. Jete a songe a son sujet. » A part ce trait touchant, qui mani-
Rome dans le Tibre, le cadavre de Pilate y aurait occa- feste tout ensemble une vive et respectueuse sympathie
sionne des tempetes et des inondations. Dans le Rhone, pour le Sauveur, et la crainte que son mari ne s'em-
ou on 1'emporta ensuite, les memes phenomenes terri- barrassat dans de graves difficultes, s'il ne se degageail
bles se reproduisirent. Enfin, on le precipita dans un immediatement de ce proces, nous ne savons rien de
petit lac, situe pres de Lucerne, au sommet du mont bien certain sur elle. — Une ancienne tradition 1'appelle
Pilate, dont le nom viendrait precisement de eel epi- Procla, IlpoxXa, ou Claudia Procula, et fait d'elle une
sode. Ou bien, apres avoir erre au loin, poursuivi par femme pieuse, bien plus, une « proselyte de la porte ».
le remords, 1'ancien procurateur seraitalle de lui-meme Voir PROSELYTE. Dans I'Evangile de Nicodeme, chap, n,
cacher son infortune sur cette cime gigantesque, et Pilate dit d'elle : Geoasprj? sort xal fxaXXov {ou8ai^£!.
aurait flni par se noyer de desespoir dans le lac qu'on Cf. Thilo, Codex apocryph. Novi Testam., in-8°, 1832.
y voit encore. Cf. A. Liitolf, Sagen, Srauche und Le- t. i, p. 523; Tischendorf, Evangelia apocrypha, in-8»,
genden an den funf Orten, Lucerne, 1865; Creizenach, Leipzig, 1851, p. 332; Nicephore, Historise, i, 30, t. CXLV,
Pilatus-Legenden, 1894; James, Apocrypha anecdota, col. 720. Or, nous savons par Josephe, Ant., XVIII, m,
dans les Texts and Studies, edites par Robinson, t. v, 5; Bell, jud., xx, 2, et par Juvenal, Sat., vi, 543, que
fasc. i, 1897, p. XLV-L, 65-81. les femmes romaines, meme celles qui appartenaient
Fait surprenant : cette triste figure a excite de bonne aux classes superieures, etaient attirees par la religion
heure une certaine sympathie. II est vrai que c'etait a judaiique, qui parlait beaucoup plus a leur ame que le
une epoque ou Ton aimait a disculper Pilate et les Ro- paganisme si vide d'alors. II est probable que la femme
mains, pour aggraver le crime des Juifs deicides.Comp. du procurateur avait entendu parler de Notre-Seigneur,
YEvangel. Petri, dans E. Preuschen, Antilegomena, et qu'elle avait concu une grande admiration pour sa
die Reste der ausserkanonischen Evangelien, Giessen, conduite et son enseignement.
1901, in-12, p. 13-18. C'est ainsi que, d'apres la Para- Les interpretes discutent sur la nature du songe au-
dosis Pilati, le gouverneur, condamne a mort par quel fait allusion son message a Pilate. Plusieurs au-
Tibere et sur le point d'etre execute, conjure Notre- teurs contemporains le regardent comme un fait pure-
Seigneur de ne pas permettre qu'il soit chatie avec ment naturel, provoque par 1'arrestation et le proces
les Juifs, et allegue son ignorance pour excuser en ecclesiastique de Jesus, dont elle aurait ete informee
partie sa conduite. Une voix lui repond du ciel, et avant de s'endormir. Voir Langen, Die letzten Lebens-
1'assure que toutes les generations le proclameront tage Jesu, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1864, p. 274-275-
435 E DE) — PIN
PILATE (FEMME PIN 436
Mais nous croyons, a la suite des Peres et de la grande un mortier, comme on broie le grain, avec le pilon, sa
majorite des commentateurs, qu'il est difficile de ne
pas reconnaitre a ce songe un caractere non seulement
providentiel, mais vraiment surnaturel. Toutefois, les
anciens ecrivains ecclesiastiques n'apprecient pas tous
de la meme maniere cette intervention surnaturelle.
II en est qui 1'attribuent au demon. La plupart des
exegetes lui donnent une origine celeste. Voir Origene,
Horn, in Matth., xxxv, t. xni, col. 1773; S. Jean Chry-
sostome, Horn. LXXXVI in Matth., i, t. LVIII, col. 764;
Schanz, Commenlar iiber das Evangel, des heilig.
Matthdus. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 540;
Mar Le Camus, La vie de N.-S. Jesus-Christ, 2e edit.,
in-8°, t. m, Paris, 1887, p. 315.
On a essaye, il est vrai, d'attaquer la valeur histo-
rique de cet episode, en rappelant la loi romaine qui
interdisait aux proconsuls, et aussi aux autres magis-
trats delegues dans les provinces, de se faire accompa-
guer par leurs femmes; mais cette loi, observee avec
rigueur sous la republique, tomba en desuetude a
1'epoque de 1'empire, comme nous 1'apprennent for- 85. — Pierres de quartz pour piler le grain, trouvees a Tell-
mellement Tacite, Ann., m, 33-34, et Suetone, Au- Yehudiyeh (XVIII- dynastie). D'apres W. M. Flinders Petrie,
gust., 24. Voir aussi Josephe, Ant., XX, x, 1; Ulpien, Hyksos and Israelite Cities, in-4°, Londres, 1906, pi. xv et
iv, 2. p. 17.
D'apres une tradition qui remonte au moins jusqu'au
temps d'Origene, a femme de Pilate aurait ete recom- folie ne se separera pas de lui, » comme 1'huile se se-
pensee de son devouement pour Notre-Seigneur en pare des olives. H. LESETRE.
acceptant la foi chretienne. Voir Origene, Horn, in
Matth., xxxv, t. xm, col. 1773, et les lettres apocryphes 'PIN (hebreu : 'oren; Septante : TTSTU?; Vulgate :
qu'auraient echangees Pilate et Herode, dans M. R. Ja- pinus), arbre vert assez abondant en Palestine.
mes, Apocrypha anecdota, 2e serie, Cambridge, 1897, I. DESCRIPTION. — Les arbres resineux de la famille
in-8°, p. 66-75. Le menologe grec va meme jusqu'a la des Coniferes doivent ce nom a leur appareil fructifere
ranger parmi les saints et place sa fete le 27 octobre. ou cone forme d'ecailles servant a proteger les graines.
Cf. Calmet, Dictionn. de la Bible, au mot Procla, Mais entre tousleurs congeneres les Pins se distinguent
edit. Migne, t. HI, col. 1268. L. FILLION. par la forme de ces ecailles pourvues sur le dos d'une
preeminence ou apophyse. Leur feuillage n'est pas
PILON (hebreu 'eli; Vulgate : pilus), masse de moins caracteristique, car les aiguilles foliaires, sur
bois, de metal (fig. !4) ou de pierre (fig. 85) destinee a 1'arbre adulte, sont reunies par petits groupes, de
84, — Egyptfens pilant dans un mortier. Thebes. L'inscription porte : k « Depechez-vous tous a 1'ouvrage en prenant soin
de tout ce qui vous est donnS; faites le pain. » I « On pile le grain dans les greniers de... »
D'apres Wilkinson, Manners of ancient Egyptians, 2e edit., t. n, p. 204.
concasser et a ecraser les objets places dans un mortier. deux ordinairement, proteges chacun par un involucre
Voir MORTIER, t. iv, col. 1311. — La manne est com- de folioles scarieuses. La floraison a lieu au printemps,
paree a « quelque chose de menu comme des grains », au lieu d'etre automnale comme chez les Cedres; les
et, d'apres la Vulgate, a « quelque chose d'ecrase au fleurs males emettent alors en extreme abondance la
pilon ». Exod., xvr, 14. Les grains peuvent etre ecrases poussiere pollinique qui emportee par le vent simule
au pilon; mais, si la manne se pretait au travail de la une pluie de soufre. Les cones mettent parfois 3 ans
meule ou du pilon, elle n'apparaissait pas a 1'etat concasse avant d'atteindre leur maturite. II en est ainsi, par
quand elle tombait. Voir MANNE, t. iv, col. 657. — Les exemple, dans le Pin-Pignon (Pinus Pinea L.), bel
enfants d'lsrael doivent apporter, pour le luminaire du arbre de la region mediterraneenne que la disposition
sanctuaire, de 1'huile « d'olives concassees », Septante : etalee de ses branches au sommet de la tige a fait nom-
xexo(i(i.svov, « martelees », et equivalemment, d'apres mer aussi Pin-Parasol. Son cone est ovoide obtus avec
la Vulgate, « martelees au pilon ». Exod., xxvn, 20. — des ecailles luisantes; ses graines deviennentdesamandes
Le mot cc pilon » ne se lit en hebreu que dans ce texte comestibles et volumineuses revetues d'une coque noi-
des Proverbes, xxvu, 22 : « Qu'on pile 1'insense dans ratre, tres dure, a aile presque nulle. Le Pin d'Alep,
437 PIN — PINAGLE DU TEMPLE 438
P. Hdlepensis Miller (fig. 86), est 1'espece la plus Cependant il est des critiques qui croient que le mot
repandue en Syrie, ou elle remplace le Pin maritime 'oren, pN, dont le nun final n'est pas regulierement
des rivages occidentaux; ses feuilles sont greles et forme dans les anciens manuscrits et pourrait bien
flexueuses; ses cones, plus allonges et penches a etre un zam mal ecrit, n'est autre que TIN, 'erez, le
1'extremite d'un court pedoncule, mettent 2 ans a murir > cedre. Ils pensent aussi que la suite logique du sens
demande qu'on Use a rebours les stiques de ce verset :
car il est naturel de planter le cedre avantde le couper.
Ils ont ainsi :
On a plants' des cedres et la pluie les fait croitre,
On laisse grandir les arbres de la foret,
Puis on prend le rouvre et le chene,
Et Ton coupe les cedres.
90. — Les planetes, d'apres les Babyloniens, represente'es sur une borne, sous le regne de Nabuchodonosor I",
roi de Babylone, vers 1300 avant J.-C. — D'apres Jeremias, Das alte Testament, 18C4, fig. 5, p. 1.1.
centre Schleiermacher); Entwurf einer neuen synop- Si a ces planetes on ajoute le .soleil ou Samas et la
tischen Zusammenstellung derdrei ersten Evangelien, lune ou Sin, on a les sept planetes des anciens (fig. 90).
in-8°, Goettingue, 1809; De vera natura atque indole On a retranche depuis de ce nombre le soleil, qui n'est
orationis grsecse Novi Testamenti commentatio, in-4°, pas une planete. et la lune, qui est un satellite de la
Goettingue, 1810; cet essai, qu'il publia comme pro- terre, et Ton y a ajoute la terre elle-meme, qui est une
gramme de son cours, quand il fut nomme professeur planete. — Les Egyptiens connaissaient aussi les cinq
extraordinaire de theologie en 1810, lui acquit une planetes, Ouapshetatooui ou Jupiter, Kahiri ou Saturne,
grande reputation. II travailla les dernieres annees do Sobkou ou Mercure, Doshiri, « le rouge », ou Mars, et
sa vie a un Lexique du Nouveau Testament, mais la mort Bonou, « 1'oiseau », ou Venus, ayant double figure,
l'emp£cha de 1'achever. — Voir Fr. Lucke, Fr. G. J. Ouaiti, ou etoile du soir, et Tiou-noutiri, ou etoile du
Planck, ein biographischer Versuch, Gcettingue, 1835. matin. Cf. E. de Rouge, Note sur les noms e'gyptiens
Dans cette biographic du pere d'Henri Louis, in-8°; des planetes, dans le Bulletin archeologique de I'Athe-
Lucke a reimprime, p. 135 sq., ce qu'il avait ecrit du neeuni franpais, t. 11, p. 18-21, 25-28. Sur un plafond
fils en 1831 au moment de sa mort, Zum Andenken an du tombeau de Seti I«r, sont jepresentees trois planetes
D. K. L. Planck, eine biographische Mittheilung. Voir debout sur leurs barques et cheminant lentement sous
Allgemeine deutsche Biographic, t. xxvi, 1888, p. 227. la conduite de Sahou ou Orion et de Sothis ou Sirius
(fig. 91). — Les ecrivains sacres ne mentionnent qu'in-
PLAN^TE, corps celeste dont la revolution est cidemment queiques planetes : helel, Venus,voir LUCI-
commandee par le soleil et dont 1'orbite decrit une FER, t. iv, col. 407; hag-Gad, probablement Jupiter,
ellipse autour de cet astre. Les planetes se distinguent voir GAD, t. HI, col. 24; kiyyun, correspondant a 1'as-
des etoiles fixes par leur absence de scintillation et par syrien ftaivamt, Saturne, cf. Jensen, Kosmologie,
leur deplacement au milieu des etoiles. C'est par suite p. 111-116; Oppert, Tablettes assyriennes dans le
d'une simple illusion d'optique que les planetes parais- Journal asiatique, 6e ser., t. xviii, 1861, p. 445;
seht se mouvoir a travers les etoiles, car elles sont a voir REMPHA.M. Saint Jude, 13, assimile les docteurs de
une distance effroyable de la plus rapprochee de ces mensonge a des uXcivY)T£? <xffT£pec> « astres errants ». II
dernieres. Les planetes n'ont pas de lumiere propre; est probable que 1'apotre songe plutot aux cometes.
elles°refle'chissent celle qu'elles recoivent du soleil et, Voir COMETE, t. n, col. 877. Les Chaldeens cependant
en consequence, presentent des phases regulieres, comparaient les planetes a des moutons capricieux,
comme la lune. On distingue aujourd'hui huit grandes libbon, echappes au troupeau des etoiles pour s'en
459 PLANETE — PLAT 460
aller paitre a leur guise. Cf. Jensen, Die Kosmologie, hebraico-latini loco, sacrse linguss studiosis inservire
p. 95-99; Jeremias, Das alte Testament, in-8°, Leipzig, possit, in-f°, Lodeve, 1644. Son second ouvrage est inti-
1904, p. 9-16. H. LESETRE. tule : Florilegium rabbinicum, ordine alphabelico
digestum, complectens hebraicas et chaldaicas vete-
PLANTAVIT DE LA PAUSE Jean, eveque fran- rum rabbinorum sententias dupllci charactere rabbi-
cais, ne en 1576 au chateau de Marcassargues, dans le nico et quadrato exaratas, versions latina, brevibus-
Gevaudan (aujourd'hui le departement de la Lozere), que, ubi opus est, scholiis in gratiam studiosorum
mort au chateau de Margon, pres de Beziers, en 1651. linguee sanctss illustratas, in-f°, Lodeve, 1644. A la fin
fileve dans le calvinisme, que professaient ses parents, une table donne les noms de tous les rabbins dont les
il y resta jusqu'a 1'age de 29 ans. II remplissait me*me maximes sont citees. Dans cet ouvrage 1'auteur fait de
les fonclions de ministre a Beziers, lorsqu'il se conver- nombreux rapprochements avec les maximes de 1'An-
tit au catholicisme et fit son abjuration dans cette cien et du Nouveau Testament.
ville (1605). Par la suite il devint pretre, et apres avoir Cet ouvrage appelait comme complement le suivant :
ete", successivement, grand vicaire du cardinal de Florilegium biblicum, complectens omnes utriusque
La Rochefoucauld, aumonier d'Elisabeth de France, Teslamenti sententias hebraice et grsece cum versione
reine d'Espagne, il fut promu, en 1625, par 1'interven- lalina et brevi juxta literalem sensum commentario
tion de cette princesse, a 1'eveche de Lodeve. Ses illustratas. L'ouvrage est divise en deux parties, La
infirmites 1'obligerent a resigner ce siege, en 1648, l' e contient les maximes tirees des livres de 1'Ancien
pour se retirer, dans le diocese de Beziers, au chateau Testament ecrits en hebreu. La seconde renferme les
de Margon. II avait etudie 1'hebreu avec le plus grand maximes du Nouveau Testament et des livres ecrits en
soin, et Ton a de lui Sous un titre qui rappelle le nom grec de 1'Ancien Testament. Les maximes sont dispo-
de 1'auteur : pin 7-02, nela" haggefen, Planta vitis, sen sees par ordre alphabetique du ler mot de la sentence
Thesaurus synonymicus-hebraico-chaldaico-rabbini- biblique en hebreu, ou en grec. In-f°, Lodeve, 1645. A
cus, in quo omnes totius hebraicas linguse voces una la fin un index donne toutes les sentences d'apres la
cum plerisque rabbinicis, talmudicis, chaldaicis, ca- Vulgate selon 1'ordre alphabetique. Une table des prin-
rumque significationes, etymon, synonymia, usus, cipales matieres termine le volume. Un exemplaire de
elegantige, paraphrases, idiotismi, ex hebraicorum ces trois volumes se trouve a la Bibliotheque nationale
Bibliorum contextu, horum chaldaicis paraphrasibus, A 2H8, 2719 et 2120. - Sur le mouvement d'etudes
ex immensa codicum Babylonici et Hierosolymitani bibliques auquel se rattache la composition du premier
Talmudica farragine, ex Rabbinorum commentatori- de ces ouvrages, voir t. n, col. 1415, 1416; pour la bio-
bus, grammaticis exposiloribus, cabbalistis, philoso- graphie, cf. PoiteviH-Peltavi: Notice sur Jean Planta-
phis et theologis, aliisque reconditis Hebreeorum vit de la Pause, in-8tf, Beziers, 1817. 0. REY.
nwnumentis, nova et exacla melhodo, per hexapla
TtapaXX/iXw; denvonstrantur, ac una cum auctoritatibus PLANTES DE PALESTINE. Voir BOTANIQUE SA-
e sacrarum Utterarum corpore depromptis energiam CREE, 1.1, col. 1867-1869; PALESTINE, t. iv, col. 2035-2041;
et emphasim vocum perhibentibus ample ac dilucide ARBRES, 1.1, col. 888-894; HERBES et HERBACEES (plantes),
explicantur : nonnullorum quoque vocabulorum grsc- t. in, col. 599 et 596-599; FLEUR, t. n, col. 2287; LEGUMES,
corum, latinorum, gallicorum, italicorum, hispani- t. iv, col. 160, et 1'article consacre a chaque plante.
corum, germanicorum, anglicorum, belgicorum, po-
lonicorum, ex etymologia ab hebrseo seu chaldaico PLAT (hebreu : §allahat, selohit; grec: Tuvaf, -rpu-
idiomate petita passim ubique indicatur; Quibus ac- 6Xtov, Ttapo^t;; Vulgate : vas, catinus, paropsis), usten-
cessit duplex Index locupletissimus qui jusli lexici sile servant a contenir certains aliments. Cet ustensile
461 PLAT — PLATANE
a le fond plat et est muni de bords plus ou moins eleves. Le Platanus orientalis, de Linne (fig. 93J, d'origine
II ne sert pas ordinairement a lacuisson; celle-ci se fait niediterraneenne et surtout asiatique, a ete repaudu
au four ou dans des marmites. Voir CHAUDIERE, t. n, par la culture dans toutes les regions temperees,
col. 628. — 1° Afin d'assainir deseaux, Elisee yjeta du parce qu'il supporte des froids tres rigoureux, et
sel qu'on lui avait apporte dans un plat neuf, -iSpcVxr,, prospere egalement sous les climats chauds, surtout
« vase a eau », vas. IV Reg., n, 20. — Pour donnerune au voisinage des eaux. II devient alors un arbre de
idee des malheurs que 1'impiete de Manasse altirera sur premiere grandeur, a cime large et reguliere, donnant
Jerusalem, le Seigneur ditqu'ilnettoieralaville comme un ombrage tres epais et ainsi tres propre a orner les
le plat qu'on nettoie et qu'on retourne snsuite, c'est-a- places publiques. Ses larges feuilles alternes et palma-
dire qu'il y fera place nette et bouleversera tout de tilobees sont munies de stipules concrescentes en
fond encomble. IV Reg., xxi, 13. Les versions appellent forme de manchette, et la base de leur petiole se di-
ici Je plat aXa6a<rrpo<:, « vase d'albatre », labulse, «.tablet- late en une poche qui protege le bourgeon axillaire.
tes », plateaux. — Sous Josias, on fitcuire les victimes de II se distingue surtout de tous les autres arbres d'ave-
la Paque dans des chaudrons et des plats, ollae. II Par., nue par 1'exfoliation de ses couches corticales externes,
xxxv, 13. — II est dit du paresseux qu'il plonge la main qui tombent par grandes loques, laissant le tronc lisse
dans le plat et ensuite a de la peine a la ramener jus- et nu. Boissier dit bien que le vrai platane d'Orierit
qu'a sa bouche. Prov., xix, 24; xxvi, 15. Les versions,
qui n'ont compris nulle part le sens du mot sallafyat,
le traduisent ici par « sein » et « aisselle ». — 2° Notre-
Seigneur reproche aux scribes et aux pharisiens de
nettoyer le dehors de la coupe et du plat en laissant a
I'interieur la rapine et Pintemperance. Matth., xxm,
25, 26; Luc., xi, 39. Le utvaS, dont parle ici saint Luc,
etait originairement une planche; le nom est passe suc-
cessivement au plateau de bois, puis au plat de terre ou
de metal. — Judas met la main au plat en meme temps
que le Sauveur, c'est-a-dire, comme 1'indique le con-
texte, prendpart au meme repas que lui. Matth., xxvi,
23; Marc., xiv, 20. Le catinus de la Vulgate etait un
96. — Pleureuses e'gyptiennes sur la barque funeraire. D'aprSs Wilkinson, Ibid., pi. LXVII.
les Orientaux, la douleur a toujours £te fort demonstra- la direction du corps, comme si elle voulait 1'asperger
tive. En Egypte, par exemple, « les enterrements des larmes que le tissu est cense avoir essuyees. Ge
n'etaienl pas, comme chez nous, de ces processions sont des pleureuses de profession, louees pour la cir-
muettes ou la douleur se trahit a peine par quelques constance ». Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris,
larmes furtives; il leur fallait du bruit, des sanglots, 1890, p. 165-166. — Les pleureuses n'etaient pas incon-
des gestes desordonnes. Non seulement on louait des nues chez les anciens Israelites. On s'y lamentait sur
pleureuses a gages qui s'arrachaient les cheveux, les morts. Ill Reg., xni, 30. Voir DEUIL, t. u, col. 1397.
chantaien't des complaintes et simulaient par metier Les chanteurs et les chanteuses firent entendre leurs
467 PLEUREUSES — PLOMB
lamentations sur Josias. II Par., xxxv, 25. Dans sa pro- flentes el ejulantes -muUuni, des pleureuses qui
phetic sur la ruine de Jerusalem, Jeremie, ix,17-20, ecrit: se lamentaient beaucoup. Malth., ix, 23; Marc., v, 38;
Luc., VIH, 52. Quand Notre-Seigneur dit que la jeune
Pensez a commander les pleureuses, qu'elles viennent! fille dormait et n'etait pas morte, toutes ces personnes
Envoyez chez les plus habiles, qu'elles viennent! a gages, musiciens et pleureuses, se moquerent de lui,
Qu'elles se hatent, qu'elles entonnent sur nous des lamenta-
Que les larmes coulent de nos yeux.... [tions,
en comptant bien que le salaire attendu ne leur ferait
Enseignez a vos lilies une lamentation, pas deTaut. Ces manifestations bruyantes de la douleur
Que chacune apprenne a sa compagne un chant de deuil, frappaient les enfants, qui les imitaient dansleursjeux
Car la mort est montee par nos fenetres... et disaient a leurs camarades : « Nous avons chante
97. — Pleureuses egyptiennes dans une scene de sepulture. D'apres Wilkinson, op. cit., t. in, pi. 69.
Cf. Eccle., xin, 5; Eccli., xxxvm, 16; Jer., xxn, 18; une lamentation et vous ne vous etes pas frapp£ la poi-
xxxi, 15; xxxiv, 5; Am., v, 16. Sur les complaintes des trine, vous n'avez pas pleure! » Malth., xi, 17; Luc.,
vii, 32. Cf. Ketuboth, iv, 6;Baba Metsia, vi, 1; Josephe,
Bell, jud., Ill, ix, 5. — II ne convenait pas aux chre-
tiens de donner a leur deuil une expression aussi
exageree; saint Paul leur recommande de ne pas
s'affliger comme les autres hommes qui n'ont pas
d'esperance. I Thes., iv, 13. L'Eglisea toujoursreprouve
les exces du deuil funebre. Les Remains avaient adopte
1'usage des pleureuses gagees (fig. 98), appelees prg&-
ficae, parce qu'elles etaient placees en.tete des corteges
funeraires. Cf. Aulu-Gelle, xvm, 7, 3. Les Chretiens
occidentaux repudierent toujours le service de ces
pleureuses, comme entache d'idolatrie. Les Orientaux
le conservereut dans une certaine mesure; mais les
Peres ne manquaient pas de combattre • cet usage.
Cf. Martigny, Diet, des antiq. chret., Paris, 1877,
p. 241, 280. Une curieuse inscription chretienne
(fig. 99) reprouve les cris pousses sur la tombe des
morts. L'inscription grecque est ainsi concue : « Spe-
rantius, aie bon courage, doux, excellent; » a gauche
de la seconde ligne, on voit un canard portant le mot
ANATEC, qui joue sur le latin anates, « canards »; a
98. — Pleureuses gag£es. Sarcophage representant les funerailles droite est un boeuf avec le mot BOYAEIN. En reunissant
de Meleagre. D'apres Rich, Diet, des artliq., p. 507. les deux mots, on a en grec : avaOic ^oasiv, « cesse de
beugler»,de crier. Cf. Martigny, Diet, des antiq. chret.,
pleureuses, voir t. n, col. 1397. Sur la ruine de 1'Egypte, p. 241. C'est la condemnation des pleureuses et de ceux
les filles des nations cbanteront une lamentation. qui seraient tentes de les imiter. H. LESETRE.
CnHPANTI€Tt1XI
^^^™ s~\ i i
Ezech., xxxn, 16. — Lorsque le Sauveur arriva chez PLEURS. Voir LARMES, t. iv, col. 92.
Jai're, dont la fille venait de mourir, il y trouva grand
tumulte de gens accourus pour les funerailles, entre PLOMB (h^breu : 'oferef, en assyrien abdru;
autres des joueurs de flute et vWovTiy: nat a>.w Se tante : a<5Xtgoc, u.o'Xi68oc; VuJgate : plumbum),
469 PLOMB PLUIE 470
metal d'un blanc bleuatre qui se ternit facilement, tante parlent de plomb, 'eferet, poliSut, et non de lames
assez malleable, si mou qu'on peut le rayer avec de plomb, et la contexture meme de la phrase exige
1'ongle, fusible a la temperature peu elevee de 330° et que le plomb soit ici, non la matiere sur laquelle on
onze fois et demie lourd comme 1'eau. — 1° Le plomb ecrit, mais celle au moyen de laquelle on constitue
est tres common dans la nature; mais il ne se pre- 1'inscription, barzel v&oferet, avec «le fer et le plomb ».
sente pas a 1'etat nalif. Le minerai qui le contient en Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch lob, p. 246. On n'a pas
plus grande quanlite est la galene, ou sulfure de plomb retrouve d'inscription ancienne ayant du plomb coul<e
naturel. On en degage le metal par divers precedes de dans le creux des lettres. Mais le precede n'etait pas
calcination. La presqu'ile Sinai'tique renferme de nom- d'invention si difficile qu'il ne put 6tre employe en cer-
breux gisements de minerai de plomb; on en trouvait tains cas. — 5° Le plomb est encore designe en hebreu
aussi en Egypte. On s'explique ainsi que, des le sejour par le mot 'andk, 1'assyrien anaku. Mais ce mot n'est
au desert, les Hebreux possedaient differents objets ou utilise qu'une fois, Am., vn, 7, 8, pour designer le fil a
ustensiles de plomb. Num., xxxi, 22. Les Pheniciens plomb. Voir FIL A PLOMB, t. n, col. 2244.
en recueillaient en Espagne, ou abondent les filons de H. LESETRE.
plomb argentifere. Voir ARGENT, 1.i, col. 945. Cf. Pline, PLONGEURS, oiseaux de 1'ordre des palmipedes,
H. N., in, 7; L. Siret, Orientaux et Occidentaux en surtout remarquables par leur facilite a plonger
Espagne aux temps prehistoriques, dans la Revue pour chercher leur proie dans 1'eau. Imparfaitement
des questions scientifiques, Bruxelles, oetobre 1906, organises pour le vol ou la marche, ils menent une vie
p. 544-545. Ezechiel, xxvn, 12, dit que Tharsis echan- presque exclusivement aquatique. Les plongeurs pro-
geait le plomb avec Tyr. Le plomb n'avait pas grande prement dits ne se rencontrent guere que dans les mers
valeur, mais etait assez usuel en Palestine pour des climats froids. Aussi n'en est-il pas fait mention
qu'on put dire que Salomon amassait de 1'argent dans la Sainte Ecriture. — Mais on trouve en Pales-
comme du plomb, Eccli., XLVII, 20. Jeremie, vi, 29, 30, tine d'autres oiseaux qui se nourrissent de poissons et
pour indiquer que la mechancete est inseparable de plongent adroitement pour saisir leur proie. Tels sont
ses compatriotes, fait allusion a 1'operation du fondeur les martins-pecheurs, passereaux de 1'espece ceryle
de metaux : « Le soufflet est devenu la proie du feu rudh, qui pechent de petits poissons dans les lagunes
(ou : a souffle violemment), le plomb est epuise, on d'eau douce, ou de 1'espece alcyon smyrnensis, qui
epure, on epure, les mechants ne se detachent pas. plongent dans le Jourdain avec un agilite surprenante.
Argent de rebut! dira-t-on. » Le prophete decrit ici Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 429,
1'operation au moyen de laquelle on separe 1'argent 448, 463. A la mer Morte et surtout au lac de Tiberiade
des metaux inferieurs auxquels il est melange. On fait vivent par myriades des echassiers macrodactyles
fondre du plomb dans le creuset et, quand il estfondu, appeles grebes huppes, podiceps cristatus. Ces oiseaux,
on y ajoute le minerai d'argent. Sous 1'influence de la longs d'environ Om50, portent au sommet de la tete
chaleur, au contact de 1'air, le plomb se transforme une double huppe qui leur donne un aspect tres gra-
en litharge, qui s'absorbe peu a peu, tandis que 1'argent cieux, avec leur cou long et mince. Ils nagent presque
se separe de toute autre substance et se rassemble au completement plonges dans 1'eau et ne peuvent etre
fond du creuset. Voir CREUSET, t. n, col. 1116. Jeremie atteints qu'a la tete. Extremement sauvages, ils s'enfon-
suppose que, contrairement a 1'ordinaire, le plomb a cent a la moindre alerte. De leur long bee, ils aiment a
ete completement . transforme et absorbe, sans que enlever les yeux des poissons, surtout des chromis,
1'argent soit sorti de la gangue. Ezechiel, xxn, 18, 20, dont beaucoup errent ensuite aveugles a travers les
compare les Israelites infideles a des scories et a des eaux du lac. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, p. 432,
metaux communs, fer, cuivre, etain et plomb, que 510. Ces oiseaux ont ete surement connus des anciens
Dieu fera fondre dans le fourneauallume par sa colere. Hebreux; mais ils etaient beaucoup trop inaccessibles
Ces passages montrent que les Israelites possedaient la pour que le legislateur songeat a parler d'eux au point
science pratique des precedes necessaires pour le trai- de vue de 1'alimentation. Peut-£tre les assimilait-on au
tement des metaux usuels. Zacharie, V, 7, 8, parle d'un porphyrion. Voir PORPHYRION. H. LESETRE.
disque de plomb, servant de couvercle a un epha assez
large pour contenir une femme. On a trouve en Pales- PLUIE, eau qui se deverse des nuages sur la terre
tine des poupees de plomb qui servaient aux pratiques en globules plus ou moins volumineux. La pluie tombe
magiques. Voir t. iv, fig. 173, col. 568. — 2° La pesan- quand les gouttelettes liquides qui composent un nuage
teur de ce metal fait dire que les Egyptiens se sont deviennent trop lourdes pour rester en suspension
enfonces dans les eaux de la mer Rouge comme le dans 1'atmosphere. C'est ce qui arrive quand, par suite
plomb. Exod., xv, 10. Les anciens ne connaissaient du refroidissement de 1'air ou du transport du nuage
pas de metal plus lourd. Eccli., xxn, 17. — 3° Job, xrx, dans des regions a plus basse temperature, de nouvelles
24, parlant de ses paroles d'esperance, fait ce souhait : quantites de vapeur viennent se condenser a la surface
des gouttelettes deja formees. D'autres fois, un fort
Je voudrais qu'avec un burin de fer et du plomb
Elles fussent pour toujours gravees dans le roc! ebranlement de 1'air, comme celui qui resulte des de-
charges de la foudre, sufflt pour determiner la resolu-
L'auteur sacre fait probablement allusion a une inscrip- tion d'un nuage en pluie. Voir NUAGE, t. iv, col. 1710.
tion creusee dans le roc avec le burin defer et dans les I. LES NOMS DE LA PLUIE. — La pluie est designee en
lettres de laquelle on a ensuite coule du plomb. Grace hebreu par treize norns differents, ce qui indique 1'impor-
a ce precede, 1'inscription etait plus visible et les lettres tance qu'on attachait en Palestine a ce phenomene mete-
sculptees se conservaient mieux. Cf. Renan, Le livre orologique. Ces noms sont les suivants : mdtdr, ietos,
de Job, Paris, 1859, p. 81; Frz. Delitzsch, Das Buck Job, pluvia; — gesem, TJETO;, pluvia, « averse »; — gosem,
Leipzig, 1876, p. 246. II ne peut evidemment etre ques- UETOI;, compluta est; — metar-gesem, VISTAS ^etfxeptvo;,
tion d'un burin de plomb, ce metal etant beaucoup « pluie d'hiver », pluvia imbris, « grosse pluie »; —
trop mou pour servir a cet usage. La Vulgate suppose gesem-mitrdt, -/etjiwv veto;, hietnis pluvia, « pluie d'hi-
1'inscription gravee « avec un stylet de fer et une lame ver »; — zerem, uero?, pluvia; — sagrir, oTayovsi;,
de plomb, ou sculptee au burin sur le roc. » Les an- « gouttes », perstillantia; — zarzif, oTayovei;, stillicidia;
ciens ecrivaient parfois sur des lames de plomb, me*me — sdflah, ySata uTrna, « eaux inferieures », alluvia; —
des inscriptions assez longues. Cf. Pausanias, ix, 31, 4; rebibim, vt<pei:6c, c< pluie », stillas; — se'irim, 6V6po;,
Pline, H. N., xm, 21; Tacite, Annal., n, 69, etc. Voir imber; — yoreh, U^TOC upwVfjioc, pluvia temporanea,
t. n, fig. 491, col. 1366. Mais le texte hebreu et les Sep- « premiere pluie »; — moreh, verdc Kpto'ipos, pluvia
471 PLUIE 472
i J
matutina, « premiere pluie »; — malqos, -JETO? 10 en Janvier, 10 /2 en fevrier, 8 /a en mars, 5 t/ 2 en
pluvia serotina, « arriere-pluie »; — setdv, « temps de avril, 1 1/2 en mai. Cf. Socin, Pdldstina und Syrien,
pluie », Cstoe, imber. Dans le Nouveau Testament, les .Leipzig, 1891, p. 35;. Palestitw Exploration Fund,
mots qui designent la pluie sont 5eT<k» pluvia, et 6p<>xV), Quarterly Statement, 1883, p. 8-40; 1892, . p. 50-71;
seulement dans Matth., vn, 25, 27. Zeitschrift des deutschen Palastina-Vereins, t. xiv,
II. LA PLUIE EN GENERAL. — 1° La pVvrie est beau coup 1891, p. 93-112. II ne se produit que des variations
plus appreciee dans les climats tres chauds que dans legeres dans la distribution de ces jours pluvieux. La
les notres; elle Test encore davantage dans les regions meme regie s'applique .a peu pres a tout 1'ensemble du
ou font defaut. les rivieres et les moyens naturels ou pays. II tombe moins de pluie cependant du cote de
artificiels d'irrigation. Aussi les auteurs sacres parlent- Gaza, et surtout dans la vallee encaissee du Jourdain.
ils de la pluie commc d'un grand bienfait de Dieu. La hauteur de pluie qui tombe dans 1'annee et de Im10 a
2m12, en moyenne de Im60, alors que la moyenne est
Qui a ouvert des canaux aux ondees...
Afln que la pluie tombe sur une terre inhabitee, de Im50 a la surface du globe. Cette pluie alimente les
Sur le desert ou il n'y a point d'hommes, source's et servait autrefois a remplir les citernes. II
Pour qu'elle arrose la plaine vaste et vide, est probable que, quand la Palestine etait plus boisee
Et y fasse germer 1'herbe verte! et plus cultivee qu'aujourd'hui, les pluies etaient
La pluie a-t-elle un pere ? encore plus abondantes. La fraicheur entretenue par
la vegetation determinait la precipitation de nuages qui
Job, xxxvni, 25-28. C'est Dieu qui verse la pluie sur la
passent maintenant sans rien donner ou dont la pluie
terre, Job, v, 10, par le moyen des nuees qui se
vident, Eccle., xi, 3. C'est lui qui commande aux s'evapore dans une atmosphere dessechee, avant d'avoir
ondees et aux averses, Job, xxxvn, 6; Jer., x, 13; LI, touche le sol. La denudation du pays a un autre incon-
16, qui fait les eclairs et la pluie, Ps. cxxxv (cxxxiv), venient. Au lieu d'etre arretee par les cultures et de
7, qui donne des lois a la pluie, Job, xxvin, 26, de pouvoir penetrer a 1'interieur d'un sol ameubli, la pluie
maniere qu'elle vienne en temps propice. Act., xiv, 16. ruisselle a la surface et les trois quarts en sont perdus,
ne produisant d'autres effets que des ravinements
irattire les gouttes d'eau devastateurs. Ce sont les vents d'ouest et de sud-ouest
Qui se re'pandent en pluie par leur propre poids; qui amenent la pluie en Palestine. Ill Reg., xvni, 44;
Les nuees la laissent couler, Luc., xn, 54. Le vent du nord souffle assez rarement;
Et en versent les ondees sur les hommes.
11 se sature d'humidite sur les sommets du Liban et de
Job, xxxvi, 27, 28. Et qui pent compter les gouttes de 1'Anti-Liban et amene aussi de la pluie. Prov., xxv, 23.
pluie? Eccli., i, 2. Dieu accorde la pluie a tous sans 2° Les Israelites distinguaient deux pluies, la pre-
distinction, bons et mauvais. Matth., v, 45. Mais les miere pluie, yoreh ou moreh, pluvia temporanea, et
idoles seraient bien incapables d'en donner. Jer., xiv, 1'arriere ou derniere pluie, malqos, pluvia serotina.
22; Bar., vi, 52. Aussi la pluie est-elle invitee, comrne Deut., xi, 14; Jer., m, 3; v, 24; Joel., 11, 23; Jacob., v,
toutes les autres creatures, a benir le Seigneur. 7. Cf. Schebiith, ix, 7; Nedarim, vni, 5, etc. La pre-
Dan., vi, 64. — 2° La pluie est un element de fecon- miere pluie commencait a tomber en octobre et-deve-
dite pour le sol. x La pluie et la neige descendant du nait plus frequente en novembre. C'est elle qui ameu-
ciel et n'y retournent pas, qu'elles n'aient abreuve et blissait le sol et perinettait le travail preparatoire aux
fdconde la terre et ne 1'aient couverte de verdure, semailles. A son defaut, « a cause du sol crevasse,
qu'elles n'aient donne la semence au semeur et le pain parce qu'il n'y a pas eu de pluie sur la terre, les labou-
a celui qui mange. i> Is., LV, 10; cf. xxx, 23. Apres la reurs sont confondus. » Jer., xiv, 4. Cette premiere
pluie, le soleil vient et 1'herbe sort de terre. Gen., n, pluie manquait rarement; il fallait des secheresses ex-
5; II Reg., xxui, 4. Cf. Ps. CXLVII (CXLVI), 8. La pluie ceptionnelles pour qu'on - en ful totalement prive.
fait aussi croitre les arbres. Is., XLIV, 14. « Lorsqu'une Ill Reg., xvn, 1. Dans les derniers temps avant 1'ere
terre, abreuvee par la pluie qui tombe souvent sur elle, chretienne, le sanhedrin ordonnait des jeunes repetes,
produit une herbe utile a ceux pour qui on la cultive, quand cette pluie tardait encore en novembre et sur-
elie a part a la benediction de Dieu. » Heb., vi, 7. — tout en decembre. Voir JEUNE, t. in, col. 1531. — La
3° Quelquefois la pluie a des effets d^sagreables ou periode qui va du commencement de decembre a \a nn
nuisibles. A travers la couverture mal close, elle forme de fevrier est la saison des pluies. Elle compte une
des gouttieres qui coulent dans la maison. Prov., xxvn, trentaine de jours pluvieux, sur les cinquante-deux
15. Au dehors, il faut une tente pour s'abriter centre jours de pJuie habituels a la Palestine. Le neuvieme
elle. Is., iv, 6. II y a des malheureux qui passent la mois, correspondant a decembre, est signale pour son
nuit sans vetement; la pluie des montagnes les pe- caractere pluvieux. I Esd., x, 9, 13. Pendant ce mois,
netre, alors meme qu'ils cherchent a se blottir centre a la fete de la Dedicace, Notre-Seigneur etait oblige de
un rocher. Job, xxiv, 8. La pluie fait eerouler les murs s'abriter dans le Temple sous le portique de Salomon,
mal batis. Ezech., xm, 11, 13; Matth., vn, 25, 27. Elle a cause des intemperies. Joa., x, 22, 23. Cette saison
peut tomber en torrents devastateurs. Ezech., xxxvni, n'avait pas d'importance speciale au point de vue agri-
22. C'est ce qui arriva en particulier au deluge. Gen., cole. Cependant des pluies trop continues empechaient
vii, 12; vni, 2. la, maturation de 1'orge ou mettaient les chemins hors
III. LE REGIME PLUVIAL EN PALESTINE. — 1° Le pays de service. Cf. Matth., xxiv, 30; Josephe, Ant. jud.,
que Dieu donna aux Israelites etait un « pays de mon- XIV, xv, 12. En pareil cas, on retardait la Paque d'un
tagnes et de vallpes, qui est arrose par la pluie du mois, en ajoutant au douzieme mois de 1'annee.le mois
ciel ». Deut., xi, il. En cela, il diUerait totalement de intercalaire de veadar. "Voir PAQUE, t. iv, col. 2098. — La
TEgypte. La Palestine, en effet, n'a pas a compter sur les seconde pluie venait en mars et en avril. C'est elle
rivieres pour arroser le sol. Les torrents qui descen- qui arrosait les cereales deja en herbe et facilitait leur
dent des collines vers le Jourdain ou vers la Mediter- croissance. De son abondance dependaient la quantite
ranee sont eux-memes taris pendant la saison seche. et la iqualite de la moisson. Aussi etait-elle attendue
C'est done de la pluie seule qu'il faut attendre 1'irriga- avec anxiete. Job, xxix, 23; Prov., xvi, 15; Jer., in, 3;
tion des terres. Elle tombe d'ailleurs en Palestine avec Ezech., xxxiv, 26; Ose., vi, 3; Zach., x, 1. M. Vigourpux,
une regularite remarquable. Elle commence 'a appa- dans la Revue biblique, 1894, p. 440, raconte comment
raitre en octobre et cesse tout a fait avee le mois de il fut, en Palestine, « temoin des souhaits que tout le
mai, A Jerusalem, les jours de pluie sont en moyenne monde repetait sans cesse, pour obtenir cette « pluie
de 11/2 en octobre, 5 !/2 en novembre, 9 en decembre, « tardive » qui avail fait jusque-la defaut. Et, en effet,
473 PLUIE — PLUME 474
les recoltes commencaient a secher dans les champs, et qui nous garde les semaines destinees a la moisson.
les citernes tarissaient et les accapareurs cachaient le Ce sont vos iniquites qui ont derange cet brdre, ce
We. Aussi, quand la pluie est tombee en abondance, sont vos peches qui vous priverit de ces biens. »
la joie a ete universelle; ceux-la meme dont les projets Amos, iv, 7, 8, fait une remarqoe analogue. Zacharie,
de voyage etaient .ainsi renverses, ou qui rentraient xiv, 17, 18, annonce que la pluie fera defaut en Pales-
chez eux trempes jusqu'aux os, benissaient ce don de tine et en Egypte, si les families de ces pays ne sont:
Dieu, qui apportait avec la fertilite la seule eau qu'on pas representeesa Jerusalem pour la fete desTabernacles.:
ait pour boire dans la plus grande partie du pays. » Cette fete se celebrait les derniers jours de septembre
Cette pluie n'etait pas toujours reguliere. « Je vous ai et les premiers jours d'octobre, par consequent a la
retenu la pluie alors qu'il y avail encore trois mois veille de la premiere pluie. La pluie est tout a fait
avant la moisson...; une terre etait arrosee par la pluie, exceptionnelle en Egypte. Deut., xi, 10, 11. Cf. Hero-
et une autre, sur laquelle il ne pleuvait pas, se desse- dote, m, 10. Mais les pluies abondantes des regions
chait. » Am., iv, 7. II ne fallait pas pourtaht que cette qui alimentent le Nil peuvent faire plus ou moins defaut,
pluie fut trop violente; car alors elle renversait les et 1'inondation du fleuve n'etre plus suffisante pour
episet causait la disette. Prov., xxvin, 3. — En mai, arroser et feconder le pays. Voir IRRIGATION, t. m,
la pluie cessait completement. Cant., 11, 11. Elle etait col. 926. Les Septante ont suppnme dans ce passage
aussi insolite pendant la moisson, c'est-a-dire a partir la mention de la pluie et ne parlent que d'un fleau,
de la seconde quinzaine de mai, que la neige en ete. TiTwot?. — 5° Les deux temoins que Dieu envoie sur la
Prov., xxvi, 1. C'est pourquoi Samuel donne comme terre pour parler et agir en son nom « ont la puissance
une marque certaine de 1'intervention divine la pluie de fermer le ciel pour empecher la pluie de tomber
qu'il obtient a 1'epoque de la moisson. I Reg., xn, 17, durant les jours de leur predication ». Apoc., xi, 6.
18. — Cf. Tristram, The natural History of the Bible, VI. COMPARAISONS. — 1° A cause de son role si bien-
Londres, 1889, p. 31-33. — Du milieu de mai au mi- faisant en Palestine, les ecrivains sacres comparent a
lieu d'octobre, la pluie ne tombe plus en Palestine. Ed. la pluie I'enseignement de la loi et de la sagesse.
Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2e edit., Deut., xxxii, 2; Job, xxix, 23; la misericorde divine,
1856, t. i, p. 428-431. Eccli., xxxv, 26 (19), et la faveur du roi. Prov., xvi,
IV. CARACTERE PROVIDENT/EL DE LA PLUIE POUR LES 15. — 2° La venue du Messie sera pour le monde
HEBREUX. — 1° « Si vous gardez mes commandements comme une pluie bienfaisante et feconde.
et les mettez en pratique, j'enverrai vos pluies en leur Qu'il descende comme la pluie sur le gazon,
saison; la terre donnera ses produits et les arbres des Comme 1'ondee qui arrose la terre!
champs donneront leurs fruits. » Lev., xxvi, 3, 4. Qu'en ses jours le juste fleurisse,
Telle est la convention etablie des 1'origine entre Dieu Avec 1'abondance de la paix!
et son peuple. Elle est rappelee dans le Deuteronome,
xi, 14, 17 : Que les Israelites soient fideles, la premiere Ps. LXXII (LXXI), 6. Isai'e, XLV, 8, dit aussi :
et la seconde pluie viendront a leur heure, et, en con- Cieux, r^pandez d'en haul votre rosee,
sequence, le ble, le vin, 1'huile et le fourrage abonde- Et que les nuees fassent pleuvoir la justice!
ront. Qu'ils soient infldeles, Dieu « fermera le ciel et Que la terre s'ouvre et produise le salut,
Qu'elle fasse germer la justice en meme temps!
il n'y aura plus de pluie », par consequent, plus de
recoltes. Dieu leur enverra de la poussiere au lieu de Israel espere que Dieu viendra a lui, « comme la pluie
pluie. Deut., xxvm, 24. II n'est point dit que Dieu ait tardive qui arrose la terre. » Os., vi, 3. — 3° Par assi-
toujours applique a la rigueur les termes de la con- milation, on dit que Dieu fait pleuvoir la grele, Exod., ix,
vention et proportionne le bienfait de la pluie au degre 18, 23; le feu du ciel, Gen., xix, 24; Ezech., xxxvm,
de fidelite des Israelites. Dans leur histoire, en effet, 22; Luc., xvii, 29; sa colere, Job, xx, 23; les pieges
il est beaucoup plus souvent question de transgressions sur les pecheurs, Ps. xi (x), 7; la manne et les cailles
et d'apostasies que de secheresse et de disettes. Nean- du desert. Exod., xvi, 4; Ps. LXXV (LXXIV), 24, 27.
nioins, en plusieurscirconstances, le chatimentannonce H. LESETRE.
suivit les fautes. — 2° A la consecration du Temple, 1. PLUME (hebreu : no$dh, sis; Septante : impov;
Salomon demanda au Seigneur d'oublier les peches Vulgate : pluma), produit epidermique, de nature plus
de soft p^w^te, et de, lui accorder la pluie, III Reg.; compliquee que le poil des mammiferes, et qui sert a
VIH, 36, quand ce peuple se repentirait sincerement et recouvrir )e corps oes oiseaux. — Quand le pretre offrait
viendrait dans le Temple implorer son Dieu. II Par., vi, un sacrifice d'oiseaux, il devait jeter de cote le jabot et
26,27. Le Seigneur daigna repondre qu'il en serait ainsi. nosatdh. Lev., i, 16. On fait ordinairement venir no?dh
II Par.,vn, 13,14. — 3° Le prophete Eliefut charge d'aller de yd$d\ « sortir », et on lui donne le sens d' « impu-
dire a 1'impie Achab, roi d'Israel : « II n'y aura ces rete, excrement ». Mais en s'en tenant a la lecon du
annees-ci ni rosee ni pluie, sinon a ma parole. » Samaritain, et a la traduction des Septante, de Sym-
III Reg., XVH, 1. La prophetic s'accomplit, et la famine maque, de Theodotion et de la Vulgate, on doit traduire
fut la consequence de la secheresse. Nulle part meme par « plume ». Nosdh a le sens de plume, Job, xxxix,
on ne trouvait d'hei'be pour la nourriture des animaux, 13; Ezech., XVH. 3, 7. II est certain d'ailleurs qu'avant
qu'on etait oblige d'abattre. HI Reg., xvm, 5. Sur de porter un oiseau sur 1'autel, on le deplumait.
1'ordre du Seigneur, Eiie se presenta de nouveau Cf. Sebachim,ji^; Siphra, f. 67,1. — Jeremie, XLVIII,
devant. Achab, et, apres avoir confondu et fait perir 9, dit a propos de Moab :
les prophetes de Baal, il annonca la pluie, qui en effet Donnez la plume h. Moab, car en s'envolant il fuira,
fut amenee par des nuages venus du cote de la mer Ses villes seront devastees et d^peuplees.
et tomba abondamment. Ill Reg., xvm, 41-45; Jacob.,
v, 18. — 4° Isaie, v, 6, comparant Israel a une vigne Ici, le mot qui designe la piume, prise pour les ailes,
sterile, dit que le Seigneur commandera aux nuees de est sis.. Or, ce mot a plusieurs significations. C'est d'abord
ne plus laisser tomber la pluie sur elle. David avail le nom de la lame d'or du grand-prStre, ce qui fait que
deja appele la meme malediction sur les monts de les Septante le traduisent par ^[/.sux, « signes », et le
Gelboe, temoins de la mort de Saul. II Reg., i, 21. Chaldeen par « couronne », la lame d'or etant comme
Jeremie, v, 24, 25, s'adresse en ces termes a ses corn- la couronne du grand-pretre et le signe de sa dignite.
pa triotes impies : « Us ne disent.pas dans leur cceur : Exod., xxvm, 36-38. Le mot jisveutaussi dire « Jleur»,
Craigndns Jehovah notre Dieu, lui qui donne la pluie, Job, xiv, 2, traduction admise par Aquila et la Vulgate,
celle de la premiere saison et celle de 1'arriere-saison, tandis que Symmaque le rend par « germe ». Pour,
475 PLUMF — POfiLE 476
continuer la metaphore, la Vulgate fait veoir le verbe six ans. En 1636, Land, archev^que de Cantorbery,
suivant naso' de-nits, « fleurir », et traduit : « Donnez fonda en sa faveur une chaire d'arabe a 1'universite
une fleur a Moab, car il sortira florissant, » ce qui con- d'Oxford. II neput professer qu'en 1647, apres de nom-
corde peu avec le vers suivant. En realite, ndso' vient breuses difficultes. Pocoek se servit de ses etudes
de ndsa\ ccvoler », etsisa icile sens deplume. Jeremie orientales principalement pour I'intelligence des Ecri-
sembles'inspirerd'un passage d'lsaie, xvi, 2, egalement tures. H fut un des principaux collaborateurs de la
centre Moab : Polyglotte de Walton. En 1655, il publia, in-4°, a Oxford,
Comme des ofseaux fugitifs, sa Poxta Mosis, contenant six discours arabes, impri-
Comme une nichee que Ton disperse, mes en earacteres hebreux, des commentaires de Moi'se
Telles seront les filles de Moab. Maimonide sur laMischna, avec une traductionanglaise
et des notes. Ce fut le premier ouvrage publie par la
Voir AILE, t. i, col. 311. — Ezechiel, xvu, 3, 7, repre- presse hebraique d'Oxford. Outre plusieurs autres pu-
sente le roi de Babylone comme un grand aigle, « cou- blications orientales, qn lui doit Commentary on the
vert d'un plumage, nosdh, aux couleurs variees, » et.le Prophecies of Micah a»$ Malachi, 1677; Horea, 1685;
roi d'Egypte comme un aigle aux « nombreuses plumes ». Joel, 1691. Ces divers ouvrages ont ete reunis dans ses
Dans ces deux passages, les Septante traduisent par Theological Works, 2 in-8°, Londres, 1740, en tete
oVyj(£;, « serres ». Ici le sens du mot nosah; correspon- desquelles on trouve une biographic de 1'auteur. Voir
dant a Passyrien ndsu, n'est point douteux. Dans Job, W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 352; S. Lee, Dic-
xxxix, 13, il est dit que 1'aile de 1'autruche n'est ni tionary of national Biography, t. XLVI, 1896, p. 7-12.
(celle de) la cigogne, ni nosdh, « la plume » qui vole.
Les Septante reproduisent le mot sans le traduire : PODAGRE, maladie de la goutte, affectant speciale-
veo-ffa. La Vulgate traduit par « epervler », en faisant ment les pieds. — La goutte est une maladie qui en-
probablement venir nosdh du miphal nissdh, « se vahit 1'organisme entier et se presente.a 1'etat tantot
disputer », d'ou oiseau de proie. H. LESETRE. aigu et tantot chronique. Elle se declare d'ordinaire
entre 25 et 55 ans et atteint plus souvent les hommes
2. PLUME A ECRIRE. Voir CALAME, t. n, col. 50. que les femmes. Ses causes les plus frequentes sont les
exces de table, la vie molle et sedentaire, le defaut
PLUVIER (Septante : xapaSpio;; Vulgate : chara- d'exercice, quelquefois 1'impression d'un froid humide,
drion, charadrius), oiseau de 1'ordre des echassiers, a la suppression de la transpiration, etc. La goutte se
bee long et renfle a 1'extremite, habitant le voisinage manifesto par une douleur subite et tres vive au gros
des eaux et se nourrissant d'insectes aquatiques et d'an- orteil, ou plus rarement au cou de pied, au genou, a
nelides. Les pluviers vivent en troupes ;et voyagent la main. La douleur augmente et finit par devenir
ensemble quand ils emigrent d'Afrique usque dans le intolerable. L'acces dure plusieurs jours et se renou-
nord de 1'Europe (fig. 100). Ils sont nombreux dans la velle a intervalles irreguliers; puis, les periodes de
souffrance se multiplient et se prolongerit; des nodosi-
tes et des concretions d'urates et de phosphates cal-
caires se forment dans les articulations et en rendent
les mouvements difficiles ou meme impossibles. On
appelle podagre la goutte qui s'attaque aux pieds,
chiragre celle qui atteint les mains, etc. La goutte se
traite surtout par des soins hygieniques, exercice,
sobriete, regularite de vie, frictions, sejour dans les
climats chauds'et sees, etc. — II est raconte-du roi Asa
que hdldh 'el-ragldv, eitovede TOU? TtoSa? auioy, doluit
pedes, III Reg., xv, 23; yehelff beragldv, Ep.aXaxto-0-^
Toy? Tt6Sac, cegrotavit dolore peduni. II Par., xv/, 12.
II fut malade des pieds, et, suivant ce qu'ajoute ce
dernier texte, il en arriva a eprouver de grandes souf-
frances. Le mal se declara la trente-neuvieme annee du
regne d'Asa; il dura par consequent de deux a trois
ans, puisque le roi mourut la quarante et unieme
annee. II Par., xvi, 12, 13. Le texte sacre ajoute qu'au
lieu de chercher Jehovah, sans doute pour en obtenir
sa guerison, il s'adressa aux medecins. Ceux-ci n'arri-
verent ni a le guerir ni a le soulager beaucoup. On
100, — Le pluvier. s'accorde generalement a reconnaitre la goutte dans la
maladie si succinctement decrite; sa localisation, les
Basse Egypte. — Les Septante et la Vulgate, Lev., xi, 19; souffrances qu'elle occasionna, son prolongement sont
Deut., xiv, 18, traduisent par « pluvier »le mot "andfdh, des caracteres propres a la goutte. II est probable qu'a
qui designe beaucoup plus probablement le heron. un moment elle remonta jusqu'a un organe essentiel,
Voir HERON, t. in, col. 654. Les pluviers ne sont pas le cceur ou le cerveau, et entraina ainsi la mort. L'an-
nommes parmi les echassiers qui frequentent les bords cienne medecine ne possedait pas de specifiques
des lacs palestiniens. Cf. Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, serieux centre ce mal. Lucien, Tragopodagra, 173,
Paris, 1884, p. 526, 543. Le legislateur hebreu n:a done indique comme remede contre la podagre un exorcisme
pas eu a s'occuper d'eux. . H. LESETRE. fait par un Juif. — II y a peut-etre, dans plusieurs autres
textes, quelque allusion a la goutte qui paralyse les
POCOCKE Edward, theologien anglican, 1'un des genoux, Job, iv, 4, et a celle qui atteint a la fois les
plus celebres orientalistes de la Grande Bretagne, ne genoux et les mains. Eccli., xxv, 32; Is., xxxv, 3;
le 8 novembre 1604 a Oxford, mort dans cette ville le Heb., xn, 12. — Cf. W. Ebstein, Die Medizin im
10 septembre 1691. Apres avoir fait ses etudes dans sa Alien Testament, Stuttgart, 1901, p. 148.
ville natale, ou il etudia surtout les langues orientales H. LESETRE.
et recut les ordres anglicans, il fut nomine, en 1630, POELE (hebreu : niahabat, masret; Septante :
chapelain de la factorerie anglaise a Alep et y sejourna ; Yulgate : sartago), instrumeat qui sert afaire
477 478
frire sur le feu des gateaux ou des mets analogues. les Israelites n'ont jamais utilise cette forme de poesie.
La poele etait en metal et ne consistait guere que L'Ecriture contient snrtout des poemes lyriques. Pour
dans une simple plaque avec ou sans rebords (fig. 101). les differents noms qu'on leur donnait, voir PSAUMES.
— On faisait frire sur la poele des gateaux de ileur — Avec la poesie lyrique, la poesie gnomique ou didac-
de farine destines aux oblations.'Lev., n, 5; vi, 21; tique, nidSal, fut la plus cultivee chez les Hebreux. Voir
vir, 9. Ces gateaux etaient ordinairement melanges PROVERBES.
d'huile, ce qui leur permettait de se detacher facile- 2° Usage de la poesie chez les Hebreux. — Comme
ment du metal. Dans le Temple, il y avait des levites chez tous les peuples, des la plus haute antiquite, les
charges de veiller sur les gateaux cuils a la poele, Hebreux eureht recours a la poesie pour exprimer leurs
I Par., ix, 31; xxm, 29. — Chez son frere Amnon- joies et leurs peines, les evenements heureux et les
Thamar fit cuire des gateaux, puis prit la poele et deuils de la vie privee ou de la vie publique. Le plus
les versa. II Reg., xm, 9. Le mot ma&ret n'ap- ancien morceau poetique que renferme la Bible est re-
parait que dans ce passage. Le mot mafrabat n'est latif a I'histoire de Lamech. Gen., iv, 23-24. Moi'se chante
pourtant pas reserve pour les poeles du Temple. — le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-21; Debora, la
Ezechiel, iv, 1-3, regut 1'ordre de tracer sur unebrique victoire de Barac et la defaite de Sisara, Jud., v, etc.
un plan de Jerusalem et de construire autour 1'appareil Cf. I Reg., xvm, 7; Jud., xv, 16; Num., xxi, 27-30;
d'un siege, puis de prendre une poele de fer et de la Jos., x, 12. Noe, Gen., ix, 25-27; Jacob, Gen., XLIX;
placer comme un mur de fer entre lui et la ville, dont Moi'se, Deut., XXXHI, benissent leurs enfants ou leur
il figurait 1'assiegeant. Cette poele de fer, ainsi inter- peuple en un testament poetique. David deplore dans
posee, signifiait que Dieu, le veritable assiegeant, ne une elegie d'un lyrisme acheve la mort de Saul et de
voulait plus ni voir ni entendre Jerusale m,dont le Jonathas, II Reg., 1,18-27; Jeremie, dans ses touchantes*
Lamentations, les malheurs de son peuple emmene en
captivite. Cf. II Reg., in, 33; Jud., xt, 40. La poesie
comme la musique egayait les festins. Is., v, 12; xxtv,
9; Amos, vi, 5; Jud., xiv, 14, 18, etc. La decouverte
d'une source fournissait matiere a un chant. Num., xxi,
17-18. On celebrait aussi par des chants poetiques la
moisson et les vendanges. Jud., ix, 27. Voir CHANSON,
t. ii, col. 551. Mais les Hebreux composaient surtout des
chants religieux et leur poesie est avant tout religieuse.
Le Psautier en est la preuve; aucun autre recueil poe-
101. — Poele ci frire, trouvee a Pompei. tique ne peut lui etre compare pour 1'elevation des sen-
D'apres Rich, Dictionnaire des antiquites, p. 556. timents, la profondeur de la piete, 1'eclat du lyrisme,
1'union intime du poete avec Dieu, Les livres des pro-
sort etait irrevocablement fixe et la ruine decidee. Dans phetes nous offrent une plus grande variete de formes
la realite, la poele de fer represenlait ici les peches poetiques que les Psaumes, mais c'est le meme senti-
d'un peuple incorrigible, appelant un vengeur inflexible. ment religieux qui s'y manifeste.
Isai'e, LIX, 2, avail en ell'et deja dit : « Ce sont vos ini- Les chants sacres, avec accompagnement de musique,
quites qui ont mis une separation entre vous et votre furent un des elements principaux 'du. culte rendu a
Dieu, ce sont vos peches qui vous ont cache sa face Dieu par les Israelites. Voir CHANT SACRE, t. n, col. 553;
pour qu'il ne vous entendit pas. » Cf. Lam., ni, 44. — CHANTRES DU TEMPLE, col. 556; MUSIQUE, in, t. iv,
Pendant la persecution d'Antiochus Epiphane, le pre- col. 1349. C'est aux Hebreux que 1'Eglise chretienne a
mier des sept freres, d'abord affreusement mutile, fut emprunt^ avec les Psaumes, 1'usage de la psalmodie et
place sur une podle pour y etre roti, et la vapeur de du chant Hturgique.
la poele se repandit au loin. II Mach., vn, 3-5. 3° Technique de la poesie hebraique. — 1. La poesie
H. LESETRE. hebraique, comme toutes les poesies, se distingue de
POESIE HEBRAIQUE. Sur le caractere general la prose par 1'assujettissement a des regies speciales
de la poesie hebraique et sur les caracteres particuliers qui consistent surtout dans le rythme et dans la me-
qui la distinguent, parallelisme, vers, strophe, voir HE- sure. Un poeme doit briller par le choix des pensees,
BRAi'QUE (LANGUE), t. in, col. 487-492 la beaute des figures, le mouvement, la couleur et
1° Origine babylonienne de la poesie hebraique. — 1'eclat du style, mais toutes ces qualites peuvent exister
Le parallelisme n'est pas une invention des Hebreux, dans la prose; ce qui constitue proprement le poeme
on le trouve dans de tres anciens poemes babyloniens en tant qu'oeuvre d'art, c'est en general, la metrique;
et meme egyptiens, quoique moins regulier dans ces en hebreu, c'est en particulier le parallelisme, qui
derniers.Eb. Schrader, Seniitismus undBabylonismus, par lui-meme n'exige pas une mesure rigoureuse et
dans les Jahrbucher fur protestantische Theologie, peut se rencontrer a la verite dans des morceaux qui
1.1,1875, p. 121; H. Zimmern, dans la Zeitschrift fur As- ne sont pas en vers, mais qui doit toujours coexister
syriologie, t. vin, p. 121; t. x, p. \; W. Max Miiller, Die avec le vers, lequel caracterise par excellence les mor-
Liebespoesie der altenAegyitler, 1899, p. 10. La littera- ceaux poetiques. Les regies de la versification h^brai'que
ture assyrienne offre meme des exemples de poemes ne nous sont pas bien connues, mais 1'existence du
alphabetiques. Proceedings of the Society of Biblical vers hebreu n'en est pas moins certaine. Les poemes
Archaeology, t. vn, 1895, p. 135-151. C'est done de leur hebreux sont aussi souvent divises en strophes.
patrie primitive que les Hebreux avaient emporte, pour 2. Outre ces caracteres generaux, on peut signaler
ainsi dire, leur moule poetique. Leurs ancetres avaient dans la poesie hebraique, a) 1'emploi de mots, de
connu, la aussi, leur principal genre poetique, la po6sie formes grammaticales et de tournures qui lui sont
lyrique, et Ton a pu donner le nom de psaumes a des propres, comme dans toutes les langues; — b) les
poemes babyloniens qui par leur ton, leur tour et poemes acrostiches, dans lequel chaque vers ou chaque
leur sentiment religieux, ressemblent en effet aux serie parallele commence par une lettre de 1'alphabet,
chants du Psautier, dont ils different peu pour la forme, selon son ordre alphabetique. Voir ALPHABETIQCE
quoiqu'ils en different totalernent par la doctrine theolo- (POEME), t. i, col. 416; — c) la rime ou repetition du
gique. — Ni les Assyriens ni les Hebreux n'eurent 1'idee mdme son a une place determinee du vers. L'emploi
du drafhe proprement dit. — L'antique Babylonie eut des de la rime dans la poesie rabbinique est frequent,
poemes epiques, tels que le poeme de Gilgames, mais raais son usage regulier ne parait pas anterieur au
479 POESIE HEBRAIQUE — POETIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE 480
e n
vu sieclede notre ere. On ne la rencontre done qu'acci- tik im Bezug auf die biblische Literatur, in-8 , Leip-
dentellement dans 1'ancienne poesie hebraique. La zig, 1900, p. 346 sq. Sur les strophes en particulier,
langue des Hebreux, par la sonorite des finales de ses voir D. H. Muller, Die Propheten in ihrer ursprungli-
mots et de ses flexions, fournit a 1-a rime des ressources chen Form, 2 in-8°, Vienne, 1896; F. Perles, Zur
abondantes et le poete est amene tout naturellement a hebraischen Strophik, Vienne, 1896; J. K. Zenner, S. J.,
s'en servir et a repeter, sans les chercher, les memes ter- Die Chorgesdnge im Buche der Psalmen, 2 in-4°, Fri-
minaisons qu'il emploie necessairement pour exprimer bourg-en-Brisgau, 1896; D. H. Muller, Strophenbau
sa pense"e. II y a done dans ce qu'il ecrit des rimes in- und Responsion, in-8°, Vienne, 1898. Voir aussi
conscientes, mais elles sont aussi quelquefois un effet H. Grimme, Psalmenprobleme, Untersuchungen uber
de 1'art comme on n'en saurait douter lorsqu'elles re- Metrik, Strophen und Pasekdes Psalmenbuches, in-4°,
vienttent d'une maniere reguliere et suivie et par con- Fribourg (Suisse), 1902. F. VIGOUROUX.
sequent voulue. Ainsi, par exemple, dans les vers sui-
vants de Job, x, 9-18. PO^TE (grec : 7io'.r)Tr,i;). Ce mot, designant un ecri-
Zekor-na ki kahomer 'asitdni vain qui a compose des vers, ne se lit qu'une fois dans
Ve'el 'afar tesibeni. 1'Ecriture. Saint Paul, dans son discoursde 1'Areopage,
Halo' kekdldb fatikeni cite litteralement a ses auditeurs un vers d'Aratus qui
Vekagbindh taqpi'eni. etait comme lui originaire de Cilicie. Voir ARATUS,!.I,
'Or ubdSdr talb.iseni coh 882. II ne le lui attribue pas d'ailleurs nomme-
Uba'a?dm6t vegidim fesokkeni. ment, mais il s'exprime ainsi: « comme 1'ont dit quel-
Ifaylm vdhesed 'dSitd' immddi ques-uns de vos poetes. » Act., XVH, 28. Cette maniere
JJfquddatkd sdmrdh ruhi. de parler pourrait ne pas etre prise a la rigueur de la
Ve'elleh sdfantd bilbdbe'ka lettre et s'entendre d'un seul poete, mais il est vrai
Ydda'eti ki zot 'immdk. que deux autres poetes grecs sont connus comme ayant
'1m frdta'ti usemartdni ecrit un vers semblable : 'Eve soy y«p Y^ VO ? ^<r^v, dit
Um&dvoni I'd tenaqqeni. Cleanthe, Hymn, in Jov., 15. IVEv dvopoiv, sv 6ewv y^'oc,
'Im rdsa'eti 'alelai II dit Pindare, Nem., 6. Voir Wetstein, In Act., xvn, 28,
VeSddaqti I'd 'essd' r'osi Novum Testam. gr., t. H, 1752, p. 570.
. $eba' qdldn ure'eh 'onyi. Saint Paul cite aussi un poete cretois, Tit., i, Rega-
Ve-ig'eh kassahal te$udeni lement sans le nommer; il 1'appelle « un prophete »
Vetasob fitpalld' bi. des Cretois. Voir EPIMENIDE, t. n, col. 1894. Dans
TehaddeS 'edeka negdl I Cor., xv, 33, il reproduit un vers de la Thais de Me-
Vetereb ka'askd 'immddi nanSre, mais sans aucune indication. Voir MENANDRE,
H.dlifof vesdbd' 'immi. t. iv, col. 960. Ce sont la les seuls poetes profanes cites
Veldmmdh merehem hos'etdnl, dans le Nouveau Testament. — Dans 1'Ancien Testa-
'Egeva ve'ain l'6-tir'eni. ment, on ne trouve qu'un mot qui, en hebreu, de-
signe les poetes en general, et encore ne s'applique-t-il
Voir aussi le Ps. vi, dont une grande partie des vers directement qu'a ceux qui composent des mdSdl, poemes
sont rimes. gnomiques, didactiques et satiriques. Les Nombres,
d) L'assonance, c'est-a-dire la reproduction frequente xxi, 27, rapportent les vers contre Moab, jL 27-30, en
du me"me son, est recherchee par les poetes hebreux. les attribuant aux moSlim ou poetes. La Vulgate n'a
Elle se distingue de la rime en ce qu'elle n'est pas placee pas traduit ce mot; les Septante 1'ont rendu par ol
regulierement a la fin du vers mais arbitrairement a alvtY^aTifftai'. — II est possible que le mot ndbi', « pro-
des endroits differents. Dans les 44 vers que contient phete », eut accessoirement le sens de poete, parce
le chap, v des Lamentations, la syllabe nu est repetee que les prophetes ecrivaient souvent ou s'exprimaient
trente-cinq fois; elle Test douze fois dans les seize vers en vers, mais ce n'etait certainement, en tout cas, qu'une
de Ps. cxxiv. Elle est autant un artifice de rhetorique signification secondaire et derivee. Ben Sirach fait
qu'un precede pqetique, de meme que 1'alliteration et 1'eloge des poetes sacres (hwo >Nii;ia). Eccli., XLIV, 5.
les jeux de mots, mais tous ces moyens qui piquent F. VIGOUROUX.
1'attention et aident la memoire <Ju lecteur ou de 1'au- POETIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE. -
diteur sont familiers aux poetes d'Israel. 1° L'Ecriture contient un certain nombre de livres ecrits
e) L'alliteration est la repetition des monies lettres en vers et des morceaux poetiques se trouvent aussi
ou des memes syllabes. Les exemples en sont nom- dans plusieurs des livres ecrits en prose. Voir t. HI,
breux : So'dh umeSs'dh, « solitude et desert », qui se lit col. 487. Les grammairiens hebreux n'ont note que
deux fois dans Job, xxx, 3, et xxxvm, 27, etc. — L'an- trois livres avec les accents poetiques, Job, les Psaumes
nomination est la repetition des monies mots sous des et les Proverbes, mais on range aussi aujourd'hui parmi
formes differentes; Isaiie 1'affectionne particulierement. les livres poetiques le Cantique des Cantiques et les La-
Hinneh Yahveh metaltelqd. mentations. Plusieurs y ajoutent 1'Ecclesiaste etl'Eccle-
Talteldh gdber ve'otkd 'atoh siastique dont une partie a ete retrouvee dans le texte
§anof isnofkd senefdh. Is., xxn, 17-18. original. — Deux recueils de poesies qui contenaient
des morceaux profanes avec des morceaux religieux,
Quant aux paronomases et aux jeux de mots, les poetes le Livre des Guerres du Seigneur, Num., xxi, 14, et le
hebreux s'y complaisent. Ireu rabbini veira'u. Ps, XL, Livre des Justes ou du Ydsdr (Jos., ix, 13, etc. Voir
4. Veire'u saddiqim veira'u. Ps. LH, 8. Vehdyetah JUSTES (LIVRE DES), t. HI, col. 1873. Cf. LIVRES PERDUS,
tctaniyah ve'aniydh. Is., xxix, 1, etc. Voir JEU DE MOTS, 1°, 2°, t. w, col. 317), ne nous sont plus connus que par
t. m, col. 1525. Cf. aussi G. W. Hopf, Alliteration, des citations. II parait avoir existe aussi un recueil
Assonanz, Reim in. der Bibel, in-8°, Erlangen, 1883; d'elegies ou lamentions funebres, qinot. II Par., xxxv,
J. M. Casanowicz, Paronomasia in the old Testament, 25.
in-8", Boston, 1894. On pourrait considerer egalement comme livres poe-
Sur la poesie hebraique en general, voir 1'historique tiques les ecrits de plusieurs prophetes, qui se con-
et 1'expose des systemes anciens et modernes sur la forment en general aux regies de la poesie hebraique,
inetrique hebraique dans J. Doller, Rythmus, Metrik tels que Isai'e, Osee, Joel, Amos, Abdias, Michee,,
und Strophik in der biblisch-hebrdischen Poesie, in-8°, Nahum, Habacuc, Sophonie, etc. Cependant ils s'as-
Paderborn, 1899; Ed. Konig, Stilistik, Rhetorik, Poe- treignent d'ordinaire moins rigoureusement aux exi-
POETIQUES (LIVRES) DE LA BIBLE — POIDS 482
gences de la poetique hebra'ique, de sorte qu'il n'est 11, est traduit par « agneau » dans les Septante et dans
pas toujours facile de distinguer ce qui est vers de ce la plupart des autres versions anciennes. Voir Gese-
qui n'est que style oratoire, et de tracer une ligne nius, Thesaurus, i. in, p. 1241. Mais on ne peut rien
exacte de demarcation entre les deux. Si nombre de dire de certain a ce sujet. Les poids hebreux, assy-
morceaux renferment des chants, des psaumes ou des riens et babyloniens portaient d'ordinaire une ou deux
cantiques en vers reguliers, Is., xn, 1-6, etc., qu'on re- inscriptions, qui marquaient leur valeur et le nom
connait sans peine, il en est autrement ailleurs. Nean- du roi qui les avait fait fabriquer. C'est ainsi que, sur
moins meme quand ils ne s'expriment pas en vers pro- un poids assyrien en forme de lion, on lit ces mots
prement dits, les prophetes, souvent, neparlentpas en graves en arameen : « deux mines du pays », et cette
prose simple; ils se servent d'un langage mesure, plus
soigne, plus artificiel et plus rare, afin qu'il soit plus,
digne des oracles divins qu'il transmet aux hommes et
afin qu'il frappe davantage 1'imagination et 1'esprit des
auditeurs et des lecteurs. II est, du reste, malaise d'en
fixer les regies precises. Tandis que, parfois, ils s'ex-
priment de la maniere la 'plus ordinaire, sans aucun
effort et sans aucun artifice, Is., vn, 1-3; Jer., xxi, 1-10,
d'autres fois, prose et poesie sont entremelees, Is., vi;
Jer., i, etc., et ailleurs, entre 1'une et 1'autre, apparait
un langage rythme, qui n'est ni la simple prose ni le
vers de Job ou des Psaumes, et qui est caracterise sur-
tout par le parallelisme, mais avec des nuances et des
variations infmies. F. VIGOUROUX.
POIDS, morceaux de pierre ou de metal d'une pesan- 102. — Poids assyrien en forme de lion. British Museum.
teur determinee, qu'on a employes, des les temps les
plus recules, pour peser les objets de toute nature. autre inscription en caracteres cuneiformes : « Palais
Comme 1'or et 1'argenl ne furent monnayes qu'a une de Sennacherib; deux mines du roi. » Sur un poids
epoque relativement tardive et qu'il fallait les peser babylonien en basalte vert, en forme de canard, on lit
pour connaitre leur valeur, chez les Hebreux, comme en caracteres cuneiformes : « Trente mines de poids
chez les Babyloniens etles Assyriens, les memes noms, justifie. Palais d'Irba-Merodach, roi de Babylone. »
talent, mine, sicle, etc., servent a designer soit des 4° Poids hebreux. — On ne pouvait pas manquer de
poids, soit des monnaies. Voir MONNAIE, t. iv, col. 1235,. retrouver quelques anciens poids hebreux en Pales-
I. LES POIDS A L'OHIGINE. — 1° Poids primitifs. — tine; mais ils ne forment encore qu'une serie tres
De meme que les membres du corps humain fourni- incomplete. Toutefois, il ne faut pas oublier que les
rent les premieres mesures de longueur, par exemple, sides juifs qui sont parvenus jusqu'a nous sous forme
la coudee, le pied, 1'empan, le palme, le doigt, voir de monnaie comptent aussi sous ce rapport, puisque, a
MESURES, t. iv, col. 1041-1042, de meme la nature pro-
cura aux hommes, sous la forme des graines de cer-
taines plantes communes, telles que le ble, Forge, les
haricots, etc., les premiers poids dont ils firent usage.
Voir Ridgeway, Origin of metallic Currency and
standard Weigths, in-8°, Cambridge, 1892, p. 387.
Divers passages du Talmud mentionnent encore ces
poids primitifs. Voir le traite Scheqdlim. Maimonide
dit aussi, Constitut, de Siclis, Leyde, 1718, p. 1-2, que,
sous les rois hebreux, le sicle pesait 320 grains d'orge.
Neanmoins, il exista de tres bonne heure, en Egypte et
specialement chez les Babyloniens, un systeme com-
plet, fort bien agence, en ce qui concerne cette partie 103. — Poids assyrien en forme de canard.
de la metrologie.
2° Noms. — Le mot « poids » se dit en hebreu : la facon de nos monnaies courantes, ils correspon-
misqdl, bptfD, ou seqel, bpp, de la racine sdqal, daient a des poids fixes. — 1° M. Clermont-Ganneau a
« peser ». Cf. Gen., XLIII, 21; Ex., xxx, 14; Lev., v, etudie dans son Recueil d'archeologie orientals, t. iv,
15; xxix, 35, etc. Les poids des anciens Israelites 1900, p. 24-35, quelques-uns de ces poids. Un tout petit
furent tout d'abord de simples pierres, et c'est pour poids de 2ar54 seulement, a ete decouvert en Samarie;
ce motif qu'on les nommait habituellement n»:2N, il porte deux inscriptions en hebreu : reba* nesef,
• T-:
^abdnim, « pierres ». Cf. Lev., xix, 36; Deut., xxv, 13; fjxayan, « quart d'une moitie » (?), et reba' sel, Vviryai,
II Reg., xiv, 26; Prov., xi, 1; xvr, 11; xx, 10, 23, etc. « quart d'un sicle » (?) (fig. 104). Trois autres poids sont
En fait, on a retrouve, a Jerusalem et en d'autres 1'un en pierre rougeatre, 1'autre rouge clair et le troi-
endroits de la Palestine, plusieurs poids en pierre sieme en calcaire blanc; ,11s ont ete trouves a Tell-
ordinaire, en hematite, etc. Voir TALENT. Plus tard, ils Zachariya; ils pesent 10sr21,99>-05 et 9 grammes (fig. 105).
paraissent avoir ete aussi quelquefois en plomb, cf. Zach., Sur chacun d'eux on a cru lire le mot hebreu nesef,
v, 7, et sans doute aussi en d'autres metaux. ^2, qu'on a traduit ordinairement par « moitie ». Un
3° Formes. — Les Egyptiens, les Assyriens et les autre poids, egalement de petites dimensions, a la
Babyloniens donnaient a leurs poids des formes d'ani- forme d'un grain de chapelet perce et est en pierre
maux : notamment celle d'un lion accroupi, muni d'un jaune rougeatre; il provient d'Anata, 1'ancienne
d'une anse qui le rendait plus maniable (fig. 102), celle Anathoth, pres de Jerusalem, et correspond a 8ar61.
d'un canard (fig. 103), celle d'une gazelle ou d'autres Les hebrai'sants ont beaucoup discute au sujet de ces
animaux. Voir BALANCE, t. i, fig. 420, col. 1403. C'est inscriptions, sans pouvoir se meltre entierement
peut-etre pour ce motif que le mot hebreu rro'pp, d'accord. Quelques-uns d'entre eux ont lu neseg, ssa,
qesUdh, Gen.,'xxxm, 19, cf. Jos., xxiv, 32, et Job, XLII, ou kesef, ^03, « argent », au lieu de nesef. En tout
DICT. DE LA BIBLE. V. — 16
483 POIDS
eas, le m«l reba' desire eeWainement ua quart. Voir peremptoire a la suite des ^savants travauxde M. G. P.
Ed. Koenig, EiyiiteitMig in (Ms tilte Testa**., m-8», B@nlft, Lehmanfii VMrsurtotit &a$• altbabyloni&che Mass* tmd
1893, p. 485, h. 1; Driver^ Introd. t& t>ke Literatuw Gewichtssy&etn als Gfundltoge der tantil&en <Gr&wichl-,
of the Old Test., in-8*, 6e edit., p. 449, note; Pales*- Mimz- und Maassysftetiie, dans leS Avtes du rnt*'Corigi*£s
tme Explor. Fund, Quarterly Statement, te-8°, 1890, international de$ Orienfaitstes, Section semitiquie B,
p. 267-268; 1891, p. «9; 1893, p. 22; 1894, p. 220, 286- ito-8», Leyde, 18^3, p. 166-246, €F. V. Duruy, ttistoiw
287; 1895, p. 187480. — 2» Bans la .'meme revoke, 1892, des €frecs, t, I, Paris, 1887, p. 608. Natui-ellemeut, le
sysleme babyl'ealett a sub! des modifications et des
Wansfertnati^ns multiples the2 tes divers peuples qui
Toftt empr%rii%e, totit en demeurant au fond le meme.
On petit regarder comme un pomt incontestable qiie,
des te xvie Mecle avant ,!.-€., te partie du systeme
104. — Poids en hematite, en forme de navette, decouvert a metfotefiqu£ ies Babylbniens qui se rapporte atfx poids
Samarie. D'apres Palestine Expl. Fund, Quart. Stat.,
i$K>> p. 267; 1894, p. 287. avait peaett-e dans les regidns syriettttes. Cela ressort
de ia faeon te pills evident* du fait stiivaftt: dans les
p. 114, M. Fl. Petrie analyse d'autres poids qu'on a iascriptfefts de Tell-'el-AMarna, tes tributs payes au roi
aussi decouverts en Palestine* Mais rien de tout cela d'&gypte Uttj'th^ies 111 par ses Vasslaux de Syfie sont
ne conduit a des resultats definitifs. enunaeres en p6$€s assyrfefis, c'est-a--dire, en talents
II. ANCIENS SYSTEMES METROLOGIQUES DE L'ORIENT et en mines, et n»on pas en poid:s egyptiens. Voir Leli-
B1BLIQUE EN CE QUI CONCERN'S LES POIDS. — I. OB- mann, daiis faZevls&hrift fiir Asxyri&logie, I. itt, 1888,
SERVATIONS GEN&RALES. *- Les Hebreux paraissent p. 302. II e%t trai qae, stir riBScfiption du temple de
avoir eu assez tot un systeme de poids Men complet. Kara'ak, les memes tributs sont thaoftees d'apres le
Ce systeme etait le meme, dans son ensemble, que systeme met«)logique egyptien. Mais il e«t visible, par
celui de la plupart des peuples de 1'Asie anterieure, en la seule inspection des chiffres marques, que ces chif-
partictilier des Pheniciens, des Syriens, de plusieurs fres ont <&& obtentis ati mbyen de cafctils, et traduits
provinces d'Asie Mineure, et tout specialement le meme pbul1 atesi dire en langwe ^egypt!efttte; car ife sont sou-
que celui des Babyloniens. — On avail d'abord simple- v&ht impairs, et meme sccompagftes de factions, 'tattdis
que d'brdinaire les tribate etaient ttomptes par Centaines
et par »illiers de talents, de mines, de steles, etc. Cf.
Nowack, Bemdbiich der !hebr. Arch&c/logve, t. i, p. 206;
Benzinger, Hebr. A^ch&ologie, p. l^S. Suivant Hero-
dote, in, :91, 1'Egypte ell'e-meme payait le tribut aux
Perses d'apf es les poids b^abylonie'ns.
//, LES POIDS -SAsnomENS. "- Quelqires indications
a ce sujet sont iei a leur place, puisque e'est au sys-
teme babyl<«iiett !que les Kebreux ont empruhte leiirs
propres poids. Gette branche a et& en qttetque sorte
revorution&ee de B'es joars, non seule'ment par f etude
des textes assyrfens et 'babyloniens, mafe surtotit par
la decbuverte d'un nombre assez considerable de poids
de Babylone ]et de Ninive. — Le principe suf lequel
s'appute toW. 'ce syste"me tnetfo'togique est le principe
sexagesirtfal., aittsi «omme pafce que le cliiffre 60
joue 5&ke2 ies Babyleftie^s le meme role que le chiffire
10 chez notfs. Lffflr unite de poids etait la mftie,
MA'NA des inscriptiotis, qui correspond a mdneh des
H^breux, au grec [LVOL et 'a* latin mna ou mina. Au
dessus de la mtoe etait le talent, appe le gaggarou dans
leslettres de f efPel-AmaWia, Ttikkaren hebreu, raXacvTov,
c'est-a-dire * poids », en grec, ttdentum en latin; il
valait 60 mines. Au dessous de la mine etait le side, en
assyrien siklu, seqel en hebreu, o-fxXo; en grec, ou
sratTvip, siclus era latin; die formaitla soixantieme partie
105. — Quatfe poids Israelites a inscriptions. de la mine. II fallait do»c, en Chaldee et en Assyrie,
D'apres Clermont-Ganneau,
5
Recueil d'archeoloffie orientate, 60 sides pour faire w«ne -mine, €0 mines pour faire un
t. rv, I" 'et 2' livr., 1900, p. 25, 26, 18. talent. (Les monu*»ents deoetiverts a <Tell-Loh, dans la
Babylonie meridawiaie, tnointrent q-ue les <Cba!IdeeBs se
ment conjecture, puis on a deniontre de la maniere servaient aussi d'un poids inferieur, nomme che, qui
la plus certaine qu'eft ce qui regarde les poids,, comme cbrres.pottfraft a fgO grains de ble (60 x5).
les mesures de longueur et de capacite, tous les sys- On a rema'fque qu'a Babylone et a Ninive il existait
teraes metrologiques de 1'antiquite, y compris ceux de un doifble sysleme de poids, et, dans chaque systeme,
I'figypte, de la Grece, de la Sicile, de 1'Italie, etc., oni tine double serie, la serie lourde et la serie legere.
eritre eux une ressemblance frappante, et que Babylone Voir'C. P. Lelimann, Sitzungsberichte der archaolog.
en estle centre, ou plutotle lieu d'origine. Voir Bocfch, Gesellscnttft zu Berlin, 1888, p. 27-42; Das altbdbylo-
Metrologische Untersuchungen uber Gewichte, Mtinz- nische Maas- unft, GewicJitssystem, 1893, p. 6-20. La serie
fusse wnd Maasse des Altwthums in ikrem Zusam- lourde pesait exactement le double de la serie legere. Le
menharig&,in-&o, Berlin, 1838. Bertheau, ZurGeschichte premier systeme a ete surnoname royal, parce que les
der IsraeUten, in-8», Goeftingue, 1842, a developpe poids qui le representent ont ete trouves dans lespalais
eette idee !et «ette detnonstration paf rapport aux an- royaux et qu'fl pbrtent tous cette insoripftion : « Tasit
ciens Hebretix; M. Bfandis 1'a feprise plus'eto grand, et tent de mines du roi. » La mine royale lourde a ete
dans son ouvfage intitule Das Stun?- , Mtiss- un(l Ge- evaluee, d'apres ces modeles,, a 1010 gr. (c'est le poids
wichtsu'esen in Vorderttsien Ms auf Alexander den de la fig. 102), et la mine legere a 505 gr. (poids de la
Grossen, in-8°, Bertin, 1866. La preuve est devenue iig. 103). D'apres cela, le talent royal de la serie lourd
485 POIDS
correspondait a 1010 gr. x 60, c'est-a-dire a 60 600 gr., 3° Le talent, — Le poids le plus eleve, chez les
et le talent royal de la serie faible, a 505 gr. X 60,. Hebreux comme chez les Babyloniens, les Perses, etc.,
c'est-a-dire 30 300 gr, Le side royal lourd, qui etait la etait le talent. Son nom hebreu, kikkar, ^33, a le sens
606 partie de rla mine, valait 163r83, et le side royal T*
111. — Capoeta fratercula. D'apres Lortet, La Syrie, p. 58. 113, — Chromis Simonis. D'apres Lortet, La Syrie, p. 507.
cetaces, marsouins et dauphins, y sont aussi tres com- communication souterraine entre le fleuve egyptien et
muns, mais ne pouvaient servir a la nourriture des les eaux palestiniennes. Cf. Josephe, Bell, jud., m, x,
Israelites. — 3°De nombreuses especes peuplent le Nil 8. Ces poissons forment parfois des banes etendus et
et les divers canaux qui en derivent. « Beaucoup de pois- epais, qui agitent I'eau a la surface comme le ferait
sons de mer montent frayer en eau douce, les clupees, une violente averse. Ils appartiennent aux genres chro-
les mugils, les perches, le labre, et poussent leurs ex- mis, clarias, capoeta, barbus, blennius, discognathus
cursions tres haut dans le Said. Les especes qui ne et nemachilus. Les chromis sont representes par de
sortent pas de la Mediterranee sont arrivees du fond de nombreuses especes. Ces poissons, longs d'une ving-
1'Ethiopie, et en arrivent encore chaque annee avec la taine de centimetres a peine, ont la specialite de garder
crue, le raschal, le rai', la tortue molle, le docmac, les leurs alevins dans leur gueule durant plusieurs se-
•mormyres. Plusieurs atteignent une taille gigantesque, maines, jusqu'a ce que ceux-ci soient de taille a se
le bayad et la tortue pres de 1 metre, le latus jusqu'a suture a eux-memes. « Une de ces especes, le chromis
3 metres; d'autres se distinguent par leurs proprietes Simonis (fig. 113), a une gueule enorme, comparee
electriques, comme le silure trembleur. Le fahaka aux dimensions du corps; au printemps, les joues du
(fig. 112) est un poisson allonge, qui nait au dela des male sont toujours gonflees par les oeufs, ou le fretin,
cataractes. Le Nil 1'entraine d'autant plus aisement qu'il transporte ainsi partout avec lui... J'ai vu maintes
497 POISSON
fois la femelle en pondre une quantite considerable, masdna, poissons argentes comme les truites de mon-
deux cents environ, au milieu des joncs et des roseaux, tagne; les barbus canis et longicepst d'assez grande
dans une petite excavation qu'elle creuse en se frottant taille et pourvus de tentacules de chaque cote du mu-
dans la vase... Quelques minutes plus tard, le male seau; le cyprinodon cypris, petit poisson de cinq cen-
prend avec ses levres les oeufs, les uns apres les autres, timetres de long, et quelquefois le clarias macracan-
et les fait glisser dans Pinterieur de sa gueule, centre thus. Les torrents qui se jettent dans le Jourdain ont
ses joues quise gonflent alors d'une maniereetrange... les memes especes que le fleuve. Les petits ruisseaux
Au sein de cette cavite incubatrice d'un nouveau genre, du Kelt, aux environs de Jericho, nourrissent le ca-
les oeufs subissent en quelques jours toutes leurs meta- poeta Damascina, le Discognathus lamta et le cypri-
morphoses. Les petits, qui prennent rapidement un nodon cypris. Le barbus longiceps abonde surtoutdans
volume considerable, paraissent bien genes dans leur le Jaboc. Le lac Houleh a les memes habitants que le
etroite prison... et ne quittent cette demeure que lac de Tiberiade. Mais tous les poissons qu'entraine le
lorsqu'ils sont longs de dix millimetres, et alors assez violent courant du Jourdain perissent des qu'ils attei-
forts et agiles pour echapper facilement a leurs nom- gnent les eaux de la mer Morte. Cf. Ezech., XLVJI, 9,
breux ennemis. » Lortet, La Syrie d'aujourd'hui, 10. Voir JOURDAIN, t. in, col. 1739; MORTE (MER), t. iv,
p. 506. L'hemichromis sacra se rencontre, au mois de col. 1300. On trouve aussi en grande abondance dans
juin, avec la gueule pleine d'oaufs et d'alevins, atteignant des sources m6me salees ou chaudes, de petits pois-
parfois le nombre de deux cent cinquante. Les chromis sons argentes, le cyprinodon Sophise, le 'cyprinodon
Tiberiadis, niloticus et microstomus, de plus grande dispar, et d'autres analogues. Le cyprinodon dispar
taille que les precedents, sont preferes par les pe- (fig. 115), long de cinq centimetres a peine, est d'un
cheurs. Les alevins que contient ainsi la gueule des gris argente et verdatre sur le dos. Des points pigmen-
chromis ont une couleur argentee et tombent sur le taires d'un noir intense sont semes sur les flancs, le
sable comme des gouttelettes de mercure. Ce fut tres ventre et les nageoires. Ce poisson vit dans les sources
probablement dans la gueule d'un chromis que, sur chaudes, fortement salees et parfois quelque peu sulfu-
1'ordre du Seigneur, saint Pierre trouva un jour, non reuses. Mais, comme tous les autres, il perit sitot qu'on
plus des alevins, mais le statere destine a payer le le plonge dans 1'eau de la mer Morte. La source Am
Sghai'r, salee, sulfureuse et d'une temperature de 20°,
renferme des myriades de cyprinodon Sophise, longs
DICT. DE LA BtBLE. V. - 17
515 POLYGLOTTES 516
2. Description. — Le litre general de 1'ouvrage, qui breuses fautes d'impression ne diminuent pas la valeur
forme 6 in-f°, est : Biblia sacra Polyglotta, etc, Celui critique du texte. D'apres les travaux de Baer, ses
de 1'Ancien Testament est : Vetus Testamentum multi- variantes sont meilleures que les lecons traditionnelles
plici lingua nunc primo impressum. Dans le t. i, massoretiques. Ximenes avait fait acheter sept manus-
consacre tout entier au Pentateuque, a la suite des pro- crits hebreux, quilui avaient coutea eux seuls 4000 du-
logues et de divers traites, viennent les textes repro- cats. Us provenaient des synagogues de Tolede et de
duits . hebreu, latin, grec, disposes sur trois colonnes Maqueda. Us sont conserves a la bibliotheque de 1'uni-
dans la partie superieure de chaque page, sans que les versite de Madrid. Cinq ne sonl que des Pentateuques
lignes correspondent, en raison de la difference des avec des commentaires ordinairementdefectueux etcor-
earacteres. Le texte hebreu est ponctue et le texte grec riges par Zamora. Deux sur parchemin contiennent la
est accentue. Dans la colonne, toujours la plus rappro- Bible hebrai'que en entier. Us ont appartenu au college
chee de la marge interieure, le grec des Septante est de Saint-Ildefonse d'AIcala. L'un est du xine siecle et a
surmonte d'une version latine, lilterale et interlineaire, ete achete a Tolede en 1280 par deux medecins juifs,
faite par les editeurs; les mots latins sont exactement 1'autre a ete transcrit 1'an 6242 depuis la creation a
au-dessus des mots grecs correspondants. De petits ca- Tarazona en Aragon. Les collations que Franz Delitzsch,
racteres latins indiquent le rapportde la Vulgate avec le ComplutensischeVarianten zu dem alttestamentlichen
texte hebreu. La partie inferieure de la page est divisee Text, in-4°, Leipzig, 1878, p. 6-38, a faites de quelques
en deux colonnes inegales, dont la plus large contient passages avec d'autres documents, lui ont permis de
le texte chaldeen ponctue du targum d'Onkelos, et la conclure que les editeurs avaient utilise au moins un
moins large une version latine de ce texte. A la marge manuscrit hebreu, different des deux Bibles hebrai'ques
exterieure, sont indiquees les racines des mots et des conservees, que le texte edite, malgre ses fautes, a une
formes hebrai'ques et chaldai'ques, imprimees dans la haute valeur critique et surpasse souvent les autres
colonne voisine. Le t. n comprend les livres de Josue editions du texte hebreu. Cette edition a ete reproduite
jusqu'aux Paralipomenes inclusivement. Comme les dans la Polyglotte d'Heidelberg et utilisee dans celle
targums, bien que traduits en latin par ordre de Xime- d'Anvers.
nes, n'y sont pas reproduits, la page entiereest divisee b) Texte des Septante. — Les editeurs de la Polyglotte,
en trois colonnes, dans lesquelles les textes sont dispo- pour cette edit on princeps des Septante, eurent a leur
ses comme dans le volume precedent. La priere.de disposition deux manuscrits de la bibliotheque vaticane:
Manasse, a la fin du t. n, n'est editee qu'en latin. Le 346 (Holmes 248) contenant les livres sapientiaux. Esdras,
t. in renferme les deux livres d'Esdras, Tobie, Judith, Tobie, Judith, Esther, et 330 (Holmes 108) contenant les
Esther, Job, le Psautier, les Proverbes, 1'Ecclesiaste, livres historiques depuis le Pentateuque jusqu'a Esther
le Cantique, la Sagesse et 1'Ecclesiastique. La disposi- avec un fragment de Tobie. Voir t.e iv, col. 682. Ces manus-
tion generale est la meme que dans les volumes prece- crits, qui paraissent etre du xm siecle, furent envoyes
dents, sauf quelques parlicularites. Dans le Psautier, a Alcala par Leon Xla premiere annee de son pontifical;
la version latine ordinaire oule Psalterium gallicamim pretes pour un an, Us ne furent rendus que le 9 juil-
sert de version interlineaire au texte grec, el le Psalte- Ietl519. Les editeurs eurent aussi la copie faite avec grand
rium hebraicum de saint Jerome occupe la colonne du soin, envoyee par le senat de Venise et conservee a la
milieu. Pour les livres deuterocanoniques, bien, que bibliolheque de Maduid comme provenant du college
le texte hebreu fasse defaut, on a maintenu la division Saint-Ildefonse d'AIcala, d'une partie d'un manuscrit
en trois colonnes : la version interlineaire du grec des grec tres correct copie par le cretois Jean Rhosos pour
Septante est imprimee a part dans la colonne reservee le cardinal Bessarion et conserve a la bibliotheque
ailleurs a 1'hebreu. Le t, iv contient tous les prophetes Saint-Marc de Venise (Marc V; Holmes 68). La copie
et les trois livres des Machabees. Pour le troisieme de comprend les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois,
ces livres, il n'y a que deux colonnes, contenant sepa- les deux livres des Paralipomenes, les Proverbes, 1'Eccle-
rement le texte grec et une version latine. Dans le t. v, siaste, le Cantique, le Ier livre d'Esdras (apocryphe),
consacre au Nouveau Testament, apres diverses pieces Esdras et Nehemie, Esther, la Sagesse, Judith, Tobie,
qui servent d'introduction, les quatre Evangiles sont les trois livres des Machabees. Les collations de ces
imprimes sur deux colonnes, dont la plus large contient manuscrits avec le texte des Septante de la Polyglotte,
le texte grecet la moins large la Vulgate. Les passages que Franz Delitzsch a faites, Fortgesetzte Studien zur
paralleles et les citations bibliques sont notes en Entstehungsgeschichte der Complutensischen Poly-
marge. Chaque Evangile est suivi d'un prologue. Deux glotte, in-4°. Leipzig, 1886, p. 4-28, ont permis de deter-
dissertations grecques, dont la seconde est d'Euthalius, miner 1'usage que les editeurs ont fait des manuscrits
precedent les Epilres de saint Paul, reproduces sur mis a leur disposition. 11s n'ont pas reproduit textuelle-
deux colonnes. Chaque Epltre est precedee d'un prologue ment les manuscrits 330 et 346. Les nombreuses diffe-
et d'un sommaire. Deux prologues precedent aussi les rences de leur texte avec celui du premier manifestent
Actes, qui sont suivis des £pitres catholiques et de 1'Apo- des corrections arbitraires, faites d'apres 1'hebreu qu'ils
calypse. Cinq pieces de poesie, deux en grec et trois preferaient, non pas, comme dit Richard Simon, « en
en latin, a la louange de Ximenes et de son oeuvre, une infinite d'endroits, » Catalogue des principales
terminent le volume, avec une lisle des noms propres, editions de-la Bible, dans Histoire critique du Vieux
une petite grammaire grecque et un court lexique grec- Testament, Amsterdam, 1685, p. 516, ou « en un assez
latin. Le texte grec n'est pas accentue, parce que les grand nombre d'endroits », Bibliotheque critique,
autographes ne 1'etaient pas, afin de se rapprocher Amsterdam, 1708, t. in, p. 485, mais seulement pour
ainsi le plus possible de 1'original. Le rapport du texte une petite part, ou plus souvent des emprunts a la
grec avec la Vulgate est indique par de petiles leltres copie du manuscrit de Bessarion ou au Vatican 346,
latines, inscrites au-dessus des rnots correspondants. dont ils corrigeaient les fautes de transcription. Pour
Cf. Van Praet, Catalogue des livres imprimes sur velin le Psautier, qui n'est pas dans les trois manuscrits
qui setrouvent dans des bibliotheques tant publiques precedents, ils ont utilise un manuscrit special en cur-
que particulieres, Paris, 1824, t. i, p. 1-4. sive, du xme ou xive siecle, qui est a la bibliotheque de
3. Valeur et influence. — a) Texte hebreu. — Bien Madrid. On ignore de quels manuscrits ils disposaient
que n'appartenant pas aux incunables "hebreux, son pour les livres prophetiques. A defaut de penseignements
edition a fait epoque et elle est la premiere edition precis, on a recherche a quelle recension appartenait
catholique de ce texte. Elle a ete consideree comme le texte de leur edition et on a constate qu'il ressemblait
*a*e -eeuvre scientifique. Ses inexactitudes et ses nom- a celui des manuscrits I, V et VI de Saint-Marc de
517 POLYGLOTTES 518
Venise (Holmes 23, 68, 122), qui ont servi a 1'edition nent d'Alcala et qui contiennent le verset des trois
Aldine de 1518. Ibid., p. 53-57. Le, texte des Septante temoins celestes. Elles ont du servir aux editeurs de la
de la Polyglotte de Complute a ete reproduit dans les Vulgate. Franz Delitzsch, Fortgesetzte Studien, p. 51-
Polyglottes d'Anvers et de Paris, dans la Bible de Va ta- 52. De 1'examen du texte edite, on a conclu que ces
ble ou de Bertram, Geneve, 1586-1587, 1599, 1616, et editeurs ont corrige des exemplaires courants de leur
dans celle de D. Wolder, Hanabourg, 1596. Cf. Swete, epoque d'apres les manuscrits plus anciens et plus cor-
An introduction to the Old Testament in Greek, Cam- rects, dont ils rapportaient quelques-uns, ecrits en lettres
bridge, 1900, p. 171-173. gothiques, au vne ou au vme siecle, mais parfois aussi
c) Texte grec du Nouveau Testament. — L'edition sur Fhebreu et le grec, en particulier pour supprimer
de Complute est aussi 1'edition princeps du texte ori- ce qui n'avait pas de termes correspondants dans les
ginal du Nouveau Testament. On ignore sur quels ma- originaux. R. Simon, Histoire critique du Vieux Tes-
nuscrits elle a ete faite. Lopez de Zuniga (Stunica), tament, Amsterdam, 1685, p. 313, 516. — Sur la Poly-
cfui, sans avoir eu la part principale a cette edition, glotte de Complute, voir encore Hefele, Der Cardinal
comme on le pensait, a travaille an moins au texte des Ximenes, 2e edit., Tubingue, 1851, p. 113-147; trad,
Actes et des Epitres, parle de manuscrits grecs corriges, franc., Tournai, 1856, p. 141-177; Vercellone, Disserla-
mais il n'en nomme qu'un, le Rhodiensis, vraisem- zioni academiche di vario argument o, Rome, 1864,
blablement envoye de Rhodes au cardinal Ximenes et p. 407; Hurter, Nomenclator literarius, 3e edit., Ins-
contenant les Jipitres. On ne 1'a pas encore retrouve. pruck, 1906, t. n, col. 1132-1134.
On ne sait si, pour le Nouveau Testament, des manus- 2« La Polyglotte d'Anvers. — 1. Histoire. — Des
crits grecs du Vatican furent envoyes a Alcala. La com- 1566, Pimprimeur Christophe Plantin, etabli a Anvers,
paraison du texte edite avec les manuscrits du Vatican, avait forme le projet de publier une Polyglotte. Par
1158 (Ev. 140 et 366, Act. 72, Paul 79, Apoc. 37), les I'intermediaire du cardinal de Granvelle, son protec-
seuls dont il puisse etre question, ne permet pas de teur, il s'assura 1'intervention de Philippe II, roi d'Es-
conclure a leur emploi. Franz Delitzsch estime que le pagne. Ce prince donna un subside de 12000 florins a
texte des Actes et des Epitres est apparente a celui du rembourser en exemplaires de la nouvelle Bible et
Hafniensis 1 (Ev. 234. Act. 57, Paul 72), qui est a envoya Arias Montanus pour surveiller le travail et
Copenhague, mais qui etait encore a Venise en 1699, corriger les epreuves. Ce savant espagnol arriva a
et qui a ete copie par Theodore d'Hagios Petros, et a Anvers le 15 mai 1568. II apportait d'Alcala la version
celui du Laudianus 2 (Ev, 51, Act. 32, Paul 38), qui laline des targums sur les prophetes, et un tres ancien
est a la Bodleienne a Oxford et qui est une copie du manuscrit hebreu qui lui appartenait. Pendant que
precedent, f ortgesetete Studien, p. 30-51. Wettstein Plantin faisait fondre les caracteres necessaires, graves
et Semler avaient pretendu que les editeurs de la Poly- par Robert Granjon et Guillaume Le Bee (on se servit
glotte d'Alcala avaient altere le texte grec, en y inse- pour I'hebreu des caracteres employes pour la Bible de"
rant des lecons de la Vulgate. Goeze, Vertheidigung BomLerg), Arias Montanus preparait les materiaux. II
der Complut. Bibel, Hambourg, 1765; Ausfuhrlichere fut aide par Andre Maes, Francois Luc de Bruges,
Vertheidigung des Compl. N. T., ibid., 1766; Fort- Guy Le Fevre de la Boderie et son frere Nicolas,
setzung der ausfuhrl. Vertheidigung des Compl. Francois Ravlenghien. plus tard gendre de Plantin, et
N. T., Halle,. 1769, a surabondamment prouve la faus- son frere Nicolas-Guy, le jesuite Jean Willem (Harle-
sete de ce sentiment. Seul, le verset, I Joa., v, 7, a ete mius), etc. Voir t. i, col. 954-955. Les caracteres et le
certainement emprunte a la Vulgate; les passages,Rom., papier etaient plus beaux que ceux de la Polyglotte
xvi, 5; II Cor., v, 10; vi, 15; Gal., in, 19, en proviennent d'Alcala. L'impression commenca au mois de juillet
peut-etre. En resume, bienque les manqscrits consultes 1568 et fut terminee le 31 mai 1572. Le t. iv est date de
aient ete probablement recents, le texte edite comprend 1570, let. v de 1571 et les Apparatus de 1572. On tira
beaucoup de bonnes lecons que les critiques posterieurs 960 exemplaires ordinaires, 200 meilleurs, 30 fins,
ont admises, surtout pour 1'Apocalypse, moins pour 10 extra-fins et 13 sur parchemin. Arias Montanus avait
les Evangiles et tres rarement dans les autres livres. demande a Pie V son approbation. Le pape hesita a
II differe beaucoup de celui qu'Erasme editait a la cause de la version latine de Pagnino et de quelques
me" me epoque; il est moins incorrect, malgre ses traites de I'Apparatus qui paraissaient suspects. Le
fautes evidentes. Franz Delitzsch, Studien zur Enste- Talmud et Sebastien Munster y etaient trop souvent
hungsgeschichte der Polygloltenbibel des Cardinals cites. On consulta des theologiens beiges et espagnols.
Ximenes, Leipzig, 1871; Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. Montanus alia a Rome s'expliquer et presenta un me-
grxci, Brunswick, 1872, p. 15-26; S. Berger, La Bible moire. Pie V eiait moYt \e !« \ft%\. <Sve^oYce, 'SAli, 4\u
au seizieme siecle, Paris, 1879, p. 49-54; Gregory, le 12 dumeme mois, se montra plus favorable etadressa
Textkritik des Neuen Testaments, Leipzig, 1902, t. 11, a Philippe II, le 20 octobre 1572, un bref, dans lequel
p. 924-928; A. Bludau, dans Der Katholik, 1902, t. n, 11 appelle la Polyglotte d'Anvers opus vere regium.,
p. 27 sq. D'ailleurs, I'Apparatus fut reimprime du 2 aout 1572
Le texte grec du Nouveau Testament d'Alcala n'a au 14 aout 1573 avec des modifications, faisant droit
pas eu au xvie siecle 1'influence qu'Hefele lui a attri- aux critiques precedentes/ Max Rooses, Christophe
buee. Aucune edition ne 1'a reproduit exaetement. Les Plantin, imprimeur Anversois, 1882, p. 123. Cepen-
editeurs des Polyglottes d'Anvers et de Paris et ceux dant Leon de Castro, professeur de langues orientales
qui dependent de ces Bibles lui ont emprunte un plus a Salamanque, denonca Arias Montanus a 1'Inquisition
ou moins grand nombre de lecons. Ed. Reuss, op. cit., espagnole. II lui reprochait d'avoir presente la traduc-
p. 74-83. Au xixe siecle, il a ete fidelement reedite par tion de Pagnino comme la version la plus exacte des
Gratz dans son edition du Nouveau Testament, 2 in-8°, textes hebreu etgrec et d'avoir recommande de recourir
Tubingue, 1821; Mayence, 1827, 1851. Van Ess, dans aux sources originales, contrairement, pretendait-il,
son edition, in-8°, Tubingue, 1827, a mele les le?ons de au decret du concile de Trente sur la Vulgate. Arias
Complute avec celles d'Erasme. Ed. Reuss, op. cit., Montanus se defendit en 1576. Mariana, comme inqui-
p. 45. siteur, signala des fautes tres reelles, mais declara
d) Texte latin de la Vulgate. — L'edition d'Alcala a qu'elles n'etaient pas suffisante? pour faire condamner
precede la Bible Clementine. Son origine est peu con- la Polyglotte du roi d'Espagne. L'afifaire ne fut terminee
nue. Ximenes dit bien qu'il a rassemble des manuscrits qu'en 1580. H. Reusch, Der Index; der verbolenen
latins, mais sans plus d'explication. La bibliotheque de Bucher, Bonn, 1883, t. i, p. 575^576. La Polyglotte
i'ltniversite de Madrid a trois Bibles latines qui vien- « royale » recut bon accueil du public et elle fut ap-
519 POLYGLOTTES 520
prouvee par plusieurs universites, notamment par qui se trouvent dans 1'edition de Robert Estienne de
celle de Paris. L'empereur el le roi de France autori- 1550. Sur les mille passages que Reuss a etudies, elle
serent sa vente dans leurs Etats. Les exemplaires furent est 709 fois d'accord avec les deux editions precedenles.
vite distribues et devinrent rares et recherches. On les Dans les 291 autres, 39 sont d'accord avec R. Estienne,
a vendus chez les antiquaires 120,150 et 180 marks. 3 avec Erasme, 1 est tout special et les 249 dernieres
2. Description. — La Polyglotte de Plantin est inti- sont exclusivement conformes a la Bible de Complute.
tulee : Biblia hebraice, chaldaice, graece et latine, Le texte gree du t. vm differe de celui du t. v en 14
et elle comprend 8 in-folio. Les quatre premiers volumes passages dans lesquels la lecon de Complute est aban-
contiennent 1'Ancien Testament. Pour les livres pro- donneepour celle d'Estienne, sauf Apoc., i. 6, dont le
tocanoniques, chaque page a deux colonnes, reprodui- texte est nouveau, en trois autres dans lesquels la lecon
sant, au verso, le texte hebreu sans version interlineaire d'Estienne est remplacee par celle de Complute, enfin,
et la Vulgate, et au recto, le texte grec des Septante a I Pet., n, 3, la lecon Erasmienne est remplacee par le
droite avec sa traduction latine a gauche. Au has des pages, texte ordinaire. L'edition d'Arias Montanus suit done
on trouve, pour tous les livres qui en ont, les targums une voie speciale et elle a plus de valeur que les cri-
ou paraphrases chaldai'ques et leur version latine. tiques le disaient. Elle a ete souvent reproduite exac-
Celle-ci etait celle que le cardinal Ximenes avait fait tement ou avec quelques corrections, dans ses deux
faire et qu'Arias Montanus avait apportee d'Espagne. etats. On trouvera le detail de ces renditions dans
Le texte chaldai'que avait ete emprunte a des manuscrits Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 74-83. Cf. Gregory,
espagnols et venitiens. On en avait retranche les fables Textkritik des N. T., t. n, p. 936. La Vulgate latine est
les plus grossieres. Les livres deuterocanoniques n'ont de meme nature que celle de la Polyglotte d'Alcala.
que trois colonnes, sur une seule page, reproduisant Finalement, les travaux preparatoires de la Bible
de gauche a droite la version latine du texte grec, ce d'Anvers ont laisse beaucoup a desirer. Les editions ne
texte lui-meme et la Vulgate. Dans le t. in, on a imprime, sont pas en progres notables sur celles de Complute,
sans pagination, le seul texte latin des IIIe et IVs livres et les recueils de variantes, dans 1'Apparatus, sont
d'Esdras. Le t. v contient le Nouveau Testament, Les parfois peu considerables.
textes y sont disposes dans cet ordre. La page de gauche 3° La Polyglotte de Paris. — 1. Histoire. — Le car-
presente dans une premiere colonne la Peschito, qui dinal du Perron et Jacques de Thou, bibliothecaire du
n'a que les livres protocanoniques, en caracteres roi, avaient coneu le projet de reediter la Polyglotte
syriaques, etdansune seconde colonne, sa version latine, d'Anvers avec 1'aide de deux maronites, Gabriel Sionite
O3uvre de Guy Le Fevre de la Boderie. La page de et Jean Hesronite, ramenes d'Orient par Savary de
droite reproduit d'abord la Vulgate latine, puis le texte Breves. Us avaient obtenu le privilege royal en 1615.
grec. Sous ces quatre colonnes, et par consequent sur Mais la mort du premier en 1617 et du second en 1618
les deux pages, le texte syriaque est transcfit en carac- arreta 1'entreprise, qui pourtant fut louee, en 1619, par
teres hebrai'ques avec points-voyelles pour les lecteurs 1'Assemblee du clerge reunie a Blois. Guy-Michel Le Jay,
qui ne sauraient pas lire le syriaque. Les trois derniers avocat au parlement, reprit le projet. Le cardinal de
volumes ont le titre d''Apparatus. Le t. vi contient une Berulle lui conseilla, en 1626, d'y ajouter le Pentateu-
grammaire hebrai'que et un abrege du Thesaurus de que samaritain et la version safnaritaine. L'edition de
Pagnino par Francois Ravlenghien, une grammaire ces textes fut confiee. a 1'oratorien Jean Morin. Philippe
chaldai'que et un dictionnaire syro-chaldai'que par Guy d'Aquin fut charge de 1'hebreu, Gabriel Sionite et Jean
Le Fevre de la Boderie, une grammaire syriaque et un Hesronite des versions syriaques et arabes, Abraham
vocabulaire intitule : Peculium Syrorum par Maes, Echellensis et d'autres erudits collaborerent a 1'entre-
une grammaire et un dictionnaire grecs, dont 1'auteur prise. L'impression fut remise a Antoine Vitre, qui fit
est inconnu. Le t. vn renferme plusieurs dissertations graver des caracteres he'breux, chaldeens, grecs et
d'archeologie biblique par Arias Montanus, et des re- latins par le fils de Le Bee. Jacques de Sanlecque
cueils de variantes ou de notes philologiques et critiques grava les caracteres samaritains et syriaques, dont
de divers auteurs. Ces dissertations et recueils forment Sionite avait fourni le modele. II prepara aussi des
un total de 18 traites distincts. Le t. vm comprend la matrices nouvelles d'arabe sur les poincons de
version latine des livres de la Bible hebrai'que, faite M. de Breves. On fit fabriquer un papier special, si
par Pagnino et revisee par Arias Montanus; elle a ete beau qu'on 1'a appele carta imperiali's. A. Bernard,
examinee par les censeurs de Louvain. II contient en- Antoine Vitre et les caracteres orientaux de la Bible
suite le texte grec du Nouveau Testament, la version polyglotte de Paris, in-8°, Paris, 1857; Id., Histoire
latine interlineaire, correspondant aux mots grecs; les de I'imprimerie royale du Louvre, in-8°, Paris, 1867,
differences du grec et du latin sont imprimees en marge p. 55-64. L'impression fut commencee au mois de
avec des caracteres speciaux. Enfin, viennent les Com- mars 1628. Les quatre premiers volumes etaient ache-
munes et familiares hebraicse lingux idiotismi ves en 1629, et le t. vi en 1632; la premiere partie du
d'Arias Montanus. Mais 1'ordre de ces volumes et des t. v est datee de 1630, et la seconde de 1633. Le t. vm
matieres qu'ils contiennent est divergent selon les fut termine vers la fin de 1635. L'impression du t. vn,
exemplaires qui sont d'editions differentes. Van Praet, qui etait commencee a cette date, fut interrompue par
Catalogue des livres imprimes sur velin de la biblio- suite du refus de Sionite de remettre la copie neces-
theque du Roi, Paris, 1821, t. i, p. 1-5; C. Ruelens et saire. II ne youlait pas non plus se dessaisir des ma-
A. de Backer, Annales plantiniennes, Paris, 1866, nuscrits orientaux, ayant appartenu a Savary de Breves.
p. 128-135. La version interlineaire a ete souvent reim- Au mois de Janvier 1640 il fut enferme au chateau de
primee a part. Voir t. i, col, 954-955. Richard Simon 1'a Vincennes par ordre du roi, et les manuscrits remis a
jugee tres severement. Histoire critique du Vieux Vitre. Libere le 12juillet, Sionite reprit sa traduction
Testament, 1. II, c. xx, Amsterdam, 1685, p. 316-318; latine de la version syriaque, et le t. vn fut acheve en
Critique de la Bibliotheque des auteurs ecclesiastiques, 1642. Son travail traina en longueur, et le t. ix sortit
Paris, 1730, t. .11, p. 213-216. des presses au mois de mai 1655 seulement. La Poly-
3. Valeuret influence. — Les textes, hebreu et grec, glotte entiere parut enfin, avec une preface, datee du
ont ete empruntes a la Polyglotte de, Complute, et ler octobre 1645, en tete du premier volume. L'Assemblee
celui des Septante sans modifications; mais 1'hebreu a du clerge 1'avait approuvee, le 24 Janvier 1636. Le Jay
ete collationne avec la Bible de Bomberg. Quant a avait emprunte 100000 ecus que Richelieu s'offrit de
1'edition grecque du Nouveau Testament, elle differe payer. L'editeur refusa cette offre aussi Men que la
de celle de Complute par un certain nombre de lecons proposition des editeurs anglais de lui racheter
521 POLYGLOTTES 522
600 exemplaires. La Polyglotte de Walton empecha la Bulletin de la Societe d'Histoire de Paris et de Vlle-
vente de celle de Paris, dont le prix etait de 200 francs. de-France, 17e annee, 1890, p. 84-94. La version arabe
Beaucoup d'exemplaires furent vendus an poids du des Evangiles a ete editee d'apres le texte arabe, publie
papier, et Le Jay, entierement mine, ne put payer a Rome en 1591, et la traduction latine est celle de
ses dettes. La Polyglotte fut presentee au public, en J.-B. Raymond, revue par Gabriel Sionite. Pour le reste
1666, par trois libraires hollandais sous un nouveau du Nouveau Testament, on avait quelques manuscrits
litre : Biblia alexandrina heptaglotta, comme etant arabes, venus d'Alep, entre autres un seul sur 1'Apoca-
publiee sous les auspices d'Alexandre VII, mais leur ruse lypse, provenant de S. de Breves. On a reproche a Gabriel
fut dejouee. Mabillon, Musseum italicum, Paris, 1687, Sionite d'en avoir modifie le texte. Les versions, syriaque
t.1, p. 95-96. Elle est magnifique par la beaute du papier et arabe, de 1'Ancien Testament, furent editees a 1'aide
et 1'execution typographique; mais la grandeur du d'editions anterieures (le Pentateuque arabe, publie a
format rend son emploi fort difficile. Elle presente Constantinople, en 1546; un Psautier syriaque et arabe
•enfin le desavantage de n'avoir pas publie dans le edite au Mont-Liban, en 1610;.un Psautier syriaque,
meme volume tous les textes, puisqu'il faut recourir a Paris, 1625; un Psautier arabe, Geneve, 1516; Rome,
deux volumes pour les avoir ensemble sous les yeux. 1613), et de six ou sept manuscrits seulement. En 1640,
2. Description. — Elle comprend 9 tomes en 15 vo- Sionite avait rapporte de Rome un manuscrit syriaque,
lumes grand in-folio et est intitulee : Biblia. 1. hebraica. legue par Risius. La Polyglolte de Paris, superieure a
2. samaritana. 3. chaldaica. 4. grseca. 6. latino. 7. ara- celle d'Anvers par les nouveaux textes qu'elle contenait,
bica, quibus textus originales totius Scripturse Sacrse, n'eut guere d'influence, supplantee qu'elle fut bientot
quorum pars in editions Complutensi, deinde in par la Polyglotte de Londres.
Antuerpiensi regiis suniptibus extat, nunc integris ex 4° Polyglotte de Londres. — \. Histoire. — Comme
manuscriptis toto fere orbe qusesitis exemplaribus la Bible de Le Jay etait incommode a manier et tres
exhibentur. En raison de son contenu, elle comprend chere, les Anglais deciderent de publier une Polyglotte
deux parlies bien distinctes. Les cinq premiers volumes, plus commode et moins couteuse. Brian Walton, qui
sauf une preface non paginee de Le Jay : Instituti fut plus tard eveque anglican de Chester, s'en chargea
operis ratio, et une autre preface de J. Morin sur le avec de savants collaborateurs. Edmond Castle surveilla
Pentateuque samaritain et sa version samaritaine, en I'edition des textes samaritains, syriaques, arabes et
tete du premier volume, ne sont guere que la reproduc- ethiopiens; il fit la traduction latine de la version ethio-
tion integrate des cinq premiers volumes de la Polyglotte pienne duCantique etcomposale Lexicon heptaglotton,
d'Anvers. La disposition typographique est la meme, annexe a la Polyglotte. Samuel Clarke s'occupa du
ainsi que les textes. Les seules differences notables texte hebreu et des targums, et traduisit en latin la
consistent en ce que le t. v, au lieu du syriaque en lettres version persane des Evangiles. Thomas Hyde transcri-
hebrai'ques, contient une version arabe du Nouveau vit le Pentateuque persan et en fit la traduction latine.
Testament et sa traduction latine, et aussi le texte Alexandre Huish surveilla 1'impressiondes textes grecs
.syriaque des quatre Epitres-catholiques etdel'Apocalypse et latins, et recueillit les variantes du Codex Alexan-
qui manquaient dans la Peschito. La seconde partie, for- drinus. La nouvelle Polyglotte fut publiee par souscrip-
mant les quatre derniers tomes, est seule nouvelle. Le tion sous le patronage de Cromwell, qui lui accorda
t. vi contient le Pentateuque syriaque et arabe avec 1'exemption des droits sur le papier. Le premier volume
leurs traductions latines, puis le Pentateuque samari- paruten septembre 1654; il sortait, comme lessuivants,
tain et sa version samaritaine, qui n'ont qu'une seule des presses de Thomas Roycroft, a Londres. II contient
traduction latine. Ces deux textes etaient iroprimes une dedicace au Protecteur. Apres la restauration des
pour la premiere fois. Les t. vii-ix ont les versions Stuarts, on remplaca cette dedicace par une autre a
syriaque et arabe, avec leurs traductions latines, de Charles II. On distingue par suite les exemplaires
tout le reste de 1'Ancien Testament, sauf que pour Job royaux et.les exemplaires republicains; ceux-ci, qui
il n'y a qu'une seule traduction latine des deux textes. sont les plus rares, sont les plus recherches. Le t. n
3. Valeur. — Quant a la premiere partie. qui n'est est date de 1655. Le t. vi et dernier parut en 1657. En
presque que la reproduction de la Polyglotte d'Anvers, 1669, on y joignit le Lexicon heptaglotton de Castle en
la Polyglotte de Paris n'a pas realise les progres que deux in-folio. La Polyglotte de Londres, qui avait ete
pourtant il eut ete facile d'accomplir. Le texte hebreu mise a 1'Index par decret du 29 novembre 1663, a
est mal reproduit et fort incorrect; il auraitpu aisement cause de ses prolegomenes (voir H. Reusch, Der In-
«tre constitue d'apres les bons manuscrits massoretiques dex der verbotenen Backer, Bonn, 1885, t. n, p. 124-
qui se trouvaient a Paris a la bibliotheque du roi. 125), ne figure plus dans I'edition offieielle du cata-
Pour les targums, le texte d'Anvers est mele a celui de logue des livres prohibes, publiee en 1900.
la Bible de Bomberg. II eut ete a propos d'imprimer, 2. Description. — Cette Bible, qui forme 6 in-f°, est
pour les Septante, I'edition .romaine faite d'apres le intitulee : SS. Biblia polyglotta complectens textus
Vaticanus, et.pour la Vulgate, la Bible Clementine. originales hebraicos cum Pentateucho Samaritano,
Pour le texte grec du Nouveau Testament, Reuss, Bi- chaldaicos, grascos versionumque antiquarum sama-
bliotheca N. T. grseci, p. 75, n'a remarque que neuf ritansR, chaldaicae, latinas Vulgatse, aethiopicae, grascse
differences d'avec le prototype. Cf. Gregory, Textkritik Sept., syriocss, arabicss, persicse, quicquid comparari
des N. T., t. ir, p. 940-941. Relativement aux textes poterat ex mss. antiquis undique conquisitis opti-
nouveaux, 1'absence de prefaces et d'Apparatus critique misque exemplaribus impressis summa fide collatis.
prive de renseignements sur leur origine, si Ton excepte Les quatre premiers tomes sont remplis par 1'Ancien
le Pentateuque samaritain et sa version samaritaine. Testament. Le ier, a la suite de la preface et de prole-
Us provenaient des manuscrits achetes a Damas par le gomenes, dans lesquels Walton parle des langues
voyageur Pietro della Valle pour le comple de M. de sacrees, des editions et des versions de la Bible, et qui
Sancy, ambassadeur de France a Constantinople, et constituent une veritable introduction critique, repro-
donnes par ce dernier, qui etait devenu oratorien, a la duit le Pentateuque en huit langues. Les textes sont
bibliotheque de 1'Oratoire (n. 1 et 2 du fonds samari- disposes sur deux pages en cet ordre : au verso, en
tain de la Bibliotheque nationale). Le manuscrit de haut de la page sur quatre colonnes paralleles, le texte
Peiresc, demands des 1630 par Vitre, avec des manus- hebreu avec la version interlineaire de Sante Pagnino
crits arabes, ne futapporte a Paris qu'en 1632 par Denis revue par Arias Montanus, la Vulgate latine de la Bible
Guillemin et ne put etre utilise. L. Dorez, Notes et Clementine, le grec des Septante d'apres I'edition ro-
•documents sur la Bible polyglotte de Paris, dans le maine du Vaticanus avec les variantes de VAlexan-
523 POLYGLOTTES 524
drinus, placees au-dessous, la version latine de ce version ethiopienne du Cantique et du Nouveau Tes-
texte grec, empruntee a Pedition de Flaminius Nobi- tament, publiee pour la premiere fois, et la version
lius; la version syriaque, accompagnee de sa traduction persane des Evangiles, tiree d'un manuscrit de Pococke.
latine est dans le has de cette page; au recto, le haul Les trois targums du Pentateuque etaient empruntes
de la page contient parallelement le targum d'Onkelos a I'edition de Buxtorf, et la version persane de ce livre
selon I'edition de Bale, sa version latine, le texte a I'edition de Constantinople. Le texte grec du Nouveau
hebreu samaritain et sa version latine; la version arabe Testament provenait de I'edition d'Estienne de 1550,
et sa traduction latine occupent le has de la page. Le dont le texte n'est modifie qu'en trois passages.
t. ii contient les livres historiques, de Josue a Esther. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. graeci, p. 56. A la marge,
La disposition est a peu pres la me"me que dans le 1.1, on lit les variantes du codex Alexandrinus, recueillies
sauf qu'au recto, il n'y a que le targum du pseudo- par Huish. Les notes etles variantes, editees dans 1'ap-
Jonathan pour les livres qui en sont dotes, avec sa pendice ont ge"neralement peu de valeur. Gregory,
traduction latine, et la version arabe (qui manque pour Textkritik des N. T., t. n, p. 941-942. Nonobstant ces
Esther). Le t. m renferme Job, les Psaumes, les Pro- defauts, la Polyglotte d'Angleterre reste un instrument
verbes, 1'Ecclesiaste, le Cantique, les grands et les tres utile pour 1'etude critique de la Bible.
petits prophetes. La disposition typographique varie HI. POLYGLOTTES PARTIELLES ou MOINS IMPORTANTES
suivant les livres. Sans entrer dans plus de details, FAITES AUX xvie, xvne ET xviii6 siECLES. — 1° Le Psautier
signalons seulement un texte nouveau : la version de Justiniani. — Bien qu'imprime apres le Nouveau
ethiopienne des Psaumes etdu Cantique. Le t. iv debute Testament d'Alcala, il a ete publie en 1516, avant la
par la Priere de Manasse, en grec et en latin, le Polyglotte de Ximenes. Son editeur, Augustin Justiniani,
III« livre d'Esdras (latin, grec, syriaque, avec traduc- religieux dominicain et eveque de Nebbio, avaitprojete
tion latine du grec et du syriaque), le IVe livre d'Esdras, la publication d'une polyglotte qu'il ne put executer. II
en latin seulement. On trouve ensuite Tobie (le texte n'a donne quele psautier en cinq langues: Psalterium
hebreu selon les deux editions de Fage et de Sebastien hebrseum, grsecum, arabicum et chaldaicum cum
Munster avec leurs traductions latines correspqndantes, tribus latinis interpretationibus et glossis, in-f°,
la Vulgate, le grec et la version syriaque). Pour Judith, Genes, 1516. Chaque page comprend quatre colonnes,
les parties deuterocanoniques de Jeremie et de Daniel qui contiennent, au verso, 1'hebreu, sa traduction
et les deux livres canoniques des Machabees, il n'y a latine, la Vulgate et le texte grec, au recto, la version
que trois grands textes (latin, grec et syriaque); une arabe, le targum, la version latine du targum et des
version arabe est en plus pour la Sagesse, PEcclesias- scolies et remarques.
tique, Baruch. Les passages deuterocanoniques d'Esther 2° Le Psautier de Polken. — Jean Polken, prevot
ne sont qu'en grec et en latin. Apres les textes grec et de la collegiate Saint-Georges de Cologne, a fait impri-
syriaque de III Mach., on trouve la version arabe de mer, en 1518, un Psautier en quatre langues : hebreu,
II Mach. La seconde partie de ce t. iv contient les deux grec, latin et ethiopien (qu'il appelle chaldeen). Cette
targums du Pentateuque, dits du pseudo-Jonathan et version ethiopienne a ete reproduite dans la Polyglotte
de Jerusalem, intercales Tun dans 1'autre et accom- de Londres.
pagnes de leurs traductions latines, la version persane 3° Les deux Pentateuques polyglottes des Juifs de
des memes livres avec traduction latine. Le t. v est Constantinople. — En 1546, les Juifs de Constantinople
consacre au Nouveau Testament. II contient superposes, firent imprimer le Pentateuque en plusieurs langues.
au verso, le texte grec (edition Robert Estienne) avec Au milieu de la page se trouve le texte hebreu engros
la version latine interlineaire d'Arias Montanus, les caracteres, il est accompagne d'un cote du targum
versions syriaque et ethiopienne avec leurs traductions d'Onkelos en caracteres mediocres et de 1'autre de la
latines, au recto, la Vulgate et les versions arabe et paraphrase persane. En dehors de ces trois colonnes, il y
perse (celle-ci pour les Evangiles seulement), avec a en haut de la page la version arabe de Saadias Gaon,
leurs traductions latines. Le t. vi sert d'Appendfce et et au has le commentaire de Rabbi Isaac larchi. Les
renferme des notes de divers auteurs et des recueils de textes arabe et persan sont imprimes en caracteres
variantes, avec I'Index de 1'ouvrage entier. Le Lexicon hebreux. L'annee suivante, 1547, parut dans la meme
heptagloiton de Castle, 2 in-f°, Londres, 1669, est sou- ville un autre Pentateuque polyglotte avec la meme
vent ajoute a la Polyglotte de Walton. disposition des textes. Le texte hebreu, qui est aussi au
3. Valeur. — La Polyglotte de Londres est la plus milieu, est aceompagne d'une traduction en grec vul-
complete et la meilleure qui ait ete publiee. Elle est gaire et d'une version espagnole; ces deux traductions
loin cependant d'etre parfaite. Les Prolegomenes de sont imprimees en caracteres hebreux avec points-
Walton, qui ont ete reedites a part, in-f°, Zurich, 1673, voyelles. Au haut de la page, court le targum d'Onkelos
et par Dathe, Leipzig, 1777, ont ete critiques en et au has, le commentaire de Jarchi.
plusieurs points par Richard Simon, Histoire cri- 4° Essais de Draconites. — Jean Draconites (1494-
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 481- 1566) avait entrepris une Biblia pentapla. II n'en a pu-
510. Cf. Reponse de Pierre Ambrun, ministre du blie que de courts fragments ou specimens : les six
saint Evangile, a I'Histoire critique du Vieux Tes- premiers chapitres de la Genese, in-f°, Wittemberg,
tament, ibid., p. 46-48; Lettres choisies, Paris, 1730, 1563; les deux premiers Psaumes, ibid., 1563; les sept
t. n, p. 275; t. HI, p. 122. Les editeurs ont emprunte premiers chapitres d'lsai'e, Leipzig, 1563; les Proverbes,
aux Polyglottes d'Anvers et de Paris la version inter- Wittenberg, 1564; Malachie, Leipzig, 1564; Joel, Wit-
lineaire de 1'hebreu, le Pentateuque samaritain et sa temberg, 1565; Zacharie, ibid., 1565; Michee, ibid., 1565r
version samaritaine, la version syriaque de 1'Ancien Ces textes etaient imprimes en cinq langues : hebreu,
Testament et la version arabe du Nouveau. Au lieu de chaldeen, grec, latin, version allemande de Luther. Par
reediter ces versions, prises a la Polyglotte de Paris une disposition bizarre, ces cinq textes sont superposes
«par un larcin public », commedit R. Simon, on aurait ligne par ligne. Les Septante, la Vulgate et la traduction
pu reproduire de meilleurs textes ou, au moins, revoir allemande sont corriges d'apres 1'hebreu. Les passages
les traductions latines correspondantes, qui sont mal messianiques sont en encre rouge. Un commentaire est
faites. Elle a, en progres sur les precedentes, reproduit encore au-dessous de ces cinq lignes du texte, dont la
Pedition romaine des Septante, I'edition de 1'Italique suite est de la sorte maladroitement interrompue.
par Flaminius Nobilius et la Vulgate Clementine. Elle 5° La Polyglotte de Bertram, ou de Heidelberg, — Un
a produit aussi des textes nouveaux : un Psautier calviniste d'origine francaise, Corneille-Bonaventure
ethiopien, deja imprime a Cologne et a Rome, la Bertram, professeur d'hebreu a Geneve (1566-1584), puis
525 POLYGLOTTES 526
predicateur a Frankenthal, mort en 1594, publia une n'egale 1'audace et Farbitraire avec lesquels 1'editeur
Biblia sacra, hebraice, graece el latine, 2 in-f°, Heidel- constitue ses texles. Pour le grec du Nouveau Testa-
berg, 1587. Elle ne contenait que 1'Ancien Testament en ment, il n'a pas tenu comple des regies criliques, me-
hebreu, en grec, avec la Vulgate et la version de Pa- Jant les lecons anciennes a sa guise et en fabriquant
gnino. Bien que le titre ajoute : Omnia cum editione impudemment en conformite avec les doctrines luthe-
Complutensi diligenter collata, 1'edition n'est qu'une riennes. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. grseci, p. 105-
reproduction de la Polyglotte d'Anvers; elle lui a em- 106. — 4. Un autre Nouveau Testament en quatre lan-
prunte aussi les deuterocanoniques de 1'Ancien Testa- gues : hebreu, grec, latin et allemand, emprunte aa
ment. Une deuxieme edition parut en 1599. Latroisieme, precedent sans grandes modifications, in-4°, Nurem-
faite chez Commelin, en 1616, comprend en outre le berg, 1602. On en fit un nouveau titre en 1615, pour
Nouveau Testament avec la version latine d'Arias Mon- representer une soi-disant edition d'Amsterdam, chez
tanus, le loulemprunle encore a la Polyglolte d'Anvers. J. Walschaert. Ed. Keuss, op. cit., p. 106. — 5. Hutter
Voir Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. gr<Kci, p. 78-79. Ce a edite aussi quelques propheties et les quatre Evan-^
n'est done pas une Polyglotte pour le Nouveau Testa- giles en douze langues.
ment. Comme cette Bible contenait des notes de Vatable, 8° La Polyglolte de Reineccius ou de Leipzig. —
on 1'appelle parfois la Bible de Vatable. Chr. Reineccius, cure de Weissenfels, prepara une
6° La Polyglotte d'Hambourg. — On la rencontre nouvelle Polyglolte en quatre langues, qui parut a
rarement complete. Elle comprend : 1. le texte hebreu deux epoques assez eloignees Time de 1'autre. Le Nou-
de la Bible hebrai'que d'Elie Hutter, in-f°, 1587, dont veau Testament fut edite, in-f°, a Leipzig, en 1713,
la date est remplacee par celle de 1596, et dans laquelle sous ce litre : Biblia sacra quadrilinguia N. T. A la
les lettres de la racine sont lypographiquement distin- suite d'une preface de Reineccius el de prolegomenes
guees des autres caracteres; 2. 1'edition de David en allemand, tires de Luther, les textes sont imprimes
Wolder qui contient en 6 in-f° et sur quatre colonnes sur cinq colonnes paralleles. Sur la page de gauche,
le texte grec de 1'Ancien et du Nouveau Testament, la se Irouve le lexte grec entre la version syriaque et une
Vulgate, la traduction latine de 1'Ancien Testament par traduction en neo-grec; sur la page de droite, on lit la
Pagnino et celle du Nouveau par Theodore de Beze, version latine de Sebastien Schmid et la version alle-
enfin la version allemande de Luther. Les deux ouvrages mande de Luther. Les passages paralleles sont indiques
sortent des presses de Jacques Lucius, a Hambourg, 1596. a la marge exterieure; des variantes grecques el alle-
Le texte grec du Nouveau Testament est emprunte, sauf mandes, celles-ci prises a la premiere edition de Lu-
de rares modifications, a 1'edition de Samuel Selfisch, ther avec des notes marginales de Luther el des anno-
in-8°, Wittenberg, Io83. Cf. Ed. Reuss, Bibliotheca N. T. tations de Reineccius, sont au has de la page. En
gr3eci,-p. 63-64. Cette Polyglotte, qui est tres imparfaite, appendice, se trouvent des additions critiques et exe-
ruina son editeur, Men que le gouvernement danois getiques de diverse nature. Le lexte grec, quiressemble
ait oblige toutes les eglises du Schleswig a 1'acheter. souvent a celui de Pritius, mele les lecons de Robert
7° Les Bibles de Hutter. — Elie Hutter, ancien pro- Estienne et des Elzevier. [1 a ete souvent reedite a part.
fesseur d'hebreu de 1'electeur de Saxe et imprimeur a Ed. Reuss, op. cit., p. 157-159. L'impression de 1'An-
Nuremberg, avail la passion des Polyglottes. II en pu- cien Testament etait deja commencee en 1713, mais
blia plusieurs qui sont toutes imparfaites. — 1.11 avail elle subit de longs retards. Quand elle ful forl avancee,
Commence un Ancien Testament en six langues et en en 1747, 1'imprimeur fit un nouveau tilre au Nouveaa
quatre editions differentes. Le seul volume paru, in-f°, Testament, et enfin, trois et quatre ans plus lard, en
Nuremberg, 1599, comprend six textes en six colonnes. 1750 et 1751, parut 1'Ancien Testament en 2 in-f°. Ces
Sur la page de gauche, on trouve 1'hebreu entre le tar- volumes contiennent le texte hebreu, le texte grec des
gum et le grec, le tout d'apres la Polyglotte d'Anvers; Septante, la version latine de Schmid et la version
sur la page de droite, il y a la version allemande de allemande de Luther.
Luther entre la Vulgate et une autre version recente, IV. PROJET D'UNE NOUVELLE POLYGLOTTE PAR RICHARD
qui differe selon lesexemplaires, destines a des nations SIMON. — En 1678, dans son Histoire critique du Vieux
differentes. La sixieme colonne, en effet, reproduit, ou Testament, edit, de Rotterdam, 1685, p. 521-522, Ri-
bien la version slavonne de 1'edition de Wittemberg, chard Simon avail esquisse le projet d'une nouvelle
ou bien la traduction francaise de Geneve, ou bien la Polyglotte, qui ne serait qu'un abrege de la Polyglotte
version italienne de Geneve, ou bien Ja version saxonne de Londres. Au lieu d'imprimer, dans des volumes
faite sur la traduction allemande de Luther. Ce volume lourds,difficiles a manier etchers, toules les anciennes
ne depasse pas le livre de Ruth. — 2. Un Psautier he- versions, il ne reproduirail que les varianles de celles
breu, grec, latin et allemand, in-8°, Nuremberg, 1602. qui sonl derivees. Par consequent, la nouvelle Po-
— 3. Un Nouveau Testament en douze langues, 2 in-f°, lyglotte ne devait elre composee que de Irois textes
Nuremberg, 1599. Les douze textes sont disposes sur six complets :^ le texte hebreu, la version des Septanle et
colonnes de la maniere suivante : Au verso, dans la la Vulgate latine. Le P. Simon avail d'abord pense y
l re colonne, la version syriaque de 1'edition de Treme- joindre I'ltala d'apres 1'edilion de Flaminius Nobi-
lius, 1569 (1'auleur a supplee les passages manquants '". lius. II ne voulait ediler ni le Pentateuque samaritain,
le recit de la femme adultere, le verset des temoins ce- ni la version samaritaine, ni les targums; leurs va-
lestes, les qualre Epitres catholiques et 1'Apocalypse, rianles auraient seulement ete indiquees a la marge en
qu'il a traduits en syriaque d'apres le grec), avec la face de 1'hebreu. Les autres largums, qui sonl plutol
version italienne, de Bruccioli, 1526, Tune sous 1'autre, des commenlaires que des versions, pourraient etre
verset par verset; dans la 2e colonne, un texte hebreu negliges, sauf a noler a la marge leurs lecons propres.
que 1'editeur avail fabrique, imprime en caracteres de Quant aux autres versions, leurs variantes seraient
deux sortes, et la traduction espagnole de Cassiodore signalees en face de 1'hebreu pour celles qui derivent
Reina, 1569; dans la 3e, le grec et la version francaise de ce texle, ou en face des Septante pour celles qui en
de Geneve, de 1588. Au recto, la l re colonne contient suivent le texte. De celles qui sont mixtes, comme la
la Vulgate et la version anglaise de 1562, la 2e, la ver- version syriaque remaniee d'apres les Septante, on ne
sion de Luther et la traduction danoise de 1589, et la noterait que les lecons vraimenl speciales. Les variantes
3e, la version bohemienne de 1693 et la version polo- lalines accompagneraient aussi la Bible Clementine,
naise de 1596. Hutter reproduisit 1'Epllre aux Laodiceens Retire a Dieppe, des 1681, Simon avail prepare 1'An-
qu'il avail lui-meme traduite en grec sur le texlelalin. cfen Testament conformement a ce plan. II avail pris
Celte osuvre n'a'aucun caractere scientilique, et rien un exemplaire de la Polyglolte de Walton, et au moyen
527 POLYGLOTTES 528
de bandes de papier collees, il ayait convert ce qu'il guages, 1 in-f°, Londres, 1874. Elle ne comprend que
voulait omettre, et ecrit ce qu'il desirait ajouter ou les livres protocanoniques. Bagster a aussi public :
substituer. En 1684, sous forme de lettre adressee a Hexapla Psalter, in-4°, 1843, contenant les Psaumes
Ambroise par Origene, il developpait son projet : ATo- en hebreu, en grec, en latin, Psalterium f.ebraicum et
vofum Bibliorum polyglotlorum synopsis, in-8°, gallicanum, de saint Jerome et deux divisions anglaises.
Utrecht, datee du 20 aout 1684. II aurait mis aussi au 2° La Polyglotte de Stier et de Theile. — Stier et
bas des pages les passages conserves des versions Theile ont public une Polyglotte manuelle : Polyglot-
d'Aquila et de Symmaque et differents des Septante. ten-Bibel zum praktischen Handgebrauch, 4 in-8° en
Dans une reponse d'Ambroise a Origene : Ambrosii ad 6 parties, Bielefeld, 1846-1855. Elle contient, pourl'An-
Origenem epistola de novis Bibliis polyglottis, datee cien Testament, 1'hebreu, les Septante, la Vulgate et la
du ler decembre 1684, in-8°, Utrecht, 1685, il annonce version allemande de Luther, et pour le Nouveau, le
que sa Polyglotte serait heureusement completes par grec, avec quelques variantes, le latin et 1'allemand.
. un dictionnaire et une grammaire hebrai'que, dont il Elle a eu plusieurs editions dont la derniere date de
dressait le plan. Cf. Bayle, Nouvelles de la Republique 1890. Dans lestrois premieres qui ont ete stereotypees,
des letlres, octobre 1684, art. 13, t. i, p. 153-155; Jan- la quatrieme colonne, pour le Nouveau Testament, est
vier 1685, art. 9, t. i, p. 209-211; Journal des Scavans, remplie de variantes de diverges traductions allemandes.
30 juillet 1685. Voir aussi R. Simon, Reponse de Pierre Dans la quatrieme (1855) et la cinquieme (1858), cette
Ambrun, ministre du saint Evangile, a I'Histoire cri- colonne est occupee par une version anglaise. Dans
tique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 48. 1'edition de 1875, on a ajoute en appendice les princi-
Ce projet fut loue par Le Clerc et blame par Jurieu. pales variantes du Sinaiticus. Sur la constitution du
Au premier, qui sous le pseudonyme de Cristobulus texte grec du Nouveau Testament, voir Ed. 'Reuss, Bi-
flierapolitanus, ecrivit a Origene une longue lettre bliotheca N. T. grseci, p. 265. Ce texte differe peu du
latine, datee du 4 novembre 1684, publiee partieile- texte recu. L'hebreu, revu par Bockel et Landschrei-
ment par R. Simon, Reponse au livre intitule : Sen- ber, n'est pas tres bon. Les deuterocanoniques manquent.
timens de quelques theologiens de Hollande sur I'His- 3° Biblia tetraglotta de Bunsen, 1859, sous la direc-
toire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1686, tion de Lagarde, est demeuree a 1'etat de projet.
p. 2-5, et integralement par Le Clerc, Defense des Sen- 4° Ed. de Levante a publie une Hexaglotte et une
timens, etc., 1686, p. 421 sq., Simon demanda des Triglotte : Hexaglott Bible, comprising the holy Scri-
conseils et des renseignements dans un billet en fla- ptures of the Old and New Testament, 6 in-4", Londres,
mand, traduiten frangais dans la Reponse au livre, etc., 1876, qui contient 1'hebreu, les Septante, la version sy-
p. 5-6. Jurieu, de son cote, avait attaque le projet de riaque du Nouveau Testament, la Vulgate, la version
Simon dans son livre sur I'Accomplissement des pro- anglaise autorisee, une version allemande et une ver-
pheties. Simon repliqua violemment. Reponse a la sion francaise; Biblia Triglotta continens Scripturas
Defense des Sentimens, etc., Rotterdam, 1687, p. 194- sacras Veteris et Novi Testamenti, 2 in-4°, Londres,
198. II continua la preparation de cette Polyglotte, qui 1890, qui est un extrait de 1'Hexaglotte et qui contient,
devait etre complete en un seul volume. Si elle n'a pas pour 1'Ancien Testament, 1'hebreu, les Septante et la
ete imprimee, ce ne fut pas, comme 1'a dit le Pere Le- Vulgate, pour le Nouveau, le grec, la Peschito et la
long, parce qu'aucun imprimeur n'a voulu en faire la Vulgate. Les livres deuterocanoniques en sont absents.
depense; ce fut seulement parce qu'il ne s'en trouva 5° M. Vigouroux a entrepris la publication d'une Po-
aucun assez habile pour imprimer un ouvrage qui exi- lyglotte catholique et francaise : La sainte Bible Poly-
geait, sur la meme page, tant de caracteres differents. glotte contenant le texte hebreu original, le texte grec
La premiere feuille fut imprimee; elle fourmillait de des Septante, le texte latin de la Vulgate et la tra-
tant de fautes qu'il fut impossible de les corriger. R. duction francaise de M. I'abbe Glaire, avec les diffe-
Simon, Critique de la Bibliotheque des auteurs eccle- rences de 1'hebreu, des Septante et de la Vulgate,
siastiques, Paris, 1730, t. n, p. 449-450. Quand R. Si- des introductions, des notes, des cartes et des illustra-
mon ecrivait ce dernier ouvrage, la meilleure partie de tions. Elle formera 8 in-8° dont six, contenant tout
la copie de sa polyglotte etait prete. Son travail passa, 1'Ancien Testament, et le septieme comprenant les Evan-
apres sa mort, a la bibliotheque du chapitre cathedral giles et les Actes, ont deja paru, Paris, 1898-1908. Les
de Rouen, a qui il avait legue ses manuscrits. L. Bat- textes sont disposes sur quatre colonnes, avec notes et
terel, Memoires doniestiques pour servir a Vhistoire variantes au bas des pages. Le texte hebreu a ete em-'
de I'Oratoire, edit. Ingold et Bonnardet, Paris, 1905, prunte a 1'edition stereotypee de Stier et de Theile (texte
t. iv, p. 273-275; Saas, Notice des manuscrits de la bi- de Van der Hcoght, revu par Hahn et Theile). Le texte
bliotheque de I'Eglise metropolitaine de Rouen, in-12, des Septante est celui de 1'edition romaine de 1587, avec
Rouen, 1746, p. 41 sq.; A. Bernus, Richard Simon quelques additions tirees de la Polyglotte d'Alcala. Des
et son Histoire critique du Vieux Testament, Lausanne, signes, introduits dans le texte, indiquent les lacunes,
1869, p. 29, 107. Le manuscrit dont des parties man- les additions et les divergences les plus notables rela-
quaient deja en 1746, ne se trouve pas a la bibliotheque tivement a 1'hebreu. Au bas de la colonne sont les prin-
municipale de Rouen, qui a herite des autres manus- cipales variantes de YAlexandrinus, du Sinaiticus, de
crits de Richard Simon. VEphrsemiticus, etc. La Vulgate Clementine est conforme
V. POLYGLOTTES MANUELLES PUBLIEES AU xixe ET AU a la reimpression officielle, faite a Turin en 1881. La
xxe SIECLE. — 1° La Polyglotte de Bagster. — L'edi- traduction francaise de Glaire est accompagnee de notes.
teur anglais Bagster a donne au public : Biblia sacra A partir du t. n, les variantes grecques sont plus nom-
Polyglotta textus archelypos versionesque praecipuas breuses, on trouve en plus celles de VAmbrosianus et
ab Ecclesia antiquitus receptas necnon versiones re- du Parisinus, n. 8, du Coislinianus VIII pour Tobie,
centiores, 2 in-f°, Londres, 1831. Apres des prolego- du Marchalianus pour les prophetes; un double texte
menesdus a S. Lee, cette Polyglotte reproduit enpetits grec pour certains passages de Tobie et de Judith, avec
caracteres 1'hebreu de Vander Hooght, le Pentateuque les variantes pour le reste de Tobie et pour Esther; les
samaritain de Kennicott, les Septante, la Vulgate, la parties, racemment retrouvees, du texte hebreu de 1'Ec-
Peschito, le texte grec du Nouveau Testament (edition clesiastique, Les Epitres et FApocalypse seront conte-
de Mill), les traductions, allemande de Luther, italienne nues dans le t. vm.
de Diodati, francaise d'Osterwald, espagnole de Scio et 6° Indiquons enfin quelques Polyglottes partielles :
la version anglaise dite autorisee. Elle a ete reeditee Tischendorf, Novum Testamentum triglottum, in-8°,
sous ce titre : Bagster's Polyglot Bible in eight lan- Leipzig, 1854; 2« edit., ibid., 1865, a publie le texte
529 POLYGLOTTES — POMMIER 530
grec avec des variantes, la revision de saint Jerome tour de la graine ou pepin Pendocarpe est cartilagi-
d'apres \es manuscrits avec les lemons difterentes de la neux au lieu d'etre osseux comme dans les Nefliers,
Vulgate Clementine et la version allemande de Luther, ou totalement charnus comme dans les Poiriers. Enfin
revue sur les premieres editions; Hexaglott Bible de le pedoncule s'insere dans une cavite basilaire de ce
€ohn, 1856-1859, jusqu'aux Nombres; 1868, tout lePen- fruit qui est ainsi ombilique, avec une forme genera-
tateuque; Hexaglot Pentateuch de Robert Young, lenient deprimee.
Edimbourg, 1851 : textes samaritain,chaldeen,syriaque Les Pommiers sont originaires de toute la region
«t arabe des cinq premiers chapitres de la Genese ; silvatique de PAncien Monde. Mais 1'espece la plus re-
Parabola' de seminatore ex Evangelic Matlhsei, in pandue en Europe a Petat spontane, le Malus acerba,
LXXH Europeas linguas ac dialectos versa, ac Boma- semble manquer dans la region orientale, ou 1'on ne
nis characteribus expressa, Londres, 1857 (edition pri- trouve que le M. Communis (fig. 120) (M. mitis de
vee du prince L.-C. Bonaparte). Wallroth) earacterise par ses feuilles cotonneuses
SMT \es Pobjglottes, \'oir Richard Simon, Histoire en dessous, ainsi que les sepales. Ces deux types croi-
critique du Vieux Testament, in-8°, Rotterdam, 1685, ses entre eux et ameliores par la culture ont donne
p. 514-522; P. Lelong, Discours hislorique sur les naissance a toutes les nombreuses races de nos •
principales editions des Bibles polyglottes ,vt\-\^, Pa- vergers, F. HY.
ris, 1713; Id., Bibliotheca sacra, in-fol., Paris, 1723, II. EXEGESE. — Le tappuah se presente plusieursfois
t. i, p. 1-47; dom Cathelinot, Bibliotheque sacree, dans la Bible, trois fois comme arbre, Cant., H, 3;
part. Ill, a. 1, dans le Diet ionnaire de la Bible dedom vin, 5; Joel, i, 12, ettrois fois comme fruit de cet arbre,
Calmet, Paris, 1730, t. iv, p. 297-302; G. Outhuys, Cant., n, 5; VH, 9 (Vulgate, 8); Prov., xxv, 11. Ce mot se
Geschiedkundig versldg der voornaamsle uitgavenvan rencontre aussi comme nom de ville, Tappuah, Jos.,xn,
het Biblia PolygloLta, in-8°, Franeier, 1822; Brunet, 17; xv, 34; xvi, 8; xvn, 8, ou sous la forme Bet tap-
Manuel dulibraire, Paris, 1860, t. r, col. 849-854; En^ puah, Jos., xv, 53. Dans les textes cites, lefappuahest
cyclopedic des sciences religieuses deF. Lichtenberger, un arbre a Pombre duquel on peut se reposer, Cant, n,
t. x, p. 676 sq. (art. Polyglottes de S. Berger); F. Vi- 3 ; vm, 5; un arbre range a cote du figuier, du grena-
gouroux, Manuel biblique, 12e edit., Paris, 1906, t. I, dier, du palmier, de ces arbres cultives qui se des-
p. 260-264; Ch. Trochon, Introduction generate, Paris, sechent au jour des calamites. Joel., i, 12. Son fruit est
1886, t. i, p. 449-455 ; R. Comely, Introductio generalis, doux a la bouche, Cant., n, 3; et repand une suave
2e edit., Paris, 1894, p. 527-532; Bealencyclopddie fur odeur (d'ou lui vientson nom, racine nafah). Cant., vn,
protestanli&che Theologieund Kirche,t. xv, p. 528-535. 9. Ce fruit reconforte et rafraichit. Cant., n, 5. Ces
E. MANGENOT. differents caracteres convienrient bien au pommier,
POLYPE, zoophyte a longs filaments mobiles. Voir qu'on rencontre en Palestine dans les vergers, pres des
CORAIL, t. ii, col. 955. habitations, et dont Je fruit est toujours tres apprecie
pour son gout et son odeur. D'autre part les Septante
POMARIUS. Voir BAUMGARTEN 2, t. i, col. 1518. et la Vulgate ont toujours traduit par ^ov oumalum.
1. POM ME. Voir POMMIER. L'arabe _uo, tiff ah, qui evidemment rappelle etroite-
ment le tappuah hebreu, signifie toujours la ponime,
2. POMME OE SODOME. Voir JERICHO, t. ill, et rien que la pomme. Pour designer un autre fruit,
col. 1291 et fig. 226, col. 1290. il faut ajouter une epithete, par exemple, tiflah ar-
miny, pomme d'Armenie, 1'abricot; liffahparsy, pomme
POMMIER (hebreu : tappuah; Septante : de Perse, la peche; liffah mahi, pomme de Mah, lo
Vulgate : malum), arbre fruitier de Palestine. citron. Du reste les abricotiers et les pechers ne fureat
I. DESCRIPTION. — Get arbre a donne son nom a une implantes qu'assez tard en Palestine, sous la domina-
tribu de Rosacees dont il est le type, les Pomacees, a tion grecque. Or certainement, d'apres Joel, i, 12, et
les noms de lieux chananeens ou entre le tappuah, cet
arbre etait connu en Palestine beaucoup plus ancien-
nement. Le pommier avait ete importe en Egypte a
une epoque reculee, et probablement du pays de Cha-»
naan. Ramses II fit planter des pommiers dans ses
jardins du Delta. V. Loret, Recherches sur plusieurs
plantes connues des anciens Egyptiens, V. le Pom-
mier, dans Recueil de travaux relatifs a la philo-
logie et arche'ologie egypliennes, t. vn, p. 113. Ram-
ses III, pour les offrandes journalieres des pr£tres de
Thebes, leur fit present de 848 paniers de pommes.
La culture de cet arbre etait alors tres repandue en
Egypte et encore maintenant on le rencontre aux envi-
rons de Minieh. V. Loret, La fiore pharaonique, 2e edit.,
p. 83. Le nom egyptien d'aillleurs a probablement 6te
emprunte aux peuples de Syrie en meme temps que
Parbre et il rappelle le tappuah hebreu et le tiffah.
arabe : • \ 4, Dapih, pommier, et • X , , , , Dapih,
Bi A^ 1H A
122. — Construction d'un pont par les Assyriens pour passer une riviere. D'apres Gates of Balawat, pi. 74.
romaine Bithynia et Pontus. Mais la plupart des com- PONTIFE, grand-prdtre des Juifs. La Vulgate appelie
mentateurs supposent a bon droit que, dans nos trois souvent le grand-pr^tre pontifex dans les livres histo-
passages, le nom du Pont semble avoir ete employe riques de 1'Ancien Testament et dans 1'Evangile de
d'une maniere toute generale, sans allusion aux diverses saint Jean. Voir GRAND-PRJETRE, t. in, col. 295. Dans
peripeties de 1'histoire du pays et aux vicissitudes de PEpitre aux Hebreux, v, 5, etc., Jesus-Christ est appele
son territoire. le pontife, dcpxispey?, de la loi nouvelle. ,
Nous manquons de details sur revangelisation du
Pont. Elle eut lieu sans doute sous 1'influence de saint POOLE ou POLE (en latin PoJus) Matthew, ne a
Paul et de ses disciples. Le pays n'etait pas directement York en 1624, mort a Amsterdam le 12 octobre 1679. II
sur la route des premiers predicateurs. Le fait que saint se rattachait par son pere aux Poles ou Pools de
Pierre compte le Pont parmi les destinataires de sa Spinkhillen Derbyshire. Apres avoir pris ses degres
Ir« Epitre suppose qu'il y avait alors dans cette contree universitaires a Cambridge, il exerea le ministere pas-
des Eglises ferventes, entierement constitutes. Voir toral dans la paroisse presbyterienne de S. Michael-le-
surtout I Pet., v, 1-7. D'apres quelques auteurs, le Querne, mais il demissionna en 1662 aussitot apres le
prince des Apotres les aurait connues personnellement; vote de P Uniformity Act. Ce fut alors que, plus libre
mais, selon 1'opinion generale, il paratt peu probable de son temps, et a Pinstigation de William Lloyd qui
qu'il soit alle jusque-la. Voir PIERRE (SAINT), t. iv, devait etre plus tard eveque anglican de Worcester, il
col. 370. Dans sa lettre si celebre a Trajan, qui date de ecrivit la Synopsis Cnticorum. aliorumque Sacras
1'annee 112, Pline le jeune atteste, Epist., 96, qu'il y Scriptural Interpretum, le travail le plus important
avait alors un nombre considerable de Chretiens dans la d'une active carriere. II puisa largement aux sources
province Bythinia et Pontus, dont il etail le gouver- rabbiniques et catholiques, affirment ses biographies;
neur : a tel point, dit-il, que les temples paiiens etaient il emprunta peu de chose a Calvin et rien a Luther.
deserts et les sacrifices interrompus en divers lieux. Le premier volume parut, in-f°, en 1669, le 2e en 1671,
Quelques apostats pretendaient meme avoir abandonne le 3e en 1673, le 4« en 1674, le 5" en 1676. — A 1'epoque
la religion chretienne 25 ans auparavant. Ce dernier de ce que les protestants appellent le Popish Plot,
traitfsuppose que le christianisme avait penetrd dans la comme son nom fut mele incidernment aux declara-
region au moins vers I'an 87; mais nous avons vuque, tions ultra-fantaisistes de Titus Gates, Poole crut devoir
543 POOLE PORG 544
se refugier a Amsterdam cm il mourut. — Une 2e edi- pore ou 1'offraient en sacrifice. On a retrouve dans les
tion de la* Synopsis, 5 in-f°, fut publiee a Francfort en cavernes de 1'epoque n^olithique, a Gazer, les ossements
1679; une 3e edition a Utrecht en 1684; une 4e a Franc- de ces animaux. Cf. Revue biblique, 1904, p. 428. Les
fort en 1694 (toujours en 5 in-f°), augmentee d'une vie ossements de pores qui abondent dans le haut-lieu neo-
de 1'auteur, une 5e a Francfort en 1709, 6 in-f°, grossie lithique de Gazer, donnent meme a penser que le pore
d'un commentaire sur les Apocryphes (deuteroeanoni- etait une victime preferee dans 1'ancien culte chana-
ques). L'ouvrage fut mis a Vlndex le 21 avril 1693. — neen, ce qui expliquerait encore la prohibition absolue
Poole mourut avant d'avoir pu terminer ses Annota- de 1'usage du pore par la loi mosai'que. Cf. Vincent,
tions on the Holy Bible qu'il n'eut le temps de pousser Canaan, Paris, 1907, p. 188, 202. Tacite, Hist., v, 4, se
que jusqu'au chapitre LVIH d'Isale. Le travail fut acheve fait Techo d'une fable, quand il pretend que les Israe-
par d'autres presbyteriens et public en 2 in-f°, 1683. II lites s'abstenaient du pore a cause d'une lepre dont ils
a ete souvent reimprime. La derniere edition, 3 in-8°, auraient ete atteints et a laquelle le pore est sujet. Por-
a paru en 1840. — Voir S. Lee, Dictionary of national phyre, De abstin., i, 14, prend 1'effet pour la cause,
Biography, t. XLVI, 1896, p. 99. J. MONTAGNE. quand il dit que les Pheniciens et les Juifs ne man-
geaient pas de pore parce qu'il ne s'en trouvait pas
PORC (bebreu : hdzir, le humsiru assyrien; Sep- dans leurs pays. Les raisons qui avaient determine le
tante : x^posi «?; Vulgate : porous, sus), mammifere de legislateur des Hebreux etaient a la fois d'ordre moral
1'ordre des bisulques, a pied fourchu et a doigts pairs; et d'ordre hygienique. Voir t. i, col. 617, 620. Cf. S. Je-
c'est le type des porcins (fig. 123). — Le pore est surtout rome, Adv. Jovin., n, 6, t. xxin, col. 291. L'abstention
remarquable par sa voracite, qu'on exploite pour Pen- de la chair de pore demeura 1'une des caraeteristiques
graisser. II se nourrit de glands et de fruits sauvages. du peuple juif. Gf. Philon, De concupiscent., 4-9, edit.
Guide par spn odorat tres tin, il fouille la terre de son Mangey, t. n, p. 352-355; Juvenal, Sat., vi, 160; xrv r
livn, f. 47, 3. Mais le fils prodigue n'est plus dans son pore, et se rapproche plutot des lapins par sa taille et
pays; il est tombe si bas qu'il est devenu etranger a sa ses habitudes (fig. 126). II est tres inoffensif, malgre les
famille et a sa nation. Enfin, saint Pierre, parlant des piquants raides et aigus dont son corps est convert. Ces
faux docteurs qui, apres avoir connulaverite, enseignent piquants sont creux comme les tuyaux d'une plume,
le mensonge, leur applique le proverbe : « La truie vau- clairsemes et assez peu adherents a la peau pour tomber
tree s'est lavee dans le bourbier. » II Pet., II, 22. souvent quand 1'animal fait des mouvements brusques.
Horace, Ep., I,n,26, ditde meme, en unissantensemble, Le pore-epic vit dans des terriers profonds. II en sort
comme 1'Apotre, le chien et la truie : la nuit pour chercher les graines, les racines, et meme
Vixisset canis immundus, vel arnica luto sus. parfois les oaufs et les petits oiseaux dont il se nourrit.
— Le pore-epic n'est pas nomme dans la Sainte Ecri-
Sur le hdzir de Ps. LXXX (LXXXIX), 14, voir SANGLIER. ture, bien que certains auteurs le croient designe par
4° Lorsque le Sauveur vint aux pays des Geraseniens le mot qippod, comme le herisson, avec lequel ses
(voir t. in, col. 204), et qu'il eut gueri un possede dont piquants lui donnent quelque ressemblance. Voir
le demon disait s'appeler « legion » (voir t. in, col. 159), HERISSON, t. m, col. 609. Pourtant 1'espece hystrix
pour indiquer que les esprits mauvais se trouvaient la cristata est fort commune en Palestine, dans les regions
en grand nombre, ces esprits demanderenta etre envoyes rocheuses et dans les gorges des montagnes. Elle
dans un troupeau de deux mille pourceaux qu'on fai- abonde dans le voisinage de la mer Morte, dans la
saitpaitre dans le voisinage. Le Sauveur le leur permit. vallee du Jourdain et dans tous les endroits ou les
Aussitot les pourceaux, sous 1'influence des demons, se fentes des rochers peuvent lui menager un abri. Le
precipiterent du haut de la colline a pic dans le lac de pore-epic n'a pas besoin d'eau; il peut vivre par con-
Tiberiade et y perirent tous. Matth., vm, 30-34 • Marc., sequent la ou presque aucun autre mammifere serait
v, 9-20; Luc., vm, 30-39. Les evangelistes ne disent pas incapable de resider. II reste a dormir pendant I'hiver,
a qui appartenait ce nombreux troupeau. Que, eontrai- et, le reste du temps, ne sort que la nuit. Aussi ne le
renient a 1'esprit de la Loi, il ait appartenu a un rencontre-t-on pas vivant, excepte quand les Arabes
Juif, qu'il ait ete garde" par des porchers juife, ou bien reussissent a s'emparer de lui dans sa retraite. Ceile-ci
qu'il ait eu pour proprietaire et pour gardien des etran- se reconnait aux empreintes de pattes et au grand
DICT. DE LA BIBLE. V. - 18
547 PORC-EPIC PORTE 548
nombre de piquants qui jonehent le sol; mais elle est plumage, sur lequel se detachent un bee rouge et des
bien trop enfoncee dans les fissures du rocher et bien pattes rougeatres (fig. 127). — Les Septante ont traduit
trop etroite pour etre accessible. Les Arabes n'ont pas une fois par uopfupiwv le mot tinsemet, qui designe
trouve le moyen de faire sortir le pore-epic de sa for- tantot le cameleon, voir t. 11, col. 90, tantot un oiseau
teresse. Sa chair est tres estimee pour sa delicatesse, et impur, le phorphyrion, d'apres les Septante, le cygne,
ses piquants sont un objet de commerce a Jerusalem. d'apres la Vulgate, Lev., xi, 18, 1'ibis, d'apres les deux
Pour s'en emparer, on chasse 1'animal pendant la nuit, versions. Deut., xiv, 16. Voir IBIS, t. in, col. 801. II est
au moment ou il regagne son gite avant le lever du impossible de determiner quelle est 1'espece visee par
soleil et on le met dans 1'impuissance de s'echapper le legislateur. Le porphyrion est commun sur le Nil
en le frappant a coups de baton. D'autres fois, on dis- et pres des marais de la Palestine. II se nourrit de
pose a 1'entree de son refuge des nasses de fll de fer. toutes sortes de proies et, a ce titre, meritait de prendre
Pour se defendre, le pore-epic se roule en boule et place parmi les oiseaux impurs. Cf. Tristram, The na-
darde ses piquants centre les assaillants qui ne peuvent tural history of the Bible, Londres, 1889, p. 250.
1'atteindre sans se blesser cruellement. Ct. Tristram, The H. LESETRE.
natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 125. PORREAU. Voir POIREAU, col. 489. ,
H. LESETRE.
PORFIRIANUS ouPORPHYRI ANUS (CODEX). PORTE (hebreu : ddldh, delel,m6sd,petatt, toMot,
Ce manuscrit, ainsi appele du nom de son ancien sa'ar; chaldeen : tera'; Septante : 6iipa,
possesseur, fut d'abord etudie et public par Tischendorf
dans ses Monumenta sacra inedita, t. v etvi, Leipzig,
1865 et 1869. II se trouve maintenant a la Bibliotheque
imperiale de Saint-Petersbourg sous le numero 225.
C'est un palimpseste en ecriture onciale du ixe siecle;
il contient des fragments notables des Actes, des Epitres
de saint Paul et de 1'Apocalypse, mais une assez grande
partie est a peu pres illisible. L'ecriture superieure,
datant de 1'annee 1301, comprend les Actes des Apotres
(315 act) et les Epitres pauliniennes (474 paul); von
Soden lui attribue le symbole a 463. — A cause de son
etat fragmentaire et de sa lecture difficile, te Porfiria-
nus n'a ete que peu utilise par les critiques; son texte
est d'ailleurs, au jugement de Hort, d'un type relative-
ment recent. Le Porfirianus est designe en critique
par la lettre P, par le sigle a 3 dans la notation nou-
velle de von Soden. — Voir Scrivener, Introduction,
4e edit., Londres, 1894, t. I, p. 172-173; Gregory,
Textkritik des neuen Testaments, Leipzig, t. i, 1900,
p. 102-103; von Soden, Die Schriften des neuen Tes-
taments, Berlin, t. i, 1902, p. 216. F. PRAT.
~Q^ ? ',>
51; II Mach., xiv, 41; — 12. des prisons, Bar., vi, 17;
Act., v, 19, 23; xvi,26, 27; — 13. des tombeaux, Matth., 132. — Porte egyptienne avec ornements et inscriptions.
xxvii, 60; Marc., xv, 46; — 14. du jardin, Dan., xm, D'apres Wilkinson, Manners, 1.1, fig. 124, p. 356.
17; — 15. de la bergerie, Joa., x, 1; — 16. de la four-
naise, Dan., in, 93. — 17. de la ferme, Marc., xi, 4. en bois de cypres, qui pouvaient se replier 1'un sur
2.0 Agencement des portes. — 1. Lesportes des villes 1'autre. Ill Reg., vi, 34; Ezech., XLI, 24. Les Chaldeens
etaient de bois et formees de deux battants assujettis brulerent ces portes. IV Reg., xxv, 9. Cf. Ps. LXXIV
a Pinterieur par des barres. Voir t. I, fig. 453, col. 1468. (LXXIII), 3-7. Les portes du second Temple enrent le
La porte de Gaza, que Samson enleva pendant la nuit, meme sort. II Mach., vm, 33. — 3. Les portes des mai-
avait chaque battant fixe a un poteau. Jud., xvi, 3. Les sons et des chambres etaient aussi de bois, quelque-
551 PORTE 552
fois de bois de cedre. Cant., vni, 9. Les monuments dans les maisons les plus communes. Pour se faire
egyptiens nous ont conserve la representation d'un ouvrir du dedans, on frappe a la porte. Jud., xix, 22;
grand nonabre de portes. Le British Museum possede Act., xn, 13; Apoc., in, 20. — 2. Chez le roi Achis, a
le modele d'une petite maison avec sa porte roulant Geth, David, contrefaisant le fou, se heurtait centre les
sur des gonds (fig. 129). Voir Wilkinson, Manners, battants des portes, d'apres la Vulgate (hebreu) : « il
2e edit., 1.1, fig. 117, p. 351. Les portes avaient naturelle- faisait des marques. » I Reg., xxi, 13. La porte etait
ment differentes formes (fig. 130), \bid., fig. 123, p. 355, souvent assez legere; ecouter a la porte ce qui se disait
et fermaient de diverses manieres (fig. 131). Ibid.,fig.i^i, a 1'interieur etait une grossierete. Eccli., xxi, 17.
p. 353. Quelques-unes etaient tres ornees (fig. 132). L'horn me bien eleve s'arretait a la porte, meme quand
Ibid., fig. 124, p. 356. Quelquefois elles portaient un elle etait ouverte; 1'insense entrait rapidement et se
nom (fig. 133), ibid,, fig. 115, n° 1, p. 346) ou line ins- courbait des la porte pour voir a 1'interieur. Eccli.,
cription (fig. 134). Ibid., fig. 134, p. 362. Cf. Deut., xx, xxi, 15, 16. — 3. La Loi ordonnait de placer sur la
5. Les portes des maisons de Pomp4i avaient generale- porte de la maison certains textes sacres. Deut., vi, 9;
ment plusieurs battants, deux, trois et meme quatre. xi, 20. Voir MEZUZA, t. rv, col. 1057. Isai'e, LVII, 8, re-
Elles etaient divisees en panneaux et ornees de clous procbe a celle qui veut _se conduire mal de releguer
a grosse tete. Cf. H. Thedenat, Pompei, Paris, 1906, derriere la porte et les poteaux son zikkaron, « me-
t. I, p. 58. — 4. Les portes des tombeaux etaient souvent morial », c'est-a-dire probablement sa mezuza, qui lui
de pierre plus ou moins ornee. Voir t. HI, fig. 41, rappelle la loi de Dieu, ou, selon d'autres, ses amu-
lettes idolatriques, qu'elle veut derober aux regards. —
4. Quand un esclave voulait rester pour toujours au
Pepoux de la femme forte siege avec honneur parmi porte pour laisser tomber la pluie. Ps. LXXVIII (LXXVII),
les anciens du pays. Prov., xxxi, 23. Isai'e, xxix, 21, 23. Jerusalem est la porte des peuples, Ezech., xxvi, 2,
:s'dleve contre ceux qui tendent des pieges a Phomme toujours ouverte afln qu'on puisse par la arriver au sa-
juste qui les confond a la porte et le perdent par leurs lut promis. Is., LX, 11, 18. Les portes du Liban sont
mensonges. Amos, v, 10, 12,15, constate la haine dont 1'endroit par ou 1'incendie viendra devorer les cedres.
les oppresseurs du peuple poursuivent les hommes in- Zach., xi, 1. On appelle « porte du ciel » un lieu sanc-
tegres a la porte, et le tort qu'ils y font aux justes et tifle par une communication divine, Gen., xxvm, 17,
aux pauvres; il veut que le droit y regne. Apres la et 1'acces meme du ciel apercu en vision, Apoc,, iv, l,et
prise de Jerusalem, les vieillards ne purent continuer « porte de la mort » ou « du scheol » toutes les causes
de se reunir a la porte. Lam., v, 14. — 3. Quand les qui acheminent vers le tombeau. Job; xxxvm, 17;
jugements etaient rendus, c'est encore a la porte de Ps. ix, 15; cvn (cvi), 16, 18; Is., xxxvm, 10; Sap., xvi,
la ville qu'on executait les sentences. On y lapidait. 3. — Par une figure plus bardie, on parle de la porte
Deut., xvn, 5; xxn, 24. Le Sauveur fut mis en croix a du sein maternel, Job, m, 10, de la porte que forme la
la porte de Jerusalem. Heb., xm, 12. A Suse meme, gueule du crocodile, Job, xu, 6, et de la porte des le-
Aman fut pendu a la porte de la viHe. Esth., xvi, 18. vres, a laquelle il faut mettre une garde severe. Ps. CXLI
— 4. Par extension, les portes sont prises pour les (CXL), 3; Eccli., xxvm, 28. Dans le Cantique, vm, 9,
villes elles-memes. L'expression « dans tes portes », 1'Epouse est comparee a une porte qu'on fermera avec
qui revient si souvent, surtout dans le Pentateuque, des panneaux de cedre, c'est-a-dire qu'on defendra
signifie « dans tes villes ». Deut., xn, 12; xiv, 27;xvn, contre toute tentative.
2, etc,; III Reg., vm, 37; II Par., vi, 28. Dieu affermit 2» Oifferentes locutions proverbiales empruntent Pidee
les verrous des portes de Jerusalem, c'est-a-dire for- de porte, Etre a la porte de quelqu'un, c'est etre tout
tifie et protege la ville. Ps. CXLVII, 13. Les portes de pres de lui pour le menacer ou 1'assister. Gen., iv, 7;
Sion gemiront, c'est-a-dire la ville sera plongee dansle Matth., xxiv, 33; Marc., xm, 29; Apoc., m, 20. Veiller
•deuil. Is., in, 26. Rendre la justice dans ses portes, ou ecouter a la porte de la sagesse, c'est se montrer
c'est la rendre dans ses villes. Zach., vm, 16. II est attentif a ses enseignements. Prov., vm, 34; Eccli., xiv,
promis a Abraham que sa posterite possedera « la 24. User le seuil de la porte d'un homme sage, c'est
porte de ses ennemis ». Gen., xxn, 17.La porterepre- aimer a le frequenter pour profiler de ses lecons et de
sente ici la puissance des ennemis, de meme qu'elle ses exemples. Eccli., vi, 36. Devant une pareille porte,
represente la fore2 d'une ville, 1'autorite qui s'exerce les impies eux-memes s'inclinent, c'est-a-dire sont forces
a la porte et la ville elle-meme. La « porle du roi », de rendre quelque hommage a la vertu. Prov., xiv, 19.
•dans Daniel, n, 49, tera' malkd', et dans Esther, m, 2, Par contre, faire le guet a la porte du prochain indique
-3; iv, 2; v, 9, Scfar ham-mdlek, designe la puissance parfois des projets criminels. Job, xxxi, 9.
555 PORTE — PORTIER 556
3° La « porte de la foi » est la facilite que Dieu me- probable, quoique les textes ne le disent pas, que
nage aux hommes pour qu'ils se convertissent a 1'Evan- chaque semaine I'effectif des portiers ejait change.
gile. Act., xiv, 26. Saint Paul aime a appeler « porte Quand le Temple fut bati, Salomon, se conformant aux
ouverte » toute occasion favorable qui se presente a lui dispositions prises par son pere, « distribua les por-
d'annohcer Jesus-Christ. I Cor., xvi, 9; II Cor.,u, 12; tiers a chaque porte d'apres leurs classes, » c'est-a-
Col., iv, 3; cf. Apoc., in, 8. La « porte du salut », celle dire d'apres 1'attribution que le sort avait assignee a
qui mene a la vie eternelle, est une porte etroite par la- chaque famille. II Par., vm, 14.
quelle on ne passe pas sans de serieux efforts. Matth., vn, 2° Sous Joas, le grand-pretre Joi'ada eut a reorganiser
13; Luc., xiii, 24. — Notre-Seigneur declare qu'il est le service du Temple, en partie supprime sous les
lui-meme la porte qui donne acces dans la bergerie; si regnes precedents. II retablit des portiers aux entrees
on entre par cette porte, on est sauve. Joa., x, 9. Le du Temple, avec ordre de ne laisser entrer personne
divin Maitre, en effet, aide les ames par sa grace a qui eut quelque souillure. II Par., xxm, 19. — Sous
entrer dans 1'Eglise et par 1'Eglise dansle ciel. — 4° La Ezechias, le levite Core, gardien de la porte orientale,
Jerusalem regeneree, image de la Jerusalem celeste, a etait en mdme temps prepose aux dons volontaires et
aussi des portes. Isai'e, LIV, 12, dit qu'elles sont d'escar- charge de distribuer aux pretres, meme en dehors de
boucles. Voir t. n, col. 1907. Tobie, xm, 21, les voit Jerusalem, ce qui etait offert au Seigneur. II Par., xxxi,
« baties de saphirs et d'emeraudes ». Saint Jean les de- 14. Les chefs des portiers etaient done des personnages
crit avec detail. La Jerusalem celeste a douze portes, considerables, ayant la responsabilite de services assez
portant chacune le nom d'une des douze tribus, Cha- delicats. — Sous Josias, les portiers recueillaient 1'ar-
que porte est formee par une seule perle, enchassee gent qu'on apportait pour la restauration du Temple
dans les pierres precieuses qui forment la muraille. et le remettaient aux intendants. II Par., xxxiv, 9, 13;
Comme il n'y a point de nuit, il n'est pas necessaire de IV Reg., XXH, 4. Us furent charges aussi de rejeter
fermer ces portes. Apoc., xxi, 12, 21, 25. Sous ces hors du Temple tout le mobilier idolatrique dont on
figures de pierres precieuses et de perles, les auteurs 1'avait souille. IV Reg., xxm, 4. A la Paque solennelle
sacres veulent decrire les merveilles que Dieu operera que Josias fit celebrer, il fut enjoint aux portiers de ne
dans son Eglise par la grace et dans le ciel par la pas quitter leur poste et des levites furpnt charges de
gloire dont il environnera les saints. preparer pour eux la Paque. II Par., xxxv, 15. — A la
H. LESETRE. prise de Jerusalem par les Chaldeens, le general vain-
2. PORTES DE JERUSALEM. Voir JERUSALEM, t. HI, queur prit un certain nombre de notables de la ville,
col. 1364. entre autres trois portiers, que Jeremie, xxxv, 4 ; LII,
24, appelle « gardes du seuil « ; il les conduisit a Nabu-
PORTIER (hebreu : so'er; chaldeen : tdrd'; Sep- chodonosor, qui les fit mourir a Reblatha. IV Reg.,
tante : TcuXwpo?, 6upwp6<;; Vulgate : janitor, ostiarius, xxxv, 18.
portarius), prepose a la surveillance d'une porte. 3° Apres la captivite, 139 levites portiers revinrent
I. PORTIERS DU TEMPLE. — l°Des pretres et des levites avec Zorobabel. I Esd., n, 42, 70; II Esd., vn, 46.
avaient ete charges autrefois de tout ce qui concernait D'autres accompagnerent Esdras un peu plus tard.
le service du Tabernacle. Num., xvra, 4. II y en avail I Esd., vn, 7, 24. Trois d'entre eux avaient pris des
done nalurellement parmi eux qui devaient veiller sur femmes elrangeres et durent s'en separer. I Esd., x,
la porte. Ce service, d'apres 1'institution de Samuel et 24; II Esd., x, 28. Quand il fallut repeupler Jerusalem,
de David, comprenait 212 levites. Ceux-ci se tenaient on compta 172 portiers qui s'y etablirent. II Esd., xi,
aux quatre cotes du Tabernacle et avaient a 1'ouvrir 19. A cette epoque, les chefs des portiers du Temple
chaque matin. La surveillance des chambres et des tre- etaient au nombre de six. II Esd., xn,,25. Les portiers
sors de la maison de Dieu rentrait dans leurs attribu- avaient part aux distributions des dimes qui etaient
tions. Quatre chefs les commandaient. Les portiers re- versees par les Israelites, et remplissaient leurs fonc-
sidaient dans les villages environnants; mais un roule- tions conformement au reglement etabli par David.
ment etait etabli entre eux pour faire a tour de role un II Esd., xii, 44, 46; xm, 5. — Ezechiel, XLIV, 11, prevoit
service hebdomadaire. Les portiers de semaine logeaient aussi, dans son Temple ideal, des levites charges des
aupres du Tabernacle. I Par., ix, 17-27. — Quand 1'Arche portes.
eut ete transferee a Jerusalem, David adjoignit a Bara- 4° Dans le second Temple, il n'y avait plus que vingt
chias et Elcana, qui etaient portiers de 1'Arche, deux et un postes de gardiens, au lieude vingt-quatre. Mais,
autres portiers, Obededom el Jehias. A ces fonction- a chaque poste, dix levites etaient de garde, et, chaque
naires incombait la surveillance de 1'entree de la tente nuit, 240 levites et 30 pretres veillaient sur le Temple.
qui abritait 1'Arche. I Par., xv, 23, 24. Obededom et Cf. Ps. cxxxm (cxxxiv); Tamid, I, 1; Middoth, i, 1;
Hosa furent ensuite charges de ce service avec 68 levites. Reland, Antiquitates sacrss, Utrecht, 1741, p. 118. Un
I Par., xvi, 38. En vue du service du Temple projete, fonctionnaire superieur faisaitdes rondes nocturnes dans
David regla que, sur les 24000 levites charges de rem- le Temple, sous la surveillance d'un intendant special.
plir les differents offices, 4000 seraieat portiers. I Par., Cf. Schekalim, v, 1. D'apres Josephe, Cont. Apion., n,
xxm, 5. Us etaient partages en diffe>entes classes, sous 9, vingt hommes etaient employes a la fermeture, et il fal-
les ordres de chefs appartenant a la descendance de lait les efforts de ces vingt hommes reunis pour ouvrir la
Core et de Merari. Le sort designa les portes qu'ils porte orientale du sanctuaire, qui etait toute de bronze
auraient a surveiller. A Obededom echut le cote du et d'unpoids enorme. Cf. Bell, jud., VI, v, 3. Les Juifs
midi, et a ses fils la maison des magasins; a Sephim et pretendaient que la porte principale du Temple grin-
a Hosa le cote de 1'occident; a Selemias, le cote de cait si fort quand on 1'ouvrait, que le bruit s'en enten-
Porient et a Zacharie le cote du nord. Quatre portiers dait jusqu'a Jericho. Cf. Tamid, in, 8. On ouvrait les
devaient etre de garde chaque jour au midi, a 1'occident portes a la pointe du jour et on les fermait le soir a
et au nord, six k 1'orient, quatre aux magasins et deux son declin. Pendant les fetes de la Paque, on les ou-
aux dependances a 1'occident, soil en tout vingt-quatre vrait des le milieu de la nuit, cf, Josephe, Ant. jud.,
pour chaque journee. I Par., xxvi, 1-19. Les 4000 le- XVIII, n, 2, et a la Pentecote les pretres venaient la
vites charges des portes se relayaient poiir ce service. nuit pour remplir leurs fonctions. Cf. Bell, jud., VI,
Us passaient la nuit a leur poste et, pendant le jour, v, 3; Yoma, i, 8. — Les portiers surveillaient aussi
surveillaient les entrees et les sorties. Chacun des ceux qui penelraient dans le Temple et dans ses par-
vingt-quatre postes occupait naturellement plusieurs vis. Us laissaient penetrer dans le premier parvis tous
gardiens dans le cours d'une meme journee, et il est ceux qui se presentaient, meme les etrangers, mais non
557 PORTIER — PORTIQUE 558
les femmes en etat d'impurete legale. Le parvis des second, les Septante lisent TruXwpot, ce qui donne au
femmes n'etait ouvert qu'aux Israelites et le parvis parallelisme une forme bien preferable :
d'Israel qu'aux hommes seuls, a 1'exclusion de eeux et
cellesqui n'etaient pas legalement purifies. Cf.Josephe, Les portiers de 1'Hades ont-ils eu peur a ta vue?
Cont. Apion., n, 8. Les portiers ne remplissaient pas Cf. Dhorme, Le sejour des morls chez les Babylonians
toujours leur office avec le soin requis et beaucoup d'ls- et les Hebreux, dans la Revue biblique, 1907, p. 68.
raelites trouvaient plus commode de traverser le grand Dans le poeme babylonien de la Descents d'Istar aux
parvis que de contouraer 1'enceinte du Temple pour al- enfers, il y a aussi un portier, petti, prepose a la garde
ler du nord au sud de la ville. Notre-Seigneur intervint des differentes portes. Sur la menace que fait Istar
pour defendre de transporter differents objets a travers d'enfoncer la premiere porte si on ne la lui ouvre,
le Temple. Marc., xi, 16. le portier va avertir la deesse infernale et ensuite
5° L'importance des portiers dans 1'ancien Temple et ouvre a Istar les sept portes successives de 1'enfer.
la necessite de leur fonction ont determine 1'Eglise a Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907,
instituer aussi des portiers parmi ses ministres. L'ordre p. 327-333. — Sur les portiers de prison, voir GEOLIER,
d'ostiarius esl le moins eleve des ordres mineurs. Les t. in, col. 193. H. LESETRE.
portiers avaient a veiller sur ceux qui entraient pour
assister aux reunions liturgiques et a prendre soin^de PORTIQUE (hebreu : 'uldm, ou 'uldm, tnusdk,
1'ordre dans 1'eglise, de la garde de differents objets, etc. parbdr; Septante : alXa;/, vaoc, aroa; Vulgate : porti-
cus,vestibulum), construction ordinairement composee
de colonnes et d'un toil servant d'abri, destinee a orner
1'entree d'un edifice, le pourtour d'une cour ou il sert
contre la pluie et le soleil, etc. — 1<> La premiere
mention d'une sorte de portique se trouve dans les
Juges, in, 23.>II y est dit qu'Aod, apres avoir tue Eglon,
roi de Moab, sortit par le misderon. On fait venir le
mot de sdddr, « serie » ; il designe probablenient une
serie de colonnes formant vestibule a la maison. Les
Septante traduisent par icpoaTdc, « vestibule » ; la Vul-
gate ne rend pas le mot hebreu. Le portique de la mai-
son d'Eglon etait sans nul doute fort simple. — 2° Le
Temple de Salomon avait des portiques dont David
avait laisse le plan. I Par., xxvni, 11. Sur les mots par-
bar et parvdrim, pharurim, que plusieurs expliquent
comme signifiant portiques, voir PHARURIM, col. 220.
— 3° Le portique du Temple porte ordinairement le
nom de 'uldm, que les Septante reproduisent a peu
pres sans le traduire : alXajj,. Le portique avait 20 cou-
dees de largeur, 10 de profondeur et 120 de haut.
Ill Reg., vi, 3; II Par., in, 4. Ce dernier chiffre est
137. — Soldats egyptiens gardant la porte d'un campement.
manifestement fautif, car le Temple lui meme n'avait
D'apres Lepsius, Denkmaler, Abth. Ill, Blatt. 154. que 30 coudees de haut. Ill Reg., vi.2. D'apres la des-
cription qui en est fournie, ce portique occupait la facade
Cf. Martigny, Diet, des antiquites chreliennes. Paris, meme de 1'edifice sacre. L'autel s'elevait en face de ce
1877, p. 659. portique. II Par., vm, 12; xv, 8. Les rois impies le fer-
II. AUTRES PORTIEBS. — 1° II est plusieursfois question merent; Ezechias le purifia et le rendit a sa destination
de portiers veillant sur les portes d'une ville. Mais ces primitive. II Par., xxix, 7. Les pretres se tenaient entre
portiers etaient plutot des gardes posies en cet endroit le portique et 1'autel pour prier et demander pardon
6n cas d'alerte ou de guerre (fig. 137). Tels etaient les au nom du peuple. Joel, n, 17. Ezdchiel, XL, 7-17, pre-
gardes des portesdeSamarie assiegee,lVReg.,vii,10,11, voit egalement des portiques dans son Temple ideal. —
et ceux de Jerusalem, a Papproche des Chaldeens. Jer., Sur 1'espece de portique construit par Achaz et appele
xxxvn, 12. — Pour assurer le respect de la Loi, Nehemie musak, IV Reg., xvi, 18, voir MUSACH, t. iv, col. 1345.
posta des gardes aux portes de Jerusalem, avec ordrede — 4° Salomon orna aussi son palais de portiques : por-
les tenir fermees le jour du sabbat, pour empecher les tique a colonnes, long de 50 coudees et large de 30,
marchands tyriens d'entrer et de vendre. II Esd., xm, 19. ayant en avant un autre portique avec des degres, por-
— 2° Des portiers gardaient la porte des palais. Mardo- tique du trone, portique du jugement, portique de sa
chee surprit le complotque tramaient deux gardiens de maison d'habitation et portique de la maison de la
la porte du palais de Suse. Esth., n, 21; xii, 1. A Ten- reine. Ill Reg., vn, 6-8. Voir MAISON DU BOIS-LIBAN,
tree de la cour du palais de Cai'phe, il y avait une por- t. iv, col. 597. — 5° Dans le Temple d'Herode, des por-
tiere qui, par ses propos, contribua a la chute de saint tiques occupaient les cotes du grand parvis des gentils,
Pierre. Joa., xvm, 16, 17. — 3° Les maisons de quel- et en faisaient le tour, a 1'exception de la partie occu-
que importance avaient des portiers. En quittant sa pee par la forteresse Antonia. Ces portiques formaient
maison, le maitre commande au portier de veiller. Marc., deux allees paralleles, au moyen de trois rangees de
xin, 35. A la maison de Marie, mere de Jean Marc, une colonnes, dont la troisieme etait engagee dans la mu-
servante, du nom de Rhode, entendit saint Pierre frap- raille meme de 1'enceinte. Le portique du midi, ou por-
per a la porte du vestibule et ne songea pas a lui ouvrir. tique royal, avait une rangee de colonnes de plus et
Act., xii, 13, 14. — 4° Le portier de la bergerie est le formait par consequent trois allies, Les colonnes etaient
gardien qui veille sur le troupeau pendant la nuit et de marbre blanc et avaient 25 coudees de haut. Des lam-
ouvre au vrai pasteur, quand celui-ci se presente. Joa., bris de cedre recouvraient les portiques. L'espace ainsi
x, 2, 3-50. On lit dans Job, XXXVH, 17 : protege contre la pluie et le soleil etait de 30 coudees de
~ Les portes de la mort ont-elles ete ouvertes devant toi ? large. Dans le portique royal, les deux allees laterales
As-tu vu les portes des tenebres? avaient 30 pieds de large et 50 de haut, celle du milieu
45 pieds de large et 100 de hauteur. Cf. Josephe, Ant.
II est question de portes dans les deux vers. Dans le jud.f XV, xi, 5; Bell. jud.,-V,v, 2. Ces portiques furent
559 PORTIQUE — PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 560
incendies a 1'epoque d'Archelaiis, pendant une sedition Alcobaca, a fait ressortir le merite et 1'utilite de cette
des Juifs centre les Remains. Cf. Josephe, Ant. jud., osuvre, et Innocent da Silva, dans son Diccionario,
XVII, x, 2, On les reconstruisit ensuite. Le portique situe notice sur la Colleccdo, les avantages qu'on peut en
a 1'est et faisant face au Temple proprement dit s'appe- tirer pour Petude archeologique et philologique de la
laitportique de Salomon. On se reunissaitsous ces por- langue. Comme on ne peut constater Pexistence d'au-
tiques pour converser, les docteurs y entretenaient cune version portugaise d'un livre biblique anterieure
leurs disciples. Un jour d'hiver, Jesus se promenait au regne de D. Diniz, comme on n'a non plus aucune
sous le portique de Salomon et les Juifs se rassemblerent preuve que ce roi ait fait faire a»cune autre traduction,
autour de lui. Joa., x, 23. Sous ce meme portique, le meme abregee, c'est aux moines d'Alcobaca, auteurs
peuple se reunissait plus tard autour de Pierre et de de la version des Actes des Apotres et de 1'histoire
Jean, pour ecouter leur predication, Act., m, 11, et les abregee de 1'Ancien Testament, que revient 1'honneur
premiers fideles se tenaient ensemble pour prier et d'avoir ete chronologiquement les premiers traducteurs
entendre les Apotres. Act., v, 12. — Surla piscine Pro- de la Bible en langue portugaise.
batique et ses cinq portiques, Joa., v, 2, voir BETHSAIDE, Fernao Lopes, surnomme le patriarche des bisto-
t. i, col. 1723. H. LESETRE. riens portugais, rapporte dans le prologue de la se-
conde p'artie de sa Chronica d'el Rei D. Jodo 1°, qui
f? PORTIUS (grec : Ilopxio?; Vulgate : Portius), no- regna de 1385 a 1433, que ce monarque « fit traduire
men gentilitium de Festus, procuraleur de Judee. par de grands lettres, en langue (portugaise), les Evan-
Act., xxxiv, 27. Voir FESTUS, t. n, col. 2116. giles, les Actes des Apotres etlesfipitres de saint Paul,
ainsi que d'autres livres spirituels des saints ». Quels
PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. furent les « lettres » qui executerent ce travail, de
La nationalite, portugaise commenca a se constituer quelle maniere ils accomplirent leur tache, ou se
a la fin du xie siecle et, quoique le peuple eut deja trouvent ces versions, Fernand Lopes ne le dit pas et
depuis longtemps son idiome particulier, forme des ceux qui sur son temoignage ont reproduit cette notice
langues parlees par ceux dont il tirait son origine, les ne le disent pas davantage. D. Fr. Manuel do Cenaculo
recherches les plus anciennes attestent que, meme Villas-Boas, dans son livre Cuidados litterarios do
parmi les Portugais, jusqu'au commencement du Prelado de Beja em graca de seu bispado, p. 64, de-
xive siecle, les versions connues ou usitees des clare seulement qu'il a eu en sa possession une tra-
Saintes Ecritures etaient en espagnol ou en une autre duccdo historiada do Antigo Testamento manuscrite,
langue etrangere. faite au xve siecle en portugais de 1'epoque par un
I. PREMIERES VERSIONS PORTUGAISES. — On doit au theologien savant et verse dans la connaissance de la
savant archeveque d'Evora (Portugal), D. Fr. Fortunate langue hebraiique, et il ajoute qu'a la date a laquelle
de S. Boaventura (f 1844), deux importantes publica- il ecrit (son livre fut imprime en 1788) il ne sait pas
tions qui nous fournissent des renseignements et des autre chose sur cette traduction.
documents sur les origines des versions portugaises II convient de mentionner ici la version faite par le
des Ecritures. Le premier de ces travaux a pour titre: jurisconsulte Goncalo Garcia de Santa Maria. Diogo
Memoria sobre o comeco, progresso e decadencia da Barbosa, dans le t. n de la Bibliotheca Lusitana, dit
litteratura hebraica entre os Portugueses catholicos qu'elle a pour titre Epistolas e Evangelhos que se can-
romanoset a paru dans le t. ix des Me'moiresde l'Aca-t tarn no decurso do anno, et qu'elle fut imprimee
demie royale des sciences de Lisbonne. Un ecrivain in-folio, en lettres gothiques, en 1479, sans indication
duxvi 6 siecle, Jacob Flavio d'Evora, suivi au xvme siecle de lieu. Antonio Bibeiro dos Santos, qui vivait de 1745 a
par Diogo Barbosa Machado, dans sa Bibliotheca Lusi- 1818, en parle aussi dans Memoria de algumas traduc-
tana, et par d'autres savants, avait raconte qu'un evSque, coes biblicas menos vulgares em lingua portugueza,
suppose ou douteux, d'Evora, appele Gaston de Fox, qui a paru dans le t. vu des Memorias de Litteratura
avait traduit la Bible en langue arabe et que le roi Portugueza, publie par 1'Academie royale des sciences
D. Diniz 1'avait fait traduire de 1'arabe en portugais. de Lisbonne. II est vrai que le beneficier Francisco
Fortune de Saint-Bonaventure a demontre par des Leitao Ferreira (1667-1735), dans ses Noticias Chrono-
raisons si solides la faussete de ce recit que le logicas da Universidade de Coimbra, dit que Goncalo
eelebre bibliographe du siecle dernier, Innocencio Garcia etait originaire de Saragosse (Espagne) et qu'on
Francisco da Silva, dont Pautorite est universellement ne connait de lui qu'une version en castillan de 138
reconnue." declare dans son Diccionario bibliographico, pages, imprimee en caracteres gothiques. Barbosa et
articles Pe Francisco Recreio et Gastdo de Fox, que Bibeiro dos Santos, s'en rapportant a cette information,
1'existence de cette pretendue version est inadmissible ont retracte ce qu'ils avaient ecrit avant de la connai-
au tribunal de la critique. tre. Toutefois leur retractation a ete trop prompte
La seconde publication de Fortune de Saint-Bona- et elle n'est pas fondee sur des raisons suffisantes. Les
venture est une Colleccdo de Ineditos Portuguezes dos langues parlees dans les deux pays ont une source com-
seculvs xiv et xv, 3 in-8°, Coimbre, 1829, imprimerie mune et elles ont entre elles grande affinite et ressem-^
de 1'Universite. Cetle collection est la reproduction blance; Portugais et Espagnols des classes instruites
fidele de Manuscriptos do Mosteiro de Alcobaca. Dans cultivaient 1'une et Pautre, la leur et celle de la nation
le tome ier (de 317 p.) on trouve entre autres, une voisine, de sorte qu'il y avait des Portugais qui
Traduccdo do livro dos Actos dos Apostolos; dans le ecrivaient en espagnol, comme le rabbin Duarte Pinhel,
t. II (de xv-299 p.), Historias d'abreriado Testamento qui, de concert avec le castillan Jacques de Vargas et
Velho, segundo o Meestre das Historias scolasticas, e d'autres, composa en cette langue une version de la
segundo outros que as abreviarom, e com dizeres Bible (Ancien Testament) editee par Abraham Usque
</<zzt7%%3" <?<?<?&?r&r e sabedwes (depuis Je commence- et connue sous le nom de Bible de Ferrare, parce
ment de la &enese jusqu'a la fin du second livre des qu'elle fut imprimee dans cette ville en 1553. II y eut
Rois); dans le t. in (de 232 p.), sous le meme titre, aussi des Espagnols qui ecrivirent en portugais et de
1'histoire se continue depuis le troisieme livre des Rois ce nombre fut Goncalo Garcia de Santa-Maria. Innoc ent
jusqu'au second livre des Machabees, avec.des additions da Silva, dans son Diccionario, article Goncalo Garcia,
tirees de Fblstorien Josephe. Le manuscrit des Histo- rapporte que le 21 mai 1866 le libraire Bertrand lui
rias est de 1'an 1320 et du regne du roi de Portugal montra un livre in-folio, en caracteres gothiques, ou
D. Diniz. Fortune de Saint-Bonaventure, dans son manquaient le frontispice et le dernier ou les der-
Historia chronologica e [critica da Real Abbadia de niers feuillets, mais ou, au haul du premier feuillet, le
561 PORTUGAISES ( V E R S I O N S ) DE LA BIBLE 562
litre constatait que c'etaient lesEpistolas e Evangelhos des biographies ou dans des livres d'histoire ou de lit-
em portuguez par Goncalo Garcia de Santa Maria, terature profane.
Da Silva n'affirme point que c'etait 1'edition de 1479, II. VERSIONS PORTUGAISES DEPUIS LE xvie SIECLE
citee dans Je tome n de la Bibliotheca Lusitana, JUSQU'AU MILIEU DU xvme SIECLE. — Dans le cours du
puisque le livre ne contenait ni frontispice ni suscrip- xvie siecle, avec 1'apparition du protestantisme et la
tion finale avec la date de 1'impression, mais il dit qu'il propagation de sa fausse doctrine du libre examen et
n'a pas de doute que, s'il n'etait du xve siecle, il doit de 1'interpretation privee des Ecritures, la lecture de la
etre au moins du commencement du xvie. Pour se rendre Bible devint, dans une certaine mesure, un danger
compte que c'etait un livre different de celui dont pour ceux qui n'etaient pas familiers avec les regies
parle Ferreira Leitao, il suffit a Da Silva de constater de 1'hermeneutique sacree et qui ne connaissaient pas
que celui que mentionne Leitao avait 138 pages, tan- la veritable interpretation donnee aux Livres Saints
dis que celui que vendit le libraire Bertrand en avait par 1'Eglise qui en a le depot. Pour ce motif, Pie IV.
plus de 400, sans compter celles qui etaient perdues- a le 24 mars 1564, en publiant par la Bulle. Dominici
la fin. Gregis 1'Index des livres defendus, etablit dans la
A peu pres contemporaine de la version de Goncalo regie 4, que 1'usage des versions de la Sainte Ecriture
Garcia fut celle de D. Philippa de Lancastre, fille de n'est pas permis a tous sans discernement, mais que
1'infant D. Pedro et petite-fille de D. Joao Ier. Elle vecut la permission de les lire n'est accordee qu'a ceux
de 1435 a 1497 et acheva ses jours dans le couvent des qui, au jugement de I'eve'que ou de 1'inquisiteur, peuvent
religieuses cisterciennes d'Odivellas. Le premier qui le faire sans peril et au profit de leur foi et de leur
mentionne cette traduction est Jorge Cardoso (1606- piete. En Portugal, la religion des rois tres fideles et
1669) dans VAgiologio Lusitano, au 11 fevrier, la lettre le zele des eveques avaient deja prevenu ce d^cret du
A. Elle a ete citee depuis par le theatin D. Antonio Saint-Siege en adoptant a 1'avance des mesures analo-
Caetano de Sousa (1674-1759) dans le t. H de YHistoria gues. Les exetaplaires de tout livre de la Bible traduit
Genealogica da Casa Real, et par Diogo Barbosa dans en langue vulgaire devaient porter a la premiere page
le t. ii de la Bibliotheca Lusitana. D'apres ces auteurs la permission accordee a celui qui pouvait s'en servir,
cette version, faite sur une traduction francaise, ren- et les versions, quelquefois meme dans les manuscrits
ferme les Evangelhos e Homilias de todo o anno. Les originaux, portaient le nom de celui a qui elles
deux premiers et Antonio de Figueiredo, dans la Pre- etaient destinees. On possede des documents histo-
face generale de sa traduction de la Bible, nous riques qui en temoignent. Ribeiro dos Sanctos, dans
apprennent q.ue, de leur temps, cette oauvre se conser- sa Memoria da Litteratura Sagrada, publiee dans le
vait encore dans le monastere des Cisterciennes d'Odi- t. ii des Memorias de Litteratura Portugueza, de
vellas. Augusto Scares d'Azevedo Barbosa de Pinho 1'Academie des sciences de Lisbonne, cite un exenv-
Leal, parle aussi de ce travail, en 1875, dans le t. vi de plaire de la Bible ou etait incorporee a la premiere
son Portugal Antigo e Moderno, au mot Odivellas. page la permission donnee par Fr. Francisco Foreiro
« D. Philippa, dit-il, ecrivit un manuscrit et 1'orna de pour autoriser Francisco de Sa de Miranda (-j- 1558) a
belles miniatures; c'est un ouvrage de grand merite, en faire usage. Barbosa dans la Bibliotheca Lusitana et
qu'elle donna au monastere; il existe encore. » Sur le Figueiredo dans la Preface de sa traduction de la Bible,
degre d'instruction de la princesse, le meme auteur parlent d'une version manuscrite des Psaumes de la
ajoute : « Dirigee par son peredans son education, elle penitence, faite par D. Fr. Antonio de Sousa (f 1597),
connaissait a fond le latin et le francais et elle a laisse eveque de Viseu, pour 1'usage de sa sceur la comtesse
des ceuvres ecrites de sa main. » de Monsanto.
Dans la Resposta a Consulta que o Deputado (da Ces defenses restrictives furent cause que les ver-
Real Mesa censoria) Antonio Pereira de Figueiredo sions devinrent de plus en plus rares et que les savants
fez ad Sr. Bispo de Beja sobre versoes partidas da s'appliquerent surtout des lors a commenter en latin
Biblia em vulgar, em Fevereiro de 4794 (manuscrit le texte latin de la Vulgate, chaque ecrivain choisis-_
qui, selon 1'auteur de la Preface a la seconde edition sant le livre de 1'Ecriture pour lequel il se sentait le
de la Bible traduite par Figueiredo, appartient au- plus d'attrait. L'auteur de la Preface generale de la
jourd'hui a 1'Academic des sciences de Lisbonne), D. version de la Bible par Figueiredo, editee a Lisbonne
Fr. Manuel do Cenaculo rapporte que la reine D. en 1854, enumere un grand nombre de ces commen-
Leonor, femme de D. Joao II, fit imprimer la traduc- tateurs, parmi lesquels figurent des noms de grande
tion des Actos dos Apostolos, as duas Epistolas de S. autorite dans les lettres portugaises, comme ceux de
Pedro, as ires de S. Joao e a de S. Judas, mais il ne Bartholomeu dos Martyres, Bernardo de Brito, Fran-
dit pas par qui elle avait etc faite et s'il en existe des cisco Foreiro, Heitor Pinto, Joao de Lucena, Manuel
exemplaires. de Sa, Antonio Vieira, Francisco de Mendonga, etc.
Si ce n'est pas la me'me version, c'est au moins une De leur cote, les protestants, interpretant maJigne-
version de la meme epoque, celle des Actos dos ment la defense faite par Pie IV, accuserent 1'Eglise
Apostolos, dont nous avons parle plus haut, qui a d'interdire aux fideles la lecture des Livres Saints afin
ete publiee dans le t. i de la Colleccdo de Ineditos qu'ils ne pussent pas connaitre ce qui la condamnait
Porluguezes, editee par D. Fr. Fortunato. D'apres ce dans les ecrits sacres, et ils se mirent avec une grande
prelat, cette version fut faite, peut-etre d'apres une activite a composer et a publier des versions de la
autre version plus ancienne, par Fr. Bernardo de Alco- Bible, en supprimant une partie des livres du canon,
baca, qui vivait sous le regne de D. Joao II. C'est a ce en alterant parfois les textes comme il leur convenait
Fr. Bernardo de Alcobaca qu'on attribue generalement et en proclamant surtout qu'il etait libre a chacun de
•et avec raison la traduction portugaise de la Grande les interpreter a son gre. Ils trouverent un collabora-
vida de Jesus Christo, ecrite en latin par Ludolphe le teur pour la langue portugaise dans la personne d'un
Chartreux. Cette traduction fut imprimee a Lisbonne pretre apostat du xvri6 siecle qui etait devenu mi-
•en 1495, par ordre du roi D. Joao II 'et de sa femme nistre calviniste en Hollande; il publia : Novo Testa-
D. Leonor. mento, isto e, todos os sacrosantos livros de escriptos
II est inutile d'enumerer ici en detail diverges ver- evangelicos e apostolicos, do novo concerto de nosso
sions de moindre importance, qui sont de la meme fiel senhor, Salvador e redemptor Jesu Christo ; agora
epoque ou peu posterieures, des traductions d'un cer- traduzidos em portuguez pelo Padre Joao Ferreira
tain nombre de Psaumes ou de chapitres d'autres A. de Almeida, ministro pregador do Sancto Evan-
livres de la Bible, intercales occasionnellement dans gelho. Com todasas licenca& necessaria . Em Amster-
563 PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 564
daw. For a Viuva de J. V. Someren. Anno 1681. graca, elle traduit par em graca acceila dans quelques
Em 4°. La Bibliotheque nationale de Lisbonne en editions et par agraciada dans d'autres.
possede un exemplaire. Comme le fait remarquer le Le meme traducteur publia en 1738, in-4°, a Tran-
bibliographe da Silva, Diccionario, article Jodo Fer- gambar, Livros Eistoricos do Velho Testamento, et
reira A. de Almeida, cette traduction est remplie en 1740, in-8° dans la meme ville et, comme le prece-
d'erreurs et de fautes typographiques provenant de ce dent, par 1'office de la mission royale de Danemark
que le correcteur etait peu verse dans la langue portu- Livro dos Psalmos. En 1748 parut a Batavia, in-8*1,
gaise, ainsi que le fait remarquer 1'auleur lui-meme imprime a 1'office des seminaires par M. Mulder, Do
dans un avertissement public a Batavia le ler Janvier Velho Testamento o pnmeiro tomo que contem os
1683 et ou sont enumerees plus de mille erreurs a cor- SS. Livros de Moyses, Josue, Juizes e Ruth, Samuel,
riger, avec cette observation qu'il a ele impossible de Keys, Chronicas, Esra. Nehemias e Esther. Tradu-
les relever toutes. zidos emportuguez por Joao Ferreira A. de Almeida,
Une seconde edition fut faite par les Hollandais eta- Ministro pregador, etc. En 1753, G. H. Heusler impri-
blis en Asie pour 1'usage des protestants portugais de ma au meme office du seminaire a Batavia, in-8°, Do
Batavia, sous ce titre modifie : 0 Novo Testamento, Velho Testamento o segundo tomo que contem os
isto e, todos os livros do novo concerto do nosso fiel SS. Livros de Job, os Psalmos, os Proverbios, o Pre-
senhor e redemptor Jesu Christo, traduzido na lingua gador, os Cantares, com os Prophetas Mayores e me-
portugueza pelo reverendo padre Jodo Ferreira A. de nores. Traduzidos em portuguez por Jodo Ferreira
Almeida, ministro pregadordoSanctoEvangelhon'esla A. de Almeida, e Jacob Opden Akker, Ministros pre-
cidade de Batavia em Java Maior. Em Batavia, por gadores do Santo Evangelho, etc. Entre la publication
Jodo de Vites, impressor dalllustre Companhia, e desta du t. I et du t. H de cette version parut en 1749 une
nobre cidade. Anno 1693. Sur le verso de la feuille ou nouvelle edition du Livro dos Psalmos, in-8°, a la
se lit le titre se trouve la declaration que 1'ouvrage a meme imprimerie, qui donna aussi plus tard, en 1757,
ete imprime por ordem do Supremo Governo da dans une edition separee,0s Livros de Moyses.
illustre Companhia das Unidas Provincias na India La traduction de 1'Ancien Testament fut faite aux
Oriental, revista, com approvacdo da congregacdo frais de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales.
ecclesiastica da cidade de Batavia, pelos ministros Elle ne contient pas les livres deulerocanoniques. Au
pregadores do Sancto Evangelho na Igreja da mesma temoignage de da Silva, Almeida fit sa version sur 1'ori-
oidade Theodorus Zas, Jacobus Opden Akker. Cette ginal hebreu, en se servant de la version hollandaise
edition est sur papier de Hollande, grand in-4°, et a imprimee en 1618 et de la version castillane de Cypria-
vm-597 pages. Elle a de plus que la premiere la con- no Valera, edition de 1602; il la poursuivit jusqu'aux
cordance des textes de 1'Ecriture. I. da Silva observe derniers chapitres d'Ezechiel; elle fut achevee par
qu'on y a corrige peu ou point des fautes de la pre- Jacob Opden Akker, un de ceux qui avaient ete charges
miere edition, mais qu'on y a fait des changements de revoir la traduction du Nouveau Testament editee
considerables, placant, par exemple, la plupart des par Almeida en 1693.
verbes a la fin des propositions, « ce qui rend parfois Depuis sa publication, la version d r Almeida a ete si
le sens obscur, fait violence a la phrase et affecte la souvent reimprimee soil totalement, soil partiellement,
construction des periodes. » Da Silva possedait un pour les societes bibliques d'Angleterre et d'Amerique,
exemplaire de cette edition. J.-Ch. Brunei, dans le Ma- qu' « il est ^difficile, dit da Silva, de donner une enu-
nuel du libraire et de VAmateur de livres, en signale meration exacte » de toutes ses editions. Ce bibliographe
une autre qualifiee de « rarissime » dans le catalogue mentionne deux editions completes dont il possede
de Meerman. des exemplaires, 1'un grand in-8°, imprime par R. et
En 1712 parut une troisieme edition in-8°, a Ams- A. Taylor, a Londres, 1819, 1'autre grand in-8°, impri-
terdam, chez Joao Oeliluz, par ordre de la merne me a New-\ork en 1850. Nous avons entre les mains
compagnie des Provinces-Unies, pour 1'instruction deux editions completes plus recentes, 1'une in-8°,
des Indiens. Elle est encore plus fautive que les publiee a New York en 1883, par la Societe biblique
precedentes. Une quatrieme edition fut publiee en Americaine, et ou il est dit que le Nouveau Testament
1760 en deux grands in 8°, a Tramgambar, par 1'of- est une Reimpresso da edicdode i693, revista e emen-
fice de la mission royale du Danemark et au bene- dada; 1'autre, in-4°, imprimee a Lisbonne, en 1897,
fice 'de cette mission, aux frais de la Societe (angli- revista e correcta, com referencias e na margem
cane) de la Propagation de la foi de Londres. Une algumas palabras segundo o hebraico e o grego. Se
cinquieme edition fut donnee a Batavia par Egbert vend au Deposito das Escripturas Sagradas. — En
Humen, in-8°, 1773. Da Silva dit qu'elle fut comparee 1862, 1'archeveque de Bahia, D. Manuel Joaquim da
de nouveau avec le texte original et avec d'autres ver- Silveira, publia une Lettre pastorale pour premunir ses
sions et ainsi amelioree, les verbes furent remis a diocesains contra adulteracoes emu tilacoes da JSiblia
leur place naturelle et beaucoup de mots et de fautes traduzidaem portuguez pelo Padre J.F.A. de Almeida.
corriges. II y examine 1'edition de New York que les protestants
La traduction de Ferreira de Almeida, dit Ribeiro dos repandaient dans le Bresil et apres 1'avoir confrontee
Santos, dans sa Memoria sobre versoes Biblicas, fut avec le texte reconnu authentique des les premiers
faite sur le texte grec qu'elle suit dans les points ou il siecles, il montre qu'elle contient des alterations,
differe de la Vulgate. En sa qualitede calviniste, 1'au- changements, mutilations, additions, par exemple,
teur n'en a pas exclu les livres deuterocanoniques que Luc., i, 28; Act., xiv, 23; Eph., v, 32; II Tim., iv, 5;
rejette le lutheranisme. D'apres Antonio Pereira de II Joa., v, 6, 10, 13, 15, 17-20. Ces alterations se trou-
Figueiredo, dans sa preface au Nouveau Testament, vent .dans les editions de New York, 1882, et de Lis-
1.1, 2« edit., on n'y trouve rien qui sente le calviniste, bonne, 1897.
et il la regarde comme tres servile. Mais d'autres ecri- Ribeiro dos Santos, dans sa Memoria de algumas
vains sont d'un avis tout a fait contraire el la preface traduccoes biblicas (voir col. 560), appreciant la valeur
que nous venons de citer ne fut pas reproduite dans philologique pt litteraire du travail de Ferreira de
les editions de Figueiredo qui furent publiees en 1794 Almeida, dit que sa langue est assez riche et renferme
et apres, sous la surveillance de 1'autorite ecclesias- un tresor de mots pour le vocabulaire portugais, mais
tique qui y fit supprimer aussi des notes. Quant a sa que sa grammaire est defectueuse, parce qu'il emploie
servilite, la traduction, par exemple, de Luc., I, 28, des phrases et des constructions qui n'ont pas la saveur
prouve le contraire; au lieu de traduire par cheia de du langage national et parce qu'il serre de trop pres
565 PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE 566
le texte original ou fait usage de locutions et d'idio- vada pelo Cardeal Patriarcha de Lisboa em 9 de Ja-
tismes propres au pays ou il vivait. neiro de 1852. Cette Bible fut critiquee lors de son
III. VERSIONS PORTUGAISES DEPUIS LE MILIEU DU apparition a cause des fautes typographiques nom-
xvme SIECLE JUSQU'A NOS JOURS. — Au milieu du breuses, de la suppression des indications chronolo-
xviii8 siecle, a peu pres au moment ou apparaissait la giques et d'une partie des prefaces et aussi de 1'insuf-
version complete faite par Almeida et son auxiliaire fisance des notes.
(1748-1753), s'ouvre une periode nouvelle pour la mul- Une nouvelle edition parut en 1854, avec le texte
tiplication des traductions de la Bible. L'Eglise qui -latin a la librairie populaire et historique de Lisbonne,
avait interdit la lecture de 1'Ecriture en langue vulgaire sous les auspices du cardinal patriarche. Le Patriarche
au commencement du [iprotestantisme pour entraver en autorisa la publication le 4 juin 1852, a condition
les progres de 1'heresie naissante parmi le peuple, qu'elle reproduirait la seconde edition, in-4°, faite a
permit, dans la seconde moitie du xvne siecle, pour Lisbonne en 1794, par Simao Thaddeo Ferreira, avec
detourner les fideles de la lecture des versions pro- ses prefaces et ses notes, lesquelles avaient ete expur-
tesfantes, de publier des traductions en langue vul- gees, et qu'elle serait revue et corrigee par un savant
gaire a la condition qu'elles fussent accompagnees de ecclesiastique, aide au besoin de deux antres reviseurs.
notes et d'eclaircissements tires des saints Peres et des Une preface nouvelle a 1'Ancien Testament et une autre
savants catholiques, et approuvees par le Siege aposto- au Nouveau sont I'oauvre de 1'un des censeurs, P. Fran-
lique. Benoit XIV modifia en ce sens en 1757 la qua- cisco Recreio. Elle comprend trois volumes in-folio.
trieme regie de Flndex formulee par Pie IV en 1564. Le Le troisierae contenant le Novo Testamento. Vida de
resultat fut la publication de versions nouvelles parmi Nosso Senhor Jesus Chris to, paru* en 1857. La vie de
les catholiques : au Portugal, il parut presque simul- Notre-Seigneur forme un supplement public en 1858,
tanement deux traductions completes de 1'Ecriture. avec ce titre special : Vida de Nosso Senhor Jesus
1° Version de Figueiredo. — La premiere fut celle Christo, redigida pelo Reverendo Abbade Brispot, e
de P. Antonio Pereira de Figueiredo (ne en 1725, mort vertida em vulgar por Luis Filippe Leite, Director
en 1797). II commenca par le Nouveau Testament, da Escola Normal Primaria de Lisboa.
lequel etaitpret des 1772, comme on le voit dans 1'Epltre La traduction de Figueiredo, sans le texte latin, fut
dedicatoire au cardinal D. Joao da Cunha (f 1773), editee au Bresil, en 1864, en 2 in-4°, a Rio de Janeiro,
mais le premier volume ne fut imprime qu'en 1778, par la librairie 0. B. L. Garnier. Elle contient peu de
ndopor culpa do auctor, dit le Prologue, date du 8 Jan- notes de Figueiredo et seulement dans les livres du
vier 1778, mas por infelicidade. La version de 1'Ancien Pentateuque, Josue, Esther, Daniel et Amos. Plusieurs
Testament commenca par les Psaumes imprimes en livres n'ont aucune note. Celles qui sont relatives aux
2 volumes en 1782, elle se continua par la Genese et prophetes et au Nouveau Testament, ceuvre du chanoine
les autres livres, imprimes par I'imprimerie royale a Delaunay, cure de Saint-Etienne-du-Mont a Paris, sont
Lisbonne de 1783 a 1790. La traduction complete forme placees a la fin de la Bible, sans aucun renvoi dans le
23 in-8°. Des 1781, on reimprima les deux premiers texte sacre. Cette edition, avec les notes explicatives de
volumes du Nouveau Testament, corriges pour le texte Delaunay, est approuvee par un mandement de 1'arche-
et augmentes pour les notes. veque de Bahia, alors metropolitain du Bresil, date de
Peu de temps apres parut la seconde edition de la 1863. — La Societe biblique de Londres a public di-
Bible entiere : Biblia Sagrada, traduzida em porlu- verses editions de la version de Figueiredo, sans pre-
guez segundo a Vulgata latina, illustrada com pre- faces et sans notes, 1821, 1866, etc. La lecture en fut
facdes,notaselicoes variantes. Segunda edicdo revista permise aux catholiques du Portugal par un acte du
e retocada pelo auctor. Les 17 volumes in-8°, que com- ministere du royaume, du 17 octobre 1842, reproduit
prend 1'Ancien Testament, furent imprimes par 1'impri- dans la Revista universal Lisbonense, lre serie, t. n,
merie royale de Lisbonne de 1791 a 1803 et les 6 du p. 521. Francisco Recreio, un des censeurs de 1'edition
Nouveau Testament par Simao Thaddeo Ferreira de 1803 de la Librairie populaire de 1854, declare a la fin de la
a 1805. preface que c'est « pour le bien de 1'Eglise qu'est pu-
En 1794, commenca a paraitre une troisieme edition, bliee avec le plus grand soin cette traduction, parce
en deux colonnes, contenant 1'une le texte latin et que la propagande protestante 1'a facheusement intro-
1'autre la traduction portugaise, texte et notes retou- duite dans le Portugal et les pays de sa domination, en
ches par 1'auteur. Elle est dediee au prince du Bresil la faisant imprimer a sa maniere par ses presses im-
D. Joao, dont elle reproduit en tete le portrait. Le tome pures et falsificatrices ».
premier contient une Prefacio geral a toda a Sagrada Au point de vue philologique et litteraire, la traduc-
Biblia, de xcv pages, dans laquelle il est dit que cette edi- tion de la Bible par Figueiredo a justement la reputa-
tion « est incomparablement plus correcte et augmen- tion d'une ceuvre de valeur. II avait toutes les qualites
tee, de telle sorte qu'on peut dire avec raisonque c'est requises pour ce travail, fait sur la Vulgate latine, etant
une version nouvelle ». Outre cette Preface generate, lui-meme un excellent latiniste, « connu comme tel
chaque livre est precede d'une Preface speciale plus meme a 1'etranger, » dit Innocencio da Silva, auteur
ou moins courte dans laquelle Figueiredo indique les d'etudes historiques et theologiques en latin, ainsi que
traductions en langues diverses dont il s'est servi pour d'ouvrages classiques pour 1'enseignement elementaire,
la version de ce livre. Cette edition, imprimee a Lis- moyen et superieurde cette langue, adoptes universelle-
bonne, par S. Th. Ferreira et terminee en 1819, com- ment pendant pres d'un siecle au Portugal et au Bresil;
prend sept tomes in-folio. sa competence 1'avait fait nommer redacteur pour
Une rendition de la traduclion de Figueiredo, avec le les lettres latines de la secretairerie d'Etat. Quant a
texte latin, en 2 in-f°, fut publiee en 1852-1853, par la sa composition en langue portugaise, voici ce qu'en
BibliothecaEconomica,sons la direction d'Eduardo de dit Fr. Recreio, dans la premiere preface de 1'edi-
Faria,auteur d'un Dictionnaire portugais, avecce titre : tion 'de la Librairie populaire : « Dans le catalogue
A Biblia Sagrada contendo oVelho e Novo Testamento. des livres a consulter pour la continuation du Diction-
Traduccdo do Padre Antonio Pereira de Figueiredo. naire de la langue portugaise, public par ordre de 1'Aca-
Enriquecida com varias notas pelo mesmo traductor demie royale des sciences de Lisbonne, figure la traduc-
(excepto aquellas que foram condemnadas em Roma) tion de 1'Ancien et du Nouveau Testament, edition in-8°,
e por D. Felippe Scio de S. Miguel, Bispo de Segovia, d'Antonio Pereira de Figueiredo. Cette mention est la
Bossuet, etc. Ornado com gravuras. Lisboa. Typogra- preuve authentique de son caractere classique. » On ne
phia de Jose Carlos de Aguiar Vianna, 1852. Appro- peut donner de semblables eloges aux notes que Figuei-
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redo a jointes lui-meme a sa version. « On ne saurait Escriptura, 11 in-8°, Porto, 1867-1869. Le troisieme et le
nier, dit Recreio, dans la preface deja citee, 1'utilite et quatrieme livre d'Esdras, egalement traduit par Sar-
1'etendue de 1'erudition qui fait le merite (des notes de mento, avec la priere de Manasse, etc., sontcontenus
Figueiredo) sous le rapport critique, dogmatique et dans un 12e volume paru en. 1868.
moral. A ceux qui ne sont pas d'accord avec quelques- Le bibliographe Innocencio mentionne deux ver-
unes de ses opinions particulieres, nous repondrons sions partielles du Nouveau Testament, composees au
par les paroles de 1'Apotre, prises dans leur sens vul- xviii6 siecle et restees manuscrites : Versdo das Epis-
gaire : Unusquisque in suo sensu abundet. » Sans tolas e Evangelhos, que se recitam em todo o anno,
contester ce jugernent, nous devons observer que acompanhada de illustracoes, par Joaquim Jose da
Figueiredo, tout en possedant une instruction variee et Costa Sa (•{- 1803), et O Evangelho de Jesus Christo
etant tres verse dans les sciences ecclesiastiques et pro- segundo S. Matheus et S. Marcos, traduzido e illus-
fanes, souffrit neanmoins de 1'influence des doctrines trado em largos commentaries, 3 in-4°, par Antonio
regalistes auxquelles ne surent pas alors resister meme Ribeiro dos Santos (f 1818), donnes par 1'auteur a la
des membres notables de 1'episcopal; il les defendit Bibliotheque de Lisbonne.
dans les livres qu'il publia, tels que la Tentativa theo- 3° Versions du xixe et du xxe siecles. — D. Fr. Joa-
logica et I'Analyse da Profisao de Fe do santo Padre quim de Nossa Senhora de Nazareth, qui '.fut d'abord
Pio IV, laquelle fut mise a 1'index par decret du 26 Jan- eveque de Maranhao et puis de Coimbra et acheva sa
vier 1795, et il s'y montra tellement attache qu'il refusa vie a Maranhao (Bresil), en 1851, publia : 0 Novo Tes-
de se retracter meme a ses derniers moments, ainsi que tamento de Nosso Senhor Jesus Christo, conforme a
1'affirme un de ses ngveux, dans une lettre adressee a la Vulgata Latina, traduzido em portuguez, e annotado
presse, et qu'il est rapporte par I'Encyclopedia Portu- segundo o sentido dos Santos Padres e Expositores
gueza illustrada (publication qui a commence au Catholicos, pelo qual se esclarece a verdadeira dou-
xx« siecle, sous la direction de Maximiano Lemos), trina do texto sagrado, e se refutam os erros subver-
article sur Antonio Pereira de Figueiredo. Si Ton sives dos novadores antlgos e modernos, 3 in-f°, Ma-
tient compte de 'ces circonstances, on comprend que ranhao, 1845-1847. Version estimee et accompagnee du
ses notes aient ete condamnees, quoiqu'un grand texte latin. Une nouvelle edition fut imprimee, sans le
nombre d'entre elles temoignent de ses connaissances texte latin, ia-12, a Lisbonne, 1875, em conformidade
linguistiques, historiques et litteraires; il n'y a pas da Versdo Franeeza annotada por J.-B. Glaire.
d'injustice a affirmer qu'on n'y voit predominer ni 1'es- En 1879, fut public au Bresil une autre version :
prit sacerdotal, ni la piete chretienne qui animent les 0 Novo Testamento de Nosso Senhor e Redemptor
commentaires d'autres versions portugaises. Jesus Christo, traduzido do original grego. Primeira
De 1902 a 1904, la traduction de Figueiredo a ete ree- edicdo brazileira, in-8°, Rio de Janeiro. Elle parait
ditee en Portugal sous ce titre : Biblia Sagrada con- etre une retouche de la version de Ferreira de Almeida
tendo o Velho e Novo Testamento. Versdo do Padre et ne contient aucune note.
Antonio Pereira de Figueiredo. — Commentaries e En 1895, a paru a Porto une Biblia popular illustrada
annotates segundo os modernos trabalhos de Glaire, pelo abbade Drioux. Traduccdo de Paiva Pona. Pu-
Knabenbauer, Lesetre, Lestrade, Poels, Vigouroux,eic. blicada com permissdo do Cardeal Bispo do Porto.
— Pelo Rev. Santos Farinha. — Edicdo popular e Velho e Novo Testamento, in-4°, avec gravures. Ce
illustrada, approvada pelo Emmo-Cardeal Patriar- n'est pas proprement une version, mais un recit dans
cha, 3 in-8°, Lisbonne, 1902-1904. Les prefaces de Fi- lequel le commentaire est mele au texte.
gueiredo sont remplacees par des prefaces nouvelles, Le premier congres catholique bresilien, reuni a
les archai'smes et les inexactitudes sont corriges* Les Bahia en 1900, resolut le 9 juin la publication d'une
corrections ne sont pas toujours heureuses. Le com- nouvelle edition de la Bible, pour combattre la propa-
mentaire est presque certainement nouveau. Cette edi- gande protestante. Le travail fut confie aux Francis-
tion n'est pas accompagnee du texte latin. cains. Us ont publi^ a Bahia, en fevrier 1902: 0 Santo
2° Version de Sarmento. —Une autre traduction por- Evangelho de Jesus Christo segundo S. Matheus, tra-
tugaise de la Bible fut faite en meme temps que celle duzido em Portuguez segundo a Vulgata latina. Com
de Figueiredo par Francisco de Jesus Maria Sarmento annotacoes extrahidas dos SS. Padres et de theologos
qui vecut de 1713 a 1790. Le Nouveau Testament pa- eminentes, antigos e modernos. Editadopelos Religio-
rut d'abord sous le titre de Historic Evangelical in-8°, sos Franciscanos. — En avril de la meme "annee : 0
Lisbonne, 1777-1778. Avant le texte sacre on trouve une Santo Evangelho de Jesus Christo segundo S. Marcos.
Concordia Evangelica, a imitacdo da de Jodo Buisson, Une nouvelle edition de ces deux Evangiles parut en
impressa em Savreux no anno de 1554. L'ancien Tes- juin 1902.
tament parut a Lisbonne de 1778 a 1785 en 44 in-4°, En aout 1903 : 0 Santo Evangelho segundo S. Lucas;
sous le titre de Historia biblica. Le traducteur ne s'est en decembre 1903 : 0 Santo Evangelho segundo
pas astreint a une traduction rigoureuse, corame il le S. Jodo; en mai 1904 : Os Actos dos Apostolos; de
declare dans le prologue du premier livre, et il ajoute mai 1905 a Janvier 1906 ont ete publiees : Epistola de
souvent des explications au texte. S. Paulo aos Romanes; la et 2a Epistola aos Corin-
La traduction de Sarmento fut reeditee sans le texte thios. La version des Evangiles et des Actes, avec les'
latin a Porto. L'Ancien Testament parut sous ce titre : notes, destinees surtout a combattre les erreurs des
Historia Biblica e Doutrina Moral da Religido Catho- protestants, pour une nouvelle Edition, qui est sous
lica, extrahida dos Livros Santos do Antigo Testa- presse, ont ete revues par le P. J. Knabenbauer, S. J.
mento com frequentes Paraphrases et Varias Notas En 1903, le chanoine Duarte Leopoldo e Silva, de-
Litterarias e Reflexoes Moraes, para sua maior e venu successivement depuis eveque de Corytiba et au-
mais proveitosa intelligencia :.27 in-8°, Porto, 1864- jourd'hui de S. Paulo, publia une Concordancia dos
1867. Le Nouveau Testament dans un premier volume Santos Evangelhos reunidos emum so, in-8% avec com-
la Concordia Evangelica, et les suivants : YHistoria mentaire. Le texte des quatre Evangiles est fondu en-
Evangelica, apostolica e doutrinal, deduzida dos Livros semble de maniere a former un seul recit suivi.
Santos do Novo Testamento, com frequentes para- Le Bresil a vu paraitre en 1905 une, traduction por-
phrases introduzidas no Texto, sobre algumas Notas tugaise : Os Santos Evangelhos de N. S. Jesus Christo
Litteraes em certos lugares mais difficeis, tudo extra- e os Actos dos Apostolos, Au titre general des Evan-
hido dos Antigos Padres e Modernos Expositores, giles, on lit en plus : Traduccdoportugueza segundo a
para melhor e mais facil intelligencia da Sagrada Vulgata lalina. Por um Padre da Missdo. Com notas
569 PORTUGAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE — POTERIE
da edifdo franceza dos PP. da Assumpfdo, in-4°, Rio ou a un agencement de plusieurs pieces de bois. Gen.,
de Janeiro. Le traducteur est le P. Pedro Maria Booz, XL, 22; Num., xxv, 4; Deut., xxi, 22; Jos., vm, 29; x,
sa version est approuvee par 1'archeveque de cetteville, 27; Esth., n, 23; vi, 4; vrr, 10; ix, 13. En hebreu, atta-
MW Arcoverde, aujourd'hui cardinal. cher a la potence se dit }dldh 'al hd''es, « suspendre au
4°L'histoire desversions portugaisesembrasse,comme bois », Septante : explixaas, « il suspendit », Deut., xxi,
on le voit, six siecles, etpeut se partager entrois periodes, 22; ou simplement hoqiya', « pendre », Septante :
la premiere d'essais, la seconde de suspension, la troi- « on fit un exemple », on exposa en
sieme d'activite. La premiere va du commencement du
xive siecle au milieu du xvie; elle ne voit paraitre que
des traductions partielles dont les unes ont ete impri-
mees et les autres sont restees manuscrites. La seconde
periode s'etend jusqu'au milieu du xvme siecle et corres-
pond au temps ou les erreurs protestantes qui regardent
1'Ecriture comme 1'unique regie de foi et qui enseignent
que chacun peut 1'interpreter comme il I'entend, obligent
les souverains Pontifes a interdire la lecture des ver-
sions en langue vulgaire a ceux qui ne sont pas autori-
ses a le faire par leurs superieurs ecclesiastiques. Cette
epoque n'a guere vu paraitre que la traduction protes-
Les plus anciens specimens chananeens sont grossiers fond jaune, en y representant divers ornements et
et simplement durcis au soleil. Puis, les potiers surtout des animaux(fig. 140).
apprennenta cuire et perfectionnent leur art. Les vases A partir du xvi« siecle avant J.-C., 1'emploi du tour
sont modeles a la main avec une assez grande habilete se generalise, la technique devient plus habile et les
et a 1'aide de silex pour aplanir les surfaces; mais le pieces beaucoup mieux reussies. Les jarres sont pour-
tour n'est pas encore utilise. Des stries et des hachures vues d'anses (fig. 141), les niarmites prennent une forme
commencent a decorer les pieces. On ne se contente elegante (fig. 142), les cruches recoivent une deco-
pas de fabriquer des vases a forme reguliere (fig. 138), ration pittoresque (fig. 143), les lampes reproduisent
on s'essaie a faire des recipients affectant des formes plus artistiquement les types d'animaux (fig. 144), la
573 POTERIE 574
peinture rouge fonce sur fond jaune ou gris et meme monarchic, 1'autonomie des potiers israelites s'accentue,
une sorte de vernis emaille donnent aux pieces une tout en subissant 1'influence phenicienne, a laquelle la
physionomie plus agreable. On a retrouve a Gazer des construction et 1'ornementation du Temple avaient
jarres a fond pointu qui servaient a la sepulture des donne grand credit. Les produits de la Grece arrivaient
enfants. Parfois ces jarres se rencontrent sous un mur, aussi sur les marches palestiniens et contribuaient a
sous un seuil de porte, sous une maison; les cadavres afflner le gout des artistes israelites. Neanmoins, leurs
qu'filles contiennent sont ceux des enfants qui ont ete produits ne parviennent pas a rivaliser avec ceux de la
Gf. Babelon, Manuel d'archeologie orientate, Paris, est purement lineaire ou empruntee au regne vegetal.
1888, p. 292-299; Maspero, L'archeologie egyptienne, Le ton jaune ou noiratre de la -terre cuite recoit des
Paris, 1887, p. 242-247. traits en noir ou en rouge. Les figurines de 1'epoque se
2° Poterie Israelite. — Apres leur installation en Pa- rattachent aux productions grecques (fig. 150), quelque-
lestine les Hebreux imiterent naturellement les precedes fois avec des types semitiques (fig. 151). Un certain
de la ceranique chananeenne. Mais ils donnerent des nombre de pieces portent des estampilles. Parfois,
fornres quelque peu originates a leurs produits, cruches c'est un nomdepotier. Sou vent, ce sont des estampilles
decorees a la maniere Cypriote (fig. 146), ou a panse royales, caracterisees par le mot ^bnb et par le nom
etroite, comme des gourdes (fig. 147). A partir de la d'une localite (fig. 152). Quatre localites palestiniennes
575 POTERIE — POTHIER 576
sont nommees, Hebron, Ziph, Soccoth et Maresa. II noms de la plante <p£toc, le Poterium epineux. Mais le
faudrait done lire : « Au roi, Hebron; au roi, Ziph, » na'dsus est le jujubier ou Zizyphus Spina-Christi.
etc. Les ateliers royaux auraient ainsi fabrique certaines Voir't.'m, col. 1861.
categories de vases; ces ateliers se trouvent precisement
dans des regions ou abonde 1'argile apte au moulage. POTHIER Remi, theologien francais, ne a Reims en
Les potiers d'Hebron et de Beit-Djebrin, au voisinage 1727, mort dans cette ville le 23 juin 1812. II fut suc-
de 1'antique Maresa, approvisionnent encore aujourd'hui cessiv-ernent cure de Bethenville et chanoine de Laon
les marches de Jerusalem. Cf. H. Vincent, Canaan, avant la Revolution. Esprit singulier, il croyait que per-
Paris, 1907, p. 297-360. Les potiers Israelites fabriquaient sonne avant lui n'avait parfaitement compris le sens
des recipients de toute nature, des lampes, voir de 1'Ecriture. II publia en 1773 le plan d'une Explica-
LAMPE, t. iv, fig. 14, col. 54, des ustensiles que cation de VApocalypse, qui fut brule par le bourreau
la rarete du bois obligeait a faire en terre cuite, comme par ordre du Parlement de Paris, sur la requisition de
des niangeoires d'animaux, voir CRECHE, t. n, col. 1108, 1'avocat general Seguier. Pothier n'en fit pas moins pa-
des teraphim, des statuettes d'idoles. Cf. Sap., xv, 8, etc. raJtre son Explication, imprimee clandestinement »
H. LESETRE. Douai, 2 in-8°, 1773, et il en donna plus tard une tra-
POTERIUM EPINEUX. Les Septante traduisent duction latine, 2 in-12, Augsbourg, 1797 et 1798. II fit
le mot hebreu na'dsus, Is., LV, 13, parutoU^, un des paraltre a part un extrait intitule Les trois dernieres
577 POTHIER — POTIER 578
plaies, in-12, Augsbourg, 1798, dans lequel il appelle 2° Pour executer son travail, le potier commengait
Bonaparte precurseur de 1'Antechrist. En 1802, il publia, par petrir la terre avec les pieds. Is., xu, 25. Puis, s il
in-8°, a Augsbourg, une explication des Psaumes en s'agissait d'un vase, il se servait de la roue (fig. 153)
latin. Voir Hoefer, Nouvelle biographic generate, t. XL, pour le fafonner. La forme de 1'instrument n'a guere
POTIER (hebreu : yos^r, de ydsar, « faconner »; varie depuis les anciens temps. H se compose essentielle-
chaldeen : pefydr; Septante : xspajAiu?; Vulgate : figu- ment de deux roues pleines, fixees horizontalement aux
lus), artisan qui fait des vases et des ustensiles de terre extremites d'un axe vertical. L'appareil est agence sur
cuite. — 1° A une epoque reculee, il y eut des potiers un pivot, de telle maniere que la roue inferieur'e puisse
a Netai'm et a Gedera, qui travaillaient pour le compte etre mise en mouvement par les pieds d'un ouvrier
du roi. 1 Par., iv, 23. D'autres sont signales aupres de assis. La roue inferieure, ainsi conduitepar les pieds,
Jerusalem, dans la vallee de Ben-Hinnom, ou Jeremie, entraine dans son mouvement la roue superieure, qui
xix, 2, mentionne une porte des Tessons ou du Potier, fait partie d'un meme systeme. Les objets poses sur
sa'ar ha-harsiit, TniXyj T^? -/apcretO, porta fictilis, qu'il cette roue seront done entraines dans son mouvement
faut peut-etre identifier avec la porte Sterquiline ou du giratoire, et, comme dans un tour a faconner le bois,
Fumier. Voir JERUSALEM, t. in, col. 1365. De ce m&ne auront leurs surfaces usees par les objets resistants
cote se trouvait le champ du potier que les Juifs ache- qu'on tiendra a frottement aupres d'eux. Pourvu d'un
terent avee les deniers de Judas pour y inhumer les appareil de cette nature, le potier s'assied, prend dans
etrangers. Matth., XXYII, 8. Voir HACELDAMA, t. in, col. 386. ses mains de 1'argile suffisamment humide, lui donne
DICT. DE LA BIBLE. V. - 19
579 POTIER 580
une premiere forme generate, accusant le relief exte- les tours sont mis en mouvement. Cf. 1.1, fig. 22, col. 179.
rieur et menageant une cavite a 1'interieur de la masse. II fallait au potier une certaine habilete pour reussir
Puis il la pose sur la roue superieure, maiatient le vase dans sa tache. Parfois, pour une raison on pour une
avec une de ses mains placee a 1'interieur, met la roue autre, le vase se brisait avant d'etre termine. « Je des-
cendis a la maison du potier, raconte Jere"mie, xxiu, 3,
4; or, il faisait son ouvrage sur des roues. Le vase qu'il
faisait manqua, comme il arrive a 1'argile dans la main
du potier, et il refit un autre vase, comme il plut au po-
tier de le faire. » L'Ecclesiastique, xxxvni, 32, 33,
decrit avec plus de details le travail du potier :
Le potier assis a son ouvrage
Et tournant la roue avec ses pieds,
Constatnment est en souci de son travail,
Et fait effort pour fournir la quantite\
Avec son bras il fagonne 1'argile,
Et devant ses pieds il fait tourner la masse.
II met tout son coeur a parfaire le vernis,
Un soin vigilant a nettoyer son four.
155. — Potiers egyptiens. D'apres Wilkinson, Manners and Customs, 2e e"dit., t. n, fig. 397, p. 192.
a, e, I, p, roues sur lesquelles est placee 1'argile; 1. Ouvrier fagonnant 1'interieur d'une coupe qui tourne sur la roue a. —
b, c, d, g, h, m, n, repr6sentent des vases deja faits. — 2. Autre ouvrier fac,onnant 1'exterieur d'une coupe et se preparant a la
s^parer du bloc d'argile. — 3 vient de separer la coupe k du bloc d'argile 1. — 4 met sur la roue p 1'argile qu'il va travailler.
— 5 fa§onne avec les deux mains un disque d'argile. — 6 entretient le four q d'ou Von voit sortir les flammes s. — 7 fait passer
a 8 les vases que celui-ci fait cuire au haut du four. — 9 emporte les vases deja cuits. Beni-Hassan (Moyen Empire).
Pepaisseur voulue et ait pris une forme circulaire bien son oauvre a celle du potier. Cf. t. i, fig. 22, col, 179,
reguliere. On obtient ainsi toutes sortes de formes le dieu egyptien Khnoum fagonnant 1'homme. L'homme
(fig. 154). S'il faut ajouter des anses au vase, elargir est done, par rapport a Dieu, ce que 1'argile est par
ou retrecir quelque partie de ses bords, on le fait pen- rapport au potier.
dant que 1'argile est encore fraiche. Des peintures Comme 1'argile est dans la main du potier,
egyptiennes representent ce travail des potiers fabri- Et qu'il en dispose selon son bon plaisir,
quant au tour des vases d'argile (fig. 155), sans qu'on Ainsi les homines sont dans la main de celui qui les a faits,
puisse cependant se rendre compte de la maniere dont Et il leur donne selon son jugement. Eccli., xxxin, 13-14.
581 POTIER — POULE 582
En consequence, 1'homme n'a pas plus droit de se Ant. jud.,ll, xiv, 3, sum par beaucoup de commenta-
revolter centre Dieu que 1'argile centre le potier. teurs juifs, pretend que les kinmm de la troisieme plaie
d'Egypte etaient des poux : « Une innombrable quantite
Folie! Le polier sera-t-il pris pour de 1'argile, de poux fourmillait des corps des Egyptiens, et il n'y
De sorte que 1'ceuvre disc a 1'ouvrier : II ne m'a point faite!
Et le vase au potier : II n'y entend rien! Is., xxix, 16. avait ni lavages ni application de remedes qui put les
detruire. » Les Egyptiens prenaient d'ordinaire de
Malheur a qui conteste avec celui qui 1'a forme, grandes precautions pour eviter ces insectes. Herodote,
Vase parrai des vases de terre, n, 37. Mais ici Josephe paraphrase le texte biblique.
L'argile dira-t-elle a cektrqui la fagonne : Que fais-tu? Les kinnim ne sont pas des poux, 99sipe?, pediculi,
Ton oeuvre dira-t-elle : II n'a pas de mains!...
Oserez-vous m'interroger sur 1'avenir, mais des cousins ou moustiques. Voir COUSIN, t. n,
Me commander au sujet de mes enfants col. 1093. Les poux n'en sont pas moins une vermine
Et de 1'ouvrage de mes mains ! qui laisse assez indifferents les Bedouins, les Arabes,
G'est moi qui ai fait la terre, les Fellahs et la plupart des Orientaux. Cf. E. Pierolti,
Et qui ai cree l'homme qui est sur elle. Is., XLV, 9, 11, 12- La Palestine actuelle, in-8°, Paris, 1865, p. 122, 169.
Les anciens Juifs la connaissaient. Les Talmudistes
Apres avoir montre le potier mettant sur la roue un disent qu'il y a autant de peche a tuer un pou le jour
vase qui ne se moule pas bien, et le remplagant par un du sabbat qu'a tuer un chameau. Jerus. Schabbath,
autre, Jeremie, xvm, 3-6, ajoute de la part de Dieu : f. 107. — La multiplication des poux peut engendrer
Est-ce que je ne puis pas vous faire une maladie qui, dans quelques cas, devient mortelle,
Comme a fait ce potier, maison d'Israe'l? la phtiriase ou maladie pediculaire. Antiochus Epi-
Ce que 1'argile est dans la main du potier, phane et Herodote Agrippa moururent d'une maladie
Vous 1'et.es dans ma main, maison d'Israe'l. analogue. Voir HELMINTHIASE, t. in, col. 585. Quelques
auteurs ont pense que la maladie dont mourut Herodfe
Saint Paulreprend la meme comparaison et assimile le Grand, et que mentionne Josephe, Ant. jud., XVII,
Dieu au potier qui prend son argile et en fait ce qu'il vii; Bell, jud., I, xxxm, 5, n'etait autre que la maladie
veut, tirant de la meme masse un vase d'honneur et pediculaire. H. LESETRE.
un vase commun. Rom., ix, 20, 21. Cf. Sap., xv, 7.
4° Quand 1'ouvrage du potier a passe au four, on le POLICE (hebreu : bohen; Septante : cocpov; Vulgate :
brise aisement, mais on ne peut pas le reparer. Les pollex), doigt de la main ou du pied, occupant 1'extre-
auteurs sacres tirent de la d'autres comparaisons. Dieu mite interieure du membre, et, dans la main, opposa-
mettra en pieces les nations rebelles comme le vase du ble aux autres doigts. — Des lustrations de sangdoivent
potier. Ps. n, 9; Apoc., 11, 27. Isa'ie, xxx, 14, compare etre faites aux pouces des mains et des pieds dans la
1'alliance egyptienne a un ouvrage qui tombe subite- consecration du grand-pretre, Exod., xxix,20; Lev., vm,
ment en morceaux, comme un vase de potier. Jeremie 23, et dans la purification du lepreux, pour lequel des
regoit 1'ordre d'acheter une cruche de potier, de la lustrations d'huile sontajoutees aux premieres. Lev.,xvi,
briser hors de Jerusalem sous les yeux des anciens et 14, 17, 25, 28. Sur la signification de ces rites, voir
de leur dire : LUSTRATION, t. iv, col. 427, 428. — Le roi chananeen
Ainsi parle Jeliovah des armees : Adonibesec, qui avait fait couper les pouces des mains
Je briserai ce peuple et eette ville, et des pieds a soixante-dix rois, subit a son tour la
Comme on brise le vase du potier meme mutilation, apres sa defaite par les hommes de
Qui ne peut plus etre re'pare, Jer., xix, 1, 11. la tribu de Juda. Jud., i, 6, 7. H. LESETRE.
Apres la prise de la ville, les nobles filles de Sion, POULE (Grec : 6'pvt;; Vulgate : gallina), oiseau de
jadis estimees au poids de 1'or, se plaignent d'etre 1'ordre des gallinaces (fig. 157) et femelle du coq, dont
traitees comme de simples vases de terre, ceuvre du elle difiere par une taille plus petite, une queue plus
potier. Lam., rv, 2. La statue du songe de Nabuchodo- courte et un plumage moins eclatant. Voir COQ, t. n,
nosor avait une partie des pieds en argile de potier, ce col. 951. Les poules pondent d'ordinaire un ceuf par
qui indiquait la fragilite de 1'ceuvre. Dan., n, 41. jour, sauf a 1'epoque de la mue. Quand elles en ont
H. LESETRE. pondu une vingtaine, elles manifestent le besoin de
POU, insecte aptere, vivant sur le corps de l'homme couver. Les petits sortent de leur coquille au bout de
et des animaux. Le pou est pourvu d'un sucoir qui lui vingt et un jours d'incubation. La poule remplit avec
grande sollicitude et grand devouement ses devoirs
maternels. Elle suit ses poussins, les rappelle quand
ils s'ecartent, veille a leur nourriture avant de penser
a la sienne, les reunit sous ses ailes pour les rechauffer
et les proteger, et les defend resolument meme centre
les oiseaux de proie. — Les poules ne paraissent pas
avoir ete connues des anciens Israelites. II n'en est
jamais question expressement dans 1'Ancien Testament,
et les volailles engraissees qu'on servait a la table de
Salomon, III Reg.," iv, 23, pouvaient comprendre
toute espece d'autres oiseaux. Voir BARBURIM, t. i,
col. 1458. On ne s'ait pas a quelle epoque les poules
furent inlroduites en Syrie. Elles ne sont jamais repre-
sentees sur les monuments egyptiens. Dans 1'Inde, on
les trouve a 1'etat domestique des les plus anciens
temps. De la elles ont passe, par I'intermediaire de la
156. — Pou et ses oeufs. Grossis de 20 diametres. Perse, en Palestine, puis en Grece. II est peu probable
que leur introduction soit due a Salomon; car les paons
permet de pomper le sang, apres qu'a 1'aide d'un ai- et les singes sont seuls mentionnes parmi les animaux
guilltm corne il a perce la peau (fig. 156). Ses pattes qne ses navigateurs lui rapporterent d'Ophir. Ill Reg.,
sont terminees par des crochets au moyen desquels il x, 22. Cette introduction doit cependant etre voisine du
adhere fbrtement aux poils ou aux cheveux. — Josephe, retour de la captivite, car deja Pindare (520-450 avant
583 POULE POURPRE 584
J,-C.), Olymp., xii, 20, fait mention du coq. — Quoi plusieurs mollusques, connus sous le nom de murex
qu'on ait dit sur la defense qui aurait ete faite aux ou « rocher ». Ces mollusques sont gasteropodes et
Juifs d'elever des coqs ou des poules (voir t. n, col. 953), pectinibranches^ a coquille ovale ou oblongue, pourvue
ils ne font pas difficulte d'en nourrir en grande quan- ante"rieurement d'un canal respiratoire, et dont chaque
tite me*nae dans leurs maisons de Jerusalem, ou il les spire presente des bourrelets* saillants en rangees lon-
laissent percher pendant la nuit. Les poulets et les gitudinales et irregulieres. Ces bourrelets sont les restes
oeufs entrent pour beaucoup dans leur alimentation, des anciennes bouches de 1'animal. Le murex truncu-
surtout pour les personnes que les infirmites ou 1'age lus ou rocher fascie (fig. 158) fournissait la pourpre
ont rendues plus dedicates. Cf. Tristram, The natural amethyste ou violette, ditede Tarente. Du murex bran-
History of the Bible, Londres, 1889, p, 221-223. — II daris ou rocher droite-epine (fig. 159), on tirait la
en etait a peu pres ainsi deja a 1'epoque de Notre-Sei- pourpre rouge fonce, dite pourpre de Tyr. On imitait
gneur. De la cette comparaison que le divin Maitre cette derniere a 1'aide de certaines coquilles univalves
emprunte a la poule qui rassemble ses poussins sous
ses ailes. Matth., xxiu, 37. II a voulu faire de meme
pour les fils de Jerusalem, mais ceux-ci n'y ont pas
consenti. La Vulgate traduit ,avec raison par gallina,
milieu d'une foule de femmes qui hurlaient comme des (xxix), 10. Le supplicie attache a la croix est reduit a la
possedees; la sienne surtout criait et se frappait la tete poussiere de mort, c'est-a-dire devore, apres la perte
et jetait de la poussiere en 1'air, more majorum, comme de son sang, par une fievre brulante qui le desseche
vous pouvez le voir dans les tombes. » Lady Gordon, comme une poussiere et le conduit a la mort. Ps. xxn
Lettres d'figypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 273. (xxi), 16. — 5° Les nuages sont comme la poussiere des
II. Au SENS FIGURE. — 1° La poussiere du sol est pieds de Dieu. Nah., i, 3. A Israel infidele, la poussiere,
1'image de ce qui est petit, faible, meprisable. Abraham c'est-a-dire la secheresse, sera envoyee au lieu de pluie.
parle au Seigneur, bien qu'etant poussiere et cendre. Deut., xxvin, 24.
Gen., xviii, 27. Dieu tire le pauvre de la poussiere, c'est- III. COMPARISONS TIREES BE LA POUSSIERE. — 1° La
a-dire de Pabaissement. I Reg., n, 8; III Reg., xvi, 2. poussiere se compose d'une multitude innombrable de
Les nations ne sont devant lui que poussiere. Is., XL, 15. particules. La race d'Abraham deviendra aussi nom-
II reduit en poussiere ou renverse dans la poussiere, breuseque la poussiere. Gen., xm, 16; xxvm, 14; Num.,
c'est-a-dire humilie,abaisse et ruine, Moab, Is., xxv, 12; XXIH, 10; II Par., i, 9. A la voix de Dieu, les cailles
xxvi, 5; Babylone, Is., XLVII, 1; Tyr, Ezech., xxvi, 4,12; tomberent comme la poussiere dans le camp des Israe-
les ennemis. Is., xxix, 5. II fait voler en poussiere 1'epee lites. Ps. LXXVIII (LXXVII), 27. Dans un sens analogue,
des puissants. Is., XLI, 2. Dans 1'epreuve, on estaffaisse Benadad, pour donner 1'idee du grand nombre de ses
jusqu'a la poussiere. Ps. XLIV (XLIII), 25. Jerusalem rege- soldats, pretend que la poussiere de Samarie ne suf-
neree secoue sa poussiere. Is., LII, 2. Apres la captivite, firait pas a remplir le creux de toutes leurs mains.
les Juifs sauront tirer de leur poussiere les pierres Ill Reg., xx, 10. — 2° La poussiere est le resultat d'un
de leurs murs. II Esd., iv, 2. — 2° Mettre sa bouche broiement d'elements solides. Les ennemis sont broyes
dans la poussiere, c'est se prosterner tres humblement. comme la poussiere. II Reg., xxn, 43. — 3° La pous-
Lam., in, 29. Voir t. i, col. 541. Lecher la poussiere des siere legere est emportee par le vent. Les nations enne-
pieds de quelqu'un, c'est lui marquer sa complete sou- mies, Is., xvn, 13, les armees vaincues, IV Reg.,xm, 17,
mission. Ps. LXXI (LXXII), 9; Is., XLIX,23. Ezechiel, xxiv, 7, la fleur des mechants, «'est-a-dire leur prosperite, les
accusant Jerusalem de ses crimes, dit qu'elle a verse le mechants eux-memes sont emportes par le vent comme
sang sur la roche nue, et non sur la terre pour le re- la poussiere. Ps. xvin (xvn), 43; xxxv (xxxiv), 5; Is.,
couvrir de poussiere. Le prophete veut signifier que les xxix, 5. — 4° Le serpent rampe a terre^et senable lecher
crimes de Jerusalem ont ete commis impudemment, au et manger la poussiere. Gen., in, 14; Is., LXV, 25. En
grand jour, et que LJS traces en sont visibles. Cf. Gen., face d'Israel regenere, les nations lecheront la poussiere
591 POUSSIERE — POUZZOLES 592
commie le serpent, c'est-a-dire se feront humbles et montants, colonnes, poteaux, etc. — Baruch, vi, 13,
sournises. Mich., vn, 17. — Sur la poussiere aromati- 54, dit que les idoles sont dans leurs temples comme
que, Exod., xxx, 36; Cant., m, 6, voir PARFUM, t. iv, des poutres et qu'elles y bruleront comme ces der-
col. 2163. H. LESETRE. nieres. — Notre-Seigneur compare a une poutre dans
I'osil les defauts de celui qui, oublieux ou inconscient
POUSSINES Pierre, erudit francais ne le 28 oc- de ses torts graves, ne songe qu'a remarquer les tra-
tobre 1609, aLaurac (Aude), novice de la Compagnie de vers beaucoup moindres du prochain. Matth., vn, 3-5;
Jesus le 7 juillet 1624, fut, 19 ans durant, charge du Luc., vi, 41, 42. La poutre dans 1'ceil est une hyper-
cours d'Ecriture Sainte et d'hebreu au College remain. bole orientale de meme ordre que le chameau dans le
Revenu a Toulouse en 1682, il y mourut 4 ans plus trou d'une aiguille, Matth., xix, 24, le chameau a vale.
tard, le 2 fevrier 1686. Sa vaste et sure erudition ne se Matth., xxm, 24, etc. La comparaison se retrouve dans
porta pas seulement sur les Peres grecs, elle s'exerca la Mischna, Arachin, 16 6, a propos des reprimandes
s«r 1'Ecriture Sainte et nous a valu notamment deux qu'on refuse d'accepter : « A qui dirait a son prochain :
ouvrages fort importants. C'esl d'abord Catena Grseco- Ote la paille qui est dans ton ceil, on ne manquerait
rum Patrum in Evangelium secundum Marcum, pas de repondre : Ote la poutre qui est dans le tien. »
in-f°, Rome, 1673. Cette oeuvre est suivie de commen- H. LESETRE.
taires sur des passages speciaux des quatre Evan- POUZZOLES (grec : n<m'oXot; Vulgate : Puteoli),
giles; de collations du texte grec de tous les livres du aujourd'hui Pozzuoli, port autrefois celebre, situe vers
Nouveau Testament avec 22 manuscrits; ft observations 1'extremite septentrionale du golfe de Naples, ou du-
sur divers endroits du Nouveau Testament. Son second Sinus Puteolanus, comme on disait alors, a 1'ouest et
ouvrage, plus remarquable, est Apocalypsis enarra- a 10 kilometres de 1'ancienne « Neapolis », entre le cap
tiones, in-4°, Toulouse, 1685. On doit signaler encore deux du Pausilippe et le cap Misene. L'origine de son nom
Dissertations sur 1'Assuerus d'Esther, le Darius de Daniel est douteuse. On 1'a rattache tantot aux exhalaisons
et le Zacharie de Barachie, deux autres Dissertations putrides des sources sulfureuses de la region, pu~
sur les propheties concernant Notre-Seigneur, enfin tere; tantot directement a ces puits sulfureux,, putei.
une etude De adventu Christi nonnisi post prsevisum Saint Paul y arriva de Malte en peu de jours, pousse
Adami lapsum decreto. P. BLIARD. par un vent favorable. Act., xxvm, 13. Puteoli etait le
grand port commercial de 1'Italie. Pline, H. IV., xxxvi,
POUTRE (hebreu : krutot, mehabbrot, ?el'of, 14, rapporte que les marchands de soixante-dix nations
sequfim, qordh; Septante : 80x6?; Vulgate : trabes), diverses s'y rencontraient, occupes a y entreposer pour
piece de bois, longue et forte, employee dans les cons- Rome les produits de tout 1'univers, specialement le
tructions. — II est question de poutres a propos de la ble d'Egypte. Voir aussi Suetone, August., 98, et Titus,,
construction des parvis du Temple, III Reg., vi, 36; 5; Silius Italicus, Silv., in, 2. Ciceron, comme saint
VH, 12, du Temple lui-meme, sous Salomon, II Par., Paul, y aborda en venant de Sicile. Cf. Pro Plane., 26.
m, 7, et sous Josias, II Par., xxxiv, 11; des palais et L'historien juif Josephe y vint egalement a la suite
autres edifices de Salomon, III Reg., vi, 15, 16; vn, 3, d'un naufrage, Vita, 3. On nommait Pouzzoles « la
4, et de maisons riches, Cant., i, 16, ou communes. petite Delos », parce que cette ile de la iner Egee avait
IV Reg., vi, 2, 5. Les termes hebreux, presque tous au et6 elle-meme le grand marche de 1'univers. II existe
pluriel, indiquent probablement des varietes de pou- encore des restes de I'ancien mole sur lequel saint Paul
tres, differentes quant a la forme ou quant a 1'usage, dut debarquer (fig. 163). Fondee par les loniens, Pouz-
poutres oroprement dites, poutrelles, fermes, solives, zoles portait primitivement, lorsque toute la rive cam-
593 POUZZOLES — PREDESTINATION 594
panienne etait beaucoup plus grecque que latine, le Notre-Seigneur, Marc., i, 2, 4. ce qui lui a fait donner
nom de Dikearkhia, que lui donne encore Josephe, le nom de precurseur. — Jesus-Christ est entre dans
Ant, jud., XVII, xn, 1. C'est pendant la seconde guerre le sanctuaire <Ju ciel en qualite de precurseur. Heb.,
punique qu'elle fut occupee par les Remains. vi, 20. II nous y precede et, par sa redemption, nous
En sa qualite de port marchand frequente du monde merite la grace de le suivre. H. LESETRE.
entier, Pouzzoles ne pouvait manquer de posseder une
colonie de juifs, cf. Josephe, I. c., et aussi d'entendre PREDESTINATION, acte de volonte divine deter-
de tres bonne heure la predication chretienne. Voir minant a 1'avance la fin surnaturelle que doit atteindre
Ramsay. St. Paul the Traveller, 5e edit., in-8°, Londres, une ame.
1900, p. 346. C'est probablement parrai ces habitants 1° II y a une predestination a la grace pour la vie
Israelites que germerent les premieres semences de la presente. Des temoins choisis d'avance ont eu la faveur
foi en Jesus-Christ. Paul, en y debarquant, y trouva de voir Jesus ressuscite, et sont ainsi devenus capables
des « freres », Act., xxvm, 14, qui le prierent de de- de transmettre a d'autres la foi en cette resurrection.
meurer quelques jours aupres d'eux. Le centurion Ju- Act., x, 41. Saint Paul a ete predestine a connaitre la
lius, sous la garde duquel etait 1'Apotre, lui accorda volonte de Dieu, avoir le Juste eta entendre les paroles
cette faveur, comme precedemment a Cesaree, Act., de sa bouche. Act., xxn, 14. Les Chretiens sont predes-
xxvil, 3, de sorte que saint Paul put passer une semaine tines a etre les fils adoptifs de Dieu par Jesus-Christ,
entiere a Pouzzoles. Une \ariante du texte grec, dans selon sa libre volonte, en faisant ainsi eclater en eux la
Act., xxvm, 13, merite d'etre signalee : au lieu de gloire de sa grace, Eph., i, 5, predestination qui est
5rap£xXy|6iq[j.£v irap'auToT; ETU^EIVOCI, qui est la lecon la toute gratuite et ne suppose aucun merite prealable de
plus autorisee et celle qu'a suivie la Vulgate, le cod. D la part de 1'homme, puisqu'elle ne depend que de « la
et d'autres manuscrits portent: rcapexX. eir'aurotc £|A[A£t- resolution de celui qui opere toutes choses d'apres le
vav-ce;, « Nous fumes consoles, etant demeures aupres conseil de sa volonte. » Eph., i, 11. Les Chretiens par-
d'eux ». L. FILLION, viennent a cette adoption divine par la grace de Jesus-
Christ, qui veut que nous accomplissions « les bonnes
PRADO (Joronirne de), exegete espagnol, ne a 03uvres que Dieu a preparees d'avance afin que nous
Baeza en 1547, mort a Rome le 13 Janvier 1595. II les pratiquions. » Eph., ir, 10. Tout, dans la vie chre-
entra en 1572 au noviciat de la Compagnie de Jesus et tienne, est done prevu et voulu a 1'avance par Dieu,
devint ensuite professeur a Cordoue ou il enseigna dont la volonte toute-puissante respecte cependant la
d'abord les humanites, puis, pendant 16 ans, I'Ecriture liberte de 1'homme. Rom., ix, 18.
Sainte. II est surtout connu a cause de son grand ou- 2° II y a surtout une predestination au salut et a la
vrage sur Ezechiel. Etant alle a Rome pour y chercher gloire eternelle. Saint Luc dit qu'a la predication de
des artistes capables de faire les illustrations qu'il Paul et de Barnabe, a Antioche de Pisidie, :< tous ceux-
voulait joindre a son Commentaire, il y mourut, Jais- la crurent qui etaient predestines a la vie eternelle. »
sant inachevee son osuvre qui fut terminee par son con- Act., xm, 48. Saint Paul formule en ces termes la doc-
frere "Villalpaud : Hieronymi Pradi etJoannis Baptistss trine complete de la predestination : « Toutes choses
Villalpandi e Societate Jesu in Ezechielem Explora- concoiirent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux
tiones et Apparatus Urbis ac Templi Hierosolymi- qui sont appeles selon son dessein. Car ceux qu'il a
tani Commentariis et Imaginibus illustratus. Opus connus d'avance, il les a aussi predestines a etre con-
tribus tomis distinctum, 3 in-f°, Rome, 1596-1604. Le formes a 1'image de son Fils, afin que son Fils soil le
tome i, part. I, renfermele commenlaire des 26 premiers premier-ne d'un grand nombre de freres. Et ceux qu'il
chapitres, le tome 11 est consacre au Temple et le tome in a predestines, il les a aussi appeles; et ceux qu'il a
a la ville de Jerusalem. La premiere partie seule dutomei appeles, il les a justifies; et ceux qu'il a justifies, il les
est 1'oeuvre de Prado; la seconde partie du tome i a glorifies. » Rom., VHI, 28-30. Voila done quatre
(Ezech., xxvu-xxvm) et les tomes n et in sont 1'oeuvre termes qui marquent 1'action de la volonte divine sur
de Villalpand. une ame : predestination ou determination antecedente
de Dieu; vocation ou appel adresse a 1'ame; justifica-
PRIiCURSEUR (grec : uporplxtov, upoSpo^o?; Vul- tion ou effet de la grace sur Fame; glorification ou
gate : precursor), celui qui court devant un person- entree de 1'ame dans la vie eternelle. L'Apotre compare
nage pour preparer son passage. — Les precurseurs ensuite les ames a 1'argile dont le potier est le maltre
etaient employes chez les Egyptiens. Us sont represen- absolu, et dont il peut tirer, a son choix, un vase pre-
tes courant a pied devant le char du pharaon. Voir t. n, cieux ou un vase commun. Ainsi fait Dieu, qui sup-
fig. 193, col. 566. L'un d'eux precedait le char de Jo- porte avec patience « des vases de colere, formes pour
seph en criant 'abrek! Gen., xu, 43. Voir ABREK, t. i, la perdition », et qui exerce sa libre munificence « a
col. 90; MAIN, t. iv, col. 584. Samuel previt que les 1'egard des vases de misericorde qu'il a d'avance pre-
rois Israelites voudraient aussi avoir des hommes pour pares pour la gloire. » Rom., ix, 21-23. L'Evangile que
courir « devant la face de leur char », a la mode egyp- preche 1'Apotre est une sagesse « que Dieu, avant les
tienne. I Reg., vm, 11. L'usage du precurseur existe siecles, avail destinee pour notre glorification. »I Cor.,
encore en Egypte. « II court devant notre landau, ecar- IT, 7. Cette sagesse a ete revelee « selon le dessein eter-
tant de ses cris et menacanl de sa baguette les pares- nel qu'il a realise par Jesus-Christ. » Eph., in, 11. Voir
seux ou les affaires qui sont sur la route. Les sai's des F. Prat, La theologie de saint Paul, 1.1,1908, p. 342-352.
grands seigneurs, mieux costumes que lui, portent des 3° La predestination ne peut en aucune maniere etre
vestes brodees d'argent et d'or. Leurs manches larges assimilee au destin, av<rpiY], fatum, des anciens, qui
et leur jupe volumineuse flottent au vent, tandis qu'ils determinait aveuglement a 1'avance le sort de chacun.
cr\en\, qu'\\s No\eii\, qn'tts fra^pexvt. » L.e Camus, Notre Elle ne prejudicie en rien a la libre activite de
voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 97. 1'homme. Au dernier jugement, le sort de chacun
Cf. Landrieux, Aux pays du Christ, Paris, 1897, p. 65. est decide, non d'apres une determination antecedente
— Le Seigneur promit a Moi'se d'envoyer devant lui et necessitante de Dieu, mais selon les oeuvres bonnes
un ange pour preceder le peuple dans le pays de Cha- ou mauvaises que 1'homme a accomplies. Matth., xxv,
naan et ainsi lui frayer la voie. Exod., xxxin, 2. Plus 34, 35,41, 42. D'apres les paraboles du Sauveur, 1'homme
tard, Dieu fit annoncer par Malachie, in, 1, qu'il enver- est lui-meme 1'artisan de son bonheur ou de son
rait son messager pour preparer le chemin devant lui. malheur eternels. Matth., xx, 10; xxn, 12, 13; xxv,
Saint Jean-Baptiste remplit cet office a 1'egard de 3-12, 21, 23, 30, etc. « Si tu veux entrer dans la vie,.
595 PREDESTINATION — PREDICATION 596
garde les commandements », dit formellement le Sau- decouverte du livre de la Loi fut {'occasion d'une sorte
veur. Mat.th., xix, 17. Cf. Luc., xm, 23. D'apres saint de predication solennelle. II Par., xxxiv, 29-33. L'obeis-
Paul, il faut courir et se donner de la peine pour sance a la Loi fut de nouveau prechee au temps d'Esdras.
atteindre le but final, I Cor., ix, 24; la recompense est I Esd., ix, 6-x, 14; II Esd., vm, 1-ix, 38. Les oracles
une couronne due en justice a celui qui a bien tra- des prophetes sont souvent des predications mises par
vaille pour Dieu sur la terre, II Tim., iv, 7, et cette re- ecrit. Jer., vn, 2; xix, 2, etc. C'est par eux surtout
compense est en rapport avec le labeur de chacun. que la sagesse prechait sur les places publiques.
Rom., H, 5; I Cor., in, 8. Saint Pierre declare que les Prov., i, 20. Jonas, I, 2; m, 2, fut envoye a Ninive
bonnes moeurs sont necessaires pour fixer chacun dans pour y precher la penitence. Luc., xi, 32. Isai'e, LII,
sa vocation et son election. II Pet., i, 10. La recom- 7, salue a 1'avance celui qui doit venir precher a Israel
pense promise demeure toujours incertaine tant qu'on la bonne nouvelle, la paix, le bonheur et le salut. II
ne la tient pas, car on peut la perdre par sa negligence annonce que le Messie prechera la bonne nouvelle, le
ou son infidelite. Rom., xi, 22; I Cor., x, 12; Phil., n, retour a la lumiere et 1'annee de grace. Is., LXI, 1;
12; Apoc., m, 11, etc. Voir JUSTIFICATION, t. in, Luc., iv, 19. Quand les synagogues furent institutes,
col. 1878; (EuvRES, t. iv, col. 1756. De tous ces textes le service religieux y comprit une explication des
resulte cette conclusion, que par la predestination Dieu textes sacres et une exhortation morale. Voir LECTEUR,
prevoit le sort eternel de chaque ame, mais en tenant t. iv, col. 147; SYNAGOGUE. Saint Jacques atteste que
compte de la maniere dont cette ame utilisera libre- depuis bien des generations, Moise avait dans chaque
meut ses graces. Autrement Pobeissance aux comman- ville des hommes qui le prechaient. Act., xv, 21.
dements et les efforts pour la pratique de la vertu ne Neanmoins, sous 1'ancienne loi, la predication n'avait
seraient pas de precepte pour le salut. Si, avant de qu'un role secondaire, parce que le Livre sacr6 etait
venir au monde, on etait predestine au bonheur ou au la base de la religion et renfermait tout ce qui s'impo-
malheur par une volonte ineluctable de Dieu, indepen- sait a la croyance et a la pratique de 1'Israelite.
damment de tout acte d'obeissance ou de desobeissance II. DANS LE NOUVEAU TESTAMENT. — 1° Par sa pre-
personnelle, il serait des lors impossible, quoi qu'on dication sur les bords du Jourdain, saint Jean-Baptiste
fit, de manquer ce bonheur ou de se derober a ce prepare les foules a 1'apparition du Messie. II exhorte
malheur, Pareille theorie est contraire a toutes les as- a la penitence et a Faccomplissement des devoirs d'etat;
surances et a tous les conseils de 1'Evangile. Dieu «veul il interpelle severement les pecheurs orgueilleux pour
que tous les hommes soient sauves », I Tim., n, 4, et les obliger a rentrer en eux-memes. Mais sa mission
il a envoye son Fits dans le monde « pour que le se borne a annoncer le Messie, a disposer les ames a
monde soit sauve par lui ». Joa., in, 17.Telle est la pre- le recevoir, et enfin a le montrer. Matth., HI, 1; Marc., i,
destination universelle ante merita; c'esl seulement la 4, 6; Luc., m, 3; Act., xm, 24. Cette predication fit
predestination post merita prssvisa qui assigne aux grand effet. Le precurseur eut beaucoup de disciples
uns le bonheur et aux autres le malheur. Sur la qui s'attacherent a lui. Matth., ix, 4; Marc., n, 18;
theorie thomiste et sur les discussions auxquelles a Luc., v, 33; vn, 18, 19; xi, 1; Joa., in, 25; iv, 1. Plus
donne lieu la doctrine de la predestination, voirTurmel, tard, il s'en trouva meme un, Apolios, a Ephese, qui
Histoire de la theologie positive, Paris, 1904, p* 276- prechait la doctrine de Jesus tout en ne connaissant
282, 401-409. que le bapteme de Jean. Act., xvni, 25. — 2° Le Sau-
4° II y a une predestination speciale pour Notre-Sei- veur precha lui-meme sa doctrine pendant tout le cours
gneur, dont saint Paul dit, d'apres la Vulgate, qu'il « a de sa vie publique. Cette doctrine constituait la « bonne
ete predestine Fils de Dieu miraculeusement, selon nouvelle » ou 1'Evangile, d'oii 1'emploi du mot £ua-f7£-
1'Esprit de saintete, par une resurrection d'entre les Xc<ra<H)ac ou suavyeXt^aQat, evangelizare, « evangeliser,»
morts ». Rom., I, 3. La predestination ne peut porter pour designer cette predication. Le Sauveur prechait
sur le Fils de Dieu dans sa nature divine, mais seule- done le royaume de Dieu, Luc., iv, 43; vin, 1; il 1'an-
ment sur ce qu'il est devenu dans le temps par son in- noncait aux pauvres, Matth., vn, 22; xi, 5; Luc., iv,
carnation, et sur la gloire dont sa nature humaine a 18, alors que les docteurs juifs se bornaient a enseigner
ensuite ete comblee dans le ciel apres son ascension. leurs disciples. II prechait partout, Matth., iv, 17, 23;
Dans le lexte grec, au lieu de prsedestinatus, on lit ix, 35; xi, 1; Marc., i, 14, 45; Luc., vin, 1; Marc., r,
opiaOsvToi;, qui veut dire « defini, fixe, etabli ». La 14, 45; Luc., vin, 1; dans les bourgs, Marc., i, 38; en
pensee de 1'Apotre est done que Jesus-Christ a ete pleine campagne, Matth., v, 1, 2; dans Ja Decapole,
defini, declare, manifeste Fils de Dieu par sa resurrec- Marc., v, 20; dans les synagogues, Marc., I, 39;
tion. H. LESETRE. Luc., iv, 44; sur les bords du lac, Matth., xni^-2, 3;
dans le Temple, Joa., v, 18; vn, 14, etc. Sur la pre-
PREDICATION (hebreu : qerydh; Septante : dication du Sauveur, voir JESUS-CHRIST, t. in, col. 1480*
x^puytxa; Vulgate : pr&dicatio), exposition et propa- 1497. — B" Notre-Seigneur chargea ses disciples et
gation par la parole d'un enseignement dogmatique particulierement ses apotres de precher son Evangile.
ou moral. Matth., x, 7; Marc., m, 14; vi, 12; xvi, 15, 20; Luc., ix,
I. DANS FANCIEN TESTAMENT. — En plusieurs circon- 2; xxiv, 47; Act., x, 42; I Pet., I, 12; etc. II leur
stances, Moise adressa au peuple qu'il avait a former recommanda de le precher sur les toils, Matth., x, 27;
des exhortations publiques a la fidelite envers Jehovah. Luc., XH, 3, c'est-a-dire de maniere a etre vus et enten-
Elles sont consignees dans le Deuteronome, x, xi, xxix. dus pas tous. — 4° L'ordre du Sauveur fut execute avec
Apres lui, ce ne furent pas les pretres, dont les fonc- zele. Des le jour de la Pentecote, saint Pierre se met
tions etaient presque exclusivement liturgiques, mais a precher. Act., n, 14; il a pour imitateurs le diacre
les prophetes qui eurent a rappeler au peuple les Etienne a Jerusalem, Act., vi, 14; vn, 1-53, le diacre
prescriptions de la loi divine. Ainsi fifent Samuel, Philippe en Samarie, Act., vm, 5, 12, 40, tous les
Elie, Elisee, et ceux qui les suivirent. Josaphat envoya autres Apotres a travers le monde. Act., v, 42; vin, 4,
de ses chefs et des levites dans les villes de Juda, avec 25; xiv, 6, 20; xv, 35, etc. — 5° Mais le predicateur de
le livre de la loi, pour enseigner le peuple. II Par., xvn, 1'Evangile par excellence est saint Paul, que le Sauveur
7-9. Plus tard, le roi j^zechias envoya de meme a lui-meme a choisi pour porter son nom devant les na-
travers le pays d'Israel des messagers remplissant les tions, devant les rois et devant les enfants d'Israel.
fonctions de missionnaires, pour precher aux tribus Act., ix, 15. II s'en va prdcher partout daus le monde
separees le retour au service de Jehovah, sans grand remain, en commencant par les synagogues des Juifs,
succes d'ailleurs. II Par., xxx, 6-11. Sous Josias, la Act., ix, 20; xm, 5, etc., et en s'adressant ensuite aux
597 PREMICES 598
gentils partout ou il les rencontre. Act., xv, 36; xvn, ses fruits, les mettra dans une corbeille, s'en ira au
13; xix, 13; xx, 25; xxvm, 31; I Cor., n, 4; xv, 1, 2, lieu choisi par le Seigneur pour y etre honore et se
11, 14; II Cor., i, 19; xi, 4; Col., i, 23; I Thes., n, 9; presentera au pretre en fonction en lui disant : « Je
I Tim., ii,7, IITim ,i, 11; iv, 17; Tit., i, 3, etc. Cepen- declare aujourd'hui a Jehovah, ton Dieu, que je suis
dant il se sait parliculierement charge de la predication entre dans le pays que Jehovah a jure a nos peres de
aux gentils, Gal., i, 16; n, 2; Eph., in, 8; mais il s'ap- nous donner. » Le pretre prendra la corbeille et la
plique a precher 1'Evangile la ou il n'a pas encore ete deposera devant 1'autel. L'Israelite prononcera une
annonce. Rom., xv, 20; II Cor., x, 16. Son role special formule rappelant tout ce que Dieu a fait pour ses
tt'est pas de baptiser, mais de precher, I Cor., I, 17, et peres et conclura en ces termes : « Et maintenant,
malheur a lui s'il ne preche pas. I Cor., ix, 16. — voici que j'apporte les premices des produits du sol
6° Les fipitres de saint Paul enoncentun certain nombre que vous m'avez donne, 6 Jehovah! » Ensuite il se
de reflexions qui montrent quelle idee 1'Apotre se faisait livrera a des rejouissances avec le levite et 1'etranger
de la predication. Tout d'abord, dans la religion de qui reside aupres de lui. Deut., xxvi, 1-11. — 3° Le
Jesus-Christ, la predication est indispensable. ((Comment traite Bikkurim de la Mischna a pour objet 1'offrande
invoquer celui en qui on ne croit pas ? Comment croire des premices. — Quelques docteurs ont pretendu que
en celui dont on n'a pas entendu parler? Comment en la loi sur les premices ne fut obligatoire que quand le
entendre parler sans predication? Et comment y aura- Temple exista, parce que le texte sacre dit de les
t-il des predicateurs s'ils ne sont envoyes? » Rom., x, apporter dans la « maison » du Seigneur. Deut., xxvr,
14-15. La predication est done necessaire, puisque 2. Cf. Schekalim, vui, 8. Mais celte assertion est inad-
Notre-Seigneur a donne pour base a sa religion non missible, puisque le Tabernacle lui-meme est souvent
plus un livre, comme dans la loi ancienne, mais la appele « rnaison ». Exod., xxm, 19; Jos., vx, 24; I Reg.,
parole de ses envoyes. Matth., xxvm, 19. Pourtant n'est i, 7, 24, etc. — 3° Bien que la Loi parlat de tous les
pas predicateur qui veut; il faut avoir recu mission de fruits de la terre, on restreignait 1'obligation des pre-
Jesus-Christ, ou de ceux qui le representent. Saint Paul mices aux sept fruits qui sont indiques. Deut., vui, 8,
ne se preche pas lui-meme, c'est-a-dire qu'il ne met comme caracteristiques de la Palestine, le froment,
en avant ni sa personne ni ses idees. II Cor., iv, 5. II Forge, la vigne, le figuier, le grenadier, Polivier et le
preche Jesus-Christ, et Jesus-Christ crucifie, c'est-a- miel. Cf. Bikkurim, i, 2; Gem. Bekoroth, 35, 1. —
dire le Sauveur dans ses humiliations aussi bien que 4° La Loi ne portait que sur les produits de la terre
dans ses gloires. I Cor., i, 23. II ne le preche d'Israel, a laquelJe on ajoutait les anciens territoires
pas en faisant appel aux ressources de la sagesse de Sehon, Deut., H, 32-37, d'Og, Deut., in, 8-10, et
et de 1'eloquence humaines, I Cor., I, 17-25, mais plus tard la partie de la Syrie conquise par David.
simplement et en depit de ses infirmites person- D'apres Josephe, Ant. jud., XVI, vi, 7, on apportait
nelles, Gal., iv, 13, afin qu'il soit bien constant que aussi les premices d'Asie Mineure. — 5° Les fruits
cette predication agit par sa propre vertu, indepen- offerts en premices devaient etre de premier choix et
damment de la valeur du predicateur. I Cor., i, 17. II tout frais, sauf les raisins et les flgues qui pouvaient
y en a qui se font predicateurs de 1'Evangile par envie etre sees quand on les apportait de loin. — La quan-
et par esprit d'opposition. Phil., i, 15. Saint Paul preche tite de fruits a offrir en premices n'etait pas deter-
avec un parfait desinteressement, I Cor., ix, 18; minee. On pouvait mejme offrir a ce titre ceux d'un
II Cor., xi, 7, et il s'applique a pratiquer la doctrine champ tout entier. Cf. Bikhurim n, 4; Siphra, f. 25,
qu'il preche, afin de n'etre pas reprouve. I Cor., ix, 27. 1. Les premices faisaient partie des six ou dix choses
II veut que son disciple Timothee « preche la parole, dont la Loi ne reglait pas la mesure.Cf.Pea,i,l; Gem.
insiste a temps et a contre-temps, reprenne, menace, Jerus.f Pea, 16, 1. Mais les docteurs avaient decide que
exhorte, avec une entiere patience et toujours en ins- 1'offrande devait etre au moins d'un soixantieme. Le
truisant. » II Tim,, iv, 2. Tels sont en effet les devoirs mot tene', « corbeille », dont les trois lettres ID, 2, &,
qui s'imposent au predicateur de 1'Evangile. representent les chiffres 9, 50 et 1, au total 60, servait
TJT T fCiT^TPTr a rappeler cette regie a la memoire. Cf. Gem. Jerus.
PREFETS DE SALOMON. Ill Reg., iv, 7-19. Bikkurim, 65, 3; Siphra, f. 202, 2. — 6° La separa-
Voir GOUVERNEUR, 12°, t. in, col. 285. tion des fruits constituant les premices pouvait se
faire soit sur 1'arbre, avant maturite", au moyen d'un
PREFIXES, terme grammatical par lequel on de- signe, soit apres la recolte, a condition toutefois que
signe dans la langue h^brai'que les particules qui sont les bikkurim, fussent mis a part avant toutes les autres
placees au com*nencement de certains mots. Voir HE- redevances. Cf. Terumoth, m, 7. On etait oblige de
BRAi'QUE (LANGUE), t. in, col. 473. remplacer ce qui s'etait pourri ®« avait ete vole. —
7° Quand le Temple eut ete construit 1'offrande de
1. PREMICES, prelevements operessur les premiers ces premices se faisait a Jerusalem, mais pas avant la
fruits produits par la terre, destines a etre offerts au Sei- Pentecote, Exod., XXHI, 16; Lev., xxm, 17, ni apres la
gneur, comme les premiers-nes de 1'homme et des Dedicace, le 25 casleu, les fruits plus tardifs n'ayant
animaux. Ces prelevements etaient de deux sortes, les pas grande valeur. Cf. Bikkurim, i, 6; Challa, iv, 10.
premices des fruits naturels et les premices des — 8° Par la suite des temps, Toffrande des premices
fruits prepares. fut reglee dans tous les details. Les fruits se placaient
I. PREMICES DES FRUITS NATURELS. — 1° Ces premices dans des corbeilles dorees, argentees ou en bois de
portent le nom de bikkurim, 7tpwTOYevv^[j.aTa,Ysvvrj[xaTa, saule. Si tous les fruits devaient etre contenus dans
fruges, et sont ordinairement designees par 1'expres- la meme corbeille, on mettait au fond 1'orge, puis le
sion r'esit bikkiire hd-'addmdh, a7iap-/at TWV TCPWTOYEV- ble, ensuite les olives, au-dessus le miel, les grenades,
VYjtj.aTo>v TY\; f ^ c , primitise frugum terrse, « les pre- les figues et enfin les raisins. Ordinairement on atta-
mices des fruits de la terre », Exod., xxm, 19, ou chait a la corbeille des tourterelles ou des colombes
r'esif peri ha-addmdh, i-Ka-pyr^ TWV yewvipiaTwv irjsyric, destinees a etre ofiertes en holocauste. — La corbeille
primitise frugum terrse. Deut., xxvi, 10. — 2° La Loi ainsi disposee etait port£e a Jerusalem par celui qui
ordonnait d'apporter les premices des fruits de la faisait 1'offrande ou par son representant. Le voyage
terre dans la maison du Seigneur. Exod., xxm, 19; etait .entrepris en grande pompe. De plusieurs loca-
xxxiv, 26. Elle indiquait ensuite avec plus de detail la lites, on se reunissait a un rendez-vous commun. Le
maniere dont on devait proceder. Une fois dans la chef de la bande criait les paroles de Jeremie, xxxi, 6;
Terre Promise, 1'Israelite prendra les premices de tous cf. Mich., iv, 2 : « Levez-vous et montons a Sion, vers
599 PREMICES 600
Jehovah notre Dieu! » et 1'on se mettait en route, rnoins genereux se contentaient d'un soixantieme. Sur
avec un bceuf a cornes dorees et couronne d'olivier, et les pains, les particuliers donnaient 1/24 et les boulan-
tin joueur de flute. Chemin faisant, on repetait les gersl/48. Cf. Challa, n, 7; Eduyoth, i, 2. Saint Jerome,
paroles du Psaume cxxn (cxxi), \ : « J'ai ete dans la In Ezech., xiv, 45, t. xxv, col. 451, dit que, selon la
joie quand on m'a dit: Allons a la maison de Jehovah! » tradition juive, on pouvait s'en tenir a une quantite in-
— Aux approches de Jerusalem, de hauls fonction- termediaire quelconque entre le quarantieme et le
naires du Temple allaient au devant des arrivants et soixantieme. Cf. Philon, De_primitiis sacerdotum, 1,
leur faisaient accueil. A 1'entree du Temple, chacun, edit. Mangey, t. n, p. 233.
meme le roi, devait prendre sa corbeille sur ses 2° L'usage de ces premices n'etait pas regie. Chacun
epaules, et la porter a 1'interieur en chantant le les attribuait au pretre qu'il voulait. Ces premiees
Psaume CL, auquel les levites repondaient par le n'avaient done pas un caractere sacre, comme les pre-
Psaume xxx (xxix). Au parvis des pretres, il la dechar- cedentes qu'il fallait aller presenter au Temple. C'etaient
geait et 1'agitait, avec 1'aide d'un pretre, en proferant de simples redevancesau benefice de 1'ordre sacerdotal.
les paroles preserves. Deut., xxvi, 3-10. Cette formule La liberte que chacun avait de les distribaer a son gre
n'obligeait ni les femmes, ni les tuteurs, ni les esclaves, ne laissait pas que d'aider les pretres a se rendre ai-
ni ceux qui presentaient des premices apres la fe!e mables et serviables a tous. Sous Ezechias, des premices
des Tabernacles. Cf. Bikkurim, i, 5, 6. La corbeille abondantes de vin nouveau et d'huile furent ainsi pre-
etait portee pres de 1'autel, sans qu'on put mettre sur sentees, avec les autres premices, par les habitants de
1'autel meme ce qui contenait du levain ou du miel, Jerusalem aux pretres et aux levites, « alin qu'il s'atta-
Lev., n, 11, 12, et le sacrifice etait offert. Si la corbeille chassent fortement a la loi de Jehovah, » c'est-a-dire
etait de metal, on la rendait a ITsraelite porteur des au service du Temple. II Par., xxxi, 4-10. Apres la cap-
premices; les pretres gardaient pour eux les corbeilles tivite, les Israelites s'engagerent a porter au Temple
de saule ou de jonc. — Apres 1'offrande des premices, leurs premices de farine, de vin et d'huile; mais ce fut
I'lsraelite etait oblige de passer la nuit a Jerusalem; il dans le but d'attirer et de fixer les pretres, alors peu
ne pouvait repartir avant le lendemain matin. Cf. Bik- nombreux, dans la maison de Dieu. II Esd., x, 35-39;
kurim, ir, 2, 3, 4. — Les premices appartenaient aux xn, 43; XIH, 5. Pour 1'ordinaire, la redevance etait
pretres, ce qui explique 1'empressement avec lequel acquitlee partout ou vivaient des pretres. — Les pre-
ils accueillaient ceux qui les apportaient. Les pretres mices devaient etre consommees en Terre Sainte par les
de service pendant la semaine se les partageaient et les pretres en etat de purete et tous ceux de leur maison
mangeaient a Jerusalem meme, eux, leurs femmes, qui satisfaisaient a la meme condition, Num., xvm, 11,
leurs esclaves et leurs betes, pendant le sejour en leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. Leurs
ville de celui qui avail presente ces differents fruits. animaux meme pouvaient manger des premices. Cf.
Num., xviii, 13; II Esd., x, 37. — Cf. Josephe, Ant. Terumoth, ix, 3; xi, 9. La fille d'un pretre mariee a un
jud., IV, vin, 22. Philon a ecrit au sujet de la pre- simple Israelite n'avait pas le droit d'en manger, pas
sentation des premices un petit traite De festo co- plus que ceux de sa maison. Lev., xxii, 11-13. Cf. Ye-
phini, public par Mai et par Tischendorf, Philonea, bamoth, VH, 2; ix, 6. Une simple fille Israelite mariee
1868, p. 69-71. • a un pretre en mangeait, ainsi que ceux de sa maison,
II. PREMICES DES FRUITS PREPARES. — 1° Ces premices cf. Yebamoth, vn, 2; ix, 5, mais seulement du vivanl
portent le nom de terumdh, dcpcapejia, arcapx^j primi- de son mari. Cf. Gittin, m, 4. — Cf. Reland, Antiqui-
tise. Elles font 1'objetdu traite Terumothde la Mischna. tates sacrse, Utrecht, 1741, p. 200-205; Iken, Antigui-
— Outre les premices des fruits a 1'etat naturel, la Loi lates hebraicsB, Breme, 1741, p. 210-218; Schiirer, Ge-
ordonnait encore de donner aux pretres les premices schichte des judischen Volkes im Zert. 3. C., Leipzig,
des produifs tires des fruits, Exod., xxii, 29, nomme- t. n, 1898, p. 249-250.
ment de la farine, Num., xv, 19, 21, du vin nouveau, III. REMARQUES DIVERSES SUR LES PREMICES. — 1° La
de 1'huile, meme de la toison des brebis, Deut., xvm, pratique. — A toutes les epoques de 1'histoire d'Israel,
4, et en general de tous les produits de la terre ou des il est question des premices. Pour maudire les monts
arbres. Cf. TerumotTi, 11, 5, 6. Cette redevance devait de Gelboe, David souhaite qu'ils n'aient aucun champ
etre acquittee chaque annee envers les pretres par les de premices, c'est-a-dire qu'ils soient frappes de steri-
Israelites non seulement de Palestine, mais aussi, apres lite. II Reg., i, 21. Un homme de Baalsalisa apporte a
la captivite, de Babylone, d'Egypte, du pays d'Ammon Elisee vingt pains d'orge de premices et du froment
et de Moab, et de Syrie. Toutefois les premices de ces nouveau. IV Reg., iv, 42. Pareille offrande ne pouvait
pays etrangers ne devaientpas etres introduites en Terre se faire qu'aux pretres; mais il n'y en avait plus de le-
Sainte. Cf. Te^utnoth, i, 1. Les premices des toisons gitimes dans le rpyaume d'Israel, III Reg., xm, 33, et
etaient fidelement offertes par Tobie, i, 6, qui, du le present fait a Elisee ne procedait que de la genero-
royauxne d'Israel, avant d'etre emmene en captivite, se site du donateur. Ezechias remit en honneur 1'offrande
rendait regulierement au Temple de Jerusalem et y pre- de premices abondantes. II Par., xxxi, 4-10. II est re-
sentait « les premices » et ses « premieres tontes », commande de faire honneur a Dieu des premices de
•rcpwToxouptac. Les premices de la farine et des aliments tout son revenu. Prov., in, 9. Cf. Eccli., xxxv, 10. Eze-
dont elle formait la base etaient 1'objet de prescriptions chiel, xx, 40; XLIV, 30; XLVIII, 14, rappelle que les pre-
speciales contenues dans le traite Challa de la Mischna. mices appartiennent au Seigneur et que celles des pre-
Saint Paul y fait allusion quand il dit que « si les pre- miers produits de toutes sortes sont pour les pretres.
mices, anocpxq, sont saintes, la masse de la pate, opupa- Les captifs de Babylone se plaignent qu'il n'y a plus
(ia, Test aussi. » Rom., xi, 16. Etait soumis a 1'obliga- d'endroit pour presenter les premices au Seigneur.
tion des premices tout ce qui provenait du froment, de Dan., in, 38. Apres la captivite, cette institution fut
1'orge, de 1'epeautre, de 1'avoine et du seigle. Cf. Challa, restauree. II Esd., x, 35-39; xu, 43; xin, 5. Elle etait
i, \. Ces premices ne s'acquittaient pas en farine, mais en pleine vigueur a 1'epoque evangelique, comme le
en pate et en pain tout prepare. Cf. Challa, n, 5. — La donne a supposer la composition des traites Bikkurim
quantite de premices a fournir n'etait pas determinee. et Tewmoth. — Deux offrandes de premices etaient
Ezechiel, XLV, 13, 14, suppose une proportion d'un particulierement solennelles, celle des premices de
soixantieme pour le froment et 1'orge, et d'un centieme 1'orge, a la Paque, Lev.,xxm, 10, 11, voir PAQUE, t. iv,
pour 1'huile. On estimait generalement qu'il etait du un col. 2094, et celle des premices du froment et des deux
cinquantieme; les disciples d'Hillel opinaient pour un pains, a la Pentecote. Exod., xxxiv, 22; Lev., xxm, 17.
quarantieme, ceux de Schammai pour un trentieme; les Voir PENTECOTE, col. 119.
601 PREMICES — P R E M I E R - N E 602
2° Signification des premices. — L'offrande des pre- 2. PREMICES (FETE DES),un desnomsdela fetede
mices, prescrite par le Seigneur, constituait a son egard la Pentecote. Exod., xxm,16. Voir PENTECOTE, col. 119.
un acte de reconnaissance, de soumission et de suppli-
cation. En s'acquittant de ce devoir, 1'Israelite faisait PREMIER (grec : upono?; Vulgate : princeps), titre
profession de reconnaitre en Jehovah le createur de que portait le magistral qui gouvernait Tile de Malte,
toutes choses, le maitre de la nature et le dispensateur Act., xxvm, 7. II s'appelait Publius, lorsque saint Paul
liberal de tous les biens. II lui obeissait en sacrifiant y aborda apres son naufrage, Voir PUBLIUS. L'ile de
une partie, la premiere et la meilleure, de ce qu'il avait Malte, pendant la seconde guerre punique, etait passee
recu de sa munificence. En meme temps, il se le ren- en 342 avant J.-C. de la domination carthaginoise sous
dait propice et s'assurait les memes bienfaits pour 1'ave- celle de Rome. Les Romains laisserent aux Maltais une
nir. Ces idees etaient si naturelles qu'on trouve chez un grande liberte, ils firent de Malte un municipe et per-
bon nombre de peuples 1'usage d'offrir a la divinite les mirent aux habitants de se gouverner d'apres leurs
premices des fruits de la terre. Gf. Iliad., ix, 529; Cal- propres lois. Malte dependait du preteur de Sicile,
limaque, In Cerer., 19; Theocrite, VH, 31; Aristophane, mais celui-ci etait,represente dans 1'ile par un propreteur;,
Ran., 1272; Pausanias, i, 43; Porphyre, De abstin.,u, a qui Ton donnait le titre de npWTO? MsXsTouwv, Primus
5, 6, 27, 32; Epictete, 38; Ovide, Metam., vm, 273; x, Melitensium, comme 1'atteste 1'inscription suivante
431; Fast., n, 519; Tibulle, i, 1, 13; Pline, H. N., iv, qui confirme 1'exactitude de saint Luc : Aa...xto? Kyp.
26, etc. En Egypte, les donations analogues de pains, de jv? tTtueu; 'Pwjifat'wv] upwto; MsXtrat'tov xod
liqueurs, de quartiers de victimes, meme de terres avec . Kaibel, Inscript. greec. Italise et Sicilise, Rer-
tout ce qu'elles contenaient, etaient faites aux dieux, lin, 1890, p. 142, n. 601. Cf. Boeck, Corpus inscriptio-
pour se les rendre favorables, et laissees a la jouissance num grsecarum, n. 5754, t. in, p. 682; Une inscription
des pretres. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peu- latine porte : MEL. PRIMUS. Smith, Voyage and ship-
ples de I'Orient, 1895, t. i, p. 303. Les memes usages wreck of St. Paul, 3" edit., Londres, 1866, p. 150-151.
regnaient en Chaldee. Ibid., p. 676, 677. Voir Schceffer, Dissertatio de Publio, TtpcoTw Meliten~
3° Leur destination. — Les premices constituaient sium, in-4°, lena, 1755.
une partie de la dotation des pretres et des levites. II
etait juste que ceux qui, au nom de la nation, consa- PREMIER-NE (hehreu : bekor, de bdkar, « etre le
craient leur vie au service du Seigneur, recussent du premier »; Septante : irpwTOToxo?; Vulgate : primogeni-
peuple les choses necessaires a la vie. On comprenait tus), le premier qui vient au monde dans une famille.
egalement le droit superieur de Dieu qui, en donnant II est aussi d6signe par 1'expression peter re'hem, « ou-
aux Hebreux la terre fertile de Chanaan, avait etabli verture dusein », ou simplement peter, Stavoiyov (XV]T-
une reserve en faveur de ceux qu'il prenait a son ser- pav, quod aperit vulvam. Exod., xrn, 2, 12, 13, 15;
vice. Cf. Eccli., XLV, 25. Aux premices s'ajoutaient, pour xxxiv, 20. Ces designations s'appliquent a la fois au
les pretres et les levites, les dimes, voir DIME, t. n, premier-ne de 1'homme et a celui des animaux.
col. 1431; une part d'un centieme sur le butin de I. LES PREMIERS-NES DES HOMMES. — 1° Dans les an-
guerre pour le grand-pretre, et d'un cinquantieme pour ciennes families israelites, les premiers-nes jouissaient
les levites, Num., xxxi, 28-30; une part plus ou moins de certains droits. Voir AiNESSE (DROIT D'), 1.1, col. 317-
considerable des victimes offertes pour les sacrifices 322. — 2° Le premier-ne etait naturellement 1'objet
autres que 1'holocauste, voir SACRIFICE; differentes d'une affection plus grande et d'altentions plus rnarquees
sommes d'argent ou divers bieris en nature provenant de la part de son pere dont il devait continuer la des-
de voeux, de restitutions, d'amendes, de rachats, etc. ; cendance. Si ce pere mourait sans premier-ne, on lui
1'epaule droite, 1'estomac et la machoire de tous les en procurait un en vertu de 1'institution du levirat.
animaux tues pour 1'usage des particuliers, redevance Voir LEVIRAT, t. iv, co). 213. On pleurait plus amerement
qui etait comme une extension des premices. Cf. Iken, que celle des autres la mort du premier-ne. Zach.,
Antiquitates hebraicse,]*. 217; M\mk, Pales tine, Paris, XH, 10. Cette mort etait le plus grand malheur qui
1881, p. 177. La vie des pretres et des levites etait ainsi put arrivera une famille, Jos., vi, 26, et le plus grand
assuree dans des conditions suffisamment larges, mais sacrifice qu'un pere put s'imposer. Gen., xxn, 2, 12,16;
qui ne permettaient pas 1'accumulation de grandes IV Reg., in, 27; Mich., vi, 7. — 3° Dans un sens rneta-
richesses, comme il arrivait pour les castes sacer- phorique, Dieu appelle le peuple d'Israel son premier-
dotales des autres pays de 1'antiquite. Cf. Herodote, ne, c'est-a-dire son peuple de predilection, celui auquel
n, 37; Diodore de Sicile, I, 73; Munk, Palestine, il accorde plus de benedictions qu'aux autres et qu'il a
p. 178-179. charge de garder son nom sur la terre, comme le pre-
4° Les premices au sens figure. — Pour marquer que mier-ne perpetue celui de son pere. Exod., iv, 22, 23;
le peuple d'Israel appartenait specialement au Seigneur Eccli., xxxvi, 14. Si Jeremie, xxxi, 9, appelle Ephrai'm
et que le Seigneur le protegeait en consequence, Jere- le premier-ne de Dieu, c'est pour marquer qu'apres la
mie, 11, 3, dit: « Israel etait consacre a Jehovah, comme captivite le royaume d'Israel represente par Ephrai'm,
les premices de son revenu; quiconque en mangeait se retrouvera, aussi bien que Juda, le titre et les prero-
rendait coupable, le malheur fondait sur lui. » — Saint gatives de premier-ne de Jehovah. Le titre de premier-
Paul salue en Jesus-Christ les premices de la resurrec- ne, donne par Dieu a Israel, est deven'u comme 1'idee
tion et de la vie,, c'est-a-dire celui qui le premier est maitresse qui commande, historiquement et legalement,
ressuscite glorieusement pour ne plus mourir et com- tout ce qui se rapporte aux premiers-nes. — 4° Moi'se
muniquer la vie aux ames. I Cor., xv, 20, 23. — Les recoit 1'ordre de dire au pharaon d'Egypte que s'il re-
Chretiens ont ici-bas « les premices de 1'Esprit », c'est- fuse, de laisser aller le premier-ne de Jehovah, Israel,
a-dire le commencement d'une vie qui se developpera Jehovah fera pe"rir son fils premier-ne, par consequent
un jour dans la gloire. Rom., vm, 23. Cf. S. Irenee, 1'atteindra dans son affection la plus chere. Exod., iv,
Adv. hssres., v, 8, 1, t. vii, col. 1142. — La famille de 23. Le pharaon s'obstine a refuser et la sentence divine
Stephanas represente les premices de 1'Achaiie, c'est-a- s'execute. Le premier-ne du pharaon et les premiers^
dire qu'elle est la premiere qui se soit convertie dans nes des Egyptiens perissent en une nuit, et meme les
cette province. I Cor., xvi, 15. Les ames vierges sont premiers-nes du betail ne sont pas epargnes. Exod., xi,
des premices pour Dieu et 1'Agneau, c'est-a-dire qu'elles 5; xii, 29, 30; xm, 15; Ps. LXXVIII (LXXVII), 51; cv (civ),
occupent une place privilegiee dans 1'Eglise et dans le 36; cxxxv (cxxxiv), 8; cxxxvi (cxxxv), 10; Sap., xvm,
ciel. Apoc., xiv, 4. 13. Par contre, tous les Hebreux demeurent indemnes,
H. LESETRE. y compris leurs premiers-aes. Exod. 3, 27. —
603 PREMIER-NE 604
5° En consequence de cette preservation, Dieu veut que xii, 2-8; mais rien de particulier n'etait prescritau sujet
tous les premiers-nes lui soient consacres, comnie lui de ce dernier. La Sainte Vierge se conforma a 1'usage
appartenant. Exod., xin, 2, 12; xxn, 29. II indique lui- des pieux Israelites en ce qui concernait la presenta-
meme la raison de cette consecration. Le pere doit en tion du divin Enfant. Le trentieme jour apres la nais-
effet dire a son fils : «. Comme le pharaon s'obstinait a sance, elle avait remis ou fait remettre au pretre les
ne point nous laisser aller, Jehovah fit mourir tous les cinq sides d'argent (environ 17 fr. 50, voir t. iv,
premiers-nes dans le pays d'Egypte, depuis les pre- col. 1254) imposes par la Loi. Num., xvm, 16. Quand
miers-nes des hommes jusqu'aux premiers-nes des ani- elle vint au Temple, apres les quarante jours de reclu-
maux. Voila pourquoi j'offre en sacrifice a Jehovah tout sion qui lui etaient presents, Lev., xn, 2-4, elle et
male premier-ne et je rachete tout premier-ne de mes Joseph eurent I'mlention de presenter 1'Enfant au Sei-
fils. » Exod., xin, 15-16. Le texte sacre ajoute que 1'Is- gneur. Luc., 11, 22. Les deux oiseaux offerts a cette
raelite ne devra jamais perdre de vue le sens de cette occasion etaient destines au sacrifice de purification
consecration et que ce souvenir sera pour lui comme pour la mere, et non au rachat de 1'Enfant, comme
un signe sur la main et un bandeau entre les yeux. — on le dit quelquefois a tort. Cf. Bossuet, Serni. pour
6° En principe, les premiers-nes etaient ainsi reserves la Purification, 1658, 2e part.; Elev. sur les my St.,
pour le service de Dieu. C'etait en effet, dans les an- xvnie serm., iv, Bar-le-Duc, 1870, t. vn, p. 233; t. vm,
ciens temps, la prerogative du chef de famille et, apres p. 508. Bossuet peut s'appuyer sur la liturgie de la fete
lui, de son premier-ne, d'exercer le sacerdoce. Voirt. i, de la Purification, qui repete plusieurs fois : obtulerunt
col, 318. Mais il plut a Dieu d'organiser le culte autre- pro eo par turlurum. Cette allegation liturgique est
ment chez le peuple qu'il se choisissait. II formula conforme a 1'interpretation du texte du Levitique, xn,
ainst sa volonte : « J'ai pris les levites du milieu des 6, par saint Augustin, In Heptat., in, 40, t. xxxiv,
enfants d'Israel, a la place de chaque premier-ne qui col. 695-696. Mais le saint Docteur n'explique ainsi le
ouvre le sein de sa mere parmi les enfants d'Israel, et texte que par suite d'une ponctuation defectueuse. —
les levites sont a moi; le jour ou j'ai frappe tous les 10° Les juifs resterent fideles a 1'accomplissement de
premiers-nes dans le pays d'Egypte, je me suis consa- cette loi, meme apres la destruction du Temple. Le
cre tout premier-ne en Israel. » Num., HI, 12, 13, 40-50; trente-et-unieme jour apres la naissance du premier-
vin, 16. Les levites sont done designes par Dieu pour ne, ils invitaient le pretre a un festin et lui versaient
remplir aupres de lui les fonctions cultuelles precedem- les cinq sides. Ce festin se celebrait meme un jour de
ment devolues au pere et a 1'aine de la famille. — jeune, mais se remettait au lendemain si le trente-et-
7° Comme les premiers-nes appartiennent a Dieu et unieme jour coiincidait avec le sabbat. Si le pere mou-
que cependant Dieu n'a pas le dessein de les utiliser rait avant cette date, la mere n'etait pas obligee de ra-
pour son service particulier, la liberte leur sera laissee cheter 1'enfant. Elle lui mettait au cou une petite
moyennant rachat. Tout premier-ne doit done etre ra- plaque portant les mots : bekor seld' nipddh, « premier-
chete, et I'lsraelile qui le reprend au Seigneur ne doit ne non rachete », et lui-meme se rachetait une fois
pas se presenter les mains vides. Exod., xxxiv, 20. Un adulte. Les filles de pretres et de levites, mariees a de
mois apres sa naissance, le premier-ne tombe sous la simples Israelites, etaient, comme leurs peres, exemptes
loi du rachat fixe a cinq sides d'argent. Num., in, 47; de 1'obligationdu rachat. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse,
xvm, 15-16. — 8° Pour qu'un premier-ne fut soumis a Breme, 1741, p. 516. — 11° Jesus est appele le « pre-
la loi, il devait etre & la fois un garcoti et le premier mier-ne » de Marie. Matth., i, 25; Luc., II, 17; Heb., I,
enfant de sa mere. Un garyon ne apres une ou plusieurs 6. L'enfant premier-ne etait en elfet bekor tout en res-
soeurs n'etait pas peter re'fyem, « ouvrant le sein » de tant fils unique. Zacharie, xn, 10, met en parallele le
la mere. Exod., xin, 2. Cette expression du texte sacre ydfyid, « fils unique », et le bekor. — La Sagesse est
montre qu'il s'agit bien du premier fils de la mere, et « premiere-nee avant toute creature, » d'apres une ad-
non du premier fils du pere. Ce premier-ne pouvait dition de la Vulgate, Eccli., xxiv, 5, et le Verbe incarne
n'avoir pas le droit d'ainesse, si le pere avail eu deja est « ne avant toute creature, » Col., i, 15, le premier-
d'autres enfants d'une autre epouse. Reciproquement, ne d'un grand nombre de freres, Rom., vm, 29, en-
un pere pouvait avoir plusieurs premiers-nes d'epouses fants par adoption d'un Pere dont il est fils par nature,
differentes. Voir t. J, col. 317. 11 n'y avait pourtant pas et, par sa resurrection glorieuse, « premier-ne d'entre
de premier-ne dans toutes les families. Dans le recen- les morts. » Apoc., i, 5,
sement que Moi'se fit au desert, on trouva -22273 pre- II. LES PREMIERS-NES DES ANIMAUX. — 1° Des 1'origine,
miers-nes d'un mois et au-dessus, sur 603550 Israelites les premiers-nes des animaux ont ete considered comme
de vingt-ans et au-dessus, Num., i, 45 ; in, 43, soit un ayant une valeur plus grande. Deut., xxxni, 17. Deja
premier-ne sur 27 hommes, et encore parmi ces der- Abel offrait au Seigneur les premiers-nes de son trou-
niers ne sont pas comptes ceux qui ont d'un mois a peau. Gen., iv, 4. — 2° A la dixieme plaie d'Egypte, les
vingt ans. II s'agissait alors de substituer les levites aux premiers-nes du betail furent frappes comme ceux des
premiers-nes. Comme il n'y avait que 20000 levites, les hommes. Exod., xi, 5; xn, 29. Aussi, en retour, Dieu
273 premiers-nes qui ne pouvaient etre remplaces voulut-il que les premiers-nes des animaux lui fussent
furent racheteschacun au prix de cinq sides. Num., HI, reserves. Exod., xin, 2; Num., in, 13. — 3° Les males
40-50. Le rachat fut ensuite impose a tous les premiers- premiers-nes des animaux devaient etre immoles, comme
nes, sans qu'il fut tenu compte de leur remplacement appartenant a Jehovah. Le premier-ne de 1'ane pouvait
par les levites. Num., XVHI, 15. Les pretres et les le- cependant etre rachete pour un agneau et a defaut de
vites n'etaient pas assujettis a cette loi, puisque tous rachat, on devait lui briser la nuque. Exod., xin, 13;
ils devaient consacrer leur vie au service du Seigneur. xxxiv, 20. L'ane etait 1'objet de cette exception a cause
— 9° Le prix di^ rachat etait uniformement de cinq de sa grande utilite pour les Israelites. Yoir ANE, t. i,
sides, pour les riches comme pour les pauvres. col. 566. On rachetait egalement les premiers-nes des
Cf. Philon, De prcemiis sacerdotum, 1, edit. Mangey, animaux impurs et le prix en revenait aux pretres; mais
t. il, p. 233. Ce prix appartenait au pretre, Num., xvm, on immolait les premiers nes du boeuf, de la brebis et
15, sans doute en tant que remplacant du premier-ne. de la chevre. Num., xvm, 15-18. Cesderniers devaient
La loi n'obligeait nullement a presenter le premier-ne Stre amenes au sanctuaire, Deut,, xn, 6, et c'est la seu-
au Temple. Cependant, apres la captivite, on parait lement que les pretres et les levites pouvaient manger
avoir pris 1'habitude de cette demarche. II Esd., x, la part qui leur en revenait. Deut., xn, 17, 18;xiv,23.
36. On profitait pour cela de la visite que la mere II etait defendu de faire travailler le premier-ne du
avait a y faire apres la naissance d'un enfant, Lev., boeuf et de tondre le premier-ne de la brebis. Si le pre-
605 P R E M I E R - N E — PREMONTRES ( T R A V A U X DES) 606
mier-ne etait aveugle, boiteux, attaint d'un defaut ou Josepho, aliisque sacrls historicis deductum et concin-
d'une difformite quelconque, on ne 1'offraitpas en sacri- natumf in-8°, Louvain, 1779; Synopsis Sacrse Scriptures,
fice et on pouvait le manger la ou Ton residait, sans 3 vol. ms. — 5. Zasio Andre Maximilien (1741-1816),
aucune condition. Deut., xv, 19-23. — 4° La tradition Hermeneuticae seu ratio interpretandi Sacram Scrip-
juive a interprete ces diflerentes lois dans le traite Be- turam Antiqui Fcederis, 1796, in-8°; Hermeneuticae
choroth de la Mischna. Les pretres et les levites etaient Veteris Testamenti partesdux, in-8°, Pesth, 1796-1797;
tenus a 1'offrande des premiers-nes, mais seulement des Hermeneutica, seu ratio interprelandi Sacram Scrip-
animauxpurs. Cf. Bechoroth, n, 1; Midr. Mechilta, 15, turam Novi Fcederis, Mil Tomi, Pesth, 1796; editio
2. Les premiers-nes, comme les premices, devaient etre 2*1, Vacii-Waitzen, 1801-1802. — 6. Jahn Martin Jean
amenes de toute la terre d'Israel. Cf. Themura, in, 5. (1750-1806), Einleitung in die gottlichen Schriften des
On devait egalement offrir ceux qu'on inlroduisait dans alten Bundes, in-8°, Vienna, 1792. Cette premiere edi-
le pays. — Si Ton n'avait pas d'agneau pour racheter le tion fut suivie d'une nouvelle : Zweyteganz umgearbei-
premier-ne de 1'ane, on en donnait le prix, fixe d'apres tete Auflage, 4 in-8°, Vienne, 1802; Biblische Arc/iao-
yjosephe, Ant. jnd., IV, iv, 4, a un side et demi. A logie, trois parties en 5 in-8°, Vienne, 1797-1804; Intro-
defaut de rachat, on frappait 1'animal et on 1'enterrait. ductio in libros sacros Veteris Fcederis. In epitomen
D'apres Philon, De prsem. sacerdot., 1, les premiers- redacta a Johanne Jahn. Editio secunda emendata,
nes des animaux impurs, cheval, ane, chameau, se ra- in-8°, Vienne, 1814; Archaeologfai Biblica in compen-
chetaient a prix d'argent, sur 1'estimation du pretre, dium redacta a Johanne Jahn, in-8°, Vienne, 1805;
avec majoration d'un cinquieme. — Les premiers-nes Editioaltera emendata, in-8°, Vienne, 1814; 3eedit., 1826,
des animaux purs devaient etre amenes aux pretres de par Ackermann; 4« edit., 2 in-8°, Vilna, 1829-36; Bibha
service dans le Temple, au cours de leur premiere Hebraica digessitet graviores lectionum varietates ad-
annee, comptee cependant a partir du huitieme jour jecit Johannes Jahn, 4 in-8°, Vienne, 1806; Enchiridion
apres la naissance. L'aaimal etait egorge dans le par- Hermeneuticsi generalis tabularum Veteris et Novi
vis, son sang verse aux pieds de 1'autel, les parties in- Fosderis, in-8°, Vienne, 1812; Appendix Hermeneuticse-
terieures brulees sur 1'autel apres addition de sel, et seu exercitationes exegeticss. Vaticinia de Messia,
la reste cuit au gre des pretres et mange par eux a Fasciculi duo, in-8°, Vienne, 1813 et 1815; Jeremias,
1'interieur de Jerusalem. Cf. Sebachim, v, 8. — Le MS. latin, in-4°. — 6. Stoppani Charles Antoine Jean-Bap-
premier-ne atteint d'un defaut congenital, pu contracte tiste (1778-1836), Satze aus der biblischen Auslegungs-
ensuite, ne pouvait servir de victime. Mais il etait sacre kunde, den biblischen Alterthumem und der Einlei-
a raison de sa naissance, et on le remettaitaux pretres tung in die gottlichen Bucher, in-8°, Prague, 1^05-1812;
qui pouvaient en manger partout,ou le vendre a d'autres Dissertatiode studii biblici Veteris Testamenti, quan-
qui le mangeraient a condition de ne pas le mettre dans tum ad christianos theologos attinet, necessitate ac
le commerce. Cf. Maaser caheni, i, 2. — Les defauts du prsestantia, Prague, 1809; Einige Ideen zur Beurthei-
premier-ne pouvaient etre manifestes ou douteux, passa- lung des moralischen Theiles des alten Bundes, dans
gers ou permanents. Des mandataires du sanhedrin Prints' theol. Zeitschrift, 2«f Jahrg., 2e>- Band, les Heft.
etaient charges de faire des inspections a ce sujet. — 8. Koppmann Adolphe Jean (1781-1835), Hermeneu-
Cf. Reland, Antiquitates sacrss, Utrecht, 1741, p. 185- tica biblica, a Cl. Altmanno Arigler edita (Viennae,
188; Schiirer, Geschichte des judischen Volkes imZeit. 1813), fuit ab eximio Dr« Adolpho Koppmann scriptote-
J.-C., Leipzig, t. n, 1898, p. 253-254. — 5» Dans Job, nus emendata. — 9. Guntner Gabriel Jeari Baptiste (1804-
xvin, 13, le « premier-ne de la mort » est la maladie 1867), Hermeneutica biblica generalis juxta principia
tres cruelle qui conduit infailliblement a la mort. En catholica, in-8°, Prague, 1848; 2« edit., 1851; 3" edit.,
arabe, les fievres mortelles sont aussi appelees « filles de Prague, 1863; Introductio in sacros Novi Testamenti
la mort». Cf. Frz. Delitzsch, Das Buch Job, Leipzig, 1876, libros historico-critica et apologetica, in-8", Prague,
p. 231. Un Targum traduit 1'expression hebrai'que par 1863. — 10. Dallos, Szekeres et Wentko ont public une
malak motd', « ange de la mort », un autre par Seruy revue, qui a pour titre : A Biblia es a Tudomany (La
motd', « premices de la mort », les Septante par wpaioc Bible et la Science), depuis 1896, in-4°, a Budapest.
Davaro;, « le temps convenable de la mort » et la Vul- — 11. Crets Gommaire Joseph (ne en 1858), De divina
gate par primogenita mors, « mort premiere-nee », Bibliorum inspiratione; dissertatio..., in-8°, Louvain,
sans doute dans le sens de « mort prematuree ». Dans 1886. — 12. Kortleitner Frangois-Xavier Joseph (ne en
Isaie, xiv, 30, les « premiers-nes des pauvres » sont les 1863), Archseologix Biblicss Summarium, in-8°, Ins-
plus pauvres de tous. ' H. LESETRE. pruck, 1906; De polytheismo universo... apud Hebraeos
finifimasque gentes usitatis, in-8°, Inspruck, 1908.
PREMONTRES (TRAVAUX DES> SUR LES II. TRADUCTIONS DES SAINTES ECRITURES. — 1. Gebhard
SAINTES ECRITURES. L'ordre des Premontres a (f 1191), Psalmen Verdeutschung, 1174. — 2. Carre Re-
ete fonde par saint Norbert de Gennep, ne a Xanten mi (1706-1773), Psaumes dans 1'ordre historique,nouvel-
(duche de Cleves) en 1080 (1085), mort le 6 juin 1134. lement traduits sur I'hebreu. — 3. Klimesch Philippe
II fut chanoine regulier de Xanten et fonda un ordre Mathieu (1809-1886), Codex Teplensis, enthaltend die
de chanoines reguliers a Premontre, dans le diocese de Schrift des neuen Gezeuges. 1 Theil : Die vier heili-
Laon (1120). II devint archeveque de Magdebourg en gen Evangelien. IIer Theil : Die Briefe S. Pauli,
1126. II fut canonise en 1582. — Nous donnons ici, d'apres III*1 Theil: Die Brief e S. Jacobi, S. Petri, S. Johannis,
1'ordre chronologique, les principaux ouvrages des S. Judas, das Botenbuch, und S. Johannis Offenba-
Premontres relatifs aux Saintes Ecritures. rung, nebst drei Anhdngen, in-4°, Augsbourg-Munich,
I. INTRODUCTIONS AUX SAINTES ECRITURES. — l.Ulin,ou 1884.
Ulinus Guillaume (date ?), De studio linguae sanctae, HI. COMMENTAIRES SUR LES SAINTES ECRITURES. — 1.
Ingolstadt, 1543. — 2. Mansuy Nicolas (1690), Disser- S. Norbert (f 1134), archeveque de Magdebourg. On lui
tation sur les annees et epoques de I'Ancien Testa- attribue: Commentarii sive Interpretations in aliquot
ment, pour redresser les erreurs de certains chro- libros S. Scripture. — 2. Luc du Mont-Cornillon
nologistes, Clef du Cabinet de Luxembourgf novem- (f 1179), In Evangelitim Matlhaei liber unus; InEvan-
bre 1749. — 3. Nauwens Corneille (f 1774), Antilogiae gelium Joannis liber unus; In Apocalypsin. — 3. Phi-
aliseque difficultatesscripturisticseamp^ificatae, 5in-8° lippe de Harvengt (f!182) Commentarius mysiicus et
ms. „— 4. Kips Jean Baptiste (1716-1793), Compendiosum moralis in Cantica canticorum Salomonis, in-f°,
Sacra? Scripturse Dictionarium ad scripturisticarum MDCXXI. — 4. Gebhard (f 1191), Commentaria in S. Pau-
historiarum notitiam. Ex ipsa Sacra Scriptura, Flavio lum (1160); Interpretatio Apobalypseos (1156); Expo-
607 PRfiMONTRES (TRAV. DES) SUR LES SS. ECRIT. — PRESENT 608
sitio in Genesim, Exodum, Leviticum, librum Nume- Actus Apostolorum, ms. in-f«; Commentaria in Psal-
rorum, Deuteronomium et Josue (1164); Explanatio mos, 3 in-4° ms; Breviarium historicum Veteris ac
Psalmorum (1170); VocabulariumS. Scripture (1189). Novi Testamenti, 1775, ms. in-4° (Bibliotheque d'Aver-
— 5. Zacharias Chrysopolitanus (xn e siecle), In unum bode). -31. L'Ecuy Jean-Baptiste (1740-1834), auteur du
ex quatuor sive de concordia Evanyelistarum, libri 8e et dernier volume de 1'ouvrage de Bassinet : His-
quatuor, lre edit,, in-f°, 1473; 2e edit., in-f<>, 1535; toire sacree de VAncien et Hu Nouveau Testament,
3e edit., Cologne, 1618. — 6. Jean d'Abbeville (vers Paris, 1804-1806. Ce dernier volume contient les Actes
IMO^Glossa in Gewesim; Commentaria in libros Exo- des Apotres et 1'Apocalypse, in-8°; La Bible de la
di et Levilici; Commentaria in JVttmeros, JDeuterono- jeunesse (96 figures), 2 in-8«, Paris, 1819; 2e edit.;
miunif in Cantica cantlcorum, etin Isaiam; Commen- Abrege de I'Histoire de la Bible (24 figures), in-12«,
taria in Danielem, Tobiam, Judith et Esther; Glossa Paris, 1812. — A cet ouvrage est ajoute" un Nouvel
in Psalterium, 3 in-f*; Commentaria in Acta Apostolo- Attas de la Bible, pour servir d I'intelligence des
rum. — 7. Lensius ou de Lens (Eustache) (ne vers 1170, livres sacres de VAncien et du Nouveau Testament,
vivait encore en 1226), Seminarium verbi Dei (diction- Paris, 1809, grand in-f°; La Bible de la jeunesse, par
naire biblique); Detropis et schematibus S. Scriptures : 1'Ecuy, recut de grands eloges lors de sa publication.
Demystenis S. Scriptures; Cosmographies Moysis Li- — 32. Seerwart Herman-Joseph (1752-1828), Theses same
bri III; on lui attribue encore des Commentaires ex septem Epistolis catholicis, et Apocalypsi S. Joan-
sur la Genese, 1'Exode, le Levitique, le. Deuteronome, nis, in-4°, Anvers, 1777; Theses sacrse ex prioribus
et sur les Paralipomenes. — 8. Jacques d'Arras (Jaco- capitibus Evangelii secundum Joannem, Louvain, 1778.
bus Atrebas, 1227), In ultimam visionem Ezechielis, — 33. Giintner Gabriel Jean-Baptiste (1804-1867), Com-
liber unus. — 9. Gervais (-{• 1228), Commentarii litte- mentarius in Evangelium S. Matthsei (cet ouvrage,
rales in Psalmos; Commentarii litterales in minores annonce dans la preface des 2e et 3e editions de
Prophetas (ces deux ouvrages n'existent qu'en manus- 1'Hermeneutica du meme auteur, est peut-etre reste
crit). — 10. Jaricus (f 1240), Commentaria in Genesim manuscrit). — 34. Wentko Justin Francois (ne en 1848),
et Commentariain Cantica canticorum (ms). —11. Hay- Exegesis in Libros sacros (Hongrie), 1881. — 35. Ma-
tho, vel Haythonus (commencement du xive siecle), gashazy Antoine Adalbert (ne en 1861), A negy evange-
Commentarius in Apocalypsin (inedit). — 12. Pierre de lium hasonlosdga e's Eulonbordsege (Die Einheit und
Lutra, ou de Kayserslauter (vivait dans la lre moitie Verschiedenheit der vier Evangelien), in-8°, Keszthely,
du xiv6 siecle), In Evangelium S. Joannis, liber unus. 1896. — 36. Kortleitner Francois Xavier Joseph (ne en
— 13. Pierre de Herenthals (1322-1391), Collectarius 1863), Canticum canticorum explicatum et prtecipue
Evangeliorum, 1364, 2 in-f°; Collectarius super ad historiam Ecclesiss applicatum, in-8°, Inspruck,
librum Psalmorum, in-f«, 1480,1483, 1487, 1488, 1494, 1892. — 37. Daniel (dates inconnues), In Apocalypsin
1498,1504, etc.; In septem Psalmos psenitentiales Com- B. Joannis Commentariorum liber.
mentarius (ms.); In XV Cantica graduum liber 1 (ms). IV. BIBLIOGRAPHIE. — Dupre (Maur.), Annales breves
—14. Thomas de Vicogne (vers 1308); on lui attribue: ordinis Prsemonstratensis, 2e edit., in-8°, Namur, 1886;
Commentarii in Cantica canticorum, liber unus; Kohel Sigismond, Prsemonstratensis ordinis nonnul-
In librum Job. — 15. Lheureux, ou Felix Thomas lorum patrum vilse ex variis authoribus collectse,
(•j-1420) : Annotationes in Psalmos Davidicos (ms). in-4°, 1608; Le Paige, Bibliotheca Prsemonstratensis
— 16. Ulin, ou Ulinus Guillaume (vers le milieu du ordinis, 2 in-f°, Paris, 1633; Lienhart Georges, Spiritus
xvie siecle), Commentationes in Epistolam sancti Pauli literarius Norbertinus... sen sylloge viros ex ordine
ad Romanos, ms. in-4°. Le manuscrit n° 45333 de la Prsemonstratensi, scriptis et doctrina celebres necnon
bibliotheque royale de Munich a pour titre : G. Ulini eorumdem vitas, res gestas, opera et scripta turn ine-
Commentationes in sancti Pauli Epistolas et in VII dita perspicue exhibens..., in-4°, Augsbourg, 1771;
Epistolas canonicas, in-8°, 1533. — 17. Motzhart An- Mirseus (Aub.), Chronicon ordinis Prsemonstratensis,
toine (^-1544), Annotationes in Evangelium sancti Joan- in-8°, Cologne, 1613; Ulysse Chevalier, Repertoire des
nis. — 18. De Quixada Thomas (1588), Sermones exege- sources historiques du moyen age, Topo-Bibliographie,
tici in Sacram Scripturam. —19. Manar (ou Mannaert) in-8°, Montbeliard, 1894-1903, p. 2455; Leon Goovaerts,
Jean (1583-1633), Annotationes in Novum Testamentum Ecrivains, artistes et savants de I'ordre des Pre-
(ms). —20. Fabri Chfistophe (fl645). On lui attribue montres, Dictionnaire bio-bibliographique, 2 in-4°.
les ouvrages suivants : Commentaires sur les livres Bruxelles, 1899-1908. J. J. FEYEN.
de Moyse; Commentaires sur Tobie; Commentaires
sur les Psaumes de David. — 21. Hempfer Georges PREPUCE. Voir CIRCONCISION, t. n, col. 772.
(f 1648), Exegesis Psalmorum. — 22. Balavenus Augus-
tin, ou Balavoine (vivait vers le milieu du xvne siecle), PRESENT (hebreu : berdkdh, « benediction »;
Paraphrasis mystica in Canticum canticorum.il tra- matfdn, mattanah, mattat, de natan, « donner »;
duisit ce meme ouvrage en francais. (Rien ne fut im- sohad, de sdhad, « donner »; massa', mas'et, de ndsd'
prime, pour autant que nous le savons du moins.) « porter »; minhdh, neddbdh, nede'h, terumdh, tesu-
— 23. Tineo de Morales Louis (1660,*, Hexameron com- rdh, Salmonim; chaldeen : matton, nebizbdh; Sep-
mentario litterali ac morali illustratum. — 24. Noizet tante : So^a, 6t5pov; Vulgate : donum, donarium, dona-
Henri (f 1670), Annotationes in Epistolas B. Pauli. tio, munus, munusculum), chose que Ton donne a
Manuscrit de 1578, in-f°, biblioth. d'Averbode. — 25. De quelqu'un sans y etre oblige en justice. On peutdistin-
Estrada Gijon Jean (f vers 1679), In Exodum. — 26. Ma- guer les presents en trois sortes, suivant la pensee qui
clot Edmont(1639-1711), Histoire del'AncienTestament, les inspire.
Nancy, 1705, in-8°; Histoire du Nouveau Testament ou 1° Presents gracieux. — Ce sont ceux qui sont faits
du sixieme age du monde, diviseen deux parties. Avec par amitie, par reconnaissance, par charite ou par
des reflexions theologiques, morales, critiques et chro- respect. 1. Tels sont les presents d'Abraham a ses con-
nologiques, in-8°, Paris, 1712. — 27. (Ertle Eusebe (1654- cubines, Gen., xxv, 6; d'Eliezer a Rebecca, a son frere
1721), Commentarius in Psalterium Davidis. — 28. Reif- et a sa mere, Gen., xxiv, 53; de Jacob a Esau, Gen., xxxn,
fenberger Norbert (1694-1764), Variae Qu3sstione» in 14,19, 21; xxxm, 11; d'Abigai'l a David, I Reg., xxv, 27;
Historios Genesis et Judicum, cum Resolutionibus. de David aux anciens de Juda, I Reg., xxx, 26; de
— 29. Beraneck Hugues (f 1771), Catechesis scripturi- Salomon a la reine de Saba, III Reg., x, 13; de ses sujets
stica in Pentateuchum. — 30. Caenen Candide Jean et de ses voisins a Salomon, III Reg., iv, 21; x, 25;
Joseph Mathias Antoine (1749-1811), Commentaria in II Par., ix, 24; de tout Juda a Josaphat, II Par., xvn,
609 PRESENT — PRESENTATION DE JESUS AU TEMPLE 610
5; de Josaphat a ses enfants, II Par., xxi, 3; de Mero- les presents dans 1'exercice de la justice publique. La
dach Baladan a Ezechias, IV Reg., xx, 12; Is., xxxix, Loi recommande aux juges de ne pas accepter de pre-
I; de ses sujets a Ezechias, II Par., xxxii, 23; du chef sents. Exod., xxin, 8. II est dit que Jehovah ne recoit
chaldeen a Jeremie, Jer., XL, 5; de Nabuchodonosor a pas de presents pour rendre justice, Deut., x, 17;
Daniel, Dan., 11, 6, 48; d'Assuerus a ses invites, II Par., xix, 7; que les juges n'en doivent pas rece-
Esth., ii, 18, et a Mardochee, Esth., xn, 5; de Cyrus voir, parce que les presents aveuglent, Deut.,xvi, 19, et
aux captifs Israelites qu'il delivre, Is., XLV, 13; que maudit est celui qui, pour un present, verse le
I Esd., i, 4; da roi de Perse aux Juifs, II Mach., i, 35; sang innocent. Deut., xxvn, 25. Les auteurs sacres
des Juifs a leurs freres indigents, Esth., ix, 22; des rappellent que les presents corrompent le cceur, Eccli.,
mages a Notre-Seigneur, Matth., n, 11; voir MAGES, vn, 7; qu'ils aveuglent les sages et les empechent de
t. iv,,col. 551; des rois a leur medecin, EcclL, xxxvni, blamer ce qui est mauvais, Eccli., xx, 31; qu'il ne faut
2; des hommes entre eux en signe d'allegresse, Apoc., pas chercher a tromper le Seigneur par des dons, parce
xi, 10, etc. Parmi les presents, il faut ranger les dons qu'il juge sans tenir compte de la qualite des per-
qui sont faits par charite aux malheureux. Voir Au- sonnes. Eccli., xxxv, 14. — 3. Le juste n'accepte pas
MONE, t. i, col. 1244. — 2. II est predit qu'un jour, a de presents au prejudice de 1'innocent. Ps. xv (xiv),
Tepoque du Messie, les rois et les nations apporteront 5. Samuel a pu se rendre ce temoignage qu'il n'a jamais
leurs presents a Jerusalem. Ps. XLV (XLIV), 13; LXXII regu de presents pour fermer les yeux a la justice.
(LVXI), 20; Tob., xm, 14. II s'agit ici surtout des dons I Reg., xn, 3. En general, 1'homme juste se defie des
destines a honorer le Seigneur. Sur ces presents, voir presents, et il secoue ses mains pour n'en pas recevoir
OBLATION, OFFRANDE, t. iv, col. 1725,1758. — 3. Quel- et n'en pas garder. Is., xxxin, 15. — 4. Mais le mediant
quefois les presents gracieux sont refuses par ceux qui a la droite pleine de presents, soit de ceux qu'il a
devraient les faire, I Reg., x, 27, ou par ceux qui pour- recus pour mal faire, soit de ceux qu'il veut donner
raient les accepter. Dan., v, 17. — 4. Les presents ont pour corrompre. Ps. xxvi (xxv), 10. Les fils de Samuel
leurs raisons d'etre : ils font plaisir a tous, Prov., xvn, recevaient des presents au detriment de la justice.
8, procurent a celui qui les fait des amis, Prov., xix, I Reg., vm, 3. D'autres cachaient des presents dans le
6, et meme des benedictions temporelles, Prov., xi, 25, pli de leur rnanteau pour gagner les juges. Prov.,
et sont parfois utiles pour calmer la colere. Prov., xxi, XVH, 23. Ceux-ci se laissaient facilement corrompre.
14. Desplaintes sont formulees a ce sujet par Isai'e, i, 23;
2° Presents interesses, — 1. On les fait en vue d'un v, 23; tzechiel, xxn, 12; Amos, v, 12, et Michee,
interet legitime. Hemor offre de grands presents afin ni, 11. H. LESETRE.
d'obtenir .que Dina soit accordee .pour epouse a son
ills Sichem. Gen., xxxiv, 12. Sur le present ou mohar 1. PRESENTATION de la Sainte Vierge au Temple
que Pepoux doit offrir aux parents del'epouse, voir DOT, de Jerusalem. Voir MARIE, t. iv, col. 778-780.
t. H, col. 1496. Jacob envoie des presents a Joseph, pour
gagner ses bonnes graces. Gen., XLIII, 11, 25, 26. Quand 2. PRESENTATION DE JESUS AU TEMPLE. —
Saul, a la recherche de ses anesses, songe a consulter 1° Saint Luc raconte que, quand les jours de sa (ou de
le voyant, il se prepare a lui offrir un present. I Reg., leur) purification furent accomplis, « Marie et Joseph
ix, 7. Ainsi precedent, vis-a-vis d'hommes de Dieu, porterent 1'Enfant a Jerusalem pour le presenter au
Jeroboam, III Reg., xni, 7; Naaman, IV Reg., v, 15, et Seigneur, suivant ce qui est ecrit dans la loi du Sei-
Hazael, IV Reg., vm, 8-9. — 2. Des presents sontofferts gneur. » Luc., ii, 22-24. L'Evangeliste vise deuxlois, celle
a des rois dont on veut se menager la favenr. Aod esl qui ordonnait de consacrer au Seigneur tout male pre-
charge de porter des presents a Eglon, roi de Moab. mier-ne, Num., vu, 17; xvm, 16-17, et celle qui pres-
Jud., in, 15, 18. De cette espece sont les tributs plus crivait le sacrifice a offrir pour la purification de sa mere
ou moins volontaires, mais decores du nom de pre- quarante jours apres la naissance de 1'enfant. Lev., xn,
sents, qui sont payes par les Moabites a David, II Reg., 2-4. La Sainte Vierge ayant seule a etre puriiiee legale-
vm, 2, 6; par les Philistins a Salomon, III Reg., iv, ment, on comprend que la Vulgate parle des jours de
21; par Asa a Benadad, III Reg., xv, 19; par Achaz au « sa purification ». Mais la plupart des manuscrits grecs
roi d'Assyrie, IV Reg., xvi, 8; II Par., xxvm, 21; par portent ici le pluriel, « leur purification », D'apres ce
les Philistins a Josaphat, II Par., xvn, 11; par les texte, il faut comprendre sous le nom de purification
Ammonites a Ozias, II Pari, xxvi, 8; par Ephrai'm aux la presentation de 1'Enfant et le sacrifice de la mere, et
nations voisines, Os., vm, 9; par Tryphon a Jonathas, le pronom au pluriel concerne Marie et Jesus, presente
I Mach., xii, 43, etc. Le roi Osee se deroba a 1'obliga- lui-mSme a son Pere. Selon la loi, Num., xvin, 16, le
tion d'offrir des presents au roi d'Assyrie. IV Reg., premier-ne appartenait au Seigneur. Mais, comme le
XVH, 4. — 3. On offre des presents a quelqu'un pour le service direct du Seigneur avait ete reserve a la tribu
gagner ou 1'adoucir. David, pour pallier son crime, en- de Levi, les premiers-nes qui s'en trouvaient ainsi
voie des presents a Urie. II Reg., xi, 8. Antiochus Epi- exemptes devaient etre rachetes, au prix de cinq sides
phane en oflre a Matathias et aux Juifs de son parti d'argent, a 1'age d'un mois. La loi ne prescrit pas en
pour qu'ils se soumettent. I Mach., ir, 18. L'homme termes expres la presentation du premier-ne au Sei-
outrage dans son honneur de famille demeure inflexible gneur, mais 1'usage avait ainsi interprete la loi qui
et n'accepte pas les presents. Prov., vi, 35. — Ces ordonnait de le « sanctifier » (consacrer dans le texte
sortes de presents frayent la voie a un homme et lui hebreu) a Dieu. Exod., xra, 2; Num., vm, 17. « Quand
donnent acces aupres des grands. Prov., xvm, 16. Mais les jours de sa (ou de leur) purification (les quarante
ils engendrent facilement des abus. Le roi qui en est jours) furent accomplis, dit saint Luc, n, 22-23, selon
avide ruine son pays. Prov., xxix, 4. Le present injus- la loi de Moi'se, Joseph et Marie le porterent a Jerusa-
tement acquis perira. Eccli., XL, 12. Celui qui se glo- lem pour le presenter au Seigneur, comme il est ecrit
rifie de presents trompeurs, c'est-a-dire, comme traduit dans la loi du Seigneur : Tout male premier-ne sera
la Vulgate, qui en promet mais ne les donne pas, est consacre au Seigneur. » Plus que toute autre mere, la
un nuage ou un vent sans pluie. Prov., xxv, 14. En Sainte Vierge devait etre portee a offrir au Seigneur son
somme, celui qui hait les presents, vivra. Prov., xv, 27. divin Enfant. Elle savait que eet Enfant, destine au seul
3° Presents corrupteurs. — i. II y a des presents in- veritable et efficace sacrifice pour le genre humain,
fames, qui sont le salaire de la prostitution. Ezech., avait hate de faire precedersa future immolation d'une
xvr, 33. — 2. Bien plus frequemment, il est question offrande officielle de lui-meme dans le Temple. D'autre
dans la Sainte Ecriture de la corruption introduite par part, elle n'ignorait pas les propheties, et, sans nul
DICT. DE LA BIBLE. V. - 20
611 PRESENTATION DE JESUS AU TEMPLE — PRESS01R 612
doute, comprenait que Jesus les realisait par sa pre- 1858-1877; L'ecole critique et Jesus-Christ, in-8°, Paris,
sence : « Je remplirai de gloire cette maison;... grande 1863; Le pays de VEvangile, in-12, Paris, 4864; Jesus-
sera la gloire de cette maison, la derniere plus que la Christ, son temps, sa vie, son ceuvre, in-8° et in-12,
premiere. » Agg., 11, 7, 9. « Soudain viendra dans son Paris, 1866 (plusieurs editions); fitudes evangeliqfCe&t
Temple le Seigneur que vous cherchez, 1'ange de in~12, Paris, 1867; Saint Paul juge par Renan,
Palliance que vous desirez. Voici, il vient, dit Jehovah in-8«, Paris, 1869. — Cf. Theophile Roussel, Notice sur
des armees. » Mai., in, 1. Pendant sa vie publique, le la vie et les ceuvres de M. de Pressense, in-8°, Paris,
Sauveur devait accomplir ces propheties dans toute 1894. 0. REY.
leur plenitude. Maisilne pouvait attendre jusqu'a cetle
epoque pour paraitre dans la maison de son Pere. Car PRESSOIR (hebreu: gat, yeqeb, purdh; Septante:
la volonte de ce Pere etait qu'il y fut apporte peu apres >,v)v6c, TrpoXr ( vtov, vJioXrjvcov; Vulgate : torcular), appa-
sa naissanee. Le saint vieillard Simeon avait recu la reil servant a faire sortir le jus contenu dans les
promesse « qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le raisins, les olives, etc.
Christ du Seigneur », et il fut envoye dans le Temple 1° Le pressoir se compose essentiellement d'une
pour le saluer, pendant que, de son cote, la prophetesse cuve dans laquelle on fait arriver le jus des fruits.
Anne, sur le declin de sa vie, lui rendait hommage et Cette cuve s'appelle gat, Xrivd?. Le yeqeb designe la
parlait de lui « a tous ceux qui, a Jerusalem, attendaient meme cuve, en tant que placee au-dessous de 1'appareil
la redemption. » Luc., n, 26-38. Comme cette presen- a pression, UTtoX^vtov. Le upoXvivtov est la cuve placee
tation n'etait pas specialement reglee par la loi, les non plus au-dessous, mais en avant. La purdh, de
pretres n'eurent pas a intervenir pour la faire, et il se pur, « broyer », est 1'appareil a pression. Le torcular,
trouva que Marie, la plus pure et la plus sainte des crea- de torqueo, « tordre », a le meme sens que purdh.
tures, cut a remplir cet office exterieurement, pendant Tous ces mots d'ailleurs designent 1'ensemble de
qu'interieurement le Verbe incarne renouvelait 1'of- 1'appareil, bien qu'ils n'en nomment qu'une des par-
frande qu'il avait faite deson humanite des le.premier ties. Parrni les pressoirs anciens, il y en a qui sont a
instant de son union hypostatique. Heb., x, 5. torsion. Tel est un pressoir egyptien se composant d'un
2° La presentation du Sauveur, racontee par 1'Evan-
gile m6me, fut de bonne heure 1'objet d'une fete chre-
tienne. A la fin du ive siecle, \&iPeregrinalio Silvise, 60,
la mentionne comme celebree a Jerusalem quadrage-
simse de epiphania, « le quarantieme jour de 1'epipha-
nie », c'est-a-dire de la naissanee du Sauveur, selon le
langage oriental. Justinien en prescrivit la celebration
dans son empire en 542, a 1'occasion d'une peste. Les
Grecs appelaient cette fete uuaTcavr/i, « rencontre », a
cause de la rencontre au Temple de Jesus etses parents
avec Simeon et Anne. A Rome, elle est mentionnee par
le sacramentaire de saint Gelase, 11, 8, t. LXXIV, col. 1158, 164. — Pressoir Egyptien a torsion. Beni Hassan.
entre 492 et 496, sous le nom de purificatio. La litur- D'apr^s Wilkinson, Manners and customs of the ancient
gie latine appelle cette fete la « Purification de la Egyptians, 2" edit., 1.1, fig. 160, p. 383.
B. V. Marie »; mais les souvenirs evangeliques y
tiennent une tres grande place et, en consequence, s'il sac oblong et permeable, fixe par ses exlrernites a deux
y est question de la tres sainte Vierge, il y est encore poteaux (fig. 164). Quand le raisin est enferme dans le
plus parle du divin Enfant, des propheties qui annoncent sac, on soumet celui-ci a une forte torsion, et le raisin
son apparition et des circonstances qui accompagnerent comprime laisse echapper son jus dans une cuve, qui
sa presentation. Cf. Kellner, Heortologie, Fribourg-en- est un yiroXViov. C'est la un torcular proprement dit.
Brisgau, 1901, p. 116-118. H. LESETKE. D'autres fois le raisin est foule aux pieds (fig. 165).
Un autre pressoir egygtien (fig. 166) consiste en un
PRESLES (Raoul de), traducteur de Ja Bible en grand recipient dans Jequel on a verse le raisin. Sept
francais, mort en 1382. II fut avocat general au parle- hommes le foulent aux pieds, en se tenant par Jes
ment de Paris et puis maitre des requetes de 1'hotel mains a des cordes qui pendent d'un chassis superieur.
de Charles V, roi de France. II traduisit et composa Sur deux cotes du recipient, des cuves, qui sont des
plusieurs ouvrages. Nous n'avons a mentionner ici que irpoX^via, regoivent le jus. Beaucoup de monuments
sa traduction francaise des Saintes Ecritures. Voir anciens represented des vendangeurs qui foulent aux
FRAN£AISES (VERSIONS) DE LA BIBLE, iv, 3, t. in, pieds le raisin ou d'autres fruits dans des cuves.
col. 2960. Cf. Diet. d'archeol chret., 1.1, fig. 385, col. 1616; fig. 387,
col. 1617; fig. 411, col. 1643; fig. 973, col. 2871, etc.
PRESSENSE (Edmond de), theologien protestant, Dans le pressoir a levier (fig. 167), primitivement
ne a Paris le 3 juin 1824, morl dans cette ville le 8 avril employe en Grece et en Italic, une lourde pierre
1891. Au termede ses etudes theologiques, commencees pese sur les raisins ou les olives. Ces fruits sont
a Lausanne (1842-1845) sous la direction de Vinet, et retenus par un panier ou par des lattes. Une longue
poursuivies a Halle et a Berlin avec Tholuck et Neander poutrelle, articulee a Tune de ses extremites, sert a
pour maitres, Pressense fut nomine pasteur de 1'eglise soulever la pierre pour placer le panier, et ensuite a
Taitbout a Paris (1847). En 1870 il resigna ses, fonc- augmenter la pression par la pesee que des hommes
tions, pour remplir celles d'aumonier des ambulances a exercent a 1'extremite libre. Ce pressoir parvenait a
la frontiere. De retour a Paris il partagea son activite extraire ce qui restait de jus dans les raisins deja fou-
entre la politique, la Revue chretienne, fondee par les, ou 1'huile dans les olives deja ecrasees. D'autres
lui en 1854 et qu'il dirigea pendant 37 ans, et la publi- pressoirs moins encombrants furenl inventes par la
cation de nombreux ouvrages. Le 11 Janvier 1890,1'Aca- suite. Cf. Rich, Diet, des antiquiles rotnaines et
demie des sciences morales et politiques lui ouvrit ses grecques, trad. Cheruel, Paris, 1873^ p. 655-659. — Les
portes, une annee avant sa mort. — Sans parler des pressoirs a huile de Palestine ressemblaient un peu a
nombreux articles de la Revue chretienne, relatifs aux des naeules a ble. Voir t. m, fig. 157, col. 773. Sur
etudes bibliques, on^a de lui : Histoire des trois pre- une pierre creusee en cuvette, une meul£ pouvait tour-
miers siecles'de V£glise chretienne, 6 in-8°, Paris, ner, soit a la main, soit a 1'aide d'une traverse de bois
613 PRESSOIR 614
passant a travers la meule et raise en mouvement par dans la Bible. Le pressoir ou la cuve sont nommes
des hommes ou des animaux. — « Encore aujourd'hui, pour designer leurs produits. Num., xvm, 27, 30;
en Palestine et en Syrie, on creuse le pressoir dans la Deut., xv, 14; xvi, 13; IV Reg., vi, 27. Gedeon battait
vigne. Le raisin est entasse sur une aire de fortes son froment sur son pressoir, c'est-a-dire sur 1'aire
165. — Pressoir egyptien dans lequel le raisin est fou!6 aux pieds.
fD'apres Wilkinson, Manners and customs of anc. Egyptians, 2" edit., t. n, p. 192.
dalles, entouree d'une bordure en pierres et adossee a dallee qui servait d'ordinaire a presser le raisin. Jud.,
une muraille. La il est foule aux pieds, puis fortement vi, 11. Des pressoirs sont signales pres du Jourdain,
presse a 1'aide de poutres engagees dans le mur. Le Jud., vii, 25, et dans le voisinage de Sichem. Jud., ix,
mout s'ecoule dans des fosses, profondes d'un metre, 27. Job, xxiv, 11, parle des pauvres gens que le riche
occupe a exprimer 1'huile dans ses celliers et a fouler la
vendange au pressoir. Dans une vigne, on batissait
d'ordinaire une tour et un pressoir, Is., v, 2; Matth., xxi,
33; Marc,, xii, 1, le pressoir pourfaire le vin sur place,
la tour pour y poster un veilleur charge d'ecarter les
'maraudeurs. Voir TOUR. Zacharie, xiv, 10, parle de
« pressoirs du roi » attenant a 1'enceinte m6me de Jeru-
salem, et probablement voisins des jardins royaux, au
sud de la ville. Voirt. m,col. 1132. Gethsemani marque
1'emplacement d'un pressoir a huile. Voir t. HI, col. 230.
Les villes de Geth, « pressoir », Gethai'm, « les deux
pressoirs », Gethhepher, «le pressoir de 1'excavation »,
ont du leur.origine a des pressoirs. Voir t. in, col. 223,
227, 228. On trouve encore en Palestine de nombreux
restes d'anciens pressoirs (fig. 169), plus ou moins de-
formes et enfouis sous la terre et les broussailles, dans
les collines du sud de la Judee, enlre Hebron et Ber-
sabee; il y en a beaucoup au mont Carmel et aux en-
166. — Grand pressoir egyptien. Thebes. virons de Caiiffa, en Galilee et specialement pres de
D'apres Wilkinson, Manners, t. i, fig. 162, p. 385. Cedes. Cf. Tristram, The natural History of the Bible,
Londres, 1889, p. 409. — Nehemie rappela a 1'ordre
enduites avec soin. Quand il y a depose ses impuretes, des hommes qu'il vit fouler au pressoir un jour de
on le porte dans une chaudiere etablie tout aupres, ou sabbat. II Esd., xm, 15. A 1'Israelite fidele, il etait
il recoit une legere cuisson avant d'etre mis en barils promis que sa cuve deborderait de vin nouveau. Prov.,
pour fermenter. On rencontre quelquefois despressoirs in, 10. Par contre, en Moab, chatie par le Seigneur, le
de ce genre tout entiers tailles dans le roc. » Jullien, vendangeur ne foule plus le vin dans les cuves, Is.,
L'figypte, Lille, 1891, p. 261. xvi, 10, et, chez les Israelites infldeles, quand on venai^t
2° La Palestine etait un pays de vignes. Aussi les au pressoir pour y puiser cinquante mesures, il n'y en
pressoirs sont-ils 1'objet d'assez nombreuses mentions avait que vingt, Agg., n, 17, ou bien on pressait 1'olive
615 PRESSOIR 616
et le raisin, mais on n'en jouissait pas. Mich., vi, 15. 15, A la mSme idee se rapporte la pression, 6Xfy;;,
Cf. Ose., ix, 2. — Oil chantait et on poussait des cris pressura, de la femme qui enfante, Joa., xvi, 21, et
de joie en foulant le raisin au pressoir. Le Seigneur celle qu'endure le Chretien de la part des persecuteurs.
fait dire de Moab, Jer., XLVIII, 33 : Joa., xvi, 33; II Cor., i, 4; Phil., i, 17. — Dieu, dans
J'ai fait tarir le vin des cuves;
1'exercice de sa puissance ou de sa justice, est compare
On ne le foule plus au bruit des cris de joie : au vendangeur qui travaille au pressoir. Isai'e, LXIII, 2-6,
Ge sont des cris de guerre et non des cris de joie. represente en ces termes le jugement exerce contre
Edom, figure des ennemis des serviteurs de Dieu :
3° Le pressoir fournit matiere a des comparaisons Pourquoi y a-t-il du rouge a ton ^etement,
expressives. L'auteur de 1'Ecclesiastique, xxxm, 16,17, Et tes habits sont-ils comme quand on foule au pressoir?
apres avoir consacre ses veilles a la sagesse, se dit sem- J'ai etc seul a fouler au pressoir,
Et parmi les peuples personne n'a 6t6 arec moi;
Je les ai foules dans ma colere,
Ecrases sous mes pieds dans ma fureur;
Le jus a jailli sur mes habits
Et j'ai souille tout mon vetement...
J'ai ecras£ les peuples dans ma colere...
Et j'ai fait couler leur sang a terre.
Eehdle
COUPE en A B M'Beietha
de Baris - 2*!* G9Bpore~ Er—
lr.e Coupure C 7S8
Homo, la condamnation a mort. La caserne turque ac- et on ne laissa subsister que le massif rocheux qui sup-
tuelle etant regardeecommel'emplacementdu Pretoire, portait la tour Baris. Par suite de ce travail, le rocher
c'est de la que part la Voie douloureuse. Cette opinion, sur lequel est assise la caserne turque fut taille a pic
attaquee de nos jours par plusieurs savants catholiques, sur toutes ses faces. II forme, dans son ensemble, un
a ete defendue en particulier, avec ampleur et ardeur, bane trapezoi'de, long de 110 metres, large de 40 en
par le P. Barnabe d'Alsace, Le Pretoire de Pilate et la moyenne, et, a 1'ouest, une equerre dont la branche qui
forteresse Antonio,, in-8°, Paris, 1902. II etudie la va du nord au sud n'a que 9 metres de largeur. Du cote
question au point de vue archeologique, historique et sud, 1'escarpe de ce bloc immense a une hauteur maxima
traditionnel; cette question est trop importante pour de 10 metres, tandis que, au nord, la taille perpendi-
que nous ne donnions un resume des considerations culaire n'a guere plus de 5 metres. La contrescarpe,
de 1'auteur. c'est-a-dire la coupure du mont Bezetha, a ete retrou-
Au moyen de 1'archeologie et de 1'histoire, le P. Bar- vee a 70 metres au nord du rocher Baris; elle se dirige
nabe a cherche d'abord a reconstituer le Pretoire, c'est de 1'ouest a Test, mais, a 1'ouest, elle fait un coude
a-dire la forteresse Antonia, telle qu'elle devait etre au comme pour contourner en lignes paralleles le massif
temps de Notre-Seigneur. On sait que cette forteresse de la citadelle, et, dans 1'eglise de VEcce Homo, onvoit
se trouvait a Tangle nord-ouest de 1'esplanade du Temple le rocher taille verticalement sur une hauteur de
et avait succede a 1'antique Baris. Cf. Josephe,Awt. jud., 4 metres. Cette coupure a en realite 5 a 6 metres de
XV, xi, 4; XVIII, iv, 3. Elle etait destinee a proteger de hauteur au-dessus du sol rocheux qui s'etend sous
ce cote 1'enceinte sacree; le mont Moriah, en effet, en- 1'eglise, tandis que, au nord, la difference de niveau
toure partout ailleurs de ravins profonds, se rattachait atteint environ 9 metres. En creusant les premiers fon-
au nord a la masse rocheuse appelee mont Bezetha, dements du monastere des Dames de Sion, on a de-
631 PRfiTOIRE 632
couvert egalement une ancienne piscine, taillee dans ou se rendait la justice, lorsque le procurateur y habi-
le roc, divisee en deux branches paralleles, qui se tait, en un mot le pretoire, TJ auXri, o IOTIV TtpaiTeiptov,
dirigent du nord-ouest au sud-est; elle s'enfonce lege- suivant 1'expression de Marc., xv, 16. Le Lithostrotos
rement sous le rocher Baris, a Tangle nord-ouest. formait la cour inferieure et exterieure. Quoique situe
Tel etait le terrain sur lequel Herode batit TAntonia. a cinq metres en contre-bas de la cour interieure, il
Mais il n'en fit pas seulement une forteresse, il voulut n'en justifierait pas moins son autre nom de Gabbatha
aussi s'y menager un palais, avec peristyles, salles de ou « eleve » par sa position dominante; car il est place
bains et vastes cours. Cf. Josephe, Bell, jud., V, v, 8. au sommet d'une crete rocheuse, a laquelle montent
Pour cela, il dut necessairement elargir la citadelle de deux chemins, 1'un de Test, 1'autre de Pouest. La fla-
Baris, trop etroite pour porter les nouveaux monu- gellation, d'apres le P. Barnabe, p. 93, aurait eu lieu
ments. Ne pouvant, d'apres le P. Barnabe, 1'agrandir en dehors du Pretoire, comme aussi en dehors du Li-
du cote du sud, il Tetendit des autres cotes, et prin- thostrotos, dans le Heu specialement destine a ce genre
cipalement sur le plateau artificiel taille au nord. de supplice. Ajoutons enfln que deux escaliers des-
L'Antonia formait ainsi un vaste quadrilalere, enfer- cendaient, du cot£ du sud, sur 1'esplanade du Temple,
mant dans son enceinte le rocher de Baris, qu'il depas- pour permettre a la troupe de reprimer les premiers
sait. Voir fig. 171. Quatre grosses tours, reliees par des mouvements seditieux. D'autre part, le P. Barnabe,
Bailments divers
portiques, le flanquaient aux quatre coins; un fosse, p. 56-77, au lieu de rattacher la seconde enceinte de
dont le Birket hrail est considere comme le terminus, Jerusalem a Vangle nord-ouest de 1'esplanade du
le separait du mont Bezetha. Une porte monumentale Temple, la fait passer au nord des constructions dont
a trois baies s'ouvrait vers la ville, du cote de 1'ouest. nous venons de parler et la ramene a Tangle nord-est
Cette porte ne serait autre que 1'arc de YEcce Homo, (fig. 5, p. 16). Apres avoir ainsi reconstitue TAntonia,
qui, comme on le sait, se compose d'un grand arc en il avoue, p. 85, que Thistoire ne fournit aucun argu-
plein cintre, a cheval sur la rue, et d'une arcade plus ment peremptoire pour y placer le Pretoire de Pilate;
petite, qui se trouve dans Peglise des Dames de Sion, il y a simplement une tres grande probabilite pour
et dont le pendant ou collateral sud a cornpletement que, pendant les fetes de la Paque, le procurateur ait
disparu. Voir JERUSALEM, t. in, col. 1342. Le P. Barnabe prefere la citadelle au palais du mont Sion. Ce dernier
le compare a la porte monumentale d'un camp preto- se trouvait eloigne du Temple et de la caserne princi-
rien. En avant et au dela, s'etendait un beau pavement, pale ou les troupes se tenaient concentrees, ce qui
qu'on a mis a decouvert a un ou deux metres au-dessous devait paralyser tout commandement prompt et rapide,
du niveau de la rue, et qui se continue jusque dans qu'auraient necessite les circonstances (p. 84).
1'enclos de la Flagellation. II est forme de grandes Le P. Barnabe cherche a faire valoir en sa faveur les
dalles de pierre Ires dure, dont 1'epaisseur varie entre premiers temoignages traditionnels. Ainsi, en ce qui
35 et 45 centimetres; devant et derriere 1'arc, elles sont concerne le pelerin de Bordeaux, il reconnaitbien(p. 141)
striees par des cannelures transversales. Ce serait le que « les mots en bos, dans la vallee, designent evi-
Lithostrotos. Trois escaliers descendent au fond de la demment ce qu'on appelle aujourd'hui YEl-Wad, la rue
piscine. La residence royale, par la me'ine le palais du du Vallon, rue qui suit un moment la Voie doulou-
procurateur se trouvait sur le rocher Baris, dominant reuse ». Mais on aurait mauvaise grace a demander aux
toute 1'enceinte du Temple; on y accedait du Lithos- anciens pelerins une precision mathematique. Et puis,
trotos par un escalier, la Scala Santa de Rome. C'est d'apres M. de Vogue, il ne faut pas prendre a la lettre
la, an milieu des bailments qui constituaient le palais, les expressions deorsum in valle, et conclure que, pour
que devait £tre 1'atrium interieur, la cour principale le pelerin de Bordeaux, le Pretoire etait dans le val du
633 PRETOIRE 634
Tyropoeon; le mont Sion domine beaucoup le Serail du Moriah. II semble de prime abord qu'elle etait des-
actuel, qui, vu du haut, est sur un plan inferieur et tinee a servir de fosse, a rendre la citadelle plus inac-
parait, pour ainsi dire, dans une vajlee. Au ive siecle, cessible de ce cote. Josephe lui-meme rapporte, Bell,
du reste, le fond duvallon s'etendait vers la forteresse jud., V, v, 8, que 1'Antonia £tait assise sur un rocher
Antonia un peu plus qu'aujourd'hui, comme 1'indique « escarpe de tous cotes, Tteptxp^fxvou 8s •Ka.a^, revetu
la mosai'que trouvee dans Peglise de Notre-Dame du du haut en has de pierres polies, pour Pembellissement
Spasme, et qui est a une centaine de pas seulement de de Pedifice, mais aussi pour faire glisser quiconque
1'arc Ecce Homo, a six ou sept metres au-dessous du aurait voulu monter ou descendre ». Quelle eut Jete
pied de 1'arc. L'expression «. descendit », qu'on ren- Putilite de cette muraille septentrionale, si on la suppose
contre dans Pitineraire de Pierre PIbere, est parfaite- precexlee d'autres constructions et munie d'un escalier
ment justifiee, audire de M. Clermont-Ganneau, Recueil qui eut relie les appartements superieurs aux cours
d'archeologie orientate, Paris, 1900, t. in, p. 229, la inferieures? Cette coupure n'est-elle pas le fosse pro-
cote d'altitude du parvis de 1'eglise du Saint-Sepulcre fond dont parle Josephe, Sell, jud., V, iv, 2, « creuse
etant de 2479 pieds anglais (755 metres) et celle de la a dessein » pour que les fondements de 1'Antonia fussent
Voie douloureuse, a Tangle nord-ouest de la caserne, moins accessibles et plus hauts *> Meme en admettant la
etant de 2448 (745 metres). Quant aux chiffres de Theo- reconstitution proposee par 1'auteur, on se demande
dose, il faut absolument s'en passer, tant ils sont sujets comment la concilier avec la direction de la seconde
a caution. Les deux points suivants seuls sont a consi- enceinte de Jerusalem. Nous reconnaissons que cette
derer : 1° Le pelerin nous conduit au Pretoire en se seconde ligne de fortifications est hypothetique en plu-
rendant a la piscine probatique et a 1'eglise de Sainte- sieurs points, mais ses deux points d'attache sont cer-
Marie; 2° pres du Pretoire, est creusee la fosse dans tains, puisque Josephe, Bell, jud., V, iv, 2, nous dit
laquelle fut jete le prophete Jeremie; or la tradition a qu'elle partait de la porte Gennath et se prolongeait
persiste a placer cette fosse au nord-est du Temple, « jusqu'a PAntonia ». Voir JERUSALEM, t. m, col. 1360.
dans le quartier qui renferme 1'eglise de Sainte-Marie II est done tout naturel de croire que, venant de 1'ouest,
ou Sainte-Anne; done le Pretoire etait non loin de ce elle allait buter contre 'la paroi occidentale de la forte-
dernier edifice. Enfin Antonin de Plaisance rencontre resse, c'est-a-dire contre son angle nord-ouest. Ce qui
le Pretoire pres du portique de Salomon, au-devant confirme cette supposition, c'est la direction meme de
-des mines du Temple. « Or, comme Ponce Pilate n'a la contrescarpe, qui, descendant du nord au sud, fait,
absolument pas pu etablir sa residence et celle de sa en face de Pare de I'Ecce Homo, un detour a angle
cohorte pai'enne, ni sur la plate-forme du Temple, ni droit et s'en va du cote de 1'ouest, le long de la Voie
au pied du mur de 1'enceinte sacree, saint Antonin ne douloureuse. Cette derniere ligne semble done bien
put trouver la basilique de Sainte-Sophie qu'a 1'autre indiquer celle que suivait le fosse et, par consequent,
extremite du hieron, au nord, a Femplacement de la le mur de la seconde enceinte. Mais, s'il en est ainsi,
forteresse Antonia. » Et en effet « les ruines du temple la porte monumentale dont on decore PAntonia se trou-
de Salomon ne furent jamais montrees au pied du mur vait en dehors des murs et donnait sur le fosse, ce qui
d'enceinte, qui a une hauteur enorme sur trois de ses est inadmissible. Le P. Barnabe (fig. 5, p. 16) remedie
cotes, mais bien sur la plate-forme elle-meme, et ce a cet inconvenient en conduisant « la ligne supposee
n'est qu'au nord qu e le rocher de Baris se dressait en de la deuxieme enceinte » par-dessus le mont Bdzetha
avant des ruines du temple. Quant au portique de Salo- et la faisant aboutir a Pangle nord-est de 1'enceinte du
mon, nousavons deja vu que saint Willibald en indique Temple. C'est se mettre en opposition absolue avec
les ruines non loin de la piscine probatique ». Barnabe, Josephe, puis a quoi aurait servi cette muraille batie
op,, cit., p. 153, 154. Inutile d'aller plus loin; tout le en plein sur le mont Bezetha? II eut done fallu un
monde concede que dans les sept derniers siecles la second fosse pour la defendre. D'autre part, le meme
tradition de 1'Antonia 1'emporte. auteur (p. 41) avoue que des archeologues distingues,
II est certain que 1'opinion qui vient d'etre exposee a comme MM. de Vogue et de Saulcy, apres avoir cru
quelque chose de seduisant; elle semble reconstruire reconnaitre dans Pare Ecce Homo un monument hero-
1'antique Pretoire d'une maniere si naturelle, si con- dien, un debris du palais de Pilate, ont fini par emettre
forme en apparence a 1'histoire et a 1'archeologie, que des doutes et lui assignor une date poste"rieure a la
les scenes evangeliques y revivent d'elles-mdmes. Elle Passion de Notre-Seigneur. D'ailleurs, si ses debris
donne tant de satisfaction a la piete traditionnelle, qui avaient subsiste, ils eussent ete des indices suffisants
depuis longtemps cherche a 1'Antonia et dans les envi- de Pemplacement de Pantique Pretoire. Comment se
rons 1'emotion des plus douloureux souvenirs, qu'on la fait-il alors que la plus ancienne tradition n'en parle
voudrait absolument certaine. Et pourtant, il faut pas? II va sans dire que le pavement de pierres ou
1'avouer, elle souflre bien des difficultes. Autant le Gol- Lithostrotos doit subir les incertitudes qui serattachent
gotha et le Saint-Sepulcre, malgre quelques attaques a Pare. II y aurait encore bien des objections de detail;
sans importance, sont des points absolument acquis celles que nous venons de faire montrent assez les
dans la topographie de la Passion, autant le Pretoire defauts de la reconstitution archeologique. Au point de
reste encore soumis a des incertitudes. Le P. Barnabe vue historique, nous avoaj; vu qu'il est tres difficile,
lui-mfime, p. 132, ne donne a sa conclusion qu'un sens sinon impossible, d'ayoir des donnees certaines, per-
negatif, lorsqu'il dit : « Par Petude du terrain, nous mettant d'affirmer qu'un des procurateurs ait reside a
croyons avoir bien clairement demontre que ni PEcri- PAntonia.
ture Sainte, ni Phistoire, ni Parcheologie ou les d£cou- La tradition elle-meme fait bien entendre quelques
vertes modernes ne s'opposent d'aucune facon a Pexis- protestations contre 1'usage qu'on en fait. Sans exiger
tence du pretoire de Pilate dans la forteresse Antonia : trop de precision des anciens pelerins, et, en donnant
bien au contraire. » Est-il bien vrai meme que la vieille a ces mots : deorsum in voile toute la latitude possible,
citadelle a pu servir de Pretoire? Plusieurs en doutent. il est difficile de les appliquer a PAntonia, meme vue
On nous dit d'abord qu'Herode ne pouvait etendre de Sion, puisqu'elle se trouvait sur la partie la plus
1'Antonia du cote du sud, parce qu'il avail deja prolonge elevee du mont Moriah. II en est de meme de 1'expres-
le hidron jusqu'au rocher de Bans. C'est une assertion sion « descendit » de Pierre PIbere; sans rechercher
que n'admettent pas de bonsarcheologues, et M. de Vogue, Pendroit precis ou sont prises les cotes, il est peu
en° particulier, ne 1'a pas compris ainsi. Voir TEMPLE. naturel de dire, en partant du Saint-Sepulcre, qu'on
Mais le plus grave est de porter les agrandissements « descend » a la caserne turque. Quant a Theodose, il
jusque dans la coupure artificielle quiseparait le Bezetha est sans doute inutile dediscuter la valeur de ses pas;
635 PRETOIRE 636
mais ce qui ressort de son temoignage; c'est que le Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1902, p. 123,
Preioire etait a peu pres a egale distance de Siloe et elle est plus ancienne que 1'eglise elle-meme. Elle n'a
de la piscine probatique. Or, 1'Antonia est debeaucoup pas etc faite pour servir d'ornement a 1'eglise, mais
plus pres de celte derniere. Antonin le Martyr place le pour consacrer un culte religieux, car elle etait ren-
Pretoire « devant les ruines du Temple de Salomon », fermee dans une partie de I'edifice ou elle ne pouvait
a 1'endroit ou « 1'eau coule vers la fontaine de Siloe, etre profanee. Elle fixe done un souvenir relatif a la
pres du portique de Salomon. » Cette eau qui coule Sainte Vierge ou a Notre-Seigneur. Or, il n'est pas ques-
dans la direction de Siloe semble bien £tre celle qui tion d'un sanctuaire de Notre-Dame du Spasme avant le
suit lapente naturelle duTyropceon, lelong del'enceinte xine siecle, et ceux qui en parlent ne mentionnent pas
du Temple. Le nom de « portique de Salomon » n'est la mosaique aux deux sandales. L'endroit d'ailleurs est
done pas a prendre ici dans son sens historique, comme trop eloigne de la Voie douloureuse pour avoir pu 6tre
indiquant Test du Temple, mais dans un sens general le point de rencontre de Jesus avec sa Mere. Des 1'an
que le pelerin donne aux restes salomoniens de 1'edifice 570, au contraire, Antonin de Plaisance declare avoir
sacre. venere 1'empreinte des pieds du Sauveur dans la basi-
2. Le Terrain des Armeniens- catholiques. — Une lique de Sainte Sophie. C'est done bien la meme basi-
seconde opinion, qui s'appuie egalement sur les donnees lique, tombee dans 1'oubli depuis 1'invasion persane,
evangeliques, traditionnelles et archeologiques, se rap- qu'on aurait retrouvee sur- le terrain armenien, « en
proche de la precedente en ce sens qu'elle place le has, dans la vallee, » selon les indications du Pelerin
de Bordeaux concernant le Pretoire, « devant les ruines
du Temple de Salomon », a 1'endroit ou « 1'eau coule
vers la fontaine de Siloe, » selon Antonin de Plaisance,
gens, enfants d'Israel, pour offrir des holocaustes a le culte de la divinite a laquelle il etait voue. Tous les
Jehovah et immoler des taureaux en actions de graces. pretres etaient assujettis a de multiples purifications
Exod., xxiv, 4-5. Puis les anciens d'Israel, et non les et devaient avoir la « voix juste » pour reciter correcte-
pretres, sont admis a monter sur la montagne. Exod., ment les formules de priere. Ils formaient une hierar-
xxiv, 9. On a pense que ces pretres n'etaient autres que chic savammentordonnee. Cf. Brugsch, Die Aegyptolo-
les premiers-nes, cf. S. Jerome, Epist. LXXHI, 6, t. xxn, gie, Lepzig, 1891, p. 275-291. A chaque culte etait pre-
col. 680, que Jehovah avait commandede lui consacrer, pose un souverain pontife, appele premier prophete
Exod., xm, 2, et qui furent ensuite remplaces par les quand il servait une divinite secondaire! Au temple de
levites. Mais rien ne prouve due les premiers-nes aient Ra, a Heliopolis, et dans ceux du me"me rite, il se nom-
ete appeles a remplir des fonctions sacerdotales si peu mait Oirou moou, «. maitre des visions »,parcequeseul,
de temps avant 1'institution du sacerdoce aaronique, et, avec le pharaon et le seigneur du nome, il avait le droit
d'autre part, les Hebreux devaient avoir depuis long- d' « entrer au ciel et d'y contempler le dieu », c'est-a-
temps des hommes marques pour offrir les sacrifices. dire de penetrer dans le plus intime du sanctuaire.
D'apres de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, Cf. Maspero, Histoire ancienne, 1.1, p. 123-125,303-305.
1897, p. 6, le sacerdoce aurait ete exerce en premiere Putiphar, « consacre a Ra », dont la fille Aseneth fut
ligne par les chefs de famille, sans prejudice du droit donnee en mariage a Joseph, etait pretre a Onou Helio-
quiappartenait aux fils, commeCain etAbel, Jacob, etc., polis, la meme ou Ra, le soleil, avait son temple. Gen.,
d'offrir des sacrifices en certains cas. Jacob, chef XLI, 45. La fonction de Putiphar devait etre la premiere
de famille et pretre, aurait transmis ses droits, non a du temple ou 1'une des principales. Le philosophe stoi'-
son aine, Ruben, mais a Joseph, qu'il appelle « prince cien Chceremon, qui vivait au milieu du ier siecle,
desesfreres ». Gen., XLIX, 26. Manasse, 1'ainede Joseph, ecrivit une histoire d'Egypte dont il he reste que des
aurait herite de la charge sacerdotale de son pere, et fragments. Cf. Josephe, Cont. Apion., i, 32-33. L'un
apres lui les pretres des Hebreux auraient ete choisis d'eux, conserve par Porphyre, et cite par saint Jerome,
dans sa tribu. Mais ensuite cette tribu serait devenue Adv. Jovin., 11,13, t. xxin, col. 302, decrit'en ces termes
indigne de son mandat; aussi Moi'se tint-il ses prfitres la vie des pretres egyptiens: « Ils mettent de cote toutes
a 1'ecart au moment de la promulgation de la loi et fit- les affaires et les preoccupations du monde, pour etre
il offrir les sacrifices par des jeunes gens choisis ailleurs. toujours dans le temple. Ils observent les natures des
Les pretres manasseens auraient ete les instigateurs etres, les causes et les lois des astres. Ils ne se me}«nt
<Ju culte rendu au veau d'or, et trois mille d'entre eux jamais aux femmes, et ne voient plus leurs parents,
auraient ete mis a mortparles fils deLevi. Exod.,xxxm, leurs allies ni meme leurs enfants, du jour ou ils com-
28. Plus tard, afin de briser davantage 1'orgueil de la mencent a se consacrer au culte divin. Ils s'abstiennent
tribu et couper court a ses preventions, Moiise 1'aurait absolument de viande et de vin, a cause de 1'affaiblisse-
divisee en deux, pour qu'une partie fut etablie a J'est ment des sens et du vertige de tete qu'ils eprouvent
du Jourdain et 1'autre a 1'ouest. Ces conjectures sont meme apres en avoir pris tres peu, et surtout a cause
specieuses; mais on ne peut demontrer historiquement des appetits desordonnes qu'engendrent cette nourriture
ni la transmission exclusive du droit sacerdotal de et cette boisson. Ils rnangent rarement du pain, pour ne
Jacob a Joseph, ni la fixation du sacerdoce dans la tribu pas se charger 1'estomac; et quand ils mangent, ils
de Manasse. Pendant le sejour des Hebreux en Egypte, prennent avec leurs aliments de 1'hysope pile, pour
le sacerdoce continua a etre exerce parmi eux dans des que sa chaleurfasse digererune nourriture troplourde.
conditions sur lesquelles les renseignements nous font ... Au meme titre que la viande, ils s'abstiennent d'osufs
defaut. Quand Dieu voulut instituer les ceremonies de et de lait... Leur couche est faite avec des branches de
son culte, il etait naturel qu'il mil de cote 1'ancien palmiers; un escabeau incline et pose a terre sert de
sacerdoce, quel qu'il fut, pour en creer un nouveau. coussin a leur tete; ils supportent des jeunes de deux,
II. SA.CERDOCES IDOLATRIQUES. — Les coutumes primi- trois jours. » Cf. Porphyre, De abstin., iv, 6-8. Ce por-
tives etaient passees a tous les peuples, mais elles trait ne s'appliquaitqu'a une elite des pretres egyptiens,
s'etaient transformees suivant les conditions particu- ceux qu'on appelait prophetes, tepofrroXtorac', « charges
lieresa chacun d'eux. Quand ceux-ci se creerent de mul- des habits sacres des dieux », scribes, et wpoXoyot,
tiples divinites, ils ne manquerent pas de mettre a leur « ceux qui disent 1'heure », et encore n'est-il pas certain
service des hommes ou meme des femmes ayant les que ces coutumes ascetiques remontent tres haut. On
attributions sacerdotales. voit cependant que certaines pratiques sont communes
1° Chez les Egyptiens. — Le pharaon exercait la aux pretres egyptiens et a ceux d'Israel.
haute maitrise sur tous les cultes de son empire; il 2° Chez les Babyloniens. — En Chaldee, comme en
officiait devant tous les dieux, sans etre specialement Egypte, le roi etait le pretre par excellence; il pre-
pretre d'aucun, et mettait a la tete des temples les plus nait le titre de patesi ou « vicaire » de la divinite.
richement dotes, comme ceux de Pthah Memphite ou Les fonctions journalieres du sacerdocc etaient remplies
de Ra Heliopolitain, les princes de sa famille ou ses par des pretres, soil hereditaires, soit recrutes, for-
serviteurs les plus fideles. Le seigneur feodal exercait mant une hierarchie sous la conduite du grand-pre"tre
sa juridiction sur les temples de son territoire et il y de chaque temple. Les grands-pretres des divinites
«xercait le sacerdoce. Toute une hierarchie.de pretres principales, Bel-Mardouk, Sin et Schamasch, partici-
remplissaient les autres fonctions. Ils etaient de toute paient a la suprematie de leur dieu. Parmi les pretres,
origine et il n'y avait pas de regies speciales pour leur les issakku presidaient aux libations, les sangu gouver-
recrutement; mais ils tendaient a rendreleur situation naient les differentes parties du domaine de la divinite,
- hereditaire et leurs enfants occupaient presque toujours les kipu et les satammiJi veillaient a ses interets finan-
leur place, de sorte que les pretres egyptiens finirent ciers, les pasiSu s'occupaient des details du culte; au-
par constituer une sorte de caste sacree. Les temples dessous d'eux venaient les sacrificateurs et leurs aides,
les logeaient, lesnourrissaientdu produitdes sacrifices les devins, les augures, les prophetes, les hierodules
et leur assuraient des revenus en rapport avec leur de toute espece. Tous vivaient des revenus du dieu
rang; de plus, ils etaient exempts des impots ordihai- et des offrandes qui lui etaient apportees. Cf. Maspero,
res, du service militaire et des corvees. Les nombreux Histoire ancienne, t. i, p. 675-679. Le grand-pretre s'ap-
serviteurs et scribes qni les entouraient partageaient en pelait sangamahhu; sous ses ordres agissaient Yasipu
fait les memes privileges. II y avait la tout un monde et le bdru. Uasipu ou « enchanteur » etait une sorte
qui echappait aux charges communes. Le pretre egyp- d'exorciste charge de conjurer les mauvais esprits, causes
tien avait a veiller aux mille formalites que comportait des maladies et de tous les maux qui affligent 1'huma-
DICT. DE LA BIBLE. V. - 21
643 PRETRE
nite; il consacrait les idoles destinees aux temples et en temps dans 1'histoire d'Israel. Voir ASTARTHE, BAAL>
presidait certaines ceremonies expiatoires. Le bdru ou 1.1, col. 1180, 1315.
« voyant », dont la fonction etait hereditaire, interpre- 5° Chez les Greco-Romains. — Les pretres des cultes
tait la volonte des dieux et rendait des oracles en leur greco-romains apparaissent dans les derniers recits de
nom; il exercjait to us les genres de divination et pre- 1'histoire Israelite et dans ceux du Nouveau Testament.
sidait aux sacrifices de caractere pacifique et eucharis- Voir BACCHUS, t. I, col. 1374; DIANE, t. u, col. 1405;
tique. Le bdru devait realiser certaines conditions pour HERCULE, JUPITER, t. in, col. 602,1866; MERCURE, t. iv,
pouvoir se presenter dans le sanctuaire de 1'oracle, col. 991. Cf. Dollinger, Paganisme et judaisme, trad.
Stre « issu d'un pretre, d'un pere pur », et etre «. lui- J. de P., Bruxelles, 1858,1.1, p.280-287, t. m, p. 93-109.
meme accompli dans sa forme et dans ses propor- III. SACERDOCE MOSAIQUE. — i. SON INSTITUTION. —
tions ». Il ne pouvait exercer sa charge si ces conditions Au Sinai', Dieu donna 1'ordre a Moi'se de prendre son
faisaient defaut, et de plus s'il etait « aigu quant aux frere Aaron et les ills de celui-ci, Nadab, Abiu, Eleazar
yeux », c'est-a-dire louche ou borgne ou avec un ceil et Ithamar, pourqu'ils devinssent pretres a son service.
creve, a brise quant aux dents », avec une ou plusieurs Exod., XXVHI, 1. II prescrivit ensuite tout ce qui con-
dents de moins, ayant « un doigt mutile, la chair noi- cernait leurs vetements et* leur consecration. Exod.,
ratre, des abces, de la lepre, un ulcere purulent », ou xxvm, xxix. Lorsque tous les objets necessaires au
d'autres infirmites analogues. II devait posseder une culte furent prepares et que Jehovah cut pris possession
doctrine solide et savoir a fond ce qui etait necessaire du Tabernacle, Exod., XL, 34-38, Moi'se proceda a la
dour ne pas commettre la moindre infraction a un consecration d'Aaron et de ses fils, Lev., vm, 1-36, et
rituel complique. Le bdru et I'asipu avaient aussi a huit jours apres, leur fit inaugurer leurs fonctions par
revetir des « vetements purs », reserves pour leurs 1'offrande de sacrifices, d'abord pour eux-memes, et
fonctions liturgiques. Cf. Zimmern, Beitrdge zur ensuite pour le peuple. Lev., ix, 1-24. Mais bientot, une
Kenntniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901; sanction severe fut exercee centre deux des nouveaux
Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, pretres. Nadab et Abiu apporterent devant Jehovah
Paris, 1903, p. XIV-XVH, 235; Lagrange, Etudes sur les des encensoirs contenant du feu profane, qui n'avait
religions semitiques, Paris, 1905, p. 221-246; Dhorme, pas etepris sur 1'autel. Us furent immediatement frap-
Textes religieux, Paris, 1907, p. 141-147. Daniel dejoua pes de mort. Moi'se defendit a Aaron et a ses deux fils
la fourberie des pretres de Bel, qui venaient enlever survivants de prendre le deuil, et Jehovah leur interdit
de nuit les offrandes du temple et pretendaient que 1'usage du vin et des boissons enivrantes, chaque fois
leur dieu les avait mangees. Dan., xiv, 1-27. Cf. Bar., qu'ils auraient a exercer leur ministere dans le Taber-
vi, 9-54. — Sur le sacerdoce des Perses et des Medes, nacle. Lev,, x, 1-11. Le chatiment si rigoureusemenl
voir MAGES, t. iv, col. 543. inilige aux deux coupables devait inculquer a tous cette
3° Chez les autres peuples Semites. — Chez les idee qu'aucune negligence n'etait tolerable dans le
Arabes nomades, la fonction de sacriticateur n'etait culte de Jehovah. La prescription relative aux boissons
pas reservee au pretre; celui-ci n'etait qu'un sddin, enivrantes autorise a penser que, si !S*adab et Mnu
« gardien » du sanctuaire; il restait a son poste pen- s'etaient si gravement trompes, leur manque d'atten-
dant que la tribu se deplacait. II rendait des oracles au tion venait de quelque abus dans 1'usage de ces bois-
moyen de fleches ou de batons, selon le procede de la sons. Toute la tribu de Levi, a laquelle appartenaient
rhabdomancie. Cf. Ezech., xxi, 21. A cote de lui ope- Moi'se et Aaron, fut substitute aux premiers-nes pour
rait le devin, kdhin, veritable sorcier, dont le role etre a Jehovah et se consacrer a son service. Num.,m,
n'est nullement le prototype, mais la deformation de 45. Un membre de cette tribu, Core, et deux de la
celui du kohen. Chez les Arabes civilises du sud, le tribu de Ruben, Dathan et Abiron,,jaloux de Pautorite
sddin etait reellement le sacrificateur, et le grand- qu'exercaient Moi'se et Aaron, se concerterent avec
pretre, kabir, le « grand », servait d'eponyme pour le deux cent cinquante autres Israelites, pretendant que
calcul des annees. — Le pretre arameen se nommait dans Israel tous etaient saints et avaient les memes
komer; il etait pretre de tel ou tel dieu. Josias chassa droits a 1'exercice de 1'autorite et du sacerdoce. Moise
les pretres de cette espece que ses predecesseurs avaient en appela aujugement de Jehovah. II convoqua les me-
etablis en Juda. IV Reg., xxm, 5. Osee, x, 5, signale contents et leurs deux cent cinquante partisans, chacun
leur presence en Samarie, et Sophonie, I, 4, annonce avec un encensoir, devant le Tabernacle. Tous s'y ren-
leur extermination. — Le temple phenicien avait ses dirent; mais la, a la vue de tout le peuple, la terre
sacrificateurs, ses residents' occupes a la liturgie, ses s'entr'ouvrit et engloutit Core, Dathan, Abiron et leurs
barbiers pour raser les chevelures consacrees a la divi- families, et un feu consuma les deux cent cinquante
nite et pratiquer les incisions-rituelles, ses scribes, ses autres. Le peuple ayant murmure le lendernain centre
hierodules, ses portiers et ses esclaves, recevant tous Moi'se et Aaron, le Seigneur dechaina une plaie qui fit
un salaire. Cf. Lagrange, Etudes, p. 217-221, 478-481. mourir quatorze mille sept cents personnes et ne s'ar-
A Sidon, le roi portait le titre de pretre d'Astarthe, reta que quand Aaron exerca son role d'intercesseur,
comme le prouve 1'inscription d'un sarcophage trouve dont la legitimite fut ainsi demontree. Num., xvi, 1-50.
en 1887 : « Tabnith, pretre d'Astarthe, roi de Sidon, Dieu voulut encore confirmer son choix par un nouveau
fils d'Eschmunazar, pretre d'Astarthe, roi de Sidon. » miracle. II fit deposer dans le Tabernacle douze verges,
Cf. Revue archeologique, me serie, t. x, 1887, p. 2. au nom des douze tribus d'Israel; le lendemain, la
4" Chez les Chananeens. — On constate chez les verge d'Aaron, representant Levi, fut trouvee fleurie, et
Chananeens la pratique des libations, 1'erection et 1'onc- Dieu ordonna de la conserver en temoignage. Num.,
tion des betyles, celle des autels et des lieux sacres, xvit, 1-11. II decida en outre que les levites feraient
Vimmolation des victimes et meme frequemment les le service du Tabernacle, mais que seuls Aaron et ses
sacrifices humains. Cf. Vincent, Canaan, Paris, 1907, fils rempliraient les fonctions sacerdot ales a 1'autel et
p. 201-203. Toutes ces choses supposent un sacerdoce. au dedans du voile. II ajouta : « Comme un service en
On n'a point de renseignements sur sa hierarchic et pur don, je vous confere votre sacerdoce. L'etranger
son fonctionnement. Mais les deux grandes divinites qui approchera sera mis a mort. » Num., xvm, 1-7. A
chananeennes, Baal et Astarthe, survecurent a la prise la mort d'Aaron, Eleazar fut investi du pontifical.
de possession du pays par les Israelites. Elles avaient Num., xx, 25-28. A Phinees, fils d'Eleazar, qui se
leurs pretres qui perpetuaient leur culte et reusirent montra plein de zele centre 1'idolatrie, Dieu promit
souvent a le faire adopter par le peuple conquerant. A « pour lui, et pour sa posterite apres lui, 1'alliance
ce titre, les pretres chananeens se signalent de temps d'un sacerdoce perpetuel ».Num., xxv, 13.
645 PRETRE 646
II. SA DESCENDANCE D'AARON. — La volonte du d'avoir des vetements dechires. Lev., x, 6. II ne leur
Seigneur etait manifesto; ne pouvaient etre prelres que etait pas permis de couper leurs cheveux ou de laver
les descendants d'Aaron.« Nul ne s'arroge cette dignite; leurs vetements la semaine ou ils etaient de service,
il faut y etre appele de Dieu, comme Aaron. » Heb., afin que tous ces soins fussent pris a 1'avance. Les doc-
v, 4. Quand Jeroboam etablit son culte schismatique teurs comptaient dix-huit cas empechant le pretre
et « fit des prelres pris dans tous les rangs du peuple d'exercer son ministere : 1'idolatrie, la naissance d'une
et n'etant pas enfants de Levi », III Reg., xn, 31, ces famille etrangere a celle d'Aaron, la difformite corpo-
derniers n'eurent done de pretres que le nom; leur relle, 1'incirconcision, 1'impurete, la necessite d'attendre
sacerdoce etait criminel et sans valeur. Au retour de au soir pour redevenir pur, 1'obligation de se soumettre
la captivite, on exclut du sacerdoce ceux qui ne purent a 1'expiation, le deuil, 1'ivresse, le manque de vete-
produire leur genealogie pour justifier de leur descen- ments, leur trop grand nombre, leur dechirure, le
dance aaronique. I Esd., n, 62, 63; II Esd., vm, 63-65. manque de coiffure, les pieds ou les mains non laves,
Josephe, Cont, Apion., i, 7, dit qu'on prenait le plus s'asseoir pour remplir le ministere sacre ou se laver,
grand soin de maintenir dans toute sa purete la des- ne pas toucher directement de la main les objets sa-.
cendance sacerdotale, et que les pretres qui residaient cres, ne pas tenir les pieds immediatement sur le sol,
a 1'etranger, a Babylone ou en Egypte, avaient pour faire les actions sacrees de la main gauche. Cf. Seba-
regie d'envoyer a Jerusalem leur genealogie, avec le chim, 11,1; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741,
nom des temoins. II ajoute qu'etant Iui-m6me de race p. 96, 97.
sacerdotale, il a trouve sa genealogie dans les archives iv. ENTREE EN FONCTiON. — 1° Age. — La loi ne
publiques. Fit., 1. Ces genealogies etaient en effet prescrivait rien quant a 1'age requis pour commencer
d'interet general; il importait done de veiller officiel- le service sacerdotal. Pour les levites, on ne comprit
lement sur elles. — Pour maintenir la purete de la dans le premier denombrement que ceux qui avaient
race sacerdotale, le pretre ne pouvait epouser ni une trente ans, Num., iv,3, 23, 47; I Par., xxm, 3; un peu
femme prostituee ou deshonoree, ni une femme repu- plus tard, cet age fut abaisse a vingt-cinq, Num., vin,
diee. Lev., xxi, 7. II n'etaitpas oblige d'epouser la fille 23-26, et David le reduisit a vingt, lorsque les levites
d'un pretre, mais pouvait choisir une vierge ou une n'eurent plus a porter le tabernacle. I Par., xxm, 24-
veuve quelconque, pourvu qu'elle fut Israelite. Cf. Jo- 27; cf. II Par., xxxi, 17; I Esd., in, 8. On s'en tint dans
sephe, Cont, Apion., i, 7; Ant. jud., Ill, xn, 2. II lui la suite a cette regie qu'on pouvait entrer en fonction
fut aussi interdit d'epouser celle que son beau-frere des qu'apparaissaient les signes de la virilite, pratique-
refusait en mariage, cf. Sota, iv, 1; vin, 3; Makkoth, ment a la vingtieme annee. Cf. Babyl. Chullin, 24 b. —
in, 1, celle qui avait ete prisonniere de guerre, cf. Jo- Avant d'etre admis au sacerdoce, il fallait, dans les der-
sephe, Ant. jud., Ill, xn, 2; XIII. x,5; Cont. Apion., niers temps, subir un examen devant le sanhedrin ou
i, 7, une proselyte ou une esclave affranchie; la fille de devant d'autres pretres. Cf. Middoth, v.
la proselyte ou celle de 1'esclave affranchie ne lui 2° Consecration. — Le jeune pretre etait consacre par
etaieut permises que si elles avaient une mere Israelite. un bain de purification, 1'imposition des vetements
Cf. Yebamoth, vi, 5. Aussi le pretre qui voulait se ma- sacres, 1'onction et une serie de sacrifices accompagnes
rier faisait-il 1'enquete la plus serieuse sur la condition de ceremonies particulieres, destinees a lui rappeler
de ^elle qu'il desirait epouser. Cf. Kidduschin, iv, 4, 5. ses droits et ses devoirs sacerdotaux. Exod.,xxix, 4-37;
E/echiel, XLIV, 22, veut que le pretre n'epouse ni une XL, 13-15; Lev., vin, 2-36. Les textes ne disent pas si
veuve, sauf celle d'un pretre, ni une repudiee, mais le bain de purification etait pour tout le corps, ou seu-
seulement une vierge de la maison d'Israe'l. Cette res- lement pour les pieds et les mains, comme dans le
triction n'est pas entree dans la pratique. service quotidien. Exod., xxx, 19.
iff. SES cofrDmoKS PHYSIQUES. — Comme le bdru 3° Vetements. — Les vetements sacres, imposes au
babylonien, le prelre Israelite devait etre exempt de nouveau pretre, etaient au nombre de quatre (fig. 172) :
toute difformite corporelle. II ne pouvait remplir les le cale^on de lin, voir CALEQON, t. n, col. 60; la tunique
fonctions sacerdotales si, malgre sa descendance aaro- de lin, voir TUNIQUE; la ceinture bro'dee, voir ABNET,
nique, il etait aveugle ou boiteux, avait une mutilation t. i, col. 66; CEINTURE, t. n, col. 389, etla mitre de lin,
ou une excroissance, une fracture au pied ou a la voir MITRE, t. iv, col. 1135. Les pretres pouvaient porter
main, une bosse, une taille de nain, une tache a 1'oeil, ces vetements tant qu'ils etaient dans le Temple,hormis
la gale, une dartr.e, une hernie. La Loi insiste pour la ceinture qu'ils devaient quitter sitot leur ministere
exclure de 1'approche de 1'autel ceux qui ont quel- accompli. Cf. Gem. Tamid, 61, 2; Gem. Yoma, 69,
qu'une de ces difformites. Lev., xxi, 17-23. Ces diffor- i. L'usage des vetements sacres etait prohibe hors du
mites etaient en effet de nature a emp£cher les pretres Temple; les pretres les y deposaient dans une chambre
d'accomplir les actes liturgiques ou de conserver la speciale. Quand ils etaient uses, ces vetements servaient
purete legale et la dignite necessaires a leur ministere. a fabriquer des meches pour les lampes. Cf. Gem.
Dans la suite, les docteurs juifs etudierent ces cas Schabbath, 21,1; 79, 2.
d'exclusion et, en specialisant chacun d'eux par le de- 4° Onction. — Des onctions furent certainement faites
tail, les porterent a 142. Cf. Bechoroth, vn; Selden, De aux fils d'Aaron. Exod., xxx, 30; XL, 14; Lev., x, 7.
successioneinpontif.Ebr., n, 5; Ugolini, Thes., t. xm, D'autres textes ne semblent parler d'onction qu'a pro-
p. 897. L'integrite du corps devait etre le symbole du pos d'Aaron, Exod., xxix, 5-8; Lev., vin, 7-13,de sorte
parfait etat de I'ame, cf. Philon, De monarch., n, 5; que le grand-pretre est appele par excellence le « pretre
il etait d'ailleurs de la plus haute convenance, pour oint ». Lev., xvi, 32; xxi 12; Num., xxxv, 25, etc. La
1'honneur de Dieu et Pedification du peuple, que les contradiction disparait si Ton observe que le grand-
ministres du culte eussent une attitude corporelle pretre recevait sur la tete une onction abondante, cf.
irre'prochable. Les cultes pai'ens avaient souvent les Ps. cxxxu, 2, tandis que les simples pretres etaient seu-
mernes exigences, cf. Aulu-Gelle, r, 12; la difformite lement asperges d'huile. Exod., xxix, 21; Lev., vm, 30.
corporelle-etait de mauvais augure, et Ton ecartait le Ils etaient oints comme le pontife, Exod., XL, 15, mais
sacrificateur qui en etait atteint. Cf. M. Seneque, Con- d'une maniere plus sommaire. Cf. Fr. de Hummelauer,
trov., iv, 2; Bahr, Symbolik des mosaischen Cultus, In Exod. et Lev., p. 290-291. Voir ONCTION, t. iv,
Heidelberg, 1839, t. n, p. 42-61. — II etait interdit aux coh 1805,1806. — On emplissait ensuite les mains des
prelres en exercice de se raser completement, d'enlever prelres, ce qui signifie qu'on leur conferait les pou-
les cotes de leur barbe, de se faire des incisions, Lev., voirs necessaires a leur ministere, et 1'on offrait les
xxi, 5, de laisser flotter leurs cheveux en desordre, sacrifices prescrits, le veau pour le peche, Exod., xxix,
647 PRfiTRE 648
10-14, le belier en holocauste, Exod., xxix, 15-18, et le v. CLASSEMENT. — Quand les fils d'Eleazar et dltha-
bclier de consecration. Exod., xxix, 19-28. Voir GRAND- mar se furent multiplies, il ne leur fut plus possible
PR6TRE, t. m, col. 297. Cf. R$hr,Symbolik, t. n, p.166- d'etre tous employes en meme temps au service du
168. Toutes ces ceremonies duraient sept jours. culte. A 1'epoque de David, il se trouvait seize chefs de
Exod., xxix, 35; Lev., vm, 33. — On s'est demande si famille parmi les descendants d'Eleazar, et huit seule-
les ceremonies de la consecration sacerdotale n'avaient ment parmi les descendants d'lthamar. On tira au sort
pas ete accomplies une fois pour toutes dans la per- le rang que devaient occuper ces vingt-quatre chefs,
sonne des fils d'Aaron. Philon, Vit. Mosis, in, 16-18, afin qu'ils prissent a tour de role le service du culte
et Josephe, Ant. jud., Ill, vm, 6, se contentent de re- avec les pretres de leur famille. I Par., xxiv, 3-19;
produire les passages bibliques, sans rien ajouter a ce II Par., vm, 14. Cette organisation fonctionna jusqu'a
sujet. Plusieurs auteurs pensent que la premiere con- la captivite de Babylone. Au retour, il ne se trouvra plus
secration a suffi pour toute la suite des generations que quatre chefs de families sacerdotales, Jadaia, avec
sacerdotales, et que le nouveau pretre n'avait qu'a pre- 973 pretres, Emmer, avec 1052, Pheshur, avec 1247, et
senter 1'offrande indiquee. Lev., vi, 15. Cf. Iken, Anti- Harim, avec 1017. I Esd., n, 36-38; II Esd., vn, 39-
quitates hebraicse, Breme, 1741, p. 112; Munk, Pales- 42. Avec Zorobabel, il y eut 22 chefs de families sacer-
dotales, II Esd., x, 2-8; xu, 1-7, et 21 settlement dans
une autre liste. II Esd., xu, 42-21. Tous les noms ne
sont d'ailleurs pas identiques, ce qui indique des chan-
gements dans 1'organisaiion. Plus tard, on cite encore
comme chefs de classes sacerdotales Joarib, IMach., il,
1; xiv, 29, et Abia. Luc., I, 5. Josephe, dans un passage
dont nous n'avons que la traduction latine, et ou le
nombre 20 manque, d'apres plusieurs critiques, Cont.
Apion., n, 7, ne mentionne que quatre classes de cinq
mille pretres chacune. Mais ailleurs, Ant. jud., VII, xrv,
7; Vit., l,il parle de vingt-quatre classes qui se sont
maintenues jusqu'a son epoque. Ce dernier nombre est
celui que reproduit toute la tradition juive. Cf. Taa-
nith., iv, 2; Sukka, v, 6-8; Jer. Taanith., iv, 68a; To-
sephta Taanith., n ; Ugolini, Thesaurus, t. xm, p. 876.
— Les classes sacerdotales s'appelaient mahleqdt,
Itpyj^sptat, divisiones, I Par., xxvm, 13, 21; II Par.,
vm, 14; xxm, 8; xxxi, 2, 15, 16, vices, Luc., i, 8; be{
'dbot, ofooc mxTpitov, « maisons des peres », familise et
f I Par., xxiv, 4, 6, ou mismdrot, « gardes »,
i, observationes, II Par., xxxi; 16, scprip-sptat,
ordines, II Esd. xm, 30. Dans la pratique, on reservait
le riom de mismdr pour la classe, et celui de bet 'db
pour ses subdivisions. Cf. Taanith, n, 8, 7. Josephe ap-
pelle la classe irafpta, Ant. jud., VII, xiv, 7, ou Icpr^sot'c,
Vit., 1, et la subdivision cpuV/j. Vit., 1; Sell, jud., IV,
in, 8. Les subdivisions de chaque classe variaient de
cinq a neuf. Cf. Jer. Taanith, rv, 68a. A la tete des
classes etaient des sdrim, « princes », apxovrsc, prin-
cipes, I Par., xxw, 5; II Par., xxxvi, 14; I Esd., vm,
24, 29; "x, 5, ou des rd'sim, « chefs ». I Par., xxiv, 4,
ill. — Prfetre hSbreu revetu de ses vetements sacerdotaux.
6; II Esd., xu, 12. Par la suite, ce dernier titre designa
D'apres Galmet, Dictionnaire de la Bible, au mot Pretre. specialement les chefs des subdivisions. Le nom de
zdqen, « ancien », a aussi quelquefois le meme sens.
tine, Paris, 1881, p. 174; Zschokke, Historia sacra, Cf. Yoma, I, 5; Tamid, i, 1; Middoth, i, 8. Au-dessus
Vienne, 1888, p. 114. Mais, d'apres Schurer, Geschichte de toutes les classes s'exercait naturellement 1'autorite
des jud. Volkes, t. n, p. 232, cette opinion ne s'appuie- du grand-pretre.
rait que sur 1'interpretation defectueuse des textes rab- vi. FONCTIONS DANS LE TEMPLE. — 1° Service hebdo-
biniques qui rappellent au nouveau pretre 1'obligatidn madaire. — Chaque classe faisait le service du temple
de presenter 1'offrande en question avant toute autre. pendant une semaine. C'est ce qu'on appelait «l vj^pai
Le silence des auteurs sacres posterieurs ne peut T% XsiTouyt'ac, dies officii, « les jours de service ».
d'ailleurs permettre de nier la consecration particuliere Luc., i, 23. Le service se prenait le jour du sabbat,
des pre"tres dans le cours des ages. IV Reg., xi, 6; II Par., xxm, 4; la classe sortante
5<> Symbolisme. — Toutes les prescriptions relatives offrait encore le sacrifice du matin, et la classe sui-
a la consecration des pr£tres avaient leur sens symbo- vante le sacrifice du soir. Cf. Tosephta Sukka, rv, 24-
lique. Les ceremonies duraient sept jours pour leur 25; Josephe, Ant. jud., VII, xiv, 7; Cont. Apion., n,
faire entendre qu'ils entraient au service de celui qui 8. Pendant les semaines de la Paque, de la Peritecote
avail cree le monde en six jours suiyis d'un septieme et des Tabernacles, les vingt-quatre classes etaient de
jourde repos. Cf. Rosenmfiller, InXewt., Leipzig, 1798, service en meme temps. Cf. Sukka, v, 6-8. On n'a au-
p. 51. Parmi les difformites qui excluaient du sacerdoce cune donnee certaine sur 1'ordre dans lequel les
figuraient aussi des defauts de 1'ordre moral. La blan- vingt-quatre classes se succedaient pour le service
cheur des vetements sacerdotaux rappelait la gloire hebdomadaire. C'est done sans aucun resultat qu'on a
et la saintete divines, au service desquelles les pretres cherche a deduire 1'annee de la naissance de Je"sus-
etaient appeles. Le calecon marquait'la chastete du Christ d'apres la semaine de service attribute a la
pretre, la tunique de lin sa purete de vie, la ceinture sa classe d'Abia. Luc., i, 5. On lit bien dans le Babyl.
discretion, la mitre sa droiture d'intention. Cf. S.Tho- Taanith, 29a, que la classe de Joarib etait de service au
mas, Summ. theol., I3 IP*, en, 5 ad 10. Sur le symbo- moment de la destruction du Temple; mais cette in-
lisme de 1'onction, voir t. iVy-col. 1806. formation est tardive et peu sure, et encore, pour en
649 PRfiTRE 650
tirer parti, faudrait-il savoir exactement quel rang ceremonies se repetaient pour le sacrifice du soir, qui
occupaient les deux classes et a quelle epoque de 1'an- avait lieu vers trois heures de Papres-midi. Mais on ne
nee eut lieu 1'annonciation de .Tean-Baptiste. Quand tirait au sort que le nom de celui qui devait offrir 1'en-
une classe prenait le service, chaquejourde la semaine cens. Cf. Gem. Yoma, 26, 1. L'encens etait offert
etait attribue a une ou plusieurs de ses subdivisions. avant le sacrifice, et les pretres n'y donnaient pas la
2° Interdictions. — II etait interdit aux pre'tres du benediction au peuple.
service hebdomadaire de se raser, sauf le sixieme jour 5° Fetes. — Outre les sacrifices quotidiens, les
a cause du sabbat, d'avoir commerce avec leurs femmes pretres en avaient d'autres a offrir a 1'occasion des
et de boire du vin durant le jour; ceux qui etaient de neomenies et des fetes, a la Paque, a la Pentecote, a
service un jour determine" ne pouvaient meme en boire la fete des Tabernacles, a la nouvelle annee et au jour
ni ce jour-la, ni la nuit, parce que c'etait de nuit qu'on de 1'Expiation. Voir ces mots. Us avaient aussi a s'oc-
brulait les graisses sur I'autel. Cf. Taanith, n, 7. Ces cuper des nombreux sacrifices de toute nature que fai-
prohibitions s'inspiraient de la defense portee par le saient offrir les particuliers.
Seigneur, Num., x, 9, et aussi de la necessite, pour le 6° Garde du Temple. — Us avaient £galement a
pretre, d'etre totalement et exclusivement a la fonction garder le Temple. Les portes en etaient fermees a la
sainte qui lui etait confiee, Elles lui rappelaient en tombee de la nuit et ouvertes au point du jour. Les
meme temps les dispositions morales de devouement, pretres qui couchaient dans le parvis anterieur et a qui
de purete et de penitence que reclamait de lui le service incombait le service du jour suivant, gardaient les
du Seigneur. clefs et les transmettaient a ceux qui devaient servir
3° Tirage au sort. — Chaque jour on faisait designer apres eux. Le matin, le prefet du Temple les recevait
par le sort les pretres qui devaient remplir les differents pour 1'ouverture des portes. Cf. Middoth, i, 8, 9;
offices. Luc., i, 9. Ce tirage au sort se repetait quatre Tamid, I, 1.
fois. Le premier sort designait celui qui devait porter 7° Trompettes. — Enfin, les pretres avaient a sonner
les charbons de I'autel exterieur usque dans le parvis de la trompette dans le Temple. Num., x, 8-10; II Esd.,
interieur. Le second sort pourvoyait aux treize fonc- xn, 41. Chaque jour ils sonnaient vingt et une fois,
tions suivantes : 1. e"gorger 1'agneau; 2. en repandre le trois fois a 1'ouverture des portes, neuf fois a la liba-
sang; 3. enlever la cendre de I'autel interieur; 4. dis- tion du matin et neuf fois a celle du soir. Cf. Sukka,
poser les lampes; 5. porter a la montee de I'autel la v, 5. Voir TROMPETTE.
tete et une jambe posterieure de 1'agneau; 6. les deux 8° Dignitaires. — Un certain nombre de pretres rem-
epaules. 7. la croupe avec la queue, 1'autre jambe et les plissaient, sous 1'autorite du grand-pretre, les charges
reins; 8. la poilrine et la gorge;9. les deux cotes; 10. les qui reclamaient des titulaires permanents, Les gisbd-
intestins sur un plateau et les pieds; 11. 1'offrande de rlm, ya^ocpuXaxEi;, « gardiens du tresor », veillaientsur
farine; 12. le gateau du grand-pretre; 13. la libation de tous les biens du Temple, mobilier et apports. Les
vin. Le troisieme sort portait sur le pretre qui devait fonctions principales de ce service apres ta captivite
bruler 1'encens; on le choisissait parmi ceux qui de Babylone, etaient confiees a des pretres, II Esd.,
n'avaient pas encore exerce cette fonction, a laquelle on xm, 13, les autres a des levites. I Par., ix, 28, 29;
ne pouvait etre appele qu'une fois dans sa vie. Enfin le xxvi, 20-28; II Par., xxxi, 11-19. II fallait surtout des
quatrieme sort designait celui qui devait porter les pretres preposes au bon ordre du culte quotidien,
membres de la victime de la montee de I'autel jusqu'a puisque ceux qui s'acquittaient des fonctions de ce culte
I'autel meme. n'avaient en general a s'en occuper que deux jours par
4° Ceremonies. — Le detail de toutes les ceremonies an, ce qui ne leur permettait guere de s'en rappeler
quotidiennes est donne par le traite Tamid. On y voit tous les details. II y avait done, au moins dans les der-
que les pretres de service, qui couchaient dans une niers temps, quinze pretres preposes aux services sui<-
chambre du parvis interieur, se mettaient a I'ceuvre vants : le sceau, les libations, les 'sorts, 1'argent pour
avant meme le lever du jour. Avant de proceder a 1'achat des victimes, la sante des pretres malades des
1'exercice de sa fonction, chacun se lavait les mains et entrailles (voir t. rv, col. 910), les eaux, les temps, les
les pieds au bassin d'airain qui se trouvait entre le portes, la discipline, les cymbales, la direction du chant,
Temple et I'autel. Des que le jour paraissait, on prenait les pains de proposition, le parfum, les voiles, les vete-
un agneau dans la chambre des agneaux et les 93 usten- ments. Cf. Schekalim, v, 1. Le prepose aux sorts pre'si-
siles qui servaient cffaque jour dans la chambre des dait aux tirages au sort au moyen desquels on designait
ustensiles. Pendant ce temps, les deux pretres charges chaque jour les prfitres charges d'un office. Le prepose
de nettoyer I'autel des parfums et les lampes arrivaient, au sceau delivrait des cachets pour se procurer les liba-
1'un avec une clef d'or, 1'autre avec un vase d'or, ou- tions aupres du prepose aux libations. Le prepose a 1'ar-
vraient la grande porte du Temple et remplissaient leur gent pour 1'achat'des victimes recueillait 1'argent depose
office, en disposant d'abord les cinq lampes qui etaient dans le tronc destine a cet usage et prenait soin de four-
au couchant, puis les deux autres, a moins que ces nir en echange les victimes convenables. Le prepose aux
dernieres ne fussent eteintes, car alors on commencait temps etait le heraut charge le matin d'appeler chacun
• par elles. C'est seulement a 1'ouverture de la porte qu'il a son poste. Le propose" a la discipline avait a reveiller
etait permis d'immoler 1'agneau. Sur les ceremonies du et meme a corriger les levites trop lents a se mettre
sacrifice lui-meme, voir SACRIFICE, LIBATION, t. iv, sur pied. Le Talmud parle encore d'autres fonction-
col. 234; OBLATION, col. 1727; PARFUM, col. 2164. naires : le sagan, voir SAGAN, les amarkelin, cf. Sche-
Quand tout etait dispose pour le sacrifice, les pretres kalim, v, 2, probablement charges de la caisse et des
se rendaient dans la chambre ha-gasith pour y reciter comptes, et des xaOoXixo!, cf. Jer. Schekalim, v, 49 a,
le schema du matin. Voir PRIERE. Cf. Tamid, iv, 1-3. probablement des tresoriers ou des subordonnes du
Ensuite, les pretres que le sort n'avait designes pour sagan. Cf. Reland, Antiquitales sacrse, p. 88-91; Schiirer,
aucune fonction quittaient leurs vetements sacres. On Geschichte des judischen Volkes im Zeitalter Christi,
procedait alors a 1'offrande de 1'encens et on brulait t. n, p. 269-299.
Fholocauste sur I'autel. Enfin, les cinq pretres qui vii. AUTRES FONCTIONS. — 1° A la guerre. — Avant le
avaient ete employes a 1'offrande de 1'encens se ren- combat, un pretre etait charge de parler au peuple
daient a 1'entree du Temple et prononcaient sur le peuple pour 1'exhorter au courage et a la confiance en Dieu.
laformule de benediction prescrite, Num., vi, 24-26,en Deut., xx, 2-4. Cf. Num., xxxi, 6; I Reg., iv, 4; II Par.,
elevant les mains et en remplagant le nom de Jehovah xm, 12. On appelait ce pretre ]' « oint du combat », et
par Adonai. Cf. Tamid, vn, 2; Sota, vii, 6. Les me'mes L'onction qu'il recevait 1'assimilait au grand-pretre sur
651 PRfiTRE 652
plusieurs points, mais ne conferait pas 1'heredite de la docteurs ou scribes, avec moins d'autorile et de suret6
charge. Cf. Sola, vnr, 1; Gem. Yoma, 73, 1. Judas dans la doctrine, prirent la tache de 1'enseignement.
Machabe"e parait avoir rempli la fonction d' « oint du Les pretres, uniquement occupes de leurs fonctions
combat ». I Mach., HI, 55, 56. rituelles, s'en desinteresserent a peu pres complete-
2° Lois de purete. — Les pretres etaient charges de ment, sauf ceux d'entre eux qui devinrent docteurs de
1'application des lois concernant la purete legale. Us la loi. C'est ce qui fait que les pretres d'lsrael n'exer-
devaient savoir discerner le saint du profane, le pur de cerent qu'une iniluence mediocre sur le developpement
Pimpur. Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., XXH, 26; XLIV, 23. et Ja garde des idees morales et religieuses dans leur
Agg., H, 11-14. Ces lois etaient devenues tres compli- nation.
quees, grace aux decisions de detail portees par les vin. RESIDENCE. — Quand les Israelites occuperent
docteurs. Voir IMPURETE LOCALE, t. in, col. 857-860; la Palestine, 'quarante-huit villes furent assignees aux
cf. Reland, Antiquitates sacrse, p. 105-112. Dans les membres de la tribu de Levi, pour servir d'habitation
cas ordinaires, les pretres constataient rimpurete, s'il aux pretres et aux levites. Num., xxxv, 1-8. Voir LEVI-
e'tait necessaire, indiquaient sa duree et le moyen de la TIQUES (VILLES), t. iv, col. 216. Parmi ces villes, treize
faire disparaitre; dans les cas douteux, ils eclairaient etaient specialement destinees aux pretres dans les
celui qui les consultait. Ils intervenaient necessaire- tribus de Juda, de Simeon et de Benjamin, par conse-
ment dans le cas de la femme soupconnee d'adultere, quent dans le voisinage de Jerusalem. Jos., xxi, 4. Voir
Num., v, 11-31, voir EAU DE JALOUSIE, t. n, col. 1522; remuneration de ces villes, t. rv, col. 217. Pourtantles
dans 1'examen et la purification du lepreux, Lev., xm, pretres n'etaient pas confines dans ces seules villes.
xiv, voir LEPRE, t. iv, col. 180-184; dans 1'examen dela Partout ailleurs, ils pouvaient s'etablir a leur gre, mais
lepre des vetements et des maisons, Lev., xm, 53-59; en s'achetant eux-memes des maisons et des champs.
xiv, 34-53, voir t. iv, col. 186, 187, et dans tous les cas Cf. De Hummelauer, In Num., Paris, 1899, p. 373.
analogues d'impurete legale. Lev., xv, 1-33. Le juge- C'est pourquoi, a 1'epoque du schisme de Jeroboam,
ment d'un seul pretre suffisait pour la constatation les pretres et les levites « qui se trouvaient dans tout
de la lepre. Cf. G-em. Nidda, 50, 1; Siphra, 100,1. Israel », voyant qu'on les emp^chait de remplir leurs
3° Estimations. — Certains rachats s'operaient fonctions en 1'honneurde Jehovah, abandonnerentleurs
moyennant un prix laisse a 1'estimation du pretre, champs et leurs proprietes pour passer en Juda et a
pour les personnes, Lev., xxvn, 3-8, pour les animaux, Jerusalem. II Par., xi, 13, 14. Apres la captivite, les
Lev., xxvii* 12, 13, 27, pour les maisons. Lev., xxvn, pretres et les levites s'etablirent dans leurs villes, ce
14, 15. Voir RAOHAT. qui s'entend seulement du pays mis a la disposition
4° Jugements. — Quand une affaire relative a un des nouveaux arrivants, c'est-a-dire de Jerusalem et
meurtre, a une contestation, a une blessure, etait trop de Juda.IIEsd., vn,6, 73. A Jerusalem memese flxerent
difficile a juger, on la soumettait a la decision des 1192 pretres, II Esd., xi, 4,10-14, 1760d'apres II Par.,
pretres. Dent., XVH, 8-12. Ils intervenaient speciale- ix, 13. Les villes et bourgades de Juda en recurent
ment dans le cas d'un meurtre dont 1'auteur etait aussi. I Esd., H, 70; II Esd., vn, 73; xi, 3, 20, 36.
inconnu. Deut., xxi, 5. Josaphat mit des prdtres au Le voisinage de Jerusalem etait certainement prefere.
nombre des juges, II Par., xix, 8-10; cf. Ezech., XLIV, parce qu'il rendait plus faciles les voyages au Temple. Le
24, bien que la fonction de juge fut habituellement pretre Zacharie demeurait dans Ja montagne de Juda.
confiee aux anciens. Voir JUGE, t. in, col. 1835. Quand Luc., I, 39.
eommenca a fonctionner le tribunal supreme appele ix. RESSOURCES. — Les pretres, comme tous les
sanhedrin, des pretres en firent partie. levites, n'avaient pasde domaine territorial; ilsappar-
5° Enseignetnent. — La Loi ordonnait aux pretres tenaient exclusivement au service de Dieu, et Dieu de-
d' « enseigner aux enfants d'lsrael toutes les lois que vait etre lui-meme leur part et leur heritage au milieu
Jehovah leur a donnees par Moi'se ». Lev., x, 11 ; d'lsrael. Num., xvm, 20; Jos., xm, 14. Voici parquels
cf. Deut., XXXIH, 10. Us s'acquitterent de cette tache moyens Dieu assurait leur subsistance et celle de leur
d'une maniere qui fut loin d'etre toujours parfaite. La famille. II y a quelques divergences de detail a ce
foi au vrai Dieu disparaissait quand cessait 1'enseigne- sujet entre le Levitique et le Deuteronome; mais elles
ment du pretre. II Par., xv, 3. Josaphat envoya dans se concilient assez aisement, ou parfois accusent une
Juda, pour y precher la loi de Jehovah, cinq de ses modification dans la legislation.
chefs, neuf levites et settlement deux pretres. II Par., 1« Sacrifices. — Dans le sacrifice pour le peche, tout
xvii, 7-9. Ezeebiel, xxn, 26, se plaint que les pretres revenait au pretre, Num., xvm, 9, 10, sauf 1'un des
n'enseignent plus a distinguer entre le saint et le pro- deux oiseaux qu'offraient les pauvres, Lev., v, 7,et tout
fane, le pur et 1'impur; il annonce que, chez le peuple ce qui etait offert pour le peche d'un pretre. Lev., vi,
regenere, ils enseigneront ces choses. Ezech., XLIV, 23. 23. — Dans le sacrifice pour le delit, tout revenait egale-
Michee, in, 11, les accuse de prendre un salaire pour ment au pretre. Lev., VH, 7; Num., xvm, 9,10. — Dans les
enseigner. Aggee, H, 12, constate que les pretres de oblations, tout etait pour le pretre, sauf la poignee de
son temps ne savent pas faire la distinction dont parle farine prelevee pour 1'autel. Lev., n, 3, 10; vi, 9-11;
Ezechiel. Malachie, n, 7, 8, leur adresse les memes vn, 9,10, 14; x, 12, 13; Num., xvm, 9, 10; Ezech.,
reproches : « Les levres du pretre sont les gardiennes XLIV, 29. — Les prelres avaient encore pour eux les
de la science, et c'est de sa bouche qu'on demande douze pains de proposition. Lev., xxiv, 5-9. —Dans les
1'enseignement, parce qu'il est 1'ange de Jehovah des sacrifices pacifiques, la poitrine et la cuisse droite de
armees. Mais vous, vous vous 4tes ecartes de la voie, la victime etaient pour le pretre. Lev., vn, 30-34; Y,
vous en avez fait trebucher plusieurs centre la loi, vous 14, 15, — Dans les holocaustes, les pretres n'avaient
avez perverti 1'alliance de Levi. » II est probable que pour eux que la peau de la victime; mais le revenu ne
le texte du Levitique se rapportait beaucoup plus a la laissait pas que d'etre fort appreciable, a cause du grand
loi rituelle qu'a la loi morale. La connaissance de nombre des victimes. Cf. Philon, De prcemiis sacer-
cette derniere venaitdela conscience meme, et, chaque dol., 4, edit. Mangey, t. n, p. 235. Le rituel babylo-
annee sabbatique, les prefres devaient donner au nien assignait aussi, aux pretres et aux serviteurs des
peuple lecture du livre qui la rappelait. Deut., xxxi, temples, la part des victimes qui devait leur revenir
9-13. En fait, 1'enseignement moral et religieux donne apres les sacrifices de boeufs et de moutons, ainsi que
par les pre'tres semble avoir efe assez restreint. Voir les poissons, legume's, vetements, etc., auxquels ils
ENSEIGNEMENT, t. H, col. 1813. Les prophetes s'enchar- avaient droit. Cf. Dhorme, Textes religieux, Paris,
gerent pendant un temps; puis, apres la captivite, les 1907, p. 391-393.
653 PRfiTRE
2° Premices. — Elles portaientsur le froment,l'orge, 2° Repartition. — Les ressources sacerdotales, au
les raisins, les figues, les grenades, les olives et le moms celles qui etaient apportees a Jerusalem, se re-
miel. Deut., vm, 8; xxvi, 5-10; Num., xvm, 13; partissaient entre tous les pretres. Sous Ezechias, les
II Esd., x, ;36. Voir PREMICES, col. 598. On y joignait distributions se faisaient dans les villes sacerdotales par
ce qu'on appelait la terumdh, « offrande », prelevee des levites preposes a ce service. II Par., xxxi, 15-19.
sur le meilleur des champs et des arbres fruitiers, et Les pretres qu'une difformite corporelle ecartait du ser-
consistant surtout en grains, vin et huile. On donnait vice de 1'autel avaient part aux distributions au meme
de 1/40 a 1/60 de la recolle, suivant la generosite de titre que lesautres. Lev., xxi, 22. Cf. Josephe, Ant, jud.,
chacun. Num., xvm, 12; II Esd., x, 38. Cf. Terumoth, Ill, xii, 2; Bell, jud., V, v, 7; Sebachim, xn, 1.
i, 7; iv, 3; etc. 3° Consommation. — Les choses tres saintes ne pou-
3° Dime. — Elle portait sur tout ce qui croit de la vaient etre consommees que par les pretres seuls dans
terre et sert a la nourriture. Elle servait a alimenter le Temple; on en comptait dix : les quadrupedes du
non seulement les pretres, mais aussi les levites, qui sacrifice expiatoire, les oiseaux du meme sacrifice, les
d'ailleurs versaient encore aux pretres la dime de la victimes pour le delit certain, celles pour le delit dou-
dime. Num., xvm, 20-32; II Esd., x, 38-40. Voir DIME, teux, celles des sacrifices pacifiques publics, le log
t. ir, col. 1434. d'huile du lepreux, les deux pains de la Pentecote, les
4° Pain. — On devait aux pretres une partie du pains de proposition, les restes des oblations et la gerbe
pain prepare, Num., xv, 17-21; II Esd., x, 28, ce que pascale. On en comptait quatre autres qui devaient etre
saint Paul appelle aTiacp/Jl tou opupanato;, « premices utilisees a Jerusalem meme : les premiers-nes des ani-
de la masse », Rom., x[, 16, et ce qui fait 1'objet du maux, les premices, ce qu'on reservait dans le sacrifice
traite Challa de la Mischna. La redevance portail sur du nazareen et les peaux des victimes tres saintes. En-
1/24 pour les particuliers et sur 1/48 pour les boulan- fin, il y en avait dix dont on pouvait faire usage hors de
gers. Challa., n, 7. Jerusalem : la terumah, la dime des dimes, le pain de
5" Premiers-nes. — Exod., XIH, 11-16; xxu, 29, 30; la challa, ce qui provenait des animaux abattus, le prix
xxxiv, 19, 20; Deut., xv, 19-23. Le premier-ne de la du rachat du fils premier-ne, celui du premier-ne de
femme etait rachete au prix de cinq sides d'argent, Pane, le champ voue a Jehovah, le champ de 1'anatheme
qui appartenaient aux pretres. Num., xvm, 15, 16; et le produit de la restitution devolue aux pretres.
II Esd., x, 37. Le premier-ne des animaux purs leur Cf. Reland, Antiquitates sacrse, p. 97, 98. Tous ces
etait aussi destine, sauf la graisse et le sang, qui biens, a 1'exception des dix premiers qualifies de « choses
allaient a 1'autel. Num., xvm, 17-18; Deut., xv, 19, 20; tres saintes », pouvaient etre utilises par le pretre et sa
II Esd., x, 37. S'il avait quelque defaut, sa destination famille, femmes, filles et esclaves; mais elles etaient
etait la meme, mais on ne 1'offrait pas a 1'autel. Deut., interdites au mercenaire et a la fille mariee a un homme
xv, 19-23. Le premier-ne des animaux impurs se rache- qui n'etait pas pretre. Lev.,xxn, 1-16. Dans tous les cas,
tait a prix d'argent, sauf celui de 1'ane, qui se rache- il fallait etre en etat de purete legale pour pafticiper a
tait pour un agneau, toujours au profit des pretres. 1'usage de ces biens.
Exod., xm, 13; xxxiv, 20; Num., xvm, 15; II Esd,, x, 4° Condition economique des pretres. — La legisla-
37. Voir PREMIER-NE, col. 603; RACHAT. tion assurait ainsi, d'une maniere assez large, la subsi-
6° Viande. — Sur tout animal de gros ou menu be- stance des pretres. Car, ce n'etaient pas seulement.
tail que 1'on abatlait, les pretres avaient droit a trois leurs compatriotes de Palestine qui leur versaient de
morceaux, 1'epaule, les machoires et 1'estomac. Deut., multiples redevances; ceux de la dispersion ne man-
xvm, 3. Cf. Chullin, x. quaient pas de remplir leur devoir a cet egard. Cf. Chal-
7° Toisons. — Deut., xvm, 4; Tob., r, 6. Cf. Chullin, la, iv, 7-11; Chullin, x, 1; Philon, De monarch., n, 3;
xi, 1,2. La redevance n'etait due que par celui qui Leg. ad Caj., 23, 40, edit. Mangey, t. n, p. 224, 568,
avait plusieurs brebis, deux d'apres 1'ecole de Scham- 592; Josephe, Ant. jud., XIV, vn, 2; XVI, vi, 2-7; Ci-
mai, cinq d'apres celle de Hillel. ceron, Pro Flacco, 28, etc. D'autre part, les pretres
8° VCKUX. — Le produit des VCBUX de toute nature de- n'avaient pas a s'occuper des besoins du culte, puisque
vait etre verse aux pretres, soil sous forme reelle, soit des redevances speciales y pourvoyaient. Rien ne les
sous forme de rachat, Lev., xxvn, 2-33; Deut., xxm,21- empechait d'acquerir des proprietes en dehors de leurs
23; Matth., xv, 5; Marc., vn, 11; maisil etait probable- villes, et, a ce point de vue, ils etaient assimiles aux
ment employe aux besoins du culte. Cf. Schekalim, iv, autres Israelites. Ill Reg., n, 26; Jer., i, 1; etc. Mais,
6-8. Voir RACHAT, VGEU. en tant que pretres, ils n'avaient pas d'autre propriete
9° Anathemes. — Tout ce qui etait voue a Jehovah territoriale que celle qui leur dtait assignee par la Loi,
par anatheme, sauf les personnes, allait aux pretres sans et comme les redevances qui leur etaient servies etaient
pouvoir etre rachete. Lev., xxvn, 28; Num., xvm, 14; a peu pres toutes de nature mobiliere, il n'y avait pas
Ezech., XLIV, 19. a craindre que la propriete fonciere s'accumulat entre
10° Restitutions. — Quand un coupable voulait reparer leurs mains. Au retour de la captivite, Artaxerxes ne
le prejudice cause au prochain, il rendait le bien mal voulut pas que les pretres et les autres ministres du
acquis avec majoration d'un cinquieme, et si le lese Temple fussent soumis aux impots communs. I Esd., VH,
n'etait plus la et n'avait plus de representant, la resti- 24. Sans doute, le nombre des pretres avait augmente
tution profitait aux pretres. Num., v, 6-10. Cf. Schiirer, avec le temps ; mais les autres families israelites s'ac-
Geschichte, t.n,p. 243-257; F. Buhl, Lasociete Israelite croissaient dans la meme proportion que celle d'Aaron,
d'apres I'A. T., trad, de Cintre, Paris, 1904, p. 135-139. et, avec la population, augmentaient les sacrifices, les
x. USAGE DES RESSOURCES. — 1° Centralisation. — Cer- dimes et les autres sources de revenas. Dieu avait ainsi
taines ressources, a raison de leur nature meme, comme voulu assurer 4 ses pretres une situation honorable aux
le pain, la viande, etc., ne pouvaient 6tre portees au yeux d'un peuple qui regardait 1'aisance et la prospe-
loin. On les remettait done au pr£tre la ou il se trou- rite temporelle comme les marques habituelles de la
vait. Cf. Terumoth, n, 4. D'apres Challa, iv, 8, 9, on faveur divine. II ne fallait pas non plus que les pretres
pouvait remettre a tout pretre le pain, le produit de de Jehovah fissent trop mauvaise figure a cote de ceux
1'anatheme, les animaux premiers-nes, 1'argent du ra- des dieux egyptiens et babyloniens, et des pretres schis-
chat du fils premier-ne, celui du premier-ne de 1'ane, matiques ou idolatriques de leur voisinage immediat.
les morceaux de 1'animal abattu, la toison. Tout le reste Tous auraient done pu vivre a 1'aise si les redevances
etait centralise a Jerusalem. II Par., xxxr, II, 12; recueillies leur avaient toujours ete equitablement re-
II Esd., xii, 43; xm, 5; Mal., m, 10. parties.
PR£TRE 656
SIDLES PRETRES SANS L'HISTOIRE, — 1° De Moise UUX col. 271. Les fonctions de juge et deprophete n'exigeaient
rois. — Le sacerdoce aaronique elabli par Moise ne fut nullement le sacerdoce, et si Samuel confera 1'onction
pas installe sans opposition, eomme le montre la re- royalea Saul, I Reg., x, 1, et a David, I Reg., xvi, 13,
volte des rubenites Dathan et Abiron, qu'appuya le le- il ne parait pas qu'il fallut etre pretre pour cet office.
vite Core et a laquelle prirent part deux cent cinquante IV Reg., ix, 6. Mais Samuel offraitdes sacrifices, I Reg.,
Israelites, « princes de 1'assemblee, appeles au conseil vn, 9,10; ix, 8; Eccli., XLVI, 19 (16): « II offrit unagneau
et hommes de renom. » Num., xvi, 1-2. II fallut un encore a la mamelle. » Aucun reproche n'est adresse
chatiment terrible pour faire prevaloir la volonte de au prophete a ce sujet. C'est done qu'il agissait en vertu
Jehovah, et encore les Israelites ne se soumirent-ils pas d'une inspiration divine, ou qu'il n'offrait de sacrifices
de bon gre a la lecon qui leur etait donnee, de sorte que par le ministere habituel des pretres. Voir SAMUEL.
qu'il fallut que le chatiment recommencat pour les 2° Sous les rois. — Le transport definitif de 1'Arche
mettre a la raison. Num., xvi, 41-49. Une loi nouvelle a Jerusalem fixa dans la nouvelle capilale le culte de
rappela ensuite a tousle respectqu'ils devaientau pretre Jehovah, et David offrit des sacrifices d'actions de
et au juge : « Tu les consulteras, et ils te feront con- graces et des holocaustes. II Reg., VI, 17. II le fit,
naitre ce qui est conforme au droit... Tu agiras selon bien entendu, par le ministere des pretres, pour ne
la loi qu'ils enseigneront et selon la sentence qu'ils au- pas encourir la reprobation qui avait frappe Saul.
ront prononcee, sans te detourner ni a droite ni a gau- I Reg., xm, 9-14. En Egypte, les pharaons etaient les
che de ce qu'ils t'auront fait connaitre. Celui qui, se souverains sacrificateurs. Dieu ne voulait pas qu'il en-
laissant aller a 1'orgueil, n'ecoutera pas le pretre qui se fut ainsi en Israel; il y maintint toujours tres formel-
tient la pour servir Jehovah, ton Dieu, ou qui n'ecou- lement la prerogative qu'il avait attribute a la descen-
tera pas le juge, sera puni de mort. » Deut., xvn, 942. dance d'Aaron. David s'occupa de 1'organisation du
Des lors, on ne vit plus se produire de protestation se- culte a Jerusalem; il divisa les pretres en vingt-quatre
rieuse contre le sacerdoce issu d'Aaron. Les pretres classes, de concert avec Sadoc et Achimelech, afin
exercerent la fonction qui leur etait devolue dans les d'assigner a chaque classe son tour de service.
marches et dans les combats, Num., x, 5-10; au passage I Par., xxiv, 1-19. Les pretres figuraient aussi dans
du Jourdain, Jos., HI, 13-17, et a la prise de Jericho. 1'armee et y exercaient meme des commandemerits.
Jos., vi, 12-16. — Du temps des Juges, on vit un simple I Par., xn, 27, 28; xxvn, 5, 6. Avec Salomon, 1'organi-
levite entrer comme pretre au service d'un Ephraimite, sation preparee par David commenca a fonctionner
du nom de Michas, moyennant dix sides d'argent par dans le nouveau Temple. II Par., vm, 14,15. Apreslui t
an, une provision de vetements et la nourriture. les choses changerent de face. Les pretres avaient leurs
Jud., xvn, 10. II fut ensuite enleve par les Danites qui villes sacerdotales; mais un bon nombre d'entre eux
le prirent a leur service, puis installerenta Lai's, comme s'etaient etablis dans tout le pays. Ils y avaient avan-
prelres, de3 descendants de- Gersam, fils de Moise. tage, parce que, tout en restant assures des ressources
Jud., xvin, 19, 20, 30. Ces pretres, Men que levites, generates de leur ordre, ils pouvaient profiler en plus
etaient aussi illegitimes que le culte qu'ils exercaient. des redevances locales qu'il etait impossible ou qu'il
Leur tentative demeura isolee. — La faiblesse du grand- n'etait pas necessaire de centraliser a Jerusalem. Le
pretre Heli fut cause que ses fils deshonorerenl le sa- schisme de Jeroboam les obligea a se replier sur le
cerdoce par leur rapacite, attirerentle mepris des Israe- territoire du royaume de Juda el a abandonner ainsi
lites sur les sacrifices et provoquerent de terribles cha- la plus grande partie du pays precedemment occupe.
timents, la defaite d'lsrael par les Philistins, la prise II Par,, xi, 13, 14. II dut en resulter une certaine gene
de 1'Arche, la mort d'Heli et leur propre mort. I Reg., n, pendant quelque temps; car le nombre des pretres res-
12-17; iv, 1-18. Samuel fut suscite par Dieu pour reta- taita peu pres tel qu'a 1'epoque de'David et de Salo-
blir 1'honneur du sacerdoce et du culte divin. II etait mon, alors que le royaume de Juda etait seul desor-
de la tribu de Levi, mais non de la famille d'Aaron, mais a assurer leur subsistance, et rares furent ceux
puisqu'il descendait de Levi par Core. I Par., vr, 34-38. d'lsrael qui continuerent a s'acquitter des redevances
« Moi'se et Aaron parmi ses pretres, et Samuel parmi legales. Tob., i, 6-8. La situation fut souvent aggravee
eeux qui invoquent son nom, » dit le Ps. xcix (xcvni), par 1'idolatrie des rois et celle du peuple, ce qui com-
6. Un homme de Dieu dit-a Heli, de la part du Sei- menca des le regne de Roboam. II Par., xn, 1. II est
gneur : « Je me susciterai un pretre fidele, qui agira evident que ceux qui se detournaient de Jehovah pour
selon mon coeur et selon mon ame; je lui batirai une passer au culte des idoles ne se preoccupaient guere-
maison stable et il marchera toujours devant mon oint. d'acquitter leurs redevances envers le sacerdoce aaro-
Etquiconqae restera de ta maison viendra seprosterner nique. Reaucoup de pretres durent etre souvent re-
devant lui pour avoir une piece d'argent et un morceau duits, comme les descendants d'Heli, a solliciter une
de pain, et il dira : Mets-moi, je te prie, a quelqu'une fonction active dans le service du culte, afin d'avoir un
des fonctions du sacerdoce, afin que j'aie un morceau morceau de pain a manger. I Reg., n, 36. — Sous les
de pain a manger. » I Reg., n, 35, 36. La prophetie se ordres du grand-pretre Joi'ada, les pretres et les levites
realisa quand le pontifical fut enleve a Abiathar, qua- furent les agents actifs de la revolution qui detrona
trieme successeur d'Heli, de la descendance d'Eleazar, Athalie, pour mettre a sa place le roi legitime, Joas.
pour etre confere a Sadoc, de la descendance d'lthamar, IV Reg., xi, 4-16; II Par., xxm, 1-15. Quelques annees
quatrieme fils d'Aaron. Ill Reg., n, 26, 27, 35. Les petits- plus tard, Joas blama la negligence des pretres qui
tils et descendants d'Heli en furent alors reduits a exer- n'avaient pas dignement entretenu la maison du Sei-
cer les fonctions de simples pretres. II est bien dit, gneur, et prit des mesures pour faire tout remettre en
dans un commentaire faussement attribue a saint etat. IV Reg., xn, 6-16; II Par., xxiv, 4-14. Le roi
Jerome, In I ad Cor., I, % t. xxx, col. 717, que le « pre- Ozias, qui eut la temerite d'imiter Saul et de s'ingerer
tre fidele » n'etait autreque Samuel. Mais saint Jerome dans une fonction qui n'appartenait qu'aux pretres,.
lui-meme, Qusest, hebr. in I Reg., t. xxx, col. 1333, fut frappe de Dieu, toujours jaloux de faire respecter
tfexprime nullement cet avis, et enregistre seulenient les prerogatives de son sacerdoce. IV Reg., xv, 5;
1'opinion de ceux qui pensent que tout le passage I Reg., II Par., xxvi, 16, 21. Ezechias rouvrit les portes du
n, 27-36, se rapporte a une epoque anferieure et a ete Temple fermees par Achaz, y retablit les pretres dans
insere ici pour 1'honneur de Samuel. Saint Augustin, leurs fonctions, restaura le culte de Jehovah, fit re-
De Civ. Dei, xvn, 5, 2, dit egalement qu'il ne peut pas prendre par le peuple 1'habitude de s'acquitter des
s'agir ici de Samuel, qui etait levite, mais non de la redevances sacrees et en assura 1'equitabte repartition.
famille d'Aaron. Cf. Cont. Faustum, xn, 33, t. XLII, II Par., xxix, 3-xxxi, 21. — Pendant son long regnfr
657 PRfiTRE 658
de cinquante-cinq ans, Manasse" installa le culte Dix-sept pretres, dont les noms sont cites, s'etaient
idolatrique dans le Temple meme, sans que les pretres rendus coupables de cette infraction; ils jurerent de
paraissent avoir fait une serieuse opposition a un tel renvoyer leurs femmes et d'expier leur faute. I Esd.,
attentat. II Par., XXXHI, 2-10; IV Reg., xxi, 2-9. Les x, 18-22. Plus tard, Nehemie chassa le fils mfime du
prophetes seuls protesterent, bien qu'inutilement. grand-pr£tre, qui s'etait allie a une etrangere. II Esd.,
IV Reg., xxi, 10-15. Une derniere restauration du culte xin, 28. II s'en faut que tout fut parfait parmi les
eut lieu sous Josias, avec le concours du grand-pre'tre pretres de ce temps. MaJachie, I, 6-14, leur reproche
Helcias. IV Reg., xxn, 3-xxm, 28; II Par., xxxiv, 8- se"verement d'offrir a 1'autel des victimes indignes de
xxxv, 19. — A travers toutes ces vicissitudes de la re- Dieu. II leur annonce le chatiment qui les frappera,
ligion, selon le caprice des rois infideles, on ne voit Mal., n, 1-9; in, 2-3, et predit a cette occasion 1'obla-
guere les pretres prendre un parti decisifen faveur tion pure qu'un jour Dieu substituera aux anciennes
du culte de Jehovah. Les prophetes nous donnentle se- victimes. Mal., I, 10, 11. On comprend que, dans ces
cret de cette apathie. II n'y avait evidemment pas a conditions, 1'influence religieuse qu'auraient pu exercer
compter, pour maintenir le peuple dans la fidelite, sur les pretres ait passe peu a peu aux mains des scribes.
les pretres d'Israel, qui n'avaient qu'un sacerdoce fictif Voir SCRIBES. — Les devoirs envers le pretre etaient
et dont Osee decrit 1'ignorance, la sceleratesse et le neanmoins rappeles au peuple. Osee, iv, 4, avait com-
chatiment prochain. Ose., iv, 6-9; v, 1-9; vi, 6-10. En pare les Israelites impies a « celui qui aurait un pro-
Juda meme, les pretres se laissaiententrainer au mal. ces avec le pretre », c'est-a-dire qui contesterait ses
Deja Isai'e, xxvm, 7,8, reprocheleurs ignobles ivresses droits legitimes au vrai pretre de Jehovah et merite-
aux pretres qui ont a rendre la justice. Cf. Is., LVI, rait ainsi les plus graves chatiments. Deut., xvil, 12.
10-12. Sophonie, in, 4, accuse les pretres de profaner Le fils de Sirach recommande de rendre aux ministres
les choses saintes et de violer la loi. Jeremie, prfitre du Seigneur ce qui leur est du :
lui-meme, donne des details significatifs sur la con- Grains le Seigneur de toute ton ame,
duite des autres pretres. Ils ne s'inquietent pas de Et tiens ses pretres en grand honneur.
Jehovah et n'ont de pensee et de cutte que pour les Aime de toutes tes forces celui qui t'a fait,
idoles et pour 1' « armee des cieux ». Jer., n, 8, 26; Et ne delaisse pas ses ministres.
vnij 1, 2; cf. Ezech., XLIV, 12. Les faux prophetes sont Grains le Seigneur et honore le pretre,
leurs oracles, Jer., v, 31, le mensonge est leur loi. Donne-lui sa part, comme il est prescrit :
Jer., vi, 13; vin, 10. « Prophetes et pretres sont des La victime pour le ddlit avec le don des epaules,
La sainte oblation et les premices dues aux saints.
profanes, et dans ma maison meme, j'ai trouve leur
mechancete, dit Jehovah. » Jer., xxm, 11. Comme les Eccli., vn, 31-34.
rois, les chefs et le peuple, les pretres ont tourne le II fait ensuite 1'eloge du grand-pretre Simon, qui
dos a Dieu. Jer., xxxn, 32. II n'est done pas etonnant officiait si majestueusement et autour duquel les autres
que le chatiment terrible soit tombe sur Jerusalem et pretres remplissaient leurs fonctions saintes. Eccli., L,
tout le pays, « a cause des peches de ses prophetes, 1-21. — Sous la domination des rois de Syrie, le pretre
des iniquites de ses pretres qui repandaient dans son Matathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Judas, Eleazar
enceinte le sang des justes. » Lam., iv, 13. Ezechiel, et Jonathas, prirent 1'initiative d'un soulevement na-
prelre lui aussi, formule les me'mes accusations : tional pour deUivrer le pays du joug etranger et reta-
« Les pretres ont viole ma loi et profane mon sane- blir le culte de Jehovah dans sa splendeur. I Mach.,
tuaire; ils ne distinguent pas entre le saint et le pro- n, 1-5. Ils reussirent dans leur double entreprise. Us
fane, ils n'enseignent pas la difference entre celui qui donnerent eux-memes 1'exemple de 1'obeissance a
est souille et celui qui est pur, ils detournent les toutes les prescriptions de la loi mosaique. Ils gouver-
yeux de mes sabbats et je suis profane au milieu d'eux. » nerent le peuple juif avec une independance complete
Ezech., xxn, 26. Les chefs des pretres eux-m^mes mul- a partir de Simon, en 1'an 142, jusqu'a la prise de
tipliaient les transgressions et profanaient la maison de Jerusalem par Pompee, en Tan 63. Jonathas, en 161,
Jehovah. II Par., xxxvi, 14. Aussi devinrent-ils vic- fut meme investi du souverain pontificat, qui resta
times de la captivite, avec le peuple qu'ils n'avaient pas dans la famille machabeenne jusqu'en 1'an 37 et passa
su maintenir dans le devoir. Tous les pretres ne furent successivement a huit grands-pretres apres Jonathas.
pas transportes, sans doute; les pauvres furent laisses Voir GRAND-PRETRE, t. in, col. 306; MACHABEES, t. iv,
«n Palestine. Mais au milieu d'une population amoin- col. 480-487. II est probable qu'un certain nombre de
drie et ruinee, sans Temple et sans culte, ils ne pou- pretres se laisserent entrainer aux pratiques idola-
vaient que vegeter miserablement. II ne resta plus triques mises a la mode par les rois de Syrie; car il
en fonction dans le pays que ces pretres improvises est note que, pour purifier le sanctuaire, Judas Macha-
en Samarie apres la premiere deportation, et qui bee « choisit des pretres sans defauts, attaches a la.
alliaient sacrilegement le culte de Jehovah a celui des loi de Dieu ». I Mach., iv, 42. Les pretres prenaient
dieux etrangers. IV Reg., xvn, 27-41. part aux luttes soutenues par leurs chefs, et plusieurs
3° Apres la captivite. — Avec Zorobabel revinrent perirent dans les combats, parfois par leur propre
en Palestine quelques milliers de pretres, 4289 d'apres imprudence. I Mach., v, 67. QuandNicanor menaca les
I Esd., n, 36-39, et II Esd., vn, 39-42. On dut ecarter, pretres de detruira le Temple s'ils ne lui livraient
au moins provisoirement, ceux qui ne furent pas a Judas Machabee, ceux-ci enappelerent a Dieu pour les
mSme de fournir la preuve de leur descendance aaro- secourir et ils furent exauces; II Mach., xiv, 31-34. —
nique. II Esd., n, 61-63. Les pretres reprirent 1'exer- Vers 1'an 160, Onias IV, fils du grand-prdtre Onias III,
cice de leurs fonctions, selon la loi de Moi'se, I Esd., eleva un temple a Leontopolis, en Egypte, et, sous sa
in, 2; vi, 18; II Esd., vm, 14; x, 29, 34, et partici- direction, des pretres aaroniques y celebrerent le culte
perent a tout ce qui se fit pour la reconstruction du suivant les regies mosai'ques, tout en se maintenant
Temple et des murs de la ville. Les pretres revenus de en relations avec le sacerdoce de Jerusalem. Cette en-
1'exil appartenaient a quatre families, I Esd., n, 36-38; treprise ne fut pas bien vue des Juifs de Palestine.
II Esd., vn, 39-42. Ces quatre families comprenaient Voir ONIAS IV, t. iv, col. 1818-1819.
vingt-deux chefs au temps du grand -pretre Josue, 4° A partir de Jesus-Christ. — Quand Jean-Raptiste
II Esd., xii, l-7r et du grand-pretre Joakim, II Esd., commenca sa predication, on envoya de Jerusalem des
xii, 12-21. A 1'epoque d'Esdras, des Israelites, et meme pretres et des levites pharisiens pour lui demander ce
des prdtres et des levites prirent pour epouses des qu'il etait. Joa., i, 19, 24. G'etaient des repr6sentants
etrangeres, contrairement a la Loi. I Esd., ix, 1, 2. du sanhedrin, exercant ainsi le droit qu'il avait de sur-
659 PRfiTRE 660
veiller les manifestations religieuses qui se produi- ou rabbins, qui n'avaient pas besoin de temple pour
saient dans le pays. — Notre-Seigneur lui-meme une religion privee de sacrifice et reduite au service
semble avoir eu peu de rapports avec les pretres. II des synagogues.
reconnait cependant la legitimite de leur ministere IV. SACERDOCE CHRETIEN. — 1° Sacerdoce de Jesus-
dans le Temple, Matth., xn, 4, 5, et renvoie a leur Christ. — 1. Jesus-Christ a ete le pretre par excellence
examen le lepreux qu'il a gueri. Matth., vni, 4; Marc., de la loi nouvelle. II a ete appele a cette fonction par
i, 44; Luc., v, 14. — Depuis que le pontifical supreme Dieu meme, qui deja s'etait reserve d'appeler, en la
etait tombe sous la dependance absolue du pouvoir personne d'Aaron, les pretres de la loi ancienne, Heb.,
civil, qui se reservait la nomination du grand-pretre, v, 4, 5. Get appel a eu lieu quand Dieu lui a dit : « Tu
c'est-a-dire depuis Herode, le haut sacerdoce se recru- es mon Fils, je t'ai engendre aujourd'hui, » Ps. n, 7,
tait dans la secte des sadduceens, qui ne croyaient pas et encore : « Tu es pretre pour toujours selon 1'ordre
a la vie future et ne songeaient qu'aux honneurs, aux de Melchisedech. » Ps. ex (cix), 4. — Notre-Seigneur
richesses et a la jouissance. Parmi les descendants n'est pas de la tribu de Levi, mais de celle de Juda.
d'Aaron, les riches seuls etaient admis a exercer leurs Son sacerdoce ne se rattache done pas a celui d'Aaron.
fonctions dans le Temple, avec la faculte de Jes exploi- II est pretre selon 1'ordre de Melchisedech, c'est-a-dire
ter conformemenl a leurs interets. Les autres pretres a la maniere de ce « roi de justice » et « roi de paix »,
vivaient dans 1'abandon, la pauvrete et 1'ignorance. dont 1'Ecriture n'indique pas la genealogie, mais auquel
Des grands-pretres en vinrent a faire piller par leurs Abraham, pere de toute la race levitique, rend lui-
serviteurs les greniers contenant des dimes destinees me'me hommage et donne la dime. Le sacerdoce de
aux pretres, si bien que ceux-ci mouraient de misere. Jesus-Christ ne derive done pas de celui d'Aaron; il a
Cf. Josephe, Ant. jud., XX, vm, 8; ix, 2. Ceux qui sur lui une superiorite figuree deja par les devoirs
jouissaient de la faveur des grands n'en avaient pas qu'Abraham a rendus a Melchisedech. Heb., vn, 1-7. —
plus d'influence morale pour cela. Us ne se preoccu- Le sacerdoce aaronique a ete etabli sans serment, Dieu
paient plus que de la forme materielle du culte, surtout ne lui ayanf jamais promis 1'exercice perpetuel de ses
dans ce qu'il avait d'honorifique et de lucratif. II n'est fonetions; aussi les pretres se succedaient-ils les uns
pas surprenant que, dans ces conditions, leur influence aux autres parce que la mort les arretait. Le sacerdoce
morale fut a peu pres nulle sur le peuple. Deja meme de Jesus-Christ a ete etabli avec serment : « Le Sei-
les meilleurs pretres aaroniques eussent ete impuis- gneur 1'a jure, il ne s'en repentira pas : Tu es pretre
sants a procurer le salut de leur nation et a travailler pour toujours. » De plus, il demeure eternellement et
a celui de 1'humanite, parce que la religion qu:ils re- ne se transmet point, parce que celui qui le possede
presentaient n'avait pas grace pour assurer ce bien et est toujours vivant. Heb., vn, 20-25. — Les prelres levi-
d'ailleurs touchait a sa fin. Notre-Seigneur le donne a tiques etaient sujets au peche; se souvenant de leur
comprendre dans sa parabole du bon Samaritain, qui faiblesse, ils etaient capables de se montrer indulgents
represente le pr£tre de 1'ancienne loi passant aupres envers les autres, mais devaient necessairement com-
du malheureux blesse et ne faisant rien pour lui, par mencer par offrir des sacrifices pour eux-memes. Jesus-
impuissance plus encore que par mauvais vouloir, Christ est un grand-pretre « saint, innocent, sans
Luc., x, 31. Beaucoup de ces pauvres pretres s'en ren- tache, separe des pecheurs, eleve au-dessus des cieux ».
dirent compte; la grace aidant, une multitude d'entre II n'a done pas besoin d'offrir de victimes pour lui-
eux obeirent a la foi chretienne. Act., vi, 7. — Bien m£me; mais il s'est oflert pour les peches du peuple
que les pretres influents au point de vue politique et a ete exauce pour sa piete. Heb., v, 1-9; vn, 26-28.
appartinssent a la secte sadduceenne, Act., v, 17; — Les pretres anciens exercaient leur ministere dans,
cf. Josephe, Ant. jud., XX, ix, 1, il s'en faut cepen- des sanctuaires fails de main d'homme, le Tabernacle
dant qu'on ait le droit d'identifler le sacerdoce avec le et le Temple; il y avait la un Saint des saints cache
sadduceisme. Les principaux seuls se rattachaient a la par un voile, et de multiples prescriptions charnelles
secte; beaucoup d'autres etaient pharisiens, et les pha- auxquelles les pretres etaient assujettis. Le ministere
risiens defendaient avec zele les droits legitimes du sacerdotal de Jesus-Christ, apres avoir commence sur
sacerdoce et lui reconnaissaient la premiere place dans terre, s'exerce maintenant « a la droite du trone de la
la theocratic. Cf. Chagiga, n, 7; Horayoth, in, 8; majeste, dans les cieux », oii est assis Jesus-Christ,
Gittin, v, 8. Leur opposition ne visait que les pretres « comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle,
infeodes au sadduceisme et au pouvoir civil, etranger qui aetedresse parle Seigneur, et nonpar unhomme, »
a la nation. Au temps des Machabees, la hierarchic et il y est « toujours vivant pour interceder » en faveur
sociale se composait de quatre elements : le grand- des homines. Heb., vn, 25; VIH, 1, 2; ix, 1-11. — Les
pretre, le senat ou le conseil des anciens, les pretres sacrifices des anciens pretres se multipliaient indefini-
et le peuple. I Mach., xn, 6; xiv, 20. A 1'epoque evan- ment, parce qu'ils etaient inefficaces et ne pouvaient
gelique, les pretres n'etaient pas dechus de ce rang. procurer que la purete de la chair. Le sacrifice de
Un certain nombre d'entre eux faisaient meme partie Jesus-Christ est unique, parce qu'il purifie les ames
du sanhedrin, soit dans la classe des grands-pretres, elles-m6mes, abolit le peche une fois pourtoutes, a une
soit dans celle des anciens, soit dans celle des scribes. vertu toute puissante et assure le salut eternel a ceux
Voir SANHEDRIN. Dans les synagogues, les pr&tres qui veulent en profiler. Heb., v, 9; vn, 25; ix, 12-14.
avaient la preseance; ils etaient appeles les premiers Jesus-Christ a done ete rev£tu d'un veritable sacer-
a faire la lecture. Cf. Gittin, v, 8. — Le sacerdoce doce, superieur au sacerdoce levitique par son origine,
judaique, aboli en droit par la mort de Jesus-Christ, son unite, sa saintete et son efficacite. — 2. « Tout
le fut en fait par la ruine definitive du Temple. On grand-pretre, pris d'entre les hommes, est eMabli pour
voulut croire d'abord que le desaslre n'etait que pro- les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin
visoire, comme au temps des Chaldeens. Les doc- d'offrir des oblations et des sacrifices pour les peches. »
teurs suspendirent done le paiement des redevances Heb., v, 1. Jesus-Christ n'a offert qu'un seul sacrifica
qui avaient pour objet 1'entretien du Temple et 1'exer- « par lequel il a procure la perfection pour toujours a
cice public du culte; mais les autres furent maintenues ceux qui sont sanctifies. » Heb., x, 14. Ce sacrifice est
et on les acquitta, en general, la ou-se trouvaient des celui de la croix, que le sacrifice eucharistique repre-
pretres. Cf. Schekalim, vin, 8. Mais il fallut ensuite sente et continue. Voir SACRIFICE. Cf. De Condren,
se rendre a 1'evidence. Les pretres avaient perdu leur Idee du sacerdoce et du sacrifice de J.-C., Paris, 1858,
raison d'etre^ puisqu'il n'y avait plus de fonctions ri- p. 19-45. — 3. Les Peres appliquent a Jesus-Christ les
tuelles a remplir. Ils furent remplaces par les docteurs paroles du Psaume XLV (XLIV), 8 : « Le Seigneur t'a
661 PRETRE — PRIAPE 662
oint d'une huile d'allegresse. » Plusieurs ont pense byterat, qui en exercait presque tous les pouvoirs, mais
que cette onction s'efait faite au jour du bapteme; il sous I'autorite de Peveque, et le diaconat, qui ne jouissait
est plus exact de dire, avec d'autres, que cette onction que de pouvoirs inferieurs et restreints. Cf. Cone. Trid.,
remonte au moment meme de l'incarnation et que Sess. xxin, can. 6, 7; D. A. Grea, De 1'Eglise et de sa
Jesus-Christ a ete fait pr£tre en meme temps que fait divine constitution, Paris, 1885, p. 271-306. —
homme. Cf. Petau, De incarn. Verbi, XI, ix, 3-14; 3. Saint Paul recommande a son disciple Timothee de
XII, xi, 1-11. n'imposer trop vite les mains a personne. I Tim., v, 22.
2° Les pretres de l'£glise. — 1. Le sacerdoce de II faut en effet que le sujet qui desire exercer le minis-
Jesus-Christ etant un sacerdoce eternel, qui ne se trans- tere sacre et ses fonctions excellentes soit examine et
met, pas parce que celui qui le possede est toujours eprouve au prealable, parce que le ministre du Sei-
vivant, il suit de la que les pretres de la loi nouvelle gneur doit se « moatrer, dans le service de Dieu,
ne peuvent etre que les organes du pretre eternel, mais comme un homme eprouve, un ouvrier qui n'ait point
invisible. Cf. S. Optat, De schismate Donatist., v, 3, a rougir, dispensant avec droiture la parole de verite. »
4, t. xi, col. 1051; S. Augustin, In Joa., v, 17,18, 20, II Tim., n, 15. L'Apotre indique done les qualites
t. xxxv, col. 1423, etc. Jesus-Christ les prend ou il exigees du candidat a 1'episcopai ou au sacerdoce. II
veut, en les appelant lui-meme par une vocation inte- faut qu'il soit irreprochable, qu'il n'ait ete marie qu'une
rieure, controlee exterieurement par le jugement de fois; le celibat n'etait pas encore requis pour le sa-
1'Eglise. I Tim., v, 22. Comme sa religion et son cerdoce, que cette exigence eut alors rendu impossible
Eglise sont etablies pour tous les peuples et pour a recruler, mais les secondes noces constituaient un
tous les temps, il ne s'astreint pas a prendre ses obstacle au ministere sacre. II doit encore etre
pretres dans une race speciale; il les choisit partout. vyftaXto;, sobrius, sobre ou modere dans ses desirs,
Le prophete 1'avait predit : « Le temps est venu de ras- prudent, x6<7[tio;, ornatus, bienordonne (pudiqueajoute
sembler toutes les nations et toutes les langues... la Vulgate), hospitaller, capable d'enseigner. II ne doit
J'enverrai... vers les lies lointaines qui n'ont jamais pas etre adonne au vin, ni violent, mais doux, paci-
entendu parler de moi et qui n'ont pas vu ma gloire, fique (non querelleur, ajoute la Vulgate), desinte-
et ils publieront ma gloire parmi les nations... Et j'en resse, gouvernant bien sa maison, maintenant ses en-
prendrai meme parmi eux pour pretres et pour levites, fants dans la soumission en toute gravite, crejjivoTrjCj
dit Jehovah. » Is., LXVI, 18-21. Ainsi devait etre pro- castitas. Car celui qui ne sait pas gouverner sa maison
cure 1'accomplissement de la prophetie de Malachie, I, serait incapable de prendre soin de 1'Eglise de Dieu.
11, annongant 1'offrande de 1'encens, des sacrifices et II ne faut pas non plus qu'il soit un nouveau converti,
de 1'oblation pure, en tous lieux parmi les nations. — de peur que la dignite si vite obtenue ne le porte a un
2. Jesus-Christ lui-meme a institue le sacerdoce de la damnable orgueil. II est enfin necessaire qu'il jouisse
loi nouvelle. II a confie a ses Apotres le pouvoir de de la consideration de ceux du dehors, afin de ne pas
gouverner 1'Eglise, Matth., xvi, 19; xvin, 18, de cele- tomber dans 1'opprobre et de la dans les pieges du
brer le sacrifice eucharistique, Luc., xxn, 19; I Cor., diable. I Tim., m, 1-7. Saint Paul reproduit un pro-
xi, 25, de remettre les peches, Joa., xx, 23, d'enseigner gramme analogue a 1'usage de Tite. II appelle 1'eveque
et de baptiser, Matth., xxxvnr, 19,20; Marc., xvi, 15; ou le pretre ©sou oixovofio;, « administrateur de la
Luc., xxiv, 47, etc. Les Apotres ont exerce ces pouvoirs maison de Dieu », Dei dispensator. II veut surtout
et les ont transmis a d'autres par 1'imposition des mains. qu'il soit « fermement attache a la doctrine, afin d'etre
I Tim,, iv, 14; II Tim., I, 6. Voir ORDINATION, t. iv, en etat d'exhorter selon la saine doctrine et de refuter
col. 1853. De tres bonne heure, il y eut comme un de- ceux qui la contredisent ». Tit., i, 6-9. — L'Apotre
doublement du sacerdoce. Les Apotres eux-memes, supplie Timothee de faire I'osuvre d'un predicateur de
qui en etaient revetus dans sa plenitude, instituerent 1'Evangile et d'etre tout entier a son ministere, Siaxo-
les diacres, Act., vi, 1-6, charges de certains minis- vta. II Tim., iv, 5. La meme recommandation est
teres qu'eux-memes remplissaient tout d'abord. Voir adressee a Archippe, de Colosses. Col., iv, 17. — Le
DIACRE, t. n, col. 1401. Les ministres institues par les pretre de la loi nouvelle, comme celui de 1'ancienne, a
Apotres pour leur succeder et administrer les eglises le droit de vivre de son ministere. I Cor., ix, 4-12;
etaient appeles indifferemment £7ii<7/to7voc, « surveil- I Tim., v, 17,18. — II se peut qu'il ne soit pasloujours
lants », Phil., i, 1, et Ttpsagviipoi, « anciens ». L'an- a son devoir. On ne doit accueillir d'accusation centre
cien nom hebraique, kohen, etait done abandonne lui que sur la deposition de deux ou trois temoins.
et remplace par des noms grecs plus intelligibles pour S'il est coupable, on le reprendra publiquement, afin
les convertis du monde greco-rcfmain. On laissait egale- d'inspirer de la crainte aux autres, mais on ne devra
ment de cote le nom grec isprJC) que portaient les agir ni par prevention, ni par faveur. I Tim., v, 19-21.
pretres paiens et que gardaient aussi les pretres juifs. — Saint Jean, III Joa., 9, signale un certain Diotre-
Saint Paul disait encore de son temps aux « prelres » phes qui exercait dans une eglise une orgueilleuse et
d'Ephese, TOUC Trpsffgutepouc (majores natu dans la Vul- intolerante autorite. II ecrit aussi aux « anges » des
gate), que Dieu les avait constitues « eveques », imcY.6- sept eglises, c'est-a-dire a leurs chefs spirituels, pour
TTOUC, pour regir 1'Eglise de Dieu. Act., xx, 17, 28. Ces leur rappeler leurs devoirs, les feliciter ou les blamer,
ministres gouvernaient collectivement les eglises qui selon qu'ils le meritent. Apoc., H, I-HI, 22.
leur avaient ete confiees par les fondateurs. Act., xiv, Sur le sacerdoce attribue par certains textes aux
22; xx, 17; Tit., i, 5; I Pet., v, 1-5; Jacob., v, 14; simples fideles, voir ORDRE, t. iv, col. 1855.
Doclr. Apost., xv, 1. Mais cet ordre superieur ne H. LESETRE.
tarda pas a etre dedouble a son tour. Des le commen- PRIAPE, dieu de la fecondite des champs dans la
cement du second siecle, d'importantes eglises sont gou- mythologie grecque et latine. On le faisait naitre de Bac-
vernees par un chef unique, qui estappele eveque. Voir chus et de Venus et Ton placait ses statues de forme
EVEQUE, t. n, col. 2121-2126. On peut affirmer que cet indecente dans les jardins. On lui sacrifiait des boucs
episcopat unitaire a fonctionne des 1'organisation des et des anes. Ses fetes s'appelaient priapees. On 1'hono-
eglises de Jerusalem, de Rome, probablement^d'An- rait particulierement a Lampsaque. II n'est pas nomme
iioche, etc. Cf. Dachesne, Hist, ancierme de 1'Eglise, dans }e texte original des Ecritures, mais saint Jerome
Paris, t. i, 1906, p. 84-95; Pourrat, La theologie sacra- a traduit par son nom le mot hebreu mifle§et,
mentaire, Paris, 1907, p. 283-286. Le sacerdoce chretien III Reg., xv, 13; II Par., xv, 16, voir IDOLE, in, 35°,
se trouva ainsi, presque a 1'origine, partage entre trois t. m, col. 825, parce que mifle'§e't designe, d'apres le
ordres, 1'episcopat, qui en avait la plenitude, le pres- contexte, un objet idolatrique obscene en 1'honneur
663 PRIAPE PRIERE
d'Asiarthe que la reine Maacha honorait et faisait ho- est en pleine vigueur sous Noe, puisque ce patriarche
norer par un culte impur. Saint Jerome 1'a rendu par offre un sacrifice avec un rite deja ancien, et que le
Priape pour donner a ses lecteurs latins 1'idee de ce sacrifice n'est qu'une priere en action. Gen., vni, 20.
qu'etait cette sorte d'idole. Elle etait en bois et le roi Par la suite, si haut qu'on remonte vers les origines
Asa, fils ou p\u\6t petit-fils de Maacha, la fit bruler des anciens peuples, on rencontre toujours des dieux,
dans le torrent de Cedron, Voir MAACHA, t. iv, col. 465. un culte, des sacrifices, institutions inseparables de la
priere. Cf. Sap., xm, 2, 10, 17-19. La priere se trompe
PRICE John, en latin Pricseus, savant anglais, ne souvent dans la designation de 1'etre auquel elle
vers 1600, mort a Rome en 1676. II etait ne de parents s'adresse, mais elle repond a un besoin instinctif que
protestants et fut eleve a Oxford. Apres avoir acheve ressent chaque conscience et qui se constate chez tous
ses etudes, il se convertit au catholicisme et fut oblige les hommes.
de quitter 1'Angleterre pendant les guerres civiles. 2° Sa dependance de 1'idee de Dieu. — L'idee que
Apres avoir vecu quelque temps a Paris, il alia s'eta- chaque peuple se fait de Dieu determine necessaire-
blir a Florence et devint ensuite professeur de grec a ment ia maniere dont il le prie. A mesure que cette
Pise. II se retira finalement a Rome au couvent des id£e se deforme chez les peuples de 1'antiquite, la
Augustins ou il mourut. II avait une connaissance priere passe de plus en plus au pur formalisme. De
etendue des litteratures classiques et il en fit un usage meme que les dieux sont soumis a une sorte de n£ces-
utile pour 1'explication des Saintes Ecritures par des site ineluctable qui limite leur bon plaisir, ainsi la
notes courtes mais judicieuses. On ade lui : Matthseus priere doit s'accommoder servilement a des regies exte-
ex Sacra Pagina, sanctis Patribus, etc., illustratus, rieures dont la negligence ruine toute possibilite de
in-8°, Paris, 1646; Adnotationes in Epistolam Jacobi, credit aupres de divinites plus ou moins soumises a la
in-8°, 1646; Ada Apostolorum ex Sacra Pagina, San- volonte aveugle du destin, II en est ainsi chez les
ctis Patribus, etc., illustrata, in-8°, Paris, 1647; Com- Egyptiens. De multiples et imperieuses formalites
mentarii in varios N&vi Testamenti libros; his acces- s'imposaient, comme condition indispensable, a celui
serunt Adnotationes in Psalmortim librum, in-f°, qui voulait obtenir la faveur du dieu. De plus, « les
Londres, 1660, et dans les Critici sacri, i. v, 824, formules qui accompagnaient chacun des actes du sa-
p. 362. Voir Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 362; criiicateur comprenaient un nombre determine de
S. Lee, Dictionary of national Biography, t. XLVI, mots, dont les sequences et les harmonies ne pouvaient
1896, p. 330. etre modifiees en quoi que ce soit, ni par le dieu lui-
meme, sous peine de perdre leur efficacite... Une note
1. PRIERE (hebreu : tefilldh, fefrinndh; chaldeen : fausse, un disaccord entre la succession des gestes et
bd'u; Septante : eux^> §sv)<7i;, ^poo-su^; "Vulgate: 1'emission des paroles sacramentelles, une hesitation,
oratio, supplicatio, preces), acte par lequel 1'homme une gaucherie dans 1'accomplissement d'un seul rite
s'adresse a Dieu pour lui rendre hommage ou solliciter et le sacrifice etait nul. » Maspero, Histoire ancienne,
sa bienveillance. — Pour les Hebreux, prier c'est sur- t. i, p. 124. En Babylonie se faisait sentir le meme
tout « invoquer le nom de Jehovah », qdrd' beseni asservissementaux rites. Cf. Maspero, Histoire ancienne,
yehovdh, dmxaXeiaO'ai TO ovofxaxupeou TOV 6eou, invocare t. i, p. 704, 705; Fr. Martin, Textes religieux assyriens
nomen Domini. Comme habituellement le nom de el babyloniens, Paris, 1903, p. xx-xxvii. Le formalisme
Dieu se prend pour Dieu lui-meme, 1'expression he- n'est pas moins outre dans la religion de la Grece et
braique revient a signifier « invoquer Dieu », 1'appeler surtout de Rome. « II ne suffit pas de connaitre les
a son aide ou le nommer pour le louer. Gen., iv, 26; attributs du dieu qu'on veut prier, il est bon de lui
XH, 8; Deut., xxxn, 3; Ps. LXXIX (LXXVIII), 6; xcix donner son nom veritable, sans,quoi il serait capable
(xcvm), 6; cv (civ), 1; Is., LXIV, 7; Jer., x, 25; Lam., de ne pas entendre... Meme quand on invoque le plus
m, 55; Soph., HI, 9; etc. grand d'entre eux, on lui dit : Puissant Jupiter ou
I. NATURE DE LA PRIERE. —• 1° Son caractere instinclif. quel que soit le nom que tu preferes. Le nom du dieu
Rien ne parait plus naturel a 1'homme que de tourner trouve, il faut savoir les termes exacts de la priere
les^yeux vers une puissance superieure pour 1'appeler qu'il convient de reciter... Ces prieres sont souvent
a son aide. De quelque nom qu'il designe cette puis- tres prolixes. Le Romain qui prie a toujours peur de
sance, il 1'invoque, parce que d'elle il attend des biens mal exprimer sa pensee; il a soin de repeter plusieurs
ou redoute des maux. C'est la un fait qui a ete constate fois les choses pour etre parfaitement compris... Quant
chez tous les peuples de tous les temps. Cf. A. Bros, aux dispositions de 1'ame qu'il faut apporter a la
La religion des peuples non civilises, Paris, 1907, priere, la religion romaine ne s'en occupe pas; elle
p.276-304. Au commencement de la Bible, la priere n'est s'arrete aux pratiques. Pour elle, les gens les plus reli-
pas mentionnee dans 1'histoire des premiers parents. gieux sont ceux qui connaissent le mieux les rites. »
Ce silence semble indiquer qu'elle a gravement manque, G. Boissier, La religion romaine, 1884, t. I, p. 12-15;
soit immediatement avant la chute, pour appeler le se- Dollinger, Paganisme et judaisme, trad. J. de P.,
cours de Dieu contre le tentateur, soit immediatement Bruxelles, 1858, t. I, p. 306-311; t. in, p. 112, 113;
apres, pour exprimer lerepentir. Mais les rapports dans Fustel de Coulanges, La cite antique, Paris, 7e edit.,
lesquels Adam et Eve ont tout d'abord ete avec Dieu ne p. 194-197. — II y a un abime entre cette conception
se concoivent pas sans la priere, c'est-a-dire sans 1'ex- m^canique de la priere et 1'idee que nous en donne la
pression de pensees, de sentiments et de desirs ma- Bible. Le premier exemple de priere un pen etendue
nifestes a Dieu dans le langage de 1'homme. Cette qu'elle nous fournit est le dialogue qu'Abraham engage
expression est meme si imperieusement commandee a avec Dieu au sujet de Sodome. Gen., xvm, 16-32. Le
1'homme par la conscience qu'il a de sa dependance Dieu d'Abraham n'est pas une entite rigide, inaccessible
vis-a-vis d'un auteur et d'un maitre, qu'elle jaillit ins- a tout sentiment desinteresse de bonte et de compas-
tinctivement de son ame. Des lors, la priere ne resulte sion et liee d'ailleurs par un ineluctable destin. C'est
pas d'une institution positive; elle est d'ordre naturel, un pere du genre humain, qui traite Abraham en ami,
et la Bible n'avait pas a en enregistrer le precepte. ne lui revele les desseins de sa justice que pour pro-
A la seconde generation apres Adam, Enos commence a voquer son intercession, et exauce ses prieres succes-
invoquer le nom de Jehovah. Gen., iv, 26. Quel que sives avec une telle condescendance que celui qui sup-
soit le sens veritable de ces paroles, elles n'en plie s'arrete plus tot que celui qui exauce. Les autres
marquent pas moins un6 accentuation et un progres prieres bibliques precedent toutes de ce meme esprit.
dans 1'idee et dans la pratique de la priere. Celle-ci L'Israelite salt qu'il parle a un Dieu attentif, bon, mi-
665 666
sericordieux, genereux, patient, indifferent aux for- Maitre qui a recommande de « chercher d'abord le
mules et aux gestes, mais exigeant sur les sentiments royaume de Dieu et sa justice ». Matth., vi, 33. —
du coeur. Sans doute, un jour, les pharisiens etendront 4. La priere propiliatoire ou de repentir. Elle est re-
leur formalisme aux regies de la priere elle-meme; presentee par les Psaumes de penitence, vi, xxxn
mais Notre-Seigneur viendra bientot pour detruire (xxxi), xxxvai (xxxvn), LI (L), cir (ci), cxxx (cxxix),
leur oeuvre nefaste et rendre a la priere de 1'homme CXLIII (CXLII), les prieres de saint Pierre, Luc., v, 8, et
son caractere d'appel simple, naturel, cordial et con- du publicain, Luc., xvm, 13, etc.
fiant de la creature au Createur bon et puissant, de 4° La priere type. — 1. Le Sauveur a daigne lui
1'enfant a son Pere des cieux. Aussi n'est-il pas eton- meme 1'enseigner a ses Apotres. C'est le Pater, qui
nant que les prieres bibliques, les Psaumes en parti- donne une si haute et si complete idee de ce que doit
culier, s'inspirant de sentiments si vrais et en meme etre la priere. Matth., vi, 9-13; Luc., x, 2-4. Cette priere
temps si eleves, aient pu traverser les ages et soient ne renferme rien dans sa formule qui soit exclusivement
devenues, meme apres le passage du Sauveur, les caracteristique de la religion chretienne et qui ne puisse
prieres de 1'humanite. convenir qu'aux enfants de 1'Eglise du Christ. Notre-
3° Ses fins. — Chez les anciens peuples polytheistes, Seigneur a voulu qu'elle fut par excellence la priere de
la priere, a peu d'exceptions pres, etait devenue une 1'humanite. Dieu y est presente comme Pere, par conse-
formalite destinee a procurer les biens ou a ecarter les quent comme celui auquel les hommes peuvent s'adres-
mauxd'ordre temporel. Ciceron, Nat. deor., m,36,pou- ser en toute confiance, Pere qu'on ne doit pas s'etonner
vait dire : « Jamais personne n'a considere la vertu de ne pas voir, puisqu'il est dans les cieux, mais dont
comme un present de la divinite. On appelle Jupiter le la puissance et la bonte s'exercent de la-haut sur les
dieu le meilleur et le plus grand, non parce qu'il nous enfants qu'il a sur la terre. Les trois premieres
rend justes, sobres et sages, mais parce qu'il nous demandes : « Que.votre nom soit sanctifie, que votre
donne la sante, le bonheur, la fortune et 1'abondance.» regne arrive, que votre volonte soit faite sur la
Sans doute, les Israelites, comme tous les autres terre comme au ciel », se rapportent a la gloire de
hommes, ont ete plus sensibles aux biens temporels Dieu, que 1'homme souhaite et qu'il doit travailler a
qu'aux avantages spiriluels, et les premiers ont ete procurer par son obeissance. Ainsi 1'homme satisfait
frequemment appeles par leurs prieres. Mais, chez eux, au double devoir de 1'adorationet de 1'action de graces.
Ja priere interessee n'a pas ete exclusive des autres. La Sa priere passe ensuite a la demande, quand elle
Sainte Ecriture renferme un grand nombre de prieres determine les biens qui sont attendus de la munifi-
qui ont des fins plus relevees : 1. La priere latreutique cence divine, pour le corps, le pain de chaque jour,
ou d'adoration. Ce genre de priere se reconnait dans pour 1'ame, la preservation de la tentation, pour les
les Psaumes vm, xxrv (xxiii),xcxin (XGXII), xcv (xciv), deux ensemble, la delivrance du mal. Enfin le repen-
xcvn (xcvi), xcix (xcvm), cxni (cxii), etc.; dans le tir a son expression dans les paroles : « Pardonnez-
cantique des trois jeunes gens, Dan., in, 52-90; dans nous nos offenses comme nous les pardonnons a ceux
les acclamations d'lsai'e, vi, 3, et de saint Jean, Apoc., qui nous ont offenses, » paroles qui font de Lla charite
vn, 12; xi, 17-18; xv, 3-4; xvi, 5-7, etc. — 2. La fraternelle la preuve du repentir sincere. Ces choses
priere eucharistique ou d'actions de graces. Elle est sont exprimees en peu de mots, pour indiquer que
frequente dans la Bible. A ce genre appartiennent le Dieu tient plus aux sentiments du cceur qu'a la lon-
cantique de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; le cantique gueur des formules. C'est la priere par excellence, tant
d'Anne, I Reg., n, 1-10; celui de David, II Reg., xxn, par son origine que parsa simplicite et la perfection de
2-51^";les Psaumes xxxiv (xxxin), XL (xxxix), LXX (LXIX), ses demandes. — 2. Avec la lecon, Notre-Seigneur a
cxxiv (cxxm), etc.; les cantiques de Tobie, XHI, 1-23, tenu a donner 1'exemple de la priere. Nul doute que la
et de Judith, xvi, 2-21; ceux de Marie, Luc., i, 46-55, priere n'ait consacre le temps de sa- vie cachee. Pen-
et de Zacharie, Luc., i, 68-79, etc. — 3. La priere dant sa vie publique, aussitot apres son bapteme, il est
impetratoire ou de demande. La priere pour demander en priere quand le Pere le fait connaitre comme son
les biens d'ordre temporel se rencontre continuelle- Fils. Luc., HI, 21. Au cours de ses tournees evange-
ment, surtout dans 1'Ancien Testament. L'Evangile lui- liques, il se leve de grand matin et va prier dans la
meme enregistre les nombreuses requetes de malheu- solitude. Marc., i, 35. Apres la guerison du lepreux,
reux qui reclament leur guerison ou celle dq leurs pour echapper a 1'empressement indiscret des foules,
proches. Ces demandes sont conformes a 1'ordre de la il se retire dans le desert et y prie. Luc., v, 16. Avant
Providence, et la meilleure preuve en est qu'elles sont de choisir ses Apotres, il passe la nuit en priere sur la
tres souvent exaucees. Mais les biens spirituels sont montagne. Luc., vi, 12. Apres la multiplication des
aussi 1'objet de la priere. Ainsi Salomon demande la pains, il se retire seul sur la montagne pour prier.
sagesse et I'intelligence, II Par., i, 10; des Psalmistes Matth., xiv, 23; Marc., vi, 46. II etait encore seul a
prient pour « connaitre le sentier de la vie », Ps. xvi prier, avant de demander a ses Apotres ce qu'on pensait
{xv), 11, pour revoir bientot le sanetuaire du Dieu de lui. Luc., ix, 18. Sur la montagne de la transfigura-
qu'ils aiment, Ps. XLII (XLI), 2, 3, pour obtenir « un tion, il prie, et c'est pendant sa priere que son visage
cceur pur » et « un esprit ferme », Ps. LII (LI), 12,pour se met a resplendir. Luc., ix, 28, 29. A la suite d'une
que Dieu donne au roi 1'esprit de justice et d'equite, de ses prieres, les Apotres lui demandent de leur ap-
Ps. LXXII (LXXI), 1, 2, pour qu'il accorde la connais- prendre a prier. Luc., xi, 1. Ces quelques indications
sance et 1'amour de sa loi, Ps. cxix (cxvni), etc.; on des Evangelistes montrent que la priere tenait la plus
prie Dieu d'envoyer du ciel sa sagesse, afin que Ton grande place dans la vie du Sauveur. II profitait de
connaisse ce qui lui est agreable. Sap., ix, 4, 10. Quand loutes les occasions pour s'isoler et prier, sans parler
ils conjurent si souvent le Seigneur d'envoyer le Messie, des prieres qu'il faisait publiquement avec ses Apotres,
les prophetes demandent le bien spirituel par excel- sur les chemins, dans les synagogues ou au Temple.
lence, celui qui doit etre pour 1'humanite la source de La priere sanctifie surtout la derniere journee de
tous les autres. Le Nouveau Testament abonde en Notre-Seigneur, au cenacle, Matth., xxvi, 30; Marc., xiv,
requetes spirituelles, celles du don de Dieu, Joa., iv, 26; Joa., xvn, 1-26, a Gethsemani, Matth., xxvi, 36;
10-15, du pain de vie, Joa., vi, 34, de 1'accroissement Marc., xiv, 32; Luc., xxn,41, et sur la croix. Luc., xxm,
de la foi, Marc., ix,23; Luc., xvn, 5, de la vue du Pere, 34; Matth., xxvn, 46; Marc., xv, 34; Luc., xxm, 46.
Joa., xiv, 8, et toutes celles qui sont formulees dans L'Epitre aux Hebreux, v, 7,'dit que, « dans les jours de
les Actes des Apotres ou dans leurs Epitres. Ces re^ sa chair, il offrit avec de grands cris et avec larmes
qufites repondent a 1'invitation si formelle du divin des prieres et des supplications a celui qui pouvait le
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sauver de la mort, et fut exauce pour sa piete. » Get rnettant au coeur de Phomme 1'instinct naturel de la
exemple montre deja quelle importance a la priere priere, Dieu s'etait engage a lui donner satifaction, el,
dans la religion et, en general, dans les relations de par consequent, a accueillir et a exaucer les prieres
1'homme avec Dieu. qui lui seraient adressees. Notre-Seigneur corrobore
II. SA NECESSITE. — II y a, surtout dans 1'ordre natu- puissamment la conflance de 1'homme, en multipliant
rel, une foule de biens que Dieu accorde meme a ceux lui-meme les promesses. « Nous avons aupres de Dieu
qui ne le prient pas. « II fait lever son soleil sur les cette pleine confiance que, si nous demandons quelque
mechants et sur les bons, et descendre sa pluie sur les chose selon sa volonte, il nous ecoute. Et si nous
justes et sur lesinjustes. » Matth., v, 45. Mais beaucoup savons qu'il nous ecoute, quelque chose que nous lui
de biens, principalement dans J'ordre spirituel, ne demandions, nous savons que nous obtenons ce que
peuvent etre accordes qu'a ceux qui les demandent par nous avons demande. » I Joa., v, 14-15. La mort volon-
la priere. « Sachantque je ne pouvais obtenir la sagesse taire de Jesus-Christ nous est un infaillible garant des
si Dieu ne me la donnait, et c'etait deja de la prudence promesses de Dieu. « Lui qui n'a pas epargne son
que savoir de qui vient ce don, je m'adressai au Sei- propre Fils, mais qui 1'a livre a la mort pour nous tous,
gneur et je 1'invoquai. » Sap., vin, 21. Pour faire com- comment avec lui ne nous donnera-t-il pas toutes
prendre cette necessite de la priere, Notre-Seigneur se choses? » Rom., vin, 32. — Pour figurer 1'efficacite de
sert de deux exemples. Un ami deja couche ne se leve la priere, les auteurs sacres se servent de metaphores
que quand son voisin vient avec insistance le solliciter expressives. La priere monte jusqu'au ciel, a la sainte
pour lui emprunterdu pain. Autrement, il ne se leverait demeure de Jehovah, II Par., xxx, 27, devant la gloire
pas et n'irait pas au-devant de ses desirs. En conse- du Dieu souverain, Tob., in, 25, en sa presence.
quence, « demandez et 1'on vous donnera, cherchez et Ps. LXXXVIII (LXXXVII), 3. Elle s'eleve comme 1'encens.
vous trouverez, frappez et Ton vous ouvrira. Qui de- Ps. CXLI (GXL), 2. EUe penetre les nues. Eccli., xxxv,
mande recoit, qui cherche trouve, a qui frappe on 21. Quand il ne veut pas exaucer, Dieu se couvre d'une
ouvre... Si vous, qui etes mechants, vous savez donner nuee, « afin que la priere ne passe point. » Lam., in,
ce qui est bon a vos enfanls, combien plus votre Pere 44. — Ce n'est pas a dire pourtant que la priere soit
du haut du ciel donnera-t-il le bon esprit a ceux qui le toujours efficace, au moins dans les termes ou elle a
lui demandent! » Luc., xi, 5-13. Pour montrer « qu'il ete formulee. Dieu voit plus loin que celui qui le prie
faut toujours prier sans se lasser », le Sauveur met et sa sagesse regie 1'action de sa bonte. Aussi saint
encore en scene une pauvre veuve qui n'obtient gain Jean dit-il que Dieu nous ecoute, si ce que nous lui
de cause aupres d'un juge inique qu'a force d'instances. demandons est « selon sa volonte ». I Joa., v, 14,
Puis, comparant Dieu a ce juge inique, il conclut qu'a Autrement, au bien demande, il substitue un bien
plus forte raison ceux qui s'adressent a lui seront preferable. II y a done, dans la Sainte Ecriture, des
exauces. Luc., XVHI, 1-8. Le Sauveur prescrit a ses prieres bonnes en elles-memes qui, pour ce motif, ne
Apotres de veiller et de prier, afln de ne pas entrer en sont pas exaucees. Telles sont celle du possede gueri
tentation. Matth., xxvi, 41. Saint Jacques, iv, 2, dit aux qui demande a suivre Jesus, Marc., v, 18, 19; Luc., VHI,
Chretiens que, s'ils n'obtiennent pas, c'est qu'ils ne 38, 39, celle des fils de Zebedee et de leur mere,
demandent pas. — De la les exhortations pressantes a Matth., xx, 20-23; Marc., x, 35-40, et surtout celle du
la priere frequente, Luc., xvm,l; « Priez sans cesse. » Sauveur a Gethsemani. Matth., xxvi, 39-44; Marc., xiv,
I Thes., v, 17; Soyez « assidus a la priere, » Rom., xn; 36-40; Luc., xxiv 42.
12; « perseverez dans la priere, » Col., iv, 2; <c soyez IV. SES CONDITIONS. — Saint Jacques, iv, 3, egrit :
prudents et sobres, pour vaquer a la priere. » I Pet.,iv, « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que
7. Dans les circonstances graves, les Apotres et les vous demandez mal, avec 1'intention de satisfaire
Chretiens avaient recours a la priere continue. Act., i, vos passions. » II y a done des conditions a remplir
14; xu, 5. La vraie veuve « persevere nuit et jour dans pour etre exauce. La Sainte Ecriture indique les sui-
les supplications et les prieres. » I Tim., x , 5, Ces vantes: — 1° Conditions easentielles. — 1. La foi et la
exhortations et ces exemples s'inspirent de la recom- confiance. Comme il est impossible de plaire a Dieu sans
mandation du Seigneur : « Veillez et priez sans cesse, la foi, il est de toute necessite de croire pour s'approcher
afin que vous soyez trouves dignes d'echapper a tous de Dieu utilement. Heb., xi, 6. Notre-Seigneur exige
ces maux qui doivent arriver, et de paraitre debout absolument cette foi. Matth., xxi, 22. II la reclame or-
devant^le Filsde 1'homme. » Luc., xxi, 36. dinairement de ceux qui le prient et les traite en con-
III. SON EFFICACITE. — Du commencement a la fln, sequence de leur foL Matth., vm, 13; ix, 28; Marc.,
la Sainte Ecriture temoigne de 1'accueil bienveillant v, 36; ix, 22; xi, 23; Luc., vm, 50; etc. C'est la priere
que Dieu fait a la priere. Gen., xxx, 17; Num., xxm, avec la foi qui soulage le malade. Jacob., v, 15. — 2. L'hu-
1; Deut., ix, 19; I Reg., vn, 9; III Reg., xvn, 22; milite. Dieu s'incline a la priere du petit. Ps. en (ci),
II Esd., ix, 28; Ps. iv, 2; XVHI (xvn), 7; xxxiv (xxxin), 18. C'est aux humbles qu'il accorde sa grace. Jacob.,
5; Is., XLIX, 8; Dan., xui, 44; II Mach., i, 8; Luc., i, iv, 6; I Pet., v, 5. La parabole du pharisien et du pu-
13, etc. Notre-Seigneur exauce presque tous ceux qui blicain a pour but de faire comprendre la necessite de
1'implorent. II donne les assurances les plus formelles 1'humilite quand op parle a Dieu. Luc., xvm, 9-14. —
sur 1'efficacite de la priere. Matth., vn, 7-12; Luc., xi, 3. La loyaute. Dieu veut que ceux qui lui demandent
1-13. « Je vous le dis de nouveau, si deux d'entre vous de faire leur volonte commencent par faire la sienne.
s'enlendent sur la terre, quoi qu'ils demandent, ce leur « Jehovah est pres de tous ceux qui 1'invoquent d'un
sera accorde par mon Pere qui est dans les cieux. » coeur sincere. » Ps. CXLV (cxuv), 18. « II ecoute la
Matth., xvni, 19. « Tout ce que vous demanderez avec priere des justes. » Prov., xv, 29. Par consequent, pour
foi dans la priere, vous 1'obtiendrez. » Matth., xxi, 22 ; prier devant la face du Seigneur, il faut quitter ses
Marc., xi, 24. « Tout ce que vous demanderez a mon peches, diminuer ses offenses, detester le mal. Eccli.,
Pere en mon nom, je le ferai, pour que le Pere soit xvn, 24, 25. La priere de celui qui n'ecoute pas la loi
glorifie dans le Fils. » Joa., xiv, 13-14. « Si vous de- est une abomination. Prov., xxvni, 9. Elle est meme
meurez en moi, et si mes paroles demeurent en vous, reputee peche, c'est-a-dire qu'elle est offensante pour
vous demanderez tout ce que vous voudrez et cela vous Dieu. Ps. cix (cviu), 7. « Quand,vous multipliez les
arrivera. » Joa., xv, 1, 16. « Ce que vous demanderez a prieres, dit Jehovah, je n'ecoute pas... Lavez-vous, puri-
mon Pere en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'a fiez-vous, otez de devant mes yeux la malice de vos
present vous n'avez rien demande en mon nom : actions. » Is., i, 15. — 4. La charite fraternelle. Le
demandez et vous recevrez. » Joa., xvi, 23, 26. En Sauveur en insere la condition dans le Pater meme, et
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il n'admet a prier devant 1'autel que celui qui n'aaucuri malgre la diminution progressive des chances de par-
mauvais sentiment envers son frere. Matth., v, 23, 24. don. Gen., xviii, 23-32. — Jacob prie pour echapper a
II fait de 1'union fraternelle un moyen d'etre plus sure- la colere d'Esaii. Gen., xxxii, 9-12. — Moise s'adresse
mentexauce. Matth., xvm, 19,20. —S.L'union a Dieu. souvent a Jehovah, pour lui demander de 1'eau douce,
« Sans moi, vous ne pouvez rien faire, » dit le Sauveur. Exod., xv, 25; le pardon de son peuple, Exod., xxxii,
Joa., xv, 5. Gf. I Cor., xn, 3; II Cor., nr, 5. Ceci s'ap- 11-13; la cessation d'un fleau, Num., xi, 2; 1'eloigne-
plique egalement a la priere. C'est pourquoi « 1'Esprit ment des serpents, Num., xxr, 8, etc. — David adresse
vient en aide a notre faiblesse, car nous ne savons pas ses louanges et ses actions de graces au Seigneur,
ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans II Reg., vn, 18-29, et, dans les Psaumes dont il est
nos prieres. Mais 1'Esprit lui-meme prie pour nous par 1'auteur, il en renouvelle 1'expression, en y joignant
des gemissemenfs ineffables. » Rom., vm, 26. d'humbles demandes et des sentiments de repentir. —
2° Conditions favorables. — Certaines pratiques ajou- Salomon, a 1'occasion de la dedicace du Temple, fait a
tees a la priere peuvent la rendre plus efficace, com me Dieu une priere solennelle pour le remercier et implo-
le jeune, Judith, iv, 8, 12; Bar., i, 5; II Esd., I, 4; rer son assistance en faveur de ceux qui viendront
Matth., xvii, 20; Marc., ix, 28; Act., xiv, 22; i'aumone* 1'implorer dans 1'edifice sacre. Ill Reg., vm, 15-53;
Tob., xii, 8; Act., x, 4, et les larmes. I Reg., i, 10; Is., II Par., v, 4-42. II avait d'ailleurs commence son regne
XXXVHI, 5; Judith, xm, 6; Tob., in, 11; vn, 13; xn, 12. en demandant la sagesse. II Par., i, 8-10. — Ezechias
La priere est d'ailleurs elle-meme un remede a la tris- prie pour que Dieu delivre son peuple de 1'invasion
tesse. Jacob., v, 13. assyrienne. IV Reg., xix, 15-19; II Par., XXXIH, 20. —
V. LA PRIERE POUR LES AUTRES. — On ne prie pas seu- Manasse en exit implore Jehovah avec humilite et
lement pour soi; 1'intention de Dieu est que les nommes repentir. II Par., xxxn, 12. — Dans les ecrits des pro-
prient les uns pour les autres. Ainsi, 1° Abraham prie phetes, on trouve un bon nombre de prieres : les can-
pour Abimelech, Gen., xx, 7, 17; le pharaon d'Egypte tiques des rachetes, Is., xii, 1-6; xxvi, 1-19; la priere
demande a Moi'se et a Aaron de prier pour sa deli- pour les captifs, Is., LXIV, 7-LXV, 12; les prieres de
vrance, Exod., vm, 8, 29, 30; ix, 28; x, 18; sur 1'ordre Jeremie pour son peuple coupable, Jer., xiv, 7-22; ses
de Dieu, Job prie pour ses amis, Job, XLII, 8,10; Judith plaintes a Jehovah, Jer., xx, 7-18; Lam., in, 55-66; sa
prie pour ses concitoyens, Judith, vm, 29; Sedecias priere apres la ruine de Jerusalem, Lam., v, 1-22; la
demande a Jeremie de prier pour lepeuple, Jer.,xxxvn, priere de Baruch en faveur des exiles, Bar., n, 11-m,
3, et le peuple renouvelle cette demande, Jer., XLII, 2, 8; la priere d'Azarias dans la fournaise, Dan., m, 26-
20; les exiles de Babylone sollicitent les prieres de leurs 45, et le cantique d'actions de graces qui la suivit,
freres de Jerusalem, Bar., i, 13; les Juifs de Jerusalem Dan., in, 52-90; la priere de Susanne, Dan., xm, 42,
prient pour ceux d'Egypte. II Mach., I, 6. Le grand- 43; celle de Jonas, n, 3-10; le cantique de louanges
pretre Onias apparait priant pour toute la nation, et de Miche"e, vn, 18-20; la priere d'Habacuc, m, 2-19, etc.
disant de Jeremie : « Celui-ci est 1'ami de ses freres, — La plupart des Psaumes sont aussi des prieres expri-
qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte. » mant les divers sentiments de Tame benie de Dieu,
II Mach., xv, 12. — Dans la pensee de Notre-Seigneu r, eprouvee ou repentante. — Job interpelle Dieu fre-
la priere doit habituellement avoir un caractere collec- quemment et finit par une humble protestation de
tif. Voila pourquoi les demandes du Fater sont formu- repentir. Job, XLII, 2-6. — Sara, fille de Raguel, de-
lees au pluriel. En consequence de cette indication et mande la protection divine, Tob., m, 13-23, etTobie ce-
de la grande loi de la charite, les premiers Chretiens lobre la louange du Seigneur dans un cantique d'actions
prient beaucoup les uns pour les autres. Saint Jacques, de graces. Tob., xm, 1-23. — Judith implore le secours
v, 16, le recommande a ses fideles. Saint Paul reclame de Dieu en faveur de son peuple, Judith, ix, 2-19,
les ^prieres de ses enfants dans la foi, Rom., xv, 30 ; et ensuite exprime sa reconnaissance au Seigneur.
II Cor., i, 11; Phil., i, 19; I Thes., v, 25, et il leur Judith, xvi, 2-21. — Mardochee et Esther prient pour
assure les siennes. Eph., i, 16; Phil., i, 3; I Thes., i, leur peuple menace. Esth., xm, 9-17; xiv, 3-19. —
2; II Tim., i, 3; Philem M 4. Epaphras prie pour les Nehemie prie pour les enfants d'Israel, II Esdr., i, 5-11,
Colossiens, iv, 12. — L'obligation de prier pour les et tout le peuple demande pardon et protection a Jehovah.
autres s'impose plus specialement aux pasteurs spiri- II Esdr., ix, 5-38. — L'auteur de la Sagesse, ix, 1-18,
tuels, I Reg^ vn, 5; xn, 9, 23; II Mach., xv, 14; Col., prete a Salomon une priere pour demander la sagesse.
i, 3, 9; II Thes., i, 11, etc. Notre-Seigneur prie pour — Celui de 1'Ecclesiastique, xxm, 1-6, prie pour 4tre
ses disciples. Joa., xvii, 9,13, 20, 21. — 2° On prie pour preserve des peches de langue, pour la delivrance
les rois et les princes, meme idolatres, Bar., 'i, 11; d'Israel, Eccli., xxxvi, 1-17, et pour remercier le Sei-
I Esd., vi, 10, meme persecuteurs. I Tim., n, 1-2. — gneur de 1'avoir tire du peril. Eccli., LI, 1-12. — On
Jeremie, xxix, 7, prescrit aux Israelites deportes a prie avant de livrer bataille. 1 Mach., 5, 33; xi, 71;
Babylone de prier Jehovah pour cette ville dont la pros- II Mach., vm, 29; xv, 26, etc.
perite leur profilera. — 3° On prie pour les persecuteurs. 2° Dans le Nouveau Testament. — Les cantiques de
C'est une des lois les plus formelles de 1'Evangile. Marie, Luc., i, 46-55, de Zacharie, Luc., i, 68-79, et de
Matth., v, 44; Luc., vi, 28; Rom., xn, 14. Elle a ete Simeon, Luc., n, 29-32, sont des prieres d'actions de
consacree par les exemples de Notre-Seigneur, Luc., graces. — kUn grand nombre de prieres, toutes tres
xxni, 34, et de saint Etienne. Act.,vn, 60. — 4° On prie courtes, sont adressees a Notre-Seigneur par toutes
pous les morts. II Mach., xii, 44. Saint Paul prie pour sortes de personnes. Lui-me'me remercie son Pere de
Onesiphore, qui lui a rendu service a Rome et qui est la maniere dont est repartie la grace de la lumiere,
mort depuis. II Tim., i, 15-18. Voir ONESIPHORE, t. iv, Matth., xi, 25, 26; il le prie a la derniere Gene, Joa.,
col. 1813. — 5° Dans le ciel, les prieres des saints sont xvii, 1-26; au jardin des Olives, Matth., xxvi, 39-44;
presentes devant le trone de Dieu. Ces prieres sont Marc., xiv, 36-39; Luc., xxn, 42, et sur la croix. Luc.,
celles des saintes ames de la terre, offertes a Dieu par xxm, 34, 46; Matth., xxvn, 46; Marc., xv, 34. — Au
celles qui sont deja au ciel. Apoc., v, 8; vm, 3, 4. livre des Actes, des prieres sont mentionnees en diverses
VI. LES PRIERES BIBLIQUES. — La Sainte Ecriture occasions solennelles : pour 1'election de saint Mathias,
renferme une foule de prieres plus ou moins longues, i, 24, 25; pour demander secours apres la comparution
par lesquelles les hommes s'adressent au Seigneur avec des apotres Pierre et Jean devant le sanhedrin, iv, 24-
des intentions diverses. Les plus caracteristiques sont 30; pour la delivrance de Pierre emprisonne, xn, 5.
les suivantes : 1° Dans I'Ancien Testament : Abraham — Saint Jean termine son Apocalypse, xxn, 20, par un
intercede en faveur de Sodome et poursuit sa requete, appel au Seigneur Jesus.
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3° Prieres sacramentelles. — Les Apotres se consacre- du Schemone-Esre. Le Sauveur donne la raison de
rent plus particuUerement a la priere et au ministere cette brievete. Le Pere celeste salt parfaitement ce dont
de la parole. Act., vi, 4. La priere devait accompagner nous avons besoin. Matth., vi, 32. Nous n'avons pas a
necessairement les actes par lesquels ils conferaient le renseigner, mais seulement a lui temoigner notre
la grace aux fideles. Elle etait inseparable de la fraction confiance, notre soumission et notre amour. « Vous
du pain, Matth., xxvi, 26; Act., n, 42, de 1'imposition demanderez en mon nom, dit Notre-Seigneur, et je ne
des mains, Act., vi, 6; xm, 3; xx\m, 8, de 1'onction vous dis point que je prierai le Pere pour vous, car le
des malades, Jacob., v, 14, etc. Pere Iui-m6me vous aime. » Joa., xvi, 26. 11 n'est done
VII. USAGES CONCERNANT LA PRIERE. — i°Les formules. pas necessaire de lui exposer longuement un besoin.
— Dans 1'Ancien Testament, aucune formule speciale de Ce n'est pas en repetant : « Seigneur, Seigneur! »
priere n'est indiquee comme devant etre d'usage habi- qu'on est exauce, c'est avant tout en faisant la volonte
tuel. Mais il y a un certain nombre de prieres toutes du Pere. Matth., vn, 21. — En dehors du Paler, les
preparees dans le recueil des Psaumes; elles servaient premiers Chretiens n'avaient guere d'autres formules
surtout dans les ceremonies liturgiques. Des formules de prieres que les Psaumes et les Cantiques inspires
speciales etaient imposees pour 1'offrande des dimes et de 1'Ancien et du Nouveau Testament. C'est peu a peu
des premices. Deut., xxvi, 3-15. Pour 1'ordinaire, il est que d'autres formules entrerent en nsage parmi eux.
probable qu'on s'inspirait des besoins du moment dans Cf. Duchesne, Origines du culte chretien, Paris, 1903,
les prieres que Von adressait a Dieu. L'Oriental a d'ail- p. 46-55.
leurs une particuliere facilite pour exprimer ses desirs 2° Les temps. — Les Israelites avaient 1'habitude de
etses sentiments. La priere n'etait pastoujours vocale. prier trois fois le jour, le soir, le matin et au milieu
Anne parle a Dieu en son cceur et remue seulement les du jour. Ps. LV (LIV), 18. Trois fois par jour, Daniel se
levres, sans que sa voix se fasse entendre. I Reg., i, 13. mettait a genoux et louait Dieu. Dan., vi, 10. La pra-
Judith prie en silence et se contente de remuer les levres.
Judith, xm, 6. Bien souvent, sans doute, des ames
pieuses et meditatives priaient interieurement et don-
naient un libre cours, sous le regard de Dieu seul, a
1'expression de leurs pensees et de leurs sentiments.
— A Fepoque evangelique, la priere juive avail une for-
mule bien determinee, comprenant deux themes prin-
cipaux, le Schema et le Schemone-Esre. Le Schema se
composait de trois passages bibliques : Deut., vi, 4-9; xi,
13-21; Num., xv, 37-41. Le premier morceau commence
par le mot sema', « ecoute, » d'ou le nom donne a 1'en-
semble de la formule. Ces trois passages contiennent
seulement des preceptes mosai'ques et non des prieres
proprement dites. On les recitait comme nous recitons
nous-memes soit notre symbole, soit les commande-
ments de Dieu et de 1'Eglise. On les accompagnait de
benedictions dites avant et apres chacun de ces mor-
ceaux. Le Schema devait etre recite le matin et le soir,
en hebreu ou en une autre langue, par tous les Israe-
lites, mais non par les femmes, les esclaves et les enfants.
Berachoth, i, 1-4; m, 3; Sota, VH, 1. Les deux passages
173. — Egyptians priant les mains etendues.
du Deuteronome, vi, 4-9; xi, 13-21, etaient ecrits sur
la mezuza, voir MEZUZA, t. iv, col. 1057, et sur les phy- D'apres Wilkinson, Manners, t. ir, p. 324.
lacteres. Voir PHYLACTERES, col 350.Le Schemone-Esre,
semoneh lesreh, « dix-huit », se composait de formules tique du Psalmiste qui, sept fois le jour, redisait les
de benedictions et de louanges en 1'honneur de Dieu, louanges du Seigneur, Ps. cxix (cxvin), 164, parait
presqu'efitierement empruntees aux Psaumes et aux avoir ete exceptionnelle, bien qu'elle ait inspire plus
prophetes. C'etait pour les Israelites la tefilldh par excel- tard celle des sept heures canoniales du jour. Cf. Ba-
lence. Ces formules sont assez developpees, mais, a cuez, Du Saint-Office, Paris, 1872, p. 284, Les Israe-
1'epoque evangelique, la redaction actuelle n'etait pas lites recitaient le Schemone-Esre le matin, 1'apres-
encore arretee. Le nombre en a ete porte a dix-neuf. midi, a 1'heure de 1'oblation, c'est-a-dire vers trois
Tous les Israelites sans exception avaient a les reciter heures et le soir. Ils priaient egalement avant et apres
trois fois le jour, le matin, 1'apres-midi et le soir. Bera- les repas. Voir REPAS. Des prieres speciales etaient en
choth, HI, 3; iv, 1. Elles sontreproduites dans Schiirer, outre prescrites pour le sabbat et les differentes Teles
Geschiehte des jud. Volkes im Zeit. J . C., t. li, p. 461, de 1'annee. La priere avant le jour ou des 1'aurore est
462, et dans Stapfer, La Palestine au temps de J.-C., plusieurs fois mentionnee. Ps. LXXXVIII (LXXXVII), 14;
Paris, 1885, p. 372-376. Les docteurs examinerent une Judith, xn, 5; Sap., xvi, 28, etc. La priere de la neu-
foule de cas concernant la recitation de ces formules. vieme heure ou de trois heures du soir, Act., HI, 1,
— Les plus devots parmi les Juifs, ou du moins ceux etait celle qui accompagnait le sacrifice de 1'apres-
qui tenaient a le paraitre, ne manquerent pas de mul- midi. Saint Pierre priait egalement vers la sixieme
tiplier et d'allonger les formules de la priere. C'estdeja heure. Act., x, 9. Ces differentes indications bibliques
sans doute pour protester centre ces longueurs que ont determine le choix des heures auxquelles 1'Eglise
Jean-Baptiste enseigna a ses disciples a prier. Luc., xi, a fixe ses prieres publiques, prime, au lever dujour, a
1. Notre-Seigneur ne veut pas qu'on multiplie les pa- 1'heure de la priere du matin, tierce, a 1'heure ou se
roles, comme les paiens, et qu'on s'imagine qu'on sera terminaient les sacrifices du matin, sexte, a 1'heure
exauce a force de parler. Matth., vi, 7. II reproche aux consacree par saint Pierre, none, a 1'heure du sacri-
pharisiens hypocrites d'aller faire d'interminables prie- fice du soir, vepres, a 1'heure de la priere du soir,
res chez les veuves, afin de tout devorer chez elles. c'est-a-dire a la chute du jour. '
Matth., xxm, 14; Marc., xn, 40, Luc., xx, 47. La for- 3° Les lieux. — L'ancien sanctuaire, cf. I Mach., in,
mule de priere qu'il enseigne a ses disciples estcourte. 46, et plus tard le Temple ont ete les rendez-vous in-
Elle represente a peine en longueur la vingtieme partie diques de la priere. Salomon suppose que Ton viendra
673 PRIfiRE 674
frequemment prier dans le Temple qu'il vient de con- veur. I Cor., vii, 5. Les pharisiens avaient ele amenes
=sacrer. Ill Reg., vm, 28, 31, 33, 35, etc. Le Temple a prier dans les rues par une consequence de leur
etait par excellence la « mai- casuistique. Les docteurs avaient regie les heures aux-
son de la priere ». Is., LVI, quelles devaient se reciter le Schema et le Schemone-
7; I Mach., VH, 37. La, en Esre. Le bon pharisien sacrifiait le recueillement a la
effet, Dieu manifestait plus ponctualite servile. II recitait la priere la ou 1'heure
qu'ailleurs sa presence et fixee le surprenait. Des regies speciales determinaient
sa grace. C'est pourquoi les cas dans lesquels il etait alors permis de saluer ou
Notre-Seigneur tint a inter- du rendre un salut. Berachoth,n, 1-2. Sous pretexte
venir avec autorite pour de regularite, les pharisiens faisaient degenerer en
faire respecter la destina- ostentation coupable ces prieres en public, qui eussent
tion de cet edifice. Matth., ete bien mieux dites dans la solitude et le recueille-
xxi, 13: Marc., xi, 17;Luc., ment, fut-ce avec plus ou moins de retard sur une
xix, 46. On se rendait done heure arbitrarrement fixee. Les docteurs permettaient
auTemp*lepourprier. IReg.,
i, 10-12; Luc., I, 10; xvm,
10; Act., n, 46; in, 1, etc.
En dehors du Temple, on
priait en commun dans les
synagogues,voirS¥NAGOGUE,
et dans de simples oratoi-
174. — Carthaginois offrant res. Voir ORATOIRE, t. iv,
un sacrifice, la main droite
levee dans 1'attitude de la col. 1850. Les particuliers
priere. Chaton de bague priaient ensemble dans leur
sigillaire en or. Musee La- maison, ou bien, pour etre
vigerie a Carthage. seuls, ils se retiraient dans
une chambre haute. Ill Reg.,
xvn, 19-23; IVReg.,iv, 10,33; Judith, ix,l; Dan.,vi,10;
Act., x, 9, etc. Le Sauveur recommande a celui qui
veut prier d'entrer dans sa chambre, d'en fermer la
verent les yeux, le lierent d'une double chaine d'airain ce bon office comme rendu a lui-meme en personne.
et le mirent dans une prison ou il avail a tourner la Matth., xxv, 36. — 4. Les deux apotres Pierre et Jean
meule. C'etait une dure reclusion, compliquee des sont mis en prison par 1'ordre du sanhedrin. Act., iv,
travaux forces. Us Ten tirerent au jour de la fete de 3. Tous les autres Apotres y sont enfermes a leur tour,
leur dieu Dagon et Samson en profita pour renverser mais un ange les en fait sortir pendant lanuit. Act., v,
le temple ou se tenait 1'assemblee. Jud., xvi, 21, 25. 18-25. Saint Paul, avant sa conversion, faisait rnettre
3° Prisons assyriennes. — Pour punir la revolte en prison les disciples du Sauveur. Act., vni, 3; xxn,
d'Osee, roi d'lsrael, Salmanasar, roi d'Assyrie, le fit 19; xxvi, 10. Lui-meme y alia a son tour. II Cor., vi,
saisir, enchainer et jeter dans une prison. IV Reg., 5; xi, 23. A Philippes, il fut enferme avec Silas dans
XVH, 4. Cette mesure suppose la relegation d'Osee en un des cachots interieurs de la prison, et aurait pu
Assyrie, ou le peuple d'lsrael allait bientot rejoindre s'echapper s'il avait voulu. Act.,xvi, 23-34. Les premiers
son dernier roi. Voir OSEE, t. iv, col. 1906. — L'avant- Chretiens etaient souvent jetes en prison par leurs
dernier roi de Juda, Joachin ou Jechonias, subit le persecuteurs. Heb., xi, 36; Apoc.,ri, 10.
meme sort. Nabuchodonosor le. tint en prison en Assyrie 5° Au sens figure. — La plaie des tenebres enchainait
pendant trente-six ans. IV Keg., xxv, 9, 27. Au bout les Egyptiens comme dans une prison. Sap., xvit, 15;
de ce temps, le nouveau roi, Evilmerodach, des le xvm, 4. — Satan est dans son enfer comme dans une
debut de son regne, le tira de son humiliation et le traita prison. Apoc., xx, 7. — Avant la redemption, les rois
avec une faveur marquee. IV Reg., xxv, 27-30; Jer., LII, et les peuples etaient comme en prison, dans les
31-33. Voir JECHONIAS, t. in, col. 1211. — Le dernier tenebres de leur ignorance et pour 1'expiation de leurs
roi de Juda, Sedecias, pris et conduit a Nabuchodono- mefaits. Is., xxiv, 22; XLII, 22. Le Messie devait venir
sor, alors a Rebla, eut les yeux creves, fut charge de pour faire sortir les captifs de prison. Is., XLIT, 7. —
deux chaines d'airain et jete dans une prison de Raby- Le sage, meme pauvre et sortant de prison, est capable
lone, ou il demeura jusqu'a sa mort. IV Reg., xxv, 6, de regner. Eccle., iv, 14. H. LESETRE.
7; Jer., LII, 11. Plus tard, Arsace, roi de Perse, fit
mettre en prison le roi de Syrie, Demetrius, qui avait PR1SONN1ER. Voir CAPTIF, t. n, col. 222; PRISON,
viole son territoire. I Mach., xiv, 2, 3. col. 678.
4» Prisons Israelites. — 1. Dans les premiers temps,
les Israelites n'avaient pas de prisons. On se conten- PR1SQUE (grec : npt'uxa; Vulgate : Prisca, « an-
tait d'exercer une surveillance etroitesur les coupables cienne, »nom de la femme du juif convert! Aquila. Act.,
qui devaient etre juges et punis. Lev., xxiv, 12; Num., xvm, 2, 18, 26; I Cor., xvi, 19. On Fappelait aussiPris-
xv, 34. La premiere mention d'une prison se rencontre cilla, diminutifde-Pmca, selon 1'usage remain qui em-
dans 1'histoire d'Achab, roi d'lsrael. Un prophete, du ployait souvent les deux formes. Suetone appelle Clau-
nom de Michee, ayant predit 1'insucces de 1'expedition dilla et Livilla celles que Tacite appelle Claudia et
qu'Achab et Josaphat allaient entreprendre ensemble Lima. Cf. Drusa et Drusilla, Quinta et Quintilla,
contre les Syriens, le roi d'lsrael le fit mettre en Secunda et Secundilla. Voir AQUILA, t. i, col. 809.
prison, avec ordre de le nourrir du pain et de 1'eau
d'aflliction. Ill Reg., xxii, 27. Voir MICHEE, t. rv, PROBAT1QUE (PISCINE) a Jerusalem. Joa.,
col. 1063. — Le prophete Jeremie subit plusieurs fois v, 2. La Vulgate a appele probatica piscina, la piscine
la prison. Enferme d'abord dans la cour des gardes, a), qui, d'apres le texte grec, est situee in\ T/J
Jer., XXXH, 2, 8, 12; xxxni, 1, il fut ensuite accuse de (sous entendu U-J^YI), c'est-a-dire pres de la
vouloir passer aux Chaldeens, saisi, battu, et jete dans porte des Brebis ou du Troupeau, cf. II Esd., in,l, 32;
une basse-fosse, sous les voutes, dans la maison du xu, 38, ou la Vulgate appelle cette porte porta Gregis.
secretaire Jonathan, dont on avait fait une prison. Voir JERUSALEM, t. HI, 1°, col. 1364. On donnait en he-
Apres bien des jours, le roi Sedecias le fit tirer breu a cette piscine le nom de BvjOEaSa; Vulgate : Beth-
de 14 et garder dans la cour de la prison, avec saida. Voir BETHSAIOE 3, t. i, col. 1723.
ordre de lui fournir cbaque jour une miehe de pain,
dont il etait prive precedemment. Jer., xxxvn, 14- PROCEDURE, maniere dont s'exerce la justice
16, 20. Ses ennemis ne 1'en firent pas moins descendre publique. — Chez les Hebreux, comme en general chez
ensuite dans une citerne qui ne contenait que de la les Orientaux, la procedure etait assez sommaire. La
boue. Le prophete yenfonca. On 1'en tira avec des cordes justice se rendait aux portes des viJles, ou les juges
et on le relegua de nouveau dans la cour des gardes, s'asseyaient. Prov., xxxi, 23. Voir PORTE, i, 3°, col. 553.
ou il demeura jusqu'a la prise de la ville. Jer., xxxvin, La justice etait rendue par les anciens, puis, a partir de
6,13, 28; xxxix, 14, 15. — 2. Apres la captivite, le roi la domination grecque, par des tribunaux appeles sanhe-
Artaxerxes donna a Esdras des instructions en vertu drins, formant trois juridictions graduees. Voir JUGE,
desquelles les transgresseurs de la loi juive devaient t. in, col. 1833-1836. Les rois jugeaient naturellement
etre punis de mort, de bannissemejit, d'amende ou de dans leur palais, III Reg., vn, 7, et le grand sanhedrin
prison. I Esd., vn, 26. II y eut un peu plus tard une dans un local du temple. Voir t. in, col. 1843. Sur la
prison a Jerusalem. II Esd., HI, 25; xn, 38. Au temps comparution devant le tribunal, 1'instruction de 1'affaire,
des Machabees, le general syrien Bacchides prit en la sentence et son execution, voir JUGEMENT JUDICIAIRE,
otages les fils des principaux Juifs et les retint t. in, col. 1844,1845. Quand la cause en litige ne pou-
prisonniers dans la citadelle de Jerusalem. I Mach., ix, vait etre elucidee ni par la deposition des temoins, ni
53. — 3. A 1'epoque cvangelique, saint Jean-Baptiste par le serment de Taccuse, on 1'abandonnait au juge-
est mis en prison a Macheronte par le roi Hepode ment de Dieu. La cause entendue, les juges donnaient
Antipas ety est decapite. Matth., xiv, 3, 10; Marc., vi, chacun leur suffrage, soil pour absoudre, soil pour
17, 27; Luc., m, 20; Joa., in, 24. Dans 1'Evangile, il condamner, soit pour declarer que la question ne leur
est fait mention de la prison dans laquelle le juge fait paraissait pas claire. La sentence etait rendue d'apres
erifermer les accuses, Matth., v, 25; Luc., xn, 58; de le nornbre des suffrages. S'il s'agissait d'une affaire
celle ou Ton met les debiteurs infideles, Matth,, xvm, grave, les juges ne pouvaientrendre leur sentence que
30; de celle ou etait detenu Barabbas. Luc., xxm, 19, le lendemain des debats. Ne prenant que peu denour-
25. Saint Pierre proteste qu'il est pret a suivre Jesus riture et s'abstenant de vin, ils passaient la nuit a con-
en prison eta la mort. Luc., xxii, 33. On pouvait visiter ferer deux a deux sur la cause. Le matin, ils rendaient
les prisonniers et leur venir en aide. Act., xxv, 23. leur sentence definitive, et ne pouvaient d'ailleurs
Notre-Seigneur dit qu'au j our du j ugement il considerera changer leur avis de la veille que dans un sens favo-
681 PROCEDURE — PROCfiS 682
rable. Le nombre des juges eiant toujours impair, il natum gusestionis. Exod., xxiv, 14. Sur les questions
pouvait arriver que 1'un d'eux declarat que la question se rapportant aux proces, voir JUGEMENT JUDICIAIRE,
ne lui paraissait pas elucidee, et que les autres juges se t. m, col. 1843; PLA.IDEUR, col. 448; PROCEDURE, col. 680.
parlageassent a voix egales pour ou centre. En pareil — 1° La loi mosai'que s'occupe des proces que rendent
cas, on adjoignait d'autres juges aux premiers, jusqu'a inevitables les differentes manieres d'envisager une
ce que la sentence put etre portee a la pluralite des meme question, surtout quand il s'agit d'interets ma-
voix. S'il y avail au grand sanhedrin trente-six voix teriels. Dans le principe, au desert, Moi'se lui-meme
pour condamner et trente-cinq pour absoudre, on con- prenait la peine de juger tous les proces, et cette occu-
tinuait les debats jusqu'a ce qu'un des juges qui con- pation 1'accaparait du matin au soir; Sur le conseil de
damnaient se ralliat a la sentence opposee. Cf. Iken, Jethro, il se dessaisit de sa fonction de juge et la con-
Antiquitates hebraicse, Breme, 1741,. p. 410, 411. Ces fia a des hommes charges chacun des affaires d'une
complications de procedure ne furent institutes qu'assez partie du peuple. Exod., xvm, 13-26. Voir JUGES, t. m,
tard apres la captivite. Elles montrent le souci que col. 1834. Dans sa legislation, il determinate juridietion
1'on avait d'eviter une sentence erron^e dans les affaires devant laquelle devaient etre portes les differents pro-
graves. Ce souci elait d'autant plus justifie qu'il n'exis- ces. Exod., xxn, 9, 14; xxiv, 14; Deut., xvn, 8; xix, 17;
tait pas de tribunal d'appel et que la sentence etait xxv, 1. II defendit soil de se ranger dans un proces a
executee immediatement. Cf. Sanhedrin, iv, 1 ; v, 5. 1'avis du grand nombre contre la justice, soit de favori-
Sur la procedure suivie au grand sanhedrin de Jerusa- ser le pauvre au detriment du droit, soit de 1'accabler.
lem, voir SATSHEDRIN. — Comme il etait interdit aux Exod., xxiu, , 2, 3, 6. Son organisation judiciaire pour
Juifs de prendre part a une affaire judiciaire le jour du .1'examen des proces fut plus tard renouvelee par Josa-
sabbat, cf. Beza (Yom tob), v, 2, 1'empereur Auguste phat. II Par., xvin, 9, 10. — Job, xxix, 16, dit qu'il
exempta les Juifs de tout 1'empire de 1'obligation de examinait avec grand soin la cause de 1'inconnu. — Les
temoigner en justice ce jour-la. Cf. Josephe, Ant, jud., querelles et les proces sont frequemment suscites par
XVI, vi, 2, 4. Par le meme decret, il voulut que le 1'homme violent, Prov., xv, 18, ou 1'homme faux.
vol de 1'argent ou des livres sacres fut considere Prov., xvi, 28. II est permis de defendre sa cause con-
comme sacrilege et puni en consequence. La loi mo- tre 1'insulteur, mais en veillant a ne pas compromettre
sai'que reglant a la fois les affaires religieuses et les des tiers. Prov., xxv, 9. Commencer un proces ou
affaires civiles, les Juifs avaient obtenu le privilege soulever une querelle,c'estouvrir une digue, Prov.,xvn,
d'etre juges selon le droit mosaiique. Us dirimaient 14, car on ne sait ni quand ni comment la chose finira.
d'apres ce droit les contestations qui s'elevaient dans II est conseille d'eviter les proces avec un riche, car
leurs communautes' de la dispersion. C'est ainsi que celui-ci peut aisement gagner les juges a sa cause avec
Saul recut pleins pouvoirs du sanhedrin de Jerusalem son argent. Eccli., vm, 2. — Notre-Seigneur recom-
pour aller poursuivre juridiquement a Damas les Juifs mande d'eviter les proces et de s'arranger a 1'amiable,
passes a la foi chretienne. Act., ix, 2; xxn, 19; xxvi, Matth., v, 25, et il desire que son disciple souffre le
11, 12. A Corinthe, les Juifs traduisirent saint Paul domraage plutot que d'en exiger la reparation. Matth., v,
devant le tribunal du proconsul Gallion, sous pretexte 38-41. Saint Paul blame les Chretiens qui ont des pro-
qu'il prechait une religion contraire a leur loi. Les ces les uns avec les autres; il prefererait qu'on sup-
Juifs attaquaient ainsi saint Paul en qualite de Juif; portat 1'injustice. I Cor., vi, 7, 8. Un Chretien et, a
mais ne se sentant pas en force pour porter contre lui plus forte raison, un ministre de 1'Eglise doit etre
une sentence executoire, ils en appelaient a Pautorite afiaxo?, « non combatif, » nori liiigiosus, ennemi des
romaine, qui d'ailleurs se recusa. Act., xvm, 12-16. Le querelles et des proces. I Tim., in, 3; II Tim., n, 24;
sanhedrin le poursuivit plus tard a Jerusalem, mais Tit., in, 2. — Ponce Pilate proclama plusieurs fois
devant le procurateur, a cause de 1'amoindrissement de qu'il n'y avait pas matiere a proces dans ce que les
ses pouvoirs en matiere criminelle. Ac*., xxiv, 1 ; xxv, Juifs reprochaient a Notre-Seigneur. Luc., xxin, 4, 14;
7. II 1'accusait surtout d'actes contraires a la loi reli- Joa., xvin, 38; xix, 4, 6. Sur les irregularites dont le
gieuse, et les procurateurs de Judee etaient obliges d'en sanhedrin se rendit coupable dans la conduite de ce
connaitre, sans pouvoir se derober comme Gallion, proces, voir t. in, col. 1845; Chauvin, Le Proces de
parce que les attributions du sanhedrin en matiere Jesus-Christ, Paris, 1901.
criminelle etaienl passees entre leurs mains. Du reste, 2° Au sens figure, on compare a un proces dont Dieu
il en avait ete deja ainsi au temps de Notre-Seigneur. est le juge les difficultes qui s'elevent entre les bons el
C'est Men la loi.mosai'que que 1'on invoqua devant leurs persecuteurs, entre le juste eprouve et Dieu lui-
Pilate, Joa., xix, 7; les Juifs avaient la pretention de meme. Ainsi Dieu juge entre Dav|d et Saul, I Reg., xxiv,
la faire triompher dans le sens qu'ils lui pretaient, et 16, entre David et Nabal. I Reg., xxv, 39. En butte a
ils y reussirent au moins par intimidation. Saint Paul 1'epreuve, a cause de laquelle on incrimine sa vertu,
fut plus d'une fois cite devant les tribunaux juifs de la Job, xxxi, 35-37, s'ecrie :
dispersion; il atteste que cinq fois il recut des Juifs
trente-neuf coups de fouet, chatiment que les commu- Qui me fera trouver quelqu'un qui m'ecoute!
Voila mon thav :quele Tout-Puissant me reponde;
nautes de Palestine et de la dispersion avaient le droit Que mon adversaire ecrive aussi sa cedule!
d'infliger a leurs coreligionnaires. II Cor., xi, 24. A On verra si je ne la mets pas sur mon epaule,
Sardes, avec 1'autorisation du pouvoir de Rome, les Si je n'en ceins pas mon front comme d'un diademe.
Juifs avaient un tribunal dans lequel ils jugeaient les
contestations qui s'elevaient entre em. Cf. Josephe, Job a ecrit sa cedule d'accusation ou de defense et il 1'a
Ant. jud., XIV, x, 17. Presque toutes leurs commu- signee, comme on faisait d'habitude, avec le thav, la
nautes exercaient ce droit. Cf. Schurer, Geschichle des derniere lettre de 1'alphabet hebraique, qui avait dans
judischen Volkes im Zeit. J. G., Leipzig, t. in, 1898, 1'ancienne ecriturela forme d'une croix. II veut que son
p. 71, 72. H. LESETRE. adversaire, 1'ami qui 1'accuse, en fasse autant. 11 est si
sur de son innocence et de la sentence du Tout-Puis-
(hebreu : rib, niddon; Septante : v.piaic, sant, qu'il traitera les pieces du proces comme si elles
y.pt(j.a, av-iAoyi'a; Vulgate : judicium, Us, disceptatio), etaient pour lui un litre degloire et les attachera osten-
action intentee devant les juges. L'objet meme du pro- siblemenl a son epaule et a son front. — Dieu est juge
ces s'appelle ddbdY, « parole, affaire, » y-pi'o-j?, causa, et defenseur dans la cause de 1'orphelin contre 1'oppres-
Exod., xvm, 16, 22; xxii, 9, et celui qui a un proces seur. Prov., xxin, 11. Les justes eprouves lui confient
est un ba'al debdrim, « ayant des affaires, » xpt<n«, quid leur cause. Ps. ix, 5; XLHI (XLII), 1; Is., LI, 22. — Le
683 PROCES PROCHAIN 684
Seigneur lui-meme, en proces centre sa vigne, c'est-a- peuples de Pantiquite, on en vint aisement a confondre
dire centre son peuple, defere le jugement aux habi- ensemble 1'etranger et 1'ennemi. Chez les Grecs,
tants de Jerusalem et aux hommes de Juda, c'est-a-dire aM^Tptoc, « autrui, 1'etranger, » etait devenu le nom
aux coupables eux-memes, dont i'infidelite est si evi- de 1'ennemi. Cf. Iliad., v, 214; Odys , xvi, 102, etc.
dente qu'ils seront bien obliges de se condamner. Chez les Remains, la loi des xir Tables donnait encore
Is., v, 3. H. LESETRE. a 1'etranger le nom d'hostis, qui par la suite fut eelui
de 1'ennemi. Cf. Ciceron, De offic., i, 12, 37. De
PROCHAIN (hebreu : 'ah, « frere », re'a, « compa- meme, chez les Hebreux, on s'habitua a regarder
gnon; » Septante : 6rcXrja-t'ov(sous-entendu : wv), « ce- comme ennemis, par consequent comme exclus des
lui qui est aupres; » Vulgate : proximus), tout homme preceptes de 1'amour et de la bienveillance, tous ceux
vis-a-vis d'un autre homme. qui n'appartenaient pas a la nation choisie. On est
I. DEVOIRS ENVERS LE PROCHAIN DANS L'ANCIEN TES- oblige de convenir que les hostilites dont les Israelites
TAMENT. — 1° La loi ancienne present differents devoirs furent frequemment 1'objet de la part des peuples
a 1'egard du prochain. II faut respecter sa vie, Exod., voisins, n'etaient pas faites pour les incliner a une
xx, 13, sous peine de mort, Gen., ix, 5; Exod., xxi, 14; grande amitie pour les etrangers.
respecter ses biens, Exod,, xx, 45, sous peine d'avoir a 2° Avec le temps, les sentiments d'antipathie s'accen-
restituer le double, Exod., xxu, 9; ne convoiter ni sa tuerent et devinrent une veritable haine pour tout ce
femme, ni ses biens, Exod., xx, 17; ne pas le frapper, qui n'etait pas Juif. Deja a Suse, d'apres Josephe,
a peine d'avoir a re"parer le tort cause, Exod., xxi, 18; Ant.jud., XI, vi, 5, Aman accusait le peuple juif d'etre,
le trailer humainement quand on prend un gage sur par ses mceurs et ses lois, « ennemi du peuple perse et
lui, Exod., xxu, 26; ne pas 1'opprimer, Lev., xix, 13; de tous les hommes. » Plus tard, Apolionius Molon
le juger selon la justice, Lev., xix, 15; ne pas 1'accuser representaitles Juifs comme « athees et misanthropes »,
mechamment, Lev., xix, 16; le reprendre, Lev., xix, 17; Josephe, Cont. Apion., u, 14; il leur reprochait de ne
1'aider dans sa pauvrete, Lev., xxv, 35, 36; respecter pas recevoir ceux qui avaient d'autres idees qu'eux sur
les limites de son champ. Deut, xix, 14, etc. Tous ces la divinite et de refuser tout commerce avec ceux qui
devoirs se resument en ces deux prescriptions : « Tu ne partageaient pas leur genre de vie. II est vrai que
ne hai'ras point ton frere dans ton coeur, tu aimeras Josephe, Cont. Apion., ir, 36, 37, lui renvoie le reproche
ton prochain comme toi-meme. » Lev., xix, 17, 18. Des en lui faisant observer que les autres peuples, speciale-
recommandations speciales visent certaines categories ment les Grecs, Lacedemoniens, Atheniens et autres,
de prochain, les esclaves, voir t. H, col. 1925, les en faisaient tout autant. Lysimaque pretendait que
etrangers, voir t. n, col. 2040, les mercenaires, voir Moi'se avait ordonne a son peupl'e de n'avoir de bien-
t. iv, col. 990, les pauvres, voir t. iv, col. 2234, les veillance pour aucun autre homme et de toujours
peres, voir col. 128, et meres, voir t. iv, col. 995, etc. conseiller aux autres non le meilleur, mais le pire,
2° Les auteurs sacres rappellent les differentes pres- Josephe, Cont. Apion., i, 34, et 1'un des conseillers
criptions imposees par Dieu a 1'egard du prochain. d'Antiochus Sidetes dissuadait ce prince de ne rien
Eccli., xvn, 12. On doit s'abstenir de faire du mal au accorder aux Juifs a cause de leur afju^'a, leur habitude
prochain ni croire celui que Ton dit de lui. Ps. xv de ne pas se meler aux autres peuples. Josephe,
(xiv), 3, 4. Celui qui meprise son prochain se rend Ant. jud., XIII, vin, 3. Tacite, Hist*, v, 5, leur attribue
coupable. Prov., xiv, 21. II ne faut pas lui garder adversus omnes alios hostile odium, « une inimitie
rancune de ses injustices, Eccli., x, 6, ni refuser de haineuse a 1'egard de tous les autres, » et Juvenal,
lui pardonner, si Ton veut etre pardonne soi-mdme, Sat., xiv, 103,104, les accuse de ne vouloir montrer le
Eccli., xxviir, 2, ni forger des mensonges centre lui, chemin etindiquer les fontaines qu'a leurs coreligion-
Eccli., vn, 13., On lui pretera s'il est dans le besoin. naires. Cf. Justin, xxxvi, 2, 15. Ces accusations etaient
Eccli., xxix, 2. On ne lui ravira pas sa subsistance, ce justifiees en grande partie. Un docteur de la loi en est
qui serait lui donner la mort. Eccli., xxxiv, 26. On lui encore a demander a Notre-Seigneur : « Qui done est
dira la verite. Zach., vui, 46. On n'imitera pas les faux mon prochain ? » Luc., x, 29. Du reste, lesecrivainsdu
temoins, qui sement la discorde entre les freres. Talmud declarent formellement qu'on ne doit exercer
Prov., vi, 19. On evitera meme de trop frequentes envers les gentils ni bienveillance ni misericorde, que
visites dans la maison du prochain, Prov., xxv, 17, et le pai'en n'est pas le prochain, que les gentils sont corn-
les salutations intempestives. Prov., xxvn, 44. Si on parables aux chiens, etc. Cf. Lightfoot, Horse hebraicse
juge desdesirs du prochain d'apres les siens propres, et talm., in Matth, v, 43, et in Luc., ix, 60. Saint Paul
Eccli., xxxi, 18, on saura comment regler sa conduite resume tout, d'un mot qui confirme ce qu'on dit les
envers lui, et alors il sera bon et doux pour des freres autres auteurs, quand il denonce I'hostilite des Juifs,
d'habiter ensemble. Ps. cxxxm (cxxxn), 1. ©£<3 [xrj dpeuxdvTwv, xoci Ttadtv avOpwrcocc evavrfwv,
II. LA NOTION DE PROCHAIN CHEZ LES JlJIFS. — 1° II « deplaisant a Dieu et ennemis de tous les hommes. »
faut observer que dans ces textes de 1'Ancien Testa- I Thes., n, 15.
ment, les devoirs presents envers celui que nous 3° Dans le discours sur la montagne, Notre-Seigneur
appelons le prochain concernent celui qui, pour les dit a ses disciples : « "Vous avez appris qu'il a ete dit :
Hebreux, pouvait porter le nom de 'ah, « frere, » on Tu aimeras ton prochain et tu hai'ras ton ennemi. »
re'a, « compagnon. » Or ces noms ne se donnaient en Matth., v, 44. Le Sauveur n'entend pas ici faire allusion
general qu'aux compatriotes. La loi interdisait toute a 1'interpretation des Juifs, mais, comme dans les
amitie avec les Amalecites, Exod., xvn, 16; Deut., xxv, autres passages du discours, Matth., v, 21, 27, 31, 33,
19; les Ammonites et les Moabites, Deut., xxm, 3-6; 38, il se refere aux termes de la loi ancienne. Or nulle
les Madianites, Num., xxv, 17, 18, et sept peuples du part celle-ci ne commande la haine des ennemis. Aussi
pays de Chanaan. Deut., vn, 1, 2. Le Seigneur avait le mot « hair » doit-il s'entendre ici dans un sens
promis a Israel, sll etait fidele, d'etre 1'ennemi de ses relatif. II signifie seulement « aimer moins » ou « ne
ennemis et 1'adversaire de ses adversaires. Exod., xxm, pas aimer », comme dans les textes ou il est oppose a
22. Seuls, les Idumeens et les Egyptiens etaient mis a « aimer ». Gen., xxix, 31; Deut., xxi, 15, 16; Mal., i,
part et ne devaient pas etre des objets d'abomination. 2; Matth., vi, 24; Luc., xiv, 26; xvi> 13; Joa., XH, 25;
Deut., xxm, 7. Ces mesures etaient prises pour inter- Rom., ix, 13. La pensee du divin Maitre doit done etre
dire toute union et meme tout contact entre les que la loi ancienne ne prescrivait pas d'aimer les
Hebreux et des populations immorales 'et idolatres. ennemis comme on aime les amis, le prochain; lui-
Mais en Israel, comme generalement chez les autres meme va corriger cette loi ainsi entendue. Sans doute,
685 P R O G H A I N — PROCOPE DE GAZA 686
la legislation mosai'que suggerait parfois la haine envers dans les cieux. » Matth., xxm, 8, 9. Saint Paul reprend
les ennemis, non en tant qu'hommes, mais en lant que la meme idee sous cette autre forme : « Nous sommes
peuples pervers, malfaisants et idolatres, dont il fallait membres les uns des autres. » Eph., iv, 25.
se defter et se tenir a 1'ecart. En prescrivant d'aimer H. LESETRE.
ie r&a comme soi-meme, Lev., xix, 18, elle designait PROCHORE (grec : IIpoxopoc),un des sept diacres
tout d'abord I'lsraelite, il est vrai; rien ne prouve cepen- institues par les Apotres a Jerusalem. II est nomme le
dant qu'elle excluait le prochain en general; le contraire troisieme de la liste, apres saint Etienne et saint Phi-
resulte certainement de la maniere [dont les auteurs lippe. Act., vi, 5. Son nom ne parait nulle autre part
sacres parlent des autres homines, de 1'etranger inoffen- dans le Nouveau Testament. D'apres une tradition, il
sif et me'me des ennemis personnels. Cf. Job, xxxi, fut institue par saint Pierre, eveque de Nicomedie en
•29, 30; Prov., xxiv, 17, 29; xxv, 21; Roir>., xn, 20. Bithynie. On trouve dans la Magna Bibliotheca
Aussi faut-il tenir pour fausse et contraire a la loi Patrum, Cologne, 1618, t. i, p. 49-69, une Historia
['interpretation des Juifs qui, opposant le re'a au nokri, Prochori Christi discipuli, de vita B. Joannis apostoli,
le compatriote a 1'etranger, se croyaient permis d'avoir livre apocryphe, rempli de fables et d'erreurs. Le raar-
pour 1'un 1'amour et pour 1'autre 1'oppose de 1'amour, tyrologe remain place la fete de saint Prochore au
la haine. 6 avril. Voir Acta sanctorum, aprilis t. i, p. 818.
III. DEVOIRS ENVERS LE PROCHAIN DANS LE NOTJVEAU
TKSTAMENT. — 1° Notre-Seigneur parle beaucoup plus PROCONSUL (grec : avQuTiatoc), gouverneur d'une
explicitement de ces devoirs que ne 1'avait fait la loi province senatoriale. Le nom grec du proconsul, av-
ancienne. Tout d'abord, il donne au mot a prochain*)) SuTtaTo? (avtt « a la place de, » u'Traxo? « celui qui est au
1'extension qu'il comporte. Le prochain, ce n'est pas sommet, le consul ») se trouve dans deux endroits du
seulement 1'ami, le compatriote, c'est encore 1'etranger livre des Actes, xin, 7, 8, 12, et xix, 38. On y rencontre
et meme 1'ennemi. Notre-Seigneur le declare avec aussi une fois le verbe av6viraT£'Jw,xvni, 12, « etre pro-
insistance : « Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis, consul », faire 1'office de proconsul. — On sait que les
benissez ceux qui vous maudissent, faites du bien a provinces de FEmpire remain etaient divisees en sena-
ceux qui vous hai'ssent, et priez pour ceux qui vous toriales et en imperiales. Les provinces senatoriales
maltraitent et qui vous persecutent. » Matth., v, 44. II etaient celles qui etant pacifiees n'avaient pas besoin
veut qu'en cela on imite le Pere celeste, qui fait lever de forces militaires. On en eonfiait 1'administration a
son soleil et descendre sa pluie sur les nrechants tout un magistrat qui exercait les fonctions civiles de gou-
comme sur les bons. Matth., v, 45. Dans la paraboledu verneur de la province et portait le titre de proconsul.
bon Samaritain, il explique quel est celui qui se con- — 1° L'ile de Cypre, apres labataille d'Actium, etait deve-
duit vraiment en prochain vis-a-vis d'un autre homme. nue'province imperiale; mais [cinq ans apres, elle [fut
Le prochain du malheureux Juif blesse n'a ete ni le donnee au Senat et adminislree par un proconsul. Dion
pretre, ni le levite, ses compatriotes, mais le Samari- Cassius, LIV, 4; Corpus incript. latin., t. ix, 2845; J. Mar-
tain, abhorre des Juifs, et pourtant misericordieux quardt, Organisation de I'empire romain (Manuel des
envers quelqu'un qui le detestait. Le docteur de la loi antiquites romaines de Mommsen et Marquardt), t. n,
est force d'en convenir. Luc., x, 30-37. p. 328. Comme ce proconsul etait de rang pretorien,
2° Le Sauveur aime a rappeler le precepte de Strabon, xiv, vi, 6, quelques exegetes ont cru, bien a
1'amour envers le prochain. A un autre docteur, il tort, que saint Luc, xui, 1, s'etavl tvotcv^e e\v vneUaxvt
•enseigne que le plus grand commandement de la loi un proconsul en Cypre. Mais I'historien des Actes des
concerne 1'amour de Dieu, mais que « Ie second lui Apotres donne a Sergius Paulus son vrai titre. Une in-
est semblable » et concerne 1'arnour du prochain. Matth., scription decouverte dans cette ile en 1677, est da tee de
xxii, 36-39. II appelle ce commandement un « com- son proconsulate TWV ibu LTay^ou dv6uTiaTou. Cf. F. Vi-
mandement nouveau >), Joa., xin, 34, parce que la loide gouroux, Le Nouveau Testament et les decouvertes
1'amour du prochain n'avait jamais ete formulee avec modernes, 2e edit., p. 200-206. Voir aussi la monnaie
tant d'instance, de precision et d'extension. Matth., v, proconsulaire de Cominius Proclus, CYPRE, t. n, fig. 443,
44; xix, 19; xxvi, 39; Marc., xn, 31, 33; Luc., x, 27 ; col. 1166. — 2° L'Achaie d'abord province imperiale, Ta-
Rom., xm, 9; Gal., v, 14; Jacob., n, 8. cite, Ann., 1,76, fut rendue au Senat par Claude. Suetone,
3° En consequence du precepte, il ne faut pas s'irriter Claudius, 26. Saint Luc a done donne au gouverneur
•centre son frere, Matth., v, 22, ni juger le prochain, residant a Corinthe Ie titre precis qui lui convenait.
Rom., xiv, 10; Jacob., iv,13, ni chercher la paille Ce proconsul, au moment ou saint Paul vint evangeliser
dans son ceil, Matth., vn, 3; Luc., vi, 41, ni le scanda- cette ville, etait Gallion, frere de Seneque. J. Mar-
liser. I Cor., vin, 13. On doit au contraire se reconci- quardt, loc. cit., p. 220. Voir GALLION, t. in, col. 93. —
lier avec lui, Matth., v, 24, le reprendre quand il fait Au moment du partage des provinces 1'Asie fut donnee
mal, Matth., xvm, 15, lui pardonner ses torts, Matth., au Senat et administree par un proconsul a 12 faisceaux
xvin, 35, prier pour lui quand il peche, I Joa., v, 16, qui residait a Ephese. Voir EPHESE, t. n, fig. 582,
1'aider dans, son indigence, Jacob., n, 15, chercher a col. 1831. Dans la sedition soulevee centre saint Paul
3ui plaire pour le bien, Rom., xv, 2, faire de la verite par 1'orfevre Demetrius, le secretaire de la ville dit au
ia regie des rapports qu'on a avec lui. Eph., iv, 25. Le peuple, Act., xix, 38 : « Si Demetrius et ses ouvriers
veritable amour ne fait jamais de mal au prochain. ont a se plaindre de quelqu'un, il y a des jours d'au-
fiom., xin, 10. Aimer le prochain, c'est accomplir la dience et des proconsuls. » En mettant le nom pro-
loi, Rom., xin, 8, et vivre dans la lumiere. I Joa., n, consuls au pluriel, il ne veut pas indiquer qu'il y avait
10. Ne pas 1'aimer, c'est vivre dans les tenebres, I Joa., plusieurs proconsuls a la tete de la province d'Asie;
n, 9, 11, n'etre pas de Dieu et se faire homicide. mais il se sert d'un pluriel de categoric, marquant qu'il
I Joa., in, 10, 15. On ne peut pas vraiment aimer Dieu y a toujours des proconsuls auxquels on peut recourir.
si 1'on n'aime pas son frere. I Joa., iv, 20. Sag-lie et Daremberg, Dictionnaire des antiquites
4°Le divin Maitre indique la raison fondamentale des grecques et romaines, t. iv, 1, p. 661, 719.
devoirs envers le prochain quand il ordonne a tous de E. LEVESQTJE.
s'adresser a. Dieu en disant : « Notre Pere qui etes aux PROCOPE DE GAZA (LTpoxoTno;), ecrivain eccle-
cieux, » quand il fait ajouter : « Pardonnez-nous nos siastique qui florissait sous les empereurs Anastase I«r
offenses comme nous pardonnons a ceux qui nous ont (491-518) efJustin I» (518-527). —^.L'ecole palestinienne
offenses, » Matth., vi, 10, 12, et qu'il dit : « Vous etes des rheteurs de la ville de Gaza a cpmpte, parmi ses
tous freres,.. vous n'avez qu'un seul Pere, celui qui est representants les plus illustres, Procope. On ignore la
687 PROCOPE DE G A Z A 688
date precise de sa naissance et de sa mort. Son disciple tion latine faite au xvnr siecle par Balthazar" Cordierr
et son successeur, le sophiste Choricius, a ecrit son S. J. Migne, t. LXXXVII, col. 1779-1800, en donne quei-
eloge dans un discours intitule Xopixt'ou (rospttrroO ques extraits. — 3° Dans les Auctores classici, t. ix r
ETCiTaqno; Iiu Ilpoy.o7rui> irospiarfj rd^-r,^ 6 Xoyoc, et publie, p. 257-430, le cardinal Mai et Migne, t. LXXXVII, col. 1541-
avec une traduction latine de Joseph Chretien Wolff, 1754, ontpublie IIpoxoTn'ou Fa£at'ou ^ptatiavoO aoopiarou
par Fabricius, Bibliotheca gr&ca, edit. Harless, V, el; ra aaiAaTa T<OV ii(i{ji,dcTwv £?Y]v-/]TtxfiJv ExXoywv imto\>.-f\r
xxxi, t. VHI, p. 840-851, et aussi par Boissonade, Cho- Procopii Gazeei christiani sophistss in Cantica Can-
ricii Gazaei orationes, declamationes, fragmenta, ticorum selectarum expositionum epitome. Migne
Paris, 1844, p. i-24, Avec les lettres de Procope a ajoute a son edition les variantes du mss. n° 3895-96
(voir Pat. Gr., t. LXXXVII, col. 2717-92, Fabricius-Har- de la Bibliotheque royale de Belgique. En outre, MaiT
less, Bibliotheca grssca, t. ix, p. 296 et R. Hercher, Classici auctores,\. vi, p.348, et Migne, t. cite,col. 1755-
Epistolographi grseci, Paris, 1873, p. 533-598), le 1779, ont publie des fragments d'un autre commentaire
panegyrique de Choricius est la principale source pour de Procope sur le Cantiquedes Cantiques. — 4° En 1579,
la biographic, d'ailleurs peu fournie, de Procope. Sauf Jean Curterius publia le texte grec et la version latine
queiques courts sejours a Alexandrie, a Cesaree, en d'un long commentaire de Procope sur Isaiie, reproduit
Pamphylie, et peut-Stre a Constantinople, sa paisible dans Migne, t. LXXXVII, col. 1801-2718. Cave, Historic
carriere s'est toute entiere ecoulee dans sa ville natale. UtterariajilbQ, p. 327, attribuea Procope un commen-
Etranger aux agitations qui, de son temps, boulever- taire sur les douze petits prophetes, mais cette opinion-
serent 1'Eglise etl'Etat, Procope se voua completement n'est guere appuyee. Toutefois, il n'est pas impossible-
et uniquement a des travauxlitterairesettheologiques. qu'un examen plus approfondi des manuscrits fasse
Nous n'avons a nous occuper ici que de ces derniers. retrouver encore un certain nombre d'ouvrages du
La majeure partie de 1'oeuvre de Procope est con- sophiste de Gaza, ou du moins des exemplaires de
sacree a 1'Ecriture Sainte. II est, parmi les commenta- traites de Procope connus seulement par un texte unique.
teurs de la Bible, un des principaux exegetes de ceux Ainsi M. E. Bratke, Handschriftliches zu Procopio»
qui ont pratique la methode dite de la Chaine (crstpa, von Gaza, dans Zeitschrift f u r wissenschaftliche
Catena). Lui-meme caracterise nettement son precede, Theologie, t. xxxix, 1896, p. 303-12, croit avoir recon-
au debut d'un commentaire sur la Genese, t. LXXXVII, nu une Chaine de Procope sur le Cantique des Cantiques
col. 21. « Nous avons reuni les explications sur 1'Oeta- dans le manuscrit grec n° 181 de la bibliotheque de
teuque fournies par les Peres et d'autres ecrivains, les Munich et il signale egalement de nouveaux exem-
recherchant dans les documents et divers discours... plaires du commentaire sur le livre des Proverbes.
lorsqu'une explication est commune a tous, nous ne la Les travaux scripturistiques de Procope ont de tout
donnons qu'une fois. S'il y a quelque divergence, nous temps, chez ceux qui les ont edites ou connus, excite
1'exposons sommairement pour faire de toutes les opi- une vive admiration. Ernesti loue sa vaste erudition et sa
nions un seul corps, qui renfermera pour nous les profonde connaissance des anciens exegetes. Patr. Gr^.
sentiments de tous. » Les commentaires de Procope, t. LXXXVII, col. 15. Le cardinal Mai releve 1'importance-
qui tous portent sur 1'Ancien Testament, sont les sui- des commentaires et qualifie la methode de Procope
vants. 1° Celui que Photius, >Bibl., ccvi, t. cm, co!. 676, « d'hermeneutique solide et de doctrine authentique »,
intitule LTpoxoTrcou ffo^iorou llriyrjTtxat a^oXai ei? TE TT(V et il constate que 1'on retrouve chez lui d'interessantes
'Qxtatsuxov TWV LTaXouwv rpajJ-^aTwv xai si? ra? Baat- variantes des Hexaples d'Origene. Patr. G-r., t. ix,
Xscas xou Svj ee? Ta IlapaXs'.Trojjisva. II fut publie pour la col. 17. Jacques Gesner, un des editeurs de Procope, erne-t-
premiere fois en 1553 a Zurich par Andre Gesner, mais un jugement semblable. Ibid., col. 11. On s'est receno-
seulement en traduction latine, peu correcte de Conrad ment surtout preoccupe, en ce qui concerne Procope de
Clausen, qui porte aussi le norn de Claude Thrasybule. Gaza, de demarquer le fond memede ses commentaires
Toutefois Conrad Clauser ne traduisit que le commen- sur 1'Ecriture, si riches en extraits d'auteurs anciens,
taire sur la Genese, 1'Exode et le Levitique; le reste de la dont quelques-uns sont en partie perdus ou incomple-
traduction, soit la partie concernant leDeuteronome, le tement conserves. En d'autres termes, on s'est efforce
livre de Josue, celui des Juges, ceux desRois et les Pa- de reconnaitre les sources auxquelles Procope a puise;
ralipomenes furent 1'ceuvre d'Hartman Hamberger. s'il nomme parfois les ecrivains auxquels il emprunte,
En 1620, J. Meursius publia a Lyon, une traduction de le plus souvent il fond les opinions d'autrui dans son
Louis Lavater, ou plutot aussi, pretend-on, d'Hart- propre texte. M. Rendel Harris, Fragmenta of Philo,
man Hamberger, le texte grec des scolies sur les livres Cambridge, 1886, a constate que Procope s'est plus d'un*
des Rois. J. Meursius, Opera, t. vin, p. 1 et suiv. Le fois inspire das ecrits dujuif Philon, dans soncommen*-
cardinal Auguste Mai, au xixe siecle, retrouva le texte taire sur 1'Octateuque. Des constatations analogues ont
grec de la partie du commentaire qui se rapporte a la ete faites parMM.P.Windland, Neuentdeckte Fragments
Genese et 1'edita a Rome en 1834, dans ses Classici Philo's, Berlin, 1891, p. 19, note 17, et L. Cohn, Zur
auctores, t. vi, p. 1-18. Migne, t. LXXXVII, a reproduit indirecten Uberlieferung Philo's und der alteren Kir-
le texte grec de Mai et la traduction de Gesnerf, d'Ham- cJienschriftsteller, dans Jahrbuch fur protestantische
berger, on y ajoutant, pour certaines parties, le texte Theologie, 1812, p. 475-492. Mais ils signalerent en
grec de la Catena Lipsiensis editee a Leipzig en 1772, meme temps 1'influence d'Origene, toutefois en bornant
par Nicephore Hieromonachos, et que Ton a tout lieu de leurs observations aux textes paralleles d'Origene et de
croire 1'ceuvre de Procope. — 2° Commentaire sur le livre Procope pour le commentaire sur la Genese et SUP-
des Proverbes; signale par Montfaucon, Palseographia 1'Exode et ne renseignant pas les homelies d'Origene
grseca, p. 278 et suiv., et Turrianus, Defensio epistola- comme ayant ete utilisees par Procope. Cette derniere
rum Pontificum,t. iv, p. 4, 6, 17, le texte grec en a ete constatation etait reservee a M. Eric Klostermann, qui a
publie par le cardinal Mai, Classici auctores, t. ix, nettement indique que les |homelies d'Origene ont ete
p. 1-256, et il a ete reproduit avec une traduction la- mises a contribution par Procope dans son commen=-
tine dans Migne, t. LXXXVII, col. 1221-1514. Dans un ma- taire sur le livre de Josue; mais seulement les quatre
nuscrit de la Bibliotheque royale de Belgique, n° 3895- premieres et les onze dernieres des vingt-six homelier
96 (cf. J. Van den Gheyn, Catalogue des,manuscrits de d'Origene sur Josue. Griechische Excevpte aus Homi-
la Bibliotheque royale de Belgique, t. II, p. 221-222), lien des Origenes, dans Texte und Untersuchungen
oh trouve p. 1-217, le texte grec de LTpoxoTuou Fa^atoy zur altchrisllichen Literalur, t. xn, Heft 3, 1894r
<roipi<JTO'j TO>V et; tot? Ttapotjxt'a? SaXo^fovro; p. 1-12. Toutes les recherches sur Po3uvre de Procope
'/j, accompagne d'une traduc- et ses sources ont ete completees de facon notable par-
689 PROGOPE DE GAZA — P R O G U R A T E U R S ROMAINS 690
I'etude de M. Louis Eisenhofer, Procopius von Gaza. C'est ainsi qu'il vint a designer plusieurs hauts fonc-
Eine literarhistorische Studie, in-8°, Fribourg-en-Bris- tionnaires de 1'Empire romain : intendants de la mai-
gau, 1897. Par 1'examen approfondi du commentaire son imperiale, chefs de la chancellerie, directeurs de
sur 1'Octateuque, compare avec la Catena Lipsiensis, divers services a Rome, administrateurs du fisc et
il a singulierement augmente la liste des auteurs con- agents financiers dans les provinces imperiales ou se-
suites par Procope et reussi a reconstituer pour une natoriales, enfin gouverneurs des provinces dites pro-
bonne partie ses emprunts et ses citations. Ainsi, il curatoriennes qui avaient le jus gladii. Cf. Mommsen
demontre que 1'utilisation des homelies d'Origene et Marquardt, Manuel des antiquites romaines, trad,
va au-dela de ce qu'a signale M. Klostermann. Pour le franc., t. ix, 1892, p. 581. Son veritable correspondent
commentaire sur la Genese, M. Eisenhofer nomme en grec est eirfrponoc. Cependant les ecrivains du Nou-
Basile, Theodoret, Severe de Gabales, Gregoire de veau Testament n'emploient regulierement que le mot
Nysse, Cyrille d'Alexandrie, Methode, etc., les memes Yiysfxtiv. Cf. Matth., xxvn, 2,11, 14, 15, 21, 27; xxvinr
ont etc mis a contribution pour le commentaire sur 14; Luc., in, 1; xx, 20; Act., xxm, 24, 26, 33; xxiv, \,
1'Exode et en outre Gregoire de Nazianze; pour le 10; xxvr, 30. Ce terme YIYSJJ.WV n'estpas untitre special,
commentaire sur le Levitique, outre les ecrits des mais une appellation generate qui s'applique a tout per-
Peres ayant servi aux deux premiers commentaires, a sonnage invest! d'un haut commandement : presses?
citer en outre Apollinaire de Laodicee; comme sources « president. » Aussi, dans la langue des auteurs sacres,
du commentaire sur le livre des Nombres, il y a Cyrille les mots fiys^ovsuw, rjYejioWa, rjyefjiaw, sont-ils unifor-
d'Alexandrie, Apollinaire, Gregoire de Nysse, pour celui mement employes, qu'il s'agisse de Tibere, Luc., IH T
sur le Deuteronome, Josueetles Juges, Cyrille d'Alexan- 1, du legat de Syrie, Cyrinus, Luc., n, 2, ou de
drie et les scolies anonym es de la Catena Lipsiensis, Ponce Pilate, Luc., HI, 1; Matth., xxvn, 2, 11, 14, 15,
Theodoret a servi pour le commentaire sur les livres 21, 27, et de Felix. Act., xxm, 24, 26. Josephe lui-meme
des Rois et les Paralipomenes; Cyrille d'Alexandrie) varie ses expressions. II appelle generalement le gou-
Eusebe de Cesaree et Theodore d'Heraclee pour celui verneur de Judee, eTutpoTioi,', Ant. jud., XX, vi, 2; BelL
sur Isai'e. Cf. J. Stiglmayr, t. i, dans Stimmen aus jud., II, vin, 1; ix, 2; xi, 6 (dans le passage parallele
Maria Laach, t. LIII (1897), p. 79-82, et Carl Weyman, Ant. jud., XIX, IX, 2, £irapxos)j XII, 8; iTriTpoTtsuwv^
dans Byzantinische Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 457-458. Ant. jud., XX, v, 1. Mais il le nomme aussi : eitap^o?
Procope eut avec le neoplatonicien Proclus une pol emi- = prsefectus, Ant. jud., XVIII, il, 2; XIX, IX, 2; XX,
que theologique, dont on s'est beaucoup occupe en ces ix, 1; Bell, jud., VI, v, 3; riy^o-o^svoc, Ant. jud., XVIII,.
derniers temps. En 1831, le cardinal Mai en publia un I, 1; Yjy£[j.(ov, Ant. jud., XVIII, HI, 1 : IltXaTo?, 6 rr,c
fragment 'Ex itbv d; ra IIpoxXou OsoXoytxa x£<paXoua 'louSaiac VIY£[AWV (cf. Matth., xxvn, 2 : IIiXdTw TW
avnppiriffswv, dans ses Classici auctores, t. iv, p. 274. T)Y£|Aovt); ETCtneXYiT^c, Ant. jud., XVIII, iv, 2. II semble
Cf. Migne, Pair. Gr., t. LXXXVII, col. 2792. Demosthene qu'Auguste avait plutot choisi le titre de pr&fectus,
Russos, Tpel; Pa£atoi, uujAgoXai EI; TTJV iaropi'av TT\? suapxo?. Mais Men vite, au moins depuis Claude, et a
9iXo<TO(pc/a(; TWV Pa^aiwv, Constantinople et Leipzig, 1'exception de 1'Egypte, le titre de procurator, ETU'TPOTCOC,
1893, constata que cet ecrit polemique de Procope ser- devint predominant. Dans une lettre aux Juifs, citee par
vit de base a celui de Nicolas de Methone dirige aussi Josephe, Ant. jud., XX, i, 2, 1'empereur Claude dit lui-
centre Proclus. J. Draseke denie toute paternite pour meme : « J'en ai ecrit a Cuspius Fadus mon procura-
cette ceuvre a Nicolas de Methone et cherche a etablir teur, TW iy.S> iTrttpoTtw. » On connatt aussi la parole de
que c'est Procope qui en est 1'auteur. Byzantinische Tacite, Annal., XV, 44 : Christus Tiberio imperitante
Zeitschrift, t. vi, 1897, p. 55-91. Mais ses conclusions per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfe-
ont ete fortement battues en breche parle P. J. Stigl- ctus erat. Quant a la qualification de prseses, Yiysp.tov, qui
mayr. S. 3. Ibid., t. \m, 1899, p. 263-301. Nous n'avons tire sonorigine de 1'administration de la justice, ou Ton
rien a dire ici des travaux purement litteraires du rhe- opposait le president aux assessores ou au consUmm?
teur de 1'ecole de Gaza. elle fut tardivement reservee aux gouverneurs de pro-
BIBLIOGRAPHIE. — Outre les ouvrages cites au coursde vinces. On rencontre parfois, chez les auteurs du ier et
Particle, voir Sainjore (R. Simon), Bibliotheca critica, du iie siecle, dans un sens general, le terme pr&ses-
1710, t. iv, p. 143-55; Bardenhewer, Patrologie, 1895, provincise, qui devint officiel au debut du ine siecle.
p. 303; Legrand, Bibliotheque hellenique, t. n, 1894, Cf. Tacite, Annal., vi, 41; XH, 45; Plin. jun., Paneg.,
p. 230; A. Ehrard, Procopius von Gaza, dans Kirchen- 70; V. Chapot, art. Presses, dans le Dictionnaire des
lexicon, t. x, 1897, col. 453-55; K. Krumbacher, Ges- antiquites grecques et romaines de Daremberg et
chichte der byzantinischen Litteratur, 2e ed., 1897, Saglio, Paris, t. vii, p. 627.
p. 125-127; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des II. ATTRIBUTIONS. — Les procurateurs, etant en meme-
neutestamentlichen Kanons und der altkirchlichen Lit- temps charges d'un commandement militaire, apparte-
teratur, t. n, Erlangen, 1883, p. 239-253; J. Draseke, naient a 1'ordre equestre, et ce fut une innovation ex-
dans Theologische Studien und Kritiken, 1895, fasc. 3, traordinaire lorsque, sous Claude, le gouvernement de-
p. 371 sq.; L. Eisenhofer, Procopius von Gaza, Fribourg la Judee fut confie a un afifranchi, Felix. Jusqu'a qnel
(Bade), 1897; Kil. Seitz, Die Schule von Gaza, Heidel- point etaient-ils sounds au legat de Syrie? II semble
berg, 1892, p. 9-21; C. Kirsten, Quaestiones Choricianas, que celui-ci avait le droit et le devoir d'intervenir, avec
Breslau, 1894, p. 8-13; ErnstLindl, Die Oktateuchkatene sa haute autorite, dans les cas de necessito. Les ecrivains-
des Prokop von Gaza und die Septuagintaforschung, cependant ne s'expriment pas toujours d'une maniere
Munich, 1902. J. VAN DEN GHEYN. constanle sur les relations de la Judee avec la province-
de Syrie : tantot ils les representent comme deux
PROCURATEURS ROMAINS (Nouveau Testa- provinces distinctes, et par la meme independantes, tan-
ment : fiyepLovec), gouverneurs de certaines provinces tot ils donnent la premiere comme « ajoutee » a la se-
imperiales, en particulier de la Judee et de la Palestine. conde : 7tpoff6r,xri T-fi? Supia;, Josephe, Ant. jud., XVIIIr
Matth., xxvn, 2,11, 14, 15, 21, 27; Act., XXHI, 24, 26, i, 1; cf. XVII, xin, 5; Bell, jud., II, vm, 1; Judsei...
33, etc. provincise Suriae additi, Tacite, Annal., xn, 23; cf. n,
I. NOM. — Le mot procurator, comme 1'indique sa 42. Quoi qu'il en soit, le commandemenl militaire el la
formation, s'applique a toute personne chargee de veil- juridiction independante que possedait le procurateur
ler, aujnom d'une autre, sur quelque affaire : manda- de Judee luicreaient, en temps ordinaire, une situation
taire qui surveille les biens d'un ami, intendant mis a analogue a celle des gouverneurs des autres provinces.
la tete d'une propriete, conseil et fonde de pouvoirs, etc. Mais le legat de Syrie avait a juger 1'opportunite de soa
691 P R O C U R A T E U R S ROMAINS 692
intervention, lorsque des troubles etaient a craindre ou cours du proces, le droit d'en appeler a Cesar. Act.,
qu'il surgissait de serieuses difficultes. II agissait alors xxv, 10-12, 21; xxvi, 32. Le pouvoir coercitif du gou-
en Judee avec pleine autorite, comme le firent Petro- verneur ne s'etendait done qu'aux gens de la province,
nius, Ant. jud., XVIII, vm, 2-9; Cassius Longinus, Ant. qu'il pouvait neanmoins renvoyer a Rome, pour un ju-
jud., XX, i, 1; Cestius Gallus, Bell, jud., II, xiv, 3. gement definitif, lorsqu'en raison de la difficulte du
Les procurateurs residaient habituellement a Cesaree, cas il aimait mieux .laisser la decision a 1'empereur.
sur le bord de la mer; ils n'allaient a Jerusalem qu'a Ainsi fit Felix pour Eleazar et un grand nombre de
1'epoque des grandes f£tes, pour surveiller les mouve- ses compagnons. Ant. jud., XX, vm, 5; Bell, jud., II,
ments du peuple. Au cornmandement des troupes ils xiii, 2. Bien que le procurateur fut seul juge, il pre-
joignaient Tad ministration de la justice et des finances. nait cependant assez souvent 1'avis de son « conseil »,
1° Pouvoir militaire. — Les procurateurs etaient ffy^govXiov, Act., xxv, 12, compose en partie des hauts
commandants de corps d'armee, comme les legats des fonctionnaires de sa suite, en partie des jeunes gens
provinces imperiales, avec cette difference toutefois que qui 1'accompagnaient pour leur propre formation. L'exe-
les troupes rangees sous leurs ordres etaient des auxi- cution de la sentence capitale revenait regulierement
liaires et non des legionnaires. Voir AUXILIAIRES, t. i, aux soldats. Voir BOURREAU, t. i, col. 1895.
col. 1282; ARMEE ROMAINE, t. i, col. 994. Alors que, sous 3° Pouvoir financier. — Les procurateurs avaient
Auguste, il y avail trois legions en Syrie, et quatre encore pour fonction de veiller a la perception des
•depuis Tibere, la Judee ne posseda, jusqu'a Vespasien, impots; c'est meme de la que leur venait leur titre. La
que des troupes auxiliaires, pour la plupart levees dans Judee etanl province imperiale, son tribut allait au
le pays m£me, et recrutees dans la population non tresor de 1'empereur, et non a celui du senat,
juive. C'est ainsi que nous trouvons mentionnes les Cf. Matth., xxn, 17-21; Marc., vii, 14-17; Luc., xx, 22-
SegoKTrrivoi,. Sebasteni, ou soldats pris sur le territoire 25. Pour les impots en usage dans la fiscalite impe-
•de Sebaste, 1'ancienne Samarie, aujourd'hui Sebastiyeh. riale et la maniere de les lever, voir GENS, t. n,
Cf. Josephe, Ant. jud., XIX, ix, 1-2; XX, vi, 1; vni, col. 422; IMPOTS, t. HI, col. 851; PUBLICAINS.
7; Bell, jud., II, HI, 4; iv, 2-3. Ce corps est sans doute III. LISTE. — On compte quatorze procurateurs ro-
identique a celui que nous montrent plus tard les ins- mains en Palesline, sept de 1'an 6 a 1'an 41, avant le
criptions. Cf. Corpus inscriptionum latinarum, t. vnr, regne d'Agrippa ler (41-44), et sept apres, de 44 a 66.
n.9358,,9359. Un diplome militaire de 1'armee de Judee Nous n'avons que peu de renseignements sur plusieurs
nous apprend que, en Fan 139 apres J.-C., les corps d'entre eux.
auxiliaires (trois ailes et douze cohortes), places sous i° Coponius, 6-9 ap. J. C. II vint en Judee avec Qui-
les ordres du legal P. Calpurnius Atilianus, compre- rinius. Ant. jud., XVIII, i, 1. C'est sous son administra-
naient entre autres une Cohors I Sebastenorum milia- tion que quelques Samaritains, entres furtivement a
ria. Cf. Heron de Villefosse, Revue biblique, 1897, Jerusalem, vinrent, une nuit, pendant la fete de Paque,
p. 598-604. Aux Se6a<m)voi Josephe associe plusieurs Jeter des ossements humains dans le temple, pour le
fois les Katffapei;, Caesarenses. Cf. Ant. jud.,, XIX, ix, souiller et ainsi en empecher 1'acces au peuple. Ant.
1-2; XX, vm, 7. II ne faut pas confondre avec ces vo- jud., XVIII, n, 2. C'est aussi dans cette periode que
lontaires de Sebaste la g-rcsipa Ss§a<7Trj, a laquelle appar- Judas le Gaulonite fomenta une sedition, en proclamant
tenait le centurion Julius, qui fut charge de conduire qu'on ne devait ni payer 1'impot aux Remains, ni re-
saint Paul a Rome. Act., xxvii, i. Le mot SsgaaTTJ, Au- connaitre d'autre maitre que Dieu. Bell, jud., II, vm, 1.
gusta, n'est qu'un titre honorifique donne a cette co- 2° Marcus Ambivius ou Ambibulus; on lit dans Jo-
horte. Voir AUGUSTA (COHORTE), t. i, col. 1235. Au temps sephe, Ant. jud., XVIII, n, 2 : 'Apigtoutoi;, dans cer-
•des Apotres, il y avait a Cesaree une cohorte italique, tains manuscrits : 'A[j.6i6oux o cJ le n o m d'Ambibulus
ffuetpa 'IraXsxY), dont faisait partie le centurion Cor- se retrouve ailleurs, par exemple celui des consuls
neille, qui fut baptise par saint Pierre., Act., x, 1. Voir C. Eggius Ambibulus et Varius Ambibulus. Cf. Corpus
ITALIQUE (COHORTE), t. in, col, 1038. D'autres villes et Inscript. lat., t. x, n. 3864. Ce procurateur fut en
d'autres postes possedaient egalement de petites garni- Judee de 1'an 9 a 1'an 12. De son temps, Salome, soeur
sons : ainsi Jericho et Macheronte. Bell, jud., II, xvm, du roi Herode, legua en mourant a Livie, epouse d'Au-
6. On les trouvait eparses dans la Samarie, Bell, jud., guste, differentes villes, comme Jamnia, Phasaelis et
Ill, vii, 32, et la plaine d'Esdrelon etait gardee par un Archelai's. Ant. jud., XVIII, n, 2; Bell, jud., II, ix, 1.
•decurion. Josepbe, Vita, 24. Jerusalem avait une co- 3° Annius Rufus, 12-15. Ant. jud., XVIII, n, 2.
horte, commandee par un ^tXtapxo? (ou tribun, d'apres 4° Valerius Grdtus, 15-26. Envoye par Tibere, il
;la Vulgate). Act., xxr, 31-37; XXH, 24-29; xxm, 10,15-22; deposa et nomma successivement plusieurs grands
xxiv, 7, 22. Josephe, Ant. jud., XV, xi, 4;. XVIII, iv, 3, pretres : Anne (6-15); Ismae'l, fils de Phabi; Eleazar,
appelle le commandant de 1'Antonia cppoypapxo;.. La fils d'Anne; Simon, filsdeCamith; et Cai'phe. Ant.jud.,
garnison comprenaitaussi des cavaliers. Act., xxm, 23, XVIII, n, 2.
32. Apres la grande guerre de 66-73 apres J.--C.,la situa- 5» Pontius Pilatus, 26-36. Voir PILATE, col. 429.
tion militaire changea en Palestine, le gouverneur 6° Marcellus, 36-37, ami de Vitellius, legat de Syrie,
n'etant plus un procurateur d'ordre equestre, mais un et envoye par lui. Ant. jud., XVIII, iv, 2;
legal d'ordre senatorial; une legion, la legio X Freten- 7o Marullus, 37-41. Ant. jud., XVIII, vi, 10.
sis, vint s'etablir sur les ruines de Jerusalem. 8° Cuspius Fadus, 44-?. Envoye par Claude, apres la
2° Pouvoir judiciaire. — Comme les gouverneurs mort du roi Agrippa I, il gouverna, comme ses succes-
d'ordre senatorial, les procurateurs avaient egalement seurs, non plus seulement la Judee, mais toute la Pa-
droit de haute justice dans leur province; mais ceux lestine, Ant. jud., XIX, ix, 2. II eutaarreter un conflit
de Judee ne 1'exercerent que dans les cas extraordi- entre les Juifs de la Peree et les habitants de Phila-
naires. La justice ordinaire, en effet, aussi bien dans delphie, delivra la Judee des brigandages qui s'y com-
les causes criminelles que dans les causes civiles, mettaient; mais il souleva maladroitement une diffi-
etait restee entre les mains des Juifs. Le pouvoir du culte a propos des vetements du grand-pretre, qu'il
procurateur comprenait le droit de vie et de mort, le voulait faire garder dans 1'Antonia, afin qu'ils fussent
jus gladii. Josephe, Bell, jud., II, vm, 1, nous dit que au pouvoir des Romains. Ant. /?td v ;XX, I, 1, 2. II mil
Coponius avait re?u jiexpt TOU xtet'vetv eloixrtav, la egalement a mort 1'imposteur Theudas et un grand
puissance de condamner meme a la peine de mort. nombre deses partisans. Ant. jud., XX, v, I.
Cependant le citoyen romain, sous le coup d'une ac- 9° Tiberius Alexander, jusqu'a 48. Issu d'une des
cusation capitale, gardait, au commencement et au plus grandes families juives d'Alexandrie, neveu de
693 PROCURATEURS R O M A I N S
Philon, il avail abandonne la religion de ses peres, Bell, jud., I, vu, 6. Fut-elle immediatement incorporee
pour se mettre au service des Romains. De son temps, a la province de Syrie? Ce n'est pas sur. Les villes
la Palestine fut eprouvee par une grande famine. II fit conquises par les Juifs en Crele-Syrie leur furent enle-
crucifier les fils de Judas le Galileen, Jacques et Simon. vees et la nation se vit condamnee a vivre desormais
Ant. jud., XX, v, 2. dans les limites de son territoire. Hyrcan II (63-40)
10° Ventidius Cumanus, 48-52. II eut d'abord a re- resta a la tete du gouvernement, mais sous la haute
primer un soulevement du peuple, a Jerusalem, pen- surveillance du legat remain. Plus tard Gabinius (57-55)
dant les fetes de Paque, soulevement provoque par la lui retira son pouvoir politique, pour ne lui laisser que
faute d'un des soldats romains qui gardaient le temple. le souverain pontificat. En meme temps il divisa le pays
La foule, effrayee au premier aspect de la troupe, s'en- en cinq districts, auvoSot, luveSpta, dont les chefs-lieux
fuit, mais, dans la precipitation et vu 1'etroitesse des furent : Jerusalem, Gazara, Amalhus, Jericho et Sep-
issues, beaucoup trouverent la mort. Ce deuil a peine phoris. Ant. jud., XIV, v, 4; Bell, jud., I, vm, 5. On
termine, un autre conflit s'eleva, mais dont la cause ne salt au juste ce qu'ils representent, mais on peut y
venait cette fois du cote des Juifs. Un serviteur de voir ou des circonscriptions territoriales etablies en
1'empereur, nomme Etienne, ayant ete, a quelque dis- vue des impots, ou des ressorts judiciaires, conventus
tance de Jerusalem, attaque et depouille sur la voie juridici, peut-etre les deux a la fois. Ces dispositions
publique, Cumanus envoya des sbldats pour tirer ven- ne furent cependant pas de longue duree. Cesar rendit
geance des villages voisins du theatre du crime. Mais a Hyrcan le pouvoir que lui avait enleve Gabinius et
un de ces soldats ayant lui-meme gravement offense le nomma ethnarque des Juifs. II nomma aussi Anti-
les Juifs dans leurs sentiments religieux, ceux-ci pater procurateur, iTmpoTro;, de Judee, ou plutot il le
allerent a Cesaree demander satisfaction au procura- confirma dans cette charge, car, deja avant cette
teur, qui, dans la crainte de nouvelles complications, epoque, Josephe le presente comme 6 TWV 'louoatwv
et sur le conseil de ses amis, se decida a punir le cou- £Tri[/.£XY)-rr)?. Ant. jud., XIV, vm, 1. II est possible que
pable, et apaisa ainsi un tumulte qu'il aurait pu rallu- Gabinius lui-meme lui eut confie une certaine part
mer. Enfln un troisieme evenement valul a Cumanus dans 1'administration des finances, comme 1'indique le
la deposition et 1'exil. Des Galileens qui passaient par titre d'e7U!Jt.£XYjTT|(;. Le faible Hyrcan n'eut guere du
la Samarie pour aller a Jerusalem furent assaillis et gouverneur que le nom. En realite, ce fut Antipater
mis a mort. Les principaux personnages de la region qui exerca 1'autorite. II eut soin de donner a son fils
galileenne se rendirent pres du procurateur pour aine Phasael le gouvernement de Jerusalem et des
crier vengeance. Mais celui-ci, achete par 1'or des Sa- environs, et a son second fils Herode celui de la Ga-
maritains, ne voulut rien entendre. Alors les Galileens lilee. Ant. jud., XIV, ix, 2; Bell, jud., I, x, 4. Plus tard,
se firent justice en pilJant et incendiant, malgre les Antoine leur confera a tous deux le titre de tetrarque,
supplications de leurs chefs, plusieurs villages sama- et, par un decret en forme, remit entre leurs mains
ritains. A cette nouvelle, Cumanus marcha centre eux, 1'administration de la Judee. Ant. jud., XIV, xm, 1;
en tua un grand nombre et en prit d'autres vivants. Bell, jud., I, xii, 5. Cependant la race des Asmoneens
La sedition apaisee, grace a 1'intervention des princi- reparut sur le trone avec Antigone (40-37), qui fut ra-
paux Juifs de Jerusalem, la cause fut portee devant mene par les Parthes. Mais, trois ans apres, avec
Ummidius Quadratus, legat de Syrie, alors a Tyr. En 1'appui des Romains, Herode le Grand reparaissait avec
presence des deux partis, qui s'accusaient mutuelle- le titre de roi. Voir HERODE LE GRAND, t. in, col. 638.
ment, celui-ci differa le jugement et finalement les Apres sa mort, le territoire fut partage entre ses fils :
renvoya devant Claude. II ordonna en meme temps a Archelaiis recut la Judee, la Samarie et 1'Idumee, avec
Cumanus de les suivre en Italie. L'empereur, recon- le titre d'ethnarque; Antipas, la Galilee et la Peree;
naissant dans les Samaritains les auteurs de tout le Philippe, la Gaulanitide, la Batanee, la Trachonitide et
mal, fit mettre a mortceux quiavaient comparu devant 1'Auranitide, tous deux avec le titre de tetrarque. Cf.
son tribunal, et envoya Cumanus en exil. Cf. Ant. Luc, in, 1. Voir ARCHELAUS, t. i, col. 927; HERODE AN-
jud., XX, v, 2, 3, 4; vi, 1-3; Bell, jud., II, xii, 1-7. TIPAS, t. in, col. 647; HERODE PHILIPPEII, t. in, col.649.
IP Felix, 52-60. Voir FELIX, t. ir, col. 2186. Apres la deposition d'Archelaiis, ce furent les procura-
12° Porcius Festus, 60-62. Voir FESTUS, t. n, col. 2216. teurs romains qui gouvernerent son territoire. L'an 37
13° Albinus, 62-64. Josephe, Bell, jud., II, xiv, 1, apres J.-C., Caligula donna la tetrarchie de Philippe
lui rend ce temoignage peu flatteur qu'il n'omit au- et 1'Abilene a Herode Agrippa Ier, avec le titre de roi.
cune sorte de mechancetes. Homme d'argent avant Ant. jud., XVIII, vi, 10; Bell, jud., II, ix, 6. En 39, il
tout, il pillait aussi bien le tresor public que les biens y ajouta celle d'Antipas, et, en 41, Claude reunit au
particuliers; tout en accablant le peuple d'impots, il tout la Judee et la Samarie. Ant. jud., XVIII, vn, 2;
relachait, pour certaines sommes, les brigands qu'on XIX, v, 1; Bell, jud., II, ix, 6; xi, 5. C'est ainsi
avait jetes en prison. Avec de pareilles dispositions, il qu'Agrippa I posseda tout le royaume de son grand-
selaissait gagner par les ennemis comme par les amis pere et que la Palestine se trouva de nouveau sous le
de Rome. Cf. Ant. jud., XX, ix, 1-4. meme sceptre. Voir HERODE AGRIPPA I«r, t. m^ col. 650.
i4° Gessius Florus, 64-66. Son gouvernement fut Mais bientot apres, en 44, le roi mourail et la province
tellement odieux qu'Albinus aupres de lui pouvait retombait sous les procurateurs romains. Cependant,
passer pour un homme tres juste, selon Josephe, Bell, en 53, son fils, Herode Agrippa II, recevait de Claude,
jud., II, xiv, 2. Celui-ci, en effet, cherchait encore a en echange de la principaute de Chalcis, et avec le
cacher ses mefaits, tandis que Gessius se glorifiait de titre de roi, la tetrarchie de Philippe et TAbilene.
ses sevices a 1'egard des Juifs. C'etait le pillage par- Ant. jud., XX, vn, 1. Voir AGRIPPA II, t. i, col. 286.
tout, au point de faire deserter les habitants. II se Apres la ruine de Jerusalem, la Palestine fut confiee a
plut, pour ainsi dire, a fomenter la sedition parmi les des gouverneurs de rang senatorial.
Juifs; il reussit si bien qu'il unit par allumer la 2° Au point de vue geographique. — Telles sont les
grande guerre qui amena la ruine de Jerusalem et de vicissitudes par lesquelles passerent, dans 1'espace
la nation juive. Cf. Ant. jud., XX, xi, 1; Bell, jud., d'un siecle, les differentes provinces de la Palestine.
II, xiv, 2-9 sq. Pour les limites, divisions, description et histoire de
IV. LA PALESTINE sous LES ROMAINS. — 1° Au point chacune d'elles, voir les articles qui leur sont consa-
de vue politique. — Apres la conquete de Jerusalem cres. Nous devons nous borner ici a un aperfu gene-
par Pompee, la Palestine perdit son independance et ral du pays et a ses particularites les plus remarquables
devint tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv, 4; pendant la periode romaine. Voir la carte, fig. 179.
695 PROCURATEURS ROMAINS 69$
Josephe decrit sommairement, Bell, jud., Ill, HI, A) Sur la cfite mediterraneenne, nous rencontrons,
1-5, 1'ensemble de la Palestine telle qu'elle etait de en allant du nord au sud : 'ExSfrrmx, PtoL, V, 15; Ec-
son temps. L'historien juif est notre premiere source dippa, Pline, V. 17; 'ExStuTtwv, 'ExStTroy;, Josephe,
dans cette etude. Mais il n'est pas la seule. Pour avoir Bell, jud., I, xin, 4; Keztb ou Gezib, Talm.; 'A^wp,
une idee plus complete de la region, il est utile de de- Achzif-Onam., p. 65, 224; aujourd'hui Ez-Zib. Voir
passer les bornes de 1'histoire auxquelles la Bible nous ACHAZIB 1, t. i, col. 136.
limite strictement, et d'etendre nos recherches geogra- IIi;oX£fj.atc, Act., xxi, 7; Bell, jud., I, xxi, \\;Ptolo-
phiques jusque vers le ive siecle de notre ere. A.pres tnaidef Tab. Peut.: Plolomais, dans Onom., 95; *
Josephe, les sources seront done : les Talmuds (nous Talm.; aujourd'hui (Akka. Voir ACCHO, t. I, col. 108.
renvoyons a Neubauer, La geographic du Talmud, Heifa, nsm, Talm., probablement la ville de Taga,
Paris, 1868, pour les details), YOnomasticon d'Eu- que Josephe, Bell, jud., Ill, in, 1, place pres du Car-
sebe etdeS. Jerome (edit, de Lagarde, Goettingue, 1870), mel; auj. Haifa ou Khalfa, Cf. Neubauer, p. 197. Elle
la carte mosaique de Madaba (voir fig. 180), auxquels est appelee Epha, 'Hocx, dans VOnom. p. 134, 267,
on peut joindre : Ptolemee, la Table de Peutinger, la qui Tidentifie avec la suivante.
Notitia dignitatum, etc. Nous retrouvons ainsi un cer- Suxafiivwv, Ptol.; Siqmdnah, naiDpw, Talm., Neu-
tain nombre de noms connus dans I'Ancien Testament. bauer, p. 197; Suv.a{juvo?, Sycamii),um, Onom., p. 133,
Mais il enestd'autresqui viennents'y ajouter; plusieurs 267; aujourd'hui Haifa el 'atiqa ou Tell es-Semak.
villes, en effet, furent baties a cette epoque; d'autres Castra, snoop, Talm., Neubauer, p. 196, que
furent rebaties ou prirent une plus grande impor- R. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main,
tance. Une simple esquisse nous suffira. 1852, p. 129, identifie avec Athlit, le Castrum peregri-
Cette carte, decouverte en 1896, est une mosa'ique datant du v ou du vr siecle de 1'ere chre'tienne; leurs qui les distinguent nettement de la plaine. Les fleuves sont stries de bandes etroites et sinueuses;
elle formait la plus grande partie du pavement d'une eglise situee au nord-est de la ville de Madaba, au des poissons se jouent dans les eaux. La Mer Morte a sur ses flots deux navires qui manquent de pro-
pays de Moab. Avec ce dernier pays, elle comprenait primitivement tout le territoire des douze tribus portions, mais sont d'un effet pittoresque. Au desert, les palmiers marquent les oasis; la gazelle fuit
d'Israel, le desert du Sinai, la Basse-Egypte et probablement une bande de 1'Idumee, de I'Ammonitide devant le lion. Dans les grandes villes, comme Ascalon, Gaza, Jerusalem, on distingue Jes colonnades,
et de la Syrie. Le fragment qui subsiste aujourd'hui, et qui a de nombreuses lacunes, s'etend depuis les principaux monuments, les eglises, les rues. Les cites moins importantes sont figurees par des murs
Naplouse jusqu'aux bouches du Nil. L'eglise etant orientee de Test a 1'ouest, la carte etait dessinee flanque~s de tours carrees. Les plans des villes principales sont malheureusement plus ou moins enta-
dans le meme sens, et les noms dtaient ecrits de maniere a etre lus a mesure qu'on avan§ait vers le mes; mais celui de Jerusalem est presque en entier et presente le plus haul interet. Les localites
chceur. Six tribus seulement flgurent en tout ou en partie sur ce qui reste : Simeon, Juda, Dan, Ben- sont dfeignees, s'il y a lieu, par le nom ancien et le nom usite a 1'epoque ou la carte a ete cons-
jamin, Ephrai'm et Ruben. Les montagnes sont representees par des combinaisons de lignes et de cou- truite; souvent des renseignements historiques ou geographiques y sont ajoutes. Les indications sont
en grande partie tirees de I'Onomasticon d'Eusebe. La mosa'ique originale est en couleurs.
NAlOINT01TPOCNOTON<NeATO
rCPAPITlKONCAATON
m, 22; II Cor., i, 20; II Pet., i, 4, specialement par 1° Le ro'ehou voyant. — Etymologiquement, ce nom
sa naissance, Act., xm, 23, et par sa resurrection. derive de la racine HN~I, rd'dh, qui signifie originaire-
Act., xm, 32. — 3. Lui-meme a promis d'envoyer le
Saint-Esprit, Luc., xxiv, 29; Act., i. 4, il 1'a envoye, ment « voir » des yeux du corps ou de 1'esprit. Ce verbs
Act., n, 33; Eph., I, 13, et on participe a cet Esprit par a servi a exprimer les visions divines des prophetes.
la foi. Gal., ix, 14. — 4. Les promesses de 1'ancienne Is., xxix, 10; xxx, 10. Ro'ehen. est le participe actif, De
alliance ne concernaient que les Juifs; aussi ces der- soi, il pourrait designer un voyant quelconque; mais
niers sont-ils. appeles tout d'abord a beneficier de 1'usage biblique 1'a reserve a denommer une categorie
1'effet spirituel compris dans les promesses anciennes. speciale de voyants, d'hommes qui voient des yeux de
Rom., ix, 4; Act., n, 39. Les justes de 1'Ancien Testa- 1'esprit ce que les autres hommes ne voient pas.
ment n'ont vu que de loin 1'accomplissement des pro- Ce nom est donne a Samuel, pour la premiere fois-
messes faites a leurs peres et ils y ont cru, assurant dans la Bible, par Saul et son serviteur, I Sana., ix,
ainsi leur salut par la foi. Heb., xi, 13, 33, 39. Les 11, 18, qui 1'avaient d'abord appele « homme de Dieu »,
gentils, etrangers aux promesses de 1'ancienne alliance, 6, 7, 8, 10.«La glose du verset 9, dans les deux redac-
Eph., n, 10, participent par Jesus-Christ a celles de la tions differentes de Fhebreu et du grec, indique que ce
nouvelle. Eph., in, 6. En promettant d'ebranler la nom etait usite a 1'epoque de I'evenement et designait
terre, Dieu promettait une nouvelle alliance, Heb., ceux qu'au temps du redacteur on appelait ndbi'. Le
xn, 26, 1'Evangile, promis par les prophetes. Rom., i, voyant etait done 1'homme qu'on allait interroger
2. C'est par cette alliance nouvelle et par la grace quand on voulait consulter Dieu. II voyait ce qu'on
qu'elle apporte que se realisent, dans un sens com- voulait apprendre de Dieu et ce que Dieu repondait a
plet, definitif ct spirituel, les promesses failes jadis a 'la consultation faite. Sa reponse etait consideree comme
Abraham. Rom., iv, 13, 14, 16; Gal., in, 16; Heb., vi, la reponse de Dieu. Si 1'objet de la consultation, rap-
13. Les vrais enfants de la promesse ne sont done pas portee dans cette anecdote, est un interet temporel et
les Juifs, mais les descendants spirituels d'Abraham, prive, la decouverte d'anesses perdues, Dieu toutefois
Rom., ix, 8; Gal., iv, 28; Heb., vi, 17, et cette descen- manifestait a Samuel des desseins plus importants et
dance spirituelle, qui donne droit aux bienfaits de la tout secrets. La veille, il lui avait revele a 1'oreille la
promesse, ne vient pas de la naissance naturelle ni de venue de Saul et ses vues sur lui, et quand Saiil parut
la loi ancienne, mais uniquement de la foi en Jesus- devant lui, Dieu reitera ses declarations, 15-17. Samuel
Christ. Gal., in, 18; iv, 23; Heb., vi, 12, 13. - promit a Saiil de lui indiquer le lendemain tout ce
5. Jesus-Christ, Pontife de la loi nouvelle, etablit cette qui etait dans son cceur, apres lui avoir annonce que les
loi sur des promesses bien superieures a celles de la anesses etaient retrouvees, 19, 20. Le lendemain, ea
loi ancienne. Heb., vm, 6. II promet a ses disciples le eifet, il fit connaitre au fils de Cis la parole du Sei-
titre de fils de Dieu, II Cor., VH, 1, la vie surnaturelle, gneur, 27, 1'election divine a la royante, x, 1, et il luJ
II Tim., i, 1, les bieris de la vie presente et ceux de la donna trois signes pour conflrmer la verite de cette
vie future, I Tim., iv, 8, le repos de Dieu, Heb., iv, 1, declaration, 2-11. Ce n'etait pas, d'ailleurs, la premiere
la recompense et la couronne celestes, Heb., x, 36; revelation faite par Dieu a Samuel. Celui-ci, encore
Jacofy, i, 12; n, 5, la vie eternelle. Tit., i, 2; Heb., ix, enfant, avait entendu a Silo la voix divine. La premiere
15; I Joa.,n, 25. Les incredules doutent dela venue du fois qu'elle se fit entendre, 1'enfant ne savait de qui
royaume promis. II Pet., in, 4. Les croyants attendent .elle provenait, I Sam., in, 7, parce que la parole de
de nouveaux cieux, c'est-a-dire la vie eternelle a 1'avene- Dieu ne lui avait pas encore ete manifestee. Da reste,
ment du Fils de Dieu, selon sa promesse. II Pet., HI, 13. elle etait rare a cette epoque, et les visions n'avaienf
H. LESETRE. pas lieu, 1. Au troisieme appel, Heli comprit qne le
PROPHETE, homme inspire a qui Dieu manifeste Seigneur parlait a Samuel, 2. Au quatrieme, Tenfant,.
ses volontes pour les communiquer aux autres. Les obeissant aux recommendations du pretre, dit :
prophetes ont joue un role important dans J'histoire « Parlez, Seigneur, votre serviteur ecoute, » 10, et le
d'Israel, et Dieu s'est servi d'eux pour instruire son Seigneur lui annonca le sort qu'il reservait a la familJe
peuple choisi. II n'a pas manque non plus de prophetes d'Heli, 11-14. Samuel craignait de rapporter au pretre
dans les premiers temps du christianisrne et les deux la vision, n^nsn, 15. Interroge, il repeta les paroles
Testaments parlent frequemmentdes prophetes deDieu. divines, 16-18. Samuel fut des lors connu dans tout
I. NOTION. — Le prophete, tel qu'il apparait dans les Israel comme un prophete, 20, 21. Cf. II Par.,
Livres Saints, differe de la conception vulgaire qui ne xxxv, 18. II porte specialement dans 1'Ecriture le nom
voit en lui que celui qui predit 1'avenir. La fiible lui de voyant. I Par., ix, 22; II Par., xxvi, 28; xxix, 29,
donne une signification plus large et elle le reconnait Quelques autres personnages cependant sont .dits=
comme un homme a qui Dieu manifeste specialement voyants. David appelle ainsi le pretre Sadoc. II Sam.,,
ses volontes, quelles qu'elles soient,presentes oufutures, xv, 27. Le prophete Hanani, qui vivait sous le regu&
pour qu'il les fasse connaitre aux autres, Comme elle d'Asa, porte aussi ce nom. II Par., xvi, 7, 10. Isale,.
n'en donne nulle part une definition expresse et for- xxx, 10; xxxn, 3, emploie poetiquement le pluriel
melle, il faut en degager la notion des nombreux ren- ro'im. On en a conclu que le nom de voyant a cesse
seignements que 1'Ancien Testament fournit sur les d'etre usite apres le regne d'Asa. Quoi qu'il en soit,
prophetes d'Israel. Les noms diffurents par lesquels ces simples attributs ou ces substantifs absolus ne nous
ceux-ci sont designes et la maniere dont les prophetes apprennent rien sur la signification du nom. Toutefoisr
agissaient de la part de Dieu nous serviront a preciser de 1'histoire de Samuel il ressort que le voyant recevait
1'idee que la Bible nous en donne. la vision et entendait la parole de Dieu pour les mani-
/. D'APRES LEURS NOM-S. — Trois noms hebreux, fester aux autres.
DICT. DE LA BIBLE, V. — 23
PROPHETE 708
2° Le hozeh ou voyant. — Etymologiquement, ce nom roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui
a la meme signification que ro'eh. II vient, en effet soutiennent que le mot ne derive pas d'une racine
de la racine mn, hdzdh, « voir ». II en est le participe hebraique ou au moins n'a pas de racine dans 1'hebreu
kal, pris substantiveraent, et dans 1'usage, il designe, de la periode historique, le font provenir d'autres
comme ro'eh, le prophete voyant. II est plus frequem- langues semitiques, soit de 1'arabe nabaa, « annoncar »
ment employe que le precedent, surtout a partir d'Amos. une nouvelle, porter un ordre, soit de 1'assyrien nabu,
11 designe cependant des prophetes anterieurs. Gad qui signifie « crier, publier, annoncer » et d'ou derive
est le hozeh de David # II Sam., xxiv, 11; I Par., xxi, le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse
9, ainsi que Heman, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par., et de la science, de la parole et de 1'ecriture, voir
xxrx, 30, et Idithun. II Par., xxxv, 15. Addo, qui a ecrit t. iv, col. 1434-1436, de sorte que ndbi' signifierait
1'histoire de Salomon et de Roboam, est dit aussi hvzeh celui qui parle de la part de Dieu, 1'orateur divinement
II Par., ix, 29; xii, 15. Quelques critiques en ontconclu inspire.
que le hozeh etait le prophete attache a la famille b) Forme grammaticale. — Les hebrai'sants ont
royale, tandis que le ro'eh etait un voyant s.'occupant reconnu au mot hebreu ndbi' une forme passive ou
des affaires des simples particuliers. Mais le hozeh active et ont precise en consequence la signification
Jehu, fils d'Hanani, avail fait des reproches a Josaphat. passive ou active du nom. Si on considere le mot ndbi'
II Par., xix, 2. L'histoire d'Amos a Bethel, vn, 12-17, comme un participe passif qdlil, le ndbi' est un homme
est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias a qui il est parle, qui entend une voix interieure,
interdit a Amos, qu'il appelle hozeh, de proph^tiser a mysterieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle
Bethel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale. que sous Faction d'un revelateur, un homme qui est
Si le hozeh avait ete le voyant de la cour royale, Amos done inspire. C'est pourquoi les actes des propheles
n'aurait pas recu ce nom de la bouche d'Amasias. Des sont toujours exprimes dans la Bible par des verbes au
Mzlin avaient parle a Manasse au nom du Seigneur. niphal et a I'hithpdhel, qui sont deux formes passives.
II Par., xxxm, 18. II y avait eu, d'ailleurs, en Israel et Mais meme en admettant lajustesse de ces observations,
en Juda des hozim qui avaient manifesto les ordres du des grammairiens plus recents ont remarque que les
Seigneur. II (IV) Reg., xvn, 13. Us avaientvu les visions participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la
de Dieu, hdzon, et recu ses revelations pour les com- signification passive et ont un sens actif; ainsi vps,
muniquer aux hommes. Voir PROPHETIE. pdqid, surveillant, -|>sp, qasir, moissonneur, ana, nd-
Cependant, le pluriel, hozim, a specialement desi-»
gne les faux prophetes. Michee, in, 7, les nomme avec dib, noble, prince, T>ia, ndgid, chef, b>ai, rdkil, ca-
•T ' I
les devins et il annonce leur confusion : ils n'auront lomniateur, etc. D'ailleurs, le niphal est plutot la forme
pas de « reponse de Dieu ». La nuit leur servira de reflechie du gal etl'hithpahel la forme reilechie du phel.
vision et les tenebres de divination, 6. Le prophete Par suite N33 et N3ann, qui sont souvent employes 1'un
lui-meme, au contraire, est rempli de la force de 1'es- pour 1'autre, ont la signification reflechie et veulent dire :
prit du Seigneur, 9. Isai'e, xxix, 10, parle aussi des « se montrer prophete. » N>33, a done plutot une forme
faux prophetes de Juda, qui voient des visions, mais • T
que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les active et designe « celui qui parle », non pas sans doute
paupieres, de sorte que la vision sera pour eux comme en son nom propre, mais bien au nom d'un autre.
un livre scelle, dans lequel ils ne pourront lire, 11, 12. c) Signification d'apres 1'usage biblique. — Dureste,
Les Juifs incredules refusaient de croire les vrais 1'usage a fixe le sens du mot, et 1'usage a, pour determi-
voyants et demandaient aux faux prophetes de leur an- ner le sens, plus de valeur que 1'etymologie et la forme
noncer ce qui leur plaisait et d'avoir des visions grammaticale. Or, le passage classique qui determine
fausses et erronees. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xiii, 9, le sens usuel du mot, est le recit de 1'Exode, vii, 1, 2.
16; xxii, 28. Moi'se avait ete charge par Dieu de transmettre a Pha-
Bien que le nom de hozeh ait servi en dernier lieu raon ses volontes au sujet des Israelites opprimes. II
a nommer les faux prophetes, primitivement il desi- objecta que ses levres etaient incirconcises, Exod., IV,
gnait le vrai prophete considere comme un homme 10; vi, 10-12, 29-30, et qu'il eprouvait de la difficulte
dont les yeux ne sont pas fermes aux visions divines, a parler. Or, Dieu lui donna Aaron pour ndbi'; il
qui les voit, qui lit la reponse de Dieu et qui la com- parlera a sa place. Moi'se dira a son frere tout ce que
munique aux autres. II etait done synonyme de ro'eh. Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra a
La seule difference entre ces deux denominations est Pharaon, non pas comme truchement, mais comme
que la seconde a ete appliquee aux faux prophetes et porte-parole. De meme, a 1'egard des Israelites, Aaron
la premiere pas. sera « la bouche de MoVse ». Exod., iv, 14-16. Voir t. iv,
3° Le ndbi' ou interprets'de Dieu. — a) Etymologie. col. 1194. Le ndbi' de Dieu etait pour Dieu ce qu'Aaron
— L'origine de ce nom est incertaine et sa signification etait pour Moi'se. Dieu mettait dans sa bouche les
etymologique douteuse. On 1'a recherchee dans 1'hebreu paroles qu'il voulait lui faire dire; lui-meme, il ne
ou dans d'autres langues semitiques. Si ndbi'. ne peut disait que ce que Dieu voulait lui faire dire. II etait
venir de soa, ndbd, qu'il est impossible de decompo- done le porte-parole de Dieu, non pas seulement un
inspire, qui recoit une revelation, mais un representant
ser en une racine inconnue N3, bd', « parler », et en la officiel, charge de parler au nom et a la place deDieu,
preposition a, ayant le sens de XOCTIX ndbd' signifierait un orateur, un predicateur qui dit aux hommes ce que
alors « convaincre par la parole », et le ndbi' serait un Dieu veut leur faire savoir.
homme puissant en discours), on a cherche plus ou La maniere dont Jeremie recut la mission prophetique
moins heureusement a le raltacher a d'autres racines : confirme cette interpretation. Dieu lui revele qu'il
ou bien a yaa, ndbd', signifiant « bouillonner » et par 1'avait choisi des leseinde sa mere pouretre son ndbi'
aupres des nations. Jer., i, 4,5. Le fils d'Helcias repond
suite « repandre abondamment des paroles », et dont qu'il ne sait ou ne peut parler avecTautorite necessaire,
N3a ndbd", est la forme adoucie par le changement de parce qu'il n'est encore qu'un enfant. Dieu 1'encourage,
ain en aleph; ou bien a aia, nub, « sortir, pousser, confirme sa mission prophetique, lui promet sa protec-
germer », ou a sa racine bilittere aaj nb, exprimant tion, touche ses levres sur lesquelles il metlra les
un mouvement quelconque du dedans au dehors, paroles que le prophete aura a prononcer, 7-10. Cf. v,
quels qu'en soient le point de depart et le nioteur, 14. Jeremie dit les paroles divines qu'il a entendues, i,
de sorte que le-ndbV serait 1'homme qui emet des pa- 11-.13, etc. II parle done par delegation divine et il est
709 PROPHETE 710
I'interprete des volontes de Dieu aupres des hommes. Beaucoup de leurs oracles oraux ou ecrits debutent par
Le nom de ndbi', ayant cette signification, a remplace ces mots : « Ainsi parle le Seigneur. » I Sam., x, 18;
1'ancien nom de ro'eh et est devenu d'un emploi uni- xv, 2; I (III) Reg., xm, 2; xxn, 11; II (IV) Reg., vn, i;
versel pour designer les representants de Dieu en Is., vn, 7; Jer., n, 2; xix, 1; Ezech., v, 5, 8; vi, 11;
Israel. I Sam., ix, 9. II a toujours caracterise un homme vn, 5; xi, 2, 7, 16; Amos, i, 2, 3, 6, 11, 13; n, 1, 4, 6;
qui parle au nom de Dieu et qui repand des oracles di- Abdias, 1; Agg., i, 2, 5, 7; Zach., i, 3, etc. Dieu lui
vins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication. ordonne de parler ainsi : «Le Seigneur dit ceci. » Jer.,
4° Le 7rp<xpr,TYjs des Septante. — Ce mot grec traduit ix, 24; Ezech., xi, 17; xn, 23. Le prophete a entendu
regulierement, dans la version grecque dite des Septante, de la bouchede Dieu les paroles qu'il proclame. Ezech,,
le nom ndbi' applique aux vrais prophetes, et quelque- in, 17; XXXHI, 7; Hab., in, 2. II annonce la parole de
fois ro'eh, I Par., xxvi, 28; II Par., xvi, 7, 10, et hozeh. Dieu. Is., i, 10; xxvni, 14; Jer., n, 4, 31; vii, 2; IX,
II Par., ix, 2; xxix, 30; xxxv, 15. II faut exposer la 20; Ezech., vi, 3; xm, 2; xx, 47; Ose., iv, 1; Amos,
•veritable signification de ce nom, duquel viennent le vn, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu'il lui
mot latin propheta et le nom francais prophete. a dit. Jer., xix, 2; Ezech., in, 4. C'est Dieu qui parle
a) Etymologic. — Les Peres et les theologiens ont par sa bouche. Is., LIT, 6; Ezech., xvn. 21. La parole du
donne diverses explications de ce nom. Eusebe de Cesa- Seigneur lui a ete dite. Ezech., vi, 1; vn, 1; xi, 14;
ree, Demonst. ev., \. V,prolog., t. xxn, col. 345, le faisait xn, 1, 5,17, 21, 26; xm, I, etc. Bref, ce que le prophete
deriver de Ttpopaivetv et lui donnait la signification de dit n'est pas le produit de son esprit, et toutes ses
communication par le Saint-Esprit des choses futures et paroles sont des paroles divines. Or, rien n'est plus
eachees. Saint Thomas a adopte une derivation analogue, varie que leur objet. Elles ne concernent pas toutes
puisqu'il separait Tipo, procul, et cpotvoc, apparitio, et il 1'avenir. Elles font connaitre les resolutions que Dieu
en a eonclu que la prophetie consistait principalement a prises, ses desseins. Elles sont generalement accom-
dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues. pagnees d'avertissements et d'exhortations, de reproches,
Sum. theol., IIa II*, q. CLXXI, a. 1. Suarez, De fide, de menaces, de consolations. Elles forment parfois un
disp. VIII, sect, in, n. 1, Opera, Paris, 1858, t. xn, discours entier. Le prophete manifesto done toutes les
p. 227, 1'a rejetee a juste titre comme n'ayant aucun volontes de Dieu, presentes et futures. II est le porte-
fondement dans la langue grecque. Ce theologien parole de Dieu, le mediateur de la revelation divine,
preferait une autre etymologie, communement admise, 1'organe de Jehovah, 1'interprete humain de la pens.ee
qui fait venir ce mot de -npocpdcvai, « dire a 1'avance, » et divine, un orateur divinement inspire. Philon en
qui considere la prophetie comme une prediction de donnait deja cette definition, et saint Pierre Fa declar6:
1'avenir. Cette interpretation etait deja. acceptee par « Les saints hommes de Dieu ont parle sous 1'inspira-
saint Irenee, Cont. hser., \. IV, c. xx, n. 4, t. vn, tion du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21.
•col. 1034; par saint Ambroise, De benedictions patri- II. VOCATION ET INSPIRATION DIVINE DES PROPHETES.
archarum, \. II, n. 7, t. xrv, col. 676; par saint Basile, — Les prophetes d'Israel ne se sont pas introduits
In Isa., protBm., n. 3; 1. Ill, t. xxx, col. 224, d'eux-memes dans le ministere qu'ils remplissaient.
284; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, horn, n, Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xvm, 18.
n. 2, t. LVI, col. Ill; et par saint Gregoire le Grand, Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont di-
In Ezech., 1. I, horn, i, n. 1, t. LXXVI, col. 786. Elle a vines; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rap-
donne naissance a Topinion vulgaire, qui ne reeonnait portaient a Dieu.
dans les prophetes que des prediseurs de 1'avenir. Mais 1° Vocation et mission. — Ce n'est ni deleurpropre
tout en admettant cette derivation, on peut et on doit, choix et de leur initiative privee ni par une education
•semble-t-il, lui donnerune meilleure explication. Dans speciale que les prophetes d'Israel ont commence et
Ttposprj-r/ic, la preposition mpo n'est pas une particule de rempli leur ministere. Amos etait un simple berger de
temps. Comme dans les mots composes analogues, Thecue, i, 1; Dieu 1'a pris derriere son troupeau et 1'a
Tcpd6o<7xoc, vice-pasteur, 7rp66ouXoi;, qui prend conseil envoye prophetiser a Israel, vn, 14-15. II est done
pour un autre, TtpoSixo?, qui traite 1'affaire d'autrui, devenu prophete par vocation expresse et personne ne
•7tpofiyops;v, parler a la place d'autres, etc., et en latin, saurait aller a I'encontre de cet appel divin, ni les
proconsul, procurator, proprietor, propugnator, etc., pretres de Bethel ni les rois d'Israel. Ce n'est pas pour
«lle signifie « a la place de ». Le itpotp^T-^; est done remplir un metier et gagner son pain qu'il prophetise
•celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi tres Men comme le supposait Amasias, vn, 12; c'est pour obeir
le sens de ndbi'. a 1'ordre de Dieu. L'appel divin a ete pour lui d'une
b) Signification. — Du reste, 7rpocpr|T/jc, chez les clarte irresistible; il a quitte son metier de berger et
ecrivains grecs profanes, signifie interprele, et non s'est expose aux denonciations et aux 'menaces d'Ama-
prediseur de Tavenir. Denys d'Halicarnasseappelle les sias. La parole divine 1'a saisi et subjugue : « Dieu
pretres TipocpYjtat TWV 6etwv, c'est-a-dire les interpretes parle; qui ne prophetiserait? » in, 8. Dans une vision,
des choses divines. Platon dit que les poetes sont Isai'e a entendu Dieu demander qui ilenverrait; il s'est
Mo'Jdwv TipocpYjTai. Themistius, Orat., xxiu, nomme oflert genereusement et il a recu 1'ordre d'annoncer a
7tpo5p-/]Tr,<;, celui qui explique Aristote. Philon aplusieurs Juda les volontes divines, vi, 8, 9. Jeremie a ete choisi
fois presente les prophetes d'Israel comme les inter- par Dieu comme prophete des le sein de sa mere.
pretes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait Comme Moi'se, il veut repousser la mission qui lui est
dire. Les Peres, meme ceux qui admettaient. 1'etymolo- confiee. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la
gie tiree de rcpo^avai, ont donne cette signification. rendre eloquente et le charge d'une mission penible, i,
S. Chrysostome, In Act., horn, xix, 5, t. LX, col. 156; 4-10. Plus tard, quand 1'accomplissementde sa mission
In 1 Cor., horn, xxxvi, 4, t. LXI, col. 311; S. Augus- lui attire le mepris de ses contemporains, il se plaint
tin, Qusast. in Heptateuch., n, 17, t. xxxiv, col. 601; amerement que Dieu 1'ait fait prophete par force. II
Synopsis Sac. Script, (attribuee a saint Chrysostome), avait voulu garder le silence; mais il a senti bruler
t. LVI, col. 317. Les commentateurs catholiques, a partir dans ses entrailles et dans ses os un feu devorant et il
du xvne siecle, ont generalement adopte cette interpre- a ete contraint de ceder et de parler, xx, 7-9. Cf. iv,
tation; qui n'est pas, comme on le pretend quelquefois, 19-26; xv, 10, 15. Ezechiel a recu de Dieu, lui aussi, la
wne decouverte de 1'exegese moderne. mission de parler aux Israelites coupables et de ne pas
n. S'APRES LEUR MANIERE V'AGIR. — Tout ce que craindre leur opposition, n, 1-6. Les autres prophetes,
disent et font les prophetes, ils le disent et ils le font, bien qu'ils ne nous aient fait connaitre ni 1'epoque ni
non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu. le mode de leur vocation, etaient cependant choisispar
711 PROPHETE 712
Dieu comme ses representants et envoyes vers ceux a vines. Us avaient le sentiment intime de posseder la
qui le Seigneur voulait reveler ses volontes, ordres ou verite communiquee par Dieu. Toutefois, quelle qu'ait
menaces. Dieu lui-meme 1'affirme par la bouche de 36- ete la fagon dont 1'Esprit divin agissait sur I'intelli-
remie, XLIV, 4. gence des prophetes, il laissait leur personnalite in-
2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas a envoyer tacte; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs-
ses propheles et a les charger de parler en son nom; il actes et n'apportait aucun trouble ni aucune modifica-
met sur leurs levres ce qu'ils doivent precher et annon- tion dans 1'exercice regulier et normal de.leur intelli-
cer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et gence et de leur liberte. Quoique inspire, le prophete
ioutes leurs demarches. L'action de Dieu sur ses en- agissait, pensait et parlait comme les autres hommes,
voyes est exprimee dans les Livres Saints en des for- Ses pensees et ses paroles etaient celles de Dieu; il
mules nombreuses, variees et tres expressives. Les avail compris la revelation qui lui avait ete faite, et il
unes la decrivent d'une facon generale, d'autres en la publiait comme il eut fait pour ses propres idees.
precisent la nature, tout en la laissant cependant en- En parlant et en agissant. il parlait et agissait au nom
core dans une mysterieuse obscurite qu'il est impos- de Dieu, parfois comme s'il etait revetu de la person-
sible de dissiper. nalite de Dieu qui parlait par sa bouche; il n'avait
La main du Seigneur est sur son prophete, Ezech., neanmoins rien perdu de son activite personnelle..
I, 3; m, 22; xxxni, 22, avant qu'il ne lui parle; elle Quand les prophetes s'exprimaient comme s'ils avaient
tombe sur lui et il a une vision, Ezech., vin, 1; elle le ete Dieu lui-meme, quand ils lui attribuaient leurs dis-
conduit dans 1'Esprit de Dieu. Ezech., xxxvn, 1; XL, 1. cours, ils formulaient la pensee divine dans leur Ian-
Elle faisait courir Elie devant le char d'Achab. I (III) gage propre, avec les couleurs de leur imagination et
Reg., xvm, 46. L'Esprit du Seigneur est sur Isai'e, la chaleur de leurs sentiments. Us empruntaient leurs
LXI, 11. Michee, in, 8, a ete rempli de sa force, de son images a leur milieu social, et ils dormaient parfois
jugement et de sa puissance. Get Esprit se precipite 1'empreinte de leur esprit a la pensee de Dieu. Ils avaient
sur Ezechiel pour lui parler, xi, 5; il Penleve et I'em- recu de Dieu les ordres a communiquer, les verites a
porte au lieu ou il doit porter son message, m, 12, 14; manifester, I'impulsion pour agir et parler; mais dans
il penetre en lui, le fait tenir debout et lui parle, m, 1'exercice de la communication des pensees divines
24. Dieu a inspire par son Esprit les paroles desanciens aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultes,.
prophetes. Zach., vn, 12. Aussi le prophete est-il Ils n'ont pas laisse d'indice que, meme dans la vision,
1'homme de 1'esprit, rrnn tf>x, qu'Israel coupable tient ils aient ete ravis en extase. Ilsne disent pas que, tandi&
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pour un insense, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir. que leur esprit percevait la verite que Dieu leur mani-
Mich., il, 11. Cette action de 1'Esprit divin s'etait pro- festait, ils avaient perdu conscience des choses exte-
duite aussi sur les prophetes d'action. L'Esprit de Dieu rieures. II n'y a done pas lieu, d'ordinaire, de parler
s'etait precipite sur Balaam, Num., xxiv, 2; il etait d'extase prophelique, au moins dans le sens antique
venu sur Azarias, fils d'Oded, II Par., xv, 1, sur Jaha- d'hommes qui parlent etant hors d'eux-memes et sans
ziel, II Par., xx, 14; il avail revetu Zacharie, fils de 1'usage de leurs facultes naturelles. Leur esprit avait du.
Joi'ada. II Par., xxiv, 20. L'annonce de la multiplicite parfois, peut-etre, se fixer si attentivement sur la verite
des prophetes aux temps messianiques est faite sous revelee par Dieu, surtout lorsqu'elle etail presentee a
1'image d'une effusion de 1'Esprit divin sur toute chair. leur imagination sous des images, qu'au moment de sa
Joel, n, 28, 29. Get esprit qui animait les prophetes manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement
d'Israel. venait done du dehors; il etait etranger a ou totalement, conscience des choses exterieures. Mais
leurs personnes; il dirigeait leurs actes et il les pous- cette abstraction d'esprit ne durait que pendant la per-
sait eux-memes a parler. ception de • 1'objet revele; elle n'avait pas fait cesser la
Son action est precisee ailleurs et presentee comme pleine conscience interieure, et 1'acte de perception
une revelation divine. Dieu lui-meme met ses propres accompli, le prophete gardait le souvenir distinct de
paroles sur les levres des prophetes, Deut., xvm, 18, ce qu'il avait vu ou de ce qu'il avait eprouve, et il le
qu'il a purifiees. Is., vi, 5-7; Jer., I, 9. II parle aux manifestait avec 1'usage plenier de sa liberte et de ses
prophetes pour leur reveler ses secrets. Amos, in, 7. II autres facultes naturelles. L'extase prophetique, quand
montre 1'objet des visions. Amos, vn, 1,4, 7; vni, 1. elle s'est produite, differait done de la ^avia des devins
Consulte et interroge, il ne repond que s'il le veut. antiques et n'avait rien de commun avec leur delireou
Ezech., xiv, 3. Le prophete doit attendre que Dieu lui leur demence. Le prophete savait toujours ce qu'il
reponde. Hab., n, 1. Quand le peuple demande une prophetisait, quoiqu'il put cependant ne pas saisir tou-
consultation, il prie le Seigneur de donner une re- jours toute la portee de ses oracles. Sur les prophetes
ponse qui n'est accordee qu'au bout de dix jours. Jer., exaltes el hors d'eux-memes, voir PROPHETISME.
XLII, 4, 7, En vain le prophete voudrait-il devancer II esl clair enfm que les prophetes d'Israel ne sen-
1'heure et apprendre de force la parole de Dieu. II taient pas constamment en eux ni toujours au meme
n'obtient de revelation que si Dieu veut la lui accorder. degre, quand elles se produisaient, 1'influence et
Pour punir son peuple, Dieu ne donne plus de visions 1'action de Dieu. Leur inspiration n'etait pas continue
a ses prophetes. Lament., n, 9. Mais quand Dieu a ni habituelle. Quoique leur mission ait ete ordinaire-
ouvert la bouche de son prophete, celui-ci ne peut menl perpetuelle, tout ce qu'ils faisaient et disaient
plus se taire. Ezech., xxxm, 22. Les prophetes ne n'y avait pas un rapport necessaire. Quand ils remplis-
parlent done pas d'eux-memes et par leur propre vo- saient leur mission, ils etaient pousses par 1'Esprit de
lonte; c'est 1'Esprit qui les inspire. II Pet., i, 21. Leurs Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes etaient ins-
paroles ne sont pas le fruit de leurs reflexions person- pires, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles
nelles, ni la consequence de leurs raisonnements. Elles revelations. L'inspiration divine avait done lieu pour
leur viennent du dehors, sont misespar Dieu sur leurs eux par intermittence. Le prophete Nathan avait de lui-
levres, ou au moins leurs pensees sont produites dans meme encourage le roi David dans son projet de batir
leur esprit par une force superieure, 1'Esprit de Dieu, un temple au Seigneur; maig, la nuit suivahle, Dieu
qui les fait agir et parler et qui anitne toute leur con- lui revela que David ne realiserail pas son dessein qui
duite. Sur la maniere dont Dieu agissait sur les pro- serait accompli par son fils. II Sam., vn, 3-13. Dieu.
phetes et leur communiquait ses volontes, voir PRO- ne parlait a Elie que dans des cas particuliers et a de
PHETIE. longs vintervalles. I (III) Reg., XVH, 2, 8; xvni, 1. Si
Les prophetes n'ont pas decrit leur etat psycholo- Elisee recoil une double part de 1'esprit d'Elie, II (IV)
gique, tandis qu'ils recevaient les communications di- Reg., n, 9, 10, 15, Dieu lui avait cache la douleurdela.
713 PROPHETE 714
Sunamite privee de son fils unique, II (IV) Reg., rv,27; S'il n'avait pas pense alors a la laisser par ecrit, il
et le prophete irrite a besoin d'un harpiste pour calmer recut plus tard de Dieu 1'ordre d'ecrire les instructions
•sa colere et le predisposer a recevoir la revelation du Seigneur, xxx, 8. II est possible que toute la seconde
divine. II (IV) Reg., in, 11-20. Les oracles des pro- partie de son livre, XL-LXVI, dont la composition est si
phetes ecrivains n'etaient pas proferes a jet continu. r"eguliere, n'a ete publiee que par ecrit. Quand Jeremie
•Chacun a eu son occasion propre et le prophete ne re- eut dicte a Baruch ses oracles anterieurs et les eut
eevait les revelations divines que lorsque Dieu le vou- reunis en un volume, il en fit lire publiquement une
lait et dans la mesure meme oii il le voulait. partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On
III. MANIERE DONT LES PROPHETES MANIFESTAIENT les kit aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25.
LES VOLONTES DIVINES. — 1° De vive voix et par la Jeremie dicta a son secretaire un volume plus complet
parole. — Les prophetes, etant essentiellement des ora- que le precedent, 27-32. Le livre de Baruch a ete ecrit
teurs et des predicateurs qui parlaient au nom deDieu tout en tier pour etre lu aux Juifs exiles a Babylone,
et sous son inspiration, ont exeree leur mission sur- Bar., i, 1-4, ainsi que la lettre que Jeremie adressa
tout par la parole. Tous les anciens prophetes, qu'on aux memes captifs. Bar., vi. L'ordre et la disposition du
appelle prophetes d'action ou non-ecrivains, n'ont agi livre d'Ezechiel font penser que le prophete 1'a ecrit
sur leurs contemporains que par leurs oracles promul- d'un seul jet, quoique quelques parties soient la repro-
gues de vive voix et par leurs discours. Elie, Elisee et duction de discours precedents, m, 10-15; xx, 2-44;
d'autres n'ont laisse aucun recueil de leurs propheties. xxiy, 18-27; XL, 4. On estime que le plan de restaura-
Ce n'est que vers le milieu du vine siecle que commence tion religieuse, dresse par lui, XL-XLyni, n'a pas ete des-
la prophetic ecrite et encore les prophetes de cette tine a etre lu en public. Toutefois, Ezechiel n'a pas ete
epoque, avant de faire eux-memes ou de laisser faire seulement un prophete de cabinet, comme on 1'a dit,
la collection de leurs oracles, les avaient prononcesde il a ete aussi bien que ses devanciers un orateur en con-
vive voix en public. Amos, le plus ancien peut-etre des tact immediat avec les exiles ; mais il a compose lui-
prophetes ecrivains, lorsqu'il parait pour la premiere mfime le recueil deses propheties. On a done eu tortde
fois a Bethel, parle au peuple et au pretre Amasias.On pretendre que, pour lui, la vision prophetique n'etait
peut legitimement supposer qu'il a communique les plus une experience reellementeprouvee et qu'elleetail
autres messages de Dieu par la parole avant de les re- devenue un genre litteraire, une simple forme dont se
diger par ecrit. Jeremie a prophetise pendant 23 ans revetait la pensee de 1'ecrivain. Le livre de Daniel a ete
sans ecrire, et ce ne fut qu'apres ce long laps de temps compose pour etre lu, et ses oracles ne semblent pas
que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d'y avoir ete publies de vive voix, avant leur publication
consigner ses precedents oracles, xxxvi, 1, 2. II avait, litteraire.
du reste, prononce quelques-uns d'entre eux dans la Les recueils d'oracles prophetiques ont vraisembla-
cour du Temple de Jerusalem, xxvi, 2. Beaucoup de blement ete formes pour la plupart par les prophetes
propheties ont la forme de discours qui ont sans doute eux-mernes qui reunissaient ainsi, groupaient 1'ensem-
ete dits avant d'etre couches par ecrit. La parole etait ble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-etre avaient
certainement a cette epoque le moyen le plus efficace primitivement ete rediges sur des feuilles volantes. II
de faire connaitre et de propager les oracles divins. n'est pas certain toutefois que tous aient fait la collection
On peut done penser que la plupart des prophetes de leurs propheties. Quelques-uns ont pu laisser ce
ecrivains ont ete orateurs avant de devenir ecrivains. soin a leurs disciples. Les oracles d'lsai'e et de Jeremie
Ce n'est qu'apres avpir fait entendre aux oreilles de ne semblent pas avoir eu, des le debut, une destina-
leurs contemporains les volontes divines qu'ils les ont tion publique. Ces prophetes les avaient gardes dans le
consignees par ecrit. Leurs ecrits ne sont done qu'une cercle etroit de leurs disciples. Plus tard, les Iivres
reproduction de leur predication. Vraisemblablement, prophetiques furent communiques au peuple, et tous
les discours des prophetes n'etaient pas reproduits par fmirent par etre reconnus officiellement et publique-
eux integralement, textuellement, stenographiquement. ment comme la parole de Dieu. La prophetie ecrite a
A moins qu'il ne s'agisse d'oracles ecrits pour etre lus, ainsi exeree une plus grande influence que la prophetie
la reproduction n'est pas faite in extenso, mais seule- simplement orale. Apres avoir produit son effet imme-
ment sous forme de citations partielles ou meme de diat dans les milieux auxquels elle etait destinee, elle a
simples resumes. Jeremie, commencant a dieter ses pro- transmis aux siecles suivants et a toutes les genera-
pheties apres 23 ans de ministere, ne se souvenait plus tions juives et chretiennes la revelation divine.
textuellement des paroles qu'il avait prononcees, et il 3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontes
n'a pu les reproduire litteralement. Les ecrits de divines etaient manifestoes au peuple et rendues tan-
beaucoup de prophetes sont done des recueils d'ex- gibles en quelque sorte par des actions symboliques,
traits ou de specimens de leur predication. Us y ont accomplies par les prophetes et racontees dans les Livres
resume et condense eux-memes la substance de leur Saints. Les prophetes d'action en ont accompli aussi
enseignement, les themes qu'ils avaient vraisemblable- bien que les prophetes ecrivains, En coupant son man-
ment traites et developpes a diverses reprises. Parfois teau en douze parts et en en donnant dix a Jeroboam,
cependant, le texte primitif a ete reproduit integrale- le prophete Ahias annoncaitsymboliquementleschisme
ment. On peut penser qu'il en a ete ainsi de ces discours de dixtribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophete,
rediges sous forme poetique, en strophes regulieres et qui se fait hattre et blesser et qui se presente au roi
avec refrain repete. Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer
2° Par ecrit. — Toutefois, certaines parties des 1'attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort
iivres prophetiques n'ont probablement pas ete pronon- qu'il avait eu de s'allier avec Benadad. I (III) Reg., xx,
cees de vive voix, mais ont ete publiees seulement par 35-43. Les mariages d'Osee avec Gomer et avec une
ecrit. Ainsi les propheties d'Osee paraissent etre moins femme debauchee ne sont, probablement, ni une
•des discours que des oracles ecrits pour etre repan- fiction allegorique, ni une simple parabole, ni des
dus parmi le peuple et communiques par la lecture. actes accomplis en vision, mais des histoires vraies,
Isaie, qui avait ete a la rencontre d'Achaz pour lui dire symbolisant la conduite d'Israel a 1'egard de Dieu; Voir
les menaces divines, vn, 3-25, voulut, parce que sa mis- t. iv, col. 1909-1912. Isai'e, 1-4, ecrit sur une grande ta-
sion etait mal vue du peuple, lire la revelation et fer- blette en grands caracteres et devant temoins le nom
mer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, vin, prophetique qu'il donnera au fils qui lui naitra bientot.
16; ce qui signifie qu'il resolut de ne plus la repandre Ce prophete, nu et dechausse, parcourt Jerusalem,comme
•en public, et de la reserver a un petit groupe de fideles. s'il etait un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs
715 PROPHETE 71$
que le roi d'Assyrie, dans la campagne commeneee, 1° Les miracles. — Lesenvoyes de Dieu justifiaient par-
emmenera d'Egypte etd'Ethiopie, xx,l-6. Jeremie cache ibis leur mission divine, en accomplissant des prodiges.
sa ceinture de lin au bord d'un cours d'eau et va la re- Ainsi, Dieu accorda a Moi'se le pouvoir de faire des pro-
prendre plus tard, toute pourrie et impropre a aucun diges avec la verge qu'il tenait a la main ou de changer
usage, pour annoncer le chatiment que Dieu tirera de 1'eau en sang pour 1'accrediter aupres des Hebreux,,
Juda, auquel il s'est attache comme la ceinture s'attache Exod., iv, 1-19,29-21, aussi bien qu'aupres de Pharaon.
aux reins d un homme, xm, 1-21. Un potier, sous les Exod., vn, 3-5, etc. L'autel de Bethel fut brise et la
yeux du prophete, change la destination du vase qu'il main de Jeroboam dessechee pour conflrmer la pre-
fac.onne : ce qui signifie que Dieu, lui aussi, peut mo- diction d'un prophete de Juda, realisee plus tard dans-
difier ses plans, xvni, 1-10. Jeremie brise ensuite la personne du roi Josias. I (III) Reg., xni, 1-6. La re-
devant temoins un vase achete chez ce potier pour figu- surrection de son fils fut pour la veuve de Sarephta-
rer la destruction prochaine de Jerusalem, xix, 1-13. une preuve certaine qu'Elie etait un homme de Dieu.
II met un joug sur ses epaules en vue de representer et que la parole de Dieu etait vraiment dans sa bouche.
1'asservissement de Juda par Babylone et d'annoncer I (III) Reg., xvn, 23, 24. Le meme prophete confondit
au roi que Dieu lui conunande de se soumettre a ses les prophetes de Baal qui ne purent faire devorer par
vainqueurs, xxvn, 2-13, malgre les predictions trom- le feu du ciel leurs victimes, et quand sa priere a Jeho-
peuses des faux prophetes. Hananias, 1'un d'eux, brise vah eut ete exaucee, le peuple entier proclama la puis-
le joug symbolique porte par Jeremie, et ce prophete sance de son Dieu. Ibid., xvni, 20-30. Dieu lui-meme
con tredit son adversaire et predit sa mort prochaine, fait proposer a Achaz par Isai'e un signe en preuve de-
xxvm. 1-17. II achete un champ a Anathoth,etcet achat, la verite d'un oracle precedent. Is., vm, 7-12. La retro-
fait sous 1'impulsion divine, est 1'embleme et le gage gradation de 1'ombre sur le cadran d'Ezechias devaifc
des benedictions que Dieu reserve aux captifs apres etre pour ce roi une assurance divine de la verite des
leur retour, xxxn, 6-44. Refugie en Egypte, il cache de promesses qui venaient de lui etre faites de la part du
grandes pierres pour predire J'invasion du pays par Seigneur. Is., xxxvin, 5-8. Toutefois, les prophetes.
Nabuchodonosor, XLIII, 8-13. Apres avoir ecrit sa pro- d'Israe'l ne se donnaient pas ordinairement comme
phetie annoncantlaruine de Babylone, il remet le rou- thaumaturges, et 1'accomplissement de signes et de-
leau a Sarias, qu'il envoie a Babylone pour le lire, prodiges semble n'avoir ete qu'accidentel pour autoriser,.
1'attacher ensuite a une pierre et le jeter au milieu de de par Dieu, la mission de ces prophetes, en Israel.
PEuphrate, afin de symboliser la submersion de la 2° La realisation de leurs oracles. — La veritable-
grande ville, LI, 59-64. Ezechiel mange un rouleau d'ecri- marque distinctive des faux et des vrais prophetes etait
ture qui lui est presente, et ce symbole figure le message la realisation ou la non-realisation de leurs predictions..
dont il est porteur, n, 8-m, 3. II recoit 1'ordre de s'en- Dieu lui-meme avait revele ce critere a Moi'se.Deut.,xvm,.
fermer dans sa maison et d'y garder un silence absolu 20-22. Elie, au debut de sa mission, predit une seche-
pour montrer que les Israelites exasperentDieu, qui ne resse, qui se realise aussitot et cesse sur sa parole ait
veut plus leur parler, in, 24-27. II trace sur une brique bout de trois ans. I (III) Reg., xvni, 1-45. Dans sa
un plan de Jerusalem assiegee et represente lui-meme lutte avec les faux prophetes d'Israel, Michee, fils de-
les assaillants, iv, 1-3. Gouche sur ]e cote gauche pen- Jemla, predit a Sedecias et au roi le sort qui les attend
dant 390 : jours, il represente la duree des iniquites en confirmation de la verite de sa prediction. I (III) Reg.,,
d'Israel; couche ensuite sur le cote droit durant 40 jours, xxn, 25, 28. Elisee annonce aux vieillards qui Tentou-
il figure celle des peches de Juda, un jour etant pour rent que le roi envoie quelqu'un pour letuer, et a peine-
une annee; apres quoi. il prophelise centre Jerusalem avait-il fini de parler que 1'envoye arrivait. II (IV) Reg.,,
assiegee, iv, 4-8. Sa nourriture repugnante, malgre VI, 31-33. L'Israelite qui avait refuse de croire a 1'abon-
1'adoucissement obtenu, et sa boisson seront mesurees dance predite par le meme prophete, vit le fait realise,
comme le signe du! sort miserable auquel seront re- mais n'en profita pas, ainsi que I'homme de Dieu le lui
duits les assiegeants, iv, 9-17. II coupe enfln sa cheve- avait declare. Ill Reg., vn, 1, 2,16-20. L'evenement jus-
lure, la livre au feu, au rasoir et au vent, pour signifier tifia promptement la prediction d'Elisee a Hazael, qui
qu'un petit nombre seulement des habitants de Jerusa- devint roi de Syrie apres le meurtre de Benadad..
lem survivra, v, 1-17. En presence des exiles, il simule Ill Reg., vm, 13-15. II en fut de meme pour celle que ce-
un depart hatif pour un voyage, et il explique que cette prophete fit a Joas qui fut trois fois victorieux des»
scene represente le roi Sedecias et les habitants de Syriens,III Reg,, xii, 14-19, 25, et pour celle qu'Isai'e fit
Jerusalem qui devront emigrer au milieu des nations, a Ezechias centre Sennacherib. Ill Reg., xix, 20-35. Les
xii, 1-16. La maniere dont le prophete mange son pain incursions des Chaldeens, des Syriens, des Moabites et
et boit de 1'eau, signifie la condition miserable a la- des Ammonites dans le royaume de Juda sous le regne
quelle seront reduits les habitants de Jerusalem, xii, de Joachim realisaient les paroles que Dieu avait fait
17-20. Sa feirnne etant morte, il recoit de Dieu 1'ordre predire paries prophetes, ses serviteurs. Ill Reg., xxiv, 2.
de ne pas en porter le deuil, afin de servir de signe a Amos, vn, 17, annonce au pretre Amasias un chatiment;
ses compatriotes, en prevision dela ruine prochaine de personnel, qui a du avoir une prompte realisation.
Jerusalem, xxiv, 15-24. Le livre de Zacharie raconte Dans sa discussion avec le faux prophete Hananie,.
une seule action symbolique. Trois exiles, revenus de Jeremie rappelait a son adversaire que les prophetes
Babylone, avaient rapporte de Tor et de 1'argent; le anterieurs avaient predit des guerres, des devastations^
prophete doit en faire des couronnes qu'il placera sur et des famines, alors que lui annoncait la paix. L'eve-
la tete du grand-pretre Josue et qui seront deposees nement devait verifier leurs oracles. Jer., xxvm. 8, 9.
dans le Temple de Jerusalem comme des memoriauxde II donna tort a Hananie qui, lui-meme, mourut dans
la reconstruction de ce Temple, ainsi predite, vi, 6-16. 1'annee enpunition de ses predictions mensongeres, 15-
Bien que quelques-unes de ces actions symboliques 17. La realisation des propheties, faites ainsi a breve
presentent des difficultes au point de vue de leur echeance, confirmait evidemment la mission divine de
realite historique, ce ne sont pas de simples figures de ceux qui les avaient faites. Mais toutes les predictions,
rhetorique comme le pretendaitReuss, mais plutot des ne devaient pas se realiser sous les yeux des auditeurs.
fails reels, accomplis sous les yeux des spectateurs afin Aussi les incredules reprochaient-ils frequemment avec
de les impressionner plus vivement et de leur donner derision 'aux prophetes ^le retard de leurs predictions.
une saisissante lecon de choses. Amos, v, 18; ix, 10; Is., v, 19; Ezech., xii, 21-28. De-
IV. PREUVES QUE LES PROPHETES DONNA.IENT DE LA meme, parce que les prophetes annoncaient aux Israe-
VERITE DE LEUR MISSION ET DE LEUR INSPIRATION. — lites prevaricateurs des chatiments, ont-ils ete persecu-
717 PROPHETS 718
les. Matth., v, 12; Act., vn, 52; Heb., xi, 35-40. de Dieu. Jehovah, le Dieu des peres, etait le seul Dieu
3° Le caractere moral de lew predication. — Le du ciel et de la terre, superieur a tous les etres qu'il a
plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux crees, gouvernant le monde avec sagesse et puissance,
prophetes, les voyants d'lsrael, pour justifier leur mis- d'une justice inflexible a punir les coupables, d'une
sion, en appellent a leur droiture, a la conscience bonte sans mesure pour ses fideles adorateurs, enfin
intime et profonde qu'ils ont de parler au nom de Dieu, d'une saintete si parfaite qu'il ne supportait aucune
au caractere moral de leur predication dirigee exclusi- souillure. Ce Dieu unique et universe!, souverainement
vement, malgre des obstacles sans nombre, a maintenir bon et juste, quoique severe et terrible, imposait un
ou a ramener Israel dans la vraie religion, dans la culte moral en esprit et en verite et ne se contentait
bonne voie et dans la pratique du bien. Michee repro- pas des sacrifices etdes pratiques exterieures, auxquelles
che a la maison de Jacob son impiete. S'il n'etait un ne se joignaient pas les dispositions interieures et les
homme inspire, il dirait des paroles mensongeres, il o?uvres de justice. On a dit, a cause de cela, que la pre-
verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait, dication des prophetes etait antisacerdotale. Ils n'etaient
n, 11. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans pas les adversaires du culte mosai'que; ils defendaient,
des visions vaines et trompeuses. Is., LVI, 10. Du ternps au contraire, sa spiritualite comme son integrite contre
de Jeremie, ils trompaient le peuple, vi, 13, parce qu'ils les pretres qui favorisaient avec 1'idolatrie la devotion
disaient la vision de leurs coeurs et non ce qui sortait purement exterieure. Ils devenaient done les guides
de la bouche du Seigneur, xxm, 16. Ils empechaient religieux du peuple, et ils maintenaient la purete des
la conversion de Juda, xxm, 22. Au temps de la capti- mosurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs
vile, les fausses prophetesses cousaientdes coussins et reproches et leurs menaces autant que par leurs exhor-
alteraient la verite pour tromper les ames. Ezech., xni, tations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans
17-23. Les faux prophetes seduisaient le peuple pour cesse a la nation juive son ideal religieux, jugeaient le
lui plaire et par amour du lucre. Mich., HI, 5,11; Ezech., passe et le present d'apres cet ideal dont ils annoncaient
XIH, 19, 21. Du reste, ils etaient adonnes au vin. Is., et preparaientla realisation dans 1'avenir. Ils se disaient
XXVIH, 7. Leurs pensees etaient execrables et leur con- des sentinelles, Is., LII, 8; Jer., vi, 17; Ezech., in, 17;
duite mauvaise. Jer., xxm, 12, 11, 22; xxix, 23; Soph., xxxni, 6-7, et des gardiens, Is., xxi, 11, 12; LXII, 6,
in, 4. Cette depravation morale trahissait la faussete parce qu'ils veillaient a la surete de leur peuple. Cf.Ose.,
de leur inspiration feinte, et les distinguait des verita- v, 1; ix, 8; Mich., vn, 4.
bles prophetes, predicateurs attitres et officials du culte Les prophetes ont aussi fait progresser les idees mo-
moral de Jehovah. rales en Israel. Ils ont tous ete les protecteurs des
V. ROLE ET INFLUENCE DES PROPHETES EN ISRAEL. — pauvres et des opprimes et ils ont defendu les faibles
Puisque les prophetes etaient, en Israel, les represen- contre les injustices et les tyrannies des puissanls. Tout
tants de Dieu, ses envoyes directs, leur intervention en pr£chant la retribution des actes, ils ont reconnu
s'est manifestee dans tous les domaines dans lesquels que le juste peut souffrir sans etre coupable. Pour plus
Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi. de details, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. 3. Brucker,
Elle etait eminemment religieuse et morale; mais comvne L'enseignement des prophetes, dans les Etudes, aout
le gouvernement d'lsrael etait theocratique, elle a neces- 1892, p. 554-580; Id., L'Eglise et la critique biblique,
sairement deborde sur la politique. Enfin, comme a Paris (1908), p. 244-262.1
partir du vme siecle elle s'est exercee par des ecrits, 2° Role politique. — II a ete souvent mal compris et
elle est devenue litteraire. Nous etudierons done suc- mal juge, sinon travesti : on a fait des prophetes
Cessivement le role religieux et moral, politique et d'lsrael des ambitieux voulant tout dominer, le trone
litteraire des prophetes Israelites. et 1'autel; on les a represented comme des tribuns et
1° Role religieux et moral. — Les propheles n'ont des revoltes. En realite, ils ontsimplementtenu la place
pas ete les createurs du monotheisme, mais seulement que la constitution theocratique de leur nation leur
ses ardents propagateurs. Voir t. in, col. 1235-1237. assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur
S'ils lutlaient contre les rois, c'est que ceux-ci pour la imposait. Dans la constitution mosai'que, le prophete
plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs etait, de par Dieu, une sorte de moderateur supreme,
exemples et leurs actes de gouvernement a 1'idolatrie semblable a Moi'se, un surveillant des rois comme des
et que le peuple se laissait facilemeHt seduire. Les pro- pretres. Deut., xviu, 15-19. C'est le voyant Samuel qui,
phetes etaient les adversaires de 1'idolatrie et des cultes par revelation divine, oint Saul, le premier roi, I Sam.,
impurs des Philistins etdes Syriens. Deja, sous Samuel, ix, 15-17; x, 1, et quand Saul «ut ete infidele a sa mis-
les disciples des prophetes, a 1'epoque de la lutte contre sion, le meme prophete fut charge par Dieu d'oindre
les Philistins, propageaient par leurs reunions, leurs David, le chef d'une nouvelle dynastie. I Sam., xvi,
chants et leurs prieres en commun le culte de Jehovah; 1-13. Pendant la revolte d'Adonias, Nathan avertit
ils allaient par bandes errantes a travers le pays pour Bersab^e et lui conseille de faire sacrer Salomon.
entrainer le peuple a leur suite. Sous Jeroboam Ier, les I (III) Reg., i, 11-14. II intervient lui-meme etfait agreer
prophetes lutterent contre le culte du veau d'or, etabli a David les propositions de Bethsabee, 22-27; il concourt
a Bethel. Pendant le regne d'Achab, de ce roi qui avait a 1'onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas
introduit en Israel les idoles tyriennes, ils voulaient que Nathan ne remplisse en cette circonstance son role
avant tout sauver la foi monotheiste. L'extermination de prophete. Du vivant de Salomon, Ahias se presente
des prophetes de Baal par Elie s'explique par la gran- a Jeroboam et lui annonce qu'il regnera sur dix tri-
deur du danger (il etait necessaire de frapper un grand bus, detachees de la dynastie salomonienne. I (III) Reg.,
coup) et par les mceurs du temps. (C'etaient des repre- xi, 29-39. Des que Jeroboam eleve un autel a Bethel
sailles : n'avait-on pas extermine les prophetes de et organise le culte des veaux d'or pour empecher les
Jehovah?) C'etait un combat de vie et de mort entre le Juifs d'aller adorer Jehovah a Jerusalem, ibid., xn, 26-
culte du vrai Dieu et celui des fausses divinites. Les 33, un homme de Dieu vient de Juda prophetiser contre
prophetes suivants repoussent tout melange des pra- le nouvel autel. Ibid., xm, 1-10, Parce que ce roi a ete
tiques idolatriques avec la religion nationale. Voir idolatre, Dieu, par la bouche d'Ahias, lui predit la chute
t. in, col. 810-813. de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Celte prophetie fut'
S'ils n'ont pas cree le monotheisme, ils 1'ont cepen- realisee par la revolte de Baasa et 1'extermination de
dant epure et developpe au moins dans les masses popu- tous les descendants de Jeroboam. Ibid., xv, 27-30.
laires. Ils travaillaient a repandre uneconnaissance, non L'usurpateur, ayant suivi les voies impies de son pre-
pas speculative et metaphysique, mais simple et pratique. decesseur, apprit du prophete Jehu sa mort prochaine
719 PROPHETE 720
et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, 1-4, 7. Apres deux oppose aux Judeens qui comptent sur 1'Egypte. Le
ans de regne, Ela, fils deBaasa, fut detrone par Zambri, seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens
8-13. Amri fut la tete d'une nouvelle dynastie, qui fut est dans le Seigneur, xxx, 1-7; xxxr, 1-9. II reconforte
idolatre. Cependant, c'est en punition de 1'usurpation Ezechias et 1'empeche d'accepter les propositions
de la vigne de Nabolh par Achab qu'Elie predit la chute d'alliance avec les Assyriens, faites par Rabsaces, xxxvi,
de sa maison. Ibid., xxi, 17-24. Seule, la penitence xxxvii. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda,
d'Achab fit retarder la menace de ruine a la generation un homme de Dieu predit la defaite des Idumeens.
suivante, 27-29. Elisee envoya un fils de prophete sacrer II Par., xxv, 7-9.
Jehu, H (IV) Reg., ix, 1-10, qui extermina la maison Les prophetes hebreux ont done fait de la politique,
d'Achab. Ibid., x, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut mais c'a ete pour reformer 1'esprit de gouvernement
idolatre, lui aussi, ses fils ne regnerent que jusqu'a la des rois, pour faire prevaloir les principes du droit, de
quatrieme generation, 30. Zacharie, en effet, perit la justice, de la morale, les appareils exageres de
-assassine. Ibid., xv, 12. Les prophetes faisaient done et guerre et les alliances dangereuses. Ils reprochaient
defaisaient les rois d'lsrael. Ils n'etaient pas pour cela aux rois leurs fautes, a David son aduJtere, a Achab
desadversaires dela royaute par principes republicans. 1'usurpation de la vigne de Naboth. Us s'opposaient a
Aucun d'eux n'a pre"che le renversement du trone au leurs projets de guerre, et loin de s'appuyer sur le
profit d'une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu, peuple, meme fidele, pour combattre la fausse politique
Us substituaient roi a roi, maison a maison, et ils pro- des monarques, ils bravaient parfois 1'opinion, quand
clamaient le principe de la legitimite dynastique, tant le peuple suivait ses princes infideles a la theocratic;
que la dynastie etait elle-meme fidele a sa mission. ils annoncaient 1'insucces, la defaite et ils subissaient
S'ils prenaient fait et cause pour un pretendant et favo- la persecution. Leur politique a done toujours ete une
risaient les usurpateurs, ce n'est pas par republica- politique religieuse, theocratique, imposee et sanc-
nisme, mais simplement par application rigoureuse du tionnee par Dieu.
regime theocratique. Des que le roi, donne par Dieu a 3°Hole litteraire.— S'il ne nous reste rien ou a peu
Israel, manquait a son devoir et introduisait ou mainte- pres des discours enflammes des anciens prophetes
nait 1'idolatrie, il cessait d'etre le monarque que Dieu d'lsrael, nous avons toute "une litterature prophetique,
voulait a la tete de son peuple, et les prophetes, apres qui va du ixe siecle jusque apres le retour des- Juifs
avoir proteste contre les rois coupables, annoncaient captifs a Babylone. Les prophetes ont don cree, sous
leur chute sans toutefois les renverser directement du 1'inspiration divine, un genre special de productions
trone. litteraires, dont la plupart sont des chefs-d'oeuvre de
Dans leroyaume de Juda, comme Dieu avait promis la litterature hebraique. Les premiers prophetes ecri-
la perennite a la dynastie davidique, II Sam., vn, 13, vains ont compose et publie leurs ecrits a 1'age d'or de
les prophetes n'interviennent pas au sujet de la succes- cette litterature. La forme bratoire de leurs oracles
sion au trone et ils se bornent a reclamer contre les paries avant d'etre rediges, se rapproche a des degres
infiltrations idolatriques, favorisees par quelques rois. divers du lyrisme des poetes. Ils sont des orateurs
Leur action polilique s'exerce sur un autre terrain. poetes, et leurs ceuvres, qui sont les classiques hebreux,
Apres la scission des dix tribus, Semeias empeche renferment des beautes litteraires de premier ordre.
Roboam de faire la guerre aux Israelites. I (III) Reg., La vivacite, le coloris de leurs peintures, la vehemence
xir, 22-24. Azarias felicite Asa de sa victoire sur le roi de leurs apostrophes, 1'originalite et le nature! de leurs
d'Ethiopie et s'appuie sur cette protection divine pour comparaisons, la force, la franchise, la puissance et
1'exciter a veiller a la purete du culte. II Par., xv, 1-7. 1'audace de leurs paroles inspirees donnent a leurs
Dans les deux royaumes, les prophetes s'opposent discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se
specialement aux alliances avec les pnuples voisins, sont pas eleves a ces hauteurs et, au cours des siecles,
iorsqu'elles devaient servir a la lulte fratricide de Juda le genre prophetique a evolue au point de vue litte-
et d'lsrael et Iorsqu'elles etaient dangereuses pour la raire. La lyre prophetique perd parfois de sa fraicheur.
religion. Hanani reproche a Asa sa confiance en Benadad, Apres la fin de la captivite, la forme est moinsparfaite,
roide Syrie. II Par., xvi, 7-10. Quand Achab victorieux et la poesie cede la place a la prose. La langue elle-
a epargne un autre Benadad, roi de Syrie, et a fait meme est moins pure; elle exprime pourtant encore
alliance avec lui, un fils de prophete, par une action de Men nobles accents.
symbolique, lui reproche cette conduite et le menace VI. SUITE CHRONOLOGIQUE DES PROPHETES. — Les
da chatiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des pro- prophetes d'action ont precede les prophetes ecrivains.
phetes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13, 14, 22, — 1° Prophetes d'action. — Sans parler d'Abraham
28. Quand Achab et Josaphat se sont allies contre les qui a ete appele nabi', Gen., xx, 7, au sens large du
Syrians, tandis que les faux prophetes predisent le mot, parce qu'il avait recu de Dieu des revelations et
succes, Michee, fils de Jemla, annonce la defaite. Ibid., des confidences, Moise est le premier et le plus grand
xxii, 5-28. Et Josaphat fut repris par Jehu, fils d'Hanani, prophete hebreu. Au Sinai', il avait parle avec Dieu
pour avoir donne son concours a Achab en cette occur- bouche a bouche, et il avait promulgue la loi religieuse
rence. II Par., xix, 1-3. Le levite Jahaziel est suscite qui devait regir le peuple choisi. Deut., xxxiv, 10.
par Dieu pour annoncer a ce roi la victoire dans la Voir t. iv, col. 1200-1202. II etait, en outre, 1'interprete
guerre contre les Ammonites et les Moabites. Ibid., xx, autorise de la legislation, dont il avait ete 1'interme-
14-17. Elisee devoile a Joram, roi d'lsrael, les desseins diaire, et il avait en Israel la fonction d'oracle altitre
du roi de Syrie. II (IV) Reg., vi, 8-23. II prornet a Joas de Dieu : il repondait aux consultations du peuple.
trois victoires sur les Syriens. Ibid., xm, 14-21. Quand Exod., xvin, 13-16. Sur le conseil de Jethro, il choisit
les rois d'lsrael et de Juda voulurent jouer un role des chefs, qui le suppleerent dans cette charge, 17-27,
dans la politique generale en s'appuyant tantot sur et sur lesquels Dieu repandit une part de 1'Esprit qui
Fempire de Ninive, tantot sur celui d'Egypte, les pro- etait en Moise. Ces hommes et d'autres, sur lesquels
phetes blamerent cette politique de bascule et furent 1'Esprit de Dieu s'etait repose, prophetiserent et par-
constamment les adversaires des alliances etrangeres. lerent au nom du Seigneur. Num., xi, 24-29. Apres Le
Osee, vn, 8-16, predit aux Israelites qu'ils seront vic- passage de la mer Rouge et lecantique^e Moi'se, Marie,
times de leur confiance dans 1'Egypte et que les Assy- la so3ur du guide des Hebreuxy etait devenue prophe-
riens les accableront, lorsqu'ils seront en guerre avec tesse et, sous 1'inspiration divine, avait chante le can-
les Egyptiens. Isai'e qui a predit a Achaz la defaite des tique de son frere. Exod., xv, 20; cf. Num., xn, 2.Voir
peuples allies contre Juda, vn, 1-17, est violemment t. iv, col. 776. Balaam, un devin paien, fut oblige de
721 PROPHETE 722
j-epeter les paroles que Jehovah mit dans sa bouche, royaumes de Juda et d'lsrael. Semeias avait empeche
JNfum., xxii, 25, 38; xxiii, 3-12, et de benir Israel, xxin, Roboam, apres la scission des dix tribus, de faire la
16-26; XXJY, 2-23. Voir t. i, col. 1392-1397. Dieu, qui guerre aux Israelites. I (III) Reg., xn, 22-24. Ce pro-
voulait exclure a jamais d'lsrael les devins et les au- phete ecrivit 1'histoire de Roboam, ainsi que le voyant
gures, promit a son peuple, par la bouche de Moiise, Addo. II Par., xu, 15. Jehu reproche a Baasa, roi d'ls-
«ne serie de prophetes, semblables a Moi'se, qui seraient rael, ses crimes et lui annonce les chatiments divins.
les intermediaires autorises entre lui et les siensetles I (III) Reg., xvi, 1-4, 7, 12. Voir t. m, col. 1244-1245.
organes vivants de ses revelations. Deut., xvm, 15-19. Son pere Hanani, ou lui-meme designe sous un autre
VoirPENTATEUQUE, col. 116. La serie, en effet, futdeslors nom, reproche a Asa la confiance qu'il avait dans le
a peu pres ininterrompue. Josue succeda a Moise roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Voir t. in, col. 414.
•comme prophete. Eccli., XLVI, 1. Azarias avait harangue ce roi victorieux et il exerca
Sous les Juges, Debora est dite « prophetesse », sur lui une heureuse influence. II Par., xv, 1-8. Cepen-
Jud., iv, 4; elle communiquait a Barac les ordres de dant Asa, dans sa derniere maladie, consulta les mede-
Dieu, 6. Voir t. u, col. 1331-1333. Un prophete vint de cins plutot que les prophetes. II Par., xvi, 12. Voir
la part de Dieu annoncer la delivrance aux Hebreux t. i, col. 1053-1054, 1300. Sous Achab, apparait soudain
opprimes par les Madianites. Jud., vr, 8-10. F. de Hum- Elie le Thesbite. I (III) Reg., xvn, 1-7. Sur sa mission,
melauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris, voir t. n, col. 1670-1676. Pendant la persecution de ce
1886, p. 53; Commenlarius in librum Judicum et roi et de sa femme Jezabel contre les prophetes,
Ruth, Paris, 1888, p. 138. L'homme de Dieu, qui Abdias avait cache cent d'entre eux. I (III) Reg., xvm,
annonce au pere de Samson la iiaissance d'un fils, 4, 13. Un prophete annonca la premiere victoire
Jud., xin, 6, bien qu'il soit un ange apparaissant sous d'Achab sur Benadad, roi de Syrie. I (III) Reg., xx, 13,
forme humaine, est regarde par Manue et sa fern me 14. Le meme predit une reprise des hostilites pour
comme un prophete. Leur erreur, bientot corrigee, 1'annee suivante, 22. Quand elle- eut lieu, un prophete,
prouve 1'existence de prophetes a cette epoque. F, de qui, selon les rabbins, serait Michee, fils de Jemla,
Hummelauer, Commentarius in librum Judicum et predit la victoire, 28. Par une action symbolique, un
Ruth, p. 249, 253-254; J. Lagrange, Le livre des Juges, fils de prophete reproche au roi d'lsrael d'avoir laisse
Paris, 1903, p. 227. Un homme de Dieu vint aussi la vie sauve au roi vaincu de Syrie, 35-40. Trois ans
adresser a Heli des reproches au nom du Seigneur. plus tard, avant de marcher avec Achab contre Ramoth-
I Sam., n, 27. En ces jours, la parole de Dieu etait rare, Galaad, Josaphat, roi de Juda, voulut consulter Dieu.
et les visions n'etaient pas frequentes. I Sam., in, 1. Achab fit venir environ 400 faux prophetes qui annon-
Samuel entend la parole de Dieu, qui lui revele le sort caient la victoire. Mais Josaphat desira interroger un
d'Heli et de sa famille, 2-21. C'est un « voyant », a qui veritable prophete. II restait Michee, fils de Jemla,
Dieu manifeste ses desseins sur Saiil. I Sam.,ix,6-x,16. prophete de malheur pour Achab. On 1'appela. II an-
A cote de lui on voit des troupes de prophetes qui nonca la defaite; il fut soufflete par Sedecias, le chef
reconnaissent son autorite et parmi lesquels Saiil se des propheles de mensonge, et mourut en prison.
me"le pour prophetiser, I Sam., x, 5, 6, 10-13; xix, 20- I (III) Reg., xxn, 1-28. Voir t. iv, col. 1062-1063. Josa-
24, c'est-a-dire, pour chanter les louanges de Dieu. phat fut repris par Jehu pour avoir donne sonconcours
Yoir t. n, col. 1567-1568. Samuel en mourant ne laissa a Achab. II Par., xix, 1-3. Jehu ecrivit 1'histoire de
aucun successeur de son autorite spirituelle. II y avail Josaphat. II Par., xx, 34. Le levite Jahaziel avait ete
cependant d'autres prophetes, puisque Saiil, avant de suscite par Dieu pour predire a ce roi la victoire sur
consulter la pythonisse d'Endor, avait interroge les les peuples voisins. II Par., xx, 14-17. Voir t. in,
prelres et les prophetes. I Sam., xxvin, 6. Sur la nature col. 1106. Eliezer, fils de Dodau, avait aussi reproche a
de ces anciens prophetes d'lsrael, voir PROPHETISME. ce prince son alliance avec Ochozias, roi d'lsrael, 37.
Aupres de David interviennent les prophetes Gad et Ochozias recut les reproches d'Elie, parce qu'il consul-
Nathan. Voir t. in, col. 23-24, t. iv, col. 1481-1482. tait le dieu d'Accaron. II (IV) Reg., i, 1-16. Elisee fut le
Leurs interventions, a la fois politiques, religieuses et disciple et le successeur d'Elie. Voir t. n, col. 1690-
morales, sont relativement rares. Ces deux voyants 1696. II intervient aupres de Joram, roi d'lsrael, et de
s'etaient occupes de 1'organisation de la musique sa- Benadad, roi de Syrie, et fait oindre Jehu par un de
cree. II Par., xxix, 25. lls ecrivirent 1'histoire de Da- ses disciples. Dans sa derniere maladie, il annonce a
vid, I Par., xxix, 29, et Nathan celle de Salomon.. Joas de Juda la victoire sur les Syriens. Un homme
II Par., ix, 29. On n'a signale 1'intervention directe de Dieu predit a Amasias de Juda la defaite des Idu-
d'aucun prophete sous le long regne de ce prince. Tou- meens et reproche au roi son idolatrie. II Par., xxv,
tefois, Ahia vint predire a Jeroboam son regne sur 7-16.
dix tribus detachees de la dynastic davidique. Quand parurent les prophetes ecrivains, les prophetes
I (III) Reg., xi, 29-39; xn, 15; xiv, 2. Quand Jeroboam d'action ne disparurent pas, et les deux classes d'en-
fut devenu roi d'lsrael, sa femme alia consulter Ahia sur voyes divins agirent simultanement par des moyens
le sortdeleur enfant malade.Levieux prophete annonca differents. Ceux-ci semblent toutefois avoir ete moins
la mort de cet enfant et prononca de terribles menaces nombreux qu'auparavant, ou, du moins, un plus petit
centre la maison de Jeroboam. I (III) Reg., xiv, 1-18. Voir nombre est mentionne dans 1'Ecriture. Le prophete
t. i, col. 291-292. Lors de 1'organisation schismatique Oded fait mettre en liberte par les Israelites les habi-
du culte a Bethel, un homme deDieu vint de Juda pro- tants de Juda, qu'ils avaient fait captifs. II Par.,xxvin,
phetiser centre 1'autel eleve en ce lieu, et refusa les 9-11. Des prophetes predisent les chatiments que 1'im-
presents que le roi lui fit offrir pour le gagner a sa piete de Manasse, roi de Juda, devait attirer sur son
cause. I (III) Reg., xn, 26-33; xin, 1-10. Un vieux pro- peuple. II (IV) Reg., xxi, 10-15. Apres la decouverte du
phete de Bethel reussit a tromper 1'homme de Dieu et livre de la loi au Temple, Josias fit consulter la pro-
a le ramener a sa maison. II lui predit une mort vio- phetesse Holda sur la conduite a tenir en cette circon-
lente, qui ne tarda pas a se realiser; il 1'ensevelit dans stance. II (IV) Reg., xxn, 12-20; II Par., xxxiv, 21-28.
son propre sepulcre et demanda a ses-fils de 1'ensevelir Voir t. in, col. 727. Au milieu des faux prophetes qui
lui-meme a sa mort aupres de ce prophete dont les trompaient Juda,Urie, fils de Semei, s'associa aux predic-
menaces centre 1'autel de Bethel se realiseront. tions de malheur de Jeremie, et fut mis a mort par
I. (HI) Reg., xm, 11-32. Voir t. i, col. 1629; t. in, or'dre deJoakim. Jer., xxvi, 20-23. Baruch remplit les
col. 1302. fonctions de secretaire de Jeremie, Jer., xxxvi, 1-7,
Des prophetes exercent leur action dans les deux 27-32; XLV, avant de de venir prophete lui-meme. Parmi
723 PROPHETE 724
les captifs, emmenes de Jerusalem en Babylonie par livres prophetiques ne sont pas homogenes et renfer-
Nabuchodonosor, se trouvaient des prophetes, a qui ment des elements de provenance d'epoquesdifferentes.
Jeremie adressait son livre, Jer., xxix, dans lequel il Ainsi ils partagent couramment le livre d'lsai'e en deux
les mettait en garde centre les faux prophetes, qui ou trois recueils distincts, et celui de Zacharie en deux
avaient surgi a Babylone, 15-32. parties d'origine diverse. Comme la date de chaque
2° Prophetes ec.rivains. — 1. Leurnonibre,leurdivi- prophete est discutee a son article, le tableau suivant
sion et leur disposition dans la Bible. — Les Bibles resumera les dates proposees dans ce Dictionnaire et
grecques et lalines contiennent les ecrits de seize pro- par les critiques liberaux et rationalistes.
phetes, quatre grands, Isai'e, Jeremie, Ezechiel et Daniel,
et douze petits, Osee, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Michee,
NOMS DATES DATES
Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggee, Zacharie et Mala- des du des
chie. La prophetic de Baruch est jointe a celle de P R O P H E T B S. DICTIONNAIRE. CRITIQUES A V A N C E S .
Jeremie, dont ce prophete avait ete le secretaire. Dans
la Bible hebraique, il n'y a que trois grands prophetes;
Daniel est range parmi les hagiograpb.es, ainsi que les Abdias. . . . Vers 865 vr ou vc siecle.
Lamentations de Jeremie. Le livre de Baruch et la Joel 837-801 v" ou iv siecle.
Jonas . . . . Sous Jeroboam II. V ou ive siecle.
letlre de Jeremie ne sont pas au canon hebraique. Les Amos . . . . 804-779 760-750
douze petits prophetes n'y sont consideres que comme Osee 789-706 750-735
un seul livre. Us sont deja mentionnes ensemble par Isai'e 755-712 I", 740; IP, vers
1'auteur de 1'Ecclesiastique, xnx, 12 (10, dans le texte 540; IIP, v siecle.
grec), et cette mention, consideree par quelques cri- Michee. . . . Contemporain d'lsai'e. 740-701
tiques comme une interpolation, est dans le texte he- Nahum . . . Mil. du vir s. (663-608). 650, 624, 610.
breu, recemment retrouve. Josephe en parle dans le Sophonie . , Vers 665 - 630, 627, 625.
Habacuc . . . 645-630 607, 605-600.
meme sens, Cont. Apion., i, 8, et les rabbins les te- Jeremie . . . 639-586 626-586
naient pour un seul livre, recueilli par les hommes de Baruch . . . 583 Ep. machabeenne.
la Grande Synagogue,voir t. n, col. 140, et forme ainsi, Ezechiel . . . 592-570 593-573
en un seulrecueil, « de peur que, s'ils etaient demeures Daniel. . . . 538 168-167; 164-163
separes, 1'un ou 1'autre ne se perdit a cause de leurs Agg^e. . . . 520-516 520
petites dimensions, » dit Kimchi, Comment, in Ps., Zacharie . . . 520 I", 520; IP, 300
prsef,. d'apres la tradition rabbinique. Les Peres de Malachie. . • Apres la 32" ann^e d'Ar- 440
taxerxes Longuemain.
1'Eglise en parlaient aussi comme d'un seul volume :
SwSsxa iv [Aovo6t'6Xw,ditMelitonde Sardes,dans Eusebe,
H. E., iv, 26, t. xx,'col. 397. Cf. S. Gregoire de Nazianze, Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits prophetesr
t. xxxvn, col. 473; S. Athanase, t. xxvx, col. 1177; Rufm, Paris, 1908, p. vn-x.
t. xxi, col. 374, etc. Saint Epiphane 1'appelait d'un La serie des prophetes Israelites se termina par Ma-
mot: TO 6w§£xa;rp6cpr|Tov,t. XLIII, col. 244. Ce sont les La- lachie. Au temps des Machabees, on attendait la venue
tins qui ont nomme ces prophetes minores, par opposi- d'un prophete, pareil aux anciens, pour decider ce
tion aux majores, non en raison de leur importance et qu'il fallait faire des pierres de 1'autel des holocaustes
de leur valeur, mais seulement a cause de la moindre profane. I Mach., iv, 46. Cf. I Mach., ix, 27; xiv, 41. Ce
etendue de leurs oracles. Cf. S. Augustin, De civitate ne fut qu'a 1'aurore des temps rnessianiques que Jean-
Dei, XVIII, xxix, 1, t. XLI, col. 585. Si 1'ordre du Baptiste put etre appele prophete du Tres Haut en
canon hebraique et Chretien ne varie pas pour les trois raison de sa mission de precurseur. Luc., i, 76. II
ou quatre grands prophetes, il est different pour les vint dans la puissance et 1'esprit d'Elie. Voir t. n,
petits. Partout uniformes pour les six derniers : Nahum, col. 1676. Jesus le declara prophete et plus que pro-
Habacuc, Sophonie, Aggee, Zacharie et Malachie, il phete, parce qu'il avait prepare les voies au Messie..
varie pour les six premiers. Dans les Bibles hebrai'ques, Matth., xi, 9,10; Luc., VH, 26-28. Voir t. in, col. 1157..
latines et en langues modernes, ceux-ci sont places VII. FAUX PROPHETES. — Les livres de 1'Ancien
dans cet ordre : ,0see, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Mi- Testament signalent deux categories de faux prophetes :
chee; mais dans la Bible grecque, on trouvela disposi- ceux qui prophetisaient au nom des dieux etrangers,
tion suivante : Osee, ^Lmos,Michee, Joel, Abdias, Jonas- "et ceux qui se donnaient mensongerement pour des
On pense generalement que la disposition de la Bible envoyes du vrai Dieu d'Israel. — 1° Prophelisant au
hebraique a ete determinee par une preoccupation nom des dieux etrangers. — En dehors de Balaam,,
d'ordre chronologique, et saint Jerome croyait que les qui fut un devin plutot qu'un prophete, voir t. i,
ecrits des petits prophetes, qui ne portent pas leur date col. 1398, les prophetes, qui etaient pretres de Baal,,
dans le titre, sont de la me"me epoque que les prece- apparurent dans le royaume d'Israel sous le regne
dents, dont la date est connue. Prssfat. in prophetas, d'Achab. Elie en provoqua 450 sur le Carmel, et apres-
t. xxvin, col. 1016; Comment, in Joelem, i, 1, t. xxv, leur.echec, il les fit massacrer sur les bords du Cison,
col. 950. Quoi qu'il en soit de cette regie qui n'est pas I (III) Reg., xviii, 19-40; xix, 1. Voir t. H, col. 292-293,
rigoureusement exacte, il reste vrai que les prophetes 1671-1672. Sur les incisions qu'ils se faisaient, voir
du vine siecle, Osee, Amos et Michee, sont dans la pre- t. in, col. 868-870. Ils prophetisaient au nom de Baal
miere partie de la liste, que les prophetes du viie siecle, et trompaient Israel. Jer., xxiii, 13. Le Dieu chananeen
Nahum, Habacuc et Sophonie, puis ceux d'apres la fin eut aussi des prophetes en Juda jusqu'a la captivite de
de la captivite, Aggee, Zacharie et Malachie, ont ete Babylone. Jer., li, 8. Voir t. i, col. 1319-1320. —
mis dans la seconde partie. D'ailleurs, la date de quel- 2° Prophetisant mensongerement au nom de Jehovah*
ques-uns de ces ecrits a ete diversement determinee par — A cote des vrais prophetes, inspires de Dieu, se
les critiques. levaient des personnages, qui se comportaient comme
2. Leur ordre chronologique. — II n'est pas facile a s'ils etaient de veritables prophetes. Dieu les avait
fixer, parce que tous ne sont pas dates et que les rensei- annonces et avail indique les signes auxquels on le&
gnements qu'ils contiennent ne suffisent pas a 1'indi- reconnaitrail, et le sort qu'ils meritaient. Deut., xm,.
quer avec certitude. Toutes les dates proposees ne sont 1-5; xvni, 20-22. Ils sont parfois explicitement desi-
pas certaines, et les critiques modernes ont emis a ce gnes comme faux prophetes. Souvent cependant ils
sujet des opinions divergentes de celles qui avaient sont dits simplement prophetes, mais le contexte per-
cours autrefois. Us pretendent meme que plusieursdes met alors de les distinguer suffisamment des vrais-
725 PROPHETE 726»
prophetes. Us apparurent encore en Israel sous le 1'evenement aura montre la faussete de leurs prophe-
regne d'Achab, au nombre de 400 environ. Parce que ties. Jer., xiv, 13-15; xxvm, 9, 16-17. Leur earactere-
3osap\vdt, roi de Jvida, Meut cotvsulter Dieu, Achab les moral etait peu eleve, Soph., in, 4; ils s'adonnaient au,
interroge. Par une action symbolique, leur chef Sede- vin, Is., xxvm, 1; Jer., xm, 13, et prophetisaient pour-
cias predit la victoire sur Ramoth-Galaad, et tous les de 1'argent et pour gagner la faveur des hommes. Mich.,
autres confirment cette prediction. Michee, fils de ni, 5, 11; Ezech., xm, 18, 19. Ils n'avaient done rien
Jemla, tente par 1'envoye du roi, refuse de s'associer de commun avec les veritables prophetes, et leur-
a ce mensonge et annonce la mauvaise issue de 1'expe- inspiration etait feinte. Ils avaient cependant de 1'in-
dition. II a vu Jehovah, assis sur son trone et envoyant fluence sur les pretres, sur les chefs et sur le peuple,
un esprit menteur pour inspirer les faux prophetes et ils contrecarraient souvent la mission des veritables-
et tromper Achab. Sedecias se pretend veritablement prophetes.
inspire par Jehovah et il frappe Michee qui en appelle VIII. LES PROPHETES DU NOUVEAU TESTAMENT. —
a la prochaine realisation de son oracle. I (III) Reg., xxn, 1° Jesus-Christ prophete. — Si, avec la plupart des
5-28. Dans le royaume de Juda, les faux prophetes Peres, on pense que Moi'se predisait, sous le nom de-
furent nombreux au temps d'lsai'e et de Jeremie. Isa'ie prophete semblable a mi, que Dieu devait susciter au*
leur reproche leurs exces et leurs erreurs, causes par milieu de son peuple, Deut., xvni, 15, le Messie seul et
1'ivrognerie, xxvin, 7. Michee, son contemporain, leur sa mission prophetique, voir col. 116, il n'est pas-
adresse les memes reproches, n, 11, et les accuse de etonnant que Jesus, le veritable Messie, ait ete pro-
prophetiser pour de 1'argent, in, 5, 11. Jeremie les phete. Luc., xxiv, 19; Joa., iv, 19; vu, 40; ix, 17;:
accuse de mensonge, v, 13, 14; vin, 10; xiv, 13-18, et Act., in, 22; vii, 37. Sa doctrine dogmatique et morale,--
il les maudit, xxiu, 9-40. II entre en conflit direct avec voir t. m, col. 1480-1487, completait et surpassait celle-
eux. Tandis qu'il predit la ruine prochaine de Jerusa- des prophetes, qu'il n'etait pas venu renverser ni abo-
lem et du royaume de Juda, les faux prophetes s'unis- lir. Matth., v, 17. Comme ses devanciers, il a connu efa
sent aux pretres et au peuple pour le contredire et predit 1'avenir. Ses predictions ont ete exposees, t. in,
1'amener en jugement, xxvi, 7-19. II les contredit pu- col. 1499-1501. — 2° II y eut aussi des prophetes dans-
bliquement et exhorte le peuple a ne pas ajouter foi a le Nouveau Testament. D'abord, des prediseurs de
leurs oracles trompeurs, xxvn, 14-18. II eut un conflit 1'avenir. Quand 1'EgUse d'Antioche eut ete fondee, il y
personnel avec Hanani, prophete de Gabaon, xxvin, 1- vint de Jerusalem des prophetes, dont 1'un, nomme
17. II poursuivait les faux prophetes jusqu'au lieu de Agabus, predit une famine qui se produisit sous le-
leur exil. Comme ils continuaient a tromper les pre- regne de Claude. Act., xi, 27-28. Seize ans plus tard, h*
miers captifs, il les confond, et il predit des chati- Cesaree, le meme Agabus annonca par une action
ments speciaux a Achab, a Sedecias et a Semeias,x-xix, symbolique la prochaine captivite de saint Paul. Act,,,
1-32. Le prophete de Fexil, Ezechiel, eut a lutter aussi xxi, 10-11. Voir t. i, col. 259. Ce fait se passa dans la
en Chaldee centre les faux prophetes d'Israel, hommes maison de 1'evangeliste Philippe, qui avait quatre iilles,
et femmes, qui trompaient les captifs, xm, 1-23. Apres vierges et prophetesses. Act., xxi, 9. Ces prophetes.
le retour a Jerusalem, Gossem accusait Nehemie d'avoir coexistaient a Antioche avec des docteurs. Act., xm, 1..
suscite des prophetes pour favoriser ses projets. II Esd., Deux prophetes de Jerusalem, Judas, surnomme Barsa-
vi, 7. Loin de la, Nehemie allant consulter Semeias vit bas, et Silas, furent envoyes a Antioche. Act., xv, 32.
que ce soi-disant prophete n'etait pas envoye par Dieu, Leur ministere prophetique comprenait sans doute la>
pas plus que Noadias et les autres prophetes qui vou- predication et 1'enseignement, puisqu'ils consolerent
laient 1'epouvanter et le detourner de son dessein. les freres et les confirmerent dans la foi. Voir t. m,
Ibid., 10-14. col. 1807. Parmi les charismes, qui se manifesterenti
Ces prophetes pretendaient posseder, eux aussi, la dans 1'Eglise de Corinlhe, saint Paul nomme la pro-
parole de Dieu; mais leur parole n'etait que du vent; phetie, I Cor., xn, 10, et il range ceux qui en etaienti
elle ne contenait pas la parole de Dieu. Jer., v, 13. dotes entre les Apotres et les docteurs, 28-29. Le don
Ils parlaient faussement au nom de Jehovah, et ils de prophetie etait superieur au don des langues, car le-
mettaient en sa bouche leurs propres discours. Dieu ne prophete parle aux autres et les edifie, les exhorte et
les avait pas envoyes, ne leur avait pas ordonne de les console, tandis que le glossolale n'edifie pas 1'Eglise^
parler. Leur vision etait mensongere; ils trompaient de Dieu, a moins que ses paroles ne soient interpre-
et seduisaient le peuple. Jer., xiv, 14, 15. Ils disaient tees. I Cor., xiv, 1-5. Le ministere de ces prophetes esti
la vision de leur cceur et non celle qui vient de la utile surtout aux fideles, 22; il cdftvertit cependant 'les
bouche de Dieu. Jer., xxiu, 16. Dieu ne les envoyait infideles qui penetrent dans les assemblies, en les-
pas, et ils couraient d'eux-tnemes; il ne leur parlait convainquant par la parole et en manifestant les se-
pas, et ils prophetisaient d'eux-memes, 21. Ils preten- crets de leurs coeurs, 24-25. Tous ceux que l'Esprit<
daient avoir eu des songes prophetiques, 25; mais ils animait avaient le droit de prophetiser. Cependant,
annoncaient le mensonge et les seductions de leurs pour eviter les abus, saint Paul regie 1'exercice de ce
coeurs. Ils volaient les paroles de Dieu, 30, et ils pre- charisme. II suffisait qu'a chaque assemblee deux oa
naient leurs langues pour dire : « Le Seigneur a dit. » trois seulement prennent la parole et exhortent les-
Ils revaient des mensonges, 31, 32. Ils n'avaient done fideles; les autres devaient etre juges de ces manifes-
ni mission ni revelation divine. Ils pretendaient avoir tations de 1'Esprit. Ils devaient parler successivement,.
des visions, Jer., xiv, 14; xxiu, 16 : visions vaines, et des qu'un nouveau prophete prenait la parole, le pre-
songes creux. Is., LVI, 10; Mich., in, 6, 7; Ezech., xm, cedent devait se tairc, chacun enseignant et exhortant.
3, 6-9; xxn, 28. C'etaient des trompeurs et des seduc- 1'assistance a son tour, car les prophetes sont soumis =
teurs, Jer., xxix, 21, 23, 31; des chiens muets incapables les uns aux autres. Dieu qui les inspire est le Dieu de
d'aboyer. Is., LVI, 10. Loin de reprendre le peuple, ils la paix et non pas de la discussion, 29-32. Et ces-
le confirmaient dans le mal et empechaient sa con- regles 1'Apotre les enseignait dans toutes les Eglises. Il<
Aversion. Jer., xxiu, 14, 15, 17, 22; Ezech., xm, 5, 22. impose done cette loiaux prophetes deCorinthe, comme-
Ils faisaient avoir confiance dans le mensonge. Jer., un ordre du Seigneur, 37, non pour etouffer 1'espritj
xxix, 31. Ils attendaient vainement la confirmation de de prophetie, sinon celui des faux prophetes qui deso-
leurs oracles, Ezech., xm, 6; leurs predictions ne beiraient^puisqu'il tient la prophetie pour le meilleur-
s'accomplissaient pas, ce qui etait le signe de leur des charismes divins, 38. Les prophetes, places entre
faussete conformement a la prediction de Moi'se. Deut., les Apotres et les evangelistes, travaillent, comme eux,,,
xvin, 22. Ils seront converts de confusion, lorsque au service des saints et des fideles. Eph., iv, 11. I1&
727 PROPHETE — PROPHETIE 728
sont avec les Apotres les fondements de 1'Eglise. Epb., iv, 4; Holda, contemporaine du roi Josias, IV Reg., xxn,
11, 20. Us sont nommes encore apres les Apotres. Eph., 1-4; II Par., xxxiv, 22; Noadias, fausse prophetesse,
in, 5; Apoc., XVHI, 28. Us n'ont pas disparu avec 1'age d'apres 1'hebreu, t. iv, col. 1635 (faux prophete d'apres
apostolique. La Didache, x, 7; xi, 7-12, dans Funk, les Septante et la Vulgate), II Esd., vi, 14; et, dans
Patres apostolici, 2e edit., Tubingue, 1901, t. i, p. 24, le Nouveau Testament, Anne, fille de Phanuel. Luc.,
28-30, et le Pasteur d'Hermas, Mand., xi, ibid., n, 36. Voir ces* noms. — La Vulgate, dans 1'Ancien
p. 502-510, les signalent encore et les distinguent des Testament, n'a employe le mot prophetissa que pour
faux prophetes. Ces prophetes, possedes, diriges et Marie, soaur de Moi'se, et pour la femme d'lsaiie;
conduits par le Saint-Esprit, etaient des predicateurs elle a donne a Debora et a Holda le titre de prophe-
.inspires, qui pre"chaient et exhortaient les fideles; tis. En saint Luc., n, 36, Anne est appelee prophe-
c'etaient parfois des missionnaires qui, pousses par tissa.
1'Esprit, repandaient comme les Apotres 1'Evangile.
Mais leur prophetic etait un charisme, une grace PROPHETIE. — I. NOTION. — La notion biblique
•d'exception, qui se manifestait quand et comme vou- de la prophetie correspond a la definition du prophete
lait 1'Esprit. Cf. Cornely, Prior Epistola ad Corintkios, d'lsrael, donnee precedemment, col. 705. La prophetie
Paris, 1890, p. 414 sq. — 3° Jesus avait mis ses dis- dans la Bible n'est done pas une simple prevision de
ciples en garde centre les faux prophetes. Matth., vn, 1'avenir, quoique 1'historien juif Josephe, Ant. jud.,
15. Deux faux prophetes sont mentionnes dans le Nou- XIII, x, 7, 1'ait definie : rj TTWV (JsXXovTwv Trpoyvwo-tCj et
veau Testament : Barjesu, Act., xin, 6-12, voir t. i, que plusieurs Peres de 1'Eglise aient adopte cette defi-
•col. 1461, et une femme de Thyatire, Jezabel. Apoc., nition. Voir col. 709. Elle a, en realite, une significa-
-ii, 20. Voir t. in, col. 1536. tion plus large, et elle designe toute manifestation de
IX. BIBLIOGRAPHIE. — Plusieurs anciens ecrivains la volonte divine a un prophete et, par 1'intermediaire
ecelesiastiques ont reuni les donnees bibliques a beau- de celui-ci, aux autres hommes.
coup de details legendaires pour composer des notices Les noms qu'elle porte dans la Bible correspondent
sur tous les prophetes de 1'Ancien Testament. On aux differents noms des prophetes. Si le prophete est
•^possede en grec les fragments d'Eusebe de Cesaree, un ns'i, « voyant », la prophetie est une « vision », nsisn,
Devitis prophetarum, t. xxn, col. 1261-1272; deux re- I Sam., ix, 15, et une vision de Dieu, communiquee
censions du Liber de vitis prophetarum, attribue a par Dieu. Ezech., i, 1; VHI, 3; XL, 2. Ce nom ne
-saint Epiphane, t. XLIII, col. 393-414, 415-428; un livre designe pas seulement ce que Dieu fait voir aux yeux
analogue, public sous le nom de Dorothee de Tyr, du corps ou de 1'esprit, mais encore ce qu'ii fait
dans le Chronicon pascale, t. xcn, col. 360-397. Sur entendre aux oreilles. La vision est done synonyme de
ces textes, voir Th. Scherniann, Propheten- und Apos- Ja parole de Dieu. I Sam., in, \, 15; jx, 10-18. Elle
tellegenden, dans Texte und Untersuchungen, de designe par suite toute revelation divine. Ezech., I, 9;
Harnack et de Schmidt, Leipzig, 1907, t. xxxi, fasc. 3, n, 2; in, 5; v, 6; vi, 4, etc. Le verbe n>o est souvent
p. 1-133, qui en donne une edition plus complete et TT
•plus critique. Dans le recueil de saint Isidore de Se- employe dans les phrases dans lesquelles les prophetes
ville : De vita et obitu patrum qui in Scriptura lau- rapportent les revelations qu'ils ont recues de Dieu.
dibus efferuntur, edite parFabricius, De vita et morte Is., vi, 1; xxi, 6; Jer., I, 11-13; Ezech., i, 15; HI,
Mosis libri tres, Hambourg, 1714, p. 512-551, et par 23, etc.; Joel, in, 1; Amos, VH, 8; vm, 2; Hab., n, 1;
Migne, Patr. Lat., t. LXXXIII, col. 131-156, il y a des Zach., i, 8; n, 4, etc. Partout, c'est Dieu qui fait voir
notices 'sur les prophetes. Les legendes syriaques sur (le verbe est a 1'hiphil). Jer., xxiv, 1; Ezech., XL, 4;
les prophetes ont ete rassemblees par le nestorien Amos, vn, 1 sq.; vm, 1; Zach., n, 3; in, 1. Le voyant
Theodore bar Koni, au ixe siecle, dans son Livre des ne voit que ce que Dieu lui fait voir. La vision est
-•scholies, et par Michel le Syrien, Chronique, edit. done une revelation divine. Cf. S. Isidore de Seville,
Chabot, Paris, 1899, t. i, p. 63-101. Etym., 1. VII, c. vm, t. LXXXII, col. 283; S. Thomas,
Sur les prophetes, on pourra consulter toutes les Sum. theol., IIa II®, q. CLXXI, a. 1. — Si le voyant est
i introductions aux livres de 1'Ancien Testament. Citons dit mh, sa vision se nomme alors fiTn. Ce nom de-
•seulement F. Vigouroux, Manuel biblique,' 12e edit., signe la parole revelee par Dieu, II Sam., vn, 17;
Paris, 1906, t. n, p. 566-591; Trochon, Introduction I Par., xvn, 5, ou la'chose elle-meme. Hab., n, 2, 3. La
-generale aux prophetes, Paris, 1883; R. Cornely, revelation est dite « vision », Ezech., vn, 13; vm, 22;
Introductio specials in didacticos et propheticos x, 1, 9; xii, 13, 24, 27, ou « parole de vision ». Ezech.,
V. T. libros, Paris, 1887, p. 267-305; card. Meignan, xu, 23. On parle une vision, Jer., xxni, 16 (faux pro-
Les prophetes d'lsrael. Quatre siecles de lutte contre phete), comme on voit une parole. I (III) Reg., xxii, 19;
I'idoldtrie, Paris, 1892, p. 1-48; Id., Les prophetes Is., i, 1; n, 1; xin, 1; Amos, i, 1, etc.; Abdias, i, 1; Mich.,
d'lsrael.et le Messie depuis Salomon jusqu'd Daniel, i, 1; Nahum, i, 1; Hab., i, 1; Jer., i, 11-13. Jeremie a
-Paris, 1893, p. 17; J.-B. Pelt, Histoire de 1'Ancien eu une vision de la bouche de Dieu. Jer., xxin, 16. La
Testament, 3e edit., Paris, 1902, t. n, p. 138 sq.; vision ainsi nominee est done encore une revelation
'E. Laur, Die Prophetennamen des alien Testamentes, divine, une manifestation de la parole de Dieu. — 3° Le
Fribourg, 1903 ;*L. Gautier, Die Berufungder Prop her substantif HN133, nebu'dh, correspondant a N>33, de-
ten, 1903. E. MANGENOT. T : 'T
signe un oracle, I Esd., vi, 14;JII Esd., vi, 12; II Par.,
PROPHETESSE (hebreu : nebi'dh; Septante : xv, 8, ou meme un ecrit prophelique. II Par., ix, 29. —
-rcpocpfjTtc; Vulgate : prophetis, prophetissa), nom donne Dans les Septante, le mot grec irpcxpYiTci'a repond soil a
•dans 1'Ecriture 1° a des femmes douees de Fesprit de ]ITH, hdion, II Par., xxxii, 32, soit a -NU:. I Esd., vi,
T :
T
Dieu; 2° a Marie, soeur de Moi'se, consideree comme poete 14; II Esd., vi, 12. — La prophetie consiste done en
ou chantant au son des instruments le cantique de Moi'se, une action extraordinaire ou surnaturelle, par laquelle
apres le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 20 (sans avoir Dieu communique a son prophete certaines lumieres
aucun don de prophetie, cf. Num., xn, 6); 3° a la ou eonnaissances avec mission de les transmettre aux
femme du prophete Isai'e, ainsi appelee parce que son autres hommes.
mari etait prophete. — Les femmes' a qui les auteurs II. MANIERES DONT DIEU COMMUNIQUAIT AUX PRO-
-sacres donnent le titre de prophetesses dans la pre- PHETES SES VOLONTES. — Pour connaitre les verites
.miere acception du mot sont : Debora, qui rendait la qu'ils devaient manifester de la part de Dieu, les pro-
.justice aux tribus d'lsrael avec le secours divin, Jud., phetes d'lsrael n'employaient aucun des precedes
729 PROPHfiTIE 730
artiflciels ou appris de la divination, voirt. 11, col. 1443- Deut., xni, 1, 3, 5, est rarement atteste dans 1'Ecriture.
1448, pas plus que des moyens naturels de se mettre II est mentionne comme un moyen que Saul aurait
en rapport avec Dieu. C'etait Dieu lui-meme qui leur tente inutilement pour consulter Dieu. I Sam., xxvni,
revelait ou leur inspirait directement ce qu'ils devaient 6, 15. Joel, n, 28, annonce que, dans 1'avenir messia-
dire. Les moyens dont il se servait sont designes dans nique, les vieillards d'lsrael auront des songes. Le
1'Ecriture par trois expressions differentes : la parole, seul exemple cite est celui de Daniel, vn, 1. Les faux
la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de prophetes aimaient les songes. Is., LVI, 10; Jer., xxni,
communication prophetique devaient etre les plus 25, 28, 32; xxvn, 9; Zach., n, 2. — Sur 1'etat psycho-
ordinaires, puisqu'ils sont distingues de la parole logique des prophetes pendant les visions, voir PRO-
articulee, employee regulierement par Dieu pour re- PHETE, col. 712.
veler a Moise ses volontes. Num., xn, 6-8. III. REALITE DES PROPHETIES. — Qu'il y ait dans la
i° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sure~ Bible des propheties veritables, c'est-a-dire des mani-
ment de son peuple les devins, Deut., xvm, 9-14, pro- festations surnaturelles de ses volontes, faites par Diei*
mit de susciter e-n Israel une serie de prophetes, aux homines par 1'intermediaire d'individus inspires,,
semblables a Moiise, il declara qu'il placerait ses c'est tout a la fois un fait constate et un dogme de la
propres paroles dans leur bouche et qu'ils diraient foi catholique, — 1° Preuves scripturaires. —
tout ce qu'il leur ordonnerait de dire. Comme Moise au 1. L'affirmation des prophetes eux-memes. — Tous
Sinai servit d'intermediaire entre Jehovah et son les prophetes Israelites declarent qu'ils parlent au<
peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait nom de Jehovah, que Jehovah parle par leur bouche-
d'entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21, et qu'ils annoncent en son nom ce qu'il faut faire et
ainsi les prophetes parleronl au nom da Seigneur au ne pas faire et ce qui arrivera. Voir PROPHETE, col. 711-
peuple, qui devra ecouter leurs paroles. Deut., xvm, Ils croyaient done etre et ils se sont donnes comme
15-19. Les prophetes entendirent done parfois la parole les organes de la divinite, parce qu'ils avaient con-
articulee par Dieu lui-meme, comme il arriva a Moi'se science de leur inspiration divine. Ils en fournissaient
au buisson ardent, Exod., in, 4-22, et au Sinai'. Samuel des preuves a leurs contemporains, qui ont cru a leur
entendit a Silo la voix divine qui 1'appelait, I Sam., mission et a leur inspiration, en voyant plusieurs de
nr, 4-14, et Dieu parlait a son oreille. I Sam., ix, 15- ieurs predictions accomplies a breve echeance et les
17.%Cf. I (III) Reg., xvn, 2,8; xvm, l;xxn,17; Amos, in, miracles qui les autorisaient. On peut chercher a.
7; Ose., i, 2, 4, 6; in, 1; Is., xvm, 4; Jer., n, 1; xxm, expliquer naturellement ces fails; on ne peut les nier,
28; Dan., vm, 1-27; x, 1, 5; Agg., n, 1, 21; Zach., i, et le temoignage d'hommes probes, sinceres, desinte-
1, 7. II s'etablissait parfois un veritable dialogue entre resses, en faveur de leur propre inspiration est rece-
Dieu et le voyant, ainsi avec Elie, I (III) Reg., xix, 9-18, vable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des
et avec Jeremie. Jer., xiv, 11-14. Mais le plus souvent, experiences reelles qu'ils avaient eprouvees, et on ne
semble-t-il, les prophetes n'entendaient qu'une voix peut pretendre qu'ils employaient un precede litteraire
interieure. Job, iv, 12, 16. C'est ainsi qu'on peut expii- pour exprimer leurs propres pen sees et les faire
quer les revelations faites aux oreilles des prophetes. passer aupres d'une foule credule pour celles de Dieu.
Is., xxi, 10; xxn, 14; xxvm, 22; Abdias, i, 1. Us trans- Leur parole n'a pas toujours ete crue, Amos, n, 12,"
mettaient de vive voix ou par ecrit les paroles qu'ils Is., xxxvni, 7; Jer., vi, 17; vii, 25-28; xi, 8, 21, etc.,,
avaient entendues au fond de leurs cceurs. Aussi leurs et ils. ont ete persecutes, parce que leurs oracles
oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos, inspires etaient la plupart du temps a 1'encontre des
in, 1, et plusieurs recueils ont pour litre : « Paroles idees de leurs contemporains, des chefs de la nation
que Dieu a dites par le prophete. » Ose., i, 1; Joel., i, aussi Men que du peuple tout entier. Matth., v, 12;
1; Soph., i, 1; Jer., i, 1, 2. xxni, 29-37; Luc., vi, 23; xi, 47-50; xm, 34; Act., vn,.
2° La vision. — Les mentions de visions sont nom- 52; Rom., xi, 3; I Thes., n, 15; Heb., xi, 32-40; Jac.,
breuses dans les ecrits des prophetes. Amos a eu cinq v, 10. Seul, le sentiment intime de la realite de leur-
visions, groupees a la fin de son livre, vn, 1-ix, 15. inspiration divine a pu leur donner a tous 1'energie et
Isaiie recoit la mission prophetique dans une vision, le courage necessaires pour supporter les persecutions
vi. II voit un oracle, xm, 1. Jeremie, peu apres sa dont ils etaient 1'objet, et remplir, malgre tout, la mis-
vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une serie sion que Dieu leur avait confiee. — 2. L'affirmation
de visions, I, 8, 18; n, 1; in, 1; iv, 1; v, 1, 5; vi, 1. de Jesus et de ses Apotres. — Ils en ont appele aux
Ezechiel aussi en a frequemment, i, 4; n, 1; vin, 2; ecrits des prophetes comme a§ temoignage de Dieu
X, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophetiques sont inti- mSme, et ils ont signale la realisation des propheties-
tules : « Vision ». Is., i; Abdias, i, 1; Nahum, i, 1. messianiques. Voir t. in, col. 888-889. L'inspiration
Quelques-unes de ces visions etaient exterieures, Dan., des prophetes a ete explicitement affirmee par saint-
v, 25, et corporelles et formaient de veritables appari- Paul, Heb., I, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet.,
tions. Dan., vm, 16-27. Mais le plus souvent, elles se i, 10-12; II Pet., i, 16-21. Voir t. HI, col. 889-890. -
produisaient dans 1'imagination du voyant. Dieu 2° Preuves traditionnelles. — Les Peres, appuyes sur
avait annonce a Aaron et a Marie qu'elles auraient lieu le double temoignage de 1'Ancien et du Nouveau Testa-
per senigmata et figuras. Num., xn, 8. On a remarque ment, ont affirme et enseigne 1'inspiration divine de&
qu'elles se presentaient sous des traits connus du pro- prophetes d'lsrael. Voir t. in, col. 891-897. Cf. Leitnerr
phete et empruntes au milieu ou il vivait. Les images Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau,
de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes 1896, p. 98-190. — 3° Preuves dogmatiques. — Apres
ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la avoir ete cru, affirme et prouve, le dogme de 1'inspira-
Palestine, 1'Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient tion des prophetes a e"te explicitement defini par
lieu a 1'etat de veille (autrement, elles auraient ete des 1'Eglise. Voir t. in, col. 897-898; Leitner, op. cit.,.
songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle a Samuel de p. 191-195. Le fait de 1'inspiration divine des prophetes-
nuit. I Sam., HI, 3, 10; vn, 4; xv, 11, 16; Zach., I, 8; est done un dogme de la foi catholique. — 4° Reponse
Job, iv, 13. Si le voyant etait endormi, Dieu le tirait de aux objections des critiques. — La plupart des cri-
son sommeil, ou d'un etat semblable au sommeil. Jer., tiques rationalistes ont oppose a la realite divine des
xxxi, 26; Zach., iv, 1. propheties une fin de non-recevoir, fondee sur des
"3° Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonte raisons philosophiques et sur 1'impossibilite d'une in-
aux prophetes endormis, c'etait en songe. Ce mode de tervention surnaturelle de Dieu et de la prediction de-
manifestation divine, annonce par Dieu, Num., xn, 6; 1'avenir. Kuenen a discute a fond la doctrine tradi—
731 PROPHET1E 732
tionnelle sur les propheties; il a pretendu que cette destineesdu peuple elu (les propheties messianiques) et
conception etait contraire a 1'histoire et a la critique il pretend demontrer que le plus grand nombre de ces
loyale des textes scripturaires. II rejette d'abord le propheties n'a jamais ete accompli. Au c. vm, p. 276,
temoignage des prophetes sur leur propre inspiration il examine un petit nombre de propheties qui se
divine. Si ce temoignage etait valable, celui des faux sont realisees ; mais il soutient ou bien qu'elles ont ete
prophetes serait recevable au meme litre, puisqu'ils verifiees par 1'evenement d'une maniere vague et ine-
.avaient, eux aussi, conscience de leur inspiration sur- xacte, ou bien qu'elles ne sont pas authentiques et ont
naturelle et qu'ils 1'affirmaient expressement. Tous pu etre ecrites apres 1'evenement, ou enfln qu'elles ne
tirent leur inspiration d'eux-me*mes; c'estleur convic- depassent pas les limites ,de la prevision naturelle. Get
tion qui les inspire. La distinction entre les vrais et argument avait ete enonce par Munk, La Palestine,
les faux prophetes a ete inventee apres coup. En fait, Paris, 1881, p. 420-421; A. Reville, dans la Revue des
il y avait seulement des prophetes opposes les uns aux deux mondes, juin 1867, p. 836-8iO. II a ete repris par
autres, et tous etaient considered comme inspires par Paul Schwartzkopff, Die prophetische Offenbarung
Jehovah. Us etaient en conflit et dans le peuple chacun nach Wesen, Inhalt und Grenzen, Giessen, 1896,
prenait parti pour ceux dont les idees lui agreaient. p. 100-166. Ge n'est pas le lieu de reprendre une a une
Cependant il finit par s'etablir une ligne de demarca- les objections de Kuenen. Voir, pour la refutation de
tion plus nette entre les prophetes. II y eut ceux dont quelques-unes, F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e edit.,
la pensee religieuse avait fait plus% de progres et qui Paris, 1906, t. n, p. 570-572. L'abbe de Broglie a observe
avaient sur Dieu des idees plus precises, et les autres que la plupart avaient ete presentees auparavant et dis-
plus retardataires et moins avances au point de vue cutees. La force de 1'argumentation ne pourrait venir que
religieux. Les premiers ont ecrit 1'histoire sainte et de 1'accumulation des objections. Mais cette argumen-
traite de faux prophetes leurs adversaires. Toutefois tation part de principes faux, comme si le sens d'un
1'elevation morale des uns, leur opposition avec les texte prophetique devait etre exclusivement determine
idees des grands et de la foule, la persistance de leur d'apres les idees du prophete lui-meme et de ses con-
croyance a leur inspiration malgre les persecutions temporains, comme si la realisation avait du s'accona-
qu'elle leur attirait, tout cela, que Kuenen reconnalt, plir d'une facon absolument conforme a la prevision du
prouve la sincerite de leur predication. Les faux pro- prophete ainsi fixee, comme si enfm chaque fragment
phetes flattaient les passions des rois et de la nation; d'une prophetic devait etre la prediction d'un seuLet
ils avaient des idees moins elevees; leur moralite est meme evenement. En realite, la prophetie a pu ne pas
discutee par leurs adversaires; tout cela constitue un etre parfaitement comprise des contemporains et du
prejuge centre la sincerite de leurs affirmations et la prophete lui-meme, si elle avait un sens enigmatique
verite de leur inspiration. D'ailleurs, pour assurer la que 1'evenement seul pouvait faire decouvrir pleine-
permanence de la mission des vrais prophetes, leur rnent. N'etant pas claire et complete, elle ne cadre pas
credit aupres de la portion saine de la nation et leur necessairement avec 1'evenement d'une facon absolue,
triomphe defmitif, il a bien fallu qu'ils aient fourni des et 1'accord ne peut pas etre plus clair ni plus complet
signes de leur mission divine. On les exigeait d'eux, et que la prevision elle-merae. Enfm, toutes les parties d'un
ils les donnaient. C'etaient ces predictions claires et a oracle prophetique ne s'appliquent pas a un meme evene-
court terme, relatees dans les livres historiques, 1'an- ment. La vue de 1'avenir en perspective a souventreuni
nonce d'une defaite ou d'une victoire immediate, du sur le meme plan des evenements analogues, dont la
succes ou de 1'echec d'une invasion. Voir col. 716. realisation devaitavoir lieu a des epoques difierenles. Voir
Supposer avec Kuenen que ces predictions ne se soient P. de Broglie, Les propheties et les prophetes d'apres
jamais realisees ou n'aient ete que des previsions les tro/uaux du Dr Kueuen, d&ft?> Compte rendu du
purement naturelles, c'est se mettre dans 1'impossibi- ine Congres scientifique international des catholiques,
Hte d'expliquer la permanence et le triomphe de pro- Bruxelles, 1895, IIs section, Sciences religieuses, p. 139-
phetes, hai's du peuple, qui auraient ete traites d'im- 151; Id., Questions bibliques, edit. Piat, Paris, p. 346-
posteurs, s'ils s'etaient trompes, aussi bien que la non- 380; J. Brucker, Les predictions des prophetes, dans
realisation des soi-disant oracles des faux prophetes, les Etudes, aout 1893, p. 586-615; F. Vigouroux, Manuel
qui favorisaient les idees du peuple et elaient en oppo- biblique, t. n, p. 578-580.
sition directe avec les predictions precises des vrais IV. CYCLE DES PREDICTIONS PROPHETIQUES. — Rien de
prophetes. II a bien fallu que ces predictions fussent plus varie que 1'objet des propheties bibliques. Cepen-
verifiees pour que les prophetes pussent continuer dant, malgre leur grande variete, les oracles des pro-
leur mission avec quelque chance d'etre ecoutes. Le phetes ecrivains ont des themes communs plus oii
non-accomplissement des oracles des faux prophetes moins developpes et diversement appliques selon les
devait diminuer leur credit aupres de la foule qu'ils temps et les milieux, et se deroulent dans le meme
trompaient. L'oauvredes prophetes eut-elle simplement cercle d'idees, qu'il est bon d'indiquer.
consiste, comme on le pretend, dans la destruction de 1° Les peches d'Israel et de Juda. — Pour ramener
1'idolatrie et I'etablissement du monotheisme en Israel, leurs contemporains dans la voie droite, dont la plupart
elle n'a pu aboutir que s'ils ont eu aupres d'un peuple etaientsortis, les prophetes leur reprochent leurs fautes
grossier et idolatre une reelle autorite et une autorite et font des tableaux eloquents de la perversite morale,
divine. qui attire sur eux la colere divine et de terribles chati-
Kuenen a pretendu, en second lieu, que si les pro- ments. Amos decrit avec vehemence les iniquites
phetes d'Israel etaient veritablement inspires par Dieu, d'Israel, i, 6-8; in, 2, 9, 10; iv, 1-5; vi, 1-7. Les actions
il est necessaire que toutes leurs predictions se soient symboliques d'Osee et ses mariages figurent 1'infidelite
accomplies. Si elles ne se sont pas accomplies, c'est et 1'idolatrie du rojaume schismatique, i, 2-IH, 5. Ses
que les prophetes ne parlaient qu'en leur nom et pas discours directs exposent en detail les crimes du peu-
au nom du Dieu de verite. Get argument, qu'il avait ple et de ses chefs, iv, 1-v, 7; vn, 1-7. Isai'e, des le
indique dans son Histoire critique des livres de I'An- debut de ses oracles, resume les fautes de Juda, dont
cien, Testament, trad, franc., Paris, 1879, p. 15, 19- il predit les chatiments, i, 2-31. II y revient sans cesse,
26, a ete longuement developpe. The Prophets and et signale celles que chacune des classes de la nation
Prophecy in Israel, trad, anglaise, Londres, 1877, c. v- a commises, n, 5-9; in, 12, 16^ 17; v, 8-23; x, 1,2, etc.
VH, p. 98-275. Le critique hollandais parcourt la serie C'etait sa mission et il devait la remplir avec force et
des predictions contenues dans les livres canoniques Constance, LVIII, 1. Michee decrit les crimes de Samarie
et relatives soit aux peuples voisins d'Israel soil aux et de Juda, I, 5; n, 1, 2; HI, 2; 3, 5, 9-11; vu, 1-4. Juda
733 PROPHETIE — P R O P H E T I Q U E S ( L I V R E S ) 734
n'a pas tire profit du sort d Israel: il imite son idolatrie. choisi, quelquedursqu'aient ete les chatiments infliges,
Jer., m,6-10; xi, 9-10; xvi, 11, 12. La corruption est Dieu faisait annoncer par ses prophetes la conversion
profonde et universelle a Jerusalem. Jer., v, 1-9, etc. finale d'lsrael et de Juda sous le coup de 1'adversite. II
Exechiel voitles abominations commises dans le Temple ne se bornait pas a promettre des bienfaits, si les
de Jerusalem, -vm, 1-16.1\ denonce les faux prophetes, coupables quiUaientles voies de 1'iniquite, Ose., n, 14-
qui trompent et seduisent les exiles, xm, 3-7, 18, 19. II 24, il declarait que les Israelites, emmenes en captivite
retrace les crimes des habitants de Jerusalem, xxn, 1- en Assyrie, reviendraient en Palestine, Ose., xi, 8-11.
16, 24-31. Apres le retour en Palestine, Aggee reprend Abdias predit le salut, 17-21. Israel se repentira et ob-
les rapatries qui negligent de relever le Temple, I, 2-6, tiendra misericorde. Mich., vn, 1-20. Les Israelites dis-
etplustardMalachie adresse des reproches aux pretres, perses serontreunisdenouveau. Is.,xi, 10-16; Jer.,xxxi,
I, 6-8, 12, 13, et aux Juifs qui epousent des femmes 1-14. Juda surtouttrouvera grace aux yeux du Seigneur.
etrangeres, n, 11. Les prophetes apparaissent done Is., i, 26-31. II sera restaure. is., xxvi, 1-xxvn, 13;
tous comme des correcteurs de vices et des redresseurs xxxn, 1-20; xxxm, 13-24; xxxv, 1-10; XL, 1-31; XLI,
de torts, et leurs propheties sont remplies de plaintes 8-20; XLIII, 1-13; XLIX, 14-26; LIT, 1-12. Jeremie predit
contre les prevaricateurs. la liberation des exiles apres 70 ans de captivite, xxix,
2° Le chatiment des coupables. — Comme les cou- 8-14. II decrit la conversion, le retour et la restaura-
pables s'endurcissaient et refusaient de profiter des tion, xxx, 2-24; xxxn, 37-xxxm, 26. Baruch repete aux
reproches et de changer devie, Jer.,xxxn, 33;Ezech., exiles la meme promesse, u, 30-in, 8; v, i-9, Ezechiel
in, .7, si meme ils ne se moquaient des menaces des annonce aussi le salut, xxxvi, 8-xxxvn, 28. II trace
prophetes, Amos, V, 18; Is., v, 19, la punition divine meme tout un plan de restauration, XL-XLVIII. Voir t. n,
devait les frapper. Toutes les descriptions de crimes, col. 2156.
precedemment rappelees, sont immediatement suivies 5° Le royaume messianique. — Le retablissement de
de 1'annonce de chatiments. Plus souvent encore, la Juda comme royaume temporel de Dieu en Palestine
menace est directe, qu'elle soil adressee sous forme amene les prophetes a annoncer la redemption spiri-
de plainte ou d'elegie, Amos, v, 1-14, ou d'exhortation tuelle des Israelites et de tous les hommes et retablis-
ou de reproche. Ose., vm, ix; Is., ix, 8-x, 34. Elle tourne sement d'un royaume nouveau, ideal, reunissant tous
parfois en malediction. Is., xxvni, 1-xxxm, 12. Elle les peuples sous la loi du vrai Dieu, etgouverne par un
vise tous les coupables. Tous seront punis, et la puni- rejeton de David, roi d'lsrael et des nations. Michee a
tion repondra a la culpabilite. Chacune des classes de decrit ce nouveau royaume comme la glorification et
la societe aura son chatiment propre et proportionne. 1'exaltation de Sion, iv, 1-13. Isaie a repris le meme,
Puisque la depravation est generale et que tout espoir theme, n, 2-4. II decrit la gloire de cette nouvelle Jeru-
de conversion est perdu, la nation entiere perira. Israel, salem, LIV, I-LVI, 8; LX, 1-22; LXVI, 1-24. Jeremie en
qui est le plus coupable, disparaitra le premier. Amos, parle comme d'une alliance conclue entre Dieu et
i, 9-16; Ose., xm, 1-xiv, 1; Mich., i, 2-7. Juda, qui n'a Juda sous de nouvelles conditions, xxxi, 31-40. Bref,
pas compris la lecon, Jer., HI, 6-10, aura le meme sort. les prophetes predisent le royaume messianique et son
Jer., iv, 5-vi, 30; Ezech., xxm. Le chatiment sera gra- roi, le Messie, et ils en decrivent les caracteres. Leurs
due, Jer., iv, 27; v, 18, et la ruine definitive ne viendra oracles messianiques sont exposes dans les articles de
pas frapper un peuple, capable encore d'amendement. ce Dictionnaire, qui concernent chaque prophete en
Des coups isoles avertiront les coupables et tenteront particulier. Celles qui ont trait a la personne du Messie
de les ramener a resipiscence. La patience divine se ont ete resumees, t. in, col. 1431-1434, et leur signifi-
lassera enfin, et la perte des deux royaumes sera tour cation en faveur de la divinite de Jesus indiquee un
a tour decidee. L'instrument des vengeances divines peu plus loin, col. 1497-1499. Pour la bibliographic,
est ordinairementTepee des nations voisines d'lsrael et voir ibid., col. 1436.
de Juda. La ruine du royaame du nord sera 1'ceuvre de Sur les predictions des prophetes en general, voir
1'empire assyrien, Ose., x, 6; xi, 5; Is., vn, 17-25; celle J.-B. Pelt, Histoire de VAncien Testament, 3e edit.,
du royaume du sud sera accomplie par les Babylo- Paris, 1902, t. 11, p. 153-179; * Davidson, Old Testament
niens. Is., xxxix, 3-7; Mich., iv, 10; Hab., i, 6-H; prophecy, 1903. Sur la doctrine des prophetes, on
Jer., ix, 10-16; xxi, 3-14; Ezech., xxiv, etc. pourra consulter *Zschokke, Theologis der Propheten
3° Les oracles contre les nations. — Bien que les desalten Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1877; Tro-
nations pai'ennessoient la verge dont Dieu frappe Israel chon, 'Introduction generale aux prophetes, Paris,
et Juda, elles ne seront pas toutefois epargnees, parce 1883, p. XLIX-LIX; Selbst, Die Kirche Jesu Christi
qu'elles sont coupables, elles aussi, et plusieurs livres nach den Weissagungen der Propheten, Mayence,
prophetiques contiennent des recueils speciaux d'ora- 1883; *Duhm, Die Theologie der Propheten, Bonn,
cles contre elles. Amos, i, 3-n, 3; Is., xiv, 28-xxi, 17; 1875; *Kirkpatrick, Doctrine of the Prophets, 1892. On
Soph.,n,4-15; Zach.,ix,1-7; Jer., XLVI,I-XLIX,39; Ezech., peut consulter aussi les theologies de 1'Ancien Testa-
xxv, 1-xxxn, 32. La prophetic d'Abdias est tout entiere ment : Scholz, Handbuch der Theologie des alien
contre 1'Idumee. Mais les deux grandes puissances Bundes im Lichte des Neuen, Ratisbonne, 1862; *Franz
vengeresses ont leurs menaces particulieres, souvent Delitszch, Die biblisch-prophetische Theologie, Leipzig,
repetees. Elles sont idolatres; elles ont depasse la mesure 1845; *Schultz, Alttestamentliche Theologie, 2 in-8°,
en executant les jugements de Dieu contre Israel et Francfort, 1869; 5e edit., 1896; *(Ehler, Theologie des
Juda; elles ont tente d'exterminer des peuples, que alien Testaments, Tubingue, 1873; 3« edit., 1891;
Dieu ne voulait que chatier; elles ont commis des in- trad, anglaise, 2 in-8°, Edimbourg, 1874; trad, franc.,
justices dans la repression juste; elles seront done 2 in-8»; *Hitzig, Biblische Theologie des A. T., 1880;
punies a leur tour, et elles seront detruites comme *Riehm, Alttestamentliche Theologie,iS8Q; *Dilimann,
nations. On lit des oracles contre 1'Assyrie dans Isai'e Handbuch der altteslament. Theologie, 1895.
x, 5-26; xxx, 27-33; xxxvir, 21-38; Nahum, I, 2-in, 19; E. MANGENOT.
Sophonie, n, 13-15, et contre la Chaldee ou Babylone PROPHETIQUES (LIVRES). Dans 1'usage eccle-
dans Isa'ie, xm, 1-xiv, 23; xxi, 1-10; xxxix, 3-7; XLIII, 14- siastique on donne specialement ce nom aux livres qui
21; XLVI, I-XLVII, 15; Jeremie, xxv, 12-14; L, I-LI, 64; contiennent les oracles des quatre grands prophetes
Habacuc, n, 2-20. Cf. Rohart, De oneribus biblicis con- et des douze petits prophetes dans 1'Ancien Testament,
tra gentes, Lille, 1893. et a 1'Apocalypse dans le Nouveau. Dans la Bible he-
4° La conversion d'lsrael et de Juda et leur restau- brai'que, outre les oeuvres des prophetes proprement
ration. — Quels qu'aient ete les crimes de son peuple dits qui sont appeles prophetes posterieurs, on distingue
735 PROPHETIQUES (LIVRES) — PROPHETISME
cellesdes prophetes anterieurs ou premiers, c'est-a-dire II presente, en effet, dans ses manifestations exte-
desauteurs du livre deJosue, des Juges, des deux livres rieures, des ressemblances avec le prophetisme des-
de Samuel (nos deux premiers livres des Rois) et des autres peuples. Ce que la Bible rapporte des prophetes
deux livres des Rois (le troisieme et le quatrieme livre d'Israel, de leur genre de vie, de leur mode d'actionr
des Rois de la Vulgate). ressemble etonnamment a ce que nous savons des
devins pai'ens. On constate, chez les uns et chez le&
PROPHETISME. On designe sous ce nom, dans le autres, la revelation par les songes, une violente exal-
langage des rationalistes, 1'explication naturelle de 1'in- tation de 1'imagination dans 1'exercice meme de la
tervention, dans 1'histoire d'Israel, des prophetes, hom- prophetic, 1'union de la vaticination avec 1'art de la
ines extraordinaires, doues d'une tres grande intelli- medecine et la poesie. Leur histoire a ete embellie par
gence et d'une tres rare perspicacite, qui ont enseigne la legende, et leur existence n'est signalee qu'a 1'age
une doctrine religieuse tres elevee et exerce sur leur heroi'que des peuples anciens. On est ainsi ramene 4
peuple une tres forte influence au point de vue reli- une loi historique generale. Le prophetisme est com-
gieux, moral, social, politique el lilleraire. Loin d'etre mun a tous les peuples, et il est une manifestation
un miracle vivant, une serie presque ininterrompue propre aux temps he'roi'ques. Le peuple d'Israel n'est
d'interventions directes de Dieu en Israel, comrne on done pas, sous ce rapport, une exception dans le monde,
1'a cru Iong1ernps,le prophetisme hebreu est un pheno- et son propbetisme renlre dans les analogies de 1'his-
mene purement naturel, unique en son genre, il est loire. D'ailleurs les recits bibliques, de"pouilles de leur
vrai, quoiqu'il ne soit pas ahsolument distinct d'autres caractere legendaire et de leur interpretation surnatu-
actes religieux ni sans aucune analogie avec des fails relle des fails prophetiques, se ramenent tres facile-
de meme nature dans les autres religions. A force d'etu- menl aux conditions ordinaires du developpement des
des, la critique moderne 1'a enfin compris etl'aramene, idees religieuses.
sans le rabaisser, aux conditions et aux lojs de 1'his- Que penser de ces principes et de cette melhode? II
toire positive. Avant d'exposer la nouvelle idee qu'on n'est pas exacl, d'abord, que le prophetisme n'ait existe
s'est faite des prophetes d'Israel, il sera bon d'indiquer qu'aux ages heroi'ques de 1'histoire, puisque les peuples
brievemenl les principes qui ont servi de point de de- pai'ens onl eu leurs devins aux epoques de la plus
part et la methode suivie pour aboutir a de tels resultats. grande civilisation et en pleine histoire. Quant a la
I. PRINCIPES ET METHODE. — Pour expliquer 1'origine, methode employee pour ramener le prophetisme he-
la nature, le role historique du prophetisme hebraique breu aux lois et aux conditions ordinaires, elle n'est
et son influence sur les destinees religieuses et politi- qu'une application speciale de Fetude comparee des
ques d'Israel, les critiques rationalistes ont ecarte toute religions, comme si les ressemblances constatees prou-
intervention surnaturelle de Dieu; ils se sont places vaienl 1'identite de nalure el de condilions. Mais ces
uniquement sur le terrain rationnel et ils n'ont eu re- ressemblances sonl purement exterieures, partielles
cours qu'a la loi historique du developpement de 1'huma- etisolees, el elles ne constiluenl souvent que de simples
nite. Le prophetisme hebreu leur est apparu comme un analogies. On ne peut done sans paralogisme conclure
phenomene religieux et se presenlant avec les memes a 1'identite de cause, d'autanl qu'a cote des ressem-
caracteres et les memes traits que le prophetisme des blances, si mulliples qu'elles soienl, il y a de tres
autres religions. L'unique difference entre le prophete grandes differences, et la superiorite du prophetisme
hebreu et les prophetes paiens, c'est qu'il a atteint une hebreu sur les autres n'est nice par aucun critique.
hauteur a laquelle les autres ne sont pas parvenus. Les Ces differences et cette transcendance exigent done
prophetes d'Israel excellent; ils sontincontestablement une autre origine, des causes differentes et superieures-
et de beaucoup les premiers, les types du genre; mais aux causes naturelles, par suite une cause surnaturelle
leur superiorite ne les eleve pas a 1'ordre surnaturel et qui est precisement 1'inspiration divine, attestee dans
divin; ils restent dans 1'ordre naturel de 1'histoire des la Bible. Voir PROPHETE et PROPHETIE. Les ressem-
anciennes religions, surtout des religions semitiques. blances purement exterieures s'expliquent par l'iden~
En effet, le prophetisme n'est pas un phenomene tite de quelques moyens, employes par Dieu meme
particulier au peuple d'Israel. II n'est pas de societe pour produire parmi son peuple de choix, les memes
humaine qui, a un moment donne de son existence, effets que la divination produisait chez les peuples
n'ait eu, sous un nom ou sous un autre,ses interpretes paiens, pour s'adapter aux memes dispositions ducoeur
de la divinite, ses hommes de Dieu. Chez tous lespeuples humain et donner satisfaction aux memes aspirations.
de 1'anliquite et aujourd'hui encore parmi les nations Cf. P. de Broglie, Problemes et conclusions de I'his-
qui n'ont pas depasse un certain degre de culture et toire des religions, Paris, 1885, p. 244-260, 321-326, 412-
qui sont tres rapprochees de la situation sociale des 414. L'interpretation naluralisle des recits bibliques,
ages primitifs, il s'est rencontre et on rencontre des faite en vue de leur enlever tout caractere surnaturel
hommes qui se sont attribue ou s'attribuent, avec une et divin, repose sur un principe a priori, etranger a
entiere bonne foi, le pouvoir surnaturel de lire dans la science veritable, et n'est pas capable de faire im-
1'avenir et de communiquer a ceux qui les entourent pression sur un esprit exempt du prejuge rationaliste.
les decisions de la volonte divine, dont ils sont ou dont II. DEVELOPPKMENT PRETENDU DU PROPHETISME HE-
ilscroientetrelesorganes. Tous les peuples semitiques, BREU. — Le prophetisme a passe en Israel par trois
notamment ceux qui touchent de plus pres a Israel, periodes distinctes et caracteristiques : 1° celle des
ont eu leurs prophetes. Les Arabes n'ont pas cesse d'en debuts sous Samuel; 2° une periode de transition jus-
avoir. Le prophetisme caracterise en quelque sorte la qu'a Elie et Elisee, sous Achab; 3° celle des prophetes
race semitique. Toutefois, il s'est produit aussi dans ecrivains, qui va du vme siecle au ive avant Jesus-
les races indo-europeennes. La Grece eut ses [/.av-rsi^ses Christ.
devins possedes de la ^.av:x ou fureur prophetique, et I. PERIODS DES DEBUTS SOUS SAMUEL. — TOUS les Cri-
cet ordre de fails donna lieu a une science speciale, la tiques soi-disant independents sont actuellement d'ac-
mantique. La Gaule et la Germanie eurent leurs inspi- cord pour placer 1'apparition du prophetisme propre-
'rees, leurs prophetesses. Dans la plupart des cas, le ment dit en Israel vers la fin de la periode des Juges,
prophetisme ne s'eleva pas tres haul et ne depassa guere sous Samuel, qui est lui-meme un des premiers pro-
les modes ordinaires de la divination. Si chez les He- phetes, sinon meme le premier des prophetes au moins
breux il fut superieur a ce qu'il apparait ailleurs, ifne d'une categorie particuliere. En effet, si quelques-uns
faut pas cependant changer sa superiorite relative en confondent encore tous les prophetes de cette epoque
singularite absolue. dans une seule classe d'hommes divinement inspires et
737 PROPHETISME 738
exaltes, groupes autour de Samuel, leur chef, la plu- en groupes et formant des associations. Ils propheti-
part distinguent, a 1'origine, deux categories de pro- saient par leurs cris et leurs attitudes, au son des ins-
phetes, de nature et d'esprit fort differents, celle des truments de musique. Saul qui les rencontra en reve-
voyants et celle des nebi 'ini enthousiastes et extatiques. nant de chez Samuel, fut saisi par 1'esprit du Seigneur
1° Les voyanls. — Dans les parties anciennes de la et prophetisa avec eux; il devint un autre hornme, de
legende de Samuel, celui-ci estappele ro'eh, « voyant». telle sorte que ceux qur 1'apprirent disaient : « Saul
II tient du devin et du pretre. C'etait un simple sor- est-il done du nombre des prophetes? » I Sam., x, 5,
cier, que, dit-on, Ton consultait sur des anesses per- 6,10-12. C'etaient des hommes obscurs, dont personne
dues et qu'on n'abordait qu'un cadeau a la main, ne connaissait 1'origine, ou des gens mal fames, sans
I Sam., ix, 6-9, comme Balaam. Num., xxn, 17, 18; naissance, ni bonne renommee. Saiil, seul et isole, eut
xxiv, 11-13. II fondait son autorite surdessignes,! Sam., des lors des acces particuliers, qu'on attribuait a 1'es-
x,l-8, et il jetait les sorts pour savoir qui serait roi, prit mauvais de Dieu. II prophetisait, c'est-a-dire faisait
20-22. II s'occupait done deja de politique. Parfois ce- 1'insense dans sa maison, et on etait oblige de recourir
pendant, safonclionse rehaussait, et il annoncait 1'ave- a un harpiste pour le calmer. I Sam., xvi, 14-16, 23;
nir, Tous les critiques ne sont pas d'accord sur la nature xvin, 10; xix, 9. Les soldats envoyes par lui pour
des voyants, selon qu'ils tiennent les details de la vie de prendre David, qui s'etait refugie a Ramatha, rencon-
Samuel pour historiques ou legendaires. Kraetzschmar, trerent une troupe de ces nebi 'im qui prophetisaient
Prophet und Seher im alien Israel, Tubingue et Leip- et, saisis par la contagion, se mirent a prophetiser eux
zig, 1901, p. 6-12, tient le voyant pour une personne aussi. D'autres emissaires, envoyes apres eux, furent
que Ton consulte au sujet des affaires ordinaires de la encore gagnes par 1'exemple et le meme fait se pro-
vie privee, et qui ne s'en occupe que selon sa science duisit une troisieme fois. Saiil enfin se mit en route et,
et sa sagesse naturelles. II ne se considere pas comme chemin faisant, il fut saisi par 1'esprit prophetique, et
un representant de la divinite. II ne recourt qu'a des se depouillant de ses vetements, il tomba par terre et
moyens naturels pour decouvrir les forces secretes de prophetisa tout nu ce jour-la et la nuit suivante, de
la nature. II voit ce que les autres ne voient pas, mais sorte qu'il passa des lors en proverbe de dire : « Saiil
sans agitation ni extase, et il dit clairement ce qu'il est-il done du nornbre des prophetes? » I Sam., xix,
voit d'apres certains indices ou meme une illumination 20-24. Ces nebtfim, auxquels Saiil se mela a deux re-
interieure. II n'a aucun rapport avec le jahveisme, et prises, etaient done de veritables corybantes, qui se
il est peut-etre anterieur au jahveisme. D'autres peuples procuraient une ivresse orgiaslique, et dans leur enthou-
avaient des voyants de meme nature; ainsi Balaam en siasme extatique se livraient a des actes de folie sacree.
Mesopotamie. La profession de voyant n'a aucune rela- Selon M. Loisy, op. oil., p. 60, ces inspires « n'etaient
tion ni avec la nationalite ni avec la religion, et les censes les organes de Jahveh qu'a raison des phenomenes
premiers voyants d'Israel n'ont exerce aucune influence extraordinaires qui se manifestaient en eux ». Toute-
sur la religion de leur peuple. Pour Smend, au conlraire, fois, selon Smend, op. cit., p. 79, ils rendaient des ora-
le voyant et le pretre etaient primitivement apparentes; cles durant leur extase.
tous deux rendaient des oracles divins. Chez les Se- Les critiques rapportent generalement leur origine a
mites, ils avaient ele d'abord identiqoes. Le rnot he- 1'epoque de leur premiere mention dans 1'histoire d'Is-
breu kohen, « pretre », signifie « voyant », kdhin, dans rael. Le nabisme parait alors nouveau, extraordinaire,
1'ahcien arabe. Avant d'etre voyant, Samuel avait ete mal defmi encore. Budde, Die Religion des Volkes
pretre a Silo avec Heli La principale difference a con- Israel bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 90. II est
siste en ce que le charisme du voyant a un caractere done, selon ce critique, d'origine palestinienne. Cornill,
plus personnel que celui du pretre, qui est social. II Der israelitischeProphelismus,& edit., Strasbourg,1903,
se rapproche ainsi du ndbi'. Lehrbuch der altiesta- p. 12, qui fait deriver le mot ndbi' d'une racine arabe,
mentlichen, Religionsgeschichte, 2e edit., Fribourg- en conclut que 1'Arabie a ete la patrie du prophetisme.
en-Brisgau, 1899, p. 92-93. Cette derniere theorie est Cf. Cheyne, Encyclopaedia biblica, Londres, 1902, t. in,
dementie par les faits, et au lieu que le pretre soil ori- col. 3857. Mais la plupart des critiques lui reconnaissent
ginairement un devin, le devin n'est chez les Semites une origine chananeenne. « Baal avait de ces confreries
qu'un pretre degrade. Cf. J. Lagrange, Eludes sur les et cette forme inferieure du prophetisme aura passe
religions semiliques, 2e edit., Paris, 1905, p. 218. Si les des Chananeens aux Israelites. » A Loisy, op. cit., p. 60.
anciens rationalistes regardaient les voyanls d'Israel Kraetzschmar, op. cit., p. 10, a cherche a expliquer leur
comme les successeurs de Moi'se et les continuateurs apparition en la rattachant a 1'oppression des Israe-
de son'oeuvre religieuse et morale, la plupart des ra- lites par les Philistins a la fin de 1'epoque des Juges.
tionalistes recents pensent que Samuel a inaugure la Des fanatiques de Jahven se leverent alors pour soute-
serie et que le peuple d'Israel n'avait pas eu de voyants, nir la superiorite de leur dieu national sur 1'idole
ni au desert, ni au commencement de son installation Dagon des Philistins et pour maintenir en Israel le culle
au pays de Chanaan. M. Loisy cependant estime que les de Jahveh. Leur enthousiasme religieux produisit les
voyants d'Israel, Debora et Samuel, ont fait suite a acces de folie religieuse, qu'on remarque chez eux, qui
Moiise et ont rendu, comme lui, des oracles au nom de frapperent 1'attention des foules et les rattacherent plus
Jehovah, tout en s'occupant d'ordinaire d'interets pri- fermement ou meme les ramenerent au culte de leur
ves. La religion d'Israel, Paris, 1901, p. 60. Organes de dieu. Ils continuerent leurs manifestations religieuses
Jehovah, les voyants ne sont pas les predicateurs de leur sous le regne de Saiil, qu'ils avaient entraine dans leur
Dieu, parce qu'ils n'avaient pas besoin de le precher. parti. Leur exaltation religieuse se compliquait d'une
2° Les nebi'ini. — A la meme epoque apparaissent exaltation psychique, maladive, qui les poussait a Fac-
des prophetes enthousiastes et possedes de la divinite. tion et qui developpa une piete plus ardente envers le
Ils sont mentionnes pour la premiere fois dans la le- dieu national. Budde, op. cit., p. 90-94. Toutefois, pense
gende de Samuel, et les personnages anterieurs, Abra- ce critique, loc. cit., p. 90, il reste toujours possible
ham, Moi'se, Marie, Debora, sont nornmes prophetes ou que le nabisme ait existe deja auparavant en Israel, au
prophetesses par projection des notions du temps de moins dans unepartie du peuple, et que, apres un long
1'ecrivain dans le passe qu'il raconte. Les premiers assoupissement, il ait pris sous 1'oppression philistine
nebi *i,m, contemporains de Samuel, n'etaient ni des une signification et une ampleur, jusque-la.inconnues.
devins, ni des pretres. Ils ne rendaient pas d'oracles II. PERIODS DE TRANSITION JUSQU'A ELIE E$' ELISEE
et, a plus forte raison, n'instruisaient pas le peuple. sous ACHAB. — Durant cette periode, les voyants et les
C'etaient des exaltes, des corybanles extatiques, reunis prophetes se sont rapproches au point de se confondre
DICT. DE LA BIBLE. V. - 24
739 PROPHETISME 740
ennn dans la personne d'Elisee. L'enttiousiasme des moyens violents pour faire triompher ses idees reli-
nebi 'im s'attenue fortement; les propheles cessent d'etre gieuses et morales. II est entre en lutte ouverte avec
hors de raison; ils deviennent voyants et recoivent des Achab et a fait egorger les pretres de Baal. Mais la
communications de Jehovah. D'autre part, les voyants legende 1'a peut-etre fait plus fanatique qu'il n'etait en
prennent quelques allures extraordinaires des anciens realite. Son disciple, Elisee, continuateur de son esprit,
prophetes exaltes et font des actes plus singuliers que est entoure de fils de prophetes, c'est-a-dire de nebVmi
ceux qui sont attribues a Samuel dans les anciens re- proprement dits, qui e"taient de la meme categoric que
cits. Elie et Elisee inaugurent un ministere, qui est les nebi'im exaltes du temps de Samuel. C'etaient des
une sorte d'aposlolat par protestation contre 1'introduc- adorateurs fervents de Jahveh qui s'eleverent, a cette
tion de Baal et des dieux etrangers en Israel. Autour epoque de crise nationale et religieuse, pour 1'honneur
d'Elisee, qui etait un voyant, se groupent des troupes d'Israel et de son Dieu. Ils protestaient contre 1'intrusion
d'inspires; ils devinrent ses disciples, et ils ont des re- du culte etranger etpolytheiste de Baal. Budde, op. cit.,
velations. Les voyants prenaient alors le nom de pro- p. 94. Elisee les avait organises en corporations, sur la
phetes, et les inspires sont appeles fils de prophetes. nature et le but desquelles on est loin d'etre d'accord.
Suivantla remarque de Kraetzschmar, op. cit., p. 23, Generalement, on admet qu'on s'y exercait a Part pro-
il n'est pas toujours facile de discerner dans 1'histoire phetique et qu'on y recourait a des moyens naturels,
de cette periode de transition, a quelle categoric des a des recettes, a des precedes pour exciter 1'inspiration.
voyants ou des prophetes il faut ranger certains per- « La plupart d'entre eux, dit M. Maspero, Histoire des
sonnages, et il se peut que, dans les anciens recits, le peuples de I'Orient classique, Paris, 1897, t. n, p. 749,
nom d'un groupe ait ete attribue a des individus de etaient installes aupres des temples, et ils y vivaient en
1'autre groupe. Par suite, les critiques ne sont pas d'ac- termes excellents avec les membres du sacerdoce
cord sur le classement pas plus que sur certains de- regulier. Ils y repetaient au son des instruments les
tails, dont ils admettent ou contestent 1'historicite. chants ou les poetes d'autrefois avaient exalte les
Ils relevant cependant, meme chez les prophetes exploits de Jahveh, et ils en extrayaient la matiere des
Elie et Elisee, qui paraissent etre les successeurs des histoires semi- religieuses qu'ils racontaient sur 1'origine
voyants, des traces du caractere extatique des anciens du peuple, ou bien ils s'en allaient precher al'aventure
neb'Um. Ainsi Elie courul au galop devant le char des que 1'esprit les saisissait, isoles, ou le mailre avec
d'Achab durant tout le trajet du Carmel a Jesrael. son disciple, ou par bandes inegales. Le peuple se pres-
I (III) Reg., xvni, 44-46. Elisee irrite eut besoin d'ap- sait autour d'eux, ecoutant leurs hymnes ou leurs his-
peler un harpiste pour calmer son courroux et se toires de 1'age heroi'que; les grands, les rois memes
procurer a 1'aide de la musique 1'inspiration propheti- subissaient leurs visites et enduraient leurs reproches
que. II (IV) Reg., in, 15. Quand ce prophete envoya un ou leurs exhortations avec un respect mele de terreur. »
de ses disciples pour oindre Jehu, ce fils de prophete Et M. Loisy, op. cit., p. 61, conclut : « L'institution
remplit sa mission, seul, sans temoin, dans la chambre semble decliner apres la mort d'Elisee, et elle n'a pas
de Jehu, et des qu'il eut fini, il ouvrit aussitot la porte du, en tout cas, survivre au royaume d'Israel. Amos,
et s'enfuit. Les soldats demanderent a leur chef : Osee, Isaie ne sortent pas de ce milieu. »
« Pourquoi ce fouest-il venu te trouver ? » II (IV) Reg., ix, 111. PERIODE DES PROPHETES ECRIVAINS, DU Vllt* AU
1-11. Ce terrne de yjura, « fou, insense », servait a desi- iv* SIECLE. — Ces prophetes sont en progres notable
gner les prophetes. Cf. Ose., ix, 7, 8; Jer., xxix, 26. sur les precedents. Ils tiennent encore du devin, mais
La conduite du fils de prophete, qui se fait frapper par ils n'ont plus rien du pretre. Ils sont les heriliers de
un passant, et qui, convert de son turban, se presente Samuel et des voyants et non des nebi'im exaltes, dont
au roi Achab etlui propose un cas de conscience, parait pourtant ils portent le nom, mais avec une autre signi-
bien extravagante. Aussi, lorsqu'il eut enleve le linge fication. On les consultait encore, comme on avait
qui couvrait son visage, le roi le reconnut pour un consulte Samuel, sur toutes sortes de sujets, et ils re«
prophete, pour un homme exalte etsingulier. I (III) Reg., pondaient a toutes les questions. « Les rois d'Israel et
xx, 35-41. Kraetzschmar, op. cit., p. 9, apres Stade, a de Juda, avant de partiren guerre, interrogent les pro-
meme cru reconnaitre dans cet episode une preuve phetes sur le succes de leurs expeditions. Beaucoup
que les fils de prophetes portaient sur le front entre d'individus faisaient metier d'annoncer 1'avenir et de
les yeux des cicatrices sacrees, que ce critique a appe- fournir des renseignements sur les choses cachees, le
lees des « marques de Jahveh », tatouage qui distinguait tout au nom de Jahveh, mais comme ils 1'auraient fait
ceux qui appartenaient a ce dieu et qui se placaient au nom de Camos en Moab : ce sont ceux que 1'Ecrilure
sous sa protection speciale. Un nabT ne voulait-il pas appelle faux prophetes, et qui pratiquaient, en quelque
etre reconnu, il couvrait son front d'un linge et cachait facon, la divination pour elle-meme. Les vrais pro-
ses cicatrices caracteristiques. Achab reconnut a ce pheles exercent aussi la divination, mais en vue d'une
signe le fils de prophete, qui s'etait presente a lui ainsi fin superieure, et les reponses qu'ils donnent au nom
voile. Pour les memes signes aux mains, on renvoie a de Jahveh sont en rapport avec le caractere moral de
Zach., xin, 3-6. Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petils leur Dieu. Dans le temps et le milieu ou ils vivaient, un
prophetes, Paris, 1908, p. 686-687. C'est parce que le enseignement dogmatique n'aurait eu aucune prise sur
ndbi' et le fils de-na&f etaient encore mal considered le commun des hommes. On eut mieux aime recourir
et passaient pour des insenses qu'Amos, le premier aux sorciers que de se passer d'oracles. Les vrais pro-
prophete ecrivain, declare qu'il n'est ni ndbi' ni Ills phetes en ont done rendu, et beaucoup, selon que
de nd&i', vn, 14. 1'Esprit les leur suggerait; mais nous les voyons de
Elie, dans la logende et dans 1'histoire, apparait comrne bonne heure subordonner leurs reponses a un principe
la personnification idealedu prophete puritain de Jeho- genera], a une condition religieuse et morale qui peut
vah. II est isole. Une vraie pensee religieuse 1'anime, se resumer en ces termes : Jahveh vous protegera si
quoiqu'elle soit empoisonnee par un sombre fanalisme. vous lui etes fideles; il vous abandonnera si vous
C'est un jehoviste integral, c'est-a-dire un adorateur de 1'abandonnez. Et comme ils en viennent de plus en
Jehovah, dieu bon, juste, quoique severe, exigeant un plus a s'occuper des interets generaux de la nation,
culte moral, en esprit et en verite. Sous le regne leurs predictions se transforment progressivement en
d'Achab, qui favorisait le culte de Baal, la religion veritables predications sur lajirovidehce de Jahveh, ses
nationale* courait de grands risques. Le prophete se fit desseins, sa justice, les moyens de prevenir ses chali-
1'apotre de son Dieu; mais c'etait un apotre ardent, ments et d'avoir part a sa misericorde. » A. Loisy,
fougueux, exalte, qui ne recula pas devant 1'emploi de op. cit., p. 61-62.
741 PROPHETISME 742
Ces prophetes ne se bornaieut done pas a predire sentiment religieux une action de Dieu, reellement
1'avenir; ils enseignaient une doctrine complete, qu'ils exercee dans Fame des prophetes. La prophetic ne
pr£cherent d'abori et qu'ils ecrivirent ensuite, pour vient pas de Dieu en ce sens seulement qu'elle est,
que leurs successeurs et la posterite en tirent profit. comme toutes les ceuvres humaines, produite par les
Sous ce rapport meme, les critiques rationalisl.es facultes que Dieu a donnees a Fhumanite. II y a plus.
exagerent et faussent 1'influence des prophetes du vme Le prophete a conscience que la pensee qui lui vient,
siecle, quand ils en font les createurs du monolheisme que la conviction qui s'empare de son esprit, n'est pas
et les fondateurs de la theocratic. A Fepoque d'Elie et de lui, qu'elle ne lui est pas arrivee par la voie ordi-
d'Elisee, la religion d'Israel n'avait pas encore rompu naire du raisonnement, et il 1'attribue a Dieu. Pour-
completement avec Fidolatrie. Ces prophetes, qui com- quoi? Parce qu'il n'en trouve pas la source en lui. II
battent avec la derniere energie le culte de Baal, ne se sent inspire, il le declare, et nous ne pouvons douter
disent rien centre 1'adoration du veau d'or a Bethel. de sa parole. Bien que les idees prophetiques ne lui
Leur jehovisme cependant est deja monolatre, puisqu'il aient pas ete communiquees par revelation surnatu-
n'est jamais fait mention d'un autre dieu, pas meme relle, elles sont de Dieu, parce que la disposition qui
d'une deesse compagne et epouse. Les prophetes du les a produites dans 1'esprit du prophete est 1'oeuvre de
viiie siecle sont monotheistes. Jehovah, pour eux, est le Dieu en lui. L'esprit de Jehovah est entre et a agi dans
vrai Dieu, le Dieu universel, maitre du monde entier, 1'esprit de 1'homme. Les prophetes expliquaient ainsi
unique par nature, invisible et spirituel, saint, juste et Fobsession interieure d'une grande pensee qui rem-
misericordieux. Une fois en possession de cette idee plissait leur ame et dont 1'origine psychologiqueechap-
monotheiste, obtenue par la comparaison du dieu na- pait a leur conscience. Ils etaient sinceres, et leur
tional avec les dieux des peuples voisins, par la consla- inspiration venait de Dieu en quelque maniere.
tation de sa superiority et finalement par la conclusion Voir *Knobel, Der Prophetismus-der Hebrder, 1837;
de son unicite et de sa superiorite universelle, ils s'en *M. Nicolas, Du prophetisme hebreu, dans Etudes cri-
firent les apotres et les predicateurs. Ils travaillerent a tiques sur la Bible, Ancien Testament, Paris, 1862,
la faire accepter par les rois, les pretres et le peuple p. 301-442; *A. Heville, dans la Revue des deux mondes,
lui-me'me. La lutte futlongue et le triomphe nefut defi- juin 1867, t. LXIX, p. 823; 'Dillmann, Ueber die
nitif qu'apres le retour de la captivite de Baby lone. Propheten des alien Bundes, 1868; *Kuenen, Histoire
Ils furent aussi les createurs du culte moral. Aupara- critique des livres de I'Ancien Testament, trad, franc.,
vant, Jehovah n'etait honore que par des actes exterieurs Paris, 1879, t. n, p. 1-52; Id., De profeten en de
et par des sacrifices. Les prophetes decouvrent que le profetie onder Israel, 1875; trad, anglaise, Londres,
Dieu unique et veritable demande le culte du coeur, la 1877; 'Robertson Smith, The prophets of Israel and
justice, la vertu, Fobeissance a sa loi, superieure aux their place in history, Edimbourg, 1882; *Darmesteter,
victimes et aux sacrifices. Ainsi done, « la critique Les propheles d'Israel, Paris, 1895; *Cornill, Der
historique ne s'est pas bornee a detruire les croyances israelitische Prophetismus, 1894; 4e edit., Strasbourg,
traditionnelles, ainsi qu'on Ten accuse trop souvent. 1906; * Giesebrecht, Die Berufsbegabung der altlesta-
Elle a reconstruit apres avoir demoli. En replacant les mentlichen Propheten, 1897; *S. Michelet, Israels
prophetes d'Israel dans leur veritable milieu historique, Propheten als Trdger der Offenbarung, trad, alle-
elle a fait ressortir leur incomparable originalite, la mande, Fribourg-en-Brisgau, 1898; *Smend, Alttesta-
haute valeur de leurs predications enflammees; elle a mentliche Religionsgeschichte, 2e edit., Fribourg-en-
reconnu en eux de veritables ancetres de la conscience Brisgau, 1899, p. 78-93,187-200, 253-264; 'Kraelzschmar,
moderne, et s'ils ont perdu leur caractere miraculeux, Prophet und Seher im alien Israel, Tubingue et
ils y ont infiniment gagne en grandeur morale. » Leipzig, 1901; *A. Sabatier, Esquisse d'une philosophie
J. Reville, Le prophetisme hebreu, Paris, 1906, p. 2. de la religion, 1« edit., Paris, 1903, p. 154-162;
Mais enfm, en quoi consistait done, au sentiment de *B. Stade, Biblische Theologie des Alten Testaments,
ces critiques, Vinspiralion des prophetes, hommes Tubingue, 1905, t. I, p. 124-126, 131-132, 204-212;
d'action et ecrivains? L'ancien ralionalisme, celui de M. Reville, Le prophetisme hebreu. Esquisse de son
Voltaire et des encyclopedistes, ne voyait dans les pro- histoire et de ses destinees, Paris, 1906.
pheties que de pures conjectures sur 1'avenir religieux III. CRITIQUE. — Lespreuves, precedemmentdonnees
et politique, capables de seduire les simples et d'en- aux articles PROPHETE, col. 711, etPRoPHETiE, col. 730,
flammer les fanatiques, ou bien des predictions post de 1'inspiration divine des prophetes d'Israel rendent
eventum, c'est-a-dire Fhistoire du passe eerile sous inadmissib\e \e propheVisme, q\\i n'est qvi'iiTV essai
forme de prophetic, done un procede litteraire employe d'explication naturelle d'un phenomene surnaturel et
pour attirer Fattention, frapper 1'imagination et aider divin. Par consequent, nous pourrions nous borner a
la memoire. Les rationalistes plus recents ont rejete conclure que 1'institution prophetique en Israel et que
cetle fausse conception et reduit les oracles post even- son developpement seculaire ne se justifient pas par
turn a un minimum de predictions trop claires- Pour les seuls agents de 1'histoire, et qu'ils dependent d'une
eux, 1'inspiration des prophetes d'Israel, sans vertu surnaturelle, que les prophetes eux-memes ont
etre surnaturelle et directement divine, est cependant nomme 1'Esprit de Dieu. Cependant, comme cet Esprit
reelle et religieuse. Ils y sont alles par degres. Les divin a pu se servir des causes secondes agir et se
prophetes d'Israel ont d'abord ete des predicateurs manifester diversementsuivant les temps etles milieux,
d'une doctrine elevee, des hommes d'une foi profonde, il se pourrait qu'il y ait quelque verite dans ses mani-
des orateurs inspires par de grandes pensees, qui attri- festations exterieures, telles que les critiques les de-
buaient a Jahveh leur propre inspiration. Mais cette crivent, en ne tenant pas suffisamment compte de la
inspiration provenait de leur exaltation religieuse; ils puissance surnaturelle qui agit. II y a done lieu de se
la puisaient dans leur enthousiasme pour la vraie reli- demander si les conclusions des critiques sur le deve-
gion. Ils se mettaient constamment en rapport avec loppement de la prophetic en Israel ne sont pas cer-
Dieu, et ils se regardaient comme ses serviteurs et ses taines et conciliates avec Faction divine sur les pro-
messagers. Dieu, la religion, la morale etaient Pobjet phetes.
de leurs principaux discours. Ils rattachaient toutes 1° La distinction entre les voyants et les prophetes
leurs paroles a un ordre d'idees purement religieux; au temps de Samuel, si elle etait demontree, pourrait
mais ils s'inspiraient toutefois reellemenl de leurs se concilier avec 1'enseignement catholique, et elle
propres convictions, qu'ils attribuaient a Dieu. Des prouverait seulement la diversite des dons divihs et
critiques plus recents ont reconnu cependant dans ce des manifestations prophetiques. Mais ella est loin
743 PROPHfi.TISME 744.
d'etre certaine, et les raisons invoquees pour prouvera nalogies exterieures, elles ne permeltent pas de con-
la separation complete de cesdeux categories d'hommes clure a 1'identite du fond. Elles indiquent seulement
inspires ont paru insuffisantes a M. Jean Reville lui- que les premieres manifestations de 1'esprit prophe-
meme, Le prophetisme hebreu, p. 9. On recourt a des tique se produisirent sous des formes imparfaites,
traditions differentes, qu'on pretend discerner dans les adaptees aux usages de ces temps recules et aux idees
recits actuels des livres dits de Samuel. Mais la re- encore peu elevees du peuple juif. Pour le detourner
tlexion du redacteur, I Sam., ix, 9, montre qu'il n'y des pratiques superstitieuses des Chananeens, Dieu
avail pas, dans les documents qu'il connaissait, de daignait condescendre a la faiblesse humaine et donner
difference bien tranchee entre le ro'eh et le ndbi'. aux Israelites des moyens de communiquer avec lui et
D'ailleurs, Samuel, que Saul va consulter, n'ignore de connaitre ses volontes, meme en des choses de-
pas les nebi'im, dont il annonce la rencontre au futur moindre interet, par 1'intermediaire de ses prophetes,
roi comme^signe de la verite de la communication comme il 1'avait promis. Deut., xvm, 9-22.
divine et de la vocation a la royaute. I Sam., x, 5-7. Le soi-disant delire prophetique des nebi'im exaltes
Quand David s'est refugie aupres de Samuel a Ra- ne repose que sur quelques textes qu'on interprete
matha, Je voyant preside les scenes prophetiques des dans un sens defavorable. Saul devait rencontrer une
nebi'im. I Sam., xix, 18-20, 24. Ainsi done, dans les troupe de prophetes, qui descendaient du haut-lieu,
deux seules circonstances dans lesquelles il est ques- precedes d'instruments de musique et « prophetisant».
tion de ces nebi'im, Samuel, le voyant, est en rela- L'esprit du Seigneur devait se saisir de lui; lui-meme
tions avec eux. C'est un indice certain que la distinc- devait « prophetiser » et devenir un autre homme. Les
tion des deux categories de prophetes n'est pas aussi faits se passerent comme Samuel 1'avait annonce. Saul
evidente qu'on le pretend, et pour 1'introduire il faut rencontra les prophetes; 1'esprit divin s'empara de lui r
attribuer au redacteur du livre un travail de concilia- et au grand etonnement des assistants, Saul « prophe-
tion de deux traditions dont la diversite n'est pas de- tisa » avec eux. I Sam., x, 5, 6, 10-13. Rien dans ce
montree. M. Van Hoonacker distingue les prophetes recit ne decele des extatiques, et il n'est rien dit de la
de vocation personnelle, tels que Amos, etc., des pro- nature de 1'acte prophetique accompli. L'etonnemen
phetes par etat et consecration volontaire. Ceux-ci ont des assistants ne porte ni sur les qualites des nebi'im
ete groupes a 1'epoque de Samuel et de Saul, puis, ou la singularity de leurs actes, mais seulement sur le
dans le royaume du nord, autour d'Elie et d'Elisee. fait que Saul se mele a eux et est saisi lui-meme par
Du sein de ces corporations sortaient parfois de veri- 1'esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par
tables « hommes de Dieu », distingues par une voca- ces prophetes, voir t. 11, col. 1569-1570. Si, dans sa
tiOB personnels. Mais aussi de ces prophetes par etat maison, Saul commet plus tard des actes de fureur et
provenaient les faux prophetes, qui se pretendaient de folie, c'est qu'il etait sous Pinfluence d'un esprit
investis d'une mission d'en haut. Les douze petils pro- mauvais, qui s'etait empare de lui et qui n'avait rien de
phetes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-etre commun avec les actes prophetiques des nebi'im. Une
admise. seconde fois, I Sam., xix, 18-24, il prit part aux actes des
Quant a la nature des fonctions du voyant, on ne nebi'im, ainsi que les trois troupes de soldats qu'il avait
peut les reduire a celles de devin et de sorcier qu'en envoyees pour prendre David. Ici encore, les prophetes
ne prenant dans les recits actuels que ce qui va a la « prophetisaient ». L'esprit du Seigneur saisit les sol-
theorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des dats, et ils prophetisent a leur tour. On parle de con-
Vs&fcs&s, Yrafes, \feV& qxx'^vi %\V)fe\, A'stiesses egarees, tagion eommxmiquant le delire prophetique. Rien dans-
I Sam., ix, 8, 9, Samuel avait recu la veille une reve- le texte ne 1'indique. II y a seulement une action de
lation divine concernant Saul et sa vocation a la 1'esprit divin, qui fait participer les soldats aux exer-
royaute, 15, 16; et Dieu lui en donne confirmation, cices des prophetes, quels que soient d'ailleurs ces
quand Saul se presente, 17. I! n'a pas besoin d'etre exercices. Le cas de Saul est plus complique. En che-
mis au courant de 1'affaire, et avant d'avoir ete inter- min et avant d'arriver a Ramatha, il est deja sous
roge, il renseigne sur le sort des anesses, 20, et il 1'action de 1'esprit et il se met a « prophetiser ». S'il
s'engage a reveler le lendemain a Saul ses pensees les y a eu contagion, ca ete contagion a distance. Arrive a
plus intimes, 19. Si Saul se preoccupe du cadeau a Ramatha, il se depouille de ses vStements etil prophe-
offrir, c'est qu'il ne connaissait pas Samuel et que, sur tise avec les autres. « Et il tomba nu ce jour-la
les renseignements de son serviteur, il le prenait pour et la nuit suivante. » On voit ici la chute cataleptique
un devin ordinaire, 7. En fait, on ne raconte pas qu'il de 1'extase, en se referant a Balaam. Num., xxiv, 4,
lui ait offert la piece d'argent, dont parle le serviteur, 16. Plusieurs commentateurs catholiques 1'admettent,.
8. Les evenements furent tout autres que ceux qu'il quoique von Gall, Zusammentsetzung und Herkunft
attendait, et le lendemain, Samuel le traita royale- der Bileamperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie 1»
ment, 22-24. Plus tard, devant tout le peuple reuiii, parite avec Balaam, et justement, semble-t-il, puisque
Samuel declara qu'il n'avait jamais recu de presents ce devin a des visions, que n'ont pas les nebi'im de-
dans sa judicature, et le peuple le reconnut hautement. Saul. Ce detail, joint a la nudite et a la longue duree
I Sam., xir, 3-5. Si le sort est jete pour le choix du de 1'extase, rendle cas de Saiil fort singulier et extraor-
roi, c'est devanl la face de Jehovah, c'est-a-dire proba- dinaire. Ainsi entendu, il ne peut etre generalise et
blement aupres de 1'arche. I Sam., ix, 19. On n'en applique a tous les nebi'im. II semble plutot que c'est
peut conclure que Samuel etait un vulgaire sorcier. En un cas unique, qui s'explique, dans les circonstances
outre, le voyant est appele « homme de Dieu », I Sam., speciales, par les mauvaises dispositions de Saiil centre
ix, 6, 7, 8, 10, nom donne a d'autres prophetes, qui David, que Dieu voulait changer par une action plus
n'etaient pas des devins. I (III) Reg., xn, 22; XVH, 18; energique. Quoi qu'il en soit, ce sont la les seuls ren-
II (IV) Reg., iv, 9. La prevision des signes donnes du seignements que nous ayons sur les nebi'im exaltes,
ehoix divin, I Sam., x, 3-7, n'a pu avoir lieu qu'en contemporains de Samuel. Suffisent-ils reellement a
vertu du don prophetique. Done, le recit tout entier, le justifier la theorie qu'on echafaude sur eux? Aussi
seul sur lequel s'appuie la theorie du voyant, sorcier n'est-on pas fonde a traduire mitnabbe'im par « faisant
ou devin, nous montre en Samuel, le premier voyant les fous, les insenses », ou bien « etanl dans le delire
connu, un veritable prophete. Done, il ri'est pas prouve prophetique ». On n'a pas de raison non plus d'attri-
que la prophetic hebraique a tire son origine de la buer 1'occasion de leur exaltation religieuse a 1'oppres-
divination. Et s'il y a, entre quelques formes de la sion des Israelites par les Philistins. Quand ils appa-
prophetic primitive et la divination superstitieuse, des raissent dans les recits bibliques, les nebi'im n'ont
PROPHETISME -746
.aucune relation avec cette situation politique. On ne la combat. I (III) Reg., xx, 35-41. Quant aux pretendus
suppose que par comparaison avec les bene han- signes de Jehovah que les prophetes auraient portes au
nebl'im, qui entourent Elisee et qui luttent avec lui front et aux mains, c'est une de ces hypotheses singu^
•centre Achab. On conjecture qu'une cause analogue a lieres qui ne resistent pas a un examen attentif.
provoque 1'elan prophetique du temps de Samuel. Tout On suppose gratuitement qu'il voile son tatouage qui,
-cela ne sort pas du champ des hypotheses, et 1'existence decouvert, le fait reconnaitre par le roi pour un pro-
des prophetes exaltes, veritables corybantes de Jahve, phete. C'est au symbolisme de son action que le roi
ji'est pas prouvee. reconnait son caractere prophetique. Zacharie .parle de
D'autre part, nous sommes trop peu renseignes sur coups recus par le faux prophete qu'il met en scene,
ies actes des nebVlm de cette epoque pour nous faire et le terme qu'il emploie ne peut s'entendre d'un ta-
•tine idee juste de leur nature et de leur influence re- touage anterieur de ses mains. Cf. Laur, op. cit., p. 54-
ligieuse. En particulier, le cote extraordinaire de leurs 59. Si Amos, vn, 14, declare a Amasias qu'il n'est ni
manifestations collectives nous echappe completement, prophete ninls de prophete, c'est qu'il est peut-etre au
•et c'est abuser de quelques ressemblances generates debut de sa vocation et qu'il ne fait pas partie d'une
que de les assimiler entierement aux phenomenes con- communaute de fils de prophetes. 11 n'en affirme pas
vulsifs d'autres mouvements analogues plus recents. On moins sa mission divine et il ne rejette pas un titre
•ne peut, en tout cas, leur enlever tout caractere reli- qu'il regarderait comme injurieux, ne voulant avoir
.gieux et il est legitime de penser que ces bandes orga- rien de commun, pas meme le nom, avec ces insenses
nisees de devots serviteurs de Jehovah, courant le pays de prophetes. II repond a 1'insinuation malveillante
au son des instruments de musique, priant et peut-etre d'Amasias et il declare qu'il ne fait pas profession de
<pr6chant, ont, en un temps de marasme religieux, pro- prophete dans un but de lucre. Cf. Laur, op. cit., p. 39-
duit une grande impression. Us etaient une preuve 41,50-51; A. Van Hoonacker, Les dome petils pro-
manifesto de 1'action de Jehovah en Israel et ils ont pu phetes, p. 269.
•aboutir a relever le niveau religieux et moral de la Quant aux bene han-nebilm, on a pu les distinguer du
foule. L'Esprit de Dieu, qui agit differemment suivant ndbl' de Jehovah. Voir Laur, op. cit., p. 59-63. Les pre-
les epoques et les milieux, a suscite un 'mouvement miers ne seraient pas des prophetes proprement dits
•extraordinaire, capable d'exciter alors dans le peuple (quoique ieur designation biblique semble equivaloir a
la piete, 1'esperance en Dieu et la confiance en I'avenir* celle de nebi'im), mais des hommes menant, sous la
2° Si, comme nous le pensons, la premiere periode direction d'un ndbf, un genre de vie determine, sans
An prophetisme en Israel n'a pas presente les caracteres etre generalement doues de 1'esprit prophetique. Sur
imagines par les critiques rationalistes, la seconde pe- leurs associations, voir ECOLES DE PROPHETES, t. n,
riode, dite de transition, perd deja par le fait meme sa col. 1567-1570. Quoi qu'il en soit, ces fils de prophetes,
caracteristique generate, car il ne peut y avoir transi- groupes autour d'Elisee, ne presentent aucun de ces
tion d'un etat qui n'a pas existe a un etat futur. Elie caracteres excentriques et violents qu'on a voulu attri-
•differe beaucoup moins de Samuel qu'on ne le pre- buer aux prophetes exaltes du temps de Samuel. S'ils
tend, et c'est un indice assure que la serie des en sont les successeurs, ils en ont continue, avec des
jroyants se continue sans modification essentielle, et differences conformes aux temps, les fonctions et 1'es-
que, s'il y a progres, il n'est pas aussi sensible qu'on prit. Leur organisation parait plus reguliere et leur
le dit. Ce qu'on appelle le « galop » d'Elie devant le action non moins efflcace. Disciples des grands pro-
char d'Achab, accompli sous Faction divine,! (Ill)Reg., phetes, ils faisaient connaitre au peuple leur docirine
xvni, 46, avait sans doute pour but de frapper par sa et ils ont contribue a arreter 1'invasion du polytheisme
singularite 1'esprit du roi, au debut de 1'activite pro- en Israel. Ils elaient, dans cette eeuvre, personnelle-
phetique d'Elie. Si Elisee demande un harpiste avant ment animes de 1'Esprit de Dieu; cet Esprit les inspi-
de repondre a la consultation de Josaphat, II (IV) Beg., rait, les dirigeait et favorisait leur succes : ce qui appa-
in, 15, ce n'etait pas pour se preparer directement a rait tout a fait digne de Faction directe de Dieu sur son
1'inspiration prophetique qui ne dependait pas de peuple choisi.
moyens exterieurs, mais de la seule volonte de Dieu; 3° Les prophetes de la troisieme periode ne different
c'etaitpour calmer 1'irritation dont il s'etait anime lui- done pas essentiellement de ceux des periodes antece-
meme enparlant au roi d'Israel. II n'y a pas a s'etonner dentes. Ils continuent leur oeuvre de direction et
que des soldats, ayant remarque la fuite precipitee du d'enseignement par des moyens nouveaux,plus parfaits
fils de prophete qui etait venu sacrer Jehu, 1'aient en eux-memes peut-etre ou selon notre mode d appre-
traite d'insense. II (IV) Reg., ix, 11. Si 1'epithete a le ciation, mieux adaptes aux besoins de leur temps et
sens injurieux ou meprisant qu'on lui donne, cela produisant, par Fecriture, des effets plus durables de
•viendrait du peu d'estime que ces soldats avaient pour leur rninistere prophetique. Distinguer des formes in-
~Jes prophetes. On ne doit pas faire grand fond sur une ferieures et des formes superieures de 1'inspiration
injure ou une simple moquerie de caserne. Osee, ix, divine, c'est mesurer 1'action de Dieu aux idees hu-
dit seulement que le peuple traite d'insense le pro- maines. II reste cependant conforme aux lois de la
phete dont les avertissements I'importunent et qu'a ses providence que, puisque Israel avancait progressive-
.autres crimes il ajoute celui de persecuter ceux que ment dans la civilisation, qu'il etait plus directement
Dieu lui envoie. Dans sa lettre au pretre Sophonie, le en rapport avec les grands empires polytheistes et qu'il
faux prophete Semeias ne parle, selon son sentiment, avait besoin de mieux comprendre la religion et le
que des faux prophetes, des personnes qui feignent culte spirituels, Dieu ait choisi de nouveaux moyen&
etre saisies de 1'esprit de Dieu. Jer., xxix, 26. Si 1'ex- d'entrer en communication avec lui et ait, si 1'on veut,
pression est injurieuse, elle vient d'un adversaire et recouru a des formes plus parfaites d'inspiration pour
elle vise Jeremie, 27. Vraiment, on ne peut conclure eclairer ses prophetes. Ce developpement et ce progres
de ces fails que yayo ait jamais ete un nom ordinaire- de 1'esprit prophetique se comprennent tres bien et se
ment donne aux prophetes. Cf. Laur, Die Propheten- justifient logiquement. Us different, il est vrai, de ceux
namen des alien Testamentes, Fribourg, 1903, p. 38-40. que les critiques ont crees d'apres leurs vues naturelles
L'acte de ce fils de prophete qui se presente devant et leurs idees rationalistes.
Achab, la face voilee, n'est qu'une de ces actions sym- La seule remarque a ajouter est que les prophetes
boliques que les prophetes accomplissaient pourannon- du VIH« siecle ne sont pas les createurs du monotheisme.
cer la volonte divine d'une maniere plus expressive et La foi monotheiste d'Israel rembntait aux origines de
saisissante. II se fait blesser pour paraitre revenir du ce peuple, constitue precisement pour en etre le gar-.
747 PROPHETISME — PROPRIETE 748
dien dans I'humanite. Voir t. m, col. 1235-1237. Les 3° Signification. — 1. Le mot kapporet vient, d'apres
prophetes, nous 1'avons dit plus haul, col. 717, ont ete quelques anciens auteurs juifs et quelques modernes,
assurement les apotres et les propagateurs du mono- de kdfar, « couvrir » ; il designerait done le propitia-
theismo; mais ils ne 1'ont pas fonde. La creation du toire uniquement comme ittttz\j.z, « couvercle » de
monotheisme par les prophetes du vme siecle, non seu- 1'Arche. II est peu probable que les Hebreux aient at-
lement n'est pas demontree, mais encore elle se heurte tache un sens aussi restreint au rnot kapporet, qui
a des difficultes insurmontables qu'a bien fait valoir n'est d'ailleurs employe qu'a propos de 1'Arche. L'idee
1'abbe de Broglie, Questions bibliques, 2e edit., Paris, de « couvrir » elait tout a fait secondaire dans un
1904, p. 243-320. Leur role historique et 1'inftuence des objet qui portait les deux cherubins et servait de trone
prophetes d'Israel, tels que nous les avons exposes a la majeste divine. Puis, aurait-on appele le Saint des
pre'cedemment, col. 717, ne sont pas pour cela amoin- saints bet hak-kapporet, « maison du couvercle >r?
dris. De ce qu'ils les ont remplis et exerces sous 1'in- I Par., xxvin, 11. — 2. Les anciennes versions ont fait
spiration divine, leur gloire n'en est pas diminuee. C'est deriver le mot du piel kipper, qui veut dire « par-
un honneur pour un homme d'avoir ete I'instrument donner » et « expier ». Cf. Deut., xxi, 8; Ps. LXV, 4;
inlelligent, libre et docile de 1'Esprit inspirateur. L'in- Jer., xvm, 23; Exod., xxx, 15; Lev., i, 4, etc. L'assy-
spiration prophetique n'est pas une action mecanique rien kuppuru ou kapdru a aussi le sens de « purifier,
qui fait mou«oir des agents inconscients. Elle a sauve- essuyer ». Les takpirdti sont des purifications que
garde, nous 1'avons dit, avec la doctrine catholique, Ja Vdsipu applique a des personnel ou a des objets
conscience, 1'intelligence et la liberte des prophetes. divers. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriem et
Tout en maintenant leur inspiration surnaturelle, nous babyloniens, Paris, 1903, p. xxn-xxiii; Zimmern, Die
pouvons Jes saluer comme les plus grands hommes Keilinschr. und das A. T., Berlin, 1903, p. 601. L'arabe
d'Israel et les plus dignes representanls de Dieu dans kaffdrah, dans le Goran, designe une « expiation » ou
1'histoire du peuple choisi. La grandeur de 1'ceuvre un « moyen d'expiation ». Cf. Hughes, Diet, of Islam,
qu'ils ont accomplie est la marque la plus certaine que Londres, 1896, p. 259. Le sens de kapporet comporte
Dieu a parle par leur bouche. E. MANGENOT. done certainement 1'idee d'expiation. Les Septante
le rendent par c},a<iv/]piov,du verbe tXaaxo^as, « expier,
PROP1TIATOIRE (hebreu : kapporet; Seplante : rendre propice. » Dans 1'Epitre aux Hebreux, ix, 5, le
lXa<rrr|ptov, iirtfl£[j.a, ou seulement UaaTvjptov; Vulgate : meme mot designe le kapporet. La Vulgate 1'appelle
pfopitiatorium), plaque d'or qui couvrait 1'Arche d'al- propitiatorium, 1'endroit de la propitiation. Le sens
liance et portait les deux cherubins. Voir ARCHK D'AL- du mot est done surtout emprunte au rite de la fete de
LIANCE, t. i, col. 913-919. 1'Expiation. C'est invisiblement present sur le kap-
1° Description. — Le propitiatoire etait une plaque poret que Dieu recevait les marques authentiques du
d'or pur, longue de deux coude"es et deraie (Im31) et repentir d'Israel, c'est la qu'il accordait au peuple son
large d'une coudee et demie (Om78). Aux deux extre- pardon. La aussi Dieu communiquait ses volontes a
mites etaient places les cherubins d'or battu, qui fai- Moi'se. Mais ces communications divines se firent apres
saient corps avec le propitiatoire. Les cherubins se fai- Moi'se par I'Urim et le Thummin et le texte de I Reg.,
saient face, et leurs ailes deployees vers le haut xiv, 18, a supposer qu'il n'ait pas ete altere, n'indiqua
couvraient le propiliatoire, en laisant vide 1'espace du nullement que 1'Arche ait servi pour faire connaitre
milieu. Le propitiatoire etait pose au-dessus de au grand-pretre Achias la volonte divine. Tous les ans,
1'Arche. Exod., xxv, 17-21; xxvi, 34; xxx, 6; xxxi, 7; au contraire, le grand-pretre penetrait dans le Saint
xxxv, 12; xxxvn, 6-9; xxxix, 35; XL, 20. des saints pour y implorer le pardon divin. II etait
2° Destination. — 1. Le propitiatoire servait tout done naturel que 1'historien sacre parlat de la «. maison
d'abord a couvrir 1'Arche. Celle-ci, etant un coffre ou- de la propitiation », bet hak-kapporet. I Par., xxvin,
vrant par le haut et contenant differents objets, avail 11. Le propitiatoire d'or etait en realitc le siege de la
naturellement besoin d'un couvercle. Exod., xxv, 21. royaute de Jehovah sur Israel; c'est de la qu'il comman-
— 2. Le propitiatoire etait de plus 1'endroit ou le Sei- dait, c'est la qu'il pardonnait. Au lieu d'etre comme
gneur communiquait avec Moi'se. « La je me rencon- un accessoire destine a couvrir 1'Arche, le propitiatoire
treraiavectoietjete communiquerai, de dessusle propi- constituait au contraire la piece principale, dont 1'Arche
tiatoire, du milieu des deux cherubins,tous les ordres que etait comme la base. Aussi les ecrivains sacres aiment-
je te donnerai pour les enfants d'Israel. » Exod., xxv, 22. ils a appeler Jehovah « celui qui siege entre les che-
« Lorsque Moi'se entrait dans le Tabernacle de 1'allianee rubins ». I Reg., iv, 4; II Reg., vi, 2; IV Reg., xix,
pour parler avec Jehovah, il entendait la voix qui lui 15; I Par., xin, 6: Ps. LXXX (LXXIX), 2; xcix (xcxvni),
parlait de dessus le propitiatoire place sur 1'Arche du 1; Is., XXXVH, 16; Dan., HI, 55. Cf. Bahr, Symbolik
temoignage, entre les deux cherubins, et il lui parlait. » des mosaischen Cullus, Heidelberg, 1837, t. I, p. 379-
Num., VH, 89. C'etait la comme le trone de Dieu, 382, 387-395. — 3. Saint Paul dit que Jesus-Christ a
1'endroit ou il manifestait sa presence et rendait ses ete montre « comme UaoriQpiov, propitiatio, dans son
oracles. C'est cette presence ainsi manifestee que plu? sang par la foi. » Rom., m, 25. Le mot ftaorvipiov a ete
tard les Juifs ont appelee sekindh, « habitation ». Voir retrouve dans un certain nombre d'znscriptions; il y
GLOIRE DE DiEU,t. in, col. 252; ORACLE, t. iv, col. 1846. designe un « moyen » ou un « objet d'expiation » ou de
On comprend des lors pourquoi ce dessus du propitia- « propitiation ». C'est bien le sens de 1'hebreu kappo-
toire restait vide, pour servir de residence au Dieu ret. Quant a Notre-Seigneur, il est presente par
invisible et dont toute representation etait interdite. saint Paul comme « moyen » ou « instrument d'expia-
Les arches egyptiennes, au contraire, portaient toujours tion »; il expie « dans son sang x> et on s'applique
une image quelconque de divinite. Voir t. i, fig. 241, cette expiation « par la foi. » Cf. F. Prat, La theologie
242,245, col. 913,915, 918. - 3. Le jour de la fete de 1'Ex- de saint Pawl, Paris, 1908, p. 282, 287-289.
piation, le grand-pretre penetrait dans le Saint des H. LESETRE.
saints; la, prenant avec son doigt du sang du taureau PROPOSITION (PAINS DE). Voir PAINS DE PRO-
immole, il aspergeait la face orientale du propitiatoire POSITION, n, 2°, t. iv, col. 1957.
et faisait sept autres aspersions devant le propitiatoire.
II recommencait ensuite le meme rite avec le sang du PROPRIETE, droit en vertu du(juel une chose ap-
bouc immole. Lev., xvi, 14-15. Ces aspersions avaient partient en propre a quelqu'un.
pour but de presenter a Jehovah le sang des vietimes I. A L'EPOQUE PATRIARCALE. — 1» Dans le principe,
egorgees pour se le rendre propice. Dieu avail place Fhomme sur la terre en lui disant, a
749 PROPRIETY
lui et a tous ses descendants : kibsuhd, blir transitoirement, mais toujours a leurs risques et
aytris, subjicite earn, « soyez-en les maitres. » Gen., i, perils, comme le montre 1'histoire de Lot, Gen., xiv,
28. L'homme etait ainsi constitue le proprietaire de la 12-16, et celle d'Isaac. Gen., xxvi, 16, 17, 20.
terre, c'est-a-dire de tout ce qu'il pouvait en atteindre II. CHEZ LES BABYLONIENS. — 1° Le roi possedait de
par 1'exercice de son activite. Les animaux furent vastes domaines, a la lete desquels il placait des
egalement mis a sa disposition. Gen., i, 28; ix, 2, 3. administrateurs. On trouve mentionnes les ministres
Celte propriete devait-elle resterindivise ou se partagftr? du ble, les chefs des vignes, les chefs des troupeaux
Dieu ne 1'indiqua point. 11 laissa a 1'homme la liberte de boaufs, etc. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. W. As., t. n,
de disposer de sa propriete corame il le jugerait bon. pi. 31, col. n, 2; in, 22; vi, 4. Aux temples des dieux
De fait, ceux d'entre les hdmmes qui menerent la vie etaient attribues des territoires, des troupeaux, des
nomade exercerent leur droit de propriete sur le sol biens de toute nature, qui allaient sans cesse en s'accu-
en 1'occupant transitoirement et en exploitant ses pro- mulant et que se chargeaient d'amoindrir de temps a
duits spontanes pour leur usage et celui de leurs trou- autre des voisiris pi Hards ou des rois a court de res-
peaux. Mais deja les pasteurs nomades possedaient une sources. En principe, la terre etait le domaine impres-
propriete personnelle, celle de leur troupeau. Abel criptible des dieux; il convenait done que les deten-
offrait a Dieu les premiei's-nes de « son troupeau », teurs parliculiers tinssent compte de ce droit. Cf. Mas-
c'est-a-dire les premices d'un bien qui etait a lui. pero, Histoire ancienne, t. i, p. 676-678. Le roi accor-
Gen., iv, 4. D'autres s'etablirent a demeure fixe sur une dait a ses officiers des apanages comprenant maison,
partie du sol. Un fils de Cai'n, Henoch, batit une ville. champ et jardin. Ces domaines restaient inalienables
Gen., iv, 17. Le terrain occupe et les demeures elevees et la vente en etait,frappee de nullite. Le concession-
sur son emplacement devenaient, de droit naturel, la naire ne pouvait les transmettre a sa femme ni a sa
propriete des batisseurs. De plus, pour ^subsister, il fille, qui n'avaient droit qu'aux biens propresde 1'epoux
leur fallait aussi posseder des terres environnantes, et du pere. Celui-ci devait pourtant pouvoir transmettre
soil pour les cultiver, Gen., iv, 12, soil pour y elever a son fils les biens recus du roi, a moins qu'ils ne fissent
des troupeaux. La propriete se trouva ainsi constitute relour au donateur, ce sur quoi les textes ne s'expliquent
naturellement sous diverses formes, engendrees par pas. Cf. Scheil, Textes elamites-semitiques, Code de
des manifestations differentes de 1'activite humaine. Hammurabi, art. 35-41, p. 137. Les articles suivants,
2° En arrivant dans le pays de Chanaan, Abraham 42-65, p. 138-140, se rapportent a la gestion des pro-
amenait avec lui les biens qu'il possedait. Ces biens prietes particulieres. Les contrats chaldeens demontrent
consistaient surtout en troupeaux. Les Chananeens et que, dans la classe moyenne, chaque famille avait sa
Jes Pherezeens etaient alors £tablis dans le pays. Gen,, propriete qu'elle s'efforcait de conserver. La maison
xin, 7, Abraham et Lot n'en faisaient pas moins paitre etait leguee a la veuve ou au fils aine, a moins qu'elle
leurs troupeaux ici et la sans etre inquietes. Ayant restat indivise. Les terres, fermes, jardins et autres
constate qu'ils ne pouvaient rester ensemble, Lot s'en biens se partageaient enlre les freres ou les descendants
alia dans la plaine du Jourdain tandis qu'Abraham naturels. Au temple, a la porte du dieu, un arbitre
demcurait en Chanaan. II existait done alors desespaces presidait a la repartition, et quand celle-ci etait acceptee,
considerables, sur lesquels les habitants du pays ne il n'y avait plus a y revenir. Ces partages amoindrissaient
songeaient a revendiquer aucun droit de prepriete, ou graduellement les fortunes; au bout de quelques gene-
dont, tout au moins, ils laissaient le libre usage aux rations, 1'avoir des heritiers devenait trop mediocre
nomades. Dieu toutefois se reservait le droit de dispo- pour les faire vivre, et ceux-ci servaient de proie a des
ser de la propriete du sol, puisqu'il dit a Abraham : usuriers, s'ils ne parvenaient a releyer leur situation.
« Tout le pays que tu vois, je le donnerai a toi et a tes Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 748-749. Les
descendants pour toujours. » Gen., xin, 15. Sur ce sol terres Etaient limitees par des bornes. Voir BORNE, t. I,
occupe d'une maniere generate par des peuples seden- col. 1854.
taires, il y avail des proprietes particulieres. A Hebron, 2° En Mesopotamie, Bathuel, pere de Rebecca, etait
Ephron, fils de Seor, possedait un champ, et, au bout riche et possedait de grands troupeaux. Gen., xxiv,
de ce champ, la caverne de Macpelah. Abraham desi- 25, 32. Laban, frere de Rebecca, elevait au mSme
rait cette caverne pour y inhumer Sara et en faire un endroit de nombreux troupeaux, dont Jacob prit la garde
lieu de sepulture a lui. II fit marche avec Ephron et, pendant vingt ans. Gen., xxxi, 38. Mais Laban ne vivait
pour quatre cents sides d'argent, il acquit en toute pas en nomade; il avait une maison, Gen., xxxix, 13,
propriete le champ et la caverne, avec les arbres qui probablement avec des terres alentour, ce qui n'empe-
se trouvaient dans le champ et tout autour. Gen., xxm, chait pas de conduire les troupeaux jusqu'a trois jours
16-18. Dans les pays inoccupes, les nomades creusaient de marche, Gen., xxx, 36, dans des ehdroits dont
des puits pour les besoins de leurs troupeaux, et, bien 1'usage restait libre a tous.
que disputes par les populations sedentaires du voisi- 3° Quelques siecles plus tard, les Israelites furent
nage, ces puits demeuraient leur propriete. Gen., xxvi, transportes dans ce meme pays. Pendant que leurs
15, 18-22, 32. A Gerare, en pays philistin, Isaac put terres de Palestine etaient attributes a des colons
meme faire des semailles et recolter abondamment. etrangers, eux-memes occuperent celles qu'on leur
Gen., xxvi, 12. Les fils de Jacob allaient paitre leurs assigna en pays chaldeen. II Reg., xvn, 6, 24. La
troupeaux jusqu'a Sichem et Dothai'n, pendant que leur propriete ne leur fut ni interdite, ni inaccessible.
pere residait a Hebron, ou Abraham avait acquis une Voir CAPTIVITE, t. n, col. 234, 235, 239. Aussi Jeremie,
propriete. Gen., xxxvii, 1, 14, 17. En somme, au point xxis, 4, pouvait-il dire aux exiles : « Batissez des
de vue de la constitution de la propriete, le pays de maisons et habitez-les, plantez des jardins etmangez-en
Chanaan apparait deja a peu pres tel que les Hebreux les fruits. »
le trouveront au moment de la conquete. La population III. CHEZ LES EGYPTIENS. — 1° En Egypte, comme en
forme des agglomerations quipossedent les villes etles Babylonie, une grande partie du territoire etait la
bourgs epars a travers le pays. Les membres de ces propriete des temples. Diodore de Sicile, i, 21, 73, dit
agglomerations comptent parmi eux des hommes qui que le tiers du pays appartenait aux pretres. Son affir-
sont proprietaires de champs silues dans les alentours. mation a ete reconuue conforme a la realite. Le roi et
Puis, entre ces agglomerations, qui ont le hautdomaine les seigneurs se chargeaient d'arreter 1'extension de
sur les habitations et la campagne environnante, ces biens en mettant la main de temps en temps sur
s'etendent des espaces plus ou moins vastes, steriles les revenus des dieux. II etait de principe que, mise a
ou inoccupes, sur lesquels les nomades.peuvent s'eta- part la propriete des dieux, le sol entier appartenait
PROPRIETE 752
au pharaon. Mais celui-ci avail a faire de nombreuses present du fleuve. Toutefois, pour repandre ses bienfaits
largesses a ses favoris et aux seigneurs hereditaires. sur 1'Egypte, le Nil avait besoin d'une main puissante
Son domaine immediat ne s'etendait pratiquement que qui lui creusat des canaux et qui put diriger ses eaux
sur la moitie da pays; cedomaine se retrecissait quand fecondantes; la distribution des eaux du fleuve exigeait
les concessions devenaient trop nombreuses, et il se le eoncours de la puissance publique et de 1'autorite
reconstituait quand de grands fiefs luifaisaient retour par souveraine; il fallaitque le pouvoir des gouvernements
confiscation ou par quelqueautrevoie. Le pharaon exploi- intervint, et la necessite de cette intervention dut
tait directement une petite partie de ce domaine au changer en quelque sorte et modifier les droils de la
moyen de ses esclaves royaux; le reste etait eonfie a des propriete fonciere. » Michaud, Correspondance d'Orient,
fonctionnaires qui payaient uneredevanceannuelle.Les Paris, t. vni, 1835, p. 64.
seigneurs n'avaient droit qu'a 1'usufruit de leurs fiefs, 2° Joseph connaissait bien la situation, quand il
dont la propriete appartenait au pharaon. Cela ne les profita de la famine pour reconstituer le domaine royal.
empechait pas de s'y comporter en maitres absolus II commenca par vendre du ble aux Egyptiens, Gen.,
et de les administrer pour leur compte personnel, XLI, 56, puis, apres leur argent, il recut en paiement
soit directement, soit par des fermiers. Quelques leurs troupeaux. Gen., XLVII, 13-17. La famine se pro-
longeant, les Egyptiens eux-memes offrirent leurs
terres et se firent serfs du pharaon, afm d'obtenir du
ble pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint
ainsi la propriete du pharaon, a 1'exception des terres
des pretres, c'est-a-dire des temples, qui etaient inalie-
nables. Les Egyptiens continuerent naturellement a
occuper et a cultiver leurs champs, quoique passes
dans le domaine royal; mais Joseph leur imposa une
redevance d'un cinquieme sur leurs recoltes. Gen.,
XLVII, 18-26. Ordinairement, I'impot montait a un
dixieme. Cf. Revue des deux mondes, 15 fevrier 1875,
p. 815; Maspero, Histoire ancienne, t. I, p. 830, 331.
La mesure imposee par Joseph equivalait a une eleva-
tion d'impot, justifiee par les circonstances. Cependant,
grace a lui, le pharaon etait devenu le seul proprietaire
du pays, mis a part les dieux dont les proprietes fon-
cieres durent etre respeclees. L'auleur de la Genese,
XLVII, 26, dit que la loi imposee par Joseph etait encore
en vigueur de son temps. Herodote, n, 108,109, attribue
a Sesostris le creusement des canaux egyptiens et le
partage des terres entre tous les habitants, moyennant
le paiement d'une certaine redevance sur le revenu.
On sait que le nom de Sesostris, Se'soustouri, est un
sobriquet designant Ramses II, et que la legende
attribuait a ce prince bien des travaux et des exploits
qui remontaient a ses predecesseurs. Toujours est-il que,
pour faire le partage des terres, il fallait que Ramses II
ou un pharaon plus ancien les eut en sa possession, ce
qui confirme le recit de la Bible sur 1'administration
de Joseph. Ce partage n'empecha pas Ramses III de
se donner comme le proprietaire du sol de 1'Egypte.
Cf. Grand Papyrus Harris. Plus tard, d'apres Diodore
de Sicile, i, 73, le territoire etait divise en trois parts,
celle des pretres, celle du pharaon et celle des soldats.
Cf. Herodote, il, 168. En somme, dans les anciens temps
comme aujourd'hui, ilimportaitpeu a 1'Egyptien d'etre
proprietaire ou locataire du sol. Toute la question se
181. — Borne egyptienne. resumait pour lui a pouvoir le cultiver, a sauvegarder
D'apres Mariette, Monuments divers, pi. 47 a. sa recolte contre les depredations et a en abandonner
le moins possible aux collecteurs d'impots. Cf. Vigou-
cullivateurs libres reussissaient a acheter des domaines roux, La Bible et les decouvertes modernes, 6e edit.,
sur les territoires concedes par le pharaon, et dont, par t. n, p. 165-189.
fiction legale, celui-ci restait toujours proprietaire. Ces IV. CHEZ LES ISRAELITES. — 1° La legislation mosaique
cultivaleurs pouvaient d'ailleurs, sans nulle opposition, commence par consacrer le principe meme de la pro-
non seulement faire valoir leur domaine, mais encore priete, en rappeiant le droit naturel qui defend de de-
Je K'guer, le donner, le vendre ou en acheter de nou- rober, et en interdisant meme de convoiter la maison,
veaux. Us payaient pour cela une laxe personnelle et les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appar-
I'impot foncier. Les modifications apportees frequem- tient. Exod., xx, 15,17. Cette convoitise est prohibee en
ment a la configuration du terrain par les inondations 1ant qu'elle prend le caractere d'un acheminement a
du Nil obligeaient a reviser continuellement le cadastre 1'appropriation illegitime du bien du prochain. La loi
et a limiter exactenient chaque propriete par une ligne protege la propriete dans les differentes cireonstances
de steles (fig. 181), portant souvent le nom du proprie- ou elle peut etre menacee. Voir BORISES, t. i, col. 1854>
taire actuel avec la date du dernier bornage. Cf. Mas- DETTE, t. n, col. 1393; DOMMAGE, t. n, col. 1482; OBJETS
pero, Histoire ancienw, t. i, p. 288, 296, 303, 328. La TROUVES, t. iv, col. 1723; VOL.
constitution de la proprie'te en Egypte tenait a la nature 2° Le Seigneur, en vertu de son droit souverain,
meme du sol produeteur. « Ici tout vient du Nil, et les Lev., xxv, 23, donne a son peuple le pays des Chana-
lerres avec leurs riches productions, pour nous servir neens, pour qu'il en occupe les villes et les maisons.
d'une expression d'Herodote, il, 5, sont un veritable Deut., xix, 1. II en prescrit le partage suivant certaines
753 PROPRIETE 754
regies. A chaque tribu, a chaque famille est attribue un grands biens dans les diflerenles villes de Juda. II Par.,
lot inalienable. Ce lot devait primitivement se tirer au xvn, 13. D'autres, comme Achab, ne craignaient pas
sort et etre proportionne au nombre des membres de de recourir au crime pour agrandir leur domaine.
la famille. Num., xxxin, 54. Des precautions etaient Ill Reg., xxi, 15, 16. Les gros proprietaires Israelites
prises pour que ce lot ne sortil ni de la tribu, ni de la sont designes sous le nom de gibbore hctrhayil, les
famille, voir GOEL, t. m, col. 260; HERITAGE, t. in, « grands en force », Ttav Suva-bv iayy'i, polentes et di-
•col. 610, et pour qu'en cas d'alienation il revint a la fa- vites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents
mille au moins a 1'annee jubilaire. Voir JUBIIAIRE d'argent (8500000 fr.) verses au roi d'Assyrie, Manahem
((ANNEE), t. HI, col. 1752. Cette disposition s'appliquait imposa de cinquante sides d'argent (141 fr. 50) les
meme au champ voue a Jehovah et faisant partie d'un proprietaires du royaume. IV Reg., 19, 20. II en fallut
patrimoine. Lev., xxvn, 22-25. Aux levites etaient attri- done 60000 pour fournir la contribution. Pour qu'un
buees des villes speciales et des paturages a u tour de ces si grand nombre de proprietaires notables existat en
villes. Num., xxxv, 2-5. II est a croire qu'il en etait de Israel, la propriete fonciere devait etre assez morcetee.
meme dans les autres villes, autour desquelles la cam- En Juda, il y avait une tendance abusive a etendre les
pagne, sur une etendue variable, etait reservee aux proprietes. Isai'e, v, 8, le constate en ces termes :
habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce
Malheur a ceux qui ajoutent maison a maison,
terrain etait probablement morcele a proximite de la Qui joignent champ a champ,
ville ou du village; il restait, a une certaine distance, Jusqu'a ce qu'il ri'y ait plus d'espace,
propriete indivise. Le sol se trouvait ainsi loti a peu Et qu'ils habitent seuls au milieu du pays.
pres comme du temps des Chananeens : autour des
villes et des villages, des terrains attribues a chaque Cf. Mich., it, 2. Cet accaparement ne pouvait guere se
famille comme jardins ou champs destines a la culture; produire qu'au mepris de la loi sur 1'inalienabilite des
au dela, un territoire plus ou moins etendu servant en heritages familiaux. II avait pour effet de detruire cette
commun au paturage; enfin, entre ces territoires appar- egalite que la loi avait etablie, de -creer de grandes pro-
ienant aux villes ou aux villages, des espaces libres, prietes foncieres et, par la meme, de reduire a I'indi-
incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait. gence et d'eliminer peu a peu les petites gens, ceux qui
L'existence d'un territoire indivis ou communal autour font la force d'une nation, Aussi le prophete ajoutait-il
des villages parait supposee par quelques textes. Mi- que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passees
•chee, H, 5, dit au faux prophete : « Tu n'auras personne aux mains de quelques proprietaires, n'auraient bientot
qui etende chez toi le cordeau sur une part d'heritage plus d'habitants. Is., v, 9,
•dans 1'assemblee de Jehovah. » Jeremie, xxxvn, 11, 4° L'Israelite tenait pourtant avec une singuliere
sort de Jerusalem pour allerau pays de Benjamin, afin energie a son domaine familial. On aimait a ha biter en
de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-etre securite « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg.,
s'agit-il dans les deux cas d'un terrain communal, qu'on iv, 25, c'est-a-dire dans sa propre maison et sous les
divisait en portions tirees au sort chaque annee paries ombrages de son propre jardin. Michee, iv, 4, promet-
families du village. A cet usage se rapporterait 1'allusion tait la meme chose pour 1'epoque de la restauration
faite par le Psalmiste : spirituelle. Le vieux Berzellai, invite par David a le
Jehovah est la part de mon heritage et de ma coupe;
suivre a Jerusalem, preferait s'en retourner dans sa
C'est toi qui m'assures mon lot, ville pour y mourir pres du sepulcre de son pere et de
Le cordeau a mesur£ pour moi une portion delicieuse, sa mere. II Reg., xix, 37. Quand Achab offrit a Naboth
Oui, un splendide heritage m'est echu. d'acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure,
celui-ci lui repondit sans hesiter : « Que Jehovah me
Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. Buhl, La societe Israelite d'apres garde de donner 1'heritage de mes peres! » III Reg., xxi,
I'A. T., trad, de Cintre, Paris, 1904, p. 94-95. En tous 3. Le chatiment annonce par Elie a Achab et a Jezabel,
cas, la propriete devenait collective, au moins quant a apres le meurtre de Naboth, se rapportait a deux crimes :
1'usage, durant 1'annee sabba'tique. Exod., xxm, 11; « N'as-lu pas tue et pris un heritage ? » III Reg., xxr,
Lev., xxv, 6, 7. A la meme idee de propriete commune 19. Le verbe hebreu ydras signifie « prendre un bien
se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix, 9; xxm, hereditaire », Septante: sxXyipovosiTiffac, «tu as herite, »
22, Deut., xxiv, 19, de grapillage, Lev., xix, 10; tu as pris un bien d'heritage. Sous les patriarches,
Deut., xxiv, 21. et celui d'entrer dans un champ ou 1'heritage pouvait passer a un esclave, quand le maitre
dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou demeurait sans posterite. Gen., xv, 2, 3. Plus tard,
des epis. Deut., xxm, 24-25. 1'esclave intelligent arrivait a recevoir une part dans
3° La propriete privee n'en etait pas moins solidement rheritage. Prov., xvn, 2. Mais le cas ne devait pas se
constitute. Elle pouvait comprendre d'autres possessions produire assez frequemment pour modifier sensible-
que celles qui constituaient le domaine patrimonial. ment 1'assiette de la propriete. L'Israelite pouvait pour-
Lev., xxvii, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la pro- tant vouer a Jehovah sa maison ou son champ, lesquels
priete de la montagne d'Hebron, a condition d'en devenaient proprietes des pretres, si on ne les rachetait
chasser les Enacim. Jos., xiv, 11-14. Apres avoir donne pas. Lev., xxvii, 14-21. Sur la vente des maisons, voir
a sa fille Axa un domaine peu arrose, il lui en accorda MAISON, t. iv, col. 590.
un autre qui possedait des sources d'eau.-Jud., i, 14,15. 5° Dans sa description ideale de la nouvelle Terre
Par la culture de leurs terres, 1'elevage de leurs trou- Sainte, Ezechiel fournit de curieux renseignements, en
peaux et 1'extension de leurs dotnaines sur des terri- s'inspirant de 1'etat de choses anterieur, pour le consa-
toires inoccupes, certains Israelites devinrent tres riches, crer ou pour le corriger. Tout d'abord, le pays est par-
tels Nabal, I Reg., xxv, 2; Berzellai, II Reg., xix,32, etc. tage et tire au sort. Le prophete prevoit trois grandes
Les rois eurent naturellement des proprietes fort eten- parts. La premiere part est pour Jehovah; son sanctuaire
dues. II Reg., ix, 7. David possedait des champs, des y est eleve, et le reste du territoire est occupe par les
vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en levites. Une seconde part est attribute a la maison
differents endroits du pays, avec des preposes charges d'Israel et une troisieme au prince. Mais ce dernier
de faire valoir tous ces biens. I Par., sxvii, 25-31. Sa- devra se contenter de son lot et ne plus empieler sur
lomon faisaitadministrer les siens par douze intendants, celui du peuple. « Ce sera son domaine, sa possession
assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun en Israel, et mes princes n'opprimeront plus mon
d'eux pourvoyait pendant un mois a Tentretien du roi peuple et Us laisseront le pays a la maison d'Israel. »
fit de sa maison. Ill Reg., iv, 7. Josaphat possedait de Ezech., XLV, 1-8. A meilleur droit que les dieux
755 PROPRIETE 756
d'Egypte, Jehovah etail considere comme le souverain 1'utiJiser. II demande seulement aux plus aise"s de
proprietaire du sol. Ps. xxiv{xxm), 1,2. Israel rendait s'interesser a leurs freres pauvres, et a tous ses disci-
hommage a son droiten payant les redevances exigees, ples de faire passer en premiere ligne les biens spiri-
dimes, premices, etc. Le prince pouvait faire des dons, tuels.
a condition de les prendre sur son propre domaine> 2° Apres la Pentecote, les Chretiens de Jerusalem
sans espulser personne de sa propriete, et avec cette etablirent entre eux la eommunaute des biens. « Tous
clause que le don revenait au doraaine royal a 1'annee ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient
jubiliaire si d'autres que les fils du roi en avaient tout en commun. Ils vendaient leurs terres et Jeurs
beneficie. Ezeeh.,XLVi, 16-18. Nul dupeuple ne courait biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon
done le peril d'etre depouille de son Men, comme les besoins de chacun. » Act., n, 44, 45. Trois mille
1'avait ete Naboth. Chaque tribu doit avoir une part Juifs environ s'etaient convertis a la parole de saint
egale de terriloire, et ce terriloire forme une bande Pierre. Act., n, 41. Parmi eux se trouvaient bon nom-
allant de la mer a la vallee du Jourdain. Dans chaque bre de pauvres, de Juifs arrives de 1'etranger etde pro-
tribu, une portion est attribute non settlement a selytes sans grandes ressources, D'autre part, ceux qui
I'lsraelite, mais aussi an ger, a 1'etranger qui vit au demeuraient attaches au judaisme se montraient fort
milieu d'lsrael en respectant ses lois. Ezech., XLVII, 13, peu sympathiques a ceux de leur famille qui embras-
14, 21, 23. La capitate est comme une reduction de saient la foi nouvelle. II etait done convenable que,
tout le pays. II y a la encore la part des levites, la part parmi les convertis, les plus riches vinssent en aide
du prince et celle des habitants, pris d'ailleurs dans aux moins fortunes. Leurs revenus ne suffisant pas a
toutes les tribus. La ville n'est pas isolee; elle a une cette oeuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens
banlieue composee de champs et de paturages. Les pour en utiliser le prix. Rien ne s'opposait a la vente
artisans s'y livrent a la culture et pourvoient ainsi a la et a 1'achat des terrains. Naguere ie sanhedrin avait
subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans achete aupres de Jerusalem le champ d'un potier, avec
la ville. Ezech., XLVIII, 8-22. On le voit, c'est pour le les trente deniers de Judas. Matlh., xxvii, 7; cf. xm,
fond 1'organisation anterieure. faiais idealisee et visant 44. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches
a une egalite sociale qui n'a pas ete realisee. faisaient grand acte de charite; en meme temps, ils se
6° Au retour de la captivite, les Israelites trouverent degageaient de toute attache terrestre et se rendaient
les anciennes proprietes occupees ou a 1'abandon. libres pour le service de 1'apostolat, comme il arriva
Assez peu nombreux eux-memes, victimes de ealamites pour Barnabe. Act., rv, 37, Quand la chreliente de
et de vexations multiples, ils eurent peine a vivre de Jerusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de
leurs biens et beaucoup des rnoins aises en furent communaute fraternelle. « Nul n'appelait sien ce qu'il
reduits a engager leur avoir et a vendre leurs enfants possedait, mais tout etait commun entre eux... II n'y
comme esclaves. II Esd., v, 1-13. Nehemie parvint a avait parmi eux aucun indigent; tous ceux qui posse-
relever momentanement la situation. La prosperite daient des terres et des maisons les vendaient et en
materielle ne parait guere avoir repris que sous la apportaient le prix aux pieds des Apotres; on le dis-
domination des Ptolemees. tribuait ensuite a chacun, selon ses besoins. » Act., rv,
V. A L'EPOQUE EVANGELIQUE. — 1° Du temps de Notre- 32, 34, 35. Les choses se passaient ainsi sous la seule
Seigneur, la propriete ne reposait plus sur les memes action de la grace divine; on ne voit nulle part que les
bases qu'aux epoques anterieures a la captivite. Les chefs de 1'Eglise naissante aient impose un renonce-
tribus etaient plus ou moins confondues et seules les ment si desinteresse. L'Esprit du Seigneur portait les
genealogies en gardaient fidelement le souvenir. De fideles a mettre en pratique ce que le Sauveur avait
plus, beaucoup d'etrangers s'etaient etablis en Palestine presente comme un conseil de perfection, Matth., xix,
et y possedaient. Aussi, quand il fait quelque allusion 21, et nujlement comme une Condition necessaire a la
a la propriete, le Sauveur ne s'en occupe-t-il qu'au point vie chretienne. L'episode d'Ananie et Saphire le prouve
de vue moral ou ne la constate-t-il que comme un fait. surabondamment. Ges deux Chretiens avaient vendu
II parle du petit proprietaire, qui seme dans son une propriete pour en apporter le prix aux Apotres, en
champ, Matth., xm, 4, 2i, 31, et du grand proprietaire, se reservant cependant une partie du produit de la
qui a de nombreux esclaves, Matth., xvm, 23; Luc., xn, vente. Saint Pierre leur reprocha de mentir au Saint-
37; XVH, 7, qui possede de riches exploitations agri- Esprit en retenant quelque chose du prix de leur
coles, Matth.. xx, I; xxi, 33; Luc., xvi, 1, qui amasse champ et il dit a Ananie : « Ne pouvais-tu pas, sans le
d'abondantes recoltes, Luc., xn, 17, et fait valoir sa vendre, en rester possesseur? Et apres 1'avoir vendu,
fortune. Matth., xxv, 14; Luc., xix, 13. II mentionne, n'etais-tu pas maitrede 1'argent? s> Act., v, 4. II suit de
sans apprecier sa conduite, celui qui realise tout son la que les nouveaux fideles n'etaient obliges ni de ven-
avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu'un dre leurs proprietes, ni d'en donner le prix a la com-
tresorest cache. Matlh., ,xin, 44. Le pere du prodigue, munaute. La faute d'Ananie et de Saphire consista done
Luc., xv, 12, et Joseph d'Arimathie sont des riches. surlout dans une dissimulation accompagnee d'orgueil
Matth., xxvii, 57. Le mauvaisriche est condamne,non et de defiance envers la Providence. Ils voulurent se
pour sa richesse, mais pour le mauvais usage qu'il en procurer, aux yeux de 1'Eglise, la gloire de tout aban-
a fait. Luc., xvi, 19. Le Sauveur rappelle le commande- donner au bien commun, comme le faisaient leurs
ment qui protege la propriete legitime contre le vol, freres; mais en secret ils tinrent a garder en partie le
Matlh., xix, 18, mais il se met fort au-dessus de toute benefice de leur vente, comme si Dieu n'etait pas la
question d'interet temporel. Lui-meme n'a pas la pro- pour leur assurer le necessaire. Plusieurs Peres, se
priete d'ungite, Matth., vni, 20; Luc., ix, 58; il refuse referant sans doute a Lev., xxvii, 16-21, supposentque
de s'occuper d'une question d'heritage, Luc., XH, 14, 1'offfande totale des biens resultait d'une promesse ou
et presente les richesses comme un obstable a 1'entree d'un voeu qu'il etait criminel de ne pas accomplir inte-
dans le royaume de Dieu. Matth., xm, 22; xix, 23. A gralement. Cf. S. Jerome, Epist. cxxx, t. xxil,
tous, il ordonne de chercher avant tout le royaume de col. 1118; S. Auguslin, Serm. CXLVIII, 2, t. xxxvni,
Dieu et sa justice, Matth., vi, 23; Luc., xn, 31, et a col. 799; S. Gregoire, Epist. I, 34, t. LXXVII, col. 488.
ceux qui veulent devenirparfaits, il conseille derenon- 3° A cette meme epoque vivaient a part, sur le bord
cera toute propriete, Matth., xix, 21. En somme, Notre- de la mer Morte etdans 1'oasis d'Engaddi, lesesseniens,
Seigneur laissa en 1'etat la question de la propriete. totalement separes du reste de la societe juive. Une de
II suppose formellement sa legitimite, mais il aban- leurs lois fondamentales etait la communaute des biens.
donne a la liberte humaine le soin de la repartir et de Pour faire partie de leur association, il fallait mettre
757 PROPRIETE — PROSELYTE 758
son patrimoine a la disposition de tous, ne rien con- exemples de ces premiers Chretiens et a mettre a la dis-
server en propre, ne rien vendre et ne rien acheter au position de leurs freres dans la foi leurs maisons, pour
sein de lacommunaute, vivre dans la pauvrete en rece- y celebrer leur culte, leurs domaines ruraux, pour y
vant d'une caisse commune ce qui etait strictement creuser leurs sepultures. H. LESETRE.
necessaire pour la nourriture, le vetement, les soins en
cas de maladie, verser a cette caisse le produit de son PROSELYTE (Septante : TrpoaTjX'JTo;;; Vulgate :
travail, ne rien emporter en voyage, etc. Cf. Josephe, proselytus), etranger qui adhere plus ou moins com-
Bell, jud., II, VHI, 3, 4, 8, 9; Philon, Quod omnis pletement a la religion juive.
probus liber, 12, 13, edit.. Mangey, t. 11, p. 457, 458, I. DANS L'ANCIEN TESTAMENT. — Le mot TtpoayJAUTo?
632, 633. Les ecrivains du Nouveau Testament ne est particulier au grec de 1'Ancien Testament et ne se
font aucune mention des esseniens et les laissent can- trouve pas chez les classiques. Dans la Genese, XLVII,
tonnes dans leur orgueilleux et sterile particularisme. 9, Aquila traduit mdgur, « sejour a 1'etranger », ^{jipat
Les pharisiens les avaient en horreur, a cause de leur a; Trapoixw, peregrinatio, par TtpoaYiX-JTSu-jt;. Dans
prevention a e"tre des Juifs parfaits. Us disaient a pro- 1'Exode, xil, 40, les Septante traduisent £rer,« etranger »,
pos de leur communisme : « Celui qui dit : le mien est par Trpoo-riVuTo:, colonus. Dans Ezechiel, xiv, 7, les mots
a toi et le tien est a moi, est un niais. » Pirke aboth hag-ger 'dse'r ydgur beysrd'el, « 1'etranger qui reside
v, 14. Les doctrines singulieres des esseniens, leur fide- en Israel », sont rendus dans les Septante par Tipoo-rjlijToc
lite servile a la loi, leur eloignement systematique du iX, etdansla Vulgate parde
Temple, Petrangete de leur maniere de vivre ne per- proselytis quicumque advena fuerit in Israel, « qui-
metttent pas de dire que les premiers Chretiens aient conque des etrangers se sera etabli en Israel. » Le
vouiu les imiter. Ceux-ci avaient pour se guider les mot proselyte est encore employe pour designer les
exemples de la vie menee en commun par les Apotres, etrangers, gerlm, qui habitent parmi les Israelites,
les exemples et les conseils du Sauveur; et si le divin I Par., xxn, 2; II Par., n, 17; xxx, 25; Tob., i, 8 (7).
Maitre voulut mener une vie qui, au regard des biens En somme, dans les versions de 1'Ancien Testament,
decemonde, avail quelque analogic aveccelle des esse- ce mot signifie simplement « etranger ».
niens, il ne lui etait pas necessaire de recourir a eux II. A L'EPOQUE DU NOUVEAU TESTAMENT. — 1° Signifi-
pour en avoir 1'inspiration. L'esprit et la pratique du cation du mot. — Notre-Seigneur accuse les scribes et
detachement et de la charite fraternelle resultaient, les pharisiens de courir les mers et la terre pour faire
comme une consequence toute naturelle, des ensei- un proselyte qu'ils conduisent ensuite a la perdition.
gnements qu'il apportait au monde. D'ailleurs celte vie Matth., xxni, 15. Le mot ne signifie plus seulement
d'obeissance et de pauvrete en commun n'etait pas « etranger »; car alors la remarque du Sauveur ne se
totalement etrangere aux anciens Israelites; elle avait comprendrait pas. II s'agit d'un etranger conquis a la
du etre la vie de ces « fils de prophetes » qui se grou- croyance et a la pratique religieuse des Israelites. A la
paient autour de Samuel, d'Elie, d'Elisee et d'autres Pentecote, Tecrivain sacre signale la presence a Jeru-
pieux personnages. I Reg., x, 10; III Reg., xx, 35; salem d'« hommes pieux de toutes les nations », tant
IV Reg., n, 3; iv, 38, etc. juifs que proselytes. Act., H, 5, It. Ici encore les pro-
4° Le systeme inaugure par 1'Eglise de Jerusalem ne selytes sont autre chose que de simples etrangers.
pouvait etre que transitoire. Les esseniens excitaient D'autres noms eclairent la signification du precedent.
1'admiration du peuple par leur pauvrete volontaireet Des Strangers sont appeles 9060^11^01 rbv 6sov, timentys
leur charite. II etait bon de montrer que la doctrine Deum, les « craignant Dieu », Act., x^ 2, 22; XIH, 16,
nouvelle avait la puissance de faire pratiquer ces 26; (T£§6jAevoj TOV 0£ov, colentes Deum, les « servant
grandes vertus par tous ses adherents. Mais vint le Dieu », Act., xvi, 14; xvm,7, ou simplement
jour ou toutes les proprietes furent vendues et ou il colentes, Act., xin, 50; XVH, 4, 17, et une fois
devint fort difficile d'entretenir une societe nombreuse, upoa-^uTo;, colentes advc,nse,K etrangers servant »Dieu.
incapable de se suffire par son seul travail et n'ayant Act., XIH, 43. Cf. Josephe, Ant. jud., XIV, vn, 2. Ces
rien a esperer de ses anciens coreligionnaires. Quand noms differents designent les gerim ou « etrangers »
saint Paul vint a Jerusalem apres ses premieres mis- qui ont adhere de quelque fa?on a la religion juive.
sions, les trois apotres qui se trouvaient alors dans la Dans la Mischna, le mot ger, traduit par •rcpo<r/j),uTOi;,
capitale durent le prier de se souvenir des pauvres. dans les versions, prend souvent ce sens special d' etran-
Gal., n, 10. II fut fidele a cette recommandation. Voir ger converti. Cf. Bikkurim, i, 4, 5; Schekalim, l, 3,
AUMONE, t. i. col. 1251. L'experience montrait qu'au 6; vn, 6, etc. De ger, les talmudistes ont meme tire
point de vue de la propriete, la pratique du con- le verbe ni}gayyer, « se convertir ». Cf. Pea, iv, 6;
Seil ne pouvait devenir la regie generate parmi les Challa, in, 6; Pesachim, vin, 8, etc. Comme en
Chretiens. arameen ger devient giyyord', les Septante ont cree le
5° Les Apotres, dans leurs Epitres, ne disent rien mot ysuopac, Exod., xir, 19; Is., xiv, 1, pour designer
qui ait trait directement a la propriete. Saint Jacques, les reunions d'etrangers qui se joignent aux Israelites.
qui avait sous les yeux le contraste existant entre Ainsi, les deux mots ger et upoo-oXviro; ont perdu, dans
les pauvres de son eglise chretienne et les riches pro- la litterature juive, leur sens primitif pour en prendre
prie'taires du judai'sme sadduceen, maudit ces derniers un autre plus special. Philon, De monarch., I, 7, edit.
et les compare a la victime qui se repait encore le jour Mangey, t. 11, p. 2J9, de'finit les Ttpocr/jXurouc avcb TOO
oii on va 1'egorger. Jacob., v, 1-6, Saint Paul recom- •rcpoo-£)vY)X\j6£vGU x.atv^ xa\ ^O.oOiw iroXtrsta, « de ce qu'ils
mande de ne pas attacher son "coeur a ce que 1'on pos- s'approchent d'un genre de vie nouvelle dans laquelle
sede. I Cor., vn, 30. II veut que les ministres de Dieu, on aime Dieu. » Dans I'Evangile de Nicodeme, 2, il
qui possedent tout dans 1'ordre spirituel, II Cor., vi, est dit : « Que sont les proselytes? On lui dit : Cesont
10, se contentent, pour toute propriete, de ce qui est ceux qui sont nes enfants des Hellenes et maintenant
indispensable a la nourriture et au vetement. I Tim., vi, sont devenus Juifs. » Les Peres parlent des proselytes
8. Dans le cours de ses missions, 1'Apotre fut mis en dans leme'me sens; ainsi saint Justin. Dial, cum Tryph.,,
rapport avec des personnes qui disposaient de pro- 23, 122, t. vi, col. 525, 560, qui emploie le terme yv)o-
prietes considerables, Priscille et Aquila, qui entre- pa; pour designer la reunion des proselytes; saint Ire-
tenaient unecommunaute chretienne dans leur maison, nee, Adv. hxres., Ill, xxi, 1, t. vn, col. 946, qui appelle
a Corinthe, I Cor., xvi, 19, et a Rome, Rom., xvi, 5, Phi- Theodotion et Aquila des « Juifs proselytes »; Tertul-
lemon, auquel il demande 1'hospitalite, Philem.,22, etc. lien, Adv. jud., i, t. ir, col. 597, etc. Philon emploie
Des patriciens de Rome ne tarderent pas a suivre les parfois, comme synonymes de TrpoaviXuTos, les mots
759 PROSELYTE 760
?, qu'on retrouve dans les Septante, Job, xx, 26, de les initier a la connaissance et a la pratique de la
loi mosaiique. Cf. Josephe, Ant. jud., XVIII, HI, 5. A
2° La propagande juive. — i. Les Juifs ne jouis- Damas, la majorite des femmes etaient proselytes. Cf.
•saient pas d'une grande faveur dans 1'ancien monde Josephe, Bell, jud., II, xx, 2. A Rome, des femmes
greco-romain. Les ecrivains classiques lestraitent sou- celebres, comme Fulvie, pratiquaient le judai'sme, et
vent avec mepris, haine et injustice. Cf. Tacite, Hist., d'autres, comme Poppe'e, femnae de Neron, lui etaient
'¥, 4, 5, 8; Plutarque, Sympos., iv, 5; Juvenal, Sat., vi, favorables. Cf. Josephe, Ant.jud., XVIII, HI, 5; XX,vin,
160; xiv, 97,98,103-106; AmmienMarcellin,xxii,5, etc. 11. Non contents de s'affilier au judai'sme, de nobles
D'autre part les Juifs, par leur parti cularisme outre, etrangers venaient faire acte de religion a Jerusalem
leur antipathie pour les etrangers, lecaractere de leur mshne, comme le ministrede la reineCandace,Act.,vm,
dogme et de leur morale, si surprenants pour des paiens, 27, et la reine Helene d'Adiabene, qui se fit construire
semblaient destines a rester confines dans leur isole- un palaisdansla Ville sainte et se montra si genereuse
«ient. Mais la Providence avail ici tres manifestement envers les Juifs dans des circonstances difficiles. Cf.
•des vuesen contradiction avec les previsions humaines. Josephe, Ant. jud., XX, n-iv.
Les proselytes juifs devaient fournir a la propagande 3° Causes du succes de cette propagande. — l.Dieu
•chretienne des ames toutes preparees. La loi mosaiique favorisait, sans nul doute, une osuvre dont la realisation
devenait ainsi le vestibule de 1'Evangile, non seulement rentrait dans ses plans; mais il la laissait s'execuler
parson action preparatoire a la redemption et au regne par des moyens hurnains. De leur cote, les Juifs avaient
messianique, mais encore par une influence directe ete saisis par un zele veritable pour la propagation de
sur les ames des Juifs et sur celles que conqueraient leurs idees religieuses. Plus leurs adherents devenaient
les Juifs. C'en fut assez pour que ce peuple longtemps nombreux dans les villes e"trangeres, plus leur influence
jaloux de ses prerogatives, qu'il tenait pour incommu- se consolidait. Les hommes vraiment sinceres et reli-
nicables, travaillat a y associer des etrangers, et pour gieux y voyaienl un gain .pour la cause de la verite et
que ces derniers, malgre leurs prejuges contre une aussi pour la gloire de leur nation, Luc., n, 32; les
religion d'assez mauvais renom parmi eux, se missent autres regardaient cette extension comme un achemi-
a 1'etudier et a 1'embrasser en grand nombre. II y a la nement vers cette conquete du monde et cette domina-
•un phenomeme dont les explications naturelles ne suf- tion universelle sur les peuples, que les propheties
•fisent pas a rendre compte d'une maniere adequate. — semblaient promettre a Israel. Dans ce but, on employait
'2. A vrai dire, cette adoption des etrangers dans le sein des moyens divers. Pour convertir les Idumeens et en-
d'Israel, inauguree a la sortie d'Egypte, Exod., xn, 38, suite les Itureens, Jean Hyrcan et Aristobule leur don-
n'avait ensuite pris quelque developpement que dans nerent a choisir entre la mort, 1'exil ou la circoncision.
les pays de 1'exil, ou le contact immediat des Juifs per- Cf. Josephe, Ant. jud., XIII, ix, 3; xi, 3. Parfois, des
mettait de mieux apprecier leur religion. Tob., i, 7; fanatiques imposaient la circoncision par violence. Cf.
Esth., viir, 17. Mais la propagande ne devint vraiment Josephe, Vit., 23. D'autres faisaient de la propagande
-active et systematique que dans 1'empire romain. Notre- par des moyens ou pour des motifs peu avouables. Cf.
Seigneur constate ce zele, parfois exclusif et funeste Josephe. Ant. jud., XVIII, in, 5. Les precedes employes
dans ses resultats. Matth., xxm, 15. Saint Paul 1'attri- etaient le plus souvent de toute autre nature; mais les
bue a la conviction qu'avait le Juif d'etre « le guide des instances ne faisaient jamais defaut pour determiner
-aveugles, la lumiere de ceux qui sont dans les tenebres, une adhesion. De la le mot d'Horace, Sat., I, iv, 142 :
le docteur des ignorants, le maitre des enfants, ayant Veluti te Judssi, cogemus in hanc concedere turbam,
-dans la Loi la regie de la science et de la verite », et « nous te forcerons, comme font les Juifs a prendre
il lui reproche de ne pas pousser son zele jusqu'a rang dans cette foule. » — 2. La doctrine israelite exer-
s'instruire lui-meme. Rom., n, 19-21. — 2. La propa- cait une forte attraction sur- les esprits serieux qui,
gande eut tant de succes, dans le monde greco-romain, fatigues des hontes du paganisme et des pauvretes in-
que seuls, parmi les adeptesdes cultes orientaux, ceux tellectuelles du scepticisme, cherchaient une base solide
An culte d'Isis et de Mithra 1'emportaient sur ceux du a la croyance, un appui a Fesperance d'un avenirmeil-
judaiisme. Josephe, Cont. Apion., n, 10, constate que leur et une satisfaction a la fois digne et positive au
les Juifs etaient plus eloignes des Grecs par la distance besoin de Dieu qui torture le coeur humain. Les
que par les idees, et que beaucoup d'entre ces derniers ames ainsi disposees apprenaient que les Juifs posse-
avaient adhere au judai'sme, bien que tous n'y eussent daient des traditions merveilleuses et des donnees in-
pas persevere. II ajoute, Cont. Apion., n, 39 : « Depuis comparables sur les questions qui interessent la vie de
longtemps beaucoup desirent s'associer a notre ma- 1'ame; qu'ils avaient en main des livres sacres du plus
niere de servir Dieu. II n'y a pas de ville grecque ou haut interet; que ces livres sacres, sur le desir
barbare, pas de nation chez laquelle ne se soil intro- d'un Ptolemee d'Egypte, avaient ete traduits en grec,
•duite la coutume de celebrer le septieme jour, que pour etremisa la portee detous lespenseurs du monde
nous passons dans le repos, et ou Ton n'observe les greco-romain; que ces livres etaient interpretes par des
jeunes, les allumages de lampes et les abstinences de docteurs competents et que plusieurs d'entre ces der*
mets qui nous sont defendus. On s'efforce d'imiter niers, formes dans les celebres ecoles d'Alexandrie,
notre mutuelle entente, notre liberalite, notre applica- cherchaient a montrer que ce qu'il y avait de meilleur
tion aux metiers, notre patience dans les tourments que et de pluseleve chez les grands philosophes dela Grece
nous endurons pour nos lois. » Des temoignages ana- ne dififerait guere de 1'enseignement que professaient
logues sont fournis par Tertullien, Ad. nation., i, 13, les livres juifs. En fallait-il da vantage pour pousser
t. i, col. 579; Seneque, dans S. Augustin, De civ. Dei, beaucoup d'ames a une etude qui promettait de leur
vi, 11, t. XLI, col. 192; Dion Cassius, xxxvn, 17. Les donner satisfaction? L'experience leur en mpntrait
proselytes etaient en nombre a Antioche, cf. Josephe, d'ailleurs 1'a-propos. —3. Les motifs qui determinaient
Jiell. jud., VII, in, 3; a Antioche de Pisidie, Act., xm, les proselytes n'avaient pas toujours la meme noblesse.
16,26, 43, 50; a Thessalonique, Act., XVH, 4; a Alhenes, Ceux du temps d'Esther, vm, 17, desiraient surtout,
Act., XVH, 17, et a Rome. Cf. Horace, Sat., I, ix, 68-72; sans doute, echapper a des represailles ou partager la
Seneque, Epist. xcv; Perse, v, 179-183; Ovide, De art. faveur dont jouissaient alors les Juifs. Les etrangers
am., i, 75, 415; Tibulle, i, 3; v, 18; Juvenal, Sat.,xiv, transportes en Samarie pendant' la captivite ne devin-
.96-106, etc. Les femmes etaient plus nombreuses et rent juifs que par peur. IV Reg., XVH, 26-29. D'autres, a
plusempressees que les homines a embrasser le judaiisme. 1'epoque romaine, tendaient surtout a partager les pri-
-Act., xm, 50; xvir, 4. Certains Juifs faisaient profession vileges accordes aux Juifs par Pautorite, 1'exeniptioa
761 PROSELYTE 762
du service militaire, par exemple. Cf. Josephe, Ant. qui habite dans les portes ou le pays d'Israel, la porte
jud., XIV, x, 13. Ceux qui voulaient profiler de 1'in- etant prise souvent pour la ville elle-meme. Deut., xn r
fluence, du credit, de 1'assistance des Juifs dans une 12; xiv, 27; III Reg., vni, 37, etc. Voir PORTE, col. 548.
ville, erabrassaient le jada'isme.Onen faisait autant en Get etranger devait se soumeltre aux lois imposees a
vue d'un mariage, cf. Josephe. Ant. jud,, XVI, vn, 6, tous les hommes qui n'etaient pas juifs, c'est-a-dire a
ou d'inlerets qui n'avaient rien de religieux. Toutefois ce que Ton appelait les sept commandements des fils
le nombre de ceux qui devenaient proselytes sans vraie de Noe concernant : 1° I'obeissance aux juges; 2° le
conviction se tenait dans des limites relativement res- blaspheme; 3° le culte des idoles; 4° 1'impurete; 5° le-
treintes, a raison des sarcasmes dont les Juifs etaient meurtre; 6°le vol; 7° la chair avec le sang. Gen., ix, 4.
1'objet de la part de la populace pai'enne, cf. Horace, Cf. Sanhedrin, 56 b. II va de soi que, depuis la con-
Sat., I, iv, 142; Martial, vi, 29, 34, 81; xi, 95; xn, 37, quete romaine surtout, les Grecs, Romains et autre*
et des mesures severes que le gouvernement prenait etrangers etablis en Palestine se mettaient fort peu en.
contre eux de temps a autre. Cf. Tacite, Ann., 11, 85; peine d'observer ces sept lois noachiques, de telle fa-
Suetone, Claud., 25; Domit., 12. — 4. Tout en tenant con qu'aucune difference pratique ne subsistait plus
compte des abus qui se produisirent naturellement, il entre I'etranger vivant au milieu des juifs et I'etranger
est juste de reconnaitre le succes de la propagande residanthors de Palestine. Les noms de ger, de ger tosdb
juive, le zele qui portait des scribes et des pharisiens et de ger has-sa'ar ne representaient done plus des
a traverser les mers et a parcourir laterre pour y tra- situations differentes. — 3. Les homines « craignant »
vailler, Matth., xxiii, 15, et aussi le reel devouement ou « servant Dieu » sont ainsi en dehors des deux
des nouveaux proselytes qui adheraient a une doctrine autres classes. Corneille, par exemple, « religieux et
elevee, sansdoute, mais qui en meme temps s'assujettis- craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, faisait beau-
saient a des pratiques assez onereuses. II est a regretter coup d'aumones au peuple et priait Dieu sans cesse. »
cependant que les missionnaires juifs aient trop sou- Act., x, 2. Mais il n'etait pas circoncis; saint Pierre
vent communique a leurs proselytes 1'esprit d'orgueil craignaitde se commettre avec quelqu'un qui n'appar-
et de formalisme qui les caracterisait eux-memes, de tenait pas au judai'sme, Act., x, 10-16, et les fideles
maniere a faire de leurs nouveaux disciples, ainsi que s'etonnerent beaucoup que le Saint-Esprit descendit
Notre-Seigneur le leur reproche, « des fils de gehenne, sur des gentiis. Act., x,45; xi, 3. Les hommes tels que
deux fois plus qu'eux-memes. » Meme convertis au Corneille n'etaient pas regardes comme juifs, parce-
christianisme, ces proselytes seront pour 1'figlise nais- qu'ils n'avaient pas recu la circoncision; et cependant,
sante une cause de grandes difficultes. Voir JUDAISANTS, par leurs croyances et leurs pratiques, ils etaient aussi
t. in, col. 1778. proches des Juifs sincerement pieux qu'eloignes du
4° Les proselytes juifs. — 1. Ainsi qu'il fallait s'y commun des pai'ens. Les convertis de cette espece-
attendre, il y avait parmi ces proselytes des convertis s'etaient multiplies autour des juiveries officielles, et
inconstants, comme 1'avoue Josephe, Cont. Apion., n, 1'appoint qu'ils fournirent au christianisme naissant
10, et d'autres qui n'acceptaient la loi juive qu'en par- depassa probablement celui qui lui vint des Juifs propre-
tie. (Test a eux que saint Paul ecrivait : « Je declare ment dits. Ce judai'sme incomplet ne comptait pas aux
encore une fois a tout homme qui se fait circoncire, yeux des Juifs de stricte observance, comme le montre
qu'il esttenu d'accepter la loi tout entiere. » Gal., v. 3. 1'appreciation des judeo-chretiens de Jerusalem au su-
Cependant, on passait outre quelquefois. Ainsi, quand jet du bapteme de Corneille. Beaucoup s'en conten-
Izate, fils d'Helene et roi d'Adiabene, voulut se faire taient cepeodant, n'attachant qu'une importance secon-
circoncire pour devenir juif parfait, samere s'y opposa, daire au rite de la circoncision, qui, d'ailleurs, les
pour ne pas causer de troubles dans le royaume; mais decelait et leur attirait des sarcasmes dans les thermes
un marchand juif, du nom d'Ananias, declara au roi publics. Voir CIRCONCISION, t. n, col. 778. Aussi est-il
« qu'on pouvait parfaitement servir la divinite sans la probable que, parmi les Juifs de la dispersion, la pro-
circoncision, pourvu Iqu'on fut resolu a adopter les pagande religieuse n'obtenait pas toujours tout son
antiques coutumes des Juifs, qui importaient bien effet; beaucoup se decidaient a vivre a la juive; les
davantage que la circoncision ». Josephe, Ant. jud., vrais proselytes allant jusqu'a recevoir la circoncision
XX, n, 4. Un autre Juif, nomme Eleazar, meilleur etaient beaucoup moins nombreux. On le conclut des
interprets de la Loi, donna ensuite une decision con- mentions frequentes qui sont faites dans les Actes de&
• traire a Izate, qui se fit circoncire. II n'en est pas hommes «craignant Dieu ». II n'y a done pas de valeur-
moins a penser que beaucoup partageaient les idees a attacher a la division des proselytes adoptee par cer-
d'Ananias. Us croyaient au Dieu unique, dont aucune tains auteurs, qui distinguent les proselytes « de la
representation n'etait permise; ils 1'honoraient, fre- porte » et les proselytes « de justice ». Les Juifs ne
quentaient les synagogues et observaient la loi mo- reconnaissaient d'autres proselytes que ces derniers..
sai'que, mais en se bornant aux points principaux. Ce Depuis la conquete grecque, la Palestine ne comptait
sont ces hommes que Ton designait sous le nom de plus guere de proselytes « de la porte », ou etrangers-
dsSoasvot ou qpoSo-jfAEvoi TOV 6edv, colenles ou timentes soumis aux lois noachiques. Quanl aux hommes
Deum, « ceux qui servent » ou « craignent Dieu ». « craignant Dieu », sans aller jusqu'a 1'adoption com-
Act., xiii, 43; x, 2, etc. Les anciennes inscriptions plete de la loi mosai'que, ils avaient une religion bien
latines enregistrent de temps en temps quelque me- superieure a celle des proselytes « de la porte »,
tuens ou observateur des coutumes juives. Cf. Corp. anciens ou nouveaux.
insc. lat., t. v, 1, 88; t. vr, 29759, 29760, 29763; t. vm, 5° Obligations et droits des proselytes. — 1. Pour
4321, etc. — 2. Or, ces hommes vivant a la juive ne devenir proselyte de justice, c'est-a-dire proselyte com-
sont pas de veritables proselytes. On les appelle ordi- plet et veritable, cf. Matth., m, 15, il fallait tout d'abord
nairement gere has-sa'ar, « proselytes de la porte », se soumettre a trois conditions, la circoncision, le
tandis que les autres sont nommes gere has-sedeq, bapteme ou ablution conferant la purete legale et un
« proselytes de justice ». Mais 1'identification des sacrifice. Lesfemmessecontentaient des deux dernieres-
« hommes craignant Dieu » et des « proselytes de la conditions. Cf. Keritholh, 81 a; Yebamoth, 46 a; Pe~
porte » est arbitraire; la Mischna ne la connait pas. sachim, vm, 8; Eduyoth, v, 2; etc. La circoncision
Celle-ci distingue seulement entre le ger, I'etranger incorporait le gentil au peuple juif, 1'ablution le puri-
proprement dit, et le ger tosdb, I'etranger colon, qui fiait selon la loi levitique et le sacrifice expiait ses-
habite au milieu du peuple d'Israel. Le ger has-sa'ar peches. Apres la destruction du Temple, la troisieme
ne serait pas autre chose que ce dernier, I'etranger -condition devint naturellement impossible a remplir^
763 PROSELYTE — PROSTERNEMENT 764
— 2. Les proselytes devaient se conformer a toute la loi 15, dans Nov. Test, ex Talmude illuslratum de Meu-
mosai'que et acquitter loutes les redevances sacrees. schen, 1736, p. 649-676; Liibkert, Die Proselyten der
Cf. Gal., v, 3; Bikkurim, i, 4; Schekalim, i, 3, 6; Pea, Juden, dans Stud, und Krit., 1835, p. 681-700; Weill,
iv, 6; Challa, m, 6, etc. Cependant ils n'etaient tenus Le proselytisme chez les Juifs selon la Bible et le
a ces redevances que pour les biens acquis posterieure- Talmud, Strasbourg, 1880; Friedlaender, La propa-
ment a leur conversion. Cf. Pea, iv, 6; Challa, m, 6; gande religieuse des Juifs grecs avant I'ere chre-
Chullin, x, 4. Les freres nes avant la conversion de tienne, dans la Revue des etudes juives, t. xxx, 1895,
leur mere n'etaient pas obliges au levirat. Cf. Yeba- p. 161-181; et surtout Schiirer, Geschichte des judis-
moth, xi, 2. Aux filles nees avant la conversion de chen Volkes ini Zeil. J.-C., Leipzig, t. in, 1898, p. 102-
leur mere ne s'appliquait pas non plus la loi du Deu- 135, qui donne tous les textes et toutes les references
teronome, xxn, 13-21. Cf. Kethubolh, iv, 3. Les jeunes sur le sujet. 'H. LESETRE.
filles proselytes ne pouvaient epouser un pretre; les
filles de proselytes ne le pouvaient que si elles deseen- PROSTERNEMENT, attitude qu'on prend en se
daient d'un cote d'ancetres Israelites, a la dixieme ge- rnettant a genoux devant quelqu'un et en inclinant la
neration au plus. Cf. Yebamoth, vi, 5; Kidduschin, tete versle sol. — En prenant cette posture, on temoigne
iv, 7; Bikkurim, I, 5. Les jeunes filles proselytes pou- qu'on se fait humble et petit devant celui auquel on
vaient epouser ceux que le Deuteronome, xxm, 1, 2, veut rendre hommage, qu'on remercie ou dont on
interdit aux juives de prendre pour epoux. Cf. Yeba- attend quelque faveur. Les hommes se prosternent en
moth, vin, 2. Elles n'avaient pas le benefice de la loi diverses circonstances : — 1° Devant Dieu. Ainsi font
de 1'Exode, xxi, 22. Cf. Baba kamma, v, 4. Elles Eliezer, Gen., xxrv, 52; Moi'se, pendant quarante jours
etaient cependant obligees par celle des Nombres, v, 11- et quarante nuits, Deut., ix, 18; Tobie et sa famille,
28. Cf. Eduyoth, v, 6. — 3. En principe, les proselytes pendant trois heures, fob., xn, 22; Judith et les Israelites
e"taient assimiles aux Juifs de naissance; en realite, il ses compatriotes, Judith, VH, 4; ix, 1; x, 1, 20; les
subsistait entre les uns et les autres une distinction Machabees, II Mach., x, 4, une fois pendant trois jours.
notable. Au proselyte, en effet, manquait toujours la II Mach., xm, 12. Le Psalmiste invite son peuple a se
descendance d'ancetres juifs. « Quand un proselyte prosterner devant Jehovah pour 1'adorer. Ps. xcv (xciv),
apporte ses premices, il ne recite pas la confession 6, et il annonce que les nations se prosterneront devant
indiquee Deut., xxvi, 3, parce qu'il ne peut pas dire : lui. Ps. LXVIII (LXVII), 31; LXXII (LXXI), 9. Le Sauveur
Que tu as jure de nous donner. Si sa mere etait Israe-
lite, il peut reciter la confession. Si le proselyte prie
a part, il doit dire : Dieu des peres d'Israel. S'il prie
dans la synagogue, il doit dire : Dieu de vos peres. Si
sa mere etait Israelite, il doit dire:Dieu de nos peres. »
Bikkurim, i, 4. II y avait la comme une ligne de de-
marcation que le proselyte ne pouvait franchir et qui
lui rappelait sans cesse son origine. D'ailleurs le rang
qu'il devait occuper dans la societe juive lui etait ainsi
assigne : « Le pretre a le pas sur le levite, le levite sur
1'Israelite, 1'Israelite sur le batard, le batard sur le
nalhineen, le nathineen sur le proselyte, le proselyte
sur 1'esclave affranchi. » Horayoth, in, 8.
6° Les interdictions. — D'apres la loi du Deutero- 182. — Serviteurs prosternes devant leur maitre.
nome, xxm, 2, 3, il etait interdit de recevoir dans D'apres Champollion-Figeac, L'&gypte ancienne, dans
1'assemblee de Jehovah, c'est-a-dire dans la societe des I'Univers pittoresque, de Didot, 1839, pi. 38.
Israelites, meme a la dixieme generation, par conse-
quent a jamais, comme 1'explique le texte, le mamzer, se prosterna trois fois devant son Pere pendant son
1'Ammonite et le Moabite. Voir MAMZER, col. 637. On agonie. Matth., xxvi, 39; Marc., xiv, 35. Les vingt-quatre
ne pouvait done recevoir de proselytes ayant cette ori- vieillards sont pros [ernes devant le trone de Dieu dans
gine. Mais, avec le temps, il devint impossible de le ciel. Apoc., iv, 10. — 2° Devant les idoles. La Loi
remonter tres haut dans la genealogie des etrangers defendait de se prosterner devant des images taillees.
qui demandaient a faire profession de judai'sme. Aussi Lev., xxvi, 1. C'est ce que faisaient les idolatres. Is.,
les docteurs se montrereht-ils faciles sur ce point, XLIV, 19; XLVI, 6. Voir t. i, fig. 36, col. 234. Naaman
pour la raison que les Ammonites et les Moabites vises etait oblige, par son service aupres du roi de Syrie,
par la Loi n'existaient plus depuis longtemps. Cf. Ya- de se prosterner devant le dieu Remmon. IV Reg.,
dayim, iv, 4. Les Idumeens et les Egyptiens pouvaient v, 18. A Babylone, on se prosterne pour adorer la
etre recus a la troisieme generation. Deut., xxm, 7, 8. statue de Nabuchodonosor. Dan., m, 6, 10, 15. —
Vers 1'epoque evangelique, cette troisieme generation 3° Devant les anges. Lot se prosternait le visage centre
datait de fort loin. II ne subsistait done aucune terre pour accueillir les anges qui le visitent a Sodome.
difficulte pour recevoir au proselytisme ceux de ces Gen., xix; 1. — 4° Devant le roi. On voit se prosterner
nations qui le sollicitaient. Cf. Josephe, Ant. jud., devant David Abigail, I Reg., xxv, 23, Miphiboseth,
XIII, ix, 1; xi, 3; xv, 4, 7, 9. Pratiquement, la porte II Reg., ix, 8, et Semei', II Reg., xix, 18. Esther se
etait ouverte a tous; les conditions imposees etaient prosterna devant Assuerus. Esth., vm, 3. Les subalternes
par elles-memes assez onereuses pour qu'on n'exigeat n'approchaienl d'un roi qu'en rampant ou enseproster-
pas de celui qui les acceptait volontairement des ga- nant. Voir t. n, fig. 541, col. 1637. Sur 1'obelisque de Sal-
ranties trop difficiles a fournir. Le proselytisme juif manasarll,on voit Jehu proslerne devant le roi assyrien.
put done ainsi se donner libre carriere, et preparer Voirt. i, fig. 37, col. 235, — 5° Devant un grand. Joseph
inconsciemment a 1'Evangile de devoues disciples et voit en songe les gerbes de ses freres se prosterner
un certain nombre d'adversaires acharnes. devant la sienne, le soleil, la lune et onze etoiles se
Voir Slevogt, De proselytis Judxorum, lena, 1651, prosterner devant lui, et son pere se demande si les
et dans Ugolini, Thesaurus, t. xxn, p. 841; Muller, parents et les freres de Joseph auront a se prosterner
De proselytis, dans le meme volume d'Ugolini; Wahner, de meme. Gen., XXXVH, 7, 9, 10. C'est pourtant ce qui
De Ebr&orum proselytis, Goetlingue, 1743; Danz, Cura arriva plus tard. Gen., XLH, 6. En Egypte, on se pros-
Judseorum in conquirendis proselytis, ad Matt., xxm, ternait ainsi devant un dignitaire (ng. 182). Joseph a
765 PROSTERNEMENT — PROSTITUTION 766
son tour, se prosterne devant son pere. Gen., XLVIH, 12. aupres de son beau-pere. Elle s'assied au bord du che-
Achior se prosterne devant Judith, xm, 30. Plus tard, min et se voile le visage. A ce signe, Juda la prend
le centurion Corneille se prosterne devant saint Pierre, pour ce qu'elle n'est pas, fait marche avec elle et con-
Act., x, 25, et le geolier de Philippes devant Paul et vient de lui payer un chevreau. Celle-ci demande des
Silas. Act., xvi, 29. — 6° Devant celui qu'on sollicite. gages qui lui sont accordes, et c'est a ces marques que
II faut se prosterner devant celui pour lequel on a Juda reconnait ensuite celle a qui il s'est si facilement
repondu, afin d'etre delivre de la caution. Prov,, vi, 3. abandonne. L'acte qu'il s'est permis ne semble pas lui
On se prosterne devant le creancier pourobtenir remise causer beaucoup de honte, car il en parle a un ami
de la dette. Matth., xvni, 26, 29. Abraham se prosterne qu'il charge de porter le chevreau convenu. II n'en
devant le peuple d'Hebron afin d'obtenir qu'on lui vende songe pas moins a faire bruler Thamar, quand on lui
la caverne de Macpelah. Gen., xxm, 7. — Devant Jesus- dit que celle-ci s'est livree a la prostitution. Gen.,
Christ. Les Mages se prosternent pour 1'adorer. Matth., XXXVHI, 14-25. La peine portee contre Thamar nevisait
n, 11. Saint Jean-Baptiste se reconnait indigne de se pourtant pas la prostitution elle-meme, mais la preva-
prosterner devant lui pour detacher les cordons de ses rication que Juda, en tant que chef de famille, avail a
sandales. Marc., i, 7. Devant Jui se prosternent ceux reprocher a la femme veuve d'un de ses fils et promise
qui demandent une faveur, le chef de la synagogue, a un autre. La courtisane Rahab avail sa maison a Je-
Marc., v,22; Themorrho'isse,Marc., v, 33; Luc., vm, 47; richo. Jos., n, 1. Samson alia chez une autre courti-
la Chananeenne, Marc., vn, 25; le pere du possede, sane dans la ville philistine de Gaza. Jud., xvi, 1.
Matth.", xvn, 14; lelepreux, Luc., v, 12; le demoniaque, II. LA LEGISLATION MOSAi'QUE. — 1° Moi'se devait pre-
Luc., vm, 28, et ceux qui veulent adorer et temoigner munir les Hebreux contre les dangers qu'ils courraient
leur reconnaissance, Pierre, apres la peche miraeu- dans la terre de Chanaan, au point de vue des moeurs.
leuse, Luc., v, 8, et l'aveugle-ne apres sa guerison. Aussi commence-t-il en ces termes les articles de sa
Joa., ix, 38. H. LESETRE. legislation du mariage : « Vous ne ferez pas ce qui se
fait dans le pays d'Egypte ou vous avez habile, et vous
PROSTITUTION (hebreu : zenut,zenumm,taznut; ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Chanaan ou
Septante : icopv£!«; Vulgate : fornicatio, prostitutio), je vous conduis. >> Lev., xvnr, 3. Puis il defend le ma-
genre de vie dans lequel on s'abandonne et on provoque riage enlrefrere etsceur, usite en Egypte, Lev., xvm,9,
a 1'impudicite. les unions incestueuses et les actes contre nalure que
I. EN EGYPTE ET EN CHANAAN. — 1<> Le climat egyp- se permellaient les Chananeens, et parfois aussi leg
tien et le caractere sensuel du culte rendu a une mul- Egyptiens. Lev., xvrn, 22, 23; xx, 16; cf. Herodote, n,
titude dedieux et de deesses ne pouvaientque favoriser 46, Ces abominations ont souille le pays, ont rendu ses
1'immoralite sur les bords du Nil. La Bible cite les habitants dignes d'etre chasses, et altireraient sur
exemples du pharaon contemporain d'Abraham, Gen., 1'Israelite la peine du retranchement. Lev., xvm, 24-30;
xn, 15, 16, et de la femme de Putiphar, Gen., xxxix, xx, 23. II dit ensuite forrnellement : « Ne profane pas
7-12, dont \-A honteuse entreprise se trouve reproduite ta fille en la prostituant, de peur que lepaysne selivre
dans le conte des deux freres. Cf. Maspero, Les Contes a la prostitution et ne se remplisse de crimes. » Lev.,
populaires de I'Egypte ancienne, Paris, 3e edit., p. 6. xix, 29. Aucune penalite n'esl pourlant assignee contre
On sail quelles coutumes incestueuses presidaient aux les coupables. Quand il s'agit de la fille d'un pretre, il
manages ogyptiens. Voir INCESTE, t. in, col. 865. He- en est autrement; a cause du deshonneur qui rejaillit
rodote, n, 48, 60, 64, parle de 1'immoralite qui regnait sur son pere,la coupable est livree au feu. Lev., xxi, 9.
en Egypte; mais il declare que la prostitution ne s'y La defense de la prostitution est repetee avec plus d'in-
pratiquait pas dans les lieux sacres, comme cela se sistance et de detail dansle Deuteronome, xxm, 17,18:
faisait dans la pluparl des autres pays. Cependant, « II n'y aura pas de prostituee (qedesdh, Tropvr,, mere-
dans les temples des dieux males, un veritable harem trix) parmi les filles d'Israel, et il n'y aura pas de
de femmes fournissait a la divinile des epouses, des proslitue (qddes, itopvE-jcov, scortator) parmi les fils
concubines, des servantes, des musiciennes et des dan- d'Israel. Tu n'apporteras pas dans la maison de Jehovah,
seuses. Dans les temples des deesses, les fernmes occu- ton Dieu, le salaire d'une prostituee (zondh, nropvyj,
paient les premiers postes. Cf. Erman, Aegyplen und prostibulum], ni le salaire d'un chien (keleb, xuwv,
agyptisches Leben, Tubingue, 1887, p. 399-401. canis) pour 1'accomplissement d'un vceu; car I'un et
2° Chez les Chananeens, le culte d'Astarthe comportait 1'autre sonl en abomination a Jehovah, ton Dieu. » Les
partout la prostitution. Voir ASTARTHE, t. i, col. 1187. prostitues sont designes par les mots qddes., qedesdh,
Non seulement des femmes, mais aussi des hommes « consacre, saint », qui etaient probablement en usage
exerfaient ce commerce infame. Cf. Eusebe, Vit. dans la langue d'un pays ou la prostitution passaitpour
Constant., HI, 55, t. xx, col. 1120. Ce sont ces derniers une fonction sacree. Les Grecs donnaient aux memes
que le Deuteronome, xxm, 18, designe sous le nom de individus le nom de I'spogouXm, « serviteurs sacres »,
keldbim, «. chiens ». Les pires irnpudicites se com- hierodules. Le mot keleb, « chien i>, designe ici le
mettaienten 1'honneur de la deesse, a Byblos,a Apheca, qddes. Dans 1'Apocalypse, xxn, 15, les chiens sont ega-
dans le Liban, voir t. i, col. 734, etdans toute la Syrie, lement des inipudiques. Parmi les fonctionnaires des
d'ou son culte se propagea ensuite dans le monde grec. temples pheniciens,l'inscription de Larnaca signale des
Cf. Lucien, De dea Syra; Doallinger, Paganisme et kalabu, qui sont vraisemblablement les prostitues,
juda'isme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. n, p. 241- scorta virilia, comme ont traduit les editeurs du Corp.
244; Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, inscr. seniit., t. i, p. 92-99. Cf. Lagrange, Etudes sur
6e edit., t. HI, p. 84-92. On .trouve dans la Genese les les religions senlitiques, Paris, 1905, p. 220. Le chevreau
traces de 1'influence exercee sur les moeurs des habi- promis par Juda a Thamar, Gen., xxxvm, 17, etait un
tants par les exemples qui venaient des temples chana- de ces salaires de la prostitution qu'il n'eut pas ete per-
neens. A Sodome, ce sont tous les hommes de la ville, rnis d'offrir en sacrifice.
des enfants aux vieillards, qui se livrent au vice infame 2° Non contente d'interdire directement la prostitu-
et attirent sur eux la vengeance divine. Gen., xix, 4-9; tion, la loi la poursuivait encore dans ses moyens et
II Pet.,n, 7. L'odieux inceste des deux filles de Lot avec dans ses effets. II etait defendu a 1'homme et a la femme
leur pere indique jusqu'a quel point le sens moral etait de prendre les habits Tun de 1'autre. Deut., xxn, 5. Ce
oblitere, meme chez des femmes appartenant a la fa- changement de costume favorisait les pires desordres;
mille d'Abraham. Gen., xix, 30-38. Un peuplus tard, on souvent, dans les temples idolatriques, les hommes et
voitThamar, belle-fille de Juda, jouer le role de prostituee surtout les prostitues s'affublaient de costumes femi-
767 PROSTITUTION
nins. Cf. Macrobe, Satumal., in, 8. Un pretre ne pou- des Astarthes avait a son service des foules d'homme*
vait epouser une zondh (wipv»], scorlum) ni une hdld- et de femmes voues a tous les genres d'impudicite.
Idh (p£6r,Xw(j.EVYj, prostibulum). Lev., xxi, 7, 14. Ces Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27; Movers, Die Phoni-
deux termes designent ]a courtisane. Voir COURTISANE, zier, Berlin, 1841, t. i, p. 677-681. Jehu reproche pu-
t. n, col. 1091. D'apres Josephe, Ant. jud., IV, viu, 23, bliquement a Jezabel, la Sidonienne, ses prostitutions
la defense d'epouser une prostituee s'etendait a tout et ses sortileges. IV Reg., ix, 22.
Israelite. Enfin, la descendance de la 'prostitution ne 4° Si les historiens fournissent peu de renseigne-
pouvait jamais entrer dans la societe Israelite. Deut., ments sur la prostitution parmi les Israelites, les
xxm, 2. Ce jtexte qui se rapporte au mamzer, voir autres ecrivains sacres reviennent assez frequemment
MAMZER, t. iv, col. 637, comprend aussi tres vraisem- sur ce sujet. Dans les Proverbes, v, 20; vi, 24; vu, 5,
blablement le fruit de la prostitution. la prostituee est appelee « etrangere », nokriydhf
III. LA PROSTITUTION EN ISRAEL. — La Loi la con- dXloTpoa, aliena, extranea. Le parallelisme ne permefr
damne severement, mais ses prescriptions ne furent pas de s'y tromper :
pas toujours observees. — 1° Des le desert, les filles La prostitute (zdndh) est une fosse profonde,
de Moab entrainerent des Israelites a la debauche et Et 1'etrangere (nolcriydh) un puits etroit. Prov., xxirr, 27.
a 1'idolatrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent
punis de mort. Un Hebreu osa amener avec lui une II en faut conclure que, tres souvent du moins r
Madianite jusque sous les yeux de ses freres. Pbi- c'etaient des etrangeres, des Syrieiines, des Pheni-
nees les perca tous les deux de la lance dans la qub- ciennes, qui se livraient a cevice en Palestine, ou Ton
bah, x<i|Aivo{, lupanar. Le mot hebreu qui, par avait tort detolerer leur presence. Neanmoins des filles
1'arabe a donne « alcove », a dans la Mischna le sens d'Israel se laissaient aussi pervertir, comme 1'indiquent
que lui assigne la Vulgate. C'est un rendez-vous de clairement les prophetes. De vives exhortations sont
prostitution. Num., xxv, 1-9. Sous les Juges, Jephte est adressees dans le livre des Proverbes a ceux qu?
le fils d'une courtisane; chasse plus tard de la maison seraient tentes de succomber a la provocation des se-
paternelle, comme « fils d'une autre femme », il fn'en ductrices. Prov., v, 3-6, 20; vi, 24-26; vn, 5-23; xxii^
devient pas moins chef dupeuple. Jud., xi, 1, 2, 11. 14; xxm, 27-85, etc. L'auteur de 1'Ecclesiastique, ixr
Samson se rend chez une prostituee de Gaza. Jud., 3-9; xix, 2, 3; xxvi, 8-12, etc., s'exprime de meme.
xvi, 1. A Gabaa de Benjamin, les habitants veulent re- Job, xxxi, 1, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour
nouveler sur un levite le crime de Sodome, abusent n'etre pas seduit. Amos, n, 7, dit qu'en Israel le pere
de sa concubine et la font mourir. Jud., xix, 22-26. et le fils vont vers la meme fille, profanant ainsi le
Les fils du grand-pretre Heli commettent le mal avec nom de Dieu aux yeux des etrangers. Osee revient sans
les femmes qui servent a 1'entree du Tabernacle. cesse sur les allusions a la prostitution, a laquelle il
I Reg., n,22, 25. compare 1'idolatrie d'Israel comme a une chose fami-
2° Des prostituees etaient tolerees, peut-etre a Jeru- liere. II declare que Dieu ne punira pas les filles et les
salem me"me, du temps de Salomon. Deux d'enlre elles, femmes de leurs adulteres et de leurs prostitutions, car
des zonot, uopvat, nieretrices, furent admises au tribu- les hommes eux-memes « vont a 1'ecart avec les pros-
nal de ce roi et provoquerent son fameux jugement au tituees et sacrifient avec les courtisanes. Des qu'ilsont
sujel de leur enfant. Ill Reg., in, 16. Sous le roi Ro- fini de boire, ils se livrent a la prostitution. » Ose,, iv r
boam, des prostituees se repandent dans le pays de 13,14, 18. Isaie, in, 9, appelleJerusalem une Sodome;
Juda et les anciennes abominations chananeennes se on y comrnet le rnal en plein jour, sans se cacher. Je"-
reproduisent.HI Reg.,xiv,24. Asa, petit-fils deRoboam, remie, v, 7, montre les hommes de Jerusalem allantpar
fait disparaitre les prostituees du pays. Ill Reg., xv,12. troupes dans la maison de la prostituee, et il les com-
Mais il en demeure encore, et son fils Josaphat acheve pare a des animaux. Ezechiel; xun, 7, 9, rappelle les
de les supprimer. Ill Reg., xxn, 47. Le roi Manasse prostitutions dont le Temple a ete le theatre, probable-
installe dans le Temple meme 1'idole d'Astarthe, ment a 1'epoque de Manasse. De ces textes il faut con-
IV Reg., xxi, 7, et avec 1'idole s'infroduisent naturelle- clure que la prostitution exerfait de grands ravages
ment les hierodules qui forment le cortege oblige de la parroi les Israelites, surtout dans le royaume du nord r
deesse. Ces femmes habitaient des maisons qu'on leur ou la loi religieuse n'etait plus capable de la refrener,
avait baties dans 1'enceinte sacree et elles s'occupaierit et dans les villes, comrne Jerusalem, ou se donnaient
a tisser des tentes pour la deesse. Josias chasse les rendez-vous un grand nombre d'etrangeres et ou 1'im-
prostituees et dernolit leurs maisons. IV Reg., xxm, 7. piete des rois et des grands favorisait souvent la
Le regne de Manasse fut la seule periode durant propagation du mal. II ne s'ensuit nullement toutefois
laquelle la prostitution prit un caractere officiel et pe- que la masse de la nation ait ete atteinte, specialemenfe
netra dans le Temple meme comme element constitutif en Juda. La loi morale et les prescriptions mosai'ques
d'un culte idolatrique. II est done inexact et souverai- gardaient encore assez de vigueur pour tenir la gene-
nement injuste d'affirmer, contrairement a tous les ralite des Israelites eloignee des exces auxquels se
textes, qu'elle servait en partie a payer les frais du livraient leurs voisins.C'etait un deshonneur, pour une
culte a Jerusalem. Le Deuteronome, xxxui, 18, interdit fille de Juda, de devenir une prostituee. Am., vn, 17.
formellement toute offrande souillee par une pareille IV. DESCRIPTIONS BIBLIQUES. — Pour inspirer plus-
origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les decouvertes grande horreur du vice, les auteurs sacres ne reculent
modernes, t. iv, p. 506-516. pas devant des descriptions tres realistes. L'histoire de
3° Les livres historiques ne fontqu'une allusion a ce Thamar et de Juda en est un premier exemple. Gen.,
qui se passait dans le royaume d'Israel. Quand le ca- xxxvin, 14-26. L'auteur .des Proverbes, vn, 10-23,
davre du roi Achab fut ramene a Samarie, on lava le montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison,
char ensanglante qui 1'avait porte dans une piscine ou dans la rue, sur les places, a tous les angles, abordant
les prostituees se baignerent. Ill Reg., xxn, 38. La sa victime, lui vantant les charmes de sa demeure, la
Vulgate ne parle pas de prostituees, zonot, et les Sep- securite de la rencontre.
tante les remplacent par des pores, ue<;. II est presu- D'autres fois, la provocatrice s'assied devant chaque-
mable que dans le royaume du nord la prostitution poteau. Eccli., xxvi, 15. Elle se construit un gab, un>
avait pris beaucoup plus de developpement que dans lieu eleve et visible, otxr^a icopvikpv, lupanar, elle se
celui de Juda. Elle suivait naturellement le progres de fait un rdmdh, un tertre,"&x6Ejj.a, prostibulum; il \ en
1'idolatrie. De plus elle trouvait des examples et des a un a chaque carrefour, et la se multiplient les pros-
encouragements en Phenicie et en Syrie, ou le culte titutions. Ezech., xvi, 24, 25. Non contente d'attendre-
•769 770
et de provoquer, la. courtisane chante et s'accompagne chez les Israelites une fete, que les colons de Babylone
-d'instruments pour attirer 1'attention. Eccli., ix, 4. auraient adoptee, et dans laquelle les filles se tenaient
Isaie, xxiii, 16, parle de la chanson de la courtisane. sous des tentes pour des prostitutions sacrees.
Elle a des paroles doucereuses, comme le miel e.t Cf. J. Soury, Revue des deux mondes, avril 1876,
i'huile, Prov., v, 3; vi, 24, la demarche agitee, Prov., vii> p. 599-600. Mais il est de toute evidence que, dans le
11, 12, un visage effronte, Prov., vn, 11, 13; Jer., in, texte des Rois, 1'euumeration ne eomprend que des
3, une mise qui la fait reconnaitre. Prov., vii, 10. II norns de divinites. II faut done que Sukkot Benot ait
lui faut son salaire, Ezech,, xvi, 33, son pain et son un sens analogue a celui des autres noms. Deja Gese-
eau, sa laine et son lin, son huile et sa boisson. Ose., nius, Thesaurus, p. 952, se rendant compte que le sens
n, 5; cf. ix, 1; Mich., i, 7. Pour elle, on se reduit a obvie n'etait pas le veritable, proposait de.lire sukkot
•un morceau de pain, Prov., vi, 26; on dissipe son banot, '< tentes sur les hauteurs ». Mais on reconnait
bien. Prov., xxix, 3. Cependant ce salaire etait sou- aujourd'hui qu'il y a ici un nom de divinite assyrienne.
vent mesquin. Joel, in, 3, dit que les ennemis d'Israel Cf. Buhl, Gesenius' Handworterb., p. 566. Sukkotbenot
-donnaient un enfant pour le salaire d'une courtisane, serait une transcription hebrai'que, peut-etre alteree a
-c'est-a-dire le vendaient a vil prix. L'auteur de Job, dessein, du nom de la deesse assyrienne appelee Zir-
xxxvi, 14, ajoute un trait au tableau, en disant que les banit, Zarpanit ou Sarpanit, « celle qui donne la pos-
pecheurs endurcis meurent dans leur jeunesse et terite », la meme qui est appelee Mylitta par Hero-
•voient leur vie se ftetrir comme celle des qedeslm, dote, i, 131, 199. Cf. Halevy, dans la Revue critique,
effeminati, les hommes qui font metier d'impudicite. 19 dec. 1881, p. 483, note; Vigouroux, La Bible et les
Les Septante traduisent ici a tort le mot hebreu par decouvertes modernes, t. in, p. 575-577; t. iv, p. 509-
-« anges ». • 511. Toutefois 1'h^breu mso, que les versions tradui-
V. EN BABYLONIE. — 1° Toutes les monstruosites sent ordinairement par « tentes », est dans Amos, v,
que comportaient le culte d'Astarthe en Cbanaan se 26, le nom d'une divinite assyro-babylonienne, Sakkut,
retrouvent en Babylonie dans le culte d'Istar. Les qu'on a trouve joint au nom d'une autre divinite, Kai-
temples babyloniens ont /eurs courtisanes sacrees, van, dans une incantation. Cf. Revue biblique, 1901,
ieurs qadistu ou hierodules, leurs istarilu ou « con- p. 358. Ce sont deux divinites siderales. II es't fort pro-
sacrees a Istar », leurs fyarimtu ou prostituees. Hero- bable que le Sakkut nomme dans Amos est aussi le
•dote, i, 199, exagere probablement quand il pretend dieu qu'honoraient les Babyloniens de Samarie. En
que toute femme etait obligee de s'offrir une fois dans toute hypothese, il ne peut etre question de « tentes de
>sa vie au temple de la deesse. Cf. Strabon, vni, 378; filles » erigees en vue de prostitutions sacrees, a
xn, 559; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 639, 640J Pexemple de ce qui se serait fait dans le pays. Les
676. Mais tous les temples babyloniens avaient leurs textes ne permettent pas cette interpretation, et il est
bandes d'hommes et de femmes qui abusaient et lais- incontestable qu'en Palestine ]a prostitution ne fut
saient abuser d'eux-memes. Erech etait comme la capi- jamais qu'au service des cultes idolatriques.
tale de la prostitution en ce pays. Voir ARACH, t. r, VI. PROSTITUTION ET ID-OLATRIE. — 1° La Sagesse,
col. 868. Une inscription cuneiforme caracterise ainsi xiv, 23-27, declare que « le culte des viles idoles est
cette ville : « Erech, la demeure d'Anou et d'Istar, la le principe, la cause et la fin de tout mal » ; et parmi
ville des filles, des courtisanes et des prostitutes, les manifestations du mal, elle signale les mysteres
auxquelles Istar vend et livre 1'homme; ...eunuques... clandestins, les debauches effrenees de rites etranges,
•dont Istar, pour effrayer les gens, a change la virilite 1'impudeur dans la vie et dans les mariages, les crimes
•en hermaphroditisme, porteurs d'epees, de rasoirs, de contre nature. Saint Paul constate aussi que les pre-
stilets et de silex... » Cf. Jensen, Mythe d'lura, col. n, tendus sages du paganisme, pour avoir substitue 1'ado-
'3. 5-12, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schra- ration de la creature a celle du Createur, ont etc livres
•der, t. vi, p. 62. Ces instruments servaient aux inci- a I'impurete et en sont arrives a y deshonorer entre
sions et aux mutilations que s'imposaient les serviteurs eux leurs propres corps. » Bom., i, 24, — 2° Mais la
•de la deesse. Yoir EUNUQUE, t. n, col. 2044; INCISIONS, relation de cause a effet entre 1'idolatrie et la prostitu-
t. in, col. 869. La prostitution babylonienne, partie tion n'est pas la seu\e qui existe. Les autexxvs aacres y
integrante du culte des idoles, est signalee par Jeremie ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en
•dans sa lettre aux captifs Israelites. Bar., vi, 42-44. effet, la nation Israelite appartient a Jehovah; quand
Herodote, I, 199, mentionne la couronne que portaient elle se detourne de lui pour se livrer aux faux dieux,
les prostituees. La farine qu'elles brulent rappelle le elle se rend done coupable de fornication, voir FORNI-
Jiavvdn, gateau offert aux Astarthes, Jer., vn, 18; XLIV, CATION, t. n, col. 2316, et de prostitution. Ainsi Moise
19, et sert d'encens a la deesse. La prostitution ne se defend aux Israelites d'entrer en contact avec les Cha-
•confinait pas dans les enceintes sacrees; aucun frein naneens, de peurqu'ils n'en viennenta se prostituer a
n'arretaitson debordement. Quand lesPersesoccuperent leurs dieux. Exod., xxxiv, 15, 16. Dans le Pentateuque
le pays, ils ne tenterent vraisemblablement pas, malgre" et les plus anciens livres, le culte des idoles et des faux
la purete relative de leur culte, d'opposer une digue a dieux est habituellement appele une prostitution.
'1'imnioralite de la race conquise. D'ailleurs la faveur Lev., xvii, 7; xx> 5, 6; Deut., xxxi, 16; Jud., n, 17;
avec laquelle ils consideraient, a J'exemple des Egyp- vni, 33, etc. Plus tard, toute la prophetic d'Osee roule
tiens, les unions les plus incestueuses, (cf. Darmstetter, sur 1'idee de 1'idolatrie d'Israel representee sous la
Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. i, p. 126-134), les dispo- forme d'une prostitution. « Va, prends une femme de
«ait peu a corriger 1'immoralite des autres. prostitution etdes enfants de prostitution, carle paysne
2° Quand Sargon eut deporte en Assyrie les habitants fait que se prostituer en abandonnant Jehovah. »0se.,i,
de Samarie, il envoya pour les remplacer des colons 2; cf. n, 2, 5; iv, 12-14; v, 3; vi, 10; ix, 1, 10. Jeremie
4ires de Babylone, de Cutha, d'Avah, d'Emath et de emploie la meme image pour decrire 1'idolatrie de Juda,
Sepharvai'm. Ces colons etablirent leurs divinites par- et celle d'Israel. Jer., in, 1-8. Ezechiel, xvi, 17; xxni,
-ticulieres dans les anciens hauts-lieux des Samaritains. 30, se sert d'expressions identiques. — 3° Les auteurs
« Les gens de Babylone firent Sochoth-Benoth (sukkot sacres qualifient aussi de prostitution les relations du
benot), ceux de Cutha firent Nergal, ceux d'Emath peuple de Dieu avec les nations idolatres dans 1'appui
firent Asima, etc. » IV Reg., xvn, 30. Les mots sukkot desquelles il met saconfiance. Israel s'est prostilue aux
benot, a s'en tenir a la transcription massqretique, nations. Ose., vin, 9. Jerusalem surtout s'est prostituee
signifient « tentes des filles ». Be ces simples mots a YEgypte et a I'Assvrie. Ezech., xvi. 25-34; xxni, 8,
.ainsi compris, on a tire cette conclusion qu'il existait 27, 30. — 4° Enfin la conduite meme de certaines na-
Did. DE LA BIBLE. V. - 25
771 PROSTITUTION
tions idolatres est assimilee a la prostitution. Ainsi orgueilleux du sanhedrin. Matth., xxi, Bl, 32. Le Sau-
Tyr se prostitue a toutes les nations de la terre. veur en donne 1'assurance a Marie-Madeleine, LUC.,VII T
Is., xxni, 17. Ninive est chatiee « a cause du grand 50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient
nombre de prostitutions, de la prostituee pleine d'at- entendu les exhortations du precurseur. — Dans une
traits, de 1'habile magicienne, qui vendait les nations discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche
par ses prostitutions et les peuples par ses enchante- de ne pas faire les oauvres d'Abraham, dont ils se pre-
ments. » Nah., in, 4. tendent les fils, mais de faire les oauvres d'un autre
VII. DANS LE MONDE GRECO-ROMAIN. — De la Syrie et pere, c'est-a-dire de montrer par leur conduite qu'ils
de la Phenicie, 1'usage de la prostitution avail aisement descendentd'un autre pere, le diable. Ils lui repondent :
passe en Asie-Mineure, en Grece et en Italie. Dans 1'ile « Nous ne sommes pas nes de la prostitution, e% rcop-
de Chypre regnait une immoralite analogue a celle de la vetac, ex fornicatione ; nous n'avons qu'un pere, qui
Babylonie. Cf. Herodote, i, 199. En Phrygie et en Bi- est Dieu. » Joa., viii, 41. Ils abandonnent la paternite
thynie, le culte de Cybele comportait 1'orgie et la pros- d'Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont
titution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, con- compris 1'allusion et ont ete piques au vif.
fondue avec Artemis par les Grecs. La deesse avail a 2° Au cours de leurs predications evangeliques, les
Gomana un temple qui abritait six mille hierodules, Apotres eurent a reprimer la prostitution, qu'ils ren-
hommes et femmes. Anai'tis en comptait autant a contrerent a chaque pas sur leur chemin. Par leur
Sarus, et Zeus trois mille a Venasa. Cf. Dollinger, decret de Jerusalem, ils proscrivent rigoureusement ce
Paganisme et Judaisme, t. u, p. 169-173. En pays grec, qu'ils appellent 7copv=ioc, fornicatio. Act., xv, 20, 29;
les prostitutions sacrees n'etaient point en usage, si ce xxi, 25. Le mot grec designe toute liaison en dehors du
n'est peut-etrea Corinthe et a Eryx, en Sicile. Cf. Jus- mariage, non seulement quand elle est passagere, mais
tin, xviii, 5; Strabon, vi, 2; Lagrange, Etudes sur les encore et surtout quand le vice devient une profession
religions semiliques, p. 445. Voir COKINTHE, t. n, comme dans la prostitution. On sait que, pour les
col. 975. Mais 1'impudicite trouvait des excitations per- paiens, c'etait la une chose qui parfois revetait un
manentes dans les examples des dieux, dans les fetes caractere religieux et qui, en tous cas, demeuraitindif-
celebrees en leur honneur et dans les mille facilites ferente etlicite. Cf. Terence, Adelph,, I, 2, 21; Cice-
qu'une vie voluptueuse pouvait se menager dans le ron, Pro Ccelio, 20; Horace, Sat., i, 2, 31, etc. Quel-
tnonde antique et sous des climats qui la favorisaient. ques auteurs pensent que le mot uopvesa designe les
Cf. Dollinger, Paganisme et Judaisme, t. in, p. 265- unions contractees dans des conditions de consangui-
•272; de Champagny, Les Cesars, Paris, 1876, t. in, nite ou d'affinite prohibees par le Levitique, xvni, 7-
p. 303-306. A Rome, la prostitution avait pris, sous les 18. Ces unions sont indiquees par 1'expression gallot
premiers empereurs, un tel developpement, que les 'ervdh, « decouvrirla nudite », qui se retrouve Sanhe-
courtisanes seules etaient considerees; pour attirer drin, 56 b, pour formuler un precepte noachite, ante-
1'attention, les plus nobles matrones en venaient a se rieur au Levitique. II est difficile d'admettre que les
faire courtisanes, au point que Tibere meme se crut Apotres n'aient eu en vue que des unions prohibees
oblige de reprimer ce honteux desordre. Cf. Suetone., par une legislation dont les Gentils ne pouvaient avoir
Tib., 35; Tacite, AnnaL, n, 85; xiv, 16; xv, 37, etc. connaissance. Ils doivent done viser bien plutot la for-
Des courtisanes syriennes, du plus bas etage, se ren- nication en general, telle que les idolatres la prati-
daient dans la capitale, ou on les connaissait sous quaient sans grand scrupule. Cf. Knabenbauer, Actus
le nom d'ambubaise, «joueuses de flute, » parcequ'elles Apost., Paris, 1899, p. 266-267; Coppieters, Le decret
a"ttiraient 1'attention a 1'aide de cet instrument. Cf. Ho- des Apotres, dans la Revue biblique, 1907, p. 48. Pour
race, Sat., 1, 2, 1; Suetone, Ner., 27; Petrone, la simple prohibition de cerlains manages, cf. Cor-
Sat., LXXVI, 13. — La Palestine ne fut pas a 1'abri nel y, Prior Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121;
de la contagion. Le progres de la prostitution y sui- Prat, La theologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 76. —
vit 1'introduction des moeurs grecques, mais en pre- Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si deplorables
nant les formes de la corruption asiatique. Par 1'ordre exemples, saint Paul rappelle que les membres du.
d'Antiochus Epiphane, « le Temple fut rempli d'orgies Chretien sont les membres du Christ, que son corpa
'et de debauches par des Gentils dissolus et des cour- est le temple du Saint-Esprit, et qu'il y aurait crime
tisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes et honte a faire de ces membres ceux d'une prostituee,,
dans les saints parvis. » II Mach., vi,4. Dans un autre et de ce corps un meme corps avec le sien. I Cor., vi,
passage, II Mach., iv, 12, il est dit, d'apres la Vulgate, 1519. Seront d'ailleurs exclus du royaume de Dieu r
que Jason etablit un gymnase etexposa les jeunes gens entre autres criminels, Topvo:, fornicarii, les fornica-
dans les lieux infames, in lupanaribus. II y a dans le teurs; (/.otxoi, adulteri, les adulteres; [/.oO.axot, molles,
texte grec : UTU> Tretao-ov ?;yev, « il les mena sous le les mous, les effemines qui servent aladebauche d'ins-
chapeau », c'est-a-dire il les conduisit aux exercices truments passifs; apasvoxoiTac, niasculorum cuncu-
de la palestre pour lesquels on se coiffait du Trlracro:, bitores, ceux qui se livrent au vice centre nature
chapeau a larges bords. Voir t. n, col. 829. chatie aSodome; etSwV.oXarpat, idolis servientes, ceux
VIII. A L'EPOQUE EVANGELIQUE. — 1» II est plusieurs qui rendent un culte aux idoles, particulierement sous
fois question de prostituees dans 1'Evangile. C'est avec forme de prostitution sacree, telle qu'on la pratiquait
elles que le fils prodigue dissipa son bien. Luc., xv, 30. dans le temple d'Aphrodite a Corinthe. I Cor., vi, 9,.
La femme qui se presenta chez Simon le pharisien, 10. Tous les exces qu'entralne la prostitution sont
et qui etait Marie-Madeleine, est qualifiee de « peche- ainsi stigmatises. Mais les seductions du mal etaient
resse dans la ville », ocaapTwld;, peccatrix. Luc., vn, terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux
37, 39. Ce terme adou-ci designe une femme de moeurs Chretiens se laissaient entrainer. En leur ecrivant un&
legeres. Les Juifs talmudistes ont bati tout un roman seconde fois, 1'Apotre craint d'avoir a pleurer sur ceux
sur son compte, pour diffamer, a son occasion, la mere qui n'ont pas fait penitence apres avoir succombe a
du Sauveur. Voir t. IV, col. 808, 810. Les courtisanes, I'axa6ap(7ca, immunditia, 1'impurete en general, la
Tropvac, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du Ttopvet'a, fomicatio, la prostitution, et 1'dcreXysta, impu-
royaume de Dieu, si elles font penitence. II en est qui dicitia, la dissolution des moeurs dans ce qu'elle a de
ont cru a la predication de Jearu-Baptiste et ont fait plus grossier. II Cor., xii, 21. Aux Thessaloniciensr
penitence. Elles precedent, Ttpoayovui, lespretres et les dont la ville etait un lieu de plaisir et de depravation,
anciens dans le royaume de Dieu, c'est-a-dire qu'ellesy cf. Lucien, Asin., 46, saint Paul rappelle 1'obligation
entrent plus rapidement et plus surement que les de fuir la prostitution et ses consequences. 1 Thess., iv,.
773 PROSTITUTION — PROVENQALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 774
3. A Timothee, eveque de cette ville d'Ephese dans raison Samuel Berger et Paul Meyer ont tire des
laquelle le culte de Diane attirait les courtisanes et les conclusions scientifiques, que nous exposerons
debauches, il ordonne de condamner, au nom de brievement.
1'Evangile, les uopvot et les apersvoxottai, ceux qui 1° La plus ancienne traduction provencale a ete re-
vivent dans la prostitution et les vices centre nature. trouveedans un manuscrit unique du xiie siecle, conser-
I Tim., i, 10. Aux Ephesiens eux-memes, il recommande ve a Londres au British Museum, Harleian 2928,
de ne plus se conduire comme les paiens,qui, « ayant fol. 187 v°. 11 comprend cinq chapitres de 1'Evangile de
perdu tout sens, se sont livres aux desbrdres, a toute saint Jean, xin, 1-xvn, 26, dont le texte provencal est
espece d'impurete, avec une ardeur insatiable.)) Eph., iv, precede de cette rubrique latine : Incipit sermo Domi-
17-19. Cf. I Pet., iv, 3. ni nostri Jltesu Christi quern fecit in cena sua quan-
3° Enfin, dans 1'Apoealypse, n, 14, 20-21, saint Jean do pedes lavit discipulis suis. II a ete copiea Limoges,
signale la prostitution a Pergame et a Thyatire. II peut-elre a 1'abbaye Saint-Martial. Le texte est un
decrit la ruine de la cite du mal, de Babylone, TTJ; morceau lilurgique et on n'a pas de raison de penser
7t6pv<K trie [AsyaXy];, meretricis magnse, <x la grande qu'il ait fait partie d'une version plus etendue. II est
prostituee, qui a abreuve les nations du vin de sa de la meme epoque que le manuscrit, par consequent
furieuse impudicite. » Apoc., xiv, 8; xvn, 1, 2, 4; du xne siecle. II a ete public par Fr. Michel, par
xvin, 3, 9; xix, 2. II annonce le chatiment qui est re- C. Hofmann, Gelehrte Anzeigen der konigl. bayer.
serve aux impudiques, la seconde raort. Apoc., xxr, 8. Akademie der Wissenschaften, juillet 1858, par Paul
II exclut a jamais de la cite bienheureuse les chiens et Meyer, Recueil d'anciens textes bas-lalins, provencaux
les debauches, en compagnie des idolatres, par conse- etfrani^ais, Paris, 1874, t. i,p. 32-39, etparK. Bartsch,
quent tous ceux qui vivent dans ies hontes de la pros- Chrestomathie provencale, 4e edit., Elberfeld, 1880,
titution et des vices qu'abritent les temples des faux col. 9-18.
dieux. Apoc., xxn, 15. H. LESETRE. 2° Environ cent ans plus tard, au xm e siecle, on
fit une version provencale de tout le Nouveau Testa-
PROTEVANGILE (premier evangile), nom donne ment. Elle existe dans un seul manuscrit d'une ecri-
1° a la premiere prophetie messianique, Gen., in, 15, ture meridionale paraissant de la fin du xme siecle
annoncant que le Sauveur futur, de la race de la femme, (1250-1280), a la bibliotheque du Palais des arts a
ecrasera la tete du serpent tentateur (voir MARIE 2, Lyon, n°36. II a ete apporte de Nimes a Lyon en 1815,
t. iv, col. 778); 2° a un Evangile primitif suppose et donne a la ville de Lyon par J.-J. Trelis. Le texte
par divers critiques pour rendre compte des ressem- presente deux lacunes notables, provenant de la perte
blances des Evangiles synoptiques (voir EVANGILES, de quelques feuillets : les passages, Luc., xxi, 38-xxin,
t. in, col. 2094); 3° a un Evangile apocryphe dit 13; Rom., vii? 8 b-vm, 28, manquent. La version pro-
de saint Jacques. Voir EVANGILES APOCRYPHES, t. ii, vengale est suivie d'un rituel qu'Edouard Cunitz a
col. 2115. reconnu le premier pour le rituel cathare ou albigeois,
contenant la liturgie du consolament: Ein katharisches
PROTOCANON1QUES (LIVRES), livres de 1'E- Ritual, dans les Beitrdge fur den theol. Wissenschaf-
criture dont 1'autorite n'a ete 1'objet d'aucune contesta- ten, lena, 1852, t. iv, p. 1-88. II a ete reeditepar M. Leon
tion. Voir CANON, t. n, col. 137. Cledat avec le Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1888
(le texte en a ete transcrit en caracteres ordinaires et
PROUE (grec :rcptopa;Vulgate : prora). avant d'un traduit en francaisdans 1'Introduction, p. ix-xxvi), et
navire. Voir NAVIRE, t. iv, col. 1513. Quand le navire specialement : Vieux provencal. I. Rituel provencal,
qui portait saint Paul fut pousse par la tempete manuscrit 36 de la bibliotheque municipals du palais
vers 1'ile de Malte, les marins, craignant d'etre portes Saint-Pierre, a Lyon, in-8°, Lyon, 1890. Les citations
sur les recifs au milieu de la nuit, jeterent quatre ancres du Nouveau Testament de ce rituel appartiennent a la
de la poupe, afin d'arreter la marche du navire. Puis, version provencale, dont le texte precede, quoiqu'elles
pour echapper eux-memes au danger, ils mirent une n'en -soient pas extraites textuellement. Ed. Reuss,
chaloupe a flot du cote de la proue, sous pretexte d'y loc. cit., avait peremptoirement demontre, par la com-
Jeter une aulre ancre. C'est de ce cote, en effet, qu'ils paraison avec les textes vaudois, que cette version
comptaient trouver un rivage. Quand le jour fut venu, n'avait rien de vaudois, et qu'elle avait ete la traduction
on coupa les amarres des ancres et on echoua le navire officielle des cathares ou albigeois. Samuel Berger, Les
sur une plage. La proue s'enfonca dans le sable et Bibles provencales et vaudoises, dans la Romania, Pa-
y resta fixee, tandis que la poupe se disloquait ris, 1889, t. xvin, p. 354 sq., a constate que Ja version
sous la violence des vagues. Act., xxvir, 29, 30, 41. provengale du manuscrit de Lyon avail ete faite sur
C'est a la proue qu'on sculptait les figures symboliques un texte latin de la Vulgate tout a fait caracteristique
qui servaient d'enseigne au navire. Voir CASTORS, t. n, et usite dans le Languedoc pendant la premiere moitie
col. 342, H. LESETRE. du xnie siecle. Cf. son Histoire de la Vulgate pendant
les premiers siecles du moyen age, Paris, 1893, p. 72-
PROVENCALES (VERSIONS) DE LA BBBLE. 82. Elle y correspond de tous points pour le fond
Leur histoire n'est connue exactement que depuis peu (aussi Men que les corrections marginales) et lui res-
de temps seulement. Leurs manuscrits ont ete long- semble meme dans ses formes exterieures, et en par-
temps confondus avec ceux des traductions bibliques ticulier pour la division en chapitres. Bien plus,
faites dans le dialecte des vallees vaudoises. Cf. Ri- comme un certain nombre de passages, tant du debut
chard Simon, Nouvelles observations sur le lexte et de la plupart des livres que de quelques endroits du
les versions du Nouveau Testament, IIe partie, c. n, texte, sont restes en lalin sans traduction, il faut en
in-4°, Paris, 1695, p. 141-142 ; J. Le Long, Bibliotheca conclure que le copiste transcrivait la version proven-
sacra, in-f», Paris, 1723, t. i, p. 368-369. Ed. Reuss cale interlineaire d'un manuscrit latin glose. Non
a distingue le premier les versions albigeoises ou ca- seulement il a copie parfois, par inadvertance sans
thares en provencat des traductions vaudoises. Frag- doute, le lexte latin, mais 1'ordre des mots vulgaires
mentslitteraires et critiques relatifs a I'histoire de la est presque exactement celui du texte original. Cette
Bible francaise, dans la Revue de theologie de Stras- copie semble avoir ete prise directement sur le manus-
bourg, 1852, t. v, p. 321-349; 1853, t. vi, p. 65-96. crit lalin glose, car, si elle n'est pas un manuscrit
Depuis lors, on a decouvert et etudie des manuscrits d'auteur, elle n'est pas tres eloignee du manuscrit de
nouveaux; on a confronte les textes, et de cette compa- 1'auteur. M. Paul Meyer, dans la Romania, loc. cit.,
775 PROVENQALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 776
p. 423-426, par une etude comparee de la langue de P. Meyer a reproduit Joa., xiu, dans Recueil d'anciens
cette A'ersion, a determine la region a laquelle appar- textes bas-latins, provencaux et francais, Paris, 1874,
tenaient 1'auteur et !e copiste du manuscrit. Toutes les t. i, p. 32-39. J. Wollenberg avait public deja 1'Epitre
parlicularites linguistiques se retrouvent a 1'epoque aux Ephesiens, dans I'Archiv fur das Studium der
indiquee, dans les documents qui proviennent du pays neueren Sprachen, 1862, t. xxxvm, p. 75 sq., et Karl
correspondant au departement actuel de 1'Aude et Bartsch en a extrait Eph., i, 1-23, pour 1'inserer dans
meme, pour plus de precision, a la partie orientale de sa Chreslomathie provencale, 4e edit., Elberfeld, 1888,
ce departement. Des fac-similes du manuscrit ont ete col. 331-332.
reproduits par W. S. Gilly, The romaunt Version of Ces textes provencaux du Nouveau Testament ont
the Gospel according to St. John, Londres, 1848, exerce une influence notable sur les versions vau-
p. LYII; par Reuss, loc. cit.; dans le Recueil des fac-si- doises, qui ont avec eux un grand nombre de points
miles a I'usage de I'Ecole des char les, pi. 129. W.Foers- communs. Les divergences ne permettent pas d'ad
ter a edite 1'Evangile selon saint Jean, dans la Revue mettre la communaute d'origine; mais la dependance
des langues romanes, 2e serie, 1878, t. v, p. 105 sq. de celles-ci relativement a ceux-la est certaine. S. Ber-
M. Leon Cledat a public une reproduction photolitho- ger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont influe aussi, comme les
graphique du manuscrit entier : Le Nouveau Testa- versions vaudoises elles-memes, sur la premiere traduc-
ment traduit au xme siecle en langue provencale, tion italienne des Epitres de saint Paul, des Epitres catho-
dans la Bibliotheque de la facultc des lettres de Lyon, liques et de 1'Apocalypse. S. Berger, La Bible italienne
Paris, 1888, t. iv. Cette version provencale a exerce, au moyen age, dans la Romania, 1894, t. xxiv, p. 45,
nous le verrons, une grande influence, directement ou 47, 50. Voir ITALIENNES (VERSIONS), t. in, col. 1020-1021.
par ses derives, sur les versions vaudoises, catalanes et Ils ont meme influe sur une Bible allemande, repre-
italiennes du Nouveau Testament.- sentee par les manuscrits de Tepl et de Freiberg
3° Un autre etat de cette traduction provencale du (xive siecle) et par dix-hiiit editions imprimees. Son
Nouveau Testament a ete conserve dans le manuscrit texte se raltache surtout au manuscrit de Lyon; mais
francais 2425 qui provient de Peiresc. II estmalheureu- certaines de ses lecons ne se retrouvent que dans le
sement mutile en plusieurs endroits, et 1'Evangile de manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. II
saint Matthieu est perdu tout entier. L'ecrilure est de faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous
la premiere moitie du xrve siecle. D'autre part, le texte les yeux un original intermediate entre les differentes
lui-meme est abrege. II a ete ecourte soit pour eviter versions. Voir la bibliographic du sujet, citee t. i,
des repetitions, soit par recherche de la brievete. Au col. 376, et les articles de la Revue historique, Janvier
lieu de donner la traduction complete du texte, 1'auteur 1886, t. xxx, p. 167; septembre 1886, t. xxxn, p. 184,
n'en fait souvent qu'un resume; paYfois Cependant, il et 1891, t. XLV, p. 148 (les deux premiers ont ete repro-
a ajoute quelques mots de paraphrase. La version est duits avec additions dans le Bulletin de la Societe
done plutot libre que litterale, et en beaucoup d'en- d'histoire vaudoise, n° 3, decembre 1887).
droits, elle est tres negligee. D'ailleurs, la copie est 4° Une version toute nouvelle %du Nouveau Testa-
souvent defeetueuse. Or, elle ressemble en bien des ment a ete decouverte plus recemment encore dans
points a celle du manuscrit de Lyon. La division en deux manuscrits. Le premier, qui n'en contient qu'un
chapitres est en grande partie identique a celle de ce fragment, a ete trouve par M. Mireur, archiviste du
manuscrit. Le texte lui-meme est si ressemblant que Var, dans les archives de Puget, ou il servait de cou-
\Taisemblablement on ne se trouve pas en presence de verture a un registre de comptes. C'est un debris
deux traductions differentes; les contresens sont les de deux feuillets, dont 1'ecriture est du milieu du
memes. Les divergences se ramenent a peu pres a une xive siecle environ. Le texte reproduit est Matth.,
traduction plus litterale de quelques mots; la diversite xxvin, 8-Marc., I, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet
de 1'ordre des mots et de la disposition des phrases precedent se sont imprimees a 1'envers sur le suivant
provient de ce que la version interlineaire du manuscrit et ont fourni Matth., xxvi, 1-4, 17-21. M. P. Meyer a
de Lyon suit 1'ordre du texte latin, tandis que celle du edite ce texte et 1'a etudie. Fragment d'une version
manuscrit de Paris a remis les phrases sur ses pieds. provencale iriconnue du Nouveau Testament, dans la
La communaute d'origine admise, le manuscrit deLyon Romania, t. xvni, p. 430-438. Cette version est bien
representerait la premiere edition; celui de Paris en plus libre d'allures que la precedente; elle ne suit pas
serait le redressement, et le texte provencal primitif litteralement le texte latin, et elle vise a etre claire et
aurait simplement ete transcrit dans un langage plus intelligible pour tous, parfois meme en forcant un peu
moderne et, au jugement du transcripteur, plus con- le sens. Tous les mots et toutes les locutions sont de
forme au latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit., bonne langue populaire, et on ne trouve pas de termes
cette transcription a ete faite dans le dialecte de la latins passes en provencal. La traduction ne parait pas
Provence, et plus probablement du sud ou du sud-est notablement plus ancienne que le manuscrit; elle serait
die cette province. Au point de vue doctrinal, cette vei~- done de la premiere moitie du xive siecle. Les regies
sion est neutre, comme la precedente. La copie semble de 1'ancienne declinaison sont tombees en desuetude,
avoir ete faite pour I'usage d'un catholique, qui y et elles ne semblent pas etre des corrections du copiste.
lisait les evangil.es et les epitres des dimanches et des La langue appartient a la partie meridionale de la
fetes. Un grand nombre A'index, dus a plusieurs Provence, en sorte que la version est du meme pays
mains et qui paraissent remonter au xve siecle, in- que le manuscrit qui la contient.
diquent en quelles mains ce manuscrit a passe. Us at- Samuel Berger a etudie plus tard un manuscrit nou-
tirent 1'altention sur des textes de morale et sur des veau, qui reproduit la plus grande partie des Evangiles,
passages qui ont un rapport direct avec Penseignement a la suite d'un « livre de Genese », dont il sera parle
special des Vaudois, et ils semblent etre le resume de plus loin. C'est le manuscrit francais 6261 de la Biblio-
la predication d'un « barde » et le temoignage de sa theque nationale de Paris. Ecrit au xv e siecle, il a
carriere errante et persecutee. S. Berger, ibid., appartenu a .lean de Chastel, eveque de Carcassonne
p. 365-371. (f 1475), et au celebre Tristan FErmite. Chaque Evan-
Le texte de VEvangile de saint Jean a ete public en gile est precede de son argument, La division en para-
entier par Gilly, The romaunt Version of the Gospel graphes, a peu pres semblable a celle des manuscrits
according to St. John, Londres, 1848, et par J. Wollen- de la version precedente, semble indiquer que la tra-
berg, L'Evangile selon saint Jean en vieux provencal duction est anterieure, sinon au milieu, du moms a la
(Programme du College royal francais de Berlin), 1868. fin du xme siecle. Le texte latin, sur lequel elle a ete
777 — PRO\ 7 ERBES (LIVRE DES) 778
faite, n'a presque rien du texle languedocien; c'est, a PROVERBES (LIVRE DES), un des livres sa-
peu de chose pres, celui qui a ete en usage dans toute pientiaux de PAncien Testament.
la France depuis le ixe sieele jusqu'au milieu du xme. I. TITRES DU LIVRE. — Ce livre a pour titre dans la
La version est libre,souvent abregee, parfois paraphra- Bible hebrai'que les premiers mots du texte Misle
see ou accompagnee de gloses. Elle est, a certains en- Selomoh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages
droits, la meme que celle du fragment du Puget. juifs plus recents, il est assez souvent designe par le
L'origine commune, au moins partielle,des deux textes seul mot Misle;dans le Talmud egalement on le trouve
est evidente. Le fragment est plus ancien et plus aussi mentionne sous le titre de sefer hokmdh, « livre
rapproche, a certains egards, de 1'original. Celte tra- de la sagesse i), Tosephot in Baba balhra, 14. — Dans
duction a certainement ete en partie 1'original de la les Septante il est intitule Ilapotfuou ou Haponxiai
plus ancienne des versions catalanes des Evangiles, Sa>wfxwvTo?. — La Vulgate, au titre-de Liber Prover-
qui se trouve dans le manuscritde Peiresc, Bibliotheque biorum, ajoute : quern Hebreei Misle appellant. —
nationale, fonds espagnol, 2-4, du xve siecle. Voir t. ir, L'antiquite chretienne indique assez souvent les cita-
col. 346. II y a ressemblance en certains passages, et tions empruntees a ce livre par ces seuls mots : Salo-
identite en beaucoup d'autres. Certains indices pour- mon a dit; cependant on le rencontre encore designe,
raient faire croire que cette version provencale est explicitement ou implicitemenl par le terme de 2o$cx
d'origine cathare. Elle parle des « bons homines » et ou Socpfa HaXa>[ju7>vToc, Sapientia Salomonis, S. Justin,
des « parfaits ». Moins litterale que la precedente, elle Adv. Tryph., 129, t. vi, col. 771; Melilon de Sardes,
est bien superieure au point de vue du gout, et elle est cite dans Eusebe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397; Cle-
faite pour le peuple. Certains contresens, dont quel- ment d'Alexandrie, Psedag., u, 2, t. vin, col. 421; Ori-
ques-uns sont peut-elre le fait des copistes, nous gene, In Gen., horn, xiv, t. xn, col. 237; S. Cyprien,
apprennent comment 1'auteur entendait 1'original. Le Testim. adv. Jud., in, 56, t. iv, col. 761; r\ Ttavapsro;
texte n'en a pas encore ete publie. S. Berger, Nouvelles aoyix, S. Clement, ) Cor., LVIJ, 3, edit. Gebhart et Har-
recherches sur les Bibles provencales et catalanes, nack, 1876, p. 94. Eusebe nous apprend que cette epi-
dans la Romania, 1890, t. xix, p. 535-548. La traduction theteetait en usage parmi les auteurs ecclesiastiques du
toscane des Evangiles, du xine siecle, a ete faite, a cer- n e siecle, H. E., iv, 36, t. xx, col. 397. — Dans la litur-
tains endroits, sous VinBueixce A'\mte^sAe.pvovencal, gie, I'Eglise le designe, ainsi que les autres livres sapien-
parent de celui qui avait ete traduit en Catalan, mais tiaux, sous le titre general de « Livre de la Sagesse ».
plus ancien et plus rapproche de la source commune II. PLA.CE DU LIVRE DANS LA BIBLE. — Le livre des
- de tous les textes proveneaux. S. Berger, La Bible ita- Proverbes, dans la Bible hebraique, fait partie des
lienne au moyen age, dans la Romania, 1894, t. xxni, Hagiographes, et, par suite, il se trouve place apres la
p. 30-32. Loi et les Prophetes, le plus ordinairement a la suite
5° Le « livre de Genese », que contient le manus- des Psaumes et de Job; dans la Vulgate comme dans les
crit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes, Septante, il est place' a la suite de Job et des Psaumes.
qui complete Hustoire sainte par des legendes evange- III. CANONICITE DU LIVRE. — Le livre des Proverbes
Ifques. II parait etre du xiv e siecle. II est conserve fait partie des protocanoniques; il a toujours ete con- .
aussi dans le manuscrit de la Bibliotbeque de Sainte- sidere comme livre canonique par Jes Juifs et par
Genevieve a Paris, Af 4, fol. 79, du xive siecle. I'Eglise chretienne. Dans les ecrits du Nouveau Tes-
M. Bartsch Fa reproduit, Chrestomathie provencale, tament, les passages de ce livre qui y sont cites
4* edit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a ete sont rapportes avec les formules ordinairement em-
traduit en Catalan. La version catalane, conservee dans ployees pour les citations scripturaires. Dans I'Epitre
les manuscrits: Bibliotheque nationale de Paris, esp. 46, aux Remains, xu, 19-20, une citation des Proverbes,
du xve siecle; Barcelone, date de 1451, a ete publiee xxv, 21-22, est jointe a une autre du Deutero-
par M. V. Amer, Genesi de Scriptura, Barcelone, nome, xxxn, 25, et toutes les deux sonl introduites
1873. Le meme livre a etc traduit en bearnais. V. Les- avec la formule « car il est ecrit ». Voir aussi II Cor.,
pey et P. Raymond, Recits d'hist. sainte, 2 vol., Pau, YJII, 21, et Prov., HI, 4; Heb., xn, 5-6, et Prov., in, 11-
1876, 1877. 12; Jac., iv, 6; I Pet. v, 5, et Prov., in, 3i; I Pet., iv,
6° Les livres historiques de TAncien Testament ont 18, et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxn,
enfin ete traduits en provencal au xve siecle. Le texte 8 (Septante); Heb., xn, 13, et Prov., iv, 26 (Septante).
en a ete conserve dans un seul manuscrit du xve siecle, Quelques anciens rabbins juifs souleverent des diffi-
a la Bibliotheque nationale de Paris, fonds francais 2426. cultes relativement a la canonicite des Proverbes, mais
Aux feuillets!52 et 366, il y a une signature qui pourrait ils visaient 1'usage public du livre et non pas son auto-
bien etre celle du copiste et qu'on peut lire « Johannes rite religieuse. Elles consisterent principalement dans
Convel » ou « Conveli ». Quelques parties en ont ete les contradictions que Ton pensait trouver entre ces
editees par M. J. Wollenberg, dans YArchiv fur das deux passages, xxvi, 4, et xxvi, 5, ainsi que dans les
Studium der neueren Spractten, a savoir: 1'histoire de descriptions de vn, 7-20, jugees inconvenanles comme
Susanne, 1860, t. xxvm, p. 85-88; Esther, 1861, t. xxx, trop reaJistes et trop suggestives; cette question fut en-
p. 159-169; Tobie, 1862, t. xxxii, p. 337-352. Elle a ete core soulevee au synode de Jamnia (vers 100 apres
pour une partie traduite litteralement sur une Bible J.-C.). Une distinction mit fin a la premiere difficulte
historiale francaise, dont il existe trois manuscrits en rapportant xxvi, 4, aux choses de la terre et xxvi, 5,
plus ou moins complets : Bibliotheque de 1'Arsenal a aux choses religieuses. Quant aux descriptions du
Paris, manuscrit 5211, du milieu du xine siecle; Biblio- chap, vii, elles furent interpretees d'une maniere alle-
theque nationale, nouvelles acquisitions francaises, 1404, gorique. Apres cette date, aucun doute n'est plus signale
de la seconde rnoitie du xni8 siecle; fonds francais sur ce livre dans le milieu juif. — Parrni les Chretiens,
6447, copie entre le xme et le xive siecle. Voir t. it, le second concile general de Constantinople (553),
col. 2353-2354. Cette version a les caracteres de son Labbe, Cone., t. v, col. 451, condamna la doctrine
original francais, qui est une compilation et une ceuvre de Theodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est
melee due a plusieurs traducteurs. S. Berger, Non- vrai, que Salomon etait 1'auleur de ce livre, fait en
velles recherches, etc., p. 548-557. Elle a ete faite peut- vue de 1'utilite d'autrui, mais pretendait qu'il 1'avait
etre pour servir de complement au Nouveau Testament compose de lui-meme, parce que pour ce travail
provencal. il n'avait pas ete favorise, disait-il; des dons de pro-
La litterature provencale n'a jamais produit une phetie. — Dans les temps modernes, cette attaque
BiWe comp\eVe. TL. tut reprise par lejuifB. Spinoza. Tractatus theologico-
779 PROVERBES (LIVRE DES) 780
polit,, n, et par J. le Clerc, Sentiments de quelques Dans la Bible, le nom de sage sert a designer diverses
tfieologiens de Hollande sur I'histoire critique du categories de personnages, mais si variees que puissent
V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne etre les conditions sociales dans lesquelles ils sont
pouvaient comprendre que « le Saint-Esprit eut inspire places, ou la nationalite a laquelle ils appartiennent, une
des choses aussi simples que celles qu'on rencontre idee commune se retrouve toujours dans cette appella-
en plusieurs passages de ce livre et que des paysans tion; celle d'une science plus parfaite. C'est ainsi
sans instruction apprennent et connaissent sans le que dans 1'Exode Dieu declare avoir rempli de sagesse,
secours d'aucune revelation. » Raisonnement absolu- d'intelligence et de savoir Beseleel~et Ooliab pour qu'ils
ment faux, parce qu'il confond la revelation et 1'ins- puissent executer ses prescriptions relativement a la
piration et donne comme critere- de 1'inspiration d'un construction du Tabernacle. Exod., xxxi,3-6; xxxv, 31,
livre son contenu, et qui, s'il etait pousse logique- 34. Hiram, a 1'habilite dequi Salomon fait appel lors de
,ment, aboutirait, comme le remarquait justement la construction du Temple, est mentionne lui aussi
R. Simon, Reponse aux sentiments de quelques theo- comme « rempli de sagesse, d' intelligence et de savoir
logiens de Hollande, c. xin, Rotterdam, 1686, p. 138, pour faire toutes sortes d'ouvrages d'airain. » I Reg.,
a la negation de 1'inspiration d'un bon nombre d'autres vu, 14. Au temoignage de Jeremie, XLIV, 7, et d'Abdias,
livres de la Bible. 8, les Edomites etaient reputes pour leur sagesse, et,
IV. LE SENS DU MOT PROVERBES. — Mdsdl, dont quand il s'agira de faire ressortir 1'excellence de la sa-
Proverbs est la traduction, vient de la racine Voro, gesse de Salomon, 1'historien sacre dira qu'il « etait
~ T
plus sage... qu'Ethan 1'Ezrahite, qu'Heman, Chalcol et
qui repond a 1'idee de comparaison, de similitude,
Dorda, les fils de Mahol. » I Reg., iv, 30-31. Et la sagesse
d'ou parabole, sentence. Kautzsch, dans The sacred
de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclame'e
Books of the Old Testam. : The Book of Proverbs,
dans le jugement qu'il rend entre les deux meres qui
i, 6, p. 32, prefere, pour fixer ce sens, recourir a un
rapprochement avec 1'assyrien mislu, qui veut dire viennent le consulter, I Reg-, ni, 28, que lorsqu'il re-
pond aux questions de la reine de Saba et resout ses
« moitie », confirme par 1'arabe 2S\X*a'd, dont la signi- difficultes, I Reg., x, 3; 6, ou qu'il prononce de nom-
fication revient a ceci : « brise en deux » ou « divise breuses maximes. I Reg., iv, 32, 34.
par le milieu ». Pour lui, 1'idee premiere de mdsdl ne Si Ton examine maintenant les diverses acceptions
serait done point celle de similitude, au moins d'une du mot hokmdh, ordinairement traduit par Sagesse,
facon directe, mais impliquerait imrnediatement 1'idee on verra qu'une large part y est faite au cote intellec-
de stiques poetiques, c'est-a-dire de membres paral- tuel et qa'il implique une science plus parfaite en
leles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot celui qui possede cette sagesse. Et cette connaissance
mdsdl est traduit ainsi : c proverbe parabole, se dit superieure n'est point restreinte dans son objet, elle
de sentences disposees en parallelisme. » On peut dire, est toujours susceptible de perfection, elle comprend
en general, que mdsdl signifie tout d'abord similitude, tout aussi bien les choses divines que les choses hu-
comparaison, et ensuite, similitude exprimee sous forme maines et elle embrasse les verites pratiques et mo-
de parallelisme, avec diverses nuances de sens. En rales tout autant que les verites speculatives. Si elle
dehors du livre des Proverbes ou il est employe 6 fois comprend la connaissance de la nature et des choses
i, 1, 6; x , l ; xxv, 1: xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois de la nature, elle comprend egalement la science de la
dans 1'Ancien Testament. II signifie : dicton populaire, pratique de la vie, et a ce titre elle est, a-t-on pudire, le
I Sam., xxiv, 14; Ezech., xn, 22; oracles prophetiques principe du savoir vivre comme du savoir faire dans
(de Balaam), Num., XXHI etxxiv; enigmes, Ezech., xxi, 1'homme qui la possede. Autant qu'elle se trouve en
5f xxiv, 3; chant ou domine 1'ironie, Is., xiv, 4; 1'homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie,
Mich., n,4; objet de risee, Deut., xxvni, 37; II Par., vil, consiste done dans la science de Dieu, de 1'univers
20, mais on peut retrouver dans ces diverses accep- et de la vie,
tions une signification commune : celle d'une compo- Mais cette sagesse ou cette science eminente que
sition litteraire plus ou moins longue, en langage figu- 1'on peut rencontrer dans 1'homme et qui le rend
re et suivant le rythme poetique, basee sur un rappro- superieur a celui qui ne la possede point, ne vient pas
chement ou une comparaison. Mais il y a encore une de lui, il la recoit de 1'exterieur, et, en derniere ana-
autre acception du mot mdsdl qui le rapproche du lyse de Dieu me"me en qui elle reside essentiellement,
mot yvw(A-/) des Grecs, celle de maximes, de sentences, mais qui peut en communiquer quelque chose aux
exprimees sous la forme poetique et ayant une portee hommes, en sorte que ceux qui la possederont seront
morale, et c'est le sens qui convient a ce mot dans le des beneficiaires d'un don divin.
iivre des Proverbes. Si Ton se sert de ces reflexions pour apprecier les
V. OBJET DU LIVRE DES PROVERBES. — Ce recueil est, maximes que renferme le recueil des Proverbes, on
avant tout, le livre de la Sagesse, et on a vu comment peut reconnaitre que ce livre constitue un manuel
les Peres lui ont donne ce titre. Cette designation theorique et pratique de conduite morale, il a pour but
convient excellemment au contenu de ce livre, car, d'amener celui qui en suit les enseigneme'nts a une
dans tout son ensemble, c'est la Sagesse qu'on y entend, science plus parfaite et au perfectionnement de sa
soit que, personnifiee, elle instruise directement elle- propre vie, ce qui constituera sa veritable sagesse.
meme, soit qu'elle communique gux hommes ses Les Peres entendaient ainsi le but et 1'objet de ce
enseignements par « les sages », ses representants. livre quand, avec saint Basile, ils definissaient la sa-
Mais ce livre n'est point une O3uvre abstraite, un re- gesse de ce recueil « une science des choses divines et
cueil de considerations Iheologiques sur la sagesse, humaines..., non pas tant speculatives que pratiques,
c'est un livre pratique et 1'enseignement qui y est de nature a conduire 1'homme a la pratique de toutes
donne, les preceptes et les lecons qu'on y trouve, pre- les vertus et par la-meme le mettre en mesure d'attein-
sentes par la Sagesse ou en son nom, convergent tous dre au bonheur parfait. » In princip. Proverb.,
vers un meme but et donnent ainsi sa veritable unite horn, xn, 3, t. xxxi, col. 389.
a ce recueil de sentences : rendre meilleur 1'homme qui A plusieurs reprises, surtout dans les premiers cha-
suivra ces conseils en le rendant participant de la sa- pitres, ceux a qui s'adresse la Sagesse sont designes
gesse. L'objet du livre des Proverbes, c'est done, ainsi par le nom de « fils », mais on'se tromperait sur la
que 1'exprime le prologue du livre I, 1-6, 1'enseigne- portee de ce terme si on ne voulait y voir que Vindica-
ment donne par la sagesse pour rendre 1'homme sage. tion d'un age peu avance, il designe, avant tout ; ceux
Qu'est-ce done que la sagesse? qu'est-ce qu'un sage? qui desirent mener une vie meilleure et ne font que
781 PROVERBES (LIYRE DES) 782
commencer. La sagesse prend a leur egard 1'attitude de tranquillite, durant laquelle la civilisation penetra
du maitre qui instruit et forme un disciple. de plus en plus dans la societe Israelite, entrainant
VI. DIVISIONS DU LIVRE DEsPROVERBES. — II renferme avec elle 1'abondance des richesses, la puissance, le
8 sections : — 1°, I, 1-ix, 18. Une serie de discours luxe et de nombreux abus. Elle nous permet de suppo-
moraux qui paraissent destines a servir d'introduction ser a celte epoque, sinon dans toutes les villes,au moins
aux Proverbes proprement dits et qui out pour titre : a Jerusalem, par suite des exemples de Salomon et de
Parabolse Salomonis, Proverbes de Salomon, I, 1. — sa cour, un cadre de vie sociale analogue a celui que
3,° x, 1-xxii, 16. Une grande collection de sentences supposent certaines descriptions des chap. i-ix. On pour-
portant le meme titre que les maximes de la section rait meme signaler quelques rapprochements assez
precedente : Parabolas Salomonis, X, 1. Ce titre man- significalifs; c'est ainsi, par exemple, que 1'abondance
que dans les Septante. — 3° xxn, 17-xxiv, 22. Un de parfums et d'aromates, que les tapis d'Egypte, que
recueil de pensees qui sont donnees comme « paroles les lointains voyages, qui sont mentionnes, vn, 16-19,
des sages », xxn, 17. — 4° xxiv, 23-34. Quelques pensees s'accorderaient Men avec ce que nous savons du luxe
egalement attribuees a des sages, xxiv, 23. — 5° xxv, et du commerce d'Israel a 1'epoque de Salomon.
1-xxix, 27. Nouvelle collection"de proverbes "attribues a Ill Reg., ix, 26-28; x, 2, 10, 14-15, 25.
Salomon, mais reunis seulement au temps d'Ezechias, 2° Objections contre 1'authenticite des Proverbes. —
xxv, 1. — 6° xxx. Recueil de maximes intitule : Pa- L'authenticite salomonienne des sections 1, 2, 5, n'est
roles d'Agur, xxxi,l. — 7»xxxi,l-9. Quelques reflexions pas admise par tous les auteurs modernes. Pour beau-
de la mere du roi Lamuel, xxxi, 1. — 8° xxxi, 10-31. coup de critiques, le livre des Proverbes n'est qu'une
Poeme alphabetique, sans titre, contenant le portrait compilation de petites collections de sentences qui
de la femme forte. ont existe d'abord independantes les unes des autres,
VII. ORIGINE DES DIFFERENTES PARTIES DU LIVRE. — car elles sont et d'epoques et d'auteurs differents.
Sept de ces sections portent done le nom de person- Plusieurs des sections du livre actuel renfermeraient
nages determines: Trois sont attribuees a Salomon : meme des sous-sections, aux caracteres particuliers
1, 2, 5; deux le sont a des auteurs autres que Salomon assez accentues pour qu'on put considerer les sections
et dont les noms sont indiques : 6, 7; deux a des au- actuelles comme etant elles-mdmes des resultantes de
teurs designes seulement par le titre de « sages », 3,4. collections moins etendues: notamment x-xv et xvi-xxii,
On peut done distinguer deuxgroupements dansle livre 16, dans la 2e section, et xxv-xxvn et xxvm-xxix, dans
des Proverbes : les sections attribuees a Salomon et la 5e section. Les caracteristiques de ces sous-sections
celles qui ne portent pas son nom. Cette distinction est se reconnaitraient en particulier : aux repetitions de
aujourd'hui generalement admise. prover.bes identiques, a I'emploi presque exclusif de tel
7. ORIGINE SALOMONIENNE DES PREMIERE, DEUXIEME genre de parallelismes, a la preference pour certaines
ET ciNQViEME SECTIONS. — II s'agit ici de 1'origine des idees et a la maniere de les 'apprecier. Toy, Pro-
trois principales sections du livre, celles qui renferment verbs, dans The internal, critical Comment., 1899,
le nom de Salomon dans leurs litres respectifs i, 1; x, p. xix sq.
1; xxv, 1. — 1° Preuves. — Les auteurs anciens et la Des dates sont proposees par ces auteurs, soit pour
plupart des auteurs modernes catholiques reconnait la composition, soit pour la compilation de ces sections
dans ces sections une ceuvre vraiment salomonienne. et 1'on peut constater une progression constante depuis
M. Vigouroux, Manuel biblique, t. ir, 12e edit., 1906, une vingtaine d'annees dans 1'abaissement de ces dates
p. 482; Comely, Introd. specialis, t. ir, Paris, 1887, par rapport a 1'histoire d'Israel. Les critiques les plus
p. 143 sq.; Card. Meignan, Salomon, Paris, 1890, recents ne recherchent meme plus s'il y a des maxi-
p. 328. La these est ainsi exposee : Salomon a compose mes qui peuvent etre de Salomon, mais Us voient
un tres grand nombre de maximes gnomiques, toutes uniquement en lui 1'initiateur du genre gnomique
ne nous sont pas parvenues, mais il en existe au en Israel comme David 1'avait ete de la poesie lyrique.
moins deux recueils qui furent fails a deux reprises Frz. Delitzsch, Das Salom. Spruchbuch, 1873, p. 25,
differentes. A ces sentences ainsi choisies on a ajoute n'he"sitait que pour les chap, i-ix qu'ilplacait a 1'epoque
des maximes provenant de divers auteurs, et de 1'en- de Josaphat; Cheyne, Job and Solomon, 1883, p. 183,
semble est resulte le livre des Proverbes que nous affirme qu'on ne peut reconnaitre 1'authenticite sa-
possedons. lomonienne du livre, mais qu'il y a des proverbes
La preuve principale de 1'origine salomonienne des remontant au ixe siecle. Loisy, Les Proverbes de Salo-
trois grandes sections du livre repose sur la tradition mon, 1889, p. 32, reconnait que des sentences de Salo-
qui lers attribue a Salomon. Les Peres et les auteurs mon avaient pu etre conservees par la tradition orale,
ecclesiastiques, heritiers en cela des docteurs juifs, sont chez les sages; etque la partie du recueil qui paraissait
unanimes a reconnaitre ce livre comme une reuvre la plus ancienne et qui reproduisait sans doute le plus
vraiment salomonienne. Leur temoignage s'appuie sur exactement le fond et la forme des pensees aulhentiques
les titres de ces trois sections, titres qui sont tres an- de Salomon etait la collection faite a 1'epoque d'Eze-
ciens et anterieurs aux Septante. II est vrai que la ver- chias ; pour Bickell, Krit. Bearbeilung der Proverbien,
sion grecque et la Peschitto n'ont point de titre, au 1891, la partie la plus ancienne du livre consiste dans
debut de la deuxieme section, x, 1, mais quelle que soit la collection faite au temps d'Ezechias; laquelle ne de-
I'explication de cette omission, on peut dire que le vait compremire que xxv, 11-xxvii, 22; les discours sur
titre I, 1, devait, sans doute, servir a designer tout le la sagesse, i-ix, pourraient remonter au temps de Je-
contenu i, 1-xxn, 16. Et meme le titre general, i, 1-6, remie; Driver, Introduction to the Lilerat. of the Old
ne peut avoir toute sa portee que s'il designe les sen- Test., 7e edit., 1898, p. 407, considere comme histori-
tences de la deuxieme section tout autant que les que la donnee de Prov.,xxv, l,ety voit la preuve qu'au
exhortations morales de la premiere. — Le troisieme temps d'Ezechias les Proverbes qui suivent ce tilre
livre des Rois, iv, 29-32, nous apprend expressement etaient regardes comme anciens; il ne conclut pas
que Salomon, doue parDieud'une sagesse particuliere, cependant a 1'authenticite salomonienne de toute la
« prononca trois mille maximes. » Le terme hebreu section, mais seulement a 1'existence certaine d'un
traduit par maximes est precisement ce mot mdSdl noyau de proverbes salomoniens dans la 5e comme dans
que Ton retrouve dans les titres du livre des Proverbes, la 3e section, sans qu'on puisse en determiner exacte-
i, 1; x, 1; xxv, 1. ment 1'etendue; i-ix serait de peu anterieur a 1'exil.
L'histoire de Salomon nous atteste encore que le Nowack, Kurzgef. exegetisches Handbuch, 1883, et
regne de ce prince fut, dans son ensemble, une periode Kuenen, Histor.-crit. onderzoek, 1865, partagent a peu
783 PROVERBES (LIVRE DES) 784
pres le meme sentiment et placent la composition de ce Les principaux arguments presentes par ces auteurs-
livre avant 1'exil, a partir du vme siecle, sauf peut-etre peuvent se resumer ainsi. Au point de vue religieux —
en ce qui. concerne les chap, xxx-xxxi; mais pour c'est, a 1'encontre de ce qui est constate chez tous les
Reuss, Philos. mor. et relig. des Ueb., 1878, p. 151 sq,, auteurs pre-exiliens, 1'absence de toute polemique-
on ne peut savoir ce qu'il y a de Salomon dans le livre contre le polytheisme : le monotheisme est suppose
des Proverbes, dqnt la partie la plus ancienne est la admis par tous sans aucune difficulte; — c'est 1'absence
collection faiteau vme siecle au temps d'Ezechias. de cette preoccupation nationale dans 1'emploi des
Avec les auteurs plus recents, les conclusions sont expressions religieuses telle qu'on la constatait avant
assez differentes; pour Wildeboer, Die Spruche, dans 1'exil; sans doute Dieu est bien encore designe sous le
Kurzer Hand-Commentar de Marti, 1897, adoptant vocable particulier (mn») qui le caracterisait durant la
les conclusions de Cornill, Einleitung, 2e edit., tout periode pre-exilienne, mais on ne rencontre jamais
le livre des Proverbes est post-exilien et nullement 1'expression si frequente chez les prophetes, de « Dieu>
anlerieur au ive siecle; pour Frankenberg, Die Spruche, d'Israel », Toy. Proverbs, p. xxi, et de toute allusion a-
dans le Hand-Commenlar de Nowack, 1898, et pour la tendance des Israelites a se porter vers leurs sane-
Toy, op. cit., p. xxx, et art. Proverbs, dans I'Encyc. tuaires les plus venere"s comme le leur reprochaient*
Bibl., t. in, 1902, col. 3917, les deux grandes sections x- souvent les prophetes; — c'est encore Pelevation de
xxir, 16, etxxv-xxix, proviennent de milieux differents, pensee sur la divinite, en particulier sur la sagesse
mais ne sont pas anterieures au ive siecle, la l re section divine (vm) qui suppose, dit-on, un milieu religieux
I-lx, appartient au milieu du me siecle. L. Gautier, plus cultive que n'etait Israel avant la caplivite (milieu
Introduction a I'Anc. Test., Lausanne, 1906, t. n, grec) Toy, Proverbs, p. xxn; Cheyne, op. cit.; (milieu,
p. 89-90, tout en admettant la possibilite d'une collection persan) Kuenen, op. cit., Baudissin, Die altt.
de Proverbes faite au temps d'Ezechias, ne voit aucune Spruch., 1893; enfin ce sont des reminiscences du.
preuve permettant d'affirmer qu'ils nous auraient ete Deuteronome qui ne permettent pas de reporter les-
conserves; et bien que le style ne s'oppose pas a une maximes qui les renferment a une date anterieure
composition du Vie siecle, il place au ive la composition a la reforme de Josias.
de notre livre des Proverbes. Au point de vue social, les Proverbes supposentcons-
Certains auteurs ont meme modifie leur propre sen- tamment des habitudes et un etat de choses qui n'exis-
timent sur ce sujet : ainsi Nov/ack dans son Comrnen- terent pas en Israel avant la captivite ou meme avant
taire, 1883, placait les Proverbes avant 1'exil; dans 1'art. le debut de la periode grecque; — dans la famille, la*
Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142, monogamie comme regie generale et la place impor-
tout le contenu du livre lui semble post-exilien; Cheyne tante occupee par la femme; par exemple : x, 1; xv, 20;.
dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissail que xix, 14, et surtout xxxi, 10-21; — dans les habitudes
non seulement les grandes sections du livre etaient pre- sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite}'
exiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient specialement mentionnes dans i-ix. Toy, art. Pro-
raisonnablement pas etre places apres 1'exil, et dans verbs (Book), dans Encyc. Bibl., t. in, col. 3913>;.
Jewish religious Life after the Exile, 1898, p. 128, il de- Nowack, dans Hastings, Diet, of the Bible, art. Pro-
clare qu'une litterature de la sagesse a pu exister avant verbs, t. iv, p. 141.
1'exil, mais qu'il est impossible de dire dans quelle Enfin, au point de vue litteraire, la plupart des
mesure il y a relation entre cette ancienne litterature auteurs cites pensent que ce recueil ne saurait appar-
plus ou moins hypothetique et les oeuvres des sages tenir aux grandes epoques de la litterature hebrai'que.
post-exiliens conservees dans nos livres sapientiaux Toutes ces raisons sont loin d'etre decisives et ne
actuels; Kuenen, dans la l re edit., 1865, de so.n Histor.- constituent pas des preuves peremptoires de la date
crit. Onderzoek, soutenait la composition pre-exilienne relativement recente de ce livre, surtout de sa date
du livre des Proverbes; dans la 2e edit., 1893, § 97, post-exilienne.
note 15, il pretend que placer a 1'epoque contempo- II est a remarquer que tous ne recusent pas indis-
raine des prophetes 1'ensemble des idees morales tinctement la valeur des titres salomoniens, notam-
religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait ment xxv, 1. Si Baudissin, op. cit., p. 11, declare que
un veritable anachronisme. la mention de « roi de Juda » dans ce titre est une
Quant a 1'usage du nom de Salomon il s'expliquerait preuve qu'il fut ecrit alors que depuis longtemps il n'y
par ce fait que de bonne heure on songea a utiliser la avait plus de roi de Juda, par contre Driver, op. cit.f.
reputation de sagesse que la tradition lui avait eon- p. 407, soutient qu'il n'y a pas lieu de mettre en ques-
servee, en placant sous son nom et en couvrant de son tion la valeur de cette donnee, de m£me Loisy, qui,
patronage des recueils de sentences provenant d'au- (op. cit., p. 32 et dans lecompte rendu du Cotnmentaire
teurs dont le nom n'etait point connu. Les meilleurs de Toy, Rev. d'Hist. et de Lilt, relig., 1900, p. 384),
temoignages de la haute antiquite de cette reputation declare « qu'il n'est pas demontre que la mention des
de Salomon se trouvent et dans le titre de xxv, 1, qui hommes « d'Ezechias », Prov., xxv, 1, comme auteurs
repose sur une base historique et dans ]a mention des de cette seconde collection, n'ait aucune valeur tradt-
Prov. comme ceuvre de Salomon par 1'auteurdel'Eccli., tionnelle ».
XLVII, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de Comparer les Proverbes avec les ecrits prophetiquea-
cette reputation traditionnelle, ces critiques recusent, au point de vue religieux et s'appuyer sur 1'absence de
au point de vue historique, la valeur des titres salo- polemique contre le polytheisme dans les Proverbes
moniens i, 1; x, 1; xxv, 1, pour eux ils n'ont pas plus pour en fixer la date tardive, c'est meconnaitre 1'objet
de valeur que les titres des Psaumes pour en determi- completement different de ces divers ecrits et la diffe-
ner les auteurs. Le temoignage du livre des Rois,me'me rence d'action et de ministere pour les prophetes et
considere comme document strictement historique et pour les sages.
non comme 1'expression d'un sentiment traditionnel, La predication comme les ecrits des pi"ophetes>
n'autoriserait pas a conclure que les maximes con- devaient premunir les Israelites contre leur tendance
tenues dans le livre des Proverbes sont une selection naturelle a materialiser les donnees de 1'enseignement
des 3000 sentences dont il fait mention. Bien plus religieux et prevenir le danger d'aboutir a un syn-
meme la nature des sentences telle q,u'elle est expliquee. cretisme religieux sous Finlluence des civilisations-
Ill Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutot etrangeres; les Proverbes s'adressaient aux Israelites-
que leur objet n'etait pas le meme que celui des sen- fideles au monotheisme, et leur enseignaient la meil-
tences du livre des Proverbes. leure maniere de vivre une vie moralement bonne.
785 786-
On peut cependant etablir des rapprochements part des auteurs le reconnaissent et. par suite ne s'en>
entre les donnees des ecrits prophetiques et les Pro- servent que comme d'un argument purement negatif.
verbes : 1'elevation de la pensee religieuse de eeux-ci, Cela est particulierement vrai des deux grandes sec-
dit-on, depasse de beaucoup le milieu religieux ordi- tions 2 et 5.
naire anterieur a 1'exil, mais n'y a-t-il pas certains //. PARTIES DU LIVRE NON ATTRIBUTES A SALOMON.
passages bien authentiques d'Amos, d'Osee, d'lsaie qui — Troisieme section, xxn, 17-xxiv, 22. — L'introduc-
depassent, et notablement, les donnees religieuses de tion, XXH, 17-21, commence par ces mots : Prete
nombreux passages de 1'Ecclesiastique, ou de certains I'oreille et ecoute les paroles des sages, que la Vulgate
psaumes surement post-exiliens ? Et precisement en ce a traduits litteralement de 1'hebreu. Les Septante pre-
qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapprocbe- sentent une variante : Adyoi? aospwv TtaodSaXXs obv
ment de date avec 1'Ecclesiastique n'est peut-etre pas ou? y.at axoye ejjibv Xoyov. Bickell, Carmina Vet. Test.r
aussi favorable qu'ils le veulent bien pretendre aux p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, completent le premier
conclusions de ceux qui le soutiennent. La difference stique hebreu avec £[xbv Xoyov des Septante en suppleant
assez sensible qui separe les donnees ft sapientiales » le mot 'mnxb. Que cette correction soit admise ou non,
des Proverbes de celles de 1'Ecclesiastique reclame cette section doit etre considered comme distincte de
un laps de temps plus long qu'ils ne le reconnaissent celle qui la precede; plusieurs raisons motivent cette
et un milieu religieux sensiblement different. Dans les conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont
Proverbes la Sagesse conserve son caractere universel habituellement des maximes plus developpees, 4 vers et
et on ne la rencontre pas encore s'identifiant avec 1'en- meme plus; — 1'autorite dans le ton, il est exhortatif
seignement et la pratique de la Loi, ainsi qu'on le et prohibitif, le 'al hebreu prohibitif (correspondant a
constate dans Eccli., xxiv. Loisy, Les Proverbes de la particule^ ne des Latins) se rencontre 17 fois dans
Salomon, p. 27. ce petit recueil alors qu'on ne le trouve que 2 fois dans
L'absence de toute preoccupation rituelle dans 1'en- les 12 chapitres precedents; — la determination du dis-
semble des conseils de la Sagesse destine a faire 1'edu- ciple, 1'auteur s'y occupe de 1'education d'un disciple en
cation d'un juste, telle qu'on la constate dans le livre particulier, de la la frequence de 1'expression « mon
des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication fils », 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section,
serieuse d'anciennete pour ce livre, specialement pour et une fois seulement dans la precedente (xix, 27); —
des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cul- la nature des maximes, tres pratiques sur quelques
tuelles sont particulierement indicatrices de 1 ,'>poque sujets bien determines. — Le mot « sages » (xxn, 16)
post-exilienne et que le culte du second Temple a eu peut done marquer une distinction d'auteur entre la
une necessaire repercussion sur toute la litterature bi- 2e et la 3e section, ce qui est confirme par 1'enonce
blique du ve et du ive siecle. du titre de la 4e section : « cela aussi vient des sages, »
Nowack, dans Diet, of the Bible, art. Proverbs, car cette remarque ne peut se justifier que si les-
t. iv, p. 142, signale un certain nombre d'exemplespour auteurs de la 3e comme de la 4e section sont distincts
montrer dans les Proverbes et dans les ecrits prophe- de celui a qui la 2e section a ete attribuee. II fautnoter
tiques le meme ton dans la louange de I'humilite et les cependant que des auteurs comme Comely, op. cit.,
avertissements contre 1'orgueil (Prov., xi, 2; xrv, 29; x v, 1, p. 147-148, ne trouvenl point de raisons suffisantes
4, 18, etc.; Is., n, 11; Am., vi,8; Ose., vn, li);le meme pour rejeter 1'origine salomonienne de la 3e section,
coeur pour denoncer la conduite de ceux qui oppriment comme de la 4e.
le pauvre et pour insister sur la sollicitude a laquelle Quatrieme section, xxiv, 23, 34. — L'hebreu, xxiv,
celui-ci a droit, Prov., xiv, 31; xvir, 5; xvm, 23, et Am., 23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient
iv, 1; Ose., v, 10, et Ton ne voit pas qu'il y ait cet ana- des sages. » Le b, I, place devant le mot hakdmim,
chronisme dont parlait Kuenen, op. cit., § 97, note 15. « sages, » etant interprete dans ce passage comme le H
Plusieurs descriptions des chap, i-ix semblent bien auctoris, frequemment employe en ce sens dans les
supposer dans le milieu social qu'elles visent, ces raffl- titres des Psaumes. Les anciennes versions n'ont pa&
nements de luxe dont la civilisation grecque afourni de ainsi compris ce passage : les Septante : Tau-ra 5s Xeyw
nombreux exemples, mais, independamroent que cette u[uv -coi; aocofc; la Peschitlo et le Targum traduisent
remarque n'atteindrait en definitive que les neuf pre- de meTne; la Vulgate seulement, Hsec quoque sapien-
miers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu'elle tibus; si 1'on adoptait ce sens, il faudrait conclure que
ne s'irnpose pas necessairement, car on peut trouver ce passage ne renferme aucune indication d'auteur,
des situations sociales analogues, en Israel, dans la qu'il designe seulement un enseignement destine a
periode pre-exilienne : par exemple, dans les reproches ceux qui aspirent a la sagessse. Cf. Comely, Introdu-
que les prophetes du vme siecle adressaient aux femmes ctio specialis, t. n, 2e part., p. 118. Cette interpretation
de leur temps; les prophetes du Nord (Amos et Osee) n'est pas motivee et parait peu vraisemblable, car « ce
a celles de Samarie; Isai'e a celles de Jerusalem; com- ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce
parer en particulier Is., in, 16-23, et Prov., VH, 11 sq., genre. » M. Vigouroux, Man. bibl., t. n, p. 490.
et ne pourrait-on pas encore alleguer a ces auteurs Quels furent ces sages a qui le contenu de la troi-
Gen., xxvin? sieme et de la quatrieme section est attribue, a quelle-
La loi, il est vrai, permettait 1'usage de la polygamie, epoque ont-ils vecu et dans quel milieu se sont-ils
mais on y trouvait surtout une grande facilite pour la trouves ? Ce sont la des questions auxquelles on ne peut
repudiation de 1'epouse, et en fait, en dehors des rois repondre d'une fa?on satisfaisante.
et des grands, la monogamie etait pratiquee parle plus Pourexpliquer lefait de repetitions assez nombreuses-
grand nombre des families Israelites, bien des siecles entre plusieurs passages de ces deux petits recueils efr
avant la fin de 1'ere juive. Loisy, Les Proverbes de les deux grandes sections 1 et 2, surtout la premiere,,
Salomon, p. 26. par exemple, XXH, 26, et vi, etc.; xxiv, 1, et m, 31,
Les reminiscences du Deuteronome constatees dans tout particulierement la description du paresseux, xxiv,
les Proverbes, ainsi que la portee sociale de quelques 33-34, et vi, 10-11. M. Lesetre, Le livre des Proverbes,
sentences, comme xxn, 28, peuvent tout particuliere- 1879, pref., p. 21, conclut que ces auleurs ont du s'ins-
ment etre alleguees contre ceux qui veulent placer pirer de Salomon ou puiser a une source commune.
apres 1'exil la composition de tous les Proverbes. Sixieme section, xxx. — Le titre hebreu porte :
Quant au vocabulaire du livre, il est assez difficile « Paroles d'Agur, fils de Yaqeh. »H est suivi da mot
de s'en servir comme d'un argument bien rigoureux tOran, ham-massd', susceptible de diverses interpreta-
pour fixer la date de sa composition, et en fait, la plu- tions : on peut le traduire par Voracle ou le discours,.
787 PROVERBES (LIVRE DES) 788
mais il peut etre aussi considere comme un nom de D. Calmet s'exprime ainsi : « De tout ce detail il
lieu: de Massa' ou le Massaite. C'est le sens le plus parait que les Proverbes, tels que nous les avons, sont
ordinairement adopte par les auteurs modernes. une compilation des sentences ou autres ouvrages de
Frankenberg, Die Spruche, 1898; L. Gautier, op. cit., Salomon, faites en divers temps et par differentes per-
p. 95; Comely, op. cit., p. 148. La Peschito et le Targum sonnes, et rassemblees en un corps par Esdras ou par
ont conserve exactement les noms propres. Les Sep- ceux qui revirent les Livres sacres apres la captivite de
tante ne les ont pas reconnus et ont traduit ce passage : Babylone et qui les mirent en 1'etat ou nous les avons.»
« Mon fils, crains mes paroles, et en les recevant, fais Et il ajoute qu'une des preuves les plus evidentes que
penitence. » Saint Jerome, influence peut-etre par les ce livre est un assemblage fait par differentes per-
explications de quelques rabbins, y a trouve des noms sonnes, se trouve dans la repetition d'un assez grand
symboliques de David et de Salomon. Agur (celui qui nombre de versets, « ce qui ne serait pas arrive si une
assemble) serait a considerer comme un qualificatif seule personne eut travaille a cette compilation. »
personnel designant Salomon rassemblant le peuple Comely, op. cit., p. 151-152, qui admet la date d'Eze-
pour 1'instruire, Ydqeh (celui qui repand) serait une chias pour la formation du recueil, i-xxix, hesite re-
allusion a David faisant connaitre ou repandant la ve- lativement a 1'addition de xxx-xxxi qui complete le
rite, de la : Verba Congregantis, ftiii Vomentis. Voir livre actuel des Proverbes, mais en tout cas il ne voit
AGUR, t. i, col. 288-289. Agur et Yaqeh doivent etre pas de raisons serieuses pour 1'attribuer a une date
pris comme noms propres, ce sentiment communement posterieure au temps d'Esdras.
admis par les auteurs modernes, etait deja soutenu Mais le plus grand nombre parmi ces auteurs font
par D. Calmet, Pre'f. des Prov., Bossuet, Proverbes, remonter au vme siecle la formation definitive de ce
pref., Cornelius a Lapide, Comrn. in loc.; R. Bayne, recueil. Les « hommes d'Ezechias », xxv, 1, auraient
qui s'exprimait ainsi : Nam quum nomen viri et trouve deja reunis les chap, i-xxiv, resultat d'une col-
nomen, patris ponantur, scripturam nobis hominem lection faite a la fin du .regne de Salomon ou peu de
aliquem insinuare voluisse credendum est, ut omitlam temps apres. Comely, op. cit., p. 151; Vigouroux, op.
vehementer duram esse metaphoram vocari Salomo- cit., p. 485, etc. « Dans sa forme presente, le livre des
nem filium Vomentis. Cornm., Paris, 1555, in loc. Proverbes est du temps d'Ezechias, » conclut M. Vigou-
Si a 1'epoque ou ce chapitre fut ajoute au recueil des roux, faisant sienne 1'affirmation de H. Reusch, Bible
Proverbes, il avait ete considere comme salomonien polyglotte, t. iv, 1903. p.. 344. D'apres le card. Meignan,
on 1'aurait place, sans titre, a la suite d'une collection Salomon, p. 329, le recueil officiel n'aurait d'abord con-
attribute explicitement a Salomon. tenu que ce que Salomon avait dicte ou ecrit, puis au-
Septieme section, xxxi, 1-9. — Le texte hebreu, tour de ce noyau se seraient successivement ajoutes
porte : « Paroles du roi Lamuel, sentence ou oracle d'autres proverbes salotnoniens, « depuis Salomon jus-
(ici le mot massa' semble plutot se rattacher a ce qui qu'au temps d'Ezechias et peut-etre au dela. »
suit et a un sens plus precis et plus certain que dans Pour la plupart des critiques contemporains, les re-
xxx, 1)-, dont I'instruisit sa mere. Ainsi saint Jerome cherches relatives a la fixation de la date du recueil
dans la Vulgate, — Les Septante (Ol EJJ.OI Xoyot £tpY)VTou definitif se trouvent circonscrites a un laps de temps
UTU» 0soO : ces paroles de moi ont ete dites par Dieu) relativement court par le fait de la date tardive qu'ils
n'ont pas vu qu'il s'agissait d'un nom propre. Un cer- adoptent pour la composition meme des sentences. Un
tain nombre d auteurs modernes voient cependant dans point leur parait definitivement acquis, c'est que la
Massa' un nom de pays comme dans xxx, 1, Comely, formation du livre tel que nous 1'avons ne saurait re-
op. cit., p. 149. monter a une periods anterieure a la captivite. Certains,
On ignore ce qu'etait ce roi Lamuel. Un certain tout en reconnaissant que plusieurs des collections
nombre d'interpretes catholiques ont vu dans ce nom particulieres qui composent le livre actuel ont pu etre
«npseudonyme,M. Vigouroux, op. cit., p. 494; d'autres, formees avant 1'exil, ne pensent pas pouvoir admettre
«n roi d'Israel, peut-etre Ezechias (Grotius), Salomon cette meme date pour la formation definitive du recueil.
(card. Meignan, op. cit.}; Lamuel (reserve a Dieu, consa- Loisy, Les Proverbes, p. 32-33 ; Bickell, Wiener Zeit-
cre a Dieu), serait ainsi 1'equivalent de yeduldh (Vul- schrift fur die Kunde des Morgenlandes, 1891; Driver,
gate : Amabilis Domino), nom donne a Salomon par op. cit., p. 406. Kuenen, op. cit., 2e edit., §97, p. 14-20.
Nathan. II Reg,, xu,25. Aucunedes identifications pro- reconnait que quelques proverbes peuvent etre pre-
posees n'est justifiee d'une maniere satisfaisante. exiliens, mais il pretend que loutes les collections sont
Huitieme section, xxxi, 10-31, la seule qui ne ren- post-exiliennes et que la redaction de 1'ensemble du
ferme aucune indication comme titre; les auteurs an- livre est a placer entre 350-300. La question ne se pose
ciens 1'attribuaient a Salomon, comme le reste du livre, meme plus pour ceux qui ne reconnaissent qu'une
mais la place qu'elle occupe a la fin du recueil, a la origine post-exilienne a tous les proverbes (Wildeboer,
suite de deux sections dont les auteurs sont nomme- Toy); pour ces derniers, le temps ecoule entre la com-
ment designes semble s'opposer a cette attribution. — position des sentences et la formation du recueil est
L'origine non salomonienne des sections 3, 4, 6, 7, 8, meme assez court; selon Wildeboer il faudrait placer
est admise par le plus grand nombre des auteurs mo- au rve et au nie siecle le travail de composition et de
dernes. compilation.
///. DATE DE LA FORME ACTUELLE DU LIVRE DES Entre ces auteurs les divergences sont particuliere-
PROVERBES. — La date de composition des differentes ment accentuees en ce qui concerne la plus ou moins
sentences qui le constituent ne fixe pas, par la meme, la grande anciennete des diverses collections particulieres
date du livre des Proverbes dans 1'etat definitif dans dont la reunion a forme le livre actuel des Proverbes.
lequel nous le possedons. Pour tous les auteurs, en En 1862 Hoo^kas, Geschiedenis der beoefening van de
efiet, ce livre est le resultat d'un assemblage — selec- Wijsheid onder de Uebreen, pretendait que la plus
tion ou collection. C'est un recueil qui a ete forme de ancienne de ces collections correspondaitaux chap, i-ix:
sentences qui existaient deja avant d'etre groupees en- par centre, les critiques contemporains sont a peu
semble. Mais tous ne s'accordent pas sur 1'epoque et les pres unanimes a considerer cette meme section comme
conditions dans lesquelles ce recueil a ete forme, meme la derniere en date pour la composition (notion plus
ceux qui admettent 1'origine salqmonienne des Pro- parfaite de la sagesse et forme Ittfieraire plus developpee
verbes : pour les uns, le recueil actuel ne saurait etre que dans le reste du livre) et pour la compilation gene-
anterieur a 1'exil, pour d'autres il remonterait au rale du recueil; elle aurait ete ajoutee aux deux grandes
VIH« siecle. sections, 2 et 5, pour leur servir d'introduction.
789 PROVERBES (LIVRE DES) 790
Laquelle de ces deux dernieres sections serait la plus a chaque sentence nouvelle. » Metres et Strophes,
ancienne? Les uns (Davidson, Loisy, Bickell), utilisant dans la Revue biblique, 1900, p. 405. Toy, Proverbs,
la donnee chronologique de xxv, considerent xxv-xxix p. ix-x, reconnalt egalement cette meme mesure et
comme le plus ancien recueil de proverbes; d'autres designe les stiques des Proverbes par 1'appellation de
(Delitzsch, Ewald, Driver, Kautzsch), considerant plutot binaire, ternaire ou quaternaire selon qu'ils comptent
la place respective de ces sections dans le recueil defi- 2, 3 ou 4 accents. Cf. N. Schloegl, Etudes metriques et
nitif, regardent x-xxn, 16, comme la plus ancienne critiques sur le livre des Proverbes, c. i, dans la Revue
collection. Quelques-uns parmi les auteurs les plus re- biblique, 1900, p. 518-525.
cents (Franckenberg, Nowack), tout en estimant qu'au La strophe, sous differentes formes, se rencontre dans
point de vue des pensees, xxv-xxix (et specialernent xxv- toutes les sections du livre, a 1'exception de la 2% car
xxvn), renferment les plus anciens proverbes, pensent elle n'est pas entierement absente de la 5e, bien que
neanmoins que comme compilation cette section serait celle-ci renferme surtout des distiques. Toy, The Book
posterieure a la 2e (x-xxn, 16). of Prov., p. ix; Bickell, Kritische Bearbeitung der
Les proverbes qui constituent ces deux sections, pro- Proverbien, dans la Wiener Zeitschr. fur die Kunde
venant de milieux differents, auraient d'abord ete reunis des Morgenlandes, 1891, ou il etablit Fexistence de
en deux groupements absolument distinct? et auraient strophes de quatre vers chacune dans tous les poemes de
ainsi existe independamment Tun de 1'autre vers le la premiere section.
milieu du ive siecle, tous les deux portant le meme Toutes les pieces qui composent ce livre n'ont pas la
titre Proverbes de Salomon. Vers cette meme epoque meme longueur, on trouve dans Frz. Delitzsch, Dos Sa-
(Nowack), ou vers la fin de ce meme siecle (Toy), ils lom. Spruchb., p. 7-17, le releve des differentes formes
auraient ete reunis ensemble, mais comme des ce mo- de sentences constatees dans notre livre. La plus fre-
ment le premier groupement (x-xxn, 16), etait deja quemment employee, c'est le simple distique, soit anti-
pourvu des deux petites sections, xxn-17, xxiv, 22, et thetique, x, 1, 20; xi, 1; xm, 24; soit syncnymique,
xxiv, 23-34, on ne toucha point a ces appendices et Ton n, 3, 8, 11; soit synthetique, ir, 13; xm, 14; soit para-
ajouta xxv-xxix a la suite de xxiv, 34, en maintenant bolique. Ce dernier renferme une comparaison, expri-
dans xxv, 1, le nom de Salomon comme il etait deja mee ou sous-entendue par le simple rapprochement de
dans x, 1; et c'est ainsi que fut constitute la plus 1'enonce de deux idees, empruntees a la connaissance
grande partie du livre x-xxix. de quelque phenomene nature!, x, 26; xxv, 14, ou a un
Le recueil fut complete par les chap, i-ix, qui devaient incident de la vie quotidienne domestique ou sociale,
servir d'introduction generale a tout Fensemble forme xxv, 17, et qui sert a faire mieux ressortir la pensee
par les precedentes collections, alors meme qu'ii n'au- morale que le sage veut apprendre a son disciple. C'est
rait pas ete compose precisement dans ce but. La date sous cette forme que se trouve pleinement realisee la
de cette addition varie selon les auteurs car elle depend premiere notion du mdsdl, D'autres fois une meme
de 1'epoque admise pour la composition meme de cette maxime depasse les limites du simple distique et la pen-
section; en effet, ils admettent generalement que 1'ad- see qu'elle renferme s'y trouve developpee pendant 4,
dition suivit de pres la composition, si meme elle ne 6? 8 vers et meme davantage, in, 11-12; xxm, 19-21; vi,
fut pas 1'ffiuvre du meme auteur. Davidson, Cornill, 12-15; xxrn, 29-35.
Wildeboer. La fixation de cette date depend de 1'in- A cote de cette categoric de proverbes ainsi deve-
fluence principale que Ton croit reconnaltre dans ces loppes il convient de signaler soit des groupements de
pages : influence persane (Cheyne, Semit. studie$,l8Ql); distiques ainsi places parce que chacun d'eux renfer-
influence grecque (Franckenberg, Wildeboer, Stade); mait une meme expression ou avait trait a un meme
ou seulement trace des creations haggadiques de la lit- •objet, par exemple au roi, xvi, 12-15, soit des series
teraturerabbiniquea la fin de 1'ere persane (Baudissin). de vers a indication numerique. Dans ces derniers,
Selon Friedlaender, Griech. Phil, im alt. Test., 1904, Fauteur indique des le premier distique la somme
p. 20, citant Clement d'Alexandrie, Strom., I, v, totale des sujets dont il va parler, mais le fait de telle
t. vin, col. 717, la femme etrangere (11,16 sq.), dont le sorte que le nombre repete dans le 2e stique renferme
pieux Israelite doit si soigneusement se defter, serait la une unite de plus que dans le ler, ainsi xxx, 21-22 :
culture grecque, TYJV 'EXXsvtxV rcafSetav, Et par suite, Trois choses troublent la terre
si le recueil est complet au debut de la 2e moitie du Et il en est quatre qu'elle ne peut supporter.
ivp siecle pour Kautzsch, Kuenen; pour d'autres, Nowack,
Franckenberg, Wildeboer, Toy, on ne trouvera point le Enfin on y rencontre un poeme alphabetique tres
recueil i-xxix avant la 2e moitie du me siecle. Enfin, regulier.
avec certains de ces auteurs, Franckenberg, Toy, il faut Toutes ces especes de proverbes ne sont pas dispo-
descendre jusqu'au ne siecle pour trouverle livre actuel sees sur un plan uniforme et he se rencontrent point
absolument complet avec 1'addition de xxx-xxxi, c'est-a- egalement dans les diverses sections du livre : Ire sec-
dire a 1'epoque de Ben-Sira (200-180) et peu de temps tion, i ix. Dans 1'ensemble, ce sont des discours mo-
avant la traduction grecque du livre des Proverbes. raux formant de petits poemes plus ou moins developpes,
Ces assertions contradictoires et arbitraires ne peu- m, 1-10; iv, 1-9;,VH, 6-23, ordinairement en strophes
vent modifier le sentiment des auteurs catholiques qui de 4 vers (Bickell); les pensees detachees sont rares,
soutiennent 1'authenticite des sections salomoniennes, in, 29, 30. On y trouve un proverbe numerique (vi, 16-
en s'appuyant sur les titres, Prov., i, 1; x, 1; xxv, 1, 19) et 1'usage du parallelisme synonymique y est a peu
sur certaines descriptions de leur contenu et sur le pres exclusif. — IIe section, x-xxn, 16; uniquement
temoignage de la tradition. des distiques; dans x-xv presque exclusivement anti-
VIII. FORME LITTERAIRE DU LIVRE DES PROVERBES. — thetiques, sans que cependant 1'antithese soit toujours
/. RYTHME. — Par son contenu le livre des Proverbes aussi uniformement accentuee; dans xvi-xxn, 16, sur-
appartienta la serie des didactiques; par sa forme, aux tout synonymique et synthetique; peu d'antitheses,
livres poetiques. Les-regies de la poesie hebrai'que y xvin, 23. — IIIs section, xxil, 17-xxiv, 22; au debut
sont constamment observees et se manifestent par un exhortation morale de 10 vers analogue a celles de la
parallelisme tres regulier. Les vers seraient uniforme- 1« section; quelques distiques, mais surtout des tetras-
mentde sept syllabes d'apres Bickell, Carmina Veteris tiques, plusieurs sentences de 5, 6, 7 et 8 stiques et
Teslamenti metrice, p. 121; ils seraient de trois, quatre meme un petit poeme de 16 stiques d'apres Toy et
et tres rarement de cinq accents, d'apres le systeme de Kautzsch, de 18 d'apres Bickell. Le texte massoretique
Grimme, « et il faut s'attendre a voir changer le metre compte 17 stiques : Toy et Kautzsch pensent qu'il y a un
191 PROVERBES (LIVRE DES) 792
stique'a retrancher, Bickell croitplutot qu'il faudrait en ferme point d'expression persane ou grecque. Toy,
ajouter un. Ordinairement parallel}sme synonymique op. cit., p. xxxi. Driver, op. cit., p. 403-404, donne une-
entre les stiques, parfois meme entre les distiques d'un liste des principales locutions particulieres au livre des
quatrain. — IV« section, xxiv, 23-34, la plus courte et Proverbes, au moins pour la 2e section.
laplusvariee comme rythme: un distique, un tristique, IX. TEXTE ET VERSIONS DU LIVRE DES PROVERBES. —
un tetrastique, un decastique; sauf 2 exceptions, paral- A) Texte. — Le texte hebreu de ce livre a subi quelques
lelisme synonymique. — Ve section, xxv-xxix, au point alterations par suite de la facilite qu'il y avait a chan-
de vue du rythme on peut la diviser en deux : — xxv- ger la suite des sentences en les transcrivant, a modi-
xxvn; usage predominant mais non pas exclusif du fier une locution dans Fenonce d'une maxime difficile
distique car on y trouve plusieurs tristiques et tetras- a lire, le contexte ne pouvant pas, dans ces cas, servir
tiques, un pentastique, un hexastique ainsi que 2 petits a indiquer surement quelle etait la vraie lecture du
poemes, Fun de 8, Pautre.de 10 stiques. Parallelisme passage; le fait qu'il n'etait point du nombre des-
parabolique et synthetique; les antitheses y sont tres Ketubim lus dans les synagogues cut peut-etre aussi
rares; — xxvm-xxix : emploi exclusif du distique et pour resultat de le faire traiter avec moins de soin que
presque dans une egale proportion parallelisme anti- d'autres livres. Par centre, Toy, Proverbs, p. xxxi-xxxn,
thetique et parabolique. — VIe section, xxx; quelques pretend que ce livre dut a cette situation de n'etre-
distiques isoles, mais ordinairement chaque sentence point Fobjet de retouches ou de modifications sous
renferme plusieurs distiques; c'est dans cette partie du Finfluence d'idees theologiques.
livre que se rencontrent (en dehors de vi, 16-19) les Les alterations de ce texte peuvent etre constatees par •
proverbes numeriques dans lesquels on ne trouve point le controle des anciennes versions, par les moyens de
de parallelisme au point de vue de la pensee. En critique que fournissent les regies poetiques et aussi,
dehors de ces sentences, parallelisme synonymique. — pour les plus notables transpositions, paries caracteres
VII« section, xxxi, 1-9. Elle renferme 3 sentences de 4, particuliers de chaque section. C'esl ainsi que plusieurs
8, 4 vers : parallelisme synonymique. — VIII 6 section, critiques voient une transposition dans la description
xxxi, 10-31: poeme alphabetique de 22 distiques, paral- du festin de la Sagesse, Prov.,ix, 1-12; etrapportent les
lelisme synonymique. f . 7-10, a la 2e section x-xxn, 16. Bickell, Cafrinna
//. STYLE ET VOCABULAIRB. — 1° Style. — Le caractere V. T. metrics, p. 129; Toy, op. cit., p. 192.
particulier du genre gnomique rend assez difficile la Le texte actuel du livre, renferme egalement un cer-
comparaison entre le style des Proverbes et celui des tain nombre de sentences repetees. Elles se presentent
autres livres de FAncien Testament, la plus grande par- sous diiferentes formes, les unes sont absolument
tie de ce recueil se composant de simples maximes dans identiques dans Fe-s,pvess\.OT\, \\, 10-1\, etxxiv, 3S-S4,
lesquelles une pensee deja bien concise est exprimee d'autres comportent une legere modification sur un
sous une forme elliptique dans un seul distique. Cepen- mot ou deux du mdsdl repete, xvi, 2, et xxi, 2, d'autres
dant, la variete des comparaisons, le choix des images, enfin sont identiques pour s la pensee et nullement dans
la regularite de la forme rythmique, Failure si vive de les mots qui Fexpriment, xi, 15, et xxn, 26. Les cas les
Fexpression, la psychologic si penetrante de certains plus difficiles a justifter sont ceux ou il y a identite
tableaux, revetent d un cachet special les pages memes absolue dans les mots; et les critiques modernes se
du Jivre ou les pensees sont le moins etendues,et leur servent assez souvent de cette constatation pour con-
donnent un coloris tout particulier. Dans les proverbes clure a la pluralite d'auteurs et a une formation inde-
plus developpes, tout specialement dans les exhor- pendante des differentes sections oil on les rencontre;
tations de la Ire section, comme aussi dans les portraits ainsi entre autres Nowack, art. Proverbs, dans Diet, of
esquisses a travers les autres seclions, on trouve des the Bible, t. iv, p. 140; Cornill, Einleitung,p. 225; Toy,
passages dignes des plus beaux jours de la litterature op. cit., p. vn. Ilimporte cependant de remarquer qu'il
hebrai'que. y a des repetitions de distiques entierement identiques
2° Vocabulaire. — II n'est point surprenant que ce re- dans une meme section, xiv, 12, et xvi, 25; x, 1, et xv,
cueil renferme, en outre des expressions plus spcciales 20; xix, 5, et xix, 9.
aux livres sapientiaux, un certain nombre demots que B) Versions. — 1° La plus ancienne des versions que
Fon ne rencontre pas ailleurs dans la Bible hebraique nous possedons du livre des Proverbes est la version
ou du moins que tres rarement. La raison en est au su- grecque des Septante; on la trouve dans les princi-
jet lui-meme eta cette forme de litterature qui demande paux manuserits onciaux B, K, A (quelques fragments
une plus grande precision dans Fenonce des pensees. dans C) et dans de nombreux manuserits cursifs. On
On peut signaler quelques locutions qui ne se ren- admet communement que ce livre faisait partie des
contrent que dans ce livre ou bien s'y trouvent avec un Hagiographes deja traduits en grec etque Fauteur du
sens particulier qu'elles n'ont pas ailleurs. prologue de FEcclesiastique designe par les mots TOC
Ne se trouvent que dans les Proverbes : n*^, cou- Xo'.uoc T&V (ihoXiwv; cette traduction serait done anterieure
ronne, I, 9, iv, 9. — >IDN, helas! ah! (que la Vulgate a a 132 et aurait probablement ete faite vers le milieu da
traduit : Cujus patri vse? xxm, 29; — le verbe n~b, ne siecle avant J.-C. Baumgartner, Etude critique sur
employe uniquement au Hithp. n>anbna, morceaux I'elat du lexte du Livre des Proverbes, p. 8. II est des
(riands, xvm, 8 (lejL se retrouve identiquement repete auteurs cependant qui la placent vers la fin du ne siecle,
xxvi, 22. — fO3 mn, dans le sens de entrailles, pris Toy, Proverbs, p. xxxn; art. Proverbs, dans Encyc.
au figure, xvm, 8; xx, 27, 30 (xxvi, 22). — -pb t>, assu- Bibl., col. 3907.
re'ment, xi, 21; xvi, 5. — nn; >msn, pommes d'or. xxv, Cette traduction est plus libre que litterale et c'est
11, Fidee du texte original qui a ete exprimee plutot que le
Expressions rares rencontrees plus particulierement mot n'a ete exactement rendu. Frankenberg pense que
dans les Proverbes : u»n yy, arbre de vie, 1 fois Gen., le traducleur n'etait point tres familier avec la langue
m, 24; et 4 fois Prov., HI, 18; xi, 30; xm, 12; xv, 4- hebraique et que d'ailleurs il n'aurait point ete soucieux
— mp, mile, \ fois, Job, xxix, 7; 4 fois dans Prov., de Fexactitude litterale, parce qu'il n'entreprenait pas
VIH, 3; ix, 3, 14; xi, 11 (Brown, Driver). — D>T;;, tant cette traduction pour Fusage de ses coreligionnaires
avec le sens de chases magnifiques, ne se rencontre que pour des pai'ens instruits a qui il voulait faire
que dans Prov. VHI, 6. — mssn, sante, ne se rencontre connaitre les enseigneraents moraux de la litterature
que dans Prov. m,8 et indique une forme aramai'sante. gnomique d'Israel. Cette preoccupation et ce but expli-
— -D, fils, xxxi,2 (3 fois repete), est un mot arameen. queraient la purete relative du grec de cette version
Cependant les aramai'smes sont rares et le livre ne ren- et certaines reminiscences classiques (egalement consta-
193 PROVERBES (LIVRE DES) 794
tees par Baumgartner), op. cit., p. 9. Independamment versionis chald. et syr. Prov. Salom.; R. Duval, Lit-
meme de ces circonstances, il etait a peu pres impossible terature syriaque, p. 32. Les passages ou il s'en ecarte
-au traducteur grec de rendre litteralement les mots d'un proviennent probablement d'une revision faite d'apres
mdsdl dont 1'expression portait si fortement accusee le lexte massoretique. On ignore sa date, il peut etre
1'empreinte du cachet semitique; et alors, tantot uu tres ancien; la defense de mettre par ecrit les ex-
verbe, tantot un qualificatif, tantot une periphrase plications targumiques, si longtemps en fvigueur, ne
•devaient etre ajoutes avant que la formule hebrai'que s'appliquant qu'aux livres bibliques lus dans la syna-
devint intelligible a des esprits grecs. gogue.
Les differences entre le texte massoretique et la ver- 5° La traduction des Proverbes dans la Vulgate latine
sion grecque des Proverbes ne consistent pas unique- est I'oBuvre de saint Jerome; elle fut faite tres rapide-
ment dans des manieres differentes de rendre une pen- ment, en meme temps que celle de TEcclesiaste et du
-see. 11 y a, entre les deux, d'autres divergences plus Cantique. Voir ECCLESIASTE, t. n, col. 1543-1557, et CAN-
<notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent TIQUE DES CANTIQUES, t. n, col. 185-199. D'une facon
-que cette traduction a du elre faite sur un manuscrit generate elle suit assez fidelement le texte massoretique
hebreu different du texte massoretique qui nous est sur lequel elle a ete faite. Elle porte cependant des
parvenu (Vigouroux, Baumgartner, Toy, etc.). II y a des traces de 1'influence des Septante, probablement par
•changements dans la composition mfime de distiques 1'intermediaire de 1'ancienne version latine, tres bien
qui de synthetiques sont devenus antithetiques; il y a connue de saint Jerome, Baumgartner, op. cit., p. 16;
omission de plusieurs passages contenus dans le texte Toy, Proverbs, p. xxxiv; Frankenberg pense plutot
hebreu et Ton ne voit aucune raison pouvant legitimer que les emprunts aux Septante constates dans la Vul-
•cette disparition; il y a surtout des additions de pas- gate seraient posterieurs a saint Jerome et I'osuvre de
•sages assez nombreux, provenant plus probablement copistes qui ont voulu completer la version hierony-
d'un texte hebreu plutot que d'un original grec (Vigou- mienne avec 1'aide de Tancienne version latine faite
roux, Baumgartner, Toy); on y constate encore des sur le grec; de fait la comparaison entre la Vulgate
•changements relativement a la distribution des chapitres Clementine et le Codex Amiatinus, de la lin du vne siecle.
•a partir de'24. Ainsi, apres xxiv, 22, de Vhebreu le grec voir AMIATINUS (CODEX), t. i, col. 480, semble favoriser
intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9, cette opinion. La Vulgate renferme done la plus grande
-apres xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31. partie des additions des Proverbes qu'on trouve dans
La version grecque representant un texte hebreu plus les Septante, mais elle en contient aussi un certain
-ancien que le texte massoretique constituerait un nombre qui lui sont propres.
excellent moyetv de critique litteraire du texte hebreu X. COMPARAISON AVEC LES AUTRES UVRES SAPIENTIACX.
<recu, si les particularitesde-sa composition et les modi- — Le livre des Proverbes est ordinairement rapproche
fications qu'elle a subies avant et apres les recensions des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des res-
•du nie siecle, n'avaient un peu diminue sa valeur cri- semblances pour le fond comme pour Ja forme. — l°Au
tique, bien qu'elle soit encore assez notable. point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines ex-
2° La version sahidique, editee par Ciasca, qui com- pressions dont 1'usage est assez frequent dans ces livres
prend une grande partie des Proverbes, pourrait elre comme se rapportant plus particulierement a leur objet
ires utile pour la reconstitution du texte ancien des special : les mots exprimant le commandement, la loi,
Septante, en tant que cette version a ete faite avant les 1'instruction, la connaissance de la verite, la sagesse.
recensions et dans la suite n'en a subi qu'assez peu Toy, Proverbs, p. xxiv, a dresse une liste comparative
1'influence, Hyvernat, Versions copies, dans la Revue bi- de ces expressions, telles qu'on les rencontre dans les
blique, 1896, p. 427-433, 540-569 ; 1897, p. 48-74. - Pen- Proverbes, Job et 1'Ecclesiastique.
dant longtemps, la Peschittoavait ete consideree comme 2° La composition litteraire de ces livres se signale
•dependant du Targum des Proverbes et independante par une constante fidelite a garder les lois du paralle-
<les Septante, ce sentiment est main tenant completement lisme. Le rapprochement est plus particulierement re-
.abandonne. R. Duval, Litterature syriaque, 3e edit., marquable avec 1'Ecclesiastique (voir ECCLESIASTIQUE,
1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito t. n, plus specialement col. 1543-1557) et dans 1'un et
relativement aux Septante a ete particulierement etu- 1'autre se trouve la meme preoccupation d'apporter une
diee par H. Pinkuss, Die syrische Ubersetzung der grande variete dans 1'emploi de cette regie fondamentale
Prov. textkntisch untersucht, dans la Zeitschr. fur die de la poesie hebrai'que. Le simple distique est cependant
•alttest. Wissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222. plus frequent dans les Proverbes que dans 1'Ecclesias-
3° La date de composition de la Peschito, en ce qui tique, et les chap, i-ix, malgre une certaine unite cons- -
•concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre tatee dans les discours et les exhortations de la Sagesse,
o'etant point de ceux dont la traduction s'imposat en ne presentent point ce caractere d'unite que revet
premier lieu : les uns comme R. Duval, op. cit., p. 31, 1' «Eloge des anciens » dans Eccli., XLIV-XLIX.
ne font terminer 1'ensemble de la traduction qu'au 3° Quant a [Vobjet du livre, les Proverbes se rappro-
ive siecle, tandis que d'autres, avec Baumgartner, chent egalement beaucoup plus de 1'Ecclesiastique que
op. cit., p. 14, ne descendraient pas au dela du milieu des autres livres sapientiaux. L'etude de la Sagesse four-
du lie siecle. La traduction aurait ete faite sur un ma- nit la note caracteristique de ces deux ouvrages comme
nuscrit hebreu a peu pres identique au texte massore- elle donne une certaine unite a tout 1'ensemble de leur
tique, puis plus tard revision de cette traduction d'apres contenu : son origine divine (Prov., vni; Eccli., xxiv),
les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33; au vne siecle, et surtout ses conseils pratiques pour 1'instruction des
au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de hommes. L'un et 1'autre livre constituent un manuel
Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14; a 1'encontre de pratique pour 1'instruction et la formation de ceux qui
•cette opinion celle de Frankenberg, qui pretend que veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L'en-
1'influence du grec remonte au traducteur; tout en sui- semble des verites religieuses qu'ils renferment sur
vant 1'hebreu pour le fond il se serait inspire en meme Dieu, sur la retribution, sur la conduite de Fhomme et
temps de 1'ceuvre des Septante. Comme par ailleurs la sa dependance vis-a-vis de Dieu, sont en visagees au meme
traduction syriaque a une allure assez libre, qu'elle point de vue; a noter cependant la perspective na-
paraphrase en certains passages, ces diverses particu- tionale constatee dans Eccli., xxiv, qu'on ne trouve point
larites diminuent sa valeur critique. dans les Proverbes. II y a aussi grande analogie dans la
4° Le Targum des Proverbes suit de tres pres la description de la vie sociale que nous revelent les Pro-
.Peschito et en depend. Dathe, De ratione consensus verbes et 1'Ecclesiastique.
795 PROVERBES (L1VRE DES) 706
e
XI. ANALYSE DU LIVRE DES PROVERBES. — II est F/ section, xxx, forme un tout distinct du reste du
impossible de donner une analyse bien serree du con- livre, en general les pensees y ont une certaine etendue.
tenu de ce livre ou d'indiquer la suite de toutes les — 1. Titre. 2-4. Paroles d'Agur; faiblesse de 1'intelligence
pensees renfermees dans ce recueil, du moins dans humaine en face des ceuvres de Dieu, qai est connu
toutes les parties qui le composent. par la revelation de lui-meme. —5-6. Exhortations a la
lre section, i, 1-ix, 18. — i, 1-6. Introduction gene- confiance en Dieu. — 7-9. Une priere pour demander a
rale indiquant le titre, le but et 1'importance de 1'ou- Dieu la loyaute de caractere et une situation qui ne
vrage. — i, 7-ix, 18. De petits discours moraux et 1'expose pas a etre tente par les extremes de la fortune.
quelques distiques isoles dans lesquels la Sagesse, di- —10-33. Diverses maximes:descriptions de qualites ou
rectement ou par I'interrnediaire du Sage, parle a son de caracteres, sous forme de proverbes numeriques,
disciple qu'elle appelle « mon fils ». Us forment comme avec predominance du nombre 4.
une grande introduction preliminaire au recueil de ma- VIIs section, xxxi, 1-9. — Maximes de la mere du roi
ximes proprement dites qui commencera avecle chap. x. Lamuel, genre homiletique; contre la frequentation
Tout le contenu de cette section se ramene a un meme des femmes et 1'intemperance; exhortation a la justice
objet: 1'excellence de la Sagesse, de la, des exhortations et au secours des faibles.
sans cesse renouvelees d'etudier et de pratiquer la Sa- VHP section, xxxi, 10-31. — Eloge de la femme forte
ou description de quelques-unes des qualites que doit
il6 section, x, 1-xxir, 16. — C'est une longue serie des posseder 1'epouse parfaite,cousidereie plus specialement
pensees morales presentees dans de simples distiques. dans la direction et le soin des affaires de la vie do-
Dans cette section, on rencontre parfois des groupe- mestique.
ments de vers presentant une certaine affmite de pen- XII. DOCTRINE DU LIVRE DES PROVERBES. — /. GENE-
sees, ou simplement contenant chacun un meme mot RALITES. — 1.11 ne faut point chercherdans le contenu de
important, mais un classement logique n'a point preside ce livre un expose systematique ni un traite theorique
a la formation de ce recueil. On a pourtant essaye de ou seraient classees et etudiees les differentes categories
trouver un classement methodique pour grouper tous de devoirs qui incombent a tous les hommes, meme
ces proverbes sans obtenir un resullat tout a fait satis- aux Israelites en particulier, mais bien plutot une invi-
faisant. Zoclder a propose un tableau de ce genre; il a tation a la pratique de la morale en vue de rendre la
ete utilise par Lesetre, Le livre des Proverbes, p. 29- vie morale meilleure. — 2. La vie humaine est eonsi-
31. Toutes les sentences de cette section considerent deree dans ces maximes sous son aspect exterieur,
1'homme dans diverses situations de la vie humaine ou comme une collection d'actes moraux, conformes ou
il peut se rencontrer, avec des devoirs sociaux, moraux non a la Joi, et c'est en partant de cette conformite
et religieux. — On pourrait peut-etre reconnaitre que comme norme que les hommes sont divises en deux
dans x-xv, ou le parallelisme est antithetique on insiste categories dont les caracteres paraissent absolument
plus specialement sur les contrastes qui existent entre fixes : les bons et les mechants, les sages et les in-
les heureux effets de la justice pratiquee et les chati- senses. — 3. La vie humaine y est envisagee tout par-
ments reserves au mal; — que dans xvi, 1-xxn, 16, ticulierement comme une discipline a realiser, de la
avec le parallelisme synonymique et antithetique on Timportance et la place preponderante donnees a I'ins-
exhorte plus specialement a la pratique du bien par la truction,a 1'education eta la loi. Par loi, dans 1'ensem-
perspective du bonheur des justes et du malheureux sort ble du livre, on indique tout aussi bien les pr^ceptes
de 1'impie. de la loinaturelle que ceux de la loi positive. — 4. Bien
Ill* section, xxn, 17-xxiv, 22 : Exhortations morales qu'a plusieurs reprises on y parle des devoirs sociaux
du meme genre que celles de la Ire section : c'est un de 1'homme et que toujours 1'homme y soil considere
corps de maximes proposees par le Sage a son disciple comme faisant partie d'une collectivite sociale, domes-
comme dans i-x. — xxn, 17-21 : Le disciple est invite a tique ou nationale, neanmoins c'est avant tout a 1'indi-
garder soigneusement 1'enseignement du Sage. — xxn, vidu qu'on s'adresse dans cet enseignement. Le bien
22-xxiii, 18 : Divers conseils enlremeles de formules general resultera de la mise en pratique des conseils de
dans lesquelles les exhortations sont presentees avec la sagesse par ceux qui voudrontbien etre ses disciples,
une insistance particuliere; elles concernent tout spe- mais il ne sera point 1'objet immediat de cette instruc-
cialement la conduite a tenir a 1'egard du prochain con- tion. De la le cote si fortement individualiste que pro-
sidere sous divers aspects de la vie sociale : pauvres, senteront un grand nombre de proverbes. — 5. L'exis-
riches, grands, enfants,K>rphelins, etc. — 19-35. Cate- tence du mal physique et moral y est parfaitement
gories d'individus a eviler plus specialement : ceux qui reconnue, rnais on n'y rencontre point une preoccupa-
s'adonnent au vin et les femmes de mauvaise vie. — tion quelconque d'indiquer ou de solutionner quel-
xxiv, 1-14: Avantages et bienfaits de la Sagesse pour qui ques-uns des problemes que cette constatation peut
la possede, les devoirs qu'elle cree a 1'egard d'autrui. presenter a 1'esprit; on indique seulement la possibi-
— 15-22 : Vivre dans la paix et ne causer de mal a per- lite et le devoir d'eviter la violation de la loi (mal moral)
sonne ni au juste, ni meme a ses ennemis. en 1'observant fidelement et la possibilite d'ecarter le
IFe section, xxiv, 23-34, — Divers conseils du Sage : mal physique en meritant les faveurs de Dieu.
rapports avec le prochain, 24-29 : altitude de justice et //. DIEU. — 1. La doctrine monotheiste est absolue >
de charite qu'il faut prendre a son egard. — 30-34 : Evi- dans toutes les parties du livre; comme dans les autres
ter la paresse en constatant ses tristes effets. livres de la Bible affirmee et toujours presupposee
V« section, xxv, 1-xxix, 27. — Ce sont des maximes sans aucune preoccupation de demonstration : 1'idola-
d'ordre general concernant des devoirs sociaux, mais trie n'est pas menlionnee, Dieu y est souvent designe
il y a aussi de nombreuses sentences de conduite pra- sous son nom de Jehovah. — 2. Dieu est eternel, rien
tique dans 1'ordre prive et domestique. On peut y dis- n'existait encore de tout 1'univers et il etait deja vin,
tinguer 2 parties assez nettement distinctes au point de 22-26; independant du monde, c'est lui qui est le crea-
vuedu style et de la nature despensees : — xxv-xxvii,qui teur de tout ce qui existe, m, 19-20; libre de creer, il
se terminent par un petit poeme sur 1'agriculture : les est lui-meme la cause finale de son osuvre, xvi, 4 (Vul-
distiques n'y sont pas exclusivement usites et la valeur gate). — 3. Le livre ne renferme point^de donnees precises
psychologique des maximes qui s'y.trouvent est pavtv- sup la nature divine, neanmoins \es sections de -vm,
culierement remarquable; — XXVHI-XXIX, exclusivement 22 sq., sur la sagesse personnifiee, fournissent un ap-
des distiques : sentences morales avec moins de vie port tout nouveau et important sur cet objet. — 4. L'at-
dans 1'expression que dans les chap, precedents. tention est surtout attiree sur les attributs de Dieu en
797 PROVERBES (LIVRE DES) 798
tant qu'ils se manifestent dans ses relations avec les rieures requises) pour 1'acquisition de la Sagesse con-
hommes; — a) Sa science parfaite qui lui permet de siste dans une recherche sincere aceompagnee de
suivre continuellement les actions et les intentions des beaucoup d'oubli de soi-meme et de detachement, n,
hommes : cause d'effroi pour le pecheur, source de 3 sq., iv, 7-8; vn, 4; d'humilite et de defiance de
consolation pour le juste, v, 21; xv, 3, 41, xxiv, 12. — soi-meme, m, 517; d'application a la pratique de la
b) Une puissance infinie dans 1'exeeution de tous ses justice avec tendance consfante a la perfect/on, xx, 9..
desseins, irresistible dans son action meme sur les . — 5. La vie morale ne consiste pas dans des obser-
actes de 1'homme tout en respectant sa liberte xvi, 4, 9; vances purement exterieures, meme excellentes comme-
xix, 21; xx, 24; xxr, 1. — .c) Sa justice absolue, mise les sacrifices, xxi, 3, mais dans la crainte de Dieu, la
tout particulierenient en relief, soil qu'on le considers pratique de toutes les vertus et 1'accomplissement des
comme le principe de toute justice, xvi, 11, et ne pou- diverses prescriptions concernant Dieu, le prochain
vant supporter la moindre injustice, xi, 1, soil qu'on ou soi-meme. G'est une vie speciale qui reclame meme
envisage son activite par laquelle il se revele toujours des actions plus qu'ordinaires, par exemple, les preve-
essentiellemenl juste : en appreciant chaque action nances a 1'egard des ennemis, xxiv, 17, et ou le fond
selon sa valeur morale, in, 32, 35; XH, 2; en se consti- essentiel, c'est 1'intention, xvi, 30; xxi, 27. Elle com-
tuant le protecteur des faibles centre ceux qui pou- porte une grande mailrise de soi, manifestee surtout
vaient abuser de leur force a leur egard, xxn, 23; en au moment des difficultes, iv, 23. — 6. La sanction de
poursuivant le pecheur et en retablissant par le chati- cette vie morale se manifeste ordinairement dans la
ment 1'equilibre moral ebranle par sa faute, xv, 25; vie presente et peut etre envisages avec ou sans une
xvi, 5; en r^compensant le juste dont il est le defenseur, intervention immediate de Dieu. Dans le premier cas,
in, 5, 10. — d) Sa providence, soit au sens philosophi- comme recompense, c'est en particulier Famitie de
que du mot, on la constate s'exercant dans le monde Dieu, 1'intimite avec lui puisqu'il « communique ses
par une action incessante a 1'egard de 1'homme comme secrets aux co?,urs droits », in, 32; vm, 17, 35b; xu, 2a,
par rapport aux nations, xvi, 4; vm, 15-16; soit au c'est la sante et 1'abondance des biens, in, 8, 10; c'est
sens de protection specials, il est la source du bonheur la prolongation des jours et la descente au se'ol re-
pour quiconque se confie en lui, specialement pour le tardee le plus longtemps possible, x, 27; c'est le bon-
juste, xvi, 20; xvm, 10, et pour ceux qui sont faibles et heur et la stabilite dans le bonheur assures par Dieu r
abandonnes : orphelins, veuves, etc., xv, 25; xxm, 10- m, 33b; xix, 23; — le chatiment se presente dans des
11. — e) Sa bonte qui se manifeste meme quand il conditions analogues, m, 33a; c'est 1'arrivee subite de
chatie celui qu'il aime, in, 12. la ruine pour 1'homme mechant, vi, 15, c'est lenombre
ill. L'HOMME. — A) Sa constitution. — a) Consti- de ses annees abrege, c'est a la fieur de 1'age qu'il
tution physique. — L'homme se compose d'un corps et descend auseoJ, x, 27; si une affliction transitoire peut
d'une ame. L'ame (nefes) est le principe de la vie phy- atteindre le juste, il s'en releve, il n'en est pas ainsi
sique et morale; le siege de la pensee et des passions, de 1'impie, xxiv, 16. Sans mention de 1'intervention
xxni, 7; xr, 25. Souvent c'est le cceur qui est donne immediate de Dieu; c'est la paix et le bonheur accom-
comme agent de la connaissance, xv, 14; xvi, 1, tandis pagnant ordinairement la vertu, i, 33; n, 7; vm, 35a,
que la vie effective de 1'ame est manifestee par le tres- quant au peche, il se punit lui-meme, car souvent
saillement des entrailles, xxm, 16. — b) Constitution rhomrne est puni par ou il a peche, i, 19, 32, v, 22. —
morale : il est un etre libre qui a des commandements Un autre genre de sanction souvent exprimee est celle
a observer et qu'il peut ne pas garder; tout le livre qui recompense ou chatie 1'homme dans sa posterite,.
suppose cette liberte; de la la consiatation de sa res- les enfants du juste participant aux benedictions dont
ponsabilite et la note caracteristique de 1'insense : il a il avait beneficie, tandis que le pecheur fait partager a
meconnu les conseils de la sagesse, i, 24. — c) Depen- ses descendants la malediction qu'il avait attiree sur
dance de Dieu, dans sa vie corporelle : membres, con- lui, xin, 22; xx, 7. — Les proverbes mentionnent,
servation de la vie, etc., xx, 12; dans sa vie morale : bien qu'un peu obscurement, une relation entre la vie
decisions, conseils, etc., xvi, 9; xix, 21; dans son presente et les conditions de la vie future envisagee
bonheur, x, 22. — d] Destinee. Les Proverbes ensei- comme sanction, XT, 4; cf. xn, 28.
gnent que tout n'est pas fini pour 1'homme avec la vie 2° Morale speciale. — a) Devoirs envers Dieu. Les
presente, ils connaissent et affirment la doctrine de la principaux sentiments qui doivent animer, 1'homme
survivance, mais ils en parlent peu et leurs expressions dans ses rapports avec Dieu sont : la crainte, enlendue
sont -assez indeterminees. Ce qu'ils nous rappellent a specialement comme exprimant 1'idee de religion, I, 7,
ce sujet, c'est que tous les morts descendant au be'61, la confiance, in, 4, la delicatesse de conscience qui ne .
rendez-vous universel de tous les hommes ou la vie presume pas trop facilement de sa perfection, xx, 9;
est transformed en unesorte de lethargic, gouffre pro- xxviu, 14. Ces dispositions se manifestent par une
fond situe dans les parties inferieures de la terre, I,12; fidele obeissance a toutes les prescriptions de Dieu,
n, 15, sejour immense dont la science parfaite de Dieu in, 9-10; xix, 18, qui n'a de valeur que si elle est
peut seule avoir une connaissance complete, xv, 11. aceompagnee de la justice interieure, xxi, 3, 27.
B) L'homme dans sa vie morale. — 1° Morale ge~ 6) Devoirs envers le prochain. — Ils sont presents par
nerale. — 1. G'est Dieu qui est le principe et le fon- Dieu et fondes sur la nature des choses, Les prin-
dement absolu de toute la morale, xvi, 11; xx, 24, cipaux devoirs sur lesquels on insisle specialement
comme de 1'homme par la parole meme de Dieu ou sont tout d'abord : la justice (on y revient tres souvent
par des intermediaires : parents, sages. — 2. L'ideal dans le livre) dans les transactions commerciales, xi, 1;
moral, c'est 1'acquisition de la Sagesse qui consiste xx, 10, 23, dans les jugements, xvn, 15, 23, aussi bien
dans la crainte de Dieu, c'est-a-dire 1» haine du mat et que dans le respect du bien d'autrui, xxn, 28; xxm,
la poursuite de la saintete, i, 7; vm, 13. — 3. L'obser- 10; — la charite dans ses differentes formes : aimer et
vation de la loi morale est obligatoire pour 1'homme, secourir les desherites de la fortune, car Dieu a fait
il en est le sujet et il y a mal moral pour lui a agir le pauvre comme le riche et il veut qu'on aime les
autrement, xiv, 21; xvi, 17, et il n'aura meme sa veri- pauvres; ainsi, donner aux pauvres c'est preter a Dieu,
table valeur d'homme que dans la mesure ou il s'y xiv, 31; xix, 17; xxn, 20; — s'interesser a ceux qui
Kvonteera fidele; d'ailleurs la sagesse est accessible a ignorent la Sagesse en les instruisant, xv, 7; xvi, 23;
quiconque la recherche, elle s'ottre a qm \e\it \a — surtout en oubliant et en pardonnant les injures
trouver, I, 20, vm, 1 sq.; ix, 3 sq.; — 4. La xix, 11, car c'est a Dieu seul de faire justice, xx, 23,
methode morale a employer (ou les dispositions inte- ne pas meme se contenter de ne se point rejouir du
"799 PROVERBES (LIVRE DES) 800
•malheur d'autrui, meme s'il est noire ennemi, xxiv, contraste, le Sage ne manque pas de rappeler frequem-
17, mais encore lui faire du bien. ment quels maux peut attirer sur une maison 1'epouse
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain a manger,
depourvue de ces qualites, n, 16-18; xn, 4; xiv, lb. —
S'il a soif, donne-lui de 1'eau a boire. xxv, 21. 2. Le premier devoir du mari c'est la fidelite conjugale,
aussi lui est-ilrecommande, avec une insistance signi-
c) Devoirs envers soi-meme. — D'une facon generale, ficative, de se garder avec soin de toute relation cou-
•c'est d'un cote, des efforts incessants vers le bien et pable avec la femme etrangere et corrompue, en meme
1'acquisition de la Sagesse, et de 1'autre une applica- temps qu'on lui rappelle toute la gravite de 1'adultere,
4ion continuelle a fuir le mal. Quelques vertus plus v, 15-23; vi, 25, 29, 32-33. — 3. Parmi les devoirs des
particulierement recommandees dont les caracteres se parents, 1'education des enfants attire tout particulie-
ramenent aisement a ces deux idees; moderation et rement 1'attention du Sage, il reconnait 1'autorite du
activite : 1'humilite, in, 5, 7; xxvn, 2; la chastete, n, pere et de la mere en cette matiere et indique le res-
16; vi, 24-29; la temperance, xx, 1; xxin, 1-3; Je deta- pect et 1'obeissance que les enfants doivent egalement
•chement des richesses, xxm, 4-5; la moderation et la a 1'un et a 1'autre, i, 8; vi, 20; il signale toute 1'impor-
.maitrise de soi, xvi, 32; la droiture dans les actions, tance, xxn, 6, 15; xxix, 17,et les principauxcaracteres
41, 15; iv, 26; 1'amour et la pratique du travail, vi, 6- de cette education, insistant specialement sur la fer-
11; x, 4-5. — Quelques vices et defauts plus speciale- mete qu'on doit y employer, xm, 24; xxiv, 13, non
ment signales : 1'orgueil, vi, 17; 1'impiete manifestee toutefois sans recommander de tenir compte des ten-
-dans les dispositions defectueuses de celui qui offre dances particulieres de 1'enfant, xxn, 11; e'est d'ailleurs
>un sacrifice, xv, 8, ou qui fait des voeux precipites, XX, 1'interet des parents, car la conduite de leurs enfants,
35; le faux temoignage, la calomnie, la medisance, xix, resultat de 1'education recue, leur sera une cause de
$, 28; x, 18; xvm, 8; 1'humeur querelleuse et la colere, bonheur ou de malheur, x, 1; xvn, 25; xxin, 24-25. —
xn, 16; xvn, 19; 1'impurete (on y insiste specialement 4. L'enfant doit montrer une tres grande docilite a
•dans les cbap. v et vn); le mensonge et 1'hypocrisie, 1'egard de ses parents; il leur doit un egal respect qui
xu, 19; xix, 22; 1'intemperance et la paresse signalees ne diminue nullement avec 1'age, vi, 20; xxin, 22; il
-avec une insistance particuliere, xxin, 29-35; xxiv, 30- trouvera le bonheur dans cette attitude, iv, 10, tandis
34; xxvi, 13-16. que les menaces s'accumulent contre le fils insense et
d) Dans 1'ensemble de ces prescriptions, il en est indocile, xix, 26; xx, 20; xxx, 17.
quelques-unes qui peuvent provenir de 1'experience, v. LA SAGESSE. —• 1° D'une fa§on generale,sciencepar-
personnelle ou acquise des anciens, ce sont surtout taite, propre a Dieu et comtnuniquee par lui aux
•celles ou 1'interet immediat du sujet parait en cause, hommes; elle se presente sous differents aspects. —
•comme 1'est par exemple le conseil d'eviter la femme a) Une conception humaine de la sagesse, dont les traits
-adultere pour ne pas s'exposer a la vengeance du mari caracteristiques sont : une certaine habilete, i, 5; une
•courrouce, vi, 32-35; mais il en est d'autres qui ne grande facilite de discernement, i, 4,6; une prudence
peuvent provenir de la meme origine, car ils ne con- pratique ou « experience » qui donne la science de la vie,
sistent pas uniquement dans le fait d'une modification in, 2; xiv, 8. — 6) Une conception religieuse, consideree
ayant pour but d'en faire disparaitre les principales comme distincte de 1'habilete naturelle et impliquant la
imperfections, mais bien dans une transformation ra- crainte de Dieu, i, 7, I'arnour de Dieu, 1'accornplisse-
•dicale qui ne peut avoir que 1'Esprit de Dieu comme ment du culte et 1'execution de la loi, HI, 9, et comme
principe, ainsi les conseils de chastete par rapport a telle, source de benedictions divines et principe de
la courtisane, la ou il n'y a plus les inconvenienls 1'acquisition et de la pratique de la vertu et faisant de
signales a propos de 1'adultere, v, 20; vi, 24; ainsi les celui qui la possede « 1'homme juste », vni, 13; xxx, 3.
conseils concernant 1'attitude a garder vis-a-vis du — L'acquisition de la sagesse par 1'homme est donnee
pauvre, quand la tendance naturelle porte 1'homme comme une chose ardue, elle lui serait presque impos-
fortune a abuser de sa situation par rapport aux des- sible, si elle ne s'offrait elle-meme a quUa recherche, vm,
•herites de la fortune si ses interets 1'y engagent, sur- 13; ix, 3, et si en definitive elle n'etait communiquee
tout vis-a-vis de 1'ennemi quand la vengeance parait par Dieu soit indirectement par des intermediaires,
si naturelle au coeur de 1'homme, xix, 17; xxv, 21. soit surtout directement comme un don que lui seul
C'est par une fidelite ponctuelle et continuelle que peut faire, car elle est plus que la simple totalite de
1'homme deviendra juste, car si la sagesse est la con- 1' « experience » (personnelle et des anciens); sa pos-
naissance des regies de 1'activite humaine telle que session est vraiment un don de Dieu, n, 6. — c)-Con-
Dieu veut qu'elle 1'exerce, la justice consiste dans la ception d'une sagesse absolue et universelle; — elle
mise en pratique des regies et des prescriptions elabo- nous est montree comme s'adressant a tous, i, 20-33 ;
rees ou proposees par la Sagesse. Les Proverbes insis- vni, 2,3; ix, 3; elle se trouve dans Pordre general du
tent beaucoup pour montrer que cette sagesse n'est monde qui la manifeste, in, 19-20; on la rencontre encore
pas innee en nous et que d'ailleurs 1'homme se fait dans le gouvernement politique de 1'humanite, vil.
tres aisement illusion sur ses intere'ts meme les plus 15-16. — d) La Sagesse consideree en elle-meme. — a) Son
immediats, xvi, 25, de la, 1'imperieuse necessite de origine; elle vient de Dieu des 1'eternite et avant
1'education pour former le juste qui doit se constituer toutes choses, vni, 22-23. — p) Sa nature; 1° attribut
le disciple de ceux qui sont les intermediaires de Dieu de Dieu, en qui elle reside, qui la possede eternelle-
pour lui faire connaitre la Sagesse. mentet dont elle fait les delices, in, 19; vm, 22-31. —
iv. LA FA MILLS. — Plusieurs points sur ce sujet sont 2° hypostase '. son activitecooperatrice dans la creation,
plus particulierement interessants a noter. — i. Im- vm, 20; son amour pour les hommes, elle leur sert de
portance de 1'epouse vertueuse dans 1'interet de la mediatrice aupres de. Dieu, "vm, 31, c'est-a-dire qu'elle
maison, xn, 4; xiv, la, aussi 1'homme ne saurait-il se presente avec les trois caracteres suivants : nature
-apporter trop de soin dans le choix de celle qui devra transcendante, personnification nettement accentuee (la
etre sa compagne, xvm, 22. Le portrait de la femme tradition catholique y voit une personnalite' reelle et
forte, xxxi, 10-31, enumere avec complaisance les distincte), possibilite et desir de se communiquer aux
grands services que le mari peut attendre d'une epouse hommes, que le progres de la revelation accentuera de
bien choisie, en meme temps qu'il indique quelles plus en plus et qui trduveront leur exposition complete
qualites serieuses il faut rechercher pour que ce choix dans le prologue du JVe Evangile. Voir dans J. Corluy,
soit sage et eclaire; une epouse de ce genre doit etre La Sagesse dans VAnc. Test. (Congr. scient. des cath.,
> consideree comme un don de Dieu, xix, 14; — par 1888, t. i, p. 61-91), un tableau comparatif des donnees
801
de saint Jean, i, et des Proverbes, vm, ainsi que de 1'Eccle- d'Ypres, Analecta in Prov., Louvain, 1644; M. Geier,
siastique, xxiv, et de la Sagesse, vii-vin). — La liturgie Proverbia regum sapientissimi Salomonis cum cura
catholique fait une application particuliere de vm, enucleala, Leipzig, 1653, 1688, 1725; Bossuet, Libri
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11. COMMENTAIRES. — Outre ceux qui ont ete deja origine atque indole, Leipzig, 1869; A. Rohling, Das
nommes dans le cours de 1'article : * H, Deutsch, Die Salom. Spruchbuch ubersetzt und erkldrt, Mayence,
Spruche Salomo's nach der Auftassung im Talmud 1879; * L. Strack, Die Spruche Salomo's, Nordl'mgue,
und Midrasch dargestellt und krilisch unlersucht, 1888, 2e edit., 1899; G. Frankenberg, Die Spruche,
1885; S. Hippolyte, In Proverbia (fragments), t. x, Gcettingue, 1898. J. MARIE.
col. 615-628; Origene, El? TOC? i:apolfxta!; Sa^ojwSvco?
(fragments), t. xm, col. 17-34; S. Basile, Horn. XLI, In 2. PROVERBES (UVRE DES), apocr^phe.
Principium Proverb., t. xxxr, col. 385-424; Didyme APOCRYPHES (LIVRES), 3, t. i, col. 772.
d'Alexandrie, fragments d'un comment, sur les Pro-
verbes, t.xxxix, col. 1621-1646; Procope de Gaza, 'Ep^- PROVIDENCE (grec : upovota; Vulgate : provi-
ve'.a EI; ta; 7iapot(xta?, t. Lxxxvn, l r «part., col. 1221-1544; dentia), action parlaquelle Dieu veille sur ses creatures.
Supplement, t. LXXXVII, 2e part., col. 1779-1800; Salonius, — Lldee de Providence est une idee abstraite et phi-
eveque de Vienne, In Parabolas Salomonis expositio losophique, qui etait familiere aux Grecs. Cf. Herodote,
mystica, t. LIII, col. 967-994; Bede, Super parabolas m, 108; Sophocle, (Ed. Col., 1180; Euripide, Phen.,
Salomonis allegorica expositio, t. xci, Col. 937-1040, suivi 640; Xenophon, Memor., i, 4, 6, etc. Elle ne passa
du De muliereforti libellus, col. 1040-1052, egalement que tardivement chez les Latins. Cf. Seneque, Queest.
suivi de In Prov. Salom. allegoricae interpretationis nat., H, 45; Quintilien, I, x, 7; xir, 19, etc. Le livre
fragmenta (chap, vir, xxx, xxxr, xxvi), col. 1050-1060; grec de la Sagesse est le seul livre inspire ou elle soit
R. Maur, Expositio in Prov. Sal., t. cxi, col. 679-792; exprimee. L'auteur dit, en parlant du vaisseau qui flotte
R. Holkoth, Prgelect. in lib. Sap., 1481; in Proverbia, sur les eaux : « 0 Pere, c'est votre Providence qui le
Paris, 1515; S. Munster, Prov. Salom. juxta heb. ve- gfouverne. » Sap., xiv, 3. II represente ailleurs les
ritatem translata et adnotat. illustrata, Bale, 1525; Egyptiens, pendant la plaie des tenebres, « fuyant eux-
Cajetan, Parabolse Sal. ad veritatem ebraicam casti- memes votre incessante Providence. » Sap., xvn, 2. —
gates etenarratss, Lyon, 1545; J. Arboreus, Comm. in Les Hebreux avaient a un haul degre 1'idee de la Pro-
Prov. Sal., Paris, 1549; R. Bayne, Comm. in Prov. vidence, mais ils ne possedaient pas dans leur langue
Sal., Paris, 1555; Cornel. Jansenius, de Gand, Para- de mot special pour 1'exprimer. Ils ne se representaient
phrasis et adnotationes in Prov. Sal., Louvain, 1569, Faction vigilante de Dieu que sous une forme concrete.
J. Mercerus, Comm. in Salomonis Proverbia, Geneve, Jehovah est le Dieu de 1'univers, mais en m6me temps
1573; Th. Cartwright, Comm. succincti et dilucidi in leur Dieu particulier, qui prend soin d'eux, les benit
Prov. Salom., Leyde, 1617; Fr. de Salazar, Expositio in et les protege. Exod., xix, 5-6; xxm, 20-33; Deut.,
Prov. Salom., tarn litteralis quam moralis et alle- xxvii, 1-68, etc. Plusieurs Psaumes sont de veritables
gorica, 2 in-f°, Paris, 1619-1621; Bohl, Ethica sacra, hymnes a la Providence. Ps. iv, vm, xxm (xxn), xxvir
sive comment, super Prov. Salom., public par G. Witz- (XXVI), XLVI (XLV), LXV (LXIV), CIV (dll), GVU (CVl), CXIII
leben, Rostock, 1640; J. Maldonat, Scholia in Psalmos, (cxa), cxxi (cxx), etc. D'autres celebrent 1'action de la
Proverbia, etc., Paris, 1643; A. Agellius, Comment, in Providence a travers 1'histoire d'Israel. Ps. LXXVIII
Proverbia, Paris, 1611; Verone, 1649; Corn. Jansenius (LXXVII), cv (civ); cvi (cv). Ces memes idees sont expri-
D1CT, DE L4 BIBLE. Y. -"96
PROVIDENCE PSALTERION 804
mees sous Nehemie. II Esd., ix, 6, 31. Dans le Nouveau sur les cordes ». Voir Van Lennep, Etymologicum
Testament, la Providence est presentee comme le lingusegrsecse, Utrecht, 1808, p. 851. Comparer tnizmor
Pere celeste, qui fait luire son soleil sur les bons et de zdmar, voir MUSIQUE, t. m, col. 1137, qui designe
sur les mechants, Matth., v, 45, et qui prend soin de tout instrument a cordes joue par percussion manuelle.
toutes ses creatures. Matlh., vi, 25-34. — La Vulgate Gevaert, Histoire et the'orie de la musique dans I'ah-
emploie le mot providentia dans plusieurs passages ou tiquite, Gand, 1875-1881, t. n, p. 243. Ce nom com-
il est question seulement de prevision divine, Judith, prendrait par consequent les harpes, lyres, cithares,
ix, 5; xr, 16; de prevoyance, Tob., ix, 2; Sap., vi, 17; sambuques, et meme les instruments a manches. II est
ix, 14; de connaissance, Eccle., v, 5, ou de gouverne- a remarquer que Varron et Athenee appellent le nable
ment, II Mach., iv, 6; Act., xxiv, 2. un psalterion droit, orthopsallium, <laXTr,ptov 6'p6tov,
, H. LESETRE. Deipnos., 1. IV, p. 183, par opposition sans doule aux
PRUDENCE (hebreu : lebundh; Septante : <yuve<nc, instruments de forme plate, comme le psalterion pro-
•®p6vv)Gi5; Vulgate : prudentia), vertu qui aide a choisir prement dit. — Cette signification gencrique justifierait
ce qu'il y a de meilleur et de plus sage, pour y confor- en quelque maniere les auteurs des anciennes versions
mer sa conduite. — Dans la Sainte Ecriture, la pru- grecques et les commentateurs ecclesiastiques latins et
dence se confond frequemment avec 1'intelligence et la grecs, jusqu'aux lexicographes de la renaissance, d'avoir
sagesse; c'est souvent en ce sens qu'il faut entendre le traduit par '^aXt^ptov, psalterium, 1'hebreu nebel et
mot dans les versions. Les philosophies platoniciens meme le nom de la harpe, kinnor. Ezech., xxvi, 13.
faisaient de la prudence 1'une des quatre vertus cardi- Cependant il est preferable d'admettre que par cette
nales; le livre de la Sagesse, vui, 7, se refere a cette interpretation, ils nous ont represente, au lieu de
classification. — La prudence vient de Dieu, Prov., u, 1'instrument hebreu, 1'instrument grec en usage a
6; Bar., in, 14, en face duquel il n'y a en realite ni Alexandrie sous la domination hellenique et qui avail
sagesse ni prudence, Prov., xxi, 30, les qualites hu- remplace a cette epoque les anciens types d'instruments
maines etant insignifiantes aupres de ses perfections. orientaux. Telle est aussi la valeur a donner aux textes
Ceux qui ont cherche la vraie prudence en dehors de des Peres, qui differenciaient la cithare du psalterion
Dieu ne 1'ont pas trouv'e. Bar., m, 23. Heureux qui a par cette particularite, que la premiere a sa caisse
acquis la prudence, Prov., in, 13; qui vit selon la pru- sonore a la base; 1'autre au contraire, a la partie supe-
dence aura le bonheur. Prov., xix, 8. La prudence est rieure. S. Basile: liaXr/jpiov T-/IV Yjyo-jaav 6'jvajxtv ex TO*J
aussi le fruit des annees. Job, xn, 12. Elle apprend a avw0ev ejjsiv. In Ps. xxxii, t. xxix, col. 328. Le Bre-
veiller sur ses paroles, Prov., x, 19, et a ne pas attirer viarium in Psalmos, publie dans les ceuvres de saint
sottement 1'attention sur soi. Eccli., xxi, 23 (20). Elle Jerome, In Ps. cxux, t. xxvi, col. 1266 : Psalterium
aide la femme a trouver un mari. Eccli., xxn, 4. similitudinum habet citharas sed non est cithara...
L'homme prudent vaut mieux que 1'homme robuste. Cithara deorsum percutitur, cseterum psalterium sur-
Sap., vi, 1. II plait aux grands, Eccli., xx, 29 (26), est sum percutitur. S. Augustin : Psalterium de superiors
recherche dans les assemblies, Eccli., xxi, 20 (17), et, parte habet testudinem, illud scilicet tympanum est
meme esclave, sait s'imposer auxhommes libres. Eccli., concavum lignum, cui chordae, innitentes resonant.
x, 28 (24). — Notre-Seigneur recommande a ses dis- Enarrat. in Ps. xni, t. xxxvi, col. 499. Voir col. 280,
ciples d'etre prudents comme des serpents. Matth., x, 671-672, 900, 1964, Cassiodore : Psalterium est, ut
16. Voir SERPENT. II fait 1'eloge du serviteur prudent, Hieronymus ait, in modum A literse formati ligni so-
toujoursa son devoir, Matth., xxiv, 45; Luc., xn, 42, et nora concavitas obesum ventrem in superioribus
des vierges prudentes, attentives a la venue de 1'epouy. habens.Preef. in Psalt., c. rv, t. LXX, col. 15; S. I?idore
Matth., xxv, 2, 4, 9. II remarque que les fils du siecle de Seville, Etymol., in, 22, t. LXXXII, col. 168; Bede le
ont beaucoup plus de prudence, dans leurs affaires Venerable, Interpretatio Psalterii, t. xcm, col. 1099.
temporelles, que les fils de lumiere dans leurs interets L'assimilation que ces auteurs font du psalterion au
spirituels. Luc., xvi, 18. II remercie son Pere de n'avoir nable provient de la version des Septante. Les dix cordes
pas reserve sa revelation aux sages et aux prudents. du psalterion sont une erreur prise des textes ou il
Matth., xi, 25; Luc., x, 21. Le Sauveur fut lui-meme, est en realite question du nable a dix cordes. Voir NA-
pendant toute sa vie, un admirable exemple de pru- BLE, t. 'iv, col. 1432. Le rapprochement entre la forme
dence. II la fit specialement remarquer dans sa reserve de 1'instrument et celle du delta grec, A, loin d'etre
a manifester sa divinite. 11 defendajt a ceux qui en exclusivement propre au psalterion, figurerait plus
avaient quelque idee, pendant sa vie publique, de dire exactement les harpes antiques, et tout specialement le
ce qu'ils savaient ou ce qu'ils avaient vu, afin d'emp£- trigone. Voir HARPE, t. in, col. 434. En somme, ces
cher des manifestations et des oppositions quiauraient textes, oil les auteurs s'inspirent d'un instrument de
mis obstacle a son ministere evangelique. II ne s'expliqua musique, fort eloigne de 1'antiquite biblique et meme
publiquement a ce sujet que dans les derniers jours de de la tradition hellenique, ne nous fournissent pas de
sa vie, alors que ses declarations devaient hater un de- renseignements suffisants pour une identification. C'est
nouement, dont il avail lui-meme fixe 1'heure. Cf. Lepin, a 1'aide des monuments anciens, rapproches des types
Jesus Messie et. Fils de Dieu, Paris, 1905, p. 364-372. encore en usage chez les Orientaux, que nouspourrons
— Saint Pierre demande aux fideles de se montrer connaitre le psalterion antique.
prudents et sobres, afin de vaquer a la priere. I Pet., II. DESCRIPTION DU PSALTERION ANTIQUE. — Le troi-
iv, 7. H. LESETRE. sieme musicien du bas-relief de Koyoundjik, fig. 382,
t. iv, col. 1353, porte un instrument (fig. 183) dont la
PSALTERION, PSALTERIUM (chaldeen : pe- forme rappelle le qanun ou le santir des modernes
santerin, pesanterln; Septante : -paXr^ptov), instrument Orientaux. Cette representation montre en effet une
de musique, compose d'une table d'harmonie plate, en caisse plate, pourvue d'ouies, avec nn jeu de cordes
forme de trapeze allonge, portant un jeu de cordes tendu horizontalement. La caisse est bombee a la partie
tendu horizontalement. Les Septante ont traduit nebcl inferieure et se porte a plat devant la poitrine. Les
par ^aXtTJptov exceptionnellement; la Vulgate presque cordes au nombre de dix, si la sculpture est exacte, de-
toujours par psalterium. Kinnor est rendu ^aXt/jptov crivent une courbe, comme si elles etaient placees sur
dans les Septante, Ps. XLVIII, 5; cxux, 3; Ezech., xxvr, un rebord arrondi et tendues par des poids. Ces cordes
13; par psalterium, Vulgate, Ps. XLVIII, 5; cxux, 3. etaient peut-etre de metal, voir Botta, Monument de
I. NOM. — 'J/aXt^ptov, d'apres son etymologic, 4/aXXo1, Ninive, 1.1, pi. 62, et doublees pour augmenter la reson-
« tendre les cordes », -iaXyioc, « percussion des doigts nance, comme dans les instruments plus modernes Les
805 PSALTERION 806
instruments de cette forme different de la harpe en ce En Algerie, on ne lui donne parfois que soixante-trois
que les cordes ainsi disposees sont accessibles sur une cordes et vingt et une notes. La table de rinstrumenl
seule face, tandis que dans la harpe elles peuvent etre est pourvue de sillets en os, a charniere, pouvant se
touchees sur deux cotes par les deux mains. Us different lever pour regler 1'accord et distinguer certaines tona-
d'autre part des instruments a manche en ce que les lites. Les cordes sont en boyau, la caisse, en bois de
cordes, bien qu'elles aient la me'me disposition, sont en noyer, a 3 metres de long sur 0,40 de large et 0,05 de
nombre necessairement restreint dans ceux-ci, par suite haut. Les cordes des notes elevees sont plus minces et
du manque d'espace. plus courtes, et la serie lout entiere va en augmentant
Comme les autres instruments originaires d'Orient, de longueur jusqu'aux notes graves. On accordea partir
le psalterion, adopte par les Hellenes (tig. 184), retourna de la corde basse (re-2 substitue a 1'ut par les musiciens
en Asie a la suite des conquetes d'Alexandre; mais il y turcs) et par succession de notes (non pas par quintes),
revint perfectionne et sous un nom grec. Nous n'avons la deuxieme corde sur le premier sillet, la troisieme
pas le nom hebreu de 1'ancien type asiatique qui devint sur le second et ainsi de suite. Le type ancien du
le >}/aXT^piov. On ne le trouve en effet que dans 1'enu- qanun est, suivant Al Farabi, le djank ou sank. Land,
De 1'Orient, le psalterion, qui avait passe a Rome 1'hebreu actuel, le grec et la Vulgate : mais les anciens
sous les empereurs, revint en Occident apres les croi- manuscrits hebreux n'etaient pas tous d'accord, certains
sades. On 1'appela psaltere, saltere, de son nom n'en comptant que 149 ou meme 147. La separation des
biblique. Les sculpteurs le mirent parfois aux mains Psaumes n'etant pas indiquee dans les anciens textes
du roi David. L'instrument oriental resta en vogue pen- hebreux, comme en temoigne encore Origene, et un
dant tout le moyen age. On en perfectionna successi- bon nombre de Psaumes n'ayant pas de titre, les cou-
vement la qualite, le mecanisme, on en augmenta les pures ont etepratiquees quelquefois tres arbitrairement,
dimensions. Le Cymbel hongrois en estune derivation. de sorte que, tout en arrivant au meme total, 1'hebreu
Finalement 1'adjonction de marteaux fixes dependant d'une part, et les Septante et la Vulgate d'autre part,
d'un clavier fit de 1'ancien instrument le piano mo- donnent des numerotations un peu differentes;l'accord
derne. Mais le psalterion subsists de nos jours sous la se maintient de i a vm ; ix de 1'hebreu forme ix et x dans
forme de la Zither allemande. J. PARISOT. les versions; xi a cxin de 1'hebreu correspond a x-cxil
des versions; cxiv et cxv de 1'hebreu a cxin de^s versions ;
1. PSAUMES (LIVRE DES), recueil de chants sa- cxvi de 1'hebreu a cxiv et cxv des versions; cxvn a CXLVI
cres des Hebreux. Les livres historiques et prophetiques de 1'hebreu a CXVI-CXLV des versions ; CXLVII de 1'hebreu
de la Bible en renferment un certain nombre; mais la donne CXLVI et CXLVII des versions ; enfin 1'accord est
plus grande partie de leurs chants religieux forme un retabli de CXLVIII a CL. En general done 1'hebreu 1'em-
recueil special designe en hebreu sous le nom de ~IBD porte d'une unite sur les versions. La critique textuelle
n^nn,Sefer tehillim, Wa.li:-f\piov,PsaUerium, en grec et permet de constater que les coupures sont fautives en
nombre de cas; on a souvent, dans 1'original comme
en latin. La designation hebraique est transcrite Sqpap dans les versions, joint des fragments qu'il fallait separer ,
0£XXs{(ji., pt'6Xo? tya.\p.&v dans le Canon origenien en tete par exemple CXLIII, 1-11 et 12-15; on a plus rarement
du Commentaire d'Origene sur le Ps. i, t. xn, col. 1084, separe des fragments qui auraient du e"tre reunis, par
et (( SEPHAR THALLIM, quod interpretatur VOLUMEN exemple xn etxni. Les auteurs ecclesiastiques, appuyes
HYMNORUM » dans S. Jerome, Prsef. ad Sophronium sur certains manuscrits et sur les variantes des Actes,
in Ps., t. xxviii, col. 1124. Dans le Prologus galeatus, xin, 33, ont souvent cite le Ps. u : Quare fremuerunt
t. XXVHI, col, 553, le m£me Pere I'appelle du nom de
gentes, avec la reference b irpwrw J'0'^!^'}'. Origene,
David, et ajoute : quern quinque incisionibus et uno Fragm. in Psalm., t. xn, col. 1100; S. Hilaire, In
Psalmorum volumine comprehendunt. La designation Psalm., t. tx, col. 262, 264.
du meme livre est abregee dans les references juives HI. NOMS DES DIVERS PSAUMES. — Les Psaumes
sous les formes D^FI, ^'n, tillim et tilli.
portent des noms differents, qui indiquent differents
I. PLACE DES PSAUMES DANS LA BIBLE. — Ce livre se genres poetiques : celui du recueil entier est Sefer te-
trouve communement dans la Bible hebraique masso- hillim, bien rendu par saint Jerome, Liber hymnorum,
retique en tete des Ketubim ou Hagiographes, la troi- exactement « Livre des louanges (de Dieu) >> : le Ps. CXLV
sieme partie du recueil; saint Jerome, dans son Epist. ad (CXLIV) est cependant le seul qui porte un pareil titre,
Paulinum, t. xxn, col. 547, le place de meme; mais il tehilldh, a!v£<rec,?awda<io;un titre plus ancien nous est
n'en a pastoujours ete ainsi; dans le Prologus galeatus, donne pour une portion du recueil dans LXXI, 20, tefillot,
t. xxviii, col. 555, il le fait preceder de Job; la liste tal- orationes; les Septante et la Vulgate ont du lire tehil-
mudique du traite Baba bathra le fait preceder de lot, car ils traduisent laudes (David filii Jesse)', exac-
Ruth; les manuscrits hebraiiques espagnols, des Chroni- tement, « prieres »!; le nom le plus courant est -HDTD,
ques ou Paralipomenes. Quant au mot mnemotechnique
nnN, designant par abreviation les livres poetiques selon mizmor, d'aXfxdc, psalmus, c'est-a-dire : chant destine a
etre accompagne par les instruments, ou simple poeme
les Hebreux, Job, Proverbes, Psaumes, il donne preci- lyrique : de la vient le terme ^a),TT,ptov, psalterium,
sement le renversement de 1'ordre des manuscrits detourne de sa signification premiere « d'instrument
d'Allemagne, suivi par 1'editibn imprimee actuelle. Les a cordes », pour signifier tout le recueil, le Psautier.
Septante placent le Psautier dans la seconde partie de En hebreu 57 Psaumes ont le titre de mizmor, mais il
la Bible, en tete des livres sapientiaux, mais la encore y en a davantage dans les versions. On trouve aussi le
on ne trouve pas d'uniforrnite : 1'Alexandrinus, par titre de i>tf, sir, a<7[Aa, &>8r), canticum, hymnus, qui
exemple, le rejette, avec les autres livres sapientiaux,
apres les prophetes, dans la troisieme partie. La Vulgate veut dire chant, xvn, XLIV et XLV, souvent prepose (5 fois)
Clementine le place au contraire dans la seconde partie ou postpose (8 fois) au terme mizmor , et traduit alors
apres Job. L'habitude des auteurs du Nouveau Testa- canticum psalmi ou psalmus cantici, mais apparem-
ment de citer la Bible sous la formule in Moysi, pro- ment simple doublet provenant des variantes de diffe-
phetis et psalmis, Luc., xxiv, 44, permet de conclure rents manuscrits ; a noter en outre specialement la serie
que de leur temps ce livre etait place comme dans la des sire ham-ma'alot, canticum graduum, Sa[xa taiv
Bible massoretique, en tete de la troisieme partie. ava6a9[xwv ou avaSacrswv, « cantique graduel ou cantique
II. DIVISION DES PSAUMES EN CINQ LIVRES. — Le Psautier des montees » (du pelerinage liturgique a Jerusalem), de
se subdivise en cinq livres, termines chacun par une cxix-cxxxni. Les litres designent en outre 13 niaskil,
doxologie independante du Psaume final, sauf pour h'SDD, terme traduit en grec par les Septante <7uvs<7t?
le CL et dernier : XL, 14; LXXI, 18-20; LXXXVIII, 53, et et par Aquila duto-tr^wv, par la Vulgate intellectus et
dans 1'hebreu par une indication massoretique. Saint intelligentia, par saint Jerome eruditio, dans lesens du
Jerome dit dans son Epist. ad Sophronium, t. xxvm, verset psallite sapienter, psaumes de forme artistique,
col. 1123 : Nos Hebr&orum auctoritalem secuti et ma- beaucoup ayant des strophes et des refrains; 6 miktam,
xime Apostolorum qui semper in Novo Testamento DFOS, en "grec o-TYjXoypa^ia, dans la Vulgate tituli in-
Psalmorum librum nominant, unum volumen asseri. T :•
mus. Mais parlant avec plus de precision dans son Epist. scriptio, la plupart munis d'une indication de melodie,
xxvi ad Marcellam, t. xxn, col. 431, il dit : In de 1'air sur lequel il les faut executer; enfin 1 siggayon,
quinque volumina Psalterium apud Hebrasos divisum ji»jw, le Psaume vn, traduit par les Septante simple-
T •
est; egalement Epist. CXL, t. xx.ii, col. 1168, et dans le ment i|/a),(Aoi;, par Symmaque et Aquila a-po-n^a, ayvota,
Prolog, galeat., t. XXVHI, col: 553 : quinque inci- par la Vulgate psalmus et par saint Jerome ignoralio,
sionibus. La plupart des Peres anciens mentionnent sorte d'ode irreguliere analogue au dithyrambe avec vifs
cette division du Psautier. changements de rythme et de pensee. Voir tous ces
Le recueil total se subdivise en 150 morceaux, d'apres noms. II est a remarquer que la valeur precise de ces
810
termes techniques s'est vite perdue, on ne les rencontre souvent en groupe ternaire comme dans le cantique final
plus guere dans le cinquieme livre, et les Septante ne de 1'Ecelesiastique dans letextehebreu, dans la Sagesse,
savent pins les traduire; les Peres de PEglise leur don- dans le cantique deuterocanonique de Daniel; les indica-
nent des sens mystiques. Au point de vue de la forme, tions techniques et musicales y font tres communement
et abstraction faite des appellations anciennes, il faut defaut, la plupart des Psaumes sont anonymes, et les
distinguer les Psaumes a simple parallelisme, les emprunts aux plus anciens y sont frequents; la larigue
Psaumes'avec strophes, ceux avec refrain, etles Psaumes est plus teintee d'aramaiisme, ki pour It,, pronom suf-
alphabetiques avec ou sans strophes. fixe de la 2e personne du feminin singulier, w pour
IV. ORIGINE ET DATE DES PSAUMES. — 1° Collections •ntftf, pronom relatif : beaucoup ne sont que des com-
successives des Psaumes. — L'origine (auteur et date) positions doxologiques a Pusage du culte public et prive,
des Psaumes est assez difficile a preciser des qu'on sort nourries de souvenirs historiques anciens, mais sans
des opinions extremes, attribuant 1'une tous les Psaumes allusion aux evenements contemporains. On y distingue
a David, 1'autre les renvoyant tous a 1'epoque qui suit m£me plusieurs petits recueils particuliers, les Hallel,
le retour de la captivite. Theodoret, Prsefat. in Ps., le recueil des cantiques du pelerinage ou Psaumes gra-
t. LXXX, col. 862, se decide pour ['attribution generale des duels, le Ps. cxvni, recueil de strophes a la louange de
Psaumes a David; cette opinion, ajoute-t-i], est celle de la loi divine, et les series OCAlleluia; V ensemble iorman
la majorite des auteurs ecclesiastiques : mais Origene un groupe plus considerable que les autres livres a ete
et toute son ecole sont d'avis different; et c'estleur opi- partage en deux par une doxologie finale apposee a la
nion qu'exprime saint Jerome, Epist. ad Sophron., fin du Ps. cv; et 1'on a obtenu ainsi cinq sections du
t. XXVHI, col. 1123 : Psalmos omnes eorum testamur Psautier, analogues aux cinq sections du Pentateuque
auctorum qui ponuntur in titulis, David scilicet, et disposees a peu pres dans leur ordre chronologique.
Asaph et Idithun, filiorum Core, Eman Ezrahitse, L'origine du recueil remonte done aux plus hautes
Moisi el Salomonis et reliquorum quorum Ezras uno epoques dela monarchic juive, les plus beaux morceaux
volumine comprehendit (opera). — D'autre part les levitiques etant de la periode litteraire d'Ezechias, 1'exil
additions evidentes datant de la captivite, telles que les et le retour correspondant au quatrieme livre, le reste
deux derniers versets du Miserere et d'autres ana- s'espacant durant deux ou trois siecle's posterieurs.
logues, montrent bien que les Psaumes qui les ont 2° Psaumes dits Machabeens. — Certains Psaumes
recues etaient d'origine notablement anterieure, et descendent-ils jusqu'a 1'epoque des Machabees? La
s'opposent a la composition recente du Psautier. La plupart des auteurs modernes 1'admettent volontiers;
division du Psautier en cinq livres nous donne une et le contexte de Psaumes tels que XLIII, LXXIII,
chronologie approximative des Psaumes, pourvu qu'on LXXVIII, LXXXII, semble leur donner raison. Toutefois
n'oublie pas d'autre part que, pour des raisons di- il faut se garder de trop presser la consequence, car
verses, les Hebreux ont pu inserer dans un recueil en somme 1'histoire juive dans ses details nous est peu
ancien un Psaume ou un fragment plus recent, ou connue; les Kvres historiques de la Bible ne proce-
inversement ajouter a vine collection recente un poeme dant que par extraits incomplets ou par reference a
plus ancien. — 1. Le premier livre et une portion du des ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, il nous
second semblent avoir forme le noyau primitif : les est impossible de dire si les faits narres par les Psal-
Psaumes y sont, par leur titre, attribues a David, ont rnistes sont ceux de la persecution d'Antiochus Epi-
generalement un caractere elegiaque ou meditatif per- phane, ou ne datent pas d'une autre epoque, si les
sonnel et non pas national, et trouvent une conclusion invasions egyptiennes, assyriennes et babyloniennes
toute naturelle dans Vexplicit ou note finale du Ps. LXXV, n'ont pas amene de grands massacres; nos renseigne-
20 : Defecerunt laudes David ftlii Jesse. Ge groupe roents historiques sur la periode pre-exilienne tiennent
n'est cependant pas d'une homogeneite parfaite, il ren- en quelques pages, ceux de la periode post-exilienne
ferme des Psaumes davidiques en deux recensions, sont plus defectueux encore.
jehoviste et elohiste, tels que xm et m, xxxix et En outre, Renan a fait valoir centre les Psaumes
LXX, et meme un groupe levilique XLI-XLIX; les Psau- machabeens des raisons qui ne manquent pas de soli-
mes i et ii sans nom d'auteur semblent aussi avoir ete dite et que Davidson a repris dans le Dictionary of the
mis plus tard en tete du Psautier en guise de preface. Bible de Hastings, t. iv, p. 152-153, contre les exagera-
— 2. Un second recueil a ete superpose au premier, tions evidentes de Hitzig, Olshausen et Cheyne : « (Des
d'origine levitique, formant le livre troisieme : une poemes machabeens) subsistent-ils dans le recueil actuel
tranche levitique XLI-XLIX a meme penelre dans le livre des Psaumes? C'est un des points sur lesquels il estle
deuxieme, probablement par interversion des manus- plus difficile de se prononcer : 1'ame d'Israel n'etait pas
crits; ce second recueil est nettement defini par les changee, mais sa langue etait changee, et nous croyons
attributions d'auteurs, XLI-XLVIII les fils de Core; XLIX et que des prieres composees au temps d'Antiochus ne
LXXII-LXXXII Asaph; LXXXIH-LXXXVIII les fils de Core; seraient pas si difficiles a discerner des prieres clas-
par le choix des sujels generalement nationaux, cultuels siques plus anciennes : le siecle n'etait pas litteraire, la
ou dogmatiques, et par le style plus soigne, avec plus langue etait plate et abaissee... » II ajoute en note :
de recherches d'ornemenls poetiques, strophes et re- « Les Ps. XLIV, LXXIV, LXXIX, LXXXIII surtout conviennent
frains, indications techniques et musicales. — Dans ces parfaitement a ce temps : mais apres tout rien ne
deux recueils composes des trois premiers livres, tout s'oppose a ce qu'ils soient plus anciens, les 'anavim
ce qui a trait a la captivite paralt sous forme d'antienne (fideles) s'etant souvent trouves dans des situations
additionnelle, la rovaute davidique avec sa perpetuite, analogues. Ces Psaumes sont de la plus belle langue
I'inviolabilite du temple et de la cite sainte y sont classique, du style le plus releve, souvent pleins d'obs-
nettement inculquees, par consequent la composition en curites et de fautes de copistes. Or, la langue a 1'epoque
est anterieure a la premiere destruction de Jerusalem des Machabees etait extremement abaissee, et le
et a la captivite de Nabuchodonosor. —3. Au contraire genie poetique perdu, le style est plat, prolixe a la
les quatrieme et cinquieme livres donnent 1'impression facon arameenne, n'offrant jamais aucune difficulte
d'une composition ou d'une compilation plus tardive : quand 1'auteur ne fait pas expres de contourner sa
les allusions a la captivite paraissent non plus sous la pensee... Le Psautier de Salomon, peu posterieur aux
forme d'additions, mais comme partie integrante ou Machabeens, a-t-il jamais pu etre confondu avec les
meme sujet principal des Psaumes : le style en est Psaumes davidiques?... Le Psaume qui parait le plus
aussi tres different, on y rencontre de ces longues machabaique, le Ps. LXXIV, est cite dans le premier .
enumerations ou des repetitions multiples, alignees livre des Machabees, VH, 16-17, comme un vieux texte
PS1UMES (LIVRE DES) 812
prophetique. » Histoire d'Israel, t. iv, p. 316-317. des Paralipomenes, sont les raisons qu'on allegue a
Driver, An introduction to the Litterature of the 1'encontre de la composition davidique; mais il faut se
O. T., Edimbourg, 1838, p. 388, Men qu'un peu moins rappeler que 1'energie, la vaillance, et meme la durete
affirmatif, fait des constatations analogues. On peut a la guerre des Orientaux n'emp£chent pas chez eux
ajouter a ces raisons litteraires que les idees des retri- un sentiment de soumission, d'humilite, de confiance
butions ultra-terrestres et messianiques sont en tels plus ou moins mystique vis-a-vis de la divinite: vis-a-vis
progres dans les Psaumes de Salomon qu'on ne peut de leurs dieux, les prieres ou psaumes d'Assurbanipal
supposer qu'ils soient de la meme epoque que les et d'Asarhaddon ,ont egalement un ton plaintif des
Psaumes canoniques. Quant a Pacrostiche Simon (Ma- plus accentues qui forme grand contraste avec le recit
chabee) obtenu par les initiales du Psaume cixr 1 b, 2, qu'ils font ailleurs de leurs exploits. Maspero, Histoire
3, 4, suivant les indications de G. Bickell, il est pour ancienne des peuples de I'Orient, les Empires, p. 405;
le moins fort arbitraire et n'est nullement etabli. Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott fur
II semble done que nous n'avons guere de Psaumes Staat, p. 72-82; Eb. Schrader, Keilinschriften und
posterieurs au ui« siecle avant J.-C. La traduction des Geschichtsforschung, p. 519; Records of the Past,
Septante, dont le Psautier est absolument homogene, newser., p. xi-xm. II faut en outre se rappeler que
est de"ja utilisee par I Mach., vn, 16; 1'original hehreu nous n'avons des Psaumes qu'une redaction liturgique,
esl de"ja employe Ps. civ, 1-15; xcv; cv, 1, 47-48, par par consequent parfois generalisee ou adaptee a des cir-
le redacteur des Paralipomenes avec la doxologie finale constances differentes, et nullement 1'edition originale :
du IVe livre, en transportant ce verset du sens original par exemple le Psaume ix et x de 1'hebreu, ix des
optatif, a une application a un passe historique, I Par., Septante et de la Vulgate, en strophes alphabetiques
xvi, 8-36; or les Psaumes presentes comme les plus dans la redaction primitive, a ete amalgame avec un
certainement machabeens sont anterieurs a cette doxo- autre, d'un rythme diflerent et non alphabetique, a peu
logie finale. pres par moitie : on conceit que le caractere primitif
V. AUTEURS DES PSAUMES. — La plupart des Psaumes ait du en souffrir, bien qu'on ait retenu le titre de
— presque invariablement ceux des trois premiers Psaume de David. Tout le monde reconnait que les
livres, au contraife exceptionnellement ceux des deux deux versets ajoutes au Miserere en ehangent notable-
derniers — portent en tete un nom d'auteur, David ment le caractere moral et historique, la finale suppo-
(73), Asaph (12), les descendants de Core [(11), Salo- sant la destruction de Jerusalem et le grand prix
mon (2), Heman (1), Ethan-Idithun (4), Moi'se (1); la attache par Dieu aux sacrifices liturgiques, tandis que
forniule frequente dans la Vulgate, ipsi David, doit la fin primitive donne une impression differente. Le
etre considered comme un genitif, et n'est que la tra- Ps. CXLIII Benedictus attribue par le titre a David,
duction de 1'hebreu le-David, en grec, TOU Aa6(8, ipsius abrege du Ps. xvir, peut avoir un noyau daddique,
David; 1'hebreu laisse 50 Psaumes orphelins, c'est-a- que 1'addilion des f . 12-15 transporte dans des condi-
dire sans nom d'auteur; les versions n'en ont qu'un tions historiques toutes differentes. Sous des reserves
nombre moindre, la Vulgate n'en compte que 35, car analogues, si les deux premiers livres du Psautier
elles ont mis des auteurs a de simples fragments indti- n'avaient pas un noyau vraiment davidique, on ne com-
ment separes de leur contexte, cf. XLII, attribue a David, prendrait pas pourquoi, a une dale tres ancienne, on y
quoique formant la troisieme strophe du Ps. XLI des fils aurait donne la finale:«(Ici) finissent les prieres de David,
de Core. — Le fait qu'un bon nombre sont restes ano- fils d'Isai, » Ps. LXXI, 18-19; que du recueil ainsi de-
nymes montre que les copistes n'ont pas donne des noms limite ou de tout autre analogue le redacteur du ch. xxn
d'une facon arbitraire; une seconde observation, le de II Reg. eut extrait le Ps. xvn comme document final,
style caracteristique de certains auteurs retrouve d'une suivi de ses novissima verba, ch. xxm, de style sem-
maniere courante dans la plupart des morceaux qui blable a celui de beaucoup de Psaumes davidiques, et
leur sont attribues, par exemple le style eleve et 1'eut nomme lui-meme egregius psaltes Israel, en he-
sou vent enfle des Psaumes d'Asapb, la perfection litte- breu : « aimable par les chants d'Israel. » Le redacteur
raire el poetique de ceux des fils de Core, montre qu'il du regne de David dans les Paralipomenes I Par., xvi,
faut tenir compte de ces indications, Beaucoup sont 8-36, lui attribue'de meme les Ps. civ, xcv, cv : tandis
originales ou du moins ont etc placees tres aneienne- que le prophete Amos, vi, 5, dit des habitants de Sa-
ment d'apres des renseignements traditionnels; il y marie et de Jerusalem : sicut David putaverunt se
avait meme des traditions divergentes, que Ton a re- habere vasa cantici, ou plus exactemerit d'apres 1'he-
cueillies simultanement dans certains exemplaires; breu : sicut David excogitant sibi vasa cantici; les
ainsi s'expliquent les indications contradictoires trou- deux elegies conservees de lui sur la mort de Saul etde
vees surtout dans les versions grecques et latines, par Jonathas et sur celle d'Abner ne suffisent pas a justifier
exemple, cxxxvi, attribue a David et a Jeremie. Cer- toutes ces appreciations : la reputation litteraire de
tains de ces noms doivent aussi etre considered plutot Salomon n'a pas suffi a lui faire attribuer plus de deux
comme familiaux que comme individuels, ce sont des Psaumes, bien que les redacteurs des Rois et des Para-
noms de tribu ou d'ecole; ainsi Core et Asaph sont-ils lipomemes aient grandement glorifie son oeuvre reli-
appliques a des epoques tres differentes, au temps des gieuse.
luttes de Sennacherib et d'Ezechias, et a celui de la Ewald concluait, d'apres le criterium tres subjeclif
conquete de la Palestine par Nabuchodonosor, du gout, de 1'originalite, de la vivacite et du coloris,
Ps. LXXXII, XLI n, XLVIII, d'une part et d'autre part XLI, de la dignite et de la noblesse des sentiments exprimes,
XLII,. LXXIV, LXXIX, LXXXIV. Dans les cas douteux, le a 1'origine davidique des Ps. HI, iv, vu, xi, xv (xiv),
critique peut essayer, par les indices tires du style, les xviii (xvu), xix (xvin), l re partie, xxiv (xxm),xxix (xxvni),
renseignements historiques contenus dans le Psaume, XXXH (xxxi), ci (c) et d'un bon nombre de fragments.
les analogies de doctrine avec telle ou telle autre partie Cette liste n'est pas definitive; d'autant moins que cer-
de la Bible, de preciser la date de la composition. tains de ces Psaumes ou fragments davidiques sont re-
1° David. — Le roi David est le plus celebre des petes, ou abreges, ou develbppes, dans d'autres parties
Psalmistes et c'est pourquoi on a donne souvent son du Psautier. Renan estime ancienne et davidique par
nom a la collection entiere. L'absence de preoccupa- exemple la strophe LX-LIX, 8 (14), repetee dans le
tions politiques, la forme plaintive et elegiaque, le ton Ps. CVIH (cvu). Noldeke tient pour authentique le
de pieuse mysticite d'un grand nombre de Psaumes Ps. xvin (xvn) abrege dans cxxxi : or, la longueur
attribues a David, en opposition avec le caractere de ce extreme du premier Psaume, la description du secours
prince tel qu'il parait se degager des livres des Rois ou de Dieu sous Tallegorie d'une theophanie accompagnee
813 PSAUMES (L1VRE DES)
de tempete et de tremblement de terre, sembleraient de lecture de Yaleph initial, le meme qu'Idithun auteur
plutot faire incliner a un jugement contraire : mais il de xxxvni (xxxix), LXI (LXII), LXXVI (LXXVII). Voir ces
ajoute, sans qu'on puisse vraiment le contredire : noms. Ces Psaumes sont par consequent aussi d'origine
« Connaissons-nous done si exaclement le style de levitique, et tres beaux; voir par exemple LXXXVIII
David? Est-ce qu'un chant de fete, compose peut-etre (LXXXIX) elegie messianique sur la dynaslie de David,
par un vieillard, doil reproduire le style concis et en en separant les jfr. 6-19, qui forment un Psaume diffe-
simple d'une ceuvre de jeunesse comme 1'elegie sur rent et fort beau, egalement insere dans le premier.
Saul et Jonathan? » Th. Noldeke, flistoire lilteraire de 5° Salomon, Molse^ Psaumes anonymes. — Salomon
I'A. T., trad. IL Derenbourg et ,1. Soury, Paris, 1873, est donne comme auteur des Psaumes LXXI (LXXII) et
p. 185-186; Driver, op. cit., p. 379, 385. Enfin il est cxxvi (cxxvn) : cette derniere attribution est plus que
certain que le culte se developpa en meme temps que contestable. Le Psaume de la vieillesse LXXXIX (xc) est
la royaute, sous David et Salomon, et aussi sous I'in- attribue a Moi'se, mais saint Augustin, In Ps. LXXXIX,
fluence exterieure egyptienne et phenicienne, peut-6tre t. xxxvn, col. 1141, en disaitdeja : Non enim credendum
aussi des lors assyrienne ou babylonienne; il dut done est ab ipso omnino Moyse istum Psalmum fuisse con-
y avoir des chants religieux analogues a ceux de 1'Egypte scriptum, etilen donne pour raison que s'il eut eu cette
et de 1'Assyrie, et il n'est pas vraisemblable qu'on les origine, on 1'eut joint au Pentateuque. Saint Jerome,
ait laisses de cote plus tard. Efjist. CXL ad Cypnanum, t. xxn, col. 1167, admet
II faut reconnaitre par contre que ces traditions an- i'origine mosai'que de ce Psaume et des dix suivants, ou
ciennes de 1'epoque davidique ont pu occasionner plus il est cependant parle de choses bien posterieures et
d'une attribution arbitraire, et meme evidemment meme de Samuel. Ps. cxvin, 6. Les versions ajoutent
erronee : par exemple les manuscrils utilises par les encore des noms d'auteurs a quelques Psaumes; mais ces
Septante ont attribue, comme d'ailleurs aussi la Vul- additions sont generalement fortarbitraires. II reste plu-
gate, une composition davidique au Ps. XLII, Judica rue, sieurs Psaumes anonymes, comme on Fa vu plus haut.
qui n'est qu'une strophe detachee du Ps. precedent non Quelques-uns des plus beaux du Psautier sont compris
davidique; cf. aussi Ps. cxxxvii, Super flumina Baby- dans cette categoric, tels que cm-civ, tableau de la crea-
lonis. Inversement le Ps. cxxiv, Nisi quia Dominus erat tion, et evi-cvn, action de graces pour le retour de la
in nobis, porte dans 1'hebreu une attribution davidique, captivite; la plupart se trouvent dans les deux derniers
que les Septanle et la Vulgate ont juslement laissee de livres du recueil. •
cote, apparemment pour nous monlrer ce qu'il fallait VI. INDICATIONS HISTORIQUES, LITURGIQUES ET TECHNI-
faire en presence du caractere si evidemment post- QUES DES TITRES. — 1° Indications hisloriques. — Les
exilien d'un tel morceau ou de tout autre analogue. tilres ajoutent quelquefois au nom de 1'auteur des indi-
2° Les fils de Core. — La serie attribute aux «Fils de cations de circonstances hisloriques, Elles semblent
Core » comprend 11 Psaumes en deux groupes XLI (XLII) n'etre plusieurs fois que des conjectures du recenseur;
(avec XLII (XLIII); XLIV (XLIII) jusqu'a XLVIII (XLIX), puis le contenu ne les justifie pas toujours; un mot a quel-
LXXXIII (LXXXIV) jusqu'a LXXXVII (LXXXVIII) a 1'exeeption quefois suffi pour qu'on rattachat tout un Psaume a la
de LXXXV (LXXXVI) ; ce sont les plus beaux morceaux du vie de David. Par exemple Ps. HI, quand David fuyait
Psautier, distingues pav leuv simplicite, leur delica- devant Absalom son fils; vu, a 1'occasion des paroles
tesse, leur forme a la fois etudiee et parfaite au point de Chusi le Benjamite; xxxm(xxxvy), quand David
de vue poetique, d'une strophique tres re"guliere et contrefit 1'insense en presence d'Abimelech; LI(LII),
avec emploi frequent et heureux du refrain : au point quand Doeg 1'Idumeen vint dire a Savil que David
de vue des sentiments on y distingue un grand amour etait chez Achimelech; Lin (LIV) quand les Zipheens
du Temple et de la cite sainle. La tradition TaUaehait vinrent dire a Saiil: « David est cache parmi nous; » LV
1'origine de cetle famille au Core du,desert; leur acti- (LVI), quand les Philistins le saisirent a Getb; HX(LX), a
vite lilteraire fut marquante durant la periode d'Eze- 1'occasion de la guerre centre les Syriens de Mesopota-
chias et jusqu'apres le retour de la captivite, comme le mie et de Soba, etc. Dans ce dernier cas, par exernple,
montrent les allusions hisloriques de leurs Psaumes : il est question des Philistins, des Idumeens comme
leurs idees theologiques ou messianiques sont ana- encore a vaincre, et nullement des Syriens; dans le
logues a celles d'Isai'e : voir par exemple Ps. LXXXVI Psaume LXII (LXIII), la mention repose sur le ;L 2, in terra
(LXXXVII) et Isai'e, xix, 19-25; leurs fonctions dans le deserlaetinvia et inaquosa,qai estlui-m^me vraisem-
Temple sont indiquees dans les livres bistoriques blablementpour sicut terra... inaquosa, sic in sancto ap-
depuis David jusqu'a la restauration d'Israel, gardiens parui libi, « comme » etant a restituer au lieu de « dans ».
des portes du temple, I Par., ix, 19; xxvi, 1-19; puis 2° Indications liturgiques. — D'autres additions sont
chantres. II Par., xx, 19. des indications liturgiques remontant a 1'emploi des
3° Asaph. — Douze Psaumes portent 1'indication Psaumes dans le Temple, dans le culte public ou dans
« Asaph » et sont par consequent aussi de 1'ecole levi- le culte prive : xxix(xxx) pour la dedicace du Temple;
tique : XLIX (L) et LXXII (LXXIII) jusqu'a LXXXU (LXXXIII). xci(xcn) pour le jour du sabbat; de cxix(cxx) jusqu'a
Sous ce nom comme sous le precedent se cache une cxxxia(cxxxiv) cantique des montees ou du pelerinage,
famille de levites dont 1'activite litteraire s'espace sur a Jerusalem, canticum graduum; XXXVII(XXXVHI) et ;
plusieurs siecles : par exemple LXXXII (LXXXIII) appartient LXIX(LXX) pour la commemoraison (des bienfaits), in
a 1'epoqne de la lutte conlre 1'Assyrie; LXXHI (LXXIV) el rememorationent; cxix(c), pour (le sacrifice d') action
LXXVIII (LXXIX) a 1'invasion babylonienne; ce sont tou- de graces, in confessione. Les Septante et la Vulgate en.
jours des Psaumes nationaux, et non personnels : le ont d'autres encore : xcv, pour li reconstruction du
style, moins parfait que ceux des Fils de Core, est Temple apres la captivite, quando domus sedificabatur
communement d'une grande autorite et d'une grande post captivilatem; XCH, quando fundata est terra;
vehemence, qui approche souveratdu sublime, mais qui xxxvii, de sabbato; xxm le lendemain du sabbat, prima
aussi le depasse quelquefois; ils renferrnent beaucoup die sabbali; XLVII, secunda sabbati, le second jourde"
d'allusions a 1'histoire et aux vieux souvenirs d'Israel, la semaine; XCH, quarta sabbati, le quatrieme jour;
et limitations des allegories des prophetes : voir par xcn, in die ante sabbatum, quando fundata est terra',
exemple la belle allegorie de la vigne LXXIX (LXXX). Leur la veille du sabbat, le jour ou fut achevee (la creation)
langue recherchee a ete souvent mal traduite par les de la terre. Les Septante, la Vulgate et aussi le Sy- -.
Septante et la Vulgate. Voir ASAPH, t. i, col. 1056. riaque contiennent egalement des indications de cir-
4° Ethan. — Ethan, auteur du Psaume LXXXVIII constances historiques ou une seconde serie de noms
(LXXXIX), est peut-etre par un« fautede transcription ou d'auteurs inconnus a 1'hebreu actuel, et generalement
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peu soutenues par le contexte : Septante, (Psalmus multi inscribuntur Psalmi... spei nostrse octava per-
David) fitiorum Jonadab et priorum captivorum; feclio est;...octava summa virluttimest.Ttous les autres
cxxxvi, de David et de Jeremie; LXIV, Jeremise et Eze- termes analogues sont expliques de meme, en y cherchant
chielis populo transmigrationis, cum inciperent exire: des sens dogmatiques, mystiques ou moraux. Origene
cxi, reversionis Aggsei et Zacharise, en tele du Beatus voyai t dans les titres des Psaumes « la clef pour en pe-
vir qui n'a aucun rapport a la sortie d'exil; cxxv, Can- netrer le sens, » mais il avouait ensuite que « les clefs
ticum ad Assyrios, qui semble au contraire une note avaient ete melangees et qu'il etait devenu fort difficile
marginale bien appropriee; xxvi, David priusquam de retrouver celle qui donnait entree dans chacun des
liniretur; xxvm, 4/a).u.bc TW Aaui'5 e£o5c'o-j <yscr,VYje, in Psaumes. » In Ps. l, n. 3, t. XH, col. 1080. D'apres 1'ana-
consummatione tabernaculi, etc. lyse que nous en avons donnee, ce sont des indications
3° Indications techniques. — Us contiennent encore litteraires, poetiques, musicales et liturgiques, de date
des indications techniques, poetiques ou musicales; suffisamment ancienne mais qui meritent verification;
par exemple 1'espece particuliere de chaque Psaume : on peut les comparer aux rubriques du breviaire et
mizmor, sir, maskil, miklam, siggdyon, tefilldhi du missel. Saint Thomas d'Aquin, In Psalm, vi, Opera
sir yedidof. Voir col. 808. omn., Parme, 1863, t. xiv, p. 163, reconnait qu'elles ne
Quant a la melodie ou air connu indique, nous remontent pas aux auteurs des Psaumes : Sciendum
trouvons les formules suivantes : 'almut labben, UTKQ est quod tituli ab Esdra facti suwt. Par consequent on
T«7>v xpuqpt'w; TO-J Ytov, pro occultis Filii, c'est-a-dire ne peut les consid^rer comme necessairement inspirees.
sur 1'air 'almut labben (peut-etre : la pale mart), L'Eglise ne les a jamais regardees comme faisant partie
Ps, IX; 'al 'ayyele't has-sahar, vnkp TY}; avrOvYJtl'sw? tr,? integrante des Psaumes; dom Calmet, Sur les titres des
IwOtvY)?, pro susceptione matutina, sur 1'air : « labiche Psaumes, dans le Commentaire litteral, Psaumes, t. i,
de l'aurore»; Ps. xxi(xxn), 'al-yonat 'elem rehoqim, p. xxxiv, 1713; Noel Alexandre, Histoire de I'Anc. Tes-
uTtkp TQU Xaou TO-J arco TWV ayt'wv (Aetxax.puiAu.evou, pro tament, diss. XXIV, a. i, q.l, ont nie leur inspiration.
populo qui a sanctis longe foetus est, sur 1'air: n colombe Certains d'entre ces titres ont meme ete ajoutes aux
des lointains terebinthes »; Ps. LV(LVI), 'al-tashet, Septante par une main chretienne, pour passer de la
JJ.YJ 8ia<pOstpific ne disperdas, sur 1'air : « ne detruis pas », dans la Vulgate, et me"me dans 1'Ethiopien, comme
Ps. LVI(LVI'I) jusqu'a LVIII(LIX); -'ql-susan 'edut, TO?? Ps. LXV, ^aXjAbi; avaaraacw?, Psalmus Resurrectionis;
<x>,Xoito0T)<joji.evotc ETC,pro iis quiimmulabuntur (adhuc), enfin la Peschito les a generalement rejetesetremplaces
sur 1'air: «Iis, temoin de... » Ps. LIX(LX), ou encoreavec par des indications chretiennes: ainsi en tete du Ps. cix,
variante sosannim XLIV(XLV), LXVIII(LXIX), LXXIX(LXXX). Dixit Dominus, nous lisons : De solio Domini deque
II faut y ajouter quelques autres indications qui ont un virtule ejus gloriosa : et prophetia de Chris to et vi-
sens vraisemblableraent analogue, 'al-'aldmot, UTTSP ctoria de hoste.
T&v xpu^twvjpro arcanis, c'est-a-dire super puellarum VII. CARACTERE DES PSAUMES; LEUR SUPERIORITY PAR
(vocem ou modulum), sur (1'air): «Jeunes filles... » ou RAPPORT AUX CHANTS RELIGIEUX DES AUTRES PEUPLES
« pourvoix de jeunes filles, de soprani »,Ps. XLV (XLVI); ORIENTAUX. — Le Psautier est evidemment un recueil
'al-gittit, Cusp TWV ).T^WV, pro torcularibus, « sur la d'hymnes, de prieres, de meditations et meme 'de com-
Getheenne », sur la (lyre ou le ton) de Geth, ville phi- positions didactiques, histoire, dogme, prophetie, mo-
listine ou resida David durant la persecution de Saul, rale; il appartient a la poesie lyrique, et les Psaumes
Ps. LXXX (LXXXI) et LXXXIII (LXXXIV); 'al-mahalaf, hebreuxpeuventetre compares, quoique infiniment su-
VTtgp MasXlQ, pro maelelh, sur un air ou un instru- perieurs quant au fond et generalement aussi quant a
ment de musique dont on ignore la nature, peut- la forme, aux psaumes assyriens ou babyloniens, con-
etre la flute qui guide le choeur, ce qui s'accorde assez serves dans les textes cuneiformes; aux chants religieux
bien avec la traduction d'Aquila, km xopeia, et de saint de 1'Egypte, papyrus ou monuments; aux Gathas de
Jerome (sw)percA0rMm;Ps.Lii(LUi)etLxxxvii(LXXxvin), 1'Avesta et aux Vedas de la litterature sanscrile. Bien
voir MAELETH, t. iv, col. 537; be-neginot, evJ/oO^oic, que les sections ou coupures pratiqnees entre les Psau-
sans doute pour sv i|/odTYipK>is : Vulgate : in carmini- mes ne soient pas toutes certaines, les titres maintenus
6ws;saint Jerome: inpsalmis, surles«psalterions»,sur dans le texte nous montrent que la plupart sont des
les «instruments a cordes », Ps. iv; 'el han-nehilot, Sep- poernes de peu d'etendue — a part le Ps. cxvm(cxix) qui
tante CiTrep Trj; x),Yipovo!J,oucrrii;, Vulgate : pro eaquss hse- est plutot un recueil de maximes de morale religieuse,
reditatem consequitur, saint Jerome: super hgsreditati- groupees en strophes alphabetiques — les uns servant
bus, c'est-a-dire « sur les flutes », Ps. v; voir ces mots, *al- a la recitation et au culte publics, les autres a la lec-
has-seminit, uTtep TYI; ofSov)?, pro octava, c'est-a-dire pour ture ou recitation privee: les uns etaient destines a louer
«la lyre ahuit cordes » (ou peut-etre « a 1'octave » si Ton Dieu dans le Temple, dans les assemblies religieuses,
admet pour les anciens orientaux une echelle musicale comme le Confitemini Domino, les autres a la priere
semblable a la notre), Ps. vi. Enfin la plupart de ces privee tels que le Miserere mei; d'autres aux ceremo-
indications ou rubriques sont adressees a un levite ou nies religieuses, tels que VExurgat Deus, Ps. LXVIII;
officiant dont le nom hebreu est mena^eah, terme rendu d'autres a 1'instruction d'Israel, comme les Confitemini,
par les Septante: Elt; TO TSAO;, par la Valgate, In finem, civ et cv (cv et cvi); beaucoup devaient leur origine a
par saint Jerome: Victori, etqui doit etre traduitpar « Au un evenement particulier et se recitaient dans des cir-
maitre de chceur ». Voir CHEF DES CHANTRES, t. n, col. 645. constances analogues.
On a remarque que tous ces termes techniques etaient D'autres instruisaient Israel de son passe et de 1'ave-
deja devenus inusites lors de la redaction des deux der- nir que lui predisaient les prophetes : il y a en outre
niers livres du Psautier; il furent meme totalement in- un grand nombre de Psaumes de caractere individuel,
compris des Septante, qui les traduisirent en les decom- relatifs a toute sorte d'epreuves, maladie, persecution,
posant ou en les remplacanl par des termes de pronon- calomnies, vieillesse, etc. C'est une exageration evi-
ciation semblable mais de sens tres different, pris dans dente que celle de Reuss qui voit partout des Psaumes
le vocabulaire qui leur etait familier; de sorte que les nationaux, ou Israel est toujours cache sous la per-
premiers interpretes des Psaumes et les Peres de sonnification du Psalmiste; bien qu'il soil suivi par la
1'Eglise, ne trouvant dans ces litres que des mots in- plupart des critiques contemporains, tels que Duhm,
comprehensibles, abandpnnerent le sens litteral pour Cheyne, Smend, il suffitr de s'en tenir au texte de
chercher des explications allegoriques plus ou moins Psaumes tels que in, iv, vi,et meme XXI(XXH) ou autres
etranges, telles que J'explication de saint Ambroise : semblables pour se persuader du contraire, 1'auteur y
In Luc., v, c. 6, t. xv, col. 1649 : Pro octava enim parlant de circonstances personnelles qu'on ne peut
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evidemment appliquer a Israel, son« pere», sa « mere », sa est cependant ou Ton ne decouvre aucune strophique,
'«t Baissance », son « vetement», etc.; il y a cependant cer- tels le Psaume moral CXH (cxi), Seatus vir, les Psaumes
tains Psaumes primitivement individuels qui sont deve- historiques cxi(cx), Confitebor, LXXVIII (LXXVII), Atten-
nus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple ac- dite, popule nieus. D'auires ont plutot des divisions
commodation, soit meme grace a des changements ou logiques que des strophes proprement dites, 1'egalite
des modifications pratiquees dans le texte primitif : le des fragments n'etant que tres approximative; mais
Ps. ix(x) en est un exemple caracteristique. dans le plus grand nombre on decouvre une stro-
VIII. FORME POETIQUE DES PSAEMES, — Leur carac- phique tres intentionnelle, reconnaissable au deve-
tere pootique, non seulement quant au fond, mais en- loppement egal atlribue a chaque pensee du Psaume,
core quant a la forme, est absolument evident, et si souvent meme celte strophique est accusee par des
les Psautiers du temps d'Origene ont pratique la indications speeiales, 1'alphabetisme en tete de chaque
scriptio continua, source de mauvaises lectures et de strophe ou de chaque vers, le nom de Jehovah, place
fausses coupures frequentes, a 1'origine et pour la psal- dans chaque premier vers, ou au contraire le terme
modie primitive, la separation des vers et des strophes technique selah, gta^aljxa (voir SELAH), ou la presence
a du etre conservee, comme elle 1'etait dans la poe- d'un refrain a la fin de chaque strophe.
sie assyrienne et les papyrus egyptiens. Les deplace- La division la plus simple, et probablement la plus
ments du selah, Sta^aXjAa, qui indique la strophique ancienne, est le partage du Psaume en deux parties,
dans beaucoup de Psaumes, et qui a ete parfois copie la strophe et Yantistrophe, sorte de parallelisme qui
un vers trop hant o\\ un vers trop has, ne peut avoir oppose non pas vers a vers ou membre a membre,
d'autre origine qu'un texte hebreu ou les vers etaient mais tameau a \a\>\fe>&'A 4am un meme poeme : ainsi
separes ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs le Ps. I donne successivement le sort du juste et celui
anciens ont tache de reconstituer la disposition primi- du mechant; le Ps. xvi (xv) le choix de Jehovah comme
tive. Le parallelisme qui consti'tue 1'essence de la Dieu unique, puis les heureuses consequences de ce
poesie hebraique rendait cette re constitution relative- choix; le Ps. xix (xvin) la lumiere physique, puis la
ment facile. Voir POESIE HEBRAIQUE, t. m, col. 489. lumiere morale; le Ps. xxn (xxi) la souffrance du Ser-
II y a cependant dans les Psaumes des endroits dont viteur de Jehovah, puis 1'action de grace pour sa deli-
la forme poetique est tres peu accenluee, et ou le pa- vrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et
rallelisme est peu regulier, tels que le Ps. i; d'autres 1'antistrophe pousse meme a juxtaposer et a reunir
ou les copistes lui ont fait subir des alterations en totalement quelquefois deux Psaumes primitivement
supprimant ou en ajoutant un membre, comme Ps. \TIII, distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes
3 b. c.; enfm certains Psaumes ont ete composes en royaux xx (xix) et xxi (xx), Exaudiat te Dominus et
rythme ternaire, et 1'habitude de rnettre deux membres Domine in virlute tua; on reunit dans 1'hebreu cxv
du parallelisme par verset, les a rendus totalemenl (cxiv) Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propler
meconnaissables, comme xcn (XCIH) ou il faut retablir quod locutus sum. Et meme dans les Psaumes d'une
ainsi les versets • strophique plus etuJiee, on,maintient la division gene-
rale en deux parties, Ps. xix (xvui), Caeli enarrant glo-
Etenim firmavit orbem terras... riamDei; XLV (XLIV), Eruclavit cor meum. Avec ou
Parata sedes tua ex tune, sans cette division binaire tres frequente, on trouve
A sasculo tu es.
Efevavenmt flurnina, Domine, souvent des strophes moins longues et plus nom-
Elevaverunt flumina vocem suam, breuses de difterents modeles, quelquefois avec de
Elevaverunt flumina fluctus suos; legeres diflferences de longueur dont la responsabilite
A voeibus aquarum multarum incombe a 1'auteur primitif ou bien au copiste; il est
Mirabiles elationes maris, evident par exemple que le Ps. n, Quare fremuerunt
Mirabilis in altis Dominus; gentes, se subdivise en quatre strophes d'une egalite
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis, approximative: revolte des nations, reponse de Jehovah,
- Domuni tuam decet sanctitudo, Domine,
In longitudinem dierum. consecration du Messie, conclusion du Palmiste; au
contraire le Ps. in, Domine, quid multiplicali sunt,
Le parallelisme sous ses differentes formes, synony- se divise naturellement en quatre strophes egales mar-
mique, antithetique, synthetique, produit naturelle- quees en hebreu et en grec par les termes selah et
ment en hebreu Tegalite du nombre des mots et par Sia^aXjxa. La strophe la plus ordinaire se compose de
consequent un rythme facilement perceptible. Sur le quatre membre paralleles deux a deux : Ps, xxrv(xxm),
vers hebreu, voir HEBRUQUE (LANGDE), t. in, col. 490. A et B; xxxni(xxxii), cxiv(cxin) In exitu jusqu'a Non .
Mais il faut noter que dans les Psaumes la regularite du nobis, etc. On trouve moins frequemment la sirophe de
vers est loin d'etre constanle et absolue : parce que les huit membres paralleles : Ps. xvni (xvn), XXXH (xxxi),
regies n'en etaient pas peut-etre exactement fixees, bien etc. La strophe de seize membres est d'un emploi tres
connues ou bien observees, et parce que les copistes rare a cause de sa longueur : voirPs. cxix (cxvui) qui
ne nous ont pas toujours conserve fidelement le texte. est plutot un recueil de maximes sur la loi de Dieu en-
Cf. Ps. xvni (xvn), xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam. chainees par ordre alphabetique qu'un Psaume veri-
Reg., xx, 2-51, et I Par., xvi, 8-36. Bien qu'entre ces table. — Le rythme ternaire a donne naissance a la
passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut petite strophe de trois membres : Ps. XCIH (xcn), et
constaterneanmoins qu'elles n'ontqu'une influence fort cxxxvi (cxxxv) a la strophe de six membres; Ps. xxn
restreinte au point de vue rythmique et de la poesie. D'ail- (xxi); XLVI (XLV); Ps. cxv b, Kon nobis; Domine, non
leurs on ne peut guere supposer dans les Psaumes des al- nobis, dans Yin exitu; cxvui (cxvn), etc.; enfin a la
terations prosodiquestres nombreuses ni tres graves du- strophe de douze membres, dont le modele le plus
rant la periode ou le Psautier demeura partie integrante acheve est le Ps. cxxxix (cxxxvm), Domine, probasti
de la liturgie juive, ou element principal des chants me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une
d'lsrael : par consequent toute theorie sur la poesie strophe de dix membres paralleles : Ps. cxxxii (cxxxi),
hebraique qui suppose trop d'alterations et exige de Memento Domine David.
trop frequents remaniements du texte doit etre consi- Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destines
deree comme suspecte. au chant public, font usage du refrain, Dans les cas
Le caractere lyrique des Psaumes, 1'usage ou Ton les plus simples il parait seulement au commencement
etait de les chanter couramment, amene a supposer et a la fin du Psaume, et alors c'est plutot une sorte de
dans un grand nombre 1'existence de strophes : il en cadre donne au poeme qu'un refrain veritable, Ps. Tin;
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cm (CM), civ (cm); souvent le refrain'est repete regu- pour indiquer que le poeme est complet et qu'il n'y a
lierement apres chaque strophe : Ps, XLII (XLI) en y rien a y ajouter, qu'il comprend depuis la premiere
joignant le suivant qui en donne la derniere strophe; lettre jusqu'a la derniere; tels sont i, v, LXX (LXIX),
XLVI (XLV) en retablissant le refrain supprime apres le.jL LXXIX (LXXVIH); cxn (cxi) commence aussi par asre et
4, Dominus virtutuni nobiscum; susceptor noster Deus finit par tobed comme le Ps. i.
Jacob; XLIX (XLVIII) homo cum in honore esset non II faut enfin noter comme derniers ornements acces-
intellexit; cvu (cvi) refrain modifie apres chaque soires la rime, assonance, monorime: in, rime propre-
strophe : clamaverunt ad Dominum... Confiteantur ment dite; cxxi (cxx) assonance en a, cxxiv (cxxm) as-
Domino misericordise ejus...; cxvi b (Credidi), vota sonance en nu; cxxxn (cxxxi); CXLIII (CXXLII); — le
mea reddam... etc. Dans le seul Psaurae cxxxvi rythme graduel ou gradation qui prend la finale d'un
(cxxxv) le refrain quoniam in asternum misericordise vers pour en faire le commencement du vers ou de 1'he-
ejus est actuellement repete apres chaque vers : mistiche suivant, dont on trouve un modeledans Isai'e,
comparer cxvur (cxvri) qui se ehantait peut-etre de xxvi, 1-9, et une imitation dans le debut du IVe Evangile ;
meme. Le meme verset servait de repons et etait repris Exemple : Ps. cxv (Non nobis Domine).
par tout le chceur dans les solennites religieuses. nequando dicant gentes :
I Par., xvi, 41; I Esd., in, 11. ubi est Deus eorum?
Enfin un certain nombre de Psaumes rentrent dans la Deus autem noster in cselo...
categoric des poemes alphabetiques. Voir ALPHABETIQUES . Benedict! vos a Domino
( PSAUMES), t. i, col. 416. Dans ce cas chaque vers, Qui fecit cselutn et terram
chaque strophe ou chaque distiqiie, commence successi- Cselum cseli Domino,
Terram autem dedit filiis hominum.
vement par chacune des lettres de 1'alphabet : ce genre
d'acrostiche, que la poesie dedaigne chez nous, est Cette construction avait pour resultat de facililer la
hautement prise au contraire par les poetes arabes memoire: aussi la retrouve-t-on frequemment dans les
on syriaques, qui recherchent en ce genre les plus Psaumes de caractere'populaire, specialement les Can-
extraordinaires complications. Voir R. Duval, An- tiques du pelerinage cxx-cxxxiv, nommes psaumes
cienne litterature syriaque, p. 26-28. On serait porte a graduels, canticum graduum, sir ham-ma'alot. Les
attribuer aux Psaumes alphabetiques une date recente : jeux de mots, formant dans la poetique orienlale ]un
mais la presence de ces poemes dans Nahum et les ornement tres recherche, se retrouvent naturellement
Lamentations prouve qu'ils etaient goutes meme des aussi dans les Psaumes; par exemple : ire'u ve-irdu,
anciens Hebreux. On pourrait supposer aussi que les ridebunt (multi) et timebunt, XL (xxxix), 4m (LI), 8;
Psalmistes s'en servent pour grouper des versets qui videbunt (juxti) et timebunt, XL (xxxix), 18; 'am'am,
n'ont pas entre eux d'enchainement logique bien etroit: miser (sum) ego, LXIX (LXVIII), 30 ; LXX (LXIX), 6, etc.
cette explication est admissible pourleBeati immaculati Voir JEUX DE MOTS, t. m, col. 1525.
in via, cxix (cxvm) et d'autres semblables; mais les IX. CONTEND ET DOCTRINE DES PSAUMES. — i. SUJET
Lamentations et le debut de Nahum ne manquent pas DES PSAUMES. — II est impossible de donner une clas-
d'unite et n'avaient pas besoin de ce lien factice : dans sification logique des Psaumes, un seul touchant sou-
certains cas il brise meme la suite logique ou la chro- vent a dessujets fort divers, ainsi lePs. inous donne le
nologic, comme dans le Ps. cxi (ex) ou il bouleverse la sort du juste et celui de 1'impie; xix (xvm) la lumiere
serie reguliere des eve"nements de la sortie d'Egypte materielle- et la loi de Dieu; xxiv (xxm) portrait du juste
et dus;'>jour au desert. Saint JeromeTavait deja signale, etceremonie religieuse xxxin(xxxn) invitation a louer
Epist. xxx ad Paulam, t. XXH, col. 442; suivant le gout Diju, sa justice, sa puissance crealrice, chatiment des
de son temps il voit a chaque lettre une raison mys- nations, triomphe final du juste; LXXXIX (LXXXVIII)
tique ou allegorique qu'il explique dans Epist. xxx, promesses de Dieu a David, puissance infinie deDieu,
t. xxn, col. 443. Harre s'en est servi pour les etudes de sa fidelite a son peuple, promesses de perpeluite a la
la poesie hebrai'que, comme le rapporte Lowth, De sacra race davidique, ses abaissernents, priere en sa faveur.
poesi Bebreeorum, edit. Rosenmiiller, 1821, p. 39, 365, Quoi qu'il en soit Dieu, son infinite, sa puissance, sa
629; et Koester pour 1'etude des strophes hebrai'ques justice, sa misericorde, en face de Yhomme, sa depen-
Die Strophen und der Parallelismus der hebraischen dance, sa laiblesse, ses fautes, ses epreuves, son besoin
Poesie, dans Studien und Kriliken, 1831, p. 40. — Dans du secours divin, les dons divins qu'il a recus et ceux
le Ps. ix-x, Vulgate, ix de 1'hebreu, chaque strophe de qu'il reclame, tout cela forme le sujet general du Psau-
deux vers ou quatre meinbres commence successive- tier, soit comme contemplation, soit comme louange,
ment par une des letlres de 1'alphabet hebreu, mais soit dans un but de priere, etpresque toujours sous la
les strophes manquantes ont ete remplacees par d'autres forme d'un entretien personnel du psalmiste avec Dieu
non alphabetiques : T, n, D, n, 3,o,v, s, x. Les Ps. xxv ou sous la forme d'un hymne liturgiqwe.En ne tenant
(xxiv) et xxxiv (xxxm) sont semblables, une lettre par compte que de 1'element principal de chaque Psaume,
vers, avec addition au poeme d'une anlienne non alpha- on peut s'arreler a la classification suivante :
bstique relative aux epreuves d'Israe'l; Ps. xxxvn (xxxvi) 1° Psaumes dogmatiques : Dieu createur : vm, crea-
une lettre lous les deux vers; cxi (ex) et cxn (cxi) une tion abregee (Gen., i); tableau developpe, civ^cm);
lettre pour chaque hemistiche; cxix (cxvm), chaque lettre xix (xvm A); chaque creature doit louer Dieu CXLVIII;
rapetee huit foisen tete des huit vers de chaque strophe : beautedes differentes ceuvres de Dieu, xxvm(xxvn), orage
noter en outre que dans chaque strophe la loi de Dieu (a comparer avec xvm (xvn), 8-17); grandeur du crea-
est designee par huit termes synonymes, que chaque teur, xcm (XCH) ; omniscience et immensite divines,
slrophe ramene dans un ordre different; enfin Ps. CXLV cxxxix (cxxxvm); neant des idoles ou des faux dieux,
(CXLIV), une lettre par vers. Les irregulariles qui se LXXXI (LXXX), cxv& (cxiv); cxxxv (cxxxiv); sa bonte et
" remarquent — a part 1'interversion de y et s qui est sa misericorde, LI (L), cm (en); cxxx (cxxix)'; CXLV
ancienne et se 'rencontre deja dans les Lamentations — (CXLIV).
sont de date posterieure, et proviennent d'alterations, 2° Psaumes moraux : la loi de Dieu, xix (xvnifc),
de suppressions et d'additions au texte: a noter la perte cxix (cxvm); portrait du juste, xv (xiv); xxiv (xxm);
du ; dans le Ps. CXLV texte hebreu, alors que le verset LXII (LXI); cxn (cxi); 1'impie, xn (xi), xiv (xm); XLIX
correspondant est conserve dans, les Septante, la Vul- (XLVIII) (mauvais riche),; LVIII (LVII) et LXXXII (LXXXI)
gate et le syriaque. D'autres Psaumes ont un alphabe- mauvais juge); LII (LI) (calomniateur); L (XLIX) (hypo-
tisme incomplet, le premier mot y commence par aleph crite); sanctions divines, i, xcn (xci), xxxvn (xxxvi),
et le dernier commence ou fin it par thav, peut-e"tre LXXHI (LXXII); xiv (xm) = LIU (LII), LXXXI (LXXX).
821 PSAUMES (1IVRE DES) 822
3° Psaumes historiques: LXVIII" (LXVII), LXXVII (LXXVI), par elle : les termes m£mesdu dictionnaire hebreu ren-
LXXVIII (LXXVII), cxv (cxiv), cxi (ex), cxxxv, (cxxxiv), fermaient des mots qui faisaient allusion aces opinions,
cxxxvi (cxxxv) (sortie tffigypte, desert, conquete de le tonnerre ou la voix de Jehovah, les armees celestes
Palestine); periode des Juges, cv (civ), cvi (cv); davi- ou les etoiles, etc, Les Psalmistes hebreux devaient
dique, LX (LIX), cvm (cvn); periode assyrienne, XLIV parler comme leurs contemporains.
(xi.ru), LXXXIII (LXXXH), XLVI (XLV), XLVIII (XLVII), LXXVI Mais le contraste est frappant quand de la forme, on
(LXXV); periode babylonienne, LXXIV (LXXIII), LXXIX passe au fond : sans langue philosophique, sans raison-
(LXXVIII), LXXX (LXXIX); exil, cxxxvu (cxxxvi); retour, nements metaphysiques, ils .nous donnent une telle
LXXXV (LXXXIV), CVH (CVl), CXXVI {CXXV). idee de Jehovah que nulle part nous ne trouvons une
4? Psaumes relatifs a Jerusalem au Temple : xxvi notion de Dieu plus elevee ni plus exacte : tandis que
(XXVI), XLII (XLl), XLIII (XLIl), XLVIII (XLVU), LXXXIVI les dietix des nations sont des vanites, des abominations
(LXXXIII), LXXXVII (LXXXVI), cxxn (cxxi), CXXXH (cxxxi); depourvuesde sentiment, d'intelligence et de vie, Jeho-
ceremonies relig-ieuses : xxiv (xxni b), LXVIII (LXVH), vah est le createur et le maitre de tousles etrescelestes
CXVIII (CXVIl), CXVf, b (CXV). et terrestres : tout change et passe, seul Jehovah est
5° Psaumes royaux: xx (xix), xxi (xx), ci (c), csxxin immuable : sa pensee penetre 1'avenir comme le passe
(cxxxvn &); messianiques, LXXXIX (LXXXVIII); promesse: et le present; son regard voit partout, jusqu'au fond des
CXXXH (cxxxi); son regne universel, n, LXXII (LXXI), abimes et des tenebres : nul ne peut fuir sa presence :
ex (cix); sa gloire XLV (XLIV) ; le Serviteur de Jehovah oii qu'on soil, sa mam nous soulient. Sa puissance est
souffrant, LXXXVIII (LXXXVII), xxn(xxi); le regne de Jeho- telle que la creation et ses merveilles ne lui ont coute
vah sur les 'nations, XLVH (XLVI), LXVII (LXVI), xcxvi qu'un mot : c'est lui qui conserve a tout la vie et 1'exis-
(xcxv), CXLIX, etc. tence, s'il detourne sa face, tout rentre dans le neant;
6° Psaumes personnels : contre ennemis et persecu~ sa justice est incorruptible, et rien n'y* echappe : la
teurs in, v, vn, xin (xn), xiv (xui) etc.; pardon du peche, saintete est sa nature, son essence: seule sa misericorde
LI (L), cxxx (cxxix), etc.; la souffrance suite du peche, et sa bonte la surpassent, le pardon habile avec lui,
vi, xxxviii (xxxva), XLI (XL), cn (ci); la vieillesse, xxxix et il aime les enfants des hommes : sans doute il a une
(xxxvin), xc (LXXXIX); conhance en Dieu, xvi (xv), xxiii affection paternelle pour Israel, mais il veut aussi le
(XXII), CXXI (CXX), XCI (XC), CXH (CXI). bien de tous les peuples de la terre, il prend soin d'eux
//. DOCTRINE DES PSAUMES. — La doctrine generale des maintenant, et il les amenera tous un jour a recon-
des Psaumes est 1'abrege de toute la Bible, sous la naitre sa royaute. II aime 1'homme et il prend soin de
forme la plus imagee et la plus brillante. Les Psal- lui, il 1'a fait a son image et comme le Dieu visible
mistes nous donnent, dans leurs chants, une image de la terre.
grandiose du monde et du createur, naturellement La loi qu'il a donnee a Israel est une lumiere qui re-
sous des images proportionnees a la capacite intellec- conforte Tame, par ses enseignements et par ses pre-
tuelle et aux formes du langage desllebreux. Le monde ceptes : les sacrifices qu'il exigene sont pas son aliment
est comme une vaste demeure batie par Jehovah, crea- a lui, il n'a besoin de rien, rien ne lui manque; les
teur, ordonnateur du chaos primitif, sorte d'ocean im- pratiques rituellesdoiventsurtout etre accompagnees de
mense et tenebreux. Les restes de cet ocean entourent justice, de rectitude morale, de confiance en Jehovah :
encore le monde actuel, c'estle grand fleuve, la merdes il aime mieux le cosur repentant que les holocaustes;
confins du monde jusqu'ou le Messie devra etendre son les sacrifices lui sont insupportables quand ils sont
regne; la terre s'eleve par dessus, et ses plus hautes accompagnes de Phomicide, de 1'oppression des faibles,
montagnes soutiennent le firmament qui separe le ciel du deni de justice aux oppritnes : quant aux sacrifices
du monde visible. Auciel, Dieu trone eternellement sur offerts aux idoles, surtout le sacrifice humain descultes
sa montagne sainte, entoure de la milice des armees chananeens et pheniciens, ils souillent la terre, Jehovah
celestes, et de la il gouverne le monde materiel et le les abhorre, et doit les punir.
monde humain. Au dessus du firmament sont accumu- A la verite le Psalmiste rend ces idees relevees par
les, prets a executer ses ordres, les tresors des eaux, de toute sorte d'anthropomorphismes, mais cela tient aux
la heige, de la grele, des foudres et des tempetes. Au necessites memes de la langue hebrai'que : d'ailleurs, ils
firmament se balancent ou se meuvent les astres, les sont tres bien choisis pour nous donner une haute idee
etoiles, la lune, lesoleil qui foi'ment une seconde armee de Jehovah tout en nous rapprochant de lui; Jehovah est
celeste : c'est dans ces deux sens que Jehovah s'appelle notre salut, notre bouclier, notre citadelle, notre rocher,
le Dieu des armees, Dominus Deus Sabaoth, Deus tous termes du resle adoucis par les Seplante et la Vul-
virtutum, Deus exerciluum; tous ces termes ont le gate; il trone dans les cieux et la terre est Pescabeau
meme sens. — Quand Jehovah vient juger les hom- de ses pieds: ses yeux toujours ouverts sondent les cceurs
mes, c'est-a-dire sanctionner 'ses lois par des recom- des hommes, sa main les soutient, ses ailes les cou-
penses et des chatiments, ou soutenir ses fideles et vrent deleur ombre tutelaire, son bras chalie les impies;
aneantir les mechants, il est represente descendant ses fleches les transpercent, sa colere les aneantit.
sur son char, traine par les cherubins, lancant la foudre Plusieurs points de la doctrine des Psaumes exigent
autour de lui, cache derriere un voile de nuees, faisant cependant des eclaircissements speciaux : i° Immor-
entendre sa voix qui est le tonnerre, faisant trembler talite de I'dme. — La Providence, la justice de Dieu,
la terre et dessechant les abimes. Le monde a une troi- son amour du bien et sa haine du mal soulevent dans le
sieme partie, la terre des morls, le seol, sorte de grand Psautier le m£me probleme que dans le livre de Job : le
tombeau souterrain ou les defunts viennent successive- pecheur est souvent heureux, et le juste dans 1'epreuve:
menlprendre place : c'est Pabime delanuit, du silence, Pauteur Pexplique par la doctrine des retributions ter-
et del'oubli : Jehovah n'y estpasloue. Les Psaumes les restres : puis il suggeredes moyens de justifier la provi-
plus anciens ne sont guere plus explicites sur cette exis- dence divine : tout cela est passager, et le juste et le pe-
tence ultra-terrestre et n'y distinguent pas le sort du cheur finissent toujours par obtenirle traitementauquel
juste de celui de 1'impie. Dans ces descriptions, il n'est ils ont droit, en eux-memes et dans leur descendance :
pas toujours facile de discerner le sens du fond d'avec telle est la solution commune. A d'autres endroits, le
ce qui est simple formule poetique et pure metaphore, psalmiste va plus loin et trouve une solution plus
ou bien allusion aux croyances de 1'Orient ancien : les haute ; Dieu seul est une recompense suffisante, le
Babyloniens, les Egyptiens employaient souvent un juste sera toujours avec Dieu, dont la main le conduira
langage analogue; la science du temps avail groupe sous el Pintroduira dans la gloire, Dieu sera son partage a
cette serie d'images 1'ensemble des phenomenes observes jamais, LXXHI (LXXII), 23-26; xvi (xv), 10-11, assure
823 PSAUMES (LIVRE DES) 824
que le juste ne demeurera pas dans le se'ol, qu'il vivra terrestre, ne fait que depeindre d'une maniere poetique
devant la face de Jehovah y trouvant plenitude de joie comment on trailait trop souvent les villes prises d'as-
et des delices eternelles; xvii (xvi), 14-15, exprime le saut; on traitera Babylone comme celle-ci a traite la
meme espoir presque dans les memes termes; le juste ville sainte : ami comme il est de la justice, Jehovah
se trouve plus heureux que le mechant, rassasie de ri- ne doit pas vouloir moins! Les memes principes d'ex-
chesses, comble d'enfants et de petits-enfants; XLIX plication doivent prevaloir dans les Psaumes certaine-
(XLVIII), 15, represente les impies conduits au se'ol par rnent individuels : le veritable Israelite se considere
la raort qui sera leur berger : tandis que le juste sera ra- comme le representant du vrai Dieu, de la justice et de
chete par Jehovah de t'etreinte du se'ol, et que Jehovah la religion sur la terre: il est sur de son triomphe final,
le prendra avec lui. C'est I'acheminement a la croyance et il le decrit sous une forme optative ou prophetique :
a 1'immortalite de Tame, sinon deja une pleine pro- ses ennemis lui en veulent parce qu'il est le serviteur
fession de cet article de foi, mis par 1'Evangile seul de Jehovah, et a ce litre il est sur que Dieu prendra
dans toute sa lumiere. Les Psaumes vi, xxx (xxix), en main sa defense, qu'il reduira a neant les projets
xxxix (xxxvni), LXXXVIII (LXXXVII), sont moins precis : de ses ennemis, qu'il chatiera tous leurs crimes. Ici,
ils nous representent le se'ol eomme la terre de 1'oubli, de plus, nous devons rappeler que les sentiments de
de 1'eternel silence et de I'eternelle nuit que la pensee charite que la loi chretienne nous oblige d'avoir pour
et la louange de Jehovah n'interrompent jamais, sorte nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant
d'etat, non d'aneantissement total, mais d'effacement et pour ceux qui nous persecutent, sont d'origine exclusi-
de semi-inconscience, analogue aux croyances baby- vement evangelique : la aussi, comme dans la question
loniennes, mais donlles mythesbabyloniens eux-memes, de la vie future, 1'Evangile a mis dans notre foi et notre
tels que la descente d'Istar aux enfers, nous montrent conscience des donnees nouvelles; c'est en cela que
qu'on ne doit pas prendre toutes les expressions au consiste le principal progres de la revelation morale.
pied de la lettre, pas plus qu'il ne faudrait le faire dans 3° Psaumes messianiques. — Ils tiennent 'une place
les textes hebreux. Quand nous-memes nous disons particulierement importante dans la collection : il en
d'un mourant qu'il a cesse de vivre, qu'il n'est plus, faut distinguer deux especes, les uns nationaux, les
nous sommes loin de faire une profession de foi mate- autres personnels. Le but final des deux especes est le
rialiste; il n'en faut pas voir da vantage dans les formules meme, c'est d'annoncer et de preparer le regne de Dieu,
des Psaumes : el amplius non era : « (donne-moi un sur les nations infidelesjusqu'aux extremitesdu monde :
peu de repos) avant que je cesse d'etre (parmi les vi- les Psalmistes saluent bien souvent, specialement de
vants), » sans prejudice a 1'existence subsequente, dont xc (Lxxxix)a ci (ci), cetavenir messianique. « Lesidoles
les seules conditions d'eux connues, n'avaient a leurs seront renversees et les dieux du monde, c'est-a-dire
regards et avant toute revelation plus precise, rien de ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu
particulierement attrayant. Presentement bien des d'Abraham, ils deviendront des citoyens de Jerusalem; »
croyants, persuades cependant de la vie future, parlent termes et idees analogues a Isai'e xix et toute la se-
encore de la sorte. conde partie du meme prophete; outre ce groupe, on
2° Psaumes intprecatoires : xvm (xvii), 38-40; les rencontre encore dans des Psaumes isoles tels que
xxxv (xxxiv), LII (LI), LIX (LVIH) ; LXIX (LXVIII), 3-29; XLVII (XLVI), xcvn (xcvi), LXVIII (Lxvn), 29-36, etc.
cix (cvm), 6-20; cxxxvn (cxxxvi), 7-9. — La justice de Mais la diversile commence ou Ton etudie 1'instru-
Dieu, dont le principe tient si fort a cceur aux Psalmis- ment de cetle conversion du monde; dans certains
tes, s'exerce sur les nations comme sur les/ individus : Psaumes on ne mentionne qu'Israel en general, c'est
par consequent, les nations idolatres ne peuvent pre- Israel qui soumettra les nations, enchainera leurs
valoir definitivement contre Israel croyant et fidele a princes, et chantera la gloire de Jehovah (Ps. CXLIX);
Dieu : Effunde iram tuani in genles quse, te nonnove- c'est done une formule de messianisrne ethnique, un
^runt! Ps. LXXXVIH, 6; bien plus les ennemis d'Israel sont royaume des Saints, analogue a celui des Visions de
aussi les ennemis de Dieu merne, puisqu'Israel est seul a Danisl, \H, 17-18, 25-27. D'autres Psaumes ^sont plus
connaitre et louer le vrai Dieu: leur ruine ou leur cha- precis. II y est question d'un personnage particulier,
timent est done certain a ses yeux. Ceci n'est pas d'un roi qui etendra partout le culte de Jehovah, qui
seulement une certitude de foi, c'est aussi un objet de fera cesser 1'injustice, qui donnera au monde la paix,
desir de la part d'une partie des Psalmistes, desir dont la puissance sera partout reconnue; on en fait dif-
d'autant plus grand que plus grand est leur amour ferents portraits, les uns le representent surtout comme
pour Jehovah et son regne. C'est ce desir qui fait le un conquerant, d'autres accentuent davantage sa mis-
fond des Psaumes dits imprecatoires, don t la plupart sont sion religieuse, 1'iniquite et la violence disparaitront a
non des Psaumes indh'iduels, mais des Psaumes natio- son avenement, il sera d'une facon particuliere fils de
naux: Israel est sur que Dieu triomphera de ses ennemis; Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les
ce jour de Jehovah, le Psalmiste 1'appelle de tous ses Psaumes comme dans les prophetes; Ps. n, ex (cix);
vceux, dans lesquels se melenl a la fois I'amour de LXXH (LXXI) on y joint des annonces de prosperite tem-
Jehovah et le sentiment national. Quant aux formules porelle qu'il faut, egalement comme dans les prophetes,
que revelent ces sentiments et a ce qu'elles paraissent Isai'e, xi, 6-9, prendre au sens allegorique: LXXII (LXXI),
avoir d'exagere et de cruel, il ne faut pas oublier que 16-18; GXXXII (cxxxi), 14-16; CXLIV (CXLIII), 12-15. Un
le style de ces morceaux est poelique ou meme prophe- trait particulier du Messie qui ressort de plusieurs pas-
tique, c'est 1'hyperbole qui lui donne sa couleur, sa sages, c'est que 1'etablissement du royaume de Dieu sur
vivacite et sa chaleur, et le sens reel en doit etre la terre sera le resultat de ses souffrances; 1'humilia-
beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntes tion et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies
au vocabulaire courant de 1'epoque, et aussi aux ter- de sa glorification, ameneront le monde a croire a cette
ribles droits de la guerre d'alors : ceux-la seuls s'en puissance de Jehovah; en certains endroits, comme
etonnent qui ignorent comment les vainqueurs ancieiis dans Isaie, LIII, et dans le Psaume xxn, le caractere
traitaient leurs vaincus, se faisant meme gloire de individuel de la Yictime, de ses souffrances et de cette
leur eruaute, comme on peut le voir dans les Annales delivrance est precise; et la fidelite de la peinture du
des rois d'Assyrie, en particulier d'Assurnasirpal et sacrifice de la Croix a frappe tous les lecteurs, au point
d'Assurbanipal. Dans le Super, flumina Babylonis, q\ie les Evangelistes n'ont pas nianque de la souligner,
le Psalmiste, sous une forme optative diclee par sa que le Christ lui-meme sur la croix a voulu montrer
conviction du triomphe final par son amour pour le regne cette prophetie realisee dans sa personne. Voir JESUS-
de Dieu et par son atlachement a sa pa trie, la Jerusalem CHRIST, propheties, t. in. col. 1433.
825 PSAUMES (LIVRE DBS) 826
Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il tecum principium des Septante et de la Vulgate, il traduit
faut evidemment les preciser par les textes prophe- populi tui spontanei, ce qui correspond a 1'hebreu actuel
tiques paralleles ; les Psaumes n'ont pas de cadre his- 'ammekd neddbot dont il a lu le premier mot 'ammeyka,
torique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque le pluriel pour le singulier: au lieu de haderey, in splen-
aucune lumiere : c'est alors 1'analogie des Ecritures, doribus, de 1'hebreu et des versions, il a lu harerey, in
et 1'ensemble de la revelation messianique qui doivent montibus; avant ex utero il intercale ke, quasi (de
servir de guide et de lumiere : toutes les pensees vulva); au lieu de niishar, aurora, lucifer, il lit izrah,,
d'Israel, tous les battements de son coeur ont leur re- orietur; pour le reste il le lit comme 1'hebreu actuel, de
percussion dans le Psautier, de meme que ses epreuves sorte qu'il traduit tout le verset ; populi tui spontanei
et ses trioraphes, en un mot toute son histoire, sa re- erunt in die forlitudinis tuse in montibus sanctis: quasi
ligion, sa morale, ses croyances de tout ordre : natu- de vulva orietur tibi ros adolescentise tuse, conforme-
rellement aussi ses.esperances et les grandes annonces ment a 1'hebreu acluel, au lieu de la traduction des
des prophetes doivent y trouver leur echo; il est done Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die
tres logique d'eclaircir les uns par les autres; et virtutis tuse. in splendoribus sanctorum, ex utero ante
quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment luciferum genui le; Ps. iv, 3, au lieu de usquequo gravi
clairs, ou indiscutablement dates, comme c'est souvent corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit a peu pres
le cas, les textes correspondants des prophetes nous comme notre texte hebreu: Usquequo inclyti mei igno-
donnent un commentaire a la fois litteraire, chronolo- rniniose, avec la legere difference de kebodi pour kabe-
gique et exegetique sur lequel on peut s'appuyer en dai;Ps. xi (x), 1, il lit centre 1'hebreu et suivant les
toute securite. On ne peut nier le caractere messiani- Septante el la Vulgate : (Transmigra in) montem ut
que des Psaumes que si Ton nie egalement 1'existence (avis), har kemo sippor pour harkem sippor; Ps. xvi
de toute prophetie messianique dans la Bible. Cepen- (xv), 10 : (Non dabis) sanctum tuum (videre corrup-
dant il faut bien se garder de trailer comme vraiment tionem), ce qui parait du reste la lecon primitive de
messianiques certains passages detaches ordinairement 1'hebreu que les massoretes n'ont pas rejete totalement,
de leur contexte et expliques independamment du au lieu de sanctos tuos, fyasidka pour hasideka; Ps.
reste du Psaume : ce sont alors des accommodations XIX-XVHI, 14, il lit avec 1'hebreu, mizzedim, a superbis
plus ou moins ingenieuses, mais qui n'ont. pas de va- au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la
leur rigoureusement exegetique ou theologique. Quel- Vulgate; Ps. xxir (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt
ques Peres de 1'Eglise, pour 1'instruction des fideles, (pedes meos et manus nieas) au lieu de fodientes (pe-
ont applique a Notre-Seigneur la plupart des Psaumes, des meosj, ka'aru pour ka'are ou ka'ari, sicut leo;
comme on le voit dans le commentaire de saint Au- xxix (xxvm), 6, il lit avec 1'hebreu Sariun, le mont Si-
gustin; saint Jean Chrysostome, bien que plus attache rion, au lieu de yesurun, dilectum des Septante et de
au sens litteral, le fait aussi quelquefois et cherche la Vulgate; XLIX (XLVIII), 13, il lit avec 1'hebreu Un,
meme a s'en justifier par le style general des prophe- commorabitur, centre les Septante et la Vulgate bin,
ties. In Psalm, cxvn, i. i,v, col. 336. intellexit, etc. De meme pour les separations et les ti-
Les Peres ne faisaient en cela que suivre 1'usage des tres des Psaumes, S. Jerome confirme 1'hebreu masso-
Juifs qui avaient alors coutume d'appliquer a la venue retique; par exemple XLIII (XLII) il omet avec raison
du Messie bien des textes qui n'ont pas d'application 1'attribution psalmus David puisque c'est une strophe
directe a Jesus-Christ, mais dont on pouvait se servir separee du Psaume precedent.des Fils de Core: dansle
a leur egard comme d'arguments ad hominem ou Cod. Amiatinus on trouve rneme retablie la suscription
comme moyen d'edifier les Chretiens. ftliis Chore; de meme encore centre les Septante et la
X. TEXTE DES PSAUMES. - 1° Texle hebreu. ~ Tel Vulgate, et en suivant 1'hebreu il supprime au cxxxvn
que nous le conhaissons par 1'hebreu actuel et les ver- (cxxxvi), le Super flumina fiabylonis le titre etrange
sions anciennes, le texte des Psaumes n'est pas tou- Psalmus David, Jeremise. On doit done conclure que
jours correct : les versions ou de simples conjectures depuis saint Jerome le texte des Psaumes n'a guere subi
permettent de le corriger en certains endroits, mais le d'alteration.
plus grand nombre des alterations echappe a toute re- La meme conclusion s'impose quand on compare
touche. Comme plus ancien temoin du texte, nous avons 1'hebreu actuel avec les traducteurs grecs du ne siecle
la traduction grecque dile des Septante, deux siecles cites dans les Hexaples d'Origene : par exemple iv, 3,
environ avant Jesus-Christ; nous avons au ne siecle les ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint
versions grecques citees dans les Hexaples d'Origene, Jerome et 1'hebreu massoretique, oi e'vSoljot' JAOU ou -^
principalement Aquila, Theodotion et Symrnaque, mal- 86?a |iou; IV, 8, aub xaipou, a tempore, pour a fructu
heureusement nous n'en possedons que quelques frag- (frumenti); xi-x,l, ils lisentcependant avec les Septante,
ments; enfin vers le commencement du ve siecle, la Vulgate et saint Jerome (transmigra in montem), w?
nous trouvons la traduction de saint Jerome adressee TreT£iv6v, ut avis, la lecon massorelique etant une faute
ad Sophronium ou Psautier secundum veritatem he- evidente; xix (xviu), 14,017:6 TWV uTtsp-ocpavwv, a superbis
braicam. Quant au texte hebreu actuel dil massoretique, avec sainl Jerome et le texte actuel; xxix (xxvin), 6.
il se presente a nous avec fort peu de variantes, mais il Sspswv ou Saptcov, le mont Sirion, au lieu de dilectum
beneficie d'une unite factice, les editeurs juifs ayant (quemadmodum 'filius unicornium), etc. Voir Field,
supprime impitoyablement toutes les divergences des Origenis HexapL, 1875, t. n, p. 90, M, 102, 115, 129 :
manuscrits. On peut ajouter a cette lisle les citations du cx(cix),3, ex utero auroras, aoi Spoaoi; TratSsoTYjTo? ao\j
psautier dans le 'Nouveau Testament; seulement la ou Y) VEOT^I; aoy, tibi ros juventutis tuse au lieu de rcpb
plupart sont faites non d'apres 1'hebreu mais d'apres ia)<796pou sYswyjaa us, ex utero ante luciferum genui
les Septante, et tres souvent sans 1'exactilude verbale le des Septante et de la Vulgate. Ibid., p. 266. En som-
absolue que reclamerait la critique; enfin la version me les traductions du ne siecle sont presque toujours
syriaque, faite sur le texte hebreu mais avec des lecons favorables au texte massoretique : du reste on sail que
ou des retouches dans le sens des Septante, et dont saint Jerome, qui lui est favorable egalement, n'a guere
1'origine est incertaine; les Targum et le Talmud ont fait que suivre presque partout Aquila, le premier de
peu aide la critique textuelle. ces traducteurs, a qui il ne trouve a reprocher que sa
On peut constater que le texte dont saint Jerome s'est litteralite exageree et son manque de gout. On peut dire
servi pour sa traduction etait substantiellement identi- d'une fagon generale que le Psautier hebreu etait au
que au notre, bien qu'il offrit quelques divergences temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu'il est au-
accidentelles : par exemple Ps. ex (cix), 3, au lieu du jourd'hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de
827 PSAUMES (LIVRE DES) 828
ses citations du Psaulier elant prises aux Septante, il raison de dire que le Psautier, precisement a cause de
n'y a guere de conclusion specials a en deduire. son caractere populaire, est 1'un des livres les plus
Le Psautier est un des livres de 1'Ancien Testament le alteres de la Bible, Kritischer Kommentar zu den
plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs: mais Psalmen, Breslau, 1882, t. r, p. 145; mais il exagere
c'est aussi un de ceux dont le texte a recu le plus grand outre mesure quand il ajoute que « tres peu de Psaumes
nombre d'alteralions : les travaux critiques d'Origene, sont demeures totalement intacts, tandis que beaucoup
loin de lui conserver sa purete primitive, ont souvent fourmillcnt de tant de fautes qu'il sont devenus tota-
m£me contribue a augmenter la confusion, car on a lement ineomprehensibles. » Les alterations qu'a su-
parfois substitue aux Septante, ou meme on leur a su- bies le texte des Psaumes sont d'ailleurs sans impor-
perpose les differentes traductions grecques des Hexa- tance grave au point de vue doctrinal. Elles interessent
ples, supprimant les signes diacritiques, aslerisques et surtout les critiques et Ton en trouve d'analogues
obeles, et melangeanl dans une rneme phrase des ver- dans tous les livres anciens qui ont ete frequemment
sions differentes : ainsi au debut de xxn (xxi) nous li- transcrits.
sons 6 Qebs, 6 ®sd? (ioy, •rcpoaye? [ioi, traduit dans la Vul- 2° Traduction des Septante. — Quant a la version grec-
gate exactement : Deus Dem meus, respice in me :or ce que dite des Septante, elle a ete faite au deuxieme sie-
sont deux traductions juxtaposees des memes mots he- cle avant Jesus-Christ, en un temps ou 1'hebreu etait
breux: 'Eli 'Ell, qu'on peut entendre Deus meus, Deus un peu moins altere que le texte massoretique, mais ou
meus, ou bien in me, in me (sous entendu respice). il avail deja perdu en tres grande parlie son integrite
Dans 1'Evangile, Notre-Seigneur le cite selon 1'hebreu et primitive. En outre, les interpretes a qui Ton doit la
la traduction qui y est jointe omet le respice in me des version des Psaumes sont de beaucoup inferieurs aux
Septante. Eusebe, In Psalm., t. xxni, col. 204, fait aussi traducteurs du Pentateuque; ils connaissent 1'hebreu
remarquer que upoo-ye; p.ot n'a pas d'equivalent dans vulgaire de leur temps, fortement aramaise, mais pa-
1'hebreu. Saint Jerome avail soigneusement indique ces raissent fort peu au coura.nl de lalangue litleraire clas-
signes critiques dans son Psautier ex Origenis Hexaplis sique; ils distinguent rarement entre les differentes
ou gallican; mais la aussi les copistes les supprimerent significations d'un mot; et dans les passages difficiles,
comme il s'en plaint souvent, par exemple Epist., cvr? frequents dans les Psaumes a cause de leur caractere
55, t. xxn, col. 857 : Qu& signa dum per scriplorum poetique, ilsse contentent detraduireisolement chaque
negligentiam a plerisque quasi superflua relinquun- terme hebreu par un mot grec, sans se preoccuper du
tur, magnus in legendo error exoritur. Toute cette sens, ou de 1'absence de sens, qui en peut resulter
lettre de saint Jerome estpleine de remarques critiques pour 1'ensemble. Les relations des mots entre eux,
analogues qui s'appliquent aussi bien au Psautier grec quand elles sont exprimees en hebreu, le sont souvent
qu'au latin. Au Ps. cxxxii (cxxxi), 4, on lit un doublet par des particules fort differentes des conjonctions ou
d'origine analogue : TOI; p).scpapot? \>.o\> vuaiay^bv xa\ prepositions grecques par lesquelles ils essaient de les
avaTtayatv rot; y.poTo^oi? you, {si dedero) somnum oculis traduire, le vav conjonctif hebreu par exemple, signifiant
meis, et palpebris meis dornritationem, la seconde a lui seul suivantles cas, el, mais, ou, alors, au conlraire,
partie etant une deuxieme traduction des memes mots parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque
hebreuxempruntee aTheodotion. Dansle meme Psaume toujours par xa\, qui donne un sens fort different; enfin
nous lisons, JL 15, TYJV x^P av («UTTK e-JXoywv eu^oyrjO-w) le verbe hebreu exprime la modalite, certaine et incer-
viduam (ejus benedicam benedicam), qui est une alte- taine, absolueou conditionnee, et nullement la division
ration subsequente pour TT^V Qrjpav : « Ubi enim nostri du temps, present, passe ou futur; or, ils ont rendu pres-
legunt viduam ejus benedicens benedicam... in hebr&o que invariablement la modalite certaine par le passe,
habet Seda id est cibaria ejus.» S. Jerome, Qwest, he- 1'incertaine par le futur. II faut ajouter que le texte he-
braic. in Gen., XLV, 21, t. xxni, col. 1000. breu alors n'etait pas poncfue de voyelles, que les mots
^ Mais les alterations les plus nombreuses et les plus n'y etaient passepares, non plus que les phrases ni les
profondes sont anterieures a la traduction grecque : les Psaumes eux-memes. S'ils n'ont pas comrnis plus
scribes d'alors transcrivaient les textes hebreux, et le d'erreurs, il faut 1'attribuer a une certaine connais-
Psautier particulieremenl, avec des negligences qui sance Iraditionnelle qui leur restail de la signification
contrastent vivement avec le soin dont leurs succes- des Psaumes el de leur ernploi dans le^culte judai'que.
seurs commencerent a faire preuve apres 1'ere chre- C'est a eux que Ton doit faire remonter la responsa-
tienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vul- bilite des nombreux passages etranges que renferme la
gate), qui est alphabetique, on n'a conserve que la moitie Vulgate.
des strophes primitives, les autres appartiennent a une 3° Traduction latine des Psaumes dans la Vulgate.
composition differente et sansalphabetisme : les autres — La version latine en effet est une traduction tres
Psaumes alphabetiques sont copies plus exactement, litterale des Septante; sa forme primitive nous est
mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d'un connue par les citations des Peres et quelques rares
verset final non alphabetique. Le debut du Psaume vm manuscrits; outre les particularites de la lingua ru-
est evidemment altere de meme que le jr. 3, lema'an stica qu'elle partage avec tous les textes bibliques anle-
sorareka lehasbit 'oyeb u-mifnaqem, propter inimi- rieurs aux travaux de saint Jerome, elle a les qualites et
cos ut deslruas inimicum et ullorem ; le texte du les defauts de la version grecque du Psautier : texte
Psaume xvm (xvn) est fort different de la reproduction hebreu plus ancien que la recension massoretique, et
qui en est .donnee dans II Sam. (Reg., xxn), ou le texte multiples imperfections des premiers traducteurs, aux-
semble meilleur; le Ps. xxiv (xxm) a une finale jr. 7-10 quelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de co-
etrangere au sujet, le portrait du juste; la finale de xxxix pistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de
(xxxvm) parait eeourtee: XLII-XLI etXLIII-XLII sont sepa- base au premier travail de saint Jerome pendant son
res sans raison; XLVI (XLV) a perdu son premier refrain sejour a Rome sous le pape saint Damase; il ful fail
apres jr. 4; LIII (LII) et xiv (xm) identiques offrent des vraisemblablemenl sur Vltala, qu'il revit, non sur 1'he-
variantes multiples; LX (LIX) et cvui (CVH) dans leur breu, mais sur la Kotvrj ou Vulgate grecque : ce fut une
partie identique presentent des variantes nombreuses; revision partielle et hative : Psalterium Romse dudum
LXXX (LXXIX) a perdu son troisieme refrain; LXXXVIII positusemendaram... ;et juxta Septuaginta interpre-
(LXXXVII) a perdu sa conclusion;, cvm (cvnj offre des tes cursim,... magna ex parte, dit-il lui-meme; il
variantes inattendues de LX et LVIII qu'il'copie; les deux ajoute que le texte ainsi expurge fut bientot altere de
parties de cxvi, separees dans les Septante et la Vul- nouveau: Scriptorum vitio depravatum, plusque aati-
gate, s,ont reunies a tort dans 1'hebreu, etc. Graetz a quum errorem, quam novam emendationeni valene.
PSAUMES (LIVRE DES) 830
Praef. in Psalterium sec. Septuaginla edit., t. xxix, eerva matutina, tandis que dans le commentaire d'Osee,
col. 117-118. Ce premier travail forme le Psalte- 1. IT, t. xxv, col. 867, il veut qu'on lise pro cervo ma-
rium romanum, employe autrefois a Rome jusqu'a tutino, qu'il applique au Christ. Le nom du maitre dc
saint Pie V, maintenu dans le Missel et dans une partie choeur, menasseah, est souvent traduit par victori, tan-
du Breviaire, ainsi que dans 1'oflice capitulaire de dis que dans le commentaire sur Daniel,Prsefat., t. xxv,
Saint-Pierre de Rome; saint Jerome en decrit le prin- col. 492, il le rend par pro victoria; PP. XLV, il rend de
cipal caractere, ubicumque sensus idem est (non dans domibus eburneis, ce qu'il traduit de templo dentiuni
1'hebreu rnais dans le grec), veterum interpretum con dans son Epist., LXV ad Principiam, t. xxn, col. 633 ;
suetudinem mulare noluimus, ne nimia novitate lec~ Ps. LVI, il traduit pone lacrymam meam in conspectu
torts studium terreremus. Epist. cvi, t. XXIT, col. 844, tuo, bien qu'il traduise ailleurs le meme mot no'd par
et plus loin : nosantiquam interpretationem sequentes, outre, ce qui est exact; Ps. LXIII, il traduit sitivit te,
quod non nocebat, mulare noluimus. II fit ce pre- bien qu'il pretende qu'il faille traduire tibi&ans 1'Epi-
mier travail vers 384. Voir JEROME, t. in, col. 1307. De tre xxxv, ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 850;
retour a Bethlehem, entre 386-391 selon le P. Van den Ps. xci, 1, Saddai est traduit in umbraculo Domini,
Gheyn,iMc/.,sa premiere edition etant deja forl corrom- tandis que le meme mot est rendu Deum sublimem
pue, il en entreprit une seconde, ou il prit pour texte dans Ezechiel et robuslum. et sufficientem ad omnia
I'e'dilion hexaplaire des Septante, avec asterisgues et dans 1'Epist., xxv, ad Marcellam, t. xxn, col. 429;
obeles, les premiers destines a indiquer ce que les Ps. cu, 7, il traduit quasi bubo, et dans VEpist.
Septante omettaient de 1'hebreu et dont lui-m&me em- ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 859, quasi no-
prunta la traduction a Theodotion, les autres signalant clua; Ps. civ, il traduit petra refugitim hericiis, et dans
au contraire ce qu'ils y avaient ajoute : saint Jerome la meme lettre refugium cuniculi. — D'une fac,on
dit lui-meme qu'il avail fait celte seconde traduction plus genrrale on doit lui reprocher d'admettre trop
«avec beaucoup de soin,» Epist. ad Sophron., t. xxvin, facilement et trop universellement 1'integrite absolue du
col.1126; il 1'appelle « une version nouvelle » dans I'Epist. texte hebreu, de Vhebraica veriias, ainsi qu'il s'exprime
ad Sunniam et Fretelam, t. xxn, col. 838; c'etait done apres Origene et Eusebe : de la sorte il essaie de donner
un travail critique ou Ton pouvait voir d'un seul coup un sens a des passages alteres qui en sont depourvus,
d'oeil la version des Seplante et sa comparaison avec le comme Ps. vin, 3; cxu, 5-7; il traduit dans les litres
texte hebreu dans les passages qu'elle avait en plus ou canticum psalnii ou psalmus cantici, les deux appel-
en moins : il n'y manquait que la retouche des en- lations canlique, psaume, juxtaposees comme varianles.
di'oits ou les Septante avaient traduit d'une facon in- et entre lesquelles il faut seulement choisir; il se
suffisante ou inexacte. Malheureusement la transcrip- montre trop attache aux traductions de ses devanciers,
tion de tous ces signes critiques exigeait trop de soins; surtout du juif Aquila, rendant comme lui les termes
et malgre les prieres reiterees du saint docteur, on les techniques d'une facon etrange, miktam, ode, par
omit dans la plupart des mauuscrits, de sorte qu'on (David) humble et parfait, sclah, pause apres les stro-
cessa de distinguer ce qui venait des Septante, ou de phes, par toujours, joint a la phrase precedente; beau-
Theodotion, ou qui elait sxsrajoule a\\ te-x.te hebreu. coup de noms propres sont traites comme noms com-
Dans cet etat, et avec les alterations encore subies de- muns, et rendant la phrase inintelligible : tels dans le
puis, elle constilua le Psalterium gallicanum qui est Ps. LXVIII, Saddai, nom divin, Basan, montagne, deve-
celui de Pedition officiellede la Vulgate et du Breviaire, nus robuslissimus et i>inguis;\\ faut enfin lui reprocher
et dont le nom rappelle sa diffusion rapide dans les trop de servilite dans la traduction des modes du
oglises de France et de Germanic : dom Martianay re- verbe hebreu, qu'il fait trop regulierement corresponds
mar.jue en effet que la plupart des manuscrits du Psau- au preterit ou au _fulur latins, et trop d'uniforrnite dans
tier avec asterisques et obeles proviennent de France, ceJ/e des pariicules: ainsi Ps. ex, i) traduit :percu$sit in
et que 1'ltalie n'en a conserve que tres peu, t. xxvin, die furoris sui reges, judicabil in gentibus, implevit
col. 66. Saint Jerome ne dit pas qui Pengagea dans sa voiles, perculiet caput in terra multa; or c'est une*
premiere retouche; il composa la seconde a la priere description dont tous les verbes devraient etre au
de sainte Paule et d'Eustochium; enfin, sur les instances meme temps; Ps. cxvi il traduit : credidi propter
de Sophronius, il donna une troisieme traduction. quod locutus sum, au lieu de confidebani eliain quando
¥ Traduction nouvelle de saint Jerome. — Elle fut dicebam, etc. Toutefois ces critiques de detail ne doi-
faite exclusivement sur le texte hebreu vers 390-391, en vent pas faire meconnaitre la valeur de cette version
tout cas avant la lettre a Domnion, t. xxvin, col. 53-54. II du Psautier : elle est au contraire ce qu'il y a de plus
donne les raisons de celte nouvelle traduction dans sa parfait comme traduction dans 1'oeuvre du saint doc-
lettre a Sophronius, t. xxvin, col. 1124 : la necessite de teur, et meme les commentateurs protestants comme
donner a la controverse centre les Juifs une base solide, Delitzsch en font le plus juste eloge : ils en ont meme
ceux-ci rejetant les propheties tirees des Septante comme donne plusieurs editions critiques, telles que celle de
ne rendant pas 1'original hebreu : ensuite la science P. de Lagarde, Leipzig, 1874, et celle de Tisehendorf,
des Ecritures qui n'est veritable que si elle est etablie Baer et Frz. Delitzsch, Leipzig, 1874. On la trouve aussi
sur les originaux. Autant que nous en pouvons juger dans les editions des <euvres de saint Jerome. Voir le
par le peu de fragments qui nous en restent, Aquila lui tableau col. 831-832.
servit surtout de guide pour le sens de 1'original; XI, CANONICITE. — Le Psautier est 1'un des Hvres
quant a la forme, i( s'eloigna le moins possible des tra- bibliques dont la canonicite est la plus facile a etablir :
ductions connues jusqu'alors. Dans cette derniere ou plus exactement, elle n'a jamais ete contestee, hor-
oeuvre, il s'ecarte quelquefois de la version qu'il avait mis par les sectes qui ont nie la divinite de PAncien
cru devoir donner de 1'hebreu dans d'autres ouvrages; Testament, gnostiques ou manicheens. Les Psaumes
ainsi Ps. n, il traduit adoratepure au lieu de apprehen- sont cites, exactement comme les autres textes bibliques,
dite disciplinam des autres versions et de adorate fi- dans I Machabees, iv, 24; vn, 16; dans H Machabees
lium comme lui-meme avait traduit precedemment; il on rappelle qu'ils eurent place dans la bibliotheque
repond m£me aux critiques que ce changement avait sacree de Nehemie, H, 13. Dans le prologue de PEccle-
excitees, dans son Apologie centre Rufln, I, 19, t. xxin, siastique, ils sont evidemment compris dans les for-
col. 413; en cela il s'accommode encore a la traduction mules generales qui designent les hagiographes ou troi-
d'Aquila qui lisait xatTa^vjcraTe IX^SXTWC, ou a Symmaque sieme partie de la Bible hebrai'que, TOC Xotrca TWV $i6l>(0v,
•7tpo<7xuvr)<raTe xx0apw;; de me'me dans le titre du Psaume et sont explicitement designes dans le precis historique
xxn, il traduit d'apres la plupart des manuscrits : pro qui forme la seconde partie de ce livre, XLVII, 8-11. Le
831 PSAUMES ( L I V R E DES) 832
TABLEAU COMPARE DU PS. IV DANS LES REVISIONS ET TRADUCTION DE SAINT JEROME
PSALTERIUM JUXTA
PSALTERIUM ROMANUM. PSALTERIUM GALLICANUM.
HEBBAICAM VERITATEM.
J N FINEM^ PSALMOS DAVID , CANTICUM. IN FINEM, IN CARMINIBUS, PSALMUS DAVID.
VICTORl IN PSALMIS, CANTICUM DAVID.
Cum invocarem te, exaudisti me, Deus Cum invocarem, exaudivit me Deus Invocantem me exaudi me, Deus justitiae
justitise meas : justitias meae : mese,
in tribulatione dilatasti mihi. in tribulatione dilatasti mihi. in tribulatione dilatasti mihi :
Miserere mihi, Domine, et exaudi ora- Miserere mei : et exaudi orationem me Miserere mei: et exaudi orationem meam.
tionem meam. [am.
Filii hominum, usquequo gravi corde? Filii hominum, usquequo gravi corde? Filii viri, usquequo inclyti mei ignomi-
utquid diligitis vanitatem. et quse- •Er ut quid J diligitis vanitatem, -= et J niose
ritis mendacium? quseritis mendacium? diligitis vanitatem quasrentes menda-
DIAPSALMA. DIAPSALMA. cium ? SEMPER
Scitote quonfam magnificavit Dominus # Et J scitote quoniam miriflcavit Do- Et cognoscite quoniam mirabilem reddi-
sanctum suum : minus sanctum suum : dit Dominus sanctum suum,
Dominus exaudiet me, dura clama- Dominus exaudiet -^- me | cum cla- Dominus exaudiet cum clamavero ad
vero ad eum. mavero ad eum. eum.
Irascimini, et nolite peccai'e : Irascimini et nolite peccare : Irascimini et nolite peccare,
quse dicitis in cordibus vestris, et -3 quse J dicitis in cordibus vestris, loquimini in cordibus vestris super
in cubilibus vestris compungimini. in cubilibus vestris compungimini. cubilia vestra et tacete.
DIAPSALMA. DIAPSALMA. SEMPER.
Sacrificate sacriflcium justitias, Sacrificate saeriflcium justitiae, Sacrificate sacrificium justitias
et sperate in Domino. et sperate in Domino : et fidite in Domino.
Multi dicunt: quisostenditnobisbona? multi dicunt: quis ostendit nobis bona? Multi dicunt: quis ostendit nobis bonum ?
signatuvn est super nos lumen vultus Signatum est super nos lumen vultus tui, leva super nos lucem vultui tui, Do-
tui, Domine. Domine. mine.
Bedisti lastitiam in corde meo : dedisti Isetitiam in corde meo. Dedisti Isetitiam in corde meo
a tempore frumenti, vim et olei sui A fructu frumenti et vini -£- et olei J sui: a tempore frumentum et vinum eorum
multiplicati sunt. multiplicati sunt multiplicata "sunt
In pace in idipsum obdormiam et re- In pace in idipsam, dormiam et requies- In pace simul requiescam et dormiam.
quiescam : cam :
quoniam tu Domine singulariter in Quoniam tu, Domine, singulariter in spe quia tu, Domine, specialiter securum
spe constituisti me. constituisti me. habitare t'ecisti me.
La premiere colonne comprend le Ps. iv d'apres la premiere recension hieronymienne; la seconde lo meme psaume avec
les asterisques et obeles : les asterisques indiquent les passages que Theodotion avait deja ajoutes aux Septante, et qui etaient
dans Miebreu sans etre dans leur version; saint Jerome les lui emprunte et les traduit : par exemple Et scitote. Les obeles
marquent au contraire les mots qui n'ont pas d'equivalent dans I'heljreu, tels que utquid, et olei, etc., et qu'il veut faire
considerer comme non existants. Son texte de la seconde colonne correspond assez generalement au texte offleiel de notre
Vulgate, avec cette notable difference qu'on en a elimine les asterisques et les obeles dont il ecrivait : QUK diligenter emen-
davi, cum, cur a eidiligentia transcribantur. Notet sibi unusquisque vel jacentem lineam vel signa radiantia : idestvel
obelos, vel astericos. Aussi cette suppression des signes critiques donne-t-elle parfois un sens tput oppose a cehu qu'avait en
vue le traducteur. — La troisieme est celle du Psalterlum ad Sophronium ou juxta hebraicam veritatem, ou il faut
remarquer la traduction des versets : Filii viri, loquimini in cordibus, leva super nos, a tempore [quo] frumentum, etc.
qui sont tres exactement rendus. Toutefois les termes techniques ne sont pas exactement traduits, le maitre de chceur par
victorl, pause par semper. Saint Jer6me a emprunte ces traductions au Juif Aquila.
II Hvre des Rois (Samuel), xx, 2-31, avait deja cite comme commentes; ils forment le livre de 1'Ancien Testament
davidique le Psaume xvm, en ajoutant, xxi, 2, que qu'on rencontre le plus frequemment, et de beaucoup,
«1'Esprit de Jehovah avait parle par [lui] et que sa parole dans les manuscrits; ils se trouvent dans toutes les listes
etait sur [ses] levres; » I Par., xvi, 8-36, fait aussi au conciliaires et versions officielles de 1'Orient, de 1'Eglise
Psautier un long emprunt, mais sans formuler aucune grecque et de 1'Eglise latine.
appreciation sur sa canonicite; il temoigne seule- Quant aux attaques dont ils ont ete 1'objet, elles ve-
ment qu'ils servaient aux usages liturgiques, II Par., naientde 1'erreur generale des gnostiquesou des mani-
vn, 6, xxix, 30 : voir de meme I Esd., m, 10, et II Esd., cheens qui attribuaient 1'Ancien Testament en entier au
xn, 45. Les Psaumes ne susciterent jamais chez les mauvais principe, createur de la matiere: c'est pourquoi
Juifs les doutes qui parurent au sujet du Cantique, de ce livre fut rejete par eux et les nicolaites. Philastre,
1'Ecclesiaste, etc. Quant au Nouveau Testament, il ne ttseres., t. xn, col. 1199, 1259. Theodore de Mopsueste
fait que continuer la tradition juive : il cite souvent le fut condamne, non parce qu'il les rejetait, mais parce
Psautier comme portion de 1'Ecriture et fait meme du qu'il avait exagere, au sujet de quelques Psaumes, le
nom des Psaumes une designation pour tous les hagio- litteralisme historique dont il faisait profession dans
graphes: in prophetis et psalmis, Luc., xxiv, 44; outre 1'explication de 1'Ecriture, specialement des Ps. xxn
les references generales il en est de speciales pour Notre- (xxi) et XLV (XLVI) : Codicem in prophetiam Psalmorum
Seigneur, Luc., xx, 42; les Apotres, saint Pierre, Act., i, conscripsit, omnes de Domino prxdictiones abnegan-
20; xni, 33; saint Jean, n, 17; saint Paul, Rom., tem... Judaicss impietatis viaticum. Mansi, Collect,
m,13-18; Heb., i, 5-n, 9 etc.; elles forment plus de concil., 1763, t. ix, 212-213. Gf. Patr. gr., t. Lxvir
la moitie des citations de 1'Ancien Testament par le col. 30, 32, 111-112, 663. C'est pourquoi il fut con-
Nouveau. damne par le IVe Concile de 'Constantinople, .
Aussi figurent-ils dans tous !e"s canons, meme les plus Quant aux Psaumes,que Paul de Samosate remplaca
exclusifs, de 1'antiquite : Meliton de Sardes, Origene, par des cantiques a sa louange personnelle, ce pour
Athanase; Us se trouvent dans tous les Peres, cites ou quoi il fut condamne par le concile d'Antioche, c'etaient
833 PSAUMES (L1VRE DES) 834
des compositions liturgiques recentes, et non le Psau- logue a Milan. Notre office romain a conserve la trace
tier biblique. Eusebe, H. E., vn, 30, t. xx, col. 713. de ces trois recitations. L'alternance proprement dite,
Dans les deux derniers documents conciliates 011 Ton par deux choeurs qui lisent successivement tous les
affirme la canonicite de ce livre, il faut noter la diffe- versets du Psaume, introduile d'abord en Syrie, passa
rence des designations : le concile de -Florence 1'avait de la dans les eglises d'Egypte, de Palestine, a Antioche,
designe sous le litre de Psalterium Davidis; le Con- a Cesaree, puis a Constantinople et en Occident, en
cile de Trente, reproduisant le meme decret, changea commencant par Milan, au temps de saint Ambroise.
ces termes en Psalterium davidicum pour eviter de Voir Batiffol, Hisloire du Breviaire romain, 1893,
paraitre enseigner I'origiqe exclusivement davidique du p. 5, 23; Baumer, Histoire du Bi-eviaire, trad. Biron,
Psautier, tandis qu'il ne voulait qu'attester sa canoni- 1905, t. i, p. 12, 52, 170-178, etc.; (Bacuez,) Du saint-
cite. Theiner, Acta cone. Tridentini, t. i, p. 79 sq. Office, Paris, 1872, p. 89-109.
XII. USAGE DES PSAUMES DANS L'EGLISE CHRETIENNE. Outre la recitation liturgique, 1'Eglise, surtout dans
— Pour les Chretiens, le fait indubitable que les les siecles passes, a toujours grandement estime, con-
Psaumes ont ete souvent recites par le Christ donne a seille et pratique la recitation privee des Psaumes,
ce recueil une autorite et un attrait tout particuiiers : divins par leur origine, sanctifies par 1'usage qu'en
dans sa passion il repete le Deus Deus tneus, quare de- ont fait les saints de 1'Ancien et du Nouveau Testament,
reliquisti me ? et In mantis tuas commendo spiritum et surtout Jesus-Christ. Les lettres de saint Jerome
meum, comme des textes absolumentfamiliers, etpres- nous montrent 1'usage qu'on en faisait de son temps :
que les seules paroles qu'il ait prononcees alors. Dans dans son Eloge de sainte Paule, t. xxn, col. 894-896, on
sa vie mortelle, bien que I'Evangile n'en dise rien, il dut voit combien les paroles de ce livre lui etaient fami-
souvent reciter les Psaumes a la synagogue, au temple, lieres; elle s'en servait conlre ses ennemis, ou pour
aux fetes juives, aux pelerinages a Jerusalem: la narration s'exciter a la patience, pour se consoler dans la tristesse,
de la Gene nous atteste qu'il y dit YHallel de la Paque. pour se resigner a la perte des siens, pour exciter ses
11 s'en sert egalement dans sa predication : le Beali desirs duciel; « elle desira meme d'apprendrel'hebreu,
mites quoniamipsipossidebunt terram,est 1'abrege du ajoute-t-il; et elle vint tellement a bout de son dessein
Psaume xxxvii (xxxvi); le Dixit Dominus lui sert pour qu'elle chantait les Psaumes en hebreu, et le parlait
enseigner sa filiation divine; le Lapidem quern reproba- sans y rien meler de la prononciation latine; ce que nous
verunt sedificantes, pour expliquer 1'aveuglement des voyons faire a sa sainte fille Eustochium. » Dans une
Juifs; le Benedictus qui venit in nomine Domini est ap- lettre de sainte Paule a Marcelle, t. XXH, col. 491, eJle
plique par Jesus au retour final des Juifs ;le Ex ore in- ecrit elle-meme qu'« a Bethlehem il n'y a que le chant
fantium et lactentium perfecisti laudem est applique a des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur gui-
son entree triomphale dans le Temple. Ce livre, outre dant sa charrue chante Alleluia, le moissonneur tempere
1'inspiration qui lui est commune avec tous les livres le poids du jour et la chaleur par le chant des Psaumes;
de 1'Ecriture, a done eu le privilege d'etre la priere le vigneron en taillant la vigne a toujours a la bouche
me"me du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout quelque passage de David. » Saint Jerome, ecrivant a
impregne des sentiments memes de Jesus : il n'y a que La?ta, Epist., cvi, t. xxn, col. 871, 876, pour 1'education
1'Oraison dominicale a quoi on puisse le comparer. de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre
On comprend que VEglise ait toujours cherche a s'unir aucune chanson profane, mais seulement a chanter les
aux pensees et aux affections du Fils de Dieu, en re- Psaumes; » il veut ensuite que « au lieu de peries et
prenant le Psautier comme sa principale priere. Elle de riches habits, elle recherche surtout les livres sacres,
ne faisait du reste que continuer les usages de la Sy- non pas les mieux enlumines, mais les plus corrects et
nagogue. Voir HALLEL, t. HI, col. 404. Saint Paul 1'y les plus capables de fortifier la foi; qu'elle commence
engage instamment dans deux textes paralleles : Loquen- par apprendre le Psaulier, qu'elle prenne plaisir a le
tes vobismelipsis in psalmis et hymnis et canticis chanter. » Ecrivant a Gaudentius sur 1'education a
spiritualibus, canlantes et psallentes in cordibus ve- donner a Pacatule, il conseille de meme : « Quand elle
stris Domino, Eph., v, 19 ; Commonentes- vosmetipsos sera parvenue a sa septieme annee, qu'elle apprenne le
psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratia Psautier par coeur.» Epist., cxxn, t. xxn, col. 1098. Saint
cantantes in cordibus vestris Deo. Col., in, 16. Les Ambroise, a la meme epoque, ecrit « qu'un homme
psalnii idiotici ou de composition nouvelle et chre- sense aurait honte de terminer sa journee sans la reci-
tienne, s'y ajoutent peu a peu sans les supplanter, ce tation de quelque Psaume; » qu'a 1'eglise, « alors
sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint qu'il est si difficile d'obtenir le silence pendant qu'on
Paul, et il semble meme qu'on en retrouve des restes lit les lecons ou que 1'orateur essaye de parler, des
dans ses propres Epitres. I Tim., in, 16. Tertullien, De qu'on lit le Psaume, cela suffit a faire faire le silence :
anima, ix, t. n, col. 660, rapporte qu'une visionnaire de la psalmodie reunit les ames divisees, reconcilie dans la
son temps dont la mention revient plusieurs fois dans discorde, apaise le ressentiment des offenses... On
ses ecrits, avait des extases en correspondance avec les eprouve autant de joie a le chanter qu'on gagne de
differentes parlies de 1'office public, selon que Scriptures science a 1'apprendre. » S. Ambroise, In Psalm. I,
leguntur, psalnii canuntur, allocutiones proferuntur t. xiv, col. 925. Ce chant des Psaumes a Milan avait
aut petitiones deleganlur. On constate que le peuple produit une profonde impression sur saint Augustin
prit peu a peu une place, mais generalement moderee, qui parait meme se reprocher le plaisir qu'il prenait a
a cette recitation, comme autrefois chez les Juifs ou il entendre les melodies ambrosiennes. Confess., IX, vi-
repondait : Quoniam in setemum misericordia ejus; vii; X, xxxin, t. xxxii, col. 769-770, 800. Son peuple
les series de Psaumes etaient interrompues par quel- d'Hippone etait si familier avec le texte sacre qu'il ne
que oraison, ou par quelque antienne ou doxologie voulut pas corriger les fautes de latin de la version
dite en chceur par 1'assistance : dans certaines Eglises africaine, et qu'il laissait chanter dans le Psaume cxxxil-
comme Alexandrie et Rome, c'etait une recitation plutot cxxxi : Super ipsum autem floriet (pour efflorebit)
qu'un chant; ailleurs c'etait un chant veritable. De sanctificatio mea. De doctr. Christiana, xm, t. xxxiv,
meme la frequence des versets redits en choaur etait col. 45. L'Eglise orientate les avait en egale estime et
differente : soit apres plusieurs Psaumes, soit apres en faisait le meme usage: le texte cite de saint Ambroise
chaque Psaume, soit meme apres quelques versets. est pris presque textuellement a saint Basile, Homil. in
Saint Basile emploie le terme de dvTi^aXXetv aXXrjXot?, Ps. i, t. xxix, col. 212, qui ajoute: « Les plus indolents,
« psalmodier en deux choeurs. » Epist., ccvn, t. xxxn, c'est-a-dire le grand nombre, ne retiennent m£me pas
col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie ana- un verset des prophetes ou des Epitres;; mais pour les
DICT. DE LA BIBLE. V. — 27
835 PSAUMES ( L I V R E DBS') 836
Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu'en pu- ciale du Psautier, non seulemenl abstraite et purement
blic. ..Etquelenseignementn'ypuisons-nous pas?l'eclat scientifique, mais encore au point de vue special de la
de la force, la perfection de la justice, la gravite de la priere. II est incontestable que cette etude doit etre
temperance, la plenitude de la prudence, la maniere de basee sur le sens litteral des Psaumes, sur celui que
faire penitence, la juste mesure de la patience, en un le Saint-Esprit-, leur auteur, avait en vue, et non pas
mot toute sorte de biens! La se trouve une theologie sur les accommodations plus ou moins arbitraires par
parfaite, la les propheties de 1'Incarnation, la menace lesquelles on s'evite la peine de penetrer jusqu'au sens
du jugement, 1'esperance de la resurrection, la crainte veritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans
du supplice, les promesses de la gloire, la revelation son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave,
des mysteres; tout cela se trouve dans le Psautier s'il s'appliquait aux ecelesiastiques, qu'il ne 1'etait
comme dans un grand et riche tresor. » Theodoret adresse aux fideles qu'il instruisait: Vos qui ab infantia
s'exprime d'une facon presque identique dans la Pre- ad extremam usque seneclutem Psalmum hunc medi-
face de son Commentaire, t. LXXX, col. 857. lantes, nihil aliud quam verba tenetis, quid aliud
XIII. BFAUTE DES PSAUMES. — Sur ce fond tout divin facitis nisi quod thesauro absconso assidetis, et obsi-
fournipar l'inspiration,les auteurs du Psautier ont jete gnatam crumenam circumfertis? In Ps. CXL, t. Ly,
leur empreinte personnelle,enle colorant despenseeset col. 427. Ce serait negliger une portion obligatoire et
des sentiments les plus varies, les plus grandioses, les principale de la science ecclesiastique, se priver du
plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-a- vrai moyen de dire pieusement le saint office et re-
vis de Dieu, de son temple, de sa cite sainte, de sa loi, noncer a une yeritable jouissance spirituelle non
de sa creation tout entiere, du peuple croyant, des na- moins qu'mtellectuelle. II /ant done, principalement
tions infideles, des destinees du monde ou des neces- pour le nombre relativement restreint des Psaumes de
sites de 1'existence personnelle. A la verite la langue recitation frequente, s'appliquer a en saisir le sens
hebrai'que manque de nuances et de precision, elle n'a general, en bien preciser le sujet, a voir surtout 1'en-
pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les chainement des idees, souvent indique par la division
Psaumes n'y perdent guere, ils y prennent plutot un slrophique, sans vouloir neanmoins que dans la reci-
caractere d'universalite et de grandeur hieratique d'ou tation 1'esprit s'attache a tous les details, ni meme
est banni tout ce qui est trop personnel el trop etroit, exiger que dans 1'etude prealable il en approfondisse
trop etudie ou trop rnesquin : leur rythme poetique, d'abord toutes les obscurites, II ne faut pas quitter ce
grace au parallelisme, a la strophe ou au refrain, est sens litteral dans la recitation des Psaumes theologique?,
facilement traduisible en nos langues; et leur grandeur messianiques ou moraux du Breviaire. Les premiers
un peu abstraite permet a chacun de se les appliquer. nous depeignent Dieu, ses attributs, la creation, son
Rien n'est beau, dans aucune poesie, comme les Psaumes gouvernement du monde, sa justice, sa misericorde et
messianiques: Quare fretnuerunt gentes; Deus judicium iinalement sa 'royaute etablie sur toute creation; les
tuum regi da;Misericordias Domini; Dixit Dominus; secondes decrivent les gloires du Messie, ses souffrances,
rien n'est grandiose, recueilli, colore et varie comme son empire sur les nations et nous servant a nous unir
les tableaux de la creation dansDomine Dominus nosier ; a la priere qu'il fait lui-meme a son Pere : Postula a
Cseli enarrant; Benedic anima mea Domino; comme me, et dabo libi gentes hsereditatem tuam. Ps. 11, 8.
la peinture de la tempete dans le Diligam te et Afferte C'est 1'accomplissement de sa loi en nous et dans les
Domino : rien n'est sublime eomme la description des autres que nous devons demander dans les Psaumes
attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea}; moraux, tels que i, xviri (xix), et surtout cxvm (cxix),
le Domineprobasti me. Aucun sanctuaire venere, aucune dont chaque verset est comme la repetition des de-
des cites du monde antique n'ont ete aimes, chantes, mandes du Pater, adveniat regnum tuum, fiat voluntas
glorifies et pleures comme Jerusalem et son temple dans tua. Les Psaumes relatifs a Jerusalem, a sa beaute, a
les Psaumes religieux, triomphants, prophetiques ou ses epreuves, a ses triomphes, aux destinees glorieuses
elegiaques des fils de Core et d'Asaph. Le groupe des que Dieu lui reserve, sont des chants prophetiques qui
cantiques graduels (Psaumes du pelerinage hierosoly- ont bien plus en vue 1'Eglise et la Jerusalem celeste que
mitain) est plein de vie, de fraicheur, de naivete, d'en- celle de la terre, comme on le volt dans LXXXVI (LXXXVII),
thousiasme; il donne les lecons de la foi la plus sublime cxxi (cxxn), CXLVII, et autres. Les Psaumes historiques,
et de la morale la plus pure dans une langue simple, outre leur sens propre deja suffisant a remplir 1'esprit
animee et populaire. Aucune litterature n'a rien qui des pensees de la puissance, de la bonte et de la justice
egale le sentiment de confusion, de repentir, de con- de Dieu dans la conduite d'Israel, ont en outre un sens
fiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul
penitence, surtout du Miserere et du De profundis. et de toute 1'Ecriture : Hsec omnia in figura continge-
Aucune histoire n'a ete decrke comme celle d'Israel bant illis. I Cor., x, 11. C'est ainsi que le Psaume ex
dans les trois Psaumes Confitemini, YExurgat, Yin (cxi) relatif a la sortie d'Egypte, aux prodiges du desert,
exitu Israel; nulle religion, nulle philosophic n'a ete a Ja promulgation de la loi, a la prise de possession de
exposee, developpee, meditee et surtout exalteeetaimee la Palestine est applique par les Peres a la conversion
comme la loi de Jehovah dans les Psaumes moraux des nations, a leur evangelisation, aux biens spirituels
I, cxix(cxvm). Aussi saint Jerome pouvait-il ecrire dans de 1'Eglise, a la patrie celeste; on peut dire que e'en
sa Prssf. in Chronic. Euseb., t. xxvii, col. 36 : Quid est 1'interpretation generate dans saint Augustin, Enar-
Psalterio canorius, quod in morem nostri Flacci rationes in Psalm., t. xxxvn, col. 67-1966. Enfin les
et Grasci Pindari nunc iambo currit, nunc alca'ico per- Psaumes personnels sont rediges de telle sorte que leur
sonal! L'impression de beaute et de perfection ne texte, loin d'etre particulier a David, a Asaph ou aux
fait que s'accroitre si Ton met en face des Psaumes autres Psalmistes, trouve une application facile a la vie
hebreux les chants religieux des autres peuples, Vedas, intime de chacun des lecteurs, comme deja on en voit,
Gathas, textes egyptiens, psaumes assyriens et babylo- la remarque dans saint Athanase, Epist. ad Marcellin.,
niens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le t. xxvn, col. 19 : Hoc sibi proprium et admirandiim
plus de nos Psaumes; mais malgre des coincidences habet quod etiani ttniuscujusque animimotus eorum-
partielles, ils en demeurent encore separes de toute la que mutationes et castigationes in se descripla et
distance de 1'humain au divifl. expressa contineat... singulu in rebus quisque repe-
XIV. LES PSAUMES ET LA RECITATION DU BREVIAIRE. — riet divina cantica ad nos nostrosque motus mo-
La recitation du Breviaire cree pour ceux qui y sont tnumque temperationes accommodata. Les Psaumes
obliges, une veritable necessite de faire une etude spe- de la penitence, ceux de recours a Dieu au milieu des
837 PSAUMES (LIVRE DES) — PSAUMES APOCRYPHES 838
adversites, de la maladie, de la vieillesse, des ennemis, t. LXX, col. 9-1056; et un inconnu place parmi les ceu-
des calotnniateurs, conviennent merveilleusement a vres de Rufin, In LXXV Davidis Psalmos commenta-
1'Eglise, et a chaque a me chretienne aii milieu de ses rius, t. xxi, col. 641-960.
epreuves interieures et exterieures, peches, tentations, 2° Le moyen age ne fit que compiler Jes Peres,
miseres de toute espece. On Irouvera le developpement quelques-uns en y ajoutant des raisonnements et une
de ces indications 'generates dans Bacuez, Du Saint- forme scoJastique : on peut citer Bede, Richard de
Office, 1872, p. 101-109; .Vigouroux, Manuel biblique, saint Victor, Pierre Lombard, saint Thomas d'Aquin,
1895. t. ii, p. 358-363; Bossuet, Explication da Psautier; saint Bonaventure, Denys le Chartreux; Nicolas de Lyre
dom Martianay, Les Psaumes de David et les Canli- £t Paul de Burgos emploient des sources rabbiniques,
ques de 1'Eglise, 1705; Wolter, Psallitesapienter, 1883; 1'un dans ses Postillse, 1'autre dans ses Additiones edi-
Ad. Schulte, Die Psalmen des Breviers, 1907. teesavecla Biblia Maxima cum glossadu moyen age; on
XV. BIBLIOGRAPHIE. — Une bibliographic des corn- y retrouve assez confusement les opinions de Raschi de
mentaires du Psautier absolument complete serait d'une Troyes, Aben-Ezra et David Kimchi. Sur les commen-
longueur demesuree et sans utilite : nous nous borne- taires des Juifs medievaux, voir Frz. Delitzsch, Kom-
rons a mentionner les principaux, et pour 1'epoque des mentar fiber den Psalter, Einleitung, 1873, t. i, p. 41,
Peres d'apres 1'ordre de la patrologie de Migne. — ou la traduction anglaise, 1895, t. i, p. 55-57.
1° S. Hippolyte, In Psalmos fragmenta, t. x, col. 606- 3° Auteurs modernes : M. A. Flaminius : In librum
616, 711-724; Origene, Selecla in Psalmos, I. xn, Psalmorum brevis expositio, 15S5; Jansenius Ganda-
col. 1013-1685; Homilise inPs. xxxvi-xxxvnia Rufino vensis, Paraphrasis in omnes Psalmos Davidicos, 1614;
translalse et excerpta e calenis, t. xr/, col. Genebrard, Commentarius in Psalmos, 1582 (dans
t. xvn, col. 105-149; ce sont les restes de ses Migne, Cursus Completus S. Sacrss, t. XIV-XY)"; Agelli,
ff)-oXta et des 6;j.0,£ai sur les Psaumes; y joindre pour Commentarius in Psalmos, 1611; BelJarmin, Expla-
le texte et sa critique Field, Origenis Hexaplorum quse natio in Psalmos, 1611; Simon de Muis, Commentarius
supersunt, t. 11, p. 83-305. Eusebe et Theodoret chez in omnes Psalmos cum versione nova, 1630; Bossuet,
les Grecs, saint Hilaire et saint Ambroise chez les la- Liber Psalmorum, 1690; Notse in Psalmos cum disser-
tins, lui ont beaucoup emprunte, c'est ce qui explique tatione in libr. Psalmorum, Lyon, 1691; Supplenda in
les coTncidences verbales qu'on remarque entre eux. Psalmos, Paris, 1693; Bellenger, Liber Psalmorum
-Eusebe de Cesaree, Commentarii in Psalmos, t. xxm, cum notis, 1629; Reinke, Die Messianischen Psalmen,
col. 65-1396; t. xxiv, col. 9-76; commentaire utile et 1857-1858; Scheg, Die Psalmen, 1857; Rohling Die
nullement influence par les idees un peu ariennes de Psalmen, 1871; Thalhofer, Erkldrung der Psalmen,
1'auteur; S. Athanase, Epist. ad Marcellinum, t. xxvii, Ratisbonne, 1880; Wolter, Psallite Sapienter, 1883;
col. 11-46; Exegeses in Psalmos, t. xxvii, col. 55-546; Bickell, Der Psalter, 1884; Van Steenkiste, Commenta-
De titulis Psalmorum t. xxvn, col. 645-1314; 1'une rius in librum Psalmorum, 1870; Patrizi, Cento Salmi
et 1'autre d'authenticite douteuse; Fragments, t. xxvii, tradotti e contmenlati, 1875; Minocchi, 1 Salmi tra-
col. 547-590; S. Basile, Homilise in Psalmos, t. xxix, dotti dal teslo ebraico, 1895,1902; H. Laurens, Job et les
col. 209-494; Pseudo-Basile, t. xxx, col. 72-117; Apolli- Psaumes, 1839; de la Jugie, Les Psaumes d'apres Vhc-
naire de Laodicee, Explication metrique des Psaumes breu, 1863; Mabire, Les Psaumes traduits en francais
(fragments), t. xxxn, col. 1313-1537; S. Didyme sur le texte hebreu 1868; Le Hir, Les Psaumes traduits
d'Alexandrie, Explication des Psaumes (fragments), de I'hebrcu en lalin avec la Vulgate en regard, Paris,
t. xxxix, col. 1155-1615; Asterius d'Amasa, Homelies 1876; Lese'lre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883; Fil-
sur les Psaumes v-vn, t. XL, col. 389-477; S. Gregoire lion, Les Psaumes commentes selon la Vulgate et
de Nysse, Stir le litre des Psaumes, t. XLIV, 431-608; I'hebreu, 1893; Crampon, Le livre des Psaumes, tra-
Explication du Psaume VI (fragment), ibid., col. 608- duction sur la Vulgate avec sommaire et notes, 1889;
615; S. Jean Chrysostome, Expositio Psalmorum (in- Flament, Les Psaumes traduits en francais sur le
complet), long, moral, mais aussi litteral et interes- texte hebreu, 1898; Boulleret, Les Psaumes selon la
sant, t. LV, col. 35-528; fragments douteux, t. LV, Vulgate, leur veritable sens litte'ral, Paris, 1902; M.-B.
col. 527-784; Theodore de Mopsueste, Fragments, t. LXVI, d'Eyragues, Les Psaumes traduits de I'hebreu, Paris.
col.641-696; (voir aussi Batiffol, Litter, grecque, 1897, 1904; E. Pannier, Les Psaumes d'apres I'hebreu en
p. 297); S. Cyrille d'Alexandrie, Interpret. Psalmo- double traduclion, Lille, 1908. — HeterodoxeS : *Ro-
rum _(incomplet), t. LXIX, col. 699-1274; Theodoret, senmuller, Scholia in Psalmos, 1821-1823; * de Wette,
Interpretatio Psalm., t. LXXX, col. 857-1998 (le plus Commenlar uber die Psalmen, 4e edit., 1836; *Hitzig,
ulile parmi les Grecs, avec S. Jean Chrysostome); Euthy- die Psalmen, 1863-1865; * Hengstenberg, Commentar
mius de Zigabene, Comment., t. cxxvm, col. 41-1326 uber die Psalmen, 2e edit., 1845-1852; *Ewald, Poet.
(forme d'extraits). — Peres latins : S. Hilaire de Poi- Bucherdes A. B., t. 11, 2 e edit., 1886; *Hupfeld-Riehm,
tiers, Tractatus super Psalmos : c'est Origene abrege, Die Psalmen, te edit., 1867-71: * Hupfeld-Nowack, 1888;
traduit et expurge, t. ix, col. 231-908; S. Ambroise, * Graetz, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, 1882-
Enarrationes in xn Psalmos (XXXV-XL, XLIII,XLV, XLVII, 1883; * Frz. Delitzsch, Commentar uber den Psalter,
XLVIII, LXI) et Expositio in Psalmum cxvin, t. xiv, 1859-60; 5<* edit., 1894; Delitzsch-Bolton, traduction an-
col. 921-1526; oratoire et moral plus qu'exegetique; glaise revisee,1895; *Duhm, Die Psalmen erkldrt, 1899,
S. Jerome, Liber Psalmorum juxta hebraicam verila- dans le Hand-Commentarde Marti; *Perowne, The Book
tem, traduction soignee sur l'hebreu,t. xxvm, col. 1123- of Psalms, 1878; * Cheyne, The Book of Psalms, 1888,
1240; Excerpta dePsalterio ou Enchiridion beati Hie- E. PANSIER.
ronymi in Psalmos, public par D, Morin sous le litre : 2. PSAUMES APOCRYPHES. Independamment des
Sancti llieronymi, qui deperditi hactenus putabantur, « Psaumes de Salomon » (col. 840), on connait quel-
commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895; Epistolse, ques Psaumes apocryphes, peu importants. — Leur
t. xxn, col. 433, 441, 837; Breviarium in Psalmos (non forme exterieure est en gros celle des Psaumes cano-
authentique, mais forme d'extraits de saint Jerome et au- niques. Les pensees sont pour la plupart litteralement
tres); t. xxvi, col. 821-1300, trop allegorique; S. Augus- extraites des ecrits, poetiques et autres, de 1'Ancien
tin, Enarrationes in Psalmos, t. xxxvn, col. 67-1966 Testament. Le plus connu de ces Psaumes est celui
(commentaire moral et pieux : tout y est applique au qu'on trouve dans les Septante, a la fin du Psautier,
Christ et a 1'ame chretienne; il est abrege dans S. Pros- sous le chiffre CLI. D'apres son litre, il aurait ete
per d'Aquitaine, Expositio in Psalmos C-CL, t. LI, compose par David, en souvenir de son combat avec
col. 277-426); Cassiodore, Expositio in Psalterium, Goliath; il est designe en propres termes, dans
839 PSAUMES APOCRYPHES — PSAUMES DE SALOMON 840
ce meme litre, comme etant « en dehors du nombre » 4. Aie pi'tig, Seigneur, et sauve ton saint de la destruction,
canonique de 150. C'est une composition pseudepigra- Afin qu'il puisse raconter tes louanges dans tous les temps
phique, qui a pour base les recits de I Reg., xvi, 1-13, Et qu'il puisse louer ton grand nom,
5. Lorsque tu 1'auras delivre" des mains du lion destructeur et
et xvn, 1-51. Saint Jerome 1'a traduit en latin, comme fdu loup furieux,
les autres Psaumes. Voir Psalterium juxta Hebrseos Et lorsque tu auras delivre ma captivite des mains des
Hieronymi, edit, de Lagarde, 1874, p. 151-152; F. Vi- [betes fauves.
gouroux, Manuel biblique, t. n, 12e edit., p. 476. Le 6. Vite, 6 mon Seigneur, envoie devant moi un sauveur,
voici traduit en franeais, d'apres la version syriaque Et tire-moi de la fosse beante qui m'emprisonne dans ses
publiee par M. Wright; elle contient quelques variantes [profondeurs.
interessantes. Le cinquieme Psaume fut c prononce par* David
lorsqu'il rendit graces a Dieu, qui 1'avait delivre du lion
1. J'etais le plus.jeune parmi mes freres et du loup, apres qu'il les eut tues 1'un et 1'autre. » II
Et un jeune homme dans la maison de mon pere.
2. Je faisais paitre le troupeau de mon pere; a egalement six versets. « Toutes les nations » sont in-
Et je trouvais un lion et un loup, vitees a louer Dieu de cette delivrance.
Et je les tuais et les mettais en pieces. Personne ne s'est prononce, que nous sachions, sur
3. Mes mains flrent une flute, 1'origine de ces cinq Psaumes. Le premier, ou CLie des
Et mes doigts fabriquerent une harpe. Septante, est assez ancien. Les quatre autres pour-
4. Qui me montrera mon Seigneur? raient bien appartenir a la meme epoque. Mais les do-
Lui, mon Seigneur, est devenu mon Dieu. cuments font defaut, de sorte qu'on ne saurait se pro-
5. 11 m'a envoye son ange,
Et il m'a pris derriere le troupeau de mon pere, noncer avec certitude a ce sujet.
Et il m'a oint avec 1'buile d'onction. J. A. Fabricius a publie depuis longtemps deja,, en
6. Mes freres, eux, beaux et grands, latin, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli,
Le Seigneur ne s'est pas complu en eux. 2e edit., Hambourg, 1822, t. I, p. 21-26, deux pre-
7. Et je sortis a la rencontre du Philistin, tendus « Psaumes d'Adam et d'Eve. » Ces deux pieces
Et il me maudit par ses idoles. ne meritent guere d'attirer 1'attention. Comme le dit
8. Mais je tirai son epee et je coupai sa tete, Fabricius, loc.cit,, p. 21, c'est un franciscain portugais,
Et j'enlevai 1'opprobre des fils d'Israel.
nomme Amodeus, ne en 1474, qui les mit par ecrit
En 1887, M. William Wright, a publie dans les a la suite d'une revelation qui les lui aurait fait con-
Proceedings of the Society of Biblical Archeology, naitre. Le premier aurait ete compose par Adam, apres
t. ix, Londres, p. 256-266, en syriaque et en anglais, la creation d'Eve. C'est un developpement assez peu
sans notes ni commentaires, cinq Psaumes apo- poetique de Gen., n, 20b-24; on y annonce indirecte-
cryphes, decouverts par lui dans un manuscrit sy- ment la naissance du Messie : Filius ex matre sine
riaque qui appartient actuellement a la bibliotheque palre orietur. — Le second Psaume, qui est cense avoir
de I'Universite de Cambridge. A part ie premier, qui ete compose apres la chute de nos premiers parents,
reproduit le Ps. CLI, ces poemes ctaient inedits contient sept strophes assez etendues, qui sont attri-
jusqu'ici. Le manuscrit dont ils font partie contient butes, la premiere a Adam, la seconde a Eve, la troi-
un traite de theologie compose par un eveque nomme sieme, Ja quatrieme et la cinquieme a Adam, la sixieme
Elie, qui vivait vers 1'an 920 de notre ere. Voir Asse- et la septieme a Eve. II exprime les gemissements, les
mani, Bibliolheca orientalis, t. m, l re part., p. 258- sentiments de contrition, la demandede pardon d'Adam
259. Ce manuscrit ne remonte guere au dela de 1700. et d'Eve apres leur peche. Chaque strophe commence
On trouve aussi les cinq Psaumes dans un autre ma- par les mots : Adonai, Domine Deus, secundum ma-
nuscrit du meme ouvrage, date de 1'an 1703, conserve gnam misericordiam tuam miserere inei.
a la bibliotheque du Vatican. Les titres qui les prece- L. PILLION.
dent en attribuent trois a David, y compris le premier 3. PSAUMES DE SALOMON, livre apocryphe. -
d'entre eux, qui correspond au Ps. CLI; un autre est I. HISTOIRE ET NATURE BE CE RECUEiL. — On designe par
attribue a Ezechias; un autre est sans nom d'auteur. ce titre (TaX^o'i SO/O^.WVTO;) une petite collection
Le second a pour tilre : « Priere d'Ezechias, lorsque pseudepigraphique, qui se compose de dix-huit
ses ennemis 1'entouraient; » ce qui fait evidemment poemes rediges sous la forme des anciens psaumes, et
allusion a la situation deerite IV Reg., xvm, 13-xix, qui compte parmi les meilleurs et les plus interessants
37, et Is., xxxvi, 1-xxxvn, 38. — Le troisieme mor- des ecrits apocryphes de 1'Ancien Testament.
ceau de la petite collection syriaque publiee par 1« Transmission et editions principales. — L'anli-
M. Wright meriterait une attention sp^ciale. II est qu'te chretienne nxentionne tres rarement ce psautier.-
intitule : « Lorsque le peuple recut de Cyrus la per- Nous ne possedons meme a son sujet aucune citation
mission de rentrer dans la patrie. » Quoique 1'auteur patristique bien nette. Lactance, De divin. instil., iv,
parle a la premiere personne du singuller, c'est moins. 12, t. vi; col. 479, sigriale un texle emprunte, dit-il, a
en son nom personnel qu'en celui de toute la nation la « 19e odede Salomon, » mais qui n'arien de commun
theocratique qu'il presente a Dieu sa priere et sa re- avec le contenu de nos dix-huit psaumes, quoiqu'il
connaissance anticipee. Voir W. Baelhgen, Die Psal- semble supposer leur existence. Plus tard, il est ques-
men ubersetzl und erklart, Gcettingue, 1892, p. iv et tion de ce recueil d'une maniere directe dans plusieurs
XL. C'est le plus long de tous; il a vingt versets. — Du listes du canon chretien de 1'Ancien Testament. On le
quatrieme, il est <lit qu'il fut « prononce par David, range tantot parmi les Antilegomena, avec les livres des
lorsqu'il Inttait avec le lion et le loup qui ravissaient Machabees, la Sagesse de Salomon, 1'Ecclesiastique,
une brebis de son troupeau. » II n'est pas sans Judith, Tobie, etc. — c'est le cas pour la Synopsis |du
quelque couleur locale : pseudo-Athanase, t. xxvin, col. 450, et pour la Sticho-
metrie de Nicephore, cf. Kicephori opuscula, ed. de
1. 0 Dieu, 6 Dieu, viens a mon seeours. Beer, Leipzig, 1880, p. 134, et T. Zahn, Geschichie des
Aide-moi et sauve-moi; neutestamenll. Kanons, t. n, p. 299 — tantot parmi
D61ivre mon ame de 1'egorgeur. les apocryphes proprement dits, avec le livre d'Henoch,
2. Irat-je dans le sejour des morts par la gueule du lion? le Testament des douze patriarches, les apocalypses de
Ou le loup me ccuvrira-t-il de'confusion? Moi'se et d'Esdras, etc. II est encore cite par deux
3. N'est-ce pas assez pour eux d'avoir tendu des embuches au
[troupeau de mon pere, auteurs byzanlins du xne siecle, Zonaras et T. Balsa-
Et mis en pieces une brebis du troupeau de mon pere? mon. Voir Beverngius, Pandectse canonum,. Oxford,
(Faut-il) qu'ils desirent aussi detruire ma vie ? 1672, t, i, p. 481, T. Zahn, loc, cit., t. n, p. 288-289,
841 842
Au moyen age, il n'est plus question des Psaumes II. SUJET. — Le sujet traite par ces poemes a aussi
de Salomon, et ils avaient depuis longtemps disparu, une grande analogic, dans son ensemble, avec celui
lorsqu'ils furent publics a Lyon, en 1626, d'apres un des psaumes et des cantiques de 1'Ancien Testament.
manuscrit de la bibliotheque de Vienrie (Autriche), par II suffit, pour s'en convaincre, de lire le sommaire de
le jesuite J.-L. de la Cerda, comme appendice a son quelques-uns d'entre eux : I, Les peches et le chati-
ouvrage intitule Adversaria sacra, in-4°. Voir 0. von ment de Jerusalem; m, Contraste entre les justes et
Gebhardt, dans Texle und Vntersuchungen, t. xm, les pecheurs; iv, Description et denonciation de ceux
fasc. 2, p. 1-8. qui cherchent a plaire aux hommes; x, Les avantages
II ne faut pas confondre ces psaumes avec les cinq de 1'affliction; xi, La future restauration d'Israel. Mais
« odes de Salomon » que 1'auteur de 1'ecrit gnostique il a beaucoup moins d'ampleur, puisque les psaumes
Pistis Sophia a incorporees a son livre; elles en different de Salomon sont si peu nombreux et qu'ils furent
essentiellement. Voir Migne, Dictionnaire des Apo- composes, on le dira bientot, en vue d'une situation
cryphes, t. i, col. 955-958; Munter, Odse gnostics Salo- tres particuliere. Ils reviennent souvent sur les humi-
moni tributes, Havnise, 1812; A. Harnack, Texte und liations infligees au peuple juif, d'abord par un parti
Untersuchungen, t. vn, fasc. '2, 1891, p. 35-49; Ryle et national puissant, anti-theocratique, puis par un en-
James, Psalms of the Pharisees, p. xxm-xxvn, 155-161. vahisseur etranger qui a profane la capitale et le
Pendant tres longtemps, on se contenta de 1'edition temple, et ils presentent ces humiliations, ces souf-
princeps, fort imparfaite, publiee par le P. de la Cerda, frances, comme ajitant de chatiments que les Juife
Celle de J. A. Fabricius, irnprimee en 1713 dans le avaient merites par leurs fautes. Sous ce rapport, ce
Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, in-8°, 1.1, petit psautier rappelle les psaumes canoniques de
p. 914-999, n'en est guere que la reproduction tant soit 1'epoque chaldeenne, qui decrivent les peines analogues
peu modifiee. La premiere edition scientifique fut celle endurees par Israel. A ce theme douloureux est ratta-
de A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur wissenschaft- che 1'eloge perpetuel de la justice divine, et aussi
liche Theologie, 1868, p. 134-168, et dans le Messias 1'ardent desir de voir luire des jours meilleurs, et sur-
Judseorum, in-8°, Leipzig, 1869, p. 1-38; mais elle tout de voir apparaitre bientot le liberateur promis, le
n'avait pareillement pour base que le manuscrit de Messie. Voir Wittichen, Die Idee des Reiches Gottes,
Vienne, corrige d'apres des conjectures plus ou moins in-8", 1872, p. 155-160.
heureuses. II en estde meme des deux suivantes, prepa- Le portrait que les psaumes xvii et xvm tracent du
reesl'uneparun savant catholique, Ephrem Geiger, Der redempteur si impatiemment attendu a pour type les
Psalter Salomo's herausgegeben und erkldrt, in-8°, oracles messianiques de 1'Ancien Testament. II est re-
Augsbourg,1871, I'autreparleD^Fritzsche, Libriapocry- marquable en maint endroit, et depasse tout ce que
phl Veteris Testamentigrsece, in-8°, Leipzig, 1871, p.569- la.litterature apocryphe contient en ce sens. Cf. A. Bous-
589. Une sixieine edition, par M. B. Pick, fut inseree set, Die jiidische Apokalyplik, in-8°, Berlin, 1903,
dans la Presbyterian Review, 1883, p. 775-812. Celle p. 12-13; H. Monnier, La Mission historique de Jesus,
de MM. H. E. Ryle et M. R. James, ^FaXsj-ol SO),O{JIWVTO;, in-8", Paris, 1906, p. 20-21. Le Christ, le Xpta-rb,- Kupio;,
Psalms of the Pharisees, commonly called the Psalms comme il est nomme a deux reprises, xvii, 36, et xvm,
of Solomon, in-8°, Cambridge, 1891, realise de serieux 8, cf. Luc., n, 11, appartiendra a la race de David; il
progres, car ces savants purent collationner des exercera lui-meme la royaute, non-seulement sur les
manuscrjts nouvellement decouverts. Vint ensuite celle Juifs, mais aussi sur les pai'ens, qu'il soumettra a son
du D*1 H. B. Swete, dans 1'ouvrage Old Testament in sceptre tres puissant. 11 viendra a 1'epoque fixee par
Greek according to the Septuag'mt, in-12, t. in, Cam- Dieu, xvii, 23, a la suite de grandes epreuves subies
bridge, 1894; 2* edit., 1899, p. 765-787. La plus recente par la nation choisie, qu'il delivrera et purifiera de ses
et la meilleure de toutes est celle d'O. von Gehbardt, peches. II retablira les douze tribus d'Israel et rendra a
qui a pu consulter des manuscriis plus nombreux en- Jerusalem sa gloire anlique, materiellement et spiri-
core, decouverts au mont Athos et ailleurs; elle a paru tuellement, xvii, 26-29. II regnera par la saintete et la
dans les Texle und Untersuchungen zur Geschichte justice, par la sagesse et par la puissance. Neanmoins,
der altchristlichen Literalur, t. xm, fasc. 2, in-8°, dans ces psaumes comme au livre d'Henoch, le Messie
Leipzig, 1895, sousce litre : Die Psalm en Salomo's zum ne semble pas etre autre chose qu'un delcgue de Dieu,
ersten Male mit der Benulzung der Athoshandschrif- bien qu'il porte lui-meme le titre de « Seigneur ». II y
tenund des Codex.Casanatensis herausgegeben. a done une difference etonnante entre ce Christ et celui
2° Forme exte'rieure. — La forme de ces poemes est des Evangiles, qui, d'ailleurs, sauve les hommes avant
celle des Psaumes canoniquesqu'ils imitent tres osten- tout par ses souffrances et par sa mort. — Relativement
siblement sous le rapport des pensees, du style, de la a Dieu, nos psaumes enseignent le plus pur mono-
marche generate, dugenre poetique. Ils font de.frequents theisme. Par rapport a la vie future, leur doctrine ne
emprunts a 1'Ancien Testament, dont on enlend sans s'ecarte pas non plus de 1'Ancien Testament : les justes
cesse 1'echo en les lisant. Ils sont tres simples pour la seront a jamais recompenses; les mechants subiront
plupart etdepourvus d'originalite, d'elevation poetique, une damnation sans fin.
bien qu'ils renferment quelques beaux passages. Voir II existe une ressemblance frappante, assez souvent
en particulier les psaumes H, rv, vin, xi, xvii et xvm. lilterale, entre le Ps. xi de Salomon et le chap, v de
Chacun d'eux a son unite, son plan bien determine. Le la prophetie de Baruch. Plusieurs critiques protestants,
parallelisme des membres, ce trait essentiel de la poesie entre autres MM. Ryle et James, The Psalter of the
hebrai'que, y apparait avec toutes ses nuances; mais il Pharisees, p. LXXU-LXXVII, et le D r Schurer, Gesch. des
manque babituellementd'art etde distinction. — A part judisch. Volkes, 3 e edit.,t. m, p. 154, en ont concluque
le ier, les Psaumes de Salomon sont munis, comme celui qu'ils nomment Je pseudo-Baruch aurait connu et
^:eux du Psautier canonique, d'une petite inscription, utilise notre recueil. C'est le conlraire qui aurait plu-
qui en designe 1'auteur pretendu, TW So^wpiwv; le tot eu lieu, puisque le livre de Baruch est authen-
sujet, « sur Jerusalem, contre la langue de ceux qui tique et contemporain des oracles de Jeremie. Voir BA-
sont opposes a la loi, » etc.; la nature, « psaume », RUCH, t. i, col. 1475; E. Geiger, Der Psalter Salomo's,
« parmi les hymnes », « dithyrambe ». On trouve p. 137. D'ailleurs, la ressemblance en question est de
aussi, xvii, 31, et xvm, 10, 1'expression Sc'a^a^a, qui, telle nature, qu'elle peut s'expliquer fort bien aussi par
dans les Septante, represente 1'hebreu selah et qui une source commune, c'est-a-dire quelque priere litur-
parait supposer un emploi liturgique des Psaumes gique deja en usage a 1'epoque de Baruch.
qu'elle accompagne. III. DATE DE LA. COMPOSITION. — Elle etait, il y a cin-
843 PSAUMES DE SALOMON
quanta ans, 1'objetde discussions Ires vives. — l°D'assez rentes circonstances se rapportent a la conquete de
nombreuses critiques, a la suite du Dr H. Ewald, Jerusalem par Pompee, puis a sa mort (48 avant J.-C.).
Geschichle des Volkes Israel, in-8°, t. iv, 3e edit., « Les princes qui s'etaient arroge la royaute en Israel
p. 392, attribuaient aux psaumes de Salomon une date et s'etaienl empares du trone de David sont les Has-
assez reculee, celle du regne d'Antiochus Epiphane moneens, qui, depuis Aristobule Ier, portaient le tilre
(175-164 avant. J.-C.), et plus specialement celle de la de rois... L'homme etranger, qui frappe avec force,
prise de Jerusalem par ce prince (170 avant J.-C.). que Dieu a amene de Textremite de la terre, c'est
Naguere encore, le Dr W. Frankenberg essayait de faire Pompee. Les princes qui vont au devant de lui sont
revivre ce sentiment dans 1'ouvrage Die Datierung Aristobule II et Hyrcan II. Les partisans de ce dernier
der Psalmen Salomons, in-8°, Giessen, 1896. Comme ouvrirent les portes de la ville a Pompee, qui s'empara
preuves, ces savants alleguent en particulier les pas- ensuile par la force du reste de la ville, oil le parti
sages i, 8; n, 3; vin, 12-14, ou il'est parle de la profa- d'Aristobule s'etait retranche. Tous les autres details,
nation du temple et de 1'autel. Mais c'est a plusieurs la violation du temple par les envahisseurs, le massacre
reprises que des profanations de ce genre eurentlieu, des citoyens les plus distingues, la deportation des
a des epoques tres diverses, et rien n'indique que I'au- prisonniers en Occident, et aussi des princes pour
teur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se ratta- qu'ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces
chent a la persecution d'Antiochus Epiphane. Tout au details correspondent a 1'histoire, » telle qu'elle nous
contraire, il affirme que 1'oppresseur sacrilege d'Israel est racontee par les anciens historiens. Schiirer, Ge-
etait venu des extremites de 1'Occident, vn, 26,,tandis schichte des Volkes Israel, 3e edit., t. in, p. 152. Le
qu'Antiochus venait seulement de la Syrie pour atta- transport des prisonniers en Occident, xvii, 14, est
quer les Juifs. une circonstance decisive en cet endroit, car, inde-
2° D'autras, notamment Frz. Delitzsch, Commentar pendamment de la conquete de Jerusalem par Titus,
uber den Psalter, in-8°, t. n, Leipzig, 1860, p. 381, et de laquelle il ne saurait elre question ici, ce trait ne
T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, t. i, p. 243, retar- convient a aucune autre vieloire que celle de Pompee.
daient la composition de ces poemes jusqu'a 1'epoque S'il restait encore quelque doute, il disparait des qu^on
d'Herode le Grand (40 avant J.-C. - 1 apres J.-C.Rega- lit les details relatifs a la mort du conquerant, tant ils
lement sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince correspondent a la lettre avec ce que les anciens au-
serait « 1'homme etranger » qui s'eleva centre la dynas- teurs nous racontent ,de la fin tragique de Pompee.
tie alors regnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c'est Cf. Plutarque, Ponipee, LXXX, i-2; Tacite, Hist., v, 9;
la une erreurmanifeste d'interprefation, car « 1'homme Strabon. XVI, n, 40; Dion Cassius, xxxvm, 15-16;
etranger » ne differepas en reajite de 1'envahisseuren- XLIJ, 3-8. Voir aussi Josephe, Bell, jud., I, vi-xix;
nemi qui s'empara de Jerusalem et emmena captifs des Ant. jud., XIV, in-iv; Orose, Hist. EccL, vi, 6,
Juifs nombreux, xvn, 14; cequi ne futnullement lecas t. xxxi, col. 1004-1U06. En somme, les Psaumes de
pour Herode. Salomon appartiennent a la derniere periode de 1'his-
3° L'historien juif H. Gratz, Geschichte der Juden, loire de 1'ancienne theocratie.
2e edit., in-8°, Leipzig, t. in, p. 439, est alle encore IV. ESPRIT RELIGIEUX DE CES PSAUMES. — II COn-
plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon firme ce que nous venons de dire au sujet de 1'epoque
aurait eu une origine chretienne, et en lui assignant de leur composition. II ne differe pas de 1'esprit legal,
comme date la fin du premier siecle de notre ere; mais de 1'esprit pharisaique, tel qu'il est si bien decrit dans
il a abandonne son opinion dans une edition subse- nos evangiles; aussi, plusieurs des savants qui se sont
quente. On ne trouvepas, dans ce recueil, le plus leger occupes de ce petit psautier, entre autres MM, Ryle
detail qui trahisse la main d'un chrelien. et James, 1'ont-ils nomme assez justement « le psautier
4° On admet tres generalement aujourd'hui que ces des pharisiens. » Voir col. 841. TJne tres grande impor-
dix-huit poemes furent composes vers 1'epoque de la tance y est altachee aux oeuvres legales; c'est d'elles
conquete de Jerusalem par Pompee, en 63 avant J.-C.; que nos psaumes font dependre la resurrection pour
quelques-uns peut-etre avant cette date, quelques la vie eternelle ou 1'eternelle condamnation. La Sixaio-
autres certainement un peu plus tard, de sorte que les ff'jv/i TtpoCTTayfxdtTwv, c'est-a-dire 1'accomplissement inte-
annees 80-40 avant notre ere peuvent servir de date gral, non pas precisement de la loi divine, mais sur-
moyenne. En effet, les psaumes de Salomon, surtout tout des prescriptions pharisai'ques, y apparait comme
les psaumes n, vin, xvii, supposent la situation sui- le comble de la vertu. Cf. m, 16; ix, 9; xiv, 1, etc.
vanle : Les Juifs sont gouvernes par des rois qui Les psaumes de Salomon doivent done avoir ete com-
n'appartiennent pas a la race de David, xvii, 5-8, mais poses dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors
a une fumille d'usurpateurs qui se sont empares de la de toutes ses forces contre le parti sadduceen. Ces
couronne, et sous 1'administration desquels toute la cantiques insistent frequemment sur le contrasle qui
nation est tombee dans le peche, xvii, 7-8, ,21-22. Le existe entre les hommes pieux et les impies, les jusles
.Seigneur renversera ces mauvais princes; contre eux et les peclieurs. Mais ces denominations sont prises
s'est leve un envahisseur etranger, qui, conduit par surtout par le dehors : les hommes pieux sont ceux
Dieu, est arrive des extremites de la terre, declarant qui pratiquent les observances pharisai'ques; par contre,
la guerre a Jerusalem et a la nation entiere, xvii, 8-9. les impies ne different pas des Sadduceens. — On voit
Les chefs du people sont alles au devant de lui et lui par ces details que les Psaumes de Salomon sont d'un#
ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu'il y est grande utilite pour nous faire connaitre le judaiisme
entre comme dans sa propre maison, vin, 15-20. Apres de 1'epoque a laquelle ils appartiennent, avec ses senli-
s'etre installe dans la cite, il a massacre de nombreux ments religieux, son ideal politique et historique.
habitants, choisis parmi les plus distingues, et il a V. AUTEUR. — Le P. de la Cerda, qui admeltait
renverse les remparts au moyen du belier. Cf. 11, 1, Fauthenticite du titre general, « Psaumes de Salomon »,
20; vin, 21-24. L'autel du Seigneur n'a pas ete epargne, et des litres speciaux places en tete de la plupart de
n, 2. En grand nornbre aussi, d'autres citoyens ont ete ces dix-huit cantiques, « de Salomon », etc., croyait
emmenes captifs dans 1'Occident, et les princes ont subi que Salomon etait reellement 1'auteur de notre collec-
d'odieux outrages. Cf. n, 6; VIH, 24; xvii, 13-14. Mais tion. Mais cette opinion. condamnee, nous venons de
finalement, le « dragon » qui avail humilie Jerusalem le voir, par le contenu meme<des poemes, fut refutc'e
a peri lui-meme, egorge pres des montagnes d'Egypte, de bonne heure et ne frouva des lors aucun defenseur
sur la mer, et son cadavre a ete prive d'une sepulture sefieux. Cf. Huet, Demonslr. evangel., iv; Neumann,
honorable, n, 29-31. Or, il est evident que ces diffe- De Psaltcrio Salomonis, Wittemberg 1687. Aucun de-
845 P S A U M E S DE SALOMON PTOLEMEE 846
tail, en effet, ne contient la plus petite allusion au roi versile catholique, Lyon, 1893, p. xn, 94-131, 251-275;
Salomon. Peut-etre est-ce le passage III Reg., iv, 32, Frankenberg, Die Datiet°ung der Psalmen Salomo's,
qui a suggere le titre « Psaumes de Salomon », ajoute, ein Beitrag zur judischen Geschichte, in-3°, Giessen,
non par 1'auteur lui-me'me, mais plus tard, sans qu'on 1896; Levi,,Les dix-huit Benedictions et les Psaumes
puisse dire a quelle epoque. de Salomon, dans la Revue des Etudes juii-es,t. xxxn,
On ne peut designer 1'auteur que d'une maniere Paris, 1896, p. 161-178; W. Baldensperger, Die mes-
generate et approximative. II etait Juif, et appartenait sianisch-apokalyptischen Hoffnungen des Judentums,
au parti pharisai'que, comme le montre sa vive pole- 3e edit., Strasbourg, 1903, in-8», p. 33-36; E. Kautzsch,
mique centre les Sadduceens, qui sont pour lui les Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Tes-
« pecheurs » et les « transgresseurs » par excellence, taments... ubersetzt und herausgegeben, gr. in-8°, Fri-
tandis que les Pharisiens sont les « justes » et les bourg-en-Brisgau, 1900, p. 127-148. L. FILLION.
« saints ». Ces derniers out actaellement le dessous;
leurs adversaires sont au pouvoir, riches et puissants. PTOL^MA'iDE (nioXspt.^?), ville de Palestine,
L'auteur devait habiter la Palestine, comme le prou- nornmee primilivement Accho et plus tard Saint-Jean
vera ce que nous dirons de la langue primitive du d'Acre. Elle rec.ut le nom de Ptolemai'de quand elle
livre; peut-etre residait-il a Jerusalem. Son ceuvre tomba en la possession de Ptolemee II Philadelphe,
donne de lui une idee favorable; c'etait un hornme roi d'Egypte, et elle figure sous ce nom dans Fhistoire
pieux et humble. —On a parle quelquefoisdeplusieurs des Machabees, I Mach., v, 15, 22, 55; x, 1, 39, 56, 57,
auteurs distincts pour le recueil; mais cela ne parait 58, 60; xi, 22, 2, 4; xn, 45, 48; xni, 12; II Mach.,
pas vraisemblable, tant il y a d'unite dans le style, xnr, 24, 25, et dans 1'hisioire de saint Paul. Act., xxi,
1'esprit et les pensees. 7. Voir ACCHO, t. I, col. 108.
VI. LA LANGUE PRIMITIVE. — On ne possede aujour-
d'hui les Psaumes de Salomon qu'en grec. Auraient-ils PTOLEMA'lDtENS (grec : o5 n-coXe^asTc; Vulgate :
ete composes dans cet idiome? C'est ce qu'a pense Ptolemenses), habitants de Ptolemai'de. I Mach., xn, 48;
I'ev^que d'Avranches, Huet, loc. cit. D'autres encore II Mach., xni, 25. Voir PTOLEMAI'DE.
1'ont fait a sa suite, specialement le Dr Hilgenfeld, qui
leur attribue 1'Egypte comme lieu d'origine. Mais il est, PTOLEMEE (grec : ntoXepiaro;; Vulgate : Ptole-
aujourd'hui, a peu pres seul de son avis, car c'est rtisnus}, nom de plusieurs rois d'Egypte et de quatre au-
presque a Tunanimite que Jes critiques declarent qu'on tres personnages dans 1'Ecriture. Le nom grec signifie
doit regarder 1'hebreu, ou tout au moins 1'arameen, et « belliqueux », de TCTO),£[JIO;, pour TtoXsp-oc, « guerre ». On
non pas le grec, comme la langue originale. Le grec le trouve deja dans 1'IHade, iv, 228. Voir W. Pape,
actuel n'est done qu'une traduction.faite de tres bonne Worterbuch der griechischen Eigennamen, 36 edit.,
heure, ou pour les Juifs disperses, ou pour les chre- t. n, p. 1271. II devint surtout celebre a partir d'Alexan-
tiens, qui ne tarderent pas a prendre gout a ces dre le Grand, lorsqu'un de ses generaux, Ptolemee, fils
psaumes. A 1'appui de ce fait, on allegue plusieurs de Lagus, eut fonde la dynastie a laquelle on a donne
preuves, « avec une entiere certitude, » dit le Dr Kittel, son nom.
dansKautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen 1° Dynastie. — Les Ptolemees ou Lagides ont regne
des Alten Testam., Fribourg, 1899, t. n, p. 129. La pre- en Egypte depuis la mort d'Alexandre le Grand jusqu'a
miere, qui est aussi la meilleure, consiste dans un la mort de CleopaVre VI (323-30 avant J.-C.), ou ce
coloris hebrai'que tres sensible. Le texte grec est telle- royaume devint province irnperiale romaine.
ment« maladroit », Reuss,6escft. der heiligen Schrif-
ten des A. T., 1881, p. 652, que 1'hebreu apparait pour TABLEAU CHRONOLOGIQUE DE LA DYNASTIE DES LAGIDES
ainsi dire a travers. Les temps des verbes, en parti- AvantJ.-G.
culier, ont ete sou vent mal rendus; parfois, dans un Ptolemee I Br Soter, satrape 323-305
seul et meme passage, on trouve de curieux exemples Ptolemee I" Soter, roi 305-285
de cette confusion. Cf. in, 8-10; xvn, 8-12, etc. II faut Ptolemee II Philadelphe 285-247
Ptolemee III Evergete I" . 247-222
recourir aThypothese d'un texte hebreu primitif pour Ptolemee IV Philopator 222-204
expliquer ces difficultes. Voir Ryle et James, loc. cit., Ptolemee V Epiphane 204-181
p. LXXVII-LXXXVII. II n'est done pas possible de dire Ptolemee VI Philometor 181-146
que nous avons ici de simples hebrai'smes, comme Ptolemee VII Evergete II 170-117
dans la traduction des Septante. En second lieu, nous Ptolemee VIII Eupator Mort en 146
avons vu que ces Psaumes avaient tres probablernent Ptolemee IX Neos Philopator . . . . Mort en 130
une destination liturgique; or, ce fait suppose aussi que Ptolemee X Philometor Soter II (Lathyros) . . 116-108
1'hebreu etait la langue originale. Ptolemee XI Alexandra I" Philometor . . . . 108-88
Ptolemee X Soter II restaure 88-86
VII. BIBLIOGRAPHIE. — Independamment des ouyra- Ptolemee XII Alexandre II 80 (?)
ges dies ci-dessus, voir G. Janonski, Disserlatio de Ptole'mee XIII Philopator II Philadelphe Necs
psalterio Salomonis^ WiUemberg, 1681; Migne, Dic- Dionysos (A-uletes) 81-58
•tionnaire des apocryphes, t. i, Paris, 1856, col. 939- Berenice IV. 58-55
956; J. Langen, Das Judenthum in Paldstina zur Zeit Ptolemee XIII restaure 55-51
Christi, • in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 64-70; Cleopatre VI Philopator 51-30
Ptolemee XIV Philopator 51-47
A. Carriere, De Psalterio Salomonis, in-8°, Strasbourg, Ptolemee XV Philopator 47-44
1870; A. Hilgenfeld, Die Psalmen Salomo's deutsch Ptolemee XVI (Cesar Philopator Philometor). . 44-30
ubersetzt undaufs neue untersucht, dans la Zeitschrif't L'Egypte devient province imperiale sous Au-
fur wissenschaftliche Theologie, 1871, p. 343-418; guste , 30
M. Vernes, Histoire des Idees messianiques, in-8°, Pa-
ris, 1874, p. 121-135; J. Wellhausen, Die Pharisaerund 2° Bibliographic des Lagides. — J. Vaillant, Historia
.die Sadducaer, in-8", Greifswalden, 1874, p. 112-164; Plolemseorum dlgypti regum ad fidem numismalum
J. Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, in-8°, accommodata, Amsterdam, 1701; J. J. Champollion-
Toulouse, 1887; B. Stade, Geschichte des Volkes Israel, Figeac, Annales des Lagides, 2 in-8°, Paris, 1819-1820;
in-8°, Berlin, 1888,1.11, p. 448-456; 0. Zockler, Die Apo- A.-J. Letronne, Recherches pour servir a I'histoire de
kryphen des Alten Testaments, in-8°, Munich, 1891, VEgypte pendant la domination des Grccs et des Ro-
p. 405-420; W, J. Deane, Pseudepigrapha, in-8°, Londres, mains, in-8°, Paris, 1823; S. Sharpe, History of Egypt
1891 ;E. Jacquier, Les Psaumes de Salomon, dans 1'ZJm- under the Ptolemies and the Romans,^ edit., Londres,
847 PTOLEMEE Ier SOTER — PTOLEMEE II PHILADELPHE 848
1852; R. St. Poole, The Ptolemies Kings of Egypt 1'imita et se declara roi a son tour (305). Une tentative
(Catalogue of the Greek Coins of the British Museum), d'invasion de 1'Egypte par Antigone echoua. — Quelques
in-8°, Londres, 1882; Max L. Strack, Die DynUstie der anneesauparavant, en316,un autre general d'Alexandre,
Ptolemaer, in-8», Berlin, 1897; J. N. Svoronos, Ta Seleucus, satrape de Babylone, traque par Antigone,
NotxtufiaTX TOU Kparouc TWV H™\e\i.a.ia>v, 3 parties en s'etait refugie en Egypte aupres de Ptolemee. Profi-
1 in-f°, Athenes, 1904; Paul M. Meyer, Das Heenvesen tant de circonstances favorables, Seleucus avait repris,
der Ptolemaer und Romer in Aegypten, in-8°, Leipzig, en 322, sa satrapie de
1900; J. P. Mahafly, The Empire of the Ptolemies, Babylone, et son retour,
in-16, Londres, 1895; Id., A History of Egypt under d'apres 1'opinion com-
the Ptolemies (t. iv de 1'History of Egypt de Flinders mune, marque le com-
Petrie), in-16, Londres, 1899; E. R. Bevan, The House mencement de 1'ere des
of Seleucus, 2 in-8°, Londres, 1902; E. W. Budge, Seleucides (ler octo-
History of Egypt from the end of the neolithic period bre 312). En 302, Se-
to the death of Cleopatra, t. vn et vin, in-16, Londres, leucus se ligua avec
1901; A. Bouche-Leclerq, Histoire des Lagides, 2 in-8°, Ptolemee et quelques
Paris, 1903-1904; B. Niese, Geschichte der griechischen autres contre Antigone.
und makedonischen Staaten seit der Schlacht bei Ce dernier iut vaincu
Chaeronea, 3 in-8«, Gotha, 1893-1903. et tue a la balaille
F. VlGOUROUX. d'Ipsus (301). Ptolemee
1. PTOLEMEE ler SOTER, roi d'Egypte, n'est pas n'avait pas pris part a
norame par son nom dans 1'Ecriture, mais Daniel pre- la bataille. Aussi les
dit son avenement (fig. 186). II etait ne vers 367 et, coalises ne lui rendi-
rent-ils ni Cypre ni la
Phenicie, et la Coelesy-
rie fut attribuee a Se-
leucus, qui fonda aussi-
tot Antioche (300) et en
fit sa capitale. Strabon,
xvi, 4-5; Appien, Syr.,
57. Seleucus fut alors
« plus fort » que Pto-
K'mee. Celui-ci reussit
a reprendre Cypre en
295, mais la Phenicie
ct la Cffilesyrie avec la
186. — Monnaie de Ptolemee I" Soter. Judee resterent a Seleu-
Tete de Ptolemee Soter, a droite. Devant le nez une contre-marque. cus. En 284, Ptolemee
— R). DTOAEMAIor BASlAf:ai:. Aigle debout sur un foudre, a abdiqua en faveur de
gauche; dandle champ, a gauche, un monogramme. son plus jeune fils, Pto-
lemee II Piladelphe, et
quoiqu'il passat pour fils de Lagus, Macedonien de bonne il mourut environ deux
naissance, on le croyait fils de Philippe, roi de Mace- ans apres (283).
doine, et d'Arsinoe. Q. Curce, IV, vin, 22; Pausanias, I Dans une de ses ex-
vi, 2. II jouit d'une grande faveur aupres d'Alexandre le peditions en Syrie, a
Grand et il se distingua par sa bravoure et par son habi- unedateincertaine,mais
lete militaire, dans la campagne de 1'Inde en particulier. probablement vers 320,
Arrien, Anab., iv, 24, 25, 29; v, 13, 23, 24; vi, 5, 11; Ptolemee avait mis a
Q. Curce, VIII, x, 21; xui, 13-27; xiv, 15; IX, v, 21. Apres profit le repos impose
la mort d'Alexandre, il reussit a se faire donner le gou- aux Juifs le jour du 187. — Statue colossale greco-
vernement de I'Egypte et chercha aussitot a y elablir sabbat pour s'emparer egyptienne d'Alexandre IV a.
solidement son pouvoir (323). de Jerusalem. Josephe, Karnak. D'apres Mahaffy, 'dans
Petrie, History of Egypt, t. iv,
II gouverna au nom de Philippe Arrhidee, frere idiot Cont. Apion., i, 21; p. 37.
d'Alexandre le Grand, et d'Alexandre IV, fils d'Alexandre Ant. jud., XII, i, 1. II
le Grand (fig. 187), de 323 a 316 avant J.-C., et au nom traita d'ailleurs avec bienveillaoce les Juifs qu'il em-
d'Alexandre IVseul de 316 a 311; il fut independantde311 mena captifs a Alexandrie et leur accorda dans sa
a 305, mais sans prendre le titre de roi, ce qu'il ne fit capitale des privileges avantageux qui y attirerent
qu'en 305. Daniel avait predit, xi, 3-4, qu'il serait un de volontairement un nombre croissant d'enfants d'Israel.
ceux qui recevraient une part de 1'empire d'Alexandre, F. VIGOUROUX.
quand cet empire serait divise aux quatre vents du ciel. 2. PTOLEMEE II PHILADELPHE (284-247), le plus
er
t( Le roi du sud (c'est ainsi qu'est designe le roi d'Egypte) jeune fils de Ptolemee I et son successeur (fig. 188),
deviendra fort, mais un de ses princes (Seleucus) sera avait ete proclame roi par son pere deux ans avant sa
fort aussi et celui-ci (Seleucus) deviendra plus fort mort, afin de lui assurer ainsi sa succession. Sous son
que lui (Ptolemee Ier) et il aura la domination. » xi, 5. regne, la lutte recommenca entre 1'Egypte et la Syrie,
Ptolemee avait ete en guerre avec Antigone, dit le par suite des intrigues de Magas, demi-frere de Pto-
Cyclope, un des generaux d'Alexandre, au sujet de la lemee II par sa mere Berenice et roi de Gyrene, avec
possession de la Syrie et de la Phenicie dont il s'etait Antiochus Ier Soter, son beau-pere. Apres plusieurs
rendu rnaitre en 320, apres avoir reussi a s'emparer de annees de guerre entre la Syrie et 1'Egypte, une partie
la plus grande partie de 1'Asie. Une grande bataille des possessions d'Antiochus II Theos, petit-fils de
navale avait ete livree entre les troupes des deux Seleucus Ier Nicator, etaient tombees entre les mains
rivaux dans les eaux de Salamine en Cypre. Les Egyp- des Egyptiens, et le roi de isyrie avait ete oblige de
tiens avaient ete completement battus (306). Antigone, faire la paix avec Ptolemee II et d'epouser sa fille
fier de sa victoire, prit a cette occasion le titre de roi. Berenice, en repudiant sa femme et soeur Laodice et
Ptolemee, malgre sa defaite, se sentait encore fort; i] en s'engageant a laisser le trone, non aux enfants qu'il
849 PTOLEMEE II PHILADELPHE — PTOLEMEE III EYERGETE 850
avail eus de Laodice, mais a ceux qui naltraient de « Apres le meurtre de Berenice, dit saint Jerome,
Berenice. « Ptolemee Philadelphe, dit saint Jerome, In Dan., xi, 7-9, t. xxv, col. 560, son pere Ptolemee
In Dan.f xi, 6, t. xxv, col. 560, voutant apres plusieurs Philadelphe etant mort en Egypte, son frere appeleaussi
annees mettre fin a une guerre importune donna en Ptolemee et surnomme Evergete lui avait succede, troi-
mariage sa fille Berenice a Antiochus II (Theos), qui sieme, dans son royaume, rejeton de sa racine... II s'en
de sa premiere femme Laodice avait deux fils, Seleu- alia avec une grande armee et il entra dans la province
cus qui fut surnomme Callinicus, et unautre Antiochus. du roi du nord, c'est-a-dire de Seleucus, surnomme
(Son pere) la conduisit jusqu'a Peluse et lui donna Callinicus, qui regnait en Syrie avec sa mere Laodice,
pour dot une grande quantite d'or et d'argent, ce qui et il les maltraita et il s'empara de force de la Syrie, de
le lit appeler <pspvo?6po;, c'est a dire dotalis, « qui dote ». la Cilicie et des pays situes au dela du haul Euphrate
Antiochus declara qu'il faisait partager son roy^ume a et de 1'Asie presque enliere. Mais ayant appris qu'une
Berenice, et que Laodice n'avait plus que le rang de sedition .venait d eclater en Egypte (cf. Justin, xxvil,
concubine, raais longtemps apres, cedant a son amour 1,9), il ravagea le royaume de Seleucus et emporta
pour Laodice, il la ramena dans le palais royal avec quarante mille talents d'argent, des vases precieux,
en meme temps que les statues des dieux, au nornbre
Le titre de Pudens etail en relation avec le cimetiere tinum. II en tira la conclusion que pres des thermes
de Priscille, sur la via Salaria dont j'ai resume tout a de Novat et du titulus Pudentis on devrait recon-
1'heure les grands souvenirs. Or tout cela s'accorde naitre un centre d'enseignement chretien meme au u e
parfaitement avec la tradition du sejour de 1'Apotre et au ni« siecle.
dans la maison qui devint apres I'eglise de Sainte- On voit qu'il y a quelque chose d'historique dans les
Pudentienne. Des le ive siecle cette eglise etait appelee legendes relatives a cestitres, tandis qu'il ne faut attri-
ecclesia Pudentiana. G'est le nom que Pasqualini, au buer aucune valeur aux relations supposees par Bian-
xvi« siecle, a lu sur une inscription dont il n'a pas note chini entre Pudens et le centurion Corneille ou a
la provenance, De Rossi, Bull, d'arch. crist., 1867. On 1'histoire de la chaire curule donne par le senateur
le lit aussi sur une autre inscription qui se trouve Pudens a saint Pierre qu'a imaginee Febeo. D'abord
encore au cimetiere de Saint-Hippolyte, et sur la oratoire prive, I'eglise de Sainte-Pudentienne devint au
mosaiique meme de 1'abside : Dominus conservator ive siecle basilique pubiique. Le successeur de Darnase
ecclesiae Pudenticmx. Sirice, la restaura. Ce fait a de 1'importance meme par
Toutes ces indications sont confirmees par les notes rapport a la tradition de la venue de saint Pierre au
des archeologues du xvie siecle qui ont pu voir I'eglise views patricius et a la via Salaria. On peut penser en
avant qu'elle fut gatee par les restaurations modernes. effet que Sirice avait un culte special pour les souvenirs
Ciaeconio nous a laisse un dessin d'une mosaique de du cimetiere de Priscille, ou en effet il fut 6nterre.
la chapelle de Saint-Pierre qui representait le Sauveur L'inscription de son tombeau renferme des allusions a
entre deux personnages, probablement Norat et Timo- une autre chaire eta unefontaine baptismale; etl'une
thee, avec 1'inscription Maximus fecit cum suis. C'est et 1'autre etaient apparemment dans ce cimetiere. Dans
probablement un souvenir de ce Maxime et des Thermes cette inscription on dit qu'il merita d'etre reconnu
de Novat que nous avons dans une autre inscription comme pape pres d'un tres celebre baptistere, qui etait
DICT. DE LA BIBLE. V. - 28
867 PUDENS — PUITS 868
tres probablement celui auquel on rattachait le sou- mental a ete dernierement en grand danger d'etre de-
venir du bapteme administre par saint Pierre : Fonte truit a cause de la construction d'une nouvelle rue de
sacro magnus meruit sedere sacerdos. Pavinio a vu la Rome moderne, la « via Balbo », qui devait passer
pres de 1'autel de sainte Pudentienne 1'inscription : derriere 1'eglise de Sainte-Pudentienne. Mais la Com-
Salvo Siricio epis,copo Ecclesiae sanctae, il y avait a mission d'archeologie qui veille sur les grands souve-
la suite : et Icilio Leopardo et Maximo. L'un de ces nirs de la ville eternelle a reussi a empecher ce vanda-
textes est au musee de Latran, 1'autre a Sainte-Puden- lisme qui aurait ete une honte ineffacable. Cette menace
tienne. La date de cette inscription nous est fournie de destruction a meme amene a faire de nouvelles
par une autre inscription que copia Suarez au temps etudes sur cet ensemble imposant de monuments et a
d'Urbain VIII. Cette restauration eut done lieu entre etudier la maniere de le rendre mieux visible au pu-
387 et 398. Elle est par consequent contemporaine d'au- blic etant reste jusqu'a present en grande partie cache
tres travaux et executee pres du vicus Patricius, par a 1'interieur du monastere de religieuses qui habitent
les memes pretres et par 1'autorite publique. En effet la. De cette maniere, quand les travaux proposes par la
on a retro uve en 1850 cette inscription qui est main- Commission archeologique seront termines, on pourra
tenant au musee de Latran. vpir dans toute sa magnificence ce venerable edifice de
1'ancienne maison de Pudens, qui peut etre considere
OMNIA • QVAE • VIDENTUR comme le pendant du cimetiere de Priscille. En ettet
iv • N\EN\oft\A • SANCTI • MAR dans cette maison urbaine et dans ce cimetiere subur-
ims • \PPOL\T\ • VSQVE - HVC bain se conserve le grand souvenir de la premiere
SVRGERE • TECTA • 1L1CIVS predication apostolique dans la ville des Cesars.
PRESB • SUMPTV • PROPRIO • FECIT H. MARUCCHI.
' Or 1'eglise de Saint-Hippolyte se trouve precisement PUITS (hebreu : be"er, bayir; Septante : <ppsap;
sur le vicus Patricius. On 1'appelle Saint Hippolyte in Vulgate : puteus), excavation creusee dans le sol jus-
fonte, parce que, suivant une tradition, ce serait la qu'a une profondeur oul eau puissese trouver(fig/201).
maison du geolier de saint Laurent convert! et baptise
par le saint diacre. II s'agit dans 1'inscription d'un por-
tique construit par ce pretre Icilius. D'autre part on a
trouve pres de Sainte-Pudentierme une inscription rap-
pelant des travaux d'embellissement ordonnes par
Fl. Valerius Messala, prefet de Rome, a la fin du
ive siecle. Corsini, Series prsefectorum urbis, p. 304.
La reconstruction de 1'anctenne eglise de Pudens,
commencee par le pape Sirice fut achevee par le pape
Innocent Ier au commencement du ve siecle, et en efl'et
JPanvinio put voir dans 1'abside un fragment de 1'in-
? scription commemorativeSALVO-INNOCENTIO (epis-
copo). D'autres restaurations suivirent pendant le moyen
age jusqu'a la derniere du cardinal Gaetani, a la fin du
xvrj siecle qui changea 1'ancienne forme de 1'edifice et
qui "detruisit aussi en partie la be/lie mosaiique. Cette
, mosaique (fig. 200) est la plus importante des mosaiques
basilicales romaines, et elle appartient, comme on a dit,
a 1'epoque du pape Sirice. Le Sauveur assis occupe le
centre de la composition; de la main droite il semble
\ benir, de la gauche il tient un livre ouvert sur lequel
.sont traces les mots D O M I N V S CONSERVATOR
ECCLESI/E P V D E N T I A N / E . Et cette maniere de dire
est tres importante, et montre 1'antiquite du monu-
ment; caraune epoqueposterieufeon aurait dit « eglise
de Sainte-Pudentienne », tandis que « eglise Puden-
tienne » est une denomination primitive et qui signifie 201. — Un des puits de Bersabee, avec ses auges.
1'eglise batie dans la maison de Pudens. D'apres H. van Lennep, Bible Lands, 1875, p. 47.
A cote du Sauveur e"taient les douze Apotres (main-
tenant on n'en voit que dix) et au-dessous de saint 1° Puils mentionn6s dans la Bible. — 1. Les puits
Pierre et de saint Paul il y avait leurs noms. Derriere sont en Orient, surtout dans le desert sans cours d'eau
les deux chefs des apotres, on voit deux femmes qui et sans sources, d'une necessite extreme. Sans eux, il
presentent au Christ leurs couronnes, probablement serait impossible d'abreuver les troupeaux et de desal-
sainte Praxede et sainte Pudentienne. Derriere la serie terer les hommes, et la vie nomade et pastorale serait
des Apotres on voit un edifice forme d'un portique et, impossible dans beaucoup de regions. Aussi, dans la
au-dessus, une colline avec d'autres monuments, et au Genese en particulier, est-il souvent question de puits
milieu une grande croixgemmee. Parmi les differentes comme de proprietes importantes. 1. Le premier puits
explications qu'on a donnees de cette [scene, la plus dont il soil parle est celui qu'Agar apercoit dans le d£-
vraisemblable est qu'elle represente une reproduction sert; elle y va, remplit son outre ct desaltere son fils
des monuments locaux; c'est-a-dire de la maison me"me Ismae'l. Gen., xxi, 19. — 2. En Mesopotamie, le servi-
de Pudens et du portique qui flanquait le vicus Patri- teur d'Abraham, Eliezer, s'arrete avec sa caravane non
cius. Au-dessus on aurait represente le Viminal avec ses loin de la ville de Nachor, aupres d'un puits. Rebecca
edifices, et enfin la croix pour indiquer le triomphe puise de 1'eau du puits et abreuve les chameaux
definitif du christianisme sur 1'idolatrie. d'Eliezer, qui, a ce signe, reconnait la future epouse
En 1895 on fit des fouilles dans les souterrains de d'Isaac. Gen., xxiv, 11, 20. A son arrivee en Chanaaa,
Sainte-Pudentienne et on retrouva des ruines impo- Rebecca rencontra Isaac non loin du puits de Lahay
santes des thermes de Novat et de 1'ancienne maison ro'i, « le vivant me voit », ainsi nomme jadis par Agar
de Pudens qu'on peut encore visiter et qui montre la quand, maltraitee par Sara, elle avait fui au desert et
grande importance de cet edifice. Ce groupe monu- y avait entendu la voix de Jehovah lui annoncant les
869 PUITS 870
destinees d'Ismael. Gen., xvn, 14; xxiv, 62. — 3. Dans raindre aussi qu'ils fussent epuises si une grande
la vallee de Gerare> a la frontiere sud-ouest de la Pa- multitude en faisait usage. L'engagement que prirent
lestine, voir t. HI, col. 197, les serviteurs d'Abraham les Israelites se bornait sans doute a ne pas se servir
avaient jadiscreuse des puits que les Philistins, tout des puits sans la permission des maitres et sans les
voisins de la, comblerent ensuite. En s'etablissant a indemniser. On leur refusa cependant le passage. Pour
son tour dans cette vallee, Isaac fit creuser les puits a garder la jouissance de leurs puits dans le desert, les
nouveau et leur rendit les noms assignes par son pere. Bedouins souvent les recouvrent d'une pierre et en-
Quand on 'eut trouve 1'eau vive dans le premier puits, suite de terre, afin que personne n'en puisse recon-
les bergers de Gerare s'en pretendirent les maltres, naitre la presence. Ils ne les retrouvent eux-m£mes
d'ou dispute avec les bergers d'Isaac. Alors celui-ci qu'a 1'aide de certains signes. — 8 . Jonathas et Achi-
appela le puits 'e'seq, <s dispute », actxia, « injustice », maas, pour echapper aux poursuites d'Absalom, se re-
calumnia, « calomnie ». Un second puits donna lieu a fugierent a Bahurim, chez un homme qui avait un puits
des rixes, d'ou son nom desilndh, «. hostilite »,eyj)p&oc, dans sa cour. Ils y descendirent, puis la femme de
inimicitiss. Autour du troisieme puits, le calme regna, 1'hote etendit une couverture sur 1'ouverture du puits
d'pu.le nom de rehobot, « latitude », sypy/wp/a, lati- et repandit dessus du grain pile, comme pour le faire
tudo. De la, Isaac remonta jusqu'a Bersabee, be'&r secher au soleil. Quand les envoyes d'Absalom arri-
Mba', « puits du serment ». Gen., xxvi, 15-2i. Voir verent, ils ne se douterent de rien et allerent chercher
BERSABEE, t. i, col. 1629. — 4. Lorsque Jacob s'en alia ailleurs les fugitifs. II Reg., xvn, 17-19. Le texte parle
en Mesopotamie, il arriva a un puits autour duquel ici, non d'une citerne, mais d'un puits, be'er, que les
etaient reunis des troupeaux qu'on abreuvait. Voir Septante appellent un bassin, >,axitoc. II faut d'ailleurs
t. in, fig. 195, col. 1065-1066. Les troupeaux se rassem- supposer que le puits etait desseche ou dispose detelle
blaient autour des puits en Orient. On.fermait ces puits sorte a 1'interieur que deux hommes pouvaient y trouver
a 1'aide d'une pierre qu'on otait quand on voulait puiser refuge. — 9. II est raconte qu'au moment de partir en
1'eau. Gen., xxix, 2, 3. — 5. Moise, fuyant 1'Egypte,
arriva au pays de Madian el s'assit pres d'un puits. La
vinrent bientot les filles d'un pretre pour abreuver leur
troupeau; des bergers arriverent a leur tour et chas-
serent les jeunes filles; mais: Moi'se protegea ces der-
nieres et abreuva lui-meme leur troupeau. Exod., n,
16, 17. Des scenes de violence se passaient done quel-
quefois aupres des puits; les plus forts voulaient se ser-
vir les premiers ou accaparer 1'eau a leur profit. — 6. A
1'une des dernieres stations du desert, les Israelites
s'arreterent a Seer, « le puits ». Num., xxi, 16-18. Voir
BEER, t. i, col. 1548. Ce puits est probablement le
meme que Beer-Elim, « puits des heros » ou « des te-
rebinthes », mentionne par Isai'e, xv, 8. Voir BEER-
ELIM, t. i, col. 1548. Au desert du Sinai, les Israelites
avaient du rencontrer un certain nombre de puits.
« Une vallee du Sinai est appelee el-Biyar, «lespuits»,
a cause des trois ou quatre puits profonds, mais va-
seux, qui existent en ce lieu. C'etaient les premiers
que nous rencontrions d'une forme semblable ,a celle s 202. — Orifice d'un puits en Orient.
qui est si commune en Palestine. Un certain nombre D'apres une photographie.
de grandes auges de pierre Jes entourent; elles sont
destinees a abreuver les troupeaux. L'orifice des puits captivite, des hommes pieux prirent le feu sacre de
est ferme par une grande pierre qu'on roule, quand.on 1'autel et le cacherent dans le creux d'un puits desse-
en a besoin, exactement de la facon decrite dans la che qui ensuite demeura inconnu. Apres bien des
Genese... Vis-a-vis du douar (de 1'ouadi Beiran) sont annees, Nehemie le fit rechercher par les descendants
deux puits profonds, solidernent batis en maconnerie, de ceux qui avaient cache le feu. On ne trouva dans le
et entoures d'auges pour abreuver les troupeaux; 1'un puits qu'une eau epaisse, dont on aspergea le bois mis
d'eux est a sec, 1'autre contient encore une eau excel- sur 1'autel. Alors ce bois s'entlamma spontanement!
lente; il a environ sept metres cinquante de prpfon- II, Mach., i, 19-22. — 10. Notre-Seigneur s'arreta un
deur. Outre ces auges, il y a des canaux circulaires, jour, pres de Sichar, au puits de Jacob et y convertit la
garantis tout autour par des pierres et destines a servir Samaritaine. Le puits elait profond;il fallait unecorde
d'abr.euvoirs au betail. On voyait toujours la un homme et des ustensiles pour y peuvoir puiser. Joa., iv. 5-11.
qui, dans le costume de nos premiers parents, etait Voir, JACOB (Puns DE), t. HI, col. 1075. — Un assez
occupe a tirer de 1'eau pour les chameaux venapt grand nombre de localites de Palestine ont un nom
boire par cetvtaiues; quand les chameaux avaient fini, dans la composition duquel entre le moiBir, indiqiiant
les troupeaux arrivaient; c'etait un spectacle curieux la presence d'un puits.
de voir les brebiset les boucs s'avancantiChapun a leur 2° Remarques sur les puits. — 1. Les puits etaient
tour; un certain nombre de chevres venaient d'abord, ordinairement maconnes et pourvus d'un escalier de
puis cedaient la place a.un certain nombre de brebis, pierre pour descendre jusqu'a 1'eau, quand ils n'etaient
et ainsi de suite, jusqu'a ce que tout le troupeau eut pas trop profonds. Gen., xxiv, 16. On couvrait 1'ouver-
fini. » E. H. Palmer, The desert of the Exodus, Cam- ture d'une large pierre, pour eviter les accidents,
bridge, 1871, t. n, p. 319-320, 362. Cf. Vigouroux, La parce que 1'orifice se trouvait ordinairement a ras de
Bible et les decouvertes modernes, 6 e edit., t. ii,p.570- terre (fig. 202). Exod., xxi, 33. Josephe, Ant. jud., IV,
571. — 7 . Quand les Israelites voulurent passer a tra- vni, 37, dit qu'on devait les entourer de .sortes de toils
yers le territoire d'Edom, et, un peu plus tard, a servant de murs pour empecher les animaux d'y tom-
travers celui des Amorrheens,, ils offrirent de ae pas ber. Dans les jours qui precedaient les trois grandes-
boire 1'eau des puits. Num., xx, 17; xxi, 22. Les puits, feles, on otait les pierres de 1'orifice des puits, afin
en effet, etaient consideres comme une propriete parti- d'en laisser la libre disposition aux pelerins. "Voir
culiere, que 1'etranger devait respecter. On pouvait PELERINAGES, col. 24. En depit des precaxitions prises,
871 PUITS 872
un ane ou un boeuf tombaient de temps a autre dans un LIV, 11, et I Par., xxix, 2, puk a une autre signification
puits et Ton s'empressait de les en relirer, meme le qu'il est difficile de preciser et sur laquelle les plus
jour du sabbat. Luc., xv, 5. Les puits dans lesquels anciens traducteurs eux-m£mes ne sont pas bien ren-
pouvaient tomber de si gros animaux devaient avoir seignes. — 1» Isai'e, s'adressant a Jerusalem, lui dit,
une certaine largeur, ce qui explique pourquoi Us LIV, 11 :
n'etaient pas reconverts d'une pierre. Le bois etait trop Malheureuse, battue de la tempete, sans consolation,
rare pour qii'on 1'employat communement a couvrir Voici que je poserai tes pierres dans le puk...
les puits. — 2. On puisait 1'eau a 1'aide d'ustensiles
divers, cruches, seaux, etc. Gen., xxrv, 20; Num., Saint Jerome a traduit puk par per ordinem, « avec
xxiv, 7; Joa., iv, 11. II fallait evidemment des cordes ordre », les Septante, par avOpaxa, « escarboucle »,
quand le puits etait profond; il est probable meme que « je prepare pour toi des escarboucles au lieu de
Ton utilisait les poulies. Quand 1'eau ne se trouvait pierres. » Us semblent avoir lu -]ss, nofpk, « escar-
qu'a deux ou trois metres, on se servait vraisemblable- boucle », au lieu de ^is, puk. Dans son commentaire sur
ment du schadouf, encore en usage dans 1'Egypte mo- Isaiie, LIV, 11, saint Jerome, t. xxiv, col. 521, dit : Ubi
derne. "Voir t. 11, fig. 532, col. 1609. — 3. Pourexhorter nos diximus : Sternam per ordinem lapides tuos, in
I'homme a se contenter des joies de la famille et a ne Hebraico scriptum est baphphuch, quod omnes prseter
pas aller chercher ailleurs des jouissances coupables, Septuaginta similiter transtulerunt : Sternam in sti-
1'auteur des Proverbes, v, 15, lui dit : « Bois 1'eau de ta bio lapides tuos. In similitudinem eomptse. mulieris,
citerne et les ruisseaux qui sortent de ton puits. » II quse oculos pingit stibio, ut jmlchrltudinem signi-
compare ailleurs la femme de mauvaise vie a un puits ficet civitatis. Les modernes acceptent au .fond cette
profond et etroit. Prov., xxm, 27. D'un pareil puits, il explication et traduisent : « Je cimenterai tes pierres
est difficile de tirer de 1'eau et les cruches se brisent avec de 1'antimoine. » J. Knabenbauer, Comment, in
aisement contre les parois. Is., t. n, p. 345.
3° Autres especes de puits. — 1. II y avait dans la 2° Dans I Par., xxix, 2, David dit qu'il a rassemble
vallee de Siddim des puits de bitume, c'est-a-dire des pour la construction du temple de Jerusalem de 1'or,
excavations au fond desquelles se trouvait du bitume a de 1'argent, de 1'airain, du fer, du bois, « des pierres
1'etat liquide. Au moment de la catastrophe de Sodome d'onyx, des pierres a enchasser, des pierres de puk,
et de Gomorrhe, plusieurs des fugitifs tomberent dans des pierres de diverges couleurs, et toute espece de
ces puits et y perirent. Gen., xiv, 10. Voir BITUME, t. i, pierres precieuses et des pierres de marbre blanc en
col. 1802. — 2. Dans deux Psaumes, LVI (LV), 24; LXIX abondance. » Le mot puk designe done une pierre
(LXVHI), 16, il est question d'un be'ei? sahat, « puits de dans ce passage. La Vulgate a traduit par lapides quasi
perdition », dans lequel le suppliant ne voudrait pas stibinos, c'est-a-dire par « des pierres semblables a .
tomber. Ce puits esl le tombeau. Peut-etre 1'auteur 1'antimoine »; les Septante n'ont pas rendu le mot.
sacre fait-il allusion a un genre de tombes frequentes Les modernes entendent par la des pierres de prix et
en Egypte. « Ainsi sont disposees les tombes de 1'an- d'ornement, mais sans pouvoir en preciser la nature.
cienne Egypte : un puits carre, creuse profondement Videntur, dit Gesenius, Thesaurus, p. 1094, lapides
dans le sol, et au fond de ce puits des chambres se- pretiosiores... parielibus vesliendis et quasi fucandis
pulcrales, a jamais closes quand elles ont recu leur vel pavimentis faciendis adhibendi.
depot funebre : tel est 1'arrangement general... Le plus F. VIGOUROUX.
souvent le puits est comble, le terrain nivele tout au- 1. PUPILLE (hebreu : 'isan, bdbdh, 'ayin; Septante :
tour; rien n'annonce aux vivants la demeure des xopr); Vulgate : pupilla), ouverture ronde situee dans
morts... C'est dans des puits semblables qu'on a decou- 1'oeil au milieu de la membrane de 1'iris et par laquelle
veeta Saiida, en 1887, la momiedu roi de Sidon Tabnite, passent les rayons lumineux qui vont impressionner
et les splendides sarcophages pour lesquels le sultan la retine. Comme 1'interieurdu globe de I'o3il est obscur,
fait construire une nouvelle salle dans son musee de la pupille forme comme un petit miroir dans lequel
Constantinople. On rencontre egalement en Palestine se refletent en forme tres reduite les images exterieures,,
quelques-uns de ces puits a tombeaux, moins profonds De la le nom de la pupille dans beaucoup de langues,
que ceux de 1'Egypte. » Jullien, L'Egypte, Lille, 1891, particulierement en hebreu, 'ison, « petit homme », de
p. 275, 276. A ces puits ressemblent assez les tombes de 'is, «. homme », en grec, xop-/], « jeune fille », en latin
famille qui s'enfoncent verticalement dans le sol de pupilla, diminutif de pupa, « petite fille ». Zacharie,
nos cimetieres de grandes villes. Pour descendre les 11, 8, appelle la pupille bdbdh 'ayin, « porte de Tosil »,
sarcophages dans ces profondeurssans les endommager, parcequ'elle est 1'ouverture par laquelle entre 1'image
voici comment procedaient les anciens. Us commen- des objets. — La pupille est chose tres precieuse,
caient par remplir de sable toute la cavite et amenaient puisque 1'ceil et la vue dependent d'elle; aussi figure-t-
a 1'orifice le monument a descendre. Puis, le sable elle ce que 1'on tient beaucoup a conserver. Dieu a garde
retire lateralement petit a petit, grace a sa fluidite, Israel comme la pupille de son oail, Deut., xxxn, 10;
abaissait peu a peu son niveau et le sarcophage s'en- i( declare que toucher a Sion, c'est toucher a la pupille
fongait sans heurts jusqu'a ce qu'il eut atteint le sol de son ceil, Zach., n, 8; il garde comme la pupille de
deflnitif. Le psalmiste compare vraisembkblement a son ceil les oeuvres de bien de 1'homme charitable, Eccli.,
qes puits le sejour des morts d'ou Ton ne revient xvii, 18, et son serviteur lui demande de le proteger
pas, — 3. Dans une de ses visions, saint Jean parle « comme la pupille, fille de 1'ceil. » Ps. xvn (xvi), 8. Le
d'une ^toile tombee du ciel sur terre, c'est-a-dire d'un sage recommande qu'on garde ses enseignements comme
ange auquel on donne la clef du puits de 1'abime. Get la pupille de 1'ceil. Prov., vn, 2. — La pupille est prise
abime est, sans doute, le sejour des demons, figure pour 1'oeil lui-meme, qui verse des larmes. Lam., n,
comme communiquant avec la terre par un puits 18. — Comme la pupille est au milieu de 1'ceil, le mot
ferme a clef. Voir AsiME, t. I, col. 53. Dn puits ouvert 'ison est quelquefois employe pour designer le milieu
s'eleve une fumee epaisse et de cette fumee s'echappent de lanuit, Prov., vn, 9, ou des tenebres. Prov., xx, 20.
des sauterelles, figures des maux que Satan aura la H. LESETRE.
permission de dechainer sur la terre. Apoc., ix, 1-3. 2. PUPILLE, orphelin conne a la garde d'un tuteur.
H. LESETRE. Voir ORPHELIN, t. iv, col. 1897.
PUK, .mot hebreu, ips, qui designe la poudre avec
laquelle on se peint les yeux en Orient. Voir ANTIMOINE, (hebreu : bdr, tdfior, tohordh, niqqdyon;
I. I, col. 670. Dans deux passages de I'tcriture, Is., Septante : iyvsia, xaOapto-n)?; Vulgate : tnunditia, pu-
873 PURETE — 874
riias), absence de souillure. Dans le Nouveau Testa- La sagesse qui emane de lui penetre toutes les parties
ment, il n'est tenir compte que de, la pnret6 morale, de 1'univers a cause de sa purete, et parce que rien de
qui consiste dans 1'absence de peche; dans 1'Ancien, souille ne peut tomber sur elle. Sap., vn, 24, 25. Le
on se preocupe aussi de la purete legale, qui consiste juste demande a Dieu de creer en lui un coaur pur,
a eviter certaines souillures exterieures prevues par la Ps. LI (L), 12, et il fait ce qui depend de lui pour le
Loi. conserver tel. Job, xxxni, 9; Tob., in, 16. Apres la
I. PURETE LEGALE. — On est en etat de purete legale venue du Messie, une offrande pure sera presentee a
quand on est exempt de tout contact avec les choses ou Dieu du levant au couchant, Mal., 1,11, dans- le sacri-
les personnes que la Loi desighe comme impures. fice eucharistique. « Celui qui aime la purete du cceur,
Voir IMPURETES LEG ALES, t. m, col. 857. Les regies de et qui a la grace sur les levres, a le roi pour ami, »
purete legale sont consignees dans le Levitique, xi-xv, Prov., xxn, 11, c'est-a-dire se concilie la faveur des puis-
et les Nombres, v, 1-4; xix. Les docteurs juifs les on t sants. L'enfant montre deja par ses inclinations si ses
longuement developpees dans les douze traites du oeuvres seront pures etdroites. Prov., xx, 11. Ici^bas, le
sixieme ordre de la Mischna. Voir MISCHNA, t. iv, sort est le meme pour celui qui est bon et pur ^t pour
col, 1121. Les pretres etaient charges defaire le discer- celuiqui est impur, Eccle., ix, 2, parce que les sanctions
nement entre ce qui etait pur et ce qui ne 1'etait pas. divines ne s'exercent pas definitivement sur la terre. —
Lev., x, 10; xi, 47; Ezech., xxn, 26; XLIV, 23. La pure- 4° Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux qui ont
te legale etait absolument requise pour toute participa- le cosur pur, parce qu'ils verront Dieu. Matth., v, 8. Par
tion aux choses saintes. Lev., vn, 21; I Reg., xxi, 4; sa grace, les Apotres sont purs, a 1'exception du traitre.
I Esd., vi, 20, etc. On sait comment les pharisiens Joa., xm, 10; xv, 3. Saint Paul recommande de garder
exagererent le souci de la purete legale, au point de avec soin le coeur pur, I Tim., I, 5; II Tim., il, 22, et
negliger a cause d'elle la purete morale, ainsi que la conscience pure. I Tim., m, 9; II Tim., i, 3.
Notre-Seigneur le leur reproche. Matth.,xv, 2, 3;xxui, H. LESETRE,
25, 26; Marc., vn, 2-9; Luc., xi, 39-41. Saint Pierre se PURGATOIRE, lieu d'expiation temporaire, dans
defend lui-meme de prendre des aliments declares lequel les ames sauvees achevent de se purifier avant
impurs par la Loi, et il faut que le Seigneur lui signifie d'etre admises au ciel.
qu'il ne doit plus tenir compte de cette prescription I, CHEZ LES ANCIENS PEUPLES. — 1» Les Egyptiens
rnosaiique. Act., x, 14-16. La loi nouvelle en elfetmettait avaient 1'idee tres nette d'un jugement subi apres la
fin a toutes les dispositions speciales a la loi ancienne. mort. Mais, dans leur croyance, Tame n'arrivait devant
A partir de la redemption, « tout est pur, pour ceux ses juges divins qu'apres avoir parcouru des regions
qui sont purs, » c'est-a-dire que la purete morale semees de difficultes et de perils. Elle faisait alors sa
importe seule. Tit., i, 15. L'homrne n'est pas souille confession negative, par laquelle elle se degageait de
par ce qu'il mange, mais par le mal qu'il commet. toute espece de faute; puis elle etait admise a conti-
Matth., xv, 17-20. Bien que les choses exterieures nuer dans le sejour bienheureux ses occupations de la
devinssent toutes pures, il fallait cependant apporter terre, ou mieux a revenir dans les lieux qu'elle avait
certains temperaments a leur usage, en faveur de ceux habites pour s'y interesser perpetuellement aux choses
qui attachaient encore quelque importance aux an- qui lui plaisaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne des
ciennes prescriptions. Rom., xv, 20. Pour retrouverla peuples de I'Orient, i. i, 1895, p. 182-199. Les epreuves
purete legale perdue a la suite de quelque infraction subies par 1'ame avant sa comparution devant les juges
volontaire ou involontaire, il fallait se purifier. Voir ne representent que tres imparfaitement et de fort loin
PURIFICATION. 1'idee d'expiation. D'ailleurs elles precedent le jugement
II. PURETE MORALE. — 1° Les prescriptions legales et n'ont aucune relation avec les fautes commises. —
concernant la purete n'avaient pas d'autre but que de 2° Chez les Babyloniens, on apportait des otl'randes au
tigurer et de favoriser la purete morale. Dieu le signifie corps du defunt afin que 1'ame eut de quoi subsister
a son peuple au debut meme de la legislation sur la sans venir tourmenler les vivants. Puis 1'ame passait
purete legale : « Vous vous sanctifierez et vous serez dans une region tenebreuse-, 1'Aralou, sous la puissance
saints, car je suis saint. » Lev., xi, 44, 45. Or il est de la deesse des enfers, Allat, qui livrait a des supplices
bien certain que la saintete de Jehovah, proposee aux epouvantables les ames qui n'avaient pas fait preuve de
Hebreux comme raison necessaire dela leur, comportait piete envers les dieux et envers elle, et .laissait les
tout autre chose qu'une purete legale et exterieure. autres mener une existence morne et sans joie. On
C'est d'ailleurs ce qui ressort de toutes les exhortations n'etait libere de ce sejour que par exception, sur 1'or-
de Moi'se et des prophetes a fuir le peche ou a s'en dre des dieux d'en haul. Les Babyloniens n'en gar-
purifier par la penitence. — 2° Avoir les mains pures, daient pas moins 1'idee d'une resurrection des morts.
c'est etre exempt de faute grave et de mauvaises Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 684-692; La-
intentions. Gen., xx, 5; Job, ix, 30; xvii, 9; xxn, 30; grange, JStudes sur les religions semitiques, Paris,
II Reg., XXH, 21, 25; Ps. xvm (xvii), 21, 25. Quand on 1905, p. 337-341. Un bas-relief en bronze (fig. 203),
prie, il faut avoir les mains pures, si Ton veut etre public par Clermont-Ganneau, Revue archeologique,
ecoute de Dieu. Job, xvi, 18; I Tim., n, 8. Celui-la seul 1879, t. xxxviii, p. 337-349 et pi. xxv, represents la
qui a les mains et le coaur purs arrive a la montagne de prise de possession de 1'ame par la deesse des enfers. Au
Dieu, a son Temple. Ps. xxiv (xxui), 4. —3° Dieu etant sommet se voit la tete de Nergal, au-dessous duquel les
la saintete par essence, « un mortel sera-t-il pur devant dieux supremes sont figures par des astres ou des sym-
son Createur? » Job, iv, 17. « Les cieux ne sont pas boles. Au-dessous sont ranges des demons protecteurs,
purs devant lui, >> Job, xv, 15,« les etoiles ne sont pas charges d'ecarter les mauvais esprits qui tenteraient de
pures a ses yeux, » Job, xxv, 5, «. comment le fils de la s'emparer du corps. Le mort est couche sur son lit
femme serait-il pur ? » Job, xxv, 4. x Qui peut tirer le funebre, les bras leves comme pour une derniere.priere.
pur de Pimpur? » Job, xiv, 4. L'auteur de Job parle ici Ea, le dieu poisson, a deux representants pres de lui. Au
de 1'imperfection morale inherente a 1'homme, a raison registre inferieur, Allat, avec deux lionceaux aux ma-
meme de sa qualite de creature. Ses paroles se justi- melles, est a demi-agenouillee sur un cheval porte par
fientdavantage encore si Ton songe a la decheance ori- une barque. Elle vient chercher 1'ame, qui ne manquera
ginelle dont Adam fut la cause etdontheritenttous les de rien, grace aux offrandes placees a gauche du defunt
hommes. Les yeux de Dieu sont trop purs pour voir le et a droite de la deesse. Dans cette conception chal-
mal et il ne peut contempier 1'iniquite, Hab., i, 13, deenne, il n'y a pas de place pour un purgatoire. —
c'est-a-dire qu'il ne peut etre indifferent au mal moral. 3° Dans le systeme religieux des Perses, au moins a
875 PURGATOIRE 678
e
partir du ix siecle av. J.-C., 1'ame demeurait trois Jamnia. Ces objets etant essentiellement impurs aux
jours aupres du corps, apres la mort, puis, suivant la yeux de la Loi, il y avait eu faute a les garder. Judas
valeur morale de ses actions, passait a travers des vit un chatiment providentiel dans la mort de ses sol-
contrees agreables ou horribles pour aller subir son dats. « Puis, ayant fait une collecte, ou il recueillit la
jugement. Au sortir du tribunal, 1'ame arrivait au pont somme de deux mille drachmes, ill'envoya a Jerusalem
Schinvat, qui passe par-dessus 1'enfer et mene au para- pour elre employee a un sacrifice expiatoire. Belle et
dis; condamnee, elle culbutait dans Tabime; pure, elle noble action inspiree par la pensee de la resurrection!
parvenaitTaisement au sejour de la divinite. Cf. Maspero, Car, s'il n'avait pas cru que les soldats tues dans la
Histoire ancienne, t. in, p. 589, 590. Entre cet enfer et bataille dussent ressusciter, c'eut ete chose difficile et
ce ciel existait pourlant un etat infermediaire, appele vaine de prier pour des morts. II considerait en outre
Hames takdn. L' A vesta posterieur ignore cet etat. L'enfer qu'une tres belle recompense est reservee a ceux qui
purifiait les coupables, de sorte qu'a la fin tous etaient s'endorment dans la piete, et e'est la une pensee sainte
et pieuse. Voila pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire
pour les morts, afin qu'ils fussent delivres de leurs
peches. » La Vulgate traduit un peu differemment la
derniere phrase : « C'est done une sainte et salutaire
pensee que de prier pour les morts, afin qu'ils soient
delivres de leurs peches. » Dans le fond, 1'idee ex-
primee est la meme. Ce texte se lit dans toutes les
versions et dans tous les plus anciens manuscrits.
C'est done sans raison qu'on a pretendu qu'il avait ete
ajoute. Vbici ce qui ressort de ce passage. Les soldats
avaient commis une faute, mais cette faute n'etait pas
mortelle, puisque 1'auteur sacre suppose qu'elle pou-
vait etre remise apres la mort; ou Men, si elle etait
mortelle, on est en droit de croire que les coupables
s'etaient repentis avant de mourir, comme I'ayaient,
fait jadis beaucoup de ceux que le deluge avait englou-
tis. I Pet., in, 19, 20. Ces soldats devaient ressusciter
un jour, autrement la priere pour les morts serait
vaine. Ressuscites, ils auraient part a la recompense
reservee a ceux qui s'endorment dans le Seigneur.
Mais auparavant, il fallait qu'ils fussent liberes de leurs
peches, et c'est ce resultat que procurait le sacrifice
expiatoire offert a Jerusalem. Les ames de ces defunts
n'etaient done pas en enfer, ou il n'y a point de remis-
sion ; elles n'etaient pas au ciel, .encore ferme, et dans
lequel elles ne seraient d'ailleurs pas entrees a cause
de leurs peches. Il fallait qiie ces peches fussent expies
pour qu'elles pussent pretendre a la recompense. La
situation dans laquelle ces ames se trouvaient est
precisement celle que nous appelons le purgatoire,
lieu ou les ames se purifient dans la sou/Trance, mais
ou elles sont aidees dans leur purification par les
prieres et les sacrifices des vivants. C'est un homme
tres attache a la religion et aux traditions de sesperes,
Judas Machabee, qui prend 1'initiative de la collecte et
du sacrifice. Nullernent surpris de la proposition, ses
compagnons lui repondent genereusement. Le texte ne
dit pas comment on prit la chose a Jerusalem; mais il
203. — Allat, deesse des enfers. fautpenser qu'elle ne pouvait etonner personne, puisque
D'apres la Revue archeologique, 1879, t. xxxvm, pi. 25. Judas ,envoie la collecte sans autre justification que sa
demande meme. Enfin, 1'auteur inspire raconte le fait
sauves et participaient a la resurrection. « Ainsi, juge- avec une visible insistance, en accompagnant le recit
ment particulier, jugement 'general, paradiSj enfer et de reflexions destinees a bien inculquer la legitimite
purgatoire, resurrection des corps, toute cette eschato- de la croyance et de la pratique.
logie est assez semblable a celle du christianisme, 3° On peut se demander comment cette croyance et
hormis le pardon de tous. » Lagrange, La religion des cette pratique apparaissent tout d'un coup dans le texte
Perses, Paris, 1904, p. 30. Mais, dans cetle doctrine, sacre, sans que rien semble les preparer dans les livres
1'etat intermediaire n'est pas tres determine et 1'enfer a anterieurs. II faut observer tout d'abord qu'entre Esdras
le caractere d'un veritable purgatoire; de plus, la date et Judas Machabee, il s'est ecoule une periode d'envi-
de ces idees ne peut guere etre fixee. ron trois siecles, durant laquelle un silence a peu pres
II. DANS L'ANCIEN TESTAMENT. — 1° On a cru quelque- complet enveloppe 1'hisloire des Juifs. Au cours de ces
fois qu'il etait question de sacrifices pour les morts longues annees, bien des points de doctrine se sont
dans ce passage de Tobie, iv, 18 : « Fais servir ton eclaircis, qui auparavant etaient demeures dans une
pain et ton vin a la sepulture des justes. » Mais il ne ombre plus ou moins profonde. Telle, par exemple, la
s'agit ici que des repas funebres par lesquels on cele- doctrine de la vie future si fortement exposee dans le
brait la memoire des morts. Cf. Jer., xvi, 7. livre de la Sagesse, n-v. II a du en etre de m£me pour
2° Le seul texte qui implique 1'idee de purgatoire est la doctrine du purgatoire et de la priere pour les morts.
celui de II Mach., xn, 43-46. Apres une balaille gagriee Peu a peu, a 1'heure marquee par la Providence, elle
sur Gorgias, Judas Machabee s'apercut que ceux de ses s'est degagee pour se manifester au grand jour <juand
soldats qui gisaient sur le sol portaient sous leurs tu- I'occasion en devint propice. On voit bien, d'apres le
niques des objets idolatriques provenant du pillage de texte des Machabees, que cette doctrine est entree dans
877 PURGATOIRE 878
la croyance des Juifs pieux, mais qu'elle a encore vie presente; autrement il serait mis en prison, et,
besoin d'etre affirmee. Elle devail, en eftet, se heurter a conclut le Sauveur, « tu n'en sortiras pas que tu n'aies
une vive opposition des sectaires sadduceens qui ne paye jusqu'a la derniere obole. » Matth., v, 26. On
croyaient pas a la vie future, et meme rencontrer quel- pourrait encore etre tente, a premiere vue, d'appliquer
ques hesitations chez ceux qui n'airnaient pas les inno- ce texte au purgatoire, cette prison d'ou Ton ne peut
vations et pretendaient s'en tenir a la Loi et aux pro- sortir avant d'avoir paye sa dette compl&tement. Mais
phetes. On pourrait 6tre tente d'attribuer a 1'influence la generalite des Peres et des commentateups 1'enten-
des idees perses ^introduction en Israel de la croyance dent de 1'enfer, d'ou Ton ne sort jamais parce qu'on
au purgatoire et a 1'utilite de la priere pour les morts. n'y peut jamais payer sa dette. Cf. Knabenbauer,
Mais les doctrines de 1'Avesta, tout en presentant cer- Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 220. Cependant,
taines analogies avec celles que formule 1'auteur des observe Jansenius, In Sanct. J. C. Evangel., Louvain,
Machabees, sont par trop indecises, et, sur des points 1699, p. 56, le Sauveur n'affirme pas que la derniere
importants, trop differentes de ces dernieres, pour qu'une obole ne pourra pas etre payee, mais il ne le nie pas non
influence directe et efflcace puisse etre admise. Gf. de plus. Aussi saint Cyprien, Epist. x, ad Anton., 20, t. in,
Broglie, Cours de I'histoire des cultes non Chretiens, col. 786, entend-il le texte du purgatoire, quand.il met
Paris, 1881, p. 41, 42. Ge qu'on peut croire plus legi- en opposition ceux qui attendent leur pardon et ceux
timement, c'est qu'au contact de la religion iranienne, qui sont parvenus a la gloire, ceux qui sont en prison
ia doctrine juive s'est developpee en vertu de sa propre jusqu'a ce qu'ils aient paye la derniere obole et ceux qui
force interne et dans le sens voulu de Dieu. L'obscurite ont immediatement recu la recompense, ceux qui de^
qui enveloppe toute une periode de I'histoire juive ne meurent longtemps dans le supplice du feu pour s'y
permet pas de suivre avec plus de precision le travail purifier de leurs peches et ceux qui ont tout expie par
religieux accompli durant ce temps. le martyre. II est done possible de voir dans ce, texte
4° Les livres juifs, meme assez posterieurs a la pre- une allusion au purgatoire; mais cette interpretation
dication evangelique, ne renferment aucune mention ne s'impose pas exclusivement et elle n'a pas par con-
d'un etat intermediaire entre le. ciel et 1'enfer. Par la sequent une valeur dogmatique absolue.
suite, les Juifs assignerent comme. sejour aux ames qui 3° Saint Paul s'exprime ainsi, en parlant des divers
n'etaient ni justes ni impies la gehenne superieure, predicateurs de PEvangiie : « Personne ne peut poser
comprenant les six regions les plus elevees de 1'enfer- un autre fondement que celui qui est deja pose, c'est-a-
Les ames s'y purifiaient pendant douze mois dans la dire Jesus-Christ. Si Ton batit sur ce fondement avec
souffrance, avant d'etre admises parmi les justes. Un de For, de 1'argent, des pierres pre"cieuses, dubois,du
fils devait prier pour son pere defunt tous les jours foin, du chaume, 1'ouvrage de chacun sera manifeste,
pendant onze mois, et a chaque sabbal toute 1'assem- car le jour (du Seigneur) le fera connaitre, parce qu'il
blee recitait une priere solennelle appelee « souvenir va se reveler dans le feu, et le feu meme eprouvera ce
des ames ». Cf. Iken, Antiquitates hebraicsa, Breme, qu'est 1'ouvrage de chacun. Si 1'ouvrage que Ton aura
1741, p. 614, 615; Drach, De I'harmonie entre VEglise bati dessus subsiste, on recevra une recompense; si
el la synagogue, Paris, 1844, 1.1, p. 16. 1'ouvrage de quelqu'un est consume, il perdra sa
"TIL DANS LE NOUVEAU TESTAMENT. — 1° II n'y est pas recompense; lui pourtant sera sauve, mais comme au
directement question du purgatoire, mais son existence travers du feu. » I Cor., HI, 11-15. L'ouvrage en ques-
est clairement supposee par quelques textes. II est cer- tion est manifesternent celui des predicateurs qui, sur
tain tout d'abord qu'apres le jugement general, le pur- le fondement qui est Jesus-Christ, erigent une ceuvre
gatoire n'existera plus; le>ouverain Juge ne mentionne, plus ou moins solide. Le jour du Seigneur est, selon les
•en effet, dans sa sentence que 1'eternel supplice et la interpretes, le jour de 1'epreuve, le jour de la mort et
vie eternelle. Matth., xxv, 46. Mais Notre-Seigneur du jugement porticulier, ou, bien plus probablement, le
parle aussi d'un peche centre le Saint-Esprit qui ne jour du second avenement du Seigneur et celui. du ju-
sera remis ni en ce siecle, EV TQVTW T<O atom, ni dans gement general. Le jugement divin est ordinairement
le siecle a venir, Iv tu> (jiXXovci, c'est-a-dire ni en cette compare a une conflagration, a un feu qui eprouve.
vie ni en 1'autre. Dans 1'Evangile, le mot a'uov, ssecu- II Thess., r, 8; II Pet., in, 7. Ce jugement manifestera
lum, designe habituellement la vie presente, Matth., xia, la valeur de I'oeuvre des differents predicateurs de
22, 39; xxiv, 3; Marc., iv, 19; Luc., xvi, 8;xx, 34, etc., 1'Evangile. Celle-la seule meritera la recompense qui
et 1'expression ouuiv ip^o^fvov-, identique a atcov [/.£XXov, aura ete jugee digne par le Seigneur; tout le reste dis-
se rapporte non au temps a venir sur la terre, mais au paraitra a la lumiere de ce jugement, comme le bois et
temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la la paille a la chaleur du feu. II ne peut s'agir ici du
vie eternelle. Marc., x, 30; Luc., xvm, 30. II y a done feu du purgatoire, car le purgatoire ne peut etre con-
des peches qui, n'ayant pas e"te remis en cette vie, peu- fondu avec le « jour du Seigneur », et ce n'est pas le
vent 1'etre dans 1'autre. A la rigueur, on aurait droit feu du purgatoire qui eprouve les oeuvres des hommes.
de croire que ces peches remis dans 1'autre vie le sont Mais 1'Apotre, I Cor., in, 15, ajoute que le predicateur
au moment meme du jugement, grace au repentir du dont 1'oeuvre aura ete detruite « sera sauve, <jw6YJ<rcTaj,
pecheur et a la misericorde de Dieu, car Notre-Sei- comme au travers du feu. » Au moment du jugement
gneur ne parle d'aucune peine a subir pour obtenir general, le predicateur qui aura fait une oeuvre fragile
cette remission. Mais, etant donneela croyance al'exis- et, a ce litre, aura ete condamne, pourra done cependaol
•tence du purgatoire, il parait plus naturel de penser etre lui-meme sauve, si sa faute n'a pas ete sans remis-
que ces peches sont expies par la peine temporaire, sion et si .lui-meme a passe par le feu. Ce feu represente
alors que le peche contre le Saint-Esprit n'est pas specialementle^purgatoire. Par analogie, on conclut
expie meme par la peine eternelle. Aussi, de ce texte, que tous les fideles qui emportent avec eux des dettes
a-t-on generalement conclu a Texpiation subie en pur- remissibles dans 1'autre monde peuvent aussi etre sau-
gatoire. Cf. S. Augustin, De civ. Dei, xxr, 24, t. XLI, ves, « mais comme au travets d«. tevi, * c'est-i-dire eu
col. 738; S. Gregoire, Dial., jv, 39, t. LXXVII, col. 398; passant par les epreuves douloureuses et expiatrices
Bellarmin, De purgatorio, i, 4, etc. qui constituent le purgatoire. Cf. Cornely, I Epist. ad
2° Dans un autre endroit, le Sauveur compare le Cor., Paris, 1890, p. 86-92.
peche a une dette pour laquelle on est mis en prison. 4° Saint Paul prie le Seigneur de faire misericorde
II conseille done a Fhomme de s'entendre avec son a Onesiphore, qui lui a rendu grand service a Rome et
.adversaire pendant qu'il est avec lui sur le chemin, a Ephese. II Tim., if 16-18. II est probable qu'alors
c'est-a-dire deregler ses comptes avec Dieu pendant la Onesiphore n'etait plus de ce monde. La priere faite
879 PURGATOIRE - PURPUREUS (CODEX) 880
pour lui suppose done qu'il peut en etre aide, et que 3, les maisons et la citadelle de Jerusalem. I Mach.,
par consequent il y a un purgatoire. xin, 47, 50. Ces purifications consistaient principale-
5° Le bapteme pour les morts, auquel saint Paul fait ment dans 1'enlevement de tous les objets idolatriques,
allusion comme a une pratique a Fusage de certaines II Par., xxix, 16-19, et ensuite, quand il s'agissait du
personnes, qu'il se gardedureste d'approuver, I Cor., xv, Temple, de sacrifices solennels. — Daniel, vin, 14,
29, pourrait du moins attester cette croyance que cer- avait annonce qu'a la suite de la domination grecque
taines oeuvresaccomplies par les vivants sent utilesaux en Palestine, le Temple serait purifie.
ames des morts. Voir BAPTEME DES MORTS, 1.1, col. 1441. III. PURIFICATION MORALE. — 1° Les prescriptions
Les Peres ne s'appuient que sur les textes precedents, concernant la purification legale conslituaient deja par
sauf les deux derniers, pour etablir la doctrine du pur- elles-memesunelecon de purification morale. L'epreuve
gatoire. Cf. Turmel, Hist, de la theol. positive, Paris, contribue a cette purification. Prov., xx, 30; Dan., xi,
1904, p. 194, 363, 485. Le concile de Treate se refere en 35. On la demande par la priere, Ps. LI (L), 4, 9; les
general aux Saintes Ecritures, aux Peres et aux conciles, auteurs sacres la prescrivent, Eccli., xxxvm, 10; Is.,.
mais sans les citer, pour definir la doctrine du purgatoire. LIT, 11, et les prophetes annoncent qu'elle sera surtout
Sess. xxv, 11; sess. vi, can. 30; sess. xxn, can. 2, 3. I'o3uvre du Messie. Ezech., xxxvi, 25; Dan., XH, 10. —
H. LESETRE. 2° Les Apotres renouvellent les recommandations an-
1. PURIFICATION (hebreu : tohar, iohordh, mis'i, ciennes. Jacob, iv, 8; II Cor., vn, 1, et attribuent cette
tamriiq; Septante : xa6aptatxd?, xaOapat;; Vulgate : purification a la redemption de Jesus-Christ, Eph., v r
purificatio, purgatio), enlevement de 1'impurete 26; Tit., n, 14; Heb., ix, 22, 23, appliquee par le
physique,- legale ou morale. Saint-Esprit. Act., xv, 9. H. LESETRE.
I. PURIFICATION PHYSIQUE. — Le mot mis'i, employe
une seule fois, Ezech., xvi, 4, designe la purification 2. PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE. — La
du nouveau-ne au moyen du bain. Le mot tamruq se Sainte Vierge se souinit a la loi qui prescrivait a la mere
rapporte a ,la purification que Ton faisait subir aux de se presenter au Temple le quarantieme jour apres
jeunes lilies avant de les presenter au roi de Perse. la naissance de son enfant. Luc., n, 22-24. Voir MARIE,
Esth., n, 3. Les versions rendent ce mot par Inifiiieia, III, n, t. iv, col. 789; PRESENTATION 2, col."_6lO. L'Eglise
« soin », et ad usus necessaria, « ce dont on a besoin ». celebre la fete de la Purificalion le 2 fevrier. Voir Acta
Sur les differents moyens de purification physique, sanctorum, februarii t. r, edit. Palme, 1863, p. 270-276.
voir BAIN, t. i, col. 1386; LAVAGE, t. iv, col. 130; LAVE-
MENT DES PIEDS, t. iv, col. 132; LAVER (SE) LES MAINS, PURIM, fete juive. Voir PHURIM, col. 338.
t. iv, col. 136.
II. PURIFICATION LEGALE. — A chaque cause d'impu- PURPUREUS (CODEX). Les 227 feuillets de ce
rete legale correspondait une forme particuliere de precieux manuscrit se trouvent actuellement disperses
purification. Voir IMPURETE LEGALE, t. in, col. 857. — en'cinq endroits differents : 2 sont a Vienne, Biblio-
1° L'ablution c'est-a-dire 1'immersion dans 1'eau etait theque imperiale (n. 2 du catalogue Lambeck); 4 a
une premiere condition imposee dans toutes les puri- Londres, Musee Britannique, Cotton, Titus C. XXV; 6
fications. Voir LUSTRATION, t. iv, col. 423-425. — a Rome, Vatican, grec 3875; 33 a Patmos, Couvent de
2° Outre 1'ablution, la purification exigeait en certains Saint-Jean; 182a Saint-Petersbourg,Bibliotheque impe-
cas un sacrifice : a) La femme accouchee, quarante riale. — Le Codex Purpureus est en parchemin tres
jours apres la naissance d'un enfant male, et quatre- fin, teint en pourpre et ecrit en lettres d'argent que le
vingts jours apres celle d'une fille, devait presenter au temps a noircies. Les noms divins ©C, XC, etc. sont en
Temple un agneau d'un an en holocauste et un jeune lettres d'or. Les pages (0,320 X 0,265) ont deux colonnes
pigeon ou une tourterelle en sacrifice expiatoire. Si de seize lignes. L'ecriture, tres grosse et tres reguliere,
elle etait pauvre, elle remplacait 1'agneau par un pigeon n'a d'autre ponctuation qu'un simple point en haut
ou une tourterelle. Lev.,xn, 1-8. C'est^ee second sacri- et quelques alineas marques par une majuscule initiale :
fice qu'offrit la sainte Vierge pour sa purification. Luc., il y atrespeu d'esprits et pas d'accents. Les caracteres
n, 24. Voir PREMIER-NE, col. 601. — b) Sur la purifica- paleographiques font dater le manuscrit de la fin du
tion du lepreux, voir LEPRE, t. iv, col. 183. — c) Les vie siecle, mais 1'aspect general semblerait plus ancien.
impuretes de 1'homme et de la femme, gonorrhee pour Le codex Purpureus est designe en critique par la
le premier, flux de sang anormal pour la seconde, lettre N; par le sigle z 19 dans la nouvelle notation de
exigeaient, le huitieme jour apres la guerison, 1'offrande von Soden. II contient des fragments des quatre Evan-
de deux tourterelles ou de deux jeunes pigeons, 1'un giles : on en trouvera le detail exact dans Gregory,
en holocauste, 1'autre en sacrifice expiatoire. Lev., xv, Textkritik, 1.1, p. 57-58, ou dans von Soden, Die Schrif-
2, 14, 15, 25, 29, 30. — 3° Les pretres et les levites, ten des N, T., t. r, p. 120-121. — Les pages du Purpu-
charges des purifications du peuple, I Par., xxm, 28, reus conservees a Vienne furent decrites p.ar Lambeck,
devaient commencer par se purifier eux-memes, quand Comment, de aug. biblioth. C&sar. Vindob., Vienne,
il etait necessaire, avant de remplir aucune de leurs t. in (1776), col. 30-32. Tischendorf, Monumenta
fonctions. Exod., xix, 22; Num., vin, 6-22; II Par., v, sacra inedita, Leipzig, 1846, p. 11-36, publia tout ce
11; I Esd., vi, 20; II Esd., xin, 22. - 4° Les Israe- qu'on connaissait alors du manuscrit, c'est-a-dire les
lites se purifiaient aussi quand ils avaient a s'approcher feuillets de Vienne, de Londres et du Vatican. Duchesne,
du Seigneur pour accomplir quelque devoir religieux. Archives des missions scientifiques et Htteraires,
Gen., xxxv, 2; Judith, xvi, 22; II Mach., xn, 38; Act., Paris, 1876, 3me serie, t. in, p. 386-419, a donne une
xxi, 26. Ces!purifications comportaient des ablutions, edition des feuillets de Patmos. Enfin Cronin a publie
Joa.,-n, 6, et en plus des sacrifices, selon les cas. La 1'ensemble du texte, y compris les feuillets de Saint-
fete annuelle des Expiations avail pour but la purifica- Petersbourg, Codex Purpureus Petropolitanus; The
tion de tout Israel. Lev., xvi, 30. — 5° Avant deprendre text of codex N of the Gospels edited with an intro-
possession du pays de Chanaan, les Israelites eurent duction and an appendix, Cambridge, 1899, dans
ordre de le purifier de tout ce qui se rapportait a 1'ido- Texts and Studies, t. v, n. 4. C'estl'etude la plus com-
latrie. Num., xxxnr, 52. Ezechiel, xxxix, 12, 16, pre- plete sur ce manuscrit. — Voir Scrivener, Introduction,
voitune purification analogue pour le pays souille par 4" edit. Londres, 1894, t, I/p. 139-141; Gregory, Text-
Gog. A plusieurs reprises, on fut oblige de purifier le krilik des N. T., Leipzig, t. i, 1900, p. 56-59; von-
Temple, II Par., xxix, 15; I Mach., iv, 36; II Mach., J, Soden, Die Schriften des N. T., Berlin, t. i, 1902r
18, 36; x, 7; xiv, 36; le pays Israelite, II Par., xxxiv, p. 120-121. F. PRAT.
PUSEY — PUSTULES
PUSEY (Edward Bouverie), ne a Pusey (Berkshire veat caracteriser de- affections assez diverses, qui ne
le 22 aout 1800, mort a Ascot Priory (Berkshire) le 14 sont pas necessairement les memes pour les hommes
septembre 1882. II prit ses degres a Oxford, au et pour les animaux. D'apres Josephe, Ant, jud., II,
College Oriel dont il fit bientot partie en qualite xiv, 4, « les corps furent atteints de terribles ulceres,
d'agrege. C'est alors que commenca entre lui, Keble pendant que la pourriture etait a Pinterieur, et ainsi
et Newman cette intimite faite de profond respect beaucoup d'Egyptiens perirent. » 11 ya la une exagera-
et d'affection qui, quoique sous une forme moins tion du texte sacre. Rosenmuller, In Exod., Leipzig,
communicative, survecut a la conversion de Newman. 1795, p. 443, voit dans les pustules Peffet de Pelephan-
De 1825 a 1827, il etudia dans differenles universites tiasis, ce qui est peu probable. Voir ELEPHANTIASIS,
d'Allemagne, surtoul le syriaque et 1'arabe. Quand il t. n, col. 1662. Les maladies eruptives n'ont jamais
revint en Angleterre, il emportait la conviction attris- manque sur les bords du Nil. Le « bouton du Nil »,
tee que le protestantisme allemand tendait et devait par exemple, est une maladie cutanee dans laquelle le
fatalement aboutir au rationalisme, conviction qui le derme se remplit de tubercules qui peuvent couvrir
determina, par reaction sans doute, a se donner da- . tout le corps. Cette affection, endemique sur les bords
vantage a la piete et moins aux recherches exclusive- meridionaux el orientaux de la Mediterranee, ainsi
ment scientifiques. Suivant les termes de ses bio- que sur les rives du Tigre et de PEuphrate, esl appelee
er
graphes anglicans, il reeul le diaconat le l juin 1829, ailleurs « boulond'Alep, clou de Biskra », etc.; elle est
puis, au mois de novembre siiivant, fut nomme par le identique avec le lichen tropicus, inflammation cutanee,
due de Wellington, alors Premier Ministre,- tout a la avec eruption de peliles papules, ulceralions superfi-
fois professeur royal d'hebreu et chanoine de Christ- cielles el demangeaisons fort incommodes. Mais ces
Church, a Oxford. L'inlluence considerable de Pusey maladies meltent quatre a cinq mois a se developper
dans PEglise Anglicane tient bien plus a 1'aulorite de el produisent ensuite des suppuralions pendant cinq
sa personne qu'a ses ecrits. C'est de lui que relevent ou six autres mois. Cf. W. Ebstein, Die Medizin im
ce qu'on appelait naguere encore Ritualisme (qu'on Alien Testament, Stuttgart, 1901, p. 141-144. Les pus-
nomme aujourd'hui plus communemenl Haute-Eglise tules pourraient etre aussi la consequence d'une espece
ou meme Eglise anglo-catholique et qui, au debut, de peste, comme il s'en produit parfois par suite de la
porta Petiquetle de Puseysme), et aussi la creation de stagnation des eaux sur le sol. Les calendriers egyp-
maisons religieuses de femmes qui se sont multipliers tiens, dans lesquels sont noles les jours bons ou mau-
depuis, tanten Angleterre qu'en Amerique. II ne sem- vais, donnenl celle indicalion pour le 19 du mois de
ble point toutefois que la netted de la vision intellec- lybi : « L'air dans le ciel, en ce jour, mele a lui les
tuelle, la rigueur de la logique, non plus que la deci- aatu annuels. t> Papyrus Sallier, pi. xv. Dans le
sion du caractere aient egale la reelle dignite desa vie; Papyrus de Leyde, des formules magiques sont four-
aussi etait-il voue a rencontrer sur sa route de mul- nies pour preserver de Vaat. Quiconque recite ces for-
tiples deconvenues, meme dans PEglise anglicane, mules « est sauve de Yaat annuel, 1'ennemi (la mort)
pour ne rien dire de Pechec de ses propositions d'union, ne s'empare pas de lui,... Vaat annuel ne Pabat pas,...
en 1869 avec 1'Eglise catholique et en 1874 et 1875 avec la debilile ne s'empare pas de lui, Yaat annuel ne le
1'Eglise orthodoxe grecque. Les commentaires de Pusey lue pas, I'aabu (la maladie) ne le delruil pas. » La
sont ses ouvrages les moins celebres. II a publie maladie designee par le mol aat revenait done annuel-
Daniel the prophet, in-8°, Oxford, 1864,rpour defendre lenient; c'etait une sorte d'epidemie dont les effets
Pauthentieile de sa prophetie; The Minor Prophets pouvaient etre mortels, ainsi que le supposent les for-
with Commentary, six parties, in-4°, Oxford, 1860-1877. mules magiques. Cf. Chabas, Melanges egyptologiques,
II avail eu 1'intention de publier un commentaire l re ser., t. i, p. 39; Vigouroux, La Bible et les decou-
populaire de la Bible et avail trouve pour le realiser vertes modernes, 6e edil., t. n, p. 331-332. En realite,
des collaborateurs, mais ce projet n'aboutit point. Voir il n'est pas necessaire d'identifier le mal qui conslilua
H. P. Liddon, A Life of Edward Bouverie Pusey la sixieme plaie avec une maladie delerminee. Pour
(commencee par Liddon, continuee par J. 0. Johnston, celte plaie, comme pour les autres, Dieu se contenta
R. J. Wilson et Newbolt), 4 in-8°, Londres, 1893-1897; de dechainer un mal que les Egyptiens voyaienl de
Pusey, by the author of Charles Lowder, Londres, 1900. temps en temps se produire dans des conditions natu-
J. MONTAGNE. relles; mais il le fit sevir a 1'instanl indique par Moi'se,
PUSTULES (hebreu : 'aba'ebu'ot, de la racine avec une soudainete, une universalite, une intensite"
1
ba'ba , « gontler >>; Seplanle : 9>.vxTj'8ec; Vulgate : ve- qui en rendaient le caractere absolument miraculeux.
sicffi), petites tumeurs cutanees renfermant du pus. —' La plaie cependant ne parait pas avoir cause la mort,
II en est question a propos de la sixieme plaie d'Egypte, comme le font frequemmenl les aulres maladies epi-
qui consista dans une « inflammation produisant des demiques qui se developpent en Egypte. Les pustules
pustules. » Dieu ordonna a Mo'ise et a Aaron de remplir etaienl choses Ires connues sur les bords du Nil. Les
leurs mains de cendre de fournaise et de la jeter vers Egypliens en furenl tous atteints en peu de temps et
le ciel sous les yeux du pharaon, de maniere que, re- dans des conditions qui ne permettaient pas d'allribuer
pandue en fine poussiere sur tout le pays, elle pro- le mal a des agents naturels. Les magiciens eux-memes,
duisit sur les hommes et sur les animaux des tu- frappes comme les aulres, ne furent plus en etat de
meurs bourgeonnant en pustules. C'est ce qui arriva. paraitre devanl le pharaon pour remplir leur office
Les magiciens, atteints comme tous les autres, ne habiluel; les puslules les defiguraienl el on pouvait
purent tenir en presence de Molse. II n'est point dit craindre que la, contagion s'en communiquat a la per-
cependant que personne soitmort de cette plaie. Exod., sonne du prmceYrLes animaux echappes a la cinquieme
ix, 8-11. — II faut remarquer lout d'abord que la plaie, c'est-a-dire ceux qui, au moment de cette plaie, ne
cendre prise dans la fournaise et repandue dans 1'atmo- se trouvaienl pas dans les champs, Exod., ix, 3, furent
sphere n'est pas la cause de la plaie. C'est un simple egalemenl frappes d'une epizoolie eruptive, analogue a
symbole des principes pernicieux qui vont vicier Pan- la conlagion qui atteignail les hommes. D'ordinaire,
el une indication que la plaie naitra non plus de 1'eau, les puslules n'onl de caractere epidemique que sur les
comme les grenouilles, Exod., "vm, 3, ni de la pous- hommes et sur les troupeaux de moutons; le mal se
siere de la terre, comme les moustiques, Exod., vm, propage alors d'homme a homme, de mouton a mou-
16, mais de 1'air meme qu'on respire. La cendre joue lon. Dans les races bovine, caprine, chevaline el ca-
'ici le meme role que la boue dans la guerison de nine, ils n'apparaissent guere qu'a Petal sporadique.
l'aveugle-ne. Joa., ix, 6. Quant aux pustules, elles peu- Cf. Erbslein, Die Medizin, p. 144. A. la sixieme plaie,
$83 PUSTULES — P U T I P H A R 884
le mal ne se repandit pas par contagion, ce qui eut re- Aegyptische Personennamen, 1864, p. 79-81 ; Spiegel-
clame un delai trop considerable; tous les etres vises berg, Aegyptische und griechische Eigennamen aus
furent atteints a peu pres en meme temps d'un mal Mumienetiketten der rdmischen Kaiserzeit, 1901,
qui determinait eh eux des eruptions cutanees ana- n. 198 sq. On observera tqutefois que 1'article est
logues a celles des hommes et plus ou moins assimi- supprime devant le nom du dieu ou de la deesse et
lables a celles que certaines pestes occasionnent chez qu'au lieu de P-dou-pa-Khonsou et ITetsTrs^wvffiCj par
les animaux. Letexte sacre ne mentionne pas de morts exemple, nous avons P-dou-Khonsou et nsTsxwvwt?.
parmi les animaux. II ne dit pas non plus que les pus- Mais il y a des noms egyptiens ou le nom du dien
tules ne sevirent pas parmi les Hebreux, dans la terre
de Gessen; mais il faulTinferer de ce qui est remarque se prefixe de 1'article, X i ^ ^ J U J J ^ ^ — j^'
a propos des autres plaies. Exod., vm, 22; ix, 4, 26; Pa-Amen-bouf-nefer, « la beaute d'Amon », du temps
XH, 23. ., H. LESETRE. de Ramses II. Virey, Etude d'un parchemih rapporte
de Thebes, dans Memoires de la Mission, t. i, 1889,
PUTIPHAR, nom de deux Egyptiens, 1'un, le mai- p. 509. Le nom de Ra, en particulier, n'echappe pas a
tre, etl'aatre, le beau-pere de Joseph. Leur nom est cet usage. On rencontre plusieurs yt "*^ tPa-rd-
ecrit differemment en hebreu, Potifar et Potifera', m-heb, « le soleil en fete », a la XVIIIedynastie.', Virey,
cependant on s'accorde generalement a regardercomme loc. cit., p. 498. 500; Spiegelberg, The Viziers of the
identiques les deux noms Putiphar = Pptiphar, Gen., New-Empire, fans Proceedings of the Society of Bibli-
xxxvn, 36j xxxix, l,.et Putiphare = Potiphera', XLI, cal Archaeology, t. xv, 1892-1893, p. 525, 526; Daressy,
45, 50; XLvi, 20, Toutefois Brugsch, Egypt under the Notes et Remarques, dans Recueil des Travaux rela-
Pharaohs, t. i, 2 e edit., Londres, 1881, p. 308, fut d'abord tifs a la philologie et a ,1'archeologie e'gyptiennes et
pour leur nori-identite, roais plus tard, Steininschrift
und Bibelwort, 2« edit., 1891, p. 83, il se rallia a 1'opi- assyriennes, t. xvi, 1894, p. 124. A cote de j ^^
nion commune. Les versions grecque et copte sont
unanimes de leur cote a transcrire d'une facon unique Rd-holep se trouve la forme "it 9 Pa-rd-
les noms de deux personnages : Il£T£<pp^ et rUi:eqpp5j, hotep, « la paix, 1'union de Ra, celui que Ra s'unit. »
ueTC^pH et ,neTc^pH. Cf. Champollion, Precis du Lieblein, loc. cit., n. 2101, 2130, 2131; Spiegelberg,
systeme hieroglyphifjue, 1827-1828, p. 177; 0. von loc. cit., p. 523, 525. Cela nous autorise a conclure
Lemm, Kleine koptische Studien § x-xx, 1900, § xiv, avec Heyes, Bibel und Aegypten, t. i, 1904, p. 106-107,
p. 61-62; A,Dillmann, Die Genesis, 6e edit., 1892, p. 397. qu'on ne peut pas dire que Pa-dou-pa-ra s'eloigne des
Leur identite une fois admise, il estpermis de discuter formes egyptiennes. Nous devons meme admetfre avec
du meme coup la formation de Potiphar et de Poti- le meme auteur que, si cet article n'etait pas toujours
phera'. Le plus grand nombrey voit ou accepte d'y voir ecrit, il etait souvent prononce, puisque le nom d'un
la forme egyptienne ^" j "Jjt ? , P(a)-dy(dou)-pa-Rd. desfds de Ramses II nous apparait tantdt sous la forme
Rd-her-ounem-f, et tantot sous la forme Pa-ra-her-ou-
« celui que Ra (le soleil) a donne, le don de Ra », en nem-f, « Ra a sa droite ». Lepsius, Konigsbuch der
grec 'H)vi63wpo;. Cf. Sethe, De Aleph prosthetico in alien JEgypler, 1858, pi. 34, n. 438; Sethe, Untersu-
lingua segyptiacd verbi formis prxposito, 1892, p. 31. chungen zur Geschichte und Altertumskunde JEgyp-
Nous aurions done ici 1'article • p, ou /C> pa, le verbe tens, t. i, 1896, p. 59. Somme toule, il reste probable
que Putiphar apparlient a la categorie des noms pro-
dou, -=—i ou A , et le nom du dieu Ra j precede d'un pres ayant pour parties constitutives Pa-dou plus un
second article. Les noms deformation semblable, P-dou nom de dieu, ici le dieu Ra : Pa-dou-pa-rd. Nous
plus un nom de dieu ou de deesse, ne sont pas rares disons probable seulement. C'est ce qu'a oublie Stein-
sur les monuments. Au British Museum, deux steles dorff. Partant de la supposition que Putiphar etait a
en bois, n. 8482 et 8484, nous donnent pour la XXe dy- n'en pas douter la forme egyptienne pa-dou-pa-rd, il
nastie un certain Auserhaaroua fils de I ^ .Pa-dou~ a affirme a deux reprises, Der Name Josephs, dans
m
•i -• J %
h ^nMni Zeitsclirift fur dgyptische Sprache, t. xxVII, 1889,
Ast, « le don d'Isis », et 1^^, Pa-dou-Amen' P. 41-42, et Weiteres zu Genesis, loc. cit., t. xxx, 1892,
j i 1 ^>~•««^
« le dond'Amon ».Cf. Budge, A Guide to the thirdand p. 51, que les noms de cette categorie commencent
fourth Egyptian Rooms, 1904. p. 78 et 75. Une ins- d'apparaitre a la XXII6 dynastie, qu'ils deviennent
frequents seulement apres Fan 700 avant J.-C., et que
cription de la XXl e dynastie fournit "^IT A \L , Pa-dou 1'ecrivain de 1'histoire de Joseph, qui introduit le nom
Hor, «le don d'Horus». Maspero, Les momies de Deit' de Petephre comme appartenant a des fpersonnes,
el-Bahari, dans Memoires de la Mission archeologigue est, par suite, a placer dans le septieme siecle avant
francaise au Caire, t. t. 1889, p. 522. Avec lalXXII6 dy- J.-C. Rrugsch lui-meme, Steininschrift und Bibelwort,
nastie se multiplient les ® =L,P-dou-Khonsou, 1891, p. 83, n'attendait pas la seconde affirmation de
Steindorff pour ecrire : « Les noms propres de Potiphar
« le don de Khonsou », les • • x,
R P-dou-Ptah, « le et de Potiphera', en ancien egyptien Petiphera, « le
« don du Soleil », qui tous les deux se trouvent dans la
don de Ptah », etc. Cf. Lieblein, Dictionnaire des Bible, marquent par leur constitution qu'ils sont d'une
noms hieroglyphiques, 1871-1891, n. 1051, 1280, 1305. epoque posterieure au temps de Joseph. Us sont en-
On ne les compte plus sous les dynasties suivantes, tierement inconnus des monuments anciens quant a
par exemple, yt. .=—' I , Pa-dou-East, & le don de leur composition ou forme et ils n'apparaissent pour
Bast », transcrit Poutoubasti par Assurbanipal, Cylin- la premiere fois qu'au neuvieme siecle avajit J.-C ,
c'est-a-dire quelque mille ans apres les faits rapportes
dre A, col. 1, lig. 98; [ |-SR>~ ,P-dou-Asar, «ledon dans 1'Ecriture. » La consequence saute aux yeux : la
d'Osiris », Cf. Champollion, Grammaire egyptienne, redaction de 1'histoire de Joseph que nous possedons
1836, p. 310. Les Grecs recurent ces noms et nous re- serait posterieure a Moise. ri'ailleurs Brugsch Pa dit
marquons qu'ils en transcrivent ordinairement les deux expressement, Deutsche Rundschau, t. xvi, 1890, p. 2'(5-
premieres syllables par Here comme dans neTscpprjc, avec 246. — Mais 1« est-il certain que Putiphar, soit a ralta-
des exceptions pourtant : ne-rs^ut;, rieTExwvfft?, IleTO- cher a Pa-dou-pa-rd ? Nous avons dit plus haut que ce
eripts, Il£To6a(TTti;. Cf. entre autres, Grenfell et Hunt, The n'etait que probable, c'est-a-dire qu'il y a place pour
Hibeh Papyri, Part, i, 1906, n. 35V 53, 112; Parthey, d'autres-probabilites. Aussi Ed. Naville, The egyptian
885 PUTIPHAR
name of Joseph, dans Proceedings of the Society of the "it | comme appartenaht au gr6upe de noms
Biblical Archaeology, t. xxv, 1903, p, 160-161, declare.
qu'il ne ne peut otre d'accord avec Steindorff et qu'il composes de . Cependant je veux faire observer que*
est premature de vouloir echafauder sur le nom de -^ " . • • '' 1 U 1'
Putiphar une theorie concernant la date de la compo- Potiphar pourrait tres bien etre assimile a ' 1
sition de 1'histoire de Joseph. « La transcriplion pt-bar, nom d'un homme qui vivait sous les Hyksos
I '"\^^ *±" "^ /^\
jf. V , Heliodorus, pour PolipkercC , semble et qui etait chef des constructions du dieu Amon. »
Louvre, stele C 50. Cf. Pierret, Recueil d'inscriptions
tres naturelle a premiere vue, dit-il, et j'y ai moi-meme inedites du Louvre, t. I, 1874. p. 50-55. Lieblein ajtoute
fait appel. Mais on petit apporter contre elle que ce que la derniere partie du nom nous donne probable-
nom avec deux articles a une physionomie quelque peu
etrange. » Naville estime done que la forme tres sern- ment le nom de Baal, que la premiere partie
hlable yt j , Pa-hotep-rd, et qui se rencontre a joue le meme role que et que, par consequent, les
plusieurs reprises, nous fournirait une meilleure inter- noms composes de remontent au temps des Hyksos.
pretation. « Nous savons, ajoute-t-il, paries transcrip-
tions copte et grecque qu'il y avait un 6 dans le mot Toutefois, pour le moment, il n'ose 1'affirmer sans
reserve, par suite de doutes qu'il ne peut lever. « En
. Get 6 correspondrait au cholem du nom hebreu. tout cas, conclut-il, il est bien certain que les noms
Sur la fameuse statue de Meidoum (Maspero, Guide au composes de ne peuvent etre employes comme
Musee du Caire, 1902, p. 33, n. 6) nous avons le nom
argument chronologique quant a la redaction du texte
de (Rd-hotep), qui est celui d'un grand-pretre biblique. » Ailleurs, L'Eacode des Hebreux, loc. cit.,
d'Heliopolis sous 1'Ancien Empire. II n'est pas impos- t. xxi, 1899, p. 58-59, Lieblein revient sur le meme sujet
de facon plus explicite : « Le nom de Potiphar... pour-4
sible qu'il fut lu (Hotep-Bd), le nom du dieu rait tres bien etre identique au nom Pt-bar qui iigure
etant toujours ecrit le premier. Ou encore les deux en tete d'une genealogie dont j'ai donne la table dans
formes du nom ont pu coexister, tout comme nous mon Dictionnaire des noms. n° 553. Potibar est visible-
trouvons Jfotep-Ptah et Ptah-hotep, Jfotep-Hathor ment une composition hybride de o__ ^gyptien, proba-
et Hathor-hotep. Pa-rd-hotep existe (voir plus haut) S——
et je pense qu'on peut avoir pareillement Pa-hotep~rd, blement identique a § , et de 1 , nom du dieu
-—-
Photep-rd, qui transcrirait exactement le nom du semitique Baal... Je ne veux pas dire que Potiphar et
grand-pretre de On, Potiphercf, et serait analogue a Potibar soient le meme individu...; mais je crois que
celui du grand pretre de 1'Ancien Empire. » — 2° A les deux sont identiques et qu'ils remontent au meme
supposer meme que Padou-pa-ra soil la vraie forme de temps. » II y a bien le changement du b en p avec le
Putiphar, est-il bien sur que cette forme soit aussi son /, Potibar, Potiphar. Mais ce changement se pro-
recente que le veulent Brugsch et Sleindorff ? On in- duisait souvent d'une langue a 1'autre. De plus le b
voque ici le silence des monuments. Mais en Egypte sgyptien se rapprochait dans le parler courant du son f
silence des monuments ne dit pas absence des monu- comme le prouvent certains mots copies sortis du fonds
ments. On ne sait jamais si les fouilles de demain ne egyptien ou b est devenu q, Cf. Loret, Manuel de la
viendront pas combler une lacune et renverser les langue egyptienne, 1889, p. 91; Sethe, Das dgyptische
theories de la veille, C'est done peu seientifique d'ad- Verbumj t. i, 1899, p. 121. C'est d'apres ce parler cou-
mettre comme un fait acquis qu'on ne peut rencontrer rant que Moi'se aura transcrit le mot Potibar, Potiphar.
de temoignages constatant 1'anciennete de la forme Pa- II y a bien aussi qu'au nom de Potibar manque le deter-
dou-pa-rd et d'en deduire d'une facon absolue la non-
existence de cette forme avanttelle ou telledate. Est-ce minalif divin jLf, Set, mais ce determinatif etait ecrit
que Heliopolis, par exemple, a livre tous ses secrets — ou omis a volonte, comme en temoigne toute une serie
et les livrera-t-elle jamais? Co,nnait-bn, en particulier, de noms propres dont la derniere composante est Baal,
ia necropole de ses pretres contemporains des Hyksos Pour de pareils noms avec le determinatif, voir Spie-
et du Nouvel-Empire, necropole qui pourrait nous gelberg, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xnr, 1898,
reveler la serie des noms heliopolitains pour cette p; 54; Papyms Golenischeft, pi. i, lig. 16-17, pi. in,
epoque ? Sayce, The Egypt of the Hebrews, 3e edit., lig. 7; — sans le determinatif, Spiebelberg, Studien
1903, p. 24, a dit excellemrnent: « II a ete avance par und Materialien zum Rechtswesen des Pharaonen-
des egyptologues que le nom de Putiphar ne remonte reiches der Dyn. 18-21, 1892, p. 36, 37, 51; Papyrus
pas au dela de la XXIIe dynastie, a laquelle apparte- Anaslasi HI, 6, 3, et verso.6, 1, 7. Pour toute la ques-
nait Scheschankh (Sesac), le contemporain de Roboam- tion de Potibar, cf. Heyes, loc. cil., p. 110-111. —
Mais de ce qu'aucun nom semblable n'a ete trouve Potiphar peut done venir ou de Pa-dou-pa-rd ou de
|usqu'ici pour une date plus ancienne, il ne suit pas Pa-hotep-rd ou de Pet-bar. II n'est point certain que le
qu'il n'ait pas pu exister. Aussi longtemps que nos premier n'ait pas existe avant la XXII 6 dynastie. ,Nous
rnateriaux seront imparfaits, nous ne pouvons pastirer en avons apporte des exemples de la XXe. Les deux
des conclusions positives simplement de 1'absence de autres datent de 1'Ancien-Empire et des Hyksos. Cela
temoignage. » W. M. Miiller, art. Potiphera II, dans suffit a demontrer que la conclusion chronologique de
Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, 1899-1902, t. iv, Brugsch et de^Steindorff, dans ce qu'elle a d'absolu,
col. 3814-3815, tout en admettant 1'usage relativement est entierement-gratuite. Nous ajouterons : en admet-
recent des noms de la categoric de Putiphar, ecrit de tant meme un instant que les noms propres eussent
son cote : « Nos materiaux ne spnt pas encore assez subi des retouches de la part des copistes qui les
complets pour autoriser des affirmations si precises... auraient adaptes aux noms a la mode de leur temps, il
La transcription (de Putiphar) avec teth et am donne ne s'ensuivrait pas encore que, pour le reste, le texte
d'ailleurs une bonne impression d'archak'sme et s'op- de 1'histoire de Joseph ne soit pas de Moiise.
pose a toute tentative trop extravagante d'en abaisser C. LAGIER.
la dale. » Lieblein, Mots egyptiens de la Bible, dans 1. PUTIPHAR (hebreu :Potifar; Septante: IIs^pYje),
proceedings, t. xx, 1898. p. 208-209, va plus loin encore : grand offieier egyptien a qui les Madianites vendirent
«'kPotiphera' et Potiphar sont generalement regardes Joseph, fils de Jacob. N
comme identiques. Or, Potiphera' a ete rapproche de I. SES TITRES. — Le reeit biblique note que Putiphar
887 88$
etait Egyptien, et non sans raison, puisque sous les Hyk- 9« edit., 1882, p. 212. Qui plus que lui a etc traite d'eu-
sos, qui devaient appeler aux charges principales sur- nuque? Ce prince, toutefois, non seulement etait marie,
tout ceux de leur race, il n'en fut pas moins grand offi- mais 1'on voit avec ses annees de regne le nombre de
cier de la couronne, « eunuque du pharaon et chef de ses filles augmenter. II en eut jusqu'a sept. Cf. Mas-
1'armee, » selon la Vulgate. Gen., xxxix, 1. — 1° Eunuque pero, Histoire ancienne de I'Orient classique, t. n^
du pharaon. — L'hebreu porte sdris dont le premier 1897, p. 326, fig. p. 328.
sens est castrat. Chez les Semites on employait le castrat A defaut des representations, 1'existence du harem
dansle service des harems. Putiphar en etait-il un? C'est royal nous revelera peut-etre 1'existence des eunuques.
possible, si nous jugeons de 1'Egypte ancienne d'npres En effet, a cote de la reine, son epouse legitime, dame
les autres peuples de TOrient. A 1'exception du peuple de la maison, libre de ses mouvements, commandant
juif, cf. Lev., XXH, 24; Deut., xxm, 1, tous ces peuples a un nombreux personnel, le roi possedait un harem
polygames pratiquerent la castration. Herodote, vnr, f+t /*v**v\
fitt] * C~I] ou
^
? khent. Cf. Maspero, loc. cit.f
105; Layard, Nineveh and its remains, t. n, 1849,
p. 324-326, 334, 340; Botta-Flandin, Monuments de Ni- t. i, 1895, p. 270. Le Khent avait sa hierarchic de fonc :
nive, t. n, 1849, pi. 145. C'est possible encore si nous tionnaires : un intendant, Papyrus judiciaire de
voyons et s'il est legitime de voir cette meme Egypte a Turin,iv, 4; des scribes, iv, 5; v,10,et Mariette, Catalogue
travers 1'Egypte musulmane oil 1'eunuque est dans tout general des monumenls d'Abydos, 1880, n. 686, 719;
harem de la haule classe. Les voyageurs a 1'envi ont des delegues, Papyr. jud. de Turin, v, 9; des por-
parle des eunuques modernes, de leur recrutement et tiers, Y, 1, et stele C 6 du Louvre. Or, de plusieurs de
aussi de leur influence. Caillaud, Voyage a Meroe, ces fonclionnaires, et preeisement de ceux qui pas-
t. in, 1826, p. 117-118; E. Delmas, Egypte et Pales- saient leur vie dans le harem, les portiers, nous savons
tine, 1896, p. 260-251. Get argument a part trouve-t-il qu'ils etaientmaries. Papyr. jud. de Turin, V, 1. Celui
sa justification dans les monumenls antiques de la de la stele C 6 du Louvre, nomme Kefenou, avait de
vallee du Nil? Rosellini, Monumenli dell' Egitto e nombreux enfants. Sans doute les Egyptiens en contact
della Nubia, 1836, part. II, t. in, p. 132-134, et Monu- avec les peuples d'Orient ont du connaitre Pinstitution
menti civili, pi. 34, fig. 2; pi. 68, fig. 2; pi. 77, fig. 12; des eunuques. Mais autre chose est connailre une ins-
pi. 79 et 88, fig. 3, a pretendu avoir rencontre des titution, autre chose 1'admettre chez soi. Aucune mo-
eunuques et les avoir reconnus. Ebers, Aegypten und mie n'a revele 1'aspect d'une operation faite durant la
die Backer Mose's, 1868, p. 298, les a distingues, vie. On ne peut pas s'appuyer sur la legende d'Osiris
croit-il, a leur obesite et aux plis graisseux de leur emascule par Typhon son ennemi a qui Hprus fit su-
poitrine, surveillant des fileuses dans la tombe de bir la peine du talion. Texte des Pyramides, Tetir
Khnoumhotep a Beni-Hassan. Cf. Newberry, Beni- lig. 276-277; Pepi, I, lig. 30-31; Lefebure, Sur diffe-
Hasan, part. I, 1893, pi. xxix. Mais on aecordera bien rents mots et noms egyptiens, dans Proceedings, etc.,
que cela ne suffit pas a la demonstration. La preuve t. xin, 1890-1891, p. 342-353; Plutarque, De hide et
topique fait defaut et les inscriptions n'en revelent Osiride, c. LV. C'est une pure legende qui peut refle-
rien. II y a mieux. Dans cette meme tombe et dans les ter une coutume d'ennemi a ennemi, mais aucunement
autres du meme groupe, il n'y a pas que les surveil- un usage de la vie sociale. Visiblement inspire de cette
lants des fileuses qui soient ainsi, mais c'est la regie' legende, dans la partie qui nous concerne, Le conte
generate pour tous les preposes a quelque service, des deux freres, que 1'on a parfois invoque, n'a pas
comme on peut s'en convaincre a 1'examen des scenes plus de valeur. Papyrus d'Orbiney, p. 7, lig. 9, etp. 9,
diverses. Voir Newberry, loc cit., pi. xxx, xn, etc. On lig. 6; Maspero, Les contes populaires de I'ancienne
remarque ailleurs la meme loi : les directeurs des Egypte, 3e edit. (1905), p. 9-12. II est Ires probable
corps de metiers, le baton ou la courbache, ou meme m£me que le terme d'eunuque, au sens strict, n'existe
1'aiguillon a la main contraslent par leurs formes re- pas dans la langue egyptienne. Si on avait eu la chose,
pletes avec la maigreur de 1'entourage. On peut voir en comment le mot ne se rencontrerait-il pas et meme
eux 1'em.bonpoint de 1'age, et non les chairs boursou- sou vent? Lefebure, loc. cit., p. 345, a cru toutefois le
uees de 1'eunuque, ou tout au plus 1'application d'un reconnaitre dans 0X <*> TK
•
, hem ou hemti, de ^ vf, A
hmtt
canon impose au peintre et au sculpteur. Cf. La tombe « femme ». Mais ce mot se traduit d'ordihaire par
d'Apoui, dans Memoires de la Mission du Caire, t. v, « lache », « poltron », et des 1'Ancien Empire, ne se
1891, pi. n et p. 610. Voir EUNUQUE, t. n, col. 2044, fig 622, trouve jamais que comme une epithete lletrissante
ou dans une scene de marche des vendeuses echangent jetee a la face des gens de rien. Maspero, Etudes egyp-
aux acheteurs des melons, des poissons, des concom- tisnnes, t. n, p. 82; Champollion, Notices, t. n, p. 186;
bres contre du ble, une etoffe et le contenu d'un sac. Stele de Pianchi, ou il est dit qu'il n'y a « pas de duree
Pour le plaisir de la variete, a un seul des acheteurs a une armee dont le chef est hemti. » Lefebure le
le peintre a donne une taille ramassee, un aspect vieil- constate lui-meme, p. 342, 456. Des lors hemti ne
lot, un torse charge de graisse. Le rapprocher des ti- peut convenir a Putiphar, et si celui-ci etait 1'eunuque
reurs des chadoufs, pi. i, loc. cit. Tous ces personnages du pharaon, ce ne peut etre qu'exclusivement dans
ne nous rappellent a peu pres rien, .par 1'ensemble de un sens derive. Eunuque devint en effet dans les lan-
leurs traits, des eunuques que Ton rencontre a chaque gues semitiques synonyme d'attache au prince, de mi-
pas dans les rues du Caire. Leurs pareils, plus ou moins nistre de la Cour, cf. Gesenius, loc. cit., probablement
ages, ne sont pas rares au musee du Caire. Bas-reliefs parce que, en Asie, specialement a Ninive et a Baby-
20473 et 20474. Sans s'en douter, les premiers egypto- lone, les eunuques parvenaient aisement aux postes ies
logues se sont laisse conduire par 1'idee recue de leur plus importants. II est tout naturel, par suite, que 1'he-
temps que 1'Egypte sur le point des eunuques devait breu designs par ce nom 1'officier du palais du pha-
ressembler aux autres nations orientates. Un exemple raon. C'est avec ce sens d'officier que lemotsdris pene-
bien connu nous montrera quelle reserve s'impose a tra en Egypte aux basses epoques, du lemps de Cambyse,
juger sur la mine des gens peints ou sculptes, et eom- de Darius et de Xerxes, et on le lit dans les inscriptions
bien il faut tenir compte de la mode et de la fantaisie rupestres de 1'Ouadi Hammamat. Rosellini, Monumenti
de 1'artiste. Qui plus qu'Anenophis IV Khounaten a slorici, t. n, pi. 11 c et p. 474; Golenischeff, Hamma-
« dans I'ensemble de sa'personne ce type particulier mat, pi. 48. L'inscription de 1'an XXXVI de Darius et
et etrange que la mutilation imprime sur la face, les de 1'an XIII de Xerxes se termine par ces mots :
pectoraux et 1'abdomen des eunuques? » Mariette, cite
par Lenormant, Eistoire ancienne de VOrient, t. n, « Fait par le sdris, M _~- , de Perse, prince de Coptos
£89 PUTIPHAR 890
Ataiouhi. » Sous ce mot saris « il faut evidemment Moyen Empire parle des Mazaiou et des capitaines ou
comprendre ici Pofficier, » W. M. Miiller, loc. cit., « grands de Mazaiou, » ^ A^ ^ j, ^ \\ } * , ur
Col. 3813. Par ailleurs, Putiphar etait marie, et cela
montre bien 1'idee que 1'ecrivain sacre attachait au n Mazaiu. Borchardt, &in Reichnungsbuch des Konig-
mot saris en le lui appliquant. Que Ton n'objecte pas lichen Hofes, dans Zeitschrift fur ag. Spr., t. xxvin,
que Ton a vu des eunuques maries et possedant meme 1890, p. 94-97. Putiphar put etre surtout du nombre
un harem. Ebers, loc. cit., p. 299. Ce sont la chez les de ces suivants , semsu, qui apparaissent de
musulmans des cas exceptionnels qui n'infirment pas bonne heure autour des rois. Un certain Thethi, par
la regie generale et qui, du reste, ne pouvaient se exemple, ne quittait pas d'un pas ses maitres Antef I et
produire chez les Egyptiens, d'apres ce qui a ete dit Antef II. Breasted, Ancient Records, t. i, 1906, p. 202-
plus haut. Putiphar etait done un officier. du palais, 203. Ces suivants ou gens de la suite, vrais gardes du
probablement un de ces connus du roi, de ces amis corps, se multiptient sous la XIIe dynastie. Cf. Mariette,
uniques, de 'ces courtisans, en un mot, a qui le pha- Catalogue d'Abydos, n. 634, 649, 699, 744; Lepsius^
raon distribuait les emplois de confiance. Cf. Maspero, Denkmaler, n, 136 e, g, 138 g, 144 i, k. Le Papyrus
Histoire ancienne, t. i, p. 287-281. xvni de Boulaq contient aussi une liste de suivants
2« $ar hat-tabbaim. — Tel est le nom h4breu de la stationnant a la cour avec leurs officiers. Borchardt,
charge confiee a Putiphar. Si nous consultons les Sep-
tante, il faudrait entendre par la « le chef », sar, « des loc. cit., p. 92-94. Les officiers portent le titre de M u
cuisiniers », hat-tabbaim : «p-/'t J -«T £ 'P°C' En effet, seliez semsu, « commandant des suivants ». Cf. Ma-
tabbah, I Reg., ix, 23, 24, designe un cuisinier, et la riette, loc. cit., n.664, 780, 864. A ces gens de la suite
position de chef des cuisines royales pouvait etre inv le roi donnait les charges et les missions importantes.
portante a la cour, si nous supposons qu'elle donnait Temoin cet Amenemhat cumulant les titres de com-
autorite sur 1'armee des officiers de bouche. Cf. Mas- mandant des suivants et de commandant de la milice
pero, loc. cit., p. 279-280; Etudes egypliennes, t. 11, nationale, Lepsius, loc. cit., n, 138 a, qui formait en
p. 10-11, 61-63, ou la liste deces nombreux personnages, Egypte une classe speciale. Maspero, Etudes egyp-
d'apres le Papyrus Hood, est donnee par ordre hie- tiennes, t. n, p. 34-36. Temoin encore ce Sehotepabra,
rarchique; Brugsch, Die Aegyptologie, 1897, p. 219- « le suivant de son maitre dans toutes ses allees et
221. Mais rien ne nous prouve que le surintendant des venues, surintendant de tous les travaux du palais,
cuisines eut un pouvoir si etendu, et cela serait-il que chancelier, etc., » qui demande d'etre apres sa mort
la traduction des Septante n'en serait pas justifiee, car « un suivant de Dieu ». Maspero, Sur une stele du
tabbah a bien plutot le sens de « celui qui tranche Musee de Boulaq, dans Etudes de mythologie et d'ar-
egorge, tue », d'ou satellite, garde du corps. Cf. Gese- cheologie egyptiennes, t. iv, 1900, p. 134-137 (Biblio-
nius, Handw., 9e edit., p. 303. §ar hat-tabbahim semble theque egyptologique, YIII). Une stele recemment de-
done designer une fonction militaire, soit le chef de couverte, celle de Sebekhou, surnomme Zaa, nous
ceux qui executent les ordres du maitre. Vigouroux, montre ou pouvait arriyer un suivant entre les mains
La Bible et les decouvertes modernes, 6e edit., t. 11, du roi. Zaa fit d'abord partie, en qualite de suivant, de
p. 33. C'est ainsi que 1'a compris saint Jerome la troupe personnelle d'Osortesen III; puis il en de-
qui rend 1'expression par magister mililum, Gen., vint un des chefs, sehez; puis il obtint la charge de
xxxvn, 36; princeps exercitus, xxxix, 1; princepsmi- « grand oudrlou », quelque chose com me gouverneur
litum, XL, 3, XLI, 10; dux militum, XLI, 12; custos de la residence royale. Garstang, El Arabah, 1901,
carceris, XL, 4. Et cela avec d'autant plus de raison pi. rv-v, p. 32-33. Quelques annees plus tard, apres
que le meme litre devenu plus tard rab-tabbahim 1'achevement de sa stele, en 1'an IX d'Amenemhat III,
marque une dignite militaire pour Nabuzardan, nous retrouvons Zaa a Senmeh relevant la cote du
IV Reg., xxv, 8, 11, 20, Jer., xxxix, 9, etc., et pour Nil a la seconde cataracte. II etait alors « oudrtou du
Arioch, Dan., n, 14, quoique les Septante continuenta souverain ». Lepsius, loc. cit.f n, 136 b. — A cote des
le traduire par dcp^a-f^P 0 ?- Le Targum d'Onkelos et suivants se trouvaient ceux que les textes nomment
la version syriaque, rendant sar hat-tabba/im par \ « les hommes du cercle », les familiers de 1'entourage
« chef des executeurs » ou « chef des gardes du corps », immediat du pharaon : /»«~<w\
X 1
confirment la nature des fonctions de Putiphar. Pour 1 11 ^JHL
^«^i ' > senitu. Entre
les Septante, « on ne peut rendre eompte de leur tra- ces derniers et les premiers la difference n'etait peut-
duction qu'en supposant qu'ils ont vu une allusion etre — cela soit dit sous toute reserve — qu'une question
aux fonctions de Putiphar dans le passage ou Moi'se dit de degre de courtisan a courtisan. Les familiers n'au-
que le maitre de Joseph ne s'occupait de rien si ce raient ete que les premiers des suivants. Ainsi le sui-
n'est de ce qu'il mangeait. » Vigouroux, loc. cit., vant Sehotepabra etait en meme temps « le familier
p. 32; Gen., xxxvi, 9. du roi, se tenant derriere son maitre, » pour le prote-
Si nous consultons maintenant les documents an- ger, « le veritable ami de coeur, le confident intime, etc. »
terieurs a la XVIII" dynastie, c'est-a-dire les documents Maspero, loc. cit., p. 136-137. Plus tard, dans une liste
qui ne depassent pas 1'epoque de Joseph, nous verrons de charges, on signale parmi les premiers dignitaires
que plusieurs titres militaires peuvent convenir a Pu- de la Cour un « commandant des soldats doyens des
tiphar. II etait peut-etre un de ces chefs d'armee familiers » ou veterans de la garde. Maspero, Etudes
egyptiennes, t. n, p. 23-24. II serait bien tentant de
%k <=» jJyfc i , mer m§d, que nous rencontrons deja voir dans les cusuivants » et les « familiers » ceux que
-5*^. ' J^ i
sous 1'Ancien 'Empire, Sethe, Urkunden des Alien la Bible appelle les eunuques de pharaon. G'etaient M
Reichs, t. i, 1903, p. 92, lig. 1 et p. 148, lig. 3, 16, que des titres qui n'indiquaient pas une fonction definie,
nous retrouvons a la XII* et a la XIII6 dynastie. Breasted, semble-t-il, mais plutot une prerogative de cour, une
The Wadi Haifa stela of Senwosret I, dans Procee- aptitude a remplir les premieres charges, comme celles
dings, etc., t. xxm, 1901, pi. 233 et pi. m, lig. 11, 23; de grand echanson, par exemple, ou de grand panetier.
.Lepsius, Denkmaler, n, pi. 151 c. Ou bien encore avait-il Gen., XL, 1. Putiphar lui-meme, en qualite de suivant
recu le commandement des Mazaiou. Ces mercenaires ou de familier aurait ete choisi pour etre soit general
nubiens, voir PHUTH, col. 348, qui, des 1'Ancien Empire, d'armee, soit capitaine des Mazaiou, soit chef de la mi-
seryent dans les arme'es egyptiennes, Sethe, loc. cit., lice, soit commandant de la garde du corps, et a tbus
p. 101, lig. 14, et qu'on a charges de la securite publique. ces titres la prison d'Etat aurait ete sous ses ordres,
Le Papyrus xvm de Boulaq, qui date de la fin du pour une part au moins, cette prison ou il fit jeter
891 PHTIRHAR 892
Joseph. Gen,, xxxix, 20; XL, 3; XLI, 10. Nous en.avons toire, audition des temoins,, puis jugement. Capart,
assez dit pour montrer qu'a la Cour nombreuses etaient Esquisse d'une histoire du droit penal egyptien, 1960,
les fonctions militaires qui purent echoir a Putiphar. p. 15-32, extrait de la Revue de I'Univevsite de
Les expressions vagues de la Bible, d'une part, et, de Bruxelles, t. y, 1899-1900 fevrier. Un papyrus de Bo-
1'autre, les mysteres qui enveloppent encore la hierar- logne, qui date des Rarnessides, contient un cas tout
chie egyptienne ne permettent pas de faire un ehoix a fait semblable. Un esclave syrien s'est echappe du
entre elles, Toutefois, si 1'on peut marquer une prefe- temple de Th.ot d'Hermopplis. Le maitre, le grand pre-
rencer ce serait pour le commandant des veterans de tre RamesSQu, charge son ills de retrouver le fugitif
la garde que Maspero, loc. cit., p. 24, et Brugsch, Die qui est livre a la justice. Celle-ci decidera de 1'affaire
Aegyptologie, p. 213, identifient avec I'apxiffwtAarocpuXa^ dans ses grandes assises. Revillout, Notice des papyrus
dont il est si souvent question a 1'epoque ptolemai'que. denwtiques archaiques, 1896, p. 127-128; Melanges de
Strack, DieDynastie der Ptolemaer, 1897, p. 219, 246, metrologie, 1895, p.. 437-439. L'acte de Putiphar n'a-
251,252, 256, 257, 275; Grenfell, Greek Papyri, 1896, boutissait done qu'a la deteBtion preventive, il ne pre-
n. xxxviii, lig. 1, p. 69; n. XLII, lig. 1, p. 73. jugeait rien, ,et jl ne faut pas le mesurer a la peine
II. PUTIPHAR ET JOSEPH. — Putiphar s'apercut vite reservee par la loi aux adulteres.,Moi"se n'a pas juge
que le Seigneur etait avec Joseph et qu'aux mains de a propos de nous dire quel fut le resultat de la proce-
celui-ci touteschoses prosperaient.il letira donedu rang dure contre Joseph. II est probable que le crime ne fut
des esclaves, le mit a la tete de sa maison et en fitl'ad- pas etabli ni son innocence cpmpletement reconnue,
ministrateur de tous ses biens. Maison et biens furent pour une cause ou pour 1'autre, car il demeura en
benis a cause de Joseph, au point que Putiphar lui en prispn environ trois ans. Gen., XLI, 1, 46. Gunkel, Die
abandonna la pleine direction, ne s'informant plus de Genesis, 1901, p, 382-383, a pr,etendu, au contraire,
rien avec lui, et n'ayant d'autre souci que de prendre qu'il, est a peine croyable qu'un esclave, sous I'accusa-
sa nourriture. Gen., xxxix, 3-6; cf, le texte hebreu. Moi'se tion d'avoir atlente a Fhonneur de sa maitresse, ait
ne pouvait mieux exprimer la confiance absolue de Pu- ete.mis en prison. Le chatier severement, ou le rendre
tiphar en son serviteur devenu le surintendant — le eunuque, ou 1'appliquer a des travaux plus durs, ou le
wakil moderne — d'une grande maison et de ses domair vendre, cela se concevrait encore; mais le mettre en
nes. Voir JOSEPH, t. in, col. 1657-1658; cf. Heyes, Bi- prison et se priver ainsi deson travail, on ne 1'imagine
bel und Aegypten, t. i, p. 125-128. Putiphar, d'ailleurs, pas. C'est la un raisonnement en 1'air. II ne tient pas
en jetant ainsi les yeux sur un esclave etranger, restart compte des lois egyptiennes relatives a 1'adultere, a
dans la tradition des bords du Nil. Tout nous montre cet adultere si redpute devant le juge des morts et qui
que 1'Egypte ne fut jamais un pays ferme. Le merite inter.disait l'entre,e du ciel. Pierret, Le livre des morts,
d'un etranger, meme esclave,y etait reconnu et mis a 1882, p..370. Aux anciennes epoques., Tadultere etait un
profit. Aux exemples deja cites, voir PHARA.ON, col. 202, crime capital. « Une femme dont le mari est eloigne
on peut ajouter le Semite Isaa premier officier de bou- te remet des ecrits, dit le scribe Ani, t'appelle chaque
che de Thothmes Ier. Wiedemann, Egyptian monu- jour si elle n'a pas de temoin. Elle se tient debout, je-
ments at Dorpal, dans Proceedings, t. xvi, 1894, p. 154- tant son filet, et cela peut etre repute crime digne de
155; le juge Pa-Imerui, « 1'Amorite », dont la femme mort, meme quand elle n'a pas accompli son dessein en
se nommait Karouna et dont les deux fils aux noms realite. » « C'est un homme qui court a la mort celui
egyptiens etaient 1'un, Ouser-min, pretre, 1'autre, Meri- qui va aupres de la femme ayant un mari, » dit un
ca, le suivant et le porte-carquois de Thothmes III. papyrus du Louvre. Revillout, Notice, p. 210. Au Pa-
Mariette, Catalogue d'Abydos, n° 1055. Et nous ne sa- pyrus Weslcar, « la Majeste ,du roi de la haute et de la
vons pas combien d'autres elrangers se cachent sous le basse Egypte, Nabka, a la voix juste, fit conduire la
nom egyptien qu'ils recurent, aT'exemple de Joseph,, femme (adultere) d'Ouabou-anir au cote nord du palais;
Gen., XLI, 45, en guise de lettres de naturalisation, au on la brula et on jeta ses cendres au fleuve. » Maspeyo,
moment de leur elevation. Tous, en effet, n'imitent pas Les contes pttpu'.aires, 3° edit., p. 27. Ce n'est que bien
Ramses-m-per-ra, le premier porte parole de Meneph- plus tard et sous rinfluence des etrangers que s'adou-
tah, qui se. vantait d'etre le chananeen.Ben-Matana, Ma- cirent les peines contre l'adultere. Vers 1'epoque ro-
rielte, loc. cit., n. 1136. Onnecompte pas moinsde sept maine, « elles condamnaient celui qui avait fait violence
fonctionnaires d'origine etrangere dans 1'affaire de la a une femme libre a la mutilation. Pour l'adultere corn-
conjuration contre Ramses III. Cf. Deveria, Le Papy- mis d'un consentement mutuel, 1'homme etait condamne"
rus judiciaire de Turin, dans Memoires et fragments, a recevoir mille coups de verge et la femme a avoir le
t. n, 1897, p. 207, 209, 211, 213, 215, 218,221 (Biblioth. nez coupe. » Diodore, i, 78. — Le raisonnement de
egypt., v). II faut y joindre un autre coupable signale Gunkel ne tient pas dayantage compte de la condition
par le Papyrus Lee n° 1, lig. 4. Deveria, loc. cit., sociale de 1'esclave en Egypte, Le papyrus de Bologne
p. 197. — Mais voici que Joseph fut sollicite par la fem- cite plus haul nous a montre que, au cas de delit, on
me de son maitre et accuse du crime qu'il avait refuse poursuivait 1'esclave en justice comme un homme libre,
de commettre. Gen., xxxix, 7-19. Putiphar s'indigna et, par consequent, il devait avoir la meme prison que
grandement et le fit jeter dans la prison ou etaient de- les autres prevenus. « L'esclave, ainsi compris, n'etait
tenus les prisonniers d'Etat: $. 19-20, Ce traitement a nullement celui dont le vieux Romain nourrissait a son
paru trop doux a plusieurs et ils ont cherche a 1'expli- gre ses poissons et qu'il pouvait brutaliser, vipler ou
quer par le fait que Putiphar aurait eu des doutes sur tuer a son gre. » Revillout, Precis du droit egyptien,
la realite des faits. Crellier, La Genese, 1901, p. 372, t. n, 1903, p. 885. Le meme auteur dit encore r (c Si la
n. du y. 20, dans La Sainte Bible de Lethielleux. II se Genese nous montre Petiphra ou Putiphar livrant a la
peut que Putiphar aiteu ces doutes. Pourtant Moi'se ne justice et faisant enfermer en prison son esclave Joseph,
nous y fait guere songer quand il nousdepeint la eolere achete pour de Targent, dont il avait a se plaindre, les
de Putiphar devant I'accusation portee par sa femme documents egyptiens ne sont pas moins formels DOUP
contre Joseph. L'effet de celte colere va tout entier con- une multitude d'esclaves se trbuvant dans les memes
tre celui qu'il fait emprisonner en vertu de son droit conditions, » p. 971, n. \. Cf. Cours de droit egyptien,
de tnaitre offense et que, par suite, il para it croire &im-, t. i, 1884, p. 89-96. — Que Putiphar fut different du
plement coupable. En tout cas, la se bornait son role gouverneur de la prison, sar bet has soharf cela ressorj
et 1'accuse tombail des lors sous la juridiction de lajus- de la Genese, xxxix, 19-21. Ce gouverneur, du chef de sa
tice royale. A celle-ci revenait le soin de la procedure : charge, peut etre dit, comme Putiphar, le maitre de
enquete preliniinaire, reunion du tribunal, interroga- Joseph prisonnier, XL, 7, texte hebreu, et celui-cLson
893 PYGARaUE 894
serviteur, XLI, 12. La seule chose qui fasse difficulte, fait done de son titre de pretre et probablement de
c'est qu'il est designe aussi sous. le litre de sar hat- grand-pretre d'Heliopolis, Putiphar avail rang parmi
tabbahim, et la prison elle-meme est appelee la prison les courtisans les plus rapproches du trone. Sa fille
Ausar hat-tabbahim, XL, 3; XLI, 10. Mais le gouverneur pouvait aspirer a la main des plus grands, meme. a une
de la prison, en vertu meme de son litre et comme main royale. Voir PHARAON, col. 202. Le roi la donna
ayant des gardes sous ses ordres, pouvail bien etre sar
hat-tabbahim, quoique a un degre inferieur a Puliphar.
Ce que nous savons de la hierarchic egyptienne, de 1'ac-
cumulalion des litres sur un meme personnage, du
nombre des tilulaires pour une designation honorifique,
ne s'oppose pas a eette explication. Une autre solution
est celle de Delitzsch, Die Genesis* t. n, 2« edit. p. 94 :
« Putiphar etait comme sar hat tabbahlm a la tete du
pouvoir executif. La prison d'Etat etait sous ses ordres
et le sar bet has sohar etait ainsi son subordonne. Cetle
distinction fait evanouir la difficulte imaginee par Tuch
et Knobel, d'apres lesquels Joseph aurait du avoir
deux maitres qui -auraient du etre 1'un et 1'autre chefs
des gardes du corps. »
BIBLIOGRAPHIE. — Vigouroux, La Bible et les decou-
rertes niodernes, 6e edit., t. H, p. 23-33, 6S-6&; Heyes,
Bibel und Aegypten, t. i, 1904, p. 105-112, 117-128.
C. LAGIER.
. 2. PUTIPHAR (hebreu : Potivhera'; Septante : Ile-
-cs^pvi), pretre d'Heliopolis. Voir HELIOPOLIS, t. in,
col. 1571-1575. A 1'epoque ou noussommes, Heliopolis,
avec son temple de Ra ou du soleil, esl le centre reli-
gieux le plus celebre de 1'Egypte, comme il en est le
plus ancien. Les rois de la Ve dynastie se glorifiaient
deja de tenir leur origine de Ra. Le premier d'entre
eux, Ouserkaf, aurait commence par etre grand-pretre
d'Heliopolis. Papyrus Westcar, pi. ix, lig. 11-12;
Erman, Die Marchen des Papyrus Westcar, t. I, 1890,
p. 20, 55. II introduisit dans le protocole royal le lilre
de ^i^, sa rd, « fils du Soleil », qui desormais n'en
sorlira plus, et que les rois Hyksos portent comme leurs
devanciers indigenes. Ce n'est pas seulement son dieu
qui rendit Heliopolis illuslre, mais c'est aussi son col-
lege de pretres, repute des iWigine pour la profondeur
de sa science et a qui Ton doit, au moins 'cornme
inspiration, la plus grande partie de fe litterature
religieuse d'Egypte. Cf. Erman, Life in ancient Egypt,
Londres, 1894, p. 27. Le grand pretre de 1'endroit etait
un des premiers personnages du royaume. Ail litre de 204. — Anen, grand-pretre d'Heiiopolis.
%k «=> I ? i , mer henu neteru, « administrateur des Statue de la XVIII" dynastie. Musee de Turin.
prophetes », qui lui etait commun avec tous les autres
a Joseph. Gen., XLI, 45. C'etait du meme coup honorer
grands-pretres, il joignait les epithetes de ^T , ur-ma, grandement son nouveau ministre et lui assurer le
•> i^
« le grand veilleur », « celui qui voit les secrets du respect du peuple. C. LA.GIER,
ciel », « le chef des secrets celestes ». Mariette, Monu-
ments divers, 1872-1877, no 18; Id.. Mastabas, 1881- PUTOIS, petit quadrupede carnassier, repandant
1887, n° 149. II n'avait done pas son pareil comme une odeur desagreable, et probablement confondu avec
astronome et astrologue. Une statue de la XVIII6 ses analogues, la belette, voir t. i, col. 1650, et la marte.
dynastie nous montre Anen, grand pretre d'Helio- Voir t. iv, col. 822.
pollis, avec la peau de panthere semee d'etoiles, pour
bien nous marquer 1'objet special de ses etudes PYGARGUE (hebreu : dison; Seplante : TruyapYO?;
(fig. 204). Alors meme qu'Amon fut devenu sous le Vulgate : pygargus),-espece d'antilope. Voir ANTILOPE,
second empire thebain le dieu national de 1'Egypte, t. i, col. 669. Le mot dison ne se lit qu'une seule fois,.
voir No-AjiON, t. iv, col. 1641, et quoique son grand- Deut., xiv, 5, cornme nom d'un animal qu'il est permis
pretre se declarat « chef des prophetes des dieux de ie manger. Les Septante traduisent ce mot par
Thebes et de tous les dieux du sud et du nord, » irjyapyo;, animal qui a 1'arriere-train blanc, et qn'H£-
Mariette, Catalogue d'Abydos, n. 408, Heliopolis etses rodote, iv, J^92, "place dans le nord de 1'Afrique en
pretres ne perdirent rien de leur renommee. Comme compagnie des chevreuils et des bubales. Le pygargus
autrefois le prince Rahotep, Mariette, Monuments est pour Pline, H. N., vm, 53, 79, et pour Juvenal, xif
divers, loc. cit., nous voyons deux autres princes, 138, une espece de gazelle ou d'antilope. Le nom de
portant le meme nom de Meri-Atouno, I'un fils de pygargue est probablement commun aux antilopes a
Ramses II, 1'autre fils de Ramses III, etre grands croupe blanche, etl'on identifie communement le dison
pretres d'Heliopolis. A 1'epoque d'Herodote, 11, 3, les avec 1'antilope addax, que les Arabes appellent adas
pretres du college heliopolitain etaieat toujours regardes ou akas, et qui serait celle que P.line, H. N., xi, 37,
comme les plus savants d'entre les pretres egyptiens, 45; vm, 53, 79, nomme o-Tpstl/txepw^, strepsiceros, qui
),oYtwTaT(H. Rientol Platon, Eudoxe et d'autres viendront a les cornes recourbees en forme de lyre. Voir t. it
leur demander le dernier mot de la sagesse. — Par le fig. 162, col. 669. L'antilope addax vit, en troupes peu
895 PYGARGUE — P Y R A M I D E
nombreuses, dans le Sahara, la Nubie, FEgypte et PYRALE, insecte lepidoptere nocturne, dont la
1'Arabie. Elle est bien connue des Bedouins, qui la ren- chenille est particulierement nuisible a la vigne. Cette
contrent au sud de la mer Morte. La forme de ses qhenille (fig. 205) a le corps ras ou garni de poils rares
comes permet de la distinguer facileraent de 1'oryx et et courts. Elle s'attaque aux arbres fruitiers. Elle vit
du bubale. C'est un bel animal, qui a pres de trois dans les feuilles roulees en cornet, repliees sur leurs
pieds el demi de haut aux epaules et dont les comes bords ou reunies ensemble. Certaines especes se nour-
ont deux pieds et demi de long. II est tout blanc, avec rissent aux depens des bourgeons de la vigne : d'autres
une courte criniere noire et une nuance fauve sur les penetrent a 1'interieur des tiges et des fruits. Toutes
epaules et le dos. Cf. Tristram, The natural history of nuisent beaucoup a la vigne et empechent la produc-
the Bible, Londres, 1889, p. 126. H. LESETRE. tion du raisin. II est dit au Deuteronome, xxvm, 39,
que, si les Israelites sont infideles, ils planteront la
PYGMIES (hebreu : Gammadim; Septante : vigne et la cultiveront, mais ils n'en recueilleront rien,
tpuXaxe;; Theodotion : PojuaStyi.; Vulgate : Pygmsei),
nom d'un peuple qui fournissait des archers a Tyr.
Ezech., xxvn, 11. La veritable signification de ce nom
a ete problematique pour les anciens traducteurs eux-
memes qui 1'ont rendu de manieres fort differentes.
Les Septante ont traduit cp-j^axs?, « des gardes »,
comme s'ils avaient les somrim; Symmaque, divisant
le nom, a hi gam Mddim, « et aussi les Medes; » la
paraphrase chaldaique, derivant le mot de Gomer, a
entendu les Cappadociens qu'elle prend pour les des-
cendants de Gomer. Cf. Ezech., xxxvm, 6. Les rabbins,
de meme qu'Aquila et la Vulgate, rattachent Gam-
madim a gomed, « coudee », cf. Gesenius, Thesaurus,
p. 292, parce qu'ils ont cru que ce mot signifiait « des
hommes d'une coudee », c'est-a-dire les Pygme s,
dont le nom vient de TtuYfro, « poing, coudee ». Mais
Saint Jerome, In Ezech., xxvn, 11, t. xxv, col. 252,
donne une autre etymologic : Pygmsei sunt, dit-il, hoc
est, bellatores et ad bella promptissimi, aub TYJC
TTUYjiYii;, qusB grseco sermone in « certamen » vertitur.
Quoi qu'il en soit de cette etymologic, les modernes
ont donne des explications encore plus diverses mais
purement conjecturales, quoique plusieurs traduisent
encore par « hommes vaillants, braves soldats ». Le
contexte d'Ezeehiel, decrivant les auxiliaires de Tyr, 205. — Pyrale.
semble exiger un nom de peuple, et on I'admet assez
Au bas, a droite, cocon; au-dessus, la chenille et devant elle
generalement aujourd'hui, mais on ne connait pas de la feuille de vigne h laquelle elle s'attaque. Au bas, a gauche,
ville du nom de Gamad. Le P. Knabenbauer, Comment. le papillon du pyrale.
in Ezech., 1890, p. 272, pense avec Cornill que n>Tai
est une alteration de anas, les Samareens, Gen,, x, 18,
qui habitaient entre Arvad et Emath (Hamath). D'autres « parce qu'elle sera ravagee par les vers. » Sous le nom
pensent que ce sont les Gamales de Pline, H. N., n, 93, de ver, told'at, o-xtoXr)?, vermis, le texte sacre designe
edit. Lemaire, 1827, t. i, p. 418. « Pygmgsi, dit Bure, ici, comme dans plusieurs autres passages, une che-
Dictionnaire de philologie sacree, edit. Migne, 1846, nille. Celle qui devait ravager les vignes des Hebreux
t. in, col. 649, sont des peuples de Phenicie, braves a etait probablement la chenille du pyrale, independam-
la guerre appeles en hebreu Gammadsei, Cubitales, ment des autres vers capables de nuire a la plante.
parce qu'ils habitaient pres de la mer, dans une langue H. LESETRE.
de terre faite en forme de coude. Plin., n, 91 (93). » — PYRAMIDE (grec : TTJOOCIJU?; Vulgate : pyramis),
La decouverte des lettres de Tell el-Amarna a fourni construction a base quadrangulaire, dont les quatre
une explication nouvelle. 11 y est question des Qamadu cretes se rejoignent au sommet, et qui .est destinee a
= Kumidi, peuplade voisine de 1'Hermon. Buhl, servir de tombeau. — On a cru trouver une allusion
Gesenius' Handworterbuch, p. 156. Cf. Kamid el-Lauz, aux pyramides d'Egypte, voir t. 11, fig. 534, col. 1613,
dans Ed. Robinson, Siblical Researches, 2<* edit., 1856, dans ce passage de Job, in, 13-15 :
t. in, p. 425. Ces Qamadu peuvent etre les Gamma- Je dormirais, je me reposerais
dim. Voir aussi NEGRES, 3°, t. iv, col. 1562. — Eze- Avec les rois et les grands de la terre,
chiel, xxvn, 11, dit que les Gammadim etaient sur les Qui se sont bati des horabdt.
tours de Tyr, dont ils avaient la garde ; ils suspendaient
leurs boucliers a ses murs. F. Les hordbot sont ordinairement des endroits deserts,
des « solitudes », quelquefois des ruines. Quelques au-
PYLE Thomas, theologien anglican, ne en 1674 a teurs ont pense qu'il fallait lire ici hdrdmot, des edi-
Stodey dans le comte de Norfolk, mort a Swaffham dans fices, des mausolees. Cf. Rosenmuller, lobus, Leipzig,
le meme comte le 31 decembre 1756. Apres avoir etudie 1806, t. i, p. 96. D'autres prefereraient 'armenot,
a Cambridge, il fut charge de la paroisse de Sainte- cf. Buhl, Gesenius' Handtvort.,p. 276, a cause de 1'arabe
Marguerite a Lynn et obtint une prebende a Salisbury. 'ahrdm, qui veut dire « haute construction, pyramide »,
II a public : A paraphrase, with short and useful notes et de 1'ancien egyptien amr, qui est le nom meme de
on the Books of the Old Testament, 4 in-8°, Londres, la pyramide. Le mot grec jtypafA!? pourrait meme
1717-1725 ; A paraphrase with notes on the Revelation n'etre qu'une transposition de amr, precede de 1'ar-
of St. John, ,in-8°, Londres, 1735; A paraphrase with ticle egyptien. Cf. Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig,
notes on the Acts of the Apostles, and upon all the 1876, p. 71. L'allusion aux pyramides est, sinon pro-
Epistles, 2 in-8», 1725; 3* edit., 1737. —Voir W. Orme, bable, du moins possible de la part de 1'auteur de Job,
Biblioth. biblica, p. 365. B. HEURTEBIZE. si bien informe des choses d'Egypte. — Simon Macha-
897 PYRAMIDE — PYTHONISSE
bee eleva sept pyramides sur les tombeaux de son pere 1'ihfluence de demons intermediaires entre les dieux et
et de ses freres a Modin. I Mach., xin, 28. Voir MODIN, les hommes dans Pinspiration de la pythie et des de-
t. iv, col. 1186. Sur les pyramides d'Egypte, voir Flin- vins en general. Cf. Dollinger, Paganisme et judaisme,
ders Petrie, The Pyramids and Temples of Gizeh, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 292-294. Plu-
in4°, Londres, 1883. H. LESETRE. tarque ayant identifie les pythons et les ventriloques,
saint Jerome rendit habituellementle grec eyyaorptyiuOoi;
PYRRHUS (grec : Iluppo?), pere de Sopater de par pytho, mot d'origine mythologique, qui a 1'avan-
Beree, 1'un des compagnons de saint Paul. Act., xx,4. tage de ne pas restreindre la divination a un simple
On ne connait de lui que son nom. H est omis dans phenomene naturel et de laisser supposer en elle une
certains manuscrits, mais il se lit dans un grand influence demoniaque. Le pseudo-Clement, Recognit.,
nombre et dans la Vulgate latine; on admet commu- iv, 20; Homil., ix, 16, t. i, col. 1323, t. n, col. 253,
nement Pauthenticite de la lecon. C'est le seul cas du remarque en effet que « les pythons font de la divina-
Nouveau Testament ou le nom patronymique est ajoute tion, mais que nous les regardons comme des demons
a un nom propre a la maniere greeque : Sopater et les mettons en fuite. » II est incontestable, que la
Pyrr.hi. Peut-etre cela indique-t-il qu'il etait de famille supercherie n'explique pas tous les faits et que bien
noble. Voir SOPATER. souvent les demons, pour abuser les hommes, ont du
intervenir dans la production de ces phenomenes. —
PYTHON (hebreu : 'o&; Septante : 2° La loi mosai'que portait la peine de la lapidation
Vulgate : pytho), esprit qui fait parler le devin, specia- contre ceux-qui evoquaient les esprits ou se livraient a
lement le necromancien. Voir DIVINATION; EVOCATION la divination. Lev., xx, 27; Deut., xvm, 11. — Sur le
DES MORTS, t. ii, col. 1446, 2128. — 1° Les Septante cas de la pythonisse d'Endor, I Reg., xxvin, 7, 8;
traduisent ordinairement 'ob par £yya<rTp'!(rj6oc, « ven- I Par., x, 13, voir t. n, col. 2128. — Le roi Manass6
triloque ». La ventriloquie est 1'art de parler sans re- favorisa de tout son pouvoir 1'infiuence des devins,
muer les levres et en modifiant la voix de telle sorte IV Reg., xxi, 6, que Josias chercha ensuite a faire dis-
qu'elle semble venir de tout autre que de celui qui parle. paraitre. IV Reg., xxni, 24. — Isai'e, vm, 19, men-
Un sujet qui a les predispositions necessaires et un tionne les devins qui « parlent d'une voix sourde en
exercice suffisant peut arriver ainsi a faire illusion a chiichotant. » II dit, xxix, 4, t de Jerusalem humiliee
ceux qui 1'entourent. Aujourd'hui encore des hommes et chatiee :
se livrent a cet art singulier et reussissent a produire
Ta voix viendra de terre comme un '6b,
des effets surprenants. Cf. Pabbe de la Chapelle, Le Et ta parole de la poussiere comme un murmure.
ventriloque ou Vengastrimythe, Londres, 1772. Beau-
coup d'auteurs pensent que les oracles pai'ens n'etaient Ces expressions laissent soupconner des pratiques
qu'un effet de la ventriloquie pratiquee par les devins comme celle de la ventriloquie. Le demon n'inspirait
et les pretres des dieux. Plutarque, De defect, oracul., pas toujours les devins; il trouvait souvent son compte
9, pretend que les pythons etaient tout simplement dans leurs seules supercheries et dans les mensonges
des ventriloques. Dans la fable, Python designait uri au moyen desquels ils combattaient les vrais prophetes.
serpent enorme qui gardait I'oracle de Delphes et — A Philippes, saint Paul et Silas rencontrerent une
qu'ApolJon mit a mort. II .en prit le nom d'Apollon jeune fille qui avait un esprit python, Tivsypia TtiiOwv,
Pythien-, cf. Ovide, Metam., i, 438, et devint Pinspira- spiritus pytho. Elle les poursuivit longtemps en les
teur de la pythie. Pour rendre ses oracles, la pythie proclamant serviteurs du Tres-Haut venus pour en-
s'asseyait sur un trepied au-dessus d'une ouverture seigner la voie du salut. II ne s'agissait pas la de ven-
d'ou sortaient des vapeurs sulfureuses. Ces vapeurs triloquie, mais de possession veritable. La jeune fille
produisaient en elle une excitation violente qu'on pre- rapportait grand gain a ses maitres par sa divination,
nait pour Faction de 1'esprit divin. Elle proferait alors et il est a croire que le demon qui 1'inspirait voulait
des paroles incoherentes que les pretres d'Apollon accaparer a son profit et faire attribuer a son influence
interpr etaient et auxquelles ils donnaient la forme Paction merveilleuse des deux Apotres.; Saint Paul
d'oracle. II est clair que ces interpretes entendaient a coupa court a cette obsession en commandant a 1'esprit
leur convenance les exclamations de la pythie et pre- de sortir de la jeune fille. Des lors, celle-ci fut reduite
taient un sens a ce qui n'en avait pas. Cf. Fontenelle, a 1'impuissance. Act., xvi, 16-18. H. LESETRE,
Histoire des oracles, Paris, 1908, p. 86, 105. Cependant
Platon, C'onviv., trad. Aime Martin, Paris, 1845, t. u, PYTHONISSE. Voir PYTHON; EVOCATION DES MORTS,
p. 359, et Plutarque, De defect, oracul., 1, croient a t. n, col. 2129.
DICT. LE. V. - 29
Q
Q. Voir QOPH, dix-neuvieme lettre de 1'alphabet sur les grandes eaux, le qddim t'a brise au milieu de
hebreu. la mer. »
QADIM (hebreu : nnp rm; Septante : avisos vo- QANAH (VALLEE DE), ou vallee des Roseaux,
vallis Arundineti dans la Vulgate. Jos., xvi, 8; xvn,
TO?; ctvEfios xauawv VOTO;; Vulgate : ventus urens, spi-
9. Voir CANA i, t. n, col. 104.
ritus vehemens; ventus auster; a>ip; xauawv; ardor}
*t
sestus, ventus urens), vent de Test. Qddim seul se dit QARQOR (Septante : Kapxap; Alexandrinus et
par ellipse pour ruah qddim. Quoiqu'il designe le Eusebe : Kapxd), nom d'une ville situee a Test du Jour-
vent d'orient, on ne doit pas toujours prendre cette dain. La Vulgate n'a pas conserve ce nom propre et
expression dans un sens rigoureux, les Orientaux desi- elle 1'a traduit par requiescebant: « (Zebee et Salmana)
gnant assez vaguement sous le nom de vent d'est tout se reposaient, » au lieu de : « Zebee et Salmana (qui
vent qui souffle entre le nord et Test, et entre Test et s'etaient enfuis apres leur defaite par Gedeon) etaient
le midi. Les traducteurs grecs 1'ont traduit par avep.0? (arrives) a Qarqor, avec (le reste de) leur armee, »
xauawv, xoc'jawv, de meme que la Vulgate par ventus comme le porte le texte hebreu. Les deux chefs madia-
urens, ardor, sestus, parce que le trait le plus carac- nites se croyaient la en securite, a 1'abri de toute
teristique de ce vent en Palestine, c'est qu'il est bru- poursuite. Mais Gedeon les atteignit a 1'iniproviste,
lant. Mais les Septante ont rendu qddim dans six battit les quinze mille hommes qui etaient avec eux
passages, Exod., x, 13 (2 fois); xiv, 21; Job, xxxvin, et s'empara de leur personne. La situation precise de
24; Ps. LXXVII, 26; Ezech., xxvn, 26, par VOTOC, « vent Qarqor est inconnue. D'apres le recit des Juges, virr,
du midi », parce que, en Egypte, il y a deux vents bru- 10-11, cette localite etait situee a 1'est du Jourdain, a
lants; le premier, le khamsin, souffle du sud et non de une distance inconnue; au ;dela de Socoth et de Pha-
Test, et le second, le simoun, souffle du sud-est et du nuel, vers le sud, a Test de Nobe et de Jegbaa (voir
sud-sud-est. M. Lane, Manners and Customs of the mo- NOBE 2, t. iv, col. 1655; JEGBAA, t. in, col. 1218),
dern Egyptians, 1837,1.1, p. 2-3. Dans la vallee du Nil, peut-etre dans le voisinage de Rabbath-Ammon. Voir
le vent d'est est plutot frais, a 1'encontre du vent du sud. la carte de la tribu de GAD, t. m, col. 28. Eusebe et
1° Au sens propre* — Le vent d'est est tres violent saint Jerome, dans YOnomasticon, edit. Larsow et
en Palestine et brulant. Quand il y souffle plusieurs Parthey, 1862, p. 252, 253, disent que, de leur temps,
jours, au mois de mai, de juin, de juillet et d'aout, Qarqor (Kapxa, Carcar) s'appelait Carcaria, petit fort
il est desastreux pour les recoltes, pour les cereales a une j ournee de distance au nord de la ville de Petra,
et pour les vignobles, comme pour les navigateurs qui parail etre le Mons regalis, « Mont royal » des
sur la Mediterranee. Job, xiv, 2; xv, 2; Ps. XLVIII, 7; Croises. On .objecte contre cet emplacement qu'il est
cm, 5; Is., XL, 7; Ezech., xvn, 10; Ose., xm, 15; trop meridional. Le site de Qarqor reste encore un
Jon., iv, 8; cf. Gen., XLI, 6, 23. Ce vent traverse avant probleme.
d'arriver en Palestine les sables de 1'Arabic deserte, ce
qui lui fait donner aussi le nom de « vent du desert », QEDESCHIM, QEDESCHOTH (hebreu : qedesim,
Job, I, 19; Jer., xm, 24; il brule et enfievre cornme le qedesot), prostitues des deux sexes qui par la plus
sirocco. Ezech., xvn, 10; xix, 12, etc.^Cf. Jac., i, 11. etrange aberration morale s'imaginaient honorer As-
« Le vent d'est, prive d'ozone, dit Baedeker, Palestine et tarthe ou d'autres dieux infames en se livrant a 1'impu-
Syrie, 1882, p. 48, absorbe toute humidite et s'il fond dicite. Num., xxv, 1-4; I (III) Reg., xv, 12; XXH, 47;
sur les moissons avant 1'epoque de leur maturite, il cf. xiv, 24; II (IV) Reg., xxm, 7; Job, xxm, 14; Ose., iv,
detruit parfois toutes les esperances du moissonneur. 14. Cf. Herodote, i, J99. Le mot hebreu signifie « consa-
II dure souvent plusieurs jours de suite et eleve le cre», voue au culte. II correspond au grec IspoSouXo;,
thermometre a 40 degres et plus. De temps a autre, il mais, dans les Septante, les qedesim.sont appeles uop-
souffle par vives rafales; pendant qu'il regne, 1'atmos- VE-JWV; <7uv8£<7(jio?, I Reg., xiv, 24; xaS-/i<7fy., IV Reg., xxm,
phere est ordinairement voilee. 11 exerce sur 1'homme 7; T£T£X£<T(j.£voi, III Reg., XXH, 47 (Vulgate : scortator,
une action enervante accompagnee d'insomnies et de effeminati), et les qedesot, nopvrj (Vulgate : meretrix),
maux de t£te. » Cf. PALESTINE, t. iv, col. 2027. Deut., xxm, 17 (hebreu, 18). Les qedesim sont designes
2° Au sens figure. — La violence du qddim et les aussi sous le nom de « chiens » dans le texte original
maux qu'il produit ont donne naissance a diverses et dans les versions, Deut., xxm, 18 (hebreu, 19), et
metaphores dans les Livres Saints. Ce mot designe un les hierodules des deux sexes sont s£verement condam-
discours vehement, plein de malice, dans Job, xv, 2; nes. Voir F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes
il devient synonyme de calamites et de maux divers modernes, 6e edit., t. iv, p. 506-512. Cf. Gesenius, The-
specialement de la guerre, Is., xxvn, 8; Jer., xvm, 17; saurus, p. 1196-1197; S. Jerome, In Ose., iv, 14, t. xxv,
Ezech., xvu, 10; xix, 12; xxvii, 26; Ose., xm, 15; du col. 851.
jugement de Dieu, Job, xxvii, 21; suivre le qddim,
c'est suivre une voie funeste. Ose., xn, 1. « Tes rameurs, QERI, « lis », c'est-a-dire ce qu'il faut lire, dans les
dit Ezechiel en parlant de Tyr, xxv, 26, font fait voguer Bibles massoretiques. Voir KERI, t. in, col, 1889.
901 QESITAH — QUADRUPEDES 902
QESITAH (hebreu : rra'ttp, Septante : apivoc ; Vul- comme son nom 1'indique, an « quart » de 1'as; par
gate : agnus). Dans la Genese, xxxin, 19, nous lisons consequent, au quart de sept ou huit centimes, ou a
qUe Jacob acheta a Sichem un champ qu'il paya cent environ deux centimes. Voir As, 1.1, col. 1051. II en est
qesitdh, ce qui est repete dans Josue, xxiv, 32. — Les question deux fois dans le Nouveau Testament :
amis de Job, apres sa guerison, lui flrent chacun pre- 1° Matth., v, 26. « En verite, je te le dis, tu ne sortiras
sent, entre autres choses, d'un qesitdh. Ce sont les trois pas de la (de prison), que tu n'aies paye jusqu'au
seuls passages de 1'Ecriture ou Ton rencontre ce mot. dernier quadrans; » 2° Marc., XH, 42, « Deux petites
On ne sail pas d'une maniere certaine ce qu'il designe. pieces (XsTura'; Vulgate : minuta; voir MINUTUM, t. iv,
Tout ce que 1'on peut dire, c'est qu'il servait a faire col. 1108), valant le quart d'un as, quod eat quadrans. »
ctes paiements comme une sorte de monnaie. Voir MON- Saint Marc ajoute cette explication pour ses lecteurs
NAIE, t. iv, col. 1235. remains. Les ecrits rabbiniques mentionnent aussi le
quadrans, sous le nom un peu defigure de qedriontos,
Ses types etaient les suivants : a 1'avers, la tete d'Hercule,
Q1R, mot hebreu, signifiant « muraille, rempart », protecteur des fortunes; au revers, comme pour 1'as
qui entre dans la composition du nom dela capitale de et ses autres divisions, une proue de navire (fig. 206).
Moab. Voir Km HARASETH ou HARESETH, KIR HARES ou II avait cours en Palestine au temps de Notre-Seigneur,
KIR HERES, KIR MOAB, t. iv, col. 1895. avec les autres monnaies divisionnaires de Rome. A
1'origine, il pesait trois onces, et on lenommait parfois,
QIRYAT HUSOT, ville de Balac, dont le nom n'a pour ce motif, teruncius; son poids primitif etait
ete conserve ni par les Septante ni par la Vulgate. marque par trois globules sur 1'une de ses faces.
Voir CARIATH HUSOTH, t. n, col. 272. — Le mot qiryat,
qui signifie « ville ». entre dans la composition de
plusieurs noms de ville. La Vulgate 1'a transcrit Jordi-
nairement CARIATH. Voir t. n, col. 268-279, cf. col. 282-
boscidiens, elephant. — 7° Jumentes de deux families : tribu de Benjamin et eonnue jadis sous le nom de de-
equities, ane, cheval, onagre, mulet;'hyracides, daman, sert de Bethaven. Voir BETHAVEN. t. i, col. 1666; DE-
rninoceros. — 8° Ruminants de differentes families : SERT, t. n, col. 1391; JUDA (DESERT DE), t. in, col. 1174.
bovides, antilope, aurochs, bison, boeuf, bouquetin, Aujourd'hui et depuis le xne sieclej le nom de Qua-
bubale, buffle, chevre, mouton; cervides, cerf, che- rantaine, montagne de la Quarantaine, djebel Qarantal,
vreuil, daim, girafe; camelides, chameau, dromadaire. est particulierement attribue a la montagne qui forme
— 9°. Porcins, hippopotame, pore, sanglier. Yoir les la lisiere orientale de 1'ancien desert de Bethaven. Une
articles consacres a chacun de ces animaux. charte de 1134, delivree par le patriarche Guillaume,
donne le lieu de la sainte Quarantaine, sanctse Quaran-
QUARANTAINE (DESERT DE LA), desert ou tenae locum, avec toutes ses dependances, aux chanoi-
Notre-Seigneur passa les quarante jours et les quarante nes du Saint-Sepulcre. Une seconde charte du meme,
nuits qu'il jeina avant de commencer.sa vie publique donnee en 1136, accorde a ceux-ci toutes les dimes de
et ou il fut tente par le diable. Matth., iv, 1-11; Marc., Jericho pour 1'entretien de 1'eglise et des religieux de
i, 12-13; Luc., iv, 1-13 (fig. 207). la tres sainte Quarantaine... le lieu glorieux ou Notre-
I. IDENTIFICATION. — Le recit des trois fivangiles Seigneur jeuna quarante jours et quarante nuits.» Car-
synoptiques suit immediatement celui du bapteme du tulairedu S. Sepulcre, n. xxvir et xxvin, t. CLV, col. 1119-
Sauveur, indirectement indique en Judee. Les trois 1120. 11 n'est point de pelerin, de quelque rite et de
Evangelistes ajoutent, Matth., 12; Marc., 14; Luc., 14, quelque langue qu'il soit, qui nementionne depuis, dans
que Jesus retourna ensuite en Galilee. Ils laissent par sa relation, la sainte montagne de la Quarantaine et sa
la clairement entendre que « le desert », ^ epr)[to<, ou chapelle ou le Seigneur feuna et fut tente parle demon.
905 QUARANTAINE (DESERT DE LA) — Q U E N O U I L L E 906
— Les Croises toutefois, ce n'est pas douteux, avaient Des restes de peinture du xii« siecle representent celte
trouve le lieu en honneurparmilesOrientaux. En 1102, scene sur les parois de la caverne transfornaee en cha-
«n effet, c'est-a-dire au debut de 1'occupation de la Terre pelle. En 1870, Y. Guerin la trouva occupee par des
Sainte par les Francs, le pelerin flamand Soewulf, apres moines abyssins. Depuis 1874 elle est devenue la pro-
avoir visits la fontaine d'Elisee, s'etaitrendu a la haute priete des Grecs. En 1895, ceux-ci y ont annexe un cou-
Montagne situee surlebordde laplaine, ou le Sauveur ventassez spacieux, qui demeure comme suspendu au-
a jeune quarante jours et a ete tente par Satani Dans dessus de I'ouadi-Teisun. On y arrive par un sender
Recueil de voyages de la Societe de geographic, t. iv, pratique dans le roc sur le flanc de la montagne, jadis
1839, p. 848. Aux temps anterieurs, elle etait recherchee tres difficile et perilleux, aujourd'hui elargi et pratica-
par les solitaires qui voulaient mener une vie plus ble. — Un autre sentier plus difficile encore monte
austere. Auvine siecle, saint Etienne le thaumaturge, du couvent au sommet de la montagne. Un petit pla-
moine de la laure de Saint-Sabas, y vint expressement teau actuellement environne d'un mur la couronne.
pour y accomplir un jeune de quarante jours. Vila C'est la, au dire d'un grand nombre de pelerins, que le
$. Steph.,- n. 139, Acta Sanctorum, t. in julii, Paris, demon aurait transporte le Seigneur; d'autresindiquent
1867, p. 559. A la fin du iv6 siecle, les solitaires qui a une autre montagne plus au nord. Au xir siecle les
la suite de saint Elpide, successeur de saint Chariton, Templiers s'y etaient fortifies pour la defense des pele-
«taient venus habiter les grottes de la montagne, etaient rins. II y avait en outre une chapelle dont on voit les
sinombreux qu'elle avail plutotl'apparence d'une grande restes et que les Grecs se proposent de relever. — La
"ville que d'un desert. Pallade, ./iisforia Lausiaca, c. cvi, montagne de la Quarantaine se prolonge vers J'ouest
t. xxxiv, col. 1211-1212. La montagne portait alors le par une suite de hauteurs reliees entre elles par des cols.
nom de Douca (Aoyxoc) qui parait etre 1'appellation bi- Son aspect et sa nature sont ceux des parties les plus
hlique Doch. Yoir DOCK, t. n, col. 1454-1456, apres du desert de Judee. Les failles profondes el
Les editeurs de la vie de saint Euthyme ont cru abruptes qui 1'entourent, I'oudd' es-Soueinit a 1'ouest,
reeonnaitre le desert de la Quarantaine dansle desert de I'oudd'Abu-Retmeh au sud, et plus bas Voudd' el-Kelt,
Ruban, souvent mentionne dans 1'histoire des solitaires les ouddis Maquq et Rummdmaneh au nord en font un
de la Palestine. Ce desert se trouvait a 1'orient de la desert presque inabordable. Aussi ne parait-il guere avoir
laure de Saint-Sabas et sur le cote nord-ouestde lamer ete. habite par d'autres que par les ermites et les betes
Morte. Le mont Marda ou Mardes, aujourd'huile Muntar, sauvages.
au'pied duquel, a cinq kilometres au nord-estde Saint- Voir Theodorici Libellus de Locis Sanctis editus circa
Sabas, est la ruine appelee Mird, serait, selon les savants A. D. 1172, xxix, edit. Tobler, Saint Gall et Paris, 1865,
Bollandistes, le mont de la Quarantaine de 1'histoire. p. 70-72; Adrichomius, Theatrum TerraeSanctae, Trib.
Acta Sanctorum, 20 julii, t. n, p. 671, note b. Cette Benjamin, n. 97 et 98, in-f°, Cologne, 1600, p. 19;
identification est exclusivement fondee sur une inter- F. Quaresmius, Terrse Sanctse Elucidalio,'part. II, Pe-
pretation inexacte d'Adrichomius et de Quaresmius. regrinatio vi, cap. xn, in-f°, Anvers, 1639, p. 757-578;
Pour ces deux auteurs ainsi que pour Burchard, dont Victor Guerin, Samarie, ch. n, t. n, p. 39-45; Lievin de
Adrichomius ne fait que reproduire les paroles, la Hamm, Guide-lndicateur de la Terre Sainte, 3e edit.
wiontagne de la Quarantaine est incontestablement le Jerusalem 1887, t. n, p. 305-310. ; L. HEIDET.,
Djebel Qarantal actuel, et le desert de la Quarantaine
\e desert qui s'etend a la suite vers Mukmds, \Anatd et QUARTUS (grec : Kouapto?, forme grecisee du
Jerusalem, a 1'occident. latin quartus, « quatrieme »), chretien residant a Co-
D'apres Wiesner et Ad. Neubauer, la montagne de la rinthe, lorsque saint Paul ecrivit de cette ville son
"Quarantaine serait identique au mont Qouq (pis, Suq) Epitre aux Remains. Son nom semble indiquer un
de la Mischna, Yoma, vi, 5, qui etait a 96 stad.es ou Remain d'origine. Aussi etait-il connu a Rome et
12 milles de Jerusalem. Le mont Qouq ne serait pas 1'Apotre envoie ses salutations aux fideles de cette
different de 1'Azazel de la Bible ou 1'onchassait lebouc Eglise. Rom., xvi, 23. Des traditions anciennes en
emissaire. A. Neubauer, Geographic du Talmud, Paris, font un des soixante-douze disciples et un eveque de
4867, p. 44-45. Le s hebreu correspond au k (?) des Beryte. L'Egliselatine celebre sa fetele 3 novembre. Til-
Arabes, ordinairement.prononce Jp (d) en Palestine, et lemont,Memoires pourservir dVhistoireecclesiaslique^
la distance de 12 milles (environ 18 kilometres), conve- t. I, p. 259; Acta Sanctorum, novembris t. u.
Bant d'autre part a la montagne de la Quarantaine, du
•moins si on 1'entend dans 1'acception de massif monta- QUATRE. Yoir NOMBRE, vn, 4», t,,iv, col. 1688.
gneux comme le comporte le mot en hebreu et en
arabe, on peut considerer comme probable 1'identite de QUENOUILLE (hebreu :fe«sor),instrument destine
Suq et de Dnq. — Quoi qu'il en soit, le mont de la a porter la laine a tiler (fig. 208). Le mot Msor ne se lit
Quarantaine, tant par ses caracteres que par sa situation, qu'une fois, Prov., xxxi, 19, a propos de la femme forte
repond tres bien a 1'idee du desert habite seulement par Elle met la main au MS6r
•les betes sauvages ou se retira le Sauveur pour jeuner. Et ses doigts tiennent le fuseau.
II. DESCRIPTION. — Le mont ou plutot le rocher de la
•Quarantaine s'eleve presqu'a pic en face de tell es- Kisdr yient probablement de kdsar, « etre droit ». Le
§ultan forme desruinesde 1'ancienne Jericho, adouze versions 1'ont traduit par na oru^Epovia, « les choses
•cent metres environ, a 1'occident. Son altitude est, utiles », et fortia, « les choses fortes ». On a pense
d'apres les mesures de la societe anglaise d'exploration qu'il designe le_peson, le poids qu'on met dans le fuseau
de 492 metres au-dessus du niveau de la mer Morte, pour faciVUeif^sa\Gitation. Yoir FUSEAU, t. in, col. 2426;
•de 323 au-dessus de 'am es-Sulfdn qui sort du tell du La maniere dont s'exprime le texte rend plus probable
meme nom, et de 98 au-dessus de la mer Mediterranee. le sens de « quenouille », sorie de baton droit auquel
Le cote oriental completement denude contraste avec le la femme « met la main » avant de tenir le fuseau. A ce
petit vallon verdoyant arrose par les eaux de 'am Duo baton, on fixait la laine ou le lin a filer. Ce baton
•qui s'etend a sa base. De nomhreuses grottes, naturel- etait parfois dispose a son sommet en forme de petite
les ou creusees de main d'homme, le perforent. Une d'en- corbeille dans laquelle on enfermait la matiere a filer.
•tre elles, situee versl'extremitemeridionale ou la mon- On le fixait a la ceinture. De la main gauche, on tirait les
tagne llechit vers 1'ouest et a mi-hauteur, est celebre fibres a travers les larges claires-voies de la corbeille
«entre toutes : c'est celle ou Ton croit que le Sauveur et on les rattachait au fuseau qui> tournant d'une ma-
s'abrita pendant son jeune et ou Satan se presenta a lui. niere continue et alimente sans interruption par la que-
907 QUENOUILLE — QUETE 90S
nouille, imprimait au fil la torsion convenable. Cf. Rich, 1'orgueilleux, Prov., xm, 10; 1'hypocrite, Prov,, xvi,
Diet, cles antiquites romdines etgrecques, p. 182,426. 28; le cupide, Prov., xxvm, 25;le buveurde vin,Prov. r
xxm, 29. L'insense vient se meler inutilement a la que-
relle, Prov., xvni, 6; mal lui en prend, car il a le sort
de celui qui saisit un chien par les oreilles. Prov., XXVIT
17. Grace au moqueur et au rapporteur, les querelles
deviennent interminables, Prov., xxn, 10; xxvi, 20, car
ils se plaisent a apporter du "bois et du charbon pour
le feu. Prov., xxvi, 21. •« Commencer une querelle, c'est
ouvrir une digue, » Prov., xvn, 14, on aura mille peines
a arreter 1'eau, il faudra qu'elle s'ecoule toute entiere.
La femme querelleuse passaitpour elre particulierement
insupportable. On la compare a une gouttiere qui, de
la terrasse formant toiture, coule a 1'interieur de la
maison. Prov.,xix,13; xxvn, 15. Plutot que de demeu-
rer avec elle, mieux vaut habiter a Tangle du toit, Prov.,
xxi, 9; xxv, 24, ou meme au desert. Prov., xxi, 19. Le
pain sec est preferable a la bonne chere accompagnee
de querelles. Prov.. xvn, 1. Aimer les querelles, c'est
aimer le peche. Prov., xvn, 19. — L'auteur de I'Eccle-
siastique, vin, 2, 4, recommande d'eviter les querelles
avec le riche, que son or rend puissant et redoutabler
et avec le grand parleur, auquel ce serait fournir un ali-
ment comme du bois au feu. II donne les conseils sui-
vants au sujet des querelles :
filoigne-toi de la dispute, tu pecheras moins,
Car 1'homme irascible echauffe la querelle...
Le teu s'embrase selon le bois qui 1'alimente :
Ainsi la colere d'un homme s'allume selon sa puissance...
5. — Femme fllant une quenouille. Bas-relief d'une frise Une querelle precipite'e allume le feu,
du Forum de Nerva a Rome. Une dispute irreflechie fait couler le sang.
Souffle sur une elincelle, elle s'embrase,
Crache dessus, elle s'eteint:
Voir FILEUSE, FUSEAU, fig. 662, 663, 708-711, 722, t. in, Les deux portent de la bouche. Eccli., xxvm, 8-12.
col. 2250, 2426, 2427. H. LESETRE.
A 1'epoque evangelique, comme de tout temps era
QUERELLE (hebreu: mddon, mas?dh, massot, meri- Orient, les querelles devenaient facilement bruyantes
bdh, rib; Septante : xpt<nc, (J-a/v], vetxoc, Tapajr/i; Vul- chez les Juifs et degeneraient souvent en voies de fait.
gate : discordia, jurgium, Us, rixa), disaccord qui se On tirait 1'oreille de son adversaire, on lui arrachait les
manifesto par des paroles plus ou moins vives et meme eheveux, on crachait sur lui, on le frappait a 1'oreille ou
par des voies de fait. a la machoire. Ces actes entrainaient des compensations
1° Plusieurs querelles ont etc notees par les ecrivains pecuniaires. Cf. Baba kamma, vin, 6. « Toutes ces
sacr&s: la querelle entre les bergers d'Abraham et ceux peines elaient proportionnees a la dignite de la personne
de Lot, Gen., xm, 7, 8, qui se renouvela entre les ber- lesee. Quant a 1'insulte, aucune loi ne la punissait...
gers d'Isaac et ceux du pays de Gerare, Gen., xxvi, 20; Deux Juifs ne pouvaient discuter froidement, et les
la querelle entre les deux Hebreux que Moiseveutapai- insultes les plus meprisantes, les injures les plus grosr
ser, Exod., n, 13; celle qui s'eleve au desert entre un sieres, faisaient partie de la conversation courante dans
Israelite et le fils d'un Egyptien, Lev., xxiv, 10; celle toutes les classes de la societe... Les discussions de la
que les Ephraimites cherchent a Gedeon, Jud., vin, 1; maison d'ecole degeneraient souvent en disputes... Du
celle que la ferame de Thecue suppose entre ses deux reste, le Juif n'a jamais su discuter froidement... Les
fils, II Reg., xiv, 6; etc. —La Loi s'occupait des querel- accusations de folie, d'ineptie, d'imbecillite etaient fre-
Tes.Quand deux, hommes se querellaient et en venaient quentes, le mot raca sans cesse prononce. » Stapfer, La
aux coups, celui qui en avait blesse un autre devait Palestine au temps de J.-C., Paris, 1885, p. Ill, 289,
t'indemniser et le faire soigner. Exod., xxi, 18. Lapeine L'exageration et 1'hyperbole sont inherentes au tempe-
devenait beaucoup plus grave si, au cours d'une que- rament oriental. On comprend deslorsqu'ilait ete ecrit
relle, quelqu'un heurtait une femme enceinte et lui du Messie : « II ne criera point, il n'elevera pas la voix,
causait quelque mal. Exod., xxi, 22-25. En cas de que- il ne la fera pas entendre dans les rues, » Is., XLII, 2r
relle et de contestation serieuse, les deux partis devaient et que lui-meme ait dit : « Recevez mes leconsr
se presenter devant les juges, et celui qui etait reconnu parce que je suis doux et humble de cosur. » Matth. r
avoir tort recevait la flagellation seance tenante. Deut., xi, 29.
xxv, 1, 2. La femme qui prenait indecemment parti 3° Les Apotres condamnent les querelles, comme les
dans une querelle entre deux hommes avait la main cou- ceuvres de la chair, Gal., v, 20, et 1'effet des passions
pee, Deut., xxv, 11. mauvaises. Jacob., iv, 1. Le fidele doit les eviter, Tit.,
2» Les querelles paraissent avoir ete frequentes chez ni, 2; le serviteur de Dieune doit pas con tester. II Tim.,
les Israelites. Isai'e, LVIII, 4, reproche a ceux de son n, 24. II faut s'abstenir des questions steriles qui les-
temps d'associer a leurs jeunes, qui sont louables, des engendrent. II Tim., n, 23. Voir PROCES, col. 681.
querelles qui les rendent odieux au Seigneur. Jeremie, H. LESETRE.
xv, 10, se plaint d'etre continuellement un objet de QUETE, demande d'aumones pour une oauvre cha-
contestations et de querelles de la part de ses conci- ritable. La charit^ etant un des caracteres essentiels-
foyens. Habacuc, i, 3, constate aussi 1'esprit querelleur du christianisme, on retrouve a son origine meme
qui regnait partout. — Les livres sapientiaux sont ins- 1'organisation des quetes pour venir en aide aux pau-
truetifs a ce sujet. Les querelles sont excitees par le vres et aux malheureux, surtout dans les calamites
mfehant, Prov., vi, 14, 19; le haineux, Prov., x, 12; publiques. Saint Paul avait etabli des collectes pour
le Violent, Prov., xv, 18; 1'emporte, Prov., xm, 33; les pauvres de Jerusalem en Galatie et il en fit faire
909 QUfiTE — QUIRINIUS 910
egalement a Corinthe, le dimanche, laissant a chacun potame est courte, trapue, et n'a que de rares poils.
la liberte de dormer a son gre, et en demandant qu'elles Elle ne peut done etre comparee au cedre que par la
fussent faites avant son arrivee dans cetteville. 1 Cor., solidite; glabre et vigoureuse comme le tronc du cedre,
xvi, 1-3. Cf. Gal., ii, 9-10; II Cor., vm, 14; ix; Rom., elle flechit et s'incline comme fait 1'arbre sous 1'action
xv,25,11; Act., xxw, 17. Voir R. CORNELY, Comment, du vent. Cf. Frz. Delitzsch, Das Buck lob, Leipzig, p. 526.
in 1 ad Corinth., 1890, p. 518-521. Depuis lors, on n'a Quand le jeune Tobie et sa femme revinrent prSs de
jamais cesse dans 1'Eglise de faire des quotes pour sub- leurs vieux parents, cclechien qui les avait accompagnes
venir aux besoins des pauvres. Le Talmud, Baba metsia, dans le voyage courut devant eux, comme pour appor-
f. 38 a, mentionne un usage analogue chez les Juifs. ter la nouvelle, caressant de la queue et tout joyeux. »
Des queteurs, appeles npis »»O3, gabbd'ai seddqdh ou Tob., xi, 9. Ce verset ne se lit que dans la Vulgate.
« collecteurs d'aumones » recueillaient pendant la se- 5° Au sens figure. — 1. Par opposition avec ia tete, la
maine les dons de leurs coreligionnaires charitables et queue marque le dernier rang, ce qu'il y a de plus
distribuaient tous les samedis aux neeessiteux 1'argent infime. Fideles a Jehovah, les Israelites seront a la tete
qu'ils avaient recueilli ou, si c'etaient des dons en na- et non a la queue, en haut et non en bas; infideles,
ture, tous les soirs. Voir J. Buxtorf, Lexicon chaldai- ils seront en bas et a la queue par rapport aux autres
cum. talmudicum, in-f°, Bale, 1640, col. 375-376. peuples. Deut., xxvin, 13, 44. Dieu retranchera d'Israel
la tete, c'est-a-dire 1'ancien et le noble, et la queue,
, QUEUE (hebreu : zandb, 'alydh; Septante: y.s<5/.oc, c'est-a-dire le prophete de mensonge, ce dernier plus
oupa; Vulgate : caudd), appendice posterieur des ani- meprisable que tous les autres parce qu'il les entraine
maux, ordinairement forme par un prolongernent de au mal. Is., ix, 14,15. La tete et la queue designent ega-
1'epine dorsale. lement en Egypte la nation et ses mauvais conseillers
1° Au sens propre. — 1. II est souvent question de Is., xix, 15. — 2, La queue est prise pour 1'extremite.
la queue des brebis qui elait offerte dans les sacrifices. Leroi de Syrie etle roi d'Israel sontappeles deux queues,
Le mot 'alydh sert exclusivement a la designer. Les c'est-a-dire deux bouts de tisons fumants. Is., vn, 4. La
Septante 1'appellent a-sao, « graisse », parce que cette queue d'une armee, o-jpayfa, extremi, ce sont les tral-
queue se compose surtout d'une masse de graisse dont nards, Deut.,xxv, 18, ou l'arriere-garde. Jos., x, 19. —
le poids peut atteindre de six a dix kilogrammes. Voir 3. Dans les visions de saint Jean, les sauterelles ont des
BREBIS, t. i, col. 1912. La queue du belier, de la brebis queues comrne des scorpions et c'est en ces queues que
et de 1'agneau devait£tre brulee sur 1'autel. Exod., xxix, reside le pouvoir de nuire aux hommes. Apoc., ix, 10.
22; Lev., m, 9; vn, 3; vm, 25; ix, .19. Voir GRAISSE, Des chevaux sont aussi pourvus de queues pareilles a
t. HI, col. 293. On pouvait offrir en sacrifice volontaire des serpents dont la tete fait des blessures. Apoc., ix,
un boeuf ou une brebis ayant un membre trop long ou 19. L'Apotre decrit au moyen de ces images les fleaux
trop court. Lev., xxii, 23. Les versions parlent ici d'un qui doivent fondre sur les hommes. Le grand dragon,
animal ayant la queue coupee, xoXogrixepxoc, cauda symbolisant Satan, entraine avec sa queue le tiers des
amputatum. — 2, Surl'ordre du Seigneur, Moi'se saisit etoiles, representant les anges. Apoc., xn, 4.
par la queue le^serpent en lequel s'etait transforme son H. LESETRE.
baton. Exod., iv, 4. Samson attacha par la queue, deux QUINTUS MEMMIUS (grec : Koivto; M^fxtoc),
a deux, les chacals qu'il envoja incendier les moissons legat remain. Voir MEMMIUS, t. iv, col. 954.
des Philistins. Jud., xy, 4. Voir CHACAL, t. u, col. 477.
D'apres Job, XL, 17, behemoth, 1'hippopotame, « flechit QUIRINIUS, vrai nom latin du magistral remain
sa queue comme un cedre. » Le verbe hebreu tidfes a que la Vulgate ecrit Cyrinus, parce que le texte grec
le sens de « flechir, incliner ». La queue de 1'hipppo- Vappelle Kupstvo;. Voir CYRINUS, t. u, col. 1186. •
R, vingtieme lettre de 1'alphabet hebreu. Voir RESCH. 1. RABBATH, RABBATH-AMMON (hebreu :
Rabbdtdh, a 1'etat construit et avec le he local, II Sam.,
(hebreu : Red'ydh, « (celui que) voit Jeho- xn, 29; partout ailleurs : Rabbat bene- Amman, « la
vah »), nom de trois Israelites dans le texte Jiebreu. La grande [ville] des fils d'Ammon »), capitale des Ammo-
Vulgate appelle Raai'a celui qui est nomme, I Esd., II, nites, aujourd'hui 'Amman (fig. 210). Le nom, la situa-
47, et II Esd., vn, 50; Rai'a, le fils de Sobal,.! Par., iv, tion et les conditions de cette localite ne laissent aucun
2;_ Reia, le fils de Micha, I Par., v, 5. Voir RAIA et doute sur son identite avec la capitale des Ammonites.
REIA. — Raai'a (Septante : Tata, I Esd., n, 47; I, NOMS. — Les trois formes Rabbdh, Rabbat et
II Esd., vn, 50), un des chefs nathineens Rabbdf bene 'Ammon se trouvent simultanement em-
d£sc«,i\dmt% w,t<iV!L\:xiac<ixx.t. de la. ^lo^ee,?,, 11 Sa,«x. ^U.Re^,\, xu, 2.6.-19, pouc desifaer la
Babylone en Palestine avec Zorobabel. ville. Les Septante rendent deux fois la derniere forme
par 'P«6g«G u!wv 'Afijxwv, II Reg.,xn, 26, et Ezech., xxi,
RAAMIAS {hebreu : Ra'amydh, « tonnerre de 20 (hebreu, 25); une fois par T| axpa TWV y{&v 'Apijxav,
Jehovah », Septante : Tse/.(ta), un des chefs Israe- Deut., ill, 11, et une fois par /jTCOAC;toy 'Ap.|j.a)v, Ezech.,
lites qui retournerent de Rabylone en Palestine avec
Zorobabel. II Esd., vii, 7. Dans I Esd., n, 2, il est
appele Rahelai'a.
Syrie, au 68° de latitude et au 8P2G' de longitude. — de plus d'un kilometre. Non loin du point de jonction
^Amman est en effet, d'apres les geographes moderlies, des chemins venant de flesbdn et de f?dr, pres de la
.au 31°57'30" de latitude nord et au 33°38' de longitude riviere canalisee, qui ameneles eaux de 'am-fAmman,
•est de Paris. que Ton, peut considerer comme la source de la Zerqa
III. DESCRIPTION. — Rabbath-Ammon, a I'epoque de ou du Jaboc, on rendontre des vestiges qui paraissent
David, se composait de deux villes ou deux qttartiers : une ancienne porte de ville. A cent cinquante pas au dela,
« la ville des eaux, » 'ir ham-maim, et la ville ou se on voit, sur le bord du chemin, une construction rec-
trouvait la residence royale ou la ciladelle. L'une et tangulaire qui semble etre un monument sepulcral.
Faulre avail, semble-t-il, sa muraille distincle. Bientot, c'est line suite de grands bailments dont les
Of. II Reg., xn,26-29. —Lesecrivains arabes ne parlent murailles sont souvent presque entieres, basiliques,
qu'avec admiration des ruines considerables et magni- temples, eglises chretiennes, portiques, thermes,
fiques de 'Amman. La ville basse, arrosee par d'abon- palais, boutiques qui se succedent sur le parcours de
•dants cours d'eaux et des canaux, entourait la montagne la riviere. Un pont d'une seule arche en plein ceintre
sur laquelle s'elevait le chateau de Djdlut (Goliath). reunit les bords de celle-ci. A huit cents metres de la
On remarquait le cirque de Salomon, et pres de la rue porte, on] apercoit a la droite du ruisseau et appuye
•du marche (suq) une elegante mosquee. Des moulins contre la colline qui borde au sud Youadi-'Amman,
s'elevaient sur le bord de 1'eau et de riants et, riches un theatre d'une admirable conservation. Une gra^nde
915 B.ABBATH-AMMON 91$
place rectangulaire, jadis entouree de colonnes corin- lis. C'est pour venger cette injure que Joab, avec-
thiennes dont douze restent debout, precede 1'amphi 1'armee de David, vint 1'assieger 1'anriee suivante.
theatre. C'est sans doute « le cirque de Salomon » Maitre de la ville basse, « la ville des eaux, » et surle
auquel fait allusion El-Muqadassi. Six mille specta- point de s'emparer de la ville haute, Joab appela Da-
teurs pouvaient s'-y tenir. A Test de la place, se trouve vid pour assister a 1'assaut. Urie etait mort pendant le
un petit theatre convert en odeon. Parmi les ornernents siege, tue sous les murs, dans une sortie des assieges
dont est chargee la frise de 1'entablement, on remarque prevue par le general Israelite. D'immenses richessea
la louve de Romulus et de Remus. La plupart des cons- etaient accumulees dans la ville royale, David s'en
tructions paraissent etre romaines et de 1'epoque des empara et reserva la couronne du roi, du poids ou de-
premiers Cesars. — Plus bas^ on rencontre un moulin. la valeur d'un talent d'or, et chargee de pierres pre-
En cet endroit et sur un espace d'environ trois cents cieuses, pour son propre usage. II Reg., x, xi, xn, 26-
metres, la riviere etait recouverte d'une voute et une 31; I Par., xx, 1-3. Rabbath devint un simple chef-lieu
belle muraille se developpait sur la rive. Un edifice d'une province de 1'empire de David, jusqu'apres le
carre silue non loin, du voisinage d'une mosquee schisme d'Israel. Au temps de Jeremie, Rabbath avail)
ruinee semble etre un monument sepulcral, que I'on a recouvre son independance. Le prophete reprocha a
cru celui d'Urie. — La colline qui formait Facropole son peuple ses empietements et lui annonga des cha-
domine au nord toutes ces ruines. Son altitude au- timents celestes. Jer., XLIX, 1-6. Ezechiel le menace-
dessus de la mer Mediterranee est de 878 metres- du glaive du roi de Babylone. Celui-ci consultera le-
Elle s'eleve ainsi de 102 metres au-dessus de la ville sort pour savoir s'il doit porter 1'epee contre Rabbathr
basse dont 1'altitude, pres du theatre, est de 776 metres. Ammon d'abord ou contre Jerusalem. Pour n'etre pas-
La ville haute, appelee el-Qal'ah, «la citadelle », affecte choisie la premiere, Rabbath n'echappera cependant
la forme d'une equerre ou d'un L. Un fosse large et pas a 1'epee.Ezech., xxi, 19-22, 28-29. Les fils d'Ammoa
profond, coupant la croupe meridionale, limite la ville ont applaudi avec fur'eur aux malheurs d'Israel et de
a 1'orient. Le mur qui Pentourait, flanque de quelques Juda et a la profanation du sanctuaire du Seigneur,
tours, etait construit avec de gros blocs poses sans pour cela Rabbath sera livree aux Bene-Qedem, c'est-a-
ciment, indice d'une haute antiquite. Une porte s'ou- dire aux Arabes, et deviendra la demeure de leurs-
vrait au sud en face de la ville basse et une seconde a chameaux. Ezech., xxv, 1-7. En effet, la cinquieme annee-
1'ouest. Dans 1'interieur, on remarque les restes d'un apres la destruction de Jerusalem, raconte 1'historien.
grand temple dont les caracteres architecturaux sont Josephe, Nabuchodonosor marcha contre Ammon et
ceux de 1'epoque des Antonins. La ville semble avoir Moab et les reduisit en sa puissance. Josephe, Ant. jud.,
ete renversee par un tremblement de terre. Plus au X, ix, 7. Ainsi, Rabbath perdait son independance pour-
nord, s'eleve entiere parmi les ruines une construction toujours. De la domination des Assyriens et des Chal-
disposee a 1'interieur en forme de croix grecque, a deens elle passa sous celle des Perses, et des mains-
voutes ogivales, et dont les murs sont decores de pein- des Perses aux mains des Grecs, des Romains et des^
tures orientales, comme on en voit dans un grand Arabes.
nombre de chateaux du desert qui est a 1'orient de C'est sans doute la presence d'une colonie grecque
Moab. Pour les uns c'est une mosquee, pour d'autres installee a Rabbath aussitot apres la conquete de la.
un edifice de la periode des Sassanides; c'est, pensons- Transjordane (332), qui porta Ptolemee II Philadel-
nous, un palais de 1'epoque chretienne desGhassanides. phe (258-247) a agrandir et a embellir la ville qui*
De grandes citernes se rencontrent ca et la. — Des fut alors appelee de son nom. Etienne de Byzance,
habitations particulieres s'elevaient sur les flancs de la Ethniques,au mot ^ t X a S e X ^ / a . — Rabbath-Ammon-
colline, specialement du cote de 1'ouest. Les nombreux Philadelphie apparait, avec son general d'armee,
restes de constructions epars sur la colline qui fait face Timothee, comme 1'adversaire le plus implacable des
a la citadelle et sur les autres des alentours, semblent Juifs, pendant la guerre soutenue par ceux-ci contre
indiquer des villas dispersees dans les vignes et les Thellenisme. Cf. I Mach., v; II Mach., VIH-X, xn; Ant.
jardins. Lesflancs des vallees dont'Amman est entouree jud., XII, vin, 3-4. L'assassin de Simon Machabee, de
recelent de nombreux tombeaux : les uns avec sarco- sa femme et de ses fils, vint lui demander un refuge
phages appartiennent aux temps greco-romains, les pour echapper aux vengeances de Jean Hyrcan, Ant.
autres offrent des dispositions et un travail identique jud., XIII, vin, 1; Bell, jud., I, n, 4. Elle fut une
aux sepultures hebrai'ques de la Judee. Parmi ces des villes qui s'unirent, quand Pompee et les Romains
sepulcres 1'un d'eux, situe vers Test, et qui se fait se furent empares de la Syrie (63), pour former la pe-
remarquer par les proportions plus qu'ordinaires de sa tite confederation hellenique de la Decapole. Pline,
couche funebre, a ete pris par des voyageurs pour H. N., v, 18. Cf. DECAPOLE, t. n, col. 1333. Cependant
«le lit » du roi Og, auquel 1'Ecriture fait allusion. Deut., a cote de 1'element grec s'en developpait un autre
in, 11. mele a la population aborigene d'Ammon qui devait
IV. HISTOIRE. — Les admirables conditions dans bientot absorber ce dernier et le supplanter, en atten-
lesquelles se trouve le site de 'Amman, n'ont pu dant qu'il restat seul maitre de la ville : c'etait 1'ele--
manquer d'y attirer les premiers occupants du pays ment arabe. II devait etre assez nombreux deja, des les-
qui etaient de la race des Rapbaim et etaient appeles premiers temps de 1'occupation macedonienne, pour
les Zorazommin par les Ammonites. Deut., 11, 20. Les que Polybe, faisant allusion a cette epoque, appelat,,
fils d'Ammon cependant s'y etaient etablis deja et en loc. cit., Rabathamana une « ville d'Arabie ». Aretas,,
avaient fait leur capitale a laquelle ils avaient donne le roi des Arabes, qui avail pris parti pour Hyrcan II,.
nom de. leur pere, quand les Israelites, sortis de contre son frere Aristobule, menace par Scaurus,,
FEgypte, arriverent avec Moi'se sur les confins du pays lieutenant de Pompee, achete par celui-ci, se refugia a«
de Moab. Le roi Og paraitrait 1'avoir occupe quelque Philadelphie comme dans une ville qui lui appartenait.
temps auparavant. Cf. Ibid, et in, 11. Deux siecles plus Bell, jud., I, vi, 3. Herode, charge par Antoine de re-
tard, Rabbath-Ammon, laissee par Moi'se en la posses- duire les Arabes a 1'est du Jourdain, vint avec les Juifs,
sion des fils de Lot, dut voir arriver les parlemen- mettre le siege devant Philadelphie (31), ou se trouvait
taires de Jephte demandant raison de 1'envahissement le roi des Arabes. Repousses dans plusieurs sorties,,
des terres d'Israel par les Ammonites. Jud., XI, 12-28. dans lesquelles plus de douze mille hommes avaient
Les deputes de David, venus pour presenter les condo- peri et quatre mille avaient ete faits prisonniers, les-
leances du roi d'Israel au roi Hanon a propos de la Arabes reudirent la \Llle et reconavvteut le toi dft,
mort de son pere, y furent ignominieusement accueil- Judee pour patron (itpo<7TaT7);) de leur nation. £ell~
917 R A B B A T H - A M M O N — RABBI 918
jud., I, xix, 5. Suivarit la parole de Jeremie, XLIX, 2, RABBI (>sn, pa66( ou pagget), de la racine rab,
ceux qui avaient ete possedes possedaient a leur tour. « grand », avec le pronom suffixe de la premiere
Les Remains eontinuerent a tenir Philadelphia pour personne du singulier, i. Mot hebreu, qui signifie a la
une ville arabe. Pline, loc. cit. Saint Epiphane appelle lettre « mon grand »; puis, d'apres un usage special :
la contree environnante 1' « Arable de Philadelphie ». mon maitre, mon professeur. C'etait un litre d'honneur
Rabbath-Philadelphie peut etre comprise par mi les villes et de respect, analogue a Magister, Doctor. Cf. S. Je-
de la Decapole ou se repandit le bruit de la delivrance rome, In Matth., xxin, 7, t. xxvi, col. 165. On le
du possede de Gerasa et qui envoyerent des leurs en- donnait chez les Juifs aux docteurs de la loi, a 1'epoque
tendre la parole du Sauveur. Matth., rv, 25; Marc., v, de Notre-Seigneur, lorsqu'on les saluait ou qu'on leur
20; vn, 10. 11 est probable aussi que parmi les Arabes adressait la parole. Cf. Matth., xxm, 7. Le suffixe I
qui ecouterent le discours de Pierre, le jour de la perdit graduellement sa valeur pronominale, surtout
Pentecote, Act., ir, 11, se trouvaient des habitants de lorsqu'on placait le mot rabbi devant un nom propre :
cette ville. Elle peut etre encore un des lieux de Rabbi Akiba, Rabbi Samuel, etc. C'etait, dans ce casT
1'Arabie ou s'arreta 1'apotre Paul, pendant les trois ans une expression semblable a notre « Monsieur ». Peu a
qu'il y resta apres sa fuite de Damas,avant de se rendre peu aussi ce titre se generalisa, et on 1'appliqua non
a Jerusalem. Gal., i, 17. Quoiqu'il en soit, il n'est pas seulement aux doeteurs officiels, mais a quiconque
douteux que Rabbath-Ammon ne fut une des pre- groupait autour de lui des eleves, pour les instruire
mieres cites evangelisees par les disciples memes du dans la science religieuse d'Israel. Voila pourquoi Jean-
Christ. Les anciennes listes ecclesiastiques mention- Baptiste etait appele rabbi par ses disciples, Joa., m r
nent Philadelphie la septieme ville parmi les 33 sieges 26, de meme que Jesus recevait habituellement ce nom
episcopaux de la province d'Arabie dont Bosra etait la de la part soit de ses familiers. Matth., xxvi, 25, 49;
metropole. Reland, Palsestina, p. 217, 219, 223, 226, Marc., ix, 5; xi, 21; Joa., i, 38; iv, 31; vi, 25; ix,2, etc.,
228. soit aussi d'autres personnes, Marc., x, 51; Joa., xx y
II semblerait que 'Amman etait ruinee et abandonnee, 16, etc.
quand y arriverent les Arabes musulmans (635). « Sa- II est employe une douzaine de fois sous sa forme
luezlesruines desertes de 'Amman, ditun ancien poete hebraiique dans les fivangiles selon saint Matlhieu, selon
cite par Ibn Khordadbeh (c. 860), et demandez le cam- saint Marc et selon saint Jean; mais tres souvent aussir
pemenl de Rab'a, s'il reviendra. » Les routes et les dans ces memes ecrits, il est remplace par son equi-
royaumes, edit. Goeje, Leyde, 1866, p. 56. « La ville a valent grec StSaff/jxXs; Vulgate: magister. Cf. Matth.,
ete detruite et le chateau et il n'y reste qu'un village vui, 19; XXH, 16, 24, etc.; Marc., iv, 38; ix, 17; x, 35,
de fellahin, » dit el-Yaquby (c. 874), Geographic, edit. etc.; Joa., i, 39; vin, 4; xx, 16. Saint Luc ne le cite
Juynboli, Leyde, 1851, p. 113. Les nouveaux conque- jamais sous sa forme etrangere, conformement a un de
rants n'avaient cependant pas tard6 a 1'occuper. Des le ses principes litteraires. Cf. L. Cl. Fillion, Evangile selon
principe, en effet, 'Amman est indiquee comme la ca- saint Luc, Paris, 1882, p. 17. 11 dit, lui aussi, 6i6a<TxaXs
pitale de la Belqd, c'est-a-dire de la province compre- (douze fois), ou Men,iniora-ca (six fois: Luc.,v, 5;vm,
nant, avec 1'ancien territoire de PAmmonitide, toute la 24, 45; ix, 33, 49; xvn, 13; Vulgate prseceptor}. Fre-
region au sud de la Zerqa ou le Jaboc qui avail appar- quemment aussi, par exemple Matth., vin, 21, 25, le
tenu a la tribu de Gad et a Ruben et parfois a Moab. mot rabbi est traduit en grec par xypte; Vulgate : Do-
Abandonnee de nouveau, apres les Croisades, elle mine.
n'etait plus qu'un pare ou venaient parfois camper, On ne saurait determiner 1'epoque exacte a laquelle
avec leurs chameaux, -les Bedouins du desert de Test. ce titre honorifique comrnenca a etre employe avec
C'etait 1'accomplissement parfait de ,la prophetie cette signification speciale. Les Talmudistes etaient
d'Ezechielj xxv, 5. En 1878, le sultan de Constanti- deja en desaccord sur ce point. Quelques-uns d'entre
nople a livre les ruines de 'Amman et la contree des eux,avec I'exageration dont ils sont coutumiers, en fai-
alentours aux Circassiens fanatiques qui refusaient de saient remonter 1'origine jusqu'a Elie. Leur principal
demeurer dans leur pays conquis par les Russes. Us ont argument consistait dans le texte IVReg., n, 12, ou Elisee,
etabli leurs huttes informes au milieu des temples et s'adressant au prophete son maitre, s'ecrie, d'apres la
des palais de 1'antique Philadelphie. La presence de traduction du Targum : Rabbi, rabbi (dans 1'hebreu :
ces sauvages habitants est loin-de relever 1'aspect des 'Abt, 'dbi, « mon pere, mon pere »). D'apres 1'opinion
ruines et d'etre une protection pour elles. Une gare la plus vraisemblable, c'est dans le siecle qui preceda
portant le nom de 'Amman vient d'etre construite non la naissance de Notre-Seigneur que cet usage fut
loin de la ville, sur la ligne du chemin de fer de Damas ihtroduit. Voir Schurer, Geschichte des judischen
a la Mecque. Volkes, t. ii, 3e edit., p. 316. On le trouve tres souvent
V. BIBLIOGRAPHIE. — N. J. Seetzen, Reisen durch dans la Mischna. Cf. Nedarim, ix, 5; Beracholh, 11,
Syrien, Paldstina, etc., edit. Kruse et Fleischer, 5-7; Pesachim, vi, 2; Baba kama, vin, 6, etc. Chez les
4 in-8», Berlin, 1854-1859, t. i, p. 396-397; t. iv, 212- Juifs de Babylone, on disait d'ordinaire Rab au lieu de
216; J. Z. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Rabbi.
Land, in-4", Londres, 1822, p. 356-360; F. de Saulcy, Nous savons par 1'Evangile, Matth., xxin, 7, que les
Voyage en Terre-Sainte, 2 in-8°, Paris, 1865, t. I, docteurs de la loi tiraient beaucoup de vanite du titre
p. 241-270; Cl. R. Conder, The Survey of Eastern de rabbi, auquel ils a^tachaient un grand prix. C'etait
Palestine, Memoirs, 2 in-4°, Londres, 1889, t. i, 19-64; d'ailleurs un principe\ju'on ne devait jamais interpeller
Id., Heth and Moab., in-12, Londres, 1885, p. 157-161, un de ces savantsypar son nom personnel. Voir Chr.
167; Guy le Strange, Palestine under the Moslems, Schoattgen, Horse hebr. et talmud., 1733, t. i, p. 386.
in-8», Londres, 1890, p. 391-395; 274-286; Id., A ride On employait aussi, a 1'epoque de Jesus-Christ, mais
through 'Ajlun and the Belkd during the autumn Of tres rarement, les titres Rabbdn ou Rabbon, forme
1884, dans G. Schumackcr, .Across the Jordan, in-8°, intensive de rab. On ne cite que sept grands docteurs
Londres, 1886, p. 308-311. L. HEIDET. de la loi auxquels ils aient ete appliques d'ane ma-
niere officielle; le premier de tous aurait ete Gama-
2. RABBATH MOAB, nom donne au ive siecle par liel, le maitre celebre de saint Paul. On disait alors
Eusebe a la capitate des Moabites et probablement proverbialement, pour marquer les nuances des mots
usite deja a 1'epoque .biblique, quoiqu'on ne le ren- rabbdn, rabbi et rab, usites comme titres de res-
contre pas dans ies livres de FAncien Testament ou pect : Major est Rabbi quam Rab, et major est Rab
elle estappelee Ar, ^>MUKV. BoAW, Vote Nathan ben Jechie/, Aruch,
RABBI — RABSACES 920
au mot AH; Dessauer, Aramaisches Worterbuch, RABBONI. C'est le mot rabbdn ou rabbon, avec le
p. 216. suffixe i; plus simplement peut-etre, d'apres divers
C'estdu mot rabbi que derive le substantif « rabbin », auteurs, une autre forme de rabbi. Voir ce mot. Dans
qui sert a designer actuellement les ministres princi- le grec des Evangiles, paSScm d'apres le texte refu,
paux du culte judai'que, dont les fonctions sont de .Vulgate : rabboni; paSoouvs ou pa66ouvet d'apres de
precher, de celebrer les mariages, etc. De rabbi vient nombreux manuscrits. Ce titre apparalt deux fois seu-
aussi, d'apres la prononciation ribbi ou rebbi, qu'on lement dans le Nouveau Testament. 1° Marc., x, 51,
rencontre sur des inscriptions juives relativement 1'aveugle de Jericho s'ecrie : « Rabboni, que je voie. »
recentes, le titre rebb, octroye par les juifs contempo- 2° Joa., xx, 16, Marie Madeleine interpelle par ce meme
rains a quiconque, chez eux, possede quelque connais- nom le Sauveur ressuscite, apres 1'avoir reconnu dans
sance du Talmud. Voir la Revue des Etudes juives, le jardin. Saint Jean traduit rabboni par SiSaaxaXs. —
t. vi, p. 205; Corpus inscript. latin., t. ix, n. 648 et Voir J. Dalman, Die Worte Jesu, in-8°, t. r, Leipzig,
6220; L. Kompert, Scenes du Ghetto, trad, franc., 1898, p. 279. L. FILLION. .
Paris, 1859, p. 11, n. 1.
Bibliographie. — Buxtorf, De abbreviaturis hebrai- RABBOTH (hebreu : hd-Rabbit; Septante : Codex
cis, Bale, 1640, p! 172-177; W. Hill, De Hebrsearum Vaticanus :Aagsipwv; Codex Alexandrinus : Pagg<i6),
rabbinis seu magistris, I^na, 1746, in-4«; J. A. Othon, ville de la tribu d'Issachar, mentionnee une seule fois
Lexicon rabbinico-philologicum, in-12, Altona, 1757, dans la Bible, Jos., xix, 20. Elle se trouve cite"e entre
p. 560-563; J. Hamburger, Real-Encyclopddie furBi- Anaharath, aujourd'hui tresprobablement.E'w-iVa'wraA,
belund Talmud, in-8°, t. n, Strelitz, 1883, p. 943-944; sur la partie septentrionale du Djebel Ddhy, et Cesion,
J. Levy, Neuhebraisches und chalddisches Worterbuch appelee aussi Cedes, et representee sous ce dernier
fiber die Talmudim und Midraschim, in-4°, t. iv, nom par Tell Abu Qudeis, au sud-est d'El-Ledjdjun.
Leipzig, 1889, p. 409-410, 416-417; G. Dalman, Die Voir la carte d'Issachar, t. in, col. 1008.. Mais ces deux
Worte Jesu, in-8», t. i, Leipzig, 1898, p. 267-268, 272- points ne nous servant guere pour 1'identification de
280; Leopold Loew, Gesammtl. Schriften, in-80, t. iv, Rabboth. II faut descendre jusqu'au sud-est de Djenin
1898, p. 211-216. L. FILLION. pour rencontrer un nom correspondant a celui-la. Ce
nom est Rdbd, qui represente bien 1'antique denomi-
RABBINEQUES (BEBLES). On appelle ainsi les nation. Le village n'aaucune importance; on remarque,
editions de la Bible hebrai'que qui contiennent avec le au nord-ouest, des cilernes parmi des ruines. Cf.
texte original les commentaires de rabbins celebres. V. Guerin, Samarie, t, i, p. 336; Survey of Western
On leur donne aussi le nom de mVni msopn, Mi- Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. n, p. 227-
qr'adt gedolot, « grandes Bibles ». — 1" La premiere 228;'A. Buhl, Geographie des alien Palastina, Leipzig,
Bible rabbinique est cellede Bomberg, 4 in-f°ou in-4°, 1896, p. 204. Cette identification est regardee au moins
Venise, 1516-1517, dont Felix Pratensis dirigea 1'im- comme probable par les differents auteurs. Rabbit fut
pression, t. n, col. 2187. Voir BOMBERG, t. i, col. 1844. une des yilles prises par Sesac du temps de Roboam.
— 2° Cette premiere edition, ayant ete critiquee par les Maspero, Histoire ancienne des peuples de VOrient,
juifs, Bomberg en publia une seconde, egalementa Ve- 6<* edit., 1904, p. 422. A. LEGENDRE.
nise, 4 in-fo, 1524-1525, sous la direction de Jacob ben
Chayim (ne a Tunis vers 1470, convert! au christia- RABDOMANCIE, divination au moyen de batons
nisme dans sa vieillesse et mort vers le milieu du ou d'objets analogues. — II en est question dans deux
xvi« siecle). — 3° Une nouvelle edition de la Bible de passages bibliques. Ezech., xxi, 26; Ose., iv, 12. D'apres
Bomberg, avec des modifications, fut publiee a Venise saint Jerome, In Ezech., vii, 21; In Ose., I, 4, t. ,xxv,
en 1546-1548 sous la direction de Cornelius Adelkind col. 206, 850, il y est "en eflet question de belomancie
{t. i, col. 215). — 4° La quatrierne edition de la Bible et de rabdomancie, divination par les traits ou par les
•de Bomberg, 4 in-f°, Venise, 1568, par Jean de Gara, batons. Le bdru ou devin babylonien« levait lecedre, »
fut revue par Isaac ben Joseph Salam et Isaac ben c'est-a-dire probablement un baton de ce bois servant
Gerson Treves et editee avec divers changements. — a ses presages. Cette verge divinatoire parait designee
5° La cinquierne edition, publiee a Venise, 4 in-f°, 1617- dans les textes par le mot giS-sim. Cf. Martin, Textes
1619, par Pietro et Lorenzo Bragadin, sous la direc- religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 220,
tion de Leon de Modene (ne a Venise, le 23 avril 1571, 228; Lagrange, Etudes sur les religions semitiques,
mort dans cette ville en 1648) et d'Abraham Chaber- Paris, 1905, p. 236. Chez les Arabes nomades, le pretre
Tob ben-Solomon Chayim Sopher. C'est a peu de rendait des oracles pour indiquer ce qu'il y avait a
chose pres une reproduction de la precedente. Elle faire, par exemple entreprendre Ja guerre ou y renon-
porte I'imprimatur du censeur Rene de Modene, cer. La reponse etait fournie au moyen de Heches ou de
1626..— 6° La sixieme edition, editee par Jean Buxtorf, • batons, Cf. Lagrange, Etudes, p. 218. Le baton semi-
parut a Bale, 2 in-f°, 1618-1619. — 73 La seplieme edi- tique a quelque analogic avec le lituus de 1'augure ro-
tion, connue sous le nom de Bible d'Amsterdam, fut main, baton recourbe en crosse et servant a tracer des
editee dans cette ville en 4 in-f°, 1724-1727, par Moses lignes ideales dans le eiel pour deviner 1'avenir. Cf.Ci-
Frankfurter. C'est la plus estimee des Bibles rabbi- ceron, Divinat., i, 17; Tite Live, i, 18. Le baton du
niques. Elle a pour base les editions de Bomberg et bdru et celui de 1'augure n'avaient qu'un pouvoir ma-
fille reproduit tout ce qu'elles contiennent, ainsi que gique ou fictif. La rabdomancie a laquelle les pro-
ce qui se trouve dans la Bible de Buxtorf, avec des phetes font allusion n'etait en realite qu'un appel au
additions nouvelles, Onkelos, la grande Massore, les sort. Le Prqtevangile de Jacques, 8, 9, imagine une
commentaires de Raschi, d'Abenesra, de Kimchi, etc.; scene de rabdomancie compliquee de surnaturel pour
les variantes des manuscrits orientaux et occidentaux, expliquer le choix de Joseph comme epoux de Marie.
les differences du texte de Ben-Ascher etde Ben-Naph- Le Goran, HI, 39, se refere a ce recit. Voir DIVINATION,
thali, recueil important pour la critique du texte t. n, col. 1444. H. LESETRE.
hebreu. — 8° Mentionnons une derniere Bible rabbi-
nique publiee a Varsovie par Lebenson, 12 petits in-f°, RABSACES, hebreu : npufai, rabsaqeh; Septante :
1860-1868, qui renferme, -outre le texte hebreu, les 'PaScrax-/];, Pa^axri?. Ce iriot n'est ni un nom propre
Targums, la grande et la petite Massore, les variantes comme 1'avaient admis beaucoup de versions et d'inter-
de Ben-Ascher et de Ben Naphthali, et divers commen- pretes anciens, ni un compose hebreu signifiant « grand
taires dus a des rabbins. echanson » forme de rab, « grand, chef », et saqeh.
921 RABSACES — R A C H A T 922
pour tnasqeh, « echanson », comme 1'expliquaient jus- trouve que dane la partie arameenne, ou il est transcrit
qu'a maintenant les exegetes modernes (echanson, exactement comme dans 1'hebreu, D1D31, tablette 81-2-
masqeh, et prince des eehansons, sar ham-masgim se 4, 147. Berger, Cowptes rendus de I Academie des
trouvent dansGenese, XL, 1 et 9) : c'estun litre assyrien inscriptions et belles-lettres, 1886, p. 201; Corpus: ins-
d'officier de rang superieur, bien que place au-dessous cript. semiticarttm , t. i, fasc. i,rp. 43-44. Jusqu'a pre-
du tartan pu tur-ta-nu, dans les textes cuneiformes sent, il ne s'est rencontre que rarement dans les textes
comme dans la Bible, IV Reg., xvm, 17; Is. xxxvi, 12. cuneiformes; dans la Bible, il est mentionn^ plusieurs
Ce titre parait ainsi soit dans la Jiste des officiers assy- fois; pour un officier assyrien de Sennacherib, entre
riens, The \Cuneiform Inscriptions of Western Asia, le tartan et le rabsaees; pour des officiers babyloniens,
t. II, pi. xxxi, col. i, n. 5,1. 34, soit dans les listes chro- Sarsakim et Nabusezban, Jer., xxxix, 3, 13; pour Asphe-
nologiques des eponymes (12° eponymie de Ramman- nez, Babylonien charge de 1'education des jeunes He-
nirar, roi d'Assyrie, en 799), soit dansles annales rela- breux a la cour .de Nabuchodonosor, Dan., I, 3. Voir
tant les guerres des monarques assyriens : c'est ainsi que Vigouroux, La \Bible et \les decouvertes modernes,
Theglathphalasar, The Gun. Jnscrip. of West. Asia, 6e edit., t. iv, p. 23; T. G. Pinches, dans Hastings, Dic-
-t. ir, pi. LXVII, 1. 66, mentionne 1'envoi d'un rab-sak tionary of the Bible, t. iv, p. 191. E. PANNIER.
comme ambassadeur charge de recevoir le tribut de
Metenna ou Mathon, roi de Tyr. Le premier element du RACA, mot adresse au prochain pour 1'insulter. —
mot signifie « grand, chef », et le second sak-(u], Ce mot se rattache a l'arameen reqd* eta 1'hebreu req,
synonyme.de rie-su signifie « tete, chef, officier ». Dans qui signifient « vide, vain », et, d'apres saint Jerome,
la semination envoyee aEzechias par Sennacherib retenu In Matth., i. 5, t. xxvi, col, 37, equivalent ici a 1'in-
au siege de Lachis, e'est le.rab-sak qui prend la parole, jure habituelle : « sans cervelle ». "Lesreqim sont sou-
bien qu'il n'occupe dans la liste des officiers que le vent des « gens de rien ». Jud., ix, 4; xi, 3; II Reg.,
troisieme rang; outre Tassyrien, il est represente vi, 20. Notre-Seigneur renvoie au tribunal local celui
comme parlant 1'arameen et 1'hebreu : les envoyes qui s'irrite contre son frere, au tribunal supreme ou
d'Ezechias le prient d'employer 1'arameen pour ne pas sanhedrin celui qui lui dit : « raca ! » et a la gehenne
decourager la population hierosolymitaine qui 1'ecoute, du feu celui qui lui dit : « fou! » Matth., v, 22. Le
mais il persiste a employer 1'hebreu, et redouble d'in- mot « raca », d'apres la gradation despeines, constitue
solence : il parait meme renseigne sur les reformes reli- done une injure intermediaire entre la simple colere
gieuses d'Ezechias qui a fait partout supprimer les et 1'appellation de « fou ». La tete vide est en effet moins
hauts-lieux et les autels eriges a Jehovah pour ne responsable que la tete folle, c'est-a-dire celle qui se
laisser subsister que I'autel de Jerusalem : il semble sert de sa raison pour faire lemal. Fou est pris dans le
avoir aussi connaissance des oracles d'Isai'e, vin, 7, 8; sens d'impie. Gf. Ps. xm, 1. Voir Fou, t. n, col. 2330.
x, 5, 6, lorsqu'il afflrme que c'est sur 1'ordre de Jeho- H, LESETRK.
vah que Sennacherib'marche centre Jerusalem, IV (II) RACHAL (hebreu : Rdk&l; Septante : Codex Alexan-
Reg., XVHI, 25. A la Terite il a pu dire ces choses de lui- drinus : Tax^), ville de Juda, a laquelle David en-
meme pour effrayer davantage les sujets d'Ezechias. Les voya de Siceleg une part du bulin qu'il avait pris sur
Juifs du temps de saint Jerome, In Is., xxxvi, t. xxiv} les Amalecites. I Reg., xxx, 29. Elle n'est mentionnee
col. 380, pretendaient sur ces legers indices que c'etait qu'en ce seul endroit de 1'Ecriture et est completement
«n fils d'Isai'e, transfuge et apostat. Voir Schrader- inconnue. Cependantles Septante, enajoutant plusieurs
Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the noms, placent ici une, ville de Carmel. On suppose done
Old \Test., t. ii, 1888, p. 3-4; Vigouroux, La Bible et que, au lieu de b^ts, be-Rdkdl, « a ceux qui etaient a
les decouvertes modernes, 6e edit., t. iv, p. 23-24, 50; TT:
G. jRawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. n, Rdkdl, » il faudrait lire : ^-ps, be-Karmel, TO?; sv
p. 165. E. PANNIER. w, « a ceux qui etaient a Carmel. « II s'agirait
alors de la ville de ce nom, dont il est question Jos.
xn, 22; xv, 55, et qui est representee aujourd'hui par
RAB-SARIS (hebreu ono-ai, rab-sdris), dans les ruines appelces Khirbet Kermel, a environ quinze
Jer., Septante: TocSaapt; (NaSousapc;); Vulgate : Rab- kilometres au sud d'Hebron. Voir CARMEL 1, t. n, col. 288.
saris, dans Jer., xxxix, 3,13; Rabsares, dans IV Reg., Cette hypothese, acceptee par bon nombre d'exegetes
xvm, 17, dans Daniel, i,;3, 7,8 [avec le second element au est plausible, malgre les obscurites du texte grec dans ce
pluriel rab-sarisim; Septante : apxtsuvouxoc; Vulgate : passage. A. LEGENDRE.
pr&pasitus eunuchorum, voir ASPHENEZ, 1.1, col. 1124]),
titre analogue a rab-saces, indiquant un emploi eleve a RACHAT (hebreu : ge'ullah; Septante : Xurpov;
la cour des rois d'Assyrie ou de Babylone : 1'hebreu le Vulgate : redemptio), compensation fournie en echange
traite comme signifiant « grand euriuque » ou « chef de ce que Ton veut garder ou recouvrer. Le prix du
des eunuques », et c'est le sens donne a ce mot par tous rachat s'appelle kofer, Exod., xxi, 30, peduyylm,
les anciens interpretes : mais on constate en differents Num., HI, 46, ou pidydn, Num., in, 49, Xutpov, pre-
passages que le terme d'eunuque perd souvent le sens tium. — Sur le rachat des esclaves, voir ESCLAVE, t. H,
etymologique pour garder la signification plus large col. 1923. — Sur le rachat de certains delits, voir
d' « officier de la cour ». Voir EUNUQUE, t. n, col. 2044. AMENDE, 1. 1, col. 476. — Le rachat pouvait porter sur les
— Les textes cuneiformes transcrivent ce titre en trois personnes, les animaux ou les choses.
elements rubu sa riesu; riesu ou resu ayant le sens de 1<> Rachat des peysonnes. — Tout fils premier-ne ap-
« tete, chef prince », 1'appellation complete signifie partenait au Seigneur etdevait etrerachete. Exod.,xm,
« chef des princes », cequi cadre avec lerecit de Daniel 13; Num., in, 49, etc. Voir PREMIER-NE, col. 602. En
ou il a la garde des enfants « de race royale », Dan., 1,3, dehors du premier-ne, un Israelite quelconque, homme
resu etant synonyme de sak, saku. Rab-saris est done ou femme, pouvait se consacrer ou etre consacre par
analogue au terme rab-saces; mais la vocalisation est voeu au Seigneur. La consecration par immolation
differente et, semble-t-il aussi, la fonction. Le titre se effective, comme la comprit Jephte, Jud., xi, 31-39,
trouve dans une inscription du Musee Britannique 82-7- etait contraire a la Loi. f3'autre part, ceux qui etaient
14, 3570, publiee par Pinches, The Academy, 25 juin consacres par vceu ne pouvaient etre employes au ser-
1892. On le trouve egalement dans une inscription bi- vice du Temple, puisque ce service etait reserve aux
lingue, babylonienne et arameenne, attribuee a un Nabu- Levites. Quelques uns donnaient suite a leur consecra-
r, limu ou eponyme en 683; mais le titre ne se tion en professant le nazareat. Voir NAZAREA.T, t. iv,
923 RACHAT 924
col. 1515. Le plus grand nombre profitaient de la faculte que a Jehovah. S'il etait de ceux qui convenaient aux
de rachat accordee par la Loi. Ge rachat se faisait a sacrifices, on n'avait le droit de le remplacer que par
prix d'argent et la somme variait selon 1'age et le sexe un equivalent. S'il n'etait pas de nature a etre offert, le
des personnes. On payait pour un homme de 20 a 60 pretre en estimait le prix, et le proprietaire qui desirait
ans, 50 sides d'argent (175 francs, le side valant a peu le reprendre payait ce prix majore d'un cinquieme.
pres 3 fr. 50); pour une femme, 30 sides (105 fr.); de Lev., xxvii, 12, 13. Cette majoration tendait sans doute
5 a 20 ans, pour un garcon, 20 sides (70 fr.), et pour a empecher des retours trop frequents sur la posses-
une fille, 10 sides (35 fr.); d'un mois a cinq ans, pour sion de ce qu'on avait voue.
un garcon, 5 sides (17 fr. 50), et pour une fille, 3 sides 3° Rachat des choses. — i. Champs. La propriete
(10 fr. 50); au-dessus de 60 ans, pour un homme, qu'un Israelite, presse par la pauvrete, cedait en tout
15 sides (52 fr. 50), et pour une femme, 10 sides (35 fr.). ou en partie, pouvait etre rachetee par son parent le
Suivant 1'age, les hommes payaient done successive- plus proche, voir GOEL, t. m, col. 260, ou par lui-meme,
ment5, 20, 50, et 15 sides, et les femmes, 3, 10, 30, et quand il en retrouvait le moyen. En pareil cas, le taux
10 sides. Cette gradation n'est pas proportionnelle au du rachat se calculait d'apres le nombre d'annees qui
travail qu'on peut fournir, puisque d'un mois a cinq devaient s'ecouler avant 1'annee jubilaire, epoque a'
ans 1'enfant n'est capable de rien. Elle s'inspire de la laquelle chacun rentrait en possession de son patri-
preeminence de 1'homme sur la femme et de celle de moine familial. Lev., xxv, 25-28. Voir JUBILAIRE (ANNEE),
1'age mur sur 1'enfance et la vieillesse. Ces prix t. in, col. 1752. — Un Israelite pouvait aussi consacrer
n'etaient payes qu'une fois, le texte ne supposant au- a Jehovah, par voeu, une partie de ses champs. Mais
cune redevance periodique, a moins, sans nul doute, comme les proprietes etaient inalienables, on n'en con-
que le voeu n'ait ete renouvele, rendant ainsi possible sacrait en realite que les revenus jusqu'au prochain
de nouveauxrachats. Lespauvresne pouvaientaisement jubile. La valeur du don se calculait a raison de
payer les taxes, relativement elevees. La Loi s'en 50 sides d'argent par chomer de semence d'orge. En
remettait alors a 1'estimation du pretre, qui fixait le admettant la valeur du side a 2 fr. 50, celle du chomer
prix du rachat proportionnellement aux moyens de a 388 litres 80, et le rendement moyen d'un chomer de
1'interesse. Lev., xxviu, 3-8. — En aucun cas, Ton ne semence a 20 chomer de recolte, on a chaque annee
pouvait racheter les personnes frappees de herem, 7776 litres de grains pour 175 francs, soit 44 litres
c'est-a-dire vouees a 1'anatheme par Dieu ou ses repre- pour 1 franc. A 1'epoque d'Elisee, le has prix de deux
sentants autor^s^s, et par consequent condamnees a seah d'orge etait d'un side, soit environ 26 litres pour
perir. Lev., xxvn, 28, 29. Voir ANATHEME, t. i, col. 545- 3 fr. 50 ou 7 litres et demi pour 1 franc. IV Reg., vn,
547. 1. Le prix fixe par la loi concernant les voeux etait done
2° Rachat des animaux. — Les premiers-nes des ani- extraordinairement faible, ce qui devait a la fois faci-
maux domestiques, behemdh, jJouxoMa, pecora, appar- liter la vente des grains ainsi consacres et eviter aux
tenaient au Seigneur. On immolait, sans pouvoir les pretres la tentation de s'enrichir a 1'aide de pareils
racheter, ceux qui etaient admis dans les sacrifices, vceux. Celuiqui voulait racheter son champ payait done
veaux, agneaux et chevreaux. Exod., xm, 13; xxxiv, 19; la redevance indiquee par chomer de semence pour
Num., xvni, 17. Si quelqu'un de ces. animaux etait chaque annee, c'est-a-dire, si 1'on etait alors a 1'annee
impropre aux sacrifices a raison de quelque defaut, on jubilaire, pour le temps qui devait s'ecouler jusqu'a la
ne le rachetait pas davantage, quoi qu'en pensenl suivante annee jubilaire, soit pour 43 ans, en defal-
plusieurs auteurs, cf. De Hummelauer, In Exod. et quant les annees sabbatiques, ou autrement selon le
Levit., Paris, 1897, p. 139, 547; la Loi prescrivait de nombre d'annees qui restaient avant le prochain jubile.
le manger comme ou mange la gazelle ou le cerf, sans De la teneur du texte et de la faiblesse de 1'evaluation
roffrir en sacrifice a Jehovah. Deut., xv, 21, 22. On en argent, il ressort en effet avec evidence que le prix
devait racheter le premier-ne de 1'animal impur. indique devait etre annuel. Lev., xxvn, 16-18. Pour ra-
Num., xvm, 15. Par animal impur, il faut entendre cheter son champ voue au Seigneur, 1'Israelite payait
ici le cheval, 1'ane et le ehameau, d'apres Philon, De done la redevance, mais avec une majoration d'un cin-
prim, sacerdot., 1, edit. Mangey, t, n, p. 391. Le rachat quieme. Si 1'Israelite ne payait pas le prix du rachat et
se taxait sur 1'estimation du pretre, avec majoration que le pretre fut oblige en consequence de vendre le
d'un cinquieme. Lev., xxvu, 27. D'apres Josephe, champ a un autre, le champ ne revenait plus au pre-
Ant. jud., IV, rv, 4, la taxe etait pratiquement fixee a mier proprietaire 1'annee du jubile, mais il restait a
un side et demi (5 fr. 25). Si 1'animal n'etait pas ra- Jehovah et passait dans le domaine du pretre. "Lev.,
chete, les pretres le vendaient sur leur estimation. On xxvn, 20, 21. Cette clause devait faire reflechir celui
obviait probablement a ce que 1'Israelite ne fut pas qui hesitait a payer ses redevances votives; il y allait
amene, par avarice, a preferer 1'abandon au rachat. pour toujours de son bien patrimonial. Enfin, celui
Une regie speciale concernait le rachat de 1'ane; on qui avait achete un champ a son frere pauvre pouvait
pouvait donner a sa place un agneau, et, faute de ra- aussi consacrer ce champ a Jehovah. Mais, en pareil
chat, on lui brisait la nuque. Exod., xm, 13;xxxiv, 20. cas, le champ revenait toujours au proprietaire primi-
Cette exception s'inspirait de la grande utilite que pro- tif 1'annee du jubile, et, pour que le vceu ne restat pas
curaientles anes dans un pays comme la Palestine, ou sans execution assuree, celui qui 1'avait fait payait sur
ils constituaient a peu pres la seule rranture possible et le champ le prix total du rachat, suivant le nombre
ou ils rendaient de si grands services. Voir ANE, t. i, d'annees qui restaient jusqu'au jubile. Lev., xxvn, 22-
col. 568. De plus, 1'anesse porte onze mois et la brebis 25. — 2. Maisons. Celui qui vendait une maison entou-
seulement cinc^. II ^ avait done grand intereta substi- ree de murs conservait le droit de raehat pendant
tuer un agneau a un anon. II n'est pas ici question des toute une annee. Ce temps revolu, la maison apparte-
animaux sauvages que 1'on pouvait cependant manger, nait au nouvel acquereur a titre definitif, et ne reve-
comme le cerf, la gazelle, le chevreuil, 1'antilope, etc., nait pas au proprietaire primitif a 1'epoque du jubile.
parce qu'il n'etait pas au pouvoir de 1'lsraelite de dis- Cette mesure ne troublait pas 1'ordre des patrimoines,
cerner et de prendre leurs premiers-nes. Le pore est parce que les habitants des villes murees ne vivaient
egalement passe sous silenee,parcequ'ilne peut servir pas sur le domaine familiaL Les maisons des villages
qu'a la nourriture, que cette'nourriture etait expres- non entoures de murs suivaient au contraire le sort des
sement prohibee et qu'en consequence les Israelites champs environnants et revenaient au proprietaire pri-
n'elevaient pas ce genre d'animaux. On pouvait aussi mitif a 1'epoque du jubile; aussi, n'etait-il pas besom
offrir, en. dehors des premiers-nes, un animal quelcon- d'accorder a ce dernier toute une annee de reflexion
925 RACHAT — RACHEL 926
avant qu'il prit sa resolution definitive. Par exception, sa servante Bala, qui eut deux fils. De son cote, Lia
ies levites avaient sur leur maison un droit de rachat donna sa servante, Zelpha, qui eut deux fils, et elle-
perpetuel, et celles-ci leuf revenaient toujours a meme en eut deux autres. Alors seulement, Rachel
1'epoque du jubile. Cette disposition s'explique par le connut Ies joies de la maternite et enfanta un fils
fait que Ies levites n'avaient que des proprietes assez qu'elle appela Joseph, ensouhaitant queDieu luiaccor-
restreintes, mais Ies possedaient a perpetuite. Lev., xxv, dat un autre fils. Quand Jacob se fut enrichi au service
29-34. — .On pouvait aussi consacrer par voeu sa maison de Laban, qui se montrait peu bienveillanta son egard,
a Jehovah. Les pretres en fixaient la valeur par une es- il proposa a Lia et a Rachel de retourner en Chanaan.
timation a laquelle on devait s'en tenir. Si celui qui Celles-ci accepterent, et 1'on se prepara au depart a
avait coiisacre sa maison voulait la racheter, il en 1'insu de Laban, occupe a la tonte de ses brebis. Rachel
payait le prix fixe avec une rnajoration d'un cinquieme. deroba meme Ies theraphim de son pere. Laban Ies
Lev., xxvii, 14,15. — 3. Dimes. II etait permis de rache- atteignit cependant dix jours apres, et se plaignit, entre
ter une partie de la dime prelevee sur Ies cereales ou autres choses, qu'on lui eut emporte ses theraphim.
.sur Ies fruits, a condition d'en majoi'er le prix d'un Jacob ignorait ce detail; il dit a son oncle de fouiller
cinquieme. Lev., xxvn, 31. Le rachat 6vitait Ies frais de Ies tentes. Rachel cacha alors Ies objets reclames dans
transport; sans la majoration, il eut constitue un avan- la selle de son chameau et s'assit dessus, en pretextant
tage pour le cultivateur exonere de ces frais, et un une indisposition pour ne pas se lever. Laban ne trouva
dommage pour Ies pretres qui eussent eu a se Ies im- done rien, et Jacob put en conscience protester centre
poser. Ces majorations indiquaient en outre qu'il fallait une perquisition injurieuse pour lui. Rachel s'etait
savoir consentir un sacrifice pecuniaire, quand on ne jouee de son pere, en lui derobant des objets auxquels
voulait pas faire a Dieu 1'abandon defmitif de ce qu'on il attachait un grand prix et en le trompant pour 1'em-
lui avait consacre. H. LESETRE. pecher de Ies retrouver. Mais il faut avouer que Laban
s'etait rendu coupable d'une injure bien autrement
RACHEL (hebreu : Rdfyel, a brebis »; Septante : grave envers sa fille, quand il lui avait frauduleuse-
Tax-/i>-), fiUe de Laban et femme de Jacob. — Quand ment substitue Lia, au lieu de 1'accorder elle-meme a
Jacob arriva en Mesopotamie, ou il devait demander Jacob, ainsi que le reelamait la justice. Gen., xxix, 9-
en mariage 1'une des filles de son oncle Laban, il ren- xxx, 24; xxxi, 4-44. Quand Jacob fut arrive dans le pays
contra aupres d'un puits Ies bergers de ce dernier. II de Chanaan, il se dirigea du cote de Mambre, pour y
s'entretenait avec eux, quand ceux-ci lui signalerent retrouver son pere Isaac. Parti de Rethel, il etait a une
1'approche de Rachel, qui amenait au puits Ies brebis certaine distance d^Ephrata, voir PRINTEMPS, col. 677,
de son pere. Jacob abreuva Ies brebis de la jeune fille, quand Rachel fut prise des douleurs de 1'enfantement.
1'embrassa ensuite et se fit connaitre a elle. Rachel se La sage-femme 1'encouragea en lui annoncant la nais-
hata d'aller annoncer a Laban la presence de son neveu. sance d'un fils. Rachel se mourait; elle donna a son
Jacob, bien accueilli par son oncle, se mit a son service, fils le nom de Benoni, « fils de ma douleur », que Jacob
a condition qu'au bout de sept ans il aurait le droit changea en celui de Benjamin, « fils de la droite ».
d'^pouser Rachel qu'il aimait. Ce temps ecoule, Laban Rachel expira a cet endroit, pres de Bethlehem. Jacob
substitua son ainee, Lia, a Rachel que Jacob avait compte eleva sur sa tombe un monument qui se voyait encore
obtenir. Celui-ci- put cependant epouser cette derniere a 1'epoque ou ce passage de la Genese fut ecrit. Gen.,
au bout de quelques jours, a condition de s'engager a xxxv, 16-20. Le monument actuel de Rachel est« un joli
servir encore sept annees. Lia eut successivement qua- ouely carre surmonte d'un dome (fig. 211) qui date seu-
tre fils. Rachel, qui demeurait sterile, donna a Jacob lement de 1679, avec une allonge a Test construite-pac
927 RACHEL — RAFRAICHISSEMENT 928
sir Moses Montefiore. Le tombeau est dans 1'interieur racine sur laquelle a vecu ensuite le peuple convert!
de Fedifice. C'est un monument en forme de double de la gentilite. Rom., xi, 16-18. Autrefois, Assur plon-
plan incline, comme un de nos toits; sa hauteur est de geait ses racines dans' les eaux abondantes, il etait
trois a quatre metres; sa surface est recouverte d'ara- prospere et puissant. Ezech., xxxi, 7. — 2. Le juste,
besques en stuc. Mais si le monument est moderne, sa beni de Dieu, a ses racines arrosees par les eaux. Job,
position repond parfaitement au texte de la Genese. xxix, 19; Jer., xvn,8. Sa racine ne sera pas ebranlee
Le tombeau y est mentionne comme existant au temps et elle donne son fruit. Prov., xn, 3, 12. —3. L'impie
de Moiise. Sept cents ans plus tard, Samuel 1'indique a lui aussi etend ses racines. Job, v, 3; Jer., xn, 2. Mais
Saul. I Reg., x, 2. Saint Jerome le cite plusieurs fois. ces racines sont semblables a la pourriture, Is., v,24;
Epist. cvui, 10, t. xxn, col. 884; Adv. Jovin., r, 19, elles s'entrelacent entre les pierres, Job, vm,17; Eccli.,
t. xxui,;col. 237. Arculphe (n, 7) le decrit au viie siecle XL, 15; se dessechent, Job, xvni, 16; n'ont pas de pro-
comme surmonte d'une pyramide, et il mentionne une fondeur. Sap., iv, 3. Le Seigneur les arrache, Eccli.,Jx,
stele erigee par Jacob. Edrisi, geographe arabe du 18, et les fils des mechants ne poussent pas de racines.
xiie siecle, dit que sur ce tombeau sont douze pievres Eccli., xxm, 35. Le jour du Seigneur ne laissera aux
placees debout en memoire des douze tribus. Ainsi, par impies ni racines ni rameaux. Mai., iv, i. Toutes ces
suite d'une tradition constante, juifs, Chretiens et images signifient que la prosperite dumechantne peut
musulmans saluent en ce lieu la sepulture de la gra- etre qu'ephemere. — 4. A une racine sont compares
cieuse epouse de Jacob. » Chauvet-Isambert, Syrie, ceux qui donnent naissance a une posterite. La racine
Palestine, Paris, 1890, p. 349; cf. Josephe, Ant. jud., de Jesse a produit un rejeton qui est le Christ. Is., xi,
I, xxi, 3; Socin-Benzinger, Palastina und Syrien, 1; Rom., xv, 12; Apoc., v, 5; xxn, 16. Voir t. in,
Leipzig, 1891, p. 123; Le Camus, Notre voyage aux fig. 185, col. 937. Des successeurs d'Alexandre sortit une
pays bibliques, Paris, 1894, t. I, p. 389. — Rachel etait racine d'iniquite, Antiochus Epiphane. I Mach., I, 11;
1'epouse de predilection de Jacob; de la le grand amour cf. Dan:, xi, 7. Nabuchodonosor fut puni, mais Dieu
qu'il porta toujours aux deux fils qu'il tenait d'elle, lui laissa sa souche avec ses racines, Dan., iv, 12, 20,
Joseph et Benjamin. Aussi, dans le souvenir des Israe- 23, c'est-a-dire la possibilite de recouvrer sa royaute.
lites, Rachel prenait-elle le pas sur sa soaur Lia. Ruth, — 5. Certaines causes sont comme la racine des effets
iv, 11. — On lit dans Jeremie, xxxi, 15 : qu'elles produisent. A qui a ete revelee la racine de la
sagesse? Eccli., i, 6. Cette racine ne perit pas, Sap.,
Une voix a ete entendue a Rama, ni, 15, et elle s'est repandue au milieu du peuple elu.
Des lamentations et des pleurs amers : Eccli., xxiv, 13. La connaissance de Dieu est la racine
Rachel pleurant ses enfants,
EUe refuse d'etre consoles de 1'immortalite. Sap., xv, 3. La racine d'un proces est
Parce que ses enfants ne sont plus. le motif de condamnation. Job, xix, 28. La cupiditeest
la racine de tous les maux. I Tim., vi, 10. II y a une
Le prophete fait allusion a 1'exil d'Israel. Du haut de racine produisant le poison et 1'absinthe, Deut., xxix,
la colline de Rama, d'ou Ton dominele pays d'Ephraim, 18, et une racine d'amertume. Heb., xn, 15. Sous ces
Rachel, mere de Joseph et par consequent aieule images sont signales aux Israelites et aux Chretiens les
d'Ephraiim et de Manasse, est represented comme pleu- peches et les vices qui attirent le malheur et sement la
rant ses enfants disparus. Saint Matthieu, 11, 17, 18, discorde. Les ames faibles, succombant aisement a la
applique ces paroles au massacre des innocents, sur le tentation, ne permettent pas a la parole de Dieu de
territoire de 1'ancienne tribu de Benjamin, second fils prendre racine en elles. Matth.,xm, 21; Marc., iv, 17;
de Rachel. H. LESETRE. Luc., VIH, 13. — 6. Par analogic, on donne le nom de
racine a ce qui occupe la partie inferieure d'une chose
RACINE (hebreu et chaldeen : sore$; Septante : et lui sert de soutien. II est question de la racine des
p£|a; Vulgate : radix), organe au moyen duquel la pieds, Job, xm, 27, de la racine "de la mer, Job,xxxvi,
plante puise dans le sol 1'humidite et les elements ne- 30, de la racine d'un lieu, Gen., xxxv, 8, et surtout de
cessaires a sa nutrition. la racine des montagnes, Exod.,. xix, 17; xxiv, 4;
I. Au sens propre. — La plante ne peut pas vegeter xxxn, 19; Deut., in, 17; iv, 11, 49; I Reg, xxv, 20, de
si ses racines ne trouvent pas 1'humidite indispensable. celle de 1'Hermon. Jos., xi, 3. Israel restaure poussera
Matth., XIH, 6; Marc., iv, 6. Desseche jusqu'a la racine, ses racines comme le Liban. Ose., xiv, 6. Les mineurs
1'arbre meurt. Marc., xi, 20. Si, avant qu'il soit mort, ebranlent les montagnes dans leurs racines. Job,
ses racines rencontrent 1'eau, il peut reyivre.Job, xiv,8. xxvin, 9. H. LESETRE.
Pour le faire perir surement, on coupe sa racine avec
la cognee. Matth., in, 10. II y a des racines qui pos- RADDAI (hebreu : Raddai; Septante : 'PaS8at,dans
sedent des proprietes nutritives ou medieinales; la le Codex Alexandrinus; Vaticanus : ZaSSat [Za6Sai],
connaissance de ces proprietes a ete attribute a Salo- un des freres de David, le cinquieme des fils de Jesse.
mon. Sap., vii, 20. II fallait etre reduit a une bien I Par., iv, 14. II n'est nomme que dans ce seul pas-
grande misere pour se nourrir de la racine du genet. sage de 1'Ecriture.
Job, xxx, 4; voir GENET, t. HI, col. 185.
2° Au sens figure. — Les ecrivains sacres donnent RAFRAICH1SSEMENT (hebreu : meqerdh, de
le nom de racine a tout ee qui, dans un etre quel- qdrar, « etre froid », Jud., in, 20, non rendu par les
conque, remplit un role analogue a celui de la racine versions), soulagement centre la grande chaleur. —
dans la plante. — 1. Israel est comme une vigne 1° On prenait le frais dans une chambre haute, Jud.,
plan tee par le Seigneur dans la terre de Chanaan; il y Hi, 20, sous un peristyle. II Mach., iv, 46, etc. La rosee
a enfonce et etendu ses racines, e'est-a-dire il y a fixe rafraichit les ardeurs du vent d'Orient. Eccli., xvin,16.
sa vie materielle et sa vie nationale et il y a prospere. En enfer, le mauvais riche demande que Lazare lui
Ps. LXXX (LXXIX), 10; Ezech., xvn, 6, 7, 9. Pour lui vienne rafraichir lalangue. Luc., xvi, 24. — 2° Ausens
faire place, Dieu a detruit les racines de 1'Amorrheen. figure, le rafraichissement designs un bien moral ana-
Am., ir, 9. La racine d'Ephraim a ete completement logue au bien physique que produit la fraicheur quand
dessechee. Ose., ix, 16. Juda, a son tour, sera trans- il fait grand chaud. Saint Pierre appelle temps de ra-
porte ailleurs, mais ce qui-en reviendra poussera des fraichissement, avocWEEwcjcre/Vigrerii, celui ou les Juifs
racines dessous et des fruits dessus, c'est-a-dire pros- convertis eonsentiront a recevoir la grace de Jesus-
perera de nouveau. IV Reg., xix, 30; Is,, xxxvii, 31. Le Christ. Act., in, 20. Notre Seigneur predit qu'a la fin
peuple juif, heritier des anciennes promesses, a ete la des temps, 1'iniquite croissant, la foi d'un grand
929 RAFRAICHISSEMEiNT — RAGES 930
nombre se refroidira. Matth., xxiv, 12. Ici le rafrai- ProverMa, Leipzig, 1829, p. 637, et d'autres preferent
chissement devient excessif en une chose qui ne le rattacher le mot a Farabe id'd/j, « jouer » : « Celui qui
comporte pas,-en consequence, il constitue unmalheur, joue a lancer des traits, etc. » Ce sens fournirait,
— 3° La Vulgate emploie plusieurs fois les mots refri- semble-t-il, une pensee plus en harmonie avecle paral-
gerium, refrigero, la ou il est question de repos, lelisme. Cependant on s'en tient plus generalement a
Exod., xxin, 12; Ps. xxxix(xxxvm), 14; Prov., xxix,17; I'etymologie hebraique. Buhl, Gesenius' Handw.,
Sap., iv,'7; Jer., XLVII, 6; Rom., xvi, 32; de soulage- p. 403, traduit le mot par « stupide, imprevoyant ». —
ment, Eccli., xxxi, 25; Is., xxviu, 12; de remede,Sap., D'apres la Mischna, Yoma, f. 84. 29, quand un homme
ii, 1; de consolation, Eccli., in, 7; de reconfort, avait ete mordu par un chien enrage, on lui donnait a
II Tim., I, 16, ou d'abondance. Ps. LXVI (LXV), 12. — manger le foie de ce chien. H. LESETRE.
4° L'jiglise a retenu le mot de refrigerium, « rafrai-
chissement », comme designant 1'etat qu'elle desire RAGES, ville de Medie, appelee habituellement
voir succeder a 1'expiation douloureuse pour les ames 'Payat', par les anciens auteurs classiques, et aussi
de ses defunts. Canon Missae. II. LESETRE. Tob., ix, 2, 5, dans le Codex Sinailicus; 'Payaist par
Plolemee; Rdghd dans 1'ancien persan; 'Payot dans
RAGAU, nom d'un des ancetres de Notre-Seigneur 1'edition romaine des Septante. Tob., i, 14; iv, 1, 20;
et d'une localite de Medee. v, 5, etc. (fig. 212).
1° Situation geographique. — Rages etait situee
1. RAGAU (grec : Taya-j), fils de Phaleg, un des an- dans la Medie orientale (voir la carte, t. iv, col. 916),
cetres de Notre-Seigneur en saint Luc, in, 35. Son du cote de la Parthie, au pied de la chaine de 1'El-
nom est ecrit Reii dans la Genese, xr, 18, etc. La dif- bourz, a dix jours de marche d'Ecbatane, a une journee
ference d'orthographe provientde ce qu'ily a un?, ain, des celebres Pylse Caspiss, cf. Arrien, De expedit.
dans la forme hebraique du nom. La Vulgate n'a pas Alexandri, III, xx, 2, ce qui lui donnait une grande im-
rendu cette lettre dans la Genese, tandis que le texte portance strategique; dans la province nommee d'apres
grec de saint Lucl'a transcrit par un y, d'ou est venu elle Rhagiana, Ptolemee, VI, n, 6, ou Rhagae, Dio-
le g dans la forme latine du nom Ragaii. dore de Sicile, xix, 44. D'apres le livre de Tobie, ou
cette ville est. mentionnee frequemment, elle etait le
2, RAGAU (Seplante : 'Payav), grande plaine (bj iu> sejour d'un grand nombre de Juifs deportes par Sal-
•rcsStto TW ^Y^^)' ou Nabuchodonosor vainquit Ar- manasar, en particulier de Gabelus (t. in, col. 11-
phaxad le Mede. Elle est mentionnee seulement dans le 29), auquel Tobie 1'ancien avait prete dix talents d'ar-
livre de Judith, i, 5 (texte grec), comme etant situe'e sur gent. Cf. Tob., i, 16; iv, 21;,v, 8, 14; ix, 3, 6. La
Jes confins de Ragau (dans la Vulgate, 1,6, in campo ma- Vulgate homme Rages deux autres fois, m, 7, et vi, 6,
gn« qui appellatur Ragau circa Euphraten et Tigrim). mais evidemment par une erreur des copistes, comme la
Au Ji. 15 du texte grec, il est dit que Nabuchodonosor demeure de Raguel. Tob., vr, 6. Elle fait partir 1'ange
prit Arphaxad 'et le perca de trails bi to!? opsat 'Payav, Raphael de Rages, ou demeurait Raguel, pour aller
in montibus Ragau, ce qui peut s'entendre des plateaux a Rages, ou il s'etait charge de reclamer a Gabelus
eleves de la Medie ou est situe Rages. « La campagne 1'argent du par celui-ci a Tobie pere. II y a la une con-
de Ragaii, dit Calmet, est apparemment celle qui est tradiction manifeste. Pour la faire disparaitre, quel-
aux environs de la ville de Ragse ou Rages. Ce fut dans ques auteurs ont suppose faussenaent qu'il existait en
ces plaines, au pays de Medie, qu'Arphaxad fut entie- Medie deux villes distinctes, portant le nom de Rages.
rement defait. II avail deja soutfert divers echecs sur Cf. 0. Fritzsche, Die Backer Tobi und Judith er-
le Tigre et sur 1'Euphrate. » Comment, lilt, sur Judith, klart, Leipzig, 1853, p. 52. Le texte grec porte exac-
1722, p. 371. — Au lieu de Ragau, le syriaque porte Dura, lement dans ces deux passages « Ecbatane ^> au lieu de
nom connu par Daniel, ill, 1. Les noms propres sont Rages. Voir ECBATANE, t. n, col. 1530. Cf. H. Reusch,
tellement alteres dans le livre de Judith et le passage Das Buch Tobias nbersetzt und erklart, Fribourg-en-
relatif a Ragaii est si different dans le texte grec et le Brisgau, 1857, p. 29; Gutberlet, Das Buch Tobias, in-8°,
texte latin qu'il est bien difficile de resoudre le pro- Munster, 1877, p. 117-119, 210.
bleme souleve par Judith, i, 6 (latin), 5-6, 13-16 (grec). 2° Histoire et description de Rages. — L'histoire de =
. La Vulgate, 1,6, dit que Ragaii est « pres de 1'Euphrate, la ville de Rages est peu connue, surtout dans ses debuts. '
du Tigre et du Jadason, dans la plaine d'Erioch, roi D'apres la legende persane, la cite aurait ete batie a une
des Eliciens. » Eliciens doit se lireElymeens ou Medes, epoque extremement reculee. En fait, le Zend-Avesta,
comme le porte le texte grec. Voir ELICIENS, t. n, Vendidad, ch. i, la mentionne comme une ville d'une
col. 1670. Le Jadason est 1'Ulai, d'apres le syriaque. haute antiquite. II est certain qu'elle fut un des centres
Voir JADASON, t. m, col. 1103. Si Ragaii est Rages, les les plus anciens de la civilisation dans 1'Iran. Darius fils
indications geographiques donnees par la Vulgate sont d'Hystaspe (521-485 avant J.-C.) nomme deux fois dans
tres vagues et imprecises. Le texte parait ici visible- son inscription de Behistoun, col. n, par. 13, lignes 71-
ment altere dans les noms propres. 72, le pays de Rdghd, qui ne differe certainement pas de
celui de Rages. II dit ^y avoir battu et fait prisonnier
RAGE, maladie virulente qui atteint surtout le chien, le rebelle Mede Phraorte, qui s'y etait refugie. Voir
et, a sa derniere periode, le rend furieux et le porte a J. Menant, Le syllabaire assyrien, in-4°, Paris, 1869,
mordre 1'honame ou d'autres animaux, auxquels se p. 125; J. Oppert, Le peuple et la langue des Medes,
communique le funeste virus. Les chiens de Palestine in-8°, Paris, 1879, p. 512-51B./I4 n'y a done rien
ne sont pas exempts de cette maladie, bien qu'elle les d'etonnant a ce que le livre de Tobie place a Rages les
atteigne moins frequemment qu'ailleurs. — Gesenius, Juifs deportes sous le regne de Salmanasar. En effet,
Thesaurus, p. 774, pense que le participe mitlaheleah IV Reg., XVH, 6; xviii, 11, ce roi avait exile des Israe-
vient du verbe Idhah, « avoir grand soif », et signifie lites dans les villes medes.Voir F. Vigouroux, La Bible
« enrage », Prov., xxvi, 18 : « Comme un enrage qui et les de'couvertes modernes, 6e edit., t. in, p. 561-
lance des traits enflammes, des Heches et la mort, 568. Arrien, De expedit. Alex., Ill, xx, 2, fait mention
ainsi celui qui trompe son prochain » pour plaisanter. de Rages, a 1'occasion d'Alexandre le Grand, qui y se-
Septante : WJJLSVOI, tire peut-£tre de to;, « trait.» et journa pendant cinq jours en 331> lorsqu'il poursui-
« venin » ; Vulgate : noxius, « funeste ». L'idee d'en- vait Darius Codoman. Tombee en ruines, peut-etre a
rage pourrait etre appelee par le verset precedent, ou la suite d'un tremblement de terre, elle fut reconstruite
il est parle de chien pris par les oreilles. Rosenmiiller, par Seleucus Ier Nicator (358-280 avant J.-C.), qui lui
DICT. DE LA BIBLE. V. - 30
931 RAGfiS — RAGUEL 932
donna le nom d'Europos. Strabon, XI, xm r 6. Elle eut soit ecroule. L'etat des ruines montre que la ville for-
beaucoup a souffrir pendant les guerres dps Parthes. mait une sorte de triangle tres accentue. Partout, dans
Arsaces la restaura a son tour et la nomma Arsacia. 1 'enceinte, on.trouve des fragments epars de poterieplus
Strabon, ibid. Elle servit de residence d'etc a ses suc- ou moins fine. En contemplant ces restes grandioses,
cesseurs. Les Arabes la conqujrent aussi, 1'an 642 de on comprend qu'Isidore de Charax, Stathmi parthici,
notre ere. 1, dans les Geographi greed minores, edit. Didotr
L'ancienne denomination survecut a, toutes ces peri- t. I, p. 251, ait appele Rages « la plus grande ville de
peties et a tous ces desastres; c'est ainsi que, jusqu'au la Medie. » Clavijo, ambassadeur d'Espagne a la cour
xe siecle, Rages est citee comme une ville conside- de Tamerlan, en 1404, 1'a decrite comme une cite toute
rable encore, sous le nom de Rai ou Rei, par les his- en ruines. Cf. Curzon, Persia, t. i, p. 349.
toriens persans et arabes. En 763, elle avait donne le 3° Bibliographic. — W. Ouseley, Travels in various
jour au celebre Haroun al-Raschid. Elle fut detruite countries of the East, t. m. p. 116-117, 174-179; Ker
212. — Re"i, 1'ancienne Rages. Tours d'Abdul Azim. D'apres W. Jackson, Persia past and present, p. 428.
pour la troisieme fois par les Mongols, en 1220. En Porter, Travels in Georgia, Persia, etc., Londresr
1427, elle portait encore le titre de eapitale; puis elle 1820-1822, t. I, p. 356-364; L. Dubeux, La Perse, in-8»r
disparut peu a peu. Ses ruines, d'une immense etendue, Paris, 1841, p. 15; Karl Ritter, Erdkunde, t. via,
sont situees a environ 13 kilometres au sud-est de Te- p. 395-398; C. Rarbier de Meynard, Dictionnaire geo-
heran; on leur donne toujours le nom de Rei. Elles graphique, historique et litleraire de la Perse et des
ne consistent plus actuellement qu' « en une masse de contrees adjacentes, in-4°, Paris, 1861, p. 273-280, 516-
murs croulants, en excavations, en aqueducs brisks, 518; G. Rawlinson, The jive great Monarchies of the
avec tres peu de signes de vie parmi la poussiere des eastern World, in-8°, 2e edit., Londres, 1870, t. n,
ages; la desolation regne partout. » Jackson, Persia, p. 272-273; G. H. Curzon, Persia, 2 vol. in-8°, Londres,
p. 428. Neanmoins les remparts, tres epais, sont 1892, t. i, p. 345-352; F. Vigouroux, Les Livres Saints
encore assez bien marques et flanques de tours nom- et la critique rationaliste, in-12, 5e edit., t. iv, Paris,
breuses. C'est celui du sud qui est le mieux conserve. 1902, p. 572-576; Dieulafoy, La Perse, p. 136 et 722;
Le monticule de debris qui se dresse a Tangle nord- A. V. William Jackson, Persia past and present, in-8°,
est represente 1'ancienne citadelle. En quelques en- New-York, 1906, p. 428-441. L. FILLION.
droits, les murs ont encore 50 pieds de haut; les
briques dont ils se compqsent sont parfois tres larges RAGUEL, nom du beau-pere de Moi'se et du pere
(44 centimetres sur 18). La plupart des materiaux qui de Sara qui epousa Tobie le fils.
avaient servi a construire la ville consistaient egale-
ment en briques cuites ou simplement sechees au 1. RAGUEL (hebreu : Re'u'el, « ami de Dieu »;
soleil; il n'est done pas etonnant que presque tout se Septante {: Tayour,),), [prince madianite, qui ^donna a
933 RAGUEL — RAHAB 934
Moise sa fille Sephora. Exod., n, 21. II eut pour fils aussi des informations importantes sur la situation in
Hobab, d'apres Num., x, 29. Voir HOBAB, t. m, col. 725. terieure de Jericho, dont les habitants etaient livres au
Dans TExode, n, 18, il est nomme comme le pere des decouragement et a Peffroi, depuis qu'ils avaient eu
sept filles qui gardaient les troupeaux dans le desert du connaissance des prodiges eclatants qui avaient acconi-
Sinai' et dont Moi'se prit la defense centre les bergers pagne la marche triomphale des Hebreux apres leur
qui les enipfechaient d'abreuver leurs brebis. L'une de sortie d'Egypte. Ne doutant pas que ceux-ci ne s'em-
ces sept filles etait Sephora qui devint la femme de parassent bientot de la ville, elle demanda aux deux
Moi'se. Or, Exod., in, 1; iv, 18, le nom du beau-pere explorateurs la vie sauve pour elle-meme et ses proches
de Moi'se est Jethro et non Raguel. Cf. Exod., xvill, 1, 5, parents, lorsque leur peuple se serait rendu maitre de
12. Raguel et Jethro doivent done etre la meme personne, Jericho. Us firent cette prornesse sans hesiler, et il
quoique nous ignOrions pourquoi elle est designee sous fut convenu que son pere, sa mere, ses freres et ses
deux noms diflerents et que les diverses hypotheses scaurs se reuniraient dans sa maison au moment de
emises a ce Sujet offrent toutes des difficultes. Voir 1'approche des ' Israelites, et qu'elle suspendrait une
JETHRO, t. in, col. 1521. corde ecarlate a sa fenetre, du cote de la carnpagne,
pour la rendre tres visible aux assaillants. Elle aida
2. RAGUEL ('PayooriX, nom identique a Phebreu ensuite les espions a s'echapper le long du rempart,
Re'u'el), pieux Israelite de la tribu de Nephthali, sur lequel sa demeure etait batie, et ils purent rejoin-
Tob., vi, 11; cf. i, 1; VH, 3-4, qui joue un role impor- dre leur camp sans obstacle. Josue ne manqua pas de
tant dans le livre de Tobie. Sa femme se nommait tenirla promesse faite par sesenvoyes. Jos., vi, 22-25.
Anne ou Edna. Voii? ANNE 3, t. i, col. 629. II avail Le narrateur termine son recit en disant que Rahab et
pour fille unique Sara, si cruellernent eprouvee par le ses proches « 'habiterent dans Israel jusqu'au jour pre-
demon. Voir SARA 2. II etait apparente a Tobie Pan- sent. » Sur tout ce passage, voir F. Keil, Josue,
cien, Tob., vi, 11, qu'il designe tour a tour comme son fr edit., 1874, p. 19-24, 50-52.
cousin (Septante, ave^id:; Vulgate, consobrinus], Tob., Des la premiere mention que le recit sacre fait de
vii, 2, et comme son frere dans le sens large, Tob., Rahab, il ajoute a son nom 1'epilhete de zondh (Sep-
vu, 4 (deux fois son frere, d'apres le Cod. Sinaitic.). tante, Ttopvr}, Vulgate, meretrix), qui marque sa triste
II etait domicilie non pas a Rages, comme le dit inexac- condition morale a Tepoque de I'incident qui 1'a
tement la Vulgate, Tob., in, 7, par suite d'une erreur rendue celebre. D'assez bonne heure, quelques ecri-
des copistes, mais a Ecbatane. Voir RAGES, col. 930. 11 vains juifs essayerent de rehabiliter sous ce rapport
offrit Phospitalite au jeune Tobie et a Paiige Raphael, celle qu'ils regardaient justement comme la bienfai-
son compagnon, lorsqu'ils se presenterent chez lui, au trice de leurs ancetres. Ils firent done de Rahab, non
cours de leur long voyage. Tob., vu, 1-9. Le jeune pas une femme de mauvaise vie, mais une hoteliere,
homme ne 1'accepta qu'a la condition que son cousin chez laquelle les deux espions israelites seraient tout
lui accorderait la main de sa fille. Raguel donna naturellement descendus. Voir Josephe, Ant. jud., V,
son consentement, mais avec une tres vive angoisse, i, 2 .et 7, et les commentaires de Kimchi et de Jarchi
car il craignait que Tobie n'eprouvat le sort des sept sur Jos., [n, 1. Neantnoins, la litterature rabbinique
premiers maris de Sara. Malgre les encouragements reconnait que Rabah n'avait ete d'abord qu'une vul-
de Raphael, il etait si peu rassure, que le lendemain gaire rueretrix, et c'est en ce sens que le Targum lui
des noces, des Paurdre, il fit creuser une fosse par ses donne, In Jos., n, 1, le nom de pandekitd', transcrip-
serviteurs pour enterrer secretement son gendre. G'est tion ararneenne du grec pandokissa, « celle qui recoit
avec. une grande reconnaissance envers Dieu qu'il tout le monde ». mais ici en mauvaise part. Divers com-
apprit que ses craintes n'etaient pas fondees. Tob., vir, mentateurs Chretiens, mus par un scrupule analogue
10-vm, 20. II donna la moitie de sa.fortune aux jeunes a celuides anciens interpretes juifs dont il a ete ques-
epoux, et les retint aupres de lui tandis que 1'ange tion en premier lieu, ont adopte leur sentiment, et ils
Raphael allait a Rages, pour recouvrer 1'argent prete n'ont pas voulu, eux non plus, voir autre chose en
a Gahelus par Tobie 1'ancien, Tob., vin, 21-ix, 6. Raguel Rahab qu'une hoteliere ordinaire. Pour cela, allant
aurait ensuitevoulu garder perpetuellement son gendre encore plus loin, ils ont fait violence aux mots zondh
et sa fille a Ecbatane; mais il ne put refuser de les etTtopvr,, dont ils ont fausse 1'etymologie, pour les ra-
laisser partir, lorsque le jeune Tobie lui eut decrit, en menef a la signification requise; oubien, ils ont donne
termes pathetiques, 1'anxiete de ses propres parents a a ces siibstantifs, pour la circonstance, le sens adouci
son sujet. Tob., x, 8-13. Apres leur depart, il n'est plus de paiienne, d'etrangere a Israel ou de femme illegi-
question de lui. L. FILLION. time. Voir Schleusner, Lexicon in Septuaginta, 1820,
au mot TtopvY], t. iv, p. 429; J. G. Abicht, Dissertatio
RAHAB, nom, dans la Vulgate, d'une fernme de de Rahab meretrice, in-4°, Leipzig, 1714. Mais il n'y
Jericho et surnom de PEgypte, mais dans le texte avait pas d'hotelleries proprement dites dans ces temps
hebreu 1'orthographe des deux mots est differente, recules, et, lorsqu'on en trouvait 1'equivalent lointain,
arn et am, Rdhdb et Rahab. elles n'etaient jamais tenues par des femmes; d'autre
t T
.part, le mot hebreu zondh ne peut pas etre traduit
1. RAHAB (hebreu: Rdhdb; Septante : 'Paa6, de meme autrement quo par meretrix dans le sens strict. Aussi
Heb.,xi,31, et Jac.,H, 25; 'Paxaodans Matth.,i, 5,ou la est-ce bien de la sorte qu'il es>"pris dans toutes les
lettre h, le cheth hebreu, a ete conservee), femme de Je- traductions primitives de PAncien Testament, comme
richo, qui recut chez elle et sauva les deux espions Israe- aussi Heb., xi, 31, et Jac., n, 25, pour designer la pre-
lites envoyesdans cette ville par Josue, qui voulait con- miere partie de la vie de Rahab. Du reste, on a cesse
naitre sa situation strategique avant de 1'attaquer. Jos., depuis longtemps, a tres juste titre, de recourir a de
u, 1-21. Les deux etrangers furent bientot reconnus et tels palliatifs, qui etaient inconnus aux anciens com-
denonces au roi, qui fit porter a Rahab 1'ordre de les mentateurs Chretiens. On concoit fort bien que les
lui livrer. Elle les cacha au contraire sous des tiges de espions de Josue soient entres de preference chez une
lin, qu'elle faisait alors secher sur le toil plat de sa femme de ce genre, pour mieux dissimuler le but de
maison, .et fit croire a ceux qui les cherchaient qu'ils leur sejour dans Jericho et pour ecarter les soupcons.
avaient quitte la ville depuis peu d'instants. Apres Je Autre fois, on aimait a discuter egalement, par rapport
depart des messagers royaux, elle rejoignit ses notes, a la conduite de Rahab, sur Je faitde son mensonge aux
leur annonea ce qui venait de se passer et leur commu- envoyes du roi de Jericho, Jos,, ir, 4-5, et sur celui de
niqua un plan de fuite tres habile. Elle leur fournit sa trahison a 1'egard de son peuple. Ils s'expliquent
935 RAHAB 936
l'un et 1'autre par les circonstances extraordinaires elle devint la mere de Rooz, 1'aieule de David. Peut-
dans lesquelles elle se trouvait, Le mensonge etait etre, comme on 1'a souvent conjecture, Salmon etait-il
regarde par les peuples pai'ens comme une chose insi- 1'un des deux explorateurs sauves par elle; de lasorte,
gnifiante, et Rahab croyait avoir une raison grandement on comprend qu'il ait voulu lui temoigner sa recon-
suffisante d'y recourir. Cf. S. Augustin, Cont. men- naissance, en 1'epousant quelque temps apres. En tout
dac., xv, t. XL, col. 540. Si elle abandonna son cas, cette union n'a rien d'invraisemblable en elle-
peuple pour se ranger du cote des Hebreux, ce fut par meme. C'est aussi en vertu d'une hypothese injusti-
suite d'une lumiere superieure, qui lui montra que le fiable qu'on a parfois pretendu qu'il s'agirait, dans les
Dieu d'Israel etait 1'unique vrai Dieu. Voir P. Keil, trois arbres genealogiques que nous avons cites, d'une
loc. cit. autre Rahab que celle du livre de Josue. "Voir le pro-
Le motif de sa conduite si etonnante envers les en- fesseur hollandais G. Outhov, dans 1'ouvrage Bibliotheca
nemis de ses compatriotes a done consiste dans un Bremensis litter, philolog., theolog., p. 438-439. On
mouvement de foi tres vive, comme on le voit par le affirme que la 'Pa^aS de Matth., i, 5, ne saurait etre la
langage qu'elle tint a ses holes, Jos., n, 9-11 : « Je meme que la 'Paa6 des Septante, de 1'Epitre aux He-
sais que le Seigneur (dans 1'hebreu, « Jehovah »).vous breux, et de saint Jacques; mais cette difficulte philo-
a livre ce pays... Nous avons appris qu'a votre sortie logique disparalt, lorsqu'on voit Josephe, Ant. jud.,
d'Egypte le Seigneur (encore « Jehovah ») a desseche V, xi, 15, appeler la Rahab du livre de Josue tantot
devant vons les eaux de la mer Rouge..., car le Sei- TaxagY), tantot Tax€r).
gneur (« Jehovah ») votre Dieu est Dieu en haut dans Rahab dans les ecrits rabbiniques. — On conceit
les cieux et en has sur la terre. » Ce n'est done pas en que les anciens ecrivains juifs fassent le plus brillant
vain que 1'Epitre aux Hebreux,xi, 31, la range parmi les eloge de celle qui avait rendu un si eminent service
heros de la foi, et dit a son sujet : « C'est par la foi aux Hebreux, a un moment critique de leur histoire.
que Rahab la prostiluee ne perit point avec les re- Quelquefois Us lui font epouser, contrairement aux
belles — c'est-a-dire avec les habitants de Jericho textes cites plus haut, mm pas Salmon, mais Josue
demeurSs incredules — parce qu'elle avait recu les lui-meme. Yoir Megill., f. 14, 2; Kohelelh Babba, vin,
espions avec bienveillance... » D'un autre cote, saint 10, dans A. Wunsche, Bibliotheca rabbinica, der Mi-
Jacques, n, 25, la loue d'avoir ete «. justifiee par les drasch Koheleth, in-8°, Leipzig, 1880, p. 116; Juchasin,
oeuvres, lorsqu'elle recut les messagers et les fit partir x, 1. Wetstein, Novum Testani. grsecum, in Matth., I,
par un autre chemin. » Ce langage des deux ecrivains 5. A en croire les rabbins, il y aurait eu jusqu'a huit
du Nouveau Testament, comme celui de Rahab elle- prophetes parmi ses descendants, entre autres Jeremie
meme, suppose d'une maniere evidente une conversion et Raruch,sans compter la prophetesseHolda.Cf. Light-
sincere de 1'ancienne meretrix, sous le rapport reli- foot, Horas hebr. et talmud. in Matth., i, 5; Meu-
gieux et moral. Aussi a-t-on suppose tres souvent, et schen, Nov. Testani. ex Talniude illustratum, p. 4043;
avec raison, croyons-nous,qu'elle ne tarda pas a accep- A. Wunsche, Neue Beitrdge zur Erlaulerung der
ter entierement les croyances et la religion des He- Evangelien aus Talmud und Midrasch, in-8°, Goattin-
breux. II n'est guere probable qu'un chef de la tribu gue, 1878, p. 3-4. Au dire de Josephe, Ant. jud., Y,
de Juda, Booz, 1'eut epousee (voir ci-dessous), si elle i, 7, Josue lui aurait donne un territoire qui lui appar-
etait demeuree pai'enne. Cf. H. Ewald, Geschichte des tenait en propre. On lui attribuait aussi differentes
Volkes Israel, in-8°, 2e edit., t. n, p. 246. Aussi les bonnes oeuvres. Voir F. Weber, System der altsynago-
Peres voient-ils volontiers dans cette femme le type galen paldslinischen Theologie, in-86, Leipzig, 1880>
des nations pai'ennes qui se convertirent plus tard au p. 318. L. PILLION.
christianisme; on 1'a nominee en ce sens primitive
gentium. Cf. J. Grimm, Geschichte der Kindheit 2. RAHAB (hebreu : Rahab; Septante : Taag), nom
Christi, in-8°, 2« edit., Ratisbonne, 1890, p. 198-200. Les symbolique de TEgypte. Ps. LXXXVII (LXXXVI), 4. Comme
anciens Docteurs de 1'Eglise, a la suite du pape saint rdhdb, Ps. XL (xxxix), 5, et rohab, Ps. xc (LXXXIX), 10,
Clement, I Cor.,, xn, t. I, col. 231, aiment aussi a faire signifie « orgueilleux, orgueil, superbe », un certain
un usage allegorique de Fhistoire de Rahab. Us se nombre de commentateurs ont cru que ce surnom
complaisent surtout a tirer parti de la corde ecarlate avait ete donne a 1'Egypte a cause de son orgueil,
dont elle se servit pour rendre sa maison facile a mais il est plus probable que rahab signifie un
reconnaitre, Jos., n, 21. Cette corde representerait monstre marin et en particulier le crocodile, animal
d'apres eux, comme s'exprime saint Clement, loc. cit., qui abbnde dans le Nil et que c'est a cause de cette
« la redemption qui aura lieu, par le sang du Sei- circonstance que Bahab est devenu 1'embleme de
gneur, pour tous ceux qui croient et qui ont confiance 1'Egypte. Bahab, dans le sens de monstre marin (« le
en Dieu. » S. Justin, Contra Tryph., cxi, t. vi, col. 733; monstre impetueux », qui fait bouillonner les flots, de
S. Irenee, Adv. h&r., iv, 20, t. vi, col. 1043; Origene, la racine rahab, tumultuatus est) se rencontre cinq
Selecta in Jesuni Nave, horn, m, t. xn, col. 820; fois dans 1'Ancien Testament, Job, ix, 13; xxvi, 12;
S. Jerome, Adv. Jovinian., I, 23, t. xxm, col. 243, et Ps. LXxxvu,4; LXXXIX, 11; Is., xxx, 7. Quelques inter-
Epist. LH, ad Nepotian., in, t. xxn, col. 530. Voir F. pretes voient dans plusieurs de ces passages une allu-
de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 118-119. sion a 1'Egypte, Job, xxvi, 12; Ps. LXXXIX, 11; Is.,
Non seulement Rahab est devenue membre de la xxx. 7. Certains exegetes qui decouvrent volontiers
nation theocratique et a merite d'etre louee pour sa des allusions mythologiques dans les livres de 1'Ancien
foi, mais elle a eu encore Thonneur incomparable de Testament ont cru en retrouver aussi dans le nom de
compter parmi les ancetres du Messie, et d'etre citee Rahab, H. Gunkel, Schopfung und Chaos, in-8°,
exeeptionnellement comme son ai'eule, dans sa genea- Gcettingue, 1895, p. 30-40, mais tout ce qu'ils disent
logie officielle, avec trois autres femmes qu'on est tout a ce sujet est pure hypothese.
d'abord surpris d'y rencontrer aussi: Thamar, Ruth et
Rethsabee. En effet, nous lisons Matth., i, 5 : « Salmon RAHABIA (hebreu : Rehabyah, I Par., xxm, 17;
engendra Booz, de Rahab. » Cf. Luc., in, 32. Celle-ci Rehabyahu,! Par., xxiv, 21; xxvi, 25; « Yah a di-
avait, done epouse, comme n.ous 1'apprend aussi d'une late, » c'est-a-dire a rendu heureux; Septante : 'Pa^td ;
maniere indirecte un passage de 1'Ancien Testament, Alexandrinus : 'Potagtci, I Par., xxm, 17; 'Paota,
Ruth, rv, 21, Salmon, fils de Naasson, qui etait prince I Par., xxiv, 21; 'PaSta?, Alex. : 'Paa6ia?. I Par.,
de la tribu de Juda durant les peregrinations des He- xxvi, 21), fils unique d'Eliezer, de la tribu de Levi. II
breux a travers le desert, cf. Num., vn, 12, et par lui etait petit-fils de Moise et eut une nombreuse posterite ,
937 R A H A B I A — RAISON 938
I Par., xxm, 17, qui forma du temps de David une cette illumination divine. Dieu a donne aux homines
famille de Levites, xxiv, 21. La Vulgate, qui ecrit le le discernement, un cceur pour penser; il les a remplis
nom du fils d'Eliezer sous la forme Rahabia, xxvi, 25, de science et d'intelligence, il leur a fait connaitre le
Forthographie Rohobia, xxm, 17, et xxiv, 21. bien et le mal, il a mis son O3il dans leurs coeurs pour
leur montrer la grandeur de ses ceuvres. Eccli., xvu,
RAHAM (hebreu : Raham; Septante : 'Pafy), fils 5-7. La sagesse de Dieu « nourrit 1'homme du pain de
de Samma, de la tribu de Juda. II descendait de Caleb, 1'intelligence et lui donne a boire 1'eau de la sagesse. »
fils d'Hesron, et eut, un fils appele Jercaam. I Par., n, Eccli., xv, 3. Notre-Seigneur voulut lui-meme ouvrir
44. D'apres les Qusest. hebr. inlib. 1 Pq/ralip., t. xxm, le sens a ses Apotres afin qu'ils comprissent les Ecri-
col. 1569, Jercaam ne serait pas le nom du fils de tures. Luc., xxiv, 45. Saint Paul assure a son disciple
Jaham, mais d'une ville fondee par lui. que Dieu lui donnera rintelligence en toutes choses.
II Tim., 11, 7. « N o u s savons que le Fils de Dieu est
RAHELAlA (hebreu :.Re'eZdydA: Septante: venu, etqu'ilnous a donne 1'intelligence pourconnattre
nomme le quatrieme parmi les « fils de la province » le vrai » Dieu. I Joa., v, 20. En somme, c'est par sa
qui retournerent de Babylone en Palestine avec Zpro- raison que 1'homme est cree a 1'image de Dieu.
babel. I Esd., n, 2. Dans II Esd., vn, 7, il est nomme Gen., i, 27.
Raamias. Voir col. 911. 2° Son pouvoir. — La raison a ete donnee a 1'homme
pourlerendre capable de connaitre les choses de 1'ordre
RAHUEL (hebreu : Re'u'el; Septante : ' nature!. Si nous sommes incapables de concevoir
nom, dans la Vulgate, d'un Edomite et d'un Benjamite quelque chose comme venant de nous-memes;, II Cor.,
qui portent dans le texte hebreu le meme nom que le in, 5, c'est dans 1'ordre surnaturel. « L'homme naturel, »
beau-pere de Moi'se, ecrit Raguel par saint Jerome. c'est-a-dire celui qvii ne pense qu'avec les seules
Voir RAGUEL, col. 932. lumieres de la raison, « ne recoit pas les choses de
1'Esprit de Dieu, parce qu'elles sont une folie pour lui,
1. RAHUEL, un des fils d'Esaii, par Basemath. II fut et il ne peut les connaitre, parce que c'est par 1'Esprit
pere de Nahath, de Zara, de Somma et de Meza. Gen., qu'on en juge. » I Cor., n, 14. II y a done tout un
xxxvi, 4, 10, 13, 17; I Par., i, 35, 3-7. domaine dans lequel la raison est incapable de penetrer
a 1'aide de ses seuls moyens. Neanmoins, elle a sa puis-
2. RAHUEL, fils de Jebanias et pere de Saphatias, de sance prppre, continuellement supposee dans toute la
la tribu de Benjamin. II figure dans la genealogie Sainte Ecriture, et il faut tout d'abord qu'elle entre en
d'Ela, un des chefs des Benjaniites qui s'etablirent a exercice pour que 1'homme puisse arriver a la connais-
Jerusalem apres la captivite. I Par., ix, 8. sance des choses de Dieu et a la pratique du devoir.
Dans le Pentateuque, Moi'se s'adresse sans cesse a la
(hebreu : -Re'dydh, « Yah voit, pourvoit »), nom raison des Hebreux, pour leur faire comprendre ce
de trois Israelites dans le texte hebreu. Dans la Vulgate, que Dieu a fait pour eux, ce qu'ils doivent faire pour
le nom de 1'un d'entre eux, I Par., v, 5, est ecrit Re'ia. lui, et les consequences qui resulteront pour eux de
leur obeissance on de leur infidelite. II leur commande
\ . RAIA (hebreu : Re'dydh ; Sepfante : 'PdtSa; Alexan- d'aimer Dieu de tout leur coeur et de toute leur ame,
drinus : 'Ps'fdc), fils de Sobal, et petit-fils de Judas. II Deut., xxx, 6, ce qui, dans la langue hebrai'que, implique,
eut pour fils Jahath. I Par., iv, 2. toute la raison, tout 1'esprit, comme dira Notre-Seigneur.
Matth., xxn, 37; Marc., xn, 30, 33. Les auteurs des
2. RAIA (Septante : 'Pxl'y., I Esd., n, 47; 'Paoua, livres sapientiaux n'ont pour but que d'inculquer a la
II Esd., VH, 50), chef d'une famille de Nathin^ens qui raison la connaissance et 1'amour du devoir. Les pro-
revint de Chaldee en Palestine avec Zorobabel. I Esd., phetes interpellent a chaque instant la raison pour lui
n, 47: II Esd., vn, 50. faire reconnaitre ses torts et la mettre a meme de
prendre les decisions les plus avantageuses pour la na-
RAISIN, fruit de la vigne. Voir VIGNE. tion et pour les individus. Dans 1'Evangile, le Sauveur
fait appel a la raison de ses auditeurs. Matth., xv, 17;
RAISON (hebreu : bindh, da'at, hesbon, mezim- xvi, 11; Marc., vn, sl8; vm, 21, etc.; il leur demande
mdh, sekel, tebundh; chaldeen : bindh, manda', s'ils ont compris, Marc., xm, 51, constate que leur
Sokletdnu; Septante : ai<r9y)ffic, evvoia, vouc> avvsat; ; jugement a ete correct. Luc., vn, 44. II argumente
Vulgate : intellectus, intelligentia, mens, ratio, sensus), souvent avec les docteurs et excite leur raison a com-
faculte de 1'ame au moyen de laquelle elle connait, prendre la portee de ses enseignements et de ses
juge, dirige la volonte et preside a tous les actes cons- miracles. C est encore a leur raison qu'il demande de
cients de la vie naturelle. Les ecrivains sacres ne comparer ses propres actes avec les annonces des
distinguent pas les facultes de 1'ame avec autant de prophetes. Joa., v, 39. Saint Paul declare aux Remains,
precision que nous pouvons le faire. Aussi les mots i, 20, que la raison peut et doit parvenir a la connais-
qui correspondent a 1'idee de raisqn ont-ils des sens sance de Dieu; « car ses perfections invisibles, son
assez larges, marquant tentot la faculte elle-meme eternelle puissance et sa divinite sont, depuis la crea-
tantot son exercice, tantot m£me son resultat. A ces tion du monde, rendues visibles a ,rintelligence par le
mots il convient de joindre celui de leb, « co3ur », moyen de ses oeuvres. » La raison a done un pouvoir
parce qu'en hebreu le cceur est considere comme le certain dans 1'ordre des connaissances naturelles; ces
siege principal de la pensee et du raisonnement. Voir connaissances peuvent meme s'elever tres haut, puisque,
CCEUR, t. n, col. 823. Cf. Frz. Delitzsch, System 'der par sa raison, 1'homme arrive a acquerir la notion
biblischen Psychologic, Leipzig, 1861, p. 166-187. certains de Dieu et de son existence !et une idee suffi-
1° Sa source. — En Die u resident la sagesse, le con- sante de ses perfections. Cf. Act., XVH, 27.
seil, 1'intelligence, Job, xn, 13; il est par consequent la 3° Ses limites. — La raison est bornee, par le fait
raison supreme. Lui seul peut donner 1'esprit de meme qu'elle estcreee. L'homme ne peut done « com-
sagesse, d'intelligence, de conseil, de connaissance. prendre 1'oeuvre que Dieu fait, du commencement
Is., xi, 2. « C'est 1'esprit mis dans 1'homme, le souffle du jusqu'a la fin, » Eccle., in, 11; il n'en saisit qu'une
Tout-Puissant qui lui donne 1'intelligence. » Job, xxxn, partie, et encore assez imparfaitement, bien qu'avec une
8. Le Verbe meme de Dieu eclaire tout homme, Joa., certitude suffisante. Les derniers chapitres du livre de
J, 9, et la raison de 1'homme n'est pas autre chose que Job, xxxvlii-xm, ont pour but de montrer que la raison
939 RAISON — RAM 940
ignore la plupart des secrets de la nature. Job, xm, 3, Deut., xxix, 4; leur raison, par leur faute, a manque
fait a la fin cet aveu : « J'ai parle sans intelligence des de discernement. II a fallu dire d'eux :
merveilles qui me depassent et que j'ignore. » A plus C'est une nation denuee de sens,
forte raison, « 1'homme faible, a la vie courte, est-il Et il n'y a point d'intelligence en eux. Deut., xxxn, 28.
peu capable de eomprendre les jugements et les lois »
de Dieu. Sap,, ix, 5. Pour saisir quelque chose a la « C'est un peuple au coeur egare, » Ps. xcv (xciv), 10,
conduite de la Providence, il taut a la raison le secours c'est-a-dire aux idees et a la conduite deraisonnables.
d'une lumiere superieure. « G'est par la foi que nous Les mechants ne prennent point garde aux oeuvres de
reconnaisson/ que le monde a etc forme par la parole Dieu, Ps. xxvin (xxvn), 5; ils cessent ainsi d'avoir
de Dieu, en sorte que les choses que 1'on voit n'ont pas I'intelligence qui les conduirait au bien. Ps. xxxyi
ete faites de choses visibles. » Heb., xi, 3. Le passage (xxxv), 4, L'homme raisonnable, rnalgre sa dignite, ne
n'infirme pas ce qui a ete dit du pouvoir de la raison veut pas eomprendre et s'assimile ainsi a la bete,
pour atteindre a la connaissance de Dieu et de ses Ps. XLIX (XLVIII), 21, au cheval et au mulet qui n'ont
perfections Rorn., i, 20; il enseigne seulement que point la raison. Ps. xxxn (xxxi), 9; Tob., vi, 17. — II
certains pi-oblemes nalurels, comme celui de 1'origine faut le dire surtout des idolatres.
du monde, ne peuvent etre resolus par la raison seule, Insenses par nature tous les hommes qui ont ignor6 Dieu,
sans le secours de la revelation. « Celui qui veut Et qui n'ont pas su, par les biens visibles,
sonder la majeste sera accable par sa gloire, » Prov., S'elever a la connaissance de Celui qui est,
xxv, 27, c'est-a-dire celui qui veut pousser trop avant Ni, en voyant ses oauvres, reconnaitre TOuvrier...
dans la connaissance de Dieu verra sa raison reduite D'autre part, ils ne sont pas non plus excusables;
Car, s'ils ont acquis assez de science
a 1'impuissance, a cause de la disproportion in Time qui Pour chercher a connaltre ies lois du monde,
existe entre le Createur et la creature. De la ces conseils Comment n'en ont-ils pas connu plus aisement le Seigneur?
destines a reprimer la curiosite excessive de la raison : Sap., xm, 1,8, 9.
Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi,
Ne scrute pas ce qui est plus fort que toi. Au jugement de Dieu, impies et idolatres deploreront
Ce qui t'est present, voila a qupi il faut penser, en vain le mauvais usage qu'ils aurontfait de leur rai-
Car tu n'as que faire des choses cachees. son : « Nous avons done erre, loin du chemin de la
Ne t'applique pas a ce qui te depasse; verite! » Sap., v, 6. Saint Paul ne condamne pas
Ce qu'on t'a montre va plus loin que la raison humaine. moins severement ceux qui n'ont pas su se servir de
La conjecture en a egar£ beaucoup, leur raison pour rendre a Dieu 1'hommage qui lui est
Une conception blamable a devie leurs pensees.
du. « Ils sont inexcusables, puisque, ayant connu Dieu,
Eccli., in, 20-23. ils ne Font pas glorifie comme Dieu et ne lui ont pas
L'Ecclesiaste, i, 13-18, a reconnu par experience que rendu graces; mais ils sont devenus vains dans leurs
cette recherche des choses inaccessibles est « vanite et pensees, et leur coeur sans intelligence s'est enveloppe
poursuite du vent. » de tenebres. Se vantant d'etre sages, ils sont devenus
4° Ses devoirs. — La raison doit appeler Dieu a son fous, et ils ont echange la majeste de Dieu incorrup-
aide, pourqu'il 1'eclaire et 1'empeche de s'egarer. Sap., tible pour des images representant 1'homme corrup-
vii, 7; Ps. cxix (cxvni), 34, 73, 125, 144, etc. Elle doit tible, des oiseaux, des quadrupedes et des reptiles. »
ensuite reconnaitre la souveraine sagesse de Dieu. Rom., i, 21-23. C'est la le pire ecart de la raison,
« Quelle folie que lie vase puisse dire du potier : II rendre a de grossieres creatures les honneurs divins.
n'y entend rien! » Is., xxix, 16. II lui faut encore se Les consequences de cette deraison sont lamentables.
tourner du cote du bien, car « fuir le mal, voila 1'in- Ceux « qui suiveht la vanite de leurs pensees ont I'in-
telligence. » Job, xvm, 28. telligence obscurcie et sont eloignes de la vie de Dieu,
par 1'ignorance et 1'aveuglement de leur coeur. Ayant
La sagesse n'entre pas dans une ame qui medite le mal, perdu tout sens, ils se sont livres aux desordres. »
Et n'habite pas dans un corps esclave du peche; Eph., iv, 17-19. Cf. Tit., i, 15. — A 1'enseignement
L'Esprit-Saint, qui instruit, fuit 1'astuce,
II s'eloigne des pensees depourvues d'inteJligence apostolique, les faux docteurs ont oppose les erreurs
Et se retire de Tame a 1'approche de 1'iniquite. de leur raison pervertie. « Ils ne comprennent ni ce
Sap., I, 4-5.
qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment, » dit saint Paul.
I Tim., i, 7. Ils ont une science qui n'en merite pas le
La malice altere I'intelligence et le vertige de la pas- nom. I Tim., vi, 20. Sous des formes diverses, la rai-
sion pervertit un esprit sans malice. Sap., iv, 11-12. son a cherche a combattre la doctrine de Jesus-Christ.
Moise promet aux Israelites que, s'ils sont fideles a L'Apotre s'oppose a ses pretentious : « Nous renver-
observer les lois du Seigneur, lesautres peuples diront sons les raisonnements et toute hauteur qui s'eleve
d'eux : « Certes, cette grande nation est un peuple centre la science de Dieu, et nous assujettissons toute
sage et intelligent! » Deut., iv, 6. II faut enfin que la pensee a 1'obeissance du Christ, v II Cor., x, 5. Get
raison fasse effort pour s'instruire et se developper assujettissement n'abaisse pas la raison, mais au con-
elle-meme par les lecons et les exemples des sages. traire 1'eleve et 1'ennoblit, puisque le Christ est « la
C'est a faciliter cette formation et ce progres que ten- vraie lumiere, » Joa., i, 9, et qu'en lui « sont caches
dent des livres comme les Proverbes, i, 2-6, 1'Eccle- tous les tresors de la sagesse et de la science. » .
siaste, la Sagesse et 1'Ecclesiastique. Saint Paul rap- Col., n, 3. H. LESETRE.
pelle 1'obligation de ce progres de la raison quand il
eerit : « Ne soyez pas des enfants sous le rapport du RAM (hebreu : Ram), nom de deux ou trois person-
jugement, mais faites-vous enfants sous le rapport de nages mentionnes dans 1'Ancien Testament.
la malice; pour le jugement, soyez des hommesfaits. »
I Cor., xiv, 20. 1. RAM (Septante : 'Apdcu.), fils d'Hesron, ou Esron,
5° Ses ecarts. — La Sainte Ecriture stigmatise sou- descendant de Juda, par Phares, I Par., n, 9, 10.
vent la conduite des lesirp, « moqueurs », esprits fri- Comme il n'est pas nomme dans la genealogie de Juda,
voles qui emploient leur raison a s'eloigner de Dieu et Gen., XLVI, 4, on doit en conclure qu'il ne vint au
a 1'outrager. Voir MOQUERIE, t. iv, col. 1258. Les Israe- monde qu'apres I'etablisse^ment de la famille de Jacob
lites du temps de Moi'se n'ont pas voulu eomprendre en Egyptc. II est mentionne pour la premiere fois
la signification des merveilles operees en leur faveur. dans la genealogie de Booz, Ruth, iv, 19, mais la Vul-
Jehpvah ne leur a pas donne un coaur qui comprenne, gate 1'appelle en cetendroit Aram, comme les Septante.
941 RAM — RAMA 942
Ram fut le frere cadet de Jerameel, I Par., n, 9, 10; montagne attestent egalement 1'antiquite de la locality.
il a la gloire d'avoir ete un des ancetres de Notre- 3° Histoire. — La position strategique occupee par
Seigneur. Matth., ir, 4; Luc., in, 3. Les deux evan- Rama de Benjamin en fit une des villes importantes noa
gelistes ont adopte 1'orthographe des Septante et seulement de la tribu de Benjamin, mais de tout Israel.
1'appellent Aram. Voir ARAM 4, t. i, col. 876. Debora s'asseyait pres de Rama, sous le palmier qui
futappele de son nom, pour juger le people. Jud., iv,
2. RAM (Septante : Tdtfx), fils aine de Jerameel et 5. Saul elait pres de Rama, la lance a la main, entoure
neveu de Ram 1, pere de Moos, de Jamin et d'Achar, de ses hommes d'armes, et leur reprochait leur sympa-
de la tribu de Juda. I Par., H, 25, 27. thie pour David, quand 1'Idumeen Doeg denonca le
grand-pretre Achimelech pour avoir accueilli le fils
3. RAM (Septante : 'Pap.), chef d'une famille d'ou d'lsaii et lui avoir fourni des vivres et remis 1'epee de
descendait Eliu, un des interlocuteurs de Job. Job, Goliath. Le roi envoya aussitot un detachement a
xxxii, 2. Ce Ram est inconnu. Certains commentateurs Nobe pour lui amener le pontife et les pretres. Les
ont voulu 1'identifier avec le Ram de la tribu de Juda guerriers refusant d'obtemperer a 1'ordre criminel de
et en faire ainsi un descendant d'Abraham, mais cette Saiil, et de tuer les pretres du Seigneur, il en chargea
identification est en disaccord avec la qualification de Doeg qui mit a mbrt les quatre-vingt-einq pretres qui
Buzite qui lui est donnee, car les Buzites ne font pas avaient ete conduits en ce,t endroit. I Reg., xxn, 6-18.
partie de la posterite d'Abraham. Voir BUZITE, t. i, Sous le pieux roi Asa, Baasa, roi d'Israel, envahit le
•col. 1082; ELIU, t. H, col. 1698. territoire de Juda, s'empara de Rama et se mit a la
fortifier de maniere a pouvoir empecher les Juifs de
RAMA (hebreu : Raman, ((elevation », et plus sou- passer au dela et a arreter ceux des Israelites qui vou-
vent ha-Rdmdh, « le lieu eleve », avec 1'article; Sep- draient aller en Juda. Asa acheta le concours du roi de
tanle c Pa[x«), nom de six ou sept villes d'Israel. Syrie Benadad quiattaqua le royaume d'Israel au nord.
Baasa dut retirer ses soldats pour voler au secours de
1. RAMA, ville de Benjamin, aujourd'hui er-Rdm. Ce son pays attaque. Asa reprit possession deRama etavec
village situe un peu a droite du chemin de Jerusalem les materiaux qu'y avait apportes son adversaire, il alia
a Ndblus et a Nazareth, est a huit kilometres au nord fortifier Gabaa de Benjamin et Maspha.HI Reg.,xv, 17-
de la ville sainte, a quatre et demi de Sa'afdtet atrois 23; II Par., xvi, 1-6. Rama, situee tout pres de Gabaa
et demi de Tell el-Fid dont les sites occupent celui de de Benjamin ou 1'armee assyrienne de Sennacherib
Gabaa de Saul. II est, a quatre kilometres et demi ou dans sa marche contre Jerusalem, tracee a 1'avance par
cinq kilometres vers 1'est d'el-Djib sous'Nebi-Samuel, Isai'e, x, 29, allait, apres avoir franchi le passage de
1'ancienne Gabaon, a trois kilometres a 1'ouest de D)eba Machmas, se reposer, devait elre elle-meme frappee
ou Gabaa de Benjamin, a six au sud d'El-Bireh tenue deterreur et sans doute, comme les villes ses voisines,
.par un grand nombre pour Beroth, a neuf et demi de prise et occupee par 1'ennemi. — C'est a Rama, que,
Beitin, 1'antique Bethel. La correspondance de cette apres 1'incendie du temple et la destruction de Jerusa-
situation aux donnees bibliques et historiques jointe a lem, Nabuzardan, general de 1'armee chaldeenne de
1'identite des noms, fait que 1'identification d'Er-Rdm Nabuchodonosor, reunit les captifs qu'il allait
avec Rama de Benjamin est universellement adoptee. conduire a Babylone et que fut delivre Jeremie. Le
1° Situation d'apres la Bible et I'histoire. — Rama prophete, suivant les commentateurs juifs et d'autres,
est nommee dans le 16t des villes attributes a la tribu Jer., XL, 1-5, aurait fait allusion a la desolation des
de Benjamin entre Gabaon et Beroth. Jos., xvin, 25. prisonniers et a la ruine de la nation accomplie alors,
En indiquant « le palmier de Debora entre Bethel et dans la celebre parole : « Une voix s'est fait entendre
Rama, » Jud., iv, 5, 1'ecrivain sacre montre cette der- a Rama, [voix] de lamentation, de deuil et de pleurs;
niere localite assez rapprochee de 1'autre. La parole du [c'est] Rachel qui pleure ses enfants, parce qu'ils ne
levite de Bethlehem : « nous passerons la nuit a Gabaa sont plus. » Ibid., xxxi, 15. Cf. S. Jerome, In Jer.,
ou a Rama, » ibid., xix, 13, la suppose peu eloignee de t. xxv, col. 876-877. Suivant plusieurs interpretes, il
Gabaa de Saul et plus au nord. Le passage de I Reg., s'agirait ici d'une autre Rama situee pres de Bethlehem.
xxn, 6, oil il est dit de Saul qu' « il se tenait a Gabaa, Voir RA.MA 7. La Vulgate a pris Rdmdh pour le nom
•sous le tamaris de Rama, » en fait deux villes toutes comrnun et le traduit par in excelso. Les Septante ont
voisines. II en est de meme de I Esd., n, 26; II Esd., faitde meme, Ose., v, 8, ou le prophete s'ecrie: « Sonnez
VH, 30; Is. x, 29, ou Rama est constamment unie a Gabaa. du cor a Gabaa, de la trompettea Rama. » —Quelques
Elle parait avoir ete la forteresse frontiere septentrionale auteurs tiennent Bama de Benjamin pour identique a
«Iu royaume de Juda. Ill Reg., xv, 17, 22; II Par., Rama, ville de Samuel ou Ramathaim-Sophim. Voir
xvi, 1, 5, 6. D'apres le verset cite d'Isaie, on voit qu'elle RAMA 6 et RAMATHAIM-SOPHIM. — Les gens originates
etaitau noi^dde Gabaa de Saiilet de Jerusalem, eta 1'est de Rama et de Gabaa qui se joignirent a Esdras, pour
de Machmas et de Gabaa de Benjamin. Josephe qui retourner dans la terre de leurs peres, elaient ensemble
transcrit son nom 'ApajAaOwv (variante : "Pa^aOu^), Ant. au nombre de621. L Esd., n, 26; II Esd., VH, 30. Rama
jud.t "VIII, xu, 3, la dit eloignee de Jerusalem de 40 fut habitee de nouveau par des Benjamites probable-
stades ou pres de sept kilometres et demi. D'apres Eu- ment du nombre des precedents. II Esd., xi, 33. Elle est
«ebe et saint Jerome elleest au vie milliaire, c'est-a-dire appelee par Josephe, Ant. jud., VIII, xu, 3, « une ville
au dela de 7480 metres, au nord d'Jilia ou Jerusalem. non sans celebrite. » Rangee parari les cites nobles que
Onomasticon, 6dit. Larsovv et Parthey, Berlin, 1862, rebatit Salomon, par saint Jerome, elle n'etait plus a
p. 308-309. 1'epoque de ce pere qu'un pauvre petit village, parvus
2° Description. — Er-Rdni est assis au sommet d'un viculus. In Soph., i, t. xxv, col. 1354. Voir A Reland,
mamelon de 792 metres d'altitude, completement denude Palsestina, Utrecht, 1714, p. ^63-964; E. Robinson,
a 1'ouest et au sud, mais plante de vignes et de figuiers Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. u,
au nord et a Test. C'est un pauvre petit village arabe p. 110, 315-316; V. Guerin, Samarie, t. n, p. 199-204;
de moins de cent habitants, tous musulmans. La petite The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres,
mosquee a coupole est batie dans les ruines d'une 1889, t. in, p. 13. L. HEIDET.
eglise. On remarque dans les rnurs des masures actuelles
•quelques pierres de bel appareil ayant appartenu a des 2. RAMA (hebreu : hd-Rdmdh; Septante : Txtxi),
constructions plus anciennes et a cote du village une ville de la tribu d'Aser, dont le nom est transcrit,
petite piscine. Des sepulcres tallies dans le roc de la Jos., xix, 29, Horma. Voir HORMA 2, t. in, col. 756.
943 RAMA — RAMATHAiM-SOPHIM 944
3. RAMA (hebreu : hd-Bdmdh; Septante, Valica- eut voulu dire in excelso, il aurait fait 'usage de be-
nus : 'AparjX; Alexandrinus : Ta^i), ville de Neph- marom, en hebreu, ou be-maroma', en arameen, non
thali, dont le nom est transcrit dans la Vulgate, Jos., de be-Rdmdh inusite en ce cas. — Pourplusieurs de ces
xix, 36, Arama. Voir ARAM A. 1, t. i, p. 876. interpretes, cette Rama ne serait pas differente de
L. HEIDET. Rama de Benjamin situee a quinze kilometres au nord
4. RAMA (hebreu, Rdmdh; I Sam., xix, 22, 23; xx, de Bethlehem et 1'expression de 1'evangeliste el du
i, xxv, 1; Septante,3'Porfj.a, excepte Vaticanus: xxv, 1, prophete indiquerait la vehemence des cris de douleur
ou on lit : 'Apu.<a0a!(i.; Vulgate : Ramatha), residence des meres qui retentirent jusque-la. Pour les autres,
du prophete Samuel ou etaient les Naioth, ou vint le comme pour Gesenius, il s'agit reellement d'une loca-
trouver David fuyant |Saiil et ou il fut enseveli. Gese- lite des alentours de Bethlehem, souvent identifiee
nius, Thesaurus, p. 1276, suppose que cette Ramah est • par eux avec Rama ou Ramatha de Samuel. PGUP
la meme que Ramatha, mais differente de Ramathaim- Eusebe et le mosai'ste, ce sont deux localites differentes.
Sophim.Elle serait encore identique a Rama de Matth., Voir Maldonat, In Matth., dans Migne, Cursus Scriptu-
II, 18, et a la Ramta' du Talmud; Schabb., f. 26,1; cette rse, t. xxi, col. 424-426; F. Vigouroux, Manuel biblique?
localite doit etre cherchee, suivantcet auteur, au dela du 12e edit., t. 11, p. 704, note 1; Polus, Synopsis critico-
tombeau de Rachel, par rapport a Gabaa, c'est-a dire rum, Math., Francfort-sur-le-Mein, 1712. Voir col. 924;
au sud, parceque Saul se rendant de Rama a Gabaa, sa RAMA 4 et RAMATHA. L. HEIDET.
patrie, trouva ce tombeau sur son chemin. I Reg., x, 2.
Le site de 1'ancienne Herodium, aujourd'hui djebel RAMATHA (hebreu : hd-Rdmdtdh; Septante :
Fereidis (a six kilometres au sud-est de Bethlehem), 'Ap[Jia9.at(j-i variante : 'Ap^aO^u, excepte Codex Alexan-
lui conviendrait tres bien. Thesaurus, p. 1275-1276- drinus : I Reg,, xxv, 1 : 'Pajjii), patrie et residence de
La plupart des interpretes et des critiques voient une Samuel. — Ramatha ou Rdmdtdh est le nom de Rama
seule localite dans Rama, Ramatha et Ramathaim- ou Rdmdh, Rdmat. a 1'efat construit avec le he (n)
Sophim, ou plutot Rama est une des « deux Rama » final, signe du mouvement. La Vulgate transcrit Rdmdhf
de Ramathai'm. — Quant a la Ramta du Talmud, c'est de 1'hebreu par Ramatha, I Reg., xix, 19, 22, 23 (2 fois) ;
selon toute probabilite, Ver-Rdmeh des Arabes ou tell xx, 1; xxv, 1; XXVHI, 3. La transcription grecque 'Ap-
er-Rameh; la Betharan dela Bible. — Voir RAMA. 7, [ia6af(A, equivalente de hd-Rdmdtairn, porteraita indui-
RAMATHA et RAMATHAIM-SOPHIM. L. HEIDET. re que cette lecon se lisait primitivement partout ouse
lit maintenant Rdmdtdh, dans le texte massoretique.
5. RAMA (hebreu, I Sam., xxx, 27 : Rdmol-Negeb; Le nom de Ta^aQejj, (variante : 'PaeajAstv; Vulgate :
Septante : cPap.a VOTO-J, « Rama du midi »; Alexan- Ramathan, ace. de I Mach., xi, 34, et de Ramthis
drinus : Pay.a9; Vulgate : Rcmoth ad meridiem), ville forme greco-romaine usitee au ive siecle, probablement
du sud du pays d'Israel. Voir RAMOTH NEGEB. pour Ramlhaim, comme Esbous, Marrous, Nemarias
L. HEIDET. pour Hesebon, Marom, A r emarim (Onomasticon), et
6. RAMA (hebreu, II (IV) Reg., vm, 29 : Rdmdh; qui 1'une et 1'autre semblent bien etre la Ramatha de
Septante, Vaticanus : 'Ps^^wO ; Alexandrinus: 'Poc^wS, Samuel, paraissent en meme temps montrer la persis-
Vulgate : Ramoth), ville de la region transjordanique, tance dans 1'usage du duel Rdmdtaim. Ce nom devait
ordinairement appelee Ramoth en Galaad. Voir RAMOTH s'ecrire et se prononcer Rdmatem, comme Oronaina
et RAMOTH-GALAAD. L. HEIDET. . Qariatai'm, dans Finscription de Mesa, s'ecrit Horonen
ou Horonem Qariaten, etc., comme les Arabes bedouins
7. RAMA, Matth.. ii, 18, est, suivant certains inter- prononcent tous les duels. Ainsi, il est possible et
pretes, le nom commun de « hauteur »; suivant d'au- vraisemblable que Ramathaim ecrit DDDI dans les
tres, c'est le nom propre d'une localite. — L'Evan- anciens exernplaires soit devenu -nan, par une erreur
geliste, en appliquant au massacre des Innocents, le de transcription du scribe de la massore. Quoi qu'il en
passage de Jeremie, xxxi, 15 : « Une voix a ete entendue soit, 1'identite de Rama et Ramatha avec Ramathaim,
a Rama... [c'est] Rachel qui pleure ses fils..., » attribue .indiquee deja par la lecon constante des Seplante, n'est
sans doute a Rama la meme signification que lui donne guere contestable. Voir RAMATHAIM-SOPHIM.
le prophete. « Nous ne pensons pas que 1'expression L. HEIDET.
in Rama, dit Jerome, soit le nom de la localite voisine RAMATHAiM-SOPHIM (hebreu, I Sam., i, 1 :
de Gabaa, mais Rama signifie hauteur, excelsum, de hd- Rdnidfaim $oflm-; Seplante : 'Ap^aSaiji St;a;
maniere que le sens est : « Une voix s'est fait entendre Vaticanus : Sstya: Alexandrinus : Hwycjji), ville d'E-
« sur la hauteur, in excelso, c'est-a-dire s'est repandue phrai'm, patrie d'Elcana et du prophete Samuel, son
« au long et au large, id est longe lateque diffusa. » In fils.
Matth., n, 18, t. xxvi, col. 28. Leschaines origeniennes 1° Nom. — Ramathai'm-Sophim, « les deux Rama des
et les gloses 1'entendent generalement de meme. Sophim », se trouvant une fois seulement dans la Bible
Cf. iTischendorf, Kovum Testamentum grsecum, hebraiique, des critiques 1'ont suspecte le fait de quel-
edit. 8a critica major, Leipzig, 1872, t. i, p. 8. — que copiste et cru Ramatha le veritable nom. La legon
Eusebe cependant 1'entend d'une localite : « II y a une 'ApfxaOai'jA des Septante semble plutot, voir RAMATHA,
autre Rama de Benjamin, dit-il, dans le voisinage de indiquer le contraire. Ramathaim etait employe pour
Bethlehem dont il est dit : Une voix a ete entendue a designer la localite en general et Rama la partie par-
Rama. » Onomasticon, edit. Larsow et Parthey, Berlin, liculiere ou etaient les na'ioth et ou Samuel avait
1862, p. 306. Le nom de Benjamin est ici une erreur; fixe son habitation au milieu des prophetes. Sophim
Bethlehem et tous ses alentours appartenaient a la tribu est appose comme determinatif pour distinguer ce
de Juda. Le rnosaiste de Madaba a rapporte 1'indica- Rama des nomhreuses autres. Ce nom a ete interprete
tion a un monument situe pres de Bethlehem que Ton differemment. Pour le Targum de Jonathan c'est la
peut prendre pour le sepulcre de Rachel; mais on ne « Ramatha des disciples des prophetes », pour la version
trouve nulle part que le lieu ou se trouve ce sepulcre syriaque c'est « la colline des vedettes », la version
ait jamais porte le nom de Rama, non plus qu'aucun arabe y voit v la hauteur de 1'exploration ». On admet
site des alentours. — La plupart des exegetes modernes plus generalement qu'il faut entendre :« la double Rama
tiennent aussi le mot de Rama pour un nom propre. des Suphites » ou « des fils de Suph » dont descendait
Le grec et les versions, meme la Vulgate, qui ont tous Elcana et dont la region etait appelee du nom de leur
Kama, ne permettent pas de douter qu'il n'appartienne pere « la terre de Suph. » I Reg., i, 1; I Par., \i,
au texte original de saint Matthieu. Or, si 1'evangeliste 35; I Reg., ix, 5. Cf. Polus, Synopsis criticorum.
945 RAMATHA'iM-SOPHIM 946
Francfort-sur-Ie-Main, in-f9, 1712, t. i, col. 1152. d'Ephraim. Descnptio, 2e edit. Laurent, in-4° Leipzig,
2° Identifications diverges. — Plus de douze localites 1873, p. 78. — Quelques pelerins posterieurs au
ont ete proposees pour etre identifiees avec la pa trie de xme siecle paraissent indiquer Sobd, situee a 11 kilo-
Samuel (fig.. 213). — Elle se trouverait « dans la mon- metres a 1'ouest de Jerusalem, sur une montagne
tagne d'Ephraim, » me-har Efraim, ou EV vaatS E9pat(x, elevee... C'est le sentiment defendu par Robinson qui
«dans le district (?) d'Ephraim. selon les Septante.I Reg., voit dans ce nom .Sei^a des Septante. Biblical Resear-
1, 1. L'itineraire de Saul, itineraire sans doute direct, ches, Boston, 184'1, t. n, p. 328-334. — Le rabbin Joseph
pour se rendre de Ramathai'm a Gabaa, sa patrie, sup- Schwarz croit avoir trouve « Rama de la montagne
pose le tombeau de Rachel sur cette route. I Reg., x, d'Ephraim » dans er-Rdmeh, village situe a sept
2. Ge monument se trouvant pres de Bethlehem de kilometres et demi a 1'ouest de Sdnur et a neuf du
Juda, selon Gen., xxxv, 16, et XLVHI, 7, il resulte de la, nord-nord-ouest de Sebastieh (Samarie). Tebuoth ha-
disent plusieurs critiques, que Ramatha, habitation de 'Arez, edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 198-193. —
Samuel, etait au sud de Gabaa etdu tombeau de Rachel. M. Slant le voit au Khirbet-Marmdtd, a un kilometre
De la il faut reconnaitre, ajoute Gesenius, Thesaurus, et demi a 1'est-sud-est A'Artuf (ard Tuf ou Suf « la
p. 1274, que ce lieu est different de Ramathai'm, pa-
trie d'Elcana. "Voir RAMA 4. Les autres concluent, au
contraire, que la montagne d'Ephraim de I Reg., I, 1,
n'est pas different de la region montagneuse d'Ephrata
ou il faut chercher Ramathai'm, c'est-a-dire de Bethle-
hem. Suph est en effet, disent-ils, appele, ibid.,
1'Ephrateen et « la terre de Suph », doit etre identique
au pays d'Ephrata ou Bethlehem. En consequence, ces
critiques cherchent Ramathai'm dans le territoire de
Juda et aux alentours de Bethlehem. — Van de Velde,
Syria and Palestine, in-8°, Edimbourg et Londres,
t. ii, p. 50, la voit dans er-Rdmeh, ruine situee a trois
kilometres au nord d'Hebron et dans le voisinage de
1'ancien Mambre, W. F. Birch, 1'identifie avec Beit-
Djala' grand village situe a deux kilometres a 1'ouest du
sepulcre de Rachel. Dans Pal. Expl. Fund, Quarterly
Statement, 1883, p. 48-52. — C. Schick, Ramathaim-
Sophim, dans Quarterly Statement, 1898, p. 7-20, la
place au moment du Rds-es-Sarfeh a 1'ouest etau-dessus
des vasques de Salomon, a six kilometres, a 1'ouest
sud-ouest de Bethlehem, ou sont plusieurs ruines assez
considerables. — La plupart des commentateurs n'ad-
mettent pas que Ton puisse entendre « la montagne
d'Ephraim » de la contree 'de Bethlehem. Si 1'ethnique
• -*•-«• *^-^__£i-.^«-£yac> il
« Ephrateen » a ete applique a des habitants de cette
ville comme il 1'a ete aux Jtphrai'mites, et meme si le ""x^S^ifc^^nt^^a
nom d'Ephrala a ete pris, selon quelques interpretes,
pour synonyme de « la terre d'Ephraim », celui-ci n'a
jamais ete employe pour indiquer un autre territoire
que celui de la tribu de ce nom. La description du
voyage de Saul. I Reg., ix, 3-6, qui nous montre, une
seconde fois, la terre de Suph et la ville de Samuel
dans « la montagne d'Ephraim », ne permet de douter
de 1'authenlicite de la lecon. D'autre part. 1'identite
de Rama ou Ramatha apparait de la suite du recit de
I Reg., i. La ville d'Elcana d'ou 11 se rendait reguliere- 213. — Carte des sites divers attribues a Ramathaim-Sophim.
ment a Silo, du verset 3, est bien certainement la
Ramathaim du jL 1 et la Ramatha du ji. 19, oti le meme terre de Suf »), situe a deux kilometres au sud-est de
avait sa maison, ou il retournait apres sa visite a Silo et Sar'a. Ibid., Appendice, p. 508-510. — S'il faut en
oil naquit Samuel, est indubitablement la meme ville. croire Mugir ed-Din, les Juifs de son temps (1474)
La lecoh d"Ap|ji,x9a:jx des Septante, donnant partout anraient vu la patrie de Samuel au village de Sileh
Ramatha pour identique a Ramathaim, ne serait-elle (<jJl^*o) du territoire de Ndblus, appele par eux
pas la lecon authentique, indiquerait toujours leur Rdmeh. II y a un Sileh a quatre kilometres et demi
sentiment, donton ne pourrait pas ne pas tenircompte. au nord de Sebastieh? Cf. Histoire de Jerusalem et
II faut done admettre que Ramathaim etait reellement d'Hebron, edit., du Caire, 1283 (= 1866), p. 106. —
dans la montagne d'Ephrai'm, sauf a conclure que le M. Gaston Marmier semble chercher Ramathaim a
tombeau de Rachel, dont il est parle dans le voyage de Umm-Sufla, a six kilometres et demi a Test du
retour de Saul est un autre tombeau et que probable- Khirbet-Tibneh, 1'ancienne Thamna./fi^we des etudes
ment on lisait jadis un autre nom a la place de Rachel. juives, 1894, p. 41. — MM. Gutheet Benziger 1'identifient
La situation, en Ephrai'm, de Ramathaim n'en est pas avec Beit-Rima, situe a trois kilometres au nord de la
moins encore une des questions topographiques des ruine precedente. Voir Wandkarte Palastina, Leipzig
plus controversies. — D'apres le juif Benjamin de (sans date). De meme Buhl, Geographic des alien
Tudele (xne siecle), « Ramleh est Ramah » de Samuel. Palastina, 1896, p. 170-171. Ewald la placait a
Itineraire, edit. Lempereur, Leyde, 1633, p. 20. C'etait Ramallah, grand village Chretien a quinze kilometres
1'opinion de quelques savants Chretiens de 1'epoque au nord de Jerusalem. Geschichte des Volkes Israel,
pour qui Ramleh etait une variante de Rama et Rama- Gcettingue, 18i3-1852, t. n, p. 550. — Quelques pelerins
tha. Gf, Guibert de Nogent, Historia hierosolymitana, des siecles derniers paraissent 1'identifier avec er-Rdm,
VH, 1, edit. Bongars, p. 253. La plaine de Ramleh, 1'ancienne Rama de Benjamin. A. de Noroff croit avoir
pretend Burchard (1293), appartenait a la montagne reconnu le tombeau dw ^to^\vete dans une « grotte
947 RAMATHAIM-SOPHIM 948
s^pulcrale » incorporee au mur de 1'ancienne syna. pretes et geographes du xvue siecle et du XVIIF, est
gogue convertie plus tard en une eglise chretienue. defendu par plusieurs savants modernes, en particulier
Dans le Pelerinage de Daniel 1'higoumene, Saint- par F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la
Pelersbourg, in-4° 1864, p. 13 et 14, note. Cette identi- Terre Sainte, in-8°, Paris^ 1877, p. 257, et par
fication estacceptee parquelques modernes. Voir Bonar, Victor Guerin, Judee, t. i, p. 362-384; d'autres palesti-
Land of Promise, in-8°, Londres, 1856, p. 178, 554; nologues cependant croient plus juste de s'en rapporter
P. B. Meistermann, 0. F. M..,Nouveau guide'de Terre- aux temoignages d'Eusebe et de saint Jerome indiquant
Sainte, in-8% Paris, 1907, p. 314-315. Cette identifica- Rantis.
tion, comrne les precedences, se base seulement sur Selon ces palestinologues, 1° il n'est aucunement cer-
1'identite ou la similitude onomastique. Le P. von Hum- tain que le nom de « mont Ephraim » ait jamais ete
melauer, In lib. Samuel, I Reg., i, 1, 1886, Jp. 29-31, donne a la plus petite partie de la montagne de Benja-
reconnait 1'identite de Rama ou Ramatha avec Rama- min. Le Palmier de Debora pouvait etre dans la mon-
thai'm; il la veut cependant, comme Gesenius, au sud tagne d'Ephraim s'etendant au sud de Bethel, sans
de Bethlehem. Selon lui, 1'expression de la montagne qu'il soit besoin de prolonger celle-ci jusqu'a Rama et
d'Ephraiim se rapporte, non a Ramatha'im, mais a Elcana a la montagne de Nebi-Samuel. Le Jemini qui donna
et il faudrait lire: « II etait un homme de Ramathai'm- son nom a la region parcourue par Saul apres avoir
Sophim [et cet homme etail civilement de la tribu ou] passe par les terres de Salisa et de Salim et avant
de la montagne d'Ephraim. » Le docte commentateur d'entrer dans la terre de Suph, est distingue^ et sans
parait n'avoir pas remarque les autres passages indi- doute avec raison, par les Septante, au codex Vatica-
quant comme nous le verrons, Ramathai'm en Ephraim. nus, du Jemini qui pouvait donner son nom au terri-
3° Deux autres identifications. — Deux localites, toire de Benjamin. Us appellent le premier, I Reg., ix,
outre leur nom, se presentent avec d'autres litres : ce 4, 'Iau.iv, nom de families en diverses tribus (cf.
sont Nebi-Samuel et Rantis. — 1. Nebi-Samuil, «le pro- JAMIN, t. m, col. 1115) et le second, verset 1, ibid.
phete Samuel », est un petit village de moms de cent 'Ispitvatoc. La terre de Jemini, ou Jamin, dont il
habitants, bati sur la montagne la plus elevee des alen- est ici question, etait au-dela de « la terre des Chacals ;>
tours de Jerusalem, a sept kilometres et demi de cette (D»byur yiN, -pj Seya)^, terra Salim, de I Reg., ix, 4),
derniere. On y voit d'anciennes habitations et des pis- identique selon toute probabilite a la terre des Cha-
cines entierement creusees dans le roc, des restes d'une cals (byni; px, collectif equivalant aupluriel, yrj SwyaX,
enceinte restauree a differentes epoques;?de belles terra Sual) de I Reg.,xni, 17, qui parait etre aux alen-
pierres taillees dispersees ca et la et surtout une eglise toursd'Ephra, villepossession d'Ephraim; a plus forte
ogiivale du xne siecle, dont le transept sert aujour- raison lui appartenait cette terre de Jemini. — 2» La des-
d'hui de mosquee. A 1'interieur un cenotaphe en dos cription du voyage de Saul a la recherche des anesses
d'ane, sernblable a tous ceux des personnages veneres desonpere, tant a Taller, I Reg., ix 3-6, qu'au retour,
dans 1'islam, est designe comme celui du prophete ibid., ix, 26-x, 74, indique une longue course, tandis
Samuel. — Vers 530 deja, le pelerin Theodosius indi- que Nebi-Samuil est a cinq kilometres seulement du
quail : « a cinq milles (7480 metres) de Jerusalem site ou Ton doit placer Gabaa de Saul. Le mot
Ramatha'ou repose Samuel. » De Terra Sancla, Geneve, de Samuel, ibid., x, 2 : Vous trouverez deux hommes
1877, p. 71. L'eglise et le monastere auxquels Justinien sur la frontiere de Benjamin, indique bien que Ra-
(527-565) apporta des ameliorations portaient des lors matha etait en dehors de cette frontiere. — 3° La ville
le nom de « Saint-Samuel ». Procope, De sedificiis, de Ramathem (Vulgate : Ramatha) de I Mach., xi, 34,
V, ix. II resta celebre et venere chez les Arabes mu- est, selon toutes les probabilites, identique a Rama-
sulmans. Cf. Et-Muqaddasi, 19881, Geographic, [edit. thai'm. Or, la Samarie, a laquelle elle appartenait, etait
Goeje, Leyde, 1871, ip. 188. Pendant toute la periode tout entiere formee du territoire d'Ephraim. De ces
des croisades (xiie s. et xm e ), les pelerins francs et autres indices ne faut-il pas conclure que Ramathai'm doit
ne cesserent d'aller venerer le tombeau a Saint-Samuel etre cherchee ailleurs qu'a Nebi-Sam&il et que le se-
de Montjoie ou Silo, souvent encore appele de Rama pulcre qu'on y venere est, non le tombeau primitif du
et de Ramatha. A peu pres toutes les relations en font prophete, mais un .monument ou ses restes furent
mention. Les juifs ne 1'eurent pas en moindre respect. transferes d'ailleurs? C'est ce que Ton disait au
R. Benjamin y mentionne, loc. cit., la presence des xne siecle. Selon le temoignage de Benjamin deTudele,
reliques. Le savant rabbin Estori (xin« siecle) designant en 1173, les Chretiens avaient.trouve a Ramatha, a cote
Nebi-Samuel 1'appelle hd-Rdmdtdh et ajoute : « La est de la synagogue des Juifs, le tombeau de Samuel et
Samuel, parce que la est sa maison. » Caftor va-Phe"rah, avaient trausporte les reliques du prophete a Silo, c'est-
edit. Luncz, Jerusalem 1897-1999, p. 300. Les pelerins a-dire a 'Nebi-Samuil, oil ils construisirent une grande
juifs dont on connait les recits, y vont tous venerer ]e eglise. Ce rabbin, il est vrai, attribue cette invention
sepulcre. Cf. Carmoly, Pelerinages de la Terre Sainte aux Francs, a leur arrivee en 1099, et la place a Ramleh,
traduits, de I'hebreu, Bruxelles, 1847, p. 130, 186, 387, tenue par lui pour Ramatha; mais elle doit etre attri-
443. Une tradition si universelle et si constante est un buee, sans doute, aux Byzantins et reportee au temps
argument en faveur de la presence a Nebi-Samuel des d'Arcadius (395-408), epoque ou, selon saint Jerome,
restes du prophete. Or, ajoutent les auteurs qui identi- Cont. Vigilant., 5, t. xxnr, col. 343, une partie des
fient cet endroit avec Ramathai'm, d'apres I Reg., xxv, ossements du prophete furent transportes en Thrace. —
1, Samuel fut enseveli « dans sa maison a Ramatha ». Ce Pere etEusebe attestent indireclement qu'il ne peut
Si le tombeau de Nebi-Samuel est authentique, il faut en etre aulrement, quand ils indiquent qu'Arimathie
reconnaitre que la est Ramathai'm. Les deux hauteurs ou Armathem, patrie d'Elcana et de Samuel, est la lo-
terminant lesommet dela montagne justifientd'ailleurs calite appelee de leur temps Ramthis, certainement
ce nom. Voir [MASPHA 4, t. iv, fig. 228, col. 843. differente du Nebi-Samuel actuel. D'apres ces Peres,
Ramathai'm, il est vrai, est indique dans la montagne Remphis, Remphitis dans le monument de Leyde,
d'Ephraiim et Nebi-Samuel appartient au territoire de Rempktis dans d'autres manuscrits, etait de leur
Benjamin; mais le palmier de Debora qui s'elevait entre temps generalement reconnue pour 1'Arimathie evan-
Rama de Benjamin et Bethel etait deja dans la mon- gelique et pour I'Armathem-Sophim des Septante,
tagne d'Ephraiim, Jud., iv,"5, etSaiil parcourantla terre patrie de Samuel. Onomasticon, aux mots Ruma et
de Jemini, synonyme de Benjamin (voirt/m,col. 1248), Armathem-Sophim, edit, Larsow et Parthey, Berlin,
se trouvaitdans la montagne d'Ephraim, Cf. I Reg., ix, 1862, p. 60-61, 316, 317; ed. E. Klostermann, Leipzig,
4. .Ce sentiment, qui est celui de la plupart des inter- 1904, p. 32-33,144. Elle est situee « pres »(71X7)aiov,juxta)
949 RAMATHAIM-SOPHIM 950
de Diospolis (Lydda) ou « dans le territoire, ». EV opcon;, centreforts des monts d'Ephraiimj du cote de 1'ouest.
in finibus, de cette ville. Saint Jerome ajoute qu'elle II occupe une partie seulement d'un plateau assez
appartient a la Thamnitique, in regione Thamniticd. Les spacieux, sur lequel se rencontrent de nombreuses
mots « dans le territoire, pres de » ne peuvent pas bouches de citernes antiques, et terminant une pre-
etre entendus dans le sens restreint que nous leur miere hauteur de 209 metres d'altitude; celle-ci est
donnons. Ainsi, avec les memes expressions, ils nous dominee par un ressaut de la montagne formant une
indiquent Remmon a quinze milles, ou 22 kilometres et seconde hauteur couronnee d'un plateau plus vaste que
demi au nord d'^Elia, ibid., p. 314 et 315, ,et Bethsarisa le premier et toute plantee d'oliviers. Dans 1'interieur
egalement a quinze milles au nordde Diospolis et aussi du village, se remarquent les restes de deux eglises
dans la Thamnitique. ibid., p. 94, 95. Par ce dernier paraissant de 1'epoque byzantine; plusieurs pans de
passage, nous constatons que la Thamnitique etait au murs engages dans des constructions modernes, par
nord de la Diospolitaine ou toparchie de Lydda. Au Jeur appareil, et de nombreusespierrestaillees disper-
xne siecle, les Assises de Jerusalem, ch. 267, edit. sees denotent le meme age. Sur le plateau superieur
Beugnot, Paris, 1841, t. i, p, 417, nomment un Rantis on rencontre divers debris d'anciennes constructions,
ou, parmi les suffragants de 1'archeveque de Lydda, parmi lesquels des fragments d'une belle mosai'que. Les
est un abbe de Saint-Joseph d'Arimalhie. Ce Rantis, (lanes de la colline, recelent un certain nombre de
«st, a n'en pas douter, le Remphtis du ive siecle et le grottes sepulcrales anciennes. — Depuis trente ans,
Rantis ou Rentis (fig. 214) que Ton trouve aujourd'hui a ceux qui, a Jerusalem, se sont occupes particuliere-
moins de quinze kilometres (environ dix milles ro- ment de la topographie Jjiblique, admeltent plus com-
mains), au nord-estde Lydda, a huit kilometres a 1'ouest- munement que Rentis est la localite correspondant le
nord-ouest de Tibnah, 1'ancienne Thamna, qui donnait mieux aux donnees de la Bible et de 1'histoire.
son nom a la Thamnitique, et a quarante kilometres au Histoire. — Ramathaim avait ete sinon fondee du
nord-ouest de Jerusalem. Le nom de Rantis permet de moins occupee par une colonie de levites de la famille
croire que la vraie lecon d'Eusebe etait Ramphtis, forme de Suph, dont descendait Elcana^perexde Samuel.
grecque pour Ramthis, comme Ramphta pour Ramtha, I Reg., I, 1. C'est la que naquit le prophete etil y fut
etait donnee, au iv« siecle, a BetharandeGad. Ramthis eleve jusqu'au temps de son sevrage ou il fut conduit
ne differe au fond de Ramathaiim que par la trans- a Silo pour etre presente au grand-pr§tre. I Reg., i,
formation de la finale en s, modification frequente, 2-28. II parait etre revenu en sa patrieapres la mortde
dans les noms hebreux, a 1'epoque greco-romaine. On Heli et la prise de 1'arche par les Philistins, et il y
ne peut douter que le temoignage d'Eusebe et de saint resida jusqu'a sa mort. Le don de prophetic dont il etait
Jerome, a une epoque ou 1'on savait ou se trouvait le gratifie attira a Ramathaim une multitude de gens
tombeau de Samuel, ne soil 1'expression de la tradition qui venaient le consulter. C'est ce qui engagea Saul, cher-
locale du pays. — Rentis est un village. d'environ 150 chant ses anesses, a y venir aussi. Deja Samuel avait
habitants musulmans, s'elevant sur un des derniers ete reconnu juge d'Israel et peu de temps auparavant
951 RAMATHAi'M-SOPHIM — R A M E A U 952
les anciens du peuple etaient venus le trouver pour Ramatha, car la finale n parait, comme pour Lydda,
lui demander un roi. Le prophete avait eleve an autel le signe de 1'accusatif. Le traducteur semble aussi
au Seigneur pres de la ville. Jud., vn, 17; vni, 41; ix, I'ldentifier avec Ramatha identique, dans la traduc-
6-10. II soriait de la ville pomr « monter » au bdmdli, tion, avecRamathai'm-Sophim, comme Test dans les Sep-
ou il devait offrir un sacrifice, quand Saul se presenta tante 'ApatAaQeixet 'ApajAaOaty- La situation de 'Pa[/,a6£[/.
a lui. II invita le fils de Cis « a y monter avant lui » indiquee par I'historique de ce passage dans la partie
eta assister au festin qu'il y donnait; « ils descen- meridionale de la Samarie voisine de la Judee, autorise
dirent » de la pour passer la nuit sur la terrasse de la a croire que cette localite n'est pas differente de la Ram-
maison du prophete. Le lendemain matin, celui-ci this d'Eusebe et de saint Jerome, Onomasticon, edit.
accompagna Saul en dehors de la ville, le sacra et lui Larsow et Parthey, p. 317, qu'il faut chercher dans la
donna rendez-vous a Galgala. I Reg., ix, 11-x, 8. Toutes meme region, et qu'ils identifient avec Ramathaiim pa-
les assemblies generates de la nation, Samuel les tenait trie de Samuel. L'interet que Jonathas semble attacher
a Galgala, Bethel et Maspha. I Reg., viir, 16. [Rama- a Findependance et a la possession de Ramathem se.
thai'm situee loin de la ligne de faite des montagnes comprend si elle etait la ville du prophete et gardait
habitee par Israel par oil passait la route des commu- ses cendres et ce fait est loin d'infirmer 1'assertion de
nications entre les tribus et dont elle etait encore sepa- I'Onomasticon, et 1'identite de Ramathem avec Rama-
ree des vallees profondes et escarpees, etait d'un abord thaim-Sophim etRamthis. Son territoire est situe entre
trop difficile pour y convoquer le peuple.] — Saul Lydda et Ephrem et plus au nord, et Jonathas ne pou-
revint a Ramathai'm de longues annees apres. II pour- vait 1'avoir sans posseder aussi ceux de ces deux der-
suivait alors David de sa jalousie et de sa haine. Celui- nieres villes; Voir RAMATHAIM-SOPHIM.
ci s'y etait enfui pres de Samuel, et les deux se trou- L. HEIDET.
vaient aux Natoth, du Ramah superieur sans doute, ou RAMATHLECHD (hebreu : Rdmat-Lehi.Les Sep-
Samuel semble avoir groupe une ecole de prophetes tante traduisent le nom : 'Avaipsat; (rtaydvo?, enleve-
autour de 1'autel de Jehovah ou il sacriliait. Cf. I Reg., ment de la machoire, sans le transcrire; la Vulgate
xix, 18-24. David s'en echappa y laissant Saul qui y apres 1'avoir transcrit ajoute : quod interpretatur ele-
passa la journee et la nuit suivante « prophetisant », valio maxillae), localite ou Samson frappa mille Philis-
xx, 1. Samuel y mourut peu d'annees apres et y « fut tins, avec une machoire d'ane. Jud., xv, 17. Voir LECHI,
enseveli dans sa maison, » c'est-a-dire en son domaine, t. iv, col. 145. L. HEIDET.
par tout Israel qui Vint assister a ses funerailles, xx, 1.
— Ramathai'm, qui appartenait a Ephrai'm, resta au RAMATH-MASPHE (hebreu : Rdmatam-Mispeh;
royaume schismatique dIsrael et puis au territoire des Alexandrinus : Ta^w; Vulgate : Ramoth). Jos., XIH,
Cutheens ou Samaritains. Jonathas Machabee en obtint 26. Voir RAMOTH-MASPIIE.
la separation, et, avec Lydda et Ephrem, la reunit a la
Judee, car il n'y a point de raison de douter que Ra- RAMATH-NEGEB (hebreu :Rd'mdt-Ne'geb, « Rd-
mathem, I Mach., xi, 31 (Vulgate : Ramatha) ne soit 'mah du Midi » ; Vulgate : Ramath contra australem.
Ramathai'm. Devenue ainsi « ville des Juifs », uo).is plagam; le vocable est ajoute comme complement d'un
TWV 'lovSatwv, et connue dans les Evangiles sous le nom autre nom de localite Baalath Beer). Voir BAALATH
d'Arimathie, elle fut, au temoignage d'Eusebe, de saint BEER RAMOTH, t. i, col. 1324. C'est, semble-t-il, le lieu
Jerome etgeneralementde tout le peuple de Palestine, la appele I Sam. (Reg.), xxx, 23, Ramoth-Negeb. Voir
patrie de Joseph qui ensevelit le Seigneur dans son ce nom.
propre sepulcre. Voir ARIMATHIE, t. i, p. 958. — Rama-
thai'm etait trop en dehors des chemins suivis par les RAMBAN, surnom de Nachmanide. Voir NACHMA-
pelerins pour avoir ete frequentee par eux; on la leur NIDE, t. iv, col. 1455. •
indiquait comme situee dans une region presque ina-
bordable. « D'J^lia (Jerusalem), jusqu'a la ville de Sa- RAME, voir RAMEUR, col. 959.
muel, situee vers le nord et appelee Ramathas, la con-
tree est rocheuse et escarpee; on y peut Voir des re- RAMEAU (hebreu : ddlyot, zalt, 'dbot, 'dndf, sdk,
gions et des vallees couvertes de broussailles epineuses, zemordh; chaldeen : 'dndf; Septante : x),cx8o?, xXrjtAdc,
s'etendant ainsi jusqu'au district de la Thamnitique », 9uX)vov; Vulgate : ramus, ramusculus, palmes), branche
disait, vers 670, Arculfe qui ne parait pas 1'avoir d'arbre ou de vegetal quelconque. L'hebreu a encore
visitee non plus. Adamnan, De locis sanctis, I, xx ? d'autres termes qui ne sont guere employes qu'une
t. LXXXVIII, col. 790. C'est sans doute pour permettre fois : hoter, Is., xi, 1; kipdh, Job, xv, 32; matteh,
aux pelerins de satisfaire leur devotion et de venerer Ezech., xix, 11, 14; neser, Is., xiv, 19; sur, Jer., n,
les reliques du grand prophete, que Ton transporla 21; sansinnim, Cant., vn, 9; se'apdh, Ezech., xxxi, 6,
ses ossements sur la montagne voisine de Jerusalem 8; sar'dpah, Ezech., xxxi, 5; sibbelet, Zach., iv, 12. Le
qui prit son nom. vei'be se'efveut dire « couper des branches », Is., x, 33.
Outre les auteurs et les ouvrages deja indiques, on 1° Au sens propre. — 1. La colombe revienl dans
peut consulter encore : Quaresmius, Elucidatio Terrae 1'Arche apres le deluge en portant un rameau d'olivier.
Sanctse, 1. VI, § v, cap. v et vi; cf. § i, cap. 11, in-f°, Gen., vin, 11. Les explorateurs envoyes par Moi'se dans
Anvers, 1639, p. 6-8; The Survey of Western Palestine, le pays de Chanaan en rapportent une gigantesque
Memoirs, in-4°, Londres, 1882, t. n, p. 286-287; t. in, brancbe de vigne avec son raisin. Num., XIH, 24. Pour
p. 12-13; Palestine Exploration Fund, Quarterly faire perir les habitants de la tour de Sichem, refugies
Statement, 1879, p. 130-131, 170-172; 1883, p. 110-112, dans la forteresse du dieu Berilh, Abimelech coupa une
156-159, 183-184; 1884, p. 51-54, 144; A. R. Conder, branche d'arbre et dit a tout le peuple qui le suivait
Tent-Work in Palestine, in-8°, Londres, 1885, p. 256- d'en faire autant. Toutes ces branches furent placees
257; Fr. Lievin de Hamm, Guide indicateur de la Terre contre la forteresse, on y mitle feu et ceux qui s'etaient
Sainte, 3e edit., Jerusalem, 1887, t. n, p.'264-266. refugies a J'interieur trouverent la mort. Jud., ix, 48,
: L. HEIDET. 49. Les oiseaux habitent dans les branches d'arbres et
RAMATHEM('Pa[i.a0£[JL), ville de laSamarie reunie y font entendre leurs chants. Sap., xvn, 17; Matth.,xm,
avec son district (vofto?)1, a la Judee sous Jonathas 32; Marc., iv, 32; Luc., im, 19. A 1'approche de Pete,
Machabee. I Mach., xi, 28, 34; cf. x, 30^ Ge nom est les rameaux du flguier deviennent tendres et poussent
sans doute identique a 'ApajiaOsji ou 'Apa[ia6at!isansla des feuilles. Matth., xxiv, 32; Marc., xin, 28.Depouilles
transcription de 1'article hebreu. La Vulgate 1'atranscrit de leur ecorce par les sauterelles, les rameaux du
953 RAMEAU — RAMESSES
flguier deviennent tout blancs. Joe., i, 7. — 2. La jonchee de verdure par un simple bouquet de tiges, en
loi prescrivait aux Israelites, pour la fete des Taber- meme temps qu'on se placait un voile devant la bouche.
nacles, de prendre des branches de palmiers et des U s e pourrait que le prophete, qui ecrivait-en Baby-
rameaux d'arbres toufius; puis, pendant sept jours, ils lonie, fit allusion a cet usage, et que le rameau porte
devaient habiter sous des huttes de feuillage. Lev., au nez et devant la bouche derivat du baresman. — Au
40, 42. Sous Judas Machabee, les Juifs fideles, apres temps de sa prosperite, Nabuchodonosor ressemblait
avoir passe une f£te des Tabernacles dans les montagnes, a un arbre puissant, abritant les oiseaux sur ses
suppleerent ensuite a la solennite omise, en portantdes branches. Dan., iv, 9, 11, 18. — Dans une de ses vi-
rameaux verts et des palmes, et en chantant la gloire sions, Zacharie, iv, 11, 12, voit deux rameaux d'olivier
du Seigneur. II Mach., x, 7. Sur le rameau qu'on por- symboliques. — 3. Notre-Seigneur compare son dis-
tait a son nez dans certains cultes idolatriques, Ezech., ciple fidele au rameau de vigne qui ne porte du fruit
VIH, 17, voir NEZ, t. iv, col. 1612. — 3. Pour deeerner que s'il est uni au cep ; le rameau qui ne porte pas de
le triomphe a quelqu'un, on prenait en mains des fruit doit etre rejete, puis mis au feu ou il brulera.
rameaux de palmiers en lui faisant cortege. Ainsi fit-on Joa., xv, 2-6. Ce rameau est 1'image de Fame chretienne,
pour Simon Machabee, I Mach., xm, 51, et plus tard qui ne vit de la vie surnaturelle et ne porte des fruits
pour Notre-Seigneur a son entree dans Jerusalem. de vertu que si elle est intimement unie a Jesus-Christ
Matth.,xxi, 8; Joa., XH, 13. par la charite. En dehors de cetle union, il n'y a que
2° Au sens figure. — 1. Jacob, dans sa prophetie sur sterilile, secheresse et perte eternelle. — 4. D'apres
ses douze fils, dit de Joseph, Gen., XLIX, 22 : saint Paul, Israel a etc" plante par Dieu qui a fait de
lui une racine sainte. Parmi les branches qui ont
Joseph est le rejeton d'un arbre fertile,
Rejeton d'un arbre fertile au bbrd d'une source;
pousse sur cette racine, plusieurs ont ete retranchees;
. Ses branches s'elancent au-dessus de la muraille. ce sont les Juifs incredules a 1'Evangile. A leur place,
d'autres branches ont ete greffees sur la racine. et ont
Le rejeton, bien arrose et abrite par une muraille, participe a sa sanctification : ce sont les gentils con-
pousse si vigoureusement qu'il envoie ses branches par vertis a la foi. Rom., xi, 16-21. H. LESETRE.
dessus cette muraille. C'est Tiinage de la tribu de
Joseph, e'tablie a Sichem et dans le pays fertile qui RAM ESSES (hebreu : Ra'mses; Septante: 'Pa-
1'environne. Les branches sont ici appelees bdnot, pisaavj), nom, dans 1'Ecriture, d'un pharaon, d'une ville
« fllles » du rejeton. Les Septante ont rendu autrement et d'un district. Pour le pharaon persecuteur des He-
le dernier vers : « Mon jeune fils, reviens a moi. » La breux et constructeur de la ville de Harnesses, voir
Vulgale 1'a traduit servilement : « Les filles ont couru RAMSES. ,
sur la muraille. » Cette traduction, etant donnee celle
du vers precedent, prete a un sens fort different de 1. RAMHSSES, ville d'Egypte. — 1- A plusieurs re-
celui que presente 1'hebreu. Ce dernier est d'ailleurs prises les textes egyptiens mentionnent Ramses comme
beaucoup plus naturel. — La sagesse etend aussi, nom de ville ou de residence. C'est d'abord Ja Grande
comme un terebinthe, ses rameaux de gloire et de Inscription d'Abydos, iig. 29. Ramses Il'vient de cele-
grace, et heureux qui s'y abrite. Eccli., xiv, 26; xxiv, brer a Thebes les fetes de son pere Amon; il redescend
22. — Israel est la vigne du Seigneur, dont les branches le fleuve vers « la demeure de Ramses, la grande de la
depassent les cedres et s'etendent jusqu'a la mer.
Ps. LXXX (LXXIX), 11, 12. — Les mechants semblent victoire (ou de la force) » : *-| Q [fl =L , per
prosperer et pousser des rameaux; mais ces rameaux Ramessu ad nekht, marquant par la le but extreme de
ne verdissent pas, Job, xv, 32, ils sont brises encore son voyage, bien qu'en passant il doive visiter Abydos.
tendres, Sap., iv, 4, ils ne portent pas de fruits, Eccli., A en juger parun autre passage du meme texte, Iig. 93
XXHI, 35, et ne se multiplient pas. Eccli., XL, 15. — Ramses II fit graver 1'inscription d'Abydos quand deja
2. Les prophetes empruntent de nombreuses compa- il avait mene plusieurs campagnes en Asie ou 1'avait
raisons aux rameaux. Le Messie est un rameau qui sor- suivi 1'assistance de son pere divinise. « Ramses-
tira de Jesse. Is., xi, 1. Jehovah abattra Assur comme Grande-de-la-"Victoire » est done anterieure a Van "X."X1.
on abat avec fracas la ramure des arbres. Is., x, 33. EUe est decrite au Papyrus Anastasi 1IJ, pi. in, Iig. 1-9 -,
Babylone sera mise de cote comme un rameau meprise. Batie « d'apres les plans de Thebes, » avec des gre-
Is., xiv, 19. L'Ethiopie, sous la vengeance de Dieu, sera niers, des jardins, il y fait bon vivre. « Les riverains
comme une vigne dont on coupe les pampres a coups de lamer luiapportent en hommage des congres etdes
de hache. Is., xvm, 5. Atteint lui-meme, Israel devien- poissons, et lui paient le tribut de leurs marais. Les
dra comme un olivier qui n'a plus que quatre ou cinq habitants se mettent en vetement de fete chaque jour,
olives a ses branches. Is., xvu, 6. — Israel, la vigne de 1'huile parfumee sur leurs tetes, et des perruques
du Seigneur, n'a donne que des rameaux batards. neuves; ils se tiennent a leur porte, leurs mains char-
Jer., 11, 21. Juda etait un olivier verdoyant; a cause de gees de bouquets, de rameaux verts du viljage de
son infidelite, Jehovah y met le feu et ses rameaux sont Pihathor, de guirlandes de Pahor, le jour que le Pha-
brises. Jer., xi, 16. — Dans Ezechiel, les rameaux de raon fait son entree. ^> Maspero, Hist, ancienne, t. n,
cedre, xvn, 6, 22; xxxi, 5-14, et de vigne,'xvn, 8, 23; p. 288-289. Et au Papyrus Anastasi 11, pi. i, Iig. 2-5,
xrx, 11, 14; xxxi, 3, figurent le peuple de Dieu et sa et iv, pi. vi, Iig. 1-5 : « La residence que ta Majeste a
deslinee. Apres la restauration, les montagnes d'Israel batie pour elle se nomme Grande-de-la-Victoire. Elle
pousseront leurs rameaux et porteront leur fruit, c'est s'etend entre le Zahi (Phenicie) et I'Egypte... Amon y
a dire redeviendrontfertiles comme auparavant. Ezech., demeure au midi dans le temple de Soutek, Astarte
xxvi, 8, 9. Le prophete accuse les hommes de Juda de au soleil couchant, Bouto au nord. » Cf. Papyrus de
se livrer a 1'idolatrie et de «. porter le rameau a leur Leide, i, 348. Les dieux locaux sont ici Amon associe
nez ». Ezech., ix, 17. Chez les Perses, quand on offrait avec Set, Astarte et Ouadjit ou Bouto qui semblent de-
un sacrifice, on dressait les morceaux de la victime sur signer la region de Tanis. De meme, le nom geogra-
de la verdure, comme pour les offrir aux dieux. phique de Pahor a son correspondant dans le « Canal
« L'emplacement du sacrifice est orne d'une jonchee d'Horus », she-Hor, qui appartenait au xive nome dont
ou d'un coussin d'herbes qui est cense le siege de la Tanis etait la capitale. Brugsch, Dictionnaire geogra-
divinite : en vedique, c'est le bar his; dans 1'Avesta, le phique de VEgypte ancienne, 1879, p. 416. Cf. J. de
baresman. » Oldenberg, La religion du Veda, trad. Rouge. Geographic ancienne de la Basse-Egypte, 1891,
Henry, Paris, 1903, p. 26. Plus tard, on remplaca la p. 93. L'expression « entre le Zahi et PEgypte » se com-
955 956
prend tres bien de Tanis. C'est de Tanis, porte orientale egyptiens pour situer une Ramses dans 1'ouadi Tou-
de 1'Egypte, que partit Ramses II pour la campagne de milat.
1'an V contra les Helheens. Poeme de Pantaour, lig. 9. 3° Tournes vers la Terre Promise, les Hebreux par-
Seti Ier avait fait de niSme dans sa premiere campagne. tent de Ramesses. Leur premiere station est a Socoth
Lepsius, Denkrnaler, HI, pi. 126. L'inscription d'un dans la region de Phithom. Exod., xn, 37; Num., xxxin,
certain Zaho, dont la statue a etc retrouvee a Tanis, 3-5. Voir PHITHOM, col. 325. Ramesses doit done etre
e"tablirait que la Ramses en question conserva long- cherchee a 1'ouest et dans un rayon tres rapproche de
temps son nom. Zaho etait a l'epoque,ptolemaique ou Phithom ou Tell el-Maskhouta. Or, dans cette direction,
romaine nomarque du xive nome et « pretre d'Amon- deux sites seulement portent des ruines anciennes :
Schugafteh et Tell Rotab, tous deux sur la rive droite
Ramses dans Per-Ramses » ~| 11| *| (fj P *""* ^ if) P P du canal, comme Phithom. Le premier site, le plus
neter-hen-anien ramses en per-ramesses, a moins que eloigne" de Phithom (vingt-cinq kilometres environ), a
Per-Ramesses ne designe simplemerit le temple eleve la hauteur et au sud de Tell el-Kebir, ne presente sur
par ce pharaon a Tanis. Gf. de Rouge, loc. cit., p. 93- une largeur d'un kilometre et une longueur de deux
94. C'est a 1'appui de ces textes et en y pliant dautres que des debris d'epoque romaine. M. Naviile, The Sto-
textes^que Brugsch, loc. cit., et La sortie des Hebreux recity of Pithom, 4e edit., 1903, p. 36, est tente d'y
de 1'Egypte et les monuments egyptiens, 1874, en voir la station de Thou ou Thohu de I'ltineraire,
vint a placer la Ramses bihlique a Tanis et a imagi- edit. Wessling, p. 170. Le deuxieme site, a huit kilo-
ner un Exode par le lac Sirbon. metres environ de Phithom, proche des Iraces du canal
2° Brugsch allait trop loin. Tout au plus pouvait-il antique, presentaiten 1885 le meme aspect que la butte
conclure que Tanis ou une ville de son voisinage im- de Tell el-Maskhoula avant 1883. Dans 1'espoird'y trou-
mediat avait porte le nom de Ramses. Mais d'autres ver Ramesses, Naviile se mit a I'osuvre. Mais un frag-
Ramses avaient pu exister. Une stele decouverte a Tell ment de gres et un scarabee seulement lui fournirent
Rotab, Petrie, Hyksosand Israelites cities, 1906, pl.xxxji le nom de Ramses II. Sa conclusion fut que Tell Ro-
et p. 31, glorifie en effet Ramses II « d'elever des cites tab n'avait du etre qu'une des stations militaires eche-
a son nom pour 1'eternite : » |M *,—i 'W .». 0 ® T lonnees a 1'epoque romaine le long du canal. II inclina
Li/1 Jl>. * in i a chercher Ramesses du cote de Saft el Henneh iden-
pr^j * » ) . ked m dmiou her ran-f r zeta. L'in- tifie par lui avec Phacusa. Goshen, p. 24-25. En 1906,
dication d'une de ces cites, bien differente de celle de Petrie reprit les fouilles au meme point. Le resultat fut
la region de Tanis, nous est. fournie par le texte du que, loin d'etre un camp remain, le site etait le plus
Traite avec les tiiltites, lig. 2 : « En ce jour (le 21 de ancien de ceux connus a Test de Zagazig. Poteries de
Tybi, an XXI), Sa Majeste se trouvait dans la ville de I'Ancien Empire, scarabees de la IXe a la XII e dynastie,
Ramses-Miamon, accomplissant les ordres de son pere plus de quatre metres de ruines au-dessous des cons-
Amon-Ra-Armachis-Atum, seigneur des deux terres tructions de la XVIII6 et XIX e dynastie, tout denotait
d'Heliopolis, l'Amon-de-Ramses-Miamon, le Ptah de avec evidence une ville tresancienne et tres importante.
Ramses-Miamon et Set. » C'est la que le messager de Petrie, Hyksos and Israelites Cities, p. 28. Dans la
Khetasar lui remit la tablette d'argent contenant le pensee que Ramses II avait du utiliser une place sacree
traite. On voit qu'ici les dieux officiels de la ville sont remontant si haut dans 1'antiquite, M. Petrie rechercha
les dieux de 1'ouadi Toumilat, ou Turn d'Heliopolis d'abord le temple. II s'altaqua done au cote est des
etait le dieu principal, et que, par suite, cette ville,qui ruines. La masse des debris s'y elevait moins haut que
n'est pas la « Grande-de-la-Victoire », doit etre cher- partout ailleurs, et Ton salt que d'ordinaire c'esf a cet
chee dans cette derniere region. Est-ce a la Ramses de endroit que se trouye le temple, tandis que le corps
1'ouadi Toumilat ou a celle de Tanis que fait allusion un principal de la butte marque I'emplacement^de la ville.
texte d'Ibsamboul, Naviile, Le decret de Ptah Totunen Apres un long travail, une moitie de la facade du
en faveur de Ramses II et de Ramses III, lig. 16, temple sortit au jour. Les blocs descelles, mais non
dans Transactions of the-Society of biblical Archaeo- brises, en gisaient a terre prets a etre utilises comme
logy, t. vn, 1882, p. 124, on ne saurait le decider, materiaux de construction. Petrie, loc. cit., p. 29. Ram-
Tanis et 1'ouadi Toumilat, 1'une au nord, 1'autre au sud, ses II y est represents (fig. 215) brandissant la massue
etant egalement situes sur la ligne de la frontiere au-dessus de la tete d'un Semite qu'il a saisi par les
orientale de 1'Egypte. « Tu as construit, dit Ptah a cheveux. Devant lui et lui offrant la harpe se tient le
Ramses II, une augusfe residence pour affermir les dieu « Turn d'Heliopolis, maitre de Thukut. » Cette
frontieres des deux terres : Demeure de Ramses- scene etait a gauche du spectateur. A droite existait un
Miamon donnant la vie; elle est solide sur la terre tableau semblable, mais le sacrifice humain s'accom-
comme les quatre piliers du ciel... » Au Papyrus Har- plissait devant Set, comme I'-ont revele les blocs re-
ris, pi. LX, lig. 2, Lxiia, lig. 3, oil Ramses III parle de trouves de la partie superieure. Petrie, loc. cit.,
la residence qu'ila elevee dans « la'viJJe de Ramses (II)- pi. xxix, xxx et p. 31. Une stele de granit rouge nous
Miamon,» il est plus probable qu'il s'agit de la Ramses dit que Ramses a pourchasse les Bedouins j'usque dans
d& 1'ouadi Toumilat. 11 nomme en effet Ramses entre leurs rnontagnes, cc pillant leurs forteresses, massa-
Baiilos et Athribis qui appartiennent a ce district. Na- crant leurs 'faces » et « qu'il a bati des vilies a son nom
ville, Goshen and the shrine of Saft el-Henneh, p. 20. pour l'eternite. » Petrie, loc. cit., pi. xxvm, xxxn. Un
Si maintenant nous consultons la Bible, nous voyons groupe de granit rouge ou toute ecriture a disparu,
que les Israelites furent fixes dans la terre de Ramses. ronge qu'il est dans sa partie superieure et brise a sa
Gen., XLVII^H. Moi'se donnant a cette region le nom partie inferieure, represente certainement, selon Pe-
qu'elle portait de son temps. Or, la terre de Ramses trie, pi. xxxii et p. 31, le dieu Turn et Ramses II. Ram-
est identique a la terre de Gessen, ou du moins approxi- ses III aussi travailla au temple, comme le prouve un
mativementla meme chose. Voir GESSEN, t. HI, col. 218; fragment,'pl. xxxi, qui nous a conserve de lui un fin
Naviile, loc. cil., p. 11-20, surtout p. 20 ou 1'auteur se portrait. De plus, il enferma le sanctuaire dans un nou-
resume. C'est la qTie les Hebreux batirent Phithom. veau mur, plus fort, plus developpe, dont la porte etait
Voir PHITHOM, col. 323-327. C'est la aussi qu'ils durent flanquee de bastions en briques massives. PI. xxxv. Au
balir la Ramses biblique", et non a Tanis siluee a cin- coin sud-est da cette enceinte se sont retrouves les
quante kilometres environ de 1'ouadi Toumilat, bien depots de fondation. De 1'ensemble de ces decouvertes,
au dela de la branche pelusiaque. Le recit de Moi'se est Petrie, loc. cit., p. 2, 31, conclut que le site de Tell
done d'accord avec la seconde categoric des textes Rotab reroplit toutes [les conditions pour qu'on puisse
957 RAMESSES 958
y reconnaitre la Ramesses biblique, la ville sceur de de Per-Ramses, ni aucun vestige de greniers. Petrie,
Phithom, toutes les deux baties par les Hebreux. Ram- Joe. cit., p. 31, nous dit bien que sur un montant de
ses II y avait son temple. La stele de granit rouge, par porte tombale, remploye plus tard dans une construc-
1'allusion aux villes baties a son nom, suggere que tion de la ville, se lit 1'inscription d'un prepose aux
nous sommes en presence d'une de ces villes, c'est-a-dire greniers. Mais le mot qu'il traduit par « greniers » est
de Ra'amses. Le groupe de Turn et de Ramses II est visiblement, d'apres la pi. xxxi : , Khast, <•> terres
probablement celui que sainte Silvie vit encore debout
vers 385 : Nunc ibi (au site qu'on lui indiqua comme frontieres, desert, pays etranger », et non , she-
etant celui de Ramses) nihil aliud est, nisi tantum nut, « greniers ». Nous n'avons la qu'un surintendant
unus lapis ingens thebeus in quo sunt dusa statuse ex- des frontieres. Toutefois, en acceptant,d'un cote, qu'au-
cisse, ingentes, quas dicunt esse sanctorum hominum, cun autre 'site non identifie a 1'ouest de Phithom ne
id est Moysi et Aaron. Itinera hierosolymitana sse- renferme de monuments de Ramses II; etant donne, de
nif dans Corpus scriptorum ecclesiasticorum 1'autre, que Tell Rotab est au voisinage de Phithom,.
latinorum, t. xxxvm, Vienne, 1898, p. 48. A son tour, que la premiere station des Hebreux est dans la region*
nous [1'avons vu, Ramses III s'occupa de cette localite de Socoth ou Thukut, quelque part entre Tell el Mas-
et justement, dans un texte de son predecesseur qu'il khouta et le lac Tirnsah, Tell Rotab demeure 1'empla-
s'appropria et fit graver a Medinet Habou, Ptah le glo- cement le plus probable de la Ramesses biblique.
rifie d'avoir « construit une residence grande et ma- C. LAGIER.
gnifique pour affermir les frontieres de 1'Egypte, la ville 2. RAMESSES, district d'Egypte. La region qui est
de Ramses, le grand tresor de 1'Egypte... » Le dieu appelee Gessen, Gen., XLV, 10; XLVI, 1, 4, 6, est aussi
ajoute : « Ta Majeste est etablie dans le palais, f y ai appelee terre de Ramesses, XLVH, 11. Ces deux noms-
bdtiune enceinte qui est ma demeure... » Naville, Le semblent done etre synonymies. La seconde appellation
decret de Ptah Totunen, loc. cit., lig. 23, qui repond n'est certainement pas contemporaine de Jacob, mais
a la lig. 16 du texte de Ramses II, texte qu'elle pre- elle est contemporaine de Moi'se eVil^'en sert tout na-
cise peut-etre, nous permettant de 1'appliquer a Tell turellement par un procede familier aux^ historiens en
Rotab. La viendrait aussi un autre texte, Papyrus pareil cas. On peut se demander ici si la terre tire son-
Han~is, pi. LX, lig. 2, ou Ramses III dit : « J'ai eleve nom de la ville. Ce n'est guere probable, car la ville de
un grand temple, travaillant a 1'agrandir, dans la de- Ramesses n'etait pas le centre administratif de la pro-
meure de Soutek de Ramses-Miamon. » II faut 1'avouer, vince. II faut plutot prendre Ramesses dans son sens-
toutes ces preuves restent fragiles : les textes de original, comme etant sans intermediaire le nom royal
Ramses III ne s'imposent pas absolument pour Tell de celui qui colonisa 1'ouadi Toumilat, en lit son O3uvre,
Rotab; ceux de Ramses II pourraient se lire dans n'im- y etablit sa residence preferee, et le remplit de monu-
porte quel point de 1'ouadi restaure par lui; a Tell ments a son nom; c'etait vraiment sa terre : la terre de-
Rolab nulle part jusqu'ici ne s'est rencontre le nom Ramses II. Cf. Naville, Goshen, p. 18-19. On peut se-
959 RAMESSES — R A M O T H - G A L A A D 960
demander encore si Gessen et terre de Harrises sont cines rum et rd'm, ayant tputes deux la meme signi-
d'une synonymic pleinement correspondante. M. Na- fication d' « etre eleve »), nom de plusieurs localites
ville, loc. cit., p. 14-19, ne le pense pas. II borne la de la terre d'Israel, ge"neralement distinguees les unes
terre de Gessen au triangle compris entre les villages des autres par un complement. On le trouve seul pour
de Saft, Relbeis et Tell el-Kebir, ce qui fut plus tard designer la ville d'Issachar nommee aussi Jaramoth
le XXe nome, le nome Arabia, « L'expression — terre et Rameth. Voir les articles qui leur sont consacres.
de Ramses — s'applique, dit-il, p. 20, a une aire plus Cette forme Rameth et les singuliers Rdmdh, en cons-
vaste et couvre cette partie du Delia qui s'etend a 1'est truction Rdmat, employes aussi, Jos., xm, 26; xix, 8;
de la branche tanitique, contree que Ramses II dota II Sam. (Reg.j, xxx, 29; II (IV) Reg., vni, 29, pour
d'innombrables monuments d'architecture, et qui cor- designer les villes appelees encore Rdmot, permettent
respond a la province actuelle de Sharkieh. » Peut-etre de supposer que ce mot est plutot une prononciation
est-ce pousser un peu loin la conjecture. Voir Vigou- particuliere de Rdmat, qu'un pluriel.
roux, La Bible et les decouvertes modernes, 6e edit.,
1896, t. ii, p. 215-287; W. M. Miiller, art. Rameses, 1. RAMOTH (hebreu : Rdmot; Seplante :
dans Cheyne-B.lack, Encyclopedia biblica, 1899-1902, nom dans I Par., vi, 73 (hebreu, 58), dela ville d'Issa-
t. iv, col. 4012-4014; Brugsch, outre ses autres ouvrages char appelee Jaramoth dans Josue, xxi, 29. Voir JARA-
cites au cours de 1'article, Steinschrift tind Bibelwort, MOTH, t. in, col. 1128.
1891, p. 154 sq.; Ebers, art. Ramses, dans Riehm,
Handworterbuch des biblischen Alterlums, 2e edit., 2. RAMOTH (hebreu : Yerdmot ; Septante : '
1893-1894, p. 1254. C. LAGIER. un c des fils de Bani » qui avail epouse une femme
etrangere et qui fut oblige de la repudier par ordre
RAMETH (hebreu : Kernel; Septante, Vaticanus : d'Esdras. I Esd., x, 29.
Pe(j.|j.dt;; Alexandrinus : 'Pap.a6), ville de la tribu
d'Issachar. Jos., xix, 21. C'est la localite appelee RAMOTH-GALAAD (hebreu : Rdmot-GiVdd,
Jaramoth, Jos., xxi, 59, et Ramoth, I Par., vi, 33 II (IV) Reg., iv, 13, etc., ordinairement; Rdmot bag-
(hebreu, 58). Selon le rabbin J. Schwarz, c'est Rama- Gil'dd, Deut., iv, 43; Jos., xx, 8; 1 Par., vi, 65; une
thaim-Sophim et il 1'identifie avec er-Rdmeh, village fois Rdmdh soul, II (IV) Reg., vin, 29; Septante :
situ6 a 1'ouest de Sdnour et au nord de Sebastieh 'Pa^wS PaXaaS; 'Pa[xw6 ev TVJ FaXaaS; variantes fre-
(Samarie). Tebuoth ha-Arez, edit. Luncz, Jerusalem, quentes : cPai;.[xw9, 'PsfAwO 'P£(ip.w9; parfois : cPa;j-69,
1900, p. 191-193. Voir RAMATHAIM-SOPHIM et JAROMOTH, TajAjj-oS, 'Psp-oS, cP£jji.[xd(8 ; deux fois 'Pa^wO TTJ? Pa-
t. m, col. 1128. — Er-Rdmeh se trouve incontesta- XaaStri?, II Par., xvm, 2, 3; Vaticanus, Jos., xx, 8 :
blement dans le territoire de la tribu de Manasse et 'ApY][j.w9 ev T^ PaXaaS; Alexandrinus, Jos., xxi, 38 :
Rameth d'Issachar mentionnee avec Engannim, au- 'PafAwQ Iv y/i FaXaaS; la Vulgate transcrit ordinaire-
jourd'hui Djenin, doit se chercher non loin de cette ment Ramoth Galaad et Ramoth in Galaad. Deut.,
ville et sur une des hauteurs qui bordent le Merdj iv, 43; Jos., xx, 8 et xxi, 37; I Par., vi, 80. Rdmdh,
ibn 'Amer, 1'ancienne plaine de Jezrael cm Esdrelon. IV Reg., vin, 29, est rendu dans les Septante par TSJA-
La seule localite dont le nom a quelque rapport, ^w6 seul ou 'PajAooO et par Ramoth dans la Vulgate),
contestable toutefois, avec Rameth est Arraneh. On ville levitique et de refuge du pays de Galaad, au dela
peut supposer, a la rigueur, que *Ar est une transfor- du Jourdain, et de la tribu de Gad.
mation de Particle arabe; quanta Rdneh,i\ pourrait I. IDENTIFICATION. — Le Galaad ou se trouvait Ramoth,
e*tre une modification de Rameh on Rdmet, 'Arraneh au sentiment des Septante, de la Vulgate et des autres
est un petit village, avec des citernes antiques, entoure versions est la region de ce nom. Josephe 1'a en-
de plantations de figuiers et situe sur une colline tendu de merne et il rend 1'expression biblique par
calcaire peu elevee, a droite du chemih de Djenin a 'Apt{xa ou 'Apt^avov -CY\C FaXaSv^vtSv YTJS, Ant. jud.,
Zera'in, 1'ancienne Jezrael, a six kilometres au sud de IV, VII, 4; 'Apajx^Oa 716X1; iv T/J FaXao^v^, ibid., V1I1,
cette derniere et a quatre au nord de Djenin. xv, 3; uoXt? t?,? FaXoaotTioo?, IX, vi, 1. S'agirait-il de
L. HEIDET. la localite du meme nom, comme le veulent quclques
RAM EUR (hebreu : sdtim; Septante : xwTTYiXan)?; exegetes modernes, 1'indication serait equivalente,
Vulgate : remiges), celui qui fait avancer un navire a puisque e'est de la localite et du monument appeles
la rame, Le mot hebreu vient du verbe sut, « frapper Galaad, que la contree au dela du Jourdain a ete
avec un morceau de bois, ramer », sXa-jvetv, remigare; deoommee de meme. Cette derniere indication topo-
de la vient egalement le nom de la rame, sayit, mdsot, graphique « au dela du Jourdain, du cote du soleil le-
xwTn), remuSj longue et legere piece de bois au moyen vant » est d'ailleurs ajoutee trois fois. Deut., iv, 41 et
de laquelle le rameur appuie sur 1'eau pour faire avan- 43, et Jos., xx, 8. Quatre fois Ramoth-Galaad est for-
cer le bateau. Dans Jonas, I, 13, le travail du rameur mellement attribuee a la tribu de Gad. Deut. . )V, 43;
est indique par le verbe hdtar,« couperle flot, ramer ». Jos., xx,|8; xxi, 37 (hebreu et Septante, 38), et I Par.,
— Isai'e, xxxiii, 21, mentionneles naviresa rames. Dans vi, 80 (hebreu, 65). La situation particuliere de la ville.
sa description de la prosperite de Tyr, Ezechiel, xxvi, precisee moins clairement, est jusqu'aujourd'hui un
6, 8, 26, 29, dit que les rames etaient faites avec les sujet de controverse. — La tribu de Gad s'etendait
chdnes de Basan, que les habitants de Sidon et d'Arvad depuis Hesebon et la mcr Morte, au sud, jusqu'au lac
fournissaient les rameurs et que ceux qui manient la de Cenereth au nord, Deut., in, 16-17 ; Jos., xm, 25-
rame ont conduit Tyr sur les grandes eaux. — L'Evan- 27, sur une longueur d'environ cent kilometres, par-
gile parle deux fois des apotres ramant sur le lac de tagee en deux par le Jaboc : les interpretes disputent
Tiberiade par un gros temps. Marc., vi, 48; Joa., vi, pour savoir si Ramoth doit se chercher dans la partie
19. Voir NAVIGATION, NAVIRE, t. iv, col. 1494-1515, avec meridionale ou, au contraire, dans la partie septen-
les figures representant, sous difFerentes formes et en trionale.
differentes positions, des rames et des rameurs. Sur 1° Eusebe indique « Ramoth, ville sacerdotale de
les rames qui servent a gouverner, voir GOUVERNAIL, refuge, de la tribu de Gad, en Galaaditide, qui est
t. in, col. 282. H. LESETRE. maintenant a environ 15 milles (22 440 m.) de Phila-
delphie ('Amman), au eouchant, Ttpo; vunfidc;; » saint
RAMOTH (hebreu: ordinairement Rdmot, Rd'mot, Jerome la place, au contraire, « du cote de 1'Orient ,
Deut., iv, 43; Jos., xx, 8, et I Par., vi, 58 (Vulgate: 73), contra orientem. » Onomasticon, edit. Larsow et
pluriel de Rdmdh et Rd'mdh, a lieu haul », des ra- Parthey, Berlin, 1862, p. 308-309. Au mot Rammoth
961 RAMOTH-GALAAD 962
Galaad, tous les deux le disent« un village de la Peree Zerqa. Pour ces auteurs, Ramoth et Galaad sont deux
pres (Tcapa, juxta) du fleuve Jaboc.» Ibid., p. 314, B15. — noms d'une meme ville, dont le dernier survit dans
De ce que Ton ne pent chercher le territoire de Gad a les localites indiquees. Quelques autres le voient a
Test de 'Amman et se fondant sur le texte d'Eusebe, Djebel Os'a, a six kilometres au nord de Salt. Cf. Gese-
les savants identifientRamoth avecla yille actuelle d'es- nius, Thesaurus, GiVad, p. 290.; Buhl, Geographic des
Salt. AinsiKarlRitter,apresBurkhardt, Irby et Mangles, alien Paldstina, Fribourg, 1896, p. 262; J.-M. Lagrange,
Erdkunde von Asien, p. 1121, et carte de Palestine, Au deld du Jourdain (exlrait de la Science catholique),
Berlin, 1840; Graetz, Schauplatz der heiligen Schrift, Paris-Lyon, 1890, p. 21-23; GALAAD 5, t. in, col. 46;
in-8°, nouvelle edit., Ratisbonne, p. 442; Van de Velde, RAMOTH-MASPHE.
Map of the Holy Land, Gotha, 1865; H. Kiepert, Neue 2° Ces identifications et toutes les autres que Ton
Handkarte PalsestincCs, Berlin, 1875; Tristram, The pourrait proposer au sud du Jaboc, sont contestees par
Land of Israel, in-8°, Londres 1885, p. 550-555; d'autres interpretes et palestinologues, parce que selon
F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrege de toutes les donnees bibliques etplusieurs extra-bibliques,
la Terre^Sainte, in-8°, Paris 1877, p. 256; P. Sejourne, Ramoth de Galaad doit etre cherchee au nord de ce
dans Revue biblique, t. n, 1893, p. 228-232, et plu- fleuve. D'apres le Talmud de Babylone, Makkolh, 96,
sieurs autres. — Es-Salt ou es-Salt, ecrit encore es- les villes de refuge de la Transjordane etaient oppo-
Salt par les auteurs arabes, est situee a 25 kilometres sees aux villes de refuge de la region occidentale, et
environ au sud de Sa riviere ez-Zerqd, 1'ancien Jaboc, Ramoth-Galaad, faisait face a Sichem. Se fondant sur
et a 23 ou 24 a 1'ouest-nord-ouest de 'Amman. Entouree cette indication et le mot du Midras, Samuel, xin :
de montagnes et batie en grande partie sur les pentes « Geras c'est Galaad, » le Dr Sepp, qui voit aussi dans
d'un mont de 835 metres d'altitude dont le somrnet Galaad et Ramoth deux noms de la rneme ville, la re-
est couronne des restes d'un ancien chateau-fort, nulle connait dans Djeras. Cf. A. Neubauer, Geographie du
localite ne merite rnieux le nom de Ramah ou Ramoth Talmud, Paris, 1868, p. 55,250; R. von Riess, Biblische
(fig. 216). Le nom A'es-Salt semble venir du latin saltus, Geographie, Fribourg-en-Br., 1872, p,-76. Plusieurs la
« foret», et de 1'epoque de la domination romaine. Le cherchent aux alentours de Geras. Ibid. ^
Salt est aujourd'hui la capitale de la Belqa qui correspond Les membres de la Societe anglaise d'exploration de
assez exactemenf a la partie meridionale de 1'antique la Palestine proposent comme « probable » 1'identifica-
Galaad (fig. 217). La population du Salt est d'environ tion de Ramoth avec Reimun, village situe a sept ki-
douze mille habitants dont neuf mille sont mahome- lometres a 1'ouest de Djeras et a huit au nord du Jaboc.
tans et les autres Chretiens grecs et catholiques, avec Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres 1885, p. 158-
quelques protestants, la plupart de race arabe d'ori- 195; Armstrong, Names and places in the Old Testa-
gine bedouine, Cependant plusieurs explorateurs mo- ment, Londres, 1887, p. 144, etc. Le rabbin Schwarz
dernes preferent chercher Ramoth a Djil'ud ou remonte jusqu'au Qalat-Rabad, situe sur une haute
DjiVdd, localites a\ec ruines, au nord et au nord-est montagne voisine de 'Adjloun et d'ou Ton voit comme
tfes-Saltf et a six ou huit kilometres au sud de la en face le Garizim. Tebuoth lia-Arez, edit. Luncz,
WCT. DE LA BIBLE. V. - 31
RAMOTH-GALAAD 964
e
Jerusalem, 1900, p. 272. — Ces identifications ont le Vers la fin du xm siecle, on placait Ramoth presque
tort, suivant d'autres, quoique moins que les prece- a la hauteur de 1'exlremite meridionale du lac de
denles cherchant Ramoth au sud du Jaboc, de ne pas Genezareth ou Tiberiade et non loin des fronlieres orien-
tenir compte des indications particulieres de 1'Ecriture tales du pays d'Israel. Cf. Karte PalastincCs, c. 4300.,
sur cette ville. Ramoth, dont le nom precede, Jos.,xiu, dansZeilschrift des deutschen Palastina- Vereins, t.xiv,
26, celui de Maspha que Ton croit assezcommunement pi. 4. Dans cette situation, on rencontre aujourd'hui le
oppose au premier comme determinatif, n'est pas diffe- village A'er-Ranileh ou Ramtah (fig. 218) dont le nom
rente, suivant ces savants, de Ramoth en Galaad; or, est 1'equivalent de Rdniata', forme syriaque de Rdmah
dans le passage cite, Ramoth est designee comme ville et Rdmot. Situe sur les confins du Hauran, 1'ancien
frontiere nord-est de la tribu de Gad, opposee a Hese- Basan et du district de 'Adjlun, 1'ancien Galaad septen-
bon marquant la frontiere sud-est.Cf.M.Polus, Synopsis trional, e'ntre el-fjoson et ed-Der'ah, a dix kilometres
criticorum, t. r, col. 915. La frontiere septentrionale de au nord-est du premier, et a quinze au sud-est du
Gad, indiquee Jos., xin, 27, etant la mer de Cenereth, second et a environ 25 au nord de tell Masfah, decou-
Ramoth devait etre a peu pres a la meme latitude, et, vert naguere par M. Gotl. Schumacher, Ramteh pa-
pres de la frontiere meridionale de ManassJ oriental, rait repondre pour le mieux a toutes les indications
au sud de Basan, d'Argob et des Havoth Jair ou du Hau- bibliques. S'il est un peu loin pour justifier surement
ran actuel. Cf. Jos.,xm, 30. Cette situation estcontirmee, 1'appellation Ramoth-Maspha, il est a remarquer que
III Reg., iv, 13 : « Bengaber [residait] a Ramoth-Ga- celle-ci n'est pas certaine elle-meme et que cet eloi-
laad et avait les Havoth de Jair, fiJs de Manasse, en gnement justifierait la lecon de la Vulgate qui separe les
Galaad; il etait propose a toute la contree d'Argob, qui deuxnoms. VoirRAMOTH-MASPHE. Cette identification a
est en Basan, et aux soixante cites fortes et murees ete proposee, mais suivie des signes ?? et*,c'est-a-dire
ayant des verrous d'airain. » Pour etre le chef-lieu de tres timidement, pour Ramoth-Maspha, par Conder et
cette region Ramoth devait lui etre contigue : on ne Armstrong, lleth and Moab, p.178, elNames and Places,
peut done pas plus la chercher vers le sud ou au p. 143; elle a ete adoptee simplement par Luncz, dans
centre de la partie septentrionale de la tribu de Gad ThebuotH ha-Arez, p. 270, note *, et par Isr. Belkind,
qu'au sud du Jaboc : ce dernier quartier de"pendait de Sobremaennafa Palestina, in-8°, Odessa, 1903, p. 268.
Gaber ben-Uri et les autres, selon toute apparence, Er-Ramteh est un grand village de pres dedeuxmille
d'Ahinadab ben-Addo qui residait a Mahanai'm. Ibid., habitants, tous mahometans et fanatiques, etabli sur
14, 19. Le fait de 1'occupation de Ramoth par les Sy- une large colline calcaire perforee de citernes antiques
riens, III Reg., xxn, et celui de Joram, blesse sous Ra- et de grottes.Xes habitations, a toit plat, sontsouvent
moth allant se faire soigner a Jezrael, suppose egale- baties avec de belles pierres en basalte qui paraissent
ment cette ville au nord du Jaboc et sur la frontiere provenir de constructions anciennes. Les terres des
nord-est du pays de Galaad proprement dit et de Gad. — alentours sont planes et fertiles, mais sansaucun arbre.
965 RAMOTH-GALAAD — RAMOTH-MASPHE 966
Cf. G. Schumacher, Das sudliche Basan, in-8°, Leipzig, chargea le fils d'un des prophetes d'aller a Ramoth-
1898, p. 66-67. Galaad sacrer Jehu roi, pour accomplir la vengeance du
3° Histoire. — Ramoth en Galaad fut une des trois Seigneur centre la maisou d'Achab. Le jeune homme
villes de la Transjordane designee par Moi'se pour ville trouva les chefs de 1'armee reunis et, suivant 1'ordre
de refuge. Deut., iv, 43, Jos., xx. 8; xxi, 31. Elle avail recu, appela Jehu a part. II repandit sur la t£te de celui-
ete conquise sur le roi Og et fut assignee aux levites ci la fiole d'huile qu'il avail apportee, le salua roid'Israel
de la famille de Merari, Jos., xxi, 37 (hebreu: 38); cf. au nom du Seigneur, et s'enfuit de la ville. Instruits du
XIIT, 30-31. — Salomon fit de Ramoth le siege d'un des fait, les collegues de Jehu elendirent leurs vetements
douze prefets charges de fournir pour un mois la mai- sous ses pieds et au son des trompettes le proclamerent
son royale de vivres. Ill Reg., iv, 13. Le fait que Ben- roi. Jehu prit soin que personne ne put sortir de la ville
gaber charge de cette fonction Texercait sur Basan et pour aller annoncer 1'evenement, avant que lui-meme
les villes de Jai'r, c'est-a-dire sur la tribu orientale de n'arrivat a Jezrael. IV Reg., ix, 1-15. Cf. F. Vigouroux,
Manasse, montre que cette ville, bien qu'assignee a la La Bible et les decouvertes nwdernes, 6e ^dit., t. in,
tribu de Gad, avail ete occupee par les Manassites. — p. 479. — Ramoth de Galaad dut subir plus tard le sort
Les rois arameens de Damas, profitant sans doute des de toutes les autres villes de cette region tombee entre
perturbations survenues en Israel apres le schisme, les mains de Teglathphalasar, roi d'Assyrie. IV Reg.,
s'etaient empares de Ramoth. Le roi Achab forma le xv, 29. — Elle est sans doute aussi une des villes fortes
projet de la reprendre. Malgre 1'avis du prophete Michee, et grandes dont s'emparerent sur leurs adversaires,
fils de Jemla, lui annoncant 1'insucces de Pentreprise apres la prise de Bosorel deMaspha, Juda Machabee et
et safin* le roi d'Israel marcha contre Ramoth, accom- son frere Jonathas, dans leur expedition en Galaditide.
pagne du roi de Juda, Josaphat, qu'il avait entraine I Mach., v, 26-36. Elle n'est cependant plus designee
en cette expedition. Blesse mortellement dans un com- en parliculier. L. HEIDET.
bat, des le commencement de 1'action, Achab mourut
vers le soir, sur son char, devant Ramolh. L'armee fut RAMOTH-MASPHE (hebreu : Rdmaf ham-Mis-
dissoute et 1'entreprise abandonnee. Ill Reg., xxn; peh, « Rama de Masphe »; Septante, Vaticanus : *Apa-
II Par., xvni. Joram, fils d'Achab et son second suc- 6wf) y.aTa Tr,v Ma<ja-r,:pa; Alexandrinus : 'PajjiwQ xa-ra
cesseur, reprit le dessein de son pere. Assiste d'Ocho- TT^V Maa-cpi, « Ramoth pres de Maspha »; la Vulgate
zias, roi de Juda, fils de sa soeur Athalie et petit-fils de separe les deux noms : Ramoth, Masphe), appellation
Josaphat, il arracha Ramoth aux Syriens. Blesse dans mentionnee sous cette forme une seule fois par Jos.,
un combat contre ceux-ci et leur roi Haza^l, Joram xin, 26, decrivant les liraites de la tribu de Gad en Ga-
descendit a Jesrael pour se faire soigner, laissaut la laad. Mais s'agit-il ici d'une viile a double vocable?
ville a la garde de ses officiers dont Jehu semble avoir s'agit-il, au contraire, de deux localites dilferentes et
ete le principal. IV Reg., vm, 28-29; cf. Josephe, Ant. ces deux localites sont-elles directement citees ou seu-
jud., IX, vi, 1. Sur ces entrefaites, le prophete Elisee lement Ramoth, au nom de laquelle le norn de Masphe
967 R A M O T H - M A S P H E — RAMSES II 968
est appose.pour la distinguer des autres Ramoth ? trop contestables, suivant eux, pour qu'on puisse en tenir
Cette Ramoth est-elle la meme que Ramoth en Galaad compte. Meme en supposant qu'il faille lire Ramoth de
ou est-elle differente ? Les interpretes sont partages de Masphe, les deux vocables ne prouvent pas plus deux
sentiment. villes differentes que ne le feraient, par exemple, les
1° Pour plusieurs, Ramoth-Masphe est urie double deux noms de Bethlehem-Ephrata et Bethlehem de Juda,
appellation d'une m6me localite, comme Bethlehem- auxquels on pourrait joindre encore Bethlehem de, ou
Ephrata : 1'identite de signification des noms et de la pres de Jerusalem : une meme ville peut etre determi-
situation geographique paraissent les motifs sur les- nee de manieres diverses. La vocalisation differente
quels se fonde cette opinion. Un grand nombretiennent peut etre le fait des copistes. Les Massoretes d'ailleurs
en outre, pour une seule et meme localite Ramoth-Mas- ont souvent ponctue difleremment le nom de la meme
ph6 et Ramoth de Galaad, a cause de 1'identite de site ville : aiiisi Ramoth d'Issachar est aussi vocalisee Re-
des villes de Masphee et de Galaad. Voir t. in, col. 45- met et Yarmuf, et les Septante et le traducteur de la
47 et t. IV, col. 833 et 849. La plupart des partisans de Vulgate le pronoucent encore tout autrement. II n'y a
cette opinion identifient Ramoth-Masphe de Galaad avec done pas de raison solide pour soutenir la distinction; il
la ville actuelle A'es-Salt. Cf. Gesenius, Thesaurus, y eh a pour 1'unite. S'il y eut dans la Transjordane ou
p, 1179; F. de Saulcy, Dictionnaire topographique en Galaad deux Ramoth,que Ton eut pu confondre, ce
abrege de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 222 et 256; n'elait pas en apposant a 1'une le norn de Galaad qu'on
R. von Riess, Biblische Geographic, 1872, p. 64, 79. — pouvait les caracteriser : il n'y en a done qu'une seule
Le rabbin Schwarz admet 1'identite de Ramoth et de que Ton distingue d'avec les Ramoth de la Cisjor-
Masphe, avec 1'identitication precedente; mais il dis- dane. Les indications topographiques donnees pour Ra-
tingue Ramoth-Masphe de Ramoth de Galaad qu'il place moth de Galaad sont les memes d'ailleurs que celles-
au Qala'at er-Rabad, pres d'Adjloun, au nord du Jaboc. indiquees pour Ramoth nommee avec Masphe. Voir RA-
Tebuoth ha-Arez, edit. Luncz, 1800, p. 269-270; cf. p. 95, MOTH-GA.LAAD. L. KEIDET.
272. — D'autres au contraire preferent chercher cette
derniere au sud du Jaboc et Ramoth-Masphe au nord RAMOTH-NEG^B (hebreu : Rdmdt-Negeb; Sep-
de cette riviere. Cf. Buhl, Geographic des alten Palas- tante : Ta[j.oc VOTOU'; Alexandrinus : Ta;Aa6; Vulgate :
tina, 1896, p, 261-262. Ramoth ad meridiem, « Ramoth du midi »), localite
2°. Le plus grand nombre des commentateurs, avec situee dans la region la plus meridionale du pays d'lsrael,
la Septante, la Vulgate et la plupart des versions, tien- ou David envoya de Siceleg une part du butin fait sur
nent pour distinctes, Ramoth et Masphe. D'entre ceux- les Amalecites. C'est sans doute la meme localite appelee
ci, les uns, se fondant sur la vocalisation des Mas- dans Josue, xix, 8, Ramat-Negeb. Voir BAALATH BEER
soretes, sur 1'interpretation des Septante et d'autres RAMATH, t. I, col. 1324.
versions, considerent ici Masphe comme un simple
complement distinctif de Ramoth. Pour d'autres, si les RAMS&S II, roi d'Egypte ;(fig. 219; voir aussi t. i,
Septante peuvent attester la distinction entre Ramoth fig. 436, col. 1427; t. n, fig. 535, col. 1617). Le pharaon,
et Masphe, leur traduction, en donnant cette significa-
tion au nom en question, n'est plus qu'une interpreta-
tion. II n'y avait dans le cas present aucune raison de
distinguer Ramoth deja suffisamment determined par
le contexte; c'est d'ailleurs toujours par 1'apposition du
nom de Galaad que les auteurs sacres Pont distinguee
quand il a ete necessaire. Par consequent, d'apres ces
commentateurs, il n'y a aucune relation entre Ramoth
et Masphe, et celle-ci est citee comme ville frontiere de
Gad, de la meme maniere que Ramoth et Retonim. —
Parmi ces interpretes il en est pour qui cette Ramoth
est elle-meme distincte de Ramoth en Galaad. Une
raison, pour un certain nombre de ceux-ci, c'est la ne-
cessite de chercher Ramoth nominee avec Masphe non
loin de celle-ci, laquelle, d'apres 1'Ecriture, se trou-
vait au nord du Jaboc, tandis que Ramoth de Galaad,
d'apres VOnomasticon, etait au sud de cette riviere. La
principale raison pour tous ceux qui soutiennent la dis-
tinction entre Ramoth-Masphe et Ramoth en Galaad,
c'est la difference de ces appellations et celle de la voca-
lisation de Tune et de 1'autre, la premiere etant Rdmat
et 1'autre Rdmot. Cl. R. Conder suppose que Reimfin,
a cinq kilometres au sud-ouest de Suf, qui est pour lui
Masphe, pourrait etre RaniDth de Galaad et propose
Remthe, situe a trente-cinq kilometres au nord-est du
meme, pour Ramoth-Masphe.'Hef/i and Moab, Londres,
1885, p. 178-182. Cf. Armstrong, Names and Places in
the Old Testament, Londres, 1887, p. 143. Plus genera-
lenient on place Ramoth de Galaad au sud de la Zerqa, 219. — Ramses II. Granit noir. Musee de Turin.
1'ancien Jaboc, au Salt a Djilad ou ailleurs, et 1'on
cherche Ramoth-Masphe dans quelque localite au nord a la cour duquel fut eleve Moiise, Exod., ir, 10, est un
du Jaboc, plus ou moins voisine du lieu choisi pour Ramses. II donne son nom a une ville que les He-
Maspha. Voir Buhl, loc. cit. breux batissent au prix des plus dures corvees. Exod.,
3° Cependant, parmi les interpretes qui voient dans 1,11. Cette ville fut le t pointde depart de 1'Exode. Exod.,
Ramoth et Masphe deux localites completement dis- xn, 37; Num., xxxm, 3, 5. Le texte des Septante la
tinctes, plusieurs se refusent a reconnaitre deux Ramoth mentionne dans Judith, i, 9. A son tour cette ville
dans la Transjordane. Les indications de I'Onomasticon, donne son nom a la region qui en depend, Gen., XLVII,
sur ce point, sont trop contradictoires, trop obscures, 11; a moins que cette region ne tire directement son
969 RAMSES II 970
appellation de celui qui la colonisa avec predilection gique, t. m, p. 149; Breasted, loc. cit., p. 136. Une
«t en fit urie terre administree. Ce Ramses est vrai- bataille decisive a lieu en 1'an V sous les murs de
semblablement Ramses II, celui dorit les cartouches Kadesch. Separedu gros de son armee et surpris par les
s'etalent a peu pres sur toutes les ruines de FEgypte, Hetheens, Ramses II court un moment les plus grands
u
de la seconde cataracte aux bouches du Nil : dangers, mais grace a sa valeur personnelle il tient
°
Ramessu ou Ramses Meri-Amon ou Miamon, ouser
•maat rd sotep en rd « Ra 1'a enfante, Faime d'Amon,
tete a 1'ennemi et, ses legions survenant, le jette dans
1'Oronte. Voir CEDES 2, t. n, fig. 114, col. 367. Cf. Mas-
pero, loc. cit., p. 395-398; Breasted, loc. cit., p. 135-142.
Le bulletin officiel de la bataille et les tableaux de
ses phases diverses, au Ramesseum, premier et second
riche de la verite de Ra, Pelu de Ra. » De la premiere pylone, a Louxor, a Ibsamboul, souvent reproduits, Pont
partie de son prenom, Ouser maat rd, les Grecs firent ete de nouveau par Breasted, The battle of Kadesh,
Osymandias. Autour d'un des surnoms de sa jeunesse, Chicago, 1903. Cf. Ancient records of Egypt, loc. cit.,
Sesturi ou Sessurl, 1'imagination populaire et surtout p. 142-157. De ce choc les deux partis restent epuises et
la litterature grecque grouperent plus tard les elements il s'ensuit une treve tacite, laissant les choses au me'ine
dont se compose le roman ou la Geste de Sesostris. point qu'avant la guerre. Peu apres, et sans doute a
Cf. Maspero, La geste de Sesostris, dans le Journal des 1'instigation des Hetheens, la Palestine est en pleine
savants, 1901, p. 593-609, 665-683. Nous ne prendrons revolte. Ramses assiege etprend Ascalon. Voir ASCA.LON,
de sa vie, telle qu'elle ressort des monuments, que t. i, fig. 286, col. 1061. Cf. Champollion, Notices des-
le.3 fails pouvant eclairer nos conclusions. criptives, t. u, p. 195;Lepsius, Denkmaler, in, pi. 145c.
I. SES GUTERRES. — D'apres une chronologic approxi- En 1'an VIII, il enleve Dapour pres du Thabor et vingt-
mative et recue d'un grand nombre, mais contestable, trois autres villes de la Galilee. Lepsius, Denkmaler,
voir CHRONOLOGIE, t. 11, col. 721, Ramses II regna de t. in, pi. 156; Mariette, Voyage dans la Eaute-Egypte,
1292 a 1225 avant J.-C. Dans une stele d' Abydos, Ram- 1893, t. n, pi. 59 et p. 221. Cf. W. M. Miiller, "Asien
ses IV de la XXe dynastie se souhaite a lui-meme les und Europa nach altagyptischen Denkmalern, 1893,
soixante-sept annees de Ramses II. Mariette, Abydos, p. 220-222; Maspero, loc. cit., p. 400, n. 1. C'est peut-
t. u, 1880, pi. 34-25, -lig. 23-24. Etdans ces soixante-sept etre a cette occasion qu'il retablit 1'influence egyptienne
annees n'entrent pas les annees de co-regence avec son au dela du Jourdain, dans le Hauran, influence attestee
pere Seti Ier. Si, en effet, dans la Grande Inscription par un monument connu sous le nom de Pierre de
d' Abydos, Mariette, loe. cit., t. i, 1870, pi. 1, lig. 47-48, Job. Cette oeuvre d'un representant du pharaon se trouve
Ramses II nous dit Iui-m6me qu'il etait encore « un au village moderne de Sahadieh, a Test du lac de Gene-
enfant dans les bras de son pere » lorsque celui-ci sareth. Schumacher, Der Hiobstein, Sachrat Eijub, im
s'ecria : « Qu'il receive la couronne royale pour que, Hauran, dans Zeitschrift des Deutschen Palastina-
moi vivant avec lui, je le voie dans sa splendeur; » si, Vereins, t. xiv, 1891, p. 142; Erman, Der Hiobstein,
d'autre part, danslaSitete deKouban, Prisse d'Avennes, ib., t. xv, 1892, p. 210-211. La guerre reprit ensuite de
Monuments egypliens, pi. xxi, lig. 16-17; cf. Chabas, plus belle contre les Hetheens. II y eut la, semble-t-il,
Les Inscriptions des mines d'or, 1862, p. 24-25, il se cinq annees de lutte. Tounip, aux environs d'Alep, est
vanfe d'avoir occupe une situation officielle et com- prise, Fragment du Ramesseum, dans Champollion,
mande les armees des 1'age de dix ans; toutefois il ne Notices descriptives, t. i, p. 888, la Mesopotamie enva-
date que de Tan I les faits qui suivirent immediate- hie avec toute le vallee de 1'Oronte, et Babylone,Assur
ment la mort de Seti I er . Grande inscription d' Abydos, et Cypre envoient des presents au pharaon. Mariette,
lig. 22, 26, 72. Cf. Maspero, La grande inscription Kdrnak, pi, 38; Abydos, t. u. pi. 2et p. 13. Cf. Breas-
d' Abydos et la jeunesse de Sesostris,,1869, p. 14, 17, 48. ted, Ancient records of Egypt, \. HI, p. 161-162. Sur
Reste seul maitre du trone, . il se trouvait a la tete ces entrefaites, Khetasar avait succede a son frere Mou-
d'une Egypte tranquille au sud et au nord. Son pouvoir talou. De part et d'autre le besoin de la paix se faisait
s'exercait en Asie sur la peninsule sinai'tique, les oasis sentir, et peut-etre 1'Hetheen eprouvait-il la necessite
Au desert d'Arabie, la cote phenicienne proprement de recueillir ses forces contre FAssyrien menagant. En
<lite, la Palestine, et son influence se faisait plus ou 1'an XXI, son.envoye apporta au pharaon, dans laville
moins sentir jusqu'aux sources du Litany et de 1'Oronte. de Harnesses, ecrit sur une tablette d'argent, un traite
Traite des Hetheens avec Ramses II, dans Brugsch, d'alliance offensive et defensive. Les choses en Asie
Recueil de monuments, t. i, 1862, pi. xxvin, lig. 5-7, etaient remises au point ou les avait trouvees Ramses II
ou il est fait allusion a un traite ancien et qu'on ne a son avenement : 1'Egypte gardait la possession tran-
fait que renouveler. Cf. Maspero, Bistoire ancienne quille de la Palestine et de la Peree transjordanienne,
des peuples de VOrient classique, t. n, 1897, p. 372, dela Pheniciemeridionale,Tyr et Sidonjusqu'au Nahr
403. On est loin toutefois de Fepoque ou Thothmes III el-Kelb, d'ou une ligne allant couper la « Coelesyrie en
erigeait ses steles au bord de 1'Euphrate. Mariette, diagonale,du nord-ouest au sud-ouest, jusqu'a la pointe
Kamak, 1875, pi. xm, lig. 17-18; E. de Rouge, Notice de FHermon, » Maspero, loc. cit., t. u, p. 278, marquait
de quelques fragments de V inscription de Karnak, probablement la frontiere entre les allies. Voir Maspero,
1860, p. 17-18, 24-26. Et les Khetas, les Hetheens de la loc. cit.,p. 401-404; W. M, Muller, Der Bundnissvertrag
Bible, restent a craindre. Constitues en une puissante Ramses 11 und des Chetiterkonigs, 1902; Breasted,
confederation, repandus de la Commagene a 1'Oronte, loc. cit., p. 163-174. Les quarante-six dernieres annees
tenant les villes de Carchamis sur 1'Euphrate, de de Ramses II se passerent dans un&|»aTx profonde.
Kadesch sur le haut Oronte, de Khaloupou (Alep) et II. SES CONSTRUCTIONS ET SES TRA.VAUX'D'UTILITE PU-
Hamath, ils avancent sans cesse dans la Coelesyrie et BLIQUE. — La guerre asiatique, loin d'interrompre les
intriguent contre les possessions egyptiennes. Aussi des grandes constructions, leur fournit des milliers de
1'an IV Ramses II pousse une pointe jusqu'au nord de bras dans la personne des captifs. Ramses II avait
Beyrouth, a Fembouchure du Nahr el-Kelb, le Lycus poursuivi Fachevement des travaux commences parson
des anciens. II y grave sur les rochers ses steles triom- pere a Karnak, a Qournah et dans Abydos en s'y reser-
phales. Lepsius, Denkmaler, t. in, pi. 197 a-c. La stele b vant une place considerable; partout ses propres mo-
norte clairement la date de 1'an IV. Breasted, Ancient numents sortaient de terre; il les multiplia encore
Records of Egypt, t. HI, 1906, p. 125. Mais le prince pendant la paix, s'appropriant dans une large mesure
des Hetheens, Moutalou, veut I'arr&er. J. de Rouge, colosses, obelisques, tout ce qui dans Tceuvre de ses
Poeme de Pentaour, lig. 1-3, dans Revue egyptolo- predecesseurs etait a sa convenance. Les temples an-
971 RAMSfiS II
ciens eux-memes servirent de carriere a ses ouvriers. et que c'est lui peut-£tre le « roi nouveau qui ne con-
Cf. entre auires, Quibell, The Ramesseum, 1896, naissait pas Joseph, » puisque c'est sous lui, Ram-
pi. xi et p. 15; pi. xni et p. 16. Voir dans Maspero, ses II etont deja son associe au trone, que recom-
loc. cit., p. 408-423, le tableau de ses principales en- mencent en Egypte les grands trayaux, et que des
treprises d'Ibsamboul a Memphis, en passant par Derr, lors la corvee devient rigoureuse. En second lieu,
Es-Seboua, Kouban, Gerf-Hossein, Beit-Oually en 1'arrivee de Jacob en Egypte a la derniere periode
Nubie; par les deux rives de Thebes, par Aftydos et des Hyksos nous est attestee par une tradition cons-
Heracleopolis. Jamais la tievre des constructions co- tante, voir JOSEPH, t. in, col. 1657, PHARAON 3,
lossales ne fut si intense, jamais si nombreux les bras col. 196-197, et 1'avis des egyptologues, quel que soit
reduits a la corvee par « le roi magon par excellence. » leur sentiment sur 1'oppresseur et sur 1'Exode, est
Le Delta oriental surtout attira son attention et toutes unanime sur ce point. Maspero, loc. cit., t. II, p. 71
les cites qui en faisaient partie, « Heliopolis, Bubaste, et n. 2; Erman, Zur Chronologie der Hyksos, dans
Athribis, Patoumou, Mendes, Tell-Mokhdam.., forment Zeitschrift fur agyptische Sprache, t. xvni, 1880,
comme un musee dont chaque piece rappelle son acli- p. 125-127; Lieblein, The Exodus of the Hebrews,
vite... II fit de Tanis une troisieme capitale, compa- loc. cit., p. 217; Spiegelberg, Der Aufenlhalt Israels
rable a Memphis et a Thebes... II releva le temple et inAegypten, Strasbourg, 1904, p. 13, etc. En troisieme
y ajouta des ailes qui en triplerent 1'etendue... son nom lieu, 1'Exode dans les premieres annees de Menephtah
y encombre les murailles, les steles renversees, les fut d'abord admise a peu pres generalement par les
obelisques couches dans la poussiere, les images de premiers egyptologues. E, de Rouge, Exatnen critique
ses predecesseurs qu'il usurpa. Un geant de gres sta- de I'ouvrage de M. le chevalier de Bunsen, 1846-1847,
tuaire, assis comme celui du Rarnesseum, s'echappait dans CEuvres diverses, t. i, 1907, p. 165 (Bfbliotheque
de la cour maitresse et semblait planer haut par des- egyptologique, t. xxi), et Moise et les monuments
sus le tumulte [des ^constructions. » Maspero, loc. cit., egyptiens, dans Annales de la philosophic chretienne,
p. 423-424 el notes. C'est la que se trouvait la fameuse 6e serie, t. i, p. 165-173; Chabas, Recherches pour ser-
Stele de Van 400 decouverte par Mariette et publiee par vir a I'histoire de I'Egypte sous la XlXe dynastie et
lui dans la Revue archeologique, nouvelle serie, t. xi, specialement a celle du temps de VExode, 1873,
1865, pi. iv et p. 169-190. Ramses II colonisa speciale- p. 139 sq.; Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 581-
ment Fouadi Toumilat. Outre Pitum, voir PHITHOM, 584; Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 1872, p. 139, etc.
col. 323-324, tous les tells environnants, Sopt, Rotab, Mais si aujourd'hui beaucoup retiennent cette opinion,
Kantir, Khataaneh, Fakous et Horbeit rendent ses sta- Petrie, Egypt and Israel, dans Contemporary Review,
tues et ses cartouches. Naville, The shrine of'Saft el- mai 1896, p. 6n-62,7; Spiegelberg, loc. cit.; Sayce,
Henneh and the Land of Goshen, 1887, p. 18 (me- The Egypt of the Hebrews, 3e edit., 1902, p. 91-100, etc.,
moire V de YEgypt Exploration Fund). On les a un certain nombre d'autres la rejettent a la suite de
retrouves encore sur le bord du lac Timsah, au pied Lieblein. Nous y reviendrons. Pour le moment, et quoi
du Djebel Maryam, la ou Naville, The Store city of Pi- qu'il en soit, il est a remarquer que les 430 ans du
thom, 4e edit., 1903, p. 25, n'avait vu qu'un emplace- sejour des Hebreux en Egypte confirment 1'opinion
ment romain. Au prealable, Ramses avait canalise traditionnelle. Cette duree remplit en effet tout Tespace
1'ouadi. C'est sur ce fait que s'appuyerent les auteurs compris entre Menephtah et les derniers Hyksos,
classiques/Aristote, Meteorol., i, 14, Strabon, i, 1, 31, 1225-1655. Et ceci nous ramene pour 1'oppression au
Pline, H. N., vi, 29, 165, pour lui preter 1'intention predecesseur de Menephtah, a Ramses II. La Stele de
d'avoir voulu etablir la communication entre le Nil et Van 400 nous y ramene egalement. Elle nous apprend
la mer Rouge, intention, disent-ils, qu'il ne put rea- que Ramses II depecha son vizir Seti a Tanis avec
liser, comme le fit plus tard.Nechao. Herodote, n, 158. Tordre d'y eriger une stele en 1'honneur de S^ti Ier.
II releva ou agrandit les posies fortifies qui comman- Le vizir en prit occasion.de faire sienne la stele, y gra-
daient a Test du Nil les debouches par ou les nomades vant ses prieres au-dessous du protocole de son
menacaient les plaines du Delta oriental. II en cons- maitre et la datant de la 400e annee d'un roi Hyksos,
truisit de nouveaux. Et c'est encore ce qui lui valut la Aapehetiset-Noubti. Malheureusement 1'annee de Ram-
reputation d'avoir etabli cette ligne de defense, Diodore, ses n'y figure pas et 1'on ne peut que conjecturer
i, 57, ligne qui datait de 1'Ancien Empire. Cf. Maspero, d'apresles430ans du sejour en Egypte, que Ferection de
loc. cit., t. i, p. 351-352, 469; t. n, p. 122, 409. la stele eut lieu vers Tan XL de ce pharaon. En tout
III. RAMSES ET LES HEBREUX. — Si le chiffre de cas, la periode designee par 1'an 400 cadre avec nos
430 ans de 1'hebreu et de la Vulgate, Exod., I, 11, doit autres donnees. Parl'un de ses extremes elle nous con-
etre accepte pour le sejour des Hebreux en Egypte; si duit aux Hyksos egyptianises, car on ne peut supposer
leur arrivee est a placer sous les Hyksos egyptianises; que Noubti servant de point de depart a une ere ne soit
si 1'Exode s'est accompli sous Menephlah, ou meme un un de ceux-la; par 1'autre, elle nous fait tomber en
peu apres lui, comme le veut Maspero, loc. cit., t. n, pleine oppression des Hebreux, precedant 1'Exode d'une
p. 444, evidemment Ramses II est a tout le moins le trentaine d'annees. '
principal oppresseur des Hebreux. Or, le,chiffre de 2° Le recit de 1'Exode suppose un regne tranquille,
430 ans nous semble le plus naturel si nous songeons un roi grand batisseur, pour qui les guerres a un mo-
que, « apres la mort de Joseph et celle de tous ses ment donne ne fournissent plus de captifs, un roi
freres, et de toute cette generation, les enfants d'Israel inquiet du cole de Test et d'un regne tres long, un roi
s'accrurent et se multiplierent extraordinairement; et qui s'appelait Ramses, qui colonisa el fortilia d'Ouadi-
etantdevenus extremement forts, ils remplirent toute la Toumilat. Or, sous Seti Ier, sous Ramses II surtout, la
contree. » Exod., i, 6-7. Et c'est au moment de cette paix regne a Finterieur de 1'Egypte, le pouvoir est
multiplication accompUe que « s'eleva en Egypte un assez fort pour s'imposer brutalement et ?ans resis-
nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph, » y. 8. Tout tance. Cf. Lettre d'Ameneman, dans Papyrus Sallier 1,
cela joint au temps de la persecution suppose un laps pi. vi, lig. 2-8, el Papyrus Anastasi V, pi. xv, lig. 8,
de temps considerable et Ton peut difficilement reduire xvn, lig. 2. A 1'exterieur, si du vivant de Sell, puis
a 250 ans le sejour en- Egypte. Voir CHRONOLOGIE tBi- durantles vingl-et-une^prernieres annees de Ramses II,
BLIQUE, t. '.ii, col. L737. Cf. Lesetre, Les Hebreux en la guerre est menee presque sans repit, ce ne sont
Egypte, dans la Revue pratique d'apologetique, t. in, qu'excursions et rentrees triomphales dont le profit le
1906-1907, p, 225-228, qui est pour la reduction. Ajou- plus net se chiflre par des milliers de captifs qui vont
tons que la persecution a du commencer sous Seti Ief alimenter les chanliers. Cf. Herodole, n, 108; Diodore,
973 RAMSES II — RAPHA
i, 56. Mais avec la fin de la guerre finirent les razzias du Nil. » Naville, Goshen and the shrine of Saft
d'hommes et la fievre croissante des travaux publics el-Henneh, 1885, p. 18 (Memoire iv de YEgypt Explo-
reclamait des bras. D'autre part, la forte cohesion de ration Fund). On peut en deduire que c'est Ramses
1'empire hetheen, ses intrigues toujours a craindre en qui organisa la region ou partout se rencontre son
Palestine, 1'obligation de trailer avec lui sur le pied nom. De cette terre inculte, mais suffisamment arrosee
d'egalite avaient appris a Ramses la n£cessite de se tenir pour produire de bons paturages, de cette terre libre
en garde centre la Syrie du Nord. En persecutant les qu'on avait abandonnee aux enfants de Jacob et a leurs
Hebreux, par une politique a double fin, il suppleait troupeaux sans frustrer aucun Egyptien, il fit une terre
done au manque de bras pour ses entreprises, il leur cultivable, repartie entre des colons, gouvernee a
enlevait la possibilite de trop se multiplier et d'aller 1'instar des anciens nomes. « Une conjecture tres
renforcer ses ennemis en cas de conflit. « Et il dit a son ancienne, dit Maspero, loc. cit., t. n, p. 462, n. 2,
pen pie : Vous voyez que le peuple des enfants d'Israel identifie avec Ramses II le pharaon qui n'avait pas
est devenu tres nombreux, et qu'il est plus fort que connu Joseph. Les fouilles recentes, en montrant que
nous. Venez, opprimons-les avec sagesse, de peur qu'ils les grands travaux ne commencerent a 1'orient du Delta
ne se multiplient encore davantage, et que si nous que sous ce prince, ou sous Seti Ier au plus tot, conlir-
nous trouvom surpris de quelque guerre, ils ne se ment 1'exactitude de cette tradition d'une maniere
joignent a nos ennemis, et qu'apres nous avoir vain- generale. » On doit meme en deduire que les deux
cus, ils ne sortent d'Egypte. » Exod., I, 9-10. Et aussi- villes nommees sont bien son oeuvre, puisque 1'une
tot les Hebreux sont accables de corvees par les inten- d'elles, reconnue par Naville, voir PHITHOM, col. 321-
dants des travaux et les chefs de brigade, sousl'insulte 328, n'a livre, avec ses magasins ou greniers et son
et le mepris des Egyptiens. On leur demande toutes enceinte de briques, aucun nom de roi ni aucun
sortes de travaux agricoles, du mortier, des briques, monument anterieurs a Ramses II. Par centre les car-
et ils batissent les villes fortifiees et contenant des touches de ce pharaon 1'ont revele comme le fondateur
magasins, Phithom et Ramses. Exod., i, 11-14. Voir de Pitum-Phithom. Voir ce mot, col. 327-328; cf. Bae-
BRIQUES, 1.1, col.,1931-1934; PHITHOM, col. 323-324. Ces deker (Steindorff), Egypte, edit. fran§aise,1908, p.174.
vexations extenuantes n'empechant pas leur multiplica- Nous n'ignorons pas que d'apres une autre hypothese,
tion, les sages-femmes recoivent 1'ordre de tuer tous qu'on base sur la chronologic, Lieblein, The exodus of
les males, puis il est enjoint a tout le peuple de les the Hebrews, dans Proceedings of the Society .of the
noyer dans le fieuve. Exod., I, 15-22. C'est au cours de Biblical archseology, t. xxix, 1907, p. 214-218; Lindl,
cette violente persecution que Mo'i'se sauve des eaux Cyrus, 1903, p. 11, 40, etc., Thothmes III serait 1'op-
quarante ans plus tot, Act., VH, 23, et eleve a la cour, presseur et AmenopMs II ou III le pharaon de 1'Exode.
tua un egyptien qui frappait un hebreu et s'enfuit dans On invoque a I'appui quelques faits : Stele de Meneph-
la terre de Madian, Exod., n, 15, pour echapper a la tah, cf. PHARA.ON, col. 196-197; Manethon, dans Josephe,
vengeance royale. Quarante autres annees s'etaient Contra Apionem, i, 26; cf. Chabas, Melanges egypto-
eeoulees pour lui chez le pretre de Madian, Exod., logiques, l re serie, 1862, p. 43-44; les pretendus He-
vn, 7, Act., vir, 30, quand il recut de Dieu la mission breux (Khabiri) des Lettres de Tell el-Amarna.
de sauver le peuple d'lsrael. Exod., m, iv, 1-19. II avait H. Winckler, Die Thontafeln von Tall el-Amarna,
done quatre-vingts ans. Cela nous fait sans aucun doute n. 181, p. 303-313. Cf. Delattre, Les Pseudo-Hebreux
remonter a Seti I or ; mais Ramses II etait son bras droit dans les lettres de Tell el-Amarna, dans la Revue des
en qualite de coregent « des le temps qu'il etait dans questions historiques, t. xxxr, 1904, p. 353-382. Mais
I'ffiuf, » Grande Inscription d'Abydos, lig. 44. On peut ces faits sont tous susceptibles de plusieurs explications
done en deduire, sans grand risque de se tromper, et, par suite, de nulle valeur probante. Pour la chro-
que Ramses II vit eclore la persecution, que, surement, nologie, rien de plus sujet a caution. Cf. Lagrange, Le
il en fut le principal, sinon 1'unique agent, et qu'avec Livre des Juges, Introduction, p. XLII-XLIII. II reste
ses soixante-sept ans de regne personnel c'est lui que done preferable de s'en tenir a 1'hypothese tradition-
1'Ecriture designe par ces mots : « Apres beaucoup de nelle plus conforme tout ensemble et au recit de la
temps mourutle roi d'Egypte. » Exod., n, 23. D'autant Bible et a ce que nous savons de 1'histoire de 1'Egypte.
mieux que, Exod., i, 11, une des villes baties par les C. LAGIER.
Hebreux s'appelle Ramses et ne peut tirer son nom RAPHA, nom, dans la Vulgate, de trois Israelites et
que de son fondateur, tout comme Alexandrie d'Alexan- d'un Getheen. Dans le texte hebreu, cinq personnages
dre, Constantinople de Constantin, et_ tant d'autres. portent le nom de Refdydh, « celui que Yah guerit ».
Et ce Ramses ne peut etre Tephemere Ramses I er , ni Notre version latine a transcrit sous la forme Rapha le
Ramses III, d'une date tardive, 1198-1167. Reste done nom de 1'Ephraimite, I Par., VH, 25, et celui du Ben-
Ramses II que la Bible nomme indirectement en nom- jamite, I Par., vui, 37. Le premier Rapha dont elle
mant une des villes qu'il fonda. Chabas, Melanges parle, I Par., vir, 25, s'appelle en hebreu Refdh, le
egyptologiques, IIe serie, 1864, p. 109; E. de Rouge, second, letroisieme etle quatrieme, I Par., VIH, 2, 33,
Mo'ise et les Hebreux d'apres les monuments egyp- et xx, 7, Rafff. Le Refaydh hebreu de I Par., in, 21,
tiens, loc cit., p. 169. Nous savons par ailleurs que devient en latin Raphaia, de meme que celui de
1'ouadi Toumilat, oil s'eleverent Phithom et Ramses, I Par., iv, 42 et ix, 43. Le cinquieme Refdydh de
ne fut colonise qu'a partir de Seti Ier. « Dans les plus 1'hebreu, II Esd., in, 9, est aussi appele Raphai'a dans
anciennes listes de nomes, qui sont du temps de Seti Ier, notre version latine. Voir ces noms. — Le nom de
Diimichen, Geographische Inschriften, t. i, 1865, Rapha se trouve peut-etre aussi dans^Bethrapha, I Par.,
pi. LXXXXII, le nome d'Arabie (Gessen) ne se rencontre iv, 12. Voir BETHRAPHA, t. i, col. 1712. v
pas [et a plus forte raison le nome heroopolite]. Nous
avons seulement quinze nomes pour la Basse-Egypte, 1. RAPHA (hebreu : Refdh; Septante : TacnprJ, fils
au lieu de vingt-deux, comme sous les Ptolemees. La de Beria, de la tribu d'Ephrai'm, un des ancetres de
liste de Seti Ier finit avec le nome d'Heliopolis, et ne Josue. I Par., vn, 25.
mentionne ni le Bubastite (Zagazig) ni 1'Athribite
(Benha). circonstance qui montre que cette partie du 2. RAPHA (hebreu : Rdfd~; Septante : Tacpa); le cin-
royaume n'etait pas encore alors organisee en provinces quieme fils de Benjamin. I Par., vm, 2.
regulierement administrees, chaque nome ayant sa
capitale et son gouvernement. Au lieu de nomes, nous 3. RAPHA (hebreu : Rdfd'; Septante : 'Pa9afo), fils
ne trpuvons que des noms de marecages ou de branches de Baana, et pere d'Elasa de la tribu de Benjamin.
975 RAPHA — RAPHAIM 976
I Par., vnr, 37. La Vulgate 1'appelle Raphai'a. I Par., 1. RAPHAIA (Septante: 'PayaX; Alexandrinus: 'Pa-
ix, 43. C'etait un descendant de Saul et de Jonathas. ipata), flls, d'apres la Vulgate et les Septante, de Jese'ias
et pere d'Arnan, de la tribu de Juda; il descendait
4. RAPHA (hebreu : hd-Rdfff; Septante : -T*<p<x), de Zorobabel. I Par., in, 21. Le texte hebreu est
clief d'une famille de Geth, qui fut remarquable par moins precis que les versions grecque et latine, et
une taille gigantesque. I Par., xx, 6, 7 et aussi 4, dans obscur.
le texte hebreu ou la Vulgate a traduit par Raphai'm.
Ce pere de geants est aussi mentionne quatre fois dans 2. RAPHAIA (hebreu: Refaydh; Septante : Taipata),
3e passage parallele de II Sam. (Reg.), xxi, 16, 18, 20, un des chefs de la tribu de Simeon qui entreprit sous
22, mais dans ce livre son nom est ecrit Hd-Rdfdh, et le regne d'Ezechias, roi de Juda, a la tete de cinq cents
la Vulgate 1'a rendu par Arapha. Voir ARAPHA, t. i, hommes, une expedition centre les restes des Amalecites ;
col. 878. Le texte hebreu fait toujours preceder le nom ils les exterminerent dans les montagnes de Seir ou Us
de Rapha de 1'article Act; la Vulgate 1'a supprime dans s'etablirent a leur place. I Par., iv, 42.
les Paralipomenes et 1'a conserve dans les Rois.
3. RAPHA'IA (Septante : 'Potspasa), second fils de
RAPHAEL, nom d'un levite et de 1'ange de Tobie. Thola, fils aine d'Issachar, et Fun des ch'efs de famille
de cette tribu. I Par., VH, 2.
1. RAPHAEL (hebreu : Refd'el, « fcelui que] Dieu
guerit »; Septante : TaoaviX), ievite, fils de Semeias. 4. RAPHA'IA (Septante : Tacpoua), fils de Baana, de la
Ce dernier etait le flls aine d'Obededom. Raphael fut tribu de Benjamin, I Par., ix, 43, le meme que Rapha 3,
un des portiers de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 4,6-7. col. 974.
2. RAPHAEL, ange qui, sous une forme hum'aine
et sous le nom d'Azarias, accompagna le jeune Tobie 5. RAPHAIA (Septante : 'Paqpata), fils d'Hur, qui du
pendant son long voyage, comme guide et conseiller. temps de Nehemie etait place a la tete d'un quartier de
D'apres sa propre definition, Tob., xn, 15, il est « 1'un Jerusalem et travailla a la restauration des murs de la
des sept anges qui se tiennent debout devant le Sei- ville. II Esd. in, 9.
gneur, » cf. Apoc., vai, 2; il est aussi, selon Tob., m,
25, et Petymologie de son nom, 1'ange qui guerit les ma- RAPHAIM (hebreu : Refaim, employe toujours au
ladies des hommes. Dans la litterature sacree, il n'est pluriel), designe 1° une race de geants; 2° un ancetre
fait mention de 1'ange Raphael qu'au livre de Tobie. 11 de Judith; 3° une vallee des environs de Jerusalem. —
y intervient d'une maniere toute providentielle, cf. Tob., En hebreu, les rnorts qui habitent le school sont appe-
xii, 14, pour guerir Tobie 1'ancien de sa cecite, et pour les refaim, mais la Vulgate n'a jamais conserve ce
delivrer -la jeune Sara du demon qui la tourmentait. mot qu'elle traduit par gigantes. Voir SCHE'OL.
Nous le voyons d'abord s'offrir au jeune Tobie, puis au
pere de celui-ci, pour accompagner le jeune homme, de 1. RAPHAIM, race de geants. Leur nom est precede
Ninive a Rages, chez son parent Gabelus, afin de recou- cinq fois de 1'article dans le texte hebreu. Gen., xv,20;
vrer une somme importante pretee autrefoisa ce dernier. Deut., m, 11; Jos., xn, 4; xm, 12; xvm, 15. Sur le
Tob., v, 1-22. Us partent, et, des le premier jour, au bord nom hd-Rdfd', qui semble le nom propre d'un geant,
du Tigre, 1'ange delivre son compagnon d'un poisson II Sam., xxi, 22; I Par., xx, 8, voir ARAPHA, t. i,
enorme qui s'elancait sur ]ui; il lui recommande d'en col. 878; RAPHA 4, col. 975. Les anciens traducteurs de
garder le co3ur et le foie, comme des remedes utiles, la Bible n'ont pas conserve le plus souvent le rnot Re-
celui-la pour chasser les demons qui s'attaquent aux fa'im, mais 1'ont rendu par yt'yavTs?, « grants », ce qu'ils
hommes, celui-ci pour rendre la vue aux aveugles. ont fait non seulement quand Refaim designe veritable-
Tob., vi, 1-9. Lorsqu'ils arriverent a Ecbatane, Raphael ment des geants, mais aussi quand il designe les morts
conseilla a Tobie de prendre 1'hospitalite chez son cou- qui sont dans le se'ol. — 1° Les Raphai'm semblent
sin Rague'l (voir RAGUEL 2, col. 933) et de lui demander avoir designe proprement une race de Chananeens de
la main de Sara, sa fille unique. Tob., vi, 10-14. Tobie haute stature et d'une force redoutable, qui habitaient
ayant objecte que la jeune fille avait ete deja mariee a Test du Jourdain a 1'epoque ou les Hebreux ne
sept fois, et que le demon avait aussitot mis a mort s'etaient pas encore empares de la Terre Promise.
ceux qui 1'avaient epousee, 1'ange lui indiqua le moyen Gen., xiv, 5; xv, 20; Jos., xvn, 15 (Vulgate : Raphaim).
de mettre en fuite 1'esprit mauvais, vi, 14-22; de son Quand les enfants d'Israel, sous la conduite de Moise,
cote, Raphael entraina Asmodee dans le desert d'Egypte, arriverent dans le pays situe au dela du Jourdain, ils
oti il le eonfina. Voir ASMODEE, t. i, col. 1103-1104. y rencontrerent, comme leur ennemi le plus redou-
Cf. Tob., vni, 3. Ensuite, sur la. demande du jeune table, Og, roi de Basan, « qui restait seul, dit le texte
homme, le pretendu Azarias consentit a aller recou- sacre, de la race des RefcCim » (Vulgate : de stirpe gi-
vrer sans lui 1'argent prete a Gabelus. Tob., ix, 1-12. gantum). Deut., HI, 11. Cf. Jos., xn, 4; xm, 12 (Vul-
Apres les noces, lorsque le moment fut venu de re- gate : Raphai'm). \'oir OG, t. iv, col. 1759. Si les lils
partir pour Ninive, il prit les devants avec son com- de Rapha mentionnes dans II Sam., xxi, 22; I Par., x,
pagnon, et, des leur arrivee, Tobie pere recouvra mi- 8, sont de veritables Raphaim, ils sont les derhiers
raculeusement la vue par 1'emploi du remede indique. mentionnes dans les Ecritures. — 2° Elles nous ont
Tob., xi. 7-17. Lorsque les deux Tobie voulurent le conserve le souvenir de deux autres races de geants,
recompenser genereusement de ses services, il leur les Emim (voir 1.11, col. 1732) et lesEnacites (voir t. n,
lit connaitre sa vraie nature, leur revela les desseins col. 1766) qui habiterent les premiers a Test, les se-
mysterieux de la Providence dans les epreuves qu'ils conds a 1'ouest du Jourdain et a qui Ton donnait ega-
avaient subies, les engagea a temoigner a Dieu, 1'au- lement par extension le nom de Raphai'm. Deut., n, 11
teur veritable des benedictions recues, leur vive re- (Vulgate : quasi gigantes). C'est des Enacites que la
connaissance; puis il disparut soudain. Tob., xn, 1-22. vallee de Raphaim, au sud-ouest de Jerusalem, a sans
— Pour les difficultes ,qui se rattachent au role de doute tire" son nom. Voir RAPHAIM 2.
1'ange Raphael, voir TOBIE (LiVRE IJE).
L. FILLIOX. 2. RAPHA'IM, fils d'Achitob et pere de Gedeon, un
RAPHAIA (hebreu : Refaydh), nom de cinq Israe- des ancetres de Judith, dans la Vulgate, vni, 2. Ces
lites, Voir RAPHA, col. 974. trois noms propres ne sont pas dans les Septante.
977 RAPHAIM (VALLEE DES) 978
3. RAPHAIM (VALLtE DES) (hebreu: 'emeq-Refd- ne peut etre que I'oudd' er-Rebdbi longeant le cote sud
'tni; Septante, Jos., xv, 8 : v/j 'Pa^od'v; xvm, 16 : de Jerusalem, et la montagne en face, la masse monta-
'cjjux. 'Pacpab/ (Aleorandrinus: 'Pa^aeta):!! Reg., V, 18, gneuse s'etendant a 1'ouest de Jerusalem, entre cette
22 : YJ xo:Xa; ttov Ttravwv; xxill, 13; YJ -/.otXa; "Po«patv ville et Liftdh, au nord de la Beg'ah. La parlie la plus
(.4^0?. .- ''Pct^xstv); I Par., XI, 15; xiv, 9 : rj xotXa; itov septentrionale de cette plaine arrive jusqu'au bord de
i\yavTtov; Is., xvn, 5 : cpapay? fftspea, « vallee fertile »; Youdd' er-Rebdbi et son extremite forme le col etroit
Vulgate : vaJUs Raphaim, excepte III Reg., xxm, 13, qui relie le mont dit du Mauvais-Conseil et rds ed-
ou elle traduit [: vallis gigantum), large vallee ou JDabbous avec le mont oppose, a 1'occident, a Youdd-
plaine au sud-ouest de Jerusalem, appelee aujourd'hui er-Reba.bl et a Jerusalem : il est impossible de ne pas
el-Beq'ah. reconnaitre dans la Beq'ah, la vallee des Raphaim
1° Norn. — Dans la langue biblique, le mot 'emeg indiquee, au sud de la montagne frontiere. Voir JERU-
designe une vallee large et spacieuse. Gesenius, The" SALEM, t. HI, fig. 235, col. 1321.
saurus, p. 1045. Celle-ci a sans doute pris son nom de Le passage dell Reg., xxm, 13-16,montrantles trois
ses premiers proprietaires, etablis sur les collines des braves de David, alors a Odollam, obliges, pour se ren-
alentours. Volr*1 RAPHMH 1. dre a la porte de Bethlehem, de traverser le camp des
2° Identification. — La situation au sud de Jerusa- Philistins occupant la vallee des Raphai'm, indique par
lem est incontestablement assignee a cette vallee, la celle-ci au'sud de Jerusalem. C'est aussi la situation
Jos., xv, 8; xvni, 16, ou est plac£e la frontiere des que lui assigne 1'histofien Josephe", Ant.jud,, VII, xn,
tribus de Juda et de Benjamin. Dans le trace de la 4. Parlant du meme fait et de la meme vallee : « Le camp
premiere, apres avoir passe a la fontaine de Rogel <s la des ennemis etait etabli, dit-il, dans la vallee qui s'etend
limite monte [par] la vallee du fils d'Hinnom (Vulgate : jusqu'a Rethlehem distante de vingt stades de Jeru-
Geennom), sur le cote (^l-ketef] duJebuseen, au midi, salem. » L'auteur avoulu dire, pensons-nous : la vallee
c'est-a-dire de Jerusalem, et la limite monte au sommet s'etend vers Rethlehem, sur une distance de vingt
de la montagne qui est en face de la vallee du fils d'Hin- stades (3700 m.), ce qui est en effet Tetendue de la
nom, a 1'occident, a 1'extremite (bi-qe§ehj de la vallee plaine de Beq'ah. — Nonobstant ces indications, Eusebe
des Raphaim, au nord. » Dans le trace de la seconde, et saint Jerome.placent!£me'g Refa'im, qu'ilstraduisent
apres avoir passe a la fontaine de Nephtoa, « la limite « la vallee des etrangers », deXXoyjXwv, dans la tribu des
descend a la partie de la montagne qui est en face de Benjamin et au nord de Jerusalem. Onomasticon, 1862,
la valise du fils d'Hinnom, laquelle estpres de la vallee p. 186 et 187, 308 et 309. Us se fondent sans doute sur
des Raphaim (be-emeg-^Refd'im), au nord, et elle II Reg.,v, 25 (Septante), et I Par. xiv, 16, ou, apres lerecit
descend la vallee du fils d'Hinnom sur le cote du Jebu- de 1'invasion de la plaine des Raphaim par les Philistins,
seen, au midi, et se rend a la fontaine de Rogel. » — La on lit: « David fit ce que le Seigneur lui avail ordonne,
vallee du fils d'Hinnom (voir G^ENNOM, t. in, col. 153) et il battit les Philistins depuis Gabaon jusqu'a Gezer
979 R A P H A I M (VALLEE DES) — RAPHIDIM 980
(Gazer); » ils conforidaieht ainsi la plaine des Raphaim de ne pas attaquer 1'ennemi de front, mais de le sur-
avec la plaine pres de Gabaon dans Isaie, xxvm, 21. — Si prendre par derriere. David contourna la plaine, dissi-
Ton excepte Titus Tobler qui cherche, Wanderung, in, mule, selon toute probabilite, par la . colline de
p. 202, la vallee des Raphaim dans I'oitddi courant sous Qatamon, pour tomber sur les Philistins du cote des
Deir-Yasin, a 1'ouest nord-ouest de Jerusalem, et un ou Bekd'im. Voir MURIER, t. iv, col. 1344.
deux modernes croyant la trouver dans la vallee de Par ce mouvement, Parmee Israelite coupait la retraite
Liflah, au nord de la precedente, 1'universalite des a 1'ennemi. Mis en deroute les Philistins durent s'en-
commentateurset des geographes s'accordent a la voir fuir par le cote oriental de la plaine pour gagner le
au sud a Jerusalem et dans la Beq'ah. La defaite des Cedron et remonter au nord de Jerusalem, puisque
Philistins a Gabaon, non plus que la citation simul- nous les retrouvons pres de Gabaon ou David acheve
tanee, par Isaie, loc. cit., de la vallee de Gabaon et du leur defaite en les poursuivant de la jusqu'a Gezer,
mont des Pharasim ou Baalpharasin, n'impliquentpas, II Reg., v, 22-25; I Par., xiv, 13-17. — La plaine des
comme nous le verrons, la necessite de chercher pres Raphaim a vu passer les plus Mlustres personnages de la
de cette ville la plaine ou ils poserent leur camp. Bible : Abraham se rendant a Hebron et revenant avec
Gf. Reland, Palseslina, Utrecht, 1714. p. 355; Gesenius, son fils Isaac pour le conduire a la montagne Moria;
Thesaurus, p. 1302; E. Robinson, Biblical researches Elie"zer ramenant Rebecca; Jacob fuyant sonfrere Esau
in Palestine, Boston, 1841, t. i, p. 323-324; R. v. Riess, et retournant de Mesopotamie avec ses epouses et ses
Biblische Geogrrap/«e,Fribourg-en-Brisgau,1872, p. 80; fils; la Vierge Marie et saint Joseph allant se faire ins-
V. Guerin, Judee, 1.1, p. 244-248; Armstrong, Wilson crire a Bethlehem et apportant le Sauveurau Temple;
et Conder, Names and places in the Old Testament, les Mages s'avanyant pour aller adorer le Roi des Juifs ;
Londres, 1887, p, 147, etc. le tresorier de la reine Candace lisant Isaie sur son
3° Description. — Du pied de la montagne a 1'ouest de char, et que devait bientot rejoindrele diacre Philippe;
Jerusalem ou commence au nord la Beq'ah jusqu'a la puis toute la multitude des pelerins montant du sud
base des collines se prolongeant vers Betlehem ou elle pour aller, en son Sanctuaire, adorer Jehovah.
se termine au sud, son etendue est de quatre kilometres; 5° Etat actuel. — Depuis quelques annees, 1'ancienne
sa largeur d'est a ouest, depuis la ligne de partage des plaine de Raphaim a subi plusieurs modifications. Une
eaux qui la separe des ravins courant vers le Cedron route carrossable, construite en 1883, entre Jerusalem,
jusqu'au pied de Qatamon et au point ou elle rejoint la Hebron et Bethlehem, voit rouler des voitures de forme
« vallee des Roses », oudd' el-Ouard, est de trois kilo- europeenne. Sur la voie ferree de Jaffa a Jerusalem,
metres. Elle incline d'est en ouest et appartient toute ouverte en 1892, la locomotive entraine, a travers la
entiere au versant mediterraneen. La terre qui recouvre plaine, des wagons qui deppsent les pelerins a une
le calcaire dufond, a de deux a trois metres de profon- gare batie vers 1'extremiteseptentrionale de la Beq'ah;
deur. Elle etait melee de nombreuses pierres de silex Une colon ie wurtembergeoise appartenant a une secte
qui en partie ont ete amoncelees, ou rangees en protestante millenariste, s'est etablie, en 1871, dans le
murs le long de ses chemins. Elle est brune et fertile meme quartier, donnant naissance a un faubourg forme
(fig. 220) La culture du ble, froment, orge, doura, a du d'une vingtaine d'habitations couvertes de toits a tuiles
toujours en etre la principale. Le prophete Isaie, XVHI, rouges, environnees de jardins, de caractere tout euro-
5, compare le peuple d'lsrael en decadence au glaneur peen. De nombreuses autres constructions se sont ele-
recueillant, apres la moisson, les epis oublies dans la vees depuis jusque vers le milieu dela plaine, menacant
plaine des Raphaim. de 1'envahir tout entiere. L. HEIDET.
Les lentilles, le kersenne, les feves, les pois-chiches
les haricots y prosperent egalement. Les oliviers plantes RAPHBDIM (hebreu : Refidim; Septa nte : '
sur ses confins y ont pris les plus belles proportions. une des stations des Hebreux a travers la presqu'ile
Les nombreux pressoirs antiques et les restes de vieilles sinai'tique, entre le desert de Sin et le desert du Sinai,
tours qui se voient sur les collines environnantes, Exod., xvn, 1; xix, 2; ou plus precisement entre Alus
montrent qu'autrefois comme aujourd'hui la Beq'ah etle Sinai. Num., xxxin, 14, 15.
etait entouree de vignobles. Plusieurs voies antiques, I. IDENTIFICATION. — De 1'etymologie du mot « Ra-
partant toutes de Jerusalem, la traversaient dans toute sa phidim » on ne peut pas tirer d'argument pour son
longueur. Deux d'entre elles se dirigeaient vers Bethle- identification. Assez probablement ce mot provient de
hem et Hebron. la racine hebraique rdfad, « preparer le lieu du repos »,
4° Histoire. — La limite tracee par Josue laissait la d'ou sa signification de « halte, lieu de repos ». Saint
plaine des Raphaim a la tribu de Juda. Ellefut envahie Jerome, De situ et nominibus hebraicis, t. xxm,
par les Philistins, sous le regne du roi Saul, tandis col. 789, semble bien donner ses preferences a cette
que celui-ci poursuivait David de refuge en refuge. Le explication. Raphidim est specialement « un lieu de
futur roi d'lsrael etait en ce temps cache dans la grotte repos », la station de Raphidim etait situee. entre Alus,
d'Odollam. Ayant manifesto le desir de boire de 1'eau dans le desert de Sin et le desert du Sinai. Le desert
de la citerne qui etait pres de la porte de Bethlehem, de Sin est aujourd'hui assez generalement identifie
trois de ses compagrions ne craignirent pas de Iraver- avec la plaine d'el-Markha. Cf. Bartlett, From Egypt
ser le camp ennemi etabli dans la plaine, pour aller to Palestine, p. 213; Vigouroux, La Bible et les de-
chercher 1'eau desiree. II Reg., xxm, 13*47; I Par. xi, couvertes modernes, & edit., t. u, p. 459-460; voir DE-
15-19. Deux autres fois les adversaires du peuple de SERT, II, i, 3, t. 11, col. 1390. Voir SIN. Le Sinai designe
Dieu revinrent y dresser leurs tentes; la premiere fois dans 1'Exode le noyau central du massif de montagnes
quand ils apprirent que tout Israel avait reconnu granitiques dont le Djebel Mouca, ou mont de Moiser
David pour son roi, que celui-ci s'etait empare de la forme aujourd'hui le point le plus celebre. Cf. Vigou-*
forteresse de Sion et avait fait de Jerusalem sa capitale; roux, La Bible, t. n, p. 490-491; DESERT, !£, i, 4,
la seconde fois, quelque temps plus tard, dans le dessein t. 11, col. 1391. Voir SINAI. On peut aller par diverses
sans doute de prendre leur revanche. La premiere routes principales, voir ALUS, t. i, col. 424, du desert
fois David les hattit a J'endroit qu'il appela Baal-Phara- de Sin au Sinai. Une d'elles, la route du nord, quitte
sim, situe sans doute sur les confins de la plaine, assez vite la plaine d'el-Markha, et parcourant I'ouadi
mais dont le nom n'a pas ete retrouve. Voir t. i, Babah, le Debbetvr-Ramleh, I'ouadi Kamileh et I'ouadi
col. 1341. Les Philistins abandonnerent la leurs idoles. esch-Scheikh, aboutit tout droit au Sinai. Les parti-
Les Israelites les brulerent. II Reg., v, 17-21; I Par., sans de cet itineraire ont mis Raphidim un peu par-
xiv, 8-12. La seconde fois, le roi recut de Dieu 1'ordre tout; et quelques-uns d'entre eux signalent I'ouadL
981 RAPHIDIM 982
Erfayid, qui ne figure que dans la grande carte an- plus facile, tandis que des detachements isoles, pour
glaise du Survey, une petite vallee qui debouche dans eviter un detour de dix-sept kilometres de chemin, pu-
1'ouadi Enileisah situe a proximite du Djebel Mouca. rent quitter assez vite la plaine d'el-Markha a onze kilo-
Cf. Lagrange, L'itineraire des Israelites, dans la Revue metres environ plus bas que VAm-Dhafary, au sud;
biblique, 1900, p. 86. Cet itineraire a le grand incon- remonter d'ouest en est 1'ouadi Sidreh; la, tourner a
venient d'aller centre toutes les donnees traditionnelles; droite pour aller rejoindre, du nord-ouest.au sud-est,
il est depourvu de tout souvenir local, et pour ce qui par 1'ouadi Mokatteb, 1'ouadi Feiran, a vingt-sept kilo-
regarde 1'identification de Raphidim, elle n'a dans le metres au-dessus de son embouchure, et ici, six kilo-
mot Erfayid qu'un equivalent arabe a peine suflisant. metres environ au-dessous d'Hesi-el-Khattatin, at-
Cette meme route du nord, au lieu de penetrer dans tendre le gros du peuple qui venait par la route plus
le Debbet er-Ramleh, peut replier au sud, s'elever longue el plus facile. La seule objection que 1'on puisse
jusqu'a la chaine du Nagb-Budernh et le franchir, faire centre 1'itineraire de ces detachements d'Israel
pour gagner les mines egyptiennes de 1'ouadi Maghara, c'est la crainte que, en passant tout pres des mines de
et retomber ensuite dans 1'ouadi Feiranf pour aboutir Maghara, ils auraient pu trouver la des Egyptiens em-
d'ici au Sinai. II s'agit cependant d'un passage difficile ployes aux travaux des mines et la garnison qui les
qui n'a ete ouvert que dans les temps modernes, et qui surveillait; mais Texploitation des mines de Maghara
par consequent fort peu probablemerit peut avoir ete parait avoir cesse sous la XIIe dynastie, c'est-a-dire
tente par les Israelites. longtemps avant 1'exode. Cf. Vigouroux, Melanges bi-
Une deuxieme route descend de la plaine d'el-Mar- bliques, 2e edit., p. 265. D'apres tout ce qui vient d'etre
kha au midi, penetredans le desert d'el-Qdah, et apres dit, Raphidim doit etre place dans 1'ouadi Feiran
1'aroir parcouru, remonte au Sinai' soit tout a fait au (tig. 221) : la tradition chretienne, la topographic des
sud par 1'ouadi Islify soit un peu plus au nord par lieux, les monuments archeologiques Chretiens de la
1'ouadi Hebran; ou bien, sans arriver jusqu'a 1'ouadi tradition locale appuient cette identification.
Hebran, par 1'ouadi Feiran a 46 kilometres d'A'in-Dha- La tradition chretienne place Raphidim dans 1'ouadi
fary, la source d'eau douce qui devait alimenter les Feiran, avant 1'oasis omonime. L&^^P®rinatio Syl-
Hebreux dans le desert de Sin. En remontant a ce point vias (vers 1'an 385), edit. Gamurrini, p>140, en est le
1'ouadi Feiran jusqu'a Hesi-el-Khattatin, et tournant premier echo. D'apres ce document, les Hebreux y
ensuite au sud par le rneme ouadi, la route va aboutir vinrent apres avoir franchi 1'ouadi Mokatteb ; et 1'en-
au Sinai. Aucune consideration ne permet de prolonger droit de Raphidim y est precise a el-Kessueh, ou des
au sud jusqu'a I'extrernite de la peninsule 1'itineraire bosquets de palmiers ombragent quelques miserables
des Israelites : nous ecartons par consequent, comme huttes en pierre, disseminees autour d'une petite mos-
un prolongement inutile d'itineraire, 1'opinion qui les quee, elle-meme construite avec les materiaux d'une
fait remonter au Sinai soit par 1'ouodi Islih, soit par eglise chretienne, a un peu plus de deux kildmetres
1'ouadi Hebran; mais nous trouvons tres vraisemblable avant d'arriver a 1'oasis Feiran. II semble bien que les
que le gros des Israelites, avec les troupeaux, s.oit re- Chretiens de la plus haute antiquite aient attache le
monte au Sinaii par 1'ouadi Feiran, suivant un itineraire nom de Raphidim au hameau d'el-Kessueh; mais
983 RAPHIDIM
d'apres 1'Exode, le pays de Raphidim, qui, comme jourd'hui a Pharan les ruines de nombreuses eglises
nous avons vu, veut dire « halte ou lieu de repos », et chapel les, de monasteres, de cellules et de tombeaux,
serable bien comprendre la region ou le peuple Cf. S. Nil, Narratio in, t. LXXIX, col. 620. La plupart
d'Israel ne <rouva point d'eau et celle ou il campait des maisons baties dans 1'oasis avec les debris de ba-
apres la defaite des Amalecites. Eusebe et saint Je- timents plus anciens semblent remonter au xn« siecle.
rome, en effet, indiquent a Raphidim tant 1'evenement Parmi les debris qui jonchent le sol, les explorateurs
de 1'eau miraculeuse que la defaite infligee par Josue anglais ont trouve un chapiteau de gres sur lequel
a Amalec, et 1'etendent jusqu'a Pharan, I'ancienne on voit un homme vetu d'une tunique et les bras
ville episcopate de 1'oasis Feiran. Onomasticon, t. xxm, leves dans 1'attitude de la priere, c'est-a-dire tel que
col. 916. Antonin le Martyr, Itinerarium, 40, P. L., 1'Exode, xvn, 11, nous represente Moi'se pendant la
t. LXXII, col. 912, est du rneme. avis, quoique sa descrip- bataille de Raphidim. Cf. E. H. Palmer, The desert
tion soit un peu confuse dans les details. Cqsmas In- of the Exodus, t. i, p. 168. Un bas-relief, place au-
dicopleuste, Topographia Christiana, v, t. LXXXYIII, dessus d'une porte et divise en trois compartiments,
col.200, localise justement Raphidim a Pharan; mais represente aussi trois personnages dans une attitude
apres avoir fait aller Moi'se avec les anciens du peuple semblable. On comprend sans peine que les habitants
d'Israel jusqu'au mont Choreb, c'est-a-dire au Sinai, de Raphidim aient aime a representer par la sculpture
qui selon lui est distant seulement de six milles de la principale scene du grand acte auquel ces lieux
Pharan, pour y operer le miracle des eaux au benefice etaient redevables de leur celebrite. De plus, la topo-
d'Israel, il localise dans ce mdme endroit la defaite graphic des lieux Concorde parfaitement avec le recit
de 1'Exode, comme on le verra plus loin.
II. DESCRTPTION. — L'ouadi Feiran est la vallee la
plus longue et la plus importante de toute la penin-
sule. Elle recoit le nom de Feiran au nord-est de la
chaine du Serbal; mais de fait, elle n'est que le pro-
longement de 1'ouadi Scheikh qui prend naissance au
mont Sinai', decrit une grande courbe au nord, traverse
1'oasis de Feiran, et apres avoir pris la direction du
nord-ouest, elle se dirige vers le sud-ouest, et va
aboutir dans la mer Rouge a travers la plaine d'ei-
Qaah. La vallee est tantot large comme le lit d'un
grand fleuve, tantot resserree entre des rochers souvent
perpendiculaires, formant d'etroits defiles, avec des
tourriants brusques et inattendus qui varient 1'aspect
du paysage a 1'infini. Aux roches crayeuses succedent
des calcaires plus durs, puis le gres bigarre et le gra-
nit traverse du nord au sud de filons reguliers de
porphyre rouge et de diorite noir. Le sol sablonneux
n'est couvert que d'une maigre vegetation. Les flancs de
1'ouadi Feiran sont frequemment entrecoupes par des
vallees laterales. Un peu plus d'un kilometre a partir
d'une de ces vallees, Vouadi Umm frus, et apres avoir
rencontre a droite des inscriptions nabateennes, le
vbyageur voit apparaitre a gauche devant le Djebel
Sulldh un enorme rocher de granit detache de Ja
montagne qui semble vouloir barrer le chemin. C'est le
Hesi el-Khattatin, le rocher traditionnel d'Horeb ou de
Raphidim (fig.222). Les meandres de la gorge aride s'ac-
222. — Le rocher de Hesi el-Khattatin. centuent de plus en plus pendant la marche d'une heure
jusqu'a 1'oasis d'el-Kessueh, le Raphidim de la Pere-
d'Amalec et la visite de Jethro. Un pareil manque de grinatio Sylvias, ou le sol se couvre d'une belle vege-
precision s'explique aisement dans la description de ce tation ; partout poussent de hautes herbes au milieu de
marchand devenu moine, qui n'avait pas assez bien bouquets de tamaris, de nebqs et de seyals; et de
saisi le sens de 1'Exode, xvn, 6. Nous nous dispense- multiples filets d'eau claire entretiennent une frai-
rons de relater les temoignages d'autres pelerins plus cheur delicieuse. A une heure d'el-Kessueh on arrive
recents, parce qu'ils sont presque tous d'accord, meme a la pittoresque vallee d'Aleydt, qui, encaissee dans
ceux qui transportent au mont Horeb le theatre du des pics de granit, debouche a droite dans 1'ouadi Fei-
prodige des eaux que fit jaillir Moi'se. ran. C'est le lieu tres probable de 1'attaque d'Israel
Les temoignages des pelerins et des ecrivains qui contre les Amalecites qui venaient lui barrer le pas-
placent Raphidim a Feiran sont appuyes par le temoi- sage dans 1'oasis de Feiran. En effet, a ce point 1'ouadi
gnage des monuments archeologiques Chretiens. A Feiran debouche, entre le Djebel Tahuneh a gauche
1'epoque de la Peregrinatio Sylvise le Djebel Tahou- et le petit Djebel Meharret a droite, dans 1'oasis de
yieh, qui se dresse a 1'entree de 1'oasis de Feiran, etait Feiran, nommee a bon droit « la perle du Sinai' »,
couronne d'une eglise pour perpetuer la memoire de parce que tout y est gai, riant, anime; c'est vraiment
1'endroit ou Moise se tenait en priere pendant la fa- « le paradis terrestre des Bedouins ». A 1'entree occi-
meuse bataille, Exod., xvn, 8, qui amena la defaite dentale de 1'oasis s'elevait jadis la ville episcopale de
d'Amalec. Antonin le Martyr, loc. cit., parle d'une ville Pharan dont le nom rappelle le vaste desert qui s'etend
pres de laquelle eut lieu la bataille, et ou se trouvait au nord de la presqu'ile sinaitique, appele aujourd'hui
un oratoire dont 1'autel etait bati sur les pierres qui et-Tih, Yoir PHARAN, col. 187. Puisque le nom de
servirent d'appui a Moise priant pendant le combat. Pharan ou Paran, Ebers, Durch Gosen zum Sinai,
Les premiers Chretiens rattacherent done a la ville 2e edit., p. 414, signifie « un pays montagneux sillonne
episcopale de Pharan, qui s'elevait a 1'entree occiden- et dechiquete par des ravins », il convenait aussi bien
tale de 1'oasis, le souvenir des memorables evenements a cette localite qu'au desert ftet-Tih. Les Arabes pour-
qui avaient eu lieu a Raphidim. On voit encore au- tant ont transforme le mot Pharan en celui de Feiran
985 RAPHIDIM — RAPHON 986
qui veut dire « fertile ». Diodore de Sicile, in, 42, ment long par une route sans eau, devaient etre affai-
semble deja mentionner la palmeraie de 1'oasis 60 ans blis, fatigues et mourant de soif, Deut., xxv, 18; on
avant J.-C.; et des auteurs du ne siecle parlent du avail done lieu de penser qu'une attaque centre eux.
« bourg de Pharan ». Mais, settlement plus lard, la avant qu'ils pussent atteindre les eaux de Feiran
localite, devenue chretienne, prit de 1'importance. serait couronnee de succes. Enfin, la configuration des
£lle fut habitee par un grand nombre de moines et vallees laterales qui entouraient la position occupee par
d'anachoretes, et devint le siege d'un eveche, vers 1'an les Israelites favorisait ce genre de guerre, qui consis-
400. Ce siege etait vacant a 1'epoque ou les musulmans, tait a harceler 1'ennemi par le flanc et par derriere, et
apres la conquete de 1'Egypte et de la Syrie par Omar, auquel fait allusion le Deuteronome, xxv, 17-18.
s'etablirent en grand nombre dans la fertile oasis, en H. S. Palmer, Sinai, p. 199-200. Josue, a la tete des
usurperent les proprietes et chasserent les moines et Hebreux, soutint 1'assaut des Amalecites. Dieu donna
Ja plupart des Chretiens. La ville, ainsi abandonnee, la victoire a son peuple, grace aux prieres de son ser-
tomba bientot en ruines; au xn« siecle, sous la domi- viteur Moi'se, qui pendant la bataille se tint, les mains
nation des rois latins, elle se releva un peu; mais apres levees et soutenu par Aaron et Hur, sur le sommet du
leur depart dechut rapidement jusqu'a 1'etat de com- Djebel el-Tahuneh, le gibe'dh de 1'Exode, xvn, 9. Ici,
plete ruine ou elle se trouve a present. a 1'abri des traits et des Heches de 1'ennemi, il pouvait
III. HISTOIRE. — Rapbidim est reste celebre a cause aisement suivre toutes les peripeties du combat et in-
de I'eau queMoisey fitjaillir, delavictoire surAmalec, terceder pour les siens. Quand la defaite d'Amalec fut
et, d'apres quelques interpretes, de la yi.site de Jethro complete, Moi'se eleva, en actions de graces, un autel
a Moi'se. — Les Israelites vinrent a fiaphidim par 1'iti- auquel il donna le nom de Jehovah-Nessi, «. le Seigneur
neraire dont nous avons parle. L'eau manque aujour- est ma banniere », peut-etre sur la colline voisine,
d'hui completement le long de ces routes. S'il en etait appelee' aujourd'hui Dfebel Meharret. Cf. Vigouroux,
de m£me au temps de 1'exode, la marche dut etre pre- La Bible et les decouvertes, t. n, p. 489.
cipit^e; cependant nous ne savons pas combien de D'apres divers commentateurs, la visite de Jethro a
temps elle dura, parce qu'Alus, la derniere station Moi'se, apres la defaite des Amalecites, voir JETHRO,
que les Hebreux quitterent pour venir a Raphidim est t. m, col. 1322, eut lieu a Raphidim. Fillion, La
inconnue. Cf. ALUS, t. i, col. 434. Us eurenta emporter Sainte Bible commentee, Paris, 1899, t. i, p. 245;
dans des outres une provision d'eaupour le trajet; mais Crelier, Comment, de VExode, Paris, 1895, p. 148;
il semble que le peuple s'attendait a trouver des sour- De Hummelauer, Cpmm. in Exodum et Leviticum,
ces a Raphidim. Quand on y fut arrive, I'eau sur laquelle Paris, 1897, p. 183. 11 faut cependant observer que les
on avait compte manqua. Les Israelites, qui, depuis Israelites ne se sont pas arretes longtemps danse leur
Elim ou au moins depitis la station dans le.desert de Sin, campement de Raphidim. Ils etaient arrives le 15 jour
pres des sources de YAin-Dhafary et de VAm-MarTtha, du second mois au desert de Sin, Exod., xvi, 1, et le
n'avaient eu que la quantite indispensable pour etan- I6r ou le 3e jour du troisieme mois ils avaient deja
cher leur soif, eclaterent en murmnres centre Moi'se : atteintle desert de Sinai, Exod., xix, i. S'il est possi-
Exod., xvn, 2-4. Dieu alors ordonna a Moi'se de frapper ble que le pretre madianite ait eu le temps de rencon-
le rocher d'Horeb, et il en jaillit de I'eau en abondance. trer Moi'se a Raphidim, apres avoir appris sa victoire
Moiise donna a ce lieu le nom de Massah et Meribah, surAmalec, il dutle suivre au desert de Sinai'. Cf. Gal-
que la Vulgate, Exod,, xvn, 7, traduit « Tentation », met, Comment, in Exodum, Lucques, 1730, t. I, p. 467,
parce que les enfants d'Israel avaient conteste et tente suivi par unassez grand nombre de critiques modernes,
le Seigneur. Cf. Num., xx, 2, 13. Voir MASSAH, t. iv? entre autres Dillmann, Die Sucker Exodus und Levi-
col. 853. ticus, Leipzig, 1880. A. MOLINI.
Tres probablement les Israelites, apres la halte de
Raphidim, lorsqu'ils se remettaient en route pour le RAPHON (Taqptovj, ville de la Galaaditide ou
Sinai', rencontrerent les Amalecites, qui venaient leur Transjordane, pres de laquelle Judas Machabee rempor-
barrer le passage a travers 1'pasis Feiran, au point ou ta une insigne victoire sur le general greco-syrien
cet ouadi recoit 1'ouadi Aleydt et est domine par le Timothee. IMach., v, 37. — 1° Judas et sonfrereJonathas
Djebel el-Tahuneh. Les Amalecites, tribu belliqueuse avaient passe le Jourdain pour aller assister ies Juifs
du desert, capable de lutter centre des forces conside- persecutes par les pa'iens au milieu desquels ils ha-
rables, se partageaient la peninsule sinaitique avec les bitaient. Deja Judas s'etait empare d'un grand nombre
Madianites amis de Mo'ise, qui etait gendre de 1'un de villes qu'il avait livrees aux flammes et avait exler-
d'entre eux, c'est-a-dire de Jethro. Us descendaient mine ou dissipe les forces ennemies. Avec une nou-
d'Abraham par un de ses arriere-petits-fils, Amalec, qui velle armee, formee de toutes les nations environnantes
leur avait donne son nom, Gen., xxxvi, 12, 16, et occu- et forte de 120000 fantassins et de 2500 cavaliers,
paient le deserl de Pharan, c'est-a-dire une partie du Timothee avait etabli son camp en face de Raphon,
desert deTih. YOIT AmLEGvras, t. i, col. 428-430; PHA- pres du torrent. Judas le cherchait, a la tdte d'une
RAN, t. v, col. 187-189. Us avaient entendu parler de 1'ap- armee de 6 (100 hommes seulement. A son approche, le
proche de la nombreuse armee des Israelites, et ils cru- general greco-syrien dit a ses officiers : « Si Judas tra-
rent sans doute qu'elle avait des projetsde conquete; ils verse la riviere et passe le premier de notre cote, nous
s'assemblerent done au premier endroit qui leur parut ne pourrons soutenir son choc. S'il craint, au contraire
propice pour arreter 1'ennemi dans sa marche et 1'em- de venir a nous et dresse son camp au dela du torrent,
pecher de s'etablir solidement dans la peninsule. L'en- passons a lui et nous serons vainqueuj's. » En arrivant
droit comme designe a 1'avance c'etait le defile etroit, Judas placa les scribes pres de la riviere avec 1'ordre
sinueux de Feiran, bien approvisionne d'eau de leur de laire passer tout le monde pour prendre part au
cote, sans eau du cote d'Israel, entoure de rochers combat. II passa Iui-m6me le premier et tous les sol-
escarpes, couvert de vegetation, a Tabri d'une attaque dats le suivirent. Les ennemis ne purent soutenir 1'im-
de flanc, offrant tous les avantages desirables pour petuosite de 1'attaque: ils s'enfuirent vers Carnai'm tom-
battre en retraite, dans le cas d'une defaite. D'autres bant sur leurs propres armes ou s'ecrasant les uns les
raisons sans doute determinerent les Amalecites dans autres. Sans compter ceux qui perirent de cette ma-
leur choix. Cette belle oasis, avec ses bosquets fertiles niere, Judas en extermina encore trente mille. Timo-
et ses eaux courantes devait etre leur possession la thee tomba entre les mains de Dosithee et de Sosipater,
plus chere de la peninsule. Probablement aussi on generaux de Judas. Sur ses supplications et sa pro-
n'oublia pas que les Israelites, apres un voyage telle- messe de rendre tous les Juifs detenus par lui, il fut
987 RAPHON — RASIN
relache. I Mach., v, 36-43; II Mach., xn, 20-25. recommande de ne pas mettre son espoir dans la ra-
Cf. Ant. jud., XII, vin, 4. pine, Ps. LXII (LXI), 11, et de longs jours sont promis
2° Pline 1'ancien, H. N., v, 18, compte Raphana au prince qui hait la rapine. Prov., xxvm, 16. Dieu la
d'Arabic parmi les villes de la Decapole. Le nom de hait egalement, Is., LXI, 8, et le juste s'en detourne.
Capitoliade qui se trouve, au lieu de Raphana, parmi Is., xxxm. 15. Mais il en est qui s'y adonnent. Is., in,
les villes de la Decapole enumerees par Ptolemee, Geogr., 14; XLII, 22; LVII, 17. Jeremie, xxn, 17, accuse les rois
v, 15, a fait supposer a quelques auteurs que Raphon de Juda d'avoir les yeux et le cceur tournes a la rapine.
ou Raphana n'est pas differente de Capitoliade. Cf. Ezechiel, xvm, 7, 12; xxn, 17, 29, signale ses progres
Rich. v. Riess, Eiblische Geographic, Fribourg-en- parmi ses compatriotes; ceux-la seuls sont justes qui
Rrisgau, 1872, p. 29 et80; Buhl, Geographic des Alien s'en abstiennent. Ezech., xvm, 16. Amos, in, 10, re-
Paldstina, Leipzig, 1896, p. 249-250. Capitoliade est proche aux riches d'entasser dans leurs palais le fruit
communement identifiee avec le village actuel de Beit- de leurs rapines, et Malachie, i, 13, dit qu'on ose offrir
JRds, situ4 a quatre kilometres au nord d'lrbid de au Seigneur des victimes qui sont le fruit de la rapine.
l
Adjlun, et a vingt kilometres au sud-est (L'el-Mezeirib Nahum, in, 1, annonce a Ninive le chatiment que vont
idenlifie par quelques-uns avec Carnaim ou Carnion lui attirer ses rapines. Au temps de Notre-Seigneur,
des Machabees et ou se voient de nombreuses ruines les scribes et les pharisiens etaient a 1'interieur pleins
greco-romaines. Cf. G. Schumacher, Northern 'Adjliin, de rapine et d'intemperance. Matth., xxm, 25; Luc.,
Londres, 1889, p. 154-168. La plupart des auteurs n'ad- n, 39. — Les premiers Chretiens souffraient avec joie
mettent pas cette identite et il est certain que 1'on n'a la rapine dont leurs biens etaient 1'objet. Heb., x, 34.
pas toujours recense les memes villes parmi les dix de la Voir PROIE, col. 704. H. LESETRE.
confederation decapolite. Voir DECAPOLE, t. n, col. 1334.
— Quelques uns ont propose de voir Raphon dans RASCHI (Rabbi Salomon Jarchi), rabbin juif, ne a
Tell es-Sihdb, « la colline des Braves », grand village, Troyes en Champagne, en 1040, mort dans cette ville,
avec des ruines anciennes, situe a cinq kilometres a le 13 juillet 1105. C'est le plus celebre des rabbins
1'ouest-sud-ouest d'el-Mezeirib et sur le bord d'un des francais du moyen age. Son pere s'appelait Isaac et c'est
principaux affluents du Yarmouk. Cf. Buhl. loc. cit., de la que lui est venu le 'surnom d'Isaaki. Son nom
et Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886, lui-meme est forme par les initiales des mots Rabbi
p. 199-203. On ne voit pas de raison positive pour jus- Schelomo Isaaki. II est souvent cite sous le nom de
tifier ce choix. — Les geographes reconnaissent assez Jarchi, par confusion avec un autre Salomon de Lunel,
generalement Raphon dans Rdfeh, dont la similitude et comme ce mot Jarchi, en hebreu, signifie « de la
du nom est incontestable. Rdfeh est un village situe a lune », plusieurs en ont conclu a tort qu'il etait origi-
quinze kilometres a 1'ouest de Bosr el-Hariri duLedjd naire de Lunel, en Languedoc. II fit de bonne heure de
et a treize au nord-est de Seih-Sa'ad, le chef-lieu ac- grands progres dans 1'etude de 1'Ecriture Sainte et du
tuel du Hauran. Ce Bosr est tres probablement Bosor, Talmud, qu'iletudia a Worms et dont il fut le premier
la derniere ville nommee, I Mach., v,j36, dont Judas et le plus utile commentateur. Pour perfectionner ses
venait de s'emparer, et c'est autour de Seith-Sa'ad que connaissances il alia, dit-on, visiter les ecoles juives
Ton cherche Astaroth-Carnaiim et Carnion ou se refu- d'Egypte, de Perse, d'Espagne, d'Allemagne et d'ltalie;
gierent les debris de 1'armee de Timothee apres la ses voyages sont consideres aujburd'hui comme legen-
bataille de Raphon. Le torrent sur le bord duquel daires. II a seme ses ecrits de fables et d'allegories;
se livra le combat pourrait etre Vouad 'el-Lebuah qui cependant il s'attache surtout a 1'explication litterale
n'est guere distant que de trois kilometres, au nord- de 1'Ecriture, en rapportant dans leurs termes memes
est de Rdfeh. L'ouadi-Qanaudt qui court a la meme les opinions des rabbins les plus accredites. Son style
distance au sud-est pour aller rejoindre 1'ouadi prece- est concis, mais obscur et bariole de termes hebreux,
dent, n'a gucre d'eau qu'au moment des grandes pluies chaldeens, rabbiniques et francais, ce qui ne 1'a pas
de 1'hiver. Cf. R. C. Conder, Tent-Work in Palestine, empeche d'etre cite par les commentateurs Chretiens,
Londres, 1878, t. 11, p. 344; Armstrong, Names and Nicolas de Lyre, Simeon de Muis, etc. — Ses principaux
places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 144; ecrits scripturaires sont : Commentarius in Penlateu-
Rich, von Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Br., 1887, chum, en hebreu, Reggio, 1475 (sans le texte; avec le
P. 25. Cf.; CARNION, t. n, col. 306-308; JUDAS MACHA- texte a Bologne, en 1482), et souvent depuis, Francfort
BEE, iv, t. in, col. 1794. L. HEIDET. a. M., 1905; Commentarius inCanticum, Ecclesiasten,
Ruth, Ester, Daniel, Esdram, Nehemian, in-4°, Naples,
RAPHU (hebreu : Rdfu'; Septante : 'PaooO), fils de 1487, etc. Le.commentaire sur le Pentateuque est le pre-
Phalti, de la tribu de Benjamin. II fut choisi au nom mier livre hebreu date qui ait ete imprime. Dans 1'edi-
de cette tribu pour aller explorer la Terre Promise, du tion de Bologne de 1482, le commentaire fut place en
temps de Moise, avec les onze autres esplons Israelites. marge du texte, et c'est le premier commentaire imprime
Num., XHI, 9. de la sorte. Les commentaires de Raschi ont ete a leur
tour 1'objet de nombreux commentaires, a cause de leur
RAPINE (hebreu : besa', gdzel, gezeldh, pereq; reputation. On lui a attribue beaucoup d'autres ouvrages,
Septante : apn:aY'n> ap«aY(A6i;; Vulgate : rapina), sous- dont plusieurs ne sont pas de lui. — Voir Georges, Le
traction du bien d'autrui a 1'aide de la violence. La Rabbin Salomon Raschi, dans I'Annuaire administra-
rapine s'exerce a decouvert, par un plus fort au detri- lif du de'partement de VAube, 1868, part. 2; Kronberg,
ment d'un plus faible. Elle se distingue ainsi des Raschi als Exeget, Halle, 1882; A. Berliner, Beitrdge
atteintes au bien d'autrui executees en cachette ou par zur Geschichte der Raschi-Commentare, in-8°, Berlin,
ruse. Voir FRAUDE, t. n, col. 2398; INJUSTICE, t. in, 1903; Jewish Encyclopedia, t. x, New-York, 1905, p. 324-
col. 878; VOL. — La loi condamnait celui qui avail 328; Schlossinger, Raschi, his life and his work, Bal-
exerce la rapine a restituer ce qu'il avait pris, avec un timpre, 1905.
cinquieme en plus, sans compter le sacrifice de repa-
ration auquel il etait oblige. Lev., VI, 2. — Jethro con- RASIN (hebreu : Resin; Septante : 'Pa<riv), nom
seilla a Moise de choisir, pour juger le peuple, des d'un roi de Damas et d'un chef de Nathineens.
hommes ennemis de la rapine. Exod., XVHI, 21. La
rapine est signalee de temps en temps par les ecrivains 1. RASIN (hebreu : Resin, Septante: 'Pao-tv, Taacr-
sacres. Les fils d'Heli, I Reg., n, 12, puis ceux de <7t6v), roi de Damas, qu'on peut considerer comme le
Samuel s'en rendirent coupahles. I Reg., vin, 3. II est second du nom. Voir DAMAS, t, n, col. 1225. D'apres les
989 RASIN — RAT 990
inscriptions cuneiformes, son nom aurait du etre F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes,
ecrit psi, Rason, au lieu de }>s-i, car 1'assyrien est 6« edit., t. in, p. 519-526.
Ra-sun-nu. Ce prince, qui ne nous etait connu Dans le recit de la guerre de Rasin et de Phacee
que par la Bible, Test aussi maintenant par des docu- contre Juda, il est dit, Is., vn, 6, que leur projet etait
ments assyriens, qui rapportent pour le fond les d'etablir roi a Jerusalem le fils de Tabeel. Ce Tabeel est
memes evenements. Le nom de Rasin se lit quatre fois inconnu. Quelques savants ont suppose qu'il pouvait
dans les fragments de 1'inscription des Annales de bien etre le pere de Rasin et que celui-ci etait designe par
Theglathphalasar III, roi de Ninive, lig. 83, 150, 205, les mots « fils de Tabeel », comme Phacee est designe
236. P, Rost, Die Keilschrifttexte Tiglat-Pilesers III, par ceux de « fils de Romelie ». Is., vn, 4, 5, 9; vm, 6.
in-12, Leipzig, 1893, p. 14, 26, 34, 38. Le conquerant
assyrien le nomme comme roi de Damas (lig. 83, 150, 2. RASIN, un des chefs des Nathineens qui retourne-
205); il nous dit (lig. 205) qu'il s'empara de la ville de rent de la captivite. de Babylone en Palestine avec Zo-
ftadara, residence du pere de Rasin de Damas, ou il robabel. I Esd., li, 48; II Esd., vn, 50. Les Septante
etait ne; il 1'enumere parmi ses tributaires (lig. 83-84, 1'appellent Ta<rtiv dans le premier passage et Tasowv
150) et, dans ce dernier passage, il le place entre Kus- dans le second. Le nom de ce Nathineen n'etant pas
taspi de Qummuf.i, Mi-ni-fyi-im-mi Sa-mi-ri-na-ai, Israelite indique sans doute une origine etrangere.
« Manahem de Saraarie », et tiirom de Tyr. II raconte,
lig. 191, 210, sa campagne centre Rasin. Ces lignes RASOIR (hebreu : mordh, ta'ar; Septante : £updv,
sont tres mutilees, mais ce qui en reste nous montre <7t'5y)po;, « fer »; Vulgate : novacula, ferrum), larne
que, en 733-732 (xne, xme et xiv e campagnes), Theglath- effilee servant a couper au ras de la peau les cheveux,
phalasar voulut en finir avec le plus puissant de ses la barbe, les poils, etc. — Le rasoir ne devait pas tou-
ennemis; il le battit, malgre une resistance longue et cher celui qui avait fait le vosu de nazareat. Num., vi,
opiniatre; il 1'enferma et 1'assiegea dans Damas, dont 5. Ainsien fut-il pour Samson, Jud., xm, 5; xvi, 17, et
il ravagea tous les alentours, rasa 591 villes de son pour Samuel. I Reg., I, 11. Par contre, au jour de leur
territoire et en fit prisonniers les habitants; il ter- purification, les levites devaient passer le rasoir par
mina la guerre par la prise de Damas. Rost, ibid., tout leur corps. Num., vm, 7. — Le rasoir est Pimage
p. xxx, xxxiv. de ce qui ravage de fond en comble. La langue perni-
Ces inscriptions confirment pleinement ce que cieuse est comparee a une lame de rasoir, parce qu'elle
1'Ecriture nous apprend de Rasin, roi de Damas. detruit totalement la reputation du prochain. Ps. LII
D'apres IV Reg., xvi, 3, et Isai'e, vn, 1-9, Rasin de Da- (LI), 4. Pour raser la Syrie et la Judee, le Seigneur
mas' et Phacee d'Israel deja ennemis de Juda sous louera un rasoir au dela du fleuve, c'est-a-dire emploiera
Joatharn, IV Reg., xv, 37, marcherent centre Achaz, le roi d'Assyrie, qui n'est pas d'ordinaire a son service,
son fils, roi de Juda, qui avait refuse de s'unir a eux et celui-ci rasera tout, de la tete aux pieds. Is., vu, 20.
pour secouer le joug de Theglathphalasar auquel ils Ezechiel, v, 1, se sert de la meme figure pour annoncer
etaient obliges de payer tribut. La nouvelle de cette la ruine de Jerusalem: il recoit 1'ordre de prendre une
coalition remplit d'effroi les habitants de Jerusalem lame tranchante, frereb, en guise de « rasoir de bar-
et ils devinrent tremblants comme les feuilles des bier », et de la faire passer sur sa tete et sur sa barbe,
arbres agitees par le vent, Is., vn, 2, lorsque les deux afin de tout enlever. Voir BA.RBIER, t. I, col. 1456 et
allies vinrent assieger la capitale, Isaie tenta en vain fig. 450. H. LESETRE.
de les rassurer, au nom du Seigneur, contre les me-
naces de « ces deux bouts de tisons fumants ». Is.,vii, RASSIS (FILS DE) (grec : 'Tio\ Tawfc), peuplade
4. Rasin et Phacee ne purent s'emparer de Jerusalem, mentionnee seulement dans Judith, n, 23. La Vulgate
mais le roi de Damas, descendant au sud du pays, alia porte : Filii Tharsis, c'est-a-dire « fils de Tarse (en Ci-
prendre Elath sur le golfe Elanitique, fit de nombreux licie) », Judith, n, 13. Holoferne ravagea leur pays dans
captifs dans le royaume de Juda et les deporta a Da- sa campagne contre 1'Asie occidentale. Voir TARSE.
mas, pendant que Phacee, de son cote, infligeait a
1'armee de Juda une sanglante defaite. IV Reg., xvr, RAT (hebreu : 'akbar • Septante : (AU?; Vulgate :
5-6; II Par., xxvin, 5-8. Abattu par tous ses desastres, mus), petit mammifere de 1'ordre des rongeurs^ muni
Achaz, jeune roi de vingt ans, compta plus sur son
habilete politique que sur le secours de Dieu, que lui
promettait Isaie. Il resolut de reclamer 1'aide du roi de
Ninive; prenant Tor et 1'argent qui etaient dans les tre-
sors du Temple, il 1'envoya en tribut a Theglathphala-
sar, afin d'obtenir de lui son intervention immediate.
y. 8-9. L'occasion etait trop belle pour le roi d'Assyrie,
jl ne se fit pas prier; il porta aussitot la guerre dans le
royaume d'Israel. A son approche, Phacee fut mis a
mort par ses propres sujets et Theglathphalasar, dans
ses inscriptions, s'attribua a tort ou a raison d'avoir
donne le trone a Osee. Voir OSEE 2, t. iv, col. 1905. — II
ne devait pas triompher aussi facilementde son second 223. — Le rat,
ennemi, Rasin, comme on 1'a vu plus haut. II ne lui
fallut pas moins de deux ans pour 1'abattre, mais la de deux dents incisives et tranchantes^a chaque ma-
destruction fut complete. Le roi TheglathphaJasar III choire, omnivore, tres vorace et d'une extraordinaire
« prit Damas, lisons-nous IV Reg., xvi, 9, il emmena fecondite (fig. 223). — 1° II y a de nombreuses especes
les habitants en captivite a Kir et il fit mourir Rasin. » de rats; on en trouve dans tous les pays. On rencontre
Ce dernier detail ne se trouve point dans les fragments en Syrie le rat proprement dit, la souris, la marmotte,
des inscriptions de Theglathphalasar qui ont ete pu- la gerboise, voir t. in, eol. 209, le campagnol, voir t. n,
bliees, mais Henry Rawlinson cut entre les mains une col. 103, le loir et le hamster. Vingt trois especes au
tablette assyrienne, malheureusement egaree depuis en moins sont representees en Palestine, dont trois especes
Asie, qui conflrme le fait rspporte par 1'historien sacre. de loirs parmi lesquels le plus grand de tous, le myoxus
G. Smith, The Annals of Tiglath Pileser II, dans la glis; quatre ou cinq especes de rats a courte queue,
Zeitschrift fur dgyptische Sprache, 1869, p. 14. Voir dont Varvicola arvalis ou campagnol, qui ravagea les
991 RAT — R A V I S S E M E N T 992
champs des Philistins, I Reg.,,vz, 4, 5, 11, 18; six Londres, 1889, p. 122. Au temps d'lsai'e, LXVI, 1*7, des
especes de rats des sables, psammomys ou gerbillus. Israelites prenaient rendez-vous dans des jardins pour
Ces derniers petits animaux ont le dos couleur cha- y manger de la chair de pore et de 'akbdr. Ce dernier
mois clair et le venire blanc; leur queue est longue et mot designait pour les Hebreux les differentes especes
touffue; ils terrent au desert dans les racines des buis- de rats. Quand les habitants de Bethulie sortirent de
sons, et dans les pays montagneux au creux des ro- leur ville pour attaquer les Assyriens, ceux-ci dirent :
chers. Lortet, La Syrie d'aujourcChui, Paris, 1884, « Ces rats sortent de leurs trous et nous provoquent au
p. 455, aeobserve ces animaux aux environs de Jericho, combat. » Judith, xiv, 12. Au lieu de rats, les Septante
a Le sol est ici entierement mine, dit-il, par les gale- mettent ici des esclaves, SoO).ot, ce qui est bien moins
ries profondes du psammomys obesus, espece de gros pittoresque et probablement moins vrai. 11s ont lu
rat, a queue courte, a grosse tete, ressemblant a une nnay au lieu de onsDy, avec omission du : et change-
marmotte minuscule, et qui se tient assis sur un mon- ment du T en -. Une caricature egyptienne (fig. 224)
ticule artistement tasse non loin de 1'ouverture de son represente une armee de rats assiegeant un fort defendu
terrier. Du haut de son observatoire, il regarde avec par des chats. Ces rats figurent les soldats du pharaon
curiosite ce qui se passe autour de lui; mais au plus attaquant les defenseurs des villes syriennes.
petit bruit, a la moindre alarme, ces jolis animaux se 3° Dans Isai'e, n, 20, il est dit, d'apres la Vulgate, que
precipitent t6te baissee et disparaissent avec rapidite 1'homme rejettera les idoles qu'il s'etait faites, les taupes
dans leurs cachettes profondes. Quelques voyageurs et les chauves-souris qu'il adorait. Les Septante rem-
ont confondu ce mammifere avec des gerboises, dont placent ies taupes par des <t choses vaines »,
224. — Rats asstegeant une viUed^fendae par des chats. D'apres Lepsius, Auswahl der wichtigsten Urkunden, pi. xxm B.
il differe absolument. Ces rongeurs sont tres nombreux Le terme hebreu correspondant est hepor-perot, qui
dans les endroits sablonneux et assez eleves pour ne se trouve qu'en cet endroit et parait devoir se rat-
n'etre point atteints par les inondations du fleuve. Ils tacher aux verbes hdfar et pd'ar qui tous deux signi-
vivent en families et se creusent des retraites placees lient « creuser ». Pour la Vulgate, il s'agit d'un animal
les unes a cote des autres. L'entree principals de ces qui creuse, mais a quelque analogic avec la chauve-
demeures souterraines se trouve ordinairement a la souris, la taupe. Voir TAUPE. D'autres pensent qu'il est
base d'un arbrisseau, non loin du tumulus oil 1'animal plutot question du rat, qui creuse aussi et est appele
se met aux aguets lorsqu'il est inquiet. Les galeries farah par les Arabes. En tous cas, la chauve-souris, la
sont souvent multiples et communiquent les unes avec taupe et le rat n'etaient pas adores comme des divinites.
les autres, ce qui rend tres difficile la capture de leurs Le texte hebreu doit se traduire : 1'homme jettera ses
habitants. Dans celles que nous avons eventrees, nous idoles « aux rats et aux chauves-souris. » Les taupes
avons trouve, a plus de trois pieds. de profondeur, un n'attaquent que ce qui, est sous terre. Les rats convien-
elargissement, une espece de chambre plus ou moins nent done mieux ici, puisqu'ils rongent ce qu'on leur
circulaire dans laquelle la femelle avait depose ses abandonne sur le sol. H. LESETRE.
petits, au nombre de six a huit. Le nid etait forme de
fines tiges de graminees dessechees. » Le hamster ou RATIONAL, ornement du grand-pretre. Voir PEC-
rat des bles, cricetus auritus, exerce de grands ra- TORAL, col. 18; PIERRES PRECIEUSES, col. 422.
vages dans les cereales pour s'assurer ses provisions
d'hiver. Le rat pore-epic ou acomys frequente les RAVISSEMENT, etat extatique dans lequel 1'ame,
ravins et les pays arides des environs de la mer Morte soudainement soustraite aux impressions externes, se
et du desert du sud. On en connait plusieurs especes. trouve mise en face d'une vision qui la subjugue par
C'est un joli petit animal, couleur de sable clair en son caractere extraordinaire, inattendu et grandiose. A
dessus et blanc en dessous. Son nom lui vient de ce la manifestation surnaturelle qui constitue la simple
qu'il porte sur le dos des poils raides comrne ceux du vision s'ajoute done, dans le ravissement, une action
herisson. puissante exercee par Dieu sur 1'ame pour 1'abstraire
2° La loi mosai'que range le 'akbar au nombre des de son milieu naturel etla transporter dans un monde
animaux qu'il n'etait pas permis de manger. Lev., xi, tout surnaturel. W. Ribet, La mystique divine, Paris,
29. II y a des Arabes qui mangent la gerboise, plusieurs 1879, 1.1, p. 284. — II est possible que certains pro-
especes de loirs et le rat des sables appele psammomys phetes aient eu de veritables ravissements, comrne
obesus. Cf. Tristram, Tlie natural History of the Bible, Isaie, vi, 1-13; Ezechiel, I, 28; H, 1-10, m, 12, etc. Mais
993 R A V I S S E M E N T — RAZIAS
ils ne le disent pas d'une maniere positive, de sorte duel, qarnayim, Hab., HI, 4, parce que les rayons lu-
qu'on ne peut savoir si 1'action dont ils etaient 1'objet mineux partent de leur foyer comme les cornes de la
allait au dela de la simple vision. Les ecrivains du Nou- tele de Tanimal. — Les rayons du soleil chassent le
veau Testament sont plus explicites. A ia montagne de brouillard, Sap., 11, 3, et eblouissent les yeux. Eccli.,
la transfiguration, les trois apotres Pierre, Jacques et XLIII, 4. Les premiers rayons faisaient fondre la manne-
Jean sont abstraits du monde exterieur par le spectacle Sap., xvi, 27, — Habacuc, in, 4, decrivant une theo-
qui se deroule a leurs regards, si bien que Pierre, phanie, dit de Dieu : « C'est un eclat comme la lu.
saisi de crainte et ne sachant pas ce qu'il disait, Marc., miere, des rayons partent de ses mains, la se cache sa
ix, 5, par consequent hors de lui, propose de dresser puissance. » Dieu est compare a un soleil eclatant; de
des tentes, sans se douter qu'il est transporle hors du ses mains et de toute sa , personne s'echappent des
monde naturel. Matth., xvm, 4; Marc., ix, 4, 5; Luc., rayons de lumiere eblouissante. Comme il s'agit ici et
ix, 32, 33. A Joppe, saint Pierre a une extase, sxTiaat?? dans les versets suivants de la puissance de Dieu, il se
mentis excessus, Act., x, 10, qui se repete deux autres pourrait que les rayons dont parle le prophete soient
fois, et dans laquelle une vision lui signifie ce que Dieu ceux de la foudre. — Quand Moi'se descendit du Sinai',
attend de lui. Lui-meme distingue tres bien deux phe- a la suite de ses communications avec Jehovah, « la
nomenes differents : « J'ai vu, dans une extase, une vi- peau de . sa face rayonnait, » qdran, et il la voilait
sion. » Act., xi, 5. — Saint Paul a ete violemment en- pour parler aux enfants d'Israel. Exod., xxxiv, 29-35.
leve, f,p7rayYj, raptus est, jusqu'au troisieme ciel, jusque Les Septante traduisent par SsSo^aora'., « etait glorifiee ».
dans le paradis, et il y a vu des choses que 1'homme La Vulgate rend trop servilement le verbe qdran, cor-
ne saurait exprimer. Mais il ne peut pas savoiv s\ \<& Tiuta era{, <s. avait des cornes ». II s'agit ici de rayons
ravissement a porte sur le corps el I'am'e ou bien sur et non de cornes, et ces rayons ne jaillissaient pas
Tame seule. II Cor., xii, 2, 4. II affirme deux fois de seulement du front, mais de « la peau de la face »,
suite le meme fait, dont I'objectivite est pour lui indu- c'est-a-dire de toute la partie. du visage que ne recou-
bitable, bien qu'il n'ait pas eu pleine conscience des vraient pas les cheveux ou la barbe. — Dans la descrip-
conditions dans lesquelles il se produisait. Maisl'igno- tion du crocodile, 1'auteur de Job, XLI, 21, dit que le
rance de ces conditions-importe peu, puisque le ravis- dessous de son corps ressemble a des pointes de tes-
semenl n'est qu'nn moyen qui a pour fin la revelation sons, haddude hares. Les ecailles qui recouvrent le
que Dieu veut faire a une ame. Le « troisieme ciel », le venire de la bete sont en effet comme des lessons tran-
« paradis » sont ici des expressions mal definies pour chants et aigus, imbriques les uns sur les autres. Les
nous, par lesquelles saint Paul indique que son ravis- Septante traduisent par o^\iav.oi 6|£l?, « des pointes
sement 1'a mis en rapport immediat et surnaturel avec aigues ». Dans la Vulgate, ces pointes de lessons de-
Dieu. Le livre des Secrets d'Henoch compte sept cieux, viennent des « rayons de soleil >), II faut qu'au lieu de
dont le troisieme est celui des bienheureux. Ce troi- win, « tesson », le traducteur ait lu ^iraur, semes, « so-
sieme ciel est au-dessus du ciel almospherique et du leil ». Des pointes de soleil peuvent elre les traits du
ciel sideral. Rien ne prouve que saint Paul admelte soleil, ses rayons-; mais alors le texte n'a plus de sens,
sept cieux; il ne fait qu'identifier le troisieme ciel avec si on 1'applique au crocodile. — Par similitude, on
Je paradis, sejour dans lequel il est entre en relation donne le nom de raies ou raysons aux pieces rectilignes
surnaturelle avec Dieu. Voir CIEL, t. n, col. 755; Cor- qui rayonnent autour du moyeu d'une roue el s'ajus-
nely, Altera Epist. ad Corinthios, Paris, 1892, p, 317, lenl dans les janles qu'elles mainliennenl. Ces rayons
318. Le ravissement dont parle saint Paul remonte a s'appellent en hebreu hissuqim, de hasaq, « joindre »;
quatorze ans en arriere. II Cor., xii, 2. Peu de temps Vulgate : radii. II en est parle a propos des bassins
apres son bapteme, il avait eu, dans le Temple meme roulanls fabriques en airain pour le service du Temple.
de Jerusalem, une extase au cours de laquelle le Sei- Ill Reg., vii, 33. Voir MER D'AIRAIN, I. iv, col. 987.
gneur lui commanda de quitter cette ville, qui ne rece- H. LESETRE.
vrait pas sa predication. Act., xxil, 17. — A Patmos, un RAZIAS (grec : Ta£et'c), un des anciens de Jerusa-
dimanche, saint Jean fut ev 7tvEU(j,aT'., in spiritu, c'esl- lem qui, pendant les guerres de Judas Machabee, se
a-dire ravi en esprit, pour recevoir- les revelations di- donna lui-meme la mort pour ne pas etre livre a Mi-
vines. Apoc., i, 10. — Les Peres expliquent que, dans canor. Gel ennemi des Juifs envoya cinq cents hommes
1'extase et le ravissement, Fame est soustraite a 1'in- pour le prendre, a cause de l'intluence qu'il exeroait
iluence des sens et du monde exterieur, mais qu'elle sur ses coreligionnaires, et lorsque Razias vit qu'ils.
ne cesse point d'etre pleinement consciente et libre. Cf. metlaient le feu a la tour (texte grec) ou il etail ren-
Origene, In Eiech., horn, ix, 1, t. xm, col. 739; S. Ba- ferme et qu'il ne pouvail leur echapper, il se frappa de
sile, In Is., Procem., xm, 1, t. xxx, col. 125, 565; son glaive, « aimanl mieux mourir noblement, dil 1'au-
S. Jean Chrysostome, In Ps. XLIV, t. LV, col. 184; In I leur sacre, que de lomber enlre les mains des pecheurs
ad Cor., horn, xxix, 2, t. LXI, col. 242; S. Jerome, In el de subir des oulrages indignes de sa naissance. »
Is. Prol., t. xxiv, col. 19; In Nah., Prol., t. xxv, II Mach., xiv, 42. Mais le coup qu'il s'etait porte preci-
col. 1292; In Eph., m, 2, t. xxvi, col. 510, etc. Cette pitamment n'elait pas mortel. Avec un courage heroii-
abstraction des sens a pour but et pour effet de rendre que, il courul sur le mur et se precipita dans le vide;
1'anie plus apte a saisir les communications divines. il se releva du sol couverl de sang et de plaies, tra-
Cf. S. Augustin, Ad Simplic,, n, q. I, 1, t,XL, col. 130; versa la foule en courant et, se tenant debout sur une
In Ps. LXVII, 36, t. xxxvi, col. 834, etc. Elle ne produit pierre escarpee, il saisit ses entrailles des deux mains
aucun desordre dans les facultes naturelles de 1'homme et les jeta sur la multitude, en invoqttant le mailre de
et n'a par consequent rien de commun avec 1'alienation la vie, afin qu'il les lui rendit de nouveau. C'est en
mentale et la divagation intellectuelle. Cf. S. Thomas, faisant eel acte de foi a la resurreclion qu'il expira.
Sum. theol., IIa II18, q. CLXXIII, a. 3; Sainte Therese, II Mach., xiv, 37-48. Un tel acte de courage devait
Vie ecrite par elle-meme, trad. M. Bouix, Paris, 1880, remplir d'admiration ceux qui en furent les lemoins.
p. 151, 227, 326. H. LESETRE. On ne peul neanmoins approuver sa conduite en elle-
meme et Ton ne peulTexeuser que par la droiture de
RAYON (hebreu : geren; Septante : axT-c; Vul- ses intentions ou.par une inspiration divine particuliere,
gate : radius), lumiere emise par un foyer et se propa- comme celle des martyrs qui se sonl precipites eux-
geant en ligne droite. L'hebreu n'a pas de mot particu- memes dans les buchers. « Sa mort, dit saint Augustin,
lier pour designer le rayon lumineux; il se sert pour Cont. Gaudent., I, xxxi, 57, t. XLIII, col. 729, fut plus
cela du mot qeren, « corne », employe seulement au admirable que sage, et 1'Ecriture, en raconlanl sa mort
DICT. DE LA BIBLE. V. — 32
995 RAZIAS — REBECCA 996
telle qu'elle avait eu lieu, ne 1'a pas louee comme 1'ac- qui consentirait a donner a boire a lui et a ses cha-
eomplissement d'un devoir. » Voir ibid., 36-37, col. 728- meaux. Bathuel, pere de Rebecca, et Laban reconnu-
729. Magna hsec sunt, ecrit le meme saint docteur, au rent qu'il y avait la une indication de la Providence.
tribun Dulcitius, Epist., CCIY, 8, t. xxxill, col. 941, nee Ils accederent a la requete d'Eliezer, regurent les pre-
tamen bona. sents qu'il leur offrit, et laisserent Rebecca partir avec
lui pour le pays de Chanaan. Isaac pleurait encore la
RAZON (hebreu : Rezon; Septante: Ts^wv, Alexan- mort recente de Sara, sa mere. II se trouvait dans le
drinus : 'Paijwv), Syrien, fils d'Eliada. Divers savants Negeb, voir t. iv, col. 1560, aux environs d'Hebron,
croient que son nom est le meme que celui de Rasin, quand, un soir, il apergut la caravane d'Eliezer. Le
roi de Damas (col. 988), mais il faut admettre alors serviteur lui raconta ce qui etait arrive. Isaac conduisit
que 1'orthographe en est fautive, car la seconde con- Rebecca dans la k tente de Sara, 1'epousa et se consola
sonne du nom est un zain, tandis qu'elle est un tsade aupres d'elle de la mort de sa mere. Gen., xxiv, 1-67.
dans le nom de Rasin. Tout ce que nous savons de lui Rebecca, d'abord sterile, eut ensuite deux jumeaux,
est resume dans quelques mots de III Reg., xi, 23-25 ; Esau et Jacob. Le premier, habile chasseur et homme
« Dieu suscita un autre ennemi a Salomon : Razon, fils des champs, fut le prefers d'Isaac; 1'autre, paisible et
d'Eliada, qui s'etaitenfui de chez son maitre Adadezer, sedentaire, eut 1'affection de Rebecca. Un jour, £sau
roi de Soba. II rassembla des hommes aupres de lui, et vendit son droit d'ainesse a Jacob pour un plat de len-
il etait chef de bandes, quand David massacra les troupes tilles. Gen., xxv, 21-34. Rebecca songea alors a rendre
de son maitre. Ces hommes allerent a Damas, ils s'y ce droit d'ainesse effectif en faveurdufils qu'elle che-
etablirent 'et ils regnerent a Damas. II fut ennem rissait, d'autant plus que les femmes epousees par Esaii
d'Israel pendant toute la vie de Salomon. II regna sur lui causaient plus d'un chagrin. Un jour, le vieil Isaac
la Syrie. » Tout ce qu'on peut dire sur son compte en demanda a son fils aine de lui servir de sa chasse, et
dehors de ce passage n'est qu'hypothese. On ignore celui-ci partit a la recherche du gibier. Aussitot Re-
quelle etait sa situation aupres d' Adadezer et comment becca, qui avait entendu ce qu'avait dit Isaac, fit pren-
il s'empara de Damas. Ce fut peut-etre apres la defaite dre deux chevreaux et les assaisonna suivant le gout
du roi de Soba et avec les debris de ses troupes. Mais du vieillard. Puis, avec la peau, elle couvrit le cou et
a quel moment et de quelle maniere, on ne saurait le les mains de Jacob, pour qu'il ressemblat a son frere
dire. Apres sa victoire sur Adadezer, David avait etabli qui etait velu, elle le revelit des habits de ce dernier, et
une garnison a Damas. II Reg., vni, 6. Combien de elle lui commanda de porter le plat de chasse a Isaac,
temps se maintint-elle dans la ville ? Est-ce Razon qui en se faisant passer lui-meme pour Esaii. Le vieillard
1'en chassa? Impossible de le savoir. Ce qui est certain, avait les yeux trop obscurcis pour reconnaitre son
c'est que Razon et ses successeurs, appartenant sans second fils; au toucher, il le prit pour son aine, bien
doute a la dynastie qu'il fonda, furent les ennemis les que la voix qu'il entendait lui persuadat le contraire,
plus acharnes et les plus irreductibles d'Israel, et que et il lui donna la benediction qu'il reservait a Esaii.
Salomon fut le premier a souffrir de cette haine pro- — II est certain que Jacob etait autorise a reclamer la
fonde. benediction paternelle qui consacrait le droit d'ainesse
Benadad, roi de Syrie, du temps d'Asa de Juda, cede par Esaii. Mais, puisqu'il etait dans les desseins de
est appele, III Reg., xv, 18, a fils de Tab-Remmon, Dieu qu'il obtint cette benediction, Rebecca eut du
fils d'Hezion. » Plusieurs exegetes en concluent qu'il laisser a la Providence le soin de la lui faire donner.
etait petit-flls de Razon, qu'ils identifient avec Hezion, Or, pour y parvenir, elle use de toute une serie de
Gette identification est possible ; elle n'est pas prouvee. tromperies, dont Isaac ne parait pas etre absohiment
Le passage de Nicolas de Damas, rapporte par Josephe, dupe, puisqu'il reconnait Jacob a sa voix, mais dont
Ant.jud., VIII, vn, 6, qui substitue Adad a Razon, n'a elle aurait du se dispenser.il est vrai qu'en Orient ces
aucune autorite et paraitietre le resultat d'une confu- sortes de precedes sont considered bien plutot comme
sion occasionnee par la version des Septante mal com- des coups d'adresse que comme des fraudes. Plusieurs
prise. Peres ont excuse Rebecca. Saint Augustin a dit a ce
sujet : Non est mendacium,sedmysterium. Cf. Cont.
REBIi (hebreu : RebcC ; Septante' To66x, dans les mendac., x, 23, 24; De mendac., v, 7, t. XL, col. 533,
Nombres; 'Po§e, dans Josue), un des cinq chefs ma- 491; De Civ. Dei, xvi, 37, t. XLI, col. 515; S. Thomas,
dianites qui furent tues par les Israelites, du temps de Sum. theol., IIa II32, q. ex, a. 3, ad 3 um . Saint Jerome,
Moi'se, pour se venger du mal qu'ils leur avaient fait Apol. adv. Rufin., i, 18, t. xxm, col. 413, reconnait le
sous 1'inspiration de Balaam, Num., xxxi, 8; Jos., xm, mensonge. mais 1'excuse. Les modernes sont moins
21. Dane le premier passage, Rebe est qualifie : melek, portes que les anciens a regarder .comme bonnes et
« roi »; dans le second, ndsi', « prince ». louables toutes les actions qui sont attributes aux per-
sonnages bibliques. D'ailleurs 1'intention des ecrivains
REBECCA (hebreu : Ribqdh; Septante : ' sacres n'est nullement d'approuver tout ce qu'ils ra-
femme d'Isaac. Abraham, devenu vieux, voulut pourvoir content. Voir JACOB, t. m, ]col. 1061.
au mariage d'Isaac. II envoya done son serviteur Eliezer .Dieu ratifia la benediction accordee a Jacob, puisqu'il
en Mesopotamie, pour lui choisir une epouse dans son etait dans ses desseins qu'il 1'obtint, mais celui-ci la
pays d'origine. Voir ELIEZER, t. n, col. 1678. Le servi- paya cher. Devant la colere d'Ji,sau, qui parlait de le
teur, arrive pres de Nachor, s'arreta aupres d'un puits, tuer apres la mort de son pere, Rebecca resolut de
rendez-vous naturel des gens de la ville. 11 vit bientot Feloigner. Elle persuada a Isaac de 1'envoyer en Meso-
venir une jeune fille qui offrit gracieusement a boire a potamie, afin de s'y marier avec 1'une des filles de son
lui eta se&chameaux. C'elait Rebecca, fille de Bathuel, oncle Laban. Jacob partit done. Lui, qui avait trompe
qui lui-meme avait eu pour mere Melcha, femme de son pere, futjoue par Laban, qui substituaLia a Rachel
Nachor, le propre frere d'Abraham. Rebecca etait ainsi sur laquelle Jacob comptait et 1'obligea a un dur service
ane petite niece de ce dernier. Eliezer donna a la jeune pendant quatorze ans. A son retour en Chanaan, Jacob
fille un anneau et deux bracelets d'or. Informe de ce ne retrouva plus sa mere, dont il n'est plus fait men-
qui s'etait passe, Laban, frere de Rebecca, vint au tion et qui sans doute etait morte. II est seulement
puits et ramena chez iui Eliezer. Celui-ci raconta alors raconte que Debora, nourrice de Rebecca, mourut alors
qu'il venait de la part d'Abraham, et qu'il avait demande et fut enterree pres de Bethel. Gen., xxxv, 8. II est a
au Seigneur de lui faire connaitre la jeune fille qui croire que, Rebecca etant morte, Debora avait cherche
devait devenir Pepouse d'Isaac : ce serait la premiere a aller au-devant de Jacob. Isaac mourut ensuite a He-
997' REBECCA. — REBLA 998
bran et fu't inhum£ dans la caverne de Makpelah. idee de distinction par rapport a une ville du meme
« C'est la qu'on a enterre Abraham et Sara, sa femme, nom. — Les anciens ayant souvent confondu Emath
C'est la qu'on a enterre Isaac et Rebecca, sa femme. » avec Antioche, ont confondu de meme Rebla avec elle,
Gen., XLIX, 31. Sara etait morte avant Abraham; la ou ont cherche celle-ci dans son voisinage. « Riblah,
place que ce texte assigne a Rebecca ne prouve done c'est Antioche, » ditle Talmud deBabylone, Sanhedrin
nulleraent qu'elle ait survecu a Isaac. 96, 6. II est suivi par Raschi et la plupart des commen-
H. LESETRE. tateurs juifs. Cf. Estori ha-Parchi, Caftor va-Pherach,
RIiBLA, nom d'une ou deux villes de Syrie. edit. Luncz, Jerusalem, 1899, p. 258 et 280. A Neu-
bauer, Geographic du Talmud, Paris, 1868, p. 314.
1. REBLA (hebreu : hd-Ribldh, avec Particle, «la fer- Adoptant la meme opinion et corrrigeant Eusebe faisant
tilite »; Vaticanus :.,. ap ByjXa; Alexandrinus : de Reblatha « le pays deRabylone», x«P« paouXeoviwv,
'ApSIXa. Le traducteur syriaque a lu i pour ~\ et trans- saint Jerome ajoute : « ...ouplutot c'est la ville appelee
crit Diblat), ville de la frontiere orientale de la Terre aujourd'hui Antioche. » Onomasticon, edit. Larsow et
Promise. — Moi'se, apres avoir decrit la frontiere Parthey, p. 313. Le Talmud de Jerusalem, Schekalim,
septentrionale decrit ainsi, Num., xxxiv, 10-12, la vi, 4, la Pesikla rabbathi, ch. 3, voient Rebla dans
frontiere orientale : « Et vous tracerez votre frontiere a Daphne d'Antioche. Cf. Neubauer, loc. cit.; DAPHNE,
1'orient depuis Hasar'Endn a Sefdmdh; et la frontiere t. n, col. 1295. Saint Jerome considere Daphne comme
descendra de Sefamaha hd-Ribldh, a 1'orient de 'A'in, un faubourg d'Antioche et ridentifie egalement avec
et la frontiere descendra et s'etendra jusqu'au cote de Rebla, In Ez., XLVII, t, xxv, col. 478. Cette identifica-
la mer de Kinneret, a 1'orient. » La Vulgate, dans un tion ne parait avoir d'autre fondement que la confu-
certain nombre de manuscrits et dans les editions offi- sion commise par les copistes qui,pour Rebla, ont lu
cielles, porte : descendant termini in Rebla contra fon- Debla ou Deyla, nom que les interpretes ont cru recon-
tem Daphnim. Dans le targum de Jerusalem et la version naitre dans Daphne. Celui-ci a, en effet, etait trans-
arabe de Sa'adiah, Rebla est remplacee par Daphni. crit Di/ld ou Difle, ^X-O, par les Arabes, qui le
Plusieurs interpretes modernes croient Ja Rebla ici donnent au laurier-rose. Quoi qu'il en soit, saint Je-
nommee differente de « Rebla du pays d'Emath », rome semble etre revenu de cette erreur et la refute,
plusieurs fois menlionnee ailleurs. Voir REBLA 2. La In Amos, vi, 2, t. xxv, col, 1050. Distinguant deux
frontiere decrite par Moi'se doit, suivant eux, designer « Emath, la grande appeiee Antioche et la petite autre-
la frontiere du pays dont Josue allait bientot les meltre ment dite Epiphanie, encore appelee Emmas », il
en possession, et ne peut remonter jusqu'au pays ajoute : « Si son nom a etc altere, elle en conserve
d'Emath. L'appellation de Rebla d'Emath suppose, selon encore des vestiges et son territpire est appele Rebla-
le rabbin Schwarz, une autre ville du meme nom dans tha. » II semble ainsi identifier Emath-Epiphanie avec
la terre d'Israel; celle-ci seraitla Daphni de Sa'adiah, Rebla. Reblatha, selon Theodoret, appartienta la con-
identique a la Daphne deJosephe voisinedu lac Merom, tree d'Emese, qui, pour lui, est 1'Emath biblique.
aujourd'hui Dafneh, ruine sur le bord du nahar el- In Jer., xxxix, t, LXXXI, col. 691. Le decouverte faite
Ledddn, a deux kilometres au sud-ouestdu tell. el-Qddi. par Buckingham, entre Ba'albek et Hamah, a 32 kilo-
febuoth ha-Arez, Jerusalem, 1900, p. 33-34 et 507-508; metres- au sud-ouest de Jfoms, et publiee par lui en
cf. DAPHNIS, t. n, col. 1293. — Pour Furrer, le vrai 1825, Travels among the Arab tribes, in-4°, Londres,
nom de cette Rebla est Harbel, comme 1'indique la 1825, p. 481, d'une localite du nom Ribld ou Ribleh, la
transcription des Septante, el il 1'identifle avec 'Arbln, fit generalement adopter pour la Rebla biblique de Syrie.
village situe a cinq kilometres au nord-est de Damas. Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 1258; voir Riess, Bibli-
Antike Stddte in Libanongebiete, dans Zeitschrift des sche Geographic, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 81;
Paldstina-Vereins, t. vin (1885), p. 29-. Cf. R. von Riess, F. deSaulcy, Diet, topographique de la Terre Sainte,
Bibel-Atlas, 1887, p. 25. — Le P. Van Kasteren ne croit Paris, 1877, p. 259; Armstrong, Names and Places in
pas necessaire de porter la frontiere septentrionale de the old Testament, Londres, 1887, p. 248. Robinson,
Moi'se autdela du nahar Qasmieh et de la ruine appelee Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. in,
Serddd, dont le nom pourrait representer la Sedad ou p. 461; Id., Neuere biblische Forschungen in Palds-
Sedaddh de la Massore, ecrite dans le texte samaritain, tina, in-8», Berlin, 1857, p. 710-711.
Num.,xxxiv, 8, Seraddhet Sspaoax,dans les Septante. L'histoire n'a conserve aucun detail sue la topographic
Rebla ou Harbel devrait ainsi se chercher plus au sud. de 1'ancienne Rebla et Ton n'y signale aucune ruine
On pourrait le reconnaitre soit dans le Zor Ramlieh ou remarquable, le choix qu'en font les rois d'Egypte et
dans tell Abil, la celebre Abila, situes tous deux a 1'est de Chaldee pour y etablirleur quartier general, permet
de 'Ayiun, en face de 1'extremite sud-est du lac de Tibe- cependant de croire que cette ville n'etait pas sans
riade; ou encore dans I'Halibna de la carte hislorique importance. Ribleh est aujourd'hui un tout petit village
d'Armstrong. Cf. Van Kasteren, La frontiere septen- syrien, forme d'une douzaine de maisons. Sa situation
trionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, est toutefois des plus avantageuse : batie sur la rive
1895, p. 31-33; CHANAAN (PAYSDE), t. n, col. 534-535. droite du Nahar e/- c Asy,~rOronte des anciens, au mi-
L. HEIDET. lieu des plaines fertiles et riantes de la Beq'ah, sur
2. REBLA, REBLATHA (hebreu, IV Reg., xxm, 33 : la ligne du chemin de fer qui relie Alep et la haute
Ribldh; partout ailleurs avec le he locatif : Ribldtdh; Syrie, avec Hamah, Horns (Emese), et Ba'albek a la
Septante, IV Reg., xxm, 33, Vaticanus : 'PegXaajji; ligne de Beyrouth-Damas, Ribleh semble^destine a pren-
Alexandrinus : AegXaa; partout ailleurs le premier dre un plus grand developpement. ^
transcrit TsSXaba, le second AegXaGa; les traducteurs II. HISTOIRE. — Nechao II, roi d'Egypte, vainqueur
syriaque et arabe ont egalement lu i au lieu de -i), des Assyriens et maitre de la Syrie jusqu'a 1'Euphrate,
ville de Syrie dont le nom se retrouve dans celui d'er- s'etait arrete a Rebla. Apprenant que les Juifs, apres la
Ribleh. mort duroiJosias, avaientmis sur letrone, asa place,
I. IDENTIFICATION ET DESCRIPTION. — Le plus grand son fils Joachaz, il se le fit amener a Rebla ou il le
nombre des interpretes modernes, avec tcus les an- chargea de chaines et le retint prisonnier jusqu'a
ciens, voir REBLA 1, reconnaissent une seule Rebla son depart pour Jerusalem. IV Reg., xxm, 33; cf.
biblique. Suivant eux, 1'indication, « dans le pays II Par., xxxv, 20. — Tandis que Nabuzardan, general
d'Emath », ajoutee a son nom, IV Reg., xxm, 33; xxv. des troupes babyloniennes, poursuivait le siege de
21; Jer., xxxix, 5; LU, 9, 27, Test simplement pour en Jerusalem ou le roi Sedecias, troisieme fils de
faire connaitre la situation geographique, sans aucune Josias, se defendait, le roi Nabuchodonosor etait venu
999 REBLA — RECHA 1000-
en attendre Tissue a Rebla. La vrlle avait ete prise, note a ligne 89; dans Hastings, Dictionary, t. iv, p. 190 p
apres une annee et demie; le roi de Juda en fuite Vigouroux, La, Bible et les decouvertes modernes,,
fut arrete pres de Jericho et conduit a Rebla avec tous 6" edit., t. iv, p. 340-341; Schrader-Whitehoxise, Ther
ses enfanls. La, le roi de Babylone fit comparaitre Cuneiform Inscr. and the Old Testament, 1888, t. 11,,
Sedecias devant lui; i l f i t egorger en sa presence ses p. 110-115. E. PANNIER.
fils et tous les grands de Juda, puis il lui creva les
yeux et le fit conduire charge de chaines a Babylone. RECCATH (hebreu : Raqqat; Septante : ['Q(jio6a]Sa-
IV Reg., xxv, 1-7; Jer., xxxix, 1-7. Gf. Ant. jud., X, xs'6 en amalgamant R(d)eccath avec le nom d'Emath pre-
VIH, 2, 5. Les monuments assyriens representent les cedent); Alexandrinus : 'PsxxdtG), une des villes forti-
rois d'Assyrie traitant de la sorte leurs prisonniers. fiees de la tribu de-Nephthali, mentionnee seulement
Voir F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes mo- une fois, Jos., xix, 35, entre Emath et Cenereth, et par
dernes, 6e edit., t. WY p. 94-97, 153. Voir SEDECIAS. consequent tres probablement situee sur la rive occi-
L. HEIDET. dentale du lac de Genesareth. Emath, qui devait lirer
son nom de ses eaux thermales, est ractuelEl-Hammam r
REBMAG (hebreu : 10-31, rab-mdg; Septante : a une demi-heure au sud de Tiberiade. Voir EMATH 3r
T
'Pa6a|j.ay [(x,0,t]). Ce mot est, non pas un nom propre, t. n, col. 1720. Le site precis de Cenereth est douteux,
mais un titre babylonien porte par Neregel-Serezer mais cette ville etait aussi sur le lac. Voir CENERETH \r
(voir ce mot), 1'un des officiers de Nabuchodonosor qui t. n, col. 417. A cause de cette incertitude, on ne peut1
prirent d'assaut Jerusalem, Jer., xxxix, 3, sous Sede- determiner 1'emplacement precis tde Reccath. On 'n'a
cias. Il designe evidemment une fonction superieure, trouve dans ces parages aucune trace de ce nom. Cette
il faut le cpnclure du premier element rob, qui signifie localite devait etre neanmoins situee a 1'endroit ou est
« grand, chef >> comme dans Rabsac'es, Rabsaris, voir actuellement Tiberiade ou bien dans ses environs^
.col. 920, 921, mais la secohde partie du mot ne peut D'apres le Talmud ce fut sur 1'emplacement de Reccath
s'interpreter que d'une facon tres incertaine, et laisse ou aupres que s'eleva Tiberiade. Voir les passages cites
par consequent douteux le sens exact de ce titre; les par J. Lightfoot, A chorographical Century of the Land
termes babyloniens dont il-parait etre la transcription of Israel, LXXII, dans ses Works, t. n, Londres, 1684,
ne nous offrent pas d'ailleurs un sens plus precis. La p. 67. Cf. Neubauer, Geographic du Talmud, p. 208;
plus ancienne interpretation voit dans la seconde par- F. Buhl, Geographic des alien Paldstina, 1896, p. 226..
tie du mot, May(oc), 1'aryen maghu, mage; elle est
encore maintenue parSchrader dans Riehm, Handwor- RECEM, nom, dansle texte hebreu, d'un Madianite r
terbuch des biblischen Altertums, t. i, p, 937-938, et de deux Israelites et d'une ville de Benjamin. La Vul-
Schrader- Whitebouse, The Cuneiform Inscriptions and gate ecrit Recen, I Par., vii, 13, le nom d'un des-
the Old Test., 1888, t. n, p. 110-114, ou il essaie d'etablir Israelites.
une sorte d'influence reciproque de la Babylonia et de
la Medie au point de vue de la civilisation et de la reli- 1. RECEM (hebreu : Reqem; Septanfe : Toxdjj. r
gion : on sait par Herodote que les mages etaient des Num., xxxi, 8; Togo'x, Jos., xin, 21), un des cinq chefs
pretres medes formant une caste ou tribu; etl-'on voit madianites qui furent mis a mort par les Israelites,
dans Eusebe, Chron.,i, 5, 9, t. xix, col. 119-120, 124, ainsi que Balaam, a cause du mal qu'ils avaient fait
que Nabuchodonosor avait epouse une princesse mede aux Israelites, du temps de Moise. Deut., xxxi, 8; Jos.,,
Amyitis. Mais rien ne prouve que le magisme eut pe- xiii, 21.
netre en Babylonie et qu'il y eut un « chef des mages. »
Bien que pratiquant la divination comme tous ses con- 2. RECEM (hebreu : Reqem; Septante : Tezdpi;
temporains, Nabuchodonosor nous apparait dans ses Alexandrinus; 'Poy-oji), le troisieme des quatre fils
nombreuses inscriptions comme exclusivement fidele a d'Hebron, de la famille de Caleb, de la tribu de Juda. II
la religion babylonienne, et nullement adepte du ma- fut le pere de Sammai', d'apres 1'hebreu et la Vulgate-
gisme. — G. Rawlinson, The five great Monarchies, L'edition sixtine des Septante donne pour pere a Sam-
1879, t. in, p. 62 et 63, n. 18 et 19, rapproche ce titre mai 'Ir/cXav, I Par., II, 43, 44, et le Codex Alexandrinus
des mots rubu e-im-ga, assez sbuvent rencontres dans 'Ispxocav, par repetition fautive de ce nom mentionne-
les inscriptions babyloniennes, et specialement dans auparavant.
celles de Nergal-sar-ussur qu'il suppose identique a
Nergel-serezer: mais rubu e-im-ga n'estpas un titre de 3. RECEM (hebreu : Reqem ; Septante, A lexandrinus .-
fonction speciale, c'est un des nombreux qualificatifs 'Pexsp.; le nom n'est pas reconnaissable dans le Vali-
du protocole royal babylonien, signifiant « prince puis- canus), ville de la tribu de Benjamin placee entre Amosa<
sant » ou « profond » en sagesse, qa'on trouve applique dont le site est incertain, t. i, col. 519, et Jarephel, qui.
a Nebo-baladhsu-iqbi, pere du roi Nabonide, Men qu'il est egalement inconnue. Jos., xvm, 27. Aucune trace
n'ait pas porte la couronne lui-meme, mais qu'on ne peut de Recem n'a et^ retrouvee.
mettre en parallele avec les titres rab-saris, etc. — Se-
lon Frd. Delitzsch, The hebrew language viewed in the RECEN (hebreu : Reqem [Rdqem, a cause de la
light of assyrian research, 1883, p. 14, nous aurions ici pause]; Septante : 'Poxdjji), fils de Sares (?) et petit-fils
la transcription hebraique du terme assyro-babylonien de Machir, de la tribu de Manasse. I Par., vn, 16. Son
mahhu, synonyme de dsipu, devin, interprete des pre- nom devrait etre ecrit, dans la Vulgate, Recem, comme
sages ou des songes, Neregel-sarezer serait le « chef RECEM i, 2, 3.
des devins >> ce qui expliquerait ses relations bienveil-
lantes avec Jeremie, xxxix, 13-14. Toutefoisil faut cons- RECENSEMENT, denombrement des Israelites.-
tater que la transcription par un i hebreu du n redouble Voir NOMBRE, vi, t. iv, col. 1684-1687.
assyrien est assez surprenante. Au point de vue etymo-
logique 1'opinion de T. G. Pinches est plus satisfaisante: RECHA (hebreu: Rekah; Septante: T^aS), ville de-
nous aurions dans rab-mag la transcription du titre Palestine dont le nom seul est connu. Nous lisons,
menlionne dans plusieurs inscriptions cuneiformes, I Par., iv, 12, que les fils d'Esthon, Bethrapha, Phesse et
rab-mugi et rab-mungi :, malheureusement le sens Tehinna qui ful le pere (le fondateur) de ]a ville de
de mugu n'est pas non plus certain, Pinches le tra- Naas, furent « les horames de Recha, » c'est-a-dire
duit avec hesitation « prince », dans Aid. Smith, habiterent la ville de Recha. C'est 1'unique. passage-
-Keilschrifltexle Assurbcmipals, part. 2, 1S87, p. 67 del'Ecriture qui mentionne cette localite. , . . .
4001 RECHAB REGHABITES 1002
c
R^CHAB (hebreu : Rekdb; SSptante Pr)-/ag), nom qu'ils suivaient etaient dans le fond une consequence
-de trois personnages de 1'Ancien Testament. On inter- de la vie nomade (cf. Diodore de Sicile, xix, 94), sur les
prete ce nom par « cavalier », c'esl-a-dire nomade Nabutheens, mais Jonadab, pour conserver sa tribu
•voyageant a chameau. dans 1'integrite de ses croyances, rendit ces pratiques
comme sacrees et inviolables, de sorte que, sans se
1. RECHAB, fils de Remmon, de la tribu de Benjamin. meler avec les Juifs et probablement sans etre astreints
II s'etait attache a la fortune d'Isboseth apres la mort a 1'observance des rites mosaiiques qui n'avaient ete
-de Saul, avecson frere Baana.Tous les deux avaient ete imposes qu'aux Israelites, ils menaientune vie presque
a la tete d'une bande de pillards et ils devinrent les ascetique et adoraient fidelement le vrai Dieu. Jeremie
meurtriers du fits de Saul qu'ils firent perir traitreu- loue au nom du Seigneur leur obeissance, qu'il met en
•sement. Ayant apporte sa tete a David, celui-ci les fit contraste avec la conduite des Juifs, et leur promet de
mettre a mort. II Reg., iv, 2. Voir BAANA 1, t. m, col. 1343. la part du Dieu d'Israel qu'il subsistera toujours « en
presence de Jehovah un homme de la race de Jonadab,
2. RECHAB, pere ou ai'eul de Jonadab. Voir JONA- fils de Rechab. » Cette locution, qui est appliquee aussi
•DAB 2, t. in, col. 1604. C'est de lui que tirerent leur nom a la tribu de Levi, Deut., x, 8; xvm, 5, 7; cf. Gen.,
ies Re'chabites. IV Reg., x, 15, 23; I Par., n, 55; Jer., xvin, 22; Jud., xx, 28; Ps. cxxxm, i; cxxxiv, 1 (Vul-
xxxv, 6-19. Voir REGHABITES. II appartenait a la tribu gate, 2); Jer., xv, 19, signifie « servir Dieu » dans son
•des Cineens et etait descendant de Hammath, nom que sanctuaire. Voir Gesenius, Thesaurus, p. 1039. On croil
la Vulgate, I Par., n, 55, a traduit par Chaleur. Nous assez communemenl, d'apres ces paroles de Jeremie,
ne savons rien de son histoire personnelle. qu'il y eut des Rechabiles attaches au service du Temple,
comme les Nathineens; leurs filles, dit-on, furent
3. RECHAB, pere de Melchias. Ce dernier refit sous donnees en manage aux Levites.
Kehemie la porte du Fumier a Jerusalem. II Esd., in, 3° La troisieme circonstance ou les Rechabites
44. Beaucoup d'interpretes croient que Rechab etait sont nommes dans 1'Ecriture, c'est dans le .titre du
•son ancetre, non son pere, et qu'il n'est pas different Psaume LXX (hebreu, LXXI). Les Rechabites etaient
-de Rechab 2. Melchias etait, dans ce^cas, un Rechabite. sans doute encore enfermes dans Jerusalem quand
Voir RECHABITES. Nabuchodonosor se rendit maitre de cette ville, et plu-
sieurs d'entre eux purent etre emmenes en captivite
RECHABITES (hebreu : Rekdbim; Septante : Ap- en Chaldee. Les Septante et la Vulgate portent au titre
^a6etv; Alexandrinus: ' A)>xa6etV; Vulgate: Rechabitss), du Psanme LXX : « Psaume de David, des fils de Jonadab
'descendants de Rechab 2. Jer., xxxv, 2, 3, 5, 18. Les et des premiers captifs. » Le texte hebreu ne contient
Rechabites etaient une famille cineenne.1 Par., n, 55. pas cette indication, mais, quelle que soil la vale'ur qu'on
Quelques commentateurs ont suppose que Rechab y attache, il en resulte du moins qu'a 1'epoque de la
etait le meme que Hobab, Num., x, 29; Jud., iv, 11; traduction grecque des Psaumes, au deuxieme siecle
<Calmet, Dissertationsur les Rechabites, dans Comment. avant notre ere, sinon auparavant, on croyait dans les
iitf.,/ere'mie,1731,p.XLvn, maiscettehypotheses'appuie milieux juifs, que les Rechabites avaient ete captifs a
•seulement sur son origine cineenne. Voir CINEENS, Babylone.
t. n, col. 768. — Les ancistres des Rechabites habiterent 4° Un chef appele Rechab, probablement parce qu'il
~au sud et aussi au nord de la Palestine, ou le livre des etait Rechabite, II Esd.,ni, 14, travailla avec les princi-
Juges nous montre des Cineens etablis au temps de paux du peuple, du temps de Nehemie, au retablissement
Debora. Jud., iv, 17; v, 24. C'etait d'ailleurs une tribu de 1'enceinte de Jerusalem. Voir RECHAB 3, col. 1001.
nomade et, du temps de Jeremie, nous les rencontrons II. OPINIONS DIVERSES SUR LES RECHABITES. — Les sa-
dansle royaume de Juda, Jer., xxxv, 11, comme nous vants anciens et surtout modernes ont fait toutes sortes
4es rencontrons dans celui d'Israel au temps de Jehu. d'hypotheses sur les Rechabites. mais elles s'appuient
IV Reg., x, 15-17. generalement sur des arguments peu serieux, sur des
I. HISTOIRE. — L'Ecriture parle trois ou quatre fois subtilites d'etymologie, sur des identifications forcees
•des Rechabites. — 1° Jonadab le Rechabite fit eclater de personnages divers, etc. Plusieurs, Cheyne, Ency-
son zele pour le monotheisme en poursuivant avec le clopedia biblica, t. iv, 1903, col. 4019, voient dans les
roi Jehu les adorateurs de Baal. IV Reg. x, 15-17. Rechabites « une sorte d'ordre religieux, analogue aux
2° L'evenement le plus celebre de leur histoire est Nazareens ». II ne faut rien outrer, malgre quelques
•celui qui est raconte par Jeremie, xxxv. Lorsque Nabu- points de ressemblance : les Nazareens, Samson,
•Chodonosor envahit le royaume de Juda, sous le regne Samuel, etc., n'appartenaient pas a un ordre religieux,
•de Joakim, les Rechabites qui campaient, peut-etre a la si Ton attache un sens precis a ce dernier mot, et nous
suite de la ruine du royaume du nord, dans le sud de ne voyons nulle part que les»Rechabites aient suivi les
ia Palestine, se refugierent a Jerusalem pour se mettre pratiques caracteristiques des Nazareens, si ce n'est en
^j 1'abri des Chaldeens. Le prophete Jeremie, connaissant tanl qu'elles etaient communes aux nomades, comm
'leurs coutumes, les invita avec leur chef Jezonias, Jer., 1'abstention de vin, etc. Saint Jerome, Epist. LIX, ad
xxxv, 1-11, a se reunir avec lui dans une chambre du Paulin., t. xxu, col. 583, voit sans doute dans les
Temple et la il leur offrit du vin. Ils refuserent de 1'ac- Rechabites, comme dans Elie, Elisee et les fils des pro-
'*«epter, pour obeir, direnl-il.s, aux prescriptions de leur phetes, des precurseurs des moines, mais leur genre de
pere Jonadab qui leur avail interdit de boire du vin, vie ressemblait beaucoup plus a celle des Bedouins de
'de batir des maisons, d'ensemencer des terres et de nos jours qu'a celle des solitaires et des^anaehoretes. —
planter des vignes, et leur avail ordonne « de vivre On a fait aussi des Rechabites une secte religieuse; nous
sous la tente. » La neeessite les avait contraints de se savons seulement qu'ils adoraient Jehovah, comme Je-
Tetirer a Jerusalem, mais ils n'avaient jamais viole les thro et leurs ancetres les Cineens. — On les aassimiles
•ordonnances de leur ancetre qui vivait du temps de aux Assideens, IjLasidim, dont parlent les livres des
-Jehu, pres de trois cents ans auparavant; ils voulaient Machabees. I Mach., n, 42; vn, 17. « Le nom d'Assideens,
ftoujours lui obeir. Ces prescriptions avaient sans doute dit avec raison Calmet, Dissert, sur les Rechabites, p. LI,
pour but dans 1'esprit de Jonadab de preserver ses des- se donnait a loutes les personnes qui faisaient une pro-
cendants de la contagion des rnceurs paiennes et de les fession particuliere de devotion et de piete... Qui oserait
rnaintenir dans la purete du culte de Jehovah, auquel soutenir que tous ceux qui consacraient leur vie aux
ils avaient toujours ete fideles, en les faisant vivre dans exercices de la religion suivaient rinstitut des Recha-
1'isolement, en nomades et en pasteurs. Les coutumes biles? » El il ajoute : « D'autres les confondent avec
1003 RECHABITES - RECOMPENSE 1004
les Esseniens, mais leur genre de vie est trop dissem- tio), avantage ou jouissance que Ton accorde a celui
blable. Les Esseniens vivaient a la campagne, occup^s qui a bien agi. Sur la recompense materielle payee a
a cultiver la terre, etc. » Josephe Ant. jud., XVIII, n, celui qui a travaille pour un autre, voir SA.LMRE.
5; Bell, jud., II, vm, 2-13. Sur les Esseniens, voir 1° Recompense temporelle. — Le Seigneur dit a
E. Schiirer, Geschichte des judischen Volkes im Abraham : « Ne crains point, Abram; je suis ton bou-
Zeit. Christi, 1. n, 3« edit., 1898, p. 556-584. clier; ta recompense (sera) tres grande. » Septante :
Les Rechabites ne sont plus nommes dans les Ecri- « Je te protege, ta recompense sera tres grande.» Vul-
tures depuis le retour de lacaptivite (excepte 1'allusion gate : « Je suis ton protecteur et ta recompense (sera)
II Esd., n, 14). Hesegippe, dans Eusebe, H. E., n, 23, tres grande. » Les Septante ont bien rendu le sens de
t. xx, col. 201, raconte qu'un pretre rechabite essaya la phrase, dans laquelle il faut necessairement suppleer
d'empecher le martyre de 1'apotre saint Jacques le le verbe en hebreu et dans la Vulgate. Le Seigneur
Majeur, mais le titre de pretre qu'il donne a un Recha- ne dit pas a Abraham qu'il sera lui-meme sa recom-
bite rend son recit suspect — Benjamin de Tudele ra- pense tres grande; autrement Ton ne comprendrait
conte que de son temps vivaient dans le pays de Thema, plus la question qu'Abraham adresse ensuite a Jehovah:
Is., xxi, 14; Jer., xxv, 23, les Rene Rekhab ou Recha- « Seigneur Jehovah, que me donnerez-vous? » La re-
bites, qui y possedaient un territoire de seize jours de compense promise sera la posterite, nombreuse comme
marche en longueur et vivaient de razzias. Ce qu'il en les etoiles, que Dieu assurera a. son serviteur. Gen.,
dit ne merite pas confiance. The Itinerary ofR. Ben- xv, 1, 2, 5. — Booz souhaite a Ruth que Dieu lui
jamin of Tudela, translated and edited by A. Asher, accorde la recompense que merite son devouement.
2 in-12, Londres, 1840-1841, t. I, p. 112-114 — Sur les Ruth, n, 12. Tobie le fils, xn, 2, demande quelle re-
Rechabites, voir *H. Witsius, Exercitatio ix de compense pourra £tre offerte a celui qui 1'a conduit et
Rechabiiis, dans ses Miscellanea sacra, 2 in-4°, Ams- protege. Mardochee n'avait regu aucune recompense
terdam, 1695-1700, t. n, p. 223-237; Calmet, Disserta- apres avoir denonce le complot trame centre la vie du
tion sur les Rechabites, dans le Commentaire litteral, roi; celui-ci la lui fit decerner. Esth., vi, 3-11. — Cer-
Jeremie, 1731, p. XLIII-LIII. F. VIGOUROUX. tains avantages temporels peuvent avoir le caractere de
recompenses, comme, par exemple, la famille nom-
RECHUTE, retour volontaire au peche deja commis. breuse, Ps. cxxvii (cxxvi), 3; le don de la parole.
— De frequentes rechutes sont signalees dans 1'histoire Eccli., LI, 30. Mais souvent cette recompense est vaine.
du peuple d'Israel. Au desert, apres avoir murmure Eccli., xi, 18; Matth., vi, 2, 5, 16. — En general, Dieu
sur Je manque d'eau potable, Exod., xv, 24, et de traite ici-bas les hommes suivant leur conduite.
viande, Exod., xvi, 3, et avoir obtenu leur pardon a la II Reg., xxii, 21; III Reg., vm, 32; II Par., vi, 23;
suite de'leurs hommages au veau d'or, Exod., xxxin, Ps. xviii (xvn), 21, 25. La recompense est assuree au
1-17, les Hebreux recommencent a manifester leur juste, Prov., xm, 21; a 1'observateur de la loi de Jeho-
mecontentement au sujet de la nourriture, Num., xi, vah, Ps. xix (xvm), 12; a celui qui a foi dans le Sei-
4-6, et de 1'eau, Num., xx, 2-5, et ils retombent dans gneur, Eccli., H, 8; a I'homme pieux, Eccli., xi, 24; a
1'idolatrie, Num., xxv, 1-6. Sous les Juges, 1'abandon celui qui fait 1'oeuvre de Dieu, Eccli., LI, 38; a celui
de Jehovah se reproduit a plusieurs reprises, Jud., in, qui seme la justice, Prov., xi, 18; au bienfaiteur de
12; iv, 1; vi, 1; x, 6; etc., et les monies rechutes dans I'homme pieux. Eccli., xu, 2. Dieu recompense celui
1'idolatrie se renouvellent durant la periode des rois. qui donne, en lui rendant sept fois autant. Eccli.,xxxv,
IsaKe, xxx, 1, reproche a ses contemporains d'accumu- 13. — D'apres les Septante et la Vulgate, le juste
ler peche sur peche. — L'Ecclesiastique, xix, 13-14, incline son cceur a 1'observation des lois divines « a
recommande d'interroger 1'ami qui a mal agi ou mal cause de la recompense. » Ps. cxix (cxvm), 112. Dans
parle, afin qu'il ne recommence plus. 11 observe qu'il 1'hebreu, il y a : « jusqu'a la fin. » Le mot hebreu
(
ne sert de rien de se purifier, si Ton touche ensuite eqeb veut dire « fin » et se prend adverbialement avec
une chose impure, ni de jeuner pour ses peches, si le sensde « jusqu'a la fin, perpetuellement ». Ps. cxxi
Ton va les commettre encore. Eccli., xxxiv, 30, 3L (cxvm), 33, 112. Par extension, cette fin peut etre une
(25, 26). L'insense qui retourne a sa folie, c'est- recompense, le prix d'un travail; mais alors « pour la
a-dire a son peche, est compare au chien qui re- recompense » se dit en hebreu 'al-eqeb, Ps. XL
tourne a son vomissement, Prov., xxvi, 11. — (xxxix), 16; LXX (LXIX), 4, quoiqu'on Use simplement
Notre-Seigneur represente 1'ame en peche comme 'eqeb dans Isai'e, v, 23, s'vexev Swpov, pro muneribus,
habitee par le demon. Celui-ci parti, Fame se purifie « pour des presents ». L'idee de remplir son devoir a
et s'orne de vertus. Mais le demon revient, il amene cause de la recompense n'est pas etrangere a la Sainte
avec lui sept autres demons plus mechants, et, si tous Ecriture, puisqu'il est dit qu'Abraham « avait les yeux
rentrent dans cette ame, 1'^tat de cette derniere devient fixes sur la recompense, » el<; ify [j,K79a7ro8ocr(av, in
pire qu'auparavant. Matth., xu, 43-45; Luc., xi, 24-26. remunerationem. Heb., xi, 26. Le concile de Trente,
Le Sauveur applique ce qu'il vient de dire a la gene- visant le ^. 112 du Ps, cxvm, sess. vi, De justificat.,
ration qui lui est contemporaine; elle renouvelle, en 11, a declare parfaitement legitime, « tout en cherchant
les aggravant, les fautes des generations qui ont pre- avant tout la gloire de Dieu, d'envisager aussi la re-
cede : elle en subira les consequences. II en est de compense eternelle. » II ne suit pas de la cependant
meme pour chaque ame en particulier, ainsi que que le motif interesse de la recompense soit le seul
1'explique saint Pierre : « Si ceux qui, par la connais- qui determine le juste a faire le bien. Le motif desin-
sance de Notre-Seigneur et Sauveur Jesus-Christ, teresse de 1'amour et de la gloire de Dieu a aussi sa
s'etaient retires de la corruption du monde, se laissent part plus ou moins large et preponderante dans ses
vaincre en s'y engageant de nouveau, leur dernier etat determinations. Le Sauveur ressuscite dit de lui-
devient pire que le premier... II leur est arrive ce que meme : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes
dit un proverbe avec beau coup de verite : Le chien est ces choses pour entrer dans sa gloire? » Luc., xxiv,.
retourne a son propre vomissement. » II Pet., n, 20- 26. Or personne ne contestera qu'il a mis 1'amour et
22. — Sur le texte de 1'Epitre aux Hebreux, vi, 4-6, la gloire de son Pere bien au-dessus du triomphe de
concernant 1'impossibilite du renouvellement apres la sa sainte humanite., II en est de meme, a proportion,
rechute, voir PENITENCE, col. 43. H. LESETRE. de tous les vrais serviteurs de Dieu.
2° Recompense eternelle. — Sans exclure formelle-
RECOMPENSE (hebreu : sdkdr ou seke'r; Sep- ment les recompenses de 1'autre vie, les ecrivains de
tante : fttaOo;, avrairdSoffic; Fulgate : merces, retribu- 1'Ancien Testament s'en tiennent surtout a celles de la
1005 RECOMPENSE 1006
vie presente. Isai'e, le premier, annoncanl le salut 2° Entre ,Dieu et les hommes. — Au temps de la
futur, montre le Seigneur qui vient, « et sa recom- colere, Noe est devenu un avTaUayjJia, « une reconci-
pense avec lui. » Is., XL, 10; LXH, 11; cf. Apoc., xxn, liation ». Eccli., XLIV, 17. II a relabli les bons rapports
12. Dans ]a Sagesse, n, 22, il est dit plus clairement entre Dieu et 1'humanite. Le mot hebreu correspon-
que, si les mechants « n'esperent pas de remuneration dant est tahalif, de 1'hiphil de fydlaf, comme nahalif
pour la justice, et ne jugent pas qu'il existe une glo- dans Isaie, ix, 9. II signifie « substitution », comme
rieuse recompense pour les ames justes, » cependant quand on remplace un arbre par un autre. Noe est en
« les justes vivent eternellement et leur recompense effet devenu la souche d'une nouvelle humanite. — Le
est aupres du Seigneur. » Sap., v, 15-16. Cf. II Mach., Seigneur se reconcilie avec son peuple quand il cesse
xn, 45. — Notre-Seigneur insiste sur la recompense de le trailer severement. II Mach., I, 5; v, 20; vn, 33;
promise a ses serviteurs. Meprises et persecutes sur la vin, 29. — La reconciliation parfaite et definitive de
terre, ils auront une grande recompense dans les Dieu avec 1'humanite a ete operee par la mort de
cieux. Matth., v, 12; Luc., vi, 28. A ceux qui onttout Jesus-Christ. Rom., v, 10,11; II Cor., v, 18; Col., i, 20,
quitte pour le suivre, il promet le centuple et la vie 22. Pour assurer les fruits de cette reconciliation,
eternelle. Matth., xix, 29; Marc., x, 30; Luc., xvm, Notre-Seigneur a confie a ses Apotres la predication et
30. II y a la une double recompense : le centuple, le ministere de la reconciliation, II Cor., v,'19, c'est-
beaucoup plus qu'on n'a quitte, c'est la recompense a-dire la mission de la faire connaitre et le pouvoir
terrestre, jjieia SIU>YU.(I>V, « au milieu des persecu- d'en appliquer la grace. II ne manque plus que le
tions », dit saint Marc, x, 30, et non cum persecutio- consentement de 1'homme, et c'est pourquoi saint Paul
nibus, « avec des persecutions », comme traduit la supplie ses fideles de se reconcilier avec Dieu. II Cor.,
Vulgate, bien qu'en un certain sens les persecutions v, 20. H. LESETRE.
bien supportees puissent etre considerees comme une
recompense, parce qu'elles augmentent le merite et la RECONNAISSANCE (hebreu : foddh, « action de
gloire eternelle; celle-ci constitue la recompense de graces »; Septante : s^apco-rea, aivscri?, e£o(AoXdyY|<n<;;
1'autre vie. Celui qui recoit le prophete ou le juste, a Vulgate : gratiarum actio, laus, confessio), expression
raison de leur caractere, aura la recompense du pro- des sentiments de joie, d'affection et de devouement
phete ou du juste, Matth., x, 41, et celui qui donne que 1'on eprouve a 1'egard de celui dont on a regu un
une simple coupe d'eau fraiche au nom du Sauveur, bienfait. Le contraire de ce sentiment est 1'ingratitude.
aura aussi sa recompense. Matth., x, 42; Marc., ix, 40. Voir INGRATITUDE, t. in, col. 877. La Sainte Ecriture
Celui qui fait du bien aux pauvres est heureux que parle quelquefois de reconnaissance envers les hommes.
ceux-ci ne puissent le lui rendre; « il aura sa recom- Esth., xvi, 4; Sap., xvm, 2; Eccli., xxxvii, 12; I Mach.,
pense a la resurrection des justes. » Luc., xrv, 14. xiv, 25; II Mach., m, 33; xn, 31, etc. Mais habituelle-
Cette recompense sera le royaume prepare des 1'origine lement la reconnaissance a laquelle elle fait allusion
du monde pour les benis du Pere, la vie eternelle. s'adresse a Dieu.
Matth., xxv, 34, 46. — Les Apotres aiment a rappeler 1° La reconnaissance envers Dieu s'exprime d'abord
aux fideles la recompense promise, le repos apres par des sacrifices. Les off'randes de Cam et d'Abel sont
leurs travaux, Apoc., xrv, 13; cf. xi, 18; la « pleine un hommage rendu a Dieu a cause de sa grandeur et
recompense », II Joa., 8; 1'heritage celeste, Col., in, aussi de ses bienfaits. Gen., iv, 3, 4. L'action de graces
24. II faut croire que Dieu « est le remunerateur de inspire egalement les sacrifices de Noe, Gen., vm, 20,
ceux qui le cherchent. » Heb., xi, 6. Cette recompense et de Melchisedech. Gen., xiv, 18,19. Dans la loi mo-
sera proportionnee au travail de chaCun. I Cor., in, 8. sa'ique, le sacrifice pacifique, selem, etait souvent un
Voir CEuvRE, t. iv, col. 1758. Mais, seul, 1'ouvrage qui sacrifice d'action de graces, Lev., in, 1; YII, 11, 13, 15;
resistera au feu pourra 1'obtenir. I Cor., m, 13-15. Num., VH, 17, et il s'appelait toddh quand il avaitpour
Cette recompense est presentee sous la figure d'une but special 1'expression de la reconnaissance. Lev., VH,
couronne. Saint Paul attend la couronne de justice 13, 15; xxn, 29; Ps. LVI (LV), 13. Comme le sacrifice de
que lui donnera le Seigneur, le juste Juge, ainsi qu'a la croix et le sacrifice de la messe remplacerent tous
tous ceux qui auront aime son avenement. II Tim., iv, les sacrifices anciens, 1'action de graces est une des
8. Celui qui supporte 1'epreuve recevra la couronne de quatre fins pour lesquelles ils ont ete offerts. Voir SA-
vie que Dieu a promise a ceux qui 1'aiment. Jacob, i, CRIFICE.
12. Quand paraitra le Prince des pasteurs, ses fideles 2° La reconnaissance s'exprime encore par des chants.
obliendront la couronne de gloire qui ne se fletrit Elle inspire les cantiques de Moise apres le passage de
jamais. I Pet., v, 4. La couronne de vie est assuree a la mer Rouge, Exod., xv, 1-18; de Debora, Jud., v, 1 ;
celui qui est fidele jusqu'a la mort et qui tient ferme d'Anne, I Reg., n, 1-10; de Tobie, xm, 2-23; de Judith,
ce qu'il a, de peur qu'on ne la lui ravisse. Apoc., n, xvi, 2-21; d'Ezechias, Is., xxxvm, 10-20; des jeunes
10; m,ll. H. LESETRE. hommes dans la fournaise, Dan., in, 52-90; de In
Sainle Vierge, Luc., i, 46-55; de Zacharie, Luc., i, 68-
RECONCILIATION (grec : •/.y.-cy.MoL^, avraXXayjjia; 79; de Simeon, Luc., n, 29-32, etc. De plus, trente
Vulgate : reconciliatio), reprise des rapports amicaux Psaumes ont pour objet direct la reconnaissance.
entre deux partis ennemis. Ps. (hebr.), ix, xvm, xxi, xxx, xxxiv, XL, XLVI-XLVIII,
1° Entre hommes. — Des reconciliations sont men- LXV, LXVII, LXVIII, LXX, LXXXV, XCVIII, C, CHI, CIV, CVII,
tionnees entre Esau et Jacob, Gen., xxxm, 4; entre cxi, cxvi, cxvrn, cxxiv, cxxvi, cxxxiv, pxxxvi, cxxxvm,
Joseph et ses freres, Gen., XLV, 3-5; entre les Benja- CXLIV, CXLVI, CXLVH. Dans plusieurs autresyjes auteurs
mites et les autres tribus d'Israel, Jud., xxi, 13; entre sacres expriment leur reconnaissance. Ps. xxvi (xxv),
David et Absalom, II Reg., xiv, 21-33; entre Eupator 7; XLII (XLi),5; L (XLIX), 14, 23; cvn (cvi), 22; cxvi (cxv),
et les Juifs, II Mach., xin, 23; entre Herode et Pilate, 17, etc.
Luc., xxm, 12, etc. — Notre-Seigneur veut qu'on aille 3° La priere est une troisieme forme d'action de
se reconcilier avec son frere avant de presenter son graces. Tob., H, 14; xi, 7, 12. C'est ainsi que le Sauveur
offrande a 1'autel. Matth., v, 24. Lui-m£me, par sa mort, rend graces a son Pere. Joa., xi, 41. Saint Paul fait de
a I'enverse le mur de separation qui se dressait entre meme. Act., xxvm, 15. Dans presque toutes ses Epitres
les deux peuples, juifs et gentils, et il les a reconcilies. il insere des formules d'actions de graces. Rom., i, 8
Eph., H, 16, — Saint Paul decide que la femme separee vi, 1; xvi, 4; I Cor., i, 4, \'±-, XIN, \£; ^N, <Sl; \\ Oc.
de son mari doit ou se reconcilier avec lui ou rester n,14; vm, 16; ix, 15; Eph., i, 16; Phil., i, 3; Col., i
sans se marier. I Cor., VH, 11. 3; 1 Thess., i, 2; n, 13; m, 9; II Thess., i,3; I Tim
1007 R E C O N N A I S S A N C E — REDEMPTION 1008
I, 1$; II Tim., i, 3; Philem., 4. 11 recommande vive- des afflictions inseparables de toute vie huvnaine, et
ment le devoir de 1'action de graces •. « En toules Jesus les endura avec une Constance exemplaire.
choses rendez graces, car c'esl la volonte de Dieu dans Cf. Bertrand, Une conceptien nouvelle de la Redemp-
le Christ Jesus a 1'egard de vous tons. » I Thess., ¥, 18. tion, Paris, 1891. « II n'y a pas lieu de parler d'une
II constate souvent Taccomplissement de ce devoir. condamnation surnaturelle et particuliere atteignant
I Cor., xiv, 17; II Cor., i, 11; iv, 15; IX, 11, 12; Eph., Jesus sur la croix... Jesus souffre plus et mieux, mais
v, 4, 20; Phil., iv, 3; Col., i, 12; n, 7; m, 17 ; iv, 2; il ne souffre pas autrement que Socrate, les martyrs,
II Thess., n, 12; I Tim., n, 1; cf. Apoc., vn, 12; xi, 17. les sages, les bons, en un mot, engages par la vie dans
4° Les bienfaits de Dieu appellent la reconnaissance. les trames que tissent ici-bas les crimes des mechants.»
Dieu ne les a refuses a personne, pas meme a ceux qui Aug. Sabatier, La doctrine de I'expialiun et son evo-
le meconnaissaient. Act., xiv, 16. Les gentils sont done lution historique, in-16, Paris, 1903, p. 87. La doctrine
inexcusables, « puisque, ayant connu Dieu, ils ne 1'ont de la redemption apparait tout autre dans la Sainte
pas glorifie comme Dieu et ne lui ont pas rendu Ecriture.
graces. » Rom., 1,21. Sur dix lepreux gueris par Notre- 1° Dans rAncien Testament. — 1. Le recit de la
Seigneur, un seul songea a venir le remercier. Luc., chute montre Adam frappe d'une peine a cause de son
xvn, 16. L'aveugle de Jericho, une fois gueri, suivait peche; cette peine est durable et doit s'etendre a toute
Jesus en glorifiaat Dieu. Luc., xvm, 43. L'action de sa posterite. Dieu promet, il est vrai, qu'un jour quel-
graces du pharisien ne pouvait plaire a Dieu, parce qu'un de cette posterite meurtrira 1'ennemi a la tete,
qu'elle etait dictee par 1'orgueil. Luc., xvm, 11. — c'est-a-dire en triomphera; mais la maniere dont sera
Notre-Seigneur rend graces au moment de multiplier remporte ce triomphe n'est pas indiquee. Gen., m, 15-
les pains. Matth., xv, 36; Marc., vm, 6; Joa., vi, 11,23, 19. La pratique des sacrifices ne donne d'abord aucun
Saint Paul rend graces avant de manger, Act., xxvn, renseignement a ce sujet. Gen., vin, 20. Mais le sacri-
35, et suppose que les fideles font de meme. Rom., xiv, fice commande a Abraham presente une tres haute
(>; I G o r . , x, 30; I Tim., iv, 3, 4. Le Sativeur suftout portee figurative. Le patriarche recoit 1'ordre d'imnioler
rend graces avant d'instituer son divin sacrement, son fils; Dieu arrete 1'execution de cet ordre, et un
Matth., xxvi, 27; Marc., xiv, 23; Luc., xxn, 17,19; belier est pris et offert en holocauste a la place de Pen-
.1 Cor., xi, 24, d'ou le nom d'Eucharistie donne a ce fant. Gen., xxn, 13. A la victime primitivement exigee,
sacrement. H. LESETRE. une autre est substitute et subit la mort, non pour le
peche, il est vrai, mais pour rendre hommage a Dieu.
REDEMPTEUR (h^breu : gffel; Septante : Xutpw- Avec la loi mosa'ique, 1'idee de substitution s'affirme
T"/|c, Xutpo'J[j.£vo;, pvaajj.evoi;, puofxevoc, i^acpouu.svos; Vul- dans la prescription concernant les premiers-nes, qui
gate : redemptor), celui qui defend centre les ennemis, appartiennent de droit au Seigneur, mais a la place
Job, xix, 25, et delivre d'eux. Voir GOEL, t. in, col. 264- desquels on doit immoler une victime. Exod., xm, 13,
265. Jehovah est par excellence le redempteur d'lsrael, 15. Puis des sacrifices sont specialement institues
parce qu'il doit le delivrer des ennemis temporels qui pour le peche, c'est-a-dire que quand un peche a ete
le tiendront en captivite, comme il a fait dans les temps commis, et qu'on veut en obtenir la remission, le cou-
anciens,'Is., LXIII, 16, et que, par son Messie, il deli- pable, independamment de ses sentiments de repentir,
vrera le nouvellsrael, 1'humanite rachetee,de la tyran- doit immoler une victime, qui subit ainsi le chatiment
nie de Satan et du peche. Au nom de go'el, est souvent a sa place. Lev., iv, 1-v, 13. Ces sacrifices sont offerts
joint celui de « Saint d'lsrael », Is., xu, 14; xi,m, 14; regulierement par les Israelites; mais le Seigneur leur
XLVII, 4; XLVIII, 17; XLIX, 7; LIV, 5, ou de « Puissant fait savoir que, par eux-memes, les sacrifices ne lui
de Jacob », Is*, XLIX, 26; LX, 16, a cause de la victoire sont pas agreables et ne repondent pas aux exigences
remportee sur Dieu par Jacob, Gen., xxxn, 28, pre- de sa justice. Ps. XL (xxxix). 7, 8; LI (L), 18; Is., 1,11;
sage de la victoire que doit remporter en faveur d'lsrael Jer., vi, 20; Ose., vm, 13; Am., v, 22; Mai.-, I, il. Voir
la miserieorde de Dieu sur sa justice. Le redempteur SACRIFICE. — Le prophete Isai'e, decrivantles souffrances
est aussi «. Jehovah des armees », Is., XLIV, 6; XLVII, 4, du serviteur de Jehovah, c'est-a-dire du Messie, affirme
a cause de la puissance qu'il deploiera pour delivrer clairement que ces souffrances • seront endurees pour
son peuple. Cf. Is., XLIV, 24; LIV, 8; LIX, 20; Jer., L, des pecheurs :
34; Lam., HI, 58; Ps. xix (xvin), 15; LXXVIII (LXXVII), Veritablement c'&taient nos maladies qu'il portait
35. — Dieu est aussi appele mipldt, «celui qui delivre », Et nos douleurs dont il s'etait charge...
p-jffrri?, liberator. Ps. xvm (xvn), 3, 48; LXX (LXix),6; Lui, il a ete transperce a cause de nos peches,
CXLIV (CXLIII), 2; Dan., vi, 27. — Jesus-Christ est le Brise a cause de nos iniquites ;
redempteur par excellence de son peuple et de toute Le chatiment qui nous donne la paix a ete sur lui,
1'humanite. Voir REDEMPTION. Cependant ce nom ne Et c'est par ses meurtrissures que nous avons ete gueris..
lui est jamais donne dans le Nouveau Testament. On Jehovah a fait retomber sur lui
Notre iniquity a tous...
lui attribue le nom equivalent de Sauveur. Voir SA.U- Et, parmi ses contemporains, qui a pens£
VEUR. — Saint Etienne applique le nom de redempteur, Qu'il e'tait retranche de la terre des vivants, [pie?...
A'jTptoTiii;, a Moiise. Act., vii, 35. Celui-ci 1'a merite en Que la plaie le frappait a cause des peches de mon peu-
tant que charge par Dieu de tirer les Hebreux de la Par sa science, le juste, mon serviteur, en justifiera beau-
servitude d'Egypie. H. LESETRE. Et lui-meme se chargera de leurs iniquites... [coup,
II a livre son ame a la mort,
REDEMPTION (grec : VjTpwtnc, arcoVj-pwo-tc; Vul- Et il a ete mis au nombre des malfaiteurs,
Lui-meme a porte la faute de beaucoup
gate : redemptio), mystere de Jesus-Christ donnant sa Et il intercedera pour les pecheurs. Is., LUI, 4-12.
vie pour le salut des hommes.
I. SA REALITE. — D'apres certains auteurs protestants Voici done le serviteur de Jehovah qui se livre lui-
ou rationalistes, 1'idee de redemption serait etrangere meme a la mort, sur qui Jehovah fait peser les iniquites
a la Sainte Ecriture et a la pensee de Jesus. Au des hommes. qui est frappe a cause des peches de son
xvne siecle, les Sociniens ne voulurent voir dans la peuple, qui intercede pour les pecheurs et qui, par ses
mort de Notre-Seigneur qu'un grand exemple de fide- souffrances, leur donne la paix et les guerrt. C'est la
lite et de courage. D'apres la theorie de Ritschl, au- prophetic forrnelle de la mission redemptrice du Messie.
jourd'hui en faveur parmi les non-catholiques, la mort II est impossible de pretendre que ce serviteur de
de Jesus ne nous sauverait qu'en nous demontrant les Jehovah est le peuple juif persecute, comme les doc-
peines d'ici-bas : ce ne sont pas des chatiments, mais teurs juifs le soutenaient deja du temps d'Origene,
i009 1010
•Cont. Gels., i, 55, t. xi, col. 761. Les paroles : « La que doit etre cette elevation de terre en predisant sa
plaie le frappait a cause des peches de rnon peuple » condamnation et sa mort violente. Matth., xvi, 21;
excluent absolument cette interpretation. Celui qui Marc., VHI, 31; Luc., ix, 22; Matth., XVIH, 22; Marc.,
•souffre est une personne tres distincte, et, s'il souffre, ix, 30; Luc., ix, 44; Matth., xx, 19; Marc., x, 34;
-ce n'est pas pour des peches personnels dont le pro- Luc., XVIH, 33. A la transfiguration, sa mort qui devait
phete ne fait aucune mention, c'est pour les peches arriver a Jerusalem fait 1'objet de 1'entretien de Moi'se
•des autres. Cette idee, d'ailleurs, n'est pas formulee avec Elie. Luc., ix, 31. II sait que les Juifs veulent le
•comme en passant; elle constitue le fond meme de mettre a mort. Joa., v, 20. II a hale de recevoir son
1'oracle d'lsai'e qui ne la repete pas moins de dix fois bapteme de sang. Luc., xn, 50. II propose a deux
dans ces quelques versets. Le serviteur de Jehovah, Apotres de boire le meme calice que lui, Matth., xx,
-c'est le Messie, le Redempteur. Cf. Condamin, Le livre 22; Marc., X, 38, ce calice qu'il acceptera de son Pere
d'lsa'ie, Paris, 1905, p. 328-344. Toutefois les Juifs n'ont a Gethsemani. Matth., xxvi, 37-47; Marc., xiv, 34-42;
pas comprisla prophetie concernant le Messie souffrant. Luc., xxii, 40-47. Or cette mort du Sauveur ne se pre-
L'idee d'une redemption par la mort du Messie n'appa- sente nullement dans 1'Evangile comme le resultat
•rait chez eux qu'exceptionnellernent, et encore poste- inattendu d'une attitude qui revolte les Juifs. Elle est
rieurement a la predication evangelique. Voir JESUS- prevue et voulue par le divin Maitre, parce qu'elle est
CHRIST, t. in, col. 1438. Pour eux, la redemption devait decre'tee par le Pere et predite dans les Ecritures
-etre seulement une oeuvre de puissance et specialement comme le moyen choisi pour operer la redemption.
une delivrance des oppressions temporelles. Cette me- « II faut, il est ecrit, » dit le Sauveur en parlant de ses
•connaissance du vrai caractere du redempteur etait souffrances et de sa mort. Marc., vin, 31; ix, 12; xiv, 21;
predite par le m£me prophete : «. Parmi ses contern- Matth., xxvi, 24, 54; Luc., xvn, 27; xvm, 31; xxii, 37;
porains, qui a pense... que la plaie le frappait a cause xxiv, 25, 44. A Pierre, qui neveut pas entendre parler
<ies peches de mon peuple? » Is., LIII, 8 (textehebreu). de passion etde mort, il reproche severement de n'avoir
Elle n'ote rien a la force de la prophetie. — L'idee de pas le cc sens des choses de Dieu, » Matth., xvi, 22;
souffrances expiatoires subies pour d'autres n'est for- Marc., vin, 33, c'est-a-dire 1'intelligence de la place
mulee que tardivement dans la litterature juive. Elle qu'occupe la mort du Christ dans le plan divin. Quand
•est indiquee dans II Mach., vn, 37-38. Mais, dans un la pensee de son supplice trouble son ame, il se res-
apocryphe du premier siecle apres Jesus-Christ, elle est saisit en disant : « Mais c'est pour cela que je suis
presentee avec beaucoup plus de precision. Les martyrs arrive a cette heure! » Joa.,xn, 27. La redemption par
« sont devenus responsables par substitution des peches la mort violente est sa raison d'etre; il accepte cette
•de la nation; 'par les merites de leur sang et de leur mort parce que telle est la volontede son Pere. Matth.,
mort expiatoire, la divine Providence a sauve Israel xxvi, 42. II decrit la necessite de ce denouement tra-
prevaricateur. » IV Mach., xvn, 20-23; cf. vi, 28, 29; gique dans la parabole des vignerons homicides qui
•yii, 12. Cette conception, comme celle du Messie souf- mettent a mort le fils meme du pere de famille. Les
frant, est d'epoque tardive chez les Juifs. pharisiens comprennent enfin, Matth., xxi, 38, 45;
2° Dans I'Evangile. — 1. Malgre 1'affirmation de ceux Marc., xn, 6, 12; Luc., xx, 13-15, 19; mais il ne pro-
qui pretendent que les Evangiles sont 1'echo des doc- fiterit pas de la lecon, parce que 1'or'aele d'lsai'e, LIII, 1 :
trines ayant cours a 1'epoque de leur redaction, et qui, « Seigneur, qui a cru a noire parole? » est pour eux
en consequence, en eliminent arbitrairement les textes lettre morte. Enfin, 1'idee de redemption etablit la
qui contredisentleur systeme, on a le droit et le devoir synthese entre les deux precedentes : Jesus doit sauver
d'y reconnaitre la pensee meme du Sauveur et de ses le monde de son peche, Jesus doit mourir de mort
contemporains. Or, la mission redemptrice de Jesus y violente, c'est par cette mort qu'il sauve. « Le bon
•est peremptoirement affirmee. Tout d'abord, le precur- pasteur donne sa vie pour ses brebis* » Joa., x, 11.
seur est envoye pour donner au peuple « la science du « II n'y a pas de plus grand amour que de donner sa
salut dans la remission de leurs peches, » Luc., i, 77, vie pour ses amis. » Joa., xv, 13. « II est de votre inte-
c'est-a-dire pour apprendre aux hommes que le salut ret qu'un seul homme meure pour \e pex>p\%, -5> <L\1
doit consister dans la remission des peehes, et non Caiphe, sous 1'empire d'une inspiration inconsciente.
dans la restauralion d'un empire chimerique. Puis Joa., xi, 50-52.
1'ange prescrit a Joseph de donner au ills de Marie « J e 3. A la derniere Gene surtout, le Sauveur affirme
nom de Jesus, parce qu'il doit sauver le peuple de ses solennellement sa mission redemptrice. D'apres saint
peches. » Matth., i, 21. Ce nom, qui signifies sauveur », Matthieu, xxvi, 27, Notre-Seigneur present'a la coupe
•est d'autant plus significatif, que beaucoup d'autres a ses Apotres en disant: « Buvez-en tous, car ceci est mon
noms differents, Emmanuel, Pasteur, Sagesse, etc., sang, de la nouvelle alliance, repandu pour un grand
avaient ete assignes au Messie dans 1'Ancien Testament. nombre en remission des peches. » Dans la Vulgate :
Seul, Isa'ie, xn,3; XLV, 8,1'avait appeleyeSu'dh, « salut». « qui sera repandu *. Le texte de saint Marc est le
Voir JESUS-CHRIST, t. in, col. 1423-1426. A Bethlehem, meme dans le grec, avec le futiir dans la Vulgate. Les
les anges le proclament le Sauveur. Luc., n, 11. Simeon mots: « ils en burent tous », places avant : « ceci est
annonce qu'il vient pour la ruine et la resurrection mon sang », Marc., xiv> 23, 24, ne modifient en rien le
d'un grand nombre en Israel, Luc., u,34, c'est-a-dire sens general; ils expriment seulement la simultaneite
pour que, a cause de lui, beaucoup se perdent, et que de 1'acte des Apotres avec les paroles du Sauveur. Dans
par lui beaucoup ressuscitent en passant du peche a saint Luc., xxii, 19, 20, la formule est plus explicite :
la vraie vie. Anne la prophetesse parle de lui a ceux « II prit du pain et, ayant rendu graces, il le rompit et
qui attendaient la « redemption d'Israel », Luc., n, 38, le leur donna en disant : Ceci est motf^orps, qui est
c'est-a-c^re, sinon dans leur idee, du moins dans la donne pour vous : faites ceci en memoire de moi. II fit
realite, le salut qui devait resulter de la remission du de meme pour la coupe, apres le souper, disant: Cette
peche. coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est
2. Des le debut de la vie publique, Jean-Baptiste verse pour vous. » Dans la Vulgate : « qui sera verse >K
presente Jesus comme « 1'Agneau de Dieu, qui ote le Saint Luc ajoute done, a propos du corps : « qui est
peche dii monde. » Joa., i, 29, 36. A Nicodeme, le donne pour vous. » Ces paroles manquent dans le
Sauveur annonce qu'un jour Iui-m6me sera eleve de Cod. Bezse, dans trois manuscrils latins de la version
terre, comme le serpent d'airain, « afin que le monde anterieure a saint Jerome et dans la version syriaque
soil sauve par lui. » Joa., HI, 17; cf. VIH, 28; xn, 32, de Cureton. Mais ils se trouvent dans tous les autres
47. Plus tard, par trois fois consecutives, il precise ce manuscrits grecs et leur authenlicite n'est pas douteuse.
1011 REDEMPTION 1012
Le fut-elle, la meme formule est repetee dans saint Luc Apotres, sur la question de la redemption, se con-
a propos dusang; par consequent, 1'ideede redemption formait aux donnees consignees plus tard dans les
est aussi formellement exprimee par saint Luc que par Evangiles.
les deux autres synoptiqnes. II faut aussi faire entrer 4° Dans saint Paul. — La doctrine de 1'Apotre sur la
ici en ligne de compte le recit de saint Paul, qui se redemption peut se ramener aux points suivants :
fait evangeliste pour raconter la derniere Cene. Son 1. Dieu nous a reconcilies avec lui par son Fils. Rom,,
recit a d'autant plus d'importanee que lui-meme 1'a v, 10; II Cor., v, 18-19; Eph., n,.4-16; Col.,i, 19-23; n, 13,
recu aub TO-J Kupiou, « du Seigneur ». I Cor., xi, 23. 14; I Thes., i, 10. Voir RECONCILIATION, col. 1005. —
Les anciens commentateurs et beaucoup de modernes 2. Dieu a satisfait aux exigences de sa justice a notre
admettent qu'il s'agit ici d'une revelation immediate. egard en sacrifiant son Fils. « C'est lui que Dieu a
La preposition OCTTO a tres souvent ce sens : [jiaOsTe air' montre comme victime propitiatoire par son sang au
epiou, « apprenez de moi ». Matth., xi, 29; cf. Act., ix, moyen de la foi, afin de manifester sa justice.» Rom., in,
13; Col., i, 7; in, 24; I Joa., i, 5, etc. Cf. Comely, 25. « En envoyant, pour le peche, sonpropre Fils dans
In I ad Cor., Paris, 1890, p. 335-336. Saint Paul une chair semblable a celle du peche, il a condamne
rapporte ainsi 1'institution de 1'Eucharistie : « Le le peche dans la chair, afin que la justice de la loi fut
Seigneur Jesus, dans la nuit ou il fut livre, prit du accomplie en nous. » Rom., vm, 3, 4. II « n'a pas epar-
pain, et, apres avoir rendu graces, le rompit et dit : gne son propre Fils, mais il 1'a livre a la mort pour
Ceci est mon corps, pour vous (ou : qui est rompu nous tous, » Rom., vm, 32, « il 1'a faitpeche pour nous,
pour vous); faites ceci en memoire de moi. De meme, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. »
apres avoir soupe, il prit le calice et dit : Ce calice est II Cor., v, 21; cf. Gal., in, 13. Jesus-Christ « a ete
la nouvelle alliance en mon sang; toutes les fois que livre pour nos offenses. » Rom., iv, 27; cf. Is., LIII, 4,
vous en boiraz, faites ceei en memoire de moi. » I Cor., 5. — 3. Le Sauveur s'est livre lui-meme pour nous. II
xi, 23-26. D'apres saint Luc et saint Paul, le corps est s'est « fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de
« donne pour vous », ou simplement « pour vous »; sa pauvrete, » II Cor., vm, 9; « il s'est humilie, il s'est
d'apres saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le soumis jusqu'a la mort, etla mort de la croix, » Phil.,
sang est « verse pour beaucoup » ou « pour vous », ii, 8; « il est mort pour nous, » I Thes., v, 10; « il est
tmsp iioXXwv ou UJ/.MV, ou TCspl uoXXwv. Les prepositions mort pour tous, » II Cor., v, 15; « le Christ, au temps
.V7t£p et icspt precedent en grec le nom de la personne marque, est mort pour les impies... Lorsque nous
en faveur de qui se fait une chose. On meurt vTtip etions encore des pecheurs, Jesus-Christ est mort pour
Ttvo?, « pourquelqu'un », Sophocle, Track., 708; Euri- nous. » Rom., v, 6, 8,9. II s'est livre pour son Eglise,
pide, Hec., 314; Platon, Conviv., 1796; on court un Eph., v, 25-26, et pour chaque ame en particulier.
danger rapi TIVOC. Herodote, vm, 74. Le sang verse Rom., xiv, 15; I Cor., vm, 11; Gal., n, 20; I Tim., I,
pour beaucoup, c'est done la vie donnee et sacrifice 15, II « nous a aimes et s'est livre lui-meme a Dieu
pour eux. Dans les textes grecs, le participe est au pour nous en oblation et en sacrifice d'agreable odeur. »
present, ex^uvvdjjievov, « verse », d'ou il suit que cette Eph., v, 2. « Le Christ est mort pour nos peches, con-
effusion du sang se fait dans le sacrifice eucharistique formement aux Ecritures, »I Cor., xv, 3;"« il s'est donne
lui-meme, mais n'y est possible que si ce sang a ete lui-meme pour nos peches. » Gal., i, 4. En disant que
verse effectivement dans le sacrifice de la croix. La Jesus-Christ est mort pour nous, qui etions des impies
Vulgate remplace le present par le futur : quod pro et des pecheurs, et que Dieu 1'a fait peche et 1'a livre
vobis tradetur, « qui sera livre pour vous », I Cor., xi, a la mort, afin que sa justice fut manifestee, saint Paul
24, qui pro multis eflundetur, « qui sera verse pour fait entendre que 1'injuste seul meritait le chatiment,
beaucoup », Matth.. xxvi, 27; Marc., xiv, 24, ou, qui et que le juste ne 1'a subi que par substitution. Or,
pro vobis fundetur, « qui sera verse pour vous ». Luc., dans tous ces passages de ses Epitres, 1'Apotre, au lieu
xxii, 20. La formule liturgique du canon de la messe d'employer la proposition qui indique la substitution,
est aussi au futur : pro vobis et pro multis effundetur, avT!, « a la place de », se sert toujoursde vTisp, «pour».
« qui sera verse pour vous et pour beaucoup ». L'efl'u- C'est que cette seconde preposition marque mieux 1'in-
sion du sang est alors rapportee au sacrifice de la croix, tention du Sauveur, la fin qu'il se propose expresse-
avec lequel le sacrifice de la messe est etroitement uni. ment en mourant pour nous. De plus, les anciennes
Enfin saint Matthieu ajoute a la formule les paroles victimes etaient bien immolees OCVTI, « a la place » des
« pour la remission des peches, » qui caracterisent coupables; mais c'est tout ce qu'elles pouvaient faire.
encore plus nettement la valeur expiatrice du sacrifice Le Sauveur ne se contente pas de mourir « a la place »
de Jesus-Christ. Dans tous ces textes, la mission re- des coupables; I Tim., n, 6; il meurt « pour » eux, c'est-
demptrice est 1'objetdes affirmations les plus positives, a-dire que, par sa mort volontaire, non content de se
sous les formes variees. II serait contraire a toute substituer a nous et de nous soustraire au chatiment,
critique de;n'y voir qu'une idee mentionnee en passant, il nous assure encore les plus grands biens. Rom., vm,
ou meme introduite apres coup dans la contexture des 32. — 4. Par sa mort, Jesus-Christ a efficacement assure
Evarigiles. Tout peut done se resumer dans la parole notre redemption. Rom., in, 24; v, 9, 10. Ce rachat a
proferee parle Sauveur a 1'occasion de la requete des ete opere « a grand prix, » I Cor., vi, 20; vn, 22, 23, car
fils de Zebedee : « Le Fils de 1'homme est venu, non le Fils de Dieu « s'est donne lui-meme pour notre ran-
pour etre servi, mais pour servir, etdonner sa vie pour con. » I Tim., n, 6. 11 nous a delivres de la servitude
la ranfon, Mtpov, redemptio, d'un grand nombre. » du peche, Col., i, 14; Eph., i, 7; Tit., n, 14; de celle de
Matth., xx, 28; Marc., x, 45. la loi mosai'que, Rom., vn, 4; Gal., in, 13; iv, 5; de
3° Dans les Actes. — Saint Pierre montre Jesus celle de Satan, II Tim., n, 26; Col., n, 15, et de celle
« livre en vertu d'un dessein arrete par la pres- de la mort. II Tim., i, 10. Par centre, il nous a donne
cience de Dieu, » Act., n, 23; il 1'appelle « sauveur» la vie. I Thess., v, 10; Col., n, 13; II Cor., v, 15. — 5. Les
exalte par Dieu. Act., v, 31. Philippe explique au mi- idees de saint Paul sur la redemption ont leur expres-
nistre de la reine Candace le chapitre LIII d'lsaiie en sion encore plus complete dans 1'Epitre aux Hebreux,
Fappliquant a Jesus-Christ. Act., vm, 30-35. Saint Pierre qui traite specialement du sacerdoce et du sacrifice de
dit au centurion Corneille que tous ceux qui croient Jesus-Christ. Le Sauveur est vehu « dans la chair et le
en Jesus doivent « recevoir la remission des peches en sang, afin de briser par sa mort la puissance de celui
son nom. » Act., x, 43. Saint Paul repete la meme qui a 1'empire de la mort, afin d'etre un Pontife mise-
affirmation. Act., xiu, 38, 39; xxvi, 18. Ces quelques ricordieux et qui s'acquittat fidelement de ce qu'il faut
indications laissent entrevoir que la predication des aupres de Dieu pour expier les peches du peuple. »
1013 REDEMPTION 1014
Heb., H, 14,17-18. « Nous avons en Jesus, le Fils de I Joa., iv, 10,14. « A celui qui nous a aimes, qui nous
Dieu, un grand-pretre excellent, qui a pen£tre les a laves de nos peches par son sang, et qui nous a fails
cieux... Nous n'avons pas un grand-pretre impuissant a rois et pretres de Dieu, son Pere, a lui la gloire et la
compalir a nos infirmites; pour nous'ressembler, il les puissance. » Apoc., i, 5, 6. « Vous avez ete immole, et
a toutes eprouvees, hormis le peche. » Heb., iv, 14,15. vous avez rachete pour Dieu, par votre sang, ceux de
« II peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute
Dieu par lui, puisqu'il est toujours vivant pour interce- nation, etvous les avez faits rois et pretres.» Apoc., v,
der en leur faveur... II n'a pas besoin, comme les 9,10. Dans 1'Apocalypse, Jesus-Christ est acclame comme
grands-pretres, d'offrir chaque jour des sacrifices d'abord « 1'Agneau qui a ete immole. » Apoc., v, 12,13; vn,
pour ses propres pe"ches, ensuite pour ceux du peuple, 14, etc.
car ceci, il 1'a fait une fois pour toutes en s'offrant lui- 7° On le voit done, les ecrivains du Nouveau Testa-
meme. » Heb., \ii, 25, 27. « Ce n'est pas avec le sang ment ont sur la redemption une doctrine concordante,
des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang et cette doctrine est en parfaite harmonie avec celle
qu'il est entre une fois pour toutes dans le Saint des qu'a formulee le prophete Isai'e. L'affirmation capitale
Saints, apres avoir acquis une redemption eternelle. » de la mission redemptrice du Sauveur se trouve dans
Si le sang des victimes purifiait la chair, « combien les paroles de la derniere Gene, preparees par celles
plus le sang du Christ qui, par 1'Esprit eternel, s'est qui precedent dans Isai'e et dansl'Evangile, reproduites
offerl lui-m£me sans tache a Dieu, purifiera-t-il notre et expliquees ensuite par la predication et les ecrits des
conscience des ceuvres mortes, pour servir le Dieu vi- Apotres. Attribuer a saint Paul la premiere idee d'une
vant?... Sa mort a eulieu pour le pardon des transgres- doctrine si importante, c'est rneconnailre la significa-
sions commises sous la premiere alliance... Sans effu- tion de la prophetie d'lsai'e, le caractere spirituel de
sion de sang, il n'y a pas de remission. » Le Christ est 1'ceuvre du Messie, la cause finale de 1'inearnation et le
entre « dans le ciel meme afin de se tenir desormais sens des paroles attributes au Sauveur lui-meme sous
pour nous present devant la face de Dieu... II s'est la garantie des temoins de sa vie publique. Ce serait
montre une seule fois, dans les derniers ages, pour d'ailleurs supposer tres gratuitement et contrairement
abolir le peche par son sacrifice. » Heb., ix, 12, 15, 22, a toutes les probability's qu'il a $uffi que saint Paul
24, 26. En entrant dansle monde, il a dit: « Vousn'avez imaginat une theorie de la redemption pour que les
voulu ni sacrifice, ni oblation, mais vous m'avez forme Evangelistes et saint Pierre lui-meme en fissent la base
un corps; vous n'avez agree ni hc-locaustes, ni sacrifices de leur exposition doctrinale. Car ce ne sont pas de
pour le peche. Alors j'ai dit : Me voici... C'est en vertu rares et vagues allusions, ce sonl des affirmations repe-
de cette volonte que nous sommes sanctifies, parl'obla- tees et concordantes qui se rencontrent dans tous les
tion que Jesus-Christ a faite, une fois pour toutes, de auteurs sacres du Nouveau Testament. A s'en tenir a
son propre corps... Par une oblation unique, il a pro- tous ces textes, et independamment meme de Finter-
cure la perfection pour toujours a ceux qui sont sancti- pretation unanime des Peres, on est done en droit de
fies. » Heb,, x, 5, 10, 14. « Le Dieu de paix a ramene conclure que le fait de la redemption est une realite
d'entre les morts celui qui, par ]e sang d'une alliance prevue plusieurs siecles a 1'avance, voulue formelle-
eternelle, est le grand Pasteur des brebis, Notre-Sei- ment par Dieu, acceptee volontairement par Jesus-
gneur Jesus. » Heb., xui, 20. Ainsi done le Seigneur Christ avec toutes les consequences qui devaient en
Jesus a pris un corps pour substituer volontairement sa resulter pour sa personne divine, et effectuee par lui
propre immolation a celle des anciennes victimes, im- au jour de sa passion et de sa mort sur la croix. CL
puissantes a obtenir la remission du peche. II a verse Riviere, Le dogme de la redemption, Paris, 1905,
son sang une fois pour assurer cette remission et la p. 38-99; Rose, Etudes sur les Evangiles, Paris, 1902,
sanctification des hornmes, et maintenant, dans lesanc- p. 218-270.
tuaire du ciel, il est toujours vivant afin d'interceder en II. SES EFFETS. — La redemption ne doit pas etre
leur faveur. isolee de 1'incarnation. La valeur de la redemption se
5° Dans saint Pierre. — Aux anciens prophetes, tire, en effet, de la qualite personnelle du Redempteur,
1'Esprit du Christ attestait d'avance les souffrances qui par consequent de la divinite qui s'est unie a 1'humanite
lui etaient reservees, et les fideles ont ete affranchis dans 1'incarnation. D'autre part, le merite redempteur
« par un sang precieux, celui de 1'Agneau sans defaut a ete acquis a tous les actes du Sauveur; presque tout
et sans tache, le sang du Christ. » I Pet., i, 11,19. « Le ce qui est affirme de la redemption peut done s'etendre
Christ a souftert pour vous, vous laissant un modele, a toute la vie de Jesus-Christ. Neanmoinssa mort sur la
afin que vous suiviez ses traces... Lui qui a porte nos croix constitue 1'acte redempteur par excellence, celui
peches en son corps sur le bois, afin que, morts au qui couronne tous les autres et en vue duquel ils sont
peche, nous vivions pour la justice; c'est par ses meur- ordonnes. Les effets qui resultent de cet acte sont les
trissures que nous avons ete gueris. » I Pet., n, 21, suivants :
24. « Le Christ a souffert une fois la mort pour nos 1° Satisfaction pour le peche. — Le peche constitue
peches, lui juste pour des injustes, afin de nousramener une dette vis-a-vis de Dieu; c'est le nom que lui donne
a Dieu. » I Pet., HI, 18. « Puisdonc que le Christ a souf- Notre-Seigneur. Matth., vi, 12. Cette dette represente
fert (pour nous) en la chair, armez-vous, vous aussi, de une jouissance que le pecheur s'est procuree contrai-
la meme pensee... Dans la mesure ou vous avez part rement a la volonte de Dieu. Pour s'acquitter, le pecheur
aux souffrances du Christ, rejouissez-vous. »IPet.,iv, 1, doit done offrir a Dieu une souffrance en compensation
13. C'est le Seigneur qui nous a rachetes; il est a la fois de la jouissance illegitime, et, a raispn de la majeste de
Seigneur et Sauveur. II Pet., n, 1, 20. 1'offense, « sans effusion de sang, il n'y^ pas de remis-
6° Dans saint Jean. — • « Le sang de Jesus-Christ sion. » Heb., ix, 22. Mais tout le sang des animaux et
nous purifie de tout peche. » I Joa., 1,7. « Si quelqu'un des hommes .etant incapable de donner satisfaction a la
a peche, nous avons un avocat aupres du Pere, Jesus- justice divine, Jesus-Christ estvenu, et enmourant pour
Christ, le juste. II est lui-meme une victime de propi- les hommes, il s'est constitue leur rancon. Matth., xx,
tiation pour nos peches, non seulement pour les notres, 28; Marc., x, 45; I Tim., n,6; Tit., n, 14; I Pet, i, 18,
mais pour ceux du monde entier. » I Joa., 11, 1,2. 19. En consequence, le peche a ete remis. Joa., i, 29,
« Jesus a paru pour oter nos peches..., pour detruire 36; Act., x, 43; xin, 38, 39; xxvi, 18. La victime etant
les oeuvres du diable. » I Joa., HI, 5, 8. Dieu « nous a divine, la satisfaction offerte par son sacrifice a ete sur-
aimes et a envoye son Fils comme victime de propitia- abondante, de sorte que non seulement la justice de
tion pour nos peches..., comme Sauveur du monde. » Dieu a ete pleinement satisfaite, Rom., m, 25; vnl, 3,
1015 REDEMPTION REFRAIN 1016
4, 32; II Cor., v, 21, mais encore le prix de la ran- dans les hauteurs, a Dieu, et sur la terre, paix, bien-
con a ete tres eleve. I Cor., vi, 20; vn, 22, 23, « La ou veillance pour les hommes. » Luc., n, 14. Dans ce qu'il
le peche avait abonde, la grace a surabonde. » Rom., dit, ce qu'il fait et ce qu'il souffre, le Fils de Dieu ne
•v, 20. cherche que la gloire de son Pere. Joa., vm, 49, 50;
2° Reconciliation avec Dieu. — Les exigences de la xni, 31, 32; xiv, 13. Au moment de partir pour Gethse-
justice divine ayant recu satisfaction, l'homme a ete mani, il dit aux apotres : « Afin que le monde sache
reconcilie avec Dieu, aux yeux duquel il etait naguere que j'aime mon Pere et que j'agis selon le commande-
^m revolte. Rom., v, 10; II Cor., v, 18-19; Eph., n, 4- ment que mon Pere m'a donne, levez-vous, partons
16; Col., i, 19-23; I Thes,, i, 10; I Pet.,m, 18. Le Sau- d'ici. » Joa., xiv, 31. II rappelle a son Pere qu'il 1'a
veur « a detruit 1'acte qui etait ecrit centre nous et glorifie toute sa vie et demande a pouvoir le faire encore
nous etait contraire avec ses ordonnances, et il 1'a fait en mourant. Joa., xvn, 1, 4, 6, 26. Eniin, dans son
disparaitre en le clouant a la croix. » Col., n, 14. La agonie, il accepte la mort parce que telle est la volonte
redemption est ainsi devenue la cause du salut du monde de son Pere. Matth.,xxvi, 39, 42; Marc., xiv, 36; Luc.,
en le sauvant des effets du peche qui faisait de Dieu, xxn, 42. Cette mort est le sacrifice par excellence; elle
source unique de la vie eternelle, 1'ennemide l'homme. procure done eminemment la realisation des fins du
Joa., in, 17; vm, 28; xn, 32, 47; Heb., vn, 25, 27; sacrifice; elle n'est pas seulement un acte d'expiation
I Joa., iv, 10, 14. Cette redemption a ete universelle, et d'intercession en faveur des hommes coupables, elle
acquise a tous les hommes qui veulent en profiler. est aussi et avant tout un acte d'adoration et de recon-
I Joa., ir, 12; Apoc., v, 9, 10. Si, a la derniere Gene, le naissance envers le Pere qui est dans les cieux.
Sauveur dit seulement que son sang est verse « pour H. LESETRE.
beaucoup », Matth., xxvi, 27; Marc., xiv, 24, c'est que REEMA, ville d'Arable, Ezech., xxxvn, 12, dont le
« mort pour tous >: en droit, II Cor., v,14, meme pour nom est ecrit en hebreu comme celui que la Vulgate a
ceux qui se detournent de lui, II Pet., n, 1, il ne par- rendu par Kegma. Gen., x, 1 ;1 Pat., i, 9. Volt REGMA.,
lait alors que de ceux qui, en fait, devaient profiter de col. 1022.
sa mort.
3° Ruine de I'empire de Satan. — Avant la redemp- REFADM. Voir RAPHAIM, col. 975.
tion, Satan etait le « prince de ce monde, » Joa., xn,
31; xiv, 30; « il avait I'empire de la mort, » Heb., n, REFRAIN, un ou plusieurs mots qui se repetent a
14, par laquelle il exercait sa tyrannic sur les hommes plusieurs reprises dans un chant. Le refrain repete en
qui avaient prefere son service a celui de Dieu. Par la choaur est un element commun a toutes les poesies
redemption, Jeeus-Christ le jette dehors. Joa.j xn, 31. populaires, il appartient a toutes les liturgies. La Bible
II depouille les principautes et les puissances, et les 1'exprime par le mot nay, 'dndh, « elever la voix »,
livre hardiment en spectacle. Col., n, 15. II brise par specialement : « repondre », Gen., xxm, 14; Ps. LXVII
sa mort la puissance de celui qui avait I'empire de la (LXVI), 14; Dan., 11, 7; et « chanter (en refrain ou en
mort, c'est-a-dire du diaMe. Heb., n, 14. II detruit les chosur) ». Ex., xxxn, 18; Num., xxi, 27; Ps. CXLVII
ceuvres du diable, I Joa., HI, 8, c'est-a-dire le peche et (CXLVJ), 7; Is., xxv/i, 2. Derives: ma'dndh, Job, xxxn, 3,
1'influence nefaste dont Satan disposait pour le faire et mcCanit, Ps. cxxix (cxxvm), 3, « reponse )>. Les Sy-
commettre. riens appellent le refrain 'unitd. C'est le ^|^A., « re-
4° Delivrancede toutes les servitudes. —Jesus-Christ plique, reponse », des chants arabes, I'spy^vcov ou
met fin par sa mort a la servitude du peche, Col., i, TijTra^d^ des hymnes grecques.
14; Eph., i, 7; Tit., n, 14; Heb., ix, 26; I Joa., m, 4-6; 1° L'usage du refrain dans les chants hebreux est atteste
a celle de Satan, II Tim., n, 26; a celle de la mort, par FEcriture, le refrain lui-meme est souvent, mais
Heb., 11, 14; II Tim., i,10, et a celle de la loi ancienne. pas toujours regulierement, porte dans les pieces bibli-
Rom., vn, 14; Gal., in, 13; iv, 5. Ilremplace ces servi- ques. Le Ps. xxvin (xxvn) donne en titre 1'indication
tudes par la loi de liberte. Jacob., i, 25; n, 12. C'est la l&annot, « pour chanter » ou « pour repondre ». L'Exode
liberte glorieuse des enfants de Dieu, Rom., vni; 21, dit gol 'anotf « voix de chants » ou « de cho3urs ».
par laquelle le Christ nous a affranchis. Gal., iv, 31 ; Ex., xxxn, 18. Certains auteurs croient que 1'expression
cf. v, 13. 'alpe siridn, Ps. LXVIII (LXVII), 18, « les milliers qui
5° Biens de la vie spirituelle. — « Dieu n'a pas repetent ». signifierait la reponse en choeurdes foules.
epargne son propre Fils, mais il Fa livre pour nous Goussanville, Prxf. ad Antiphonarium S. Gregorii,
tous; comment done, avec hii, ne nousa-t-il pas donne dans Gerbert, Monum. vet. lit. Alem., t. i, p. 64. Quoi
tous les biens ? » Rom., vm, 32. Ces biens sont mul- qu'il en soit, Fusage du refrain est prouve par le Tal-
tiples. Je"sus-Christ nous a assure la possession de la mud, Sota, 20 b: « Apres chaque division (de strophe),
vie, Joa., x, 10; Col., u, 13; I Joa., m, 14, de cette vie le peuple reprenait les paroles initiales. » Voir H. Grii-
spirituelle et surnaturelle qui doit conduire a la vie newald, Ueber den Einfluss der Psalmen auf die
eternelle. Joa., in, 15; Heb., v, 9; ix, 12; I Joa., v, 11, Enthaltung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890,
13. Cettte vie surnaturelle comporte la sanctification, p. 17, 18. II etait tres pratique chez les Therapeutes :
Joa., xvn, 19; Heb., x, 10, 14; xm, 12, 1'adoption divine avTtswvoic ap[j.ovt'atc... <TTpo9a? T£,.. xai avrtaTpd^ou;..'.
qui fait de Fhomme rachete Tenfant de Dieu, Joa., i, (i.!A£<nv avrf^ot? xal avitcptovoti;. Philon, De vita contem-
12; Rom., vm, 15, 23; Gal., iv, 5; Eph., i, 5, le cons- plativa, xi, edit. Mangey, 485, 486; comme aussi dans
titue roi et pretre, Apoc., i, 6; v, 9; I Pet., 11, 5, c'est- les premieres liturgies chretiennes : Carmen Christo
a-dire le consacre pour le service de Dieu et lui donne quasi Deo, dicere SECUM INVICEM. Pline le jeune,
de vivre pour Jesus-Christ. II Cor., v, 15; I Thess., v, Epist. LXIX ad Trajan., edit. Lemaire, t. 11, p. 199 :
10. Pour que toutes les graces que comporte cette « A celui qui psalmodie dans 1'eglise, les vierges et les
dignite nouvelle soient accordees & Fhomme et digne- enfants repondront en psalmodiant. Si deux ou trois se
ment utilisees, Jesus-Christ redempteur est tout a la fois trouvent psalmodiant a la maison, ils se repondront
1'intercesseur qui les demande dans le ciel, Heb., iv, Fun a Fautre en psalmodie. » Rahmani, Testamentuni
14, 15, et le modele a imiter sur la terre. I Pet., n, 21, D. N. J. C., Mayence, 1899, p. 142, 143. C0 Xabc ra
•24; iv, 1, 13. ax.po<7Tt-/ta yTCQ^aX>.£Tw. Constit. apostol., II, 57, t. i,
6° Gloire de Dieu. — Cette gloire est, a vrai dire, le col. 728. Les termes liturgiques u7ia-/.6-rj, uTtaxovetv, fre-
premier et principal resultat que le Fils de Dieu avait quents sous la plume des ecrivains ecclesiastiques grecs,
en vue en venant sur la terre, tout en se proposant de Ada Condi. Nicaenill, Mansi, Cone., t. xm, col. 170;
la procurer par la redemption des hommes : « Gloire, S. Jean Chrysostpme, In Ps. XLI, t. LV, col. 155-158;
REFRAIN — REFUGE (VILLES DE) 101&
S. Athanase, Apologia de fuga sua, 24, t. xxv, col. 675; que la reponse donnee par le peuple ou le choeur aux
sont un empruxit a la traduction des Septante, Job, xiv, versets du Psaume chantonnes par le lecteur ou le-
13, sita xaXlaeic, lyw 8s eroi uTCaxouffopiat. chantre. . J. PARISOT.
2° Le refrain priraitif est une acclamation, teru'dh,
Ps. xxxm (xxxn)3; LXXXIX, (Lxxxvm) 16; Num., XXHI, 1. REFUGE (hebreu : hdsut, mahseh, mdnos, mis-
21; II Sam. (Reg.) vi, 5; I Esd., m, 11, sou vent prise tor, md'oz, md'on, misgab, 'oz; Septante : xa^a^uy^;
en dehors du texte, comme « Amen », Deut. xxv, 15-26. Vulgate : refugium), lieu ou Ton se met a 1'abri d'un-
Voir AMEN, t. i, col. ,475, ou « Alleluia », qui est encore danger.
dans le Psautier hebreu place comme une « antienne » 1» Au sens prppre. ~ La Palestine abonde en-
ajoutee aux Psaumes. Voir ALLELUIA, t. i, col. 369; ou rpchers, en vallees escarpees et en cavernes dans les-
bien cette replique appartient au texte-lui-meme. Nous quels on pouvait se mettre en surete quand on etaifr
en avons plusieurs exemples. Au Psaume cxxxvi (cxxxv), poursuivi par quelque ennemi ou menace d'un danger.
chaque verset comporle la reponse ki le'oldm hasdo, Voir CAVERNE, t.n, col. 355. Les malheureux cherchaient
laquelle est indiqnee aussi aux Psaumes cvi (cy), et cyn le rocher comme refuge pendant la pluie. Job, xxiv,
(cvi); et il semble que cette me me formule de refrain 8. On demandait aussi un refuge aux villes. I Mach., x,
s'employait dans toutes les circonstances solennelles : 14; II Mach., v, 9. Gontre Forage et la pluie, unetente
I Esd. in, 11 : « ils repondront 137*1, en louant et pouvait servir de refuge, duoxp'Joov, absconsio. Is.',
en celebrant le Seigneur, parce que sa misericorde est IV, 6.
eternelle.)) Voir I Par.,xvi, 41; II Par., \7, 13; vu, 6; 2° Au sens figure. — II n'y a point de refuge pour
xx, 21. Le cantique des trois jeunes hommes a pour les mechants. Job, xi, 20. Le juste persecute se plaint
retrain apres chaque verset : « Lone, glorifie et exalte de ne pas trouver de refuge, <puyi, fuga. Ps. CXLII
dans les siecles. » Dan., m, 52-57; puis : « Louez-le et (CXLI), 5 . Le refuge que Jes Israelites cherchent a
exaltez-le dans les siecles », 57-88. Ailleurs le refrain 1'ombre de 1'Egypte tournera a leur confusion. Is., xxx,
est la reprise des premiers vers. Cf. Exod. xv, 20 avec xv, 3. La gr£le emportera le refuge du mensonge et Jes
1. "Voir aussi Ps. vm, 1, etlO, Telle est 1'ancienne forme eaux renverseront 1'abri sur lequel on compte. Is.,
orientale du chant a refrain ou chant alterne. Mais Fal- xxvin, 17. —Tres souvent, c'est Jehovah lui-meme qui
ternance eut lieu aussi en suivant sans repetition la est considere ou invoque comme le refuge deses servi-
psalmodie ou 1'hymne, chante a deux choaurs. Socrate, teurs. Ps. ix, 10; xxxi (xxx), 3; XLVI (XLV), 2; xc
H. E., vi, 8, t. LXVII, col. 689; Barhebrseus, Chronic, (LXXXIX),!; xcr(xc),2, 9; xciv(xcni), 22; II Reg., XXH,
ecclesia&t., n, 11, edit. Abeloos-Lamy, Paris, 1864, t. n, 3; Is., xxv, 4; Joel, iv, 16, etc. Les differents synonymes
p. 33-34. Les traditions artistiques de la Grece attri- hebreux ne sont pas toujours traduits par xaraopuy/i, re-
buaient du reste aux chants alternes une antiquite fugium. Les versions se servent encore des mots $o-ft-
immemoriale. Iliad., i, 604. Mais le plus haul exemple 6=!«,« force », auxilium, « secours », Ps. LXII (LXI), 8;
de chant alterne se trouve dans Isai'e, vi, 3 : « [Les deux po-/-,66<;, « fort », fortitude, « force », Is., xxv, 4; adju-.
seraphim] criaient 1'un a 1'autre et disaient : «. Saint, tor, « aide », Ps. LXII (LXI), 9; LXXI (LXX), 7; TOTIOC
saint, saint est le Seigneur le Dieu desarmees; toute la o/upoc, locus munitus, « lieu fortifie », Ps. LXXI (LXX),
terre est remplie de sa gloire. ^ 3; y.paTou'tofj.7, fortitude, « forteresse », Ps. xxviii,
L'usage populaire du refrain devinl plus tard, dans (xxvn), 8; XLIII (XLII), 2; dvuXviitTwp, susceptor, « sou-
les poesies scripturaires, un procede litteraire etudie. tien », Ps. xvin (XVH), 3; XLVI (XLV), 8, 12; XLVIII,.
Au Psaume XLVI (XLV) le refrain se forme des derniers (XLVII), 4; ux ('LNW), 1Q, 18', xci (xc), 2-, •au^aaut.a-c^Q,
vers de la strophe : protector, « protecteur ». Ps. xxvin (xxvn), 8; xxxvu
(xxxvi), 39. Dans un meme verset, Jeremie, xvi, 19,
Le Seigneur des armees est avec nous; appelle le Seigneur 'oz, md'oz, mdnos, to-xu?, porj6sia r
Le Dieu de Jacob est notre refuge.
xaTa9uyo, fortitudo, robur, refugium, « forteresse,
Voir Bickell, Metrices biblicse regulce eocemplis illus- force, refuge ».Tous ces motsexprimentla m^meidee :
trate, Inspruck, 1879, p. 45. C'est aussi un refrain en Jehovah, le juste trouve un refuge puissant et assu-
trois fois repete que presente le texte. des Psaumes XLII re, comme celui que menagent aux fugitifs les rochers
XLi)6, 12; XLIII (XLII), 5. les plus solides. H. LESETRE.
[dedans de moi ?
Pourquoi te troubler, 6 mon ame etpourquoi defaillir au 2. REFUGE (VILLES DE) Care miqldt; Septante :
Espere au Seigneur, car je le louerai encore : TtdXsti; TWV ipuYaSeuTriptwv, cpyyaSsurr'p'.a, <puya§£ta; Vul-
II est le salut de ma face et mon Dieu.
gate : urbes, prsesidia, auxilia fugitivorum), villes
Isaie insere comme un refrain, dans sa prophetie dans lesquelles s'exercait le droit d'asile en faveur des
contre Israel et la Syrie, ces deux vers, repetes regu- homicides involontaires.
lierement apres chaque strophe de douze vers : 1° La legislation. — En portant la loi contre 1'homi-
cide, Moise avail dit au sujet du meurtrier et de sa
Tous ces maux n'ont pas detourne sa colere.
Et son bras est encore leve. Ps. IX, 12, 17, 21; X, 4. victime : « S'il n'a pas eu cet homme en vue et que
Dieu 1'ait presente a sa main, je te fixerai un lieu ou
Le Psaume cvn (cvi) termine toutes ses strophes par il pourra se refugier. » Exod., xxi, 13. Quand, en effet r
un refrain de quatre vers chaque fois modifie : 8 et 9, un meurtre avait ete commis, un propre parent de
15 et 16, 21 et 22, 31 et 32. Cf. Ps. CLXIV (CXLV), 8 et la victime' avait le droit de poursuivre le meurtrier
11; LXXX (LXXIX). Mais la transcription de ces re- et de le mettre a mort. Voir GoELx,^t. -in, col. 262.
petitions n'est pas toujours reguliere. Faut-il voir Mais il pouvait arriver'que le meurtre ^eut ete invo-
aussi un double refrain au Psaume LIX (LVIII). 7 et 15, lontaire. On avait jete quelque chose sans intention
10 6,-ll a et 18 fe? Quoi qu'il en soil, les. exemples ou laisse tomber une pierre par megarde, le fer de la
cites montrent largement 1'emploi du chant a refrain hache s'etait echappe du manche et avait frappe mor-
dans la Bible. On peut en constater encore la pratique tellement un compagnon de travail, etc. Num., xxxv,.
dans le service actuel de la synagogue, ou la recitation 22, 23; Deut., xix, 5. En pareil cas, le crime d'ho-
de prieres rythmees, alternee entre 1'offieiant et le micide n'existait pas, et, s'il y avait imprudence, elle
peuple, ressemble a une sorte de litanie. L'ancien n'etait pas toujours gravement coupable. D'autre part,
usage juif passa aux Chretiens, et ce sont ces acclama- il n'eut pas ete sage de laisser 1'appreciation de
tions liturgiques primitives qui ont donne origine aux 1'acte.au vengeur du sang, qui eut souvent manque
antiennes de notre psalmodie, lesquellesn'etaienijadis d'impartialite. Lors done qu'un homicide accidentel
1019 REFUGE (VILLES BE) — R E G E N E R A T I O N 1020
etait survenu, le meurtrier se hatait d'aller serefugier d'assurerla protection du refugie,sa comparution devant
dans une ville determined. II s'arretait a la porte et 1'assemblee etsa remise au vengeur du sang s'il etait re-
exposait son cas aux anciens. Ceux-ci devaient lui assi- connu coupable. Les levites furent choisis pour s'ac-
gner une demeure et ensuite prendre soin de le faire quitter de ces soins et, dans ce but, les villes de refuge
comparaitre devant 1'assemblee, qui jugeait 1'affaire. furent rangees parmi les villes levitiques. On attribua
Si le meurtrier etait reconnu coupable, on le livrait au done Hebron aux fils d'Aaron, Sichem aux fils de Caath,
vengeur du sang, qui le mettait a mort. Dans le cas Gaulon et Cedes aux fils de Gersom, Ramoth et Bosor
contraire, les anciens le ramenaient dans la ville de aux fils de Merari. Jos., xxi, 13-38; I Par., vi, 57, 67,
refuge. La il etait inviolable. Mais il restait confine 71, 73, 78, 80. — Dans la suite de 1'histoire d'Israel,
dans la ville jusqu'a la mort du grand-pretre, S'il en il n'est plus fait mention des villes de refuge, ce qui
sortait auparavant, le vengeur du sang avait le droit de prouve seulement que cette institution ne donna lieu
le frapper en dehors de la ville de refuge. A la mort du a aucun incident notable. Les rabbins pretendent que
grand-pr£tre, le meurtrier pouvait impunement rentrer les 48 villes levitiques jouissaient du droit d'asile. II
dans son pays. Cette loi etait portee pour que le sang est vrai que dans le texte grec de Josue, xxi, 27, on
innocent ne fut pas verse et ne retombat pas sur le appelle les villes levitiques TOC? udXstc TO&C a^wpta-jAJva?
peuple. Le legislateur tenait tant a ce que le meurtrier TO?? <poveu-7a<re, « les villes assignees aux meurtriers ».
involontaire put se mettre a 1'abri, qu'il ordonna d'en- La Vulgate porte aussi confugii civitates. Mais 1'hebreu
tretenir en bon etat les routes conduisant aux villes de a ici le mot 'ir, « ville », au singulier, conformement
refuge, afin que 1'interesse put y arriver plus rapide- aux passages analogues. Jos., xxi, 32, 36, etc. On ne
ment.et plus surement. Num., xxxv; 12-28; Deut., xix, peut done s'appuyer sur les versions pour justifier 1'ex-
1-13; Jos., xx, 2-9. La loi est repetee jusqu'a trois fois, tension du droit d'asile a toutes les villes levitiques.
a raison de son importance. Le sejour force du meur- Les rabbins distinguent d'ailleurs entre les villes de
trier dans la ville de refuge pouvait etre assez long. refuge et les autres villes levitiques. D'apres eux, les
Certains grands-pretres ont ete en fonction de 40 a 50 villes de refuge protegeaient le meurtrier, qu'il connut
anset beaucoup de 15 a 20 ans. La gene qui resultait de ou non le privilege de la ville, et il n'avait pas a y
cet internement etait compensee par la securite dont payer son logement; les autres villes, au contraire, ne
jquissait le meurtrier. Elle constituait aussi un avertis- protegeaient que .celui qui croyait a leur privilege,
sementserieux; ilfallait apporterune grande prudence mais elles ne 1'hebergeaient pas gratuitement. Cf. Mak-
dans tous les rapports avec le prochain. koth, u, 4; Reland, Antiquitates sacra?, Utrecht, 1741,
2° Les villes designees. — Apres avoir promis d'indi- p. 119.
quer un lieu de refuge, Exod., xxi, 13, Moi'se decida 3° Le droit d'asile. — II est dit dans 1'Exode, xxi,
que six villes jouiraient du droit d'asile, trois a Test 14 : « Si un homme, de propos delibere, tue son pro-
du Jourdain et trois a 1'ouest. Elles devaient etre ouver- chain par ruse, tu 1'arracheras de mon autel pour le
•tes a I'lsraelite, au ger ou etranger vivant au milieu faire mourir. » Ce texte suppose en vigueur 1'usage de
des Israelites en adoplant leurs coutumes, et meme a chercher un refuge aupres de 1'autel quand on etait
1'etranger sejournant simplement dans le pays. Apres coupable ou seulement menace de mort. Dieu ne veut
la conquete de la contree a Test du Jourdain, Mo'ise pas que son autel protege le coupable; il n'interdit
designa trois villes de refuge : Bosor, dans le desert pas cependant que 1'autel continue a preserver celui
de la plaine, pour la tribu de Ruben; Ramoth, en Ga- qui est menace de rnort sans 1'avoir merite. La legisla-
laad, pour la tribu de Gad, et Golan ou Gaulon, en Ba- tion mosai'que reprouve ainsi tres nettement le droit
san, pour ceux de la tribu de Manasse. Deut., iv, 41-43. que les autres peuples reconnaissaient aux lieux d'asile.
Plus tard, il rappela que trois autres villes devaient Les coupables eux-memes y trouvaient un abri contre
etre designees dans le pays de Chanaan et il ajouta les seyerites de la justice. Chez les Israelites, ni 1'autel,
qu'on pourrait en designer trois de plus lorsqu'on aurait ni les villes de refuge ne protegeaient les coupables.
conquis la Terre Promise jusqu'a ses limites extremes. Quand Adonias se vit surprendre au milieu de sa cons-
Deut., xix, 2, 7-9; cf. Gen., xv, 18; Exod., xxm, 31. piration contre Salomon, il se hata d'aller saisir les
Le pays de Chanaan devait, a cet effet, etre divise en cornes de 1'autel, pour se mettre sous la protection
trois parties, Deut., xix, 3, comme le pays transjorda- divine. II n'etait pas meurtrier, mais coupable d'un
nique. Sous Josue furent designees les trois villes de crime qui meritait la mort. Salomon lui fit grace, mais
Chanaan : Cedes, en Galilee, dans la montagne de Neph- par pure clemence. Ill Reg., i, 50-53. II en alia autre-
thali; Sichem, dans la montagne d'Ephraiim, et Cariath- menl pour Joab, le meurtrier d'Asael et d'Abner.
arbe ou Hebron, dans la montagne de Juda. Jos., xx, II Reg., 11, 23; HI, 27. II eut beau se refugier dans le
2-9; On peut remarquer, a la suite des docteurs de la sanctuaire, aupres de 1'autel; Salomon ne Ten fit pas
Gemara, Makkoth,tol. 9, 2, que ces trois dernieres vil- moins mettre a mort. Ill Reg., n, 28-34. — Chez les
les correspondaient, par la latitude, a celles de la rive Grecs et les Remains, le droit d'asile appartenait aux
gauche du Jourdain, Cedes a peu pres a Gaulon, Si- autels, aux temples et a leur enceinte sacree. Cf. He-
chem a Ramoth et Hebron a Bosor. Voir ROSOR, t. i, rodote, n, 113; Euripide, Hecub., 149; Pausanias, n, 5,
col. 1856; CARIA.THARBE, t. n, col. 272; CEDES, col. 360; 6; Dion Cassius, XLVII, 19; Strabon, v, 230; xiv, 641;
GAULON, t. in, col. 116; HEBRON, col. 554; RAMOTH, t. v, xv, 750; Tite Live, i, 8, 35, 51; Tacite, Annul., in, 60,
col. 960; SICHEM. En Chanaan, les villes de refuge se 63; Floras, n, 12, parfois meme a des villes et a leur
trouvaient dans la montagne et pouvaient etre plus fa- territoire. Cf. Polybe. vt, 14, 8; etc. Le temple d'Apol-
cilement defendues. Les six villes etaient assez distan- lon et de Diane, a Daphne, possedait le droit d'asile,
tes 1'une de 1'autre pour que le meurtrier n'eut pas a et c'est la que se refugia le grand-pretre Onias III, quand
s'attarderen chemin,s'ilvoulaitechapperau vengeur. II il voulut denoncer le vol sacrilege de Menelas. II Mach.,
est probable d'ailleurs qu'il ne prenait les routes prin- iv, 33. Voir DAPHNE, t. n, col. 1292. — Osiander, De
cipales que quand son habitation en etait voisine. Pour asylis Hebrseoruvn, Tubingue, 1672, dans Ugolini, The~
1'ordinaire, il avait interdt a suivre les sentiers les plus saurus, t. xxvi; Ries, De prsesidiariis Levitarum urbi-
courts et les moins frequentes. Le nombre des villes de bus, Vitebsk, 1715. H. LESETRE.
refuge ne paralt jamais avoir ete de plus de six. La
Terre Promise alteignit ses limites extremes du temps de REGENERATION (grec : iraXiyyeveffta, ivaxaivciat:;
David et de Salomon, mais ce ne fut que d'une maniere Vulgate : regeneratio, renovatio), don d'une vie nou-
passagere, et Ton n'eut pas besoin de multiplier les asi- velle et surnaturelle faite a Tame chretienne par Jesus-
les. — Les anciens des villes de refuge avaienl la charge Christ. — Ce don a ele annonce et explique par le Sau-
1021 R E G E N E R A T I O N — REGOM 1022
veur a Nicodeme. « Nul, s'il ne nait de nouveau, ne REGINA, sceur de Galaad, de la tribu de Manasse,
peut voir le royaume de Dieu. Nul, s'il ne renait de que la Vulgate a ainsi appelee parce qu'elle a traduit
1'eau et de 1'Esprit, ne peut entrer dans le royaume son nom hebreu, hani-Molekef (Septante : MaXsx^Q),
de Dieu. II faut que vous naissiez de nouveau. » Joa., mere d'Ishod (t. m, col. 989; Vulgate : Virum deco-
in, 5-7. Cette naissance nouveHe n'est pas une naissan- rum), d'Abiezer 1 (t. i, col. 47) et de Mohola (t. iv,
ce corporelle, comme 1'imagine le docteur d'Israel; col. 1188). II Par., vn, 18. Gedeon futun de ses descen-
elle s'opere par 1'eau du bapteme et 1'Esprit qui pro- dants. On ignore pourquoi son nom a ete conserve
duh-dans 1'ame la vie surnaturelle. De cette maniere, dans la genealogie de sa tribu, par exception a 1'usage
les hommes sont « regeneres d'un germe non corrup- general. D'apres une tradition juive, rapportee par
tible, mais incorruptible, par la parole de Dieu vivante Kimchi dans son commentaire sur ce passage, elle
et eternelle. » I Pet., i, 23. Dieu « nous a sauves par aurait regne sur une partie du territoire de Galaad,
le bain de la regeneration, en nous renouvelant par le mais cette tradition tire probablement son origine de
Saint-Esprit qu'il a repandu sur nous largenaent par 1'etymologie de son nom.
Jesus-Christ. » Tit., in, 5, 6. Le Sauveur, par sa mort,
a reconcilie ensemble Juifs et Gentils, « afin de fondre REGLE (hebreu: qdv; grec: xavwv; Vulgate: regula),
en lui-meme les deux dans un seul homme nouveau. » ligne de conduile a suivre pour arriver a un but. Le
Eph,, n, 15. II n'importe done nullement d'avoir ete mot hebreu qdv designe tout d'abord la corde tendue
circoncis ou non ; « ce qui est tout, c'est d'etre une a I'aide de laquelle on mesure; en grec, xavwv est le
nouvelle creature. » Gal., vi, 15. « Quiconque est en roseau ou la barre de bois dont on se sert pour tirer
Jesus-Christ, est une nouvelle creature; les choses an- une ligne droite; le latin regula et le francais « regie »
ciennes sontpassees, tout estdevenu nouveau. » II Cor., ont ordinairement le meme sens. Ainsi la Vulgate
v, 17. Etre en Jesus-Christ, e'est ne plus vivre selon la appelle regula aurea, « regie d'or », la barre d'or
nature, mais par 1'effet de la grace surnaturelle qui nommee en hebreu leson zdhdb, yXwaoa -/pvffri, « langue
unit a Dieu et fait vivre de la vie divine. II Pet., i, 4. d'or ». Jos., vn, 21. Les mots qui designent 1'objet,
Le Chretien devient par la un homme nouveau, au lieu corde ou barre de bois, au moyen duquel on peut tra-
d'etre comme auparavant ce vieil homme qui vivait de cer une ligne droite, ont ete ensuite employes pour de-
1'ancienne viepurement humaine. Saint Paul exhorte signer 1'ensemble des prescriptions, techniques ou
a se depouiller du vieil homme, corrompu par les con- morales, dontil faut tenir compte si Ton veut atteindre
voitisestrompeuses, et a revetir 1'homme nouveau, cree directement un but determine. — Isaie, xxvm, 10, met
selon Dieu dans une justice et une saintete veritables. en scene les pretres et les faux prophetes de Jerusa-
Eph., iv, 22-24. Le vrai Chretien a « depouille le vieil lem qui, pris de vin, le tournent lui-meme en ridicule
homme avec ses ceuvres et revetu 1'homme nouveau et repetent en balbutiant : sav lasav, sav lasdv, qav
qui, se renouvelant sans cesse a 1'image de celui qui Idqdv, qav Idqdv, « ordre sur ofdre, ordre sur ordre,
1'acree, atteint la science parfaite. » Col., in, 9, 10. regie sur regie, regie sur regie », faisant ainsi allusion
« Alorsmeme que notre homme exterieurdeperit, notre aux conseils d'lsai'e. Les versions, Septante : i'kniSv.
homme interieurserenouvellede jour en jour. » II Cor., eir'eXTuSi, « esperance sur esperance », Vulgate : expecta,
iv, 16. Desormais, dit-il aux Remains, vn, 6, « nous reexpecla, « attends, attends encore », ont rattache qdv
servons Dieu dans un esprit nouveau, et non selon une au verbe qivvdh, « attendre, esperer >j. Dans la suite
lettre surannee. » II ajoute : « Purifiez-vous du vieux du meme oracle, le Seigneur dit qu'il prendra le droit
levain, afin que vous soyez une pate nouvelle. » I Cor., pour regie, qdv, Septante: el? iXTcc'Sa, « pour esperance »,
v, 7. Cette regeneration doit done etre recue de Dieu, Vulgate : in pondere, « pour poids ». Is., xxvm, 17.
conservee avec soin, renouvelee sans cesse. Sans elle — Saint Paul appelle xavwv, regula, « regie », le champ
comme 1'a dit Notre-Seigneur, on ne peut entrer dans d'action qui a ete assigne par Dieu a son apostolat
le royaume de Dieu, on est exclu de 1'Eglise et et qu'il ne veut pas depasser. II Cor., x, 13, 15, 16.
ensuite du ciel. — Sur le sens dans lequel il faut Apres avoir rappele que la circoncision et 1'incirconci-
entendre 1'impossibilite de la renovation a la suite sion ne sont rien par elles-memes et quo 1'essentiel est
de la rechute grave. Heb., vi, 6. Voir PENITENCE, d'avoir part a la regeneration en Jesus-Christ, il souhaite
col. 43. — Dans saint Matthieu, xix, 28, la regenera- paixet misericorde « a ceux qui suivront cette regie ».
tion est prise dans le sensde resurrection. — La resur- Gal., vi, 16. II dit aux Philippiens, in, 16 : « Marchons
rection corporelle est 1'image de la resurrection spiri- comme nous 1'avons deja fait jusqu'ici, » ce que la
tuelle; Jesus-Christ est venu pour rendre la vie aux Vulgate traduit : « Tenons-nous en a la meme regie. »
ames, comme il la rendra aux corps a la fin des temps. H. LESETRE.
II est ne « pour la chute et la resurrection d'un grand REGMA (hebreu : Ra'emdh; Septante : 'Psy^a;
nombre en Israel. » Luc., n, 34. Le bapteme etait con- dansEzechiel: 'Paaa),fils de Chus etpere de Saba et de
sidere comme une sorte de sepulture dont on sortait Dadan. Gen., x, 7; I Par., i, 9. C'est un nom ethnique.
par la resurrection spirituelle. « Nous avons ete ense- Ezechiel, xxvn, 22, parle de la tribu qui portait ce
velis avec lui par le bapteme en sa mort, afin que, nom comme d'une tribu qui faisait le commerce avec
comme le Christ est ressuscite des morts par la les Syriens. LesSeptanteJ en transcrivant le nom hebreu
gloire du Pere, nous aussi nous marchions dans une par 'Psy^a, semblent avoir pense que ce peuple
vie nouvelle. » Rom., vi, 4. Cf. Col., n, 12, 13. « Si habitait la ville de la rive orientale du golfe Persique
done vous ^tes ressuscites avec le Christ, recherchez appelee de ce nom. Ptolemee, vi, 7, 14. Cette identifi-
les choses d'en haul. » Col., in, 1. Dieu, « selon sa cation tres ancienne est generalement-adoptee .« Regma
grande misericorde, nous a regeneres par la resurrec- (de Ptolemee) est rapprochee avec raison du Ra'eniah
tion de Jesus-Christ d'entre les morts pour une vivan- biblique, » dit Ed. Glaser, Skizze der Geschlchte und
te esperance. » I Pet., i, 3; cf. in, 21. La mort de Jesus- Geographic Ara-biens, 1890, t. n, p. 252; cf. p. 325,
Christ est done la cause de notre reconciliation avec ou il place Regma a Ras Mesandum. Voir aussi
Dieu, et sa resurrection, celle de notre regeneration. D. H. Muller, Der Status constructus im Himjari-
C'est pourquoi 1'Apotre ecrit que Notre-Seigneur a e"te chen, dans Zeitschrift der deulschen morgenldndis-
« livre pour nos offenses, et est ressuscite pour notre schen Gesellschaft, t. xxx, 1876. p. 122. Cf. Gesenius,
justification. » Rom., iv, 25. — Saint Paul recommande Thesaurus, p. 1297.
a son disciple de ressusciter, ava^wTtupstv, de «rallu-
mer» en lui la grace de 1'ordination. II Tim.,i, 6. Voir REGOM (hebreu : Regem; Septante : Taysf/), fils
BAPTEME, 1.1, col. 1433. H. LESETRE. alne de Jahaddai', de la tribu de Juda, descendant de
1023 REGOM — R E H U M 1024
Caleb par Epha, I Par., H, 17. Voir JAHADDAJ, t. in, banlieue de"Ninive. Frd. Delitzsch, dans CahverBibel-
col. 1105. — Pour un autre personnage dont le premier lexicon, 1885, p. 748-749. Y. LE GAC.
element du nom est aussi en hebreu Regem, voir
HOGOMMELECH. 2. REHOBOTH (PUITS DE) (hebreu: Rehobot; Sep-
tante : supuxwsioc; Vulgate '.Latitude, Gen., xxvi, 22),
1, REHOBOTH- 1R (hebreu : i>y nhrn; Septante : nom donne par Isaac a un puits [creuse par ses servi-
teurs pres de la ville philzstine de Gerare. — La raison-
TowowS TtoXiv), une des villes qui constituerent, a etymologique du rnot Rehobot, « amples espaces »,
1'origine, le royaume d'Assur. La Vulgate traduit : se trouveici dans 1'histoire du creusement du puits au-
Niniven et plateas civitatis. Gen., x, 11. Les com- quel le mot fut applique. Isaac demeurant a Gerare
mentateurs de nos jours considerent generalement etait devenu tres riche. Ce fait excita la jalousie Aes-
Re^obot-Ir comme une ville distincte et proprement Philistins. Pour s'y soustraire Isaac dut quitter la ville,
dite, tout en faisant observer que son nom signifie : et vintetablir son campement dans la vallee de Ge>are-
« faubourg j> ou « banlieue », d'une facon certaine. Les serviteurs d'Isaac y creuserent deux puits qui
F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes, devinrent 1'occasion de querelles avec les bergers du*
6e edit., t. r, p. 360; J. Oppert, Expedition en Mesopo- pays. Isaac alors nomma le premier puits 'Eseq, « que-
tamie, Paris, 1863, t. i, p. 136; Calmet, Commentaire relle », voir t. m, col. 1950, et le second Sitndh, « ini-
litteral, La Genese, Paris, 1734, t. i, p. 105; Frd. De- mities ». Voir t. in, col. 877. S'etant avance plus loin,
litzsch, Wo lag das Paradiesf Leipzig, 1881, p. 260. Isaac creusa un autre puits, pour lequel il n'y cut plus
En general on la rattache a Ninive. Eb. Schrader, de querelle, et il le nomma Rehobot, « car maintenant,
Die Keilinschriften und das alte Testament, 2e edit., dit-il, Jehovah nous a mis au large, et nous prospere-
1883, p. 100. — Quant au site AQ Rehobot-Ir, il estincon- rons dans le pays. » Gen., xxvi, 12-22.
nu. On a tour a tour propose : Oroba, sur le Tigre; II y a des savants qui croient reconnaitre Rehoboth*
Bvcta oxxNltta, vers 1'embouchure du Lycus; Rahabath dans le Rubuti ou Rubute des Tablettes de Tell Amarna.
Melci = v la Rahabath du Roi » citee Gen., xxxvi, 37, Cf. Expository Times, 1900, p. 239, 377. Cette iden-
et ainsi nommeeparcequ'elle donna un roi a Fldumee; tification n'est pas improbable, quoiqu'elle ne soit pas
Rahabath, au-dessous de Circesium et de 1'embouchure unanimement admise. Ainsi Sayce, Early Israel, p. 289 ;,
du Chaboras dans 1'Euphrate. Depuis les decouverles Petrie, Syria and Egypt from the Tell el-Amarna Let-
assyriennes quelques assyriologues, en s'appuyant sur ters, p. 180, preferent identifier le Rubuti des Tablettes-
1'expression ina rebitNind, de 1'inscription du prisme avec Rabbath de Jos., xv, 60; tandis que Fr. Hommel,
d'Asarhaddon, lig. 54 (cf. 1'inscription du cylindre de Die altisraelitische Ueberlieferung, in -12, Munich,
Sargon, lig. 4-4), ont voulu placer Rehobot-'Ir au nord- 1897, p. 234, y voit indiquee Kiriatharba ou Hebron, qu'il
nord-est de Ninive, dans Tangle forme par le Choser et suppose avoir ete alors appele Roba'ot, « les quatre
le mur oriental de Ninive, en dehors de ce mur et du quartiers ». On place plus generalement. aujourd'hui 1&
cote de cette porte de 1'Est par laquelle les monarques puits de Rehoboth a huit heures au sud-ouest de Ber-
assyriens aimaient a rentrer dans leur capitale, en sabee, dans Vouadi Ruheibeh, au nord-est de Youadi es-
triomphateurs. Au dela de cette porte s'eleverent succes- Sa'di. Le nom de cet ouadi rappelle Rehoboth ; il y a la,
sivement 1'antique ville de Magganubba ainsi que la dans 1'ouadi meme, un puits de dou/e pieds de diametre,.
ville de Sargon: Dur-Sarrukin, aujourd'hui Khorsdbdd. actuellement obstrue, et sur Jes pentes laterales il y a
Herzog, Real-Encyclopadie, 2 e edit., Leipzig, 1882, t. x, d'autres puits, des citernes et des reservoirs. « Un peu
p. 584; Fr. Hommel, Gmndriss der Geographic und au dela de cet endroit, 1'oua^i s'elargit et recoit le nom
Geschichte des Allen Orients, 2e edit., Erste Ha'lfte, de Bahr bela mi, « la mer sans eau », et sur la gauche,
Munich, 1904, p. 107; Frd. Delitzsch, loc. cit. D'autres dit Palmer, debouche une petite vallee, appelee Sutnet
ont voulu retrouver Rehobol-Ir sur le terrain meme er Ruheibeh, denomination dans laquelle sont conserves
de Mossoul, A. Billerbeck et A. Jeremias, Der Vn- les deux noms de Sitnah et de Rehoboth de la Bible. »
tergang Kineveh's und die Weissagungschrift des Palmer, Desert of the Exodus, 2 in-8°, Cambridge,.
Nahum von Elkosch, dans les Beitrage zur Assyrio- 1871, t. n, p. 385; cf. p. 290, Map of the, Negeb. Avant
logie, t. in, Leipzig, 1898, p. 100; Id., Das alte Tes- Palmer, J. Rowlands, dans G. Williams, The holy city
tament im Lichte des Allen Orients, 2e edit., Leipzig, of Jerusalem, 2 in-8, Londres, 1849, t. i, p. 465, avait
1906, p. 273, ou encore dans les mines de Rahaba, deja signale le puits de Ruheibeh. « Aun quart d'heure
sur la rive droite du Tigre, a 40 milles de Ninive a peu pres au dela de Sebata, dit-il, nous arrivames
et a 20 milles de Kalah-Chergat. H. Rassam, Bibli- a des ruines qui doivent etre celles. d'une ville tres-
cal nationalities Past and Present, dans Transac- bien batie, appelee aujourd'hui Rohebeh; c'est la, je
tions of The Society of Biblical Archaeology, 1885, n'ai pas a ce sujet le moindfe doute, cette ancienne-
t. viii, p. 365. Toutes ces opinions sont conjecturales. Rohoboth ou Isaac creusa un puits. Gen., xxvi, 18, 22.
Remarquons enfin que la traduction de saint Jerome Cette ville est situee, comrne Rohoboth, dans le pays-
peut etre soutenue. En effet, 1'assyrien rebilu, de la de Gerare. Hors des murs de la ville, il y a un puits
racine 3*0, qui signifie « faubourg, banlieue », et aussi d'eau vive et bonne, appele Bir Rohebeh. C'est la tres
« grande rue, place, et marche », presents une exacte probablement le site, sinon le puits meme creuse par
parite de signification avec 1'hebreu rehob, rehobot. Les Isaac, » A.
donnees de 1'assyriologie ne prouvent pas, en effet, que
Rehobot- ir fut une ville distincte. Le m. assyrien est,
en fait, toujours suivi d'un nom propre, soit de ville, REHUM (hebreu : Rehum; Septante : 'Pso-j
soit de personne. Sans exclure les constructions qui dans le texte hebreu, de cinq personnes, dont trois sont
pouvaient s'elever dans ce genre de faubourg, on doit ainsi exactement appelees dans la Vulgate et dont les
y comprendre les terrains de culture qui, tout en etant deux autres sont nominees en latin Reum (Beelteem).
situes en dehors des murs de la ville close, dependaient I Esd., iv, 8-17, et Rheum, II Esd., xn, 3.
neanmoins du centre urbain. L'etendue meme de cette
banlieue pouvait permettre le deploiement d'une armee 1. REHUM, un « des fils de la province » qui re-
en bataille; c'est ainsi que Sargon vainquit Humbanigas, vinrent en Palestine de la captivite de Babylone avee
roi d'Elam, i-na ri-bit Dur-ilu ki. C. H. W. Johns, Zorobabel. I Esd., n, 2. Dans le passage parallele de
An Assyrian Doomsday Book, Leipzig, 1901f p. 50. II Nehemie, vn, 7, il est appele Nahum. Voir NAHUM l r
n'est done pas impossible que ReJ.wb6t-'*lr designe la t. iv, col. 1462.
1025 REHUM REINE DU CIEL 1026
2. REHUM, levite, fils de Benni, qui travailla da temps cres nous ont donne quelques details dans la suite de
-de Nehemie a la reconstruction desmurs de Jerusalem. 1'histoire des rois, Maacha, grand'mere d'Asa, III Reg.,
II Esd., in, 17. xv, 13; voir MAACHA, t. iv, col. 465, en Juda; Jezabe],
femme d'Achab, t. in, col. 1535, en Israel, et, en Juda,
3. REHUM, un des chefs du peuple qui, du temps de sa fille Athalie, t. i, col. 1207. — En dehors des reines
Nehemie, signerent 1'alliance avec Jehovah. II Esd., dont il vient d'etre parle, on ne connalt que le
.x, 25. nom de quelques autres dont les fils monterent sur le
trone de Juda et qui sont mentionnees pour cette rai-
REI (hebreu : Re'i; Septante : T^CH), un des parti- son. Voir FEMMES mentionnees dans VEcriture, t. in,
sans de Salomon avec Sadoc, Banai, Nathan et les col. 2194-2199. Le nom de deux reines perses, Vasthi
gardes de David, quand Adonias tenta de lui ravir le et Esther, nous est connu par le livre qui porte lenom
trone. Ill Reg., I, 8. Son nom ne se lit pas ailleurs. II de cette derniere. Voir ESTHER, t. n, col. 1973, et
parait suspect aux critiques. D'apres les Qusest. hebr. fig. 606, une reine perse; VASTHI. — Sur la cour des
in 111 Reg., i, 8, t. xxm, col, 1363, Rhei (pour Rei), reines Israelites, leur costume, etc., nous ne sommes
ipse est Hiram Zairites sacerdos, id est, magister Da- pas renseignes. On peut conclure seulement de Jere-
vid. Les exegetes modernes ont fait les hypotheses les mie, xm, 18, que la reine portait, comme le roi, le
plus diverses sur ce personnage, mais sans fondement, diademe. — Voir une reine assyrienne, la femme
d'Assurbanipal, t. iv, fig. 97, col. 289.
F. VJGOUROUX.
REI A (hebreu : Re'dydh; Septante : Tv^/a), fils de REINE DU CIEL, hebreu : meleket has-sdmaim;
Micha, de latribu de Ruben, pere de Baal. I Par., v,5. Septante : •?) j3a<7t'Xi<7aa -cou oupavou; dans Jer., vn, 18,
Voir RAJA, col. 937. ri (TTpa-uaTou oipavou; Vulgate : regina cseli), deesse,
d'apres 1'opinion la plus commune, adoree par les Juifs
1. REINE, nom de femme dans la Vulgate. Voir infideles. Selon divers commentateurs et selon les
REGINA, col. 1022. . Septante eux-memes, dans leur traduction de Jer.,
2. REINE (Septante : paatltcro-a; Vulgate : regina),
litre donne a la femme d'un roi et a celle qui regne sur
une nation. — I. NOM. — En hebreu, il y a plusieurs
mots pour exprimer ce titre. — 1° Malkdh se dit d'une
reine regnante, comme la reine de Saba, I (III) Reg.,
x, 1, 4, 10, 13; II Par., ix, 1, et d'une epouse royale,
Esther, i, 9, 11, 22, etc., IV Reg., x, 13, etc.; mais sans
impliquer dans ce second cas la dignite qui est atta-
chee a ce titre dans les monarchies d'Europe. C'est le
feminin de melek, «. roi ». — 2° Gebirdh est employee
dans le memesens etsignifie « puissante ».I (HI) Reg.,
xi, 19; II (IV) Reg., x, 13; Jer., xm, 18; xxix, 2. Maa-
cha, grand-mere d'Asa, est appelee gebirdh. II Par.,
xv, 16. Ce titre est donne aussi a Jezabel, femme 225. — Astarth^. Pierre precieuse antique trouvee a Damas.
d'Achab, II (IV) Reg., x, 13, qui eut-beaucoup d'ascen- D'apres Wilson, Lands of the Bible, t. n, p. 769.
dant sur son mari. — 3° Segal designe la femme du
roi dans le Psaume XLV (XLIV), 10; dans Daniel, v, 2, 3, vii, 18, ce n'est pas de la reine du ciel, mais de la mi-
23, et dans Nehemie, n, 6. — 4° Sarah, proprement lice celeste qu'il s'agit, c'est-a-dire des astres en gene-
(( princesse ». Ce mot est pris dans le sens de reine, ral, en lisant ns^ba, comme le portent quelques ma-
Is., XLIX, 23, d'une maniere generale, et I (III) Reg.,
xi, 3, il est applique, par opposition a concubines, aux nuscrits, au lieu de nabo. Le culte qu'on rendait a cet
femmes de Salomon. Cf. Lam.,i, i. — 5° Athalie, qui objet d'idolatrie consistait a lui offrir des gateaux
avait usurpe le trone de Juda, est appelee robb, appeles kavvdnim et prepares par des femmes. Les en-
molekef. II (IV) Reg., xi, 3; II Par., xxn, 12. — 6° Le fants ramassaient le combustible pour les faire cuire,
nom grec de pao-tXtacra se lit quatre foisdans le Nou- les peres allumaient le feu; c'etaient les femmes qui
veau ^Testament. Matth., XH, 42; Luc., xi, 27 (parlant petrissaient la pate. On les offrait dans les villes de
de la reine de Saba); Act.,vin, 27 (de Candace); Apoc., Juda et dans les rues de Jerusalem.avant Jeremie et
xviii, 7 (de Rome au figure). — 7° Les femmes de second du temps de ce prophete, et Ton attribuait a ces
rang du roi sont appelees pilgdsim et distinguees ex- offrandes 1'abondance des recoltes et la prosperite du
pressement des melakot. Cant., vi, 8. peuple. C'etaient surtout les femmes qui accomplis-
II. HISTOIRE. — Nous savons peu de choses de 1'his- saient ces rites, mais avec la complicite de leurs maris,
toire des reines. Sousle premier roi, Saul, elles sem- Le prophete predit a ses compatriotes les maux qui
blent avoir continue a mener la vie simple des femmes seront le chatiment de leur idolatrie. Jer., vii, 17-20;
Israelites. Nous connaissons le nom d'Achinoam, la XLIV, 15-30.
mere de Jonathas, I Reg., xiv, 50, et de la concubine de II n'est pas impossible que les femmes juives ren-
Saiil, Respha, eelebree pour son devouement maternel. dissent ua culte a toute la milice celesteT(|u'Astarthe,
II Reg., HI, 7; xxi, 8-11. —David multiplia le nombre deese lunaire (voir 1.1, col. 1185), groupait aufour d'elle
de ses femmes et le nom de plusieurs d'entre elles (fig. 225), mais on a cru beaucoup plus generalement,
nous a ete conserve. II Reg., in, 2-5; v, 13-16; xi, 3. avec saint Jerome,-qu'il s'agissait d'une deesse speciale,
Voir ABIGAIL 1, t. i, col. 47; BETHSABEE, col. 1712. — de la lune, quoique le saint docteur ne se prononce
Salomon epousa la Dlle d'un pharaon d'Egypte et aug- pas expressement. Reginae caeli, dit-il, In ls.f vn, 17,
menta successivement sans mesure le harem royal. t. xxiv, col. 732, quani lunam debemus recipere; vel
III Reg., m, 1; xi, 1-3; Cant., vi, 8. Plusieurs de ces certe militias cseli, ut omnes Stellas intelligamus. 11
mariages etaient contraires a la loi et les femmes est assexprobable que 1'objet de 1'adoration des femmes
etrangeres de Salomon le porterent a 1'idolatrie. juives etait, sinon la lune, la planete Venus, que les
Ill Reg., xi, 2-4. Ce fut le crime dont se rendirent cou- Assyriens identifiaient avec la deesse Istar (fig. 226),
pables les autres reines sur lesquelles les auteurs sa- appelee dans les documents cuneiformes bilit sam-i-i,
D1CT. DE LA BIBLE. V. - 33
1027 REINE DU CIEL — R E I N K E 1028
« la dame du ciel », comme elle estaussi appelee bilit hebraica linguas Veteris Testamenti una cu-m Lexico
matdti, & la^dame des terres ». H. Winckler, Die Thon- fiebrseo-chaldaico, in-8°, Leipzig, 1704 (cet ouvrage, qui
tafeln von Tell-el-Amarna1 lettre xx, lig. 17-19, donne la traduction et 1'analyse des mots hereux selon
Keilinschr. Bibl., t. v, 1896, p. 48. Les cultes assyro- 1'ordre de la Bible, a servi a etudier la langue sacree a
babyloniens trouvaient denombreuxadeptessur la rive une multitude de jeunes hebrai'sants et a eu huit edi-
orientale^de la Mediterranee a 1'epoque de Jeremie. Si le tions de 1704 a 1778); — Lexicon hebrseo-chaldaicum,
culte de la reine du ciel etait veritablement d'origine 1731; 1741; 1788; nouvelle edition editee par J. Fr.
babylonienne, il faut entendre par la, Istar et la pla- Rediopf, in-8°, Hanovre, 1828; — Index memorialis,
quo voces hebraicss et chaldaicse Veteris Testamenti
continentur, in-8°, Leipzig, 1725; 1730; 1735; 1755; —
Syllabus memorialis vocum grazcarum Novi Testa-
menti, in-8°, Leipzig, 1725, 1734; 1758.
2° Publication des textes bibliques. — A) Texte he-
breu. — Biblia hebraica ad optimorum codicum et
editionum fidem expressa, adjectis notis masorethicis
necnon versuum et capitum distinctionibus, in-8°,
Leipzig, 1725 (cette edition contient le texte de la Po-
lyglotte d'Anvers, avec des sommaires nouveaux en
tete des chapitres); 2e edit. in-8°, 1739 (reproduction
de la precedente); 3e edit., in-4°, aussi de 1739, ou les
livres sont imprimes a la facon des langues occiden-
tales, c'est-a-dire de gauche a droite; 4e edit., publiee
par Pohl en 1756, apres -la mort de Reineccius; 5e edit.,
notablement amelioree, publiee en 1793 par J. Chr.
Docderlein et J. H. Meisner; cf. E. Fr. K. Rosenmul-
ler, Handbuch fur die Literatur der biblischen Kri-
tik und Exegese, in-8°, Go3ttingue, 1797-1800, t. I,
p. 236-238.
B) Texte grec. — Testamentum grsscumex versione
Septuaginta interpreters, una cum libris apocryphis,
secundum exemplar Vaticamin, in-4°, Leipzig, 1730;
plusieurs editions.
C) Polyglottes. — Biblia sacra quadrilinguia Vete-
ris Testamenti hebraici cum versionibus e regions po-
sitis, utpote versione grseca Sevtuaginta interpretum
ex codice manuscripto Alexandrino, item versione
latina S&bastiani Schmidii noviter revisa, et textui
hebrseo curatius accommodata et germanica B. Lu-
226. — La deesse Istar. theri, adjectis notis masorethicis et grsecse ver-
sionis lectionibus codicis Vaticani, notisque philolo-
nete Venus, car sur les bords de 1'Euphrate, la lune gicis et exegeticis, 2 in-f°, Leipzig, 1750-1751; Biblia
etait adoree comme le dieu Sin et non comme une sacra quadrilinguia, Novi Testamenti grseci, cum
deesse, et c'est surtout en Occident que la lune etait versionibus syriaca-, grseca vulgari, latina et germa-
honoree comme reine du ciel. Siderum regina bicor- nica universa, ad optimas quasque editiones reco-
nis,audi, Luna, puellas, dit Horace, Carm. sseculare, gnita, adjectis variantibus lectionibus, in-f°, Leipzig,
35-36. Isaac d'Antioche, Opera, edit. Bickell, t. I, 1747.
p. 246, dit expressement que la reine du ciel dont D) Concordances. — Die deutsche hebrdische und
parle Jeremie est Kaukabto, c'est-a-dire la planete griechische Concordanzbibel, 2 in-8°, 1718, nouvelle
Venus. edition de la concordance de Fried. Lanckisch,
Quant a 1'abondance et aux bienfaits que lui attri- parue pour la premiere fois en 1677; Concordia ger-
buaient les femmes juives, Jer., XLIV, 27. Philastre, manico-latina, 2e edit., 1735. — Reineccius publia
H&r., 15, t. xii, col. 1126, ecrit : Alia est hseresis in aussi environ cent cinquante programmes ou disserta-
Judseis, quas Reginam quam et Fortunam Cseli nun- tions, parmi lesquels nous mentionnerons seulement :
cupant, quam et Cselestem vacant in Africa, eique De scholis Hebrseorum, in-4°, Leipzig, 1722; Carmina
sacrificio offerre non dubitabant. Philastre explique sibyllina, prout hodie exstant, conficta esse a chri-
ainsi les paroles de Jeremie, XLIV, 27. Voir les notes stiano et nociva fuisse Ecclesiae, 1740.
sur ce passage loc, cit., dans Migne. — Voir Marcus F. VIGOUROUX.
Jastrow, A Dictionary of the Targumim, the Talmud REINKE Laurent, exegete catholique d'Allemagne,
and the Midrashic Literature, 2 in-4°, Londres, 1903, ne a Langforden, dans le duche d'Oldenbourg, le 6 fe-
t. i, p. 619 a; W. H. Roscher, Ausfurhliches Lexicon vrier 1797, mort a Miinster en Westphalie, le 4 juin
der griechischen und romischen Mythologie, au mot 1879. Apres avoir fait ses etudes theologiques a la Fa-
Astarte, t. i, Leipzig, 1884-1890, col. 649; P. Scholz, culte de Munster, il passa cinq ans a 1'Universite d&
Gotzendienst bei den alien Hebrdern, in-8°, Ratis- Bonn, ou il etudia les langues orientales sous la direc-
bonne, 1877, p. 300-301. F. VIGOUROUX. tion de Freytag. II fut ordonne pretre le ler juin 1822.
En 1827, il devint repetiteur pour 1'exegese de 1'Ancien
REINECCIUS Christian, hebraisant allemand, ne Testament a 1'Academie de Munster. II fut nomme pro-
le 22 Janvier 1668 a Grossmuhlingen, en Saxe, fesseur extraordinaire, en 1831; puis professeur ordi-
mort a Weissenfels le 18 octobre 1752. Fils d'un mi- naire, en 1837, toujours pour 1'exegese de 1'Ancien
nistre protestant, il eludia a Rostock et a Leipzig. De- Testament. A cette fonction il unit, entre les annees
puis 1700jusqu'a 1721,' il enseigna a Leipzig leslangues 1831 et 1852, cellede cprofesseur auseminaire episcopal
orientales et la philosophic. II devint alors recteur du de la meme ville. — Avant 1'age de cinquante ans, il ne
gymnase de Weissenfels. Parmi ses ouvrages. on re- publia que deux dissertations, intitulees : Exegesis
marque : — 1° ses publications lexicologiques : Janua critica in Is., LII, 13-uu, 12, seu deMessia expiatore
1029 REINKE REISGHL 1030
a
passuro et monturo commentatio, in-8°, Munster, l Reins proprement dits. — Les reins des animaux
1836, et Exegesis cntica inIs.,n,2-4, sen degentium offerts comme victimes doivent etre brules sur 1'autel
conversione in Veteri Testamento prssdicta ejusque des holocaustes, avec la graisse qui les entoure, dans
effectibus, in-8°, Munster, 1838. Mais ensuite, de 1848 les sacrifices pour la consecration des pr£tres, Exod.,
a 1874, il fit paraitre presque chaque annee quelque xxix, 13, 22; Lev., vm, 16, 25, dans les sacrifices paci-
savant volume. Voici la liste de ses oRuvres principales : fiques, Lev., in, 4, 10, 15, dans les sacrifices pour le
Die Weissagung von der Jungfrau undvonlmmanuel peche. Lev., iv, 9; vn, 4. La graisse etait consideree,
(Is., vii, 14-16), in-8°, Munster, 1848; Die Weissagung dans les animaux, comme la partie la plus delicate et
Jacobs uber das zukunftige Loos des Stammes Juda la plus precieuse; a ce titre, elle etait reservee a
und dessengrossen Nachkommen Schilo (Gen., XLIX,8- Jehovah quand on offrait quelque sacrifice. Voir GRAISSE,
12), in-8«, Munster, 1849; entre les annees 1851 et 1872, t. in, col. 293. Comme les reins sont entoures d'une
la serie intitulee Beitrage zur Erkldrung des Alten graisse abondante, il etait naturel qu'on ne les en se-
Testaments, qui traite de quarante-sept sujets dis- parat pas dans les sacrifices. — Cette richesse des
tincts, 8 in-8°, dont les sept premiers ont ete publics a reins en graisse a suggere une locution poetique qui se
Munster, le huitieme a Giessen; Der Prophet Malachi, trouve dans le cantique de Moi'se, Deut., xxxn, 14;
Einleitung, Grundlext und Ubersetzung, niit einem pour rappeler que Dieu a donne a son peuple des
vollstdndigen philosophisch-kritischen und histori- champs fertiles en excellent froment, 1'auteur sacre
schen Commentar, in-8°, Giessen, 1856; Die messia- parle de « la graisse des reins du froment.» — Les reins
nischen Psalmen, 2 in-8°, Giessen, 1857-1858; Die de 1'homme sont mentionnes Ps, cxxxix (cxxxvni), 13. —
messianischen Weissagungen bei den grossen und Les Hebreux, comme d'ailleurs les anciens en generaL,
kleinen Prophelen des Alten Testaments, Einleitung, n'avaient qu'une vague idee de I'anatomie interieure da
Grundtexte, etc., 4 in-8°, Giessen, 1859-1862 ; Zur corps humain. Us ne la connaissaient approximati-
Kritik der alteren Versionen des Prophelen Nahum, vement que par comparaison avec celle des animaux
in-8°, Munster, 1867; Der Prophet Haggai, in-8°, qu'ils mettaient en pieces pour leur alimentation OH
Munster, 1868; DerProphet Zepfiania, in-8°, Munster, dans leurs sacrifices. Us ne pouvaient pas se rendre
1868; Der Prophet Habakuk, in-8°, Brixen, 1870; compte de la fonction des reins ; ils les regardaierrt
Der Prophet Micha, in-8°, Giessen, 1874. — La con- seulement comme u n organe interieur, analogue aux
naissance tres etendue que Reinke avait acquise des autres, mysterieusernent forme par Dieu, et concou-
langues de 1'Orient lui permit d'etablir avec une eru- rant d'une certaine maniere a la vie physiologique et
dition et une vigueur remarquables, le sens tradition- psychologique de 1'homme. Cf. Ill Reg., vm, 19. —
nel des livres qu'il commente. — Voir E. Rassmann, 2° Reins pris pour les hanches. — Les hanches cor-
Nachrichten von dem Leben und den Schriften respondent exterieurement aux reins, quant a leur
munsterlandischer Schriftsteller, in-8°, Munster, 1866, position. Aussi, les versions confondent-elles souvent
p. 267-271, et Neue Folge, 1881, p. 169-170; Literaris- les reins avec les hanches qui portent la ceinture.
cher Handweiser de Munster, 1879, col. 241-243; Hurter, Exod., xn, 11; XXVIH, 42; IV Reg., i, 8; II Esd., iv,
Nomenclator literarius recentioris theologies catho- 18; Job, xii, 18; Is., v, 27; xi, 5; Ezech., xxm, 15.;
lics, in-8°, Inspruck, 1895, t. in, col. 1276-1278. Dan., x, 5. Qn passe un torrent avec de 1'eau jusqu'aux
L. FlLLION. reins. Ezech., XLVII, 5. Voir HA^CHE, t. in, col. 416. —
REINS (hebreu : keldyot, tuhot; Septante : vscppot; 3° Reins siege de la pensee. — Les reins ne sont con-
Vulgate : renes), organe de secretion, compose de deux sideres a ce point de vue precis que dans les deux
glandes disposees de chaque cote de la colonne verte- passages ou on les croit designes par le mot tuhot.
brale, a la hauteur des hanches. Les reins constituent Job, xxxvm, 36; PS.LI (L), 8. — 4° Reins siege du senti-
une sorte de filtre qui laisse passer les substances a ment. — Les reins tressaillent d'allegresse.Prov., xxm,
eliminer, telles que Furee et ses composes. Us sont 16. Sous 1'empire de la crainte ou de la douleur, ils
maintenus en place par une membrane et enveloppes s'aigrissent, Ps. LXXIII (LXXII), 21, s'emeuvent, I Mach.,
d'une grande quantite de graisse. La signification radi- ii, 24, chancellent, Ezech., xxix, 7, relachent leurs
cale du mot keldyot, en assyrien kalilu, est inconnue. jointures, Dan., v, 6, se tordent. Nah., n, 10. L'epreuve
Quant au mot tuhot, Job, xxxvm, 36; Ps. LI (L), 8, il perce les reins, Job, xvi, 13, y fait p^netrer les fils du
vient du verbe tuah, « recouvrir », et a ete donne aux carquois. Lam., in, 13. Quand Jehovah chatie ses enne-
reins, par les auteurs juifs, parce que les reins sont mis, son epee est « pleine de la graisse des reins des
recouverts de graisse. Gf. Gesenius, Thesaurus, p. 547. beliers, » Is., xxxiv, 6, ce qui signifie qu'il frappe ses
Buhl, Gesenius' Handworterbuch, p. 296, conteste la adversaires dans ce qu'ils ont de plus sensible et de
legitimite de cette etymologie. Dans le passage de Job : plus cher. — 5° Reins siege de la conscience. — La
« Qui a mis la sagesse dans les reins de 1'homme? » nuit, les reins du psalmiste 1'avertissent, c'est-a-dire lui
les Septante traduisent : « Qui a donne aux femmes la rappellent les preceptes divins. Ps. xvi (xv), 7. Dieu
science des tissus ? » le verbe tudh voulant dire aussi voit les reins et les coeurs, Jer., xx, 12, il les sonde,
« fi-ler, tisser ». La Vulgate traduit : « Qui a mis la Ps. vn, 10; Sap., i, 6; Jer., xi, 20; xn, 2; xvn, 10;
sagesse dans les entrailles de 1'homme ? » Rosenmuller, Apoc., n, 23; il les passe au creuset, Ps. xxvi (xxv), 2,
lobus, Leipzig, 1806, t. n, p. 907, 908, d'apres 1'arabe : c'est-a-dire que rien ne peut lui echapper dans les pen-
Qui a donne la sagesse aux « traits vagues •» et sans loi sees, les sentiments et les volontes de 1'homme.
apparente de la foudre ou de la pluie? Pour d'autres, H. LJESETRE.
les tuhot sont les nuees qui « recouvrent » 1'atmos- REISCHL Wilhelm Karl, theologfen^^atholique
phere. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psycho- allemand, ne a Munich le 13 Janvier 1818, mort dans
logie, Leipzig, 1861, p. 269, et Das Buck lob, Leipzig, cette ville le 4 octobre 1873. Apres de fortes etudes
1876, p. 503, garde le sens de « reins », qui parait le classiques, il etu'dia la philosophie et la theologie a
plus probable. Au Psaume LI (L), 8, 1'hebreu doit se 1'Universite de sa ville natale, ou enseignaient alors
traduire : « Tu aimes que la verite soit bat-tuhot, dans plusieurs professeurs remarquables, entre autres
les reins, » c'est-a-dire au fond du cceur. Les versions Gcerres, Klee, Moehler, Windischmann, Reithmayr.
rendent ici le mot par ta aSrjXa, incerta, les choses Ordonne pretre en 1840, il ful d'abord vicaire a Haid-
obscures, x recouvertes >>. — Les reins, comme les hausen, pres de Munich, puis successivement cure a
autres organes interieurs du corps humain, cosur, en- Saint-Jean de Munich et dans la Herzogspitalkirche.
trailles, etc., se pretent a differentes acceptions chez Apres avoir conquis, en 1842, le grade de docteur ea
les ecrivains sacres. theologie,il devintPmiatdozenZ ala Faculte theologique
1031 REISGHL RELIGION 1032
dont il avait etc I'eleve. En 1845, il fut nomme profes- I. NOMS DONNES A LA RELIGION. — 1° La crainte de
seur de dogme et d'exegese biblique au lycee d'Am- Dieu. — C'est la formule la plus usitee. Le verbe ydre'
berg; il passa. eii 1851, au lycee de Ratisbonne, ou il veut dire a la fois « craindre » et « respecter ». II con-
occupa jusqu'au printemps de 1867, avec un grand venait parfaitement, surtout dans 1'Ancien Testament,
succes, la chaire d'histoire ecclesiastique et de droit pour marquer 1'attitude que 1'homme doit s'imposer
canonique. II fut alors appele a 1'Universite de Munich, vis-a-vis de Dieu le Tout-Puissant, qui se revele a lui
avec le titre de professeur ordinaire de theologie mo- par des osuvres eclatantes et parfois par des interven-
rale. II venait de refuser la chaire d'exegese de 1'Uni- tions effrayantes. Voir CRAINTE DE DIEU, t. n, col. 1099.
versite de Prague, lorsqu'il fut emporte par le cholera, — 2° La Loi, tordh, et, en chaldeen, ddf, Dan., vi, 5;
en pleine maturite. — C'est a Amberg qu'il entreprit, "VII, 25, v6[Aoc, lex. La Loi est 1'expression de la volonte
avec son collegue Valentin Loch (voir LOCH, t. iv, de Dieu, et, quand on la suppose acceptee et pratiquee
col. 321), une traduction allemande et un commen- par 1'homme, la Loi designe d'une maniere generale
taire de la Bible, surtout a 1'usage des fideles : Die hei- la religion mosai'que. Les Machabees ont le « zele de
ligen Schriften des Alien und Neuen Testamentes nach la Loi, » c'est-a-dire de la religion ancienne. I Mach.,
der Vulgata, unter steter Vergleichung des Grund- n, 27. Saint Paul oppose constamment la Loi, c'est-a-
textes ubersetzt und erklart, 4 Th., in-8°, Ratisbonne, dire la religion mosai'que a la religion de grace apporte'e
1851-1867; 4* edit., 1899; edition illustree en 5 volumes. par Jesus-Christ. Gal., v, 2, 4, etc. Voir Loi MOSA.IQUE,
1884-1885, 2<* edit., 1905. La part du D* Reischl consista t. iv, col. 341-346. — 3° La voie, derek, 686?, via. Cette
a traduire et a annoter plusieurs livres de 1'Ancien Tes- expression se trouve deja dans Amos, viu, 14, ou « la
tament, specialement celui des Psaumes (edition a voie de Rersabee » designe la religion, et, d'apres les
part, sous ce titre : Das Buck der Psalmen aus der Septante, le « dieu » de Rersabee. Mais elle est surtout
Vulgata, unter steter Vergleichung des Grundtextes frequente dans le Nouveau Testament. Des pharisiens
ubersetzt und nach Wort und Geist erklart, 2 in-8°, reconnaissent que Notre-Seigneur enseigne « la voie de
Ratisbonne, 1873), et le Nouveau Testament tout en- Dieu dans la verite, » c'est-a-dire une vraie religion.
tier. — Voir le Schematismus der Geistlichkeit des Matth., xxn, 16; Luc., xx, 21. Dans les Actes, « la voie »
Erzbisthums Munchen und Freising fur das Jahr designe couramment la religion nouvelle. Act., ix, 2;
1874, Munich, 1874, p. 293-296: F. Kaulen, dans xvm, 25, 26; xix, 9, 23; xxn, i; xxiv, 22. Cf. II Pet.,
Wetzeret Welle, Kirchenlexikon, 2 e edit., t. x, col. 991- II, 2, 15, 21. — 4° L'Evangile, eijaYysltov, mot qui de-
992; Hiilskamp, dans le Literatischer Handweiser, signe souvent la religion nouvelle, comme tdrdh de-
Munster-en-Wesphalie, 1873, col. 494; P. Hurter, No- signe la religion ancienne. Matth., iv, 23; Marc., i, 14,
menclator literarius recentioris theologize catholicae, 15; Rom., i,16;x, 16; I Cor., ix, 23; II Tim., i, 8; etc.
2e edit., t. in, Inspruck, 1895, col. 1293-1294. — 5° Le culte, 8p-/)cry.s('a, religio, 1'adoration et 1'ensem-
L. PILLION. ble des devoirs rendus a Dieu. Saint Paul appelle de ce
REITHMAYR Frangois-Xavier, exegete catholique nom la religion juive. Act., xxvi, 5. Saint Jacques, i,
allemand, ne le 16 mars 1809, dans le village d'Hlkofen, 26, 27, indique des conditions essentielles au vrai culte
pres de Ratisbonne, mort a Munich, le 26 fevrier 1872. — de Dieu. — 6° La Vulgate emploie encore le mot de
I] etudia la philosophie et la theologie au lycee de Ra- « religion », dans un sens plus restreint, pour designer
tisbonne, 1826-1830; puis encore la theologie a 1'Uni- le rite de la Paque, 'aboddli, Xarpeca, Exod., xn, 26, 43;
versite de Munich, en 1831 et les annees suivantes, certaines lois particulieres, huqqah, vdpioc, Exod.,xxix,
pour se preparer directement au professorat, dont il 9; Lev., VH, 36; xvi, 31; Num., xix, 2; le respect du
voulait faire sa carriere. II-doit a 1'un de ses profes- sabbat, II Mach., vi, 11; le culte des anges,. 6py)<7X£!'a.
seurs, le celebre Mohler, son attrait special pour Col., n, 18. Par contre, les Juifs appellent la religion
1'etude des saints Peres, desquels il a tire un excellent de Jesus-Christ atpso-t;, secta, « une secte ». Act., xxvm,
parti dans ses compositions exegetiques, sans parler 99
A£i.
des ouvrages speciaux qu'il leur a consacres. II fut II. PHASES DIVERSES DE LA RELIGION. — La religion
ordonne pretre a Ratisbonne, le 20 aout 1832, et con- parfaite et definitive n'a pas ete donnee a 1'homme des
quit le grade de docteur en theologie en 1836. II devint le principe. Aussi peut-on distinguer plusieurs phases
professeur extraordinaire de theologie a la Faculte de dans le progres de la religion. — 1° Religion natu-
Munich en 1837, et professeur ordinaire d'exegese du relle. — C'est celle qui est inscrite par Dieu au coeur
Nouveau Testament en 1839; il conserva cette derniere de 1'homme, independamment de toute revelation exte-
situation jusqu'a sa mort. — Ses publications seriptu- rieure. Cette religion comporte la connaissance de
raires sont les suivantes : Commentar turn Briefe an Fexistence de Dieu, la notion de ses perfections et
die Romer, in-8°, Ratisbonne, 1845; Editio grseco- 1'idee de devoirs a lui rendre. Rom., i, 20, 21. En medi-
latinaNoviTestamenti, edition classique destinee aux tant sur ces donnees fondamentales, 1'homme pent, par
•etudiants, Munich, 1847; Einleitung in die canonischen les seules forces de sa raison, les developper et lesap-
Bucher des Neuen Bundes, in-8°, Ratisbonne, 1852; profondir. C'est ce qui a ete fait, et les philosophes
Commentar zum Brief e an die Galater, in-8°, Munich, grecs, en particulier, ont pousse assez loin leurs cen-
1865; Lehrbuch der biblischen tiermeneutik, in-8°, naissances sur Dieu et sur les rapports que 1'homme
Kempten, 1874, oeuvre posthume publiee par Thalhofer. doit entretenir avec lui. Les notions qui composent la
Des 1'annee 1842, Reithmayr refutait solidement les religion naturelle demeurent toujours vraies; elles
sophismes de Strauss, dans la savante revue de Munich constituent meme le fonds sur lequel s'appuie toute
Historisch-politische Blatter. Tous ses ouvrages sont religion reve'lee. Ce fonds se retrouve constamment
composes dans un esprit a la fois scientifique et tradi- dans la Sainte Ecriture. Un tres grand nombre des pre-
tionnel. — Voir 1'esquisse que le D r Thalhofer donne ceptes qui y sont rappeles appartiennent a la religion,
de sa vie dans le Lehrbuch der bibl. Hermeneutik, naturelle, a cette loi que les gentils « accompHsseat
p. vn-xv; le Literarischer Handweiser de Miinster, naturellement », montrant par la "qu6 ce que.la;loi
1871, col. 53; Hurter, Nomendator literarius recen- mosaique ordonne de plus important « est ecrit dans
tioris theologies catholics, in-8°, Inspruct, 1895, t. in, leurs coaurs, leur conscience rendant en mdme temps
col. 1289-1290; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, temoignage par des pensees qui les accusent ou les
2« edit., t. x, col. 1001-1002. L. FILLION. defendent. » Rom., n, 14-15.. Le decalogue lui-meme,
a part la fixation du jour de repos, appartient tout en-
RELIGION, ensemble de croyances et de devoirs qui tier a la loi naturelle.
reglent les rapports de 1'homme avec Dieu. 2° Religion primitive. — En fait, la religion natu-
1033 R E L I G I O N — REMI 1034
relle fut completes des 1'origine par une revelation di- en vigueur chez les pen pies qui n'admettent pas le
recte de Dieu. Apres avoir cree 1'homrhe, Dieu lui parla monotheisme. Cf. A. Bros, La religion des peuples
pour lui imposer un precepte tout positif, celui de ne non civilises, Paris, 1907, p. 103-113. En dehors des
pas toucher au fruit d'un arbre. Gen., n, 17. A la suite Israelites, les anciens peuples ont tous verse dans le
de la chute, il parla encore a Adam. Gen., HI, 14-19. polytheisme et 1'idolatrie. Cf. P. de Broglie, Problemes
Plus tard, il parla a Noe, pere de la race nouvelle. et conclusions de I'kistoire des religions, Paris, 1885,
Gen., ix, 2-17. Les elements ainsi ajoutes a la religion p. 89-122; Id., Monotheisme, henotheisme, polytheisme,
naturelle ont ete dogmatiques et moraux. Dieu etait Paris, 1905; Dollinger, Paganisms et judaisme,r trad.
connu desormais non plus seulement par le temoignage J. de P., Bruxelles, t. I-IH, p. 109; Lagrange, Etudes
des creatures materielles, mais encore par celui des sur les religions semitiques, Paris, 1905, p. 70-466;
hommes qui avaient ete en rapport direct avec lui. La religion des Parses, Paris, 1904; H. Vincent, Ca-
L'etat premier de 1'homme avait comporte une dignite naan, Paris, 1907," p. 90-204. — Les ecrivains sacres
qui s'etait perdue au moment de la desobeissance signalent et reprouvent 1'affreuse corruption morale
d'Adam. Mais apres cette chute, une redemption etait qui fut la consequence du polytheisme. Sap., xiv, 22-
promise et devait venir de la race de la femme. En 31; Rom., i, 24-32. Les prophetes reviennent constam-
me"me temps, 1'homme apprenait 1'existence de purs ment, pour la combattre, sur 1'immoralite qu'entraine
esprits, les uns mauvais, les autres bons. Gen., HI, 1- la pratique de 1'idolatrie. — G'est un grave probleme
5, 24. Des preceptes particuliers etaient ajoutes a ceux que celui du triomphe de 1'idolatrie dans le monde
de la loi naturelle, celui du sacrifice, Gen., iv, 3, 4; vin, parmi tant de peuples et durant tant de siecles. A Lys-
20; celui de la sanctification du septieme jour, Exod., tres, saint Paul disait a ce sujet: « Dieu, dans les
xvi, 23; xx, 8; celui de la distinction des animaux purs siecles passes, a laisse toutes les nations suivre leurs
et impurs et la defense de manger du sang. Gen., vm, voies, sans que toutefois il ait cesse de se rendre temoi-
20; ix, 4. Pour conserver ces traditions et ces preceptes, gnage a lui-meme, faisant du bien, dispensant du ciel
aucun sacerdoce special ne Fut institue; les chefs de les pluies et les saisons favorables, nous donnant la
famille presiderent naturellement a 1'exercice du culte nourriture avec abondance et remplissant nos cceurs de
de Dieu et a 1'observation de ses lois. Pour pratiquer joie. » Act., xiv, 15,16. A Athenes, il declare que « Dieu
la religion naturelle, 1'homme etait assure de 1'assis- ne tenant pas compte de ces temps d'ignorance, annonce
tance providentielle que Dieu accorde a toutes ses crea- maintenant aux hommes qu'ils aient tous, en tous
tures, suivant les besoins de leur nature. Mais Dieu, lieux, a se repentir. » Act., xvn, 30. Mais aux Juifs, il
en elevant Adam a un 6tat superieur a sa nature, mil montre que si les gentils ont peche sans la Loi, eux-
a sa disposition un secours proportionne a sa dignite memes ont tout autant peche avec la Loi, et que tous
surnaturelle, la grace. Cette grace ne fut pas totalement par consequent, Juifs et Grecs, sont sous le peche et
supprimee par la chute; elle fut continuee a 1'homme, doivent au meme titre attendre de Dieu la justification.
en consideration du futur sacrifice redempteur. Adam Rom., ii,ll-iii, 20.
en profita le premier, puisque la Sagesse, par conse- 4° Religion mosaique. — C'est la religion que Dieu
quent 1'assistance venue du ciel pour diriger 1'esprit a imposee au peuple Israelite par 1'entremise de Moiise.
et le cceur de 1'homme, « le tira de son peche. » Sap., Cette religion n'ajoutait presque rien aux dogmes de la
x, 2. religion primitive; mais elle developpait beaucoup la
3° Polytheisms. — En s'eloignant du berceau de morale positive, en imposant aux Israelites une multi-
1'humanite primitive, les hommes ne surent pas con- tude d'observances. Voir Loi MOSAJ'QUE, t. iv, col. 329.
server intactes les donnees de la premiere revelation, La religion mosaique n'etait destinee qu'aux Israelites.
ni meme toutes celles de la religion naturelle. Les re- Les etrangers pouvaient pourtant 1'embrasser moyen-
cits de la Genese ont pour but d'enseigner que les nant certaines conditions. Voir PROSELYTE, col. 758.
aberrations religieuses de 1'homme sont, par rapport Dans ce qu'elle avait de particulier a Israel, elle ne de-
a 1'etat initial de 1'humanite, une decheance et une vait durer que jusqu'a son remplacementpar la religion
perversion, et nullement une progression du plus gros- du Messie.
sier au plus parfait. L'auteur de la Sagesse decrit trois 5° Religion chretienne. — Elle a ete institute par
phases successives de 1'erreurpolytheiste. Tout d'abord, Jesus-Christ pour completer et remplacer les prece-
les hommes commencent par diviniser les forces de la denles, s'etendre a tous les peuples sans exception et
nature : le feu, le vent, Fair, 1'eau, les astres devien- se perpetuer jusqu'a la fin des temps. Voir JESUS-
nent pour eux « comme des dieux gouvernaht 1'univers. » CHRIST, t. in, col. 1480-1487; Loi NOUVELLE, t. iv,
Ce polytheisme est inexcusable, parce que 1'admiration col. 347; MORALE, t. iv, col. 1260. Par son dogme,. sa
des creatures devrait conduire 1'homme a « connaitre morale, ses sacrements et son culte, elle realise cet
par analogie Celui qui en est le Createur. » Toutefois, ideal de religion que Notre-Seigneur a lui-meme trace
cette forme de 1'erreur merite moiiis de reproches que quand il a dit : « Les vrais adorateurs adoreront le
d'autres, car enfin, ce sont de veritables creatures de Pere en esprit et en verite; ce sont de tels adorateurs
Dieu que les homines honorent ainsi « en cherchant que le Pere demande. 'Dieu est esprit, et ceux qui
Dieu et en voulant le trouver. » Sap., XHI, 1-9. Plus 1'adorent doivent 1'adorer en esprit et en verite. )) Joa.,
grossiers et plus coupables sont ceux qui rendentleur iv, 23, 24. — Sur 1'absence de religion, voir IMPIE,
culte aux idoles. Celles-ci n'ont pas toujours existe; t. HI, col. 845. II. LESETRE.
c'est la folie des hommes qui les a introduites dans le
monde. L'idole, oeuvre de la main des hommes, est R£MEIA (hebreu : Ramydh, « Jehovah esf^eve » ;
maudite ainsi que son auteur, parce qu'etant une chose Septante : 'Pafiia), un des fils de Pharos qui avait
perissable et meme sans vie, elle porte le nom de Dieu. epouse une femme. etrangere et qui fut oblige de la
Sap., xui, 10-xiv, 14. Voir IDOLATRIE, t. HI, col. 809. repudier du temps d'Esdras. I Esd., x, 25.
Une troisieme forme de polytheisme est le culte des
ancetres. On vit represented par de belles statues ceux REMI, moine benedictin a Saint-Germain d'Auxerre,
qu'on avait aimes et admires de leur vivant, et on « re- naquit en Bourgogne, vers 851. On perd sa trace en
garda comme un dieu celui qui naguere etait honore 908 et Ton sait seulement par un ancien necrologe de
comme un homme. » Sap., xiv, 15-21. Ces trois formes la cathedrale d'Auxerre que le jour de sa mort fut le
du polytheisme, animisme ou culte des choses de la 2 mai, sans indication d'annee. Disciple d'Heiric, qui
nature, fetichisme ou culte des idoles fabriquees, et lui-meme fut eleve du celebre Haimon, eveque d'Hal-
evhemerisme ou culte des grands hommes, sont encore berstadt, il lui succeda dans sa chaire au monastere
1035 REMI REMMON 1036
de Saint-Germain. Plus tard, vers 893, il fut, avec de Baana et de Rechab, les meurtriers d'Isboseth, tils
Hucbald, moine de Saint-Amand, appele par Foulques, de Saul. II Reg., iv, 2, 5, 9.
araheveque de Reims, a enseigner dans les ecoles
de cette ville. Remi y demeura jusqu'a la mort de 2. REMMON (hebreu : Rimmon; Septante :
Foulques, en 900. II passa de la a Paris, ou il ouvrit divinite paienne, d'origine chananeenne ou arameenne
la premiere ecole publique que 1'on sait avoir ete eta- selon les uns, babylonienne ou assyrienne selon les
blie dans cette ville. Remi a laisse plusieurs ecrits, autres, qui, d'apres IV Reg., v, 18, le seul passage de
qui relevent surtout de 1'exegese. Bien qu'on ait la Bible ou elle est mentionnee directement, avait
attribue quelques-unes de ses oeuvres a Haimon un temple a Damas du vivant d'Elisde. Naaman, chef
d'Halberstadt, la critique moderne est parvenue a lui de 1'armee de Benadad II, roi de Syrie, demanda au
restituer 1'ensemble des productions sorties de sa prophete, apres avoir ete miraculeusement gueri de la
plume. Ce sont, au point de vue biblique :.— 1° Com- lepre par son intermediate, s'il lui etait permis de se
mentarius in Genesim, P. L., t. cxxxi, col. 51-134. prosterner dans le temple de Remmon, lorsqu'il y
L'auteur s'attache surtout au sensallegorique du texte, accompagnait son maitre, qui s'appuyait sur son bras.
comme plus propre, dit-il, a nourrir 1'ame. Le fond du Elisee repondit simplement : « Va en paix ! » II est
commentaire est emprunte aux Peres, il cite pourtant tres probable, d'apres ce texte, que Remmon etait le
aussi en quelques endroits les traditions juives. — dieu principal et special de Damas. Cf. aussi IIIReg.,xv,
2° Enarrationum in Psalmos liber unus, t. cxxxi, 18, ou nous apprenons qu'un habitant notable de cette
col. 134^844. C'est 1'ceuvre la plus considerable de Remi ville portait le nom de Tal-Rimmon (Vulgate, Tabre-
et celle qui fonda surtout sa reputation d'exegete. Le mon), c'est-a-dire, « Rimmon est bon ». Voir TABREMON.
Maitre des Sentences en faisait tant de cas qu'avec le On ne doute pas non plus, actuellement, que le nom
commentaire de saint Jerome, de saint Augustin et d'au- du dieu Remmon n'entre dans le mot compose
tres Peres, il reprit les Enarrationes de Remi pour en Hadadrimtnon, Zach., XH, 11. Voir ADADREMMON, t. i,
composer une chame sur les Psaumes. — 3° Commen- col. 167-170. Peut-etre en est-il de rneme pour les
tarius in Cantica canticorum, t. cxvir, col. 295-358, localites palestiniennes nominees Remmon.
Ce traite fut longtemps attribue a Haimon d'Halber- Avant les decouvertes faites recemment en Babylonie
stadt, mais il est certainement de Remi. — 4° Commen- et en Assyrie, on rattachait volontiers le nom du dieu
tarius in XII prophetas minores, t. cxvn, col. 9-294, Remmon au substantif hebreu rimnwn, « grenade »,
qui dans les quatre editions de 1519, 1529, 1533 et et on regardait cette divinite comme 1'embleme du
1-573, porte le nom d'Haimon. Ce fut Jean Henten de principe fecondant de la nature. Cf. C. Movers, Die
Malines qui restitua le traite a Remi d'Auxerre, son Plwnizier, 4 in-8», Bonn, 1841-1856, t. i, p. 196-198;
veritable auteur. L'ouvrage sur les petites propheties Bsehr, Symbolik des mosaischen Cultes, 2 vol. in-8°,
est particulierement estime; bien qu'il s'attache avant Heidelberg, 1837-1839, t. ir, p. 122; Fr. Lenormant,
tout au sens spirituel, il ne neglige toutefois pas la Lettres assyriologiques, in-4°, Paris, 1874, t. u, p. 215.
signification litterale. — 5° Explanationes Epistolarum Mais on est d'accord aujourd'hui pour reconnaitre que
B. Pauli apostoli, t. cxvn, col. 361-938. Encore une cette etymologie est fausse; que la vocalisation riwi-
fois, apres de longues controverses sur la paternite de nwn provient des Hebreux, qui avaient modifie lege-
ee commentaire, on finit par 1'imprimer en 1618, dans rement le nom pour 1'adapter a leur langue; enfm, que
la BibliothecaPatrum sous le nom du veritable auteur. la vraie prononciation etait Rammdn, comme on le voit
— 6° Commentarius in Apocalypsln, t. cxvn, par les monuments babyloniens et assyriens. Les Sep-
eoL 937-1220. Cette explication de 1'Apocalypse, divisee tante ont done assez exactement indique le nom du
en sept livres, est toute allegorique et morale. L'objet dieu. Ce nom etahl tres vraisemblablement d'origine
principal de 1'auteur est de rapporter toutes ses inter- babylonienne, on a eu tort aussi de le faire deriver de
pretations aux deux cites spirituelles, celle des elus et 1'hebreu rum ou rdmam, « etre eleve », de sorte qu'il
eelle des reprouves. Divers auteurs citent encore aurait signifie : haut, majestueux. Cf. Selden, De Dts
d'autres traites d'exegese de Remi d'Auxerre, restes en Syris, t. u, p. 10; W. Baudissin, Studien zur semit.
manuscrit, ce sont des commentaires sur les quatre Religionsgeschichte, 1. 1, p. 307; Gesenius, Thesaurus,
Evangelistes et une glose sur les livres de 1'Ancien p. 1292. Telle etait deja 1'interpretation d'Hesychius,
Testament. II demeure douteux que les douze Home- Lexicon, edit. M. Schmidt, t. in, 1861. p. 421 : Ta^ac,
lies publiees sous le nom de Remi, t. cxxxr, col. 865- 6 y'^tTTo? Qsoc. La veritable racine est le mot assyrien
932, soient reellement de lui. En tout cas, ces homelies ramdmu qui designe un bruit violent, en particulier
relevent plus de 1'hernieneutique que de la parene- celui du tonnerre. Cf. Frd. Delitzsch, Assyrisches
tique. Remi est encore 1'auteur de plusieurs ouvrages Handworterbuch, p. 624; W. Jastrow, Die Religion
sur la liturgie, la musique, la grammaire et la littera- Babyloniens und Assyriens, p. 156-164. A Babylone
ture profane, dont on n'a point a s'occuper ici. Voir et en Assyrie Ramman etait, en effet, le dieu de 1'air,
Hisioire litteraire de la France, t. iv, p. 99-122; Fa- des nuages, du vent, dela pluie, desorages,des eclairs
bricius-Mansi, Bibliotheca latino,,1859, p. 367;Duru, et du tonnerre, en un mot, le dieu de Fatmosphere et
Bibliotheque historique de I'Yonne, t. vi; Ebert, de ses phenomenes multiples, bienfaisants ou malfai-
Allgemeine Geschichte der Litteratur des Mittelalters, sants. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das
Leipzig, 1887, t, HI, p. 234, U. Chevalier, Repertoire des Alte Test.,Be edit., p. 447. Les inscriptions cuneiformes
sources hist. Bio-bibliogr.,%1 edit., t. n, 1907, col. 3926;
Kaulen, Kirchenlexikon, t. x, 1897, col. 1044-1045. le designent par l'ideogramme xji^tl""* c'est-a-dire,
J. VAN DEN GHEYN. « dieu des regions celestes ». 'Elles le louent^comme un
REMMON (hebreu : Rimmon), nom d'un Israelite, bienfaiteur deshommes, lorsqu'il envoie la pluie \ elles
d'un dieu syrien, et de trois villes ou localites d'Israel, regardent au contraire comme un malheur que Ram-
remarquables sans doute' par leufs nljantations de man ait empeche les eaux du ciel de tomber. Cf. Schra-
grenadiers, car rimnwn designe cet arbre etson fruit. der, ibid. Voir dans J. Menant, Collection de Clercq,
Remmon entre en outre dans la composition de plu- t. i, Cylindres orientaux, in-f°, Paris, 1888, Planches,
sieurs noms de localites comme Remmonphares, Ada- les no* 124, 153, 169,' 188, 204, 207, 211, 217, 233, 249.
. dremmon, Gethremmon, etc. Sur les bas-reliefs, les cylindres (fig. 227), etc., on le
represente arme d'un faisceau d'eclairs et d une hache.
1. REMMON (Septante : 'Pejipitov), Benjamite, ori- Les orages, avec les eclairs, la foudre et les deluges
ginaire de Beroth (voir BEROTH 2, t. i, col. 1621), pere d'eau qui emportent tout sur leur passage, caracte-
1037 RE'MMON 1038
risent sa terrible puissance. Les rois assyriens, dans 3. REMMON (Septante, Vaticanus, Jos., xv, 32 :
leurs annales, lorsqu'ils racontent leurs conquetes 'Epw[Aw6; xix, 7 : 'EpsfAjxwv; I Par., iv, 32 : 'Pejxvtov ;
rapides, aiment a les comparer aux manifestations Zach., xiv, 10 : 'PejAjxtov; Alexandrinus : 'Psjxfxwv par-
redoutables de Ramman. Voir Frd. Delitzsch, Assy- tout, excepte Jos., xix, 7, ou on lit 'Psjj.fj.co6; Vulgate :
risches Handivorterbuch, aux mots sagamu et rahamu, Remmon, excepte Jos., xv, 32, ou ellea Remon), ville
p. 640, 617-618. II joue un role important dans 1'histoire de la tribu de Simeon. — Les transcriptions 'EpsfxioO et
du deluge babylonien. La phrase « Puisse Ramman 'Epsjj.jj.c6v sont evidemment pour 'Ev-'Ps^tSv.Les Sep-
faire briller ses mauvais eclairs sur le pays de tel ou tante, dans ces deux passages de Josue, tiennent ainsi
tel » etait employee comme une formule de maledic- pour une seule localite 'Atv et T^sj-ttiv distinguees dans
tion. Le taureau lui etait consacre; c'est pourquoi on le texte hebreu, excepte II Esd., xi, 29, ou 1'on trouve 'Sn-
trouve parfois des comes de bceuf sur ses images. II Rimmon. La Vulgate les distingue toujours, ainsi que
etait aussi honore comme le dieu des oracles, belbiri. les Septante, si ce n'est en ces deux endroits. La dis-
Dans la seconde triade divine, qui se composait tinction semble indubitablement etablie par le fait que
habituellement des dieux Sin, Samas etlstar, il appa- Ain etait une ville levitique, tandis que Remmon etait
rait souvent a la place d'Istar. On le regardait comme habitee par la famille de Semei, dela tribu de Simeon.
le fils d'Anu et d'Anatu, et on lui consacrait le mois de Cf. Jos., xxi, 16; I Par., iv, 32; A)N, t. i, col, 315. —
sebat, qui etait le onzieme de 1'annee babylonienne Le prophete Zacharie fait allusion, xiv, 10, a cette
(janvier-fevrier), et le mois des pluies. Son nom entre «Remmon aumidi de Jerusalem » qu'il distingue ainsi
dans la composition de divers noms propres assyriens, de Remmon de Benjamin. — Eusebe mentionne
« 'Ep£{j.gwv, tres grande ville de Juifs, auXVI 6 mille-
d'Eleutheropolis. » Saint Jerome ajoute qu'Eremmon
est « au midi, dans la Daroma. » Onomasticon, edit.
Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 190 et 191. Au
mot Remma, les deux Peres, parlant de la me"me loca-
lite, disent que Te^ou?, Remmus (d'apres le codex
de Leyde TefjLjjidv, Remmon), est un « village de la
Daroma. » Ibid., p.312et 313. — Les modernes croient
reconnaitre le nom de Remmon dans celui de la ruine
appelee Umm er-Remdmin. Cette ruine est en realitea
27 kilometres et derni (= 19 milles remains) au sud de
Beit-D/ebrin, Fancienne Eleutheropolis des Grecs et
des Romains. Les chiffres de YOnomasticon^ souvent
approximatifs, n'infirment pas cette identification,
confirmee d'ailleurs par 1'etat des ruines. EHes occu-
pent toute la surface d'une large colline dont 1'altitude
est, d'apres les travaux de la Societe anglaise d'explo-
ration de la Palestine, de 482 metres au-dessus du ni-
veau de la Mediterranee. On y rencontre d'innombra-
227. — Cylindre babylonien. Sceau de Ramman-Taiar, fils de bles citernes, silos et chambres souterraines creusees
Taribum. D'apres Riehm, Handworterbuch des biblischen dans le roc. Les pierres des habitations, eparses sur
Altertums, 1884, t. n, col. 1294. le sol. depassent souvent les dimensions de 1'appareil
moyen et sont tres regulierement equarries. Au som-
tels que Rammanidri, Rammanlidari, Rammannirari, met, on remarque les restes d'une grande construction,
Rammanbelliduri, etc. Voir Tiele, Babyl.-assyrische divisee en nombreux appartements, dont plusieurs
Geschichte, p. 640; Winckler, Altoriental. Forschungen, assises sont en place. — Remmon avait fait partie du
t. i, p. 564. Les etudes assyriologiques ont aussi etabli lot primitif de Juda. Jos., xv, 32. Au retour de la
que Ramman est identique a Adad ou Hadad de Syrie. captivite de Babylone, elle fut occupee de nouveau par
Cf. HADAD, t. in, col. 392; Schrader, Die Keilinschriften les Juifs. II Esd., xi, 25, 29. — Cf. E. Robinson, Bi-
und das A. Test., 3e edit., p. 343-344. II est dit dans les blical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. in,
annales de Salmanasar II que ce prince, pendant p. 193; Ad. Neubauer, Geographie du Talmud, Paris,
une de ses campagnes, offrit des sacrifices au dieu 1868, p, 118; V. Guerin, Judee, t. n, p. 352-354; The
Ramman a Alep. Cf. Winckler, loc. cit., p. 84, — Sur Survey of Western Palestine,Memoirs,I.in, p. 32.
ces divers points, voir aussi W. Baudissin, Studien L. HEIDET.
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8°, Leipzig, 4. REMMON (Septante, Vaticanus : c P£jj.[j.wvaa;
1876-1878, t. i, p. 294-308; E. Schrader, Keilinschriften Alexandrinus : 'PsjAfxwvay.), ville de la tribu de Zabu-
und Gesc/dchtsforschung, in-8°, Giessen, 1878, p. 538- lon. Jos., xix, 13. — Dans leur transcription, les Sep-
539; Die Keilinschriften und das Alte Testament, tante unissent au nom les premieres syllabes du mot
3e edit., publiee par H. Zimmern et H. Winckler, in-8°, ham-Meto'dr qui suit, dans le texte hebreu. Voir
Berlin, 1903, p. 442-451; Sayce, The God Ramman, AMTHAR, t. i, col. 527; NOA 2, t. iv, col. 1635. Rem-
dans Zeitschrift fur Assyriologie und verwandte Ge- mono, I Par., vi, 77, transcrit par les Septante rj
l
biete, t. n, 1887, p. 331-332; F. Baethgen, Beitrage Ps[jL[ji(iv, nom d'une ville de Zabulon assignee aux levites
zur semitischen Religionsgeschichte, in-8°, Berlin, de la famille de Merari, n'est sans doote qu'une
1888, p. 75; Hugo Winckler, Geschichte Babyloniens variante de Remmon. II en est probablement de
und Assyriens, in-8°, Leipzig, 1892, p. 164, 166; du meme de Damna-, Jos., xxi, 35, transcrit Remin par
meme, Alttestamentliche Forschungen, in-8°, t. I, la version syriaque. Cf. DAMNA, t. n, col. 128 REM-
Leipzig, 1893, p. 84-85; H. V. Hilprecht, Assyriaca, eine MONO, col. 1039. « On appelle Remmon de Zabulon
Nachlese auf deni Gebiete der Assyriologie, in-8°, Rummdneh, » nous assure le rabbin Estori ha-Parchi,
Berlin, 1894, p. 76-78; C. P. Tiele, Babylonische-assy- au xme siecle. Caftor va-Pherach, edit. Luncz, Jerusa-
rische Geschichte, 2 in-8°, Gotha, 1886-1888, t. n, p. 325- lem, 1897-1899, p. 293. J. Schwarz designe pour Rem-
526; A. Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des mon la meme localite, qu'il indique a trois quarts de
alien Orient, in-8°, Leipzig, 1904, p. 39-40, 320-321; lieue au nord-est de Sephoris, mais dont il altere le
W.Jastrow, Die Religion Babyloniens und Assyriens, nom en 1'appelant Reimitn et Rumein. Tebuoth ha-
in-8°, Giessen, 1905, p. 156-161. L. FILLION. Arez, edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 208, 242. Cette
1039 REMMON REMORDS 1040>
identification a ete communement acceptee. — Ruvn- bulon. C'est sans doute une variante pour Remmon.
mdneh est un tout petit village de moins de 70 habi- Au passage parallele de Jos., xxi, 35, parmi les villes
tants, tous musulmans,a 4 kilometres et demiau nord- attributes a la famille levitique de Merari, on trouve
nord-est de Safurieh (Sephoris). II s'eleve sur les der- dans la Peschito Damna remplacee par Remin. Laplu-
nieres pentes, a 1'occident, du Djebel-Turdn, sur la part des interpretes tiennent Damna pour une altera-
limite meridionale de la plaine de Battauf, en face de tion de Remmon ou Remmono. Voir REMMON 2 et
Qdnah, au milieu d'assez belles plantations d'oliviers. DAMNA, t. n, col. 1231. Cf. A. Reland, Palsestina^.
De nombreuses citernes antiques perforent la colline. Utrecht, 1714, p. 735 et 974; I. Schwarz, Tebuoth ha~
On remarque aussi aux alentours quelques anciennes Arez, edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 208, 280; Arm-
grottes sepulcrates. Cf. E. Robinson, Biblical Resear- strong, Wilson et Conder, Names and Places in the
ches in Palestine, Boston, 1841, t. n, p. 141-143; The Old Testament, Londres, 1887, p. 49, 148; Geseniusr
Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, Thesaurus, p. 1292.
t, i, p. 363. . L. HEIDET.
REMMONPHARES (hebreu : Rimmon-Peres,
5. REMMON (ROCHER DE) (hebreu : Seltf hd-Rim- a la pause Pares, « grenade brisee »; Septante : Ptfx^wv
mon, Jos., xx, 45, 47, Sela' Rinimon, sans 1'article, $apli;), la quatrieme station des Israelites dans le de-
Jos., xxi, 13; Septante : rj ulxpa TOU TepL^wv et -r\ sert, apres le depart du Sinai'. Num., XXXHI, 19-20.
TCihpa Tep.fj.wv; Vulgate, Jos., xx, 45; petra cujus vo- Elle est entre la station de Rethma et celle de Lebna.
cabulum est Remmon, 47 et xxi, 7 : petra Remmon), Le site n'en a pas ete retrouve jusqu'ici par les explo-
montagne rocheuse de Benjamin ou s'enfuirent et res- rateurs. On peut cependant, semble-il, determiner-
terent quatre mois les six cents Benjamites qui echap- d'une maniere generale la region ou elle peut etre
perent a 1'extermination de leurs freres, a la bataille cherchee. Elle doit se trouver, croyons-nous, au sud-
de Gabaa. Le meme nom, sous la forme Rammun, lui est du Djebel et-famad, a peu pres a la latitude de
est demeure jusqu'aujourd'hui. — « Remmon, dit 1'extremite septentrionale du golfe de 'Aqdba, a 30 ou
Eusebe, est maintenant un village pres d'^Elia (Jeru- 35 kilometres plus a 1'ouest et un peu au sud de la.
salem), au XVe milliaire (22 kil. 496 m.), au nord.» route du hadjj egyptien de la Mecque. De 'A'in Hu~
Onomasticon, edit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, deirah, assez surernent identifiee avec Haseroth la se-
p. 315 et 316. Sur la carte mosaique de Madaba, voir conde station, jusqu'a cette region il y a environ
fig. 180, vis-a-vis col. 695, Remmon est designee par une 70 kilometres. A mi-distance doit se rencontrer Rethma'
petite forteresse placeeau nord-est de Jerusalem et au sud la troisieme station. A 35 kilometres au nord du point
d' « Ephron 6u Ephraim ou vint le Christ. » La loca- indique, sur le bord de Youddi-Djerdfeh, M. Alois
lite indiquee par ces documents est incontestablement Musil indique une region appelee el-JBeida, « la
la Rammun actuelle, situee en effet a 3 kilometres au Blanche », ou Ton trouve de 1'eau, et qui pourraitbien .
sud de fayibeh, 1'ancienne Ephrem, et a 22 ou 23 correspondre a la station de Lebna, dont la significa-
kilom. au nord-nord-est de Jerusalem. Le recit du tion est la meme, et qui suit Remmonphares. Cf. Mu-
livre des Juges, xxi, nous conduit dans la meme direc- sil, Karte von Arabia Petrea, Vienne [1908],
tion. Attires dans 1'embuscade que leur avait tendue L. HEIDET.
1'armee d'Israel, les Benjamites tomberent en masse REMORDS (hebreu : miksdl leb, I Sam., xxv, 31;
sous les coups de leurs adversaires, « a 1'orient de Septante : fSSsXuytuic, XUTHI a(j.apTt'a<;; Vulgate : scrupu-
Gabaa, » probablement entre fJizmeh et Djeba*, la ou lus cordis, tristitia delicti), reproche que la conscience-
se voient les curieux monuments connus sous le nom adresse avec persistance a celui qui a commis le mal.
de Qobur bni Isram, « tombes des fils d'Israel », peut- Le sens de ce mot est plus precis dans nos langues mo-
etre eleves en souvenir de ce terrible combat. Le dernes que dans les langues anciennes. — Le remords
corps d'armee laisse pour prendre Gabaa, apres 1'avoir se fait sentir immediatement apres le premier peche et
livree aux flammes et massacre tous ceux qu'elle ren- oblige Adam et Eve a se cacher. Gen.,m, 7, 10. Abi-
fermait, s'avancait du sud-ouest; les Benjamites ne gail prie David de ne pas sevir centre Nabal et sa
pouvaient retourner en arriere. II ne leur restait qu'a maison, afin de s'epargner a lui-meme le remords et
s'echapper par le desert , c'est-a-dire par Test et Je la souffrance du co3ur apres 1'effusion du sang. I Reg.,
nord; c'est ce qu'ils firent en gagnant Remmon. Six xxv, 31. Au temps d'Esdras, les Israelites sont saisis-
cents seulement 1'atteignirent. — L'idenlite du « rocher de remords a la suite de leurs unions avec des femmes
de Remmon » avec 1'actuel Rammun est admise de etrangeres. I Esd., ix, 4. Antiochus IV Epiphane, frappe
tous. — Rammun couronne une montagne rocheusa d'une terrible maladie, a le remords du mal qu'il a fait
haute de 762 metres au-dessus du niveau de la Medi- aux Juifs. II Mach., ix, 13-17. Herode le tetrarque,
terranee. Des vallees profondes I'entourent de toute meurtrier de saint Jean-Baptiste, est trouble par ce
part, exeepte du cote du nord ou le rocher sur lequel qu'il entend raconter de Jesus-Christ et s'imagine que
est bati le village ne domine que d'une cinquantaine sa victime est ressuscitee sous ce nom. Matth., xiv, 1,
de metres le large col qui le relie a la colline de 2; Marc., vr, 14-16; Luc., ix, 7-9. Le remords amene
Tayibeh. De nombreuses grottes sont creusees dans Judas, le traitre, a se pendre. Matth., xxvn, 3. — Par-
le roc, surtout a la partie superieure de la montagne, fois, lepecheur arrive a etouffer le remords dans sa cons-
peut-etre les memes que celles ou s'abriterent les cience. II dit alors : « J'ai peche et que m'est-il arrive
echappes de la defaite de Gabaa. La population du de facheux? » Eccli., v, 4. II boit 1'iniquite comme-
village, toute musulmane, est de quatre a cinq cents 1'eau, Job., xv, 16, saris qu'elle lui fasse plus d'eflet.
ames. Des vergers plantes de figuiers, de grenadiers, Neanrnoins, iln'y reussit pas toujours. Le faux docteur
d'oliviers et de vignes se developpent ca et la autour a la conscience cauterisee, c'est-a-dire marquee d'une
de la montagne. — Cf. J. Schwarz, Tebuoth ha-Arez, cicatrice deshonorante. I Tim., iv, 2. II estaikoxataxpi-oc,
edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 101; E. Robinson, il se condamne lui-meme dans sa conscience. Tit., in,.
Biblical researches in Palestine, Boston, 1841, t. 11, 11. La Vulgate parle du « glaive de la conscience »,
x
p. 113-114; V. Guerin. Judee, t. n, p. 352-354; The Sur- Prov., xii, 18; Je texte hebreu et les Septante ne men*
vey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, tionnent que le glaive en general. L'Ecclesiastique, N
t. H, p. 292. L. HEIDET. xiv, 1, proclame heureux 1'homme « qui n'a pas ete
meurtri par le remords de fautes eommises. » —
REMMONO (hebreu: 'Rimmono;l Chr., vi,62; Sep- Le remords suivra les mechants dans 1'autre vie. « Us
tante : T| Teti.yi.(.Sv, I Par.,vi, 77), vilie levitique de Za- se diront les uns aux autres, pleins de regret, et ge~
1041 REMORDS — RENAN 1042
missant dans le serrement de leur coeur : A quoi nous qui etablit sa reputation comme orientaliste. Vers la fin
a servi 1'ogueil? » Sap., v, 3, 8. II est repete en plu- de 1849, il fut charge d'une mission scientifique en
sieurs passages que le feu et le ver seront le chatiment Italie, ou il passa huit mois. Un peu plus tard, en
de 1'impie. Is., LXVI, 24; Judith, xvi, 21; Eccli., 1851, il fut attache au departement des manuscrits a
vrr, 19 (17); Marc., ix, 43, 45,47. Pour beaucoup d'in- la Bibliotheque nationale, et il conserva cette fonction
terpretes, le ver designe metaphoriquement le re- environ dix ans. En 1860-1861, on lui confia une mis-
mords qui ronge 1'ame du damne. Tout en admettant sion archeologique en Phenicie; puis, a son retomv
cette explication, saint Augustin, De civ. Dei, xxi, 9, 1862, on le nomma professeur d'hebreu, de chaldeen,
t. XLI, col. 723, croitque le ver peut aussi serapporter et de syriaque au College de France. Sa premiere lecon,.
au supplice corporel. H. LESETRE. dans laquelle il osa dire que N.-S. Jesus-Christ etait
seulement « un homme incomparable, » suscita de
REMPART. Voir MUR DES VILLES, t. iv, col. 1340- violentes manifestations; le cours fut alors suspendu,
1342. et supprime definitivement deux ans plus tard, le
11 juin!864. Un an auparavant, 23 juin 1863, E. Renan.
REMPHAM, nom difficile a interpreter, qui, dans avait public sa Vie de Jesus, qui souleva dans toute
noire version latine, apparait seulement au livre des 1'Europe une si legitime indignation; c'etait le premier
Actes, vir, 43. Le diacre Etienne, reprochant a ses core- volume de 1'ouvrage Histoire des origines du chris-
ligionnaires les perpetuelles infidelites de leurs an- tianisme, dont il avait depuis longtemps concu le plan.
cetres a 1'egard du Seigneur, leur dit, faisant un em- En 1864-1865, il fit un nouveau voyage en Orient, pour
prunt a Amos, v, 26 : « Vous avez porte (durant vos visiter les lieux ou avait vecu saint Paul. En 1870, le
peregrinations a travers le desert de Pharan) le ta- gouvernement de la Republique le reintegra dans sa
bernacle de Moloch et 1'astre de votredieu Rempham, chaire d'hebreu. II fut elu membre de 1'Academie fran-
figures que vous avez faites. » — Gomme d'autres nbms caiseen!879; enfin, en 1884, il devint administrateur
propres, ce mot est ecrit de bien des manieres dans les du College de France. — Ceux de ses ouvrages qui se
anciens manuscrits grecs du Nouveau Testament: rattachent a la Bible sont les suivants : Histoire des
'Pe^ap,, d'apres D et la Vulgate; 'Ps^cpa, dans le ma- langues semitiques, in-8°, Paris, 1848; Histoire gene-
nuscrit 61, 1'armenien, Origene et divers manuscrits rale et systeme compare des langues semitiques, in-8%
latins; .'Pe^av, dans le syriaque et d'autres manus- Paris, 1855 (c'est au fond le meme ouvrage, plus
crits latins; To[x<pav, dans le Cod. Sinaitic., le minus- developpe); Le livre de Job, traduit de I'hebreu avec
cule 3, etc.; 'Pofjupst, dans B et d'autres documents; une etude sur I'dge et le caractere du poeme, in-8°,
'Paiyav, dans saint Justin, Dial, cum Tryph., 22, edit. Paris, 1859, 3« edit., 1865; Le Cantique des cantiques,
Archambault, t. i, 1909, p. 98; 'Pcucpav ou 'Ps^av dans traduit de Vhebreu avec une etude sur le plan, I'dge
C, E, les versions egyptiennes et ethiopiennes. c P<xi9av et le caractere du poeme, in-8°, Paris, 1860, 3e edit.,
parait etre la lecon la mieux accredited. Voir Westcott 1870; Vie de Jesus, in-8°, Paris, 1863; Mission de
et Hort, The New Testament in the original Greek, in- Phenicie, in-4°, avec un atlas in-f°, Paris, 1861-1874;
12, t. n, Cambridge, 1882, p. 92 des notes. — Si du texte Les apotres, in-8°, Paris, 1866; Saint Paul et sa mis-
grec des Actes nous passons a la traduction d'Amos par sion, in-8°, Paris, 1869; L'Antechrist, in-8°, Paris,
les Septante, nous rencontrons des variantes analogues : 1871; Les Evangiles et la seconde generation chre-
Complute : Te.fjupa; Q, Ts9av; A et B ont Tanpav. Or, tienne, in-8», Paris, 1877; L'Eglise chretienne, in-8°,.
'Pa^av, dans Amos, v, 26, correspond au mot hebreu Paris, 1879; Marc-Aurele et la fin du monde antique,
fV3, Kiyyun, etil n'est guere douteux que, d'une part, in-8°, Paris, 1881 (cet ouvrage forme le septieme et
la lecon des Septante, et de 1'autre, la vocalisation des dernier volume des Origines du christianisme); L'Ec-
Massoretes, ne soient fautives. On croit generalement clesiaste, traduit de I'hebreu avec une etude sur I'dge
aujourd'hui que c P«top«v est la corruption de Katqxxv, et le caractere du livre, in-8°, Paris, 1882; Histoire au
et que 1'hebreu doit se prononcer Kevdn (fvs). — peuple d'Israel, 5 in-8°, Paris, 1894 (les deux derniers
volumes ont ete publics apres la mort de 1'auteur). A
D'apres 1'opinion la plus generalement admise aujour- signaler encore de nombreux articles publics dans plu-
d'hui, Kevdn serait le nom d'une divinite chananeenne sieurs recueils periodiques, surtout dans la Revue des.
et arameenne, vraisemblablement Saturne, que les He- deux mondes et le Journal des debats, et reunis par-
breux auraient autrefois adoree dans le desert, apres tiellement en volume sous le titre d'Etudes d'histoire
leur sortie d'Egypte. Voir KION, t. in,-col. 1892-1893. religieuse, in-8», Paris, 1857; 7e edit., 1864. C'est
L. FILLION. E. Renan qui concut, des 1'annee 1868, 1'idee et le plan
RENAN Ernest, orientaliste francais, ne a Treguier, du Corpus inscriptionum semiticarum, dont la publi-
en Bretagne, le 27 fevrier 1823, mort a Paris le 2 oc- cation commenca en 1881, et auquel il collabora avec-
tobre 1892. II termina ses etudes classiques a Paris, interet. — On s'est demande si Renan n'etait pas « un-
au petit seminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. En dilettante superieur, se plaisant a jouer avec tout. »
1842, il etudia la philosophic au seminaire d'lssy-sur- Ch. de Mazade, dans la Revue des deux mondes, t. cxm,
Seine, ou la lecture des philosophes allemands, surtout 1892, p. 946. II doit principalement sa reputation scan-
celle de Hegel, commenca a ebranler sa foi. Nean- daleuse a la Vie de Jesus, et c'est d'apres cet ecrit
moins, il entra au seminaire de Saint-Sulpice de Paris blasphematoire qu'il a ete surtout juge. Voir daris
et il y passa deux ans, 1843-1845: il y etudia 1'Ecriture A. Schweitzer," Von Reimarus zu Wrede, 1906, p. 404-
Sainte, 1'hebreu et le syriaque sous la direction du sa- 418, la liste de quatre-vingt-cinq ouvrages ou brochures,
vant abbe Le Hir, auquel, disait-il volontiers, il devait presque tous en francais, provoques par ce livre. Les
toutes ses connaissances hebraiques. II raconte lui- critiques d'Allemagne, protestants ou rationalistes, n'ont
meme que sa soaur Henriette exerca sur lui une in- pas ete les moms severes pour 1'auteur, yoyant dans sa
fluence desastreuse durant la crise religieuse qu'il Vie de Jesus, et aussi dans ses ouvrages subsequents,
traversait. En 1845, il renonca definitivement 4 la vo- des oeuvres en grande partie d'imagination. — Voir en
cation ecclesiastique. Devenu professeur particulier, il particulier : Ch. E. Luthardt, Les historiens modemes
se lia d'une etroite amitie avec Berthelot, qui contribua de la Vie de Jesus, Conferences sur les ecrits de
aussi pour beaucoup a faire tomber les derniers restes Strauss, Renan et Schenkel, trad, franc., Paris, broch.
de sa foi chretienne. En 1847, on le nomma professeur in-8°, s. d., p. 34-54; K. von Ease, Geschichte Jesu nach
au lycee de Versailles. L'annee suivante, il publia son akademischen Vorlesungen, 2e edit., in-8°. Leipzig,
preimet oxtvtage, VHistoire des langues senxitiques, 1891,p. 189-194 ;B. Labanca, La vita di Gesii di Ernesto-
1043 R E N A N — RENES 1044
Renan in Italia, in-8°, Rome, 1900 ; A. M. Fairbairn, nord, c'est le renard syrien, vulpes ftavescens ou canis
The place of Christ in modern theology, in-8°, 10e edit., syriacus, plus grand et plus fort. Les gens du pays
Londres, 1902, p. 278-279; H. Weinel, Jesus ini neun- confondent les-deux especes sous le nom de thaleeb,
zehnten Jahrhundert, in-12, Tubingue, 1903, p. 68-83: tandis qu'ils designent le chacal par celui de dheeb.
F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa- Les renards egyptiens qui habitent les cavernes voi-
liste,&edit., in-12, t.n, Par is, 1901, p. 627-634; A. Schweit- sines de Mar-Saba, viennent manger au couvent la
zer, von Reimarus zu Wrede, in-8°, Tubingue, 1906, nourriture que les moines leur preparent. Cf. Lortet,
p. 179-191. — Sur 1'homme et le critique libre-pen- La Syrie d'aujourd'hui, Paris, 1884, p. 399. — Le mot
seur, voir aussi, en divers sens : Pons, Ernest Renan hebreu su'dl designe aussi le chacal, canis aureus, qui
et I'origine du christianisme, Paris, 1882 ; 1'abbe est egalement un canide, tenant le milieu entreleloup
Cognat, dans le Correspondant, nos des 10 mai, 10 juin, et le renard. Voir CHACAL, t. n, col. 474-478. Dans les
10 juillet, 25 dec. 1882, 'des 25 janv., 10 mars et 10 juil- quelques passages ou le su'dl est nomme, le contexte
let 1883, du 25 aout 1884; E. Renan, Souvenirs (Ken- indique s'il s'agit du chacal ou du renard, car les
fanceet de jeunesse, in-8°, Paris, 1883; F, Vigouroux, mcBurs des deux especes d'animaux ne sont pas iden-
La Bible et la Critique, Reponse aux Souvenirs d'en-? tiques. Le renard est un peu omnivore, il est tres ruse
fance et de jeunesse de M. Renan, in-8°, Paris, 1883; et surtout il chasse toujours seul; le chacal est carni-
les Etudes religieuses et philosophiques des Peres vore et va par bandes a la recherche de sa proie. Dans
jesuites, 1889, t. XLVIII, p. 209-229; 1892, t. LVII, le Cantique, rr, 15, il est parle des vignes en fleur au
p. 422-438; E. Renan, Feuilles detachees faisant suite retour du printemps et des petits renards qui ravagent
aux Souvenirs d'enfance et de jeunesse, in-8°, Paris, ces vignes; ils ne mangentpas les raisins,qu'ils aiment
1892; Duff, Ernest Renan, Inmemoriam, in-8°, Lon- beaucoup, mais qui ne paraissent pas encore; ils se
dres, 1893; R. Allier, La philosophic d' Ernest Re- contentent de toutravager en prenant leurs ebats a tra-
nan, in-12, Paris, 1895; Lettres intimes d' Ernest Re- vers la vigne. — Ezechiel, xnr, 4, compare les faux
nan etHenriette Renan, in-8°, Paris, 1896; M me J. Dar- prophetes a des renards dans des ruines. Ces pro-
mesteter, Vie d' Ernest Renan, in-12, Paris, 1898; phetes se croient tres ruses, mais 1'evenement montrera
E. Renan et M. Berthelot, Correspondance, 1847-1892, qu'ils se sont trompes; par leurs faux oracles, ils
in-8°, Paris, 1898; E. Faguet, Ernest Renan, dans la contribuent au malheur de leur peuple, comme le re-
Revue de Paris, juillet-aout 1898, p. 85-134; Ch. Denis, nard qui accelere la chute des mines au milieu des-
La critique irreligieuse de Renan : les precurseurs, quelles il creuse son terrier. — Quand les Juifs se
la Vie de Jesus, les adversaires, les resultats, in-18, mettent a restaurer les murailles de Jerusalem, Tobie,
Paris, 1898; Ed. Platzhoff, Ernest Renan, 1 vol. in-8", PAmmonite, se moqued'eux en disanl: « Qu'un renard
Dresde, 1900. L. FILLION. s'elance,il renverseraleur muraille depierre!» IIEsd.,
iv, 3. En s'elancant, un renard pouvait degrader plus
RENARD (hebreu : su'dl; Septante : aXcoTir)?; Vul- ou moins ces murs de pierres seches dont on entourait
gate : vulpes), quadrupede de la famille des canides, les vignes; les murailles de Jerusalem etaient autre-
ment solides, et c'est la ce qui exasperait les ennemis
des Juifs. — Notre-Seigneur dit~ que les renards out
leurs tanieres et les oiseaux du ciel leur nid, alors que
le Fils de 1'homme n'a pas ou reposer sa tete. Matth.,
VIH, 20; Luc., ix, 58. — Averti qu'Herode Antipas veut
le mettre a mort, le Sauveur le traite de renard et de-
clare qu'il continuera son ministere jusqu'au temps
fixe. Luc., xm, 32. Herode, le meurtrier de saint Jean-
Raptiste, meritait cette appellation par son astuce, sa
lachete et sa cruaute. H. LESETRE.
228. — Le renard.
tre sur la route d'Aqabah a Jerusalem, pres de Cades. et dans la genealogie de^olre-'Seignewf, "Lvxt., \\\, &»,
Clay Trumbull, l£adesch-Barnea,, New-York, 1884, p.151, Reii et Ragaii ne sont que des transcriptions differentes
regarde comme assez probable cette identification, en du meme nom original : Re'u. Voir RAGAU!, col. 929.
faisant observer que de cette maniere Rethma devient L'etymologie est inconnue.
le nom tres naturel d'une station qui devrait se trou-
ver aux bords du desert. — Cependant, la seule ressem- REUM BEELTEEM (hebreu : Rekum Be'el-Te'em;
blance de nom n'est pas suffisante pour qu'on puisse en Septante : 'Peoufx BaXrap.), fonctionnaire perse en
conclure a 1'identification de Rethma avec 1'ouadi Abu Samarie. I Esd., iv, 8, 17, 23. Malgre les apparences,
Retamdt. Cf. Gray, Numbers, dans The international Reelteem ne fait pas partie du nom propre, mais est
critical Commentary, Edimbourg, 1903, p. 446. En le titre de Reum, qui representait le roi de Perse en
admettant 1'identification de Cades avec Am-Qadis (voir Samarie (voir REELTEEM, t. I, col. 1546) et ecrivit au roi
CADES 1, t. n, col. 13), on doit admettreau moins dix- Artaxerxes Ier, avec le scribe Samsai', centre les Juifs,
sept stations entre Rethma et ce terme final, Num., au nom des Samaritains, afin que le roi de Perse em-
xxxiii, 18-36; ce qui rend assez improbable la proximite pechat la restauration de la ville de Jerusalem. II
de Rethma et de Cades. II faut plutot chercher Rethma obtint ce qu'il demandait et obligea les Juifs a inter-
dans le desert de Pharan a cause de la place qu'occupe rompre les travaux de restauration de la ville et du
cette station dans le catalogue des Nombres, xxxiii, 17-18, temple qu'ils avaient commences et qu'ils ne purent
compare avec Num., x,33;xm, 1. Voir PHARAN, col. 188. reprendre que la seconde annee du regne de Darius,
Dans 1'hypothese que les Israelites, pour se rendre du roi de Perse. I Esd., 'iv, 8-24. Le nom de Reum est
DjebelMouca a Ain-Qadis, prirent la route dunord-ouest semitique, mais nous ignorons s'il etait ne en Perse
pour gagner le fort de Nakhel, on pourrait etre tent<J ou s'il etait syrien ou samaritain.
d'identifier sur cette route Rethma avec 1'ouadi Re-
thameh; qu'on y rencontre; mais iJ est situe trop pres REUSCH Francois Henri, exegete catholique alle-
du Sinai pour etre la troisieme station. Cf. Revue bi- mand, devenu vieux-cathollque, ne dans la petite ville
blique, 1897, p. 607. L'itineraire dunord-est vers le fort de Rrilon, en Westphalie, le 4 decembre 1825, mort
de 1'Akabah se recommande de preference a celui du a Ronn, le 3 mars 1906. — II fit ses etudes theolo-
nord-ouestpour diverges raisons. Cf. Lagrange, L'itine- giques a 1'Universite de Ronn, 1843-1846, et il les
raire des Israelites du pays de Gessen aux bords duJour- completa en suivant pendant quelque temps les cours des
dain, dans la Revue biblique, 1900, p. 275. Dans cette Facultes catholiques de Tubingue et de Munich. Dans
direction, il n'est pas necessaire d'atteindre les rives cette derniere ville, il fut le condisciple de Doellinger,
de la mer Rouge; on peut escalader le plateau d'et-Tih avec lequel il contracta une etroite amitie, qui exerca
par difierents cols plus ou moins connus. Etant donne une tres ftcheuse influence sur la seconde partie de sa
qu'Haseroth, sur cette route, doit etre identifie avec vie. Ordonne pretre en 1849, il fut d'abord vicaire a
Am Hadrah, voir HASEROTH, t. in, col. 445, il est Saint-Alban de Cologne, puis repetiteur au Convict
facile d'en conclure que si Ton ne veut pas faire des- theologique de Bonn. En 1854, il devenait Privat-
cendre les Israelites par Vouadi el-Am au sud jus- dozent pour 1'exegese de 1'Ancien Testament, a la Fa-
qu'a Am Noueba, sur les bords de la mer Rouge, culte de theologie catholique de cette meme ville,
-ce qui est peu probable, 1'hypothese de J'escalade d'et- oil se passa toute sa carriere de professeur. En 1858,
Tih a ce point de 1'itineraire se presente commp tres il fut nomme professeur extraordinaire, et en 1861
vraisemblable. Hull, Mount Seir, p. 61, a gagne direc- professeur ordinaire, toujours pour 1'exegese de
tement de la par la cote nord de I'ouadi el-Am le 1'Ancien Testament. Ses collegues lui confererent le
, sommet dCet-Tih. La localisation de Rethma aux bords titre de Rector tnagnificus durant 1'annee scolaire
du desert d'et-Tih, de ce cote, est done toute naturelle. 1873-1874, et pendant quatorze ans celui de membre
Le genet qui se trouve partout en grande abondance du Senat universitaire. Des 1'annee 1865, il fondait a
dans les vallees de la peninsule suffit pour expliquer le Ronn, avec le concours de Dosllinger et la collabora-
nom de Rethma. nom descriptif, donne a ce campement. tion de nombreux savants catholiques d'Allemagne, la
-Cf. Trochon, Geographic biblique, dans La Sainte revue Theologisches Literaturblatt, dont il fut le
Bible, t. H, p. 186. D'apres Leon de Laborde, Commen- directeur attitre aussi longtemps qu'elle continua de
•tairegeographiquesur I'Exode et les Nombres, p. 120, paraltre (1865-1877). Son adhesion a la revolte des vieux-
cette localisation de Relhma est appuyee sur trois rai- catholiques lui attira 1'excommunication de la part de
-sons : sa distance a trois journeesdu Sinai, sa direction 1'archeveque de Cologne, Mo r Melchers (12 mars 1872).
sur la route de la Syrie, sa position pres des montagnes — Les ouyrages publics par lui au temps de son ortho-
qui bordent le plateau de la Syrie et en forment jusqu'a doxie attestent de grandes connaissances et des dons
Cades eta I'ouadi A rabah les limites les plusetendues. exegeliques remarquables : Erklarung des Buches Ba-
>Un lieu et une source, dit-il, nommes Ramathim par ruch, in-8°, Fribourg-en-Rrisgau, 1853;Das Buck Tobias
les voyageurs, conviennent sous tous les rapporls a iibersetzt und erkldrt, in-8°, Fribourg-en-Rrisgau, 1857;
cette station. On remarque d'ailleurs dans les norns une Liber Sapientise, grsece secundum exemplar Vatica-
analogic sur laquelle il n'insiste pas. Rethma n'a garde num, latine secundum editionem Vulgatam, in-8°,
le souvenir d'aucun evenementde 1'histoire de 1'exode. Fribourg-en-Rrisgau, 1858; Lehrbuch der Einleitung
De savants exegetes supposent que c'est le lieu d'ou par- in das Alte Testament, in-8°, Fribourg-en-Drisgau,
tirent les espions qui devaient explorer la Terre Pro- 1859; 4e edit., 1870; Observationes criticse in librum
mise. L. de Laborde, Commentaire geographique; etc., Sapientise, in-4°, Fribourg-en-Rrisgau, 1861; Bibel
p. 121; De Hummelauer, Comment, in Numeros, Pa- und Natur, Vorlesungen uber die mosaische Ur-
ris, 1899, p. 363, etc. Mais, meme si Ton accepte la geschichte und ihr Verhdltniss zu den Ergebnissen
conclusion suggeree par Num., xin, 1; xxxm, 18, c'est- der Naturforschung, in-8°, Fribourg-en-firisgau, 1862,
a-dire que Rethma doit etre la premiere station du 4e edit., 1876 (ouvrage excellent, qui a ete traduit
deserl de Pharan, cette hypothese n'est pas admissible, dans la plupart des langues europeennes; en francais
parce qu'elle est en contradiction avec ce qu'on lit dans par 1'abbe X. Hertel, sous le titre, La Bible et la
le Deuteronome, i, 19-24. A. MOLINI. nature, Paris, 1867; 1'auteur en a publie un extrait,
intitule : Die biblische Schopfungsgeschichte und ihr
REU, fils de Phaleg, engendra son fils Sarug a 1'age Verhdltniss zu den Naturwissenschaften, in-8°, fionn,
de trente ans et mourut age de cent trente neuf ans. 1877); Libellus Tobit e codice Sinaitico editus et re-
•Gen., xi, 18-21. II est appele Ragaii dans 1 Par., i, 25, censitus, in-4°, Ronn, 1870. II faut mentionner aussi
1079 REUSCH — R E V E L A T I O N 1080
de nombreux et importants articles d'exegese et sas quotquot reperiri potuerunt collegit, digessitr
de critique biblique, publies dans la Theologische illustravit E. Reuss, in-8°, Brunswick, 1872 (c'est une
Quartalschrift de Tubingue, le Chilianeum de Wurtz- bibliographic assez complete du Nouveau Testament
bourg et le Katholik de Mayence. — Voir Schulte, grec); La Bible, traduction nouvelle avec introductions
Der Altkatholicismus, Giessen, 1887; Encyclopedia et commentaires, 16 in-8°, Paris, 1874-1881 (cet ou-
Britannica, 10e edit., t. xxxn, p. 223; Friedrich, vrage, qui comprend tout 1'Ancien Testament, a part les.
Nekrolog auf Franz Heinrich Reusch, dans les parties deuterocanoniques, et le Nouveau Testament, a
Sitzunsberichte der philosoph.-philolog. und der his- ete aussi public en allemand dans sa premiere moitie,.
torischen Classe der kosnigl. bayer. Akademie der sous ce titre : Das Alte Testament ubersetzt, eingeleitet
Wissenschaften, Munich, 1900, p. 170-171; Altkatho- und erklart, 7 in-8°, Brunswick, 1892-1894); Die Ge~
lisches Volksblatt, 6 et 13 decembre 1895, 9 mars schichte der heiligen Schriften Alten Testaments, in-8°,
4900; Allgemeine Zeitung de Munich, 9 mars 1900; Brunswick, 1881, 2 e edit., 1890; Hiob, traduction ryth-
J. Mayor, Franz Heinrich Reusch, in-16, Cambridge, mique (en allemand) du livre de Job, in-8°, Brunswick^
1901; Goetz, Franz Heinrich Reusch, eine Darstellung 1889; Notitia Codicis quatuor Evangeliorum grssci
seinerLebensarbeit, in-8°, Gotha, 1901; Meyer, Grosses membranacei, viris doctis hucusgue incogniti, quern
Konversations-Lexicon, 6e edit., t. xvi, Leipzig, 1907, in museo suo asservat E. Reuss Argentoratensis, in-8°r
p. 839. L. FILLION. Cambridge, 1889. Le D r Reuss a publie aussi un nombre-
considerable d'articles dans diverses revues et encyclo-
.REUSS Edouard, theologien protestant rationaliste. pedies, notamment dans les Beitrage zw den theologis-
ne a Strasbourg, le 29messidor an xn (18 juillet 1804), chen Wissenschaften in Verbindung mit der theolog.
mort dans cette ville, le 19 avril 1891. II eludia la theo- Gesellschaft zu Strassburg herausgegebenvonE. Reus»
logie, en premier lieu a Strasbourg, puis a Goettingue, und E. Cunitz, lena, 1847-1855; dans la Revue de theo-
ou il fut .1'eleve d'Eichhorn (voir EICHHORN, t. n, logie et de philosophic chretienne, Strasbourg, 1850-
col. 1627); les langues orientales, soit a Halle, sous la 1859; dans la Nouvelle Revue de Theologie; dans I'All-
direction de Gesenius, soit a Paris, sous celle de Syl- gemeine Encydopddie der Wissenschaften und Kunste-
vestre de Sacy, D'abord simple repetiteur au seminaire d'Ersch et Gruber; dans la Real-Encyklopddie fur
.protestant de Strasbourg, pour les sciences bibliques protestant. Theologie und Kirche de Herzog; dans le
et orientales, 1828-1834, il y devint successivement pro- Bibel-Lexikon de Schenkel; dans 1 ! 'Encyclopedic pro-
fesseur extraordinaire, 1834, et professeur ordinaire* testante de Lichtenberger, etc. — Voir Theodore Gerold,.
1836. En 1838, il fut nomme professeur a la Faculte Edouard Reuss, Notice biographique, in-8°, Paris et
protestante de la meme ville, tout en conservant sa Strasbourg, 1892; H. J. Holtzmann, Zum hundertjdh-
chaire au seminaire. Une activite remarquable lui per- rigen Geburtslag von Eduard Reuss, dans le Evan-
mit de mener de front, et avec succes, ce double ensei- gelisch. proteslantischer Kirchenbote fur Elsass-
gnement pendant de longues annees. Comme on 1'a dit, Lothringen, Strasbourg, 30 juillet 1904; K. jBudde und)
« ses sympathies etaient plutot allemandes que fran- H. J. Holtzmann, Eduard Reuss' Briefwechsel mit
eaises, » Encyclopaedia britannica, 9e edit., t. xxxiii seinem Schiller und Freunde K. H. Graf, in-8°, Gies-
p. 223; aussi, apres 1'annexion de 1'Alsacea 1'Allemagne, sen, 1904; Encyclopaedia britannica, 10e edition^
lorsque le gouvernement allemand eut retabli 1'Univer- t. xxxn, p. 223. L. FILLION.
site de Strasbourg sur des bases nouvelles, Reuss ac
cepta la chaire d'exegese biblique pour 1'Ancien Testa- REVELATION (grec laTroxaXutyi;; Vulgate: revela-
ment, quilui fut aussitot offerte, et il la garda jusqu'en iio), communication faite par Dieu a rhomme et por-
1888. — Comme on le verra par la liste de ses ouvra- tant sur des verites que 1'intelligence humaine n'eut
ges, ses premiers travaux furent consacres a la critique pu connaitre par elle-meme. Les revelations que men-
et a 1'explication du Nouveau Testament. II dirigea en- tionne la Sainte Ecriture se rapportent a trois periodeS'
suite ses etudes sur les livres de 1'ancienne Alliance, distinctes.
qui 1'attiraient a cause de sa grande connaissance de I. PERIODS PATRIARCALE. — Des revelations sont faites
1'hebreu. II appartenait au parti dit liberal de 1'Eglise a Adam, avant et apres la chute, Gen., n, 16; in, 14-19;
lutherienne. Sa position comme critique etait a peu a Noe, pour lui annoncer le deluge, Gen., vi, 13-21;
pres celle que K. H. Graf, son disciple, et J. Wellhau- VH, 1-4, et contracter alliance avec lui et ses descen-
senont rendue celebre. Ses opinions sur la composition dants, Gen., vm, 21, 22; ix, 1-17; a Abraham, pour lui
de 1'Ancien Testament peuvent se resumer dans ces faire quitter la Chaldee, Gen., xn, 1-3, lui promettre 1»
quelques mots : Les prophetes sont plus anciens que possession de Chanaan et une posterite nombreuse r
la Loi, et les Psaumes sont plus recents que ces deux Gen., xin, 14-17; xv, 1-16; xvn, 1-21, lui annoncer la
categories d'ecrits. L'erudition philologique, la discus- destruction des villes coupables, Gen., xvm, 17-21, lui
sion des variantes, la refutation des opinions diver- demander le sacrifice d'Isaac et renouveler les pro-
gentes tiennent peu de place dans ses commentaires; messes. Gen., xxn, 1-18; a Isaac, pour confirmer les
en revanche, il s'efforce de bien mettre en relief, par promesses faites a son pere, Gen., xxvi, 2-5; a Jacob,,
une exposition nourrie et serree, les idees propres a pour repeter les memes promesses, Gen., xxvni, 13-15;
chaque ecrivain sacre. Malheureusement, son point de a Moi'se, pour lui conferer sa mission, Exod., in, 6-19,-
vue rationaliste le.fait tomber dans de frequentes er- lui faire annoncer les.dix plaies d'Egypte et la deli-
reurs. — II a ecrit en francais et en allernand. Ses vrance de son peuple. Exod., vn, 1-xiv, 26.
principaux ouvrages exegetiques sont : Dissertatio po- II. PERIODE MOSAIQUE. — 1° Moise. — Le liberateur
lemica de libris Veteris Testamenti apocryphis per- d'lsrael est choisi pour fonder la religion qui sera im-
peram plebi negatis (par quelques societes bibliques), posee au peuple de Dieu. A ce titre, il recoit au desertr
these de licence, in-4°, Strasbourg, 1829; Die Ge- et particulierement au Sinai, de nombreuses commu-
schichte der heiligen Schriften Neuen Testaments, nications de Dieu. Voir Loi MOSAIQUE, t. iv, col. 334;
in-8°, Halle, 1842, 6« edition en 1887; flistoire de la MOISE, col. 1193-1200. — 2°/osMe, les Juges, David, Sa-
Theologie chretienne au siecle apostolique, in-8°, Stras- lomon. —. Apresr la mort de Moi'se, Jehovah parle a
bourg, 1852, 3e edition en 1864; Histoire du Canon des Josue pour confirmer sa mission, Jos., i, 2-9, ordpnner
Saintes Ecritures dan's 1'Eglise chretienne, in-8°, le passage du Jourdain, Jos., ill, 7-13, la circoncision
Strasbourg, 1863, 2<> edition en 1864; Das Buch Hiob, du peuple, Jos., v, 2, la prise de Jericho, Jos., vi, 2-5,
in-8°, Strasbourg, 1869; Bibliotheca Novi Testamenti la punition d'Achan, Jos., vn, 10-15, etc. — Sous les
e, cujus ediliones ab initio typographic impres- Juges, des communications divines sont adressees a
1081 REVELATION 1082
Xjedeon, Jud., vi. .14,16; a la mere de Samson, Jud., xm, les autres Apotres. « Ce n'est pas d'un homme que je
•3-5, et a Samuel. I Reg., HI, 7, 21; ix, 15. — Jehovah se 1'ai appris, mais par une revelation de 'Jesus Christ. »
revele a David. II Reg., VH, 27; I Par., xvn, 27, et a Gal., i, 12. Quand il plut a Dieu de reveler en lui son
Salomon. Ill Reg., ix, 3-9; II Par., i, 7-12 ; vn, 12-22. Fils, saint Paul, sans consulter ni la chair ni le sang,
— 3° Les prophetes. — Dieu leur fait connaitre direc- sans monter a Jerusalem vers ceux qui etaient apotres
•tementses volontes, Jehovah parle a Elie, III Reg.,xvn, avant lui, seretjra en Arabie. Gal.,i, 15-17. II eut alqrs
.2,8; xvui, 1; xix, 9; xxi, 17; IVReg.,i,3, 15; a Isai'e,vii, des visions et des revelations du Seigneur. II Cor., xii,
3; VIH, 1,5;xvi, 14;xx,2;xxn, 14;xxxvm,5, etc.; aJere- 1. C'est par suite d'une revelation qu'il monta quatorze
mie, i,2; ii, 1; in, 6; VH, 1; xm, 1; xvm, 1; xxiv, 4, etc.; ans plus tard a Jerusalem pour exposer son evangile.
a Ezechiel, i, 3; m, 22; vi, 1; xn, 1, etc.; a Daniel, n, Gal., H, 2. II a eu connaissance du mystere de Jesus-
19, 22, 28-30, 47; x, 1; a Amos, HI, 7; et a tous les Christ par revelation. £ph., in, 3; I Cor., n, 10. Pour
^utres prophetes. Cf. I Pet., I, 10-12. Soit qu'ils trans- que 1'excellence de ces revelations ne 1'enorgueillitpas,
mettent les ordres de Dieu, soit qu'ils annoncent 1'ave- un ange de Satan a ete charge de le souffleter.
nir, suftout 1'avenir messianique,ils ne peuvent le faire II Cor., xii, 7. — La revelation chretienne est celle du
qu'en vertu d'une revelation directe. — 4° Les auteurs mystere du Christ cache depuis des siecles, Rom., xvi,
inspires. Pour eux, 1'inspiration comporte une reve- 25, et revele a la foi, Gal., in, 23, a ceux qui ont recu
lation toutes les fois que les choses qu'ils ecrivent Tesprit de sagesse. Eph., I, 17. — L'Apotre dit qu'il
n'ont pu etre connues naturellement ou depassent la serait inutile aux fideles s'il parlait par glossolalie, au
portee de 1'intelligence humaine. Voir INSPIRATION, t. ni5 lieu de parler « par revelation, par science, par pro-
, -col. 903. Dieu « seul met a decouvert les choses cachees phetie et par doctrine. » I Cor., xiv, 6, II est probable
dans les tenebres. » Job, xn, 22. « A qui le bras de qu'ici la revelation est mentionnee comme cause de la
Jehovah a-t-il ete revele? » Is., LIII, 1, c'est-a-dire quel prophetic et la science comme source de la doctrine.
est 1'homme qui peut connaitre ce que fera la puissance Cf. Comely, In 1 ad Cor., Paris, 1890, p. 420. La reve-
>de Dieu? De meme, « a qui a ete revelee la racine de lation etait aussi 1'un des charismes accordes aux pre-
la sagesse? » Eccli., i, 6. Cf. Sap., ix, 16,17. miers fideles. I Cor., xiv, 30. — 4° Sainl Jean. —
Le Seigneur [seul] possede toute science,
L'apotre bien aime a eu, sur les destinees de 1'Eglise,
Et il voit les signes du temps; de nombreuses et importantes revelations qu'il a con-
11 annonce le passe et 1'avenir signees dans son livre de 1'Apocalypse, dont le nom
Et il devoile les traces des choses cachees. Eccli., XLII, 19. signifie « revelation ».
IV. MODES DE REVELATION. — Toule revelatipn vient
Les secrets du passe, les evenements de 1'avenir et les necessairement de Dieu qui seul peut reveler 'ce qu'il
mysteres de 1'action divine, voila, en effet, les objets des est seul a savoir. Mais Dieu communique sa revelation
revelations dont sont favorises les ecrivains inspires. de differentes manieres. — 1° Directement. C'est ainsi
III. PERIODE EVANGELIQUE. — 1° Zacharie, Marie qu'il communique avec Adam et Noe, avec Abraham,
Joseph. — De la part de Dieu, Tange Gabriel vient Gen., xii, 1; xm, 14; xvn, 1; xvm, 17; xxn, 1; Isaac,
reveler a Zacharie qu'il aura un fils destine a etre Je Gen., xxvi, 2; Moi'se, Exod., in, 6; vn, 1; etc.; Josue,
precurseur. Luc., i, 11-20. — Marie recoit la visite du i, 1; in, 7; v, 2; vi, 2; vn, 10; Samuel, I Reg., in,21;
meme messager, qui lui annonce sa maternite divine. ix, 15; David, IIReg.,vn, 27; Salomon, III Reg., ix,3;
Luc., 1,28-37. Le Saint-Esprit inspire ensuite les paroles Elie, III Reg., xvii, 2; Isai'e, vn, 3; Jeremie, i, 4; Eze-
prophetiques que proferent Elisabeth, Luc., I, 41-45, chiel, i, 3; saint Paul. Gal., i, 12. Les auteurs sacresne
Marie, Luc.,i, 46-55, Zacbarie, Luc., n, 67-79, et Simeon, donnent pas d'explications sur la maniere dont se sont
^Luc., n, 27, 32. — Joseph recoit a plusieurs reprises produites ces revelations directes. On sait seulement
les revelations necessairesa la direction de sa conduite. que Moi'se entendait la voix de Jehovah mais ne pou-
Matth., i,, 20-23; n, 13, 19, 20. — 2» Jesus-Christ. — Le vait voir sa face. Exod., xxxm, 18-23; xxxiv, 5-8. Sur
Sauveur n'a pas a recevoir de revelations; c'est lui- le chemin de Damas, saint Paul entendit et vit Jesus,
meme qui revele ce que le Pere lui a enseigne. Voir Act., ix, 4; I Cor., ix, 1; xv, 8, mais il ne dit rien de
JESUS-CHRIST, t. in, col. 1489. II rernercie le Pere d'avoir la maniere dont le Sauveur communiqua avec lui au
revele aux petits ce qu'il a cache aux sages et aux pru- desert d'Arabie.Il ya certainement dans ces revelations
dents, Matth., xi, 25; Luc., x, 21, et il ajou.te que directes une action divine qui s'exerce sur 1'intelli-
« personne ne connait le Pere, si ce n'est le Fils, et gence de 1'homme et se fait reconnaitre elle-meme,
celui a qui le Fils a voulu le reveler, » Matth., xi, 27; puisque ceux qui en sont favorises ont conscience que
Luc., x, 22. II felicite Pierre, qui a proclame sa divinite, c'est Dieu lui-meme qui leur revele des choses inacces-
de ce que ce ne sont ni la chair ni le sang, mais le sibles a leur raison. Mais on ne peut savoir si les sens
Pere qui est dans les cieux qui la lui a revelee. etaient ordinairement affectes par cette revelation, ni
Matth., xvi, 17. Avant de mourir, il dit a ses apotr.es : dans quelle mesure ils 1'etaient. — 2° Par un ange. —
« Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le ser- Un ange sert d'intermediaire dans les revelations faites
viteur ne sail pas ce que fait son maitre; mais je vous a Abraham, Gen., xxn, 12; a Gedeon, Jud., vi, 12; a la
ai appeles amis, parce que tout ce que j'ai entehdu de mere de Samson, Jud., xm, 3; a Daniel, vm, 17; x, 5;
mon Pere, je vous 1'ai fait connaitre. » Joa., xv, 15. II a Zacharie, Luc., i, 11, a Marie, Luc., i, 28,. et a saint
promet enfin que le Saint-Esprit viendra completer sa Jean. Apoc., i, 1. En pareils cas, Pintermediaire ce-
revelation. « J'ai encore beaucoup de choses a vous leste se fait voir et entendre; la revelation arrive a 1'in-
dire, mais vous ne pouvez les porter a present. Qiiand telligence en passant par les sens et 1'apparition ange-
le Paraclet, 1'Esprit de verite,sera venu, il vous guidera lique en garantit 1'objectivite. — 3° En songe. — Ainsi
dans toute la verite. » Joa., xvi, 12, 13. La revelation sont informes de la pensee divine Abraham, Gen., xv,
faite par le Sauveur el gravee dans 1'ame des Apotres 1; Jacob, Gen.,xxvm,13, et Daniel, vn, 1. La revelation
par le Saint-Esprit est definitive et complete. Elle ne porte alors avec elle un caractere de certitude qui ne
porte que sur les choses neeessaires au salut de 1'homme. permet pas le doute a celui qui la recoit. Saint Joseph
C'est pourquoi le Sauveur se refuse a reveler 1'epoque apprend en songe la volonte de Dieu, mais c'est un ange
du jugement, Matth., xxiv, 36; Marc., xm, 32; le nom- qui la lui revele. Matth., I, 20; n, 13, 19. Des songes re-
bre des elus, Luc., xm, 23, la date de 1'etablissement du velent aussi 1'avenir a certains personnages, soit d'une
royaume. Act., i, 6, etc. — 3° Saint Paul. — Converti maniere claire, comme a Abimelech, Gen., xx, 3, et aux
plusieurs annees apres 1'Ascension du Sauveur, saint Mages, Matth., n, 12, soit d'une maniere qui a besoin
Paul a cependant recu directement sa doctrine, comme d'etre expliquee, comme aux prisonniers de Putiphar,
1083 REVELATION — RHAMNUS 1084
Gen., XL, 8-13, au pharaon d'Egypte, Gen., XLI, 1-32, et ral francais. Ses opinions etaient tellement avancees,
a Nabuchodonosor. Dan., n, 3-45; iv, 1-24. Voir SONGE. qu'il fut mis pendant quelque temps en interdit par
— 4° En vision, Daniel revolt parfois les communica- les consistoires de Paris et de Geneve. Sa position en
tions surnaturelles sous forme de visions, soit durant fait de critique biblique etait celle du rationalisms le
la nuit, Dan., VH, 2, soit pendant le jour, Dan., vni,2; plus avance; on le voit surtout par son Jesus de
x, 5. Dans ces visions, des anges se montrent a lui et Nazareth, ou il ne laisse presque rien subsister des
rinterpellent. Dan., vm, 15, 19; ix, 21, 22; x, 11, 12; recits evangeliques. — Voir le Polybiblion, annee 1897,
xu, 4. Le prophete en subit le contre-coup dans sa p. 199-203; P. Alphandery, Albert Reville, dans la
sante. Dan., vm, 27. Ce sont la des visions intellec- Revue de 1'histoire des religions, annee 1906, p. 401-
tuelles, c'est a-dire des interventions surnaturelles par 423; la Revue chrfiiienne, annee 1896, p. 416-417.
lesquelles Dieu fait passer devant 1'intelligence du L. FILLION.
prophete le tableau des evenements futurs, en eclairant 2. REVILLE Jean, theologien protestant liberal, fils
ce tableau d'une lumiere qui aide a le comprendre. Les du precedent, ne a Rotterdam, en Hollande, le 6 no-
sens n'ont aucune part a cette vision; ils n'en sont vembre 1854, mort a Paris le 6 mai 1908. — Apres
emus qu'indirectement, a cause de 1'effet produit sur avoir fait ses etudes theologiques a la Faculte protes-
Fame elle-meme par une revelation effrayante. De tante de Geneve, et suivi pendant quelque temps les
meme nature sont les visions de 1'Apocalypse, trans- cours des Universites de Berlin et de Heidelberg, il
mises a saint Jean par un ange de Dieu. Apoc., I, 1.. passa sa these de licence en theologie a Paris, en 1880.
Saint Paul a aussi recu des revelations sous forme de La meme annee, il devint pasteur a Sainte-Suzanne,
visions. II dit que ces visions ont consiste dans des pres de Mentbeliard. En 1881, il fut nomme pasteur
ravissements ou des extases, dans lesquels il s'est suppleant au lycee Henri IV de Paris. II prit, en 1884,
trouve transporte en paradis et y a entendu des choses de concert avec M. Le Marillier, la .direction de la
qu'il ne peut repeter. II iie saurait dire cependant si Revue de I'Histoire des religions, qu'il conserva jus-
son corps a participea ces ravissements. IICor., xn,l-4. qu'a sa mort. En 1885, il devint maitre de conferences
Quelquefois, la revelation est consideree non plus d'histoire ecclesiastique a 1'Ecole pratique des Hautes
comme 1'acte par lequel Dieu'Communique sa pensee a Etudes. En 1886, il conquit le grade de docteur e»
1'homme, mais comme le resultat de cette communi- theologie. II occupa, en 1894, la chaire de patrologie
cation. On a ainsi la revelation primitive, la revelation a la Faculte de theologie protestante de Paris; en
mosa'ique, la revelation evangelique, ou, en general, la mars 1907, il succeda a son pere comme professeur
revelation, pour indiquer 1'ensemble des enseigne- d'histoire des religions au College de France. — Ses
ments surnaturels qui constituent la religion. Voir ecritsbibliques sont: Le Logos d'apresPhilond'Alexan-
RELIGION, col. 1031. II arrive aussi que le mot revelation drie, in-8°, Geneve, 1877; La doctrine du Logos dans
est pris par les versions dans le sens de manifestation. le quatrieme evangile et dans les ozuvres de Philon,
Eccli., xxn, 27; XLII, 1; Tob., xu, 7; Rom., ii,' 5; in-8°, Paris, 1881; Le quatrieme Evangile, son origins
I Cor., i, 7; II Thess., i, 7; I Pet., i, 7, etc. et sa valeur historique, in-8°, Paris, 1900, 2e edil.,
H. LESETRE. 1902; Le prophetisme hebreu, esquisse de son histoir&
1. REVILLE Albert, theologien protestant liberal, et de ses destinees, in-18, Paris, 1906. — M. Jean Re-
ne a Dieppe le 4 novembre 1826, mort a Paris le 25 oc- ville n'etait pas moms rationalisle que son pere; dans
tobre 1906. — II suivit les cours des Facultes de theolo- son ouvrage sur 1'Evangile selon saint Jean, ou il est
gie de Geneve, 1844-1848, et de Strasbourg. Apres avoir allegoriste a outrance, il ne craint pas de dire, 2e edit.,
ele pendant quelques mois vicaire suffragan! a Nimes, p. 300-301 : « Dans un livre de ce genre, il n'y a aucun
il fut tour a tour pasteur a Luneray pres Dieppe, 1849- renseignement historique proprernent dit, parce que
1851, et a Rotterdam, en Hollande, ou il demeura pen- 1'auteur n'a aucun souci de 1'histoire... Les evenements
dant dix-huit ans (1851-1873) a la tete de 1'Eglise wal- qu'il raconte sont toujours presentes de maniere a faire
lonne. En 1862, il fut recu docteur en theologie par ressortir que ce sont des symboles. » — Voir W. San-
1'Universite de Leyde. En 1873, il revint se fixer a day, The criticism of the fourth Gospel, in-8°, Oxford.,
Dieppe, ou il demeura jusqu'au debut de 1880, sans 1905, p. 2, 28, 31, 200, 256; Journal de Geneve, 8 mai
occuper de fonctions officielles. A partir de Janvier 1908; A.-Reiyss., dans Le Protestant, journal deschre-
1880, jusqu'a sa mort, il occupa la chaire, nouvelle- tiens liberaux, annee 1908, p. 155-156; la Revue de Vhis-
ment fondee, de 1'histoire des religions au College de toire des religions, juin-juillet 1908; la Revue chre-
France. En 1886, il fut nomme, en outre, president de tienne, l er juin 1908, p. 521. L. FILLION.
la section des sciences religieuses a 1'Ecole des Hautes
Etudes. — M. Albert Reville a beaucoup ecrit sur la RHAMNUS (hebreu : 'dtdd; Septante : pafivo?;
theologie, 1'exegese et 1'histoire des religions. Ses Vulgate : rhamnus; hebreu :sdmir; Septante :-/£paoi;,
principales O3uvres exegetiques sont les suivantes : une y_6pTO?, aypwo-Tt; 3Xr,v; Vulgate: vepres, spina, spinse-},
traduetion francaise dulivre d'Olshausen sur I'Authen- plante epineuse.
ticite du Nouveau Testament, in-8°, 1851; Etudes cri- I. DESCRIPTION. — Ce genre, connu aussi sous le nom
tiques sur VEvangile selon saint Matthieu, in-8°, vulgaire de nerprun, est le type d'une fami/le compo-
Leyde, 1862; La Vie de Jesus de M. Renan devant les see d'arbrisseaux souvent epineux, soit que leur&
orthodoxes et devant la critique, in-8°, Paris, 1863; rameaux se terminent en pointe, soit que les stipules
L'enseignement de Jesus-Christ, in-8°, Paris, 1870; se transforment en aiguillons de forme tres caracte-
Une nouvelle vie de Jesus par le P. Didon, in-8°, Paris, ristique. Voir PALIURE, t. iv, col. 2057. Les fleurs se
1891; Jesus de Nazareth, 2 in-8«, Paris, 1896, 2" edit., distinguent aisement par leurs petales tres petits et
1906; De Jesu Christo colloquium doctum, in-8°, Paris^ libres avec autant d'etamines superposees. Le fruit se-
1898. Son Histoire du dogme de la divinite de Jesus- compose de 2 a 4 noyaux ordinairement recouverts par
Christ, in-12, Paris, 1869, 5« edit., 1906, est egalement une pulpe peu abondante. Les nerpruns sont des arbris-
a signaler, ainsi qu'un nombre considerable d'articles seaux tres rameux, a feuilles coriaces et parfois per-
publics dans la Revue des deux mondes, 1863-1876, sistantes, croissant sous le couvert des bois ou sur les
dans la Revue de 1'histoire des religions, 1884-1906, flancs escarpes des montagnes. — Les especes de Pales-
et dans d'autres recueils, sur 1'histoire d'Israel, les tine peuvent se ranger en deux series, suivant qu'elle&
livres prophetiques et les livres poetiques de PAncien sont inermes ou spinescentes. Dans la premiere figure
Testament,lesEvangiles, 1'Apocalypse, etc. — A . Reville PAlaterne (Rhamnus alatemus L.), bel arbuste glabre
appartenait a 1'extreme gauche du protestantisme libe- et toujours vert, repandu sur le littoral phenicien, qui
108o RHAMNUS — RHEGIUM 1086
se distingue de ses congeneres par ses fleurs toutes plante nolablement differente, le Rhamnus. Ibn-El-
pentameres et disposees en petites grappes; et en outre Beithar, Traite des simples, dans Notice et extraits des
une espece des escarpements du Liban (Rhamnus Liba- manuscrits de la Sibl. nationals, t. xxv, l re partie,
notica Boissier), a feuilles caduques, couvertes sur les 1881, p. 482-483. La traduction arabe de Dioscoride, eod.
deux faces d'un tomentum jaunatre, et pourvues de ner- loco, p. 484, dit expressement : Rhamnos c'est Yaus-
vures tres rapprochees. — La 2e serie comprend de sedj. Le supplement de Dioscoride dit que pour les
nombreuses especes, decrites aussi par Boissier, a fleurs Africains le Rhamnus, c'est Vdtdd. PdjjLvoc' 'A^poi
ordinairement tetrameres et disposeesen fascicules : le AtaStv. Dans son commentaire sur le Traite Schebiit
Rhamnus petiolaris, a feuilles et rameaux presque tous du Talmud, vii, § 5, Maimonide entend egalement par
opposes, croit dans les forets de montagne, ou ses \"dtdd le nerprun ou le rhamnus. 0. Celsius, Eiero-
graines sont recoltees pour la teinture et envoyees en botanicon, in-8°, Amsterdam, 1748,1.1, p. 201. Les Sep-
Europe sous le nom de graines de Perse; le Rhamnus tante et la Vulgate traduisent egalement par pa^oc,
punctata (fig. 230) a feuilles coriaces, entieres et revo- rhamnus, le mot 'dtdd dans les deux endroits ou il
lutees sur la marge, veloutees en-dessous et ordinai- se presente. Jud., ix, 14-15; Ps. LVIII (LVII), 10.
rement pourvues de glandes ponctuees-translucides; F. Buhl, Hebr. Handworterbuch, in-S°, Leipzig, 1895,
le Rhamnus oleoides (fig. 231), dont le feuillage persis- p. 23; Fr. Brown, Hebrew and English Lexicon, in-8°,
tant rappelle celui de 1'olivier; enfin le Rhamnus Pa- Oxford, 1905, p. 31, voient dans Vdtdd le nerprun ou
liRstina, voisin du precedent, dont il se distingue par rhamnus, dont les especes sont abondamment multi-
leslegeres crenelures de ses feuilles. F. HY. pliees en Palestine.
II. EXEGESE. — 1° Le mot 'dtdd se rencontre en deux 2° Lesdmir, plante epineuse dont le'nom revienthuit
passages de la Bible hebraique. Dans 1'apologue de fois dans Isai'e, v,6; vn,23, 24, 25; ix, 17, x, 17; xxvn,
Joatham, Jud., ix, 14-15, ou les arbres veulent elire 4, est plus generalementidentitle avec le Paliure. Voir
un roi; sur le refus de 1'olivier, du figuier et de la t. iv, col. 2057. Cependant sous le nom de samur, les
vigne, la royaute est offerte au 'dtdd. « Si vraiment Arabes comprennent souvent avec le Paliurus aculea-
vous voulez m'etablir roi, repond ce dernier, venez, tus, d'autres rbamnees, en particulier le Rhamnus
confiez-vous a mon ombrage, sinon un feu sortira de punctata, le Rhamnus oleoides et ses varietes. II exister
l"dtdd et devorera les cedres du Liban. » Tous les in- du reste, de grandes ressemblances entre ces deux
terpretes voient dans le 'dtdd un arbuste ou buissbn genres et meme a~vec le Zizyphus SpinaChristi. Toutes
epineux, symbole d'Abimelech, proclame roi par les ces especes sont des rhamnees.
habitants de Sichem, qui ne pourra que blesser et Le nerprun ou rhamnus etait et est Ires abondant
nuire. Semblable au buisson d'epines, facile a prendre en Palestine. Les buissons de eelte epine se voient
feu, il communiquera la flamme aux cedres et aux frequemment autour de Jerusalem. P. Belon, Observa-
plus beaux arbres de la foret, qui figurent les plus tions de plusieurs singularitps, in-4°, Paris, 1588,1. Ill,
riches et les plus honorables citoyens de Sichem. c. LXXVIII, p. 309. Dans ces regions les habitants se
U'atdd se rencontre aussi dans une locution prover- servent de ces branches tortueuses et epineuses pour
biale, Ps. LVIII (LVII), 10, que n'ont pas bien rendue les entretenir le feu : elles donnent une large et belle
Septante et la Vulgate : flamme. C'est parmi ces branches, sans doute entassees
dans la cour pour alimenter le feu, que les soldats
Avant que vos marmites sentent les epines ('dtdd), durent choisir les epines qui servirent a tresser la
Vertes ou enflammees 1'ouragan les emportera. couronne de Jesus-Christ. Quelques epines analysees
ont revele le Zizyphus spina Christi ou jujubier (t. HI,
C'est une allusion a la coutume des Bedouins de
col. 1861). 11 est possible que d'autres parties de la cou-
suspendre leurs marmites sur un tas d'epines, affa-
ronne appartinssent a des especes diverges de Rham-
cheesaux buissons environnants, auxquelles ils mettent
le feu. Qu'un coup de vent violent s'eleve, il eteint le nees. E. LEVESQUE.
feu et disperse les epines enflammees ou non.
RHIiGlUM (grec : 'P-^ytov), ville de 1'Italie meri-
De nombreuxauteurs identifient cette planle epineuse
dionale (fig. 232), dans 1'antique province romaine du
avec le lyciet. Voir t. iv, col. 443. Mais d'autres pre-
Brutium, Tite-Live, xxiv, 1, actuellement la Calabre,
ferent le rhamnus ou nerprun. Sans doute le terme
en face de la pointe sud-est de la Sicile, Pline, H. N.f
arabe , * o * 'aussedj, qui sert a rendre I'dtdd he-
HI, 14, a 1'entree du detroit de Messine lorsqu'on y
breu, s'applique au lyciet, mais il signifie aussi le penetre en venant du sud. Aujourd'hui, jReggio. Le
Rhamnus. Ibn-El-Beithar parlant du Rhamnos de Dios- fameux rocher de Scylla se voyait a quelque distance
coride distingue trois especes de 'aussedj dont les deux au nord de Rhegium,tandis que le gouffre de Charybde
premieres sont des Lycium, mais la troisieme, une etait pres de Messine.
RHEGIUM — RHODES
1° Histoire de Rhegium. — C e t t e ville fut, a 1'ori- besoin pour franchir le detroit. Ce trait, et aussi le sui-
f ine, une colonie qui parait avoir etc fondee entre les vant, d'apres leque la brise fut si favorable, qu'onalla
annees 730 et 710 avant J.-C., par des loniens venus'de de Rhegium a Pouzzoles en vingt-quatre heures, sont
Chalcis en Eubee, Strabon, vi, p. 257, Biodore de Sic., interessants a noter, parce qu'ils demontrent laparfaite
xiv, 40, auxquels s'adjoignirent plus tard des Doriens exactitude du narrateur. Dans Tantiquite, lesvaisseaux
qui avaient emigre de Messene, dans le Peloponese, devaient souvent attendre longtemps a Rhegium un
apres Tissue malheureuse des deux guerres de la Sicile vent qui leur permit de lutter contre les eourants du
avec Sparte (710 et 630 avant J.-C.). Son histoire fut detroit, tres violents sur certains points. C'est precise-
d'ailleurs melee plusieurs fois, pour son pfopre ment pour ce motif que la ville avait pris comme pro-
malheur, a celle deMessine. Au vie et au ve siecle avant tecteurs les Dioscures, regardes comme les patrons des
notre ere, Rhegium fut une cite importante, au com- marins. — « En enlevant [il y a quelques annees], a Reg-
merce tres florissant, grace a son admirable situation gio, les decombres d'une maison detruite par un trem-
maritime, qui faisait d'elle Tescale obligatoire desvais- blernent de terre, on a decouvert au-dessous les ruines
seaux qui allaient du sud et de 1'ouest de la Mediterra- d'un temple de Diane, dans 1'atrium duquel saint Paul
nee vers Naples et vers Rome. L'an 387 avant J.-C.. aurait preche, d'apres la tradition, en 1'an 61, lors de
elle cut beaucoup a souffrir du tyran Denys Ier de Sy- son passage dans cette ville. » F. Vigouroux, Le Nou-
racuse, auquel, apres un siege de plusieurs mois et veau Testament et les decouvertes archeologiq. mo-
une vive resistance, elle fut obligee de se rendre, dernes, 2e edit., in-12, Paris, 1896, p. 347. — Voir Kie-
pressee par la famine. Diodore de Sicile, xiv, 107-112. pert, Alte Geographie, § 399, p. 462; W. Smith,
Elle se soumit a Rome un siecle plus tard (282 avant Dictionary of Greek and Roman geography, t. n,
J.-C.); mais, deux ans apres, la garnison campanienne p, 703-706. L. FILLION.
qu'elle avait introduite dans ses murs pour se defendre
RHEUM (hebreu : Rehum, voir REHUM, col. 1024;
Septante : 'Pao'jjj.), un des pretres qui revinrent de
la captivite de Babylone avec Zorababel. IIEsd., XH, 3.
II parait etre le meme que celui qui est nomme, Harim
(Vulgate, Haram), x, 15. Voir HA.RIM 3, t. iv, col. 430.
238. — Le Bir Ayub au moment du ctebordement. Le puits est a gauche. D'apres une photographie de M. L. Heidet.
1872, p. 305; Armstrong, Names and Places in the d'Ozias, il duf etre enseveli sous les decornbres de
Old Testament, Londres, 1887, p. 57; Conder, The Feboulement de la montagne voisine qui recouvrirent
Stone of Zoheleth, dans P. E. F. Quarterly State- tout le jardin du roi. Cf. Ant. jud., IX, x, 4. A
ment, 1889, p. 90. 1'approche de Sennacherib, Ezechias fit ob.struer et re-
Les raisons exposees en faveur de 'a'in Umm ed-* couvrir toutes les fontaines des alenlours de Jerusa-
Derajd, n'ont pas paru peremptoires a tous et un lem. II Par., xxxm, 3-4. Les memes precautions durent
nombre respectable de critiques et d'archeologues con- etre prises en 70 et en 132, lors de 1'approche des
tinuent a defendre 1'ancien sentiment, en faitant re- armees romaines de Titus et d'Adrien. En 1182, le Bir
marquer la faiblesse de ces raisons. — 1. Si le nom de 'Ayub etait a retrouver. Par suite de la secheresse,
Zoheleth, disent-ils, a ete porte par la partie rocheuse 1'eau faisait completement defaut. Un bourgeois franc
de la montagne qui s'etend au nord du village aettieV de Jerusalem, nomme « Germain, avoit oui' dire aux
de Siloan, on ne comprend pas que cette appellation anciens hommes de la terre, raconte le continuateur
ait ete bornee a cet endroit et n'ait pas ete donnee a de Guillaume de Tyr, xxn, 1, t. cci, col. 896-897, que
toute la masse rocheuse jusqu'au Bir 'Ayub ou elle de jouste la fontaine de Siloe avoit un puis ancien
s'etend et meme aa dela. C'est le nom du village, il y a que Jacob (Job? Joab?) y fist et esloit couvert et em-
tout lieu de le croire, qui fait reculer le nom de pli... Si fi fouir tant que on trouva le puis. Quant il
Zuheileh a mesure que les habitations s'etendent da- 1'eut trouve, le fist vuider et maconner de neuf et tout
vantage vers le nord. Voir ZOHELETH. — 2. Chez les q ses cous. Puis fit faire par-dessus une roe (noria).
Hebreux, comme chez les Arabes et generalement tous ...Cet puis avoit bien L toises (pres de cent metres)
les autres Semites, un puits au fond duquel sort une et plus de parfont, puis le depeeierent et emplirent,
source est indifferemment nomme 'en 'am ou be'en, quant ils oirent dire que le Sarazin d'Egypte venoit la
bir. Ainsi le « puits profond », 9psap... pa9-j, puteus... cite asegier. » — Un fait analogue, dont la date n'est
altits, ainsi designe, Joa., iv, 11, est appele, j/. 6, « la pas precisee, est rapporte par Mugir ed-Din, dans son
source de Jacob », 71^ TOU 'Iaxw6, fons Jacob; le iiistoire de Jerusalem et d'He'bron, edit, du Caire,
1111 ROGEL (FONTAINE DE) — ROHOB 1112
1283 (1866), p. 408. L'auteur serable confondre la res- courant, qui pendant les hivers de pluies tres abon-
tauration avec 1'origine de Bir 'Ayub. L'existence de dantes, se perpetue de trois a quatre mois. A quelques
la fontaine au confluent du Cedron et d'Hinnom etant pas au sud-ouest, sous la montagne d'Haceldama, est
attestee par Josue, 1'ceuvre du patriarche Jean, n'a pu une piscine ancienne, peut-etre celle a laquelle font
etre qu'une decouverte du m&me genre, s'il s'agit tou- allusion Eusebe et saint Jerome. Tout a cote, une petite
tefois du meme puits, ce que contestent quelques-uns. mosquee a coupole tombe de delabrement.
Cf. R. von Riess, Bibel-Atlas, 1887, p. 23. III.HISTOIRE. — l°Chusai, undes conseillers de David,
5. Le temoignage des pelerins posterieurs au xiii«sie- s'etait charge d'informer David en fuite des desseinsde
cle, epoque ou un grand nombre des anciennes tradi- son fils revolte, Absalom. Achimaas (t. i, col. 139), fils
tions s'egarent, est de peu d'autorite par lui-meme. du grand-pretre Sadoc et Jonathas, fils du grand-pretre
S'ils placent le chene de Rogel pres de la fontaine de Abiathar, etaienl alles se cacher pres de la fontaine de
Siloe, ou plutot pres de 1'embouchure du canal, c'est Rogel, pour y attendre les informations que devaient
sur une interpretation contestable des anciens recits. leur communiquer leurs peres. Une servante envoyee
Cf. Pseudo-Epiphane, De vitis prophetarum, loc. cit. par ceux-ci vint les y trouver, pour leur faire connaitre
Les indications de ceux-ci sur la fontaine voisine du lieu les resolutions prises par les rebelles et, en meme
du martyre ou de la sepulture d'lsai'e : 1'apparition sou- temps, les avis de Chusaii a David. Us furent apercus
daine des eaux, en un endroit ou elles furent recouvertes par un jeune garcon qui les denonca a Absalom. Ce-lui-ci
par ordre du roi Ezechias, par consequent avaient etc les fit poursuivre inutilement. II Reg., -XVH, 17-18. —
en dehors de la ville; leur reapparition a 1'anniversaire 2° Quelques annees plus tard, Adonias, avait forme le
de la mort du prophete et quelques autres indices projet de s'emparer du trone de son pere David, au de-
semblent Men se rapporter, comme celui d'Antonin, au triment de Salomon; il invita ses principaux affides, a
Bir 'Ayub. Ces documents, on n'en peut guere douter, la tete desquels etait Joab, a un grand banquet, pres de
donnent le nom de Siloe au Bir Ayub lui-meme. Au- la fontaine de Rogel, a la pierre de Zoh^leth. Ill Reg., l(
jourd'hui toute la region appartenant aux habitants de 9. On sait comment le complot echoua. Voir ADONIAS 1,
Siloan, dans laquelle se trouve Bir 'Ayub, est appelee t. i, col. 225. — 3°Au grand tremblement de terre qui,
Siloe. Le puits lui-meme est frequemment designe du sous le roi Ozias, ebranla Jerusalem et tout le pays,
meme nom. L'auteur du Jichus ha-Abot, observait, Amos, i, 1; Zach., xiv, 5, la montagne qui est a 1'occi-
en 1569, que « la partie inferieure de la vallee[de Josa- dent d'Eroge se fendit; un immense eboulement se
phat] porte aussi le nom de Silo6, parce que les eaux produisit, Ant. jud., IX, x, 4. La fontaine dut alors
dccoulent de la et qu'on y lave les veHements. » Dans disparaitre. — 4°Remis en ordre, Rogel, par le charme
Carmoly, Itineraires de la Terre Sainte traduils de de ses eaux et de ses jardins, devint un centre d'idola-
I'hebreu, Bruxelles, 1847, p. 442. Saint Jerome, In Jer., trie. VoirTopHETH. C'est parce qu'Isai'e voulait s'opposer
vii, 32, t. xxiv, col. 735, donne le nom de « fontaines de a ces dehordements qu'au meme endroit il fut, suivant
Siioe » a toutes les fontaines qui arrosent la region ou la tradition talmudique, Yabamoth, 496, par ordre du
est le Bir 'Ayub. Cette appellation ue peut done tirer roi Manasse, scie en deux avec une scie de bois. Cf. Vit.
a consequence centre 1'identite de ce puits avec f£n- prophet., t. XLIII, col. 397; Actasanct., t. iijulii, p. 252.
Rogel, — Cf. Riess, Biblische Geographie, 1872, p. 75; Voir ISA'I'E, t. in, col. 944-945. — 5° Depuis le XVP sie-
C. Schick, dans P. E. F. Quarterly Statement, 1886, cle, le « puits de Job » devenu pour les pelerins le
p. 56; Namenliste und Erlauterungen, dans Zeitschrift ~« puits de Nehemie », ou les pretres, avant le depart
des 'deutschen Paldstina-Vereins, t. xvni (1895), p. 153; pour 1'exil, auraient cache le feu sacre, et ou, au retour,
Guy le Strange, Palestine under the Moslems, Lon- on aurait trouve 1' « eau epaisse » qui, repandue sur
dres, 1890, p. 221; Socin-Bsedeker, Palestine et Syrie, 1'autel, mit le feu au bois du sacrifice. II Mach., I, 19-
Leipzig, 1882, p. 241; J.-M. Lagrange, Topographie de 22; cf. NEPHTAR, t. iv, col. 1597. Cette identification n'a
Jerusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 32; aucun fondement. — Voir G. Williams, The Holy City,
Dr Sepp, Neue hochwichtige L'ntdeckungen auf der 2" edit. in-8°, Londres, 1849, t. n, p. 489-495 et Sup-
sweiten Paldstinafahrtf in-8°, Munich, 1896, p. 130. plement, p. 54-56; Titus Tobler, Topographie von
II. DESCRIPTION. — Le Bir 'Ayub est a 106 metres Jerusalem, in-18, Berlin, 1854, t. n, p. 50-61.
au-dessous de 1'esplanade du Temple et sa profondeur L. HEIDET.
actuelle n'est plus que de 30 metres. II est construit ROGELIM (hebreu : Rdglim, « [lieu ou habitent]
en grosses pierres, d'apparence tres ancienne, et offre les foulons »; Septante : TwyeXXiV)) localitedu paysde
une grande ressemblance avec les puits de Bersabee. Galaad, ou demeurait Berzellaii, un de ceux qui appor-
Une vieille construction voutee, a laquelle est annexee terent des provisions a David fuyant devant Absalom.
au nord une salle de priere pour les musulmans, en II Reg., xvn, 27; xix, 31. Voir BERZELLAI 1,1.1, col. 1638.
abrite 1'orifice. Parmi les pierres dont est forme ce Le site exact de RogeJim est inconnu.
batiment, on en remarque de taillees en bossage dont
les unes remontent au moyen age, d'autres beaucoup ROGOMMELECH (hebreu :RegemMelek), nomme
plus haut. Des auges en pierre et en maconnerie. dans un passage obscur de Zacharie, VH, 2. Yoir SARA.-
auxquels ont vient abreuver les animaux et laver le SAR 2.
linge, entourent le puits. Le niveau de 1'eau varie avec
les saisons et les annees. Les habitants de Siloan la ROHOB (hebreu : nirn etzifn, Rehob,« spacieux »),
disent intarissable. Ces dernieres annees, quand la
« fontaine des Degres » etait a sec, les porteurs d'eau ve- nom de deux personnes et de trois villes de Palestine.
naient remplir leurs outres au Bir 'Ayub et en alimen- 1. ROHOB (Septante : Taa6), pere d'Adarezer, roi
taient la cite. Ses eaux sont reputees salutaires. Les de Soba. II Reg., vm, 3,12.
annees ou les pluies sont suffisantes, le puits deborde
et 1'eau s'echappe en bouillonnant a quelques metres 2. ROHOB (Septante : Tow6), un des levites qui
plus has, formant un fort ruisseau qui va se perdre a la signerent 1'alliance avec Dieu du temps de Nehemie.
mer Morte (fig. 238). Au premier debordement, les habi- II Esd., x, 11.
tants de Siloam s'empressent de porter en ville les pre-
mices de 1'eau aux personnages de distinction, comme 3. ROHOB (Septante : 'Pooo, 'Powo), localite qui
un temoignage de benediction divine. Toute la ville fut le point septentrional extreme ou se rendirent les
descend alors et la vallee du Cedron ne cesse de reten- douze Israelites envoyes par Moi'se dn desert de Pharan
tir de cris et de chants d'allegresse tant que dure le pour explorer la terre de Chanaan. Num., xm, 22 (21),
4113 ROHOB — ROI
Le texte sacre dit que Rohob est a 1'enlree d'Emalh, dul etre frequemment usite dans 1'onomastique topo-
c'est-a-dire a 1'entree de la valMe qui separe le Liban de graphique de 1'Orient hebreu. Cf. Knobel, Die Genesis,
I'Hernion, et unit la Palestine a la Ccele'syrie. Voir xxxvi, 37, Leipzig, 1860; W. Max Miiller, Asien und
EMATH 1, t. ii, col. 1715. La position de Rohob n'est pas Europa nach altagyptischen Denkmdlern, Leipzig,
connue d'une maniere precise, mais comme il y a tout 1893, p. 134. L'identification de la ville de Rohoboth,
lieu de croire que les explorateurs Israelites ne remon- dont il est question ici, est tres douteuse. Voici les
terent pas au dela de la partie superieure de la vallee opinions principales a ce propos. II y a des auteurs
du Jourdain, 1'indieation des Nombres marque la si- modernes qui cherchent Rohoboth sur les bords de
tuation de Rohob aux environs de Banias (Cesaree de 1'Euphrate, a cause de 1'analogie avec plusieurs autres
Philippe de 1'Evangile) et de Lai's ou Dan (Tell el-Kadi). passages de 1'Ancien Testament, dans lesquelles le
Le renseignement, fourni par le livre des Juges, xvm, mot hebreu : han-ndhdr, « le fleuve », avec 1'article,
28 (cf. Jos., xix, 47), que Lai's etait « dans la vallee qui designe le grand fleuve babylonien, dit « le fleuve par
s'etend vers Beth-Rehob » (Vulgate : in regions Rohob) excellence ». Gen., xxxi, 21; Exod., xxm, 31; plus plei-
confirme cette opinion. On ne peut douter que )a ville nement, Gen., xv, 18; Deut., i, 7; xi, 24; Jos., i, 4; et,
de Beth-Rehob et Rehob (Rohob) ne soient identiques, poetiquement, meme sans Particle, Is., vii, 20; Jer.,
puisque le second livre desRoisouII Sam., x,l'appelle n, 18; Mich., vii, 12; Zach., ix, 10; Ps. (hebreu), LII,
indifferemment Beth-Rehob, f . 6, et Rehob tout court. 8. Voir EUPHRATE, t. n, col. 2046. Dans ce cas, Rohaboth
jf. 8. Beth-Rohob devait done etre a 1'extremite de la pourrait 6tre identifie avec Rahaba, sur le bord occi-
vallee au dela de Dan, c'est-a-dire a la grande source dental du fleuve, un peu au sud du Chaboras. Cette
du Jourdain a Banias. F. Buhl, Geographie des alien opinion, suggeree par des raisons principalement phi-
Paldstina, p. 240. — De 1'histoire de Rohob, nous lologiques, trouve un certain appui sur 1'autorite de
savons seulement qu'il y avait la, du temps de David, Benjamin de Tudele, de Burckardtet d'Edrisi, cites par
un pelit roi qui fournit un certain nomtre de soldats Gesenius, Thesaurus, t. n, p. 1281.
mercenaires a Hanon (t. HI, col. 419), roi des Ammo- D'autres, qui n'insistent pas sur 1'attribution exclu-
nites, pour resister aux attaques de Joab, general de sive du mot han-ndhdr al'Euphrate, preferent chercher
David. Quand Joab s'avanca contre les gens de Rohob Rohoboth entre la Palestine et 1'Egypte, sur les bords
et cOntreles autres Syriens de Soba, de Tob et de Maa- A&Youadi el 'Arisch, qui, dans ce cas, serait le han-nd-
cha, ils prirent tous la fuite. II Reg., x, 6-14. hdr des textes en question et « le Torrent d'Egypte » de
Num., xxxiv, 5. Cf. Winckler, Geschichte Israels, 1896,
4. ROHOB (Septante : Tad6; Alexandrinus: 'Powg), 1.1, p. 192. Cette opinion se rapproche plus que 1'autre de
ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 28. Elle etait situee 1'opinion traditionnelle, que 1'on peut regarder comme
d'une part entre Abran (inconnue, 1.1, col. 89), et d'au- representee par Eusebe et par saint Jerome. Onomas-
tre part, entre Hamon (proVniblement Umm el-Awdmid, ticon, t. xxm, col. 915. D'apres eux la ville de Rohoboth
t. in, col, 1409) et Cana (de Phenicie) qui porte encore dont il est question ici se trouvait dans la Gebalene,
aujourd'hui son nom antique (t. n, col. 105). On peut c'est-a-dire dans le district qui comprenait toute la
I'idenliner avec Tell er-Rahib. Voir la carte d'AsER, partie septentrionale des montagnes de 1'Idumee.
1.1, col. 1085. — Rohob devint une ville levitique,attri- Ps. LXXXII, 8. Cf. Notitia dignitatum, c. xxix. Au
buee aux descendants de Gerson. Jos.,xxi, 31; I Par., iva siecle de notre ere^ elle etait une grosse bourgade,
•vi, 75. qui portait encore son ancien nom biblique. Une gar-
nison y avait sa residence. Cf. Onomasticon, loc. cit.
J*. ROHOB (Septante: Taa-0;Alexandrinus: cPac66), Cependant, aujourd'hui on ne saurait indiquer. dans
autre ville de la tribu d'Aser. Jos., xix, 30. Le site en cette region, un terme topographique qui corresponde
est inconnu. Les descendants d'Aser ne reussirent a 1'ancienne ville de Rohoboth. A. MOLINI.
pas a en ehasser les Ghananeens, lors de la conquete
de la Palestine, Jud., i, 31, non plus que des autres ROI (hebreu : rnelek; chaldeen : tnelek; Septante :
villes de la Phenicie, voisines de la Mediterranee, paadcui;; Vulgate : rex], le chef supreme d'un peuple
comme 1'etait probablement Rohob. ou d'un pays.
I. LE NOM DE ROI DANS LA BiRLE. — 1° Le nom de roi
ROHOBIA (hebreu : Rehabydh et Rehabydhu, est souvent donne, surtout dans les anciens temps, a des
« Jehovah a dilates; Septante: 'Paa6i«; Ta6i'a;; Alexan- hommes dont le pouvoir se restreint au commande-
drinus : T«a6i'a;), fils unique d'Eliezer el petit-fils de ment ou a la possession d'une ville ou d'un district.
Moi'se, de la tribu de Levi, I Par., xxiu, 17; xxiv, 21 ; Ainsi en est-il des rois de Sodome, de Gomorrhe, d'A-
xxvi, 25. Rohobia eut une nombreuse posterite, I Par. dama, de S4bo'im et Segor, Gen., xiv, 2, de Gerare,
xxixi, 17, dont Jesias fut 1'aine et le chef, xxiv, 21 (il Gen., xx, 2, de Jerusalem, d'Hai et de Jericho, Jos,,x,
est appele Isai'e, xxvi, 25). Le nom de Rohobia est ecrit 1, d'Asor, de Madon,d'Achsaph, de Semeron, etc., Jos.,
Rahabia (voir col. 936) dans la Vulgate. I Par., xxvi, xi, 1, 2, et aux differents rois de Chanaan. Jos., XH, 1-
25. 24; Jud., v, 19. — 2° D'autres rois exercent leur pou-
voir sur un territoire plus considerable ou sur des tri-
RONOBOTH (hebreu : Rehobof han-ndhdr ; Sep- bus entieres. Tels sontles rois des Amalecites, I Reg,,
tante : 'Poto8w9 wxpa noTajj-ov; Vulgate : « le fleuve de x\, 8, des Ammonistes, Jud., xi, 28, des Amorrheens,
Rohoboth », Gen., xxxvi, 37; « Rohoboth (ville) situee Jos., xii, 2, de Basan, Jos., xm, 30, d'Emath, II Reg.,
sur le fleuve », I Par., I, 48; Septante : I Par., i, 51), vm, 9, des Idumeens, Gen., xxxvi, 31; des Madianites,
nom d'une ville mentionnee dans le catalogue des rois Jud,, vin, 5, des Moabites, Jos., xxiv, 9, de Sidon, Jer., xxv,
edomites. Gen., xxxvi, 37; I Par., i, 48. La lecon de 22, deSyrie, Jud., m, 10, deTyr, IIReg., v, 11, etc. —3° A
2'hebreu et des Septante, Gen., xxxvi, 37, est prefe- plus forte raison, ce nom convient-il aux chefs des
rable a celle de la Vulgate, ainsi que le demontre la grands etats,au roi d'Egypte, Exod., I, 8, 15,17,designe
comparaison des textes paralleles, Gen., xxxvi, 37 et habituellement sous le nom de « pharaon », aux rois
I Par., i, 48, dans la Vulgate meme ; et dans 1'opinion d'Assyrie, de Chaldee, de Perse, etc. Ceux-ci, pour se
du traducteur saint Jerome, De situ et nom. locor: dlstinguer des rois secondaires qui sont souvent leurs
hebr., t. xxiu, col. 915. vassaux, renforcent leur litre. Le roi deBabylone s'ap-
Le mot Rehobof, « amples espaces »,est un pluriel fe- pelle nielek meldkim,,'« roi des rois », Ezech., xxvi,
minin derive de la racine hebraique rdfyab, « etre spa- 7r c'est-a-dire celui qui lient les autres rois sous sa
cieux». A cause de sa signification etymologique, cenom puissance. Le titre chaldeen de melek malkayyd', qui
1115 ROI J116
signifle la meme chose, est attribue au roi de Babylone, Les rois devaient se contenter d'y maintenir et d'y
Dan., n, 4, et a celui des Perses. I Esd., vn, 12. Le defendre leur peuple. — 2. Que le roi se garde de mul-
roi d'Assyrie prend le titre de ham-melek hag-g&dol, tiplier a son usage les femmes, 1'argent et 1'or. II ne
«le grand roi x>. Is., xxxvi, 4. En assyrien, le titre de fallait pas qu'il imitat, sous ce rapport, les exces des
Sarru est superieur a celui demalku. Les princes baby- princes orientaux, que 1'abus des plaisirs rend incapa-
loniens le prennent, comme on le voit dans le proto- bles de bien gouverner. — 3. Le roi copiera le livre de
cols duroi Hammourabi, et memese nomment sar sar- la loi, le meditera assidument et conformera sa vie aux
rdnu ou sarru rabu, litres qui correspondent aux preceptes divins. Le gouvernement d'lsrael ne doit pas
tilres hebreux de « roi des rois » ou de « grand roi ». cesser d'etre une theocralie, et la loi de Jehovah ser-
— 4° II etait naturel que le titre de roi fut attribue a vira au roi de regie inviolable. — Les prescriptions de
Jehovah paries ecrivains sacres. Ps. v, 3; XLIV (XLIII), Moise ne portent que sur des points fondamentaux.
5; I.XVIII(LXVH), 25; LXXIV (LXXIII), 12; LXXXIV (LXXXIII), mais tres generaux. Si ce passage du Deuteronome avait
4; Is; vi, 5; xxxm, 22; xun,'.15; Jer., XLVIII, 15; Zach., ete ajoute a 1'epoque des rois; on y trouverait certaine-
xiv, 9. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions semiliques, ment beaucoup plus de details, tels, par exemple, que
Paris, 1905, p. 99-109. Dieu est le « grand roi», Ps. XLVIII ceux qui se lisent dans le discours de Samuel sur la
(XLVII), 3; Matth,, v, 35, le « roi des rois », I Tim., vi, royaute. I Reg., vin, 11-17.
15; Apoc., xix, 16, le «. roi de gloire », Ps. xxiv (xxm), 2° L'elablissement de la royaute. — 1. Pendanltrois
7-10, le « roi -de Jacob », Is., XLI, 21, le « roi d'lsrael», siecles et derni (de 1453 a 1095), les Hebreux se passe-
Deut., xxxm, 5; Is., xuv, 6, le « roi immortel des rent de rois. La remarque en est faite a plusieurs
siecles », I Tim., i, 17, etc. — 5° Le nom de roi est reprises dans 1'histoiredes Juges, xvn, 6; xvm, 1; xxi,
aussi donne quelquefois aux idoles. Am., v, 26; Soph., 24, pour bien montrer que les sauveurs que Dieu sus-
i, 5. Job, xvin, 14, appelle poetiquement la mort le citait periodiquementau milieu de son peuple n'avaient
« roi des epouvantemenls >>. — Pour ce qui concerne qu'une mission temporaireou locale etneressemblaient
les rois des differents peuples autres que les Hebreux, pas aux rois des villes ou des nations environnanles. A
voir les articles consacres a ces rois et a ces peuples. cette epoque, chacun Msait ce qui lui semblait bon et
II. ORIGINE DE LA ROYAUTE EN ISRAEL. — 1° La pre- personne ne commandait. — 2. Samuel exerca un pou-
vision de Mo'ise. — Les nomades n'avaient pas de rois, voir plus regulier et plus durable. I Reg., vn, 15-17.
mais seulement des chefs de tribus ou de families'. Les Mais ce pouvoir n'avait pas de caractere militaire,
populations sedentaires etaient, au contraire, ordinaire- comme il eut ete necessaire pour tenir constamment
ment gouvernees par des rois. Les anciens patriarches les ennemis a distance et centraliser contre eux les
s'etaient souvent trouves en contact avec les rois des efforts des tribus. De plus, Samuel devenait vieux et
districts qu'ils traversaient, et les Hebreux eux-memes la conduite de ses fils n'etait rien moins que recom-
avaient vecu longtemps en Egypte, sous le regime des mandable. 1 Reg., vin, 3-4. C'est alors que le peuple
pharaons. Us ne pouvaient songer a se donner un roi im- demanda a avoir un roi « comme toutes les nations »,
mediatement apres leur depart de la lerrede servitude. Cf. Deut., xvn, 14. Celte requete deplut a Samuel, pro-
Mais le desir d'en mettre un a leurtete nepouvait man- bablement pour des raisons qui le touchaient person-
quer deleur venir un jour, quand ils seraient etablis en nellement, comme le donne a supposer la parole de
Chanaan. II etait done tout naturel que Moi'se previt Jehovah : « Ce n'est pas toi qu'ils rejettent, c'est moi. »
cette eventualite dans sa legislation. C'est ce qu'il fit. I Reg., VIH, 7. II suit de la que, bien que prevue et
Deut., xvn, 14-20. D'ailleurs, 1'idee de royaute Israelite legitime en soi, la requete impliquait un sentiment dont
avail deja ete evoquee bien anterieurement, quand Dieu Dieu avait le droit de se plaindre. On complait moins
avait predit a Abraham que de Sara sortiraient « des sur son secours que surle savoir-faire du roi qui serait
rois de peuples », Gen., xvu, 16, quand Jacob avait choisi. Ose., xm, 10-11. Cf. Zsehokke, Historia sacra,
parle du « sceptre » et du « baton de commandement» Yienne, 1888, p. 198. Avantd'acceder au desir du peuple,
de ,luda, Gen., XLIX, 10, et que Balaam avail entrevu leprophete eut ordre de lui faire conriaitre les charges
le sceptre s'elevant d'lsrael. Num., xxv, 17. Dans un qui peseraient sur lui par le fait de la royaute. Le peuple
autre passage, le Deuteronome, XXXVHI, 36, fait encore aura a fournir au roi des soldats, des serviteurs, des
mention du roi que le peuple hebreu aura mis a satete. cultivateurs, des ouvriers, des parfumeuses, des cuisi-
II n'y a done pas de raison serieuse pour attribuer a une nieres, des boulangeres, puis des terres, des dimes,
epoque contemporaine des rois ce que Moi'se dit de la des troupeaux, sans compler tout ce que le roi pren-
royaute future. II n'impose pas cette institution; il dra de force. I Reg., vin, 11-18. Telles etaient les char-
prevoit seulement qu'un temps viendra ou, a 1'exemple ges que les rois voisins imposaient a leurs sujets : telles
des peuples de leur entourage, les Hebreux voudront sont celles que les meilleurs rois, David, par exemple,
avoir un roi. II formule done quelques prescriptions ne pourront se dispenser de faire peser sur leur peuple.
a cet egard. La premiere concerne le peuple lui-meme : Les Israelites ne s'emurent pas des predictions de
il ne pourra se donner pour roi un etranger, mais il Samuel. Ils persisterent dans le desir d'avoir un roi
prendra un de ses freres, celui que Jehovah aura choisi. pour les gouverner, les conduire a la guerre et mettre
Ainsi sera ecarte le peril d'un prince qui entrainerait ainsi leur nation au meme niveau social que les nations
Israel hors de sa vocation. Trois autres prescriptions d'alentour. Jehovah ordonna a Samuel d'acceder au
regardent le roi lui-meme. — 1. Qu'il n'ait pas un desir du peuple. Si, malgre sa repugnance, le prophete
grand nombre de chevaux et ainsi n'ait pas 1'idee de n'avait pas tout d'abord oppose un refus formel a la
ramener le peuple en Egypte pour en avoir beaucoup. demande des Israelites, c'est vraisemblablement par-
Cet article n'a pu etre libelle qu'a une epoque ou le ceque les dispositions eventuelles reglees par Moi'se lui
peuple tournait encore avec regret ses regards du cote etaient connues. — 2. Ces dispositions supposaient un
de 1'Egypte, comme il fit plusieurs fois au desert. roi choisi par Jehovah. Deut., xvn, 15. L'election du
Exod., xiv, 11, 12; xvi, 3; Num., xi, 5; xiv, 3, etc. premier roi fut conforme a la prescription mosai'que.
Pareil regret ne revint jamais aux Hebreux quand ils Dieu lui-meme indiqua Saul a Samuel, I Reg., ix, 16;
furent installes en Chanaan. Les chevaux n'etaientguere il prit soin ensuite que le sort designat publiquement
employes alors que pour la guerre. En prohiber la celui qu'il avait choisi. I Reg., x, 20-24. Sans doute,
multiplication, e'etait done interdire aux futurs rois Dieu n'entendait pas designer ainsi chacun de ceux
les expeditions lointaines et les guerres de conquetes. qui regneraient sur son peuple. II se contentait de
La Palestine etait un pays accidente et facile a defen- choisir le chef de la dynastie qui devait fournir les
dre sans le secours des chars. Ill Reg., xx, 23, 28. rois, C'est pourquoi, apres le rejet de Saiil, il intervint
1117 ROI
de nouveau pour designer le chef de la dynastie defi- Saul, David, et pour Jehu en Israel, d'assurer une suc-
nitive. — 3. Apres la proclamation de Saul, Samuel cession contestee, comme ce fut le cas de David quand
exposa au peuple la charte de la royaute, qui reglait tout Israel le proclaim roi, II Reg., v, 3, de Salomon
les droits et les devoirs du roi, et il 1'ecrivit dans un et plus tard de Joachaz, menace par le pharaon Nechao
livre qui fut depose devant Jehovah. Get ecrit rappelait dans les droits que le peuple lui avait conferes, entin
probablement les dispositions arretees par Moiise et en de retablirune succession legitime interrompue, comme
ajoutait d'aulres plus detaillees, comme 1'exigeaient on fit pour Joas. L'onction etait valable pour tous les
les circonstances. La principale recommandalion devait descendants legitimes du roi, de meme que la premiere
concerner la fidelite que le roi et le peuple etaient tenus onction sacerdotale recue par les fils d'Aaron avait
de garder a Jehovah, comme 1'indique si formellement suffi pour tous les pretres de sa descendance. Aussi le
fe discours d'adiea du prophete, I Beg., xii, 13-17. nom d'« oint du Seigneur » pouvait-il etre donne a tout
HI. AVENEMENT DU ROI. — 1° Choix du roi. — La loi prince legitime. Voir ONCTION, t. iv, col-1808.
voulaitqueleroi fut choisi par Jehovah. Deut., xvn, 15. 4° Manifestations populaires. — Des marques pu-
II en fut ainsi pour Saul, I Reg., ix, 16, et pour David. bliques de satisfaction accompagnent la proclamation
I Reg., xvi, 3,12. Le choix de David ne fut pas seulemenl de certains rois. Quand Saul estpresente au peuple par
personnel; il porta sur toute sa dynastie, II Reg., vii, Samuel, on crie : « Vive le roi! » Un cortege d'hommes
12, 15, 16, qui regna en effet jusqu'a la prise de Jeru- importants conduisent 1'elu a sa maison et on lui offre
salem. Dieu intervint egalement pour assigner a Jero- des presents. I Reg., x, 24-27. Les partisans d'Adonias
boam le royaume schismatique d'Israel, III Reg., xi,31, font un grand festin et crient : « Vive le roi Adonias ! »
et ensuite pour designer Jehu. Ill Reg., xix, 16. III Reg., i, 9, 25. Pour dejouer leur complot, Sadoc et
2° OrAre de succession. — Dans le royaume de Juda, Nathan conduisent Salomon a Gihon et .le sacrent. On
le successeur du roi etait habituellement son fils aine. sonne de la trompette, le peuple crie : « Vive le roi
Toutefois cette regie n'avait rien d'absolu. Adonias Salomon! a puis on accompagne le nouveau roi en
etait bien anterieur par la naissance a Salomon. jouant de la flute et en poussant des acclamations.
II Reg., in, 4. Cependant David eut pour successeur III Reg., i, 38-40. Quand les compagnons de Jehu
Salomon, selon la promesse que lui-meme avait faite a apprennent qu'il a re<;u 1'onction royale, ils se servent
Bethsabee, III Reg., i, 13, et que Dieu semblait avoir de leurs manteaux pour faire un trone au nouveau roi,
approuvee. II Reg., xn, 24, 25. .Roboam assigns aussi sonnent de la trompette et crient : « Jehu est roi! »
la royaute a Abia, qui n'etait pas son aine, II Par.,xi, IV Reg., ix, 13. Les demonstrations sont plus eclatantes
22, et Joachaz fut prefere par le peuple pour succeder pour la proclamation de Joas. Celle-ci a lieu dans e
a Josias, a la place de son frere aine Joakim, qu'on Temple, au milieu des pretres, des grands officiers et
regardait probablement comme trop porte du cote de d'un grand concours de peuple qui temoigne de sa joie.
1'Egypte. IVReg., xxin, 34. D'ordinaire, le fils aine suc- On crie : « Vive le roi! » et Ton fait retentir les trom-
cedait a son pere Par., xxi, 3, meme quand il etait pettes. IV Reg., xi, 9-14; II Par., xxin, 11-13.
encore en bas age. IV Reg., xi, 21. Le peuple intervenait IV. PREROGATIVES ROYAXES. — 1° Insignes de la
parfois pourmaintenir cetordre de succession. IV Reg., royaute. — Les rois portaient un riche costume qui
xxi, 24; XXIH, 30. Vers la fin du royaume de Juda, on les distinguait de leurs sujets. Ill Reg., xxn, 10. Saul
voit le pharaon Nechao assurer a Joakim, fils aine avait au bras un bracelet. II Reg., i, 10. Au temps des
de Josias, la succession de son pere, IV Reg., xxm, 34, Machabees, les vetements de pourpre furent Je signe
et le roi de Babylone etablir a la place du roi Joachin de la souverainete. I Mach., x, 20, 62; xi, 58; xiv, 43.
son oncle Sedecias. IV Reg., xxiv, 17. — Dans le royaume Un diademe ceignait la tete du roi, II Reg., i, 10;
d'Israel. 1'ordre de succession varie beaucoup. Neuf IV Reg., xi, 12, et se portait meme a la guerre. A ce
families differentes fournissent des rois. Deux d'entre diademe s'ajoutait une couronne d'or et de pierres pre-
eux sont designed par des prophetes, Jeroboam 1 et cieuses. II Reg., xii,30; Cant., m, 11; Ezech., xxi, 31;
Jehu. IV Reg., ix, 6. Amri est e'tabli par le peuple. I Mach., x, 20. Voir COURONNE, t. n, col. 1083. Ezechiel,
HI Reg., xvi, 16. Six montent sur le trone apres 1'assas- xix, 11, parle d'un sceptre de bois. Le roi de Perse avait
sinat de leur predecesseur, Baasa, III Reg.,xv, 26, un sceptre d'or. Esth., v, 2; vm, 4. Le roi Saul tenaitune
Zambri, III Reg., xvi, 10, Sellum, IV Reg., xv, 10, lance au lieu de sceptre. I Reg., xm, 22; XVHI, 10; xxn,
Manahem, IV Reg., xv, 14, Phacee, IV Reg., xv, 25, et 6. Voir SCEPTRE. Les rois possedaient un trone plus ou
Osee. IV Reg., xv, 30. Enfin dix, sur dix-neuf, suece- moins riche. Celui de Salomon etait d'ivoire et d'or.
dent a leur pere. Pour couper court a toute compe- Ill Reg., x, 18-20; II Par., ix, 17. Achab et Josaphat
tition, le nouveau roi prenait soin quelquefois de faire avaient le leur. Ill Reg., xxn, 10. Le roi de Perse pos-
perir toute la famille de son predecesseur. Ainsi firent sedait aussi le sien. Esth., v, 1. Voir TRONE. L'usage des
Zambri, HI Reg., xvi, 11, et Jehu, IV Reg., x, 11,17. chars fut introduit en Israel par les rois. C'etait une
Dans le royaume de Juda, Athalie, la seule qui ait prerogative royale d'en posseder. Ill Reg., i, 5; IV Reg.,
interrompu quelque temps la succession normale, fit ix, 21; x, 15. Voir CHAR, t. n, col. 567.
aussi mourir les princes de la famille royale, a 1'excep- 2° Garde du corps. — Saiil commence le premier a
tion de Joas qui fut soustrait a ses coups. IV Reg., xi, attacher a son service tout homme « fort et vaillant »
1, 2. Athalie et six rois d'Israel s'emparerent done de qu'il rencontre, I Reg., xiv. 52; xxn, 27. David, meme
la royaute par violence, au lieu de la recevoir par voie avant sa royaute, s'entpure d'hommes qui partagent sa
reguliere. _ vie d'aventures. Hen a autour de lui jusqu'a six cents.
3° Sacre du roi. — L'onction royale fut donnee a I Reg., xxv, 13, xxx, 1-4. Devenu roi, il prend comme
Saul, I Reg., x, 1, et a David, I Reg., xvi, 13, par garde du corps les Cerethiens et lesPhelethiens. IIReg.,
Samuel; a Salomon par le pretre Sadoc, III Reg., i, 39; vm, 18; xv, 18, etc. Voir CERETHIENS, t. n, col. 442. II
a Joas par le grand-pretre Joi'ada, IV Reg., xi, 12, et a s'entoure aussi probablement de Getheens. II Reg.,
Joachaz sans doute aussi par le grand-pretre de 1'epoque. xv, 18-22. Voir ARMEE CHEZ, LES HEBREUX, t. i, col. 973.
IV Reg., xxiv, 30. Jehu fut sacre roi d'Israel par un Ces gardes se tiennent aupres de Salomon au jour de
jeune homme, sur 1'ordre d'Elie et d'Elisee. On consi- son sacre. Ill Reg., i, 38. Roboam a des gardes qui
derait done que 1'huile d'onction avait, en pareil cas, une prennent le nom de « coureurs ». Ill Reg., xiv, 28;
vertu par elle-m^me. II ne parait pas que tous les rois II Par., xu, 11.11 en estde meme de Jehu. IV Reg.,x,25.
de Juda aienl etc sacres. On ne recourait a cette cere- Athalie a aussi une maison de coureurs. IVReg.,xi, 6.
monie que dans des circonstances particulieres, afin de Voir COUREUR, t. n, col. 1080. La garde du corps etait
fonder une nouvelle dynastie, comme il arriva pour trop utile pour qu'aucun roi s'en passat. Cette garde
1119 ROI 1120
veillait sur la personne du roi, quand il re"sidait dans pas s'elever au-dessus de ses freres. Deut., xvir, 19, 20.
sa demeure, voir PALAIS, t. iv, col. 4967, et quand il Le code de la royaute, quel qu'il ait ete, I Reg., x, 25,
allait au dehors. II Reg., xv, 14. definissait certainement les pouvoirs du roi, en regard
3° Harem. — La loi recommandait au roi de n'avoir des prescriptions de la volonte divine. Ce code est vrai-
pas un grand nombre de femmes. Deut., xvn, 17. Mais, semblablernent le « temoignage'» que Joi'ada remit a Joas
chez les princes asiatiques,l'importance du harem etait le jour de son sacre. IV Reg., xr, 12 ; II Par., XXIH, 11.
une marque de puissance etde richesse. Les rois Israe- D'apres Sota, vi, 8, le second jour de la fete des Taber-
lites suivent en cela 1'usage de leur temps. Salomon nacles, le roi, assis sur un siege de bois dispose daus le
depasse toutes les bornes et, sous ce rapport, se met parvis des femmes, lisait au peuple divers passages du
au niveau des plus grands monarques asiatiques. Voir Deuteronome,!, 1-vi, 4; xi, 13; xiv, 22 ;xxvi, 22; xvrr,14;
POLYGAMIE, col. 511. Le harem faisait partie du domaine xxvii, xxviir. — 2. Plus encore que les ordonnances, les
royal. Le successeur d'un roi en prenait possession fails montrerent.ee que Dieu attendait du roi qu'il avait
comme des autres Wens laisses par son predecesseur. choisi. Saul fut rejete pour avoir contrevenu deux fois
II Reg., XH, 8, 11. Cf. Herodote, HI, 68. Un pretendant aux prescriptions divines, la premiere fois en prenant
au trone croyait e"tablir son droit en prenant publi- une initiative qui n'appartenait pas au prince, 1 Reg.,
quement possession du harem de celui qu'il voulait xin, 9, la seconde fois, en epargnant des ennemis que
remplacer. Ainsi fit Absalom pour le harem de son Jehovah avait condamnes. I Reg., xv, 26. Saul n'etait
pere. II Reg., xvi, 22. Adonias, qui avait brigue la pas pour Jehovah « 1'homme selon son coeur, » et il ne
royaute au detriment de Salomon, osa demander ensuite pouvait rester « le chef de son peuple. »-I Reg., xm,
qu'on lui accordat pour epouse Abisag, la Sunamite, qui 14. David eut soin de se regarder comme le serviteur
avait fait partie du harem de David. Salomon estima que de Jehovah, II Reg., vn, 19, 25-28, et d'agir en conse-
cette demande equivalait presque a celle de la royaute, quence. Dieu intervint visiblement, quand il se con-
et il fit mourir Adonias. Ill Reg., n, 13-25. duisit mal, pour le chatter, Dieu parle a Salomon pour
4° Honneurs royaux. — On temoignait au roi le plus lui recommander la fidelite a tous ses commande-
grand respect. David s'incline a terre et se prosterne ments; a cette condition, dit-il, « je n'abandonnerai
devant.Saul. I Reg., xxiy, 9. Devant David, Abigail des- pas mon peuple d'Israel. » III Reg., vi, 13. II renouvelle
cend de son ane et se prosterne a terre. I Reg., xxv, ses recommandations et ses promesses apres la dedicace
23. Miphiboseth et Seme'i font de meme. II Reg., ix, 6; du Temple, et parle a Salomon en mailre qui entend
xix, 18. Cf. II Reg., xiv, 4. Salomon lui-meme traite sa toujours regir son peuple. Ill Reg., ix, 6-9. Quand le
mere avec le plus grand honneur, se prosterne devant roi en vient a prendre 1'exact contre-pied des prescrip-
elle, et la fait asseoir sur un trone, bien qu'il doive tions du Deuteronome, Jehovah partage lui-mdme son
aussitot opposer un refus a sa reque'te. Ill Reg., n, 19. royaume et donne dix tribus a Jeroboam, auquel il
En certaines circonstances heureuses, on fait cortege prometmenae unemaison stable comme celle de David,
au roi, on 1'acclame et on joue des instruments. I Reg., s'il Ini demeure fidele. Ill Reg., xi, 31-39. Par la suite,
xvin, 6; IV Reg., ix, 13. Maudire le roi etait un crime Dieu intervient en Juda et en Israel, pour mener les
digne de mort. Ill Reg., xxi, 10. Le prince qui se con- evenements qui les interessent et finalement les faire
duisait mal etait eloigne de la cour. II Reg., xiv, 24, partir 1'un apres 1'autre en exil. II domine les rois de
28. Le respect qu'on leur temoignait n'empechait pas son peuple, non pas seulement par son action provi-
les rois de se montrer simples et familiers avec leur dentielle, comme il fait pour tous les autres rois du
peuple, II Reg., xix, 8; III Reg., xx, 39; Jer., xxxvin, monde, mais par 1'exercice direct et manifeste de son
7, et d'avoir un abord facile. II Reg., xiv, 4; xvin, 4; autorite souveraine. En somme, le roi n'est que son
III Reg., in, 16; IV Reg., vi, 26-30; vm, 3, etc. Sous pouvoir executif. Jehovah a dit a David : « Tu paitras
ce rapport, les rois Israelites ne ressemblaient guere mon peuple d'Israel.'» II Reg., v, 2; I Par., xi, 2. Le roi
aux autres monarques orientaux, qui s'enfermaient est le berger de son peuple; il n'en est pas plusle maitre
dans leur majeste et n'etaient abordables que pour de que le berger n'est le maitre de son troupeau. Comme
rares privilegies. Cf. Esth., i, 14; iv, 11; v, 1, 2. Les le berger, il veille, conduit, defend pour le compte de
rois s'honoraient mutuellement en entrelenant des rap- Jehovah auquel appartientle peuple elu. Le roi Israelite
ports d'amitie et en s'envoyant des presents d'un pays ne peut faire sa volonte qu'autant que sa volonte se
a 1'autre. II Reg., x, 2; III Reg., x, 2; IV Reg., xx, con forme aux prescriptions generates de la loi divine
12, etc. — Apres leur mort, les rois recevaient les hon- et aux prescriptions particulieres de son suzerain, le
neurs de la sepulture royale, dans la cite de David, pour Dieu d'Israel. — 2. Pour exercer effectivement son pou-
les rois de Juda, III Reg., IT, -10; xi, 43; xiv, 31, etc., voir theocratique et sighifier ses volonles particulieres
et a Samarie pour les rois d'Israel. Ill Reg., xvi, 28; au cours des evenements, Dieu crea chez son peuple un
xxn, 37; IV Reg., x, 15; xiv, 16, etc. L'honneur de la organisme special, le prophetisme. Entre autres fonctions
sepulture paternelle fut cependant refuse a 1'impie le prophete recevait la mission de transmettre aux rois
Achaz. II Par., xxvin, 27.0zias, a cause de sa lepre, fut les indications qui lui venaientdirectement de Jehovah.
inhume" dans le champ qui entburait la sepulture royale. Voir PROPHETE, col. 721. II etait ainsi aupres du roi
II Par., xxvi, 23. comme le resident dans nos pays de protectorat. Le
V. Pouvoms ROYAUX. — 1° La theocratic. — 1. Les prince n'agissait librement que dans des limites deter-
grands monarques orientaux pretendaient toujours etre minees et le prophete intervenait pour prevenir ou
les representants directs des dieux. Sous le convert de corriger les infractions a la volonte du Maitre souverain
cette fiction, ils exercaient 1'aulocratie la plus absoluej et intimer ses ordres. Ce role est rempli par Samuel au-
Chez les Hebreux, le roi etait aussi le mandataire de Dieu; pres de Saul et de David. Nathan reprend David, IIReg.,
mais Jehovah ne s'etait pas reserve un pouvoir fictif. Le XH, 7-12, et pourvoit au sacre de Salomon. Ill Reg., I,
roi devait compter avec les volontes formelles de ce 11-40. Ahias annonce a Jeroboam la division du royaume
puissant suzerain. Jehovah choisit Saul « pour chef sur et la part que Dieu lui attribue dans la nouvelle orga-
son heritage. » I Reg., x, \. C'est lui qui met le roi en nisation. Ill Reg., xi, 30-39. Semei defend a Roboam
possession de son autorite et de tous ses biens. II Reg., d'entrer en lutte centre les tribus schismatiques. Ill Reg.,
XH, 7, 8. II est un pere pour le roi, et le roi est pour xii, 23-24. Un autre prophete signifie a Jeroboam le
luiun fils. II Reg., vn, 14. Mais le roi doit se souvenir sort qui est reserve a sOn institution sacrilege. HI Reg.,
qu'il y a un maitre au-dessus "Be lui, et que sa propre xm, 1-3. De nouveau, le prophete Ahias fait connaitre
autorite est borneeet sou raise a celle de Jehovah. La loi a Jeroboam prevaricateur les malheurs qui fondront
lui prescril d'obeir aux ordonnances divines et de ne sur sa maison. Ill Reg., xiv, 7-16. II ne luireproche que
1121 ROI
son abandon de Jehovah et son culte « d'autres dieux et reussitpas. Ill Reg., xxn, 50. En Juda, 1'administration
d'images de fonte. » Bien loin de lui faire un grief du salomoniennesemaintient, bien querestreinte.Plusieurs-
schisme, il rappelle que Dieu meme lui a donne le rois apportent une certaine activite dans leur gouverne-
royaume arrache a la famille de David. II faut conclure ment. Ils combattent de leur mieux, mais pas toujours
de la que la division du royaume en deux eut ete conforme avec succes, 1'invasion de 1'idolatrie qui, ils le sentent
au plan divin, si le royaume d'Israel fut demeure fidele bien, doit amener la ruine de la nation. Ill Reg., xv,
a Jehovah. Elie et Elisee sont envoyes au royaume d'Is- 11-15; xxii, 43-45; IV Reg., xn, 1-3; xvm, 3-4, etc,
rael, que Jehovah ne cesse pas de trailer comme une Joas travaille a assurer le bon emploi des revenus du
partiede son domaine, et ils emploienttous les moyens, Temple. IV Reg., xn, 4-16. Ozias multiplie les cons-
fleaux et miracles, pour faire prevaloir la volonte divine tructions defensives et les travaux agricoles. II Par.,
dans la politique des rois. Amos et Osee continuent en- xxvi, 9, 10. Ezechias renouvelle les rouages vieillis d&
suite leur osuvre. Isai'e commence la sienne en Juda, 1'ancienne administration, prend des mesures ener-
au milieu du vme siecle. Michee est suscite a la meme giques contre 1'idolatrie et cherche meme a raniener
epoque. Sous le roi Josias, une prophetesse, Holda, in- au culte de Jehovah les habitants laisses dans le royaume
dique, de la part de Dieu, les consequences qu'impose du nord. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. Josias fait aussi
la decouverte du livre de la Loi. IV Reg,, XXH, 15-20. quelques efforts pour remettre les choses en bon etat.
Au siecle suivant, Jeremie annonce aux derniers rois II Par., xxxv, 10-25. Mais bientot apres lui survient la
de Juda les arrets divins et s'efforce, mais en vain, de ruine. David et Salomon sont done les deux grands
les detourner d'une politique qui les conduit a la catas- initiateurs d'une administration rationnelle el puissante
trophe. II est done vraide dire que les prophetes exercent qui, immediatement apres eux, s'achemine deja a la
une mission continuelle aupresdes rois, pour maintenir decadence.
en face d'eux les droitsde la volonte de Dieu, redresser 3° Le pouvoir militaire. — Sur 1'organisation des
les abus, diriger la politique dans ses grandes lignes, armees Israelites, voir ARME:E CHEZ LES HEBREUX, t. i,
surtout aux epoques de crise, en un mot servir de col. 971. Le roi etait naturellement le chef de 1'armee.
contrepoids a un pouvoir royal qui ne fut gue trop porte Quand les Israelites reclament un roi, c'est surtout
a secouer le joug de Jehovah. Quelques pretres seule- pour qu'il marche a leur tete et merfe leurs guerres.
ment, comme Sadoe et Joiada, eurent a exercer une in- I Reg., via, 20. Voir GUERRE, t. in, col. 361. Parfois, le
fluence sur les rois. Mais le role du sacerdoce etait sur- roi commande en chef directement; ainsi font Saiil,
tout rituel;leprophetisme constituait Forganisme voulu David, Achab, III Reg., xx, 14-15, Josaphat, III Reg.,
par Dieu pour maintenir effectivement les droits de la xxn, 29-36, etc. Le plus souvent, il confie la direction
theocratie. Si les prophetes apparaissent assez souvent de la guerre a un ou plusieurs chefs. Le roi peut et
comme des messagers de malheurs, c'est qu'en Juda doit entreprendre une guerre defensive. II le fait de sa
cornme en Israel les prescriptions divines furent presque propre initiative. I Reg., xi, 7; II Reg., YIII, 1-14, etc
toujours transgressees. Mais, quand la guerre est agressive ou que son issue
2° L'administration — 1. Les rois avaient a gou- est douteuse, le roi consulte Jehovah avant de 1'entre-
verner leur royaume et a y .etablir cet ordre, favorable prendre, I Reg., xiv, 37; xxvm, 6; II Reg., v, 19, 23;
aux interets generaux et particuliers, qui ne pouvait ou bien il recoil, par 1'intermediaire d'un prophete,
etre, obtenu a Fepoque ou « chacun faisait ce qui lui 1'ordre soitd'aller en avant, I Reg., xv, 3,16; III Reg.,
semblait bon. » Jud., xxi, 24. Le roi Saiil, presque xx, 28; IV Reg,, m, 18, 19, etc., soit de ne pas enga-
continuellement occupe par ses guerres, puis saisi d'un ger la guerre. Ill Reg., xir, 24; xxn, 15-28. Parfois, le
esprit mauvais, n'eut pas le loisir de s'occuper de 1'orga- roi demande au prealable 1'avis des anciens. Ill Reg.,
nisation du pays. Cette organisation ne faisait pourtant xxi, 7. Mais, avec le temps, les rois prennent 1'habitude
pas defaut totalement; car la Loi avait prevu 1'essentiel de se passer de tout conseil. Des guerres assez nom-
etelle etait obeie. Voir ANCIENS, 1.1, col. 554. Lorsque Da- breuses sont e'ntreprises sans qu'aucune consultation
vid eut acheve la conquete de tout le pays, il se donna n'ait precede. Les rois s'associent les uns avec les autres
une capitale, Jerusalem, admirablement choisie, par sa pour faire la guerre. Asa fait alliance avec le roi de
situation, pour etre d'une defense relativement facile. II Syrie, a prix d'argent, III Reg., xv, 18-22; Josaphat avec
tint a ce que la capitale civile fut en meme temps la capi- Achab, III Reg., xxn, 4, et avec Ochozias, II Par., xx,
tale religieuse. II y transporta 1'Arche et prepara la cons- 35-37; Ochozias de Juda avec Joram d'Israel," IV Reg.,
truction du Temple unique ou devait se celebrer magni- VHI, 28; Achaz avec Theglathphalasar, a prix d'argent,
fiquement le culte de Jehovah. Ils'occupa d'organiser ce IV Reg., xvi, 7-9. Dieu intervient quelquefois pour regler
culte, I Par., xvi, 1-42.; xxin-xxvi, puis mit des fonction- le sort des vaincus, I Reg., xv, 3-33; IVReg., vi, 20-23;
naires a la tete des ditferents services civils du royaume- d'autres fois, le roi dispose d'eux a son gre. IV Reg.,
II y avait des conseillers, des confidents plus intimes vi, 31-34; ix, 24, 27; xiv, 13, 14, etc.
appeles « amis du roi», des intendants etdes prep.oses 4° Le pouvoir judiciaire. — Le roi etait le juge
a toutes les parties du domaine royal. I Par., xxvii, supreme auquel on s'adressait en dernier ressort ou
25-34. Salomon developpa cette organisation. II institua mSme en premiere instance. II Reg., xv, 2-6. Voir
les charges necessaires au service du nouveau Temple, JUGE, t. in, col. 1835. De la cette priere de Salomon :
batit des villes, des magasins, des places fortes dans «Accordez a votre serviteur un cosur attentif pour juger
tout le pays, etendit le commerce, crea une flotte, re- votre peuple, pour discerner le bien et le mal. Car qui
duisita un esclavage laborieux les anciens Chananeens pourrait juger votre peuple, ce peuple si nombreux? >y
qui survivaient en Palestine et leur prepos-a des inspec- III Reg., in, 9. Sans doute, «juger s signifie principa-
teurs. II Par., VHI, 3-10. Ces mesures devaient rendre le lement ici « gouverner » ; mais 1 administration de la
royaume puissant et prospere. Des causes d'ordre moral justice supreme etait un des devoirs du gouvernement.
en paralyserent bientot 1'effet. Sous Roboam, le pays se Le pouvoir du roi etait sans appel. II avait le droit de
divisa en deux, au grand detriment de Juda et d'Israel. faire grace a ceux que la loi condamnait. II Reg., xiv, 11.
Les rois d'Israel chercherent a organiser leur royaume II pouvait aussi condamner a mort, sans autre infor-
en se rapprochant de leurs voisins de Syrie et en affec- mation judiciaire, ceux qu'il jugeait coupables. II Reg.,
tantune hostilite presque constante centre leurs freres i, 15; iv, 12; xn, 5; III Reg., n, 25, 29, 46.
de Juda. Ainsi Achab laisse etablir a Samarie des bazars 5° Les abus de pouvoir. — Les tentatives de despo-
syriens et lui-meme etablit des bazars Israelites a Damas. tisme royal trouvaient un obstacle dans 1'intervention
III Reg., xx, 34. Cependant Ochozias tente avec Josaphat, du peuple, represente par les anciens, II Reg., v, 3;
en vue d'une expedition maritime, une alliance qui ne HI Reg., xn, 3, 4; IV Reg., xi, 17, etc., et dans celle
DICT. DE LA BIBLE. V. - 36
1123 ROI 1124
des prophetes. Beaucoup de rois neanmoins, et m6me bonne part. I Reg., xxx, 20. Apres la prise de Rabbath,
des meilleurs, abuserent de leur autorite. La conduite David enleva une couronne d'or du poids d'un talent
de David a 1'egard d'Urie en est un example lamen- avec un tres grand butin. II Reg., xn, 30. II faut avouer
"la'tJlfe.lMVeg.,^, V1TI. 'w&Yottuya %favssaL&fe ses, drolls en neanmoins que, par la suite, cette source de revenus ne
aggravant les impots et les corvees, pour satisfaire a fut pas tres considerable. Les rois eurent plus a payer
ses gouts exageres de constructions et de faste. Roboam aux etrangers qu'a recevoir d'eux.
ne voulut rien rabattre de la rigueur du gouvernement 3° Les proprie'te's foncieres. —- Samuel avait prevu
paternel et il fut cause du schisme, III Reg., xn, 3-19. que ies rois deviendraient de grands proprietaires, aux
Achab laissa condamner juridiquement 1'innocent depens de leurs sujets. I Reg., vm, 14. Deja David a
Naboth, afin de s'emparer de sa vigne. Ill Reg., xxi, des champs et des ouvriers qui les cultivent, des vignes,
8-14. Athalie s'attribua par le crime une royaute a des plantations d'oliviers et de sycomores, de riches
laquelle elle n'avait aueun droit. IV Reg., xi, 1-3. Joas prairies ou paissent de nombreux troupeaux. I Par.,
se saisit de tout 1'or du Temple pour eloigner Hazae'I. xxvn, 25-31. Plus tard, Ozias possedait aussi de grands
IV Reg., xii, 18. Ozias, comme Saul, voulut s'ingerer troupeaux, dans la plaine et sur la montagne; des
dans 1'exercice du ministere sacerdotal. I Reg., xm, laboureurs et des vigneronscultivaient ses terres. II Par.,
9; II Par., xxvi, 16-19. Les rois d'Israel et la majeure xxvi, 10. Dans sa description de la Palestine ideale,
partie des rois de Juda, a 1'exemple de Salomon, tole- Ezechiel, XLV, 7-12, attribue au prince un domaine ter-
rerent, favoriserent ou pratiquerent eux-memes 1'ido- ritorial, qui est son unique source de revenus. Le
latrie, ce qui les constituait en opposition formelle avec prophete fait ces remarques significatives : « Ce sera
le statut theocratiqne. Us s'entouraient de prophetes son domaine, sa possession en Israel; et mes princes
courtisans, qui approuvaient leurs desseins et secon- n'opprimeront plus mon peuple, ils laisseront le pays a
daient leur politique toute humaine. Ill Reg., xxn, la maison d'Israel... C'en est assez, princes d'Israel!
12-23; Jer., xxm, 1-32; xxvn; xxvm, etc. Plusieurs plus de violences ni de rapines ! » Le prophete ajoute
s'emporterent centre les vrais prophetes du Seigneur plus loin, en faisant une allusion visible au cas de Na-
et les maltraiterent. Telle fut la conduite d'Achab a both : « Le prince ne prendra 1'heritage de personne
Fegard de Michel, II Par., xvm, 26, et d'i,lie, III Reg., en 1'expulsant de sa propriete; c'est de son propre
xvm, 7-17; xix, 2; celle de Joaldm, qui brula les pro- domaine qu'il donnera un heritage a ses fils. » Ezech.,
pheties de Jeremie, Jer., xxxvi, 23, etc. L'institution de XLVI, 18. Ces rernarques indiquent assez de quelle
la royaute Israelite parait avoir ete necessaire pour maniere s'accrut le domaine royal, surtout sous les
assurer la cohesion de la nation et la mettre en etat de princes impies et peu scrupuleux. Les proprietes, une
se defendre centre des agresseurs puissants. Mais les fois acquises, ne sortaient plus de ce domaine, parce
rois d'Israel et de Juda eurent le tort de vouloir donner que le proprietaire etait en mesure de les defendre.
a leur royaute le caractereet Findependance des royau- 4° Les impots. — Voir IMPOTS, t. m, col. 852, Cf. I Reg.,
tes environnantes. L'exemple de Salomon fut fatal a vm, 15; xvii, 25. Le produit des impots ordinaires res-
cet egard. II entraina comme consequences la mecon- tait a la seule disposition du roi pour les depenses de
naissance des conditions de la theocratic et la ruine du sa cour, ses constructions, etc. Ces impots se payaient
royaume lui-meme. La protection de Jehovah devait le plus souvent en nature. Am., v, 11; VH, 1. Salomon
seule preserver 1'existence de ce petit royaume situe au avait organise tout un service pour que, chaque mois,
milieu d'empires puissants et hostiles. Cette protection un des douze districts palestiniens fournit le necessaire
finit par faire defaut, quand les rois et le peuple ou- a 1'entretien du roi et de sa maison. Ill Reg., iv, 7-19.
blierent Jehovah pour mettre leur confiance dans les Les provisions de chaque jour etaient considerables.
appuis humains et dans les idoles. C'est a cette preva- Ill Reg., iv, 22, 23,
rication persistante que les auteurs sacres attribuent la 5° Le commerce. — Salomon ne dedaigna pas de
ruine du royaume d'Israel, IV Reg., XVH, 7-23, et celle chercher dans le trafic une nouvelle source de revenus.
du royaume de Juda. IV Reg., xxiv, 2-3- Ill Reg., x, 14, 15, 28, 29. Ses entreprises maritimes
VI. REVENU ROY.A.L. — II fallait aux rois des res- tendaient au meme but. Ill Reg., x, 22. Mais ses depen-
sources considerables pour faire face aux depenses qui ses etaient telles que, vingt ans apres la construction
s'imposaient a eux. Sans doute, ils n'avaient pas un du Temple et du palais, il n'etait pas capable de payer
budget d'Etat destine a subvenir aux depenses d'interet a Hiram ses fournitures de materiaux et ses avances.
general. Mais 1'entretien de leur cour etait couteux. Les II fut oblige de lui donner vingt villes en Galilee, ce
ressources leur venaient de differents cotes. dont le roide Tyr se montra peu satisfait. Ill Reg., ix,
1° Les dons. — II a toujours ete d'usage en Orient 10-14. Josaphat tenta de renouveler Jes entreprises
que les sujets fissent des presents a leurs princes. Ces maritimes de Salomon, mais sans succes. Ill Reg., xxnr
dons, volontaires en apparence, n'en sont pas moins de 49. La division du royaume 6n deux parties hostiles ne
veritables impots au paiement desquels nul ne peut se dut pas etre favorable aux tentatives commerciales des
derober. Sitot que Saul fut proclame roi, on lui apporta autres rois.
des presents, etle nouveau prince fut assez habile pour 6° Les corvees. — Les rois faisaient travailler pour
ne pas prendre garde a ceux qui les lui refusaient. Son leur compte les peuples vaincus. II Reg., xn, 31;
pouvoir etait encore trop peu solide pour se permettre HI Reg., ix, 20-22. Voir CORVEE, t. n, col. 1032. Sans les
des exigences ou des rigueurs. I Reg., x, 27. Isai trailer absolument comme esclaves, Salomon pressura
envoya des presents a Saul par son fils David. I Reg., fortement ses sujets pour 1'execution de ses grands tra-
xvi, 20. On en offrit a David, quand il s'exila de Jeru- vaux, III Reg., v, 13, comme le montre le mecontente-
salem. II Reg., XVH, 28, 29. La coutume devint une ins- ment general a 1'avenement de Roboam. Ill Reg., xn,
titution reguliere sous Salomon, auquel chacun offrait 4, 14. -~ Les rois ne disposaient jamais de ressources
annuellement argent, or, ve*tements, armes, parfums, trop grandes pour satisfaire a leurs besoins ou a leurs
chevaux et mulets. Ill Reg., iv, 21; x, 25. Nul doute que caprices. II leur fallait tout d'abord subvenir a leur
ses successeurs n'aient maintenu avec soin cette tra- entretien eta celui de leur cour, puis faire digne figure
dition. Ces presents venaient quelquefois aux rois de a cote des autres rois orientaux, dont le luxe etait sans
la part des princes, etrangers. II Reg., vm, 10-12; mesure, IV Reg., xx, 13, etablir les nombreux tils que
III Reg., x, 10; IV Reg., in, 4. leur donnaitr la polygamie, II Par., xi, 23, avoir des
2° Le butin. — Les guerres heureuses se terminaient appartements d'hiver et d'ete, Jer., xxxvi, 22; Am., in,
toujours par le partage des depouilles de 1'ennemi. Voir 15, des palais et des jardins magnifiques, des ustensiles
BUTIN, t. I, col. 1976. Le roi en eut naturellement sa d'or, des chars, des chevaux et tout ce qui constituait
1125 1126
le confort asiatique. HI Reg., x, 21, 26, Ce qui aggra- rentes epoques. Cependant, apres Salomon, il est encore
vait la charge pour le peuple, c'est que les intermediaires fait mention de secretaires royaux, IV Reg., xn, 10; xix,
dont le roi etait oblige de se servir pour faire rentrer 2; xxii, 8; Jer., xxxvx, 12; d'historiographes, IV Reg.,
ses revenus resistaient rarement au desir de s'enrichir xvm, 18; Is., xxxvi, 3,22; d'intendants dti palais, IIIReg.,
eux-memes, comme ce Sobna qui se preparait un xvm, 3; Is., xxxvi, 3; de conseillers, Is., in, 3; de gou-
magnifique sepulcre. Is., xxn, 15-17. Us se croyaient verneurs des provinces, sdreham-medinot, III Reg., xx,
le droit, ainsi qu'il est habituel en Orient, de majorer 14, etc. La charge de « gardien du vestiaire », IV Reg.,
le taux des redevances, soit pour se couvrir eux-memes x, 22, n'etait pas une charge royale. II ne s'agit, dans ce
quand I'impot ne rendait pas, soit pour s'assurer un passage, que du vestiaire du temple de Raal. Les rois
benefice serieux. Gf. Jahn, Archasologia biblica, dans le de Juda et d'lsrael s'entouraient d'ailleurs des memes
Script, Sacr. cursus complet. de Migne, Paris, 1857, sortes de fonctionnaires que les autres souverains. On
t. n, col, 958-968. retrouve les memes titres partout. A 1'epoque evange-
VII. FONCTIONNAIRES ROYAUx. — 1° Au temps de David, lique, saint Luc mentionne un intendant d'Herode, em-
les fonctionnaires sont les suivants: — 1. fal 'o§rot ham- Tpdiroc, procurator, Luc., vin, 3, un tresorier, ETC! xf,?
melek, «le prepose aux tresors du roi », surintendant ya?Y)c, super gazas, de la reine Candace, Act., vm, 27,
residant a la cour; — 2. le prepose aux tresors dans et un chambellan, ETU -rov y.otrwvo?, super cubiculum,
les champs, les villes, les villages et les tours, proba- du roi Herode. Act., xn, 20. Voir AMI, t. i, col. 480;
blement charge de centraliser les redevances qui pro- ARCHIVISTE, col. 936; CONSEILLER, t. ir, col. 922; HIS-
viennent des diverses localites et des tours elevees pour TORIOGRAPHE, t. in, col. 722; PALAIS, t. iv, col. 1973;
protege r les cultures; — 3. le prepose a la culture des SCRIBE, SECRETAIRE.
champs; — 4. le prepose a la culture des vignes; — VIII. REMARQUES BIBLIQUES AU SUJET DES ROIS. —-
5. le prepose aux provisions de vin dans les vignes, c'est- Outre les faits historiques, le s auteurs sacres notent quel-
a-dire probablement aux vendanges; — 6. le prepose ques traits qui renseignent sur 1'ideequ'onse faisait des
aux plantations d'oliviers et de sycomores dans la Se- rois. — ia Leur dependance de Dieu. — Cette depen-
phela; — 7. le prepose a la recolte de 1'huile; — 8. le dance est naturellement plus accusee dans une theo-
prepose anx bceufsde Saron; — 9. le prepose aux boeufs cratic. C'est par Dieu que'les rois regnent. Prov,, vin,
des vallees; — 10. le prepose aux chameaux; — 11. le 15.11 incline leur coaur ouil veut. Prov., xxi, 1. II delie
prepose aux anes; — 12. le prepose aux brebis. Ces douze leur baudrier et les ceint d'une corde, Job, xn, 18, c'est-
premiers fonctionnaires sont des sdrim, Ttpoo-Tarai, a-dire les abaisse a son gre. Au roi mechant, il dit :
principes, charges des interets financiers du roi. Vien- Vaurien ! Job, xxxiv, 18. Les rois doivent done devenir
nent ensuite ceux qui prennent part au gouvernement sages et servir Jehovah avec crainte. Ps. n, 10-11. —
proprement dit: — 13. soferim, avij.Sovloi, consiliarii, 2° Leur pouvoir. — Les rois dominent leurs sujets. Luc.,
les conseillers; — 14. re'a ham-melek, 9t'Xo? TOO pa<re- xxii, 25. Le roi arme pour le combat est redoutable. Job,
>£(«>(;, amicus regis, titre qui parait etre celui d u n e xv, 24. La colere du roi est une messagere de mort,
fonction officielle, celle de confident ou de conseiller Prov., xvi, 14; elle est comme le rugissement du lion,
intime;— 15. sar sabd", dpxi<rcpaTTqyoc, princeps exer- mais la serenite de son visage donne la vie et sa faveur
citus, le chef de 1'armee. II Par., xxvn, 25-34. Cette est comme la rosee sur 1'herbe. Prov., xvi, 15; xix,12;
derniere fonction etait des plus importantes; mais ily xx, 2; Is., xxxin, 17. Le roi juste dissipe tout mal par
a lieu de penser que celles de grand-bouvier, grand- son regard et le roi sage disperse les mechants. Prov.,
chamelier, grand-anier, etc., ne 1'etaient guere moins, xx, 8, 26. — 3° Leurs devoirs. — Le roi doit se rejouir de
comme celle de connetable chez les anciens rois de la protection de Dieu et avoir confiance en lui. Ps. xxi
France. Enfin, il est encore question sous David d'un (xx), 2, 8. Car ce n'est pas le nombre des soldats qui lui
archiviste, d'un secretaire, d'un chef des gardes du assure la victoire. Ps. xxxin (xxxn), 16. 11 doit recevoir
corps et des fils du roi, qui ont le titre de kohanim de Dieu le jugement et la justice. Ps. LXXII (LXXI), 2. II
ou ministres. C'est le sens primitif d'un mot qui a ete ne faut pas qu'il viole la justice, parce que ses paroles
reserve ensuite pour designer les pretres. II Reg., vin, sont des oracles, Prov., xvi, 10, c'est-a-dire des arrets
16-18; I Par., xvm, 17. dont on ne peut appeler. S'il veut assurer la prosperite
2° Sous Salomon, le developpement des services et la duree de son regne, qu'il ait de la bonte et de la
royaux entraina 1'institution de nouvelles charges. fidelite, Prov., xx, 28; qu'il pratique la justice, Prov.,
Voici celles qui sont enumerees, en dehors des fonctions xxix, 4; qu'il juge iidelement les pauvres, Prov., xxix,
sacerdotales : \.soferlni, ypa^aTsi;, scribse, les scribes 14; qu'il ainie la sagesse, Sap., vi, 20, 25; qu'il examine
ou secretaires; — 2. ham-mazkir, avafujjt.vY)<7xwv, a toutes choses, Prov., xxv, 2; qu'il ne subisse pas .1'in-
commentariis, 1'archiviste ou historiographe; — 3. 'al fluence des mechants, Prov., xxv, 5; qu'il se garde des
has-sebd', im T^? Suvdjjiswc, super exercitum, le chef femmes, Prov., xxxi, 3, du vin, Prov., xxxi, 4, et de Tor.
de Farmee; — 4. 'al han-nissdbim, lm TWV KaOsara- Eccli., vin, 3. C'est une abomination pourle roi de faire
fjivwv, super eos qui assistebant regi,le chef des inten- le mal, Prov., xvi, 12, car Dieu brise les rois au jour
dants ou preposes aux redevances; -r- 5. 1'ami du roi de sa colere. Ps. ex (cix), 5. — 4° Leur administration. —
ou conseiller intime; — 6. 'alhab-bdlt, oly.ov6pLoc,prss- Le peuple nombreux est la gloire du roi. Prov., xiv, 28.
positus domus, 1'intendant du palais; — 7. 'al ham- Heureux le peuple dontle roi est de noble race, Eccle.,
mas/ im twv <popwv, super tributa, le surintendant des x, 17, car il aura des qualites qui 1'aideronta biengou-
tributs. Au-dessous de ces fonctionnaires, probable- verner; mais malheur au pays dont le roi est un en-
ment sous les ordres du nissdb en chef, etaient places fant, Eccle., x, 16, car il sera mal conduit. Mieux vaut
douze nissdbim preposes a douze districts palestiniens un jeune homme pauvre et sage qu'un roi vieux et in-
dont chacun devait fournir les provisions necessaires sense. Eccle., iv, 13. Un roi ignorant perd son peuple.
a la cour pendant un mois a tour de role. Ill Reg., Eccli., x, 3. Le roi doit s'entourer de dignes conseillers.
iv, 2-7. Ces intendants locaux remplacaient vraisembla- Sa faveur va au serviteur intelligent. Prov., xiv, 35.
blement les proposes charges par David de s'occuper II aime celui qui parle avec justice et droiture. Prov.,
des champs, des vignes, du betail, etc. L'organisation xvi, 13. L'homme habile a sa place aupres de lui. Prov.,
de Salomon etait plus pratique, parce que chaque inten- xxn, 29. Celui qui a le coeur pur et la grace sur les
dant n'avait a regir qu'un territoire restreint. levres est designe pour etre 1' « ami du roi ». Prov.,
3° Ces diflerentes charges subirent des modifications xxn, 11. Le cosur du roi est impenetrable, Prov., xxv,
apres la division du royaume, et Ton ne peut savoir 3, il ne revele pas ses secrets a tous. Le roi qui donne
dans quelles conditions elles furent exercees aux diffe- ses soins a 1'agriculture travaille pour 1'avantage du
1127 ROI — ROIS (LES QUATRE LIVRES DES) 1128
pays, Eccle., v, 8, et pour le sien, puisque beaucoup de les rois de la famille des llerodes, voir HERODE (FAMILLE;
ses ressources lui viennent de la. Avant d'engager une DES), t. in, col. 638-652.
guerre, il commence par se rendre compte de Petal de X. LE ROI DES JUIFS. — Ce titre est un des noms qui
ses forces. Luc., xiv, 31. Les rois celebrent solennel- designent le Messie. La royaute du Messie etaitannoncee
lement les noces de leurs fils, Matth., xxn, 2, mais ils par les propheties, Ps., n, 9; Is., xxxii, 7; Jer., xxin,
n'exigent pas d'eux le cens ni le tribut. Matth., xvn, 5; Mich., iv, 7; Zach., ix, 9, et les Juifs attendaient un
24. Le luxe regne a la cour des rois. Matth., xi, 8; Messie roi et dominaleur. Voir JESUS-CHRIST, t. m,
Luc., vn, 25. C'est le propre d'uu roi debauche et cruel, col. 1438,1439. Aussi, quand les Mages se presentent a
comme Herode Antipas, de promettre la moitie de son Jerusalem en demandant: « Ou est le roi des Juifs qui
royaume a une danseuse et delui accorder la te"te d'un vient de naitre ?» Herode s'enquiertaussitot aupres du-
prophete comme Jean-Baptiste. Marc., vi, 22-27. — sanhedrin du lieu« oule Christ doit naitre. » Matth., n,
5° Devoirs envers leroi. — II faut craindre, c'est-a-dire 2, 4. Des le debut du ministere public, Nathanael dit a*
reverer Dieu et le roi. Prov., xxiv, 21; I Pet., n, 17. Jesus : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'lsrael, »
Les Apotres veulent qu'on lui soit soumis, I Pet., n, Joa., I, 49, et, apres la multiplication des pains, le&
13, cf. Eccle., vm, 2, et qu'on prie pour lui. I Tim.,n, temoins du miracle reconnaissant en lui «le prophete
2.£)n doit tenir cache le secret du roi, Tob., xn, 7, ne qui doit venir en ce monde,» veulent le proclamer roi..
pas prendre des airs superbes devant lui, Prov., xxv, Joa.. vi, 15. A 1'entree triomphale a Jerusalem, on
6, ne pas chercher a paraitre sage a ses yeux, ni lui 1'appelle le «roi d'lsrael». Joa., xn, 13. C'est pendant
demander un siege d'honneur. Eccli., vn, 4, 5. II faut la passion surtout que ce titre de « roi des Juifs » est
eviter de le maudire, meme en pensee, car tout finit mis en avant; les ennemis du Sauveur cherchent a
parse savoir. Eccle., x, 20. 1'exploiter contre lui devant Pilate. Ils accusent Jesus
de s'etre dit le ((Christ roi». Luc., xxin, 2. Pilate luv
IX. LlSTE DES ROIS DES HEBREUX. demande alors s'il est «le roi des Juifs», et Jesus,
repond que son royaume n'est pas de ce monde, mais
ROIS DE TOUTE LA NATION
que cependant il est roi pour rendre temoignage a la
verite. Matth., xxvn, 11; Marc., xv, 2; Luc., xxin, 3;
Saiil 1095 (avant J.-C.)- Joa., xvin, 36, 37. II ne s'agit done pas d'une royaute-
David 1055. de la terre. Pilate ne s'y trompe pas et il declare qu'il
Salomon 1015.
ne trouve dans 1'accuse aucun motif de condamnation.
Joa., xvui, 38. II retient cependant le titre de «roi des
ROIS DE JUDA ROIS D'ISRAEL Juifs ». II s'en sert pour designer Jesus quand il le mefc
en parallele avec Barabbas, Marc., xv, 9; Joa., xvin,
Roboam . . . . 975 Jeroboam I. . . 975 (938) 39, et quand il le ramene dehors apres la flagellation,
958 (960) Joa., xix, 14.15; il 1'inscrit sur le titre de la croix et se
955 refuse a changer sa formule, malgre le mecontentement
Nadab 954 des Juifs. Matth., xxvn, 37; Marc., xv, 26; Luc., xxm r
Baasa 953 (950)
Ela 930 38; Joa., xix, 19-22. Les soldats de la cohorte saluent
Zambri 7 jours Jesus de nom de «roi des Juifs». Matth., xxvn, 29;,
Amri 930 Marc., xv, 18; Joa., xix, 3. Enfin, au Calvaire, on evo-
Achab 918 (875) que encore les titres de «roi des Juifs » et de «roi-
Josaphat . . . . 914 (877) d'lsrael », pour mettre le Sauveur en demeure de les
Ochozias . . . . 897 justifier par sa propre delivrance. Matth., xxvn, 42;
Joram 896 (855) Marc., xv, 32; Luc., xxin, 37. Sur le sens de cette
889 (852)
. . . . 884 .(865)
royaute, voir ROYAUME DE DIEU. II est a remarquer que r
Ochosias . . . . 884 J6hu
Athalis 883 de tous les titres donnes a Jesus-Christ, celui de «roi.
. 877 (837) des Juifs » est le seul que la tradition chretienne n'aifc
Joachaz. . . . 856 (815) pas continue a lui donner. Jesus-Christ est le « prince
Joas 840 (798) de la terre. » Apoc., I, 5. H. LESETRE.
Amasias . . . . 838
Jeroboam II. .. 824 (783)
n . ROIS (LES QUATRE LIVRES DES). - Us se divi-
•809 sent, d'apres leur sujet comme d'apres leur origine, en
Zacharie . . . 772
Sellum 772 deux groupes distincts, composes chacun de deux livreSj
j Manahem. . . . 771 et places, dans la Bible hebrai'que, immediatement apres
Phac&a. . . . . 761 le livre des Juges,tandis que les Septante, la Vulgate, etc.,
Phacge 759 les inserent a la suite du livre de Ruth. — Les Juifs
Joatham . . . . 757 (750) designent par la denomination collective de « Samuel»,
c az. 741 (744)
Osee 729 ou, dans le detail, par les titres « premier (livre) de
s . (729)
f e z 6 c h i a 726 . . . Samuel, second (livre) de Samuel », les ecrits que
Prise de Samarie. 721 nous nommons « Premier livre des Rois, Second livre
Manasse . . . . 697 (688) des Rois ». Notre troisieme et notre quatrieme livre
Amon . . . . . 642 des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et le-
Josias . . . . . 640 second des Meldkim, c'est-a-dire, des Rois. Saint Jerome-
Joachaz 609 a conserve en partie ces noms dans les inscriptions
Joakim. . . . . 609
Jechonias. . . 598 qu'il a placees en tete des quatre livres : Liber primus
Sedecias . 598 Samuelis, quern nos primum JRegum dicimusj Liber-
Prise de Jerusa secundus Samuelis, quern nossecundum Regum dici-
lem. . . 587 nus; Liber Regum tertius, secundum Hebrseos primus
Malachim ; Liber Regum quartus, secundum Hebrseos^
Malachim secundus.^ — Les deux premiers livres ne
Sur les difficultes que presente I'etablissemen de la formenten realite qu'un seul etmeme ecrit; le troisieme
chronologic des rois de Juda et d'lsrael, voir CHRONO- et le quatrieme en forment un second. Origene, In Ps. /,
LOGIE BIBLIQUE, t. ii, col. 730-733; Pelt, Histoire de t. xii, col. 1084, et dans Euse'be, H. E., vi, 65, t. xx^
fAncien Testament, Paris, 1904^ t. n, p. 131-140. Sur col. 581, atteste, de concert avec saint Cyrille de Jeru-
1129 ROIS (LITRES DES). I ET II SAMUEL 1130
*alem, Catech., iv, 35, t. XXXIH, col. 500, que, de Premier livre. —1. Les derniers Juges d'Israel, i, 1-vir,
-son temps, ils n'etaient pas separes 1'un de 1'autre dans 17. Deux sections : a) La judicature d'Heli et la com-
«la Bible hebraique; ce qui est encore vrai de toutes les plete defaite desHebreux par les Philistins, r, l-iv,22.
editions manuscrites de cette Bible. La separation n'a Cette triste histoire sert d'introduction a celle de Sa-
^te introduite qu'en 1518 dans les editions de "Venise muel, do nt nous apprenons ici la naissance, la conse-
imprimees par Daniel Bomberg. Mais elle remonte a la cration au service du Seigneur dans le sanctuaire de
'traduction des Septante, ainsi que la division en quatre Silo, 1,1-n, 10, et les premeres relations avee Dieu, n,
livres, et c'est de la qu'elle est passee dans les Bibles 11-ni, 21, qui annonce par lui les vengeances terribles
chretiennes. En fait, la division en quatre livres n'a qu'il tirera de la maison d'Heli. La sentence divine
.pas d'autre raison que la longueur des deuxecrits, qui ne tarde pas a recevoir son execution : les Israelites
ne pouvaient etre contenus chacun dans un seul et meme sontbattus par les Philistins, qui s'emparentde 1'Arche;
rouleau, voir LIVRE, t. iv, col. 307, d'apres les dimen- Heli et ses fils perissent tragiquement, iv, 1-22. —
sions ordinaires qu'on leur donnait. — Les livres I et II 6) Judicature de Samuel, v, 1-vn, 17. Effrayes par les
forment un tout suivi: les premieres lignes du second se ileaux qui frappaient toutes celles de leurs villes ou ils
rattachent etroitemen aux dernieres lignes du premier, conduisaient 1'Arche de Jehovah, les Philistins se. de-
-sans la moindre interruption. II en est de meme pour le cident a la renvoyer sur le territoire d'Israel, v, 1-vi,
troisieme et le quatrieme. — Les titres donnes par les 12. Elle sejourne successivement a Bethsames, vi, 13-
Septante ont leur raison d'etre; mais 1'arrangement 20, et a Cariathiarim, vn, 1. Ramenes par Samuel a
adopte dans la Bible hebraique est plus exact, puisque leur Dieu, qu'ils avaient gravement offense, les Israe-
le troisieme et le quatrieme livre des Rois forment en lites infligent a leur tour une grande defaite aux Phi-
Tealit^ une oauvre a part, tres differente de celle que les listins, vn, 2-14. Suit un sommaire de la judicature
Juifs et les protestants designent par le nom de Samuel. de Samuel, vm, 15-17. — 2. Saiil roi d'Israel, vin,
Quant a ce dernier nom, il a ete choisi parce que le pro- i-xv, 35. Deux sections : a) Elevation de Saiil a la di-
phete Samuel nous apparait, des le debut et pendant un gnite royale, vni, 1-xn, 25. Fatigues des malversations
certain temps, comme le personnage principal, et aussi des fils de Samuel, quiabusaient de Pautorite que leur
a cause du role preponderant qu'il joua dans 1'institution pere leur avaitconfiee, les Hebreux expriment au pro-
de la royaute Israelite, qui forme le fond de la narra- phete leur vif desir d'etre gouvernes par un roi stable,
ion. G'est lui, en effet, qui consacra rois Saul et David. vm, 1-9. Samuel leur expose les graves inconvenients
de la royaute, f.. 10-18. Ils insistent, et Dieu lui-meme
I. LES DEUX LIVRES DE SAMUEL (I et II Rois). — ordonne au prophete d'obternperer a leur demande, t-
f. 'CONTENU* — 1° Sujet. — Les deux premiers livres 19-22. L'ecrivain sacre decrit alors 1'originede Saiil et
-des Rois exposent la suite de 1'histoire des Israelites, ses premieres relations avec Samuel, ix, 1-27, puis son
>depuis la derniere partie de la periods des Juges, onction royale, x, 1-16, et la ratification par le people
jusqu'aux dernieres annees du regne de David. Ils du choix que Dieu avait fait de lui, x, 17-xi, 15. II ra-
s'occupent d'abord des origines et de 1'etablissement conte ensuite 1'abdication de Samuel et ses adieuxau
«definitif de la royaute au sein du peuple theocratique. peuple, xn, 1-25. — 6) Saiil reprouve de Dieu, xm,
Pendant quelque temps, les Hebreux sont encore gou- 1-xv, 35. Passant sous silence, ainsi qu'on 1'admet
vernes par des Juges, Heli, Samuel, les fils de Samuel, generalement, un intervalle de plusieurs annees,le nar-
xjomme sous la periode precedente. Divers incidents, rateur nous conduit directement aux causes qui ame-
>qui se groupent autour de la personne de Samuel, nerentla reprobation duroi. Elles se rattachent a deux
^xcitent peu a peu au coeur du peuple le desir d'avoir guerres d'Israel, 1'une contre les Philistins, xm, 1-xiv,
a sa tete un roi proprement dit, comme les nations 52, 1'autre contre les Amaleeites, xv, 1-35, et a de
voisines : Saul est elu et sacre; mais bientot reconnu graves desobeissances de Saiil aux ordres de Dieu, a
indigne, devant Dieu et devant les hommes, d'exercer 1'occasion de ces guerres. — 3. Les dernieres annees
de si hautes fonctions, il est rejete et David est choisi de Saiil et les commencements de David, xvi, 1-xxxi,
a sa place. Saiil jaloux persecute David et essaie de 13. Trois sections : a) David a la cour de Saul, xvi,
s'en defaire; puis Saiil perit dans un combat centre les 1-xx, 43. II recoit 1'onction royale et est introduit a la
Philistins, et David ne tarde pas a regner glorieuse- cour, xvi, 1-23. II s'illustre en triomphant de Goliath,
ment sur tout Israel, procurant a ses sujets la force et xvii, 1-58. Saiil devieut jaloux de lui et lui tend de
la gloire, soit au dedans, soit au dehors. — Nos deux secretes embuches, xvin, 1-30; il s'abandonne ensuite
4ivres entrent d'ordinaire dans de longs developpements a une haine ouverte et essaie plusieurs fois de le faire
sur les faits qu'ils racontent; ils nous fournissent une mourir, xix, 1-xx, 43. — b) David fugitif a travers le
biographie assez complete de Samuel, de Saiil et de desert de Juda, xxi, 1-xxvi, 25. Le texte sacre nous
David, sans craindre ca et la les repetitions, a la facon montre le futur roi d'Israel errant ca et la, parmi de
des , ecrivains orientaux. Neanmoins, en quelques nombreux perils, pour se mettre a 1'abri des persecu-
endroits le recit prend une forme tres abregee, et on y tions de Saiil, xxi, 1-xxn, 23,' et il decrit les soins tou-
remarque meme des lacunes, 1'historien ne s'etant pas chants de la divine Providence pour le sauver, xxin,
propose de tout dire d'une maniere absolue, pas meme 1-xxvi, 25. — c) David exile chez les Philistins, xxvn,
-de raconter la fin du regne et la mort de David. 1-xxxi, 13. C'est la continuation doulpureuse de
2° Division et analyse. Premier livre. — II entre en 1'epreuve. Nous voyons successivement David refugie
matiere d'une facon abrupte : un vieillard debilite de chez les Philistins et Saiil allant consulter la pytho-
corps et d'esprit gouverne les Hebreux, que les Phi- nissed'Endor, xxvn, 1-xxvin, 25; David vainqueur des
listins oppriment et humilient. La douce figure du Amaleeites, Saul defait par les Philistins et tue sur le
•jeune Samuel nous apparait en meme temps comrne champ de bataille, XXK, 1-xxxi, 13.
un contraste, et aussi comme une promesse qui se rea- Second livre. — Trois parties : — i. David regne a
'lise promptement. Nous passons ensuite a Saiil et a Hebron, i, 1-iv, 12. Son grand deuil ausujet de la mort
David. Le premier livre s'acheve apres la mort du grand de Saiil et de Jonathas, 1,1-27. II recoit 1'onction royale
prophete et du roi maudit; le second s'occupe exclusi- pour la seconde fois, mais il n'est reconnu que par la
vementde David etde son regne glorieux. Enreunissant tribu de Juda, tandis qu'Isboseth, fils de Saiil, soutenu
les deux livres, on obtient une division Ires naturelle, en par Abner, .gouverne le reste de la nation, n, 1-32. Sa
trois parties: 1° histoire de Samuel, I Reg., i-xn; 2° his- famille va croissant et se fortifiant, celle de Saiil decrolt,
•toire.de Saul, I Reg., xin-xxxi; 3° histoire de David, in, 1-iv, 12. — 2. David regne a Jerusalem, sur toutle
II Reg., i-xxiv. — Ces trois parties se subdivisent ains : peuple, v, 1-xx, 26. Deux sections : a) Extraits des an-
1131 ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 1132
nales royales, decrivant la puissance toujours grandis- victorieusement le joug que lui avaient impose plu-
-gante de David, v, 1-x, 19. Toutes les tribus le recon- sieurs des peuples voisins. II est un autre point de vue
naissent pour roi, v, 1-15. II s'empare de la ciladelle tres consolant de cette histoire : en meme temps que
de Sion et fait de Jerusalem sa capitale, v, 6-10. II s'e la royaute sera fondee, Dieu enverra a son peuple une
construit un palais, v, 11-16, et livre aux Philistins seriepresque ininterrompue de prophetes fideles, pour
deux guerres victorieuses, v, 17-25. Il^transporte solen- regler et contrebalancer 1'autorite des rois. Ces pro-
nellemenH'Arche a Sion, vi, 1-23. Al'oceasion du desir phetes ouvriront autour d'eux des ecoles, ou la saintete
qu'il avait exprime de batir un temple au Seigneur, il et la science sacree seront cultivees de concert; de la
recoit un brillant oracle, relatif a la perpetuite de son sorte, les representants de Jehovah seront multiplies
trone, vn, 1-29. Sa puissance continue de se fortifier pour le plus grand bien de la nation. Voir ECOLES DE
par une serie de guerres heureuses, vm, 1-x, 19. — PROPHETES, t. n, col. 1567-1570.
<&) Le crime de David et ses suites funestes, xi, 1-xx, ///. AVTEUR ET SOURCES. — 1° Auteur. — II est im-
26. Le roi adultere et homicide, xi, 1-27. Repris par possible de resoudre cette question d'une maniere cer-
Nathan, il reconnait la gravite de sa faute, xn, 1-14. taine, la tradition etant demeuree tres imparfaite a son
Naissance de Salomon, xn, 15-25. Prise de Rabbath- sujet, et nos deux livres ne nous fournissant aucun ren-
Ammon, xn, 26-31. Desordres dans la faroille royaleet seignement sur lequel on puisse etayer une opinion so-
inceste d'Amnon; fratricide d'Absalom, xin, 1-xiv, 33. lide. D'apres une ancienne tradition juive, Baba bathra,
Revolte d'Absalom et consequences desastreuses qu'elle fol. 14, Samuel lui-meme aurait ete 1'auleur des deux
faillit avoir pour David, xv, 1-xviu, 5. Defaite et mort livres qui portent son nom dans Fhebreu. Saint Gre-
du rebelle, xvm, 6-33. David rentre a Jerusalem et goire le Grand a adopte ce sentiment, In libr. I Reg.
dompte une seconde revolte de ses sujets, xix, 1-xx, Expositio, Prowm., iv, t. LXXIX, col. 40. Mais le fait
26. — 3. Dernieres annees du regne de David, XXI, n'eut ete possible que pour les chap, i-xxiv du Ier livre,
1-xxiv, 25. C'est la une sorte d'appendice, dontvoici les puisque la mort de Samuel est mentionnee I Reg., xxv,
principaux incidents : a) Ruine de plus en plus com- 1. Aussi d'anciens rabbins ont-ils modifie 1'opinion du
plete de la maison de Saul, xxi, 1-14; b) Quatre expe- Talmud, en disant que Samuel aurait compose les
ditions victorieuses centre les Philistins, xxi, 15-22; chap, i-xxiv du Ier livre, tandis que tout le reste se-
c) Cantique d'action de graces de David, xxn, 1-51; rait 1'ffiuvre des prophetes Gad et Nathan. Voir
d) Ses dernieres paroles, xxm, 1-7; e) Liste desheros L. Wogue, Histoire de la Bible et de I'exegese biblique,
de David, xxm, 8-39; f) Denombrement du peuple et in-8", Paris, 1881, p. 26-27; K. Rudde, Der Kanon des
peste qu'il occasionna, xxiv, 1-25. Alien Testaments, in-8<>, Giessen, 1900, p. 23-27. C'est
11. BUT ET IMPORTANCE DES DEUX PREMIERS LIVRES ce qu'ont pareillement admis d'assez nombreux com-
DES ROIS. — i° Le but est triple, tel qu'on peut 1'envi- mentaleurs Chretiens, entre autres Sanchez, Bellarmin,
sager a la lumiere des evenements. II y a d'abord un Cornelius a Lapide. L'un des plus recents interpretes de
but tres general, qui consiste a raconter la suite de I et II Rois, le P. von Hummelauer, Commentarius
1'histoire des Israelites, en tant qu'ils etaient le peuple in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886, p. 9-24, a meme
de Jehovah. On peut distinguer aussi un but plus spe- cru pouvoir tracer plus nettement encore la part de
cial, qui est de demontrer les droits de David et deses chacun des auteurs qui auraient ainsi contribu£ a com-
descendants au trone d'lsrael. Enfin et surtout, un but poser nos deux livres : 1'histoire de Samuel, I Reg.,
plus particulier encore est d'attester la fidelite deDieu i-vn, aurait ete ecrite par ce prophete lui-meme; 1'his-
a ses anciennes promesses relatives au Messie et toire de Saul, I Reg., VIH-XVI, ajoute-t-on, forme un
d'en decrire I'accomplissement progressif, Autrefois, document special, du a la plume soit de Samuel, soit
Gen., XLIX, 8-11, le Seigneur avait fait annoncer a la de Gad; celle de David exile, I Reg., xvn-xxxi, a cer-
tribu de Juda qu'elle exercerait sur la nation choisie tainement Gad pour'auteur a partir du chap, xxv, peut-
une hegemonie glorieuse, qui devait se transformer etre aussi le reste de ce recit; 1'histoire du regne de
un jour et devenir le regne du Messie lui-meme. Void David, II Reg., i-xx, parait avoir etc composee avant
qu'il place reellement un membre de cette tribu sur la mort du roi; elle provientdu prophete Nathan. C'est
le trone d'lsrael, en affirmant, dans les termes les plus sans doute aussi Nathan qui a reuni en un seul et meme
solennels, que le sceptre et la couronne de David se- livre sa propre composition et celles de Samuel et de
ront transmis au dernier et au plus auguste de ses Gad. Les appendices, II Reg., xxi-xxiv, ont ete ajoutes
descendants. Cf. II Reg., vn, 12-16. Aussi n'est-il pas un peu plus tard, quoique assez proniptement.
surprenant que le nom de Masiah, « Messie », qui Cependant ce ne |sont la que des hypotheses plus ou
deviendra si celebre, apparaisse pour la premiere fois moinsingenieuses. Commeonl'admetcommunementau-
des le commencement du Ier livre des Rois, n, 10. li jourd'hui, il est impossible de determiner 1'auteur defi-
domine tout le reste et lui donne le ton. Voir F. nitif avec precision. Mais les theories qui, d'une maniere
Keil, Die Bucher Samuelis, 2e edit., Leipzig, 1875, ou de 1'autre, aboutissent a une pluralite de redac-
p. 5-8; Frz. Delitzsch,0fc£ Testament History of Re- teurs sont condamnees par un argument irrefutable :
demption, in-12, Edimhpurg, 1881, p. 84-94; R. Cor- savoir, 1'unite de fond et de forme qui regne dans toutes
nely, Introd. specialis in fiistoricos Veteris Testam. les parties du recit de I et II Samuel. « Si 1'on exa-
libros, in-8», Paris, 1887, p. 250-253; Mgr Meignan, mine de pres la maniere du narrateur, le style, le
Les Propheties messianiques contenues dans les deux lien etroit et perpetuel qui unit tout I'ensemble, la
premiers livres des Rois, in-8% Paris, 1878. Mais il y juste disposition des parties entre elles, le but pour-
a plus encore, puisque, dans ces livres, David nous suivi et atteint dans le choix des materiaux, on decou-
apparait, en maint detail de sa vie, comme la figure vrira dans tout le livre une unite qui n'aurait pas pu
«t le type du futur Messie. Voir DAVID, t. ir, col. 1323- se rencontrer si trois livres (ou un plus grand nombre
1324. encore), ecrits par differents auteurs, a differentes
2° L'importance dogmatique des deux premiers livres epoques, avaient ete reunis ensuite dans un meme corps
des Rois est tout indiquee par la-meme. Leur impor- d'ouvrage. » R. Comely, Manuel d'lntrod. historiq.
tance historique est aussi tres considerable, attendu et critiq. a toutes les Saintes Ecritures, trad, franc.,
qu'ils nous font assister a une periode de crise et de in-12, Paris, 1907, t. i, p. 359. Voir aussi B. Welte,
formation dans Israel, a un changement complet dans Einheitlicher Character der Bucher Samuelis, dans
]e mode de son gouvernement. Entre les mains de ses la Quartalschrift&e Tubingue,1846,p. 183-215 ;D. Erd-
rois, la nation theocratique prendra plus d'unite, de mann, Die Bucher Samuelis, Bielefeld, 1875, p. 6-26'
consistance et de vigueur, et nous la verrons secouer Glair, Les livres des Rois, Paris, 1879, t. i, p. 8-18.
1133 ROIS (LIVRES DES). I ET II S A M U E L
A defaut du nom de 1'auteur, nous pouvons du moins livres des Rois et par celui du Ier des Paralipomenes :
indiquer d'une maniere approximative 1'epoque a on le voit par un certain nombre de passages ou ces
laquelle il vivait. Plusieurs petits details inseres fa et recits coincident d'une maniere souvent presque litte-
la dans le recit montrent qu*il a ecrit un certain temps rale. Les suivants meritent une mention a part. Com-
apres les evenements racontes. 1° I Reg., ix, 9, il parez :
croit devoir expliquer un terme usite a 1'epoque de I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12.
Samuel et qui etait tombe en desuetude : « Autrefois, II Reg., in, 2-5, et — in, 1-3.
dans Israel, tous ceux qui allaient consulter Dieu s'en- — v, 1-10, et — xi, 1-5.
tredisaient : Venez, aliens au Voyant; car celui qui — v, 11-25, et — xiv, 1-17.
s'appelle aujourd'hui Prbphete, s'appelait alors le — vi, 1-11, et — xm., 1-14.
Voyant. » 2° I Reg., XXVH, 6, il dit que la ville de — vi, 12-23, et — xv, 25-29.
Siceleg etait demeuree au pouvoir « des rois de Juda » — vn, 1-vin, 18, et .— XVH, 1-xvm, 17.
jusqu'au moment ou il ecrivait. Or, le titre de « roi — x, 1-xi, l,et — xix, 1-xx, 1.
de Juda ». ne semble pas avoir etc en usage avant le - xu, 26-31, et — xx, 1-3.
schisme des dix tribus, lorsqu'une distinction fut eta- — xxi, 18-22, et — xx, 4-8.
blie entre lesroyaumes d'lsrael et de Juda: ce trait nous - xxm, 8-39, et - xxi, 10-47.
conduirait done au moins au regne de Roboam (962- — xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27.
946 av. J.-C.). 3° II Reg,, xm, 18,1'auteur nous apprend
que les princesses royales etaient autrement vetues du En etudiant ces divers passages, on se rend compte
temps de David que du sien; ce furent sans doute les que 1'auteur des Paralipomenes n'a pas fait directemerit
femmes etrangeres introduites a ia cour par Salomon d emprunts a celui des Rois, ou reciproquement, mais
qui apporterent des modes nouvelles. D'autre part, la qu'ils ont puise tous deux a des sources communes,
composition ne saurait dater d'une periode de beau- tres vraisemblablement celles qui ont ete marquees
coup posterieure a David et a Salomon, car le style est ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Sa-
encore celui de 1'age d'or de la langue hebraiique. Une muelis, p. 5-6,16-17. — L'auteur des livres de Samuel
addition qu'on lit dans les Septante aux passages nous appvend \\\\-raeme, 11 Iteg., v, 1$, <\u'\\. & «.«*-
II Reg., vin, 7, et xiv, 27, et ou Roboam est mentionne prunte au « livre des Justes », deja mentionne Jos.,
nommement, semblerait supposer que nos deux livres x, 13 (voir JUSTES [LE LIVRE DES], t. in, col. 1873-1875),
. ont ete ecrits sous le regne de ce prince, apres 1'in- 1'elegie de David sur la mort de Saiil et de Jonathan.
vasion du roi iTEgypte Sesac en Palestine; mais leur II est fort probable qu'il a transcrit le « cantique du
authenticity est douteuse. En fait, de nombreux exe- Rocher », II Reg., xxn, 1-51, du premier livre des
getes se decident aujourd'hui en faveur de ce regne, Psaumes, cf. Ps. XVH. II a aussi puise le cantique
et leur opinion est pour le moins tres vraisemblable. d'Anne, I Reg., n, 1-10, et les « dernieres paroles de
Voir F. Keil, Lehrbuch der... Einleitung in das A. T., David », II Reg., xxm, 1-7, dans d'autres documents
2« edit., p. 208; Erdmann, Die Sucker Samuelis, p. 37; authentiques. — La tradiiion orale, encore tres vivante
Comely, Introd. specialis, p. 270-271; F. Yigouroux, sur des faits si importants, si recents, lui a pareille-
Man. bibl,, 12e edit., t. n, p, 85. Plusieurs rationalistes, ment fourni d'abondants materiaux. Ses narrations le
entre autres Ewald, Thenius, Hsevernick, sans parler prouvent, il existait encore des monuments relatifs a
de quelques protestants orthodoxes, attribuent meme plusieurs des faits racontes, cf. I Reg., vi, 18; vn, 12:
la composition a 1'epoque de David ou de Salomon. des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x,ll,
D'ailleurs, la plupart des critiques, malgre la faussete II Reg., v, 8; des noms significatifs donnes aux lieux
de leurs systemes par rapport a 1'origine des deux pre- et aux personnes, cf. I Reg., i, 20; iv, 21; vn, 12; xxm,
miers livres des Rois, n'hesilent pas a regarder des 28; II Reg., 11, 16, etc. — De tout cela il s'est servi
parties notables de cet ecrit comme tres anciennes, et comme un ecrivain intelligent, habile et fidele.
a les dater du xe ou du ixe siecle avant notre ere. Voir iv. STYLE. — Le style, comme il a ete deja insinue
E. Kffinig, Einleitung in das Alte Test., in-8°, Ronn, plus haul, est celui de 1'age d'or de la langue he-
1893, p. 261-263; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. II est braique. L'auteur de nos deux livres est regarde a
vrai, comme il sera dit plus bas, qu'ils regardent d'au- juste titre comme 1'un des meilleurs prosateurs de
tres nombreux passages comme beaucoup plus recents et la litterature sacree. « II n'a point les archai'smes
qu'ils reculent la composition finale jusqu'apres I'exil. du Pentateuque;... il n'a pas non plus ce qu'pn a
2° Sources. — A ce sujet aussi, on peut faire des appele les provincialismes de 1'auteur des Juges... ;
conjectures tres raisonnables, bien qu'il soit impos- il est superieur a celui des Paralipomenes, qui ap-
sible de fournir des details absolument certains. L'au- partient a 1'age de fer, et aussi a 1'auteur des troi-
teur dut avoir a sa disposition, d'une part, des documents sieme et quatrieme livres des Rois, chez qui Ton
ecrits, assez abondants et contemporains des faits; de trouve un cerlain nombre d'aramaiismes, tandis qu'on
1'autre, des traditions orales conservees jusqu'a lui. n'a pas pu en decouvrir plus de six dans les deux livres
K C'est ainsi seulement que Ton peut s'expliquer la de- de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. n,
licatesse de touche, la vivacite dramatique, la finesse 12e edit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont
des traits biographiques et la fraicheur incomparable propres, il faut mentionner surtout 1'appellation Yeho-
des recits renferm'es dans les livres de Samuel. » La vdh sebd'ot, « Seigneur des armees », par laquelle ; il
Bible annotee, Les livres historiques, t. HI, Neuchatel, est le premier a designer le Dieu d'lsrael. II 1'emploie
1893, p. 184. — Plusieurs des sources ecrites auxqtielles dix fois : I Reg., i, 3,11; iv, 4; xv, 2; xvn, 45; IIReg.,
1'historien sacre recourut sans doute sont designees en v, 10; vi, 18; vn, 8, 26, 27. Elle est devenue frequente
propres termes au Ier livre des Paralipomenes. II y eut apres lui. Citons aussi 1'expression nafyalat Yehovdh,
d'abord, d'apres I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel « heritage du Seigneur », pour marquer la nation theo-
le Voyant », « le livre du prophete Nathan », et « le cratique, I Reg., xxvi, 19; II Reg., xx, 19 et xxi, 3;
livre de Gad le Voyant »; puis, d'apres I Par.,xxvii, les formules Haec facial Dominus et hsec addat,IReg.,
24, les « Fastes du roi David » : sortes d'annales dont in, 17; xiv, 44; xx, 13, etc.; tinnient aures ejus, I Reg.-,
on ne saurait decrire au juste la nature et 1'etendue, in, 11: le titre ndgid, « prince », pour designer le roi,
mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu'elles etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174.
provenaient d'auteurs contemporains, d'une autorite V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET LES
incontestable. Ces documents paraissent avoir ete uti- NEO-CRITIQUES. — 1» Expose des theories principales.
lises a tour de role par 1'auteur des deux premiers — Le systeme des documents multiples, des couches
1135 ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 1136
superposees et des redactions successives, des rema- role des prophetes. » C'est done « a la lumiere dela loi
niements nombreux jusqu'a 1'agencement definitif, ne deuteronomique » que fut modifiee toute 1'ancienne
pouvait manquer d'etre applique a ces deux livres, de histoire d'Israel. Cette historiogra phi e est « une grande
meme qu'il 1'avait ete au Pentateuque, au livre de Josue theodicee, qui demontre comment la ruine du peuple
et au livre des Juges. Les neo-critiques n'ont pas de Jehovah fut une consequence de la justice divine. »
epargne leur peine pour decouvrir ce qu'ils nomment G. Wildeboer, Die Litteralur des Alien Testaments
les sources primitives et les elements secondaires de nach der Zeitfolge ihrer Entstehung, trad, du hollan-
notre ecrit. Le jugement qu'ils portent surlui est severe: dais, in-8», GcEttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient a
« C'est une combinaison d'elements divers et inegaux, dire que, sous 1'influence du Deuteronome, les idees
une compilation de documents souvent incoherents et surnaturelles auraient penetre apres coup dans les
contradictoires, dont on ne peut extraire qu'avec de livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu
grandes precautions et difficultes les faits dignes d'etre explique pourquoi de nombreux passages sont rejetes
acquis a 1'histoire. » Maurice Vernes, dans YEncyclo- en detail par les rationalistes.
pe'die des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, II serait sans utilite de suivre un a un, sur ce ter-
Paris, 1881, p. 445. « Tels qu'ils ont ete conserves rain, ious ceux des neo-critiques qui ont emis quelque
dans le canon, les livres de Samuel ne sont evidem- theorie plus speciale au sujet de la composition des
ment pas 1'ceuvre d'hommes contemporains des evene- livres de Samuel. Ici, comme a propos du Pentateuque
ments racontes. Derriere ces documents on decouvre et de la plupart des ecrits bibliques, nous assisterions
des traditions variees et contradictoires, que le compi- a une vraie surenchere, chacun voulant aller plus loin
lateur, se conformant a la methode de 1'historiographie que ses predecesseurs en fait de negation. C'est ce que
hebrai'que primitive, a incorporees... dans une seule, montre fort bien le tableau d'ensemble place par le
sans faire aucun effort pour mettre d'accord les diffe- Dr Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire
rences. » The Jewish Encyclopaedia, t. xi, New-York, des livres de Samuel, compose aussi dans un sens ra-
1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en tionaliste. Nous nous contenterons done de signaler
fragments plus ou inoins nombreux, groupes tardive- 1'analyse des sources de nos deux livres, telle que la
ment, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, re- donne le Dr K. Budde, qui s'est acquis une certaine
monte au debut du xix« siecle. Les plus celebres ratio- notoriety sur ce point; il ne fait, du reste, que deve-
nalistes d'alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis lopper la theorie de Wellhausen.
Gramberg, ebaucherent ce travail. Thenius le completa Comme ceux qui Kont precede dans cette voie, il
dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Humme- attire d'abord 1'attention du lecteur sur trois formules
lauer, Comm. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c'est surtout deSlivres de Samuel, I Reg., Vn, 15-17: xiv, 47-52 et
a WeJJhausen eta ses etudes reiterees sur cette question II Reg., "vm, 15-18, qui auraient servi de conclusion a
que se rattachent les theories generalement admises trois documents anciens, consacres, le premier a Sa-
aujourd'hui par les neo-critiques. II fait porter simul- muel, le second a Saul, le troisieme a David. Elles
tanement ses recherches sur les livres des Juges, de doivent, dit-il, leur forme actuelle a la « main deute-
Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans ronomique », par laquelle auraient ete amalgames les
lesquels il pretend reconnaitre les memes errements, la documents en question. Des repetitions et meme des
meme methode de remaniements successifs et d'addi- contradictions assez nombreuses,que nous examinerons
tions contradictoires. A la base du systeme, il y a cette en detail (col. 1138), attesteraient aussi 1'existence de
assertion bien connue : le Pentateuque se compose de plusieurs sources ecrites, que des compilateurs ou re-
trois parties, savoir, le Deuteronome, le Code sacerdo- dacteurs successifs auraient cousues 1'une a 1'autre,
tal, et le recit jehovisle, qui est le plus ancien des maladroitement, sans remarquer qu'elles ne corres-
trois. Le Deuteronome fut retrouve, et meme proba- pondent plus au meme point de vue religieux ou poli-
blement compose de toutes pieces, a 1'epoque du roi tique. La premiere de ces sources aurait ete simple-
Josias, en 621; pretres et prophetes s'entendirent pour ment remaniee; les deux autres auraient subi des mo-
lui donner force de loi, et pour restreindre des lors le difications importantes. La premiere, qui est posterieure
culte. au temple de Jerusalem. Le Code sacerdotal est au Deuteronome, presente de grandes affinites avec
plus recent que le Deuteronome et posterieur a Fexil; 1'ecrit elohiste du Pentateuque que Ton designe par le
il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte sigle E; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait
unique, etabli en realite sous le regne de Josias, re- 1'oeuvre de Fecrivain jehoviste, J^ Mais, d'un examen
mpntait jusqu'a Moi'se. Pendant I'exil de Babylone, les plus attentif, il ressort que ces deux documents ont ete
anciens livres historiques, notamment ceux des Juges, remanies plusieurs fois, de facon a produire, d'une
de Samuel et des Rois} furent revises et remanies, part J^J 2 , et de 1'autre E1, E2. Le redacteur qui les a
pour qu'ils se trouvassent d'accord avec les pratiques unis sans essayer de les concilier est designe par les
religieuses adoptees depuis Josias. De nombreux details lettres RJE. Apres lui vint un dernier redacteur R D ,
ont done ete modifies dans ces livres, tout particuliere- anime de 1'esprit deuteronomique. Voici quel serait le
ment dans ceux de Samuel, sous 1'influence et d'apres resultat final de cette minutieuse enqueue :
1'esprit du Deuteronome. — Tel est le fondement de la J — I Reg.,ix,l-x,7, 9-16; xi, 1-11, 15; xm, l-7a,15»>-
theorie developpee par Wellhausen dans les ouvrages 18; xiv, 1-46, 52; xvi, 14-23; xvm, 5-6, 11, 20-30; xx,
qui seront enumeres plus loin (col. 1144). On voitcom- 1-10, 18-39,.22"; xxii, 1-4, 6-18, 20-23; xxm, 1-14";
bien il est faux, arbitraire, et par consequent fragile. xxvi; xxvn; xxix-xxxi. — 11 Reg., i, 1-4, 11,12,17-27;
Voir PENTATEUQUE, col. 86-107.« L'historiographie deu- n, 1-9, 10b, 12-32; HI; iv; v, 1-3, 6-10, 17-25; vi; ix-xi;
teronomique »", comme on la nomine, c'est-a-dire la XH,21-9, 13-31; xm, 1-xx, 22. a
redaction definitive de « la plus grande partie des J — I Reg., x, 8; xm, 7M5 , 19-22.
ecrits historiques d'Israel... sous 1'influence de la loi E — I Reg., iv, It-vii, 1; xv, 2-34; xvn, 1-11, 14-58;
deuteronomique, » se serait prolongee pendant pres de xvm, 1-4, 13-19; xix, 1, 4-6, 8-17; xxi, 1-9; xxii, 19;
deux siecles, entre les annees 621 et 433 avant J.-C. xxm, 19-xxiv, 19; xxv; xxvm. — II Reg., I, 6-10,
« Comrnencee a la fin de 1'independance nationale 13-16, vn.
d'Israel, elle contient un jugement porte sur tout le E2 - I Reg., i, 1-28; n, 11-22", 23-26; in, 1-iv, l a ;
passe du peuple dans 'la Terre Promise; son but pro- vn, 2-vin, 22;^x, 17-24; xn.
prement dit, tres visible partout, est de donner un RJE _ I Reg., x, 25-27; xi, 12-14; xv, 1; xvm, 2;Xix,
avertissement serieux a la nation, qui esperait avec 2,3, 7>xx, 11-17, 40-42S xxii, IQb; Xxm, 14M8;xxiv,
certitude son retablissement, en s'appuyant sur la pa- 16, 20-22". - II Reg., i, 5.
1137 ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL 1138
b
RD — I Reg., xiv, 18 ; VH, 2; xm, 1; xiv, 47-51; nouveaux regnes, cf. I Reg., xm, 1; II Reg., n, 10-11;
XXYIII, 30. — II Reg., ir, 10a, 11; v, 4-5; vm; xn, 10-12 v, 4-5, en emploie d'autres pour marquer la conclusion
Un redacteur encore plus recent aurait ajoute les de quelque periode importante du regne. Ainsi, oufre
passages suivants : celles qui ont ete notees plus haut, nous mentionne-
I Reg., iv, 15, 22; vi, ll*, 15, 17,18, 19; xi, 8"; xv, rons II Reg., irr, 1-5; v, 12-16; xx, 19-26. Pourquoi les
4; xxiv, 14; xxx, 50. — II Reg., in, 30; v, 6b, 7b, 8b; neo-critiques demeurent-ils muets sur ces dernieres?
xv, 24; xx, 23-26. Simplement parce qu'elles n'ont rien qui favorise leur
A un dernier remaniement seraient dues les addi- systeme. Les autres ne 1'etayent pas davantage. « Ces
tions qui suivent : donnees sous forme de resume trahissent une methode,
I Reg., ii, 1-10, 22 b ;xvi, 1-13; xvn, 12-13; xix, 18-24; une idee intentionnelle, et ne portent point en elles le
xxi, 10-15; xxii, 5. — II Reg., xiv, 26; xxi-xxiv. cachet de la compilation. Elles servent done unique-
Voir Budde, Die Bucher Samuelis erklart, p. x-xxi, ment a terminer, ou, si 1'on -veut, a arrondir chacune
et aussi, dans le meme sens, quoique avec des nuances des periodes et forment comme" des points de repere,
assez nombreuses, Nowack, Die Bucher Samuelis sans porter prejudice a la liaison des parties et sans
ubersetzt und erklart, p. XIV-XXHI; Cornill, Einleitung briser 1'unite de composition. » P. Glair, Les livres
in das A. Test., 2" edit., 1892, p. 106-121. — Voici quel des Rois, p. 14. Voir F. Keil, Lehrbuch der Einleitung
serait 1'age respectif de ces divers documents ou rema- in die Schriften des AU. Test., 2e edit., p. 167-168.
iHiements : la partie la plus ancienne, J1 et J2, remonte b) Les repetitions frequentes que 1'on rencontre
au ixe siecle avant notre ere; E1 appartient probable- dans nos deux livres prouveraient aussi jusqu'a 1'evi-
ment au vme siecle; E2, sinon au vme siecle, dumoins dence, nous dit-on, 1'origine diverse des passages oil
au commencement du vn e ; Rje date d'une epoque plus elles se rencontrent. — II est vrai qu'il en existe plu-
tardive du vn« siecle (avant la reforme de Josias, en sieurs : par exemple, la double mention de la mort de
621); les autres redactions sont plus recentes, et datent Samuel, I Reg., xxv, 1, et xxvm, 3; les details relatifs
de 1'exil, ou meme d'une periode posterieure a 1'exil. a lafamille de David, I Reg., xvi, 1-13, etxvn, 12-21, etc.
2° Refutation du systeme des neo-critiques. — Mais elles ne sont pas inconciliables avec 1'unite du livre,
1. D'une maniere generale, nous dirons d'abord qu'ex- et elles sont conformes au genre des ecrivains orien-
poser de telles theories, c'est en grande partie les re- taux. Les neo-critiques les signalent avec eclat, dans
futer. II faut tout le parti pris, toute la hardiesse du 1'inleret de leur these. Bien plus, ils affectent de pren-
rationalisme, pour croire qu'a environ trente siecles dre pour des repetitions, pour des « doublets », comme
<l'intervalle, on puisse etre capable de determiner, ils disent, un certain nombre de faits entre lesquels il
verset par verset, dans un ecrit dont le style est bien existe sans doute une certaine ressemblance, mais qui
caracterise. (col. 1134), des diversites, et meme de presentent des circonstances tres differentes de temps,
simples nuances, qui trahiraient des auteurs tres dis- de lieu, etc. Examines de pres, les pretendus « dou-
tincts, separes les uns des autres par des centaines blets » sont le recit d'evenements tres distincts. I Reg.,
d'annees et par les sentiments religieux les plus di- xm, 13-14, il s'agit de la reprobation de la maison de
vers. Aussi, ceux qui presentent ces theories sur les Saul, et plus loin, xv, 10-11, de la reprobation person-
livres de Samuel s'appuient-ils le plus souvent sur des nelle du roi. I Reg., x, 10^12, il est question de 1'ori-
preuves purement subjectives et arbitraires, et de la gine du proverbe Num et Saul inter prophetas? tandis
viennent les divergences considerables depreciation que plus bas, xix, 23-24, 1'ecrivain sacre mentionne la
qui regnent entre eux, soit pour la nature et le nombre confirmation de ce meme proverbe. L'hebreu marque
•des documents primitifs, soit pour celui des compila- mieux cette nuance, et suppose 1'existence anterieure
teurs et redacteurs, soit pour 1'epoque des uns et des de 1'adage. Au premier passage, nous lisons : Fuit in
autres. Lorsqu'ils veulent parler sinceremeiit, ils re- proverbium,' au second : « C'est pourquoi ils disent :
connaissent, avec le Dr G. Wildeboer, Die Litteratur Est-ce que Saul... 1»Par deux fois, Saul tente de trans-
des A. Testam., p. 53, que la plupart de leurs juge- percer David de sa lance, I Reg., XVIH, 10, et xix, 9. Or,
ments ne reposent que sur des hypotheses; avec le nous apprenons I Reg., xx, 33, que le roi avait recours
Dr Stade, Encyclopedia biblica de Cheyne, t. iv, a ce geste haineux, lorsqu'il etait sous 1'empire de sa
•col. 4279-4280, qu'un grand nombre des assertions des passion mauvaise. Deux fois aussi, les habitants de
neo-critiques touchant 1'origine des livres de Samuel Ziph trahirent David en indiquant a son ennemi le lieu
sont inexactes; avec le D r Budde lui-m£me, Die Bucher de son refuge, I Reg., xxin, 10, et xxvi, 1; deux fois,
Samuelis, p. xvin, qu'en voulant trop preciser sur ce David dut aller chercher un abri chez les Philistins,
point, on commet des actes d'audace entierement sub- I Reg., xxi, 10-15, et xxvn, 1-7; deux fois, d'abord dans
jectifs. Ils trouvent que 1'histoire de la composition de une caverne, puis dans le camp royal, il epargna gene-
ces ecrits est « tres compliquee », Stade, l.-c., col. 4274. reusement la vie de Saul, I Reg., xxiv, 5-8, et xxvi,
Voir aussi E. Reuss, op. clt., p. 87. Mais ils sont eux- 7-25. Mais pourquoi ces divers faits ne se seraient-ils
memes responsables de cette complication, qui n'exis- pas renouveles, des lors que les memes causes perse-
tait pas avant eux. veraient: chez Saul, sa haine intense; chez les habitants
2. Si nous passonsal'examen des preuves principales de Ziph, le desir de nuire a David; chez celui-ci, sa
sur lesquelles les neo-critiques appuient leur theorie, grandeur d'ame; par rapport aux Philistins, la proxi-
nous, verrons qu'elles sont aisees a refuter. — a) II y a .mite de leurs frontieres. II Reg., vm, 11-12, on men-
d'abord les trois formules qui ont ete mentionneeSjphis tionne brievement les resultats de la guerre avec les
haut (col. 1136) : I Reg., vn, 15-17; xiv, 47-52; II Reg., Ammonites; x, 1-25, on expose toutau long cette guerre,
vm, 15-18. A la suite de Thenius et de Wellhausen, on qui servit d'occasion au grand crime de David. Con-
a vu, dans ces sommaires de la judicature de Samuel, cluons avec le Dr (protestant) Strack, Einleitung in
du regne de Saul et du regne de David, des traces d'une das Alte Testam., 4e edit., in-8°, Munich, 1895, p. 67:
compilation tardive. Elles auraient servi de conclusion « L'assertion d'apres laquelle, dans ces cas, il n'aurait
a trois documents distincts, et le redacteur les aurait existe reellement qu'un incident unique, le redacteur
inserees dans son osuvre avec les passages qu'elles s'etant laisse induire en erreur par les divers orne-
achevaient.— Mais Phypothese est toute gratuite- Ces ments qu'aurait surajoutes la tradition, n'est nullement
formules, en effet, ne mettent fin en realite ni au role demontree; » ou plutot, c'est le contraire qui est
de Samuel, ni aux regnes des deux premiers rois Israe- demontre par une etude impartiale des textes. Voir
lites. L'auteur des livres de Samuel, qui place volon- F. Keil, Lehrbuch der Einleitung in die Schriften
taers des formules generales au commencement des des A. T., 2* edit., p. 172-174.
1139 ROIS (L1VRES DES). I ET II SAMUEL
3. Les neo-critiques sont alles plus loin, et ont pre- ce qui est plus extraordinaire encore, Saul qui, avanf
tendu decpuvrir dans, les livres de Samuel des con- d'aller combattre les Philistins, avait choisi David
tradictions veritables, qui demontreraient encore mieux comme ecuyer et le connaissait tres bien, ainsi que
leur these relative a 1'origine de ces ecrits. Cette autre son pere, I Reg., xvi, 18-22, nesait pasquel est ce jeune
affirmation ne resiste pas non plus a 1'examen serieux homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvn, 15-16. »
des faits. Les soi-disant contradictions concernent Sa- F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationa-
muel, l'origine de la royaute chez les Hebreux, 1'intro- lisle, 5«edit., Paris, 1902, t. iv,p. 495-496. Telles sont les
duction de David a la cour de Saul, la mort de ce antilogies apparentes de la narration, Le m£me auteur
dernier, la prise de Sion par David, enfin le geant Goliath, nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Apres avoir
— a) Les recits relatifs au prophete Samuel seraient fait remarquertresjustementqu'un narrateur europeen
deux fois contradictoires. En premier lieu, d'apres aurait ordonne son recit d'une autre maniere que
I Reg., vn, 15, il exerca « durant tous les jours de sa 1'ecrivain Israelite, lequel a complique visiblement les
vie » les fonctions de juge en Israel, et pourtant nous faits par les repetitions cheres a sa race, il reprend :
le voyons, I Reg., vm, 1, cf. xn, 2, deleguer son auto- « Les deux recits dont nous nous occupons ne sont pas
rite a ses fils. Mais cette difficulte s'explique au moyen d'ailleurs completement independants. L'historien ne
d'une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux, parle pas la seconde fois des freres de David comme s'ils
cessa de rendre des jugements et d'exercer certaines nous etaient totalement ihconnus, et, au sujet de David
prerogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui; lui-meme, il a soin de rappeler qu'il 1'avait deja fait
mais il ne se demit jamais entierement de son autorite connaitre a ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet
de juge, et il n'en avait d'ailleurs pas le droit, puis- homme d'Ephrata (dont il a ete deja parle, explique
qu'elle lui avait ete deleguee par Dieu lui-meme. justement la Vulgate), de Bethlehem de Juda. I Reg.,
I Reg., vm, 4, apres qu'il a £te question de son rem- xvn, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saul peut-il igno-
placement partiel par ses fils, nous voyons le peuple rer qui est David, puisqu'il avait fait demander a son
s'adresser a lui pour avoir un roi. Meme sous le regne pere de le lui laisser comme ecuyer, I Reg., xvi, 19-22,
de Saul, il conserva son autorite supreme, que le roi et comment Abner n'en sait-il pas plus long que son
ne songea nullement a contester. Cf. I Reg., xv, 2-34. maitre?La reponse est facile, etil y a longtemps qu'elle
David aussi recourut a lui comme a un guide officiel- a ete donnee par saint Ephrem. Le roi connaissait
lement institue par Dieu. I Reg., xix,18, etc. On objecte suffisamment le berger de Bethlehem pour 1'attacher a
aussi que, d'apres I Reg., xv, 35, a partir de tel instant, sa personne, en qualite d'ecuyer et de musicien; mais
« Samuel ne vit plus Saul jusqu'au jour de sa mort, » le courage de David 1'etonne et fait qu'il s'iriteresse
tandis qu'il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, a propos davantage a lui; de plus, ayant promis sa fille auvain-
de Saul: « II prophetisa... devant Samuel. » Ici encore, queur de Goliath, il desire des informations plus pre-
la conciliation est aisee : le premier trait signifie que cises sur la parente de celui qui peut devenir son
le prophete cessa d'aller visiter le roi; le second annonce gendre, et c'est pour ce motif qu'il charge Abner de
simplement qu'il lerencontra d'une facon accideritelle. s'en occuper, I Reg., xvn, 55-57... Nous n'avons done
— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradic- ici aucune contradiction reelle. » II est remarquable, en
tions dans les recits relatifs a 1'institution de la royaute. effet, que, dans le texte sacre, I Reg., xvn, 53-56, Saul
Les raisons pour lesquelles les Hebreux desirerent et ne demande pas qui etait personnellement David,
demanderent un roi suivant notre livre leur pararssent mais de qui il etait fils, a quelle famille il appartenait.
inconciliables : d'une part, la cupidite des fils de Ajoutons que Saul avait plusieurs ecuyers, selon 1'usage
Samuel, I Reg., vm, 3-5; de 1'autre, les craintes que d'alors, cf. II Reg., xvm, 15, de sorte que David, apres
les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xn, 12- avoir distrait pendant quelque temps le roi par son
13. Mais en quoi ces motifs s'excluent-ils? Us se com- talent de harpiste, etait ensuite retourne a la maison
pletent mutuellement, au contraire, et le narrateur paternelle, ou il se trouvait lorsque la guerre fut
n'etait pas tenu de les indiquer en meme temps. Autre declaree. On a allegue aussi que les passages I Reg.,
objection sur le m6me evenement : I Reg., x, 1, nous xvn, 12-31 et xvii, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu
apprenons que Saul recut 1'onction royale des mains de a la difficulte proposee, sont supprimes dans la version
Samuel, sur Fordre direct du Seigneur; d'apres des Septante; ce qui prouverait que les traducteurs
I Reg., x, 20, 25, il fut elu par le sort et ensuite reconnu d'Alexandrie ne croyaient pas a la possibilite d'etablir
par le peuple. Mais il n'existe pas d'opposition reelle une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58.
entre les deux faits : Dieu designa d'abord Saul en Mais cette omission ne de'montre rien par elle-meme,
secret a son prophete, qui lui confera 1'onction sainte; car la Bible des Septante presente d'autres nombreux
-cette onction secrete ne pouvant suffire pour donner exemples de suppressions, d'additions, de transposi-
une autorite publique au nouveau roi, il fallait une tions, etc. D'ailleurs, si le Cod. Vaticanus ne contient
revelation exterieure et solennelle de la volonte divine, pas les versets en question, d'autres manuscrits les
et 1'election par le sort la fournit. — c) La difficulte tiree renferment, et les anciens interpretes grecs, entr&
de la presentation de David a la cour royale est plus autres Theodoret de Cyr, Introd. in I Reg., t. LXXX,
serieuse. Nos adversaires affirment qu'elle est racontee col. 567-568, s'efforcaient deja d'harmoniser les deux
dans le Ier livre des Rois sous deux formes tellement recits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr.
differentes, d'abord xvi, 14-23, puis xvn, 1-xvni, 5, qu'il 1 Reg., t. LXXXVII, col. 1109. — d) Si Jes narrations re-
n'est pas possible de faire concorderles recits : preuve, latives a la mort de Saul, I Reg., xxxi,2-6,et II Reg., I,
ajoute-t-on, qu'ils ont ete empruntes a des sources 2-12, sont reellement contradictoires, la faute n'en re-
differentes, que leredacteur a maladroitement reunies. tombe pas sur 1'ecrivain sacre, qui donne la veritable
Voici les details de 1'objection: « Quand Samuel arrive version au premier des passages indiques, mais sur
a Bethlehem (pour sacrer David), 1'historien nous fait I'Amalecite qui fit a David un recit mensonger, pour se
connaitre le pere et les freres de David, I Reg., xvi, 1- faire bien venir de lui. Voir Theodoret, I. c., t. LXXX>
13, et, un peu plus loin, il les presente de nouveau au col. 598. — e) II est dit, I Reg., xvn, 54, que Davidporta
lecteur, comme s'il n'en avait jamais encore parle. la tete de Goliath a Jerusalem, puis, assez longlemps
I Reg., xvn, 12-15. Avant la guerre, Saul fait de David, apres, II Reg., v, 9, gu'il s'empara de la citadelle de
qui est tres brave, son ecuyer, I Reg., xvi, 21, et, au Sion. Mais ouest la contradiction? Sans doute, les Jebu-
moment de la guerre, nous voyons David gardant son seens demeurerent longtemps les maitres de la citadelle;
troupeau, et n'allant au camp que par hasard, afin mais la ville, c'est-a-dire Jerusalem, etait deja au pou-
d'apporter des vivres a ses freres. I Reg., xvn,17- Mais voir des H4breux, qui 1'habitaient en paix. — f) S'ii
1141 ROIS (LIVRES DES). I ET II S A M U E L 1142
est parle, II Reg., xxi,19, d'un geant philistin nomme II raconte avec une entiere franchise les egarements
Goliath, tue par un habitant de Bethlehem, cela ne des acteurs les plus veneres de cette histoire, aussi
suppose nullement deux recits qui se contrediraient. bien que leurs plus belles actions: « Sacerdoce, prophe-
D'apres I Par., xx, 5, le second heros philistin etait le tisme, royaute, tout ce qui est eleve en Israel, passe,
frere du geant mis a mortpar David (t. in, col. 269), — comme le peuple lui-meme, sous le niveau impartial
Sur ces divers points, voir Himpel, Ueber Widerspruche du jugement divin. » La Bible annotee, Les livres
und verschiedene Quellen der Bitcher Samuelis, dans prophetiques, t. in, Neuchatel, 1893, p. 185. David
la Tubinger Quartalschrift, 1874, p. 71-126, 237, 281; n'est pas plus epargne que les autres sous ce rapport,
Keil, Lehrbuch der Einleitung, p. 167-171; Clair, Les et 1'histoire de son double crime est exposee dans tous
Livres des Rois, t. i, p, 18-29; Comely, Introductio ses details, avec les chatiments terribles qu'elle lui at-
specialis in historicos Vet. Testam. libros, in-8°, Paris, tira. Les caracteres des divers personnages sont de-
1887, p. 260-272. crits aussi avec une verite psychologique tres frappante.
VI. LA VERACITE ET L'AUTORITE DES LIVRES DE SA- Nous voyons se dresser vivants devant nous Heli, avec
MUEL. — De ce qui vient d'etre dit, il resulte que son singulier melange de faiblesse et de piete; Samuel
les neo-critiques en attaquent sur Men des points avec sa gravite sereine, sa male decision, sa grandeur;
1'exactitude et le caractere historique. D'ailleurs, ils Saul, d'abord aime de Dieu, puis devenant insuppor-
affirment en termes expres qu'en beaucoup d'en- table et se livrant a toute la fougne de sa passion; David,
droits, surtout dans les passages qui mentionnent aimable, juste, habile, prudent, aux sentiments pleins
quelque intervention surnaturelle, le recit n'a pour de naturel, etc. Les acteurs secondaires, Abner, Jona-
base que des legendes populaires. Hugo Winckler, thas, Joab, etc., sont aussi tres bien depeints. — 2° La
entre autres, Geschichte Israels in Einzeldarstellun- veracite de ces deux livres est egalement attestee par
gen, in-8°, Leipzig, 1900, t. n, p. 147-152, pretend le dehors, c'est-a-dire par d'autres passages de la Bible
que la plus grande partie de nos deux livres est legen- qui leur conferent une autorite en quelque sorte divine.
daire. D'apres Nowack aussi, Die Bucher Samuelis Jeremie fait plusieurs fois allusion a leur contenu :
ubersetzt und erkldrt, p. xiv-xxm, les chap. I-IH cf. Jer., n, 37, et II Reg., xin, 19; Jer., xv, 1, et I Reg.,
du premier livre sont de 1'idylle, non de 1'histoire; xn, 19-23; Jer., xxm, 5, etll Reg. vn, 12; TIII, 15, etc.
dans les chap, ix et x, on remarque de nombreux em- Les deux derniers livresdes Rois citentpresque textuelle-
bellissements pdetiques, beaucoup de details qui ont ment plusieurs passages des deux premiers. Cf. Ill Reg.,
regu « une forme idyllique »; dans les chap, vn, vm, n, 27, et I Reg., n, 31, etc. Comme il a ete dit plus haut
Xii, etc., souvent la narration n'a rien de reel, mais (col. 1134), le premier livre des Paralipomenes repro-
a ete inventee a plaisir. Etc. Wellhausen, Prolego- duit en partie, et d'une maniere toute semblable, >le
mena zur Gesch. Israels, 5e edit., p. 247-275, pretend theme traite dans I et II Reg. Le fils de Sirach,
de rn£me qu' « il n'y a pas un mot de vrai » dans tel Eccli., XLVI, 6-XLVii, 13, resume les livres de Samuel
et tel recit; il mentionne en particulier, p. 266, v la de la facon la plus exacte; il en est de me'me du
legende du combat entre le jeune berger et Goliath, Ps. xvii, sans parlor des titres d'assez nombreux chants
I Reg., xvii, 1-xvin, 5. » A travers le livre entier les du Psautier, certainement tres anciens, quoi qu'il en
« tendances » seraient visibles, et elles auraient cor- soit de leur authenticity, qui se rapportent a divers
rompu 1'esprit des recits. Aussi, dans son ouvrage Die traits de la vie de David. Cf. Ps. m,. 1; xvii, 1; xxvi,
israelitische und judische Geschichte, in-8°, 2« edit., 1; xxxin, 1; L, 1; LI, 1-2; LII, 1; LVI, 1; LVIII, 1; LIX,
Berlin, 1895, p. 51-64, le m£me auteur supprime-t-il 1-2; LXII, 1, etc. Dans 1'Epitre aux Hebreux, r, 5,
un nombre considerable d'evenements racontes paries saint Paul appuie son argumentation sur un texte em-
deux premiers livres des Rois. Voir aussi Maurice prunte a II Reg., vn, 14; dans le discours qu'il pro-
Vernes, dans YEncyclopedie des sciences religieuses, nonca a Antioche de Pisidie, Act., xm, 20-22, il resume
t. xi, p. 445. Neanmoins, les ecrivains rationalistes brievement le sujet traite dans les livres de Samuel,
les plus avances sont obliges de reconnaitre que d'au- et fait un emprunt a I Reg., xin, 14. La Sainte Vierge
tres passages, egalement nombreux, presentent toutes s'est approprie plusieurs passages du cantique d'Anne.
les garanties desirables de veracite et qu'on ne saurait Cf. Luc., I, 46-55, et I Reg., n, 1-10. Jesus-Christ lui-
nier leur caractere visiblement historique. Ils admirent meme fit une allusion tres claire a I Reg., xxr, 1-6,
tout specialement, dans le second livre, les chap, ix- lorsqu'il demanda aux Pharisiens s'ils avaient « lu i> ce
xx, ou « tout le monde reconnait qne nous avons une qu'avait fait le roi David lorsqu'il fut presse par la faini.
source historique de premier ordre. » Nowack, I. c., Cf. Matth., xn, 3-4. Tout cela prouve en quelle haute
p. xxir. D'apres Kuenen, Histor.-crit. Onderzoek, estime les livres de Samuel etaienttenuschez les Juifs.
2e edit., t. I, p. 380, ces chapitres, etd'autres passages Pour attaquer a un autre point de vue la credibilite
encore, sont « 1'ceuvre d'un auteur bien informe, » qui de cet ecrit, les critiques rationalistes ont releve quelques
ne fait pas intervenir a tout instant la divinite. Le erreurs de chiffres qu'on rencontre ca et la dans le
Dr Kautzsch ajoute, Abriss der Geschichte des alttes- texte; entre autres les suivantes : I Reg., vi, 19, ou
tamenll. Schrifttums, Fribourg-en-Brisgau, 1897, il est dit que le Seigneur frappa « 70 homwes et
p. 21, que ce document fait partie de « ce que nous 50000 hommes de Bethsames, » qui avaient regarde
possedons de plus complet, de plus fidele, de plus 1'arche; I Reg., xin, 1, ou nous lisons que Saul avait
parfaitsur le domaine de 1'histoire Israelite, bien plus, « un an » au debut de son regne; probablement aussi
sur celui de. 1'histoire ancienne en general. » x ^ I Reg., xm, 5, et II Reg.,x; 18, etc. Mais il est de toute
A coup sur, le critique catholique ne peut etre que evidence qu'on n'a pas le droit de rejeter ces erreurs
de leur avis lorsqu'ils font un eloge si merite des pas- sur 1'auteur lui-meme; elles sont le fait des copistes,
sages en question; mais il applique a tout le contenu qui se sont souvent trompes en transcrivant les chiffres,
des deux livres ce qu'ils ne consentent a accepter qu'a comme on le voit par les divergences qui existent
propos de fragments isoles. Nous dirons done que la entre le texte hebreu et les differentes versions. Voir
veracite des livres de Samuel est attestee de toutes L. Reinke, Beitrage zur Erkldrung des Alt. Testam,,
manieres. — 1° Elle Test d'abord par les preuves in- t. in, Minister, 1855, p. 125-150.
ternes : vie et simplicite des recits; minutie des de- VII.' CHRONOLOGIE DES LIVRES DE SAMUEL. — NOUS
tails, qui sont d'ailleurs toujours conformes aux nous trouvons en face des memes difficultes que pour
mceurs de 1'epoque; exactitude parfaite de la topo- les livres de Josue et des Juges : en effet, les renseigne-
graphie; sincerite manifeste et candeur touchante du ments positifs sont insuffisants pour que nous puissions
narrateur, qui demeure etranger a tout esprit de parti. determiner avec certitude, d'un cote, la duree generale
il43 ROIS ( L I V R E S DBS). I ET II S A M U E L 1144
«de la periode embrassee par 1'ensemble de la narration, Sur ces divers points, voir Lohr, Die Eucher Samuels,
<te 1'autre, Tepoque precise des evenements les plus p. LXXX-CIII; Nowack, Die Bucher Samuelis, p. ix-x. —
importants. Les deux premiers livres des Rois sont Pour les deux premiers livres des Rois, il n'existe que
extremement sobres en fait de dates; aucun livre de simples fragments des traductions grecques d'Aquila,
historique de 1'Ancien Testament ne Test davantage. de Synimaque et de Theodotion. Cf. Field, Hexaplorum
II en cite quelques-unes aux passages suivants : Origenis ques supersunt, in-8°, Londres, 1875, 1.1. II en
•I Reg., I, 20, 23; n, 19; vr, 1; x, 27i> (Septante); est de meme de la Vetus latina, faite d'apres les Sep-
xxvii, 7, cf. xxix,3; II Reg., xm, 37; xiv,28. Mais elles tante. Cf. Sabatier, Bibliorum Saerorum latinse versio-
-sonttrop vagues parfois, ou trop incompletes, pour une nis antique, 1743; Vercellone, Varies lectiones Vul-
•chronologie. Cependant, I Reg., iv, 18, nous apprenons gate latinss Bibliorum editionis, Rome, 1864, t. 11. —
que le grand pretre Heli exerca la judicature pendant Quant a la Vulgate, elle a ete traduite directement et
40 ans (20 annees seulement d'apres les LXX), et, fidelement sur 1'hebreu, et elle a conquis 1'estime de la
dl Reg., v, 4-7, que David re"gna a Hebron durant 7 ans plupart des critiques. Voir W. Nowack, DieBedeutung
•et demi, a Jerusalem pendant 33 ans, ce qui fait 40 ans des Hieronymus fur die Textkritik des Alten Testam.,
en chiffres ronds. Mais nous ignorons combien de in-8°, Goettingue, 1875.11 n'est pas sans intere"t de noter
temps Samuel et ses fils gouvernerent Israel; de plus, que saint Jerome commenca par nos deux livres sa
bien que la periode de 40 annees assignee par saint traduction sur 1'hebreu. Malheureusement elle a con-
iitienne au regne de Saul, Act., xin, 31, cf. Josephe, serve mainte addition de I'ltala; dans ce cas, elle differe
Ant. jud,, VI, xiv, 9, soit tres claire par elle-meme, elle du texte original et correspond au grec des Septante.
n'est pas neanmoins sans obscurite, cariln'est pas dit Cf. I Reg., iv, 1; v, 6, 9; vm, 18; x, 1; xi, 1; xm, 15;
si les deux annees d'Isboseth, II Reg., n, 10 —sept ans xiv, 22, 41; xv, 3, 12, 13; xvn, 36; xxi, ll;xxx, 15;
et demi selon d'autres, cf. II Reg., n, 11 — sont com- II Reg., i, 26; v, 23; x, 19; xin, 21, 27; xiv, 30. Voir
prises dansce chiffre, ou si elles doivent etre caleulees a Vercellone, op. cit., t. 11, p. ix. II lui arrive aussi de
.part. Cependant, on compte d'ordinaire environ 130 ou donner une double traduction du meme texte. Cf. I Reg.,
150 ans pour la duree totale des faits racontes dans les ix, 25; xx, 15; xxi, 7; xxm, 13, 14; II Reg., u, 18; iv,
-deux livres de Samuel. Voir CHRONOLOGIE, t. n, col. 738; 5; vi, 12; xv, 18, 20. — II n'y a pas beaucoup de profit
von Hummelauer, Comment, in libros Samuel, p. 25- a tirer de la traduction syriaque pour la critique tex-
26. L'an 1000 avant Jesus-Christ coi'ncida approximati- tuelle des livres de Samuel; on peut utiliser avec plus
-vement avec le regne de David. de fruit le Targum, qui, tout en demeurant d'ordinaire
VIII. TEXTS HEBREU ET VERSIONS PRINCIPALES. — conforme a 1'hebreu massoretique, s'en ecarte assez
A. Le texte hebreu de la Massore, reproduit dans les souvent aussi. '
Bibles ordinaires, est tres imparfait et a subi des alte- IX. BIBLIOGRAPBIE. —1° Pour la critique du texte et les
rations evidentes. Tous les critiques sorit d'accord sur origines du livre : C. A. Graf, De librorum Samuelis et
ce point. Voir Kuenen,, Gesammelte Abhandlungen Regum compositione, scriptoribus et fide historica,
zur biblischen Wissenschaft, in-8°, p, 82-134. Par in-8°, Strasbourg, 1842; F. Bottcher, Neue exegelisch-
exemple, I Reg., vi, 18, au lieu des mots 'ad 'abel kritische Aehrenlese zum Alten Testamente, in-80,
hag-gedoldh, qui ne donnent aucun sens (Vulgate, ad t. i, Leipzig, 1863, p. 83-208; J. Wellhausen, Der Text
Abel Magnum), il fautlire : 'ed 'eben hag-gedoldh, a la der Eucher Samuelis, in-8°, Gcettingue, 1871 (c'est cet
.grande pierre est temoin ». t Reg.,;Vi, ,19, au lieu de ouvrage qui a servi de guide principal a tous les neo-
« 50000 hommes, 70 homnaes », lisez : « 70 hommes ». critiques); du merne auteur, Einleitung in das Alte
I Reg., vm, 16, au lieu de bahurekem, « vos jeunes Testam. de Bleek, 4« edit., in-8", 1878, p. 181-267; Die
gens d'elite » (Vulgate, juvenes optimos), il faudrait : Composition des Hexateuchs und der historischen
biqerekem, « vosbceufs ».IReg.. xn, 11, la lecon Bedan Eucher des Alt. 'Testam., in-8°, Berlin, 1878; 3e edit,
(Vulgate, Baddri) est une faute evidente pour Baraq, en 1899, p. 238-266; Prolegomena zur Geschichte
cf. Jud., iv, 6, ou pour Abdon, cf. Jud.,xn, 17.1 Reg., xiv, Israels, in-8«, Berlin, 1883, 5« edit, en 1899, p. 247-275;
18, au lieu de « Fais approcher 1'arche de Dieu », il E. Reuss, dans 1'ouvrage cite plus has, p. 85-118;
faut lire : « 1'ephod de Dieu ». II Reg., xv,,7, la vraie C. H. Cornill, dans la Zeitschrift fur kirchliche
lecon est 40J au lieu de 4, etc. Voir F. Kaulen, Einlei- Wissenschaft und kirchl. Leben, 1885, p. 113-141, dans
4ung in die heil. Schriften des Alien und Neuen Tes- les Koenigsberger Studien, 1.1, 1888, p. 25-59, et dans la
tam., 3« edit., p. 192-193. Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1890,
2. La traduction des Septante a eu pour base un p. 96-109; C. Bruston, Les deux Jehovistes dans les
texte hebreu qui differe tres souvent, et parfois d'une livres de Samuel, dans la Revue (protestante) de theo-
maniere notable, de celui de la Massore. En divers logie et de philosophic, 1885, p. 511-528, 602-637;
endroits, elle merite certainement les preferences A. Kuenen, Historisch-critisch Onderzoek naar het ont-
de I'exegete et sert a corriger les imperfections de staan en de verzameling van de boeken des Ouden Ver-
1'hebreu actuel. Mais on est trop porte de nos jours a bonds, in-8°, 2" ed., Leide, 1887, I« part., p. 368-392;
exagerer ses avantages. Elle aussi, elle presente des K. Budde, dans la Zeitchrift fur alttestamentl. Wissen-
fautes nombreuses, des transpositions et des suppres- schaft, 1888, p. 231-245; du meme auteur, The Books of
sions arbitraires, de sorte qu'il est necessaire de prendre Samuel, dans Haupt, Critical edition of the sacred
de grandes precautions a son sujet. Elle a d'ailleurs Books of the Old Testam., in-4«, Leipzig, 1894;
-ele remaniee a plusieurs reprises d'apres le texte B. Stade, Geschichte des Volkes Israel, in-8°, Berlin,
massoretique. Frequemment, un seul et meme passage 1887, t. i, p. 197-292; S. R. Driver, Notes on the hebrew
a recu une double traduction. Cf. I Reg., n, 24; v, 4, Text of the Books of Samuel, in-8°, Londres, 1890;
6; vi, 8; x, 1, 21; xn, 4; xin, 15; xv, 3; xx, 9; xxi, 13 R. Kittel, dans les Studien und Kritiken, 1892, p. 44-
,(14); II Reg., v, 14-16; xn, 3, 4; xv, 20; xvin, 17; xix, 71; du meme auteur, Geschichte der Hebraer, in-8°,
18 (19). Du reste, les manuscrits des Septante ne con- Leipzig, 1892, t. if, p. 22-50; F. Montet, La composi-
tiennent pas un texte identique: le Codex Vaticanus tion de I'Rexateuque, des Juges, de Samuel et des Rois,
(B) e,st regarde comme le meilleur de tous, en ce qui Etude de critique biblique, broch. in-8°, Lyon, 1894;
-concerne les livres de Samuel. C'est celui qui est im- A. Mez, Die Bibel des Josephus untersucht, in-8<>,
prime dans 1'edition" de H. B. Swete,,27ie Old Testa- Bale, 1895; N- Peters, Beitragezur Text- und Literatur-
ment in Greek according to the Septuagint,in-l%,i. i, kritik der Bucher Samuelis, in-8°, Fribourg-en-
-Cambridge, 1887, p. 545-668. La recension de Lucien Brisgau, 1899. Ce dernier ouvrage seul a ete compose
.peut rendre de grands services pour la critique du texte. par un auteur catholique.
ROIS (IIP ET IV LIVRES DBS) 1146'
2° Commentaires. — A. Ouvrages catholiques : des materiaux necessaires pour batirle temple, v, t-18.
S. Ephrem, In Samuelem, Opera syriaca, t. i, p. 331- L'edifice. sacre, commence la quatrieme annee du
567; Theodoret de Cyr, Qu&stiones in libros Regno- regne de Salomon, est acheve apres sept ans de tra-
rum, t. LXXX, col. 527-800; Sanchez, Commentaries et vail, vr, 1-38. Construction de plusieurs palais, VH, 1-
paraphrases in Regiim libros, 2 in-f°, Lyon, 1623; 12. Le mobilier du temple est prepare avec un grand
Duguet, Explication des livres des Rois, Paris, 1738- deploiement de zele, d'art el de richesse, vii, 13-51 ^
1740; P. Glair, Les livres des Rois, introd. critique et Dedicace solennelle du sanctuaire, ou 1'arche sainte est
commentaires, in-8°, Paris, 1884; de Hummelauer, transferee, vm, 1-ix, 9. — 4. Apogee de la puissance
Commentarius in libros Samuelis, in-8°, Paris, 1886. et de la gloire de Salomon, III Reg., ix. 10-x, 29.
— B. Ouvrages heterodoxes: 0. Thenius, Die Bucher Echange de presents avec le roi de Tyr, ix, 10-14.
Samuels, in-8°, Leipzig, 1842, 3e edit, (par Lohr), Salomon batit et fortifie plusieurs villes de son royaume,
1898; F. Keil, Die Bucher Samuels, in-8», Leipzig, ix, 24-25. La reine prend possession du palais construit
1864, 2" edit., 1875; C.F. Erdmann, Die Bucher Samu- pour elle, ix, 24-25. La flotte de Salomon, ix, 26-28. Visite
elis, in-8°, Bielefeld, 1873; E. Reuss, Histoire des de la reine de Saba,x, 1-13. Les revenus du roi et leur
Israelites depuis la conguete de la Palestine jusqu'a emploi, sa grandeur et sa puissance, x, 14-29. —
I'exil: Livres des Juges, de Samuel et des Rois, 5. Les fautes et le chatiment de Salomon, III Reg., xi,
in-8<>, Paris, 1877; A. F. Kirkpatrick, The first Book of 1-43. II epouse un grand nombre de femmes etrangeres,
Samuel, in-18, Cambridge, 1880, The second Book of dont il favorise les pratiques idolatriques, xi, 1-8.
Samuel, in-18, Cambridge, 1881; A. Klostermann, Menaces divines, xi, 9-13. Adad, Razon et Jeroboam se
Die Bucher Samuelis und der Konige, in-8°, Munich, revoltent successivement, xi, 14-40. Conclusion du-
1887; K. Budde, Richter und Samuel, in-8°, Giessen, regne de Salomon, xi, 41-43.
1890; le Midras S emu'el, commentaire haggadique ree- 2. Histoire synchronique des royaumes d'Israel et de
dite par Buber, in-8°, Cracovie, 1893; A. P. Smith, A Juda, III Reg., xn, 1-IV Reg., xvn, 41. — Trois grandes
critical and exegetical Commentary on the Books of sections: — 1. La separation des deux royaumes et leurs
Samuel, in-8°, Edimbourg, 1899; K. Budde, Die Bucher hostilites perpetuelles jusqu'au regne d'Achab, III Reg.,
Samuelis erfeiart,in-8°,Tubingue, 1902 ;W. Nowack, Die xn, 1-xvi, 28. — a) Schisme des dix tribus, XH, 1-20.
Bucher Samuelis ubersetztunderklart,Goeiiing\ie,lQQi2. Dieu interdit a Roboam d'attaquer les rebelles, xn, 21-
24. — b) Regne de Jeroboam Ier d'Israel, xn, 25-xiv,
II. TROISIEME ET QUATRIEME LIVRES DES ROIS. — 20. Pour etablir une separation perpetuelle entre ses
I. CONTENU ET DIVISION. — 1° Ces livres racontent 1'his- sujets et ceux de Juda, il etablit le culte des veaux
toire des Israelites depuis les dernieres annees de David d'or a Dan et a Bethel, xn, 25-33. Le Seigneur blame
jusqu'a la fin de 1'Etat juif. Le nom qu'ils portent est vivementetchatie cette conduite sacrilege, xm, l-3-xivr
parfaitement justifie, puisque, a part le regne de Saul 18. Mort de Jeroboam, xiv, 19-20. —.c) Roboam, xiv,
et la plusgrande partie de celui de David, ils contien- 21-31, Abiam, xv, 1-8, et Asa, xv, 9-24, regnent sur Juda,
nent Fhistoire entiere de la monarchie theocratique Nadab, Baasa, Ela, Zambriet Amri se succedent rapide-
jusqu'a sa chute. Les evenements racontes dans les mentsur le trone d'Israel, xv, 25-xvi, 28. — 2. Israel
deux livres occupent, d'apres la chronologie le plus et Juda pendant le regne d'Achab, III Reg., xvi, 29-
communement adoptee, un intervalle de 454 ans. En xxii, 54. -- a) Sommaire du regne de 1'impie Achab r
effet, le couronnement de Salomon, dont il est ques- xvi, 29-34. — b) Le prophete Elie predit une famine
tion dans le premier chapitre, III Reg., i, 32-40, semble terrible, qui ne tarde pas a eclater, xvn, 1-24. Entrevue
avoir eu lieu en 1015, et le dernier fait raconte, la restitu- du prophete et du roi, xvm, 1-19. Victoire remportee
tion des privileges royaux a Joachim par Evilmerodach, par Elie sur les prophetes de Baal, xvin, 20-40. Cessa-
IV Reg., xxv, 27-30, se rapporte a 1'annee 561 avant tion de la secheresse, xvm, 41-46. Elie se refugie sur
Jesus-Christ. — Ils se divisent en trois parties. — La le mont Horeb, pour echapper a la colere de la reine
premiere, III Reg., i, 1-xi, 43, s'occupe des derniers Jezabel, xrx, 1-18. Onction d'Elisee, xix, 19-21. —
evenements de la vie de David, du couronnement et c) Achab triomphe a deux reprises des Syriens, xx,
du regne de Salomon. — La seconde, III Reg., xn, 1-IV 1-43. Jezabel fait lapider Naboth pour s'emparer de sa
Reg., XVH, 41, renferme 1'histoire synchronique des vigne; Elie lui predit, ainsi qu'a Achab, le chatiment
royaumes de Juda et d'Israel, depuis le schisme des divin, xxi, 1-25. — d) Achab fait alliance avec Josaphat
dix tribus, jusqu'a la ruine de 1'Etat schismatique. — de Juda, pour attaquer Ramoth-Galaad, xxn, 1-5. Les
La troisieme, W Reg., xvvu, I-X.XY, 30, expose 1'his- deux rois sont battus, mort d'Achab, xxn, 6-40^
toire de Juda depuis cette ruine jusqu'a la capfivite de Sommaire du regne de Josaphat, xxn, 41-51. Ochozias,
Babylone. La premiere partie comprend 40 annees, de fils d'Achab,devientroid'Israel,xxn, 52-54. — 3.Annales
1015 environ a 975; la seconde, 253 ans, de 975 a 722; des rois de Juda et d'Israel depuis la mort d'Achab
la troisieme, 161 ans, de 722 a 561 avant J.-C. jusqu'a la prise de Samarie et a la ruine du royaume
i. Histoire du regne de Salomon, III Reg., i, 1-xi, schismatique, IV Reg., i, 1-xvn, 41. — a) Ochozias et
43. — Cinq sections : 1. Avenement du jeune prince et Joramsur le trone d'Israel, un autre Joram sur le trone
inauguration de son regne, III Reg., i, l-ii, 46. Re- de Juda, i, 1-ni, 27. Elie predit a Ochozias sa mort pro-
montant a la fin du regne de David, 1'auteur raconte chaine, i, 1-18. Le prophete est enleve sur un char de feu r
comment Adonias, qui se posait en heritier du trone, n, 1-12; premiers miracles d'Elisee, n, 13-25. Expedition
vit ses esperances frustrees par le prophete Natha;n-et victorieuse de Joram d'Israel et de Josaphat centre le&
par Bethsabee, I, 1-31. Sur 1'ordre de David, Salq,nion Moabites, in, 1-27. — b) Les principaux actes du minis-
fut proclame son heritier exclusif et recut 1'oriction tere d'Elisee, iv, 1-vni, 15; il opere de nombreux
royale, I, 32-53. Suivent quelques details relatifs aux miracles et fait plusieurs propheties, dont on signals.
dernieres recommandations de David, a sa mort, n, 1'aceomplissement. — c) Joram et Ochozias regnent sur
1-12, et a diverses mesures prises par Salomon pour Juda, Jehu s'empare du trone d'Israel, vm, 16-x, 35.
assurer la securite du trone, n, 13-46. — 2. Debuts du Regne de 1'impie Joram, vm, 16-24. Regne d'Ochozias,
regne de Salomon. Ill Reg., HI, 1-iv, 34. Son mariage son fils non moins impie, vm, 25-29. Jehu est sacre
avec la fille du roi d'Egypte, sa belle priere a Gabaon, roi d'Israel par Elisee, ix, 1-10; il se revolte centre
son jugementcelebre, Hi, 1-28. Sesprincipaux ministres, Joram et le met a mort, avec Ochozias de Juda,
sa magnificence, sa sagesse, iv, 1-34. — 3. Les cons- Jezabel et toute la famille d'Achab, ix, 11-x, 17. —
tructions de Salomon. Ill Reg., v, 1-ix, 9. Le roi d] Depuis 1'avenement de Jehu jusqu'a la prise de Sama-
s'entend avec Hiram de Tyr, au sujet des ouvriers et rie, x, 18-xxn, 41. Jehu est d'abord beni de Dieu r
ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES) 1148
parce qu'il avail detruit le culte de Baal, x, 18-27; il Ill Reg., xiv, 30; xv, 7, 23; xxn, 6-50; IV Reg., xv, 37.
s'attire ensuite les vengeances divines, x, 28-36. Usur- Le trait «il fut enseveli avec ses peres » est parfois omis,
pation d'Athalie; le grand prelre Joi'ada reussit a la surtout pour les rois d'Israel, III Reg., xvi, 27-28; xxn,
renverser, xi, 1-16, et a faire monter sur le trone le 54, etc., mais aussi pour quelques rois de Juda. Ill Reg.,
jeune Joas, dont le regne fut un "melange de bien et de xxi, 26; xxin, 30. II y a d'ailleurs ca et la d'autres excep-
mal, xi, 17-xn, 21. Joachaz et Joas gouvernent Israel; tions a la complete regular!te des formules. Entre ces
mort d'Elisee, xm, 1-25. Regne d'Amasias a Jerusalem; phrases caracteristiques du commencement et dela fin,
Joas d'Israel envahit laJudee, xiv, 1-20. Azarias succede 1'auteur insere les details biographiques concernant
a Amasias, xiv, 21-22. Jeroboam II devient roi d'Israel, chaque monarque. — II suit le principe suivant pour
xiv, 13-29. Au temps d'Amasias, de Joatham et d'Achaz, 1'arrangement des deux series de rois: un regne com-
rois de Juda, le royaume d'Israel, dechire par des luttes mence est raconte jusqu'a son achievement; le narrateur
intestines sous ses derniers rois, se precipite vers sa reprend ensuite le regne ou les regnes synchroniques
mine et tombe finalement sous les coups des Assy- de 1'autre serie. C'est ainsi qu'apres avoir relate les
riens, xv, 1-xvn, 6. Causes morales de cette ruine. evenements du regne de Jeroboam I er d'Israel, il passe
xvn, 7-23. Ge que devint le territoire des dix tribus a ceux des trois rois de Juda qui occuperent le trone
pendant 1'occupation assyrienne, XVH, 24-41. en meme temps que lui; puis il revient aux six rois
3. Histoire des rois de Juda, depuis la ruine du schismatiques qui furent contemporains d'Asa, etc. Cf,
royaume d'Israel jusqu'a la captivite de Babylone, III Reg., xiv, 13-xvi, 28.
IV Reg., xvin, 1-xxv, 29. — Trois sections : — 1. Regne 2° But de Vauteur. — Comme les autres annalistes
d'Ezechias, xvin, 1-xx, 21. Le pieux roi lutte energi- sacres d'Israel, 1'auteur des deux derniers livres des
quement contre 1'idolatrie, et, pour ce motif, il est Rois ne s'est point propos£ de raconter de 1'histoire
delivre d'une invasion assyrienne, viu, 1-xix, 37. Sa pure et simple. Le point de vue auquel il s'est place
guerison miraculeuse, xx, 1-11. S'etant glorifie de ses est avant tout religieux et theocratique; ce sont les
tresors, il est severement blame par Isai'e, qui lui pre- destinees du peuple de Jehovah, les developpements du
dit la chute prochaine du royaume, xx, 12-21. — royaume de Dieu sur la terre, qu'il veut constamment
2. Regnes de Manasse, d'Amon et de Josias, xxi, 1-xxiii, decrire. II manifesto cette intention plus peut-6tre
30. Manasse et Amon font revivre 1'idolatrie et acce- qu'aucun autre historien biblique, et c'est en ce sens
lerent la ruine de Juda, xxxi, 1-26. Le saint roi Josias qu'il apprecie constamment les hommes et les faits. On
retablit le culte du vrai Dieu et renouvelle 1'alliance en trouve des preuves nombreuses et saillantes dans
theocratique, xxn, 1-xxin, 23; il ne fait cependant que son livre. — a) Tout en fournissant sur les evenements
retarder la chute du royaume, arretee dans le plan divin politiques tous les renseignements indispensables, il
et il peril dansune guerre contre le roi d'Egypte, xxni-, glisse avec rapidite sur la plupart d'entre eux; bien plus,
24-30. — 3. Les derniers rois de Juda, xxni, 31-xxv, il ne craint pas d'en ometlre d'assez importants, qui
30. Joachaz, Joachim et Jechonias se succedent rapide- n'allaient point a son but, ce qui ne s'expliquerait
ment sur le trone, faisant le mal tour a tour; Dieu les point de la part d'un annaliste ordinaire. C'est ainsi,
chatie par les Egypliens et surtout par les Assyriens, comme on le voit en comparant nos deux livres avec
qui s'emparent de Jerusalem, detruisent la ville et le le second des Paralipomenes, qu'il est muet sur la
temple, et deportent le roi en Chaldee, avec des Juifs campagne de Zara contre Juda, sur les guerres de Josa-
nombreux, xxni, 31-xxv, 26. Evilmerodach restitue a phat contre les Moabites, les Ammonitesetles Edomites,
Jechonias les honneurs royaux, xxv, 27-30 sur la victoire remportee par Ozias dans sa campagne
//. PLAN ET BUT DE L'AUTEUR. — 1° Plan. — L'his- contre les Philistins, sur la captivite de Manasse a
toire du peuple de Dieu est ramenee, durant toute la Babylone, etc. Cf.II Par.,xiv, 9-15;xx,l-30; xxvi,6-15;
periode indiquee, a celle de ses rois, et les divers xxxm, 11-17. II ne mentionne aussi que superficielle-
regnes sont decrits d'apres leur suite naturelle,c'est-a- ment la prise de Jerusalem par Sesac, HI Reg., xw,
dire, d'apres 1'ordre chronologique. La marche est 25-26; cf. II Par., xn, 1-12; la guerre d'Amasias contre
constamment uniforme. La biographie, le plus souvent 1'Idumee, IV Reg., xiv, 7; cf. II Par., Xxv, 5-17; la
tres courte, de chacun des rois. soit de Juda, soit guerre desastreuse de Josias contre le pharaon Necbao,
d'Israel, est placee dans une sorte de cadre regulier, IV Reg., xxin, 29-30; cf. II Par., xxxv, 20-25, etc. —
qui consiste en deux formules a peu pres identiques, b) Au contraire, il appuie sur certains details, sur cer-
dontl'une ouvre le regne, tandis que 1'autre letermine. taines periodes, qui se rattachaient davantage a son
Pour les rois de Juda, celle-la se compose de deux but. Ainsi, bien que tous les rois d'Israel et de Juda
phrases : la premiere marque le synchronisme avec le soient mentionnes dans le recit et qu'on porte unjuge-
roi d'Israel alors regnant, tandis que la seconde speci- ment sur leur vie, n'eussent-ils regne que quelques
fic 1'age du roi lors de son intronisation, la duree de jours, cf. Ill Reg., xvi, 15-19, il est remarquable que le
son regne et le nom de sa mere. Cf. Ill Reg., xv, 1-2, narrateur a specialement insiste sur six regnes plus
9-10, etc. Pour les rois d'Israel, il n'y a d'ordinaire importants, soit en bien, soit en maJ, sous le rapport
qu'une seule phrase, qui signale simplement le syn- theocratique : ceux de Salomon, III Reg., i-xi, de Jero-
chronisme avec les rois de Juda et la duree du regne. boam I er ,IIIReg., xn, 25-xiv, 20;d'Achab,IIIReg.,xvi,
Cf. Ill Reg., xv, 25, 33; xvi, 8, 15, 20, 23, etc. L'autre 29-xxn, 40; de Joram d'Israel, IV Reg., in, 1-ix, 26;
formule apprecie le caractere du monarque en question d'Ezechias, IV Reg., xvm-xx; de Josias, IV Reg., xxn-
au point de vue moral, habituellement en quelques xxni. Salomon avait developpe le culte divin; Ezechias
mots rapides, presque toujours les me'mes : « II fit ce et Josias contribuerent a le retablir; Jeroboam Ier,
qui etait bon — ou, ce qui etait mauvais — aux yeux Achab et Joram introduisirent ou favoriserent 1'idola-
du Seigneur, » cf. Ill Reg., xv, 3, 11, 33, etc.; mais trie. — c) Meme reflexion a faire au sujet de 1'ampleur
parfois en termes plus developpes, cf. Ill Reg., xiv, 22- des recits qui concernent le temple et le role des pro-
24; xv, 11-15; xvi, 30-33, etc. Puis 1'auteur conclut, phetes. Cf. HI Reg., v, 1-ix, 9; xn, 22-24; xm, 1-32;
en indiquant le document dans lequel ses lecteurs xiv, 1-10; xvn-xix; xxi, 17-24; xxn, 13-28;IVReg.,i-n;
pouvaient trouver des renseignements plus complets, et iv-vin; ix, 1-10; xn, 4-16; xin, 14^21; xix, 1-34; xx,
en signalant la mort du roi, ses funerailles et le nom 1-19; xxi, 10-16; xxii-xxin; xxv, 9-17, etc. L'auteur se
de son successeur. Cf. Ill Reg., xi, 43; xiv, 19, 20, 31; com plait a signaler le zele des prophetes en tant que
xv, 8, 24, etc. II arrive quelquefois que la designation gardiens vigilants de la loi divine. — d) Les reflexions
du document et la mention de la mort sont separees morales par lesquelles 1'ecrivain sacre commente brie-
Tune de 1'autre par une courte donnee historique. Cf. vement les faits et la maniere dont il rattache les mal-
1149 ROIS (IIP ET IV 6 LITRES DES) 1150
heurs de la nation aux crimes qu'elle avait comrnis avant J.-C. Divers passages parlent clairement de la
contribuent aussi pour beaucoup a reveler son dessein ruine de Jerusalem et du temple. Cf. Ill Reg., ix, 1-9;
et son but. Voir III Reg., ix, 3-9; xi, 11, 33, 38; xiv, xi, 9-13; IV Reg., xvn, 17-20; xx, 17-18; xxi, 11-15;
7-16; xvi, 12, 13; IV Reg., x, 31; xm, 2-3; xxr, 11-16; xxn, 15-20; xxiv, 18-25, 30, etc.
xxn, 15-20; xxiv, 3,20, et surtout le passage si poignant 2° L'auteur. — 1. Quoi qu'on ait dit parfois en sens
IV Reg., xvn, 7-23. — e) II parle egalement avec insis- contraire, 1'auteur des deux derniers livres des Rois
tance de la loi mbsaiique et de 1'alliance du Sinai, n'est certainement pas le meme que celui des deux
eomme d'une source de vie et de bonheur pour Israel. premiers livres. II existe, en effet, entre les deuxecrits
Cf. Ill Reg., n, 2-4; HI, 3, 14; vi, 12, 38; vni, 35, 55, des differences trop sensibles pour qu'ils puissent pro-
58, 61; ix, 4,6; xi, 11, 33, 34, 38; XIH, 21; xiv, 8; xvni, venir d'une main identique. Pour le style, voir ci-
18; xix, 10,14; IV Reg., x, 31; xm, 23; xiv, 6; xvn, 8, dessous. Quant au fond, voici les nuances les plus
13,15,16, 19, 34, 37-38; xvm, 6,12; xxi,8; xxn, 8, 11; frappantes : a) Les livres de Samuel (I et II Reg.) ex-
xxm, 2-3; xxi, 24-25. — f) Enfin, le narrateur revient posent d'ordinaire 1'histoire Israelite avec beaucoup de
tres frequemment sur le magniflque oracle par lequel details; ceux des Rois (III et IV Reg.) 1'abregent et
Dieu avait promis, II Reg., vn, 1-29, la perpetuite du la condensent le plus souvent. — 6) Les livres de Sa-
trone aux descendants de David. Cf. Ill Reg., n, 4, 14; muel ne citent que fort peu de dates; ceux des Rois
m, 6; vii, 12; vm, 25-26; ix, 5; xi, 11-13, 34-39; xv,4 J en fournissent un grand nombre. — c) Les livres de
IV Reg., vni, 19; x, 34; xx, 6, etc. — II est clair, Samuel ne nientionnent pas les sources auxquelles
d'apres tout cela, que ce que 1'auteur veut avant tout, leurs renseignements ont ete puises; les livres des Rois
c'est de nous montrer « la main de Dieu dans 1'hisfoire renvoient frequemment aux leurs. — d] La, le culte
du peuple (Israelite) et de ses rois. » La Bible annotee, des hauts lieux parait avoir ete encore tolere, cf. I Reg.,
Les Uvres historiques,in-8°,t. lv,Neuchatel, 1897, p. 4. ix, 12; ici, il est severement blame et condamne,
Dans ses pages, nous avons done surtout une histoire cf. Ill Reg., in, 3; xn, 31;xm,32; xv* 14, etc. — e)Les
religieuse pour 1'epoque de la royaute. Comme 1'a dit livres de Samuel ne renvoient qu'une seule fois le
Strack, Einleitung in das Alte Testament, 4e edit., lecteur a la loi mosa'ique, II Reg., xxn, 23; ceux des
in-8°, Munich, 1895, p. 74 : « Son intention n'etait pas Rois y font de nombreuses allusions. Voir col. 1149.
d'enseigner 1'histoire d'Israel, mais de degager les 2. La tradition juive affirme tres explkitement que
lecons de 1'histoire. » le prophete Jeremie aurait compose les deux derniers
e e
IIT. IMPORTANCE DES III ET 7V LIVRES DES ROIS. — livres des Rois. « Jeremie, dit le Talmud de Babylone,
Elle est tout a la fois historique et religieuse, mais surtout traite Baba bathra, 15 a, a ecrit son livre (c'est-a-dire
religieuse. De beaux et vastes horizons sont ouvertsdans sa prophetie), le livre des Meldkim (III et IV Reg.) et
cet ecrit, plus encore au theologien qu'a 1'historien. Et, les Threnes. » Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et
puisque c'est au point devuemessianique quese mesure de I'exegese biblique jusqu'd nos jours, in-8°, Paris,
tout d'abord 1'importance d'un livre biblique, on peut dire 1881, p. 28. Divers interpretes catholiques ou protes-
que le livre des Meldkim est privilegie sous ce rapport. tants, a la suite de saint Isidore de Seville, De off. eccl.,
En effet, nous venons de voir que 1'oracle par lequel i, 12, t. LXXXIII, col. 747, de Sixte de Sienne, de Cor-
Nathan promit a David, au nom du Seigneur, la per- nelius a Lapide, etc., regardent encore cette opuuoti,
petuite du trone, en forme le centre d'une certaine sinon comme certaine —avec Hsevernick, Einleitung in
maniere; or, cet oracle se rapporte certainement au das A. T., t. II, lre partie, p. 171-172; Rawlinson, dans
Messie, qui seul devait le realiser finalement. Voir le la Speaker's Bible, t. n, p. 471-472; Fr. Kaulen, Ein-
Ps. LXXXVIII; Frz, Delitzsch, Old Testament History of leitung in die heil. Schriften, 3e edit., p. 198; R. Cor-
Redemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 87-111; C.von nely, Introductio specialis in Vet. Testamenti libros,
Orelli, Die alttestamentliche Weissagung von der Vol- in-8°, Paris, 1887, p, 293-295 — du moins comme tres
lendung des Gottesreiches, in-8°, Vienne, 1882, p. 168- vraisemblable. Les donnees de 1'histoire sont insuffi-
171; A. Tholuck, Die Propheten und ihre Weissagun- santes pour demontrer d'une facon rigoureuse la verite
gen, in-8°, Gotha, 1860, p. 165-170. C'est bien une con- de cette opinion; il est neanmoins certain qu'on peut
clusion messianique que nous lisons a la fin du dernier alleguer en sa faveur quelques considerations qui ne
Hvre, IV Reg., xxv, 27-30. La faveur accordee aJecbo- manquent pas de force : — a) Les hebrai'sants ont etabli
nias par Evilmerodach « jette sur la sombre nuit de d'interessantes comparaisons, desquelles il resulte que
1'exil le premier rayon lumineux d'un avenir meilleur, le style et le genre litteraire de nos deux livres rap-
qui devait bientot commencer pour la race de David, pellent beaucoup la diction et le genre de Jeremie.
en meme temps que pour tout le peuple; elle lui ga- Voir Haevernick, op. cit., t. n, l re partie, p. 171-178;
rantissait I'accomplissement certain de la promesse en Rawlinson, dans la Speaker's Bible, t. n, p. 470-471;
vertu de laquelle le Seigneur ne retirerait pas a jamais Driver, Introduction to the Books of the Old Testam.,
sa misericorde a la posterite de David. » F. Keil, Die 5e edit., p. 193. Pour la promesse faite a David et a sa
Biicher der Kdnige, p. 7. Or, c'est en Jesus-Christ seul race, cf. Ill Reg/, vm, 24; ix, 5, et Jer., xm, 13; xvn,
que cette promesse s'est accomplie, et par lui seul que 25; xxxm, 17; pour la prophetie relative a la ruine du
la race de David regne eternellement. temple, cf. Ill Reg., ix,8, et Jer., xvin, 16; xix,8,etc.;
iv. L'EPOQUE DE LA COMPOSITION ET L'AUTEUR. — au sujet du caractere terrible des calamites que devait
1° L'epoque. — La date la plus ancienne a laquelle subir le peuple d'Israel, cf. IV Reg., xxi, 12-xxiv, 16,
puissent remonter nos deux livres est marquee par le et Jer., xix, 3; xxn, 17; xxx, 16; Thren., n, 8, etc.
faitqui lestermine: 1'exaltation du roi Jechonias, IV Reg., D'autre part, il est remarquable que le verbe hiddiah,
xxv, 27-30; or, il eut lieu en 561 avant J.-C. L'auteur ne employe dix-neuf fois par Jeremie pour marquer la
mentionne pas la fin de la captivite, dont 1'edit de Cy- dispersion des Juifs en exil, n'apparait nulle part dans
rus, en 536, donna le signal. La composition du troi- les deux derniers livres des Rois. — b) La conclusion
sieme et du quatrieme livre des Rois est done ante- historique par laquelle se termine la prophetie de Je-
rieure au retour d'exil. Par consequent, commelimites remie, LII, 1-34, est pour ainsi dire calquee sur la der-
extremes, nous avons d'une part 1'annee 561, de 1'autre niere page des Rois, IV Reg., xxiv, 18-xxv, 30, ou re-
1'annee 536 avant notre ere. La redaction eut lieuentre ciproquement. — c) Le ton grave et raelancolique
ces deux dates, vers le milieu de la captivite de Raby- qui caracterise les oracles de Jeremie est aussi celui
lone. La plupart des neo-critiques, entre autres Eue- de nos deux livres. Le prophete d'Anathoth a en grande
nen, Wellhausen, Benzinger, Kautzsch, admettent que partie compose son ecrit pour demontrer, lui aussi,
1'ouvrage aurait ete a peu pres acheve vers 1'an 600 que Dieu avait ete tres juste en chatiant severement
1151 ROIS (IIP ET IV e LIVRES DES) 1152
les Israelites et en mettant finauroyaume theocratique. « du cantique », tandis que son texte portait vraisem-
Or, tel est precisement le but du troisieme et du qua- blablement hay-yd$dr} « du juste »; par consequent,
trieme livre des Rois. — d) Les episodes dont est dans le livre du Juste. Cf. Jos., x, 13; JUSTE (LIVRE DU),.
parseme le recueil des propheties de Jereime et ceux t. in, col. 1873-1875. — Ce renvoi perpetuel a ses
qui remplissent la partie correspondante de nos deux sources montre que 1'auteur les a utilisees fidelement
livres semblent provenir dela meme main. Cf.IVReg., et consciencieusement, qu'il desirait un cdntrole, bien
xxiv, 1, et Jer., xxv, 1-11; IV Reg., xxiv, 7, et Jer., X'LVI, loin de le redouter.
2-12; IV Reg., xxiv, 10-17, et Jer., xxvn, 1-15; IV Reg., 2° Nature de ces documents. — En comparant les-
xxv, 1-30, et Jer., xxvn, 16-22; XL, 5-9; XLI, 1-34, etc. deux derniers livres des Rois avec le second des Para-
— e) III et IV Reg. contiennent des renseignements lipomenes, nous pouvons nous former une idee assez
nombreux et importants sur les prophetes. Or, ce exacte des sources qui ont servi de base aux Meldkim.
theme devait etre particulierement cher a Jeremie. Pour d'assez nombreux passages il existe, entre les-
D'autre part, ce Voyant celebre, qui joua un role poli- deux ecrits, une ressemblance frappante, qui va par-
tique et religieux tres considerable de son temps, n'est foisjusqu'a la coincidence verbale. Nous nous borne-
pas meme mentionne au quatrieme livre des Rois; ce rons a signaler ici les principaux :
fait, difficile a expliquer en lui-meme, devient clair Cf. Ill Reg., in, 5-15, et II Par;, i, 7-13.
si Jeremie est 1'auteur de III et IV Reg. — II est vrai (v 2-ix, 27) (n, 1-vni, 2).
que Jeremie, dont la mission prophetique fut in-auguree x, 1-29 ix, 1-28.
durant la treizieme annee du regne de Josias, cf. Jer., xi, 41-43 29-31.
i, 2, c'est-a-dire en 627, aurait ete age d'environ 90 ans xi/, 1-19 x, 1-19.
lors de la mise en liberte de Jechonias. Mais il put fort 21-24 xi, 1-4.
bien composer le troisieme et le quatrieme livres des xiv, 25-31 xn, 9-16.
Rois aussitotapres que ce prince eut ete emmene encap- xv, 16-22 xvi, 1-6.
tivite;dans ce cas, il n'aurait eu qu'a ajouter ensuite la xxii, 2-35 xvm, 1-34.
conclusion commune asa prophetie et a IV Reg. Ce fait 41-50 xx, 31-37.
expliquerait pourquoi, en divers passages,cf. Ill Reg., IV Reg., vm, 17-23 xxi, 5-10.
vm, 8; ix, 22; xn, 19; IVReg., vm, 22, 1'ecrivain sacre 25-29 xxii, 1-6.
parle comme si 1'etat de choses qui existait avant la xi, 1-xn, 14 xxii, 10-xxiv, 14.
ruine du royaume de Judademeurait encore en vigueur. xiv, 12-14 xxv, 1-5,17-24.
— Ajoutons d'ailleurs qu'il ne s'agit, dans cette these, 17-22 xxv, 25-xxvr, 2.
que d'une possibility et d'une vraisemblance, nulle- xv, 32-38 xxvii, 1-9.
ment d'une certitude. xvi, 1-4 XXVIH, 1-4.
V. DOCUMENTS QUI ONT SERV1 A COMPOSER LES DEUX
xxi, i-9 XXXIH, 1-9.
DERNIERS LIVRES DES ROIS. — 1° Les trois sources 17-24 18-25.
principales. — L'auteur a eu a sa disposition plusieurs xxii, 1-xxin, 4 xxxiv, 1-33.
documents, qu'il mentionne tres souvent lui-meme,
et auxquels il renvoie ceux des lecteurs qui desire- De cette ressemblance, on conclut communement et
raient avoir des renseignements plus complets que les a bon droit que les deux ecrivains sacres ont puise a
siens. Pour le regne de Salomon, il cite « le livre des des sources identiques. Or, 1'auteur des Paralipomenes-
actes»dece prince (Vulgate, liberverboriim dierum Sa- est un peu plus explicite que celui des Meldkim sur
lomonis). Ill Reg., xi, 41. Pour 1'histoire synchronique la nature de ses propres documents, et, grace a lui, il
des rois de Juda et d'Jsrael, il cite assez regulierement nous est possible de nous faire une idee assez precise
deux autres sources, a la fin de chaque regne : d'un des materiaux qui ont egalement servi a composer le
cote la « chronique des rois de Juda » (Vulgate, liber troisieme et le quatrieme livres des Rois. D'apres
sermonum dierum Juda); de 1'autre, la « chronique II Par., ix, 29, le recit des evenements du regne de
des rois d'Israel » (Vulgate, liber verborum dierum Salomon a ete emprunte aux « paroles du prophete
regum Israel). Celle-la est citee quinze fois : III Reg., Nathan », au « livre d'Ahia le Silonite » et a la « vi-
xiv, 29, pour Roboam; xv, 7, pour Abias; xv, 23, pour sion du Voyant Addq ». D'un autre cote, les passages
Asa; xxn, 45, pour .Tosaphat, IV Reg., vm, 23, pour II Par., xii, 15; xni, 22; xx, 34; xxvi, 22; xxxn, 32;
Joram; xn, 19, pour Joas; xiv, 18, pour Amasias; xv, xxxm, 18-19, nous avertissent que les annales des rois.
6, pour Azarias; xv, 36, pour Joatham; xvi, 19, pour de Juda furent redigises d'apres les (f livres du pro-
Achaz;xx, 20, pour Ezechias; xxi, 17, pour Manasse; phete Semeias et du Voyant Addo », les « paroles de
xxi, 25, pour Amon; xxm, 28, pour Josias; xxiv, 5, Jehu fils d'Hanael », la « vision d'lsai'e fils d'Amos »,.
pour Joakim. Elle est omise pour Ochozias, Athalie et et les « discours d'Hozai». L'auteur des Paralipomenes^
les deux derniers rois de Juda, Jechonias et Sedecias. cite souvent aussi le « livre des rois de Juda et
La « chronique des rois d'Israel » est mentionnee dix- d'Israel ». Lorsqu'il mentionne les ecrils de Nathan,
sept fois : III Reg., xiv, 19, pour Jeroboam Ier; xv, 31, d'Ahias, d'Addo, etc., il lui arrive d'ajouter qu'ils sont
pourNadab; xvi, 5, pour Baasa; xvi, 14, pour Ela; contenus dans ce livre. Cf. II Par., xx, 30; xxxii,.
xvi, 20, pour Zambri; xvi, 27, pour Amri; xxn, 39, 32, etc. II suit de la que les prophetes en question
pour Achab; IV Reg., i, 18, pour Ochozias; x, 34, pour avaient ecrit 1'histoire de leur temps, que leurs com-
Jehu; xni, 8, pour Joachaz; xm, 12, pour Joas; xiv, positions avaieut ete reunies, avant 1'exil, dans un
38, pour Jeroboam II; xv, 11, pour Zacharie; xv, 15, grand ouvrage, que 1'on designait tantot par le titre de
pour Sellum; xv, 21, pour Manahen; xv, 26, pour Livre des rois de Juda ou d'Israel, tantot sous le nom
Phaceia; xv, 31, pour Phacee. Elle n'est omise du prophete qui en avail ecrit telle partie determinee.
que pour Joram et Osee, le dernier roi. Ces rares On explique par la pourquoi les faits relatifs a Salomon-
omissions n'ont sans doute pas d'autres causes, de sont donnes, III Reg., xi, 41, comme extraits des
part et d'autre, que la difficulle d'inserer la formule « fastes » de ce prince, tandis que, II Par., ix, 29, il
habituelle, vu 1'arrangement des materiaux. — Au est dit qu'ils sont tires des « Paroles des prophetes ».
passage III Reg., vm, 53, les Septante font suivre la Il est probable, d'apres le langage de 1'auteur des deux
priere prononcee par Salomon apres la dedicace du derniers livres^des Rois, que les annales des royaumes
temple, de cette note qui manque dans 1'hebreu : d'Israel et de Juda ne formaient pas un seul et meme
« Est-ce qu'elle (aur-r,, la priere} n'est pas ecrite dans le ouvrage, mais deux oeuvres distinctes. En plusieurs-
,U\re T?I; w&iv;'? » Le traducteur a lusans doute hassir, endroits de nos deux ecrits, par exemple III Reg., ivr
1153 ROIS (IIP ET IV e L I V R E S DES) 1154
3; VHI, 16; xx, 24; IV Reg., xvin, 18, 37 et II Par., IV Reg.) suffit pour demontrer clairement le fait qu'ils'
xxxiv, 8, il est dit que David, Salomon et Ezechias sont une 'compilation, et non pas une composition ori-
avaient parmi leurs ministres principaux un mazkir, a ginale. » The Jewish Encyclopedia, t. vn, New-York,
la lettre, « celui qui aide la memoire » (Septante, 6 1904, p. 506. « Nous ne pouvons pas parler de I'auteur
•JTCOPUIAV^CTXWV, o UTtotAvqaaTOYpaspoi;, etc., Vulgate, a des (livres des) Rois,... mais seulement d'un ou de
commentariis), dont le role aurait consiste, croit-on, a plusieurs editeurs successifs, dont le travail principal
noter officiellement les faits de chaque regne. II est a consiste a arranger sous une forme continue des
vraisemblable que les autres rois de Juda et ceux extraits de livres plus anciens. » W. R. Smith, dans
d'Israel avaient unfonclionnaire analogue. Quelquesin- VEncyclopaedia Britannica, 9 e edit., t.xiv, Edimbourg,
terpretes n'ont pas manque de supposer que les deux 1882, p. 83. Le meme auteur, ibid., p. 86, parle du
derniers livres des Rois et le second des Paralipomenes « caractere purement mecanique de la redaction par
ont eu ce genre de documents pour base; mais nous laquelle ont ete groupes des documents de differentes
venons de voir que leur opinion est refutee par 1'au- sorfes; » il affirme que « les historiens du (royaume
teur lui-meme des Paralipomenes. Get auteur et celui du) nord et du (royaume du) sud ont ete simplement
des Meldkim n'ont pas eu pour documents principaux raltaches les uns aux autres dans une sorte de
les annales assez problematiques du mazkir offlciel de mosai'que. »
chaque regne, mais les ecrits historiques des prophetes. b) Prenant 1'existence de ces pretendues « influences
Voir Benzinger, Die Bucher der Konige, p. xn-xiii. II deuteronomiques » pour point de depart de leurs
suit encore de la que quelques neo-critiques se lancent investigations, les neo-critiques signalent a chaque
dans une discussion assez oiseuse — les uns re- page de 1'ecrit les divers redacteurs ou compilateurs qui
pondaat afiirmativement, les autres negalivement — ont successivement concouru a produire nos deux livres
lorsqu'ils se demandent si Fauteur de III et IV Reg., sous leur forme actuelle,etilsassignent a chacund'eux
a puise d'une maniere immediate aux sources aux- sa part determinee, ne se composat-elle que de quel-
quelles il renvoie, ou s'il n'a eu a sa disposition qu'un ques mots epars ca et la. C'est ce que font en particulier,
ouvrage historique fonde sur elles. L'auteur a eu di- a la suite du D r Wellhausen, MM. Kuenen, Cornill,
rectement entre les mains les documents cites par lui. Kautzsch,Winckler, Benzinger, Kittel, StadeetSchwally,
3° Leur voleur. — Ces divers documents etaient tous dans les ouvrages designes ci apres (col. 1162). Rien de
contemporains des faits raeontes, ce qui leur donne plus significatif. sous ce rapport, que la maniere dont
une grande autorite. A un autre point de vue encore, M. Kittel d'une part, MM. Stade et Schwally de 1'autre,
ils presentent la plus haute garantie de fidelite histo- ont essaye de placer directement sous les yeux de leurs
rique, puisqu'ils furent composes par des personnages lecteurs, celui-la au moyen de types differents, ceux-ci
saints et sacres. Les rationalistes eux-memes sont obli- par 1'emploi des conleurs (dans la Bible hebrai'que dite
ges de reconnaitre a ces sources une veritable valeur et « polychrome ») le resultat de leurs decouvertes.
une antiquite reelle, du moins en bien des cas. Voir M. Kittel admet neuf couches distinctes de documents,
Kautzsch, Abriss des alttestam. Schrifttums, in-8°, amalgames par le compilaleur. MM. Stade et Schwally
Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 63. ont recours a dix couleurs variees, pour marquer
4° Emploi qu'en a fait le narrateur, — Souvent, il autant d'especes de documents, de remaniements,
a du inserer textuellement dans son recit les passages d'insertions, etc. Le blanc represente la base originale
qui lui convenaient. On le voit en comparantIV Reg., de 1'ecrit, savoir, « 1'epitome prophetique des. rois
xvin, 13-xx, 19, et Is., xxxvi-xxxix, passages identiques d'Israel et de Juda, compose aux derniers jours du
dans lesquels une source commune a ete utilisee d'une royaume de Juda, sous Joachin ou Sedecias, par un
facon litterale. Ce fait explique aussi quelques reflexions pieux auteur qui etait imbu de 1'esprit du Deutero-
qui semblent, a premiere vue, un anachronisme de la nome » (par exemple, III Reg., vm, 11-13; ix, 12-13,
part d'un ecrivain qui raconte la ruine de Jerusalem 20, 26-27; x, 28-29; xv, '2-3, etc.). Le rouge fonce
et du temple. Cf. Ill Reg., vm, 8; ix, 21; xn, 19; marque « des extraits de documents historiques plus
IV Reg., xiv, 7. D'autres fois, I'auteur abrege ou com- anciens » (entre autres, III Reg., i, 1-53, a part le
plete d'apres d'autres documents. Cf. Ill Reg., xv, 1-8 verset 87; ii, 13-25, 28-33, etc.); ie rouge clair, « des
et II Par., xm, 1-23, etc. Mais I'ensemble denote par- extraits de sources plus recentes » (par exemple,
tout un travail tres reel de composition, accompli par III Reg., in, 16-28; v, 15-16, 20-27, etc.). Le verttendre
un seul et meme ecrivain, qui avait son plan trace designe, d'une part, « toutes les portions d'un caractere
d'avance, et qui a tire de ses,sources le meilleur pro- deuteronomique » qui n'appartiennent point a 1'abrevia-
fit, tout en demeurant personnel et independant. teurlui-meme; d'autre part, « la continuation de 1'epi-
VI. LES NEO-CRITIQUES ET LES DEUX DERNIERS LIVRES tome par un deuteronomiste posterieur a 1'exil, » et
DES 80IS. — 1° Expose de leurs theories. — a) A 1'en- aussi« des additions subsequentes,ayantpour butd'ela-
contre de ce qui vient d'etre dit, les critiques ratio- blir une connexion entre les legendes des prophetes et
nalistes se refusent a voir dans ces deux livres- un tra- les parties deuteronomiques du livre » (IIIReg., vm,
vail unique, provenant d'un seul et meme historien; 14-25, 26-32, 35-66; xi, 2-3, 29-31,33-38etc.). A 1'orange
ils les regardent comme une ceuvre de compilation, clair correspondent « des additions non deuterono-
prepareepeu a peu par une serie plus ou moins consi- miques d'origine inconnue » (HI Reg., x, 1-11, 13-27;
derable de redacteurs. Nous avons deja expose plus xvi, 12; xvm, 32-33; xxi, 21-23, etc.); a 1'orange fonce,
haut le principe qui, d'apres leur assertion toute « les additions qui semblent avoir ete empruntees a
gratuite, sert de base a leur opinion, pour cet ecrit d'autres ouvrages historiques, et qui, tout d'abord, etaient
comme pour ceux des Juges et de Samuel. Ils le re- peut-etre placees en marge » (par exemple, III Reg.,
petent ici avec plus de force que jamais, et pretendent xiv, 1-19; v, 7-8, 29-30; vn, 41-44, etc.); au violet fonce,
decouvrir a tout instant dans les Meldkim les « in- «les textes qui ont pour but d'etablir I'harmonie entre
fluences deuteronomiques K> qui demontreraient, sui- divers passages du livre » (III Reg., ix, 18-23, 25; x,
vant eux, 1'existence de redactions multiples et de 12, 27; xi, 32, etc.); au bleu clair, « des extraits des
remaniements reiteres. Voir Driver, Introduction, legendes des prophetes » qui, sous leur forme presente,
p. 189; Kautzsch, Abriss, p. 61-66; Benzinger, Lie sont toutes posterieures a 1'exil, bien que le fond de
Bucher der Konige, p. xm; Kittel, Die Bucher der ce qui concerne Elie et Elisee remonte peut-etre a une
Konige, p. vn, etc. Comme pour les deux premiers epoque anterieure a la captivite. Ill Reg., xn, 21-24;
livres, leur langage est aussi injuste que severe : xiu, 1-33, etc. Le bleu fonce et le violet clair servent
« Un examen superficiel des livres des Rois (HI et a marquer, dans ce qu'on nomme les legendes d'lsaie,
DICT. DE LA BIBLE. V. - 37
1155 ROIS (III e ET IV 8 LIVRES DES) 1156
'« des insertions provenant de narrations paralleles » jectives, des contradictions perpetuelles des neo-cri-
(parexemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34; xx, 1-6, 12- tiques a propos des livres de Samuel, on peut le dire
19, etc.). On admirerait une telle perspicacite, si elle egalement de leurs theories relatives aux Meldkim.
n'inspirait des 1'abord une vive defiance. Qui ne Leur genre de critique litteraire est aise, et qui ne se
voit, en effet, combien elle fait redouter 1'arbitraire, chargerait de 1'appliquer avec aussi peu de serieux et
surtout lorsqu'on la sait animeed'un esprit preconcu? de solidite, aux reuvres de Racine et de Bossuet, ou
c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme meme a des ouvrages beaucoup plus recents?
dans les deux premiers, M. Cornill reconnait la main 3° Refutation de quelques objections particulieres.
du jehoviste et celle de 1'elohiste, actives en divers sens. — a) Evidemment, le rationalisme contemporain ne
C'est le jehoviste qui raconte la fin du regne de David. pouvait manquer de signaler, a 1'appui de ses negations,
Ill Reg., I-H. D'ailleurs, les neo-critiq.ues sont a peu la part tres notable qui a ete faite a 1'element surnatu-
pres d'accord pour rattacher ces deux chapitres au rel dans nos deux livres, surtout dans 1'histoire d'Elie
second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient et d'Elisee.« Un trait caracteristique des livres des Rois,
fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage ce sont les histoires des prophetes, les nombreuses
ou est exposee la vie de Salomon, M. Cornill apercoit legendes relatives aux representants de la theocratic,
trois couches distinctes : 1° une serie de recits ou de dont la plupart ont ete meles aux evenements... II n'y
notes qui ont pour but manifeste d'exalterle roi, entre a presque pas de chapitre ou ils n'occupent le premier
autres, iv, 2-19; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28, 31-32; vr, rang. Quand 1'occasion se presente de les introduire,
37-38, etc.; 2° des enjolivements encore plus legen- de les faire parler et agir, la narration s'arrete aux
daires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses, details, devient pittoresque, anecdotique, prolixe meme,
par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc.; 3° « une couche de sommaire et decoloree qu'elle est ailleurs. » Ency-
deuteronomique, qui tantot demeure independante, clopedic des sciences religieuses de Lichtenberger,
tantot se borne a rexnanier, » par exemple, in, 1-15; t. xi, p. 258-259. — Nous n'avons pas a redire ici que
v, 17-19; VIH, 15-53, etc. Dans la suite du recit, apartir la presence de 1'element surnaturel, des miracles, des
de III Reg., xii, M. Cornill consent a trouver une propheties, ne demontre absolument rien au sujet de
oauyre generalement pleine d'unite, « de telle sorte que, lepoque ou a ete compose tel ou tel recit, et il a ete
pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre remarque plus haut qu'il entrait preeisement dans le
historique (de la Rible), il est permis de parler d'un plan de 1'auteur d'insister sur tout ce qui, dans 1'his-
auteur. » L'elohiste a eu sa grande part dans la com- toire des rois d'Israel,offrait un caractere theocratiqu
position des chap, xn, xiv, xv et xvi; mais le jehoviste plus palpable.
a fourni les passages xiv, 25-28; xv, 16-20; xvi, 34. Le 6) On pretend que 1'interet pour la loi de Moi'se, si
chap, xm est une legeiide de prophetes «. d'un genre vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n'exis-
tout a fait grotesque; » c'est unproduit tres recent. La tait pas dans 1'ancien Israel, » et qu'il est « tout a fait
partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve etranger aux memoires plus anciens qui ont ete incor-
dans le groupe III Reg., xvn-IV Reg., x. « Elle con- pores dans ces livres, » de sorte que, partout ou il fait
tient les morceaux lesmeilleurs etles plus satisfaisants son apparition, on peut etre sur qu'il s'est glisse tardi-
des recits historiques de 1'Ancien Testament; » mais vement une main « deuteronomique ». — Mais c'est la
\\fo\iteia separet IV Keg., i, 2b-12, ou nous n'avons une assertion toute gratuite, dont il est impossible de
qu'une legende sans portee. M. Comill est en outre demontrer la verite, car elle repose sur une base entie-
partisan, comme la plupart des neo-critiques contem- rement fausse,la fabrication du Deuteronomea 1'epoque
porains, de deux redactions « deuteronomiques », dont du roi Josias. Quant a 1'inter'et, d'ailleurs tres reel,
Tune date environ de 1'an 600 avant J.-C., tandis que que 1'auteur des Meldkim manifeste pour la loi mo-
1'autre est un peu plus recente (la moitie ou la fin de sai'que, nous avons montre qu'il fait egalement partie
1'exil); mais il croit que, jusqu'au me siecle avant notre* de son butet de son plan.
ere, on a opere des remaniements dans les deux livres. c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte
Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui centre 1'unite de redaction, mais plus timidement, les
appartient a chacun des deux redacteurs, et ce qui est « doublets » ou repetitions, et meme les contradictions
simple remaniement; ainsi, « il faut attribuer le syn- proprement dites qu'on rencontrerait parfois dans
chronisme (des rois) au second redacteur; les dates des 1'histoire des rois de Juda et d'Israel. — II existe, en
regnes ont ete inserees par le premier. » Benzinger, efiet, quelques repetitions. Cf. IV Reg., vnr, 28, et ix,
Die Bucher der Konige, p. XVHI. 14, 16; XHI, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s'expliquent par
2° Faussete de ces theories. — a) L'auteur des deux les habitudes et par la maniere de parler des Orienr
derniers livres des Rois affirme lui-meme, nous 1'avons taux; elles ne nuisent pas a 1'unite de composition, et
vu, qu'il s'est servi de plusieurs documents contempo- ne supposent point des redacteurs venus 1'un apres
rains des evenements qu'il raconte, et il est certain 1'autre. Comme exemples de contradictions, on allegue,
qu'il a du leur faire en certains endroits des emprunts d'une part, III Reg., ix, 22, et xi, 28; de 1'autre, III Reg.,
considerables. Mais, entre son mode de composition et xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages,
celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y apres avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu'un
a une enorme difference. Ce n'est point« d'une maniere des fils d'Israel fut esclave, » 1'ecrivain sacre parle d'un
mecanique », et pour ainsi dire fortuite, qu'il a groupe chef charge de diriger «les travaux des esclaves. »Mais,
ses materiaux; il les coordonne et les dispose toujours si Ton se reporte a 1'hebreu, on voit que par « travaux
d'une facon suivie, reguliere, conforme au plan des esclaves » il faut simplement entendre des corvees
qu'il s'etait trace d'avance. II a ainsi produit, non penibles, et point une servitude proprement dite. En
pas une « mosai'que », mais une ceuvre qui ne manque comparant les deux autrestextes, on constate que c'e?t
pas d'unite. Cette unite se manifeste soit par la marche a Samarie que les chiens lecherent le sang d'Achab,
du recit, toujours uniforme et semblable a elle-meme, et non dans la vigne de Naboth, comme Elie 1'avait
et, en particulier, par le cadre exterieur dans lequel predit. Toutefois, le recit ajoute en termes formels,
ont ete inseres les fails de chaque regne; soit par le III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit a adou-
butet le point de vue special de 1'auteur, qui sont iden- cir la sentence d'Achab, a cause de son repentir, et que
tiques depuis le commencement jusqu'a la fin ; soit par la menace divine fut executee a la lettre dans la per-
le style, car les locutions propres a 1'historien sacre sonne de Joram, fils d'Achab, conformement a la mo-
reviennent aussi partout. — b) Ce que nous avons dit dification qu'elle avail subie. Cf. IV Reg., ix, 24-26. —
plus hauf dfe 1'arbitraire, des preuves purement sub- Pour ces difficultes de divers genres, voir F. &eil,Lehr-
1157 1158
buck der Einleitung in die kanon. und apokryph. morgenlandischen Gesellschaft, 1861, p. 293-250; The
Schriften des Allen res£aw.,2eedit.,Francfort-sur-le- expedition of Pharao Shishak against Palestine,
Main, 1859, p. 183-187; P. Glair, Les livres des Rois, dans les Actesdu vniecongres internalional des Orien-
in-8°, Paris, 1879, p. 126-187; R. Comely, Introductio talistes, IVe partie, in-8», Leyde, 1892, p. 193-199;
specialis in historicos Veteris Testam. libros, in-8°, F. Vigouroux, La Bible et les decouvertes modernes,
Paris, 1887, p. 288-293. 6" edit., Paris, 1896, t. in, p. 407-427. — c) La celebre
VII. LA VERACITE ET L'AUTORITE DIVINE DES DEUX inscription de Mesa,roi de Moab, complete ceque nous
DERNIERS LIVRES DES ROIS. — 1° Le caractere veridique dit la Bible au sujet de ce monarque. Cf. IV Reg., HI,
et historiquede cet ecrit a ete attaquesur divers points, 4-27; C. D. Ginsburg, The Moabite stone, in-4°, Lon-
nous 1'avons vu, par les rationalistes contemporains. dres, 1871; V. Testa, L'iscrizione di Mesa illustrata e
Ceux-ci sont neanmoins contraints de reconnaitre, commentala, in-8°, Turin, 1875; H. Winclder, Keilin-
malgre leurs prejuges multiples, que, « dans leur en- schriftliches Textbuch zum Alt. Testam., in-8°, 1892,
semble, les recits sont assurement tres dignes de foi. » p. 100-105; F. Vigouroux, loc. cit., p. 464-474. — d) Ce
Encyclopedic des sciences religieuses de Lichtenber- sont les monuments assyriens et les inscriptions cunei-
ger, t. xi, p. 258. Voir les aveux analogues du Dr Cor- formes qui fournissent les renseignements les plus
nill, col. 1155. Nous disons que la veracite de la narra- complets et les plus interessants. « Apres avoir ete
tion est partout la meme, et il est facile d'en donner ensevelis, pendant de longs siecles, sous les ruines et
des preuves intrinseques et extrinseques. les decombres amonceles sur les bords du Tigre, ces
A) Preuves intrinseques. Partout, dans nos deux livres, pages monumentales, gravees sur la pierre ou ecrites
1'histoire est racontee de la maniere la plus serieuse, sur 1'argile, ont enfm reparu a la lumiere du jour...,
la plus objective. Nulle part on n'apercoit les traces de et les savants contemporains y ont lu, avec un etonne-
la plus legere flatterie a 1'egard des rois ou des autres ment mele d'admiration, non seulement les noms des
grands personnages dorit la vie est racontee : les bons flers monarques de-Ninive, mais aussi des noms qu'on
rois recoivent de legitimes eloges, mais leurs faiblesses ne s'attendait point a trouver en dehors de la Sainte
et leurs fautes sont relevees, blamees severement; Ecriture, ceux de six rois d'Israel: Amri, Achab,Jehu,
quant aux mauvais princes, ils sont fletris avec une Manabem, Phacee, Osee, et de quatre rois de Juda :
juste indignation. On n'apercoit aucune de ces exage- Azafias ou Ozias, Achaz, Ezechias et Manasse, sans
rations, de ces louanges dithyrambiques, dont les ins- parler des noms geographiques. C'est ainsi que les
criptions egyptiennes et assyriennes fournissent tant ennemis memes du peuple de Dieu sont venus confir-
d'exemples. En outre, tout, dans les narrations, est mer 1'authenticite et la veracite des annales sacrees. »
conforme a ce que nous connaissons par ailleurs de la F. Vigouroux, loc. cit., p. 430. Voir sur ce sujet
vie orientale et des mceurs des potentats dans ces re- E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testa-
gions. C'est done • Men a tort que les neo-critiques ment, in-8«, Giessen, 1872, p. 87-233; 3e edit, en 1905;
supposent, en certains endroits, des « tendances » et F. Kaulen, Assyrien und Babylonien nach den neuesten
de « 1'idealisation », c'est-a-dire des faussetes histo- Entdeckungen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 3e edit., 1885,
riqueg. Par la maniere dont 1'auteur mentionne a tout p. 203-225; Sayce, Alte Denkmaler im Lichte neuer
instant ses sources, il prouve qu'il ne redoutait point le Forschungen, Leipzig, 1886; et surtout F. Vigouroux,
controle de 1'histoire. Cf. F. Kaulen, Einleitung indie op. cit., t. in, 253-642, t. iv, p. 1-154.
Bilcher A. und N. Testam.., 3e edit., p. 198-199. 2. L'autorite divine de 111 et IV Reg. — Ces deux
-B) Les preuves extrinseques sont encore plus frap- livres, qui ont toujours fait partie du canon biblique
pantes. Elles nous sont d'abord livrees — a) par la chez les Juifs et chez les Chretiens, sont par la-meme
Bible elle-meme, ou d'autres recits, entierement inde- inspires et divins. Jesus-Christ et ses Apotres leur ont
pendants des deux derniers livres des Rois, permettent emprunte des citations et allusions relativement nom-
de faire le controle dont il \ient d'etre question. II a breuses, montrant ainsi la haute estime qu'ils avaient
ete dit ci-dessus que le second livre des Paralipomenes pour eux, et 1'autorite superieure qu'ils leur reconnais-
couvre la meme periode que ceux des Meldkim; or, saient. Notre-Seigneur mentionne la richesse des vete-
celui qui 1'a compose conserve son entiere liberte, ments de Salomon, Matth., vi, 29, cf. Ill Reg., .x, 25;
tout en utilisant les memes sources : les deux recits la visite de la reine de Saba, Matth.,xn, 42, cf. Ill Reg.,
concordent admirablement. Les allusions historiques x, 1-10; la secheresse au temps d'Elie, la maniere dont
qui apparaissent frequemment dans les livres prophe- le prophete secourut la veuve de Sarepta et la gueri-
tiques d'Osee, d'Amos, d'lsai'e, de Michee, de Jeremie, son du Syrien Naaman par Elisee, Luc., iv, 25-27,
de Sophonie, etc., nous procurent un argument iden- cf. Ill Reg., xvn, 1-16, et IV Reg., v, 1-19. Saint
tique. « Depuis Ozias, il s'est a peine passe un fait dans Etienne rappelle dans son discours, Act., vn, 46-48, le
Juda ou dans Israel, sans qu'un prophete ou 1'autre y desir exprime par David de construire un temple a
ait fait allusion; et partout il regne un accord complet Jehovah et la realisation de ce souhait par Salomon.
avec les donnees des livres des Rois. » Kaulen, loc.cit., Cf. Ill Reg., vi, 1-38. Dans 1'Epitre aux Remains, xi, 24,
p. 199. Voir aussi Eccli., XLVII, 14-XLix, 9. — 6) Les saint Paul cite III Reg., xix, 10, comme parole de
litteratures etrangeres et les monuments que nous ont 1'Ecriture; dans 1'Epitre aux Hebreux, xi, 35, il fait
legues les contrees bibliques nous documentent d'une allusion aux resurrections operees par Elie et Elisee.
facon remarquable sur le point traite. Nous avons Cf. Ill Reg., xvn, 17-24; IV Reg., iv, 18-38. Saint
1° les fragments des anciens historiens, Berose/Hsne- Jacques, v, 17-18, signale 1'exemple d'Elie comme une
thon, Menandre, etc. Josephe, ContraApion.,i, 13-34, et preuve de Pefficacite de la priere. Cf. Ill Reg., xvn,
Ant. jud., VIII, v, 3, et xni, 2, en appelait'deja a leur 1. L'Apocalypse, H, 10, nomme deux fois l'infame
temoignage pour defendre la veracite des livres histo- Jezabel.
riques de son peuple. Cf. Eusebe, Prxp. evang., x, 1- VIII. CHRONOLOG1E DES DEUX DERNIERS LIVRES DES
42,t. xxi, col. 680-1764; Rawlinson, Bampton Lectures, ROIS. — 1° Frequente mention des dates. — Ainsi
2e edit., 1860, p. 89-92. Nouspossedons aussi les inscrip- qu'il a ete dit plus haut, 1'auteur note tres soigneuse-
tions egyptiennes, specialement celles de Sche- ment les donnees chronologiques. II fait passer sous
schonq Ier, le Sesac de la Bible, III Reg., xi, 40, etxiv, nos yeux non seulement la dure"e des divers regnes,
*25, gravees sur les murs du temple de Karnak, qui con- mais aussi le synchronismedes rois d'Israel et deJuda,
firme ce que raconte le IIIe livre des Rois de la cam- et les dates des principaux evenements. Cf. Ill Reg.,
pagne de ce prince en Palestine. Voir Sfis.vc. Cf. Blau, Si- H, 11; vi, i, 37, 38; va, 1; virr, 2, 65; ix, 10; xi, 42;
saqs Zug gegen Juda, dans la Zeitschrift derdeutschen xiv, 20, 25; xv, 1, 9, 25, 33; xvi, 8, 10, 15, 23, 29;
1159 ROIS (III 6 ET IVe L I V R E S DES) 1160
xvni, 1; xxii, 1, 41, 52; IV Reg., i, 17; m, 1; vm, 16, 2° On a note aussi un certain nombre d'expressions
25; ix, 29; x, 36; xi, 3-4; xn, 1, 6; xin, 1, 10; xiv, que Pauteur des deux derniers livres des Rois emploie
1-2, 17, 23; xv, 1, 8,13,17, 23, 27, 30, 32; xvi, 1; xvn, volontiers, quoique la plupart d'entre elles ne lui
1, 5; xvni, 1, 9,13; xxi, 1, 19; xxn, 1, 3; xxm, 23, 31, soient pas exclusivement propres; celles-ci en particu-
36; xxiv, 1, 8,.12,18; xxv, 1, 3, 8, 25, 27, lier : Marcher dans la voie du Seigneur, III Reg., n,
2° Difficultes provenant de cette chronologic. — 3; in, 14; vm, 5; xi, 23, 28; garder ses lois, ses
Saint Jerome les signalait deja : Relege omnes et Ve- ordonnances, ses jugements, ses preceptes, III Reg.,
teris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum n, 3; m, 14; vi, 12; vm, 58; ix, 4, 5; IV Reg., xvn,
reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et 13, 19; xxm, 3, etc.; « temoignages », dans le sens de
Israel, id est, inter regnum utrumque, confusum. commandements divins, III Reg., H, 3; IV Reg., xvn,
Epist. Lil, 5, t. xxii, col. 675-676. Non seulement les 45; xxm, 3, etc.; afin que tu reussisses, III Reg., n,
chiffres bibliques ne sont pas d'accord les uns avec 3, etc.; accomplir la parole, III Reg., n, 4; vi, 12; yin,
les autres; mais la chronologie assyrienne, dont on a 21; xn, 15; marcher devant moi (avec verite, etc.),
decouvert la clef, accroit encore 1'embarras des com- Ill Reg., n, 4; in, 6; vm, 23, 25, etc.; tu ne manque-
mentateurs, car elle ne cadre pas non plus avec les ras jamais de..., Ill Reg., 11, 4; vm, 25; ix, 5; de tout
dates de detail indiquees par les livres des Rois. De nos ton (son) cceur et de toute ton (son) ame, III Reg., n r
jours on a beaiicoup ecrit sur cette question, sans 4; vm, 48; IV Reg., xxm, 3, 25; batir une maison au
pouvoir la resoudre d'une maniere entierement satis- nom du Seigneur, III Reg., m, 2; v,3, 5; vm,17, etc.;
faisante. Voir, en sens divers, J. Wellhausen, Die comme c'est aujourd'hui, III Reg., in, 6; vm, 24, 61;
Zeitreclmung des Buches der Konige seit der Teilung choisi parmi toutes les tribus d'Israel, III Reg., vm,
des Reiches, dans les Jahrbucher fur deutsche Theo- 16; xi, 32; xiv, 21; IV Reg., xxi, 7; afin que mon
logie, 1875, p. 617-640; Krey, Zur Zeitrechnung der coaur soit ici, HI.Reg., vm, 16, 29; IV Reg., xxm, 27;
Bucher der Konige, dans la Zeitschrift fur tvissen- parfait, dans le sens de devoue entierement, III Reg.,
schaftliche Theologie, 1877, p. 404408; VV. R. Smith, vm, 61; xi, 4; xv, 3, 14; IV Reg., xx, 3; exterminer du
The Chronology of the Books of Kings, dans le Jour- pays, III Reg., ix, 7; xm, 34; xiv, 15; rejeter de de-
nal of Philology, 1882, p. 209-220; id., The Prophets vant la face, III Reg., ix, 7; IV Reg., xm, 23; xvnr
of Israel, nouvelle edition, in-12, 1895, p. 145-151, 20, etc.; les abominations (des faux dieux), III Rog.,,
403-406, 415-421; A. Kamphausen, Die Chronologie XI, 5, 7; IV Reg., xxm, 13, 24; faire ce qui est mal aux
der hebraischen Konige, in-8°, Bonn, 1883; Riihl, Die yeux du Seigneur, III Reg., xi, 6, et plus de trente
Chronologie der Konige von Israel undJuda, dans la fois ailleurs; a cause de David ton pere (ou, mon ser-
Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, 1895, viteur), III Reg., xi, 12; xm, 32, 34; xv, 4; IV Reg.,
p. 44-76, 171; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e ed., vm, 19; xix, 34; xx, 6; Jerusalem que j'ai choisie,
t. n, p. 95-97; id., Les Livres Saints et la critique III Reg., xi, 13, 32, 30; vm, 44, 48; xiv, 21; IV Reg.,
rationaliste, ,5e edit., t. iv, p. 499-507. Voir aussi xxi, 7; xxm, 27; provoquer la colere du Seigneur,
CHRONOLOGIE BYBUOJCE, t. \\. co\. 130-132,, cm Yon metv- IV Reg., xiv, 9,15, et tres souvent aiileurs; VoicL je
tionne les principales difficultes et leur solution pos- vais faire venir le malheur, III Reg., xiv, 10; xxi, 21;
sible. Rien n'autorisea pretendre que les inexactitudes IV Reg., xxi, 12; xxn, 16, etc.; 1'enchaine et le libre,
de chiffres qui se rencontrent dans nos deux livres c'est-a-dire tout le monde, III Reg., xiv, 10; xxi,
soient le fait de 1'auteur; elles sont toutes attribuables 21; IV Reg., ix, 8; xiv, 26; (Jeroboam) qui a fait pecher
aux copistes, qui se trompent facilement en transcri- Israel, III Reg., xiv, 16; xv, 26, et tres souvent encore;
vant des nombres. Nous en avons un exemple frappant sur toute colline elevee et sous tout arbre vert, III Reg.,
a propos du roi Ochozias de Juda, qui, lorsqu'il monta xiv, 23; IV Reg,, xvi, 4; xvn, 10; les abominations
sur le trone, avait 42 ans d'apres H Par., xxii, 2, des nations (pai'ennes), III Reg., xiv, 24; IV Reg., xvi,
seulement 22 d'apres IV Reg., vm, 26. II est evident 3; xxi, 2; les nations que le Seigneur avait chassees
qu'il y a une erreur d'un cote ou de 1'autre. Mais, ni de devant Israel, III Reg., xiv, 2, 4; xxi, 26; IV Reg- r
cette faute, ni les autres du meme genre ne sauraient xvi, 13, etc.; ne pas se detourner de..., Ill Reg., xv r
nuire a 1'autorite d'un livre serieux : les conclusions 5; xxii, 43; IV Reg., m, 3; x, 29, etc.; sevendre (pour
qu'en ont tirees les critiques rationalistes demeurent faire le mal), III Reg., xxi, 20, 25; IV Reg., xvn, 7; le
done sans valeur. peuple offrait encore des sacrifices et des parfums
ix. LE STYLE. — 1° II est moins pur que celui des li- sur les hauts lieux, III Reg., m, 2, 3; xxn, 43;
vres de Samuel et il presente d'assez nombreux exemples IV Reg., xii, 4; xiv, 4; xv, 4, 35, etc.; mes (ses) ser-
de neologismes et d'aramai'smes. Neanmoins, des par- viteursles prophetes, IV Reg., ix, 7; xvn, 13, 23; xxir
ties considerables des Meldkim sont ecrites en excel- 10; xxiv, 2; Tarmee des cieux (les astres, objet d'un
lent hebreu des meilleurs jours. Le genre de diction culte), IV Reg., xvn, 16; xxi, 3, 5; en ce temps-la f
est le meme partout et manifesto 1'unite d'auteur. Ger- III Reg., xiv, 1; IV Reg., xvi, 6; xvm, 16; xx, i2;
taines particularites dialectales s'expliquent par les xxiv, 10; en ces jours, IV Reg., x, 32; xv, 37; xx, 1;
sources speciales qui servirent a composer les passages la formule « attendu que », pour introduire des. prophe-
ou elles sont employees. II suffira d'en citer quelques- ties, III Reg., m, 11; vm, 18; xi, 11; xm, 24, etc.
uns : .la forme feminine en > : >F,S pour FIN, Voir Driver, Introduction, 5" edit., p. 178, 190-193;
Hastings, Dictionary of the Bible, t. n, p. 859-861.
« toi », IV Reg., IV, 16, 23; vm, 1, etc.; oh pour 7]S,
:T T X. LE TEXTS HEBREU ET LES ANCIENNES VERSIONS*
« a toi », IV Reg., iv, 2; 'dto pour 'itto, « avec lui », — 1° Le texte. — Quoique loin d'etre parfait sous sa
IV Reg., i, 15; in, 11, 12, etc.; 'otdm pour 'ittdm, forme presente, le texte hebreu des Meldkim nous est
« avec eux », IV Reg., vi, 16; nir pour ner, «lampe», parvenu en meilleur etat que celui des livres de Samuel.
III Reg., xi, 36, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der On croit reconnaitre qu'il a ete corrige en plusieurs
...Einteitung, 2e edit., p, 483-184. Pour les noms d'Elie endroits d'apres la traduction des Septante. Entre autres
et d'Ochozias de Juda, I'ecrivain sacre empJoie tan tot traces manifestes de corruption, on cite : III Reg,, ir
la forme complete, 'Eliydhu, 'Ahazydhu, tantdt la 10, au lieu -de tibbdkd', lire fittdqdh, Septante des
forme abregee, 'Eliydh, 'Ahazydh; elles alternent Hexaples, rjxviaev, Vulgate, insonuit; III Reg., vn, 40,
parfois a quelques lignes seulement d'intervalle. Pour au lieu de hakkirot, lire hassirot, Septante, \i&-r^o.ct
Elie, cf. Ill Reg., xvii, 1, 3; xvni, 1, 2, etc.; IV Reg., Vulgate, lebetes; III Reg., vm, 57, au lieu de be'eres
i, 3, 4, 10,12, etc.; pour Ochozias, III Reg., xxn, 40, se'drdv, lire be'ahaf 'ardv, Septante, ev [xta TWV TCOASWV
50, 52; IV Reg., i, 18; x, 24, etc. altoO; III Reg., xi, 15, au lieu de biheyot, lire behakkot,
1161 ROIS (III e ET IV e L I V R E S DBS) — ROMAINS (fiPiTRE A U X ) 116!
Septante, Iv TW I.|o^o8psu<rat; III Reg., xi, 25, au lieu de d'hui. — c) Autres versions orientales. — Le syriaque
'Aram, lire 'Edom; III Reg., xni, 11, au lieu de « son le chaldeen, 1'arabe n'offrent pas une grande utilit
fils vint et lui raconta », lire, d'apres les Septante et pour 1'interpretation des MeldMm. Les modification
la Vulgate, « ses fils vinrent et raconterent »; III Reg., qu'on y rencontre sont dues generalement aux allure
xix, 23, au lieu de vayyare', lire vayyere", Septante, trop libres des traducteurs. Pour le syriaque, voi
i?o6Y|6Y)j Vulgate, timuit; IV Reg., v, 26, au lieu de Berlinger, Die Peschitto zum ersten Buche der Ko
hdlak, « il alia », il faut lire, 'immeka, « avec toi », nige, in-8° Berlin, 1897.
d'apres les Septante et la Vulgate, etc. Notons aussi XI. BIBLIOGRAPHIE. — 1° Pour la critique du text
quelqueserreurs manifestos de chiffres : III Reg., v, 6, et I'origine du livre: *J. Wellhausen, Die Composition
40000 doit etre corrige en 4000, d'apres II Par., ix, des Hexateuchs und der histor. Bucher des Alien Test.
25; IVReg., xxv, 17, lire « cinq coudees », au lieu de in-8°, 2e edit., Berlin, 1889, p. 266-302; Id., Prolegoment
« trois », d'apres III Reg., vn, 15, et Jer., LII, 22, etc. zar Geschichte Israels, in-8°, 5e edit., Berlin, 1899
Voir F. Bottcher, Neue exegetisch-kritische Aehrenlese p. 275-298; *B. Stade, dans la Zeitschrift fur alttestam
zumAlten Testament, frvartie, Leipzig, 1864, p. 1-120; Wissenschaft, 1883, p. 129-177; 1885, p. 275-297; 1886
R. Kitlel, Biblia hebraica, t. i, Leipzig, 1905, p. 458- p. 156-189; 'Preiss, W. Vatkes Ansichtuber dieBuchet
552. Samuelisund der Konige, dans la Zeitschrift fur wis-
2° Les versions anciennes. — a) Septante. — Pour senschaftliche Theologie, 1885, p. 257-275;* A. Kuenen
les deux derniers livres des Rois, comme pour les deux Historisch-critisch onderzoek naar het ontstaan en d(
premiers, la traduction des Septante se fait remarquer verzameling van de boeken des Ouden Verbonds, in-8°
par des ]variantes nombreuses— additions, omissions, 2 e edit., Irepartie, Leyde, 1885, p. 392-443; *S. R..Driver
transpositions, autres modifications de divers genres — An Introduction to the Literature of the Old Test.
souvent considerables, d'autresfois plus legeres. Ellere- in-8», Edimbourg, 1891, 5« edit., 1894, p. 179-188
presente certainement une recension de 1'hebreu ditfe- *H. Winckler, Beilrdge zur Quellenscheidung der Ko
rente de celle qui a servi de baseau texte massoretiqiie. nigsbucher, dans les Alttestam. Untersuchungen, in-8°
Exemples d'additions : la fontaine de Salomon dans le t. i, Leipzig, 1893, p. 1-54; *R. Kittel, Geschichte de
temple, III Reg., a la suite de n, 35, ou de mi 1; la chaus- Hebraer, in-8», 1892, p. 45-57, 177-195; *E. Konig, Ein
see du Liban, III Reg., Hi, 46; la mention dusoleildans leitung in das A. Test., in-8», Bonn, 1893, p. 263-269
la priere de Salomon, le jour de la dedicace du temple, *C. H. Cornill, Einleitung in das A It e Teslam., in-80
III Reg., vm, 53; un long passage sur Jeroboam, 2«edit.,Fribourg-en-Brigau, 1892, p. 121-131; C. Holzhe}
insere III Reg., xn, entre les versets 24 et 25. Voir aussi Das Buch der Konige, Vntersuchung seiner Bestandtheil
III Reg., xv, 8 ; xvi, 22; xvm, 1, etc. Exemples d'omis- und seiner litterar. und geschichtlichen Charakters
sions : le passage III Reg., vi, 11,14, estomis integrale- in-8«, Munich, 1899; *B. Stade et F. Schwally, Th
ment; de meme III Reg., xv, 6; xvi, 8 et 15, etc. Les Books of Kings, dans les Sacred Books of the Oh
transpositions sont tres nombreuses : III Reg., n, 36- Test,, editespar *Haupt, in-4°, 9« partie, Leipzig, 1904
46, passe apres in, 1; III Reg., in, 1, et ix, 16-17, sont — 2° Commentaires. — A) Catholiques : Theodore!
groupes ensemble et places entre iv, 34, et v, 1; III Reg., Qugest. in lib. Reg., t, LXXX, col. 527-798; Glair, Le
vii. 1-12, vien-t apres vn, 51; III Reg., vm, 12-13, apres Livres des Rois, 2 in-8°, Paris, 1884. — B) Heterodoxes
53; ix, 15, 22, apres, x, 22; les chap, xx et xxi sont 0. Thenius, Die Bucher der Konige, in-8°, Leipzig
transposes, etc. Malgre ses imperfections, la tra- 1849, 2" edit., 1873; F. Keil, Die Bucher der Konige
duction des Septante, nous 1'avons constate plus haut, in-8», Leipzig, 1865, 2« edit., 1876; W. F. Bahr, Di
peut servir assez souvent a corriger le texte he'breu Bucher der Konige, in-8°, Bielefeld, 1868; E. Reuss
actuel; mais il faut beaucoup de reserve et d'esprit Histoire des Israelites, Paris, 1877, p. 137-148; A. Klos
•critique pour faire ces corrections. Une autre particu- termann,7)ie Bucher Samuelis und der Konige, in-8'
larite dela version des Septante consistedansle nombre Nordlingue, 1887, p. 262-498; J. R. Lumby, The firs
jrelativement extraordinaire des expressions hebrai'ques Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1886, et Th
qui n'ontpas ete traduites, mais simplementtranscrites second Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1888
«n grec. Entre autres, au IVe livre, dcpcpw, n, 4, et x, 10; J. Benzinger, Die Bucher der Konige erklart, in-81
vcoxvjS, m, 4 ; apttoO, iv, 39; 8e6pa6a, v, 19; iX[j.wvt, vi, 8; Tubingue, 1899; R. Kittel, Die Bucher der Konig
Havaa, vm, 8 et 9; yapsjji, ix, 13, etc. On voit par la uberselzt und erklart, in-8°, Go3ttingue, 1900.
que le traducteur n'etait pas a la hauteur de sa tache, L. FILLION.
•car plusieurs de ces expressions sont faciles a com- ROMA (hebreu : Re'umdh, « corail »; Septante
prendre. Dans la recension de Lucien, au passage IVReg., 'Ps-jfjia), femme de second rang de Nachor, frere d'A
iv, 34, le verbe hebreu igehdr est d'abord traduit par braham. Elle eut pour fils Tabee, Gaham, Tahas e
(7t)v£xa!Jt4£v, puis reproduit en hebreu, iyaap, lequel Maacha. Gen., xxn, 24.
mot a ete ensuite corrompu en lyXiS, etc. Le meilleur
lexte des Septante est celui du Cod. Vaticanus, comme ROMAIN (grec : Tomato?). 1° Le mot « Romains :
pour les livres de Samuel. Voir Silberstein, fiber den dans 1'Ecriture designe la puissance romaine. I Mach.
Ursprung des im Cod. Alexandrinus und Vaticanus vm, 1, etc.; xn, 16; xiv, 24, 40; xv, 16; II Mach., iv
des dritten Konigsbuches der Alexand. ijbersetzung, 11; vm, 10, 36; xi, 34; Joa., xi, 4&; Rom., xxv, 16
dans la Zeitschrift fur die alttestamentl.Wissenschaft, xxvni, 17. (La Vulgate a traduit par « Remains »
1893, p. 1-75; 1894, p. 1-30; pour la version jfl'Aquila, Dan., xi, 30, le mot hebreu Kittim (Septante : Kc'ttoi)
F, C. Burkitt, Fragments of the Books of /the Kings qui doit s'entendre des Greco-Macedoniens.) — 2°«Ro-
.according to the translation of Aquila, in-8°, Cam- mains », Act., n, 10, designe des Juifs qui habitent 1?
JDridge, 1897. — b] Versions latines. — La Vetus Itala ville de Rome. — 3° Dans 'les Actes, xvi, 21, 37, 38
presente beaucoup d'affinites avec la recension grecque XXH, 25-29; xxm, 27, « Remain » est dit de celui qui «
de Lucien. La Vulgate, qui a ete traduitefidelementsur le droit de cite romaine et peut prendre le titre d<
1'hebreu, montre que, depuis 1'epoque de saint Jerome, citoyen remain. Voir CITOYEN ROMAIN, t.n, col. 789-791
le texte primitif n'a pas subi d'alterations bien sen-
bibles. On voit, par certaines interpretations de detail, ROMAINS <^PITRE AUX). - I. IMPORTANCE. -
que, si les points-voyelles qu'on lit actuellement dans Par la nature du sujet qu'elle traite aussi bien qut
1'h^breu ne correspondent pas toujours a la lecon par la profondeur et la sublimite de sa doctrine, cette
adoptee par les rabbins qui guidaient le saint docteur, Epitre a toujours ete consideree comme 1'ecrit fonda-
les consonnes etaient a peu pres les memes qu'aujour- mental ou se trouve le mieux resume ce qu'on peutappe-
1163 R O M A I N S (EPiTRE A U X ) 1164
lev «1'evangile de saint Paul ». C'est de beaucoup celui tous, peuples et individus, le salut divin. Mais la ou
ou sa pensee s'est exprimee avec le plus de suite et de elle surpasse toutes les autres Epitres, c'est dans la
regularite. Le ton calme, le mode d'exposition large et fagon « philosophique » de trailer un theme suivi.
presque didactique, 1'ordonnance des preuves lui don- On est presque tente, en la lisant, de croire qu'ici
nent Pallure d'un traite de theologie. Pourtant ce n'est I'Apotre a voulu donner, aux Chretiens de la "Ville eter-
pas, comme les protestants d'autrefois affectaient de le nelle, un apercu de cette « sagesse superieure » qu'il
croire, une sorte de catechisme doctrinal, un manuel tenait en reserve pour les « parfaits ». I Cor., n, 6.
du christianisme : c'est une lettre. Si Ton n'y trouve pas, C'est ainsi qu'il projette un jour tout nouveau sur les
eomme ailleurs, des epanchements affectueux, des con- origines de la religion, du paganisme en particulier, i,
fidences, des reproches, des details personnels, des sur 1'influence opposee des deux chefs de la voie hu-
traces d'apologie, des nouvelles, cela tient a ce que maine,v, sur la loi psychologique qui preside au deve-
saint Paul n'etait pas entre, jusque-la, en rapport avec loppement moral de 1'individu, vi, sur 1'insuffisancede
1'Eglise de Rome. II y connaissait un certain nombre la loi par rapport a la justification, vo, sur la glorifica-
de fideles, ceux qu'il salue a la fin de sa lettre, mais tion de la nature inanimee elle-meme, vm, sur la mar-
ceux-ci n'etaient qu'une' minorite et 1'Apotre ne pouvait che et le but de 1'histoire, ix-xi.
ecrire au reste de la communaute, sur le meme ton II. DATE ET LIEU DE REDACTION. — D'un commun ac-
qu'aux fideles de Corinthe ou de Macedoine. Son mes- cord, les critiques placent la composition de cette
sage porte beaucoup moins 1'empreinte des circons- Epitre durant les mois d'hiver que saint Paul passa a
tances locales. II se rapproche davantage d'une these Corinthe, lors de sa troisieme visite. C'est done entre
dogmatique, c'est une sorte de specimen doctrinal, 57-58 qu'elle fut ecrite, en flecembre, Janvier oufevrier.
destine a edifier les Chretiens de Rome, a consolider On ne peut en retarder la redaction audela de mars, car
leur foi, a les preparer a la visite de Paul. Rom., i, 11. ce fut au printemps que I'Apotre se mit en route vers
L'epitre, tout en paraissant plus detachee que les au- la Judee avec les delegues des Eglises qui devaient
tres des particularity's du style epistolaire, en garde 1'accompagner a Jerusalem. Ces conclusions decoulent
pourtant les caracteres generaux ainsi que le but pra- des donnees fournies par les Actes, la seconde Epitre
tique. Au point de vue du fond, ellea une ressemblance aux Corinthiens et le contenu meme de 1'Epitre aux
frappante avec 1'Epitre aux Galates. Dans 1'une comme Romains. En effet, au moment ou celle-ci fut ecrite,
dans 1'autre de ces lettres, le theme est presque iden- I'Apotre n'avait pas encore visite Rome, Rom., i, 13,
tique : le salut par la foi. Seulement elles different au- mais ilse proposaitd'y venir bientot. Rom.,xv, 23. II a
tant par le ton ou par le developpement des preuves et preche J'Evangile jusqu'aux confins de 1'Illyrie et, se
par le point de vue ou se place 1'auteur. Dans 1'Epitre considerant a la fin de son travail dans les pays
aux Galates, I'Apotre avait rnontre la relation de TEvan- d'Orient, il est sur le point de transporter son minis-
gile avec 1'economie juive. Ici 1'horizon s'elargit.Paul, tere en Occident. Rom., vi, 19, 23; II Cor., x, 16. Une
embrassant tout le passe de 1'humanite, avec ses deux autre circonstance precise encore plus clairement ces
grands courants,juif etpai'en, montre que 1'histoire abou- details. D'apres Rom., xv, 25, Paul se dispose a partir
tit, dans les desseins de la Providence, au salut che- pour Jerusalem avec le produit de la collecte qui vient
tien. 11 ne se renferme plus dans une comparaison entre d'etre achevee dans les Eglises de Macedoine et d'Achaie.
1'alliance mosai'que et 1'alliance nouvelle, cette periode Ceci nous reporte, sans doute possible, aux dernieres
de la Loi n'est qu'un episode dans le developpement du semaines du troisieme sejour de Paul a Corinthe.
programme providentiel. L'Apotre remonte plus haut, I Cor,, xvi, 1-4; II Cor., vm-ix; Act., xx, 2, 3. La lettre
jusqu'au chef de I'humanite dechue, Adam, qu'il oppose aux fideles de lacapitale a done ete ecrite dans lecours
au second Adam, chef de I'humanite regeneree. Le des trois mois d'hiver. (57-58) que I'Apotre passa a Co-
salut n'est plus simplement, comme dans 1'Epitre aux rinthe et en Achai'e, a la fin de son troisieme voyage de-
Galates, la realisation des promesses faites a Abraham, mission. Act., xx, 2, 3. Elle fut portee a Rome par
Gal., in, 6-9, 14-16, mais la restauration de 1'ame Phosbe, diaconesse de Cenchrees, un des ports de
creatrice par le Christ, le nouvel Adam, dont la mort a Corinthe, Rom., xvi, 1. Gaius, 1'hote de Paul en ce mo-
expie les fautes de I'humanite. Le rejet d'lsrael, a peine ment, Rom., xvi, 23, est, suivant toute probabilite, le
marque dans la lettre aux Galates, iv, 30, est traite ici meme qu'il avait baptise lors de son premier sejour a
ex professo. Rom., ix-xi. Au reste, aucune trace de Corinthe. I Cor., i, 14. Enfin la mention de Timothee et
polemique ou d'apologie personnelle dans 1'Epitre aux de Sopater ou Sosipater dans les salutations finales,.
Romains. Partout la calme serenite d'une pensee qui Rom., xvi, 21, correspond aux indications des Actes,
se developpe en toute liberte avec une ampleur remar- xx, 4, qui signalent la presence de ces deux freres
quable, en sorte que 1'Epitre n'est. comparee a 1'autre, parmi les delegues des Eglises, au moment du depart
qu'un canevas, une esquissedela grande these du salut de saint Paul pour Jerusalem. II se peut aussi que le
par la foi. Ceci explique 1'analogie de certains passages Jason qui, en compagnie de Lucius et des deux freres
des deux Epitres, encore que les circonstances ou elles nommes ci-dessus, envoie ses saluts aux Chretiens de
ont ete redigees soient si differentes! Le poete anglais Rome, soit le Jason de Thessalonique dont I'Apotre
Coleridge estimait que 1'Epitre aux Romains etait ce avait recu 1'hospitalite a son arrivee en Macedoine,
que 1'homme avait ecrit de plus profond. « En effet, Rom., xvi, 21; Act., xvn, 6, et qui, vraisemblablement r
dit Godet, Introd. au Nouv. Test., t. r, p. 482, les deux faisait partie de la troupe qui devait accompagner Paul
poles de 1'existence terrestre, le peche et le salut y en Palestine. Tous ces renseignements, on le voit,.
sont saisis avec une egale energie et 1'on voit se dessi- s'accordent, d'une facon tres precise, a etablir les.
ner avec une admirable nettete, autour de ces deux conclusions enonc4es plus haut et a leur donner une
points fixes, la petite et la grande ellipse du salul indi- entiere certitude, alors que pour plusieurs autres Epi-
viduel et du salut humanitaire. Un ecrivain a appele tres, on se trouve reduit a des conjectures.
1'Epilre aux Romains la clef d'or des Ecritures; il eut III. DESTINATAIRES DE L'EPITRE. — Si 1'Epitre aux
pu dire : la clef d'or de 1'histoire. Si, en effet, le salut Romains n'est pas, comme on 1'a demontre, une simple
est le centre de 1'histoire, lever le voile dont ce salut dissertation, mais une lettre veritable, ayant, comme
etait convert, c'etait jeterle jour sur le fond des choses.» ses devancieres, un but particufier determine par des.
Avec les deux leltres aux Corinthiens, cette Epitre forme circonstances speciales, il importe de connaitre la com-
une admirable trilogie ou I'Apotre traite du salut, but munaute a laquelle elle a ete adressee, les elements,
supreme de I'humanite, de 1'Eglise, depositaire de ce juifs ou gentils, dont elle se composaitet les tendances
salut, enfin du ministere apostolique qui applique a religieuses qui y predominaient.
1165 ROMA1NS (EPiTRE A U X ) 1166
Les commencements de 1'Eglise de Rome sont obs- de la foi nouvelle etait la. Une voix interieure 1'y
curs.Lespremierspredicateurs de la foi dans cette ville poussait d'une facon imperieuse, irresistible. Cf. Act.,
furent sans doute des Juifs convertis, conime Aquila et xxill, 11. Le desir devenaitplus intense a mesure qu'il
Priscille et plusieurs autres que nomine saint Paul. considerait son ceuvre comme achevee en Orient.
Rom., xvi, 3-15. Sur la date de 1'arrivee de saint Rome lui apparaissait comme le centre providentiel de
Pierre a Rome, voir PIERRE, col. 373. D'apres 1'opinion nouvelles missions a travers les pays d'Occident. La
traditionnelle la plus repandue, le prince des apatres capitale de 1'univers devait, dans son idee, etre le
etait alle a Rome, avant 1'envoi de I'Epitre de saint pont d'appui de cette excursion apostolique, comme
Paul aux Remains, mais il ne devaitpas se trouver dans 1'avait ete Antioche dans la premiere partie de sa carriere.
la capitale de 1'Empire quand elle leur fut adressee, a II faut que je voie Rome, » disait-il sans cesse. Act.,
puisqu'iln'y est point nomme. La plupart des premiers xix, 21; Rom.., i, 11-17; xv, 23. Jusqu'ici il n'avait pu
Chretiens de Rome devaient £tre Juifs d'origine, la mi- songer a realiser son plan : les menees de judai'sants,
norite se composant de Gentils devenus croyants, mais en Galatie, a Corinthe meme, exigeaient sa presence
leur nombre augmentait de plus en plus; ildevint en Orient. Mais tout ayant ete remis en ordre a Corinthe
predominant et ce fut la raison pour laquelle saintPaul dans les mois d'hiver de son dernier sejour, il fut
leur ecrivil. L'Epitre aux Romains suppose done un ele- repris par le desir de voir Rome et par dela Rome,
ment juif, et c'est pourquoi dans les chapitres ix-xi, 1'Espagne, situee, suivant 1'opinion du temps, aux con-
saint Paul explique les causes providentielles de 1'in- fins de la terre. Une diaconesse de Cenchrees, port de
credulite de ses anciens coreligionnaires, que, iv, 11 , Corinthe, se disposait alors a franchir la mer pour se
il appelle Abraham notre ancetre selon la chair, que, rendre en Italic. L'Apotre saisit cette occasion pour
vii, 1-6, il dit a ses lecteurs qu'ils sont morts a la Loi ecrire cette lettre qui devait preparer sa venue dans la
(v[A£T?)> qu'il leur parle comme a des gens connais- Ville Eternelle, ou il ne devait arriver que deux ans plus
sant la Loi, et qu'il emploie des arguments tires de tard, avec des chaines de prisonnier.
1'Ancien Testament, propres a impressionner des es- On ferait un livre des opinions et des controverses
prits habitues a la lecture de la 'Loi et des prophetes. presentees par cette question : « Quel but s'est propose
Mais des le debut, la lettre suppose une communaute saint Paul dans I'Epitre aux Romains ? » Des les temps
ou 1'element ethnioo-chretien occupe une large place. anciens, deux opinions se font jour. Les Peres grecs
L'adresse, qui dans la circonstance est la partie de la (Origene, saint Jean Chrysostome, Theodoret, plus
lettre ou doit le mieux se reveler le genre de lecteurs tard, saint Jean Damascene, GEcumenius, Theophy-
auxquels elle s'adresse, parle expressement de Gentils, lacte) lui pretent en general, une intention dogma-
Rom., i, 5-6, 13-14; cf. xv, 14-16. A Rome, comme a tique : « Conduire les hommes au Christ. » Dans
Antioche, a Ephese, ou a Corinthe, la communaute 1'Eglise latine, le canon de Muratori partage la meme
chretienne avait commence par les Juifs gagnes a opinion : saint Paul a voulu inculquer a ses lecteurs
1'Evangile par les emigrants dont il a ete question. A cette verite que « le Christ est le principe des Ecri-
ce premier groupe de convertis s'adjoignirent, plus tures. » Le commentaire d'Hiiaire, VAmbrosiasler,
tard, un nombre considerable de neophytes d'origine indique a I'Epitre un autre but. D'apres lui, les Chre-
pai'enne. Ce dernier groupe s'accrut dans de telles tiens de Rome « s'etaient laisse imposer les rites mo-
proportions qu'il forma, a la longue, la majorite de la sai'ques, comme si le salut complet ne se trouvait pas
nouvelle eglise. L'Eglise de Rome etait done mixte rnais dans le Christ; c'est pourquoi saint Paul voulut leur
avec un element non juif preponderant, si bien que vers enseigner le mystere de la croix du Christ, qui ne
la fin du ier siecle elle etait principalement composee de leur avaitpas encore ete expose. » Pour saint Augustin,
nationaax remains, d'anciens pai'ens; comme 1'atteste la 1'Apotre a voulu operer une oeuvre de reconciliation
lettre de saint Clement. D'apres le recit des Actes, entre les deux fractions, juive et pai'enne, de la com-
£XVIH, 22, la propagande chretienne ne semble pas avoir munaute. Les c. xiv et xv, 13, contiendraient alors le
jusque-la fait beaucoup de conquete dans les synago- vrai but de la lettre. Au moyen age, on retrouve le
gues de Rome. meme point de vue chez Raban-Maur et Abelard.
IV. OCCASION ET BUT DE L'EPITRE. — Ceux qui font Saint Thomas, dans ses remarquables commentaires sur
de la premiere communaute romaine une eglise com- les Epitres de saint Paul, admet aussi le but purement
posee surtout de judeo-chretiens, lui attribuent des dogmatique de I'Epitre aux Romains. Erasme, le pre-
tendances judaisantes. L'Epitre de Paul aurait alorseu mier, soupconne que Paul, en composant cet ecrit,
pour but de les combattre. Mais outre que rien, danscet a voulu premunir la jeune Eglise romaine, contre le
ecrit, nesente la polemique, il est facile ademontrerque peril judai'sant. Le passage, xvi, 17, 20, refleterait ainsi
la majorite des fidelesdeRome n'avaitpasuneconception la pensee directrice de I'Epitre tout entiere. Dans
religieuse differente de celle de Paul lui-meme. Ainsi 1'idee des Peres de la Reforme, 1'Apotre a voulu donner
des le debut, Rom.,i, 8, 1'Apotre approuve et loue la foi a 1'Eglise de Rome un expose complet de 1'Evangile,
des Romains, deja connue dans le monde entier; v, 11, tel que 1'enseignait Paul. Aussi, dans les premiers
il leur dit que s'il desire les voir, c'est dans 1'intention temps, les Reformateurs employaient-ils I'Epitre aux
de les aftermir. Meme idee a la fin de I'Epitre, xvi, Romains comme le criterium presque exclusif de
25 : « et celui qui peut vous affermir selon mon evan- ,toute vraie foi. Us avaient repris, en 1'exagerant, 1'opi-
gile et la predication de Jesus-Christ. » Dans le chapitre nion des Peres grecs. Dans I'Epitre aux Romains, dit
precedent, xv, 14-15, Paul declare qu'il n'a rien voiilu Melanchton, 1'Apotre ne philosophe ni sur les mysteres
leur enseigner de nouveau mais seulement leur rappeler de la Trinite, ni sur le mode de 1'Incarnation, ni sur
ce qu'ils savent deja, attendu qu'ils sont remplis de la creation active et passive; mais.il donne le som-
toute science et qu'ils peuvent se corriger mutuelle- maire de la doctrine chretienne (doctrinas Christianas
ment. Enfin, vi, 17, 1'Apotre remercie Dieu de ce que ses compendium); et n'est-ce pas en effet de la loi, du
lecteurs ont adhere de coeur a la forme de doctrine peche et de la grace que resulte la connaissance du
(TUTTOV Si8*x%) ?ui ^ eur a ete enseignee, et qui, d'apres Christ? Au commencement du xixe siecle, 1'exegete
le contexte, n'est autre que 1'evangile de Paul lui- catholique Hug reprit 1'idee de saint Augustin, c'est-a-
dire pr^ta a 1'Apotre 1'intention d'operer un rappro-
L'Apotre exprime lui-meme, a deux reprises, Rom., i, chement entre les deux parties de 1'Eglise, tandis
10-15, et xv, 22-33, la eirconstance qui 1'a decide a qu'Eichhorn revint a 1'hypothese d'une polemique anti-
ecrire cette Epitre. Depuis longtemps ses regards judaiique. Une lutte se serait produite dans la commu-
etaient tournes vers Rome. II pressentait que 1'avenir naute romaine a la suite de 1'arrivee des amis et des
1167 ROMAINS (EPiTRE AUX)
disciples de Paul, qui exposaient un autre evangile que naann declarait que 1'idee de Baur avait eompletement
celui entendu jusqu'a ce jour, par les neophytes d'ori- triomphe parmi les savants. Mais en 1876 une reaction
gine juive. Saint Paul avait pris la plume pour soute- se produisit a la suite de 1'apparition du travail de
nir les siens. Quelques aimees apxes, Tholuck pre- Weizsacker, Ueber die dlteste rom. Gemeinde, dans
senta 1'Epitre aux Remains comme un ecrit destine a les Jahrb. f. deutsch. Theol., 1876, ou Ton admettait,
prouver la valeur de la doctrine chretienne, en. tant dans la communaute romaine, une majorite ethnico-
que seule capable de repondre aux besoins du cceur chretienne, ce qui ruinait par la base toutes les suppo-
humain, besoins que n'avaient pu satisfaire ni le paga- sitions de Baur. Bon nombre de critiques, Harnack et
nisme, ni le judai'sme. Sauf quelques variantes, le meme Grafe, entre autres, adopterent ces vues nouvelles.
point de vue a ete developpe par Reiche, Glockler, Reuss lui-meme, dans son dernier ouvrage, La, Bible
Kolner, de Wette, qui precisent ainsi le but del'Epilre: commentee, les Epitres pauliniennes, modiiia comple-
proclamer 1'Evangile, comme la religion universelle tement ses premieres conclusions et ne vit plus, dans
dans la capitale du monde. Olshausen part de cette Tjtpitre aux Remains, qu'un ecrit exempt de toute
meme idee pour commenter toute 1'Epitre; Meyer,a son polemique, moins destine a I'Eglise de Rome qu'a
tour, pense, avec Fritzche et Baumgarten-Crusius, que I'Eglise tout entiere. Si I'Apotre 1'a adressee a cette
.I'Apotre a voulu suppleer, par la plume, a 1'impossi- Eglise particuliere, c'est moins pour repondre a un
bilite actuelle ou il se trouvait de leur annoncer de besoin special de cette Eglise que pour faire de celle-ci
bouche son Evangile. On arrive ainsi a 1836. A ce le foyer de lumiere de 1'Occident. Depuis plusieurs
moment, Baur, dans Ueber Zweck. und Vemnlassung aMiees deja, Renan, Saint Paul, p. 460, avait exprime
des Rbmerbrief, paru dans Tubingen Zeitschrift, 1836, une idee analogue: « Paul profita d'un petit intervalle de
complete plus tard par Ueber .Ziveck und Gedanken- repos pour ecrire sous forme d'epitre une sorte de re-
gang des Romerbrief., dans Theol. Jahrbucher, 1849, sume de sa doctrine theologique. IlTadressaa I'Eglise
reprit sur une nouvelle base 1'etude de la question. de Rome, composee d'Ebionites etde judeo-chretiens et
II crut decouvrir, dans les c. ix-xi, jusque-la regar- aussi de proselytes et de paiiens convertis,et comme un
des comme une sorte de digression, la pensee domi- tel expose interessait toute la chretiente, il 1'envoya en
nante de 1'Epitre tout entiere. La saint Paul semblait meme temps a la plupart des Eglises qu'il avait fondees.»
aller au-devant d'un reproche ou plutot d'une inquie- Oltramare, dans son Commentaire sur I'EpUre aux
tude qu'aurait fait naitre, dans la majorite judeo-chre- Romains, p. 43,77-78, dit que saint Paul n'a pas voulu
tienne de la cornmunaute romaine, sa large tolerance tomber chez les Romains comme a 1'improviste et sans
a 1'egard des gentils qu'il admettait dans I'Eglise avant s'etre annonce. «Voulant prendre rEglise de Rome pour
que le peuple elu y fat lui-meme entre, lui a qui le son point d'appui dans 1'evangelisation de 1'Occident,
salut messianique avait ete promis tould'abord. Tel est il a pense que le rneilleur moyen de se procurer un
le prejuge auquel I'Apotre veut repondre avant de com- bon accueil aupres d'elle etait de lui adresser ce grand
mencer son nouveau ministere en Occident. Dans une manifesto evangelique, qui pourrait servir en meme
belle page de philosophie de 1'histoire, il esquisse, a temps, aupres de plusieurs, de predication d'appel. »
grands traits, les desseins de Dieu pour la realisation Weiss, dans la 6e edition du commentaire de Meyer,
du salut dans I'humanite; le rejet actuel des Juifs n'est n'est pas eloigne d'accepter cette explication. En 1891,
que momentane; c'est un moyen voulu de Dieu pour Lipsius, Handcommentar zum N. T., persiste a croire,
opererplus facilemement la conversion du monde pai'en avec Schurer, que 1'impression totale qui se degage de
qui, une fois accomplie, ouvrira les voies a la rehabi- 1'Epitre aux Romains, ne permet pas de douter qu'elle
litation finale d'Israel. Le reste de 1'Epitre est subor- ne soit adressee a des judeo-chretiens. Seulement c'est
donne a cette idee principale. Les huit chapitres qui un judeo-christianisme deja a moitie hellenise, bien
precedent ix-xi, c'est-a-dire, la theorie de la justifica- eloigne de 1'etroitesse du parti judai'sant. L'intention
tion par la foi, servent de support a cette histoire du de saint Paul aurait ete de corriger cette teinte legere
salut. Cette maniere nouveJle d'envisager 1'Epitre aux de judai'sme en exposant, d'une facon magistrale, la
Remains avait 1'avantage de relier cet ecrit important conception chretienne. Apres une etude approfondie
a 1'ensemble de 1'ceuvre apostolique de son auteur, en de la question, suivie d'une critique detaillee des di-
lui assignant un role historique nettement caracterise; verses opinions emises dans toutes les ecoles, Godet
aussi devient-elle predominate parmi les critiques, resume ainsi ses conclusions : c< Assurement, je ne le
surtout dans 1'ecole de Tubingue. — Reuss, pourtant, conteste point, I'Apotre a voulu par cetle lettre prepa-
ne s'y rallia qu'en partie. Comme Baur, il attribue a la rer son arrivee a Rome; par elle il a travaille a munir
majorite de la communaute romaine une origine et une puissamment cette Eglise centre 1'oppressionprevuedu
tendance judeo-chretienne, mais il refuse de conside- judeo-christianisme; par elle aussi il a pu contribuer
rer les c. ix-xi comme la partie essentielle de 1'Epitre. a 1'union des elements opposes qui se trouvaient dans
Le vrai but de saint Paul a e"tev en exposant son evan- I'Eglise et en particulier renverser les prejugees judai'-
gile universaliste, d'etablir un lien spirituel entre cette ques d'une partie de ses membres et les pensees d'or-
Eglise et lui, afin qu'en arrivant a Rome il trouve un gueil qui germaient dans i'esprit du parti oppose. Tout
point d'appui pour ses missions d'Occident. — Ewald cela, ce sont bien des effets voulus de la lettre. Mais la
ecrit, a son tour, une hypothese qui est restee sans vraie circonstance qui y a donne lieu, a ete le manque
partisans. D'apres lui, I'Apotre prevoyant, dix ans a d'un enseignement solide pose a la base de 1'edifice, et
1'avance, les soulevements de Tan 68-70, aurait ecrit aux le vrai but que Paul s'est propose, a ete, comme il 1'a
fideles de Rome pour rompre le lien trop etroit qui indique lui-meme, celui d'affermir cet edifice impor-
existait la entre I'Eglise et la Synagogue. Le c. xn, 1-8, tant, que pouvait faire eerouler la premiere secousse. »
donnerait ainsi la clef de toute lalettre. Le reste ne serait Introd. au Nouv. Test., 1893, p. 464, Cette derniere opi-
qu'accessoire. — Bleek a repris les explications ireni- nion parait etre celle 'qui concilie le mieux les deux
ques, c'est-a-dire 1'idee d'un but de pacification entre aspects particuliers sous lesquels se presente 1'Epitre
les deux partis dont se composait alors I'Eglise de aux Romains : le point de vue historique et le point
Rome. Mangold essaya a deux reprises, de fortifier, en de vue dogmatique. C'est en exagerant tour a tour 1'un
le modifiant, le point- de vue de Baur, Der Romerbr. au prejudice de 1'aulre que 1'on est arrive aux hypo-
und die Anfdnge der rom. Gemeinde, 1866; puis Der theses diverses exposees plus haut. L'Epitre aux Ro-
RSmerbr. und seine geschichtlichen Voraussetzungen, mains est, au fond, d'une nature speciale qui n'est ni
1884. — Ritschl et Sabatier arriverent, de leur cote, un traite didactique ex professo ni une simple lettre au
aux monies conclusions, si bien qu'en 1876, J. H. Holtz- sens ordinaire du mot, mais qui participe a la fois,
1169 ROMAINS (EPITRE A U X ) 1170
dans une certaine mesure, au caractere propre de ces rences dans le contenu de 1'Epitre, dans la variete des
deux sortes de compositions. opinions sur 1'origine de PEglise romaine, pour rejeter
V. AuTHENTiciTE EX CA.NONICITE. — Avec la premiere notre Epitre. Qusestiones Paulionse, dans Theologisch
Epitre aux Corinthiens, cette lettre est, dans toute la Tijdschrift, 1882, 1883, 1886. En 1888, Steck, profes-
correspondance de saint Paul, celle qui possede la plus seur a Berne, fait de 1'Epitre aux Romains le premier
riche tradition lilteraire. On en trouve des citations manifeste d'un petit cenacle de philosophies Chretiens
non seulement dans les Peres apostoliques, mais dans grecs etabli a Rome au commencement du iv siecle.
le Nouveau Testament lui-meme. Tout d'abord dans la Der Galaterbrief nach seiner Echtheit uniersiicht,
I Petri : ceci resulte de la comparaison des passages Berlin, 1888. — A cote de ces negations radicales ont
suivants : Rom., ix, 25, etl Pet., n, 10; ix, 32,etn, 6-8; pris place diverses hypotheses, jemergerent diverses
xn, 1, etn, 5; xn, 2, et i, 14; xn, 3, et iv, 7-11; xn, 9, et recensions, meme de nombreuses interpolations dans
i, 22; xii, 16, et HI, 8-9; xin, 1, et n, 13-17. De plus, I Pet., 1'Epitre aux Romains. Weisse, Beitrdge zur Kritik der
n, 6, une citation de 1'Ancien Testament, tiree des Paulinischen Briefe an die Galaten,Romen, Philippen
Septante, avec les memes variantes que Bom., ix, 32, und Colossen, Leipzig, 1837; Naber, Verisimilia, Lace-
des images semblables pour designer le sacrifice, ram conditionem N. T. exhibentia, Amsterdam, 1886;
Rom., xn, et I Pet., n, 5, certaines expressions carac- Michelsen, dans Theologisch Tijdschrift, 1886; Volter,
teristiques, telles que suiT/ji^^'-C^0") dvuuoxptTo? et dans Theologisch Tijdschrift, 1889, p. 265; von Manen,
des idees presentees dans le meme ordre. Rom., xin, De Brief aan de Romeinen, Leyde, 1891. L'ardeur de
1-7, et I Pet., ii, 13-17. On note aussi une certaine res- ces attaques n'a pas depossede notre Epitre des mar-
semblance avec deux passages de 1'Epitre aux Hebreux, ques d'indubitable authenticite qu'on n'a cesse de lui
en particulier un passage du Deuteronome que les reconnaitre des 1'origine.
deux lettres rapportent en s'ecartant de la meme facon VI. INTEGRITE. — Le texte grec de 1'Epitre aux Ro-
de la version des Septante. Rom., iv, 17-21, et Heb., xi, mains se trouve en entier dans les manuscrits suivants:
11,12,19; xn, 19-x, 3. On pense aussi trouver une cer- A, B, L, S. Dans les autres codex, il y a des variantes
taine analogie et peut-etre une dependance entre les ou des omissions. Les principales versions de PEpitre
deux derniers versets de 1'Epitre de saint Jude, 24-25, et aux Romains sont les versions latines. Voir Sanday et
le doxologie finale de 1'Epitre aux Remains, xvi, 25, 27. Headlam, A critical and exegetical commentary on
Des le seuil de 1'age apostolique, les emprunts a notre the Epistle to the Romans, p. LXIII-LXXIV.
•Epitre sont nombreux et indiscutables, d'abord chez Les objections contre 1'integrile sont peu importantes.
saint Clement de Rome, Rom., i, 21, et Clem., xxxvi, 51; — 1° Les mots ev 'Pwp.vi, I, 7 et 15,.manquent dans le
n, 24, et 47; iv, 7, 8, 9-50; vi, 1-33; r, 29, et 35; x, 4-32; texte grec et latin du ma'huscin't G; omission renforcee
xin, 1, 2, et 61; dans les lettres de saint Ignace; Rom., par une note marginale du manuscrit XLVII, auj. 7, TO
i, 3, et Sniyr., i; n, 24, et Trail, 8; in, 27 ; Ephes., iv 'Pw[j.ri OUTS Iv T/J i%,r^rt<jei O'JTS dv TW fr ( Tw M.vr,aoveij£t.
18; vi, 4; Ephes., 19; vi, 5; vm, 17, 29, et Mag., 5, Plusieufs en coiicluent, comme pour i'Epitre aux
Trail., 9; vi, 17, et Mag., 6;vn, 6, et Mag. 9; vm, 11, et Ephesiens, que 1'original etait une lettre encyclique
Trail, 9; ix, 23, elEph., 9; xiv, 17, et Trail, 2; xv,5, et qui devait circuler a travers les principales commu-
Eph., 1, des points de ressemblanee avec la lettre de nautes : Rome, Ephese, Thessalonique; chacun des
Polycarpe, Rom., vi,13, etPol., 4; xin, 12, etPol.,4;xn, exemplaires destines a ceseglises laissaiten Wane dans
10, etPol., l;xm, 8, et Pol., 3; xiv, 10, et Pol., 6; des 1'adresse, le nom de 1'Eglise qui devait la recevoir.
reminiscences dans Aristide et dans saint Justin. Meme D'autres n'y voient qu'une fantaisie de scribe. La lecon
des heretiques appartenant aux sectes de Valentin et Romee a pour elle la presque totalite des manuscrits.
de Basilide s'en servaientcomme base d'argumentation. 2° Une autre variante concerne le plan de la doxologie
L'auteur des Douze patriarches parait lui-meme 1'avoir finale, xvi, 25-27, dans plusieurs manuscrits. — '1. Les
utilisee.Rom.,i,4, et Test. Lev., 18; H,13,etTest.Aser, codex X,'B, C, D, E,0rigene latin, la Vulgate, la Peschitto,
4; v, 6, et Test. Ben)., 3; vi, et Test. Lev., 4; vi, 7, et la version hebrai'que, la version ethiopienne, 1'Ambro-
Test. Sim., 6; vii, 8, et Test. Neph., 8; vm, 28, et Test. siaster, Pelage la placent a la fin du ch. xvr. — 2, Le
#ew;,,4;ix,21, et Test. IVep/i v 2;xn, l,et Test. Lev.,3; codex L, 200 manuscrits byzantins, les lectionnaires, la
xii, 21, etTest.Benf., 4; xm, 12, et Test. A'ep/i.,2; xv, version syriaque de Thomas d'Heraclee, saint Chrysos-
33, et Test. Dan., 5; xvi, 20, et Test. Aser., 7. .Tusqu'ici, tome, Theodoret, saint Jean Damascene, la mettent a
pourtant, aucune citation formelle. Marcion 1'avait in- la fin du ch. xiv. — 3. Les onciaux A et P et les cur-
seree, mais en la mutilant, dans son Apostolicon, apres sifs 5, 17, 1'ont tant a la fin du ch. xiv, qu'a la fin du
la seconde Epitre aux Corinthiens. A partir de saint ch. xvi. — 4. Les codex F et G, a la suite de Marcion,
Irenee, tous les auteurs ecclesiastiques la citent comme 1'omettent totalement, laissant en blanc la finduch.xiv.
de saint Paul etla regardent comme la base de la theologie Quelques-uns supposent, pour expliquer ces omissions,
chretienne. Ainsi, en resume, 1'Epitre aux Remains est que des une epoque tres ancienne, toute la portion du
connue et employee a Rome et meme ailleurs : dans le texte depuis xiv, 23, a xvi, 24, aurait etc retranchee dans
premier quart du ne siecle, elle fait partie de la collec- un certain nombre de documents. Rinck a meme emis
tion des Epitres pauliniennes dont on se sert deja a Tidee que des exemplaires mutiles par les Marcionites
Antioche, a Rome, a Smyrne, peut-etre meme a Co- avaient ete employes plus tard dans 1'Eglise, sans qu'on
rinthe; au milieu du ne siecle, elle entre dans 1'Apo- ait pris le soin d'y replacer les ch. xv et xvi. Godet
stolicon de JVIarcion, et vers la fin du meme siecle^ elle propose quelque chose de plus materiel. « On sait, dit-
est partout recue comme canonique. A ces temoigna- il, qu'un grand nombre de lepons propres au texte by-
ges externes se joignent des criteres d'evidence interne zantin proviennent de modifications exigees par les be-
si frappants que la critique radicale de Tubingue n'a soins de tla lecture publique; ainsi, par exemple, la
pu les contester. L'Epitre aux Romains est une des substitution si frequente du nom propre au pronom, au
quatre lettres de saint Paul que la presque unanimite commencement des morceaux destines aux lectures re-
des critiques declare inattaquable. Les opposants, depuis gulieres. Or ce sont precisement les autorites byzan-
Evanson (1792), sont tres peu nombreux. Les tentatives tines, minuscules, lectionnaires cod. LI, qui presentent
•de Bruno Bauer, en 1852, contre 1'authenticite de cette la ligne dont nous nous occupons. Pourquoi? Parce
Epitre, sont restees sans resullat. Elles n'ont guere que la lecture publique avait uniquement en vue
trouve de credit qu'aupres de certains theologiens de 1'edification et que les ch. xv et xvi, ne contenant guere
Suisse et de Hollande. Loman, professeur a Amsterdam, que des details historiques, d'un interet local jet tem-
.s'appuie sur le silence des Actes, de pretendues incohe- poraire, n'avaient que peu de prix a ce point de vue. Ii
1171 ROMAINS (fiPiTRE AUX) 1172
ctail done assez nature! de les omettre dans ces lec- sois, qui condamnes les autres, tu es inexcusable. En
tures. Nous avons un exeinple frappant de cette ma- condamnant les autres tu te condamnes toi-meme,
niere de faire dans 1'extrait syriaque des lettres d'Ignace puisque tu fais precisement ce que tu condamnes. »
publiees par Cureton. On avail cru un moment que ii, 1, et plus expressement encore. « Toi qui instruis
c'elait la vraie teneur du texte primitif. Zahn a mis les autres, tu ne t'instruis pas toi-meme; tu defends le
hors de doute, me paralt-il, que c'etaient la des extraits larcin et tu le pratiques; tu condamnes 1'adultere.et tu
faits a 1'usage d'un couvent syrien, et dans lesquels on le commets; tu hais les idoles et tu es sacrilege; tu te
avait omis tout ce qui n'allait pas a 1'edification, e'est- glorifies de la Loi et tu deshonores Dieu en violant la
a-dire tous les details historiques et personnels qui loi, » n, 23-24. Ceci n'est pas une exception ou le fait
nous interessent aujourd'hui a notre point de vue cri- de quelques-uns. L'Ecriture elle-meme le reconnait
tique. C'est la meme raison sans doute qui, a une quand elle dit : « II n'y a point de juste, pas un, nul
epoque ancienne, a oecasionne dans la lecture publique homme intelligent, aucun qui cherche Dieu. Tous sont
1'omission de nos ch. xv et xvi et, par suite, dans les sortis de la voie, tous sont pervertis; il n'y en a pas
documents byzantins, la translation de la doxologie a un qui fasse le bien, pas un seul. » 11, 10-12. La con-
la fin du c. xiv ou s'arretait cette lecture. On comprend clusion generate, c'est que juifs et pai'ens, pris en
par la que 1'influence de ce fait se soit surtout faitsen- masse, sont sous la condamnation divine. Les deux
tir sur les lectionnaires ou recueils de pericopes etsur o'conomies, nature et loi, ont fait faillite et n'ont pu
des explications homiletiques, comme celles de Chrysos- donner la justification.
tome. On a objecte qu'au ve siecle, Euthalius, aAlexan- C) L'Apotre arrive ainsi a 1'economie nouvelle, pra-
drie, Faisait rentrer notre c. xv dans le cycle des peri- tiquee par la Loi, annoncee par les prophetes : 1'eco-
copes destinees a la lecture publique. Mais 1'omission nomie evangelique dans laquelle la justification s'opere
des ch. xv et xvi pouvait fort bien remonter a une par la foi en Jesus-Christ, Redernpteur de 1'humanite.
epoque anterieure a EuthaJius; il y remedia pour le in, 21. II decrit les deux caracteres essentiels de ce
ch. xv. Mais 1'omission, maintenue par lui, du ch. xvi nouveau mode de justification : — 1. son universalile
confirme notre explication. » Op. cit., p. 474-475. (in onmes), consequence directe. du monotheisme.
VII. ANALYSE DU CONTENU. — La lettre se divise Puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, ce Dieu est necessai-
d'une facon reguliere, en trois parties principales : rement le Dieu des gentils aussi bien que le Dieu des
/. LE PROLOGUE (i, 1-16) contient 1'adresse et 1'action Juifs. — 2. sa gratuite. Ni les uns ni les autres n'ont
de graces. L'adresse, f . 1-7, revet une certaine solen- rnerite cette grace. « Tous ont peche et se sentent pri-
nite. Ecrivant a une Eglise qu'il n'a ni fondee ni visitee, ves de la gloire de Dieu, justifies qu'ils sont gratuite-
saint Paul eprouve le besoin d'expliquer a quel titre il ment par sa grace, in, 23-24. La cause de cette justifi-
ose lui ecrire : c'est en qualite d'Apotre des Gentils. cation n'est pas 1'observation de la Loi, mais la mort
Les Romains se trouvent, de ce fait, dans le ressort redemptrice du Sauveur Jesus, Dieu 1'ayant constitue
de sa mission. II n'oulrepasse done point ses droitsen instrument de propitiation par la foi, dans son sang,
leur adressant son message evangelique. Dans 1'action $. 25. Quant au but final de cette economic nouvelle,
de graces, jL 8-16, 1'Apotre exprime successivement la c'est toujours la gloire de Dieu « pour faire eclater sa
joie de voir 1'Eglise de Rome si prospere et si renom- justice obscurcie par la tolerance des peches qu'il a
me"e dans le monde entier pour sa foi si admirable, supportes avec patience, pour faire eclater sa justice a
le vif desir qu'il a depuis longtemps de visiter une 1'heure acluelle, afm d'etre reconnu juste lui-mem.e et
communaute si florissante pour la faire beneficier de auteur do la justification pour quiconque releve de la
la grace de son apostolat, en completantchez les fideles foi en Jesus, » in, 26. De ces considerations 1'Apotre
leurs connaissances evangeliques. deduit deux consequences preliminaires : une lecon
//. LE CORPS DE LA LETTRE (i, 17-xv, 13). — On y trouve d'humanite, ji. 27-28, une lecon d'egalite : Juifs et pai'ens
deux parties distinctes : 1'une dogmatique etdoctrinale; sont justifies 1'un et 1'autre de la meme maniere,
1'autre morale. D) Pour mieux penetrer la nature intense de ce nou-
1° Partie dogmalique (i, 17-xi). — La these peut se veau mode de justification, saint Paul 1'envisage sous
resumer dans ces mots : Le salut par la foi a I'Evan- divers aspects. — 1° Dans scs rapports avec I'Ancien
gile, realisation de la prophetie d'Habacuc : « Le juste Testament, iv, 1-25. II la compare avec la justification-
vit de la foi », i, 16-17. — A) Pour le prouver, 1'auteur type d'Abraham, iv, 1-25. Toutes deux conviennent
montre d'abord 1'irnpuissance de la nature, par la des- dans leurs traits essentiels, c'est-a-dire qu'elles s'ope-
cription des desordres du monde pai'en, i, 18-32. Les rent 1'une 1'autre par la foi dans la Loi, jL 1-8. Ainsi
gentils ont connu Dieu et la loi naturelle, mais ils ont tout ce qu'a obtenu Abraham en fait de justice, il 1'a
agi comme s'ils n'en avaient pas eu la moindre notion. acquis non par la circoncision, f . 9-12, puisqu'il a ete
Tout en se disant sages, ils ont agi en fous et transfere justifie avant d'etre circoncis, a fortiori, sans les obser-
la gloire du Dieu incorruptible a des images represen- vances mosaiques qui sont 1'antithese de la promesse
tant des hommes mortels, des oiseaux, des quadru- et qui d'ailleurs sont venues longtemps apres, jL 13-17,
pedes, des reptiles : c'est 1'histoire de 1'idolatrie. Cette en sorte que la justification d'Abraham est le modele
perversion de 1'idee et du culte du vrai Dieu a eu pour de celle des Chretiens, jL 17, 25. — 2° Dans ses effels
consequence les pires desordres moraux. « Dieu les a salutaires (v-vnr). Entre la justification et le salut il y
livres aux desirs de leurs cceurs, ».i, 26, c'est-a-dire a a une certaine difference : celle du commencement de
leurs passions, a 1'esprit d'erreur et de mensonge, au 1'oeuvre par rapport a son achevement. L'Apotre va
sens reprouve; apres 1'obscurcissement de 1'esprit, montrer, dans ces quatre chapitres, que d'apres la
I'obliteration du sens moral. L'apotre expose ensuite pensee et les plans de Dieu, justification et salut sont
sans management les desordres du monde pai'en, d'ou les deux anneaux extremes d'une chaine indissoluble,
il est facile de conclure que la nature, laissee a elle- quoique ce soit le triste privilege de notre libre arbitre
meme, ne conduit pas a la justification. de pouvoir le briser. La grace est le germe de la gloire,
B) La loi n'y conduit pas da vantage, II-IH, 8. Apres le la foi est le gage de la vision, les dons de 1'Esprit-Saint
requisitoire centre le paganisme, 1'acte d'accusation des sont les aubes de la beatitude et 1'eclat bienheureux
fils d'Abraham. Eux aussi ont provoque, par la preva- des elus n'est que la floraison tardive mais spontanee
rication, la colere deDieu. La tache etait delicate. Saint de la charite, qui est elle-meme un esprit particulier
Paul 1'aborde avec precaution, en donnant aux faits de la justice. « Nous sommes sauves en esperance » et
1'appui de 1'Ecriture. Le temoignage des faits est ecra- « 1'esperance ne decoit pas, » voila le theme qui va etre
sant : il remplit tout le ch. 11. « Toi done, qui que tu developpe. En effet, trois grandes puissances s'opposent
1173 ROMAINS (EPiTRE A U X ) 1174
a notre salut : le peche, la mort, la chair. Or le Christ decheance, a le pressentiment de notre glorification
a triomphe pour nous de « cette triple alliance », future, it. 19-22; 1'Esprit-Saint qui est en nous, baptises,*
a) La victoire sur le peche, v, 1-21, est decrite par constitue comme les arrhes de la beatitude celeste,
un magnifique parallele entre Adam, le premier chef f . 23.27; Dieu le Pere, qui par sa predestination en-
de 1'humanite, et Jesus-Christ, second Adam et chef de chaine, par un lien infrangible, tous les actes par les-
I'humanite renouvelee. « Ainsi done, comme par une quels nous passons de la justification premiere au
seule faute est venue sur tous les hommes la condam- triomphe eternel, jfr. 28-34; enfin 1'amour de Jesus-
nation, de meme par un seul merite viendra sur tous Christ qui nous lie inseparablement a lui, en depit
les hommes la justification de vie. En effet comme par des obstacles de tous genres, jh 35-39.
la desobeissance d'un seul homme, tous, malgre leur E) A sa these principale, 1'Apotre ajoute une sorte
nombre, ont ete constitues pecheurs, de meme aussi, de complement dogmatique pour expliquer le scan-
par 1'obeissance d'un seul, tous, malgre leur nombre, dale de la reprobation des Juifs, ix-xi. C'etait, au mo-
seront constitutes justes. » v, 18-19. — Subsidiaire- ment ou Paul ecrit son Epitre, un fait indeniable
ment, 1'Apotre parle du role de la Loi par rapport au que la masse des juifs etait rebelle a 1'Evangile, alors
peche, pour bien montrer que le Christ seul, par son que les pai'ens 1'acceptaient en foule, douleur amere
obeissance jusqu'a la mort, nous a delivres du peche. au coeur de 1'Apotre, enigme insondable pour son
En effet, loin de detruire cette puissance ennemie, la esprit! N'etait-ce pas un dementi aux prophetes et aux
Loi a ete plutot son alliee, son auxiltaire, 1'instrument promesses de PAncienne Loi? Est-il possible que Dieu
actif du peche; elle a etendu son regne, v, 20. ait voulu que son peuple elu fut prive d'un salut qui
b) Notre second ennemi, c'est la mort, suite inevi- semblait prepare pour lui? Pourquel motif Dieu agit-
table du peche, Jesus-Christ en a triomphe pour nous, il de la sorle? Quels sont, a ce sujet, les desseins de
vi, 1-23, ici-bas par la grace, la haut, dans la gloire. Dieu? Voila les trois questions auxquelles saint Paul
Le symbole de cette vie rendue, c'est le bapteme. Jesus essaie de re"pondre dans trois chapitres.
nous associe la, d'une maniere mystique mais non a) Le ch. ix, 1-29, soutient que Dieu est juste et fidele
moins reelle, a sa mort et a sa vie. « Ignorez-vous dans la reprobation des Juifs. Apres avoir enumere
que nous tous qui avons ete baptises dans le Christ avec orgueil les prerogatives d'Israe'l, ji. 1-5, saint Paul
Jesus, nous avons ete baptises dans sa mort. Nous montre que les pretentious de ses anciens coreligion-
avons done ete ensevelis avec lui par le bapte"rne dans naires, au sens ou ils les entendent la plupart, reposent
la mort, afm que, eomme le Christ est ressuscite des sur un malentendu. II y a deux Israels; 1'Israel selon
morts par la gloire du Pere, ainsi nous aussi nous la chair et 1'Israel selon I'esprit : c'est au second seul
marchions dans la nouveaute de vie, » if. 3-4. En nous qu'appartient la promesse, seul il herite des bene-
associant a sa mort, le Christ neutralise le principe dictions. A 1'appui de cette distinction viennent des
d'activite que le peche avait depose en nous et qui exemples tires de 1'Ecriture Sainte; Isaac, fils du miracle
eonstituait le vieil homme; en nous associant asa vie, il et de la promesse, herite seul des benedictions pro-
detruit tous les germes de mort et nous confere le pri- mises a Abraham; Ismael et les fils de Cethura n'y ont
vilege d'une vie sans fin : vie de 1'ame et vie du corps, point de part; puis, dans la lignee meme d'Isaac, une
vie de la grace et vie de la gloire. La conclusion pra- autre selection. Jacob est prefere par Dieu a Esau.
tique que 1'Apotre retire de cet enseignement, c'est Autre exemple pour prouver que Dieu est libre dans
que le chretien doit se liberer du peche, jL 6-23. ses dons, Moi'se et Pharaon. Les dons de Dieu sont
c) La'troisieme puissance hostile a notre salut, c'est entierement gratuits. Toute cette doctrine est d'ailleurs
la chair, dont la loi mosai'que fut 1'auxiliaire incons- Conforme aux oracles d'Osee et d'lsai'e, f . 25-29. Dieu
cient mais funeste. Tous deux devaient done etre de- n'a pas agi arbitrairement dans le rejet d'Israel, il n'a
truits par le Christ. C'est ce qui, en fait, est arrive, vn, fait qu'etablir sa justice, ix, 30-x, 21. En effet, Israel
1-25. Saint Paul commence par 1'abrogation de la Loi. a meconnu la fin de 1'economie mosai'que, dont la ve-
« Le chretien est mort a la loi par le corps du Christ. » nue du Messie etait le signal. II n'a pas compris que
La loi n'existe done plus : elle a fourni des ceuvres au la Loi devait le conduire a une justice superieure, au
peche eta la chair : elle peril done avec eux, ji. 1-7. salut gratuit par la foi. II n'a pas compris davantage
II etait necessaire d'expliquercetaphorisme etrange : que ce nouveau salut etait destine a tous les hommes.
« la Loi instrument de peche avec la chair. » Des dis- Et cependant Moi'se et Isai'e avaient parle de cette,
tinctions s'imposaient. L'Apotre n'a garde de lesomettre. conversion des paiiens.
II montre, par son propre exemple, comment la Loi, b) Dans le ch. xi, 1'Apotre trace une sorte de philoso-
bonne de sa nature, devient, au contact de nos pas- phie de 1'histoire d'apres les plans divins. II voit, dans
sions, une plus grande occasion de peche, jL 7-13; il le rejet actuel des Juifs, une occasion providentielle de
decrit, avec'des accents dechirants, cette vie puissante la conversion des gentils : le rejet est, en somme, par-
qui n'est qu'une lutte continuelle, toujours renaissante, tiel et temporaire; il est destine a ouvrir toute large
entre le desir d'accomplir la Loi d'apres 1'intimation aux pai'ens la porte du salut et a depouiller PEvangile
de la conscience, et les appetits de la chair, pour de Penveloppe legale : apres cela, les Juifs eux-memes
aboutir au honteux esclavage du peche. De la ce cri 1'accepteront, jL 1-15. Le chapitre s'acheve par un avis
dechirant : « Qui me delivrera de ce corps de mort? » aux pai'ens eux-m£mes afin qu'ils ne se livrent pas a
t. 14-25. 1'egard des juifs a un orgueil semblable a celui qui a
Le ch. vin, 1-39, termine la these de 1'Epitre par ufr perdu ceux-ci, jr. 16-24, et par 1'espoir que la conver-
chant de triomphe. II celebre la victoire du Christ sur sion des gentils sera le moyen que Dieu emploiera
nos tres grands ennemis qui sont la gisant devant la pour ramener Israel, f . 25-32. Une belle doxologie
croix du Sauveur. Le peche est detruit : « II n'y a plus j. 33-36 celebre les secrets insondables de la Provi-
de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ dence divine dont on vient d'esquisser les plans.
$esus, » %. 1; la mort est vaincue d'avance par le 2° Partie morale, xn-xv, 13. — D'abord les principes
germe d'immortalite depose en nous, $. 11; la Loi, generaux de la morale chretienne : 1. le sacrifice
occasion de peche, est abrogee, $. 2-7; seule, la chair vivant du fidele est comme la base de sa vie, f . 1-2,
lutte encore contre I'esprit, mais avec 1'aide de la sacrifice realise principalement par les deux vertus
grace, la victoire est assuree. Le present nous garantit d'humilite et de charite, 1'humilite par laquelle chacun
1'avenir : la grace nous prepare la gloire du ciel. Quatre limite son activite d'apres son don, .t. 3-8, la charite
temoins nous attestent cette connexion intime et ne- par laquelle il se donne tout entier a ses freres et
cessaire; la creation materielle, qui, associee a notre meme a ses ennemis, ,,<-. 9-21. Les 7 premiers versets
1175 ROMAINS (EPiTRE AUX) — ROMANGHES (VERSIONS) DE LA BIBLE 1176
duch. xui reglent les rapports de 1'Eglise et de 1'Etat: Paul's Epistle to the Romans, 1893; *Lipsius, dans le
le Chretien est souinis aux puissances etablies, il Handcommentar zum N. T., public sous la direction
s'acquitte avec soin de ses dettes de justice, f . 7-10. de H. J. Holtzmann, 1891; * Sanday et Headlam, dans
La perspective du retour du Seigneur tient le fidele 1'International critical commentary, 1902. Les catho-
dans une perpetuelle vigilance, y, 11.14. Apres ces liques, Klee, 1830; Reithmayer, 1845, Ad. Maier, 1847,
regies generates de vie chrelienne, des conseils de Bisping, Schaefer, 1891; Drach; Maunoury, 1878; R. Cor-
circonstance pour 1'Eglise de Rome. Saint Paul recom- nely, dans le Cursus Scripture Sacrse, 1896.
mande aux « forts » d'etre charitables avec les « faibles », G. TOUSSAINT.
c'est-a-dire envers ceux qui avaient des scrupules au ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE. La
sujet des anciennes observances mosai'ques. xiv, 1,23. langue romanche ou roumanche est un r rameau des
II revient encore, xv, 13, a la tolerance mutuelle et il langues romanes, issues du latin, ou neo-latines. Elle
invite juifs et paiens a louer la bonte et la fidelite embrasse une serie d'idiomes romans, qui sont paries
divine. le long des Alpes, des sources du Rhin anterieur a la
ill. EPILOGUE, xv, 14-xvi, 27. — La lettre se termine mer Adriatique. La Bible a ete totalememt ou partiel-
par des communications personnelles, indique le but lement traduite dans trois dialectes seulement de 1'En-
qu'elle s'est propose, annonce la prochaine visite de gadine et du canton des Grisons a 1'usage des protestants
1'Apotre a Rome; xv, 14-33. Puis viennent les saluta- a partir du xvie siecle. Les catholiques de langue
tions a divers personnages, xvi, 1-15, un avertissement, romanche n'ont pas de version speciale de la Bible
xvi, 17-20, un post-scriptum des compagnons de 1'Apotre dans aucun dialecte.
et du copiste qui a ecrit la letlre, xvi, 21-23, une bene- 1° Dialecte de la Haute-Engadine, — Le Nouveau
diction et la doxologie finale, xvi, 24-27 Testament a ete traduit du latin el autres langues en
VIII. LANGUE ET STYLE. — Comme toutes les autres haul engadinois par Jacques Bifrun ou Biveroni (-{-1572),
Epitres de saint Paul, celle-ci est ecrite en grec. Le de Sarmedan, jurisconsulte et theologien, reformateur
latin paraitrait tout designe pour ecrire aux Chretiens et ami de Zwingle : L'g nouf Testamamt, in-8°, s. 1.,
de la capitaledel'Empire, mais le grec fut la langue do- 1560. II 1'a publie a Bale a ses frais. Cette premiere
minante de 1'Eglise de Rome, durant lestrois premiers edition a une preface de Philippe Gallicius. En 1605,
siecles. Voir Caspari, Quellen zur Geschichte des Tauf- Lucius Papa en publia une nouvelle edition, et il en
symbols, Christiania, 1875. — Le style de cette Epitre parut a Fuschlaff une troisieme, accompagne'e de notes,
est si varie qu'on a serieusemenl agile la question de en 1607. Voir Bcehmer, Romantische Studien, t. vi, a
savoir si le meme auteur avail tenu la plume jus- 1'anne'e 1560; Campell, Zwei Biicher ralischer Ges-
qu'au bout. Mais quand on considere 1'etendue de la chichte, t. i, p. 414. Comme Bifrun est 1'ecrivain clas-
leltre, les amples developpements theologiques,- la di- sique du haul engadinois, M. J. Ulrich a reedile quatre
versite des sujets traites, on ne s'etonne plus de ces livres de sa traduction du Nouveau Testament dans la
differences de vocabulaire, de syntaxe, d'images, et de Revue des langues romanes : 1'Evangile selon saint Luc,
sentiments exprimes. Ce qui caraeterise surtout cette 1897, t. XL, p. 65-83, 97-109, 265-279, 552-572; 1'Evangile
Epitre, c'est une exposition magistrale, qui n'exclul selon saint Jean, 1898, t. XLI, p. 239-271; 1899, t. XLII,
pas une cerlaine vivacite et une admirable energie; p. 56-70,301-304; les Actes des Apolres, i&id.,'p..509-535;
on y trouve des passages de la plus belle eloquence. 1901, t. XLIV, p. 521-530; 1902, t. XLV, p. 357-369; 1903,
La style est vif, elegant, parfois incisif, la dialectique t. XLVI, p. 75-93; et 1'Apocalypse, 1905, t. XLVIII, p. 75-
serree, les arguments generalement bien enchaines, 87, 306-323. Pour les Epitres de saint Paul et des
les periodes courles mais d'une belle ordonnance. En autres apotres, il n'a publie que les mots interessants
resume, I'Epitre aux Remains semble etre, dans 1'en- ou rares que fournit leur traduction. Ibid., juillet et
semble, le meilleur morceau litteraire qui soil sorti aout 1906, Janvier et fevrier, mai et juin 1907. Une
de le plume de saint Paul. autre version du Nouveau Testament dans le meme
IX. BIBLIOGRAPHIE. — Parmi les commentaires les dialecte fut faite par Jean Gritti de Zuoz et parut, in-8°,
plus remarquables, on doit citer, chez les anciens, Bale, 1640. Les Psaumes furent traduits par Laurent
Origene, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos, Witzel, Bale, 1661. Janev Menni redigea une nouvelle
t. xjv, col. 857-1292; S. Jean Chrysostome, Homil. traduction du Nouveau Testament a Coire, en 1861.
in Epist. ad Romanos, pr£cbees a Antioche entre 2» Dialecte de la Rasse-Engadine. — Les Psaumes et
387 et 397, t. LX, col. 391-632; Theodoret, saint Jean cantiques furent traduits dans ce dialecte par Ciampel
Damascene, CEcumenius, Theophylacte, Euthymius, pour Tusage liturgique et parurent avec notation mu-
1'Ambrosiaster, Pelage; au moyen age, Hugues de sicale en 1562; 2e edit., in-8°, Bale, 1606. Des parties
Saint-Victor, Pierre Abelard, saint Thomas d'Aquin, detachees de 1'Ancien Testament furent traduites par
dans son Expositio in Epistolas omnes JOivi Pauli Jean Pitschen Saluz en 1657 et les annees suivantes.
Apostoli; Cornelius a Lapide, Commentaries in omnes Une Bible entiere est due a la collaboration de Jacques
I). Pauli Epistolas, Anvers, 1614; Estius, In omnes Antoine Vulpi et de Jacques Dorta a Vulpera. Elle fut
Pauli Epistolas commentarius, Douai, 1614-16; *Gro- imprimee a Schuol, village de la Basse-Engadine, in-f3,
tius, dans ses annotationes inN. T., Paris, 1644; 'Ham- 1657. La traduction avail ete faite sur la version ita-
mond, Paraphrase and annotations of the N. T., lienne de Diodati. Voir t. in, col. 1030-1031. Des reedi-
1653; *Locke, A paraphrase and notes to the Epistle tions completes parurent a Bale, en 1679 et en 1743.
of St. Paul, 1759-1707; Bengel, Gnomon Novi Testa- Le Nouveau Testament fut imprime a part, Bale, 1812,
menti, 1742. Durant la periode moderne, Tholuck dont et FAncien, a Coire, en 1815, sous ce titre : Siblia o
les commentaires ont paru en 1824; 'Fritzsche, 1836- vero la Soinchia Scritura del Velg Testamamt. La
1843; Meyer, 1832, un des meilleurs commentaires de Bible entiere a encore ete reeditee a Cologne, 1867-
1'Epitre aux Romains; reedite par B. Weiss en 1900; 1870. A Paris, en 1836, un in-12 est intitule : II nouf
"L. de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch Testamaint da nos Segner Jesu Christa, tradiit in
zum Neuen Testament, 1836-1848; 'Alford, Greek Tes- rumansch d'Engadina bassa.
tament, 1849-1861; *Jowett, St. Paul's Epistles to the 3° Dialecte reto-roman des Grisons. — Le Psautier
Thessalonicians, Galatians and Romans, 1855; *Godet, fut traduit enc ce dialecte par Gabriel Sapharius, in-8°,
Commentaire sur l'Epitre aux Romains, Paris, 1879; Bale, 1611. Lucius Papa traduisitla Sagesse de Siracide
* Oltramare, Commentaire sur l'Epitre aux Romains^ ou FEcclesiastique, in-12, Zurich. 1628. Lucius (Louis)
1881-1882; *Gifford, dans The Speaker's commentary, Gabriel donna tout le Nouveau Testament : II n'ef Tes-
Geneve, 1881; *Liddon, Explanatory analysis of St. tamaint, in-8°, Bale, 1648. Les Psaumes furent traduits
1177 R O M A N G H E S (VERSIONS) DE LA BIBLE — ROME 1178
par J. Grass, Zurich, 1683. Une Bible entiere : La S. Bi- I. ROME DANS L'AKCIEN TESTAMEKT. — Le prophele
bla, contenant meme les apocryphes, c'est-a-dire les Daniel, xi, 30, parle des Remains, mais sans les nom-
deuterocanoniques, et due a la collaboration de la plu- mer expressement. Leur nom apparait pour la pre-
part des ministres de la region, parut in-f°, Coire, 1719. miere fois dans les livres des Machabees. Us nous ap-
Une 2e edition en 2 vol. fut faite, 1818-1820. En 1870, prennent qu'Antiochus IV Epiphane, dont Daniel avait
cette version fut editee a Francfort aux frais de la So- predit 1'humiliation future par les Remains et par Popi-
ciete biblique d'Angleterre sous ce titre : La Biblia u lius, voir t. i, col. 697, avait ete otage a Rome, I Mach.,
la Sontga Scartira dil Veder a Niev Testamaint. Enfin i, 11; que Demetrius Ier Soter, fils de Seleucus, 1'avait
Otto Carisch a publie : llg niev Testamaint suenler ilg ete aussi a son tour pour y remplacer comme tel son
original grec, Coire, 1856. Voir F. Rausch, Geschichte oncle Antiochus Ji,piphane, I Mach., vn, 1, voir t. n,
der Literatur des Rhdto-Romans Volkes, Francfort, col. 1358; ils nous racontent surtout ralliance que
1870. On trouvera aussi la parabole de 1'enfant prqdigue contracta avec les Remains Judas Machabee afio d'obte-
en douze textes romanches, dans Coquebert de Mont- nir leur appui centre les rois de Syrie (161 avant J.-C.).
bret, Melanges sur les patois de France, 1831. Cf. J. Le I Mach., vm, 1-31; II Mach., iv, 11. Voir t. HI, col. 1801,
Long, Bibliotheca sacra, in-f°, Paris, 1723, t. i, p. 369- Le frere de Judas, Jonathas Machabee, renouvela 1'al-
370; Kirchenlexikon, 2« edit., 1883, t. in, col. 742-743; liance avec Rome (144 avant J.-C.). I Mach., xn, 1-4,16.
Realencyclopddie fur protestantische Theologie und Voir t. in, col. 1623. Les Remains s'associerent au deuil
Kirche, 3* edit., 1897, t. m, p. 144. des Juifs a la mort de Jonathas et renouvelerent 1'al-
E. MANGENOT. liance (139 avant J.-C.) avec Simon son frere, qui lui
r ROMANES (VERSIONS) DES SAINTES succeda, et envoya a Rome de riches presents. I Mach.,
ECRITURES, On designe sous ce nom les traduc- xiv, 16-19, 24, 40; xv, 15-24. Une des causes pour les-
tions de la Bible en langues romanes, ou neo-latines, quelles Antiochus Epiphane avait fait la guerre aux
c'est-a-dire en francais,t. n, col. 2346-2373; en italien,
t. m, col. 1012-1038; en espagnol, t. ir, col. 1952-1956;
en Catalan, t. n, col. 345; en portugais, col. 559, 569; en
romanche, col. 1176. Voir aussi ROUMA.INES (VERSIONS).
ROMATHITE (hebreu : hd-Ramdtl; Septante : I-/.
e
Par|X; Alexandrinus :6 'PajxaSai'oc; Vulgate : Roma-
thites), originaire de Rama de Benjamin. Ce qualificatif
indique la patrie de Semeias, charge de la culture des
vignes royales du temps de David. I Par., xxvn, 27..
ROME (grec : Tw^; Talmud : ^nii, >ni"i), capi-
tale de 1'Empire romain, lors de la naissance de
Notre-Seigneur, devenue depuis la capitale du raonde
catholique. — Les origines de la ville des Cesars sont 239. — Rome assise sur les sept collines.
plus legendaires qu'historiques et ce n'est pas le lieu Monnaie antique agrandie.
de s'en occuper ici. La tradition romaine la plus an-
cienne reconnalt 1'existence de villages distincts sur Juifs etait de se procurer par la vente des esclaves dont
les sept collines avant Romulus. Le Palatin semble il s'emparerait une partie de la somme qu'il devait
avoir ete le principal et c'est la que des bergers venus payer aux Romains. II Mach., vm, 10. L'alliance que
d'Albe pour chercher des paturages auraient ete les les Machabees contracterent avec Rome leur fut profi-
premiers fondateurs de Rome, ainsi nommee, d'apres table dans leur lutte centre les Seleucides ; les legats ro-
une des nombreuses etymologies qu'on en a donnees, mains Memmius etManilius confirmerent en particulier
de rumon, « fleuve », parce qu'elle etait situeepres du par une lettre les privileges que Lysias avait accordes
fleuve(le Tibre). Guidi, Bulletlino archeol. com., 1881, aux Juifs, au nom des roisde Syrie, II Mach., xi, 34-38;
p. 63. Romulus fit du Palatin une place fortifiee, qui fut mais cette intervention dans les affaires de la Judee de.
ainsi le noyau de la capitale du monde. Elle eutpour vait amener peu a peu la prise de possession du pays-
limites un retranchement trace autour de la colline Pompee s'empara de Jerusalem J'an 63 avant J.-C.
et formant un carre d'environ 400 metres de cote. La Tacite, Hist., v, 9; Florus, in, 5, 30. II emmena a Rome
fondation de la Roma quadrata est fixee au 21 avril comme esclaves un certain nombre de Juifs qu'il avait
de Tan 752 (753) avant J.-C. Ce n'etait qu'une sorte de faitprisonniers, mais la capitale du monde en avait deja
camp ou Ton habitait dans des chaumieres. D'apres la vus auparavant. Quelques-uns de ceux qui avaient ac-
tradition romaine, le village de Saturma, appele depuis compagne Numenius, Pambassadeur de Jonathas et de
le Capitole, fut reuni de bonne heure au Palatin. Au Simon Machabee, dans ses deux voyeges a Rome, cf.
dire de .Denys d'Halicarnasse, Numa Pompilius yajouta I Mach., xii, 16; xiv, 24; xv, 15 (voir NUMENIUS, t. iv,
le Quirinal. Apres lui, Tullus Hqstilius 1'agrandit du col. 1715), y avaient sans doute fait de la propagande
Coelius, Ancus Martius de 1'Aventin, Tarquin 1'Ancien religieuse, car c'est probablement a cette epoque que
de 1'Esquilin et du Viminal. Ainsi furent reunies les se passa le fait rapporte par Valere Maxime, I, in, 2, et
trois races principales : latine, sabine et etrusque, qui dont on admet generalement aujourd'hui 1'authenticite.
habitaient les sept collines et devinrent le peuple ro- II raconte que « Cornelius Hispalus forca ceux qui
main (fig. 239). La situation de la nouvelle capitale avaient essaye de corrompre les mosurs romaines par
etait extremement avantageuse et favorisa son rapide le culte simule de Sabazius Jupiter, de retourner chez
developpement. Tite Live, v, 54, 1'a tres bien dit : Flu- eux.» Cf. J. Marquardt, Le culte chez les .Remains,trad.
men opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges M. Brissaud,t.i, Paris, 1889, p. 100,note 1. Cejupiter-
devehantur, quo maritimi commeatus accipiantur, Sabazius peut n'etre que le nom altere de Jehovah Sa-
marevicinum ad commoditates,necexpositumnimia baoth (voir la note de 1'edit. Lemaire, 1822, p. 30) et les
propinquitate ad pericula classium externarum, re- expulses sont vraisemblablement les Juifs. Reinach,
gionum Jtalise medium, ad incrementum urbisnatum Textes relatifs aujudaisme, p. 259. Quoi qu'il en soit,
unice locum. — Servius Tullius partagea Rome en les Juifs desormaissoumis aux Romains depuis.Pompee,
quatre regions, Denys d'Halicarnasse, iv, 14 (fig. 240); ne durent pas tarder a se rendre en assez grand nombre
Auguste divisa la ville agrandie en quatorze regions. a Rome pour leurs affaires et pour leur commerce.
1179 ROME 1180
II. ROME DANS LE NOUVEAU TESTAMENT. — /. LES rerent-ils samort. Suetone, Div. Julius, 84. Cf. Josephe,
JUIFS A ROME AV COMMENCEMENT DE L'EBE CHRE- Ant.jud., XIV, x, 8. Auguste et aussi Tibere, dans la se-
TIESNE. — Avec 1'etablissement de 1'empire sous conde partie de son regne, leur furent egalement favo-
Auguste, Rome acquit un nouvel eclat et exerea sur les rables. II leur etait permis de pratiquer leur religion
etrangers, an particulier sur les Juifs, une sorte de fas- et leurs coutumes. Philon, loc. cit. Leur nombre avait
cination. Comme 1'a dit notre vieux poete J. du Bellay: si rapidement augmente que, lorsque les Juifs envoyes
Rome fut tout le monde et tout le monde est Rome.
en ambassade de Palestine aupres d'Auguste pour faire
entendre leurs plaintes centre Archelaiis arriverent
Le roi juif Aristobule avait ete emmene a Rome avec dans la capitale, ils y furent appuyes par plus de huit
ses enfants par Pompee, son vainqueur. Josephe, mille de leurs coreligionnaires etablis a Rome. Jo-
Kama Quadrata
Septimontium
Limites de la M'f/e
aux 4- regions.
240. — Carte de Roma quadrata, du Septimontium, des quatre regions et de 1'enceinte de Servius Tullius. D'apres L,. Homo.
Ant. jud., XIV, iv, 5. Un quartier special fut bientot sephe, Ant. jud., XVII, xm, 2; Bell, jud., II, vi, 1
attribue aux Juifs qui apres la guerre y avaient ete A 1'epoque ou Tibere les bannit de la ville, a cause des
vendus comme esclaves et avaient ete ensuite affranchis crimes commis par quelques-uns d'entre eux, quatre
ou qui s'y etaient rendus volontairement, attires par mille furent enroles dans 1'armee romaine et envoyes
1'espoir de s'enrichir dans la grande ville. Ce quartier en Sardaigne. Josephe, Ant. jud., XVIII, in, 5; Tacite,
n'etait pas le Ghetto moderne, entre le Capitole et 1'ile Ann., ii, 85; Suetone, Tiber., 37, 66.
du Tibre, mais la rive du Tibre, dans la partie appelee Malgre tout, leur nombre augmentait toujours. Ils
aujourd'hui le Transtevere. Philon, Legal, ad Caium, faisaient des proselytes, surtout parmi les femmes des
edit. Mangey, p. 568. Cette situation etait tres favorable hautes classes. Horace, Satir., I, 4,114; Juvenal,Satir.,
a leur commerce, rendu facile par le voisinage du in, 14; vi, 642; xiv, 96. On peut conclure des allusions
fleuve. Aussi les Juifs acquirent-ils bientot de 1'impor- de Juvenal, HI, 10, 15, de meme que des catacombes
tanceaRome.La-manieredontenparle Cicerondans son exclusivement 'juives de Rome, qu'ils avaient deborde
discours en favour de Valerius Flaccus montre qu'on le quartier du Transtevere et s'etaient repandus un peu
etait deja oblige de compter avec eux. Pro Flacco, 28, partout. Cf. 0. Marucchi, D'un antico cimitero giu-
69. Jules Cesar les traita avec bienveillance, aussi pleu- daico,dans les Atti dell' Accad. rom., 1884. Les Actes,
1181 ROME 1182
xvin, 17, parlent de 1'edit de 1'empereur Claude, qui xvi, enumere dans les salutations vingt-quatre chre-
les chassa de Rome, 1'an 9 de son regne (49 ou 50). tiens de marque qui habitaient la cite des Cesars, et
Orose, vn, 6, t. xxxi, col. 1075. Judseos, impulsore tout son contend suppose qu'ils etaient assez nom-
Chresto, assidue tumultuantes Roma expulit, dit breux. Rom., I, 8. Plusieurs des Juifs qui avaient ete
Suetone, Claud., 25, mais ils ne tarderent pas a y chasses de Rome par 1'edit de Claude etaient devenus
rentrer, tant etait considerable 1'inlluence qu'ils y disciples de saint Paul, et etant retournes dans cette
avaient deja acquise. Seneque (dans S. Augustin, De ville, ils avaient grossi le nombre des fideles et des pre-
civ. Dei, vi, 11, t. XLI, col. 192), en parle avec amer- dicateurs. Act., xvm, 2, 3, 18; Rom., xvi, 3, 7, 9, 12.
tume : Cum interim usque eo sceleratissimss gentis Voir ROMAINS (EPITREAUX), col. 1165.
consuetude convaluit, ut per omnes jam terras recepta 2° Depuis plusieurs annees, 1'Apotre des gentils
sit : victi victoribus leges dederunt. — La Providence caressait le desir d'aller precher dans la capitale de la
avait ainsi envoye a Rome les descendants d'Abraham gentilite. II regardait ce voyage comme un devoir :
pour preparer les voies a 1'etablissement du christia- Aei pis v.cd 'Pw(/.r,v t'osiv. Oportet me et Romam videre.
nisme dans la capitale de 1'empire. Sans le vouloir et Act., xix, 21. Les circonstances seules 1'avaient force
malgre eux, ils allaient faciliter a Pierre et a Paulleur de retarder 1'accomplissement de son projet. Rom., I,
13. Nous ignorons comment se fit le premier voyage de
saint Pierre a Rome, mais nous savons comment s'y
rendit saint Paul. A Cesaree de Palestine, accuse par
les Juifs devant le procurateur Festus, il fit appel a
Cesar et en consequence, il fut conduit comme pri-
sonnier au siege de 1'empire. Act., xxv, 11-12, 25. Saint
Paul debarqua a Pouzzoles. Des Chretiens de Rome,
informes de son arrivee, allerent a sa rencontre jus-
qu'a Forum Appii et par la via Appia, ils vinrent a
Rome ou ils entrerent par la porte Capene, qui s'ou-
vrait dans cette partie de 1'enceinte de Servius Tullius,
dont on peut voir encore des restes dans la cave de
YAntica Osteria di Porta Capena (fig. 241). C'est done
charge de chaines et cependant entoure de fideles qui
le veneraient plus qu'un y Cesar, que 1'Apotre des gen-
tils mitpour la premiere fois le pied sur le sol de cette
capitale que sa parole, avec celle de saint Pierre, allait
transfigurer et rendre encore plus glorieuse et plus
illustre :
Di quella Roma onde Christb e romano.
Dante, Purgat., xxxn, 102.
3° Saint Paul entra dans Rome 1'an 61, la septieme
annee du regne de Neron. sous le consulat de Caesennius
Psetus et de Petronius Sabinius Turpilianus. Quels
durent etre ses sentiments a la vue de cette reine du
monde, qui tenait 1'univers sous sa domination et etait
le siege de Vidolatrie? Celui dont 1'auteur des Actes
nous dit qu'a la vue d'Athenes, incitabatur spiritus ejtts
in ipso videns idololatrise deditam civitalem, Act., xvir,
16, ne dut pas etre moins emu en contemplant tant de
241. — Restes de la Porta Capena. signes de superstition et tant de monuments du paga-
D'apres une photographie de M. 1'abbe" Saint-Martin. nisme au milieu de cette immense cite. Qu'etait Jeru-
salem, qu'etait Athenes aupres ;de cette capitale! Elle
mission evangelique : les Apotres n'avaient plus qu'a avait grandi depuis Servius Tullius et deborde de son
venir. enceinte trop etroite. Elle comptait maintenant, avec ses
//. SAfNT PIERRE ET SAINT PAUL A ROME. — 1° Les faubourgs, une population que les uns estiment a un
(roubles dont parle Suetone et qui furent 1'occasion de million (0. Marucchi, Excursions archeol. in Roma,
1'edit de Claude, doivent s'entendre sans doute des dis- p. 25), d'autres a un million et demid'habitants. Fr. de
sensions que provoqua parmi les Juifs la predication Champagny, Les Cesars, t. iv, p. 347-353. Elle se com-
de 1'Evangile. Les Chretiens ne furent pas tout d'abord posait de representants de toutesles parties du monde,
distingues des Juifs proprement dits, parce qu'ils etaient attires par 1'ambition, 1'amour du luxe, la soif des
eux-memes la plupart d'origine juive. Nous ignorons jouissances et des plaisirs, les besoins de 1'administra-
par qui et quand la bonne nouvelle fut apportee pour tion et les affaires. Le philosophe grec y coudoyait le
la premiere fois dans la capitale du monde. Ce fut pro- rheteur d'Asie, 1'astrologue de Chaldee, le magicien
bablement peu apres la Pentecote par quelqu'un des d'Egypte, le pr^tre d'Isis, parmi les Latins et les Juifs.
Juifs de Rome qui se trouvaient alors presents a Jeru- L'Apotre des Genlils allait avoir un vaste champ pour
salem. Act., n, 10. Parmi les trois mille/convertis qui exercer son zele, mais qui, parmi ceux qui le virent
crurent alors a la parole de Pierre, jL 41, il devait se entrer dans Rome et le remarquerent a peine au mi-
rencontrer vraisemblablement quelque advena Roma- lieu de ceux qui lui faisaient escorte, aurait pu s'ima-
nus. Quand le prince des Apotres arriva un peu plus giner qu'un grand evenement s'accomplissait a cette
tard dans la capitale de 1'empire, voir PIERRE, col. 373, heure et que c'etait 1'envoye d'un conquerantplus grand
le nom du Christ Jesus y etait done sans doute deja que les Cesars qui venait preparer la prise de possession
honore par un groupe de fideles. Ce qui est certain, de son Maitre?
c'est que, avant 1'arrivee de saint Paul a Rome, cetle 4° La capitale de 1'empire n'avait pas encore tout 1'eclat
ville comptait des Chretiens dans ses murs, parmi qui la rendit si belle et si somptueuse dans la suile
lesquels Andronique et Junie s'etaient convertis avant sous le gouvernemenl des empereurs, apres 1'incendie
1'Apotre hii-meme. Rom., xvi, 7. L'jipitre aux Rornains, de Neron. Les superbes monuments dont les ruines
1183 ROME
nous remplissent aujourd'hui d'admiration n'etaient c'est que, malgre sa captivite, il put jouir d'une iiberte
pas alors elcves. La ville n'etait pas batie d'apres un relative. II fut autorise" a demeurer dans une maison
plan regulier.. Les rues etaient etroiles, tortueuses, qu'il loua, Iv IStw {juo6u>(j.aT:, in suo conductu, avec
nonpavees, malpropres, boueuses oupoussiereuses, an- le soldat qui le gardait, Act., xxvin, 16, 20. II etait en-
gusti et flecci vici, dit Suetone; arcta itinera, ditTacite, chaine, Eph., vi, 20; Phil., i,13; mais sa parole ne 1'etait
Ann., xv, 88; Romam in montibus posilam et conval- pas. Laboro usque ad vincula, comme il 1'ecrivait plus
libus, csenaculis sublatam atque suspensam, non opli- tard a Tirnothee, sed verbum Dei non est alligatum.
mis viis, angustissimis semitis, dit Ciceron, n, De II Tim., H, 9. Saint Luc nous dit expressement, Act.,
lege agraria, 35. Les maisons etaient trop hautes, xxviir, ' 30-31, qu'il recevait, tous ceux qui voulaient
ewnaculu excelsa, dit Pline, H. N., XXXVI, XIH, 88; le visiter et qu'il leur prechait le royaume de Dieu. II
Auguste interdit de les elever de plus de 70 pieds (en- fit entendre sa voix meme a quelques-uns de ceux qui
viron 21 metres). Strabon, v, 7. Souvent mal baties, appartenaient a la maison de Cesar. Phil., i, 13; iv, 22.
elles manquaient de solidite; la fievre y exercait fre- Et comme il avait toujours la sollicitude des Eglises
242. — Via Appia, entre le cinquieme et le sixieme milles. D'apres une photographic.
quemment ses ravages. Comme beaucoup d'habitations qu'il avait fondees, pendant cette premiere captivite, il
etaient en bois, les incendies n'y etaient pas rares. ecrivit alors outre son Epitre a Philemon, ses Epttres
Voir Attilio Profumo, Le Fonti ed i tempi dello incen- aux Philippiens. aux Colossiens et aux Ephesiens. C'est
dio Neroniano, in-4°, Rome, 1905, p. 405407. La moitie aussi de Rome que fut ecrite, un peu avant son mar-
de la population de Rome etait esclave. La plusgrande tyre, sa seconde Epitre a Timothea. Voir PAUL, t. iv>
partie du reste des habitants etait pauvre et vivait col. 2226-2228. L'emprisonne-ment de 1'Apotre se ter-
des largesses des empereurs. L'industrie etait inconnue. mina par un acquittement. Ibid., col. 228. Cf. II Tim.,
Le nombre des families riches etait restreint. II n'y iv, 17. Mais le livre des Actes ne nous fournitplus de
avait pas de classe moyenne. Pauvres et esclaves etaient renseignements sur sa delivrance ni sur ses dernieres
entasses dans d'etre its espaces. Une des choses qui annees. II revint a Rome, fut jete une seconde fois en
etonnent le plus les visiteursde la maison dite de Livie prison et, cette fois, il n'en sortit que pour subir le
au Palatin et des maisons congervees a Pompei par les martyre, en 67. Voir t. iv, col. 2230.
cendres du Vesuve, c'est la petitesse et Fexiguite des 6° Sur le sejour de saint Pierre a Rome nous avon&
appartements, ou Ton a ete parfois oblige d'echancrer encore moins de details que pour saint Paul, mais il
le mur pour y faire tenir le lit. est demontre, malgre tous les efforts des ennemis de
5° C'est dans quelque reduit analogue que dut resider 1'Eglise catholique en sens contraires, qu'il etablit sa
saint Paul, pendant les deux ans qu'il attendit sa sen- chaire a Rome, qu'il y vecut de longnes annees, vingt-
tence, Act., xxvin, 16,30, et pendant son dernier sejour cinq ans, d'apres le Liber pontificalis, et qu'il y mou-
a Rome. Lors de sa premiere captivite, il habita, soit rut martyr sur une croix (an 67). Voir PIERRE, col. 373-
aupres du camp des pretoriens, etabli hors des murs par 376^ Saint Paul eut la tgte tranchee aux Trois-Fontaines ^
Tibereau nord-est de la ville, Tacite, Ann., iv, 2; Sue- saint Pierre fut crucifie au Vatican, comme nous le
tone, Tiber., 37; soit pres de la caserne attachee a la dirons plus loin.
residence imperiale sur le Palatin. Ce qui esl certain, ///. SAINT JEANL'fiVANGELISTE A ROME. — SOUS Ves-
lictioimaire de la Bible. Letouzey et Atxe.Paris
... Rheatrum
Castrense
REGIONESAUGUSTII
. -243. — Le tombeau de Csecilia Metella sur la Voie appienne. II avait ete construit avant 1'arrivee de saint Paul, entre 686 et 700,
de Rome. Nibby, Roma antlca, Rome, 1839, t. n, p. 550. Les creneaux ont ete ajoutes en 1299 de notre ere. D'apres une pho-
tographic de M. H. Saint-Martin.
Cassius, LXVI, 7. Les Chretiens, considerant comme I'Apocalypse. Saint Pierre avait deja designe Rome sous
une sorte d'apostasie la soumission a cetimpot, qui les le nom de Babylone. 1 Pet., v, 13. C'est sous ce titre
confondait avec les Juifs, refuserent la plupart de qu'elle apparait, Apoc., xiv, 8; xvi, 19; xvii, 5; xvm
1'acquitter et on les poursuivit devant les tribunaux 2. Dans le livre du prophete de Patmos, I'urbs septicol-
comme athees. Suetone, Domit., 12; Dion Cassius, lis, Apoc.,xvit, 9, opposee a Jerusalem, Rome qui siege
LXVII, 14. La persecution contre les Chretiens s'etendit super aquas multas, xvii^ 1, comme une reine velue
xle proche en proche et fit des victimes en Asle Mineure, de pourpre et d'or, est « la grande Babylone, mere des
a Smyrne, Apoc., n, 10; a Pergame, n, 13; et ailleurs, abominations de la terre, ivre du sang des martyrs,
•v, 6; vi, 9, 10; xx, 1. Saint Jean residait alors a Ja grande ville qui a Fempire sur les rois de la terre. »
Ephese; il en fut lui-meme victime. Domitien avait xvii, 4, 5, 6,18. Le quatrieme livre d'Esdras, in, 1,2;
•donne 1'ordre d'arreter et d'amener a Rome les descen- xv, 43, et I'Apocalypse de Baruch appellent egalement
dants des rois de Juda, ce qui fut fait. Hegesippe, dans Rome Babylone. Saint Jean la decrit aussi, Apoc., xin,
Eusebe, H. E., in, 19, 20, t. xx, col. 252-256. Saint sous Tembleme d'une b6te monstrueuse, dontla bouche
Jean, si renomme pour avoir vecu dans Pintimite du profere des blasphemes et qui exerce sa fureur contre
Sauveur, fut peut-etre arrete au meme titre. On 1'amena les saints. L'heure de la justice et de la vengeance
a Rome et il fut condamne a perir dans une chaudiere viendra : Cecidit, cecidit Babylon ilia magna, quse a
d'huile bouillante. « Le lieu traditionnel de son execu- vino irse fornicationis 'suss potavit omnes gentes.
tion es,t la Porte Latine, ou, pour mieux dire, 1'espace, Apoc., xiv, 8. Mais lesang des martyrs, qui lui a merite
libre alors, qu'occupa plus tard cette barrierede Rome. le chatiment anuonce par le prophete, donnera a Rome
DICT. DE LA. BIBLE. V. - 38
1187 ROME 1188
une Vie etune gloire nouvelles. C'est 1'Eglise elle-meme, remit le prisonnier au prefet du camp ». Si Ton peut
PEglise qui a ete d'abord victime de ses persecutions, ajouter foi a cette addition, comme le pr&feclus ca~
qui chantera un jour dans 1'hymne de la fete des strorum devait avoir son habitation dans le quartier
apotres Pierre et Paul : meme des pretoriens, 1'Apotre demeura probablement-
0 Romafelix, quse duorumyrmcipum dans le voisinage et opera sans doute la conversion
Es consecrata glorioso sanguine : de quelques soldats. 0. Marucchi, S. Pietro e S.
Horum cruore purpurata cseteras Paolo in Roma, 1900, p. 23-25. Quelques savants
Excellis orbis una pulchritudines. croient cependant plus probable qu'il resida pres du
Ses empereurs et ses grands hommes n'avaient pu Palatin ou se trouvait une caserne pour la garde im-
lui conserver sa splendeur; deux Juifs, un pecheur du periale. L'opinion qui fixe le sejour de 1'Apotre a 1'en-
lac de Genesareth, un fabricant de tentes de Tarse, droit ou s'eleve aujourd'hui Santa Maria in via
1'ont rendu plus glorieuse que jamais. C'est a eux qu'elle Lata, a la jonction de 1'ancienne via Lata et de la
doit d'avoir survecu a tous les desastres et a toutes les via Flaminia (le Corso actuel) ne s'appuie pas sur
ruines, et d'etre encore Urbs Roma. Un poete ano- des documents digries de foi. Marucchi, S. Pietro e
nyme disait avec raison, lorsque Constantinople lui S. Paolo in Roma, p. 157-159. II n'y avait pas la de
eut ravi son titre de capitale de 1'empire (Marucchi, maison privee, mais le portique qui entourait les
Excursions archeol, in Roma, parte II, p. 47) : Septa Julia, mentionnes sur le plan capitolin de
Rome. Ce sont des restes de ce portique qu'on voit
Constantinopolis florens nova Roma vocatur,
Moenibus etmuris Roma vetusta cadis. dans le souterrain de 1'eglise. Marucchi, Basiliques de
Non si te Petrimeritum Paulique foveret, Rome, 1902, p. 393.
Tempore jam longo misella fores. 4° L'eglise de San Paolo alia Regola (ainsi appelee
III. SOUVENIRS APOSTOLIQUES A ROME. — La Rome du mot arenula, a cause du sable depose la par le Tibre),
chretienne a conserve et honore le souvenir de ses presdu Ghetto. Elle etait nommee primitivementScwota
di SanPaolo, parce qu'ii y a en cet endroit une chambre
'souterraine fort ancienne, ou 1'Apotre, disait-on, avait
instruit ses premiers converlis, mais on n'a du fait
aucune preuve. Voir Bartolomei, Sulla Chiesa di
ban Paolo alia Regola, Rome, 1858; M. Armellini, Le
Chiese di Roma, 1887, p. 499.
5° Deux chapelles rappellent le martyre de saint
en termes formels qu'il y avait dans la maison de M. Marucchi J'identifie avec le cimetiere de Priscille.
Prisque et d'Aquila « une eglise domestique » ou se Voir PUDENS, col. 864.
reunissaient les fideles et il la salue. Rom., xvi, 3-5. 11° La prison Mamertine. — D'apres une tradition
On place generalement cette maison a 1'emplacement ancienne, les apotres Pierre et Paul furent enfermes
ou est aujourd'hui 1'eglise de Sainte-Prisque. Une avant leur martyre dans la prison Mamertine, pres du
inscription en vers que fit apposer le pape Calliste III Forum. Ce nom de Mamertine ne date que du moyen
(1455-1458), quand il restaura 1'eglise et qui est a gauche age, mais la prison, Tite Live, i, 33, remonte jusqu'a
du grand autel : Ancus Martius, le quatrieme roi de Rome (641-617
avant J.-C.), qui la fit construire. Elle s'appela d'abord
...Petrus id docuit populus dum ssepe doceret, sirnplement Career. Sa partie inferieure recut le nom
Dum faceret magno sacraque ssepe Deo de Tullianum idea quod additum a Tullio rege,dft Var-
Dum quos Faunorum factis deceperat error,
Hie melius sacra puriflcaret aqua... ron,L. L., v, 32. Cf. Salluste, Cat.,55. Saglio etDarem-
berg, Diet, des ctntig., t. 11, p. 917-918, au mot Career.
M. Armellini, Le chiese di Roma, p. 561. Cette tradi- Les Actes des saints Processus et Martinien, qui sont du
tion remonte au moins au VITP siecle. Voir Mai, Script, ve ou du vie siecle, racontent que ces deux martyrs
vet., t. v, p. 148; J.-B. De Rossi, Bull, diarcheol. crist., furent baptises par saint Pierre dans cette prison ou
1887, p. 45; V. Carini, Sul titolo presbiterale di santa il attendait le supplice. Cette tradition, dit M. Marucchi,
Prisca, Rome, 1895. « ne contredit d'une maniere absolue, ni 1'histoire ni
9° On peut admettre comme tres vraisemblable que 1'archeologie, puisque la prison Mamertine avec le
saint Pierre et saint Paul ont reuni aussi quelquefois Tullianum place au-dessous etait certainement la pri-
les premiers Chretiens dans la maison de saint Cle- son publique de la ville. meme a 1'epoque imperiale. »
ment, dans la region du Coslius, a la rue actuelle de S. Pietro e S. Paolo in Roma, p. 148 (fig. 245).
1191 ROME 1192
12» Lieu du marly re de saint Pierre et de saint orbis veneratione celebratur, dit saint Jerome. De vir.
Paul. — a) La tradition est constante et uniforme sur ill., 1, t. XXIH, col. 609. Cf. le temoignage de Caius,
le lieu du martyre de saint Paul, mais il n'en est pas dans Eusebe, H. E., 11, 25, t. xx, col. 209. On accedait
de meme pour saint Pierre, 1'une le placant au Vatican, autrefois a la Confession de Saint-Pierre et aupres des
1'autre sur le Janicule. La tradition la plus ancienne est reliques du saint Apotre. Elles furent soigneusement
en faveur du Vatican. Le Liber pontificalis, edit. Du- fermees en 846 a 1'epoque ou Rome fut assiegee par les
chesne, p. 52, dit que son corps fut depose maAurelia Sarrasins et depuis ce temps elles sont restees invisi-
in templo Apollinis (apud templum Apollinis) juxta bles. L'autel papal s'eleve au-dessus du tombeau apos-
locum ubi crucifixus est juxta palatium neronianum tolique dans la basilique actuelle (fig. 248).
in Vaticanum in territoriuni triumphale. Les Actes b) Le lieu du martyre de saint Paul estainsi indique
apocryphes, il est vrai, mais fort anciens, determinent dans les Actes apocryphes des Apotres : Etc f/.a<7<rav
exactement le lieu du martyre, apud palatium nero- xaXoy|A£vvjv Axico-jott aaXSjai; TrXvjffi TOU 8lv8pou TOU errpo-
nianum juxta obelisewm. Uue tradition posterieure le 6f),ou. Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha,
place inter duas melas (du cirque). Ces indications p. 35. Cette notice est confirmee par le Liber pontifi-
designent le cirque Vatican qui se trouvait dans la villa calis et par les anciens pelerins qui placent le martyre
de Neron, le palatium neronianum. Le cirque avaitson de 1'apotre des Gentils ad aquas Salvias, J.-B. De
axe parallele a celui de la basiiique actuelle de Saint- Rossi, Roma sotlerranea, t.i, p. 182. Les aquseSalvise
Pierre; les dues metse (bornes) correspondaient a 1'obe- portent aujourd'hui le nom des Tre Fonlane, situees
Jisque, qui s'elevait sur la spina du cirque, et elles a un peu plus de trois milles de Rome en passant par
etaient placees a peu de distance des deux extremites la voie Ardeatine moderne, a gauche de la via Ostien-
de la spina (voir fig. 246), mur bas et etendu qui coupait sis. Surle lieu du martyre s'eleve 1'eglise deSaw Paolo
1'arene en long en deux portions distinctes. Get obe- alle Tre Fontane, dans 1'interieur de laquelle sont, en
lisque, apporte d'Heliopolis peu de temps aupara- effet, trois fontaines qui jaillirent, d'apres la croyance
vant, sous Caligula, resta a sa place primitive jus- populaire, aux trois endroits ou bondit la te"te du mar-
qu'au pontifical de Sixte-Quint qui le fit transporter tyr decapite. L'edifice actuel est de 1599, mais on y
sur la grande place de Saint-Pierre a 1'endroit ou on avait eleve d'assez bonn&heure une eglise sur le meme
le voit aujourd'hui. II etait situe pres de la sacristie de emplacement.
la basilique actuelle. Voir Marucchi, Gli obelischi egi- Le corps de 1'apotre saint Paul ne fut pas enseveli a
ziani di Roma, in-4°, Rome, 1898, p. 149-151. C'est 1'endroit meme ou il avait subi le supplice. II fut de-
dans les memes lieux que les premiers martyrs chre- pose a une demi-heure de distance, par une matrone
tiens avaient subi les cruels supplices decrits par Tacite, chretienne, nommee Lucine, dans le prsedium qu'elle
Ann., xv, 44. L'opinion d'apres laquelle saint Pierre possedait sur la via Ostiensis, a 1'endroit ou s'eleve
aurait ete crucifie sur le Janicule, a 1'endroit ou s'eleve aujourd'hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs.
aujourd'hui Son Pietro in Montorio, ne s'appuie sur Le cimeliere de Lucine ne parait pas avoir ete souter-
aucun document antique. rain, mais en plein air. D'apres }e Liber powti/icaUs
Saint Pierre fut enseveli pres du lieu de son supplice. (Vita Sylvestri), p. 118, I'empereur Constantin edifia une
Plus tard, I'empereur Constantin, corume-1'attestele.Li- basilique au-dessus du tombeau du grand Apotre, mais
ber pontificalis, p. 176, dans la biographic du pape saint il n'en reste plus rien que le revetement du sarcophage
Silvestre, fit el ever, en 306, surl'humble tombe primi- place aujourd'hui sous 1'autel papal et ou Ton peut
tive, la basilique de saint Pierre (fig. 247), ou le prince lire encore 1'inscription qu'y fit graver probablement
des Apotres n'a jamais cesse d'etre honore depuis. Se- Fempereur et qui est surtout remarquable par sa sim-
pultus in Vaticano juxta viam triumphalem totius : PAULO APOSTOL. MART. (fig.249V.J.-B.DeRossi,
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Bullettino di archeol. crist., 1883, p. 153. L'empereur IV. L'ARC DE TRIOMPHE DE TITUS. — Trois ans apres
Valentinien II, en 386, fit demolir la basilique conslan- le martyre de saint Pierre et de saint Paul, en 70,
tinienne pour en construire une plus grande, qui fut Titus realisait a Jerusalem, par la prise de la ville et la
continuee par Theodose et achevee par Honorius. Sou- destruction du Temple, les propheties de Notre-Seigneur
vent restauree depnis, elle fut detruite par un incen- centre la ville deicide. Matth., xxiv, 2; Marc,, xin, 2;
die pendant la nuit du 15 au 16 juillet 1823. On doit Luc., xix, 43-44; xxi, 6. L'abomination de la desola-
la basilique actuelle a Leon XII, a Gregoire XVI et a tion etait entree dans le Temple avec les aigles des le-
Pie IX qui la consacra en 1854. Malgre toutes ces de- gions romaines et la Judee avait ete rayee du nombre
molitions et toutes ces resiaurations, la Confession ou des royaumes, L'arc de Titus (fig. 250) est toujours la,
repose le corps de 1'Apotre n'a jamais change de place. pres du Colisee, a 1'extremite du Forum, sur la voie
Son tombeau, comme celui de saint Pierre au Vatican, Sacree triomphale, pour rendre temoignage a la vera-
fut visible jusqu'au ixe siecle. Obstrue alors, il n'a ete cite des propheties du divin Maitre. II fut construit en
degage que dans la reconstruction actuelle. On peut memoire des victoires de Titus et inaugure sous Domi-
voir maintenant par la fenestrella la plaque de marbre tien en 1'an 81. Senatus populusque Romanus divo
qui recouvre le sarcophage. Tito, divi Vespasiani fllio, Vespasiano Aufyusto. A
Les reliques de saint Pierre et de saint Paul se trou- 1'exterieur, du cote de 1'inscription, une frise repre-
vent ainsi aujourd'hui, celles du prince des Apotres a sente le cortege d'un sacrifice. A 1'interieur de 1'arcade
la basilique de Saint-Pierre, celles de saint Paul, a la unique, un bas-relief represente Titus sur un quadrige
basilique de Saint-Paul, a 1'endroit mdme ou elles fu- que conduit Rome; vis-a-vis, un autre bas-relief montre
rent primitivement deposees. Quelque temps apres le cortege triomphal qui etait passe la avec des Juifs
leur martyre d'apres les uns, ou fers^ milieu da prisonniers, le chandelier a sept branches et la table
me siecle d'apres les autres, si ce n'est^deux fois, pour des pains de proposition avec les trompettes sacrees.
les mettre sans doute plus en surete, elles furent trans- Voir CHANDELIER, t. n, fig. 184, col. 544. Le senat et le
portees dans un souterrain de la voie Appienne, appele peuple remain, en elevant ce monument en 1'honneur
Platonia, mais elles y resterent peu de temps. On peut de Titus, etaient bien loin de se douter de son impor-
visiter encore ce souterrain derriere 1'abside de la basi- tance et de sa signification future. Leurs troupes venaient
lique de Saint-Sebastien. Marucchi, Le catacombe de ruiner Jerusalem : c'etait pour preparer la ruine de
ossia il sepolcro apostolico dell' Appia, Rome, 1892; 1'empire remain lui-meme et pour faire grandir a sa
Id.. San Pietro e San Paolo, p. 75-92. C'est par leur place 1'empire spirituel destine a le supplanter.
supplice que les deux apotres ont pris ainsi possession V. LA ROME CHRETIENNE S'ELEVANT SUR LES RUINES DE
de Rome. Aujourd'hui, la statue de saint Pierre se LA ROME PAIENNE. — Si, quand on vient de visiter
dresse au sommet de la colonne Trajane et celle de 1'Arc de Titus, on veut se rendre compte de la revolu-
saint Paul au sommet de la colonne de Marc-Aurele. tion qu'a produite dans 1'empire remain la predication
ROME 1196
des Apotres et 1'accomplissement des propheties de cree estdeserte; on n'apercoit que quelques curieux, des
saint Jean dans 1'Apocalypse, il suffit de faire quelques touristes et des archeologues qui cherchent a reconsti-
pas et de monter au Palatin qui 1'avoisine. De la, au tuer le passe, dans ce cimetiere de la grandeur pai'enne,
nord, de la terrasse des Orti Farnesiani, on a le Forum au milieu de cet entassement de pierres, de briques,
a ses pieds et Ton peut embrasser d'un coup d'oeil en de marbres brises. A droite se dresse encore la grande
raccourci 1'histoire de 1'ancienne Rome. Aucun autre masse du Colisee, mais en lambeaux, et, tout aupres,
coin de terre n'a ete temoin de tant et de si grands une maison des Petites soeurs des pauvres. s'eleve la
evenements. La colline qui a ete le berceau de la Rome ou fut 1'emplacement de la maison doree de Neron,
des Cesars en est aujourd huile tombeau. Les empereurs qui s'est efibndree avecla Rome persecutrice des saints.
ontcommande de la en maitres a toute la terre. Aujour- La prophetic de 1'Apocalypse est accomplie.
d'hui une epaisse couche de terre, accumulee par les Cependant sur les debris de la Rome pai'enne a grandi
251. — Rome dominee par la croix, vue du Palatin. D'apres une photographie de M. 1'abJie H. Saint-Martin.
Eglise Saint-Adrien. — 2. Eglise Sainte-Marie de Lorette. — 3. Colonne Trajanne surmonte"e de la statue de saint Pierre. —
4. Eglise du Saint-Norn de Marie. — 5. Temple de Faustine, devenu e'glise Saint-Laurent in Miranda. — B. Tour des Milices,
dite tour de Ne"ron. A cote, a droite, Eglise Sainte-Catherine de Sienne. — 7. 8. 9. Eglise Saints Cosme-et-Damien du vi" sie-
cle. — Plusieurs autres eglises qu'on voit avec leur croix de la terrasse du Palatin, a droite et a gauche, n'ont pu etre repro-
duites sur cette vue photographique, a cause de ses dimensions restreintes.
siecles, recouvre leurs maisons fastueuses: 1'herbe etles la Rome chretienne. Si du Palatin on leve les yeux au-
arbresy poussentenabondance et le promeneury foule dessus du Forum et qu'on contemple la ville moderne
litteralement aux pieds les palais de Tibere et de Cali- qui s'etend au loin, quel changement profond, quel
gula. Elle est tombee, la Rome imperiale : cecidit, ceci- spectacle saisissant! Regardez aux quatre vents du ciel:
dit Baby Ion magna.lipoc., xiv,8; xvm, 2. Et le Forum, partout vous voyez un instrument de supplice, autrefois
qui est la sous nos yeux, il est mort egalement. II reserve aux esclaves et ignominieux entre tous, la croix,
etait comme le cceur de la Rome republicaine et de la qui se dresse triomphante sur d'innombrables eglises
Rome imperiale, et il a cesse de battre. Autrefois, on y (fig. 251), qui domine, de haut, tous les quarters de la
affluait de toutes les parties de la terre et de la partaient cite, la croix, surtaquelle est mort lefilsde Dieu a Jeru-
dans toutes les directions les ordres qui reglaient les salem, la croix sur laquelle saint Pierre est mort dans le
destinees du monde. Maintenant, la aussi, ce ne sont que cirque de Neron! Ceci, cette croixredemptrice,a tue cela,
des mines et des souvenirs. Les temples ou 1'on hono- le paganisme avec ses hontes, le pouvoir oppresseur des
rait les dieux de la cite sont renverses; plus de consuls, tyrans. Un jour, la, au bas du Capitole, saint Pierre est
plus de tribuns, plus de licteurs, plus ftimperatores et sorti, dit la tradition, de la prison Mamertine, condamne
de centurions; le peuple n'y tient plus ses cornices; le par le Cesar persecuteur, pour marcher au supplice de
senat ne regoit plus dans la Curie voisine (eglise Saint- la croix. II est alle prendreainsi possession du Vatican.
Adrien) les ambassadeurs qu'y envoyaient les Machabees Si de la parlie septentrionale de la terrasse du Pala-
et tous les pays de la terre; la tribune aux harangues est tin, nous allons a quelques pas vers le couchant, rioos
muette; les vestales ont cesse d'entretenir le feu sacre apercevons dans le lointain la coupole calme et majes-
dans 1'atrium de Vesta; le Capitole est toujours la, a gau- tueuse de la basilique de Saint-Pierre, portant dans les
che, mais il n'y monte aucun triomphateur; la voie Sa- airs la croix triomphante. A son ombre habite un
ROME — RONCES 1198
vieillard, aujourd'hui prisonnier, le successeur du angles saillants. Us correspondent a 1'ancien Rubus
prince des Apotres. En lui s'incarne, si 1'on peut ainsi fruticosus L. demembre depuis en de nombreuses
dire, la puissance spirituelle. Les Cesars commandaient especes ou formes dont les plus tranchees sont R.
aux corps; il commande aux ames; leur domination ne discolor (fig. 252) a folioles blanchatres en dessous,
s'etendait pas au dela des limites du monde ancien ; la R. tomentosus a feuilles veloutees au moins sur la face
sienne s'etend a toutes les parties de la terre; Men inferieure, et celle que de Candolle nommait R. colli-
plus, elle ouvre les portes du purgatoire et les portes nus, intermediaire entre les precSdentes, dont elle n'est
du ciel; en lui se re'alisent les promesses que le Sau- peut-etre qu'un hybride. F. HY.
veur avait faites a Pierre; il est le vicaire du Christ II. EXEGESE. — Les mots par lesquels la Bible de-
et le representant de Dieu sur la terre. signe d'une facon generate les epines ou plantes epi-
VI. BIBLIOGRAPHIE. — Outre les ouvrages deja cites, neuses sont assez nombreux. Voir EPINES, t. u, col. 1895.
voir H. Kiepert et Th. Huelsen, Formse urbis Romse Mais il est un certain nombre de noms, souvent mal
.antiqux, accedit nomenclator typographicus, in-4°, rendus par les versions, qui ont un sens precis de
Berlin, 1896 ; H. Jordan, Topographic der Stadt Rom plante determinee. Tel est entre autres, semble-t-il, le
im Alterthum, 2 in-8°, Berlin, 3e edit., 1871-1885; mot barqdnim, qui se rencontre en un seul passage.
Ch. Dezobry, Rome au siccle d'Auguste, 4 in-8°, Jud.,vm,7, 16. « Lorsqae Jehovah aura livre entre mes
Paris, 1870; F. Reber, Die Ruinen Roms, 2e edit.,
Leipzig, 1879; 0. Gilbert, Geschichte und Topographie
der Stadt Rom im Altertum, 3 in-8°, Leipzig, 1883-
1890; J. H. Middleton, The Remains of ancient Rome,
2 in-8°, Londres, 1892 ; R. Lanciani, Ancient Rome in
the light of modern Discoveries, Londres, 1888; Id.,
Pagan and Christian Rome, Londres, 1892; The Ruins
and excavations of ancient Rome, Londres, 1897;
R. Garruci, Cimiterio degli antichi Ebrei in Vigna
Randinini, in-8°, Rome, 1862; E. Schurer, Die Gemein-
deverfassung der Juden in Rom, 1879; Berliner, Ge-
schichte der Juden in Rom, 1893; Holtzmann, Ansie-
delung des.Christenthums in Rom, 1874; Huidekoper,
Judaism at Rome, 1876 ; Hild, Les Juifs a Rome, dans
la Revue des etudes juives, 1884; Ph. Gerbet, Es-
quisse de Rome chrelienne, 8e edit., 2 in-12, Paris,
1875; 0. Marucchi, Le memorie dei SS. Apostoli
Pietro e Paolo nella Cittd di Roma, in-8°, Rome, 1894.
F. YIGOUROUX.
ROMELIE (hebreu : Remalydhu, « celui que Jeho-
f
vah protege»; Septante : Poy.z\{<xz; Vulgate : Rome-
lias), pere de Phacee, roi d'Israel. IV Reg., xv, 25, 27,
30, 32, 37; xvi, 1, 5; II Par., xxvm, 6; Is., vn, 1, 4. 5,
9; vm, 6. On croit communement que Romelie etait de
basse condition et que c'est par mepris que son ills
Phacee, usurpateur du royaume d'Israel, est appele 252. — Rubus discolor.
« fils de Romelie » tout court. Is., vn, 4; vm, 6.
mains Zebee et Salmana, dit Gedeon aux gens de Soc
ROMENTHIEZER (hebreu : Romanti "Ezer; Sep- coth,je deehirerai votre chair avec des epines du deser
tante : "PwpisTeis^p), le dixieme des quatorze fils et des barqdnim », Jud., vm, 7; et c'est ce qu'il fit,
d'Heman. 11 fut le chef de la vingt-quatrieme section comme il est dit plus" loin au jh 16. Plusieurs exegetes
des musiciens du temps de David, laquelle se compo- avec Gesenius, Thesaurus, p. 244, font de ces barqd-
sait de douze personnes, ses fils et ses freres. I Par., nim des especes de herses armees de poinles aigues.
xxv, 4, 31. (juelques critiques ont suppose que le nom Mais on ne s'explique pas bien, dans cette hypothese,
de Romenthiezer et de quatre de ceux qui sont nom- ce que viennent faire les « epines du desert » qui pre-
mes avec lui, •$. 4, etait, a cause de leur forme insolite cedent immediatement les barqdnim. II semble plutot
un fragment d'hymne ou de priere, et non une liste que les deux expressions sont unies comme dans notre
de personnes reelles. La repetition de ces noms dans locution « les epines et les ronces ». Aussi est-ce dans
1'enumeration des classes de musiciens demontre la ce dernier sens que de nombreux exegetes entendent le
faussete de cette hypothese. mot-barqdmm.On ne peut appuyer ce sens sans doute
sur les Septante qui ont simplement transcrit le mot
RONCE (hebreu: barqdnim ; Septanle : hebreu, iv TO.IC, papy.-^viiA (ce qu'Eusebe, Onomastlcon,
(JaTo?; Vulgate : tribuli, rubus), plante epineuse. edit. P. de Lagarde, 1887, p. 140, a pris pour un nom
I. DESCRIPTION. — Les ronces, comme les rosiers, de lieu, mais Aquila traduit par «/.av6a?r « epines »). La
sont des arbrisseaux a feuilles comppsees, munis Vulgate met tributes, tribulos (qui ne saurait etre la
d'aiguillons sur leurs rameaux ainsi qu'a la face infe- herse, en latin tribula ou tribulum) plante epineuse.
rieure des petioles. Elles en ditferent surtout par les « Rarqdnim, dit le rabbin Kimchi dans son commentaire
fruits formes de carpelles charnus disposes au pour- des Juges, estuneespece d'epines. » Mais quelle epine?
tour d'un receptacle saillant, et qui sont en realite de Le texte demande une epine rampante, flexible, dont on
petites drupes, chacune avec un noyau central recon- puisse au besoin se servir comme d'un fouet. Le chati-
vert par le pericarpe succulent. Les fleurs, eomme ment inflige par Gedeon ne consistait pas a Boucher les
dans la generalite des Rosacees, sont regulieres, herma- habitants de Soccoth sur des epines et des ronces, et a
phrodites, avec les petales et de nombreuses etamines faire passer sur eux ainsi etendus des chariots ou des
sur le bord interne du tube du calice. Les Rubus de rouleaux. Ce chatiment rappellerait, disent certains exe-
Palestine appartiennent tous a la serie des Rubus homa- getes, celui de II Reg., xn, 31, et I Par., xx, 3, mais ces
lacanthi, ayant leurs tiges marquees de cinq faces planes passages n'ont pas ce sens. Cf. Revue bibliqtie, 1898»
ou canaliculees, et portant leurs aiguillons sur les p. 253. II consistait plutot, dans ce passage des Juges, vnij
1199 RONGE — ' R O S E 1200
7, 16, en des fouets d'epines et de ronces qui auraient ce nom), peut bien etre la denomination veritable
servia fustiger et a chatier les habitants de Soccoth. . d'un seul fils de Benjamin lequel, par une mauvaise-
La ronce (pa-roc, rubus) est expressement marquee coupure de lecture, aurait ete divise en deux; le mot
dans un texte de saint Luc, vn, 44, ou elle vient dans m>ns, 'Afyirdm, des Nombres, serait la veritable lecon
une sorte de proverbe : « Chaque arbre se reconnait a et les deux noms >ns. Shi de Genese, et UNI, R6'$,
son fruit, on ne cueille pas de figues sur les epines, on seraient le dedoublement de 'Ahirdni, avec la trans-
ne recolte pas de raisins sur la ronce. » — C'est a tort formation du mem final en schin, a cause de la res-
que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par semblance de ces deux lettres dans 1'ancienne ecriture
Batoc (rubus) le mot hebreu senrli qui designe le hebrai'que. Voir ALPHABET, t. I, col. 407. 'tihiram pa-
buisson enflamme de 1'Horeb du milieu duquel Dieu se rait etre devenu aussi 'Ahirah. I Par., vm, 1. Voir
manifesta a Moiise. Exod., iu, 2-4; Deut., xxxm, 16; t. i, col. 290.
Act., vn, 30-35. Voir 1.i, col. 1967.Cepassage de 1'Exode
est cite par saint Luc, xx; 37 et saint Marc, xil,26, sous ROSCH (hebreu : TITSO, Ro's; Septante, Symmaque-,
untitre ou expression recue chez les rab'bins pour indi- Theodotion : 'Pwc), contree nommee dans Ezechiel,
quer cet endroit de la Bible: £m cou pitou, super rulum. xxxviu, 2, 3; xxxix. — 1. La Vulgate a pris Ro's pour
un nom commun; elle a traduit Gog, [princeps] capitis
RONDET Laurent-Etienne, fe'cond ecrivain francais, [Mosoch et Thubal]; mais Mosoch et Thubal etant des
ne a YaY\s \e % «\a\ Yl\l, vaovl daws cette ville le noms propres, il est plus naturel de voir aussi dans
er
l avril 1785. Son pere etait imprimeur a Paris. Rondet Ro's un nom propre, comme Font fait les Septante et
fut tres attache au jansenisme. II est surtout connu comme le font aujourd'hui la plupart des interpretes,
par son edition de la Sainte Bible, en latin et en fran- 11 faut done traduire « Gog » (t. in, col. 265), prince
cais, avec des notes, des prefaces et des dissertations, de Rosch, de Mosoch (t. iv, col. 1319) et- de Thubal.
14 in-4°, Paris, 1748-1750; 2e edit., 17 in-4", Avignon, Saint Jerome dit, In Ezech., xxxvm, 2, t. xxv,
1767-1774. Cette Bible est connue sous le nom de Bible col. 357 : Primam gentem Ros, Aquila interpretatur
de 1'abbe de Vence, quoique ce dernier n'y ait eu au- « caput y>, quern et nos secuti sumus, ut sit sensus r
cune part et que Rondet lui ait emprunte seulement Principem capitis Mosoch et Thubal. Et revera, nee
quelques dissertations. La plus grande partie des pre- in Genesi, nee in alio Scriptures loco, nee in Josepho
laces et das dissertations sont prises dans dom Gal- quideni, hanc gentem potuimus invenire. Ex quo ma-
met, avec des corrections et des additions. La traduc- nifestum est « Ros » non gentem significar.e, sed « ca-
tion avec paraphrase n'est guere que la reproduction put i>. L'argument n'est pas concluant: Ezechiel a dans
de celle de Carrieres. La Bible de Vence a ete plusieurs ses propheties plusieurs noms geographiques incontes-
fois reimprimee, en particulier a Paris en 1828, 25 tablesqui ne se lisentdansaucun autre livrede la Bible>
in-8° avec atlas in-4°. Parmi les autres publications de 2° L'identification de Rosch est fort controversee..
Rondet, on peut citer Isaie venge', in-12, Paris, 1762 Bochart, Phaleg., HI, 13, Opera, Leyde, 1692, col. 186T
(critique de la Traduction d'Jsaie de Deschamps); 188, voit dans Rosch et Mosoch les ancetres des Russes
Figures de la Bible en 450 tableaux, avec des expli- et des Moscovites. A Rhos et Mesech, dit-il, col. 186, id
cations, in-4°, Paris, 1767; Hisloire de I'Ancien et du est, Rhossis et Moschis, descendisse « Russos » et « Mos-
Nouveau Testament, avec figures, in-8°, Paris, 1771; covitas-i>.Rhosappellari Tauricam Chersonesum.Celte
Diclionnaire historique et critique de la Bible, in-4°, opinion, adoptee par Gesenius, Thesaurus, p. 1253T
Paris, 1776-1784; cet ouvrage, qui devait servir de qui 1'appuie sur les dires des ecrivains byzantins du
supplement a la Bible de Vence, est reste inacheve et xe siecle, a compte un certain nombre de partisans^
s'arrele a la lettre E; Dissertation sur I''Apocalypse, mais elle est sujette a bien des difficultes. Le nom des-
in-4°, et in-12, Paris, 1776; Dissertation sur la version Russes n'a pris naissance qu'au ixe siecle (A. Ram-
des Septante, in-4° et in-12, Paris, 1783; etc.; Verba baud, Histoirede la Russie, p. 37-42), et le rapproche-
Christi, en grec et en latin, in-4°, Paris, 1784; la se- ment si tardif etabli par les auteurs byzantins entre
conde edition de la Sainte Bible de 1'abbe Legros, tra- les Russes et le Rosch d'Ezechiel (cf. Socrate, H. E.r
duite sur les textes originaux, avec un Discours sur vn, 43, t. LXVII, col. 833), est loin d'etre justifie. — Les
les prophetes et des notes (edition modifiee sans en pre- textes cuneiformes du vme et du vu e -siecle avant notre
venir), 5 in-12, Paris, 1756; une edition du Nouveau ere fournissent une explication plus naturelle et plus
Testament traduit par Mesenguy; deux editions de la vraisemblable. Us mentionnent un pays de Rasu ou
Bible de Sacy, in-f», Paris, 1759, 1776; etc. Rasi, dont le nom correspond bien au Rosch d'Ezechiel;
il touchait a Elam et etait situe a Pouest de ce dernier
ROS (hebreu : Ro's, «. tete, chef »; Septante: Twc), pays. G. Smith, History of Assurbanipal, p. 218; Eb.
le septieme fils de Benjamin. Gen., XLVI, 21. Ce nom Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung-,
ne se lit point dans la genealogie de Benjamin repro- p. 110, 112; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiesr
duite dans I Par., vn, 6 (abregee), ni vm, 2. Cette der- p. 322; Id., dans Calwer Bibellexicon, 1885, p. 774; Fr.
niere, quoique plus detaillee que vii, 6, contient seu- Lenormant, Les origines de Vhistoire, t. n, p. 456.
lement cinq noms, au lieu des dix de la Genese. Dans
vm, 2, le cinquieme nom est Rapha (col. 974); c'est ROSE (grec : pdSov; Vulgate : rosa), la reine des
peut-etre une lecture differente de Ros. La liste des fils fleurs.
de Benjamin, Num., xxvi. 38-39, conienant le second I. DESCRIPTION. — Ce genre est le type de la famille
recensement des families Israelites fait dans le desert, des Rosacees, dialypetales caliciflores regulieres, dont
a la veille de 1'entree dans la Terre Promise, ne ren- une serie est constitute par le seul genre Rosa, tres
ferme aussi que cinq noms. Les cinq autres fils de nettement caracterise par son fruit, le Cynorrhodon
Benjamin enumeres dans la Genese efaient apparem- des anciens. C'est un receptacle creux, resserre a son
ment morts sans posterite ou Men leurs descendants orifice et charnu a la maturite, renfermant dans sa
s'etaient fondus avec d'autres families. Ros ne figure cavite plusieurs carpelles sees et entremeles de poils
pas non plus dans les Nombres. On a emis 1'hypothese, rigides. Les feuilles sont imparipennees, avec stipules
qui n'est pas sans quelque vraisemblance, que le nom soudees au petiole.
d'Ahiram mentionne le troisieme parmi les fils de Le Rosa phoenicia Boissier (fig. 253), qui habite la
Benjamin, Num., xxvi, 38, et qui est appele expres- region littorale, se reconnait a ses fleurs blanches, ses
sement pere de la famille des Ahiramites (ce qui est sepales caducs, ses longues tiges sarmenteuses, et sur-
un argument en faveur de la conservation exacte de tout a ses styles soudes en colonne saillante. Dans les
ROSE 1202
parties montueuses on trouve diverges formes com- dans toutes les regions ou elle a ete implantee. En
prises dans 1'ancien Rosacanina de Linne. Une des plus Egypte, la rose parait avoir ete specialement cultivde
remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253), dans le nome d'Arsinoe. Fr. Crepin, Sur les restes de-
sous-arbrisseau tout couvert d'aiguillons inegaux, les roses decouverts dans les tombeanx de la necropole-
uns setiformes, les autres recourbes a base dilatee. d'Arsinoe, dans le Bulletin de la Societe royale de
Les fleurs sont petites et roses, les fruits precoces botanique de Belgique, t. xxvni, 1888, 2° partie, p. 184.
couronnes par les sepales entiers et persistants. Enfin Dans la necropole greco-romaine de Hawara au Fayoum,
sur les escarpements rocheux du desert de Sinai" croit M. Flinders Petrie en a egalement trouve des restes.
le Rosa arabica Crepin, simple variete du vulgaire Hawara, Biahniu and Arsinoe, 1887, p. 48; V. Loret,
.Rosa rubiginosa qui differe du type par les soies du La Flore pharaonique, 2e edit., Paris, 1892, p. 82.
fruit, la plupart depourvues de glandes. F. HY. Rien ne s'oppose done a ce que lepoSov de la Sagesse,.
II. ExfiGESE. — Le nom de la rose ne se rencontre n, 8, ne soit la rose. L'usage auquel 1'auteur fait allu-
pas dans les textes hebreux de 1'Ancien Testament; il sion confirme cette attribution. II fait parler les
ne parait que dans les livres composes en grec, dans la impies qui dans leurs banquets veulent se donner-
Sagesse, IT, 8, et selon quelques auteurs dans 1'Eccle- toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis.
siastique. Cette fleur originaire de la region du Caucase « Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou*
ne parait avoir ete cultivee dans les jardins syriens qu'a petales de roses) avant qu'elles se fletrissent. » On sait
partir de 1'epoque des Seleucides. Ch. Joret, La rose que dans leurs f£tes les anciens Grecs ou Remains
dans I'anliquile et au moyen age, in-8°, Paris, 1892, aimaient a porter des couronnes de fleurs. Leurs belles
p. 124-125; Les plantes dans I'antiquite, l re partie, couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la
rose pour cet usage. Horace, Ode, I, XXXVT, 15; Pline r
H.N., xxi, 8; Ovide, Fast., v, 335; Martial, v, 65. Dans
les banquets,on portait ces couronnes sur la tete, et
autour du cou. Ciceron, In Verr., n,5, 11; Lucrece, v r
1397; Athenee, Deipn., xv, 674; Garcke, De Horat.,
corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860. — II est
257. — Roseaux sur les bords d'un marais. 258. - Panicule du roseau.
D'apres Layard, Monuments of Nineveh, 2" serie, pi. 27. D'apres F. Woenig, Die Pflanzen im alien Aegypten,
1886, p. 131.
flamme court avec rapidite et jette un eclat splendide, xxxviii, 19, etc. — Voir Pline, H. N., xvi, 66; 0. Cel-
auquel 1'auteur de la Sagesse, in, 7, compare la recom- sius, Hierobolanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. u,
pense des jusies. Le roseau qui plie a tous les p. 312-325; Gr. Wcenig. Die Pflanzen im alien Aegyp-
vents est le symbole de la faiblesse de caractere qui ten, in-12, Leipzig, 1886, p. 131.
cede a toutes les impulsions. Ce n'est pas ainsi qu'etait E. LEVESQUE.
Jean-Baptiste. Matth., 11, 7; Luc. vn, 24. Latigedroite ROSEAU AROMATIQUE(hebreu : qeneh bosem,
du roseau, coupee a la mesure voulue, sert de baton, de « roseau odorant », Exod., xxx, 23; Septante : xaXayio-j
canne, appui souvent fragile. « L'Egypte a etc un appui e-jwooy;; Vulgate : calamus. II est encore appele en he-
de roseau pour la maison d'Israel », dit le prophete, breu : qdneh haltob, « le bon roseau », Jer., vi, 20; Sep-
Ezech., xxix, 6. « En qui as-tu place ta confiance pour tante : xtva[Aeu[xov; Vulgate : calamum suave olentem; et
te revoltercentre moi », dit aEzechias 1'officier envoye plus frequemment qaneh, « roseau », Cant., v, 14; Is.,
par le roi d'Assyrie? C'est dans 1'Egypfe que tu 1'as XLIII, 24; Ezech,, xxvn, 19; Septante : 7.i).a(j.o? Cant.,
mise, prenant pour soutien ce roseau casse qui pe- v, 14; 9-j!7c'a<7(ji.a, Is., XLIII, 24, et Tpox'ac> Ezech., xxvn,
netre et perce la main de quiconque s'appuie dessus. » 19; Vulgate : fistula, Cant., iv, 14; calamus, Is., XLIII,
IV Reg., xvin, 21; Is., xxxvi, 6. — Voulant peindre la 24;Ezech., xxvn, 19), plante aromatique.
douceur du serviteur de Jehovah, le Messie, Isai'e, 1. DESCRIPTION. — Sous ce nom les anciensdesignaient
xi.ii, 3, se sert de cette image proverbiale : « II ne bri- une aroiidee qui habite le bord des eaux dans toute la
sera pas le roseau fendu ». S. Matthieu, xn, 20, ap- region froide ou temperee del'Ancien Monde. L'Aconts
plique a Jesus-Christ ce passage du prophete. calamus (fig. 259) de Linne est une herbe ayant le
Le roseau, formant une tige droite, et atteignant port des iris, avec des feuilles ensiformes et engai-
trois metres et plus de hauteur, a servi de mesure de nantes a la base, qui occupent sur 2 rangs toute la face
longueur : qeneh ham-midddh, « canne a mesurer, » dorsale d'un rhizome rampant a fleur du sol. La gaine
c'est le mon donne par Ezechiel, XL, 5. Elle sert a eva- est longuement depassee par un limbe lineaire, a cote
1207 ROSEAU A R O M A T I Q U E — ROSEE
proemiiiente, et legerement crispe aux bords pres du tienne : autrement dit seb nedjem, roseau aromatique.
sommet. Le pedoncule floral, presque semblable, mais V. Loret, Varia, dans Recueil de travausc relalifs a la
plus franchement triquetre, se termine par une spathe philologie et Vareheol. egypt., Paris, 1870,1.1, p. 190;
foliacee a la base de laquelle est insere lateralementun t. iv, p. 156. Les auteurs grecs rangent I'Acorus cala-
spadice epais, obtus, cylindrace, tout recouvert de mus, sous le nom de xa^aji-o?, au nombre des ingredients
petites fleurs sessiles et sans eclat. Leur perianthe du kyphi. \JAcorus aromaticus ne poussait pas en
rudimentaire a neanmoins 6 pieces bien constitutes, Egypte, mais il y etait apporte par les marcbands ph6-
tronquees au sommet et formant voute pour 1'ovaire niciens qui le recevaient de 1'Asie orientale. C'est pour
central entoure de 6 etamines, et qui devient a maturite cela qu'il etait connu en Egypte sous le nom de roseau
un fruit bacciforme en pyramide renversee. F. HY. de Phenicie. V. Loret, La flore pharaonique, 2« edit.,
II. EXEGESE. — Des exegetes ont identifie le qdneh Paris, 1892, p. 31; Le kyphi, parfum sacre des anciens
odorant avec 1'Andropogon schcenanthus ou jonc odo- Egyptiens, dans le Journal asialique, Paris, juillot-
rant. Voir t. HI, col. 1630. D'apres les textes bibliques le aout 1887. Cf. 0. Celsius, Hierobotanicon, t. n, p. 326.
qdneh odorant est une plante aromatique, mise en E. LEVESQUE.
parallele avec 1'encens de Saba et venant aussi des terres ROSEAUX (VALLEE DES), valleo ou torrent de
lointaines, c'est-a-dire de 1'Arabie ou des regions voi- Cana, dont le nom a ete ainsi traduit dans la Vulgate
(Vallis arundineti). Voir CANA 1, t. n, col. 104.
qu'on explique-par 1'expression proprement dite egyp- de la rosee qui descend du ciel. » Gen., xxvn, 28, 39..
1209 ROSEE — R O S E N M U L L E R 1210
Moi'se predit a la tribu de Joseph « le precieux don du accourront pour se mettre a la suite du Messie. Aquila,
ciel, la rosee. » Deut., xxxni, 13. Apres le retour des Symmaque et saint Jerome traduisent conformement a
Juifs exiles en Palestine,«\a terre donnera sesproduits, ce sens. Les Septante etla Vulgate ont lu un texte diffe-
les cieux donneront leur rosee, » Zach, vm, 12; les rent : « De mon sein avant 1'aurore, je t'ai engendre. »
deux bienfaits sont solidaires. La rosee rafraichit les Ces versions n'ont pas rendu les mots lekdtal, « a toi
ardeurs du vent d'Orient, qui est sec et brulant, Eccli., la rosee », egalement ignores de Theodotion, et au lieu
XYIII, 16; apresla chaleur, elle ramene la fraicheur et de-]n-^>,yalduleka, « ta jeunesse », elles ont lu-j>mb»,
la joie. Eccli., XLIII, 24. Un vent de rosee rafraichissail yelidtika, « je t'ai engendre », comme Ps. n, 7. — La
les jeunes Hebreux au milieu de la fournaise. Dan., HI, rosee couvre la terre doucement et sans qu'on s'en
50. Aussi Finvitent-ils a benir Dieu, en 1'associant tan- apercoive. Chusaii conseille a Absalom de s'entcurer
tot a la pluie et tantot au givre. Dan., in, 64, 68. — La d'une multitude et, avec elle, de tomber sur David et
privation de rosee devenait une .calamite et une male- ses partisans « comme la rosee tombe sur la terre, » de
diction. David souhaite que les monts de Gelboe, qui maniere a les atteindre lous sans qu'aucun n'echappe.
ont vu perir Saul et Jonathas, ne recoivent desormais II Reg., xvn, 12. — La rosee s'evapore rapidement aux
ni rosee ni pluie. II Reg., i, 21. Au roi Achab, Elie premiers rayons du soleil. La piete des Israelites
annonce qu'il n'y aura ni rosee ni pluie durant plu- ressemble a la rosee, elle ne dure guere, Ose., vi, 4;
sieurs annees. Ill Reg., xvn, 1. La famine en resulla. Ephraim passera lui-meme comme se dissipe la rosee
Aggee, i, 10, dit aux Juifs que les cieux retiennent leur du matin. Ose., xin, 3. La petite gouttelette de rosee
rosee parce qu'on ne s'occupe pas de rebatir la maison n'est rien; le monde est devant Dieu « comme la goutte
du Seigneur. — Celui qui passe la nuit dehors-est de rosee matinale qui tombe sur la terre. » Sap., xi,
ensuite tout couvert de rosee. Cant., v, 2. Ce fut ce qui 23. H. LESETRE.
arriva a Nabuchodonosor pendant sa folie. Dan., iv, 12,
20, 22, 30. — Avant d'accepter la mission que Dieuveut 1. ROSENMULLER Ernst Friedrich Karl, fils de
lui confier, Gedeon demande un double signe au- Jean-Georges Rosenmuller, orientaliste 'et theologien
quel devait servir le phenomene de la rosee. II prend protestantallemand, nele lOdecembre 1768 a Hessberg,
une toison de laine, gizzat Jias-semer, « une tonte de pres d'Hildburghausen, ou son pere etait alors pasleur,
laine », par consequent la laine de la toison sans la mort a Leipzig, le 17 septembre 1835. II fit ses etudes
peau, comme traduisent avecraison les Septante : TIOXOV d'abord dans sa famille, pais au college de Giessen, et
Toy ept'ou, et il la met sur 1'aire exposee a tous les vents. enfin, a partir de 1785, a Leipzig, ou il fut recu doc-
II desire, une premiere fois, que la toison soit impre- teur en philosophic en 1788. A cette meme universite,
gnee de rosee et que la terre reste seche, une seconde il fut nomme professeur extraordinaire d'arabe en
fois que la rosee humecte la terre mais ne tombe pas 1796, professeur ordinaire de langues orientales en
sur la toison. Dieu condescendit au double desir de 1813, et prit le grade de docteur en theologie en 1817.
Gedeon. La terre qui devait rester seche ou humide Aussi actif que savant, il a publie, soit seul, soit en
n'etait pas seulement celle qui recouvrait la toison, collaboration avec d'autres, une grande quantite d'ou-
nirns kol-hcCdres, « toute la terre » de 1'aire. Jud., vi, vrages se rapportant aux etudes bibliques, ecrits origi-
36-40. naux, editions annotces, traductions, revues; parmi ces
2° Comparaisons. — La rosee est 1'image de la pros- ouvrages nous devons citer : Scholia in Vetus Testa-
perite, a cause de la fecondite qu'elle assure a la terre. 'nientitni, grand ouvrage qui parutpar parties a Leipzig,
Job, xxix, 19, pour marquer le bonheur qu'il imagi- depuis 1788 jusqu'a 1832 (la Genese et VExode en 1788;
nait, dit que la rosee passait la nuit dans son feuillage. 3e edit, en 1821; le Levitique, les Nombres et le Deu-
Osee, xiv, 6, assure que Dieu sera la rosee pour Israel. teronome en 1790; 3e edit, en 1824; Isa'ie en 1791-
Isaiej XLV, 8, appelle le liberateur en ces termes : 93; 3e edit, en 1829-33; les Psaumes en 1798-1804;
2" edit. 1821-1822; Job en 1806; 26 edit, en 1824; ainsi
Cieux, repandez d'en haut votre rosee qu'Ezechiel; 2e edit, en 1826; les Petits prophetes
Et que lesnuees fassent pleuvoir la justice. en 1815; 2e edit, en 1827-28; Jeremie en 1826-27; les
Jacob, disperse parmi les nations, sera comme la rosee Livres'de Salomon en 1829-30, Daniel en 1832; Josue
venant de Jehovah, Mich., v, 7, c'est-a-dire comme en 1833; les Juges, Rulh en 1835). A la mort de
une source de graces pour elles. La faveur du roi est 1'auteur, 1'ouvrage etait done encore incomplet. Un
comme la rosee sur 1'herbe, Prov., xix, 12, elle entre- abrege eh avait ete publie sous le titre de Scholia in
tient la vie. Moi'se dit, au debut de son cantique : « Que Veins Testamentum in compendium redacta, 5 in-8°,
ma parole tombe comme la rosee » douce et fecondante. 1828-1832. On a aussi de lui: Handbuch fur die Lilera-
Deut., xxxii, 2. Ponr laisser grandirles ennemis deson tur der biblischen Kritik und Exegese, 4 in-8°, Goat-
peuple, Dieu se tient en repos. tingue, 1797-1800; Das alle und neue Morgenland
oder Erlauterungen der heiligen Schrift cms der na-
Comme une chaleur sereine par un brillant soleil, turlichen Beschaftenheit, den Sagen, Sitten und Ge-
Comme un nuage de rosee dans la chaleur de la moisson. brduchen des Morgenlandes, 6 in-8°, Leipzig, 1818-
1820; Biblisch-exeget. Repertorium, 2 in-8°, Leipzig,
Puis, quand la moisson est sur le point de murir, il 1822-1824; Handbuch der biblischen Alterthumskunde,
coupe soudain tout ce qui a pousse, c'est-a-dire qu'il 3 in-8°, Leipzig, 1823-1831; Commentatio de Penta-
detruit les ennemis au moment ou ils se croient surs teuchi versione persica, in-4°, Leipzig, 1813.
du triomphe. Is., xvrif, 4. — La ros^e figure aussi le A. REGNIER.
reveil et la vie; la rosee du Seigneur est une « rosee
de 1'aurore », elle fait revivre les trepasses, elle res- 2. ROSENMULLER Johann Georg, theologien pro-
suscite le peuple desjustes. Is., xxvi, 19. Jehovah dit testant allemand, ne le 18 decembre 1736 a Ummers-
au Messie : tadt, dans la principaute de Hildburghausen, mort le
14 mars 1815. II fit ses etudes a la Lorenzschule de
Du sein de 1'aurore, a toi
La rosee de ta jeunesse, Nuremberg, puis a Altdorf ou il resta jusqu'en 1760,
En 1768, il fut nomme ministre a Hessberg, puis, en
c'est-a-dire, dans le sens concret, tes enfants, tes sujets 1772, a Kcenigsberg en Franconie; en 1773, professeur
gardant une eternelle jeunesse, viennent a toi aussi de theologie et pasteur a Erlangen. De 1783 a 1785, il
nombreux que les gouttes de rosee qui decoulent du fut successivement professeur et surintendant a Gies-
sein de 1'aurore. Ps. ex (cix), 3. C'est 1'annonce de sen, puis professeur a 1'universite de Leipzig et pasteur
1'empressement avec lequel une multitude d'ames a 1'eglise Saint-Thomas de la meme ville, II avait
1211 R O S E N M U L L E R — ROUE 1212
acquis une certaine renommee comme predicateur, et 2. ROSSI (Giovanni Bernardo De), orienfaliste ita-
il a laisse de nombreux ouvrages, parmi lesquels : lien, ne le 25 octobre 1742 a Castelnuovo, petit village
Scholia in Novum Testamentum, 6 in-8°, Nuremberg, du Piemont, mort a Parme en mars 1831. II fut recu
1777-1782. Quatre autres editions parurent de son docteur en theologie a Turin en 1762 et recut le sacer-
vivant, dont la derniere fut terminee en 1808. De la doce la meme annee. II se livra alors avec passion a
sixieme edition il ne put publier que le premier vo- 1'etude de 1'hebreu et des langues orientales et euro-
lume, en 1815 ; les autres ne virent le jour qu'apres sa peennes. II obtint en 1769 un emploi a la Bibliotheque
mort, de 1827 a 1831. Un supplement a cet ouvrage de Turin et devint peu apres professeur de langues
avait paru sous le titre de : Emendationes et supple- orientales a Parme ou il enseigna jusqu'en 1821. II em-
menta, 5 in-8°, 1789-90. On a aussi de lui : De falls ploya exclusivement les dernieres annees de sa vie a
interpretationis sacrarum litterarum in Ecclesia la composition et a la publication d'ceuvres philolo-
Christiana, 1789 et suivantes, constituant divers articles giques et bibliographiques, mais il efait deja depuis
recueillis et completes plus tard sous ce titre : Historia longlemps celebre par la publication de travaux remar-
interpretationis librorum sacrorum in Ecclesia chri- quables. En 1776 avait paru a Oxford le premier volume
stiana, inde ab apostolorum estate ad Origenem, 5 par- des variantes de 1'Ancien Testament hebreu de Kennicott,
ties, Leipzig, 1795-1815. A. REGNIER. Vetus Testamentum hebraicum cum variis Icctionibus.
Voir t. in, col. 1888. J.-B. De Rossi ne fut point satisfait
ROSSANENSIS CODEX, evangeliaire grec, de cette publication, a cause de sa critique defectueuse et
decouvert en 1879 par Oscar von Gebhardt et Adolf de ses lacunes, et comme il possedait d'anciens manus-
Harnack, a Rossano, siege archiepiscopal de la Calabre. crits hebreux inconnus au savant anglais, il resolut de
11 est designs sous le nom de Codex S. II est la pro- faire une osuvre plus exacte et plus complete. Ce fut
priete du chapitre de la cathedrale de Rossano. II est 1'origine de ses Varies lectiones Veteris Testament^
ecrit en lettres d'argent sur parchemin pourpre en ex immensa manuscriptorum editorumque codicum
belles onciales, sans accents et sans separation de mots, congerie haustsz et ad Samaritanum lextum, ad ve-
avec de belles miniatures en couleurs. Plus de la moi- tustissinms versiones, ad accuratiores sacrse criticss
tie du manuscrit original semble perdu. II reste fontes ac leges examinatse, 4 in-4°, Parme, 1784-1788;
188 feuilles a deux colonnes, de vingt lignes cliacune, Scholia critica in Veteris Testamenti Libros seu
contenant saint Matthieu en entier et saint Marc jus- Supplemenla ad variantes sacri textus Lectiones,
qu'au milieu du p. 14 du dernier chapitre. Le texte Parme, 1798. Pour ce travail colossal, il avait rassemble
suit de pres A, A, II, au lieu des manuscrits plus an- 710 manuscrits hebreux avec 336 editions anciennes de
ciens B et x, mais quand Fun des trois premiers ma- la Bible. A 1'exemple de Kennicott,il avait collationne
nuscrits, par exemple A, s'accorde avec B et s, S le avec 1'edition de la Bible de van der Hooght 691 manus-
suit ordinairement. II est generalement d'accord avec crils et 333 editions imprimees et, continuant infatiga-
le Codex purpureus N, du vie siecle, dont les fragments blement son oeuvre, il avait depouille un total de
sont disperses a Saint-Petersbourg, Paris, Rome, Pat- 1793 exemplaires d:es textes hebreux, sans compter de
mos, Londres et Vienne. Les editeurs, Gebhardt et nombreuses traduetions anciennes et commentaires.
Harnack, le rapportent au vie siecle. Evangeliorum Le resultatde cet immense labeur ne donna pas un tres
Codex Grxcus Purpureus Rossanensis, litleris argen- grand nombrede variantes, mais il n'enfut que plus im-
teis sexto ut videtur sseculo scriptus piclurisque or- portant et il permit de constater que tous. les manuscrits
natus, Leipzig, 1880. Les miniatures sont remarquables etudies provenaient .d'une meme recension. De Rossi
par le dessin et par le coloris et d'autant plus impor- enrichit sa collection d'annee en annee, et, afln qu'elle
tantes que, si les manuscrils latins a miniatures sont ne fut point dispersee et put etre mise au service des sa-
relativement nombreux, les manuscrits grecs ainsi vants, il la vendit en 1816 a 1'archiduchesse Marie-Louise
ornes, anterieurs au vne siecle, sont tres rares. A.Hasse- pour la somme de 100000 francs. Elle est conservee a la
loff, Die Miniaturen des Codex purpureus Rossanen- Bibliolheque de Parme. — On a aussi du meme auteur :
sis, in-4°, Berlin, 1898. De prsecipuis caussis et momentis neglectse. a nonnullis
hebraicarum litterarum discipline disquisitio elen-
chtica, Turin, 1769; Delia lingua propria di Cristo e
1. ROSSI (Azariah de) Ben-Moses, savant juif de la degli Ebrei della Palestina da' tempi de' Maccabei,
celebre famille appelee en hebreu Min ha-Adummini, in-4°, Parme, 1772; Delia vana aspettazione degli
ne a Mantoue, en 1513, mort dans cette ville en novembre Ebrei del loro re Messia dal compimento di tutte le
1577. II etudia a Mantoue, Ferrare, Ancone, Bologne, et epoche, in-4°, Parme, 1773; De hebraicss typographies
se voua a 1'etude de la langue hebrai'que et des Saintes origine ac primitiis, Parme, 1776; Specimen ineditee
Ecritures. II est 1'auteur d'un ouvrage de grande repu- Ribliorum versionis syro-estranghelse, in-4°, Parme,.
tation parmi les Israelites, a>3>7 IINO, Me' or "enaylm, 1778; in-8°, Leipzig, 1778; Annales hebraico-lypogra-
« La lumiere des yeux », Mantoue, 1574-1575. II se phici sstculi xv'1, in-4°, Parme, 1795; Bibliotheca ju-
divise en trois parties, dont les deux premieres ont ete daica antichristiana, in-8°, Parme, 1800; Dizionario
reimprimees a Vienne en 1829. Dans la premiere par- storico degli autori Ebrei e delle loro opere, 2 in-8°,
tie, il s'occupe surtout du tremblement de terre du Parme, 1802: Manuscripti codices hebraici bibliothecss
18 novembre 1570 a Ferrare, dont il avail ete temoin, J. B. De Rossi accurate descripti et illustrati. Accedit
et de ce que disent 1'Ecriture, les rabbins, etc., sur ces Appendix qua continentur manuscripts codices reli-
commotions de la nature. La seconde a pour su jet prin- qui aliarum linguarum, 3 in-8°, Parme, 1803; Intro-
cipal la version des Septante ; la troisieme traite entre duzione alia Sacra Scrittura, Parme, 1817; Sinopsi
autres des sectes juives, en particulier des Esseniens, della ermeneutica sacra, Parme, 1819. — Voir Memo-
des versions arameennes, des juifs d'Alexandrie et rie storiche sugli studj e sulle produzioni del D. G.
de Gyrene, des dix tribus, de 1'exegese midraschique B. De Rossi da lui distese, Parme, 1809.
el hagadique, de la chronologic juive, de 1'antiqujte
des lettres et des points -voyelles, de la poesie he- ROUE (hebreu : 'oben, 'ofan, galgal, gilgdl; Sep-
braique, etc. De nombreux fragments de cette ceuvre tante : Tpo-/pi;» a5wvc, « essieu de roue »; Vulgate : rota),
bigarree et assez souvent incorrecte ont ete traduits en appareil circulaire pouvant tourner autour d'un axe
latin par divers ecrivains. Voir la biographic d'A. de (tig. 260). II est question, dans la Sainte Ecriture, de
Rossi par M. Zunz, dans Kerem Hemed, Prague, 1841- differentes especes de roues.
1842, v, p. 131-138, 159-162; vn, p. 119-124. 1° La roue des chars, montee verticalement sur un
1213 ROUE — R O U G E ( G O U L E U R ) 1214
essieu horizontal, s'appuie sur le sol, porte le poids du d'ordinaire est en pierre. Get instrument ne se trouver
vehicule et tourne en avancant ou en reculant, selon pas dans nos pays (la Mauritanie), mais chez les potiers'^
le mouvement imprime a ce dernier. Pendant qu'ils orientaux. Je 1'ai vu cependant dans ce pays m6me
poursuivaient les Hebreux a travers la mer Rouge, les chez un des potiers orientaux qui y resident. » Dans Ge-
Egyptiens virent les roues .de leurs chars tomber de senius, Thesaurus, p. 16. Voir POTIER, col. 578. Le
leurs essieux, sous Feffort d'une traction trop rude au potier fait tourner cette roue avec les pieds, Eccli.,
milieu du sable-et des pierres. Exod.,xrv, 25. Les roues XXXVIH, 32, pendant que ses mains faconnent I'argile.
des chars de guerre faisaient grand bruit; Isaie, v, 28, 4° La poulie de la citerne ou de la fontaineest appelee
les compare a 1'ouragan. Les roues des chars egyptiens galgal dans ce passage de 1'Ecclesiaste, xii, 6 :
firent trembler les Philistins, Jer., XLVII, 3, celles des
chars chaldeens epouvanterent les Israelites, Ezech., Avant que la cruche se brise a la fontaine,
Que la poulie se casse a la citerne.
xxni, 24, celles des chars de Babylone ebranlerent les
murs de Tyr, Ezech., xxvi, 10, et Ninive fut terrifiee Ces deux accidents, qui empechent de puiser 1'eau,
par le meme fracas. Nah., HI, 2. Sur la forme de ces figurent la fin de la vie. La poulie est une roue ou un
roues, voir CHAR, t. n, col. 565-578. — Les chariots rouleau, tournant autour d'un axe horizontal et facili-
d'airain qui transportaient 1'eau dans le sanctuaire tant le va-et-vient de la corde qui soutient la cruche.
avaient des roues comme celles d'un char. Ill Reg., vn, 5° La roue figure souvent dans les visions propheti-
30-33. Voir MER D'AIRAIN, t. iv, col. 985, 986. — Pour ques. Ezechiel, i, 15-21, voit avec les quatre cherubins
marquer la mobilite d'esprit et 1'instabilite des idees de des roues qui ressemblent a la pierre de Tharsis, c'est-
1'insense, 1'Ecclesiastique, xxxm, 5, dit de lui : a-dire a la chrysolithe. Voir CHRYSOLITHE, t. n col. 740..
L'interieur de 1'insense est comme une roue de chariot, Chacune d'elles est comme traversee par une autre
Et sa pensee comme un essieu qui tourne. roue; elles avancent sur leurs quatre cotes sans se re-
2° Isai'e, xxvm, 27, 28, parle d'une roue de chariot
qui servait a fouler Ve fromenl, mais qxx'oii TV'em-
ployait pas pour de menues graines comme le cumin. 261 Roue assyrienne. D'apres Meyer, Sumerier und Semiten
Saint Jerome, In Is., ix, 28, t. xxiv, col. 326, dit qu'en in Babylonien, dans les Abhandlungen der k. pr. Akademie
Palestine on foulait le ble avec des roues de fer; ces der Wissenschaften-zu Berlin, Ph. hist. K. Abh. Ill, pi. vin.
roues, pourvues d'especes de dents, etaient promenees
circulairement sur les gerbes, faisaient sortir les grains tourner, et peuvent s'elever de terre comme les cheru-
de 1'epi et broyaient la paille. Ces roues n'ont pas bins. Leurs jantes sont d'enorme hauteur et remplies
cesse d'etre en usage. Cf. Rosenmiiller, Jesaiae vaticin., d'yeux, c'est-a-dire de facettes brillantes. Elles font
Leipzig, 1793, t. n, p. 632. Ce sont plutot des rouleaux grand bruit en se mouvant. Ezech., in, 13; x, 2, 6, 19;
qui, montes sur une espece de chassis, etaient traines xi, 22. On ne saurait dire si ces roues avaient des for-
par des bceufs. On en peut voir la forme et la manceu- mes purement ideales ou si elles presenlaient quelque
vre t. I, fig. 73, 74, 75, col. 325-327. II est dit qu'un roi analogic avec des objets assyriens, comme on 1'a re-
sage fait passer la roue sur les mechants, c'est-a-dire connu pour les cherubins. Voir (fig. 2) un fragment d'un
qu'il les tient sous sa puissance, les chatie et les em- char divin en calcaire. — Daniel, vn, 9, decrivant le
peche de se relever pour mal faire. Prov., xx, 26. La trone de Dieu, dit : « Son trone etait de flammes de
roue a laquelle il est fait allusion ici, bien qu'appelee feu, les roues un feu ardent. » On a retrouve1 un siege
'ofdn, comme la roue des chars, ne differe pas du rou- royal babylonien, monte sur roues, qui a pu servir de
leau qu'Isaiie appelle aussi bien 'ofdn qu^^ilgdl. type a celui que decrit le prophete. Cf. de Longperier,
3° La roue du potier est une piece/cylindrique qui Notice des antiquites assyriennes, p. 37; Vigouroux,,
tourne horizontalement sur un axe vertical et entraine, La Bible et les decouvertes modernes, 6e edit., t. iv,
dans son mouvement giratoire, la masse d'argile a p. 221-223, 399.
mouler. Jeremie, xvm, 3, lui donne le nom de 'o&- 6° Saint Jacques, in, 6, appelle « roue » le cours de
naim, « deux pierres »,Xc'9os, rota. Abulwalid explique la vie; celle-ci va en effet comme une roue qui tourne
ainsi la signification de ce nom : « L'instrument sur sans cesse. — Le mot galgal signifie a la fois « roue »
lequel le potier tourne ses vases d'argile est double. II et « tourbillon ». Les versions ont pris deux fois le pre-
se compose de deux roues de bois, semblables a des mier sens la ou convenait le second. Ps. LXXVII (LXXVI),
meules a main; celle de dessous est plus grande et celle 19; LXXXIH (LXXXII), 14. H. LESETRE.
de dessus plus petite. L'instrument, bien qu'il ne soit
pas de pierre, s'appelle 'obnaim, « paire de pierres », ROUGE (COULEUR). Voir COULEURS, i, 3°, t. inr
a cause de sa ressemblance avec la meule a main qui col. 1066.
1215 ROUGE ( M E R ) 1216
ROUGE (MER) (hebreu : ydm-suf, « mer des Ro- dans les ecrits grecs de 1'Ancien et du Nouveau Testa-
seaux », Exod., x, 19; xm, 18; xv, 4, 22, etc.; parfois ment, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7; I Mach., iv, 9;
simplement hay-yam, « la mer », Exod.,xiv, 2, 9, 16, Act,, vii, 36; Heb., xi, 29. C'est celui qui est usite
21, 28, etc.; une fois suf, Deut., i, 1; Septante : chez les historiens et geographes grecs, Herodote,
•r\ epu6pa OaXaacra, Exod., X, 19; xm, 18, etc.; BaXa'crcra, Strabon, etc.; les La tins ont de meme Mare Erythrseum,
Exod., xiv, 2, 9, 16, etc.; -^ e<7x<*Ty! OaXa<rffY), III Reg., Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien
JX, 26; OaXaacrv} HE 19, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus); plus grande extension, en 1'appliquant a 1'ocean Indien
les ecrits grecs de 1'Ancien et du Nouveau Testament lui-meme et au golfe Persique; ils reservent a la mer
•ont epufipa 8a/a<T(jv5, Judith, v, 14; Sap., x, 18; xix, 7; Rouge proprement dite et a son bras oriental les
€ Mach., iv, 9; Act., vn, 36; Heb., xi, 29), grand golfe appellations speciales de golfe Arabique et golfe Ela-
•de 1'extremite nord-ouest de 1'ocean Indien, entre nitique, comme nous le verrons tout a 1'heure. Pour le
i'Asie sud-oecidentale a Test et 1'Afrique nord-orientale moment, demandons-nous d'ou est venu ce nom de
a 1'ouest. Celebre par le passage miraculeux des Israe- « mer Rouge ». II n'est pas facile de le savoir. II va
lites a travers ses eaux, elle est connue dans la Bible sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschrei-
surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe bung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, qu«
<le Suez et le golfe d'Akabah. 1'eau de cette mer n'est pas plus rouge que celle de la
. I. NOMS. —1° Le vrai nom de la mer Rouge en hebreu mer Noire n'est noire, que celle de la mer Blanche des
<est yam suf. Mais le mot suf n'a pas un sens tres Turcs (Archipel) n'est blanche. C'est done a quelques
precis; tout en designant des plantes aquatiques, il circonstancesparticulieres qu'est due cette appellation.
peut s'appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues. Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes
Yoir ALGUES, t, i, col. 364. Nous croyons cependant flottantes sous-marines peuvent produire des reflets
que le sens qui prime estceluide « roseaux ».Of.Exod., donnant une teinte rougeatre a la surface. C'est ce qu'a
ii, 3, 5; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en egyptien. conslate en 1843, sur une longueur de 475 kilometres,
le D r Montagne, qui attribue cette couleur ecarlate
par §=> V x» jt*If> tufi, « papyrus*; rnais, d'apres principalement a des Erythronema ou algues de la
W. Max Miiller, Asien und Europa nach altdgyptis- tribu des Oscillatoriees. Cf. Montagne, dans le Bulletin
chen Denkmdlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se ren- de la Societe de geographic, Paris, 1844, p. 151; et
contre pas dans 1'ancien empire et parait un emprunt Memoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845.
fait aux Semites. II se reirouve encore dans le copte Quelques banes de sable et de corail ont aussi cette
sous la forme suooirq, « jonc, papyrus ». Cependant nuance. On fait appel egalement a la rougeur du ciel
la version copte, Exod.,x, 19; xm, 18, a traduit yam qui se reflete dans la mer, a la lumiere eblouissante des
suf par JOJUL iluj^pi, yam n-sari. Mais la signification monts et des rochers environnants. Une autre hypothese
•est la meme, car sari represente 1'ancien egyptien sar, ferait.de « rouge ^ le synonyme de « torride »; on
plante aquatique dontil est question dans une inscrip- salt, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette
tion du temple d'Edfou, et dont on machait les tiges mer. Beaucoup enfin croient que -l'etymologie vient
.comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen plutot du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une
vum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533; Ch. Joret, Les bonne partie de ses rives. C'est la signification d'Edom
plantes dans I'antiquite, l re partie, Paris, 1897, p. 174. en hebreu, de Himyar (derive de Ahmar) en arabe,
•On comprend d'ailleurs que le nom de «. mer des Ro- de Pount en egyptien. Ce dernier nom designait une
seaux « ait quelque chose de specifique, tandis que grande tribu chananeenne du golfe Persique, qui
•cehii.de « mer des Algues » ne convient pas d'une facon fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du
speciale a la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux golfe d'Aden, puis de la en Afrique;d'ou il fut applique
coexistent aujourd'hui qu'en quelques endroits des par les Egyptiens a 1'Arabie et au pays de Somal. Ces
bords de cette mer, notamment au sud du djebel Chananeens, essaimant sur la Mediterranee, devinrent
*Atdqa, a 1'embouchure de Youadi Jaudriq, et par les <E»oivtx£c des Grecs ou les Pheniciens, les Pceni ou
Croupes, mais en moins grande quantite, dans le golfe Puni de Carthage pour les Remains. On pourrait
Elanitique ou d'Akabah, on a voulu rapporter le nom trouyer un appui a cette hypothese dans le nom que
de suf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge les Egyptiens donnaient a la region deserte qui les
renferme, ainsi que la Mediterranee, et qui forment environnait, par opposition a leur propre pays, c'est-
comme des prairies sous-marines, visibles par un a-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam,
temps calme jusqu'a une grande profondeur, ou bien Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la
•encore aux banes de coraux reconverts d'algues qu'on couleur du sol, tandis qu'ils nommaient celle-la
apercoit pres des cotes. Mais ces raisons ne peuvent ta desert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la
infirmer celles que nous avons fait valoir; elles mer du pays rouge ». C'est peut-etre de la que les
prouvent simplement que 1'etat de la mer Rouge, sous Grecs et les Remains auraient tire le nom de « mer
•ce rapport, devait etre autre a 1'epoque des Hebreux. Erythree » ou « Rouge ».
II fallait, en effet, que 1'abondance des roseaux y fut 3° Nous avons dit que les historiens et geographes
remarquable pour qu'ils aient cherche dans ce fait une classiques appelaient la mer Rouge proprement dite
denomination caracteristique. Or, cette plante et ses « le golfe Arabique », 6 'ApaSto? ou 'Apagtxbg xdXTto?,
semblables croissent surtout au voisinage des eaux Arabicus sinus. Cf. Herodote, n, 11,159,etc.; Strabon,
donees. Comme celles-ci sont rares sur les bords des XVH, 798, 803; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras
deux golfes dont nous parlons, il est done probable qu'il occidental portait aussi le nom de« golfe Heroopolite»,
e
faut remonter a un etat ancien ou le golfe occidental IIpcoo7roXfr/)£ xoXTto; ou p.-j^oc, "Hpwoc xoXTtoi;, Theo-
s'avancait plus haut dans les terres, en s'unissant aux phraste, Hist. PL, iv, 8, denomination tiree d'une ville
lacs Amers. C'est dans cette region septentrionale que qui se trouvait pres du lac Timsah, 1'ancienne Pithom,
les Israelites connurent surtout la mer Rouge, et nous ce qui tend a prouver, nous le verrons, que la mer
verrons plus loin que cette hypothese du prolongement Rouge, dans les temps ancieus, remontait beaucoup
a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu'ils plus au nord que maintenant. Le bras oriental etait
-aient etc frappes pa.r les fourres de roseaux qui devaient appele « golfe Elanitique »,AtXavtTric, 'EXavt'tYj;, 'EXavt-
•occuper les bords plus ou moins marecageux de cette Tixb? xoXTtb? ou [A-JXOC, de la ville d'Elath, situee a 1'ex-
partie, ou venaient aboutir certains canaux du Nil. tremite du golfe. VoirELATH, t. n, col. 1643. On trouve
2° Les Septante traduisent regulierement par i\ spv0pa dans Pline les formes jEliniticus, Aleniticus et Lssni-
, « la mer Rouge ». C'est le nom qu'on trouve ticus sinus.
1217 ROUGE (MER) 1218
4° Les Egyptiens donnaient differents noms a la mer L'axe des profondeurs court au milieu de la mer sui-
Rouge : « la mer du pays de Punt », cf. H. Brugsch, vant ies sinuosites du littoral; 1'endroit le plus profond,
Geographische Inschriften altagyptischer Denkmaler, mesure jusqu'a present, se trouve a une distance pres-
Leipzig, 1858, t. n, p. 16; « la grande mer de 1'eau de que egale du Ras Mohammed et de la passe de Bab-el-
Qat » ou « de 1'eau du circuit », cf. P. Pierret, Dic- Mandeb ; la sonde y indique 2 271 metres. La profondeur
tionnaired'archeologieegyptienne, Paris, 1875, p. 487; moyenne est de 461™85. Mais on signale une grande
« la Verle », cf. W. Max Miiller, Asien und Europa, difference bathymetrique entre les deux golfes de 1'ex-
p. 42, etc. Les Arabes n'ont point d'appellation generate tremite septentrionale. Le golfe de Suez n'a qu'une
pour la designer, mais ils emploient des noms locaux : profondeur maxima de 50 metres, tandis que le golfe
Bahr es-Sueiz, Bahr el-Akabah, Bahr el-Hedjaz, etc.; d'Akabah s'unit avec la mer Rouge a une profondeur de
au sud, le nom habituel est Bahr Yemen. 200 metres et offre a son interieur une profondeur de
II. DESCRIPTION. — La mer Rouge forme entre les plus de 300metres; le premier n'est done qu'un simple
deux continents d'Asie et d'Afrique un sillon d'une fosse d'erosion laterale, tandis que le second est le
regularite remarqua-ble; creusedu sud-sud-estaunord- veritable prolongement de la mer. Pendant les mois
nord-ouesl, il mesure 2325 ou 2350 kilometres depuis d'ete, quand 1'atmosphere est calme, et plus encore
quand souffle le vent du desert, la mer Rouge est une
veritable fournaise; 1'eau y est a la temperature de 30
a 32».
Les marees sont peu marquees dans ce fond resserre
de 1'Ocean; selon la position des ports, la montee varie
de Om75a Im25. A Suez, les grandes marees deprintemps
sont de 2 metres, et les marees ordinaires de Im50, chiffres
qui peuvent elre modifies par Faction du vent. Dans le
golfe d'Akabah, la maree est beaucoup plus basse que dans
celui de Suez. Le golfe Arabique, ayant a peine quel-
ques affluents quidurenttoutel'annee, nerecoit qu'une
tres faible quantite d'eau; on peut done le considerer
comme un immense bassin d'evaporation. Les pluies
elant egalement tres rares, le niveau de la mer baisse-
rait sensiblement, le bassin finirait meme, au bout de
quelques siecles, par se vider, si 1'ocean Indien n'en-
voyait un courant pour remplacer les eaux perdues.
Depuis que le canal de Port-Said a mis la mer Rouge
en communication avec la Mediterranee, des echanges
se font aussi entre le golfe de Suez et le bassin des lacs
Amers. « Peu de mers offrent un spectacle comparable
a celui que 1'on contemple sur les fonds de la mer
Rouge, a travers 1'eau transparente et crystalline, a 20,
25 et meme 28 metres au-dessous de la surface. Les
« prairies » sous-marines des zoophytes apparaissent
avec leurs milliards de rameaux, de lanieres, de b.our-
geons et de fleurs, les unes irregulieres, les autreS" de
formes geometriques, et toutes rayonnant du plus mer-
veilleux ^clat, comme diamants, rubis et saphirs : c'est
un monde infini de formes et de couleurs. Au milieu
Legende .. ..^,.,,,,,,, ^, des plantes animates se balancent les algues, et des
, HautetfesHebreux d'apres le P.Si card ' =
_ __ cf?_ dapres ftt?t.ecointre§
centaines d'autres especes vegetales. Aucun brisant des
..__ </£_ d'apres M'.. 'Brugsch ^. lames n'indique la presence des recifs, a cause des
.. , ' notre hypothese ^
..Route del'armeeegyptiennedbpresnotre hypothesf* mille cavernes de la masse coralline et des forets
d'herbes dans lesquelles se propage la vague en
s'amortissant peu a peu et en perdant sa violence. »
262. — Carte de la sortie des Hebreux d'Egypte. E. Reclus, L'Asie anlerieure, Paris, 1884, p. 868.
Voir aussi Vivien de Saint-Martin, Nouveau Diclion-
le detroit de Bab-el-Mandeb jusqu'au port de Suez, son naire de geographic universelle, Paris, 1879-1895, t. v,
extremite septentrionale. A la pointe du triangle sinaV- p. 241-245.
tique, elle se bifurque en deux bras secondaires, syme- III. HISTOIRE. PASSAGE DKS HEBREUX. — L'histoire
triques : 1'un qui s'en va au nord-ouest, sur 302 kilo- de la mer Rouge, dans la Bible, consiste surtout dans
metres, est le golfe de Suez; 1'autre, moins long de le passage miraculeux des Israelites a travers ses Hots.
presque moitie, est dirige au nord-nord-est, sur 162 Ilestracontedansl'Exode, xiv, chante parMo'ise, Exod.,
kilometres, et s'appelle le golfe d'Akabah. Large seule- xv, 1, 4, 8, 10, 19, 22; rappele Deut,, xi, 4; Jos., H,
ment de 24 kilometres a 1'entree, pres du cap Bab-el- 10; iv, 23; Jos., xxiv,6, 7; 3ud., xi, 16; II Esd., ix, 9;
Mandeb, elle arrive progressivement a 345, 377 et 394 Ps. cv (cvi), 7, 9, 22; cxxxv (cxxxvi), 13, 15; Judith, v,
kilometres, sa plus grande largeur, /entre Kounfouda 14;Sap.,x, 18; xix,7; IMach.,iv, 9; Act., vn,36; Heb.,
d'Asie et Souakim d'Afrique. Elle se resserre ensuite xi, 29. En dehors de la, cette mer est assignee comme
jusqu'a 195 kilometres, se relargit de nouveau jusqu'a frontiere meridionale a la Terre Promise, Exod., xxm,
326 kilometres sous le tropique, puis se resserre en- 31. Les Nombres, xiv, 25; xxxm, 10, nous apprennent
core et diminue petit a petit jusqu'a 179 kilometres sur que les Hebreux, dans la peninsule du Sinai", cam-
le parallele du Ras Mohammed de la peninsule du perent sur ses bords. Elath etait situee sur son rivage.
Sinai. De la, le golfe de Suez, large a cette entree de Ill Reg., ix, 26; II Par., VIIT, 17; Jer., XLIX, 21. Mais a
71 kilometres, perd bientot de sa largeur et varie entre quel endroit les Hebreux la passerent-ils ? C'est un
40 et20,puisl2 kilometres a son extreraite. Le golfe d'Aka- probleme qui n'est pas encore resolu d'une facon cer-
bah varie entre 28 et 12 kilometres. Le bassin de la mer taine.
Rouge est une sorte de cuvette profonde et allongee. 1° Recit biblique. — Pour le mieux comprendre,
DICT. DE LA BIBLE. V. - 39
1219 ROUGE ( M E R ) 1220
examinons d'abord le recit biblique, qui fixe les prin- a Test par une suite de petites collines qui s'elevent
cipaux points de 1'itineraire. « Lorsque Pharaon eut dans le desert, a 1'ouest par une ondulation de terrain
laisse partir le people [d'Israel], Dieu ne le conduisit qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffeh.
pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus A I'extremite meridionale de la plaine est batie la ville
cburte; car Dieu pensail que le peuple pourrait se re- de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les de'couvertes
pentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte. nwdernes, 6e edit., t. n, p. 385-389.
Dieu fit done tourner le peuple par le chemin du de- C'est done par cette ligne que les Hebreux devaient
sert, vers la naer Rouge, et les enfants d'Israel en necessairement passer pour quitter 1'Egypte. Le recit
armes mpntereht de la terre d'Egypte. » Exod,^ xm, sacre nous dit que la route la plus naturelle et la plus
17,18. « Etant partis de Sukkot, ils camperent a.'Etdrn, courte etait celle qui allait au pays des Philistins,
a 1'extremite du desert. » Exod., xm, 20. « Alors le c'est-a-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin,
Seigneur dit a Moise : Parleaux fils d'Israel, afin qu'ils les Israelites devaient rencontrer des postes egyptiens
retournent et qu'ils campent devant Pihahirot, entre et tomber entre les mains de peuples allies du pharaon.
Migdol et la mer, vis-a-vis de Ba'al Sefon ; c'est vis-a- Dieu ne voulut pas les exposer a une lutte qui les
vis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pha- aurait facilement decourages. Quelle voie done sui-
raon dira des enfants d'Israel : Us sont egares dans le virent-ils ? Le probleme est d'autant plus difficile qu'il
pays, le desert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon ne se compose presque que d'inconnues. Le point de
fit atteler son char et prit ses troupes avec lui; et il depart est incertain, et la plupart des noms de lieti
prit six cents chars d'elite et tous les chars d'Egypte, indiques par la Bible ne sont pas identifies. Nous sa-
avec les chefs de toute 1'armee. » Exod., xiv, 7. « Les vons que les Hebreux partirent de Ramses. Exod., xn,
Egyptiens poursuivant done [les Israelites], ies atteigni- 37. Mais ou se trouvait cette ville? Plusieurs egypto-
rent comme ils etaient campes sur le bord de la mer, logues 1'identifient avec Tanis (hebreu : So'dn; egyp-
toute la cavalerie et les chars de 1'armee de Pharaon, de- tien : 77mn;aujourd'hui : San), dont lesruines sont si-
vant Pihahirot, vis-a-vis de Ba'al Sefon, A 1'approche de tuees a environ 30 kilometres de Faqus, et qui fut une
Pharaon, les enfants d'Israel, levant les yeux et voyant des residences des pharaons. 11 est certain que cette
les Egyptiens qui marchaient a leur poursuite, furent ville fut restauree par Ramses et qu'elle porte son nom
saisis d'une grande crainte et ils crierent vers le Sei- dans les documents egyptiens. Mais cette raison ne suffit
gneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit a Moise : pas pour etablir que la Ramesses biblique est la meme
« Pourquoi cries-tu vers moi? Dis aux enfants d'Israel cite que Tanis. Ramses II, en effet, fonda une ville nou-
d'e se mettre en route. Et tei, eleve ta verge et etends velle, ou du moins une residence royale de ce nom, et
ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d'Israel la Bible, qui connaitTanis sous sa propre denomination,
marchent a sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 15- a du reserver pour un autre endroit le nom de Ramses.
16. « Moise ayantetendu sa main sur la mer, le Seigneur Le Pentateiique d'ailleurs prouve clairement la distinc-
refoula la mer parun vent d'est violent pendant toute tion des deux. Ramesses etait dans la terre de Gessen,
la nuit, et il mil la mer a sec, etles eaux se diviserent. a laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n'etait pas
Et les enfants d'Israel marcherent a sec au milieu de dans la terre de Gessen, comme il resulte de 1'histoire
la mer, les eaux formant un mur a droite et a gauche.» de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir
Exod., xiv, 21-22. L'armee egyptienne, en les poursui- son pere fixe dans le pays de Gessen, cf. Gen., XLVL,
vant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur 28, 31; XLVII, 1,7, 10-11, et de 1'histoire des dix plaies,
cours sur un signe de Moise. Exod., xiv, 23-28. puisque la terre de Gessen fut exempte des fleaux qui
2° Topographie. — Ce recit et les hypotheses aux- frapperent la residence du roi. Cf. Exod., vm, 22; ix,
quelles il a donne naissance demandent une descrip- 26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au desert, it
tion au moins generate du theatre des evenements, fallait franchir la branche pelusiaque du Nil, ce qui
c'est-a-dire de 1'isthme de Suez. Voir carte, fig. 262. n'est mentionne nulle part. Les uns placent Ramesses
Get isthme a une largeur totale de cent treize kilo- pres de Phithom, non loin du canal d'eau douce qui tra-
metres. En partant de 1'extremite meridionale du lac verse Youadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et ltjs
Menzaleh et en allant vers le sud, on traverse une serie dec. modernes, t. n, p. 368. D'autres la chercheraient
de dunes de sable dont le point culminant est el-Qanta- plus volontiers a es-Salihiyeh, point de jonction des
ra ou « le pont », ainsi appele parce qu'il sert de lieu deux routes d'Asie, 1'un passant par el-Qantara, 1'autre
de passage entre 1'Egypte et le desert qui la horde au allant droit a Ismailiya. Cf. Lagrange, L'itinerairedes
nord-est. Apres les dunes, on rencontre le lac Balah, Israelites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir
puis un pli de terrain, nomme el-Gisr, qui, avec ses RAMESSES, col. 954.
vingt metres au-dessus du niveau de la mer, est 1'en- Sukkot ou Soccoth est un nom de forme hebrai'que,
droit le plus eleve de 1'isthme. II forme uu seuil qui, qui signifie cc les tentes » ; mais il correspond exac-
sans le travail de 1'homme, aurait toujours empeche tement a 1'egyptien Thkut ou Thukut (th remplafant
toute communication entre la Mediterranee et les lacs le samech hebreu). II designe ici une region plutot
inferieurs. Au dela est le lac Timsah, puis viennent deux qu'une ville proprement dite, car une multitude comme
nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussum et celui du celle des Hebreux ne pouvait s'arreter dans une ville,
Serapeum. A dix kilometres plus au sud, sont les lacs en supposant meme que les portes s'en fussent ou-
Amers, formes d'un grand et d'un petit bassin, qui se vertes devant elle. Or les monuments egyptiens nous
dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur montrent cette terre de Thukut pres de Pitum ou
totale est de quarante kilometres environ, la plus grande Phithom, qui semble bien avoir avoir ete retrouve a
largeur de dix a douze, et la plus grande profondeur Tell el-Maskhula, dans Vouadi Tumilat^ entre Tell
de quinze metres a peu pres au-dessous du niveau de la el-Kebir et Ismailiya. La premiere station des Israelites
mer. Avant le percement de 1'isthme, ils etaient a sec dut done etre dans les environs, vers 1'ouest ou le
depuis des siecles; des banes de sel en formaient le nord-ouest du lac Timsah.^Voir PHITHOM, col. 321.
fond. Ils sont separes de la mer Rouge par le seuil de 'JSfdm ou Etham est a la fois le nom de la deuxieme
&aluff dont la hauteur est de pres de sept metres au- station et celui du desert que les Hebreux parcouru-
dessus du niveau de la mer. A partir de la, le terrain rent apres le passage de la mer Rouge. Num., xxxm,
descendinsensiblement jusqu'a 1'extremite de 1'isthme; 8. On 1'a rapproche de 1'egyptien Khatem, « muraille »,
c'est one plaine sablonneuse, d'environ vingt kilo- ce qui nous ramenerait a la ligne de fortifications ele-
metres, etelevee d'un peu plus d'un metre, en moyenne, vee par les pharaons centre les Arabes nomades a la
qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitee frontiere du desert. Si ce point n'est pas determine, il
1221 ROUGE ( M E R ) 1222
est probable qu'il se trouvait a Test d'el-Gisr, puisque teme est done a rejeter, quel que soit le point d'arrivee
c'est de la que, par un mouvetnent tournant, sur un qu'il fixe sur les bords de la mer Rouge.
ordre de Dieu,Moi'se vint du cote de la mer Rouge,devant 2. Hypothese deH. Brugsch. — Une nouvelle opinion,
Pihahirot ou Phihahiroth. Voir ETHAM, 1, t. n, col. 2022. qui suscita quelque emoi dans le monde savant, fut
Ce dernier nom est 1'egyptien Pikeheret rencontre par soutenue eu 1874 par un egyptologue bien connu,
E. Naville, The Store-City of Pithom, Londres, 1885, Henri Brugsch, d'abord dans une conference faile a
p. 16, 17; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el- Alexandrie, puis, le 12 septembre de la meme annee,
Maskhula, sur une stele de Ptolemee Philadelphe. On au congres des orientalistes a Londres. Cf. H. Brugsch,
en conclut que cet endroit devait etre non loin de Phi- La sortie des Hebreux d'Egypte, Alexandrie, 1874;
thorn ce qui convient bien an mouvement des Israelites Report of the proceedings of the second international
revenant sur leurs pas. II faudrait alors le chercher sur Congress of the Orientalists held in London, 1874,
les bords du lac Timsah. Mais comme la consequence Londres, 1874, p. 28; L'Exode et les monuments
est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les egyptiens, discours prononce a ^occasion du Congres
lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent international d'orientalistes a Londres, Leipzig,, 1875.
Phihahiroth vers le sud jusqu'a 'Adjrud, quise trouve Bisons tout de suite qu'elle est fausse dans le point de
a quatre heuresau nord-ouestde Suez, et dont le nom depart qu'elle assigne aux Hebreux et dans le point ou
renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir elle les conduit. L'auteur pretend d'abord que Ramses
PHIHAHIROTH, col. 253. L'Ecriture nous dit bien que est la meme ville que Tanis. Nous avons suffisamment
Phihahiroth etait entre Migdol ou Magdal et la mer, refute cette idee. Voir RAMSES, TANIS. S'appuyant ensuite
vis-a-vis de JSa'al $efon ou Beelsephon. Mais ces sur un document egyptien, dont il arrange latraduction
points de repere nous sont eux-memes inconnus. Le pour les besoins de la cause, il place dans la direction
mot Migdol, qu'on retrouve dans les inscriptions egyp- de Test les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phiha-
tiennes sous la forme Maktl, signifle « tour, forte- hiroth. Arrives a Etham, les Hebreux auraient tourne
resse ». II indique done ici une de ces enceintes forti- vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac
fiees qui defendaient la frontiere de 1'Egypte contre les Serbonis, » le Barduil actuel. H. Brugsch, L'Exodeet
invasions des tribus pillardes du desert. Mais comme les monuments egyptiens. p. 28. Ils auraient ainsi passe
il y en avail un certain nombre, le renseignement sans traverseraucune mer, par I'etroite langue de terre
reste nul. Voir MAGDAL 1, t.iv, col. 538. Quant a Ba'al qui separait le lac Serbonis de la Mediterranee; les
Sefdn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ». troupes egyptiennes, surprises par une haute maree,
Gomme le culte de Baal s'etablissait surtout sur les auraient ete ensevelies dans les gouff'res du lac, comme
hauts lieux, et que le Set egyptienassimile a Baal etait le furent plus tard les soldats d'Artaxerees. Diodore,
un dieu de la mer, on peut croire que le nom en xvi, 46. La geographie de H. Brugsch n'est pas moins
question designe une montagne qui domine la mer, le singuliere que son exegese. La Bible, le seul texte
DjebelG-enetfeh oule Djebel 'A toga. Voir BEELSEPHON, autorise dans la question, renverse de fond en comble
t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Beelsephon a le systeme du savant allemand, en nous parlant, non
1'est surla colline de Tussum.Cf.E.Naville, The Store- de la Mediterranee, mais de la mer Rouge. La tradition
City of Pithom, p. 22 et carte. israelite n'a pu confondre deux mers si differentes.
3° Hypotheses. — C'est avec ces donnees incertaines Yam Suf n'indique ni le lac Serbonis ni les autres
qu'il nous faut retrouver le chemin des Hebreux. Elles lacs de la Basse-Egypte. II designe, nous 1'avons vu, la
suffisent cependant pour nouspermettre de condamner mer qui baigne la peninsule sinai'tique, s'appliquant
certaines hypotheses et d'en etablir de probables. aussi bien au golfe Elanitique qu'au golfe de Suez.
1. Hypothese du P.Sicard. — LeP. Sicard, mission- 3. Hypothese des lacs Amers. — Les systemes prece-
naire jesuite, est le premier voyageur qui ait eu la dents ont marque, au nord et au sud, deux lignes
gloire d'etudier scientifiquement la question. II entre- extremes qui se trouvent completement en dehors de la
prit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal route suivie par les Hebreux. Reste done a chercher
motif etait d'examiner de pres la route des Israelites. entre les deux. Quelques-uns des ingenieurs qui ont
Le resultat de ses recherches a ete public dans une pris part au percement deTisthme de Suez ont soutenu
Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israelites que les Israelites avaient passe a travers les lacs Amers,
a travers la mer Rouge, dans les Lettres edifiantes et qui, a celte epoque, n'auraient fait qu'un avec la mer
curieuses, Edition de Toulouse, 1840, t. v, p. 211 sq. Rouge. M. Lecointre surtout s'est fait le defenseur de
II commence par etablir que le pharaon de 1'exode cette hypothese, Du passage de la mer Rouge par les
ne demeurait pas a Tanis, rnais a Memphis. Ramses Hebreux, avec deux cartes, dans les Etudes religieuses,
est pour lui Bessatin, petit village a trois lieues du octobre 1869, p. 557-582; reponse au P. Pujol, dans la
vieux Caire, a 1'orient du Nil. De la, pour se rendresur meme revue, juillet et aout 1873. II regarde comme
les bords de la mer Rouge, les Hebreux suivirent la incontestable et inconteste que les lacs Amers comtnu-
vallee qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi, niquaient avec la mer Rouge; que le soulevement de
et ils passerent la mer a une certaine distance au- Schalouf ainterrompu la communication; que la salure
dessous de Suez, en face de 'Ayun Musa. Cette opi- de 1'eau des lacs etait superieure a celle de la mer; ce
nion eut un grand succes et compta un tres grand qui amene forcement a conclure que la communication
nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie de etait intermittente; par consequent, il existait a Schalouf,
Jesus, la defendait encore en novembre 4S72, dans les non pas un gue, mais un passage ordinairement a sec,
Etudes religieuses. Elle a cependantpourdefaut capital II place Etham au Serapeum, a 1'extremite nord des
d'assigner aux Israelites un faux point de depart: le lacs Amers; il prend Magdal pour une chaine de mon-
pharaon ne residait pas a Memphis, et Ramses n'est tagnes,etl'identifie avecle Djebel Geneffeh; Beelsephon
pas Bessatin. Si le livre de 1'Exode ne nomme pas est Ghebrewet, le seul pic remarquable de cette plainej
expressement la residence du roi, le Psaume LXXVII Phihahiroth est la plaine situee entre le Djebel Geneffeh
(hebreu, LXXVIII), 12, 43, dit formellement que les et la mer; le lieu de campement des Hebreux est la
merveilles operees par Moiise eurent lieu « dans les partie de cette plaine situee au pied de Chebrewet.
champs de Tanis ». C'est, du reste, une verite generale- Molse, en quittant Etham, suivit la rive occidentale des
ment reconnue aujourd'hui. D'autre part, Ramses etait lacs Amers, alors remplis d'eau, dans 1'intention d'aller
dans la terre de Gessen; or la terre de Gessen n'etait rejoindre le passage de Schalouf et d'entrer dans le desert
pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au a Test du golfe de Suez. Mais il ne put y reussir; les
nord de 1'Egypte. Voir GESSEN, t. HI, col. 218. Ce sys- chars du pharaon, venanl du sud-ouest, du cote de
1223 ROUGE ( M E R ) 1224
Memphis, lui barrerent le chemin, et il se trouva empri- aux fontaines appelees aujourd'hui de son nom, 'Ayun
sonne entre 1'armee egyplienne au midi, les lacs a Test Musa, sur la rive orientale du golfe, pour y etre a
et le Djebel Geneffeh a 1'ouest. Dieu delivra miraculeu- 1'abri des Egyptiens. Or, d'apres 1'Exode, le soir qui
sement son peuple en lui ouvrant un chemin a travers preceda la traversee miraculeuse, les Hebreux virent
les lacs Amers. — E. Naville, The Store-City of Pithom, les chars du pharaon qui les poursuivaient. Sile trajet
p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait d'Etham a Phihahiroth s'etait effectue en un jour, il
avec les lacs Amers, qu'elle s'etendait meme jusqu'au aurait fallu que, dans cette me"me et seule journee,
lac Timsah. Les Hebreux, en revenant sur leurs pas, les messagers partis d'Etham fussent alles a Tanis
ausortir d'Etham, passerent entre Pithom et 1'extremite avertir le roi, que celui-ci eut donne a son armee les
du golfe, c'est-a-dire du lac Timsah, a peu pres vers ordres necessaires pour se mettre en mouvement et
Maghfar, puis ils s'acheminerent vers le sud. Le cadre qu'elle eutparcouru la distance de Tanis a Phihahiroth.
de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest Tout cela n'a pu se faire en une douzaine d'heures,
Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom; au sud-est quelque celerite qu'on veuille bien supposer. Ibid.,
Migdol, a peu de distance du Serapeum actnel; a Test p. 410. Le besoin d'eau pour eux-mSmes et de patu-
la mer et, au dela, sur la rive asiatique, Beelsephon, rages pour leurs troupeaux obligea done vraisembla-
aujourd'hui la colline de Tussum. La, dans 1'espace blernent les Israelites a longer la rive occidentale des
compris entre le Serapeum et le lac Timsah, la mer lacs Amers et a passer entre ces lacs et le mont Genef-
etait etroite, 1'eau n'etait pas profonde, et le vent d'est feh; les canaux du Nil apportaient encore dans cetfe
put ouvrir un chemin aux Israelites. The Store-City of terre la vie et lafertilite. Arrives a la pointe de la mer
Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in Rouge, ils camperent sur ses bords, pour de la passer
Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde egalement a Test, dans le desert du Sinaii. Leur camp etait dans
comme plus probable le passage de la mer entre le lac le voisinage du Djebel 'Atdqa, qui doit etre Beelsephon.
Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange, C'est la que 1'armee egyptienne les surprit. En venant
L'itineraire des Israelites, dans la Revue biblique, de Tanis, elle avait suivi, a partir des environs du lac
1900, p. 80, dit de son cote : « La vraisemblance com- Timsah, la meme route que les Hebreux. Elle allait les
mande seulement de descendre jusqu'a un lieu ou la enfermer ccmme un oiseau dans une cage, selon le
mer sera assez peu profonde pour que Faction du vent langage des conquerants assyriens, c'est-a-dire les
d'est se fasse sentir. Ges conditions sont realisees au mettre dans une impasse ou ils elaient pris de tous
Serapeum, qui devait etre peu submerge, de facon que cotos. Le Djebel 'Atdqa, qui s'avance to'ut pres de la
les eaux poussees par un vent du sud-est fussent refou- mer, leur fermait toute retraite a 1'ouest et au sud; la
lees vers le Me Timsah, landis qu'a Suez le vent du mer les empechait de se sauver au sud-est; les chariots
sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et
documents egyptiens fournisssent a Maspero la preuve le nord-est. Israel ne pouvait etre sauve que par un
que Migdol est au Serapeum, la question est tout a fait miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance
tranchee. » II s'agit done en sornme de savoir si reel- parcourue dans le lit de la mer? II est probable qu'elle
lement, a 1'epoque de 1'exode. la mer Rouge remontait ne fut pas tres considerable, puisqu'elle fut franchie
jusqu'au lac Timsah. Ceux qui sont pour I'afiirmative en une nuit, c'est-a-dire en six ouhuit heures, par une
apportent des arguments historiques, geographiques et immense multitude. On peut croire que, partis du
geologiques, que combattent les defenseurs de 1'opinion nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hebreux
contraire. Voir PHIHAHIROTH, col. 253. Ces derniers ont suivirent une ligne oblique et allerent sortir plus has
done une quatrieme hypothese, que nous allons exposer sur 1'autre rive, au sud-est. Quand, a 1'aurore, les Egyp-
avant dejuger la precedente. tiens s'apercurent que leurs esclaves leur echappaient,
4, Hypothese du golfe de Suez. T- Ce systerne a ete ils se mirenta leur poursuite. Mais les eaux qui avaienfe
surtout mis en lumiere par F. Vigouroux, La Bible sauve Israel engloutirent leurs persecuteurs. Le texte
et les decouvertes modernes, t. H, p. 403-426. C'est, du sacre cependant, remarquons-le, ne dit pas que le
reste, a cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les pharaon fut noye avec son armee.
details des opinions qui viennent d'etre exposees. En 5. Conclusion. — Le choix reste done entre les deux
quittant Ramses, les Israelites suivirent les bords du dernieres hypotheses. Celle du golfe de Suez est exposee
canal d'eau douce qui Jongeait 1'ouadi Tumilat; le de la facon la plus seduisante, tant la route des Israe-
besoin d'eau les contraignait a s'en ecarter le moins lites y parait naturelle. Elle souffre bien cependant
possible. La premiere etape fut courte, en raison de quelques difficultes. Elle repose sur la supposition que
la multitude des emigrants et de la necessite d'atSendre la mer Rouge, a 1'epoque de 1'exode, ne s'etendail pas
ceux qui etaient eloignes de Harnesses. La halte de Soc- jusqu'aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet,
coth eut lieu dans la region voisine de Pithom. Moise amener le peuple d'Israel jusqu'au golfe de Suez. Mais
en profita pour regler definitivement la marche, Afin s'il ne Test pas, on se demande pourquoi Moise a en-
de cacher a Menephtah son veritable projet, il devait traine si loin, pres de 80 kilometres, tout son peuple
se rendre dans le desert le plus proche, a Etham; d'e'migrants, pour le faire prendre dans une vraie sou-
mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la riciere. Or, les partisans de la quatrieme hypothese
direction du Sinai' en marchant vers le sud. Sur 1'ordre avouent eux-memes « que nous n'avons aucune preuve
de Dieu, il quitta la route des Philislins, et, tournant positive que, du temps de Moise, les lacs Amers etaient
brusquement, serendit sur les bords de la mer Rouge. separes de la rner Rouge. De ce qu'ils ne lui etaient plus
Combien de temps mit-il a faire ce voyage? Nous ne unis du temps d'Herodote, il ne s'ensuit pas qu'ils
savons; le texte sacre ne nous donne aucun renseigne- ne le fussent point a 1'epoque de Sesostris. La preuve
ment. A en juger d'apres la distance, il est probable de ieur antique separation, tiree de la geologic, est
qu'il mit plus d'un jour pour aller d'Etham a 1'extre- contestee par plusieurs geologues. L'egyptologie seule
mite du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne men- peut nous apprendre, par de nouvelles decouvertes, ce
tionne pas de stations intermediaires, mais station et qui en est reellement. » F. Vigouroux, La Bible et les
jour de marche ne sont pas synonymes; sept stations decouvertes modernes, t. u, p. 402, note 1. Les monu-
seulement sont mentionnees pour le premier mois tout ments egyptiens<parlent d'un bassin d'eau salee, appele
entier. Exod., xvi, 1; cf. Num., xxxm, 3, 11. La suite Kem-uer ou Kim-oiri, « la tres Noire », qui se trou-
du recit d'ailleurs confirme cette supposition. Moi'se, vait precisement dans la ligne des lacs Amers. M. Mas-
en effet, ne dul guere sejourner a Phihahiroth que le pero, Histoire ancienne des peuples de VOrient clas-
temps de la nuit, parce qu'il devait lui tarder d'arriver sique, Paris, 1895, t. I, p. 351, note 3; p. 471, note 3,
1225 ROUGE ( M E R ) 1220
pretend que cette expression s'applique a la partie sep- I'Egypte, Antiquites, Memoires, 1809, t. I, p. 309-310;
tentrionale de la mer Rouge, par parallelisme avec J. Salvador, Histoire des institutions de Motse et du
Ouaz-oirit, Ouazit-oirit, « la tres Verte », la Mediter- peuple hebreu, 3e edit., 1862, p. 52-55. II existe, en
ranee, el que le lac d'Ismailiya formait autrefois, sous effet, deux gues a 1'extremile de la mer Rouge : 1'un a
le premier empire thebain, le fond de la mer Rouge. une heure et demie environ au nord de Suez, qui etait
D'autre part cependant la stele de Pithom distingue ce ordinairement praticable avant le percement du canal;
bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mviller, Asien 1'autre au sud, place vis-a-vis de Suez, et qui prend a
und Europa, p. 42; E. Naville, The Store-City of Pi- peu pres la direction du sud-est. Dans cette direction,
thorn, p. 18. La troisieme hypothese s'appuie encore celui-ci est recouvert a maree haute sur une etendue
sur le nom de golfe Heroopolite donne a la mer Rouge. de plus d'une demi-lieue et n'est pas praticable; a
Comme il est prouve qu'Heroopolis est la meme ville maree basse, il est ou plutot il etait a sec avant 1'ouver-
que Pithom, il fallait done que la mer s'etendit jusque- ture du canal, laissant seulement un etroit chenal,
la. Dans ces conditions, le passage a travers les lacs serpentant comme une riviere. Meme en tenant compte
Amers a aussi sa vraisemblanee. La solution du pro- de 1'etat ancien des lieux, il est impossible d'expliquer
bleme exige de plus amples lumieres; 1'egyptologie, naturellement le recit sacre, dont les expressions ex-
nous les fournira peut-etre unjour. cluent formellement 1'idee d'un gue. Comment d'ailleurs
4° Carac.tere historique el miraculeux du passage la multitude qu i suivait Moise aurait-elle pu passer la mer
de la mer Rouge. — On pourrait s'etonner du silence Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, a
que les monuments egyptiens gardent d'evenements plus forte raison par un gue? La maree basse ne dure
aussi considerables que le depart des Hebreux, le pas- pas assez longtemps et 1'espace laisse a sec n'est point
sage et en meme temps le desastre de la mer Rouge. assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les decou-
Mais, dit M. E. de Rouge, « il n'est pas a penser que vertes modernes, t. n, p. 427-439. D'autre part, croit-on
les Egyptiens aient jamais consigne ni le souvenir des que les figyptiens, qui connaissaient mieux encore que
plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer Moise le regime de la mer en cet endroit, se seraient
Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien laisses surprendre par le retour habituel de la maree?
rarement le souvenir de leurs defaites. » Mo'ise et les Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies
Hebreux, dans VAnnuaire de la Societe francaise de d'Egypte, se servir.d'un phenomene nature! pour ses
numismatique et d'archeologie, 1884, p. 213. Cepen- desseins misericordieux, mais la encore on n'echappe
dant Flinders Petrie a decouvert en 1896 une stele de pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence
Menephtah ou il est question de plusieurs peuples de fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour
Ja Syrie meridionale, et en particulier d' « Israilou permettre aux Israelites de passer et la fit revenir juste
[qui] est rase et n'a plus de graine. » M. Maspero, a temps pour engloutir 1'armee egyptienne. C'est ainsi,
Eistoire ancienne des peuples de I'Orient classique, d'apres la Bible elle-meme, Exod., xiv, 21, qu'il
t. n, p. 443, parlant des recits de 1'Exode, ditlui-meme : fit appel a un impetueux vent d'est pour refouler
« Un fait ressort incontestable de ces recits : les He- la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de la que
breux ou, tout au moins, ceux d'entre eux qui habi- le vent seul separa les eaux; il les aurait plutot
taient le Delta, s'evaderent un beau jour et se refugie- repoussees a 1'ouest, precisement du cote des He-
rent aux solitudes d'Arabie. L'opinion la plus accredited breux. II eut done plutot pour effet de secher
place leur exode sous le regne de Menephtah, et le te- la route par laquelle Ceux-ci devaient passer. Le mi-
moignage d'une inscription triomphale semble la con- racle nous oblige-t-il cependant a prendre dans son
firmer, oii le souverain raconte que des gens d'Israilou sens strict 1'expression de « mur » qu'emploie 1'Ecri-
sont aneantis et n'ont plus de graine. Le^contexte in- ture, Exod., xiv, 22, 29; xv, 8, pour montrer la posi-
dique assez nettement que ces Israilou si maltraites tion des eaux a droite et a gauche? Pas necessairement.
ctaient alors au sud de la Syrie, peut-etre au voisinage II etait sans doute facile a Dieu, par un nouveau mi-
d'Ascalon etde Gezer. Si done c'est bien 1'Israel biblique racle, de les maintenir dans un etat absolument con-
qui se revele pour la premiere fois sur un monument traire aux lois de 1'equilibre des liquides. Mais alors
egyptien, on pourra supposer qu'il venait a peine de on ne comprend pas que les Egyptiens n'aient pas ete
quitter la terre de servage et de commencer ses courses frappes de ce phenomene, n'y aient pas vu la main
errantes. » d'une puissance divine et aient ose s'aventurer sur un
Le caractere surnaturel de 1'evenement ressort de chemin si extraordinairement trace. L'auteur sacre a
tous les traits du recit, qui se presente, non sous done decrit les choses selon les apparences. Cf. F. de
forme poetique, mais historique, et a ete entendu litte- Hummelauer, In .Exod., p. 149. Enfin, meme en n'ad-
ralement par toute la tradition. Sa fin providentielle mettant que des agents naturels dans 1'evenement qui
fut, non seulement d'arracher a 1'oppression le peuple nous occupe, on n'eviterait pas encore le surnaturel
choisi, mais d'affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant, dans les circonstances. En effet, « etant donne qu'un
ce Jehovah, qui s'etait revele a lui par Moi'se. II semble retrait extraordinaire de la mer devait se produire a
bien que Dieu lui-meme ait amene les Israelites dans un endroit precis dans le cours de telle nuit determinee,
une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en il fallait, pour aboutir au resultat indique, assurer
effet, ils avaient gagne le desert par le nord de la toute une serie d'actes ne dependant d'aucune prevision
pointe maritime, les Egyptiens les y auraienl facile- possible, mais decoulant d'evenements imprevus et de
mentatteints. Dieu voulut done frappero^Ie debut de volontes tres diverses, a savoir : le depart des Hebreux
leur histoire leur esprit et leur coeur. Et, en realite. le en temps convenable, la duree ni trop longue ni trop
passage de la mer Rouge fut regarde comme une mer- courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgre
veille de premier ordre, dont le souvenir excita d'age en leur intention d'atteindre le desert oriental, leur ar-
age i'admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4; rivee a la mer au soir meme qui precedait la nuit ou
Jos., n, 10; iv, 24, etc. L'incredulite cependant n'a pas allait se produire le seisme, leur station juste a portee
manque de chercher une explication naturelle pour du seuil qui allait etre mis a sec, leur confiance dans
effacer le miracle; les Hebreux auraient profile du la securite d'un passage qu'ils ne connaissaient pas,
moment du reflux pour passer a gue, et une maree ex- leur mise en mouvement a une heure telle qu'ils pus-
traordinaire, survenue aussitot apres leur passage, sent atteindre 1'autre rive avant le retour du Hot, une
aurait submerge les soldats du pharaon. Cf. du Bois- chance tres speciale pour qu'un pareil cortege tra-
Ayme, Notice sur le sejour des Hebreux en Egypte et versat assez rapidementet sans encombre; puis, d'autre
sur leur fuite dans le desert, dans la Description de part, la resolution prise par les Egyptiens de poursuivre
1227 ROUGE (HER) — R O U I L L E DES BLES 122S
les fugitifs... Voila une douzaine de conditions presque pect et de coloris que longtemps on les a altribuees a
toutes essentielles pour que Pevenement se produisit autant de genres distincts. Ces variations se compli-
tel qu'il est raconte. Personne, pas meme MoTse, ne les quent de phenomenes d'heteroecie, consistant en c£
connaissait a 1'avance, et, les eut-il connues, il n'eut
pas ete en son pouvoir de les assurer. La realisation
de ces conditions dans 1'ordre et dans le temps voulu
ne pouvait non plus arriver par hasard. II a fallu de
toute necessite que Dieu reglat toutes choses, tant
celles qui dependaient en apparence de la volonte des
hommes que celles qui tenaient aux forces de la na-
ture... Pour nier cette intervention surnaturelle, il
faut eflacer le recit de 1'Exode et renoncer a expliquer
la suite de 1'histofre d'lsrael. » H. Lesetre, Le passage
de la mer Rouge, dans la Revue pratique d'apologe-
tique, Paris, ler fevrier 1907, p, 534. — Voir, outre les
auteurs cites dans cet article, Vivien de Saint-Martin,
Dictionnaire de geographic universelle, t. v, p. 245.
A. LEGENDRE,
t. ROUILLE (hebreu : 7»eTd/j;Septante: !6«, pp5><n;;
Vulgate : aerugo, rubigo), produit de 1'alteration d'un
mefal par Poxygene de 1'air. Ce produit est un oxyde
du metal qui commence par se ternir, puis est attaque
de plus en plus profondement. La rouille du fer est
rouge, mais les Livres Saints n'en parlent pas. Gelle
du cuivre est verte, c'est le vert-de-gris. Par extension,
1'oxydation des autres metaux prend aussi le nom de 263. — Puccinia graminis (agrandj 100 fois).
rouille. — Ezechiel, xxiv, 6, 11, 12, compare Jeru-
salem, ville de sang, a une chaudiere de cuivre cou- que le parasite ne peut poursuivre le cycle complet de
verte de vert-de-gris. En vain la met-on sur des char- son developpement qu'en attaquant 1'une apres 1'autre
bons ardents pour faire disparaitre cette souillure; le deux plantes nourrices appartenanta des especes diffe-
vert-de-gris persiste malgre tout. C'est 1'image de rentes et nettement determinees. Ainsi, la Rouille la
Pendurcissement de Jerusalem dans le mal, malgre les plus commune, appelee Rouille noire et due au para-
chatiments qui la frappent. On salt que les oxydes- se sitisme du Puccinia graminis (fig. 263), vit au prin-
reduisent par le feu; la chaudiere aurait done du temps sur les jeunes feuilles d'un arbrisseau, le Ber-
perdre sa rouille par la chaleur. — Les idoles d'or et beris (vulgairement Epine-Vinette). Or les spores ainsi
'd'argent ne peuvent se defendre de la rouille; si Ton
n'enleve pas cette rouille, elles ne brillent pas. Bar.,
vr, 11, 23. — Notre-Seigneur dit qu'il faut amasser des
tresors non sur la terre, ou ils £ont la proie de la
rouille et des vers, mais dans le ciel, ou ils n'ont pas a
crairidre ces inconvenients. Matth., vi, 19, 20. — Saint
Jacques, v, 3, dit aux riches que leur or et leur argent
se sont rouilles et que leur rouille rendra temoignage
centre eux. — La Vulgate parle de la rouille de 1'argent
dans un texte, Prov., xxv, 4, ou il est question d'argent
de mauvais aloi, d'apres les Septante, et de scories
d'argent, dans 1'hebreu. — II est aussi question dans
PEcriture de ce qu'on appelle la rouiMe des bles. Voir
Particle suivant; BLE, t. i, col. 1817;CHARBON DES BLES.
t. n, col. 580.
a la dime. Dioscoride, HI, 45, distingue une espece sau- de pierres, hautes de Om30 a Om90 et a peu pres larges
vage jii^yavov opstvov, la rue des montagnes, Ruta cha- de Im50, etablies sur le roc dont elles compensaient
lepensiSfOu sa variete Bracteosa et une espece cultivee les inegalites. Mais elles constituaient un dedale inex-
TirffavovxrjTreuTbv,«la rue desjardins »,Ruta graveolens, tricable (fig. 270), aupres duquel les rues de Jerusalem
Estimee en medecineau temps d'Hippocrate,elle servait actuelle paraissent presque avoir la regularite d'une;
aussi de condiment. Pline,#. 2V.,xix, 45; Columelle, De jeune cite americaine, au dire de M. Macalister. Cf. Pa-
re rustica, XII, vn, 5; Arnobe, Adv. Gent., vn, 16, t. v, lest. Expl. Quart. Stat., 1904, p. 115. Les rues d'Hebron,
col. 1238. Dans le passage parallele deMatth., xxm, 23, de Naplouse, et d'autres villes et villages de Palestine
on enumere la menthe, Yanethei le cumin, tandis que presentent encore 1'aspect du meme fouillis. Les Orien-
Luc., xi, 42, cite la menthe, la rue et les herbes pota- taux s'accommodent d'autant mieux d'un tel etat de
geres. Comme la rue est omise dans le passage de saint choses que le soleil a plus de peine a penetrer dans
Matthieu, et qu'on trouve a la place 1'aneth, il a paru a ces ruelles etroites, et que, le soir, la terrasse de leurs
quelques critiques que le mot employe dans le Matthieu maisons leur menage un endroit propice pour respirer.
arameen, Nrour, Sebeta1 (et traduit avr t 6ov dans le Mat- Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 73. La diffi-
T ••:
culte de se reconnaitre a travers un pareil reseau de
thieu grec), avail ete mal lu par le troisieme evangeliste rues rendait plus difficile la tache de 1'envahisseur et
et prispour Nnatf, Sahara', Tr/jyavov, rue. Mais le cumin plus aisee la fuite du vaincu. C'estainsi que, quand les
n'estpas plus nomme que 1'aneth dans saint Luc, et la Chaldeens eurent pris Jerusalem, Sedecias put s'enfuir
difference des deux synoptiques peut s'expliquer plus par les rues ecartees avec les hommes de guerre. Jer.,
simplement, par une enumeration incomplete qui s'atta- LII, 7. — David ecrase ses ennemis comme la boue des
chait plus a reproduire la pensee du Maitre qu'a en rues. II Reg., xxn, 43; Ps. xvm (XVM), 43. La boue des
conserver tous les mots. Gf. Celsius., Hierobotanicon, rues est une expression employee pour designer ce qui
in-8°, Amsterdam, 1748, t. n, p. 25|l estviletmeprisable. Is., x, 6; Mich., vrr, 10. Voir FANGE,
E. LEVESQUE. t. II, col. 2176. A Tyr, 1'or etait commun comme la boue
2. RUE (hebreu : rehob, suq, Ms; Septante : PUJXY], des rues. Zach., ix, 3. — Les rues sont le theatre de
686c, eldSoc; Vulgate : vicus, via), voie menagee a differents episodes de la vie sociale. L'epouse y cherche
travers les maisons d'une ville. Les termes hebreux son bien-aime. Cant., in, 2. On y rencontre les exci-
designent assez souvent la place aussi bien que la rue. tations au mal, Prov., vn, 8 ; Eccli., ix, 7, et des dan
Voila pourquoi les versions les rendent plusieurs fois gers pour la vie. Prov., xxn, 13; Tob., n, 3. Les portes
par le mot « places. Voir PLACE PUBLIQUE, col. 447. — des maisons donnent sur la rue, ou les pleureuses se
Dans les anciennes villes de Chanaan recemment ex- font entendre. Eccle., xii, 4, 5. On y pousse des cla-
plorees, les maisons sont entassees sans ordre et les meurs dans les jours de detresse. Is., xxiv, 11; II Mach..
rues ne sont que des passages etroits et tortueux, dont m, 19. En temps de guerre, les ennemis y exercent leurs
le trace s'est moditie d'une periode a 1'autre. A G6zer? ravages, Jer., XLIV, 6; Lam., iv, 1, et y massacrent les
vers 3000 avant J.-G., les rues formaient des chaussees habitants. Is., v, 25; Lam., n, 12; 1 Mach., n, 9. Le
1267 RUE RUINE 1268
fracas des guerriers retentit ainsi dans les rues de Tyr, de 412, sa fete est placee le 19 avril; le 8 avril dans les
Ezech., xxvi, 11, de Sidon, Ezech., xxvm, 23, et de menologes grecs. — II est evident qu'au passage
Ninive. Nah., n, 4. Apres le depart des envahisseursi Rom., xvi, 13, 1'epithete el&ctum in Domino n'est pas
les princes de Jerusalem errent consternes dans les employee dans le sens pour ainsi dire technique qu'elle
rues. Lam., iv, 8, 14. A I'epoque de Jeremie, v, 1 ; vn, a souvent, c'est-a-dire, comme synonyme de « Chretien »,
17, 34, et a celle de la persecution syrienne, I Mach., i, puisque saint Paul se propose de faire un eloge tout
58, 1'idolatrie se pratiquait publiquemeut dans les rues special de Rufus. Elle denote une distinction particu-
de Jerusalem. — A la restauration d'lsrael, le vieillard liere sous le rapport soil de la piete, soil des fonctions.
pourra s'asseoir et le jeune homme s'ebattre en paix Gf. I Pet., H, 6; II Joa.,1; W. Sanday et A. C. Headlam,
dans les rues, Zach., vm, 4, 5, et 1'on y fera retentir A critical and exegetical Commentary on the Epistle
I' alleluia d'allegresse. Tob., xm, 22. — Le commerce to the Romans, in-12, 4e £dit., Edimbourg, 1900,
installaitses bazars dans les rues. Lepere de Benadad-II, p. 427. L.
roi de Syrie, avait etabli a Samarie des rues syriennes,
dans lesquelles les trafiquants de Syrie avaient le droit RUGISSEMENT - (se'dgdh; Septante : wpuwjxa;
de se rassembler et de tenir des comptoirs. En vertu Vulgate : rugitus), cri que font entendre le lion et
d'un traite, le merne Benadad conceda a Achabdes rues d'autres anhnaux feroces du m£me genre. — 1° Sens
a Damas, dans lesquelles les commergants Israelites propre. — Le rugissement du lion est formidable.
pussent tenir leurs bazars. Ill Reg., xx, 34. — Notre- « Lorsqu'il retentit dans les for£ts, dans le silence de
Seigeur signale 1'hypocrisie dpnt les pharisiens font la nuit, il remplit d'epouvante tous les etres vivants, a
preuve dans les synagogues et dans les rues. Matlh,, vi, une lieue a la ronde. Ces accents graves, profonds,
2, 5. Le pere de famille envoie ehercher des convives caverneux, meles, par intervalles, de notes plus aigues,
dans les places et dans les rues de la cite. Luc., xiv, ont quelque chose de terrifiant, qui glace le cceur.
21. Les Apolres guerissent des malades dans les rues de Lorsque cette grande voix se fait entendre, les bestiaux
Jerusalem. Act., v, 15. Saint Pierre va a travers ces tremblent dans les fermes et en suivent avec anxiete
rues, apres sa sortie de prison. Act., xn, 10. Saint Paul les diverses modulations, pour se rendre comple de la
est recueilli dans la rue Droite, a Damas. Act., ix, 11. marche de 1'ennemi qui s'approche. » L. Figuier, Les
Voir DAMAS, t. n, col. 1217. H. LESETRE. mammiferes, Paris, 1869, p. 321. Voir LION, t. iv,
col. 269. — Aux vignes de Thamna, Samson vit venir a
RUFUS (grec : TO-J^O?), nom d'homme, mentionne lui un lion rugissant. Jud., xiv, 5. Les lionceaux rugis-
deux fois dans le Nouveau Testament. — 1° Saint Marc sent apres leur proie en reclamant leur nourriture.
le cite, xv, 21, comnie celui d'un des fils de Simon le Ps. civ (cm), 21. Le lion rugit apres la proie qu'il con-
Cyreneen : « Us contraignirent un certain Simon de voile, sans craindre les bergers assembles pour lui
Gyrene, pere d'Alexandre et de Rufus,... de porter la tenir tele. Is., xxxi, 4. Quand il rugit, c'est qu'il va se
croix de Jesus. » — 2° Saint Paul, Rom., xvi, 13, salue Hvrer au carnage, Am., in,. 4, et son rugissement re-
Rufus, « elu dans le Seigneur, et sa mere, qui est aussi pand 1'epouvante. Am., in, 8. L'onagre ne rugit pas
la inienne. » Ainsi qu'on 1'a souvent remarque, le trait aupres de 1'herbe tendre. Job, vi, 5.
«. Simon de Gyrene, pere d'Alexandre et de Rufus », 2° Sens figure. — Le rugissement du lion est pris
propre au second Evangile, suppose que Rufus et son comme terme de comparaison pour caracteriser diffe-
fr6re etaient bien connus des Chretiens de Rome, pour rentes autres voix. On a ainsi : 1. Le rugissement du
lesquels saint Marc ecrivit tres specialement son livre, tonnerre ou la voix de Jehovah rnenacant de sa colere,
a Rome meme. Voir MARC, t. iv, col. 739-740; Job, xxxvii, 4; Jer., xxv, 30; Am., 1, 2; Joel, iv, 6
L.-C1. Fillion, L' Evangile selon saint Marc, in-8°, Paris, (in, 16); Ose., xi,-10. « Le rugissement du lion est si
1879, p. 4-5, 9-11. Peu important en lui-meme, ce detail fort que, quand il se fait entendre par echos la nuit
avail un interet particulier pour les Chretiens remains ; dans les deserts, il ressemble au bruit du tonnerre. »
il n'est pas possible d'indiquer une autre raison qui Buffon, CEuvres compl., Paris, s.d., 12in-8°,t.v, p.294.
ait porle 1'evangeliste a le signaler. Bien plus, en rap- La voix de 1'ange est aussi comme le rugissement du
prochant le texte de saint Marc de celui de saint Paul, lion. Apoc., x, 3. — 2. Les rugissements de la haine et
on arrive a une autre conclusion, qui est assez gene- de la cupidite sont pousses par les ennemis et les
ralement adoptee par les commentateurs modernes : persecuteurs, Job, iv, 10; Ps. LXXIV (LXXIII), 4;
c'est que le Rufus de Marc., xv, 21 et celui de Rom., xxii (xxi), 14; Prov., xxvni, 15; Eccli., LI, 4; Jer., LI,
xvi, 13, ne sont qu'un seul et me"me personnage, qui 38; H, 15; Ezech., xix, 7; xxn, 25; Soph., in, 3.
s'etait etabli a Rome avec sa mere et son frere, et qui Satan rugit comme un lion, quand il cherche a faire
y residait lorsque fut composee I'Epitre aux Remains perir les ames. I Pet., v, 8. — 3. Les rugissements
(59 apres J.-G.). Voir F. X. Reithmayr, Commentar viennent aussi de la douleur. Job, in, 24; Ps. xxn,
zum Brief an die Romer, inr8°, Ratisbonne, 1845, (xxi), 2; xxxii (xxxi), 3; xxxvin (xxxvii), 9; Is., LIX,
p. 771; J. Knabenbauer, Comment, in Evangelium 11; Zach., xi, 3. — 4. On compare encore au lion qui
see. Marc., in-8°, Paris, 1894, p. 412; R. Comely, rugit la majeste du roi inspirant la terreur, Prov., xx,
Epist. ad Romanes, in-8°, Paris, 1896, p. 779-780; 2, les pretres poussant des cris devanl les idoles, Bar.,
J. Grimm, Geschichte des Leidens Jesu nach den vier vi, 31, et Judas Machabee courant bravement sur les
Evangelien dargestellt, in-8°, t. n, Ratisbonne, 1899, ennemis. I Mach., in, 4. H. LESETRE.
p. 51-52. Cette opinion est tres ancienne, car on la
rencontre deja, au moins implieitement, dans les Actes RUINE, ensemble de materiaux qui restent, partie en
apocryphes d'Andre et de Pierre. Voir N. Bonnet, place et partie a terre, apres la destruction d'un edifice
Passio Andrew..., Ada Petri et Andrese, in-8°, Leipzig, ou d'une ville. Par assimilation, on donne le nom de
1898, p. 117-118. Neanmoins, de graves auteurs sont ruine a la perle de la prosperite pour les nations ou les
contraires a Tidentification, surtout parce que le nom individus.
de Rufus etait alors tres commun chez les Romains. 1° Ruines materielles (hebreu : galim, « monceau
Cf. F. Kaulen, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et depierres»; Septante : ai>avio-[x6(;, ((destruction », pis-
Welte, 2* edit., t. x, col. 1356. On a fait aussi de Rufus Totxta, « emigration », yr_d>\i.ai, « amas de terre » ; Vul-
un des soixante-douze disciples et un evgque de Thebes gate : acervus arenas, tumulus; — horbdh, « devas-
en Egypte. Voir R. A. Lipsius, Die Apostelgeschichten tation)), sprjjwK, (( desert y>,desertaf des tructa, ruinosa;
und Apostellegenden, t. H, 2e partie, Brunswick, 1887, — makseldh, 6p5>[/.a, « plaie », ruina; — me'i, « mon-
p. 222; t. HI, 1890, p. 2. Dans le martyrologe syrien ceau de mines », TtTfixrt?, « chute »,
1269 RUINE — RUMA 1270
« choses abandonnees *, acervus lapidum ruina; — a la ruine que se meler aux hommes remnants. Prov.,
mapdldh, mapeldh, mapelet, uT&atc, ruina;—massiCot, xxrv, 21, 22.
eirovtipeucraTo, malignatus est; — mehitidh, SetXt'a, La voie de Jehovah est un rempart pour le juste,
« frayeur », formido; — % ouwpofiuXaxsov, « cabane de Mais elle est une ruine pour ceux qui font le mal.
gardien », aoxrov, « impraticable », acervus lapidum;
— Se'iyydh, sp^o;, solitudo; — Sdmenof, a9avi<T[j.o<;, Prov., x, 29. jCf. Luc., n, 34; Joa., m, 19, 20.
if •/,[/.(>?, desolatio, dissipata;—resisim, OXao-jj-a, « meur- H. LESETRE.
trissure », ruina; — beqi'im, p"aY[xa, sans doute pour RUISSEAU d'Egypte. Voir EGYPTE 3, t. n, col. 1621.
payac, «. crevasse », scissio). — Le grand nombre de mots
bebreuxen usage pour expritner 1'idde de ruines montre RUMA, nom de deux localites de Palestine dont le
que les destructions dues aux invasions etaient fre- nom est different en hebreu.
quentes. — Le Seigneur dit aux Hebreux que, s'ils luj
sont infideles, il reduira leurs villes en ruines desertes. 1. RUMA (hebreu, Jos., xv, 52: Dumdh, « silencieuse »;
Lev., xvvi,33. — Isai'e evoque douze fois 1'idee de ruines Septante, Vaticanus: 'Psfxva; Alexandrinus: 'Poujjia;
en se servant [de neuf mots differents. Dans Jerusalem — II (IV) Reg., xxin, 36 : hebreu : Rumdh; Vaticanus :
devastee, on dira au premier venu ayant un manteau : 'Poup-a; Alexandrinus : 'Pj^a; Sinaiticus : Kpou(ji.a),
« Sois notre chef, et que cette mine soit sous ta garde! » ville de la tribu de Juda. Elle est mentionnee, Jos., xv,
Is., m,6. Damas ne sera plus qu'un monceaude ruines. 52, entre Arab et Esaan, parmi les villes qui furent
Is., xvu, 1. Les Ghaldeens ont fait de Tyr un monceau de ensuite attribuees a la tribu de Simeon. La plupart des
ruines. Is., xxm, 13. Babylone a son tour a eu le meme interpretes tiennent Ruma de IV Reg., patrie de Pha-
sort. Is., xxiv, 12; xxv, 2. Au temps de la restauration, dai'a etde sa fille Zebida, mere du roi Joachim, pour la
les ruines de Sion seront trop etroites pour contenir ses meme ville que Ruma de Josue. Quelques-uns le con-
nouveaux enfants. Is., XLIX, 19. Ses enfants rebatirontles testent et pensent qu'elle pourrait 6tre la Ruma de
ruines antiques et releveront les fondations d'autrefois. Jud., iv, 51. Voir RUMA 2. — Bien que la lecture Ruma
Is., Lvm,12; LXI, 4. C'est ainsi que Dieu consolera Sion soit encore, II (IV) Reg., celle de 1'hebreu, etcelle des
de ses ruines. Is., £i, 3. — Jeremie, ix, 11; xxvi, 18; LI versions, les critiques preferent generalement la lec-
37, predit a Jerusalem et a Babylone qu'elles deviendront ture Dumdh, parce que le nom de Dumeh, Xoj>
des monceaux de ruines. Michee, i, 6; in, 12, annonce (quelques-uns transcrivent Daumeh), se trouve 6tre
le meme sort^a Samarie et a Jerusalem. Amos, vi, 12, celui d'une ruine situee a 16 oul7 kilometres au sud-
dit aussi a Sion et a Samarie que Dieu fera tomber en ouest d'Hebron, entre er-Rabieh et Sdnrid, deux loca-
ruines la grande maison et en debris la petite maison, lites identifiers avec Arab et Esaan. Eusebe et saint
c'est-a-dire que rien ne sera epargne, ni palais ni mo- Jerome paraissent avoir lu encore au iv6 siecle Aoujjidc
destes demeures. — Dieu a permis aux Assyriens de et Duma. Aou(ji.a, dit le premier en faisant allusion a
reduire des villes fortes en monceaux de ruines. IV Reg., la ville de Josue, de la tribu de Juda, [est] maintenant
xix, 25. Les ennemis ont mis en ruines le sanctuaire, un tres grand village du Daroma, dans le territoire
Ps. LXXIV (Lxxxm),3; ils ont fait de Jerusalem un mon- d'Eleutheropolis, au xvn6 mille de cette ville. Saint
ceau de pierres. Ps. LXXIX (LXXVIII), 1. Tyr connaitra Jerome ajoute : « ausud i>,0nomasticon, Berlin, 1862,
aussi la ruina. Ezech., xxvi, 15,18. Les ruines d'Israel p, 172, 173. Dix-sept milles romains, environ 25 kilo-
seront relevees. Ezech., xxxvi, 10, 33. Edom voudra re- metres, est la longueur a peu pres exacte du chemin
lever les siennes, mais Dieu Ten empechera. Mai., i, 4. qui conduit de Beit-Djibrin, 1'Eleutheropolis des
— Ezechiel, xxxvni, 12, predit que Gog ira piller des Grecs et des Romains, a Dumeh. Cette ruine, situee sur
ruines maintenant habitees. Daniel, ix, 26, annonce la deux collines divisees par un ravin, occupe un assez
grande devastation qui ruinera le sanctuaire apres le vaste espace. Parmi les debris des habitations renver-
temps du Messie. — Notre-Seigneur compare celui qui sees et qui etaient formees de pierres taillees et equar-
ne met pas en pratique sa parole a 1'insense qui balit sa ries, on remarque les restes de deux eglises chretiennes.
maison sur le sable; quand surviennent la pluie et les EHes etaient baties avec de grandes et belles pierres,
vents, la maison n'est bientot qu'une ruine. Matth., vn, relevees en bossage, qui paraissent provenir d'edifices
27; Luc., vi, 49. plus anciens. On rencontre d'innombrables citernes et
2° Ruines personnelles (h4breu : madheh, axaTocara- des caveaux spacieux tailles dans le roc, tres probable-
aia, « bouleversement », ruina; — m e h i f t d h , <rjvrpt6vj, ment les uns et les autres de 1'epoque juive ou meme
« brisement», xaxov, « mal », confusio, malum; — ma- des epoques anterieures. De nombreuses grottes sepul-
peldh, mapelet, massu'of, m-wo-cc, ruina). — Les dieux crales entourent la localite. — Cf. Rich, von Riess,
de Damas seront une occasion de ruine pour Achaz et £iblis-:he Geographic, 1872, p. 18, 81; V. Guerin,
Israel. II Par.,xxvm, 23. Jesus-Christ le sera aussi pour Judee, t. in, p. 359-361; Armstrong, Wilson et Conder,
ceux qui ne voudront pas le reconnaitre. Luc., 11, 34. — Names and Places in the Old Testament, Londres,1887,
Job, xxxi, 29, ne s'est pas rejoui de la ruine de ses en- p. 50; The Survey of Western Palestine, Memoirs,
nemis. Babylone s'est rejouie au contraire de la ruine t. m, p. 313. L. HEIDET.
de Jerusalem. Bar., iv, 31. Judith, xni, 25, a sauve son
peuple de la ruine. Esther, xiv, 11, demande a Dieu 2. RUMA (hebreu 'Arumdh; Septante, Vaticanus :
que les ennemis de son peuple n'aient pas a rire de sa 'Apr^a; Alexandrinus : 'Apt^.a), residence du juge
ruine. — Dieu abat les mechants, ils/ne sont plus que Abimelech, fils de Gedeon. Jud., ix, 41. — Selon Gese-
ruines, Ps. LXXIII (LXXII), 18; mais, au juste, il est un nius, Thesaurus, p. 1275, Ruma de II (IV) Reg., xxm,
refuge au jour de la ruine. Jer.,xvn,17. II faut se con- 36, pourrait etre identique a celle-ci. Voir RUMA 1.
vertir pour que 1'iniquite ne devienne pas une cause de La transformation de T en i de la part des copistes
ruine. Ezech., xvm, 3. Au jour de la ruine de 1'jigypte, semble toutefois plus admissible que la supposition du
chacun tremblera pour soi. Ezech., xxxn, 10. — Les mariage du pieux roi Josias, pere de Joachim, avec une
justes contempleront la ruine des mechants, Prov., femme du pays de Samarie depuis longtemps habile
xxix, 16; cependant, il ne faut pas se rejouir de la par les Cutheens. — Quoi qu'il en soit, pour Eusebe,
ruine de ses ennemis. Prov., xxiv, 17. La ruine est « Toufia, c'est Aria. La, ajoute-t-il, selon [le livre des]
amenee par la bouche de 1'insense. Prov., x, 14; xvm, Juges, resida Abimelech. Elle est maintenant appelee
7. par 1'arrogance et 1'orgueil, Prov., xvi, 18; xvu, 19, Remphis (Remthis) et appartient au territoire de Dios-
par 1'intemperance de la langue, Prov., xm, 3, et par polis (Lydda). C'est la m£me [ville] qu'Arimathie. »
les paroles de flatterie. Prov., xxvi, 28. C'est s'exposer Saint Jerome, au lieu d'Aria lit Arima, et attenue un
1271 R U M A — RUSE 1272
peu la derniere affirmation en disant : « La plupart tion.Meme quand leur repas est termine, les rumi-
disent maintenant que c'est Arimathie. » Onomasticon, nants machonnent presque constamment, pourachever
edit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 316, 317. Si la mastication des aliments precedemment ingeres.
1'identite de Remthis, aujourd'hui Rentis avec Arima- Les ruminants n'ont pas d'incisives superieures, rem-
thie et Ramathaim (voir RAMATHAIM-SOPHIM, col. 944} placees chez eux par un bourrelet dur et calleux;
est aujourd'hui reconnue d'un grand nombre, on con- ils ont les pieds fourchus. Les ruminants sont, parmi
teste presque universellement qu'elle puisse etre la les bovides, le boeuf, la chevre, le mouton, 1'anlilope,
Ruma, ou Arima, du livre des Juges. D'apres son recit, le bouquetin; parmi les cervides, le cerf, le chevreuil,
cette localite semble avoir appartenu au territoire de la girafe; parmi les camelides, le chameau, le droma-
Sichem et n'avoir pas ete eloignee de cette ville. Rentis daire, etc. — La loi raosai'que permettait de manger les
est, en effet, a environ 40 kilometres de Nablus, 1'an- ruminants, caracterises par la rumination et par le
cienne Sichem et les chemins pour arriver de 1'une a pied fourchu. Elle en excepte le chameau, dont la corne
1'autre sont des plus difficiles. — On doit faire, malgre n'est pas divisee. Le chameau a bien le pied bifurque,
1'analogie des nonis, la meme remarque pour Beit-Rima, comme les autres ruminants, mais ce pied est muni en
situee a 8 kilometres a Test de Rentis, et dans laquelle dessous d'une forte semelle cornee, ce qui permet de
plusieurs auteurs ont voulu voir Ruma-Arima. Cf. Buhl, dire qu'il n'est pas divise. Voir CHAMEAU, t. 11, col. 519.
Geographic des Alien Palastina, 1896, p. 170-171. — La loi range aussi parmi les ruminants le lievre et le
Au xiie siecle, on la reconnaissait dans une localite daman. Lev., xi, 5, 6; Deut., xiv, 7. Ces deux animaux
a 4 verstes, selon 1'hegoumene russe Daniel, a 1'ouest ne ruminent qu'en apparence, et c'est seulement
de Sebaste (Samarie). Itineraires russes en Orient, d'apres cette apparence que la loi parle d'eux. Voir
edit, de Khitrowo, Geneve, 1884, p. 58. 11 s'agit evi- CHOEROGRYLLE, t. n, col. 714; LIEVRE, t. iv, col. 252.
demment de Rdmin, grand village, bati sur une col- H. LESETRE.
line a 4 kilometres et demi a 1'ouest de Sebaslieh. Le RUPERT DE OEUTZ (Rupertus Tuitiensis), exe-
rabbin Schwarz propose la meme identification. Tebuolh gete et mystique de la premiere moitie du xne siecle,
ha-Arez, edit. Luncz, Jerusalem, 1900, p. 194. Onpeut dont la patrie et la dale de naissance ne sont pas exac-
objecter que Ramin parait avoir plus de rapport avec tement connues. II etait originaire des environs de
le mot Rimmon, «. grenade », qu'avec la racine rum Liege, d'apres Mabillon; il etait Allemand, d'apres Tri-
dont Rumdh, « elevee », semble plutot proceder. — theme, P.L.,i. CLXVII, col.11. Son surnom de Deutz pro-
Les explorateurs modernes preferent generalement vient de 1'abbaye de Deutz, monastere de benedictins,
el-Ormeh, proposed par Van de Velde, Cette ruine situe sur la rive droite du Rhin en facede Cologne, dont
situee a 10 kilometres au sud-est de Nablus et a 3 au il devint abbe en 1119 ou 1120. II avait pris 1'habit de
nord-ouest de 'Aqrdbeh, est une antique forteresse, saint Benoit au monastere de Saint-Laurent a Liege.
couronnant le sommet d'une colline abrupte qui com- II mourut d'apres Topinion la plus probable en 1135. II
mande toute la contree. On y voit de nombreuses ci- s'etait voue principalement a 1'etude de 1'Ecriture Sainte
ternes et de yastes caveaux pratiques dans le roc. Une et de la theologie mystique. II s'attacha moins a 1'expli-
belle vallee plantee d'oliviers se developpe a Test. Le cation litterale du texte sacre qu'a 1'explication spiri-
changement de \"A initial en 1'aspire 'A, se retrouve tuelle et allegorique. Nous citerons parmi ses ecrits
en d'autres noms, par exemple dans celui d"Ascalon De Trinitate et operibus ejus libri XLII, publie en
devenu 'Asqaldn. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topo- 1117, dans lequel il se proposaitd'expliquertout le plan
graphique de la Terre Sainte, Paris, 1877. p. 262; du salut, qu'il etudie successivement dans les cinq
The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. n, p. 387; livres du Pentateuque, Josue, les Juges, les Rois, Isaiie,
Riess, Biblische Geographic, 1872, p. 6. — On trouve Jeremie, Ezechiel, Daniel et les quatre Evangiles,
en outre, a douze cents melres a 1'est-nord-est de Sebas- t. CLXVII, col. 198-1570; Commentaria in duodecim
tieh et a cinq cents a 1'ouest de Nusf edj-Djebel, « a prophetas minores, t. CLXVIII, col. 1-836; in Cantica
moitie des montagnes », village situe sur le flanc sep- Canticorum de Incarnatione Domini, col. 839-962, que
tentrional de la montagne qui est le prolongement de Rupert resume dans ces deux vers :
1'ancien Ebal et a dix kilometres deNaplouse,une source
connue sous le nom de 'Ain Kefr Rumd, « la fontaine Femina wente Deum concepit, corpore Christum :
Integra fudit eum nil operante viro;
du village de Rumd ». Ce dernier nom etait sans doute
celui du village voisin. II semble plus rapproche que les Super Job, col. 961-1196; In librum Ecclesiastet,
autres du nom biblique et peut-etre serait-il plus juste col. 1195-1306, ou 1'auteur s'attache au sens litteral
de chercher ici qu'ailleurs la residence du juge Abi- plus que dans ses autres ouvrages : Opus de gloria et
melech. L. HEIDET. honore Filii hominis super Mattliseum, col. 1307-1434
(commentaire allegorique); In Evangelium Joannis
RUMINANTS, animaux qui riiminenl. — La rumi- commentariorum libri XIV, t. CLXIX, col. 201-826 (le
nation est appelee gerdh; Septante : [xrjpuxtdfj.6;). Les commentaire suit le texte, dans lesens litteral, concilia
deux mots hebreu et grec designent, dans le sens les divergences et ajoute souvent une interpretation
concret, ce que ruminent certains animaux. Le mot he- allegorique); In Apocalypsim, col.825-1214 (le contenu
breu ne se rencontre que dans les expressions he'dldh de ce livre est considere plutot comme se rapportanta
gerdh, « faire monter la rumination », Lev., xi, 3-6, 26; 1'histoire de I'Eglise dans le passe, depuis la creation
Deut., xiv, 6, et gdrar gerah, « tirer la rumination ». jusqu'a la venue de Notre-Seigneur que comme une
Lev., xi, 7; Deut,, xiv, 8.11 n'est point certain d'ailleurs prophetic de 1'avenir). — Voir Histoire litteraire de
que gerdh vienne de la racine gdrar. La Vulgate tra- la France, t. xi, 1759, p. 422-587; Rocholl, Rupert von
duit ces expressions par le seul mot ruminare. — Un Deutz, Giitersloh, 1886.
Certain nombre de mammiferes herbivores sont ppur-
vus de quatre estomacs. Une fois maehes, les aliments RUSE (hebreu : nekel, sekel, 'armdh; Septante :
sont absorbes par un premier estomac appele panse; SoXoc, 8oXt6r/ic,TCavo'jpyca;Vulgate : aslutia;le ruse
1'animal les fait remonter dans la bouche a travers est appele 'drum, iravoypyoc, astutus, callidus), habilete
un second eslomac, le bonnet, dans lequel ils s'imbi- a se tirer d'embarras ou a y mettre les autres, et
bent et se compriment; les aliments remaches acte procedant de cette habilete. Cette habilete confine
passent ensoite, par 1'oesophage, dans un troisieme parfois a la fourberie. Voir FOURBERIE, t. n, col. 2339.
estomac appele feuillet, pour se rendre enfin dans le — La premiere et la plus grave des ruses dont parle
quatrieme estomac, la caillette, ou se fait la diges- la Sainte Ecriture est celle de Satan, prenant la forme
1273 RUSE — R U T H (LIVRE DE) 1274
du serpent et faisant tomber Eve dans le peche. Gen., neurs non seulement de la trailer avec respect et de la
m, 1; II Cor., xi, 3. — Celui qui tuait son prochain faire manger avec eux, mais de laisser tomber a dessein
par ruse ou guet-apens devait etre mis a mort sans des epis a terre, pour que sa glane fut plus conside-
pitie. Exod., xxi, 14. — Les ruses des Madianites rable, n, 3-23. Lorsque Noemi eut connaissance de cette
firent tomber les Israelites dans 1'idolatrie a Beelphe- noble etgenereuseconduite, elle donna des instructions
gor. Num., xxv, 18. —Jacob obtient par ruse la benedic- a Ruth, pour que celle-ci engageat Booz a remplir son
tion d'Isaac, et il s'enrichit par ruse aux depens de role de go'el, c'est-a-dire de protecteur, en rachetant
Laban. Voir JACOB, 1, t. in, col. 1061, 1063. — Les 1'heritage d'Elimelech et en 1'epousant elle-meme, HI,
Israelites, comme plusieurs autres peuples anciens, 1-18. Comme il y avait un parent encore plus proche
estimaient la ruse presque a 1'egal de la bravoure. que Booz, on obtint qu'il se desistat, iv, 1-12; ensuite
Diflerentes ruses de guerre sont mentionnees : Les Booz epousa Ruth, a la grande joie de tous les habitants
Gabaonites feignent de venir de tres loin afin que de Bethlehem. Us eurent un fils, qu'on nomma Obed et
Josue fasse alliance avec eux, Jos., ix, 3-15; la ville de qui fut I'ai'eul de David, iv, 13-22. — Ruth peut etre en-
Hai est prise grace a un stratageme, Jos., vm, 3-23; visagee comme « un singulier exemple de vertu et de
Gedeon se sert de trompettes et de torches enfermees piete, dans un age de rudesse et parmi un peuple ido-
dans des cruches pour jeter la panique parmi les latrique...; comme 1'heroine d'une histoire exquise en
Madianites, Jud., vn, 15-23; Abimelech s'empare de beaule et en simplicite. » A. C. Hervey, dans Smith,
Sichem par ruse, Jud., ix, 32-40; plus tard, Judith se^ Diction, of the Bible, t. in, p. 1064. Saint Jerome fait
sert de la ruse pour se bien faire venir d'Holopherne remarquer, Epist. xxii ad Paulam, t. xxn, col. 471, que
et le tuer. Judith, x, 1-xni, 11, etc. Saul remarque que nous pouvons apprecier la grandeur de sa vertu par la
David etait fort ruse. I Reg., XXIH, 22. Ce dernier jus- grandeur de sa recompense : Ex ejus seniine Christus
tifia sa reputation a la caverne d'Engaddi, I Reg., xxiv, oritur. Elle est, en effet, mentionnee dans la liste des
4-10; au desert de Ziph, I Reg., xxvi, 7-16; a Geth, ancetres de Notre-Seigneur. Matth,, i, 5. — Sur 1'epoque
I Reg., xxvn, 8-12, etc. — Job, v, 13, dit que Dieu ou elle vivait, voir RUTH 2. L. FILLION.
prend les plus habiles dans leurs propres ruses. C'est
ce que Ton constate frequemment dans 1'Evangile, 2. RUTH (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVISION. —
quand les ennemis du Sauveur cherchent a le prendre 1° Get ecrit, 1'un des plus courts de ceux qui compo-
en defaut. Ainsi en est-il a propos des guerisons sent 1'Ancien Testament, est ainsi nomme parce qu'il
operees le jour du sabbat, Matth., xii, 10-12; de la raconte 1'histoire de Ruth la Moabite. Comme 1'a fait
femme adultere, Joa., vm, 5; de 1'autorite divine du remarquer Ewald, Geschichtedes VolkesIsrael, 3e edit.,
Sauveur, Matth., xxi, 23-27; du tribut a Cesar, Matth., 1.1, p. 225, ce livre est unique en son genre dans 1'An-
xxii, 15-22; de la resurrection, Matth., xxn, 23-33, etc. cien Testament, ou nous ne trouvons nulle part une
— Saint Paul rappelle la sentence de Job a propos de histoire de famille d'ordre aussi intim.e, exposee avec
la sagesse de cemonde. I Cor., m,19. II recommande de autant de details.
ne pas se conduire par astuce, II Cor., iv, 2, et de ne 2° II se divise en deux parties. La premiere, qui sert
pas se laisser prendre, comme des enfants, a la ruse d'introduction, i, 1-22, raconte comment Ruth, apres
des docteurs de mensonge. Eph., iv, 14. — Lui-meme, avoir epouse un des fils de Noemi, ,et eHre devenue
parlant des industries de son zele, se presente a ses veuve comme sa belle-mere, vint se fixer avec celle-ci
fideles comme un homme astucieux qui used'artifices. a Bethlehem. La seconde, quicontient le corps durecit,
II Cor., xii, 16. H. LESETRE. n, 1-iv, 22, montre dans quelles circonstances elle
devint la femme de Booz, la mere d'Obed, et par la-
RUSSES (VERSIONS) DES SAINTES ECRI- meme 1'ai'eule du roi David. — En voici les subdivi-
TURES. Voir SLAVES (VERSIONS). sions : I. 1° Premier mariage et veuvage de Ruth, i,
1-5; 2° Noemi revient a Bethlehem avec Ruth, i, 6-22.
1. RUTH (hebreu : Rut; Septante : Tou6), femme — II. 1° Ruth glane dans les champs de Booz, n, 1-23;
moabite dont 1'histoire est racontee dans le petit livre 2° Noemi intervient pour menager un mariage entre
qui porle son nom. Elimelech, Israelite domicilie a Ruth et Booz, in, 1-6; 3° Booz consent a epouser Ruth,
Bethlehem, dans la tribu de Juda, a 1'epoque des Juges, in, 7-18; 4° L'affaire du mariage est legalement traitee
emigra au pays de Moab avec sa femme Noemi, et ses en presence des notables de la ville, iv, 1-12; 5° Ma-
deux fils Mahalon et Chelion, pousse par la famine riage de Booz et de Ruth, naissance d'Obed, iv, 13-17;
qui desolait alors la Palestine. II y mourut apres un 6» Genealogie de David, en remontant jusqu'a Phares,
certain temps, et ses deux fils epouserent des femmes iv, 18-22.
moabites : Mahalon s'unit a Ruth, iv, 10, et Chelion a II. EPOQUE A LAQUELLE SE PASSERENT LES FAITS. —
Orpha. Us ne tarderent pas a mourir eux-memes, et Le livre tie Ruth ne signale qu'une seule date propre-
Noemi resta seule avec ses deux belles-filles, i, 1-5. La ment dite. Nous la trouvons des la premiere ligne, i,
famine ayant cesse de sevir a Bethlehem, elle se decida 1 : « Aux jours ou les Juges jugeaient, » c'est-a-dire
a rentrer dans sa patrie, et elle engagea ses brus a gouvernaient; avec une paraphrase dans la Vulgate : in
demeurer avec leurs families d'origine. Apres un mo- diebus unius judicis, quando judices prxerant. Mais
ment d'hesitation, Orpha prit le parti de rester; mais la periode en question fut considerable, puisqu'elle
Ruth refusa de se separer de sa bejle-mere : « En correspond a 1'intervalle de temps compris entre les
quelque lieu que tu allies, j'irai, et partout ou tu demeu- annees 1401 et 1095 avant J.-C. Voir CHRONOLOGIE BI-
reras, j'y demeurerai aussi; ton peuple sera mon peuple, BLIQUE, t. n, col. 738. On a cherche a preciser davan-
et ton Dieu sera mon Dieu, » i, 6-16. Noemi 1'emmena tage cette donnee generale. Josephe, Ant. jud., V, ix,
done avec elle, I, 18. Elles arriverent a Bethlehem au 1, place 1'histoire de Ruth sous la judicature d'Heli, qui
commencement de la moisson des orges, c'est-a-dire preceda immediatement celle de Samuel etl'institution
vers la fin d'avril, et Ruth se mit aussitot a glaner, pour de la royaute chez les Hebreux. Cela nous conduirait
subvenir aux besoins de 1'humble menage, i, 19-n, 2, aux annees 1168-1128 (1.11, col. 738), et cette date est ad-
La Providence permit que le champ ou elle vint tout missible. En effet, les deux derniers versets du livre,
d'abord appartint a Booz, riche proprietaire, qui etait iv, 21-22, supposent quatre generations entre Booz et
uu assez proche parent d'Elimelech. Booz remarqua la David, y compris celle de Booz; ce qui equivaut a envi-
jeune femme, et, comme il connaissait 1'histoire de ses ron 100 ans: or, il s'ecoula cent treize ans depuis le
vertus, et son attachement pour sa belle-mere, pour le debut de la judicature d'Heli jusqu'au regne de David
pays et la religion d'Israel, il ordonna a ses moisson- (1168-1055). — D'autres ont pense que cette date etait
1275 RUTH (LIVRE DE) 1276
trop recente. En rapprochant iv, 21 de Matth., i, 5, on teur du livre croit devoir expliquer a ses lecteurs
voit que le pere de Booz, Salmon, avail epouse la ce- 1'usage en question, tombe en desuetude; mais il est
lebre Rahab quelque temps apres la prise de Jericho signale, Deut., xxv, 9, comme remontant au moins a
par Josue, en 1453. Voir RAHAB, col. 934. D'aprescela, Moi'se, et, entre 1'epoque de Ruth et le moment on
les evenements que raconte le livre de Ruth auraient David arriva a 1'apogee de sa gloire, il s'ecoula environ
«u lieu sous les premiers Juges. Mais alors on aurait 150ans; cequisuffit largement pour expliquer comment
un intervalle d'environ 400 ans (1455-1055) entre la cette coutume avail pu cesser d'etre en vigueur des la fin
naissance de Booz et le regne de David. Les partisans de la periode des Juges, et par consequent d'etre connue.
de cette opinion supposent qu'il manque un certain Cf. Keil, Richter und Ruth, p. 384. — On peut dire avec
nombre de generations entre Booz et David. II est cer- assez de vraisemblance que le livre de Ruth aura ete
tain qu'on en a omis plusieurs entre Phares et Booz, iv, difficilement compose apres le regne de Salomon; en
18-21, car six generations seulement pour environ neuf effet, ce prince est fortement blame, III Reg., xi, 1-8,
cents ans sont insufflsantes; il faut done admettre qu'en d'avoir epouse des femmes etrangeres, et en particulier
cet endroit les principaux ancetres auront ete seuls des Moabites et des Ammonites. II nel'aura pas ete non
mentionnes. Voir GENEALOGIE DE JESUS-CHRIST, t. in, plus pendant 1'exil, puisque les Juifs vecurent alovs
col. 165-167. — Comme date des evenements raconles au plus que jamais s^pares des autres peuples. — Les don-
livre de Ruth, on a aussi design^ parfois la judicature nees du livre qui peuvent nous aider a fixer 1'epoque de
de Samuel (1128-1095), celle d'Aod (apres 1343), celle sa composition sont peu nombreuses. II en est deux,
de Gedeon (1256-'J216). Ce dernier sentiment s'appuie neanmoins, qui ont un caractere plus determine. —
sur la famine mentionnee dans Ruth, i, 1, et Jud., 1. Nous venons de le voir, 1'episode qui forme le fond
vn, 4-5. Mais la famine qui sevit en Palestine au temps du recil est dale des «jours ou les Juges jugeaient, »i,
de Gedeon provenait surtout des ravages operes par les 1. II suit de la que, lorsqu'il fut redige, la judicature
Madianites, tandis que celle que signale notre livre avail disparu comme forme de gouvernement et fait
parait avoir eu plutot des causes naturelles. D'ailleurs, place depuis un certain temps a la monarchic. — 2. La
en toute hypothese, un fleau de ce genre est une chose genealogie qui termine 1'ecril s'arrete brusquement a
trop frequenle en Palestine pour pouvoir servir de David. On peut conclure de la que ce prince regnait
date precise. — De ce qui precede, il resulte qu'il n'est encore au temps de la composition, et qu'il avail deja
pas possible de determiner d'une maniere certaine acquis une grande importance sous le rapport theo-
1'epoque ou vivaient Ruth et Booz. Quoi qu'il en soil, cralique. On ne comprend guere que 1'auleur, s'il n'a
le livre qui raconte leur mariage complete admirable- pas eie contemporain du roi David, ne soil pas alle au
ment 1'histoire des Juges. « Sans lui,. nous n'aurions dela de lui dans sa liste.
connu Israel que d'une maniere tres imparfaite, et uni- IV. AUTEUR DU LIVRE. — Si 1'incertitude regne au
quement par let dehors, durant la periode tragique des sujel de 1'epoque precise ou fut compose le livre de
Juges. Mais voici que ce petit livre nous revele la vie Rulh, a plus forle raison est-il impossible d'en deter-
intime des pieux Israelites d'alors, et nous la montre miner 1'auteur avec quelque vraisemblance. D'apres le
sous son jour le plus favorable. » L.-C1. Fillion, to Talmud, Baba bathra, fol. 14 b, c'esl le prophele
Sainte Bible commentee, t. n, p. 120. Samuel qui aurait ecrit le livre des Juges, celui de
III. DATE DE LA COMPOSITION. — Les sentiments des Rulh el les deux livres dils de Samuel. Le fait n'esl
interpretes et des critiques varient beaucoup sur pas impossible en soi, mais les preuves positives font
1'epoque ou fut compose le livre de Ruth; on 1'a placee defaul, et le style du livre de Ruth esl tel, que des he-
a toutes les periodes de 1'histoire Israelite qui se sont brai'sants distingues ne croient pas possible que le
ecoulees entre le regne de David et le temps des Macha- meme ecrivain ait pu composer cet ecrit et en meme
bees. Les commentateurs catholiques, entre autres le temps le livre des Juges et ceux de Samuel. Cependant
P. Comely, Introd. specialis, t. I, p. 234, et le P. von cetle opinion, qui etait celle de Calmet et de Cornelius
Hummelauer, Lib. Judicum et Ruth, p. 357, et plu- a Lapide, a encore aujourd'hui des partisans, entre
sieurs prolestants orlhodoxes, notamment MM. Keil, autres le P. Comely, Introd. specialis in histor. Veteris
P. Cassel et Wrigth, dans les ouvrages cites plus loin, Testam. libros, Paris, 1887, p. 233-234. Sans etre aussi
placent la composition du livre sous le regne de David, formel, le P. von Hummelauer, Comm. in libr. Judi-
et, pour la plupart, vers la fin de ce regne. MM. E. Reuss, cum et Ruth, p. 359-360, admel que le livre a pu elre,
Oettli, Driver, etc., notablement plus tard, pendant la sinon compose, du moins public par Samuel. La ques-
derniere periode du royaume de Juda; Reuss, entre tion est actuellement insoluble.
la ruine du royaume d'Israel et celle du royaume V. STYLE. — Tout bref qu'il soil, le livre de Ruth a
de Juda; d'autres, sous Ezechias. Ewald, Gesch. des ses parlicularites bien marquees sous le rapport du
Volkes Israel, 3e edit., t. i, p. 107; Bertheau, Com- style, qui ne ressemble a celui d'aucune autre partie
ment., 2e edit., p. 237, et le Dr Kcenig, Einleilung in de 1'Ancien Testament. Les principales sont les sui-
das A. T., p. 285, reclament une date beaucoup plus vanles : 1° les terminaisons en In, au lieu de i, pour
recente encore, et regardent le livre de Ruth cqmme la seconde personne du feminin singulier, au temps
un fruit de la captivite de Babylone. La plupart des imparfait : n, 8, 21; tidebdqin; m, 4, ta'asin; ill, 18;
neo-critiques vont le plus loin possible apres 1'exil : tede'in; 2° les terminaisons en ti, au lieu de te, pour
tels MM. Kuenen, Schrader, Wellhausen, Bertholet, la seconde personne du feminin singulier, au temps
Budde,Nowack, dans leurs Introductions ou lews com- parfait : n, 8, ta'aburi; in, 3, samti, ydradeti; ill, 4,
mentaires. Voir aussi E. Meyer, Geschichte der poet. sdkabti; 3° les lerminaisons en un, au lieu de it, pour
National-Literatur der Hebrder, in-8°, Leipzig, 1856, la 3e personne du pluriel: n, 9, iq$drun; 4° les verbes
p. 500-504; C. H. Cornill, Einleitung in das A. T., 'dgan, « relenir, fermer », I, 13; $abat, « presenter »,
2e edit., p. 243; G. A. Barton, dans la Jewish Encyclo- n, 14; sdlal, « lirer », n, 16; nilpaf, « se retourner
pedia, t. x, p. 577. Les partisans d'une composition pour voir », in, 8; 5° le subslantif sebet, « gerbe », u,
relativement recente mettent surtout en avant 1'ancienne 16, et 1'adjectif mdrd', « amer », au lieu de mdrdh, i,
coutume mentionnee dans Ruth., iv, 7, qui consistait a 20; 6° les conjonctions terem, « avant que », in, 14, et
remettre sa chaussure au proprietaire auquel on cedail Idhen, « c'est pourquoi », au lieu de Idken, 1,13; 7° la
son droit de propriete. Kile etait usitee « autrefois » locution 'eik ippol ddbdr, HI, 18, etc. Voir F. Keil,
(hebreu: lefdnim; Septante : qiTrpoffOEv; Vulgate : anti- Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, p. 415-416;
quitus). Voir E. Kautzsch, Abriss der Gesch. des alt- E. Koenig, Einleitung in das A. T., p. 286-287;
testam. Schrifttums, in-8°, Leipzig, 1897, p. 115. L'au- J. R« Driver, An Introd. to the Literature of the Old
1277 RUTH ( L I V R E DE) 4278
Test., 5e ed., Edimbourg, 1894, p. 426-427. Les Masso- objective. L'ecrit lui-meme se presente comme voulant
retes ne se sont pas toujours rendu compte de ces par- raconter des faits historiques. Gf. i r l, et iv, 17-22.Dans
ticularites et les ont corrigees dans le texte, comme si ce dernier passage, la narration particuliere qui forme
elles eussent ete des fautes. Un fait plus surprenant, le fond du livre est rattachee a 1'histoire generale du
c'est que ft tous les interpretes modernes, qu'ils veuil- peuple de Dieu. Nous savons d'ailleurs, par Malth., i,
lent demontrer Porigine ancienne du livre ou lui assi- 5, que Rooz, Obed et Ruth furent des personnages tres
gner une date plus recente, invoquent cet argument (la reels. « II n'a pas ete insere (dans le livre) un seul
preuve tiree du style), et que ces singularites, ils les traitauquel on puisse reprocher d'etre invraisemblable,
appellent, les uns archaismes, les autres neologisrnes, a plus forte raison d'etre historiquement impossible. »
ceux-ci bethlehemismes, ceux-la'moabitismes. Cepen- Oeltli, Die geschic.htl. Hagiographen, p. 214. Les moin-
dant, parce qu'elles se rencontrent surtout dans les dres details sont conformesaux circonstances de temps,
entretiens (i, 13; H, 8; in, 3, 4), elles seroblent ne de- de lieux, de personnes, telles que nous les connaissons
montrer qu'une chose : c'est que 1'auteur, entranscri- par ailleurs. Les divers personnages que nous presente
vant les enlretiens, s'est tenu de tres pres a la source le livre de Ruth ont ete peints sur le vif. Rien de plus
ou il a puise. » R. Comely, Manuel d'Introd. historiq. reel, de plus vivant que Ruth, Noemi, Orpha, Booz,
et critiq. a toutes les Saintes Ecrit., trad. franc.,in-12, les femmes de Bethlehem et les difierentes scenes qui
t, i, Paris, 1907, p. 349. decrivent leurs relations reciproques. Voir Oettli,
Ces contradictions des hebrai'sants contemporains sont loc. cit., p. 213-214. L'historien Josephe a insere ce
frappantes, et demontrent que ce genre de preuve peut recit dans ses Ant. jud., V, ix, 1-3, comme reprodui-
devenir Ires facilement subjectif et arbitraire. II est sant des faits reels. Comment aurait-on songe a ratta-
remarquable que les neo-critiques pretendent voir a cher si etroitement le roi David au peuple odieux de
tout instant dans le livre de Ruth des aramaismes, et Moab, si le fait n'eut ete certain?
par consequent des expressions relativement recentes. L'accent de verite qui regne partout est si frappant,
« Le style du livre, dit Cornill, Einleitung, 2e ed., que des critiques rationalistes assez nombreux ont re-
p. 343, a un coloris fortemenl arameen, et presente connu tantot la nature strictement historique de tous
mainte particularite qui denote avec une pressante ne- les evenements racontes, tantot au moins 1'existence
cessite 1'epoque d'apres 1'exil. » Mais il se trouve que d'une tradition ancienne ayant servi de base a 1'ecrit.
les aramaismes mis en avant ne meritent nullement ce C'est ainsi que Kuenen admet partiellement le carac-
nom, et sont ou bien des expressions ordinaires,oudes tere historique du livre, en ce sens que David a eu ve-
archaismes representant le langage populaire du temps ritablement une a'ieule issue du peuple de Moab. Voir
de Ruth. Par exemple,on cite comme arameennes telles Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 2« ed.,
et telles .locutions employees de concert par le livre de p. 239; Bertholet, Die funf Megilloth, p. 53. Kcenig,
Ruth et par ceux des Paralipomenes, de Daniel, d'Es- Einleitung, p. 266, croit aussi qu'il y eut d'abord une
dras, de Nehemie, etc. — celles-ci, entre autres : mar- tradition orale correspondant a des faits reels, que cette
gel6(,in, 7-8, 14, et Dan., x, 1; paras kendfim, in, tradition fut mise par ecrit, puis redigee finalement sous
9, et Ezech., xvi, 8; Idken, I, 13, et Dan., n, 6, 9; sa forme actuelle par un Israelite qui avait de 1'attrait
iv, 24, ndsd' ndsim, i, 4, et II Par., xi, 21; xm, 21; pour les anciens usages et du talent pour peindre les
Esd., ix, 2; qiyyam, « confirmer, » iv, 7, et Esd., ix, caracteres. Mais d'autres neo-critiques ne voient dans
21, etc. — et Ton conclut aussitot, a cause de ces le livre de Ruth qu'un petit roman compose d'une ma-
quelques mots ou tournures, que 1'histoire de Ruth ne niere plus ou moins habile. D'apres J. Wellhausen,
saurait avoir ete composee anterieurement a ces autres Die Komposition des Hexateuchs und der histor.
ecrits. On allegue aussi, comme preuve d'une compo- Bucher des A. Test., in-8", 3e ed., Berlin, 1899, p. 358,
sition recente, le nom divin Sadda'i, employe seul, sans 1'histoire de Ruth n'aurait d'autre fondement que le
etre precede de 'El : ce qui n'a jamais lieu ailleurs passage biblique I Reg., XXH, 3-4, ou il est dil que
dans la simple prose, mais seulement au livre de Job. David, a 1'epoque ou il etait persecute par Saul, emmena
Mais tout cela est fortement exagere. Comme le dit son pere et sa mere a Maspha de Moab, et les mit sous
M. Driver, I. c., p. 427, « ce style dans son ensemble... la protection du roi des Moabites. Selon Budde, dans
ne manifeste aucune marque de deterioration; il dif- la Zeitschrift der altteslamentl. Wissenschaft, 1892,
fere d'une maniere palpable, non seulement de celui p. 37-46,1'histoire de Ruth aurait forme, a 1'origine, une
d'Esther et des Paralipomenes, mais aussi de celui des par tie du « Midrasch du livre des Rois » mentionne
memoires de Nehemie...; il se tient au niveau des II Par., xxiv, 27 (la Vulgate a traduit inexacternent ce
meilleures parties (des livres) de Samuel... Le style est passage). Voir aussi Wildeboer, Die Litteratur des A.
classique dans son entier... En general, la beaute et la Testam., p. 342. C'est Bertholdt, Einleitung insammt-
purete du style (du livre) de Ruth designent d'une ma- liche... Schriften des Alt. und N. Testam., 1812-
niere beaucoup plus decisive (comme epoque de la 1819, 5e partie, p. 2337-2353, qui a essaye le premier
composition) la periode anterieure a 1'exil, que les de demontrer que le livre de Ruth ne serait qu' « une
expressions isolees, sur lesquelleson s'appuie, ne mar- histoire inventee », « un simple poeme », un « tableau
quent la periode qui suivit la captivite. » Le Dr Koenig de famille tout romantique ». Ses arguments se rame-
affirme de mdnle, Einleitung in das A. T., p. 287,que nent a six principaux, que repetent a 1'envi, depuis
« les signes de la periode la plus recente du developpe- bientot un siecle, les interpretes rationalistes. — 1° Les
ment de 1'hebreu font defaut dans le livre » de Ruth. noms des personnages du livre auraient tous une si-
D'apres lui, les for mules hs&c mihi facial Dominus et gnification symbolique, en harmonic avec le role et Ja
hxc addat, I, 17 (onze fois dans les livres de Samuel situation de ceux qui les portaient; ce qui suffirait,
et des Rois), peloni 'almoni (iv, 1; cf. I Sam., xxi, 3; nous dit-on, pour demontrer le caractere fictif du re-
II Reg., vr, 8), la forme archaique du pronom 'anoki cit. E. Reuss, La Bible, t. \n, p. 20, repond tres juste-
(sept fois; deux fois seulement 'ani), 1'emploi constant mentque cette objection « repose sur des etymologies
du pronom relatif 'aser (tandis que 1'abreviation se forcees ou purement gratuites. » En effet, on n'a pas
n'apparait jamais) sont des preuves certaines d'anti- encore reussi a s'entendre sur le sens veritable des
quite sous le rapport du style. Les terminaisons signa- noms de Ruth et de Booz; Elimelech, c'est-a-dire
lees plus haul sont egalement des archaismes, car « mon Dieu (est) roi », n'a rien de particulier pour
elles reproduisent des formes primitives. 1'histoire de Ruth; Md/tionpeut designer aussi bien la
VI. CARACTEBE HISTORIQUE. — La simplicite et la «perfection» que la « langueur » maladive, et il en est
,candeur des recits prouvent en faveur de leur realite de m£me de Kilyion; 'Orfah, que 1'on pretend avoir ete
1279 RUTH ( L I V R E DE) 1280
ainsi appelee parce qu'elle tourna le dos ('dref) a sa generate « pour servir d'illustration aux lois matri-
belle-mere, est plutotun nom synonyme de « gazelle ». moniales des Israelites. » Mais, quoique le recit roule
Voir Kcenig, Einleitung in das A. T., p. 287; Oettli, tout entier autour du mariage de Ruth avec Booz, il ne
Die geschichll. Hagiographen, p. 215. — 2° Tous les ca- met en saillie aucune tendance de ce genre. La ques-
racteres seraient trop parfaits pour correspondre a la tion de la parente des deux conjoints y est tout a fait
realite. Us sont admirables, il esl vrai, mais simples secondaire. S'il avait eu en vue le levirat, 1'auteur
fc\ Tv%Y\vre\& \w\jowcs-, vveti tie montre qu'ils aient ete aurait vraisemblablement rappele la loi de Deut.,
idealises le moins du .monde. L'objection est done en- xxv, 5-10, dans le cours de sa narration. — 2. Selon
tierement gratuite. Orfah, d'ailleurs,n'a pas ete parfaite, Kuenen, Jntrod. histor. et critique, trad, franc., § 96,
quoiqu'on ne puisse lui faire un reproche d'etre restee notes 9et 10, et Godsdienst, t. n,p. 148-149; A. Geiger,
dans son pays. — 3° On a pretendu voir aussi dans le Urschrifl und Uebersetzung, p. 49-55, Wildeboer, Lit-
livre de Ruth des traces d'erudition scientifique, qui teratur des A. Test., § 21, n. 10; Kautzsch, Abriss
demontreraient qu'il est le fruit d'un travail de cabinet. der Geschichte des alttestam. Schrifturns, p. 115-116;
Cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israel, 3e edit., t. r, Nowack, Richter und Ruth, p. 184-185; Bertholet, Die
p. 236; Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, funf Megilloth, p. 51-54, etc., 1'auteur du livre, oppose
p. 236. Mais cette assertion porte a faux, car nulle part, en principe aux mesures de rigueur prises par Esdras
dans le recit, on ne voit les marques d'une erudition et Nehemie contre les mariages que des Juifs nom-
proprement dite. Si 1'auteur signale tel ou tel usage breux avaient contracted avec des femmes de nationalile
ancien, par exemple, iv, 7, s'il met sur les levres des pai'enne, aurait compose cette histoire en guise de pro-
notables un souhait qui rappelle 1'histoire de Lia et de testation. Dans son petit livre, il indiquerait, nous
Rachel, rien ne depasse en cela les limites dela con- dit-on, que parfois une femme etrangere etait digne
naissance d'un Israelite ordinaire. — 4° On a dit encore d'etre incorporee au peuple de Jehovah, et meme d'y
que cette idylle pacifique aurait ete impossible a 1'epoque occuper une place d'honneur. Mais, s'il y a quelque
orageuse des Juges. Cf. Wellhausen, dans Bleek, Ein- chose d'invente ici, c'est bien cette tendance pretendue,
leitung, 4e edit., p. 204; Nowack, Richter und Ruth, Si elle avait existe reellement, il aurait ete beaucoup
p. 181; Bertholet, Die funf Megilloth, p. 50. Mais le plus simple et plus naturel d'opposer a Esdras et a
livre des Juges affirme en termes expres, et a plusieurs Nehemie, non pas le mariage mixte d'un Israelite peu
reprises, Jud., in, 11, 30, etc., que les periodes de connu, tel qu'etait Booz, mais celui de David lui-meme.
paix et d'accalmie furent loin de manquer totalement Cf. I Par., in, 2. D'ailleurs, il est probable que Booz
pendant cette epoque, et 1'histoire de Ruth fut preci- n'aurait pas songe a epouser Ruth, si celle-ci ne se
sement une oasis de ce genre au milieu du tumulte des fut mise sous sa protection en qualite de parente.
invasions etrangeres. — 5° On a pretendu que 1'auteur Ajoutons avec le D r Strack, Einleitung in das A. Test.,
du livre ne connaissait plus le parent le plus rappro- Munich, 1895, 4e edit., p. 137, qu' « un livre d'une
che de Noemi, el que, ne pouvant citer son nom, il fut Epoque si tardive et ayant une telle tendance n'aurait
force de le designer par la vague formule peloni'almoni, jamais pu devenir canonique. » — 3. Le but de 1'auteur
« un certain », iv, 1. Cette circonstance fournirait la aurait ete entierement politique, d'apres la these assez
preuve que 1'histoire entiere a ete inventee. Mais iJ faut etrange de E. Reuss, Gesch. des Alt. Testam.,^" edit.,
remarquer qu'un temps assez long s'etait ecoule entre p. 292-298; LaBible,t. vn, p. 24-27. Ecrit apres la ruine
les evenements et la composition du livre. L'ignorance du royaume des dix tribus schismatiques, le livre vou-
de 1'auteur sur ce point secondaire, suppose qu'elle lait demontrer, sous la forme d'un gracieux roman, a
ait ete reelle, n'a done rien d'etonnant; elle est une ceux des habitants {ui n'avaient pas ete deportes dans
preuve de plus de sa sincerite, car un faussaire n'aurait les provinces, assyriennes, que les rois issus de David
nullement ete embarrasse pour trouver un nom n'etaient passeulement les heritiers du patriarche Juda
quelconque. — 6° Le mariage de Mahalon et de Chelion par 1'intermediaire de Booz, mais qu'ils avaient aussi
avec des femmes moabites aurait ete contraire a la loi des droits tres reels sur le territoire d'Ephrai'm et de
juive, et ce trait prouverait a lui seul le caractere pure- tout le royaume du nord, grace a Obed, fils legal de
ment ideal de 1'histoire. A 1'appui de cet argument, on « 1'Ephraiimite » Mahalon; d'ou il suit que les sujets du
allegue le texte Deut., xxui, 3-4. 11 est vrai que,le droit royaume du nord devaient se rallier aux descendants
de cite en Israel etait a jamais interdit aux Moabites, 4 legitimes de David. On le voit, 1'argument principal, ou
cause du mal qu'ils avaient fait aux Hebreux apres leur plutot l'argument unique de Reuss consiste a regarder
sortie d'Egypte. Cf. Num., xxv, 1-5. Toutefois, 1'inter- le litre 'Efrdti (Vtilgate, Ephrathasi), attribue a Mahalon
diction faite par Moise aux Israelites d'epouser des eta Chelion, Ruth, i,2, comme synonyme d'Ephrai'mite.
femmes etrangeres ne concernait que les Chananeennes. Sans doute, ce mot a quelquefois cette signification,
Cf. Exod., xxxiv, 11-16; Deut.,yi, 1-4. Plus tard, Esdras cf. Jud., xn, 5; I Reg., I, 1; III Reg., xi, i6; mais il
et Nehemie eurent de graves raisons de se montrer ne 1'a certainemenl pas dans le livre de Rulh, ou il
plus severes, et d'interdire formellement a leur conci- designe manifestement les habitants de 1'ancienne
tbyens de conlracter des mariages avec les femmes de Ephrata, c'est-a-dire de Bethlehem. Voir EPHRATA, t. n,
Moab. Cf. I Esd., ix, 1-2; II Esd., xin, 23-29. Mais ces col. 1882. La these est done fausse par sa base; aussi
raisons n'existaient point a 1'epoque de Ruth. M. Reuss n'a-t-il convaicu personne.
VII. BUT DU LIVRE DE RUTH. — Tout le monde est 2° Vrai but de I'e'crivain sacre. — 1. Ce but se de-
d'accord pour reconnaitre que ce livre a ete ecrit dans gage tres visiblement de 1'ensemble du sujet traite,
un but special. Mais, ici encore, les neo-critiques ont comme aussi de la liste genealogique qui termine
emis beaucoup d'idees fausses. — 1° Les fausses ten- 1'ecrit. Le livre de Ruth a etc compose pour conserver
dances. — 1. Bertholdt, Einleitung, t. v, p. 2331-2335, le souvenir d'un touchant episode qui interessait la
disait que le but principal de 1'auteur aurait ete d'eta- famille de David, et pour etablir la serie d'un certain
blir que le mariage du levirat (voir LEVIRAT, t. iv, nombre de ses ancetres. En effet, les livres des Rois
col. 213-216) ou son equivalent etait stricteuent ohli- ne contiennent presque rien sur ces deux points, qui
gatoire, meme a 1'egard d'une parente issue d'une race avaient acquis de 1'importance lorsque la famille de
etrangere. Voir aussi F. Benary, De Hebrxorum levi- David fut devenue famille royale. Cf. I Reg., xvi,
ratu, Berlin, 1835, p. 30. Cette opinion a trouve un cer- 1-13, ete. Celui de Ruth, au contraire, nous renseigne
tain nombre de partisans. Le Dr H. A. Redpath, dans officiellement sur la genealogie du grand roi da-
le Diet, of the Bible de Hastings, t. iv, p. 316, croit rant toute la periode des Juges, puisque Salmon avait
egalement que notre livre a ete compose d'une maniere du etre contemporain de Josue, et il rattache David a
1281 RUTH (LIVRE DE) 1282
Jada par Phares. Le but de 1'auteur est done directe- le canon juif recut la forme qu'il a encore aujourd'hui,
aient theocratique, montrant comment une femme que le livre de Ruth fut place parmi les Hagiographes
d'origine etrangere, nee au milieu d'un peuple pai'en, en general, et specialemeat parmi les cinq Megillof.
hostile et odieux a Israel, cf. Is., xv-xvi; Jer., XLVHI, IX. BEAUTE LITTERAIRE. — Le livre de Ruth est gene-
etait devenue d'une maniere toute providentielle, a ralement admire. On a dit de cette composition que
cause de son amour pour la nation et pour le culte de c'est « une ceuvre d'art exquise, d'un charme inexpri-
Jehovah, 1'aieule du saint roi David. Voir F. Vigouroux, mable ». Ce qui est vrai, a condition de ne pas exagerer
Manuel bibl., 12e ed., t. n, p. 76; Umbreit, dans les le sens des mots ceuvre d'art. Voir Cornill, Einleitung
Theolog. Studien und Kritiken, annee 1834, p. 315- in das A. T,, 2e ed., p. 242. « La variete ne manque
318. — 2. Le but du livre dans 1'intention de 1'Esprit- pas a la poesie des Hebreux, ecrivait A. de Humboldt,
Saint se rattache etroitement a celui de 1'auteur, mais dans son Commentar zum west.-ostlich. Diwan, p. 8,
il va beaucoup au dela. II consiste a fixer, pendant la Cosmos, trad, franc., 1864, t. 11, p. 53-54. Tandis que,
periode marquee par la genealogie finale, la liste des depuis Josue jusqu'a Samuel, elle respire 1'ardeur des
ancetres, non seulement de David, mais du Messie lui- combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un
meme. Cela resulte clairement du passage parallele, tableau de la simplicite la plus naive et d'un cbarme
Matth., I, 3b-5, qui insere sans aucune modification inexprimable. Goethe, a Tepoque de son enthousiasme
Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aieux de N.-S. Jesus- pour I'Orient, 1'appelait le poeme le plus delicieux que
Christ. Les anciens interpretes Chretiens 1'avaient fort nous eut transmis la muse de 1'epopee et de 1'idylle. »
bien compris. Cur scripta est de Ruth historia? se Le card. Gibbons ecrivait de son cote, The Ambas-
demandait Theodoret, In Ruth., t. LXXX, col. 518. Et il sador of Christ, in-42, Baltimore, 1896, p. 232 :
repondait sans la moindre hesitation : Primum propter « La simplicite de la vie pastorale des Hebreux est
Christum Dominum. decrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant
VIII. PLACE DU LIVRE DANS LE CANON BIBLIQUE. — Elle et si conforme a la nature, qu'elle n'est depassee
n'est pas la rneme dans la Bible hebrai'que que dans par aucun morceau d'Homere ou des Eglogues de Vir-
les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hebra'ique, le gile. »
livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq X. BIBLIOGRAPHIE. — Theodoret, In Ruth, Migne,
Megillof ou « rouleaux », qui font eux-memes parlie t. LXXX, col. 517-528; Midrasch Ruth Rabba, publie
de la troisieme categoric des ecrits sacres, les Ketublm dans la Rlbliotheca rdbbinica dek. Wxttvsche, Leipzig,
ou Hagiographes. II vient immediatement- apres le 1883; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. CLXVII,
Cantique des cantiques et precede les Lamentations de col. 1057; Collegium rabbinico-biblicum in librum
Jeremie. Dans les traductions officielles grecque et la- Ruth, publie par J. B. Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi« au
tine, il est place a la suite du livre des Juges, auquel xviii6 siecle: Marcellinus Evangelista, 0. M., Explana-
il se rattache directement par ses premiers mots: place tiones in libr. Ruth, Florence, 1586; Nic. Serarius,
tres convenable, puisqu'il complete 1'histoire des Judices et Ruth, explanali, Mayence, 1609; C. Sanchez,
Hebreux a 1'epoque des Juges, et que, d'ailleurs, celle Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651; J. Khell, De
qui en est 1'heroine vivait a cette meme epoque. II sem- Epocha historic Ruth, Vienne (Autriche), 1756; F. W.
blerait que les Juifs eux-memes lui ont aussi attribue C. Umbreit, Uber Geist und Zweck des Buches Ruth,
primitivement cette place, car Josephe, Cont. Apion., dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308;
1,8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n'en Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus per-
formant qu'un seul. Peut-etre a-t-il etc detache tardi- petuaque interpretatione illustratus, Tubingue, 1856;
vement de sa premiere pface « lorsqu'on 1'affecta a la Auberlen, Die drei Anhdnge des Buches der Richter,
lecture svnagogale et qu'il dut, pour cette raison, faire dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860,
partie des rouleaux officiels. » L. Wogue, Hist, de la p. 536-568; C. H. Wright, The Book of Ruth in Hebrew
Bible et de I'exegese biblique jusgu'd nos jours, in-8°, with a critically rev'iseA Text, wrwws Readings...,
Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fete de la Pen- in-8°, Leip'zig, 1864; C. Hamann, Annotationes cr\-
tecote. Meliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origene, dans ticse et exegeticse in libr. Ruth ex vetustissimis ejus
Eusebe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille interpretationibus depromptse, in-8°, Marbourg, 187J;
de Jerusalem, Cat., iv, 35, t. XXXIH, col. 500, disent A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied im I'r-
formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des text, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8°,
Juges et de Ruth n'etaient comptes que comme un seul. 1879; H. Zschokke, Riblische Frauen, in-8°, Fri-
Saint Jerome fait de meme dans son Prolog, galeat, bourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225; H. F. Kolil-
t. xxvm, col. 553 : Deinde subiexunt Sophtim, id est, brvigge, Verklsering van het JBoek Ruth, in-8°, Utrecht,
Judicum librum, et in eumdem compingunt Ruth, 1886; G. Wildeboer, Die Litteratur des Alt. Testam.
quia, in diebus Judicum facta narratur historia. nach der Folge ihrer Entstehung, trad, du hollan-
Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. ^4postol v xxxvn,t. xxr, dais, in-8«, Goettingen, 1895, p. 341-345; K. Budde,
col. 374. A 1'epoque des Septante, le livre de Ruth etait Vermuthungen zum Midrasch der Konige, dans la
encore range parmi les livres historiques. C'est done Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, t. xn, 1892,
plus tard seulement, durant 1'ere chretienne, lorsque p. 37-51. L. FILLION.
V. - 41
DICT. DE 1A BIBLE.